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Puis-je juger la culture à laquelle j’appartiens ? Quel est la légitimité d’un tel jugement car il semble
que je doive absolument tout ce qui me constitue, et donc mon libre arbitre comme mon esprit
critique, à la culture à laquelle j'appartiens ? Juger sa propre culture, c’est se juger soi-même, c’est-
à-dire émettre une opinion à propos de ce que nous sommes, et il paraît pourtant impossible d’être
à la fois juge et partie. Et en supposant qu’il existe un point de Sirius extra-culturel qui permette de
la juger, ce jugement sur notre culture et donc sur nous-même est-il même compréhensible et
assimilable ? Se pose alors le problème suivant :
Ici, nous parlerons de la culture au sens du socle commun de valeurs, de normes, de croyances et de
pratiques d’une civilisation. Nous nous interrogerons sur la légitimité de l’homme pour juger sa
propre culture comme pour juger les autres, sur quels critères nous devons établir ce jugement et si
il est possible à l’homme de tirer substance de son jugement.
Qui connais mieux une chose que celui qui la vit ? À cela, on répond souvent « personne ».
Si il faut juger la culture à laquelle nous appartenons, nous serions alors les mieux placés pour cela.
Juger sa culture, c’est d’abord se juger soi-même. Alors comment nous juger au mieux, autrement
qu’en connaissant toutes les aspérités de nous-même. Il est extrêmement courant de mépriser un
jugement extérieur au prétexte que cet « autre » ne nous connaît pas autant que nous nous
connaissons, et cela s’applique à la culture. Ainsi, nous rejetons toute critique au prétexte que nous
sommes les maîtres et acteurs de cette culture et donc les seuls véritables juges de celle-ci. Avant de
la juger il faut tout de même la connaître un minima.
N’en déplaise aux multiculturalistes et universalistes, il existe plusieurs cultures, et chacune est
propre à sa civilisation. Charles de Gaulle le disait, « la France est un pays de race blanche, de
culture gréco-romaine et de religion chrétienne » ; voici donc les valeurs de notre société, de notre
culture, de notre civilisation. En reprenant dans l’ordre les mots du Général, ici nul besoin de juger
une race, le début est à la culture. Cette culture gréco-romaine, culture qui façonna toute la
civilisation occidentale comme nous la connaissons aujourd’hui, compta parmi ses rangs le
philosophe Socrate, qui écrivit ceci : « connais-toi toi-même ». Il appelait là à une reflexion sur
notre essence, sur la définition même de l’Homme, et cette connaissance de soi permettrai donc de
se juger. Se connaître permet de nous attribuer à nous-même une valeur et une opinion. Au delà de
se connaître soi-même, connaître l’autre peut également nous permettre de nous juger; la
comparaison amène le jugement.
En comparant les cultures selon la méthode instinctive, c'est à dire sur son avancement
technologique, technique et idéologique, il nous devient possible de hiérarchiser ces cultures, de
juger l’autre et donc de se juger soi-même. Lorsqu’il arriva en Égypte, Napoléon tout comme ses
hommes fut frappé d’une chose, chose que l’Empereur à en devenir fit objet de tout une lettre à son
épouse, Joséphine de Beauharnais. Cette lettre traduisait un étonnement certain, il écrivit ceci : « ils
n’ont même pas de moulins » en parlant des égyptiens qu’il avait rencontré. Napoléon et les soldats
qui l’avait suivi était trop habitué au pain pour s’en passer et enseignèrent aux Égyptiens l’art de
dompter les rivières et de faire du pain. En s’ouvrant à de nouvelles cultures, nous pouvons
constater les différences entre celles-ci et la nôtre, ce qui nous offre alors les outils pour émettre une
opinion et juger notre propre culture. Mais la découverte de nouvelles cultures est-elle réellement
un pas vers l’autre permettant de prendre ainsi du recul sur nous-même, ou est-ce là plutôt la
découverte de nouvelles raisons d’inférioriser l’autre et de se rassurer sur la supériorité de sa propre
culture ?
Jules Lefevre Lundi 6 Décembre
Aussi, si l’appartenance à une culture rend délicate et difficile toute forme de jugement sur
cette culture, cela n’est en rien impossible. Mais pour avoir quelque pertinence ce jugement doit
s’appuyer sur une véritable confrontation avec les autres et sur une analyse et une réflexion qui
s’appuient et se nourrissent d’une véritable culture. Il faut apprendre à avoir du recul sur soi-même,
s’extérioriser et chercher au plus profond de soi ce qui semble le plus rationnel. Après avoir réussi
cet exploit, serions-nous capables de tirer quelque chose de cette réflexion ? Si nous arrivions à la
conclusion que notre culture est réellement bonne, cela inclurait alors que d’autres ne le sont pas et
donc qu’il existerait une hiérarchie, hiérarchie qui pourrait s’avérer comme motrice d’une volonté
de domination. Mais au contraire, si nous arrivions à la conclusion que notre culture est bel et bien
mauvaise ou inférieure à une autre, il faudrait alors s’en détacher et cette idée là conduit à un
nihilisme suicidaire. Nous en voyons les effets directs aujourd’hui, tout ce que Nietzsche avait
annoncé : « Ce que je raconte, c’est l’histoire des deux prochains siècles. Je décris ce qui viendra,
ce qui ne peut manquer de venir : l’avènement du nihilisme. » et on peut rapidement le définir
comme ceci « soupçon [de suicide] qui pourrait facilement mettre les générations futures dans
l'effrayante alternative : "Ou bien supprimez vos vénérations - ou bien supprimez-vous vous-
mêmes ! Le dernier terme serait le nihilisme ; mais le premier, ne serait-ce pas également - le
nihilisme ? », extrait du Gai Savoir. Aujourd’hui, la doxa est à la détestation et à l’abandon de sa
propre culture sur bien des aspects, le désir de l’altérité sans jamais vraiment la définir, en outre, un
profond désir de suicide philosophique.
Ainsi la culture est cette dimension paradoxale de l’humain qui semble à la fois l’enfermer et lui
donner la possibilité d’une libération. La culture est à la fois l’obstacle au jugement que je peux
porter sur elle et le moyen de surmonter cet obstacle.