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Bilan d'un siècle


de politiques éducatives
au Niger
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Collection Educations et Sociétés


dirigée par Louis Marmoz

La collection Educations et Sociétés propose des ouvrages, nés de


recherches ou de pratiques théorisées, qui aident à mieux comprendre le
rôle de l'éducation dans la construction, le maintien et le dépassement des
sociétés. Si certaines aires géographiques, riches en mise en cause et en
propositions, l'Afrique subsaharienne, l'Europe du Sud et le Brésil, sont
privilégiés, la collection n'est pas fermée à l'étude des autres régions,
dans ce qu'elle apporte un progrès à l'analyse des relations entre l'action
des différentes formes d'éducation et l'évolution des sociétés.
Pour servir cet objectif de mise en commun de connaissances, les
ouvrages publiés présentent des analyses de situations nationales, des
travaux sur la liaison éducation-développement, des lectures politiques de
l'éducation et des propositions de méthodes de recherche qui font
progresser le travail critique sur l'éducation, donc, sans doute, l'éducation
elle-même...

Déjà parus

Claude ASSABA, Vivre et savoir en Afrique, 2000.


Françoise CHÉBAUX (Éd.), Françoise Dolto et l'éducation, 1999.
Françoise CHÉBAUX, La question du sujet entre Alain Touraine et
Françoise Dolto, 1999.
Vincent LEMIÈRE, La conception sartrienne de l'enfant, 1999.
Alain MOUGNIOTTE, Pour une éducation au politique, 1999.
Mathias RWEHERA, L'éducation dans les "pays les moins avancés" :
quelle marge de manœuvre, 1999.
Éducation comparée, les sciences de l'éducation pour l'ère nouvelle,
1998.
Madana NOMA YE, L'éducation de base au Tchad, 1998.
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Olivier MEUNIER

Bilan d'un siècle


de politiques éducatives
au Niger

L'Harmattan L'Harmattan Inc.


5-7, rue de l'École Polytechnique 55, rue Saint-Jacques
75005 Paris - FRANCE Montréal (Oc) - CANADA illY 11(<)
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Ouvrages déjà publiés par l'auteur :

Les routes de l'islam: anthropologie politique de l'islamisation œ


l'Afrique de l'ouest en général et du pays hawsa en particulier du
Vlllo au XIXo siècle, Paris, L'Harmattan, coll. Études africaines,
1997, 203 p.
Dynamique de l'enseignement islamique au Niger (le cas de la ville
de Maradi), Paris, L'Harmattan, colI. Études africaines, 1997,
283 p.
Les voies de l'islam au Niger dans le Katsina indépendant du XIXO
au XXOsiècle (Maradi, pays hawsa), Publications scientifiques du
Muséum, Mémoires de l'Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme,
tome XXXV, Paris, 1998, 235 p. (8 planches photos).

@ L'Harmattan, 2000
ISBN: 2-7384-9036-0
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À Anaïs et Valentin
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Introduction

Si nous considérons l'école comme le lieu dans lequel


une culture se transmet et se transforme, cette institution apparaît
alors comme le véhicule idéologique d'un système politique qui,
dans les États africains caractérisés par un agrégat de groupes
sociolinguistiques souvent hétérogènes, tient à assurer une
cohérence qui se manifeste souvent sous la forme imagée d'une
société globale. L'école représente également le lieu par lequel
de nouvelles fonctions et de nouveaux statuts peuvent être
distribués auprès des jeunes générations, favorisant ainsi
l'émergence de classes sociales et d'une bourgeoisie d'État qui
se constitue comme la clé de voûte d'un système parallèle à
ceux qui fonctionnaient déjà avant, «traditionnellement », chez
les différents groupes socioculturels de chaque État africain.
Suite à une situation coloniale parfois singulière selon les États
et au sein de ceux-ci les régions, tous les groupes socioculturels
n'ont pas bénéficié de la même manière de cette
« acculturation bienfaitrice» qui forma les futurs cadres
africains aux exigences du modèle de l'État colonial. En
fonction du niveau d'acculturation de ces groupes, certains ont
échappé tout du moins partiellement à cette violence
symbolique, en refusant l'école ou en donnant à leurs enfants
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par le biais d'une éducation « coutumière» parallèle, les moyens


de résister à cette dérive culturelle vers le monde des «Blancs» ;
d'autres au contraire, se sont laissés entraîner consciemment ou
non, afin de profiter de cet apport culturel extrinsèque à leur
monde, en abandonnant progressivement des pans entiers de
leur propre système culturel, quitte à inventer une nouvelle
conception culturelle, dont le modus vivendi s'apparente au
fonctionnariat africain et à sa propre reproduction.
Depuis les années 1980, ce modèle de société globale ou
nationale «surfonctionnarisée» a atteint ses dernières limites,
l'économie des pays africains ne permettant pas de faire face au
déficit budgétaire de la fonction publique, et ce sont souvent les
instances internationales telles que la Banque mondiale ou le
Fonds monétaire international, qui prennent le relais de l'État,
afin d'opérer un certain nombre de réajustements structurels
dans ses différents ministères, à commencer par celui de
l'Éducation nationale, en proposant moyennant un déblocage
de fonds pour l'avenir immédiat, un certain nombre de «plans
d'ajustement» afin de réduire les déficits. Les années 1980 à
1990 représentent pour de nombreux pays subsahariens la
remise en cause d'un certain nombre de privilèges accordés aux
élèves du secondaire et du supérieur à savoir, l'obtention de
bourses d'études bien plus élevées que le salaire minimum, des
facilités pour le logement et le transport, et surtout l'embauche
systématique dans la fonction publique à la sortie du système
scolaire. Ainsi, suite à cette crise du système scolaire, le niveau
de vie de ces élèves et de ces étudiants a chuté rapidement avec
la diminution voire la suppression d'une grande partie de leurs
avantages; la mise en place d'un concours d'entrée pour la
fonction publique a eu pour conséquence immédiate l'extension
du chômage aux jeunes diplômés. Le consensus qui s'était
tacitement établi en faveur de l'école nationale lors des
indépendances entre les populations et les groupes politiques qui
se sont succédés à la tête des États africains est donc remis en
cause, comme en témoignent les manifestations des élèves, des
étudiants et des enseignants - qui subissent également cette crise
(arriérés dans les salaires, manque de moyens voire de locaux
pour enseigner, etc.) -, qui ont été le plus souvent à l'origine

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d'une virulente critique des politiques menées par les États, mais
également d'une remise en cause de leur légitimité.
En effet, l'arbitraire culturel, politique et idéologique que
l'école véhiculait jusqu'alors en socialisant les jeunes
générations, et qui a pu être établi suite à ce consensus, est remis
en question puisqu'elle continue à provoquer une acculturation
chez les groupes sociolinguistiques qui ont pu conserver, tout en
l'adaptant parfois aux nécessités du monde moderne, leur
propre système de valeurs, de pratiques et de représentations. Ce
sont souvent les conférences nationales qui, en réunissant tous
les acteurs du système scolaire, ont permis d'élaborer une
réflexion sur l'école nationale afin de voir ce qu'il fallait garder
ou changer pour l'école de demain, puisque le fonctionnariat
n'était plus sa seule finalité. Ce qui peut paraître équivoque,
c'est que depuis les années 1960, des rapports émanant à la fois
des services de l'Éducation nationale et des chercheurs
«indépendants », ont fait part des mêmes préoccupations pour
l'enseignement en proposant de mettre en place des réformes
afin de « relier l'école à la vie », de faire en sorte que l'école soit
en adéquation avec le milieu tout en préparant l'élève à «la
modernité ». Nous pouvons constater que les réformes sont le
plus souvent à l'ordre du jour lorsqu'elles ne peuvent être
évitées, dans l'urgence de la situation. Actuellement, les
conditions de leur réalisation devraient être réunies puisque
toutes les parties prenantes qui en ont été avisées sont
consentantes et que les objectifs de l'Éducation nationale
peuvent être conçus par référence à un projet national.
Cependant, il n'est pas toujours aisé de trouver un juste équilibre
entre l'identité nationale et l'identité collective des différents
groupes socioculturels présents dans un État. De même, entre la
nécessité de rattraper le retard économique en formant des
cadres utiles pour la prospérité de la nation et la volonté de ne
plus être acculturé - c'est-à-dire de maîtriser suffisamment sa
culture « maternelle» afin de pouvoir distinguer ce qui relève de
celle-ci et de la culture nationale, d'être capable de s'ouvrir à
l'universel ayant acquis la conscience de soi -, il est difficile
pour les nations africaines de mettre en place un projet de

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société qui se constitue comme de un nouveau consensus ou un


contrat social.
Par ailleurs, la situation économique des États africains ne
leur permet pas d'être véritablement autonomes dans le choix de
leurs stratégies éducatives: ils restent dépendants des bailleurs de
fonds qui imposent souvent des projets éducatifs forts différents
de ceux sur lesquels un consensus entre l'État et les populations
a été établi. Ces projets issus du travail des technocrates et des
consultants de la Banque mondiale par exemple, favorisent à la
fois le désengagement des États africains dans le domaine de
l'éducation et le développement de l'enseignement privé. Cela a
pour conséquence de donner aux familles dont le capital
scolaire et/ou le capital économique sont importants, de plus
grandes opportunités pour scolariser leur progéniture. Par
contre, pour la grande majorité des populations, c'est-à-dire les
plus humbles et/ou ceux qui habitent dans des zones rurales
éloignées des centres urbains où se développe l'enseignement
privé, cette politique les contraint à choisir pour leurs enfants
entre un « enseignement public au rabais» (absence de matériel
pour travailler, manque de motivation de l'enseignant, fort degré
d'acculturation, etc.) et pas d'enseignement du tout, du moins
dans les écoles reconnues par l'État. Cette situation favorise
également l'émergence de différentes stratégies socio-éducatives
chez les parents d'élèves qui peuvent faire recours à l'éducation
formelle, c'est-à-dire celle qui suit les programmes officiels, à
l'éducation non formelle qui comporte un programme de
formation, l'inscription des élèves et un certificat ou un diplôme
délivrés après évaluation des apprentissages, et à l'éducation
informelle qui ne présente pas toutes les caractéristiques de
l'éducation non formelle, comme la plupart des écoles
coraniques. Cet accroissement des disparités régionales est
souvent accompagné de disparités sexuelles (filles moins
scolarisées que les garçons) et socioculturelles (certains groupes
sont sous-scolarisés parfois par manque d'infrastructures et de
moyens de communication, parfois par rejet d'une institution
scolaire favorisant l'acculturation et la désagrégation du lien
social communautaire nécessaire aux rapports sociaux de
production). Mais si l'offre scolaire se diversifie et se

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différencie, c'est également le cas de la demande éducative des


parents d'élèves. Et parfois, ce sont ces derniers qui mettent en
place leurs propres écoles, ce qui permet de dévoiler quelles sont
leurs véritables stratégies éducatives pour leur progéniture et de
quelle manière ils appréhendent la double dialectique «tradition
/ modernité» et « identités locale / nationale / internationale ».

Comme la plupart des pays francophones de la région


subsaharienne, le Niger a suivi cette «évolution type» en
matière de scolarisation. Ce pays qui présente aujourd'hui les
taux de scolarisation et d'alphabétisation les plus faibles de la
planète essaie pourtant de redresser sa situation scolaire malgré
les nombreuses contraintes géographiques (enclavement,
sécheresse, aridité, etc.), démographiques (exode rural, etc.),
économiques (dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds,
concurrence du Nigeria voisin, chute du cours de sa principale
richesse minière: l'uranium, etc.) qui pèsent sur lui.
Afin de mieux comprendre comment cette situation de
crise de l'éducation formelle a pu s'installer dans cet État - à
l'image de la plupart des pays francophones subsahariens -,
nous allons examiner les politiques de scolarisation au Niger, de
l'occupation coloniale à la IYo République (1999). Nous
tâcherons de montrer notamment comment il y a eu production
historique d'une culture nationale à partir de l'école française,
et quelles en ont été les conséquences: si les objectifs de l'école
coloniale ont été atteints, est-ce le cas de ceux de l'école
nationale - c'est-à-dire nigérienne - qui reste quant à elle
tributaire du système culturel occidental qui l'a constituée et qui
continue à être antinomique aux cultures nigériennes, ne serait-
ce par la non-utilisation des langues vernaculaires? Cependant,
ne devons-nous pas reconnaître que cette école nationale a
permis à plusieurs générations d'élèves d'accéder à la
compréhension de nouveaux savoir-faire, de nouvelles
techniques, mais aussi d'autres cultures, par le biais des
connaissances qu'elle continue à véhiculer? Une nouvelle
identité collective nationale pourrait se mettre en place si dans
les programmes scolaires, les principaux savoir-faire et
connaissances des groupes socioculturels qui peuplent le Niger
Il
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étaient pris en compte, sans que cela ne soit limité aux langues
vernaculaires. L'enseignement manuel, technique et artistique
notamment pourrait être pris davantage en considération, non
seulement parce qu'il est avec les langues nationales le meilleur
moyen de relier l'école à la société, mais aussi parce qu'il
pourrait prédisposer les élèves à choisir davantage les filières
techniques et technologiques, les autres ne proposant plus
vraiment de débouchés. Mais pour cela, il faudrait déjà
développer ces filières, pour ne pas dire les créer, puisque le
Niger ne possède pour l'instant que deux établissements
techniques et professionnels (le lycée technique Dan Kasawa de
Maradi et le lycée Issa Béri de Niamey). De même, il serait
judicieux de créer un enseignement supérieur technique au
Niger qui soit en adéquation avec les besoins et les capacités
économiques du pays.

Nous allons donc examiner comment l'école nigérienne


essaie de devenir le lieu de production d'une culture nationale
après avoir été celui d'une culture française, en analysant les
politiques de scolarisation qui ont été successivement mises en
place au Niger, tout d'abord par la France, puis par l'État
nigérien et les organismes internationaux (F.M.I. et Banque
mondiale). TI s'agira également d'analyser les conséquences de
ces politiques sur les populations nigériennes et de mettre en
évidence leurs limites.

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200.000 à 1.000.000 d'babitanta

100.000 il 200.000 hahitants

oo 50.000 à 100.000 babitanta

20.000 à 50.000 habitanœ

o 100km
--

Centres urbains au Niger


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Première partie

De la France à la colonie du Niger


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L'enseignement dans la politique coloniale française


résulte d'une stratégie de contrôle des classes indigènes
dominantes (notables et chefferies) afin qu'elles servent de relais
à l'administration coloniale: ainsi l'enseignement est sélectif,
destiné à l'élite, mais il est aussi orienté en fonction des besoins
en commis du régime colonial. TI s'agit également de franciser
ces élites traditionnelles, de leur dispenser une éducation en
rapport avec la culture française afin de les acculturer et ainsi les
transformer en collaborateurs. Si la première école française est
ouverte à Saint-Louis (Sénégal) en 1817 par un instituteur de
Dijon, il faudra attendre 1902 pour que la première école le soit
à Niamey, 1912 pour la première école régionale à Zinder, et
1922 pour la deuxième école régionale à Niamey. Ce n'est qu'à
cette date (1922) que le Territoire Militaire du Niger devient
Colonie du Niger, autrement dit que les enseignants
commencent à être des civils qualifiés pour enseigner. Ce n'est
qu'en 1945 que le Niger reçoit son premier établissement de
formation des maîtres à Kollo (près de Niamey) où sont formés
des maîtres pour les écoles rurales, trois ans après le Certificat
d'études. C'est seulement en 1947 qu'apparaissent les
premières écoles nomades. Ainsi, ce n'est que de 1945 à 1960
que se met en place au Niger une politique de scolarisation,
quoique toujours dirigée essentiellement vers les élites locales:
de 1948 à 1960, le nombre d'élèves du primaire passe de 4.500
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à 21.000, ce dernier chiffre correspondant à un taux brut de


scolarisation de 3,6 % ; quant à l'enseignement secondaire, il ne
totalise que 1.040 élèves en 1960. Si dans un premier temps les
notables et les chefs du Niger envoient à l'école coloniale des
enfants d'esclaves ou de basses conditions à la place des leurs, ils
comprennent plus ou moins vite l'intérêt que représente pour
eux cette nouvelle institution: se maintenir dans la classe
dominante du pays qui devient francophone et francophile.

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Chapitre I

L'école: un instrument de conquête morale et


intellectuelle dans la politique coloniale en Afrique
Occidentale Française (A.O.F.)

Si la guerre est le prolongement de la politique par


d'autres moyens selon Karl Von Clausewitz1, nous allons
montrer, dans cette partie introductive, que l'école est le
prolongement de la guerre et donc de la politique par d'autres
moyens.
La première institution scolaire officielle d'A.O.F. date de
1817: il s'agit d'une école primaire à Saint-Louis qui a été
ouverte par un instituteur de Dijon, recruté et payé par le
gouvernement central et mis à la disposition du gouverneur du
Sénégal. Néanmoins, le gouvernement se contente
essentiellement de subventionner les écoles des missions
catholiques. TI va même jusqu'à soutenir à Saint-Louis un
séminaire pour la formation des prêtres. TI faut attendre 1854
lorsque Faidherbe devient gouverneur du Sénégal pour que
l'enseignement commence à être pris en compte dans la
politique coloniale. Il fonde en 1857 une nouvelle école laïque
au Sénégal. La première école laïque de Guinée est ouverte en
1878, celle du Soudan en 1882, celle de la Côte d'Ivoire en
1893 et celle du Niger en 1902 ! Si le processus d'implantation
des écoles coloniales est encore lent jusqu'à la fin du XIXo
siècle, des militaires comme le lieutenant-colonel Humbert en
1891 sont persuadés que les conquêtes militaires ne suffisent pas
pour garantir dans la durée la présence française en A.O.F. et
1
Karl Von Clausewitz, De la guerre, Éditions de minuit, 1988, 759 p.
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qu'il est pour cela nécessaire d'effectuer un autre genre de


conquête, cette fois-ci morale et intellectuelle par le biais de
l'école:

«L'avenir du Soudan Français, au point de vue de sa mise en œuvre,


dépend en grande partie de la façon plus ou moins heureuse dont nous aurons
façonné les populations qui le peuplent. Or l'assimilation morale et matérielle
à notre civilisation repose presque entièrement sur l'éducation et l'instruction
que nous saurons inculquer aux jeunes générations indigènes» 2.

Dès 1897, l'apprentissage de la langue du colonisateur est


alors considéré comme la première étape de cette acculturation
jugée nécessaire pour maintenir durablement la présence
française en A.O.F. :

«Nous sommes en présence d'une population dont, après la conquête


militaire, la conquête intellectuelle et morale est notre objectif. TI faut donc
tenter de la rapprocher de nous, de la modeler successivement, de nous emparer
de son esprit, de lui imposer notre marque, notre empreinte particulière.
L'instrument obligatoire de transformation est naturellement le langage. Il faut
apprendre notre langue aux indigènes» 3.

L'objectif de cette scolarisation est avant tout politique:


rapprocher les indigènes des idées et des valeurs de la France,
donner une place prépondérante et un statut de supériorité à la
culture française par rapport aux cultures africaines. La
formation des cadres indigènes pour qu'ils deviennent des
auxiliaires efficaces et dévoués de l'administration coloniale est
considérée comme secondaire:

« S'il est juste et naturel d'attendre des écoles françaises des bénéfices
immédiats, c'est-à-dire si par leur moyen nous devons pouvoir trouver les
employés indispensables aux différents services de l'État, au commerce et à
l'industrie, ce serait une erreur de croire que c'est là le but principal à

2
Cité par BOUCHE (D.), «Les écoles françaises au Soudan à l'époque de la
conquête (1884-1900) », Cahiers d'Études Africaines, VI, 1966.
3
De Trentinian, Circulaire 140, 19 avril 1897, Dakar, réf. 15G160.

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poursuivre. En réalité, nous l'avons vu, les écoles sont créées pour répandre
notre civilisation, instruire les indigènes des droits et des devoirs des individus
dans la société, faire découvrir à quelques-uns les splendeurs de la philosophie,
de la science et de l'histoire, les amener tous au respect et à l'amour de notre
belle patrie française» 4.

Ainsi, cette conception de l'école coloniale se rapproche


le plus possible de celle de la métropole. Contrairement aux
écoles anglaises qui s'expriment par leur grande variété,
l'enseignement français reste uniforme et forme les élèves
africains comme de véritables petits Français. Il s'opère donc un
changement brutal dans la conception de l'éducation africaine:
alors que traditionnellement celle-ci a pour objet la transmission
de l'héritage culturel aux nouvelles générations et donc sa
conservation, l'école coloniale veut imposer une rupture avec le
passé, transformer le style de vie de l'indigène afin qu'il
participe, consciemment ou non, à la propagation de l'idéologie
coloniale au sein de sa famille et de sa communauté. Mais
comme l'indique De Trentinian, gouverneur du Soudan dans sa
circulaire5 de 1897 adressée aux différents commandants de
cercle, le recrutement des élèves est sélectif: il doit s'effectuer
essentiellement dans les familles de notables et de gens influents,
car une fois que l'élève a fini sa scolarité, il doit être replacé
dans le milieu indigène et dans son pays d'origine afin qu'il
« devienne fatalement, de plein gré ou à son insu, un véritable
propagateur de nos idées et de notre influence ». Il ne s'agit
donc pas tout à fait de l'école laïque telle qu'elle a été pensée
par Jules Ferry qui se met progressivement en place en A.O.F.,
mais d'un instrument de nature idéologique destiné à « aliéner»
les familles dominantes à l'administration coloniale, et donc à
exclure celles de basses conditions. La hiérarchie sociale
existante doit donc être respectée et conservée, il faut éviter la
fabrication de « déclassés».
Il peut être alors assez surprenant de constater que le
cadre général d'orientation de l'école en A.O.F., tel qu'il est

4
Idem.
5
Ibid.

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défini par les arrêtés6 de novembre 1903, soit dénué de toutes


prescriptions explicitement idéologiques. De plus, Roume,
gouverneur général de l'A.O.F. de 1902 à 1908, se contente
d'officialiser une situation scolaire qui n'est guère transposable
en dehors du Sénégal. Les enseignements reconnus sont les
suivants:
Un enseignement primaire élémentaire donné
dans les écoles de village, les écoles régionales et les écoles
urbaines; un enseignement supérieur primaire à l'école
Faidherbe de Saint-Louis.
Un enseignement professionnel dispensé dans
des écoles élémentaires professionnelles et dans l'école
supérieure professionnelle de Pin et-Laprade à Dakar.
Un enseignement préparant les futurs
enseignants du primaire à l'école normale de Saint-Louis.
Le projet reste vague: il comporte la laïcisation de
l'enseignement, une orientation générale pour l'A.O.F. et un
mode de structuration de type assimilateur. Néanmoins dans un
rapport? concernant la situation de l'enseignement en 1906, il
devient plus précis. Il insiste notamment sur l'aspect pratique de
l'instruction qui doit être en adéquation avec les nécessités
économiques des colonies. Il a comme objectif de donner à
l'élève les moyens d'assurer son existence une fois qu'il aura
terminé sa scolarisation. Les écoles professionnelles doivent
préparer dans ses diverses sections (infirmiers, télégraphistes,
ouvriers à fer et à bois, tailleurs de pierre, agriculteurs) une main
d' œuvre nécessaire au développement économique qui réclame
avidement de nombreux ouvriers industriels et agricoles
expérimentés. 'Il est, bien entendu, hors de question que des
Européens se livrent à ce genre de travail manuel jugé trop
fatiguant. Les enfants des familles dominantes africaines restent
privilégiés avec des écoles qui leur sont propres et dans
6
Notamment l'arrêté n0806, organisant le service de l'enseignement dans les
colonies et territoires de l'A.O.F., du 24 novembre 1903.
7
Rapport d'ensemble sur la situation de la colonie en 1906, Gouvernement
général de l'Afrique Occidentale Française, Colonie du Haut-Sénégal et Niger,
Bordeaux, Imprimerie G. Gounouilhou, 1909, 198 p. (Documentation
Française)

22
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lesquelles on les destine à devenir des intermédiaires de


l'administration dans la gestion des colonies:

«L'école des fils de chefs reçoit de tous les points de la colonie de


jeunes élèves qui pourront plus tard exercer sur leurs congénères une partie de
l'autorité que nous leur déléguons à titre d'intermédiaires pour faciliter
l'administration du pays. Notre influence ne peut que gagner en effet a être
propagée par des jeunes gens instruits, familiarisés avec notre état d'esprit et
qui pOUITontcommuniquer sans interprètes avec les commandants de cercles. À
l'égard des indigènes qu'ils sont appelés à diriger et de qui ils ont la confiance,
ils seront de précieux éducateurs. »8

L'hypothèse selon laquelle les fils de chefs seraient otages


et garants de la collaboration de leurs pères, si elle a été parfois
plausible au début de la colonisation, ne l'est plus maintenant. Il
s'agit de leur octroyer par le biais de l'école coloniale une
garantie de rester au-dessus de la masse, tout en exerçant un
certain pouvoir qui leur est délégué par l'administration
coloniale. fis bénéficient en effet d'une formation spéciale à
l'école normale de Saint-Louis9 dans laquelle on leur dispense
des enseignements sur le droit constitutionnel français,
l'organisation administrative en A.O.F. ainsi que la comptabilité.
Pour les autres élèves de naissance ou de condition plus
modestes, lorsqu'ils sont scolarisés, une sélection est effectuée en
fin de cours élémentaire où les meilleurs d'entre eux ont accès à
l'école régionale. Ensuite, alors que certains sont orientés vers
une école professionnelle, d'autres peuvent accéder, et
seulement à ce moment-là, à une école de fils de chefs:

« Les écoles régionales créées dans les grands centres sont dirigées par
des instituteurs européens; leur régime ordinaire est l'internat. Elles reçoivent
les jeunes élèves recrutés dans les écoles primaires des cercles environnants et
déjà pourvus des premiers éléments d'instruction. Leurs programmes
comportent un degré d'enseignement plus développé et mettent en mesure les

8
Idem.
9
L'arrêté du 27 mai 1922 institue l'école des fils de chefs et des interprètes de
Saint- Louis.

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jeunes élèves de suivre plus tard avec profit les cours des écoles des fils de chefs
ou professionnelles de Kayes. »10

C'est en diffusant le modèle de l'école française que


l'administration coloniale souhaite obtenir l'adhésion et le
concours des indigènes à l'œuvre «civilisatrice» de la France
qui ne doit plus être imposée par la force mais sollicitée par eux.
n s'agit donc d'éveiller leurs consciences et donc d'améliorer
leur sort :

« Nous en avons accompli la partie matérielle puisque, grâce à nous, la


paix règne dans notre domaine africain, la liberté individuelle est partout
respectée, et la justice assure la protection efficace des droits de tous. Nous
réaliserons la partie morale de l'œuvre en éveillant les sentiments de la
personnalité et de la dignité humaine dans les consciences trop longtemps
oppressées par le joug des lourdes servitudes. C'est l'instruction qui réalisera
cette dernière libération.» 11

Ainsi, suite à la colonisation militaire, les Français seraient


venus libérer les Africains de leurs conditions misérables en leur
apportant le savoir par le biais de l'école, afin de leur permettre
de devenir civilisés. Répandre en effet ce discours démagogique
au sein de l'école devrait ancrer dans la conscience africaine une
acceptation de la situation coloniale. La « conquête morale» de
populations auparavant soumises par la force devient le but de
l'école coloniale. C'est bien sûr dans le programme d'histoire
que la colonisation de l'A.O.F. se trouve pleinement justifiée :

« ... notre programme d'histoire se répartit en trois groupes de faits et


d'idées:
l°La puissance française: ses origines historiques et géographiques,
les phases principales de son développement, ses manifestations diverses dans
le passé et dans le présent, la place et le rôle de la France dans le monde;
20L'Afrique occidentale française l'Afrique occidentale avant la
colonisation (l'instabilité des premiers royaumes noirs, les invasions

10
Rapport d'ensemble sur la situation de la colonie en 1906, Ibid.
11Ib id.

24
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marocaine, arabe et peulh, les prophètes et les conquérants; anarchie, razzias,


esclavage), l'intervention de la France, la paix et le progrès français;
3°L'histoire de la civilisation: les progrès de l'alimentation, du
vêtement, de l'habitation; le feu, les forces motrices, l'outillage moderne, la
lutte contre la fièvre et la maladie; le progrès moral, intellectuel et social. »12

Ayant constaté que le projet du gouverneur général


Roume est inefficient, son successeur William Pont y nomme
Georges Hardy chef du service de l'enseignement de l'A.O.F.
de 1912 à 1922: sous sa direction, le développement de
l'enseignement primaire commence à se mettre en place en
A.O.F. :

«Les écoles élémentaires (écoles de villages, cours préparatoires et


élémentaires des écoles régionales et urbaines), qui sont uniquement destinées
à établir un contact entre les indigènes et nous et à acclimater dans toute
l'étendue de nos possessions les meilleures acquisitions de notre civilisation,
sont largement ouvertes; mais nous veillons à ce que tous les éléments de la
société y soient représentés: nous n'admettons pas que le chef de village n' y
envoie pas ses enfants, nous tenons à ce que notre clientèle ne compromette
pas la réputation de la maison et ne remplace pas l'enseigne par un bouchon. Et
ce sont ces écoles modestes que nous multiplions de préférence, que nous
lançons à la conquête du monde africain.
Dans les autres écoles, ceux-là seuls ont droit d'entrée, de qui la valeur
sociale ou la valeur intellectuelle et morale est certaine. Elles préparent, à plus
ou moins longue échéance, des chefs, des fonctionnaires, qui participeront à
notre autorité et qui doivent être des auxiliaires stirs; elles entretiennent ou
elles forment une aristocratie de la naissance, de l'esprit et du caractère; elles
doivent constituer à la fois une garantie de stabilité sociale et un instrument de
pro grès.
Notre cité scolaire comprend une ville basse et une ville haute, reliées
par de larges ponts. »13

12
HARDY (G.), Une conquête morale: Enseignement en A.D.F., Armand
Collin, Paris, 1917, p. 242.
13
Idem, p.243.

25
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L'école de village représente donc les fondations du


système d'enseignement en A.O.F. ; elle est avant tout conçue
comme un instrument de contact avec les Africainsl4: il ne
s'agit pas de déraciner les indigènes, mais d'établir des rapports
de sympathie avec le plus possible d'entre eux, de les rassurer
sur l'intention de l'administration coloniale. L'école est
considérée comme le lieu dans lequel s'établit «un point de
contact entre des peuples primitifs et un peuple civilisé ». Dans
l'école de village, c'est la quantité et non la qualité des élèves
qui prévaut: les effectifs sont renouvelés par moitié ou par tiers
chaque annéel5: l'école de village n'est pas une école à
diplôme, son but est de sensibiliser les Africains aux intentions
bienfaitrices des colonisateurs. Comme il n'y a pas de véritable
langue véhiculaire dans l'A.O.F., l'enseignement du français
s'impose. Cependant, il doit être aussi simple que possible, sans
prétentions: l'étude du français parlé constitue la plus grosse
partie de l'enseignement. La leçon de langage doit permettre
aux élèves de développer leurs facultés d'observation et de
raisonnement. La leçon de choses est prévue pour améliorer les
conditions matérielles et sanitaires des indigènes, elle les prépare
également à l'agriculture et aux différents métiers: les élèves
travaillent le soir dans le jardin annexé à l'école, des outils
comme le marteau, la scie, le ciseau, le rabot, doivent leur
permettre d'entretenir les bâtiments, le mobilier et la clôture. Les
exercices de calcul ont également une application pratique
immédiate: mesure, pesées, monnaies. Bien entendu, l'école est
toujours considérée comme le véhicule idéologique de
l'administration coloniale: elle doit être «un instrument de
moralisation et de loyalisme. Tout son enseignement est pénétré
d'éducation morale, et le nom de la France est invoqué, toutes
les fois qu'il s'agit d'un progrès réalisé ou d'un progrès
possible».16
Alors que l'école de village a pour but d'établir un
contact avec les populations dites « primitives », l'école

14Annexe à la circulaire du 1ermai 1914, J.O. d'A.O.F., 1914, p. 463.


15
Idem., p.50-51.
16
Ibid., p. 54.

26
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régionale vise quant à elle à former les cadres africains dont le


système colonial a besoin. Les meilleurs éléments de l'école de
village y sont orientés.

« L'école régionale a pour objet:


de compléter l'instruction des fils de chefs qui pourront être
appelés à succéder à leurs pères dans leurs fonctions et de les amener à une
juste intelligence de nos intentions,
de préparer les candidats aux écoles d'apprentissage, aux
cours normaux et commerciaux et le cas échéant, aux grandes écoles
professionnelles et à l'école normale,
de former pour le commerce local, pour les petits emplois de
l'administration, pour les services de vulgarisation agricole des agents
capables de se mettre très vite au courant... »17 .

L'enseignement du français y est plus poussé: l'élève


doit être capable de lire et d'écrire convenablement, et pour cela
il s'entraîne avec des exercices d'orthographe et de rédaction.
En calcul, il maîtrise la règle de trois et acquiert quelques
notions d'arpentage et de comptabilité. L'histoire-géographie
ainsi que les travaux manuels y figurent. L'ensemble des
matières est enseigné en français. Si l'enseignement est plus
théorique, il reste cependant adapté au contexte régional. Après
trois ans d'études à l'école régionale, à la sortie du cours
moyen, l'enseignement primaire élémentaire débouche sur un
certificat de fin d'études qui porte soit la mention «travail
manuel» soit « agriculture ». Les élèves qui en sortent peuvent
alors préparer un concours administratif:
soit le concours d'entrée à l'école primaire
supérieure et commerciale de Saint-Louis, appelée
également École Faidherbe18, où après trois ans de
formation, l'élève sort avec un diplôme commercial ou

17
Circulaire du 1ermai 1914, J.O.d'A.O.F., 1914, p. 470.
18
Il s'agit d'une ancienne école secondaire catholique qui a été laïcisée en
1903. Supprimée en 1906, elle fut recréée en 1916 par un arrêté du gouverneur
général Clozel. Elle devait former des écrivains, des dactylos et des
comptables.

27
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administratif (douanes, poste, travaux publics, secrétaire


général) ;
soit le concours de l'école normale de Saint-
Louis (qui devient l'école normale William Pont y lors de
son transfert à Gorée en 1913), également en trois ans, où
l'élève peut devenir instituteur dans les écoles d'A.O.F., ou
interprète, cadi ou chef après l'obtention d'un brevet de
capacité19.
Les écoles urbaines ouvrent également aux mêmes
concours, mais si elles ont les mêmes structures que les écoles
régionales, elles n'ont pas le même public, celui-ci étant
composé essentiellement de fils de colons et de fonctionnaires
indigènes travaillant en ville. L'aspect moralisateur 0 u
« civilisateur» du programme est bien moindre.
À partir de 1914, des écoles de filles vont se mettre en
place. Si leur utilité se limite à former de bonnes ménagères,
elles se veulent avant tout comme un excellent moyen de
diffusion de la langue française au sein des foyers:

«Quand nous amenons un garçon à l'école française, c'est une unité


que nous gagnons; quand nous y amenons une fille, c'est une unité multipliée
par le nombre d'enfants qu'elle aura. (...) Quand les mères parleront le français,
les enfants l'apprendront sans effort et nous arriverons déjà dégrossis; le
français deviendra pour eux, au sens exact du mot, une langue maternelle. [...]
Nous enseignons le français usuel, un peu de calcul et de système
métrique, exclusivement appliqués à l'établissement du budget domestique et
aux achats quotidiens, mais la plus grande partie du temps de classe es t
consacrée aux travaux de couture, de propreté, à la puériculture, à l' hygiène, à
l'entretien de la maison, et tous ces exercices gardent un caractère pratique,
immédiatement utilitaire; ils ne visent pas à développer des formules ni à
coordonner des préceptes, ils font passer de l'adresse dans les doigts, il s
entretiennent l'enfant dans le désir du mieux-être et la joie des efforts
utiles. »20

19
Article 36 de l'arrêté n0806, organisant le service de l'enseignement dans les
colonies et le teITitoire de l'A.D.F., du 24 novembre 1903.
20
HARDY (G.), Ibid., p. 75 et p. 81.

28
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Ainsi, le caractère pratique de l'enseignement colonial se


présente à tous les niveaux: les femmes doivent devenir de
bonnes ménagères, les hommes être formés utilement aux
nécessités économiques de l'administration coloniale. À côté de
cette filière générale, il existe également une filière
professionnelle qui débouche également sur un certificat
d'études que l'élève obtient après trois ans dans une école
élémentaire professionnelle. Le programme est centré sur
l'apprentissage du métier, il y a donc plus d'heures d'atelier
que d'heures de classe:

« Au cours des études, les élèves sont familiarisés avec tous les outils
essentiels. Tous les genres de travaux leur sont au moins indiqués, et les
exercices sont régulièrement suivis d'applications; il est impossible qu'à leur
sortie ils se trouvent dépaysés dans n'importe quel atelier. On s'attache aussi à
développer leur ingéniosité en même temps que leur habilité et leur
application; on ne craint pas les travaux imprévus, les réparations, les
adaptations occasionnelles, et, tout en suivant de rigoureuses progressions, on
demeure en contact avec les besoins exacts du pays et les conditions réelles de
la vie industrielle.
Mais l'apprentissage manuel ne constitue pas tout l'enseignement. Il
importe que ces ouvriers ne soient pas de lourds copistes et qu'ils prennent
l'habitude de travailler avec intelligence et méthode; il faut prévoir que
certains d'entre eux deviendront un jour contremaîtres ou même s'établiront à
leur compte. C'est pourquoi le croquis coté et le dessin, par exemple, sont
indissolublement liés aux exercices manuels: la pièce à exécuter est indiquée à
grands traits, puis l'ébauche est revue avec soin sous la direction du professeur
de dessin, et quand l'élève prend la scie ou la lime, il voit nettement les
différentes parties de sa besogne: il distingue sans effort les parties
essentielles et les détails; il ne tâtonne pas pour donner à l'objet les
dimensions voulues. Pour les mêmes raisons, les élèves reçoivent des notions
simples de technologie, qui les mettent en mesure de dominer leur métier, d'en
apercevoir les conditions générales et de compléter l'expérience acquise à
l'atelier; c'est du reste un enseignement tout à fait concret, où la mémoire
visuelle est surtout intéressée.
Une partie du temps est aussi consacrée, chaque jour, à l'instruction
générale. Un ouvrier doit savoir écrire une lettre à peu près correcte, établir une
commande ou une facture, prendre quelques notes, manier aisément le calcul

29
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élémentaire et le système métrique; il n'est pas inutile non plus de consolider


et d'adapter au métier ses connaissances d' hygiène et de médecine usuelle;
mais il est surtout nécessaire de continuer à développer son intelligence. »21

Cette filière débouche pour les meilleurs élèves sur


l'entrée à l'école professionnelle supérieure Pinet-Laprade
(transférée de Dakar à Gorée en 1909), qui forme durant trois
ans les maîtres-ouvriers dans diverses sections, comme l'ajustage,
la menuiserie ou le charronage (fabrication des charrettes).
L'enseignement primaire supérieur reçoit donc les
meilleurs élèves des écoles régionales (général et professionnel)
et urbaines à leur sortie du cours moyen. L'instruction générale
des élèves y est étendue, mais c'est leur spécialisation et donc
leur professionnalisation qui y sont entreprises.

En A.D.F., l'instruction scolaire livresque existait avant la


pénétration coloniale des Français. Des écoles dans lesquelles
s'effectuait l'enseignement de la lecture et de l'écriture arabe
étaient présentes dans tous les lieux où l'islam s'était implanté.
Afin de faire admettre l'enseignement de français,
l'administration coloniale va instaurer un enseignement officiel
de l'islam et de la langue arabe:

« ... entre les écoles coraniques et les écoles françaises, on a placé des
écoles franco-arabes ou médersas, destinées à faire oublier celles-là et à faire
admettre celles-ci. [...] Leurs programmes se sont complètement transformés.
Ce ne sont plus des universités musulmanes, ce sont exactement des écoles
franco-arabes, dans lesquelles la langue et les sciences françaises prennent le
pas, de plus en plus, sur la langue et les sciences arabes. Par exemple,
l'enseignement de l'arabe s'y est libéré des méthodes proprement musulmanes,
et il apparaît surtout sous la forme de traductions d'arabe en français, si bien
que la classe d'arabe est en même temps une classe de français.
D'autre part, l'arabe et les sciences arabes, grammaire, prosodie,
théologie, droit, ont cessé d'absorber tout l'emploi du temps; on peut même
dire qu'ils n'y apparaissent qu'à titre de symbole et de souvenir. Ils se mêlent à
l'enseignement du français, du droit, de l'histoire, de la géographie, du calcul,

21
Ibid., p. 97-98.

30
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des sciences usuelles. En un mot, l'arabe a désormais dans le programme des


médersas le rôle et la place que les langues étrangères occupent dans le
programme de nos lycées »22.

En voulant adapter l'enseignement au contexte religieux


et en créant des institutions franco-arabes, l'administration tient
à résoudre un problème d'ordre politique et non pas scolaire. Il
s'agit notamment de permettre aux notables musulmans de
bénéficier d'une formation d'inspiration francophile, de drainer
les aspirations intellectuelles des jeunes musulmans vers les
intérêts français, de concurrencer les écoles coraniques
traditionnelles (où c'est plutôt la récitation que la
compréhension du Coran qui y est enseignée) et de désamorcer
une éventuelle opposition religieuse à la scolarisation française23.
Les médersas n'ont pas les mêmes débouchés que les autres
écoles coloniales: elles forment avant tout les auxiliaires de
l'administration et de la justice coloniale (interprètes, juges et
greffiers des tribunaux indigènes, chefs de collectivité). Or,
comme ces fonctions exigent une connaissance de langue
française parlée et écrite, ne serait-ce afin de traduire les
déclarations des indigènes ou interpréter correctement un texte
juridique, la présence massive du français dans l'enseignement
se justifie.
Le recrutement des élèves destinés à occuper des fonctions
administratives ou judiciaires après leur scolarisation dans les
médersas s'effectue essentiellement auprès des élites africaines,
notamment les notables et les lettrés. TI s'agit de préserver les
structures socio-religieuses et politiques des sociétés indigènes
en permettant une reproduction de la classe dirigeante locale
dans le système scolaire colonial. TI s'agit également de
canaliser, au profit de l'administration coloniale, la soif de
connaissance de l'élite musulmane.
Les premières médersas officialisées et donc transformées
par le système colonial datent du début du XXo siècle. Celle de

22Ibid., p.108-ll0.
23 GENESf (S.) & SANlERRE (R.), L'école franco-arabe au Nord-Cameroun,
Revue Canadienne des Études Africaines, vol. Vill, n° 3, 1974, p. 591.

31
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Djenné au Soudan fonctionne dès 1907 ; c'est également le cas


de la médersa de Tombouctou qui est réorganisée en 1911 avec
la nomination d'un directeur français. Cette dernière comprend
un cycle d'étude sur deux ans, mais c'est plus l'arabe que le
français qui y est enseigné. La médersa de Saint-Louis est créée
par un arrêté de 1908: après une année préparatoire, les élèves
suivent un cycle de quatre ans. L'enseignement est dispensé
pour plus de la moitié en français. Ce sont avant tout et surtout
«des institutions de caractère politique, fort utiles, mais sans
prétentions scientifiques» 24.

Jusqu'en 1918, les filières restent à peu près les mêmes.


Georges Hardy, après avoir établi de nouveaux programmes
pour l'enseignement primaire général en 191425, va compléter
son œuvre en organisant l'enseignement primaire supérieur6,
l'enseignement secondaire et l'enseignement technique
supérieu~.
Auparavant, nous avons vu que les élèves qui obtenaient
un certificat de fin d'études dans une école régionale ou une
école urbaine pouvaient continuer leur scolarité, soit à l'école
Faidherbe, soit à l'école normale William Ponty. Les élèves des
écoles urbaines avaient également le privilège de poursuivre
leurs études dans les établissements secondaires et supérieurs de
la métropole. Le texte de 191828 vise à créer une école primaire
supérieure et professionnelle qui puisse former à la fois des
élèves à l'enseignement technique supérieur et des agents pour
les petits emplois pour l'administration, le commerce et
l'industrie.

24
HARDY (G.), Ibid., p. 40.
25
Circulaire relative au programme scolaire en date du 1er mai 1914, J.O. de
l'A.O.F., 1914, p. 462-482.
du 1er novembre
26
Arrêté fixant l'organisation de l'enseignement en A.D.F.
1918, J.O. de l'A.O.F., 1918, p.572-593.
27
Instruction relative à l'organisation d'un enseignement technique supérieur
et à la formation d'un personnel des cadres généraux subalternes de l'A.D.F. du
1er novembre 1918, J.O. de l'A.O.F., 16 novembre 1918, p. 569-572.
28
Article 20 de l'arrêté fixant l'organisation de l'enseignement en A.D.F. du
1er novembre 1918, J.O. de l'A.O.F., 1918, p.574.

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Un enseignement supérieur musulman est également


organisé29 afin de mieux préparer les interprètes, les juges et les
secrétaires des tribunaux indigènes qui devront officier dans les
régions à dominante musulmane de l'A.O.F.
L'enseignement secondaire n'ayant pas pu se mettre
vraiment en place à l'école Faidherbe, ce n'est qu'à partir de
1918 qu'il devient fonctionnel. Néanmoins, il ne reste ouvert
qu'à une infime partie de la population, l'élite dirigeante et
intellectuelle de l'A.O.F.: «il n'est ouvert qu'à des élèves
payants ou à des boursiers recrutés au concours ». Les
programmes sont les mêmes que ceux de l'enseignement
secondaire métropolitain.
L'enseignement technique supérieur est dispensé dans les
écoles du gouvernement général qui couvrent l'ensemble des
emplois nécessaires à l'administration coloniale. Le niveau de
recrutement est au minimum le certificat de fin d'études.
L'école normale William Pont y continue à former des
instituteurs durant trois années et l'école Faidherbe des agents
administratifs et commerciaux. Mais cette dernière intègre
également des sections préparatoires, pour l'école d'agriculture
et de sylviculture de l'A.O.F. et l'école de médecine et de
médecine vétérinaire de l'A.O.F. L'école professionnelle
supérieure Pinet-Laprade continue à former des maîtres-
ouvriers, mais le niveau de recrutement des élèves est relevé, et
elle forme maintenant en trois ans des géomètres, des
dessinateurs, des surveillants de travaux publics et des ouvriers
d'art. L'école des pupilles mécaniciens de la Marine de
l'A.O.F., créée en 1907, a pour objet de former pendant trois
ans les mécaniciens pour les services publics et l'industrie
privée. À partir de 1918, elle relève de l'autorité du gouverneur
général de l'A.O.F. ; les élèves doivent s'engager à servir au
préalable deux ans dans la marine française. Le cours
d'apprentissage annexé à l'imprimerie du gouvernement
général est créé en 1914: il s'agit de former en trois ans des
ouvriers typographes, des imprimeurs et des relieurs pour les
imprimeries officielles et les entreprises privées. L'école de

29
Article 38 du même arrêté, p. 575.

33
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.
médecine et de médecine vétérinaire de l'A.a.F. est créée en
1918. Ce sont les meilleurs élèves de l'école Faidherbe (puis de
l'école William Pont y à partir de 1921) qui Y sont admis. Elle
forme à l'hôpital de Dakar sur quatre années les aides-médecins,
les sages-femmes, les aides-vétérinaires de l'A.a.F. L'école
d'agriculture et de sylviculture créée en 1918 disparaît en 1919,
suite à des problèmes de recrutement.

Si l'enseignement primaire a pour objectif d'établir un


contact avec les populations indigènes, l'organisation de
l'enseignement primaire supérieur et de l'enseignement
secondaire a pour vocation de former des cadres subalternes de
l'administration coloniale, issus des élites africaines,
aristocratiques et dans une moindre mesure intellectuelles. Si les
premières y accèdent sans réelles difficultés, les secondes sont
soumises à une sélection rigoureuse. Il y a donc une forte
discrimination dans l'accès à l'école, non pas l'école de village
où il y a la plus grande ouverture, mais à partir de l'école
primaire supérieure où l'accès est réservé d'office aux fils de
chefs, et sur mérite pour les autres élèves. La promotion de la
civilisation française et la volonté de mettre en place un
enseignement pratique pour servir les besoins de
l'administration coloniale caractérisent également cette école.
Les écoles de villages ont pour but de favoriser l'acquisition de
la langue française par le plus grand nombre et de donner aux
écoliers des connaissances techniques utiles: il s'agit d'instruire
la masse. Former des auxiliaires de l'administration et donc des
élites africaines d'une manière qualitative est le rôle des écoles
du primaire supérieur et du secondaire: il s'agit ici de dégager
l'élite de l'A.a.F. Néanmoins, si l'administration coloniale
entend instruire la masse avec les écoles de village, on ne peut
pas parler de scolarisation de masse dans les années 1930, les
écoles étant présentes essentiellement dans les villes et les chefs-
lieux de cercle, les villages commençant tout juste à être touchés.

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Les chiffres30 sont assez éloquents: en 1935, sur toute l'A.O.F.,


il n'y avait que 63 250 élèves, dont 13 % de filles, soit un taux
de scolarisation de l'ordre de 3 %.
Si les colonisateurs français ont cherché à maintenir la
hiérarchie sociale préexistante à leur avènement en terres
africaines, et donc à faire perdurer en grande partie une
discrimination sociale, ils n'ont pas en revanche cherché à
établir des discriminations raciales, comme c'était le cas dans les
colonies anglaises. Une étude anglaise31 publiée en 1935 fait
part de cette acculturation réussie au niveau de l'élite africaine
en A.O.F. :

«Ils sont français en tout, sauf par la couleur de la peau. Ils lisent
intelligemment et sont ardents à la discussion, non seulement des œuvres les
plus célèbres de la littérature française, mais même des travaux les moins
connus des philosophes français ... L'ancien élève de William-Pont y est un
produit si réussi que l'éducation qui y est donnée semble une justification
complète de la théorie et de la pratique de l'enseignement français en
Afrique. »

Denise Bouche qui travailla sur cette étude nous révèle à


quel point les systèmes éducatifs dans les colonies anglaises et
françaises étaient différents: alors qu'un Sénégalais pouvait sans
aucune retenue se déclarer fier d'être un citoyen français, cela
était impossible dans l'empire britannique:

«Les Britanniques furent frappés aussi par la façon dont Français et


Africains se mêlaient librement sur les bancs de l'école, au bureau et dans les
casernes. Des Français pouvaient même se trouver subordonnés à un Africain
... L'absence totale de conscience d'une différence raciale entre infirmières
françaises et africaines et le respect témoigné par les infirmières françaises aux
étudiants en médecine africains stupéfièrent les Britanniques. Dans leurs
colonies, il n'y avait de fonctionnaires de haut rang que blancs et un abîme les

30
BOUCHE(D.), "14 millions de Français dans la Fédération de l'Afrique
occidentale française ?" , Revue française d'histoire d'outre-mer, Tome LXIX,
n0255, 1982, p. 100.
31
African learn to be French, p. 47, cité par BOUCHE (D.), Idem., p. 101.

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séparait de leurs subordonnés africains, tandis qu'en Afrique occidentale,


Français et Africains partageaient une même conception française de la
.
vie. »
32

Cette élite africaine francophone et francophile composée


en grande partie de fils de chefs et de notables, ayant assimilé
des notions étrangères à leur milieu par le biais des programmes
scolaires, pourra pleinement jouer le rôle de rouage entre la
population et l'administration que cette dernière lui a destiné.
L'école a donc permis aux colonisateurs français d'effectuer
- plus précisément de produire - la conquête morale et
intellectuelle des élites africaines, et par conséquent d'asseoir
durablement leur domination sur les populations d'une manière
pacifique.

Précisons que l'ensemble des sources utilisées dans ce


chapitre ne doit pas être pris au premier degré dans le sens où il
ne peut y avoir adéquation entre les intentions, les discours, les
textes officiels des colonisateurs et la réalité qui peut être
sensiblement différente d'une colonie à l'autre et à l'intérieur
ce celle-ci d'une région à l'autre (par exemple, l'application des
politiques éducatives ne s'effectue pas toujours aussi bien que ce
qui est établi dans les rapports administratifs).
Ayant cherché à établir comment l'enseignement a été
organisé dans la politique coloniale en A.O.F. durant la fin du
XIXo siècle et le premier tiers du XXo siècle, nous allons
maintenant essayer de comprendre comment cette politique a été
mise en place dans le cadre singulier du Niger et comment elle a
évolué jusqu'à l'Indépendance (1960).

32
BOUCHE (D.), Ibid., p. 102.

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Chapitre II

Dynamique de l'implantation des écoles françaises au


Niger

Nous distinguons trois périodes dans l'implantation des


écoles françaises au Niger: de 1900 à 1922 durant laquelle le
Niger est un territoire militaire et où l'enseignement relève du
domaine de l'improvisation; de 1922 à 1945 durant laquelle la
colonie du Niger est dotée d'une autonomie administrative et
financière et où l'organisation de l'enseignement s'effectue en
fonction des besoins de l'administration coloniale; de 1945 à
1960 durant laquelle les élites africaines prônent l'assimilation
et où le système d'enseignement de type colonial tel qu'il a été
mis en place par Georges Hardy est remis en cause.

1900-1922 : le Territoire militaire du Niger

La singularité politique du Niger au début du XXO siècle


doit être prise en compte pour comprendre le retard en matière
de scolarisation de ce pays par rapport aux autres colonies de
l'A.O.F. Les militaires français viennent tout juste de pénétrer le
Soudan nigérien et il leur faudra deux décennies pour mettre fin
aux résistances des populations33. Les premières «écoles» sont

33
Après les « reconnaissances» entre les zones de colonisation anglaise et
française à la fin du XIXo siècle qui ont souvent été accompagnées par leur
cortège de morts (Capitaine Toutée en 1895, Capitaine Cazemajou assassiné à
Zinder en 1898 par le sultan, mission Voulet-Chanoine en 1899, mission
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donc ouvertes durant la conquête du pays. TI ne s'agit pas à


proprement parler de véritables écoles, mais de divers lieux,
souvent dans l'enceinte des camps militaires, où des sous-
officiers, préposés aux fonctions d'instructeurs, tentent
vainement d'apprendre le français aux indigènes. fi s'agit
essentiellement de « scolariser» les fils de chefs ou de notables
afin que leur «détention» par les militaires puisse refreiner
parfois l'ardeur combative de leurs parents à l'égard des
nouveaux conquérants. Mais l'école va rencontrer une résistance
de la part des parents qui pensent qu'elle va détourner leurs
enfants de leur culture et de leur religion. Elle est d'ailleurs
surnommée l'école des «caffres », c'est-à-dire des mécréants.
Alors, au lieu de donner leurs enfants, ils y envoient ceux de
leurs esclaves ou des gens de très modestes conditions. Quelques
sous-officiers vont donc s'essayer à dispenser un enseignement
dans leurs camps, comme à Doulsou en 1898, Dosso en 1899,
Sorbon Hawsa en 1900, puis Niamey en 1902, Zinder, Tessaoua
et Tahoua en 1903. Mais ces « écoles» n'ont qu'une durée de
vie très courte et ne donnent pas les résultats escomptés. Ainsi, le
lieutenant-Colonel Noë134nous fait part en août 1902, que la
seule école qui fonctionne régulièrement est celle de Niamey.
Mais il précise par ailleurs que celle-ci, créée à l'initiative du
commandant de cercle, est une école professionnelle qui a bien
du mal à former des maçons, des menuisiers et des forgerons.
Le troisième territoire militaire de l'A.O.F. (depuis 1900)
devient le Territoire militaire du Niger en 1904 et dépend du
Haut -Sénégal- Niger jusqu'en 1911 (puis il sera rattaché
directement au gouvernement général de l'A.O.F.) ; il s'étend

Joalland, Meynier et Lamy qui livre la bataille contre Rabah en 1900) et de


nombreux incidents marquent l' histoire du Niger avant sa pacification au début
des années 1920: entre 1905 et 1906, révolte de Saybou en pays zarma ; en
1906, destitution du sultan de Zinder Ahmadou dan Bassa suite à un complot;
entre 1906 et 1914, rezzous de Touareg et de Toubou dans le Kawar; de 1914 à
1916, soulèvement des Touareg Oullimenden; de 1916 à 1917, siège de la
garnison d'Agadès par les troupes de Kaoussen appuyés par des Sénoussistes
venus de Libye.
dans le 3èrœ
34
Lieutenant-Colonel Noël, Rapport sur l'installation d'écoles
territoire militaire, 19 mai 1903.

38
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alors de Tombouctou (Mali) au Tchad. Il est divisé en trois


zones ayant pour chef-lieu: Zinder, Niamey et Tombouctou. En
1904, deux écoles régionales sont créées, l'une à Niamey et
l'autre à Tahoua. Il existe également des écoles à Dosso, Zinder
et Tessaoua, où par exemple, nous avons dans cette dernière ville
13 élèves sous la férule d'un sous-officier35. Les résultats sont
souvent médiocres et ce. n'est, semble-t-il, qu'à partir de 1907,
que les premiers Nigériens de l'école de Zinder commencent à
s'exprimer en français. L'un d'entre eux a même la possibilité
de poursuivre son cursus à l'école régionale, mais celles de
Niamey et de Tahoua ne fonctionnant pas, ses parents refusent
qu'il soit envoyé à Tombouctou. De 1906 à 1910, le seul
instituteur européen a être présent sur l'ensemble du Territoire
militaire du Niger est justement à l'école régionale de
Tombouctou. Durant cette même période, le nombre
d'enseignants (une vingtaine) stagne, et même si trois ou quatre
instituteurs et moniteurs africains sont affectés dans le Territoire,
l'essentiel du personnel enseignant est composé de sous-
officiers. Un rapport de l'inspecteur des colonies de 1909,
témoigne de ces difficultés:

«Au Territoire Militaire, l'administration a fait tous ses efforts pour


développer le nombre des écoles et l'effectif scolaire. Toutefois nous devons
toujours faire appel dans ces régions éloignées au dévouement de maîtres
auxiliaires (sous-officiers). Le recrutement de maîtres de carrière étant encore
très difficile et le nombre d'instituteurs indigènes envoyés à l'école normale
très restreint. Les progrès réalisés dans ces écoles et la fréquentation scolaire
se ressentent nécessairement, de cet état de choses, car ils sont subordonnés
aux aptitudes des sous-officiers chargés des écoles, à leurs nombreuses
occupations, et à leurs changements fréquents de poste. Néanmoins le nombre
d'écoles est passé de 17 à 22 et le nombre d'élèves de 292 à 313. »36

35
Renseignements sur les établissements scolaires publics et privés et sur les
écoles coraniques, 14 avril 1903, Organisation et fonctionnement de
l'enseignement au Haut-Sénégal-Niger, 1903-1919, A.N.F. (réf. J23).
36
Rapport sur l'enseignement. Colonie du Haut-Sénégal Niger, année 1909,
A.N.F. (réf. J23).

39
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Parmi ces 313 élèves, deux d'entre eux, fils du sultan


Barmou de Tessaoua sont envoyés à l'école régionale de
Tombouctou en 1909, deux autres fils de ce même souverain
sont également envoyés à l'école des fils de chef à Saint-Louis37.
La plupart des élèves sont issus de l'aristocratie locale.
Cependant, dans un territoire qui s'étend de Toubouctou au lac
Tchad, ces quelques élèves scolarisés pour la plupart dans des
postes militaires, ne représentent qu'une infime partie des
enfants issus des classes dirigeantes traditionnelles.
De plus, en 1910, le budget du territoire, qui associe par
ailleurs justice et instruction, ne s'élève qu'à 40.000 francs38,
soit deux fois plus qu'en 1905. Néanmoins ces chiffres sont
dérisoires lorsqu'on les rapporte à l'immensité du territoire. TIs
témoignent de l'incapacité de l'administration coloniale à
pouvoir mener une politique éducative dans cette partie de
l'A.O.F.
Suite au décret du 7 décembre 1911, le Territoire du
Niger cesse de dépendre du Haut-Sénégal-Niger: il est
directement rattaché au gouvernement général de l'A.O.F.; il
perd toute la partie occidentale avec Tombouctou et Gao qui
restent attachés au Haut-Sénégal-Niger. Le chef-lieu du territoire
est maintenu à Zinder. Le territoire perd sa seule école régionale,
celle de Tombouctou. En 1912, le Niger n'a plus que deux
écoles, l'une à Zinder et l'autre à Niamey, qui comptabilisent
seulement 44 élèves. Pour faire face à cette situation et étant
donné que l'arrêté de 1903, conçu essentiellement pour les
besoins du Sénégal, est inapplicable au Niger, un nouvel arrêté39
en 1912 vise à réorganiser le service de l'enseignement et à
créer un corps de moniteurs indigènes dans le Territoire du
Niger.

37
MARTY (P.), « L'islam et les tribus dans la colonie du Niger », Revue des
études islamiques, 1931, p. 204.
38
BOUCHE (D.), L'enseignement dans les territoires français de l'Afrique
occidentale de 1817 à 1920, Thèse d'État, Université Paris I, 2volumes, 1975.
39
Arrêté n01632, réorganisant le service de l'Enseignement et créant un corps
de moniteurs indigènes dans le Territoire du Niger, J.O. de l'A.O.F., 1912, p.
706-709.

40
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Il prévoit un enseignement primaire élémentaire et un


enseignement professionnel. Nous retrouvons les écoles de
villages qui comportent un enseignement essentiellement basé
sur la langue française parlée et l'agriculture pratique, puis
accessoirement la lecture, l'écriture et les premiers éléments de
calcul et de système métrique. Ces écoles élémentaires doivent
être ouvertes « dans tous les centres où le nombre et l'état social
des habitants le justifieront» : alors que dans le texte de 1903
qui régit l'enseignement en A.D.F., il Y a création d'écoles
uniquement là «où le nombre d'habitants en justifie la
création », dans le Territoire militaire du Niger, il s'agit aussi de
scolariser en priorité, dès l'école de village, l'élite traditionnelle.
Les écoles « seront, en principe, dirigées par un moniteur, mais
elles pourront l'être par un instituteur indigène toutes les fois
que le nombre et le degré d'instruction des élèves le justifieront.
Dans les localités dépourvues d'instituteurs ou de moniteurs, ces
écoles pourront être dirigées soit par des fonctionnaires, soit par
des sous-officiers ou des interprètes ». Là également, des
disparités non plus sociales mais géographiques interviennent:
la majorité des Nigériens habitant dans des petits villages de
brousse, n'auront pas accès à l'école.
Une école régionale va par ailleurs être créée dans le chef-
lieu du territoire à Zinder. «Elle est dirigée, en principe, par un
instituteur européen pourvu, autant que possible, du certificat
d'aptitude à l'enseignement du travail manuel ». L'éloignement
de Zinder fait que les services du gouvernement général vont
plutôt y affecter des fonctionnaires dont ils désirent se
débarrasser4o. Le programme comprend: la langue française, la
lecture, l'écriture, le calcul et le système métrique, les éléments
de géométrie, le dessin, «des notions sommaires sur l' histoire
moderne et contemporaine de la France dans ses rapports avec
les différentes parties de l' Mrique occidentale et, en particulier,
du Territoire du Niger; des notions sur la géographie de
l'Afrique et, en particulier, du Territoire du Niger; des notions
de sciences physiques et naturelles appliquées à l'hygiène, à
l'agriculture et aux industries locales. » La durée des études est

40
BOUCHE (D.), Idem., p. 656-657.

41
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fixée à trois ans et elle est sanctionnée par un examen qui


permet d'obtenir le certificat de fin d'études. Avec celui-ci, les
élèves iront dans les différents services du Territoire et les
meilleurs d'entre eux seront « suivant les vacances existant dans
le corps, nommés moniteurs stagiaires. TIs accompliront, en cette
qualité, un stage de deux ans pendant lesquels ils seront
employés à l'école élémentaire annexée à l'école régionale de
Zinder et suivront des cours spéciaux qui seront faits par le
directeur de l'école régionale de Zinder en vue de développer
leur instruction pédagogique ». Ce programme qui vise à former
des moniteurs comprend: l'instruction morale et civique, la
lecture, la récitation, l'écriture, la langue et la littérature
française, des notions d'organisation administrative de la France
et de l'A.O.F., l'hygiène, des travaux manuels, l'histoire de la
France étudiée dans ses rapports avec l'A.O.F., les principaux
faits de la colonie, la géographie de la France et de l'A.O.F., des
éléments de mathématiques, des notions de sciences physiques et
naturelles appliquées à l' hygiène, à l'agriculture et aux
industries locales, l'agriculture pratique, le dessin et des notions
de pédagogie élémentaire. A l'issue de ce stage de deux ans, les
élèves sont nommés moniteurs auxiliaires de cinquième classe
ou sont licenciés pour inaptitude. Rares devaient être les élèves
envoyés poursuivre leurs études à l'école normale de Saint-
Louis: «les élèves qui présenteraient des aptitudes particulières
et se seraient distingués pendant leurs deux années de stage,
seront proposés pour être envoyés à l'École normale de Saint-
Louis ».
Un enseignement professionnel est également prévu avec
la création d'une école professionnelle élémentaire rattachée à
l'école régionale de Zinder. Elle a pour but de préparer des
apprentis pour les différents corps de métier. Le programme, en
ce qui concerne le côté professionnel, porte sur le travail du bois,
la menuiserie, la charpente, le travail de métaux, la forge,
l'ajustage, la ferblanterie, la réparation et l'affûtage des outils, la
tuilerie et la briqueterie. À leur sortie, les élèves reçoivent un
brevet d'apprenti.
Alors que les élèves sont externes, il est quand même
prévu vingt bourses familiales de 15 francs pour l'école

42
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régionale et dix pour l'école professionnelle. Un cours


d'adultes est également créé à Zinder.
Si l'on compare ce texte de 1912 avec ce qui existe déjà
dans le reste de l'A.O.F. et qui est institué par le texte de 1903,
nous pouvons constater qu'il n'y a pas d'enseignements
primaire général et professionnel supérieurs, d'école normale ou
d'écoles urbaines au Niger. Le manque de moyens financiers et
humains ne favorise pas la création d'écoles dans le Niger.
Néanmoins, des officiers, tel que le Commandant Rivet, sont
conscients qu'il est impératif que la langue française devienne le
trait d'union entre les militaires et les populations indigènes. Il
insiste notamment sur la scolarisation des fils de chefs et de
notables afin qu'ils puissent continuer à exercer une fonction
dominante sur leurs sujets tout en étant au service de
l'administration coloniale:

«Dans le teITitoire militaire du Niger, ayant eu à nous occuper


d'affaires plus urgentes et disposant de ressources moins importantes que celles
de la colonie du Haut-Sénégal, nous n'avons encore pu créer, auprès des postes
principaux, des écoles primaires dont les instituteurs sont nos sous-officiers,
qui ont, la plupart du temps, au moins un autre emploi du service local ou de
troupe. Ces sous-officiers s'efforcent, aux moments disponibles et avec l'aide
d'un gradé africain ou de l'interprète du poste (quand ils ne savent pas eux-
mêmes la langue du pays), d'apprendre à leurs élèves indigènes le français usuel
parlé; et c'est, d'ailleurs, tout ce qu'il faut pour permettre à ces fils de notables
des environs de comprendre plus tard nos ordres ou demandes et de nous
exposer directement leurs besoins ou réclamations sans l'intermédiaire presque
toujours nuisible des interprètes. L'enseignement du français peut seul nous
mettre en mesure de lutter contre la propagande islamique des écoles coraniques
tenues par les marabouts dans les centres sédentaires comprenant des habitants
musulmans, sous la tente ou en plein air chez les nomades. Il est très
regrettable que la pénurie de cadres français et la modicité des crédits affectés à
cet emploi ne permettent pas de disposer de gradés français instituteurs fixes
ou nomades, n'ayant pas d'autres occupations sérieuses, bien choisis parmi les
volontaires, vigoureux, pondérés, ayant déjà suffisamment pris le contact des
gens et des choses du pays, en donnant la préférence à ceux ayant l'intention de
prolonger leur séjour colonial ou ayant servi antérieurement dans le territoire.
Sous la direction du commandant de cercle ou du lieutenant commandant le

43
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secteur, mettant à leur disposition les moyens nécessaires, y compris ceux de


transport et au besoin un gradé indigène, tirailleur ou garde-cercle interprète,
ces sous-officiers instituteurs propageraient efficacement la langue française,
devenant alors le trait d'union nécessaire et, en tout cas, désirable entre toutes
les races d'Afrique française, comme autrefois le latin dans l'empire romain et
plus tard dans le monde civilisé, comme aussi actuellement le français dans les
compagnies bien commandées de tirailleurs soudanais, malgré la diversité des
races les composant [...]. La diffusion du français qui en résulterait faciliterait
les progrès matériels, intellectuels et moraux des populations du territoire, en
leur suggérant celles de nos idées s'adaptant à leurs mentalité et pratiques dans
ce pays, par des conseils à leur portée intéressant l'hygiène, l'agriculture,
l'élevage, le commerce, l'industrie, après avoir fait comprendre les profits
procurés par la connaissance du français pour les transactions commerciales,
les relations directes avec nous, permettant, par exemple, de postuler des
emplois dans l'administration indigène, cette connaissance étant, dans
l'avenir, la condition sine qua non de nominations aux fonctions de chefs de
village ou de canton, de juges ou d'assesseurs. L'intérêt et la vanité ou
l'ambition inciteraient les jeunes gens les plus intelligents, les fils de
notables principalement, à apprendre le français pour bénéficier de ces
avantages» 41.

Ce que l'on remarque en lisant les rapports du début des


années 1910 dans le Territoire militaire du Niger, c'est que les
militaires ont bien du mal à faire fonctionner une dizaine
d'écoles tandis que les nombres d'écoles et d'élèves coraniques
sont bien supérieurs à ceux de l'école coloniale. Il est vrai que la
culture musulmane est présente dans certaines parties du
Territoire militaire du Niger depuis plusieurs siècles, et que son
véhicule idéologique, l'école coranique, a eu le temps de
s'ancrer dans le paysage nigérien.
Dans l'ensemble du Territoire, il n'y avait, à la fin de
1913, que 12 écoles élémentaires ouvertes à l'enseignement et
350 élèves, dont 142 à Zinder :

41
RIVET (Cdt), Notice illustrée sur le Territoire Militaire du Niger et le
Bataillon de tirailleurs de Zinder, Paris, Charles-Lavauzille, 1912, 204 p., p.
183-185.

44
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«Dans la plupart des cas, le personnel enseignant manque


d'expérience, d'aptitudes pédagogiques ou de connaissances professionnelles.
Le défaut d'instituteurs de carrière se fait vivement sentir. Si l'on excepte
l'école régionale de Zinder où la vive impulsion donnée par l'expérience
professionnelle d'un instituteur européen a donné de bons résultats, il est à
constater que les moniteurs sont généralement peu instruits et que dans quelques
années seulement, nous pourrons compter sur les moniteurs formés à cette
école pour devenir eux-mêmes, aptes à donner un enseignement profitable» 42.

Le niveau reste donc médiocre, c'est également le cas


dans les écoles coraniques, semble-t-il, mais là, ce sont les
parents qui décident d'y envoyer leurs enfants, sans contraintes,
ce qui n'est pas apparemment le cas de l'école coloniale:

« Les écoles privées sont toutes dirigées par des indigènes. Elles sont
nombreuses et les élèves qui les fréquentent peuvent être de cinq à six cents. Ce
sont des écoles de marabouts où les enfants (de 6 à 10 par professeur)
apprennent les éléments du Coran et quelques vagues notions des caractères
arabes. L'enseignement donné est de peu de valeur, mais il a pour lui l'attrait de
la tradition, le prestige que donne le titre de marabout et qui ouvre à ses élèves
la possibilité d'exploiter la charité musulmane. Il est normalement impossible
de supprimer cet enseignement et l'interdiction d'ouvrir de nouvelles écoles
sans autorisation est la seule mesure efficace pour enrayer leur influence» 43.

En fonction des militaires, les écoles coraniques vont être


plus ou moins appréciées: si en 1913, elles sont considérées
comme des concurrentes de l'école française, en 1915 elles sont
bien tolérées par l'administration coloniale qui se contente de
les recenser:

«L'enseignement musulman limité pour la plupart des élèves à la


lecture du Coran et aux caractères arabes est donné dans 1239 écoles à 5258

42
Rapport d'ensemble sur la situation générale du Territoire militaire du Niger
pendant l'année 1913, A.N.F. (réf. 200MI/1671), p. 2.
43
Idem., p. 1.

45
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élèves. Le caractère de cet enseignement n'est nullement hostile à l'influence


française »44.

Alors que les nombres d'écoles et d'élèves coraniques


sont en augmentation dans l'ensemble du Niger depuis
l'installation des colons, certains parents les envoyant pour
«contrecarrer les effets néfastes de l'école des blancs », le
nombre des écoles françaises stagne entre 12 en 1912 et 18 en
1922, et elles accueillent respectivement entre 350 et 700 élèves.
Mais le fonctionnement de ces écoles n'est pas régulier et elles
doivent souvent fermer lorsque le sous-officier chargé de
dispenser un enseignement est muté ailleurs. Jusqu'en 1912,
c'est le cercle de Niamey -qui est le mieux doté en écoles
(Niamey, Dogondoutchi, Dosso, Ny, Tillabery, Yéni), suivi des
cercles de Madaoua (Madaoua, Maradi, Tahoua), Zinder (Gouré,
Tessaoua, Zinder) et N'Guigmi (N' Guigmi, Mainé-Soroa). En
1913, c'est le cercle de Zinder où il yale plus d'écoles, suite à
la fermeture de Dogondoutchi, Ny, Tillabéry, Gouré et
N'Guigmi. Les seules créations se font dans le cercle de Zinder
à Tessaoua et à Madaoua. En 1915, il Y a création d'une école à
N'Guigmi, à Tillabéry, en 1916 à Birnin-Konni, en 1917 à Téra,
en 1918 à Magaria et à Tanout. De 1919 à 1920, n'ayant point
d'instituteur pour la diriger, l'école régionale de Zinder est
fermée. TI faudra attendre 1922 pour qu'une seconde école
régionale soit ouverte à Niamey.
En 1915, le rapport du commandant de cercle de Zinder
montre qu'il est urgent que les sous-officiers soient remplacés
par les nouveaux moniteurs formés à l'école régionale de
Zinder afin de limiter la fermeture d'écoles qui entraîne la
déscolarisation des élèves:

«Placées aux chefs-lieux des cercles et des secteurs, ces écoles de


village ont pour but de donner un enseignement de début à un certain nombre
d'élèves, choisis parmi les plus intelligents et les fils de notables. Lem
programme vise plus particulièrement la diffusion du français, la lecture,

44
Rapports politiques trimestriels et annuels, Haut-Sénégal-Niger, 1915,
A.N.F., (réf. 200MI/1679) p.4.

46
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l'hygiène, l'enseignement de la morale. C'est parmi les meilleurs élèves que


sont ultérieurement choisis les jeunes enfants appelés à continuer leurs études à
l'école régionale de Zinder. L'enseignement y est professé par des sous-
officiers Européens, des moniteurs indigènes et des interprètes. Il est à
souhaiter que la colonie soit au plus tôt en mesure de placer à la tête de chaque
école des moniteurs de profession n'ayant que cette occupation, car, malgré
toute leur bonne volonté, les sous-officiers européens et les interprètes sont
trop souvent dérangés de l'école pour d'autres occupations, par des mutations
fréquentes et d'autre part ils ne possèdent pas toujours les aptitudes
pédago giques nécessaires» 45.

Nous sommes encore bien loin de sélectionner les


, enseignants en fonction de leurs compétences pédagogiques, il
s'agit tout d'abord de trouver et de former un personnel dont la
fonction soit limitée à l'enseignement. Ainsi en 1915, s'il y avait
à Zinder un instituteur européen, 5 moniteurs indigènes et 150
élèves, à 300 km de là, à Maradi, il n'y avait qu'un interprète
avec 18 élèves. Ces disparités géographiques montrent qu'en
dehors de l'école régionale de Zinder, le corps enseignant est
essentiellement composé de militaires jusqu'aux années 1920 où
les civils, notamment africains deviennent majoritaires. Il est vrai
que l'enclavement du pays, l'aridité du climat, la longueur des
voyages et le caractère militaire du Territoire nigérien,
constituent de sérieux obstacles pour attirer des Européens vers
des postes coloniaux. TIdevient urgent et nécessaire de recruter
un personnel local pour combler les nombreux postes à
pourvoir dans l'administration du Niger: la politique scolaire
dans le territoire militaire du Niger va essentiellement consister à
fabriquer des auxiliaires africains par le biais de l'école
régionale de Zinder :

« Placée au chef-lieu de la colonie, cette école a pour but de donner à un


certain nombre d'indigènes, choisis au préalable parmi les plus intelligents
dans tous les cercles, un enseignement susceptible de les former aux fonctions
des cadres locaux (interprètes, agents et sous agents des P.T.T., vaccinateurs,
moniteurs d'école, écrivains etc.). En outre une section professionnelle a pour

45
Idem., p. 3.
47
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but de fournir ultérieurement aux services d'exploitation des ouvriers capables


d'exécuter des travaux élémentaires sans que l'on ait à recourir à la main
d'œuvre européenne, trop onéreuse ou à faire appel à la main d'œuvre indigène
des colonies voisines, peu riches elles-mêmes en bons artisans. Afin de
faciliter l'accès de cette école aux jeunes élèves, des bourses d'entretien en
nombre variable et dont le chiffre a été de 30 jusqu'en aoOt 1915, de 40 après
cette époque, sont accordées aux élèves sélectionnés admis à l'école. Ces
bourses sont calculées sur le taux journalier de 0,40 par jour et par élève» 46.

Nous pouvons donc observer que de 1900 à 1922 la


politique coloniale en A.O.F. n'était pas uniforme: tandis qu'au
Sénégal le système éducatif était doté d'un enseignement
primaire supérieur, d'écoles professionnelles et d'un
enseignement secondaire, au Niger un embryon d'enseignement
primaire commençait tout juste à se mettre en place. N'ayant pas
d'école primaire supérieure, les Nigériens ne pouvaient pas
préparer les concours des écoles du gouvernement général: les
« cadres» nigériens étaient donc d'un niveau très inférieur à
ceux des autres colonies de l'A.O.F. De plus, contrairement aux
autres colonies, les filles n'étaient pas scolarisées, il n' y avait ni
écoles privées, ni écoles franco-arabes.
Les choses vont changer à partir de 1922 où le Territoire
du Niger devient colonie du Niger avec une autonomie
administrative et financière qui lui permet d'organiser
l'enseignement sur son territoire en fonction de ses besoins.

1922-1945 : la colonie du Niger

Le 1erjuillet 1922, le Territoire du Niger est transformé en


colonie du Niger, administrée par un gouverneur des colonies,
portant le titre de lieutenant-gouverneur, placé sous l'autorité du
gouverneur général. C'est l' arrêté47 de 1924 qui réorganise
l'enseignement au Niger, remplaçant celui de 1912. Il

46
Ibid., p. 1.
47
JORE (It-gouv), arrêté n088 portant sur la réorganisation de l'enseignement
dans la colonie du Niger, J.O. de l'A.O.F., juillet 1924, p.737-750.

48
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comprend un enseignement primaire élémentaire, un


enseignement primaire supérieur et un enseignement
professionnel. Le lieutenant-gouverneur du Niger précise que
celui-ci doit donc rattraper son retard par rapport aux autres
colonies.

L'enseignement primaire élémentaire est donné


gratuitement aux enfants des deux sexes, dans les écoles
préparatoires, les écoles régionales, les orphelinats de métis et les
cours d'adultes. Le texte reste prudent et réaliste, il est nécessaire
de former un personnel enseignant avant de mettre en place les
écoles: «des écoles élémentaires seront créées dans les cercles
importants lorsque la Colonie disposera d'un personnel suffisant
et que ses ressources budgétaires le permettront ». Des écoles
préparatoires sont ouvertes à Gaya, Dosso, Tahoua, Maradi,
Tanout, Gouré, Tessaoua, Agadès, Bilma, N'Guigmi et Maïné-
Soroa (voir carte). fi est précisé que chacune de ces écoles doit
comporter au moins 30 élèves recrutés sur place et que les élèves
peuvent être recrutés jusqu'à 10 ans. Il est par contre obligatoire
pour les fils de chefs et de notables d'être scolarisés. La priorité
est donc donnée à ces derniers qui n'ont dorénavant plus le
choix, les autres classes devant seulement combler les places qui
restent disponibles. L'école préparatoire ne correspond plus tout
à fait à l'école de village puisqu'elle ne comprend qu'une seule
classe et un seul cours. Ensuite, les meilleurs élèves sont orientés
vers le cours élémentaire de l'école régionale, avec le plus
souvent une bourse scolaire.
Une deuxième école régionale est créée à Niamey en
1922, après celle de Zinder en 1911. Ces deux écoles
comprennent trois cours: un cours préparatoire réservé aux
enfants qui habitaient aux alentours, un cours élémentaire et un
cours moyen. Il y a 6 classes à l'école de Zinder et 4 à Niamey,
avec une classe48 de filles dans chacune de ces écoles. Il est
48
En fait, la première classe de jeunes filles a été ouverte à Zinder en 1921 :
elle comptait 25 élèves de 7 à 12 ans. Voir à ce sujet SALIFOU (A.),
Colonisation et sociétés indigènes au Niger de la fin du XIXo siècle au début de
la deuxième guerre mondiale, Doctorat d'État, Université Toulouse-le-Mirai!, 2
vol., 1977, p. 1072.

49
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précisé que «le passage d'un cours dans un cours


immédiatement supérieur doit faire l'objet d'une sélection
sévère ». Le nombre de bourses est fixé à 25 pour chacune de
ces écoles. Les fillettes métisses recrutées dans les deux
orphelinats de la colonie, ainsi que les fillettes indigènes
recrutées sur place principalement dans les familles de chefs, de
notables et de fonctionnaires, suivent un enseignement dans les
deux classes qui sont rattachées aux écoles de Zinder et de
Niamey. Un enseignement général est donné le matin, un
enseignement ménager l' après- midi. Les filles qui réussissent à
l'examen du certificat primaire d'études indigènes49 peuvent
être admises comme les garçons dans les diverses sections de
l'école primaire supérieure. Ceux qui échouent à l'examen
peuvent s'y présenter une deuxième fois. Le personnel le plus
qualifié est bien entendu affecté dans les deux écoles
régionales: elles sont dirigées par «les instituteurs du cadre
supérieur, assistés d'instituteurs, d'institutrices du cadre
supérieur, secondaire ou local et de monitrices auxiliaires ». Le
directeur de l'école régionale de Zinder est en principe
déchargé de classe, afin d'assurer auprès du gouverneur de la
colonie, les fonctions de conseiller technique.
En outre, quatre cours d'adultes sont ouverts à Zinder et à
Niamey, ils ont lieu trois fois par semaine pendant une heure et
demie et sont gratuits. Le cours d'adultes est obligatoire pour les
fonctionnaires des cadres locaux en service dans ces deux
localités « pendant leurs stages et leurs deux premières années de
classement. TI sera tenu compte dans leur avancement de leurs
notes et de leur assiduité ».
Ce qui dénote par rapport à l'organisation de
l'enseignement primaire dans le reste de l'A.O.F., c'est
l'absence d'écoles urbaines, sans doute liée au fait que
l'urbanisation reste très faible au Niger, mais aussi l'absence
d'écoles franco-arabes. Même si une partie de plus en plus
importante de la population est musulmane, lorsque l'on se

49
TIremplace le certificat de fin d'études par l'arrêté n039 du 20 avril 1922.

50
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réfère aux différents rapports coloniaux des années 19205°, il


n'y a pas à proprement parler d'élites musulmanes au Niger et
l'animisme semble encore dominer. De plus, les marabouts
nigériens ne sont pas hostiles à l'administration coloniale,
l'islam n'ayant pas recouvert un caractère politique comme
dans d'autres contrées d'A.O.F., et la coexistence entre
communautés animistes et musulmanes reste pacifique. Il y a
donc peu de raisons politiques de mettre en place un
enseignement franco-arabe même si une partie de la population
y aurait envoyé volontiers ses enfants: au moment où
l'enseignement primaire commence tout juste à se mettre en
place, les priorités sont ailleurs. TI faudra attendre 1930 pour
qu'une troisième école régionale soit créée à Maradi, élargissant
ainsi les centres d'examens préparant le certificat d'études
primaires indigènes.
Un enseignement primaire supérieur aurait dû être mis en
place à Zinder selon le texte de 1924. Ce n'est en fait que plus
tard, en 1930 que l'école primaire supérieure est ouverte, non
pas à Zinder, mais à Niamey qui devient en 1926 le nouveau
chef-lieu de la colonie du Niger. Néanmoins le texte de 1924
nous précise que cette école primaire supérieure se fixe trois
objectifs:
donner un complément d'instruction aux fils de chefs;
préparer des candidats aux écoles du gouvernement
général;
former des agents indigènes, des cadres locaux.
Avec cet enseignement primaire supérieur, la colonie du
Niger devrait rattraper son retard, trouver sa place et devenir un
rouage pleinement opérationnel dans l'organisation de
l'enseignement en A.O.F., comme l'étaient jusqu'à présent la
plupart des autres colonies (à l'exception de la Mauritanie).
Les élèves sont répartis dans les sections en fonction des
besoins de la colonie: section préparatoire aux écoles du
50 Voir à ce sujet MEUNIER (O.), Dynamique de l'enseignement islamique au
Niger, l'Harmattan, Coll. Études africaines, Paris, 1997, 283 p. et Les voies de
l'islam au Niger dans le Katsina indépendant du XIXo au XXo siècle,
Publications scientifiques du Muséum, Mémoires de l'Institut d'Ethnologie,
.
tome XXXV, 1998, 235 p.

51
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gouvernement général, sections postale, de télégraphie, de


comptables, de dactylographes, d'infirmiers, section agricole,
etc. Les études se font en deux ans, mais suite à un examen à la
fin de la première année, les élèves peuvent être renvoyés,
redoubler, ou passer en seconde année. A la fin de cette dernière
année, les élèves qui réussissent l'examen peuvent être nommés
stagiaires puis titularisés au bout d'une année. Les autres sont
exclus ou autorisés à faire une troisième et dernière année après
avis du chef de service concerné. L'enseignement général
comprend: la langue française, la lecture, l'écriture, la morale, le
calcul, les sciences usuelles, l'histoire et la géographie, le dessin,
l'éducation physique, le chant et le travail manuel.
L'enseignement technique est confié «autant que possible» à
un cadre européen qui doit veiller «à ce que les élèves soient
initiés aux travaux conduisant à la connaissance complète de
leur futur emploi ». Finalement, deux types de profils se mettent
en place: les élèves destinés aux cadres locaux qui reçoivent à
côté d'un enseignement général, un enseignement technique
dispensé par les services qui les accueilleront à la fin de leur
formation; et les élèves de la section préparatoire qui les prépare
aux concours des écoles du gouvernement général de l'A.O.F.
Le contenu des programmes51 de l'enseignement primaire
et de l'enseignement primaire supérieur reste celui qui a été mis
en place par Georges Hardy (analysé précédemment). Afin de
faire face aux besoins des écoles coloniales, des livres scolaires
vont être publiés, comme Moussa et Gigla: histoire de deux
petits noirs, livre de lecture courante, (écrit par Péres et Sonolet),
dans les années 1910-1920, puis à partir des années 1930, une
série de livres de lecture allant du cours préparatoire aux cours
moyens, publiée par André Davesne comme le célèbre
Mamadou et Binéta, encore utilisé jusqu'aux années 1990 au
Niger.

L'enseignement technique supérieur est supprimé sur


l'ensemble de l'A.O.F. afin que chaque colonie puisse organiser
l'enseignement professionnel en fonction de ses propres besoins

51
Défini dans l'arrêté du 1ermai 1914 du gouverneur général de l'A.D.F.

52
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en ouvriers, ce qui est le cas du Niger. L'enseignement


professionnel y est dispensé dans les ateliers du gouvernement à
Zinder et dans la section professionnelle rattachée à l'école de
Niamey. Les élèves peuvent être soit recrutés sur place, soit dans
le secteur scolaire: autrement dit, il n'est pas nécessaire qu'ils
soient déjà scolarisés. Ici, ce ne sont pas les fils de chefs ou de
notables qui sont pris en priorité, mais les fils d'artisans et
d'ouvriers. Le recrutement s'effectue à partir de 16 ans. Ces
élèves doivent se mettre à la disposition de l'administration une
fois leur scolarité terminée: «ils s'engageront à exercer le
métier qui leur aura été appris et à travailler pendant une durée
de cinq années au compte de l'administration locale, si cette
dernière fait appel à leur concours à la fin de leur
apprentissage ». Comme pour les élèves recrutés dans les écoles
préparatoires, lorsqu'ils sont originaires de postes éloignés, ils
sont admis à l'école comme boursiers externes. Les apprentis
sont répartis selon leurs aptitudes et les besoins de la colonie
dans différentes sections: maçons, ouvriers à fer et à bois,
chauffeurs mécaniciens, tisserands, etc. Ces élèves travaillent le
matin dans les ateliers et sur les chantiers, tandis que le soir ils
suivent les cours d'enseignement généraux dans les écoles
régionales. A la fin des deux années d'études, l'apprenti reçoit
un brevet local d'ouvrier. Le programme des sections
professionnelles est avant tout très pratique. Il est remis à jour en
fonction de l'évolution des techniques de l'époque, comme
dans la section « chauffeurs mécaniciens », où l'ouvrier doit par
exemple être capable de réparer une crevaison ou un éclatement,
démonter et remonter une valve, un pneumatique, une roue,
démonter, nettoyer et remonter le carburateur, une bougie, la
magnéto, les accumulateurs, démonter, serrer, dresser et
remonter les soupapes, démonter la direction, le moteur complet,
les pistons, le vilebrequin, savoir dépanner et réparer une voiture,
fabriquer une pièce, conduire, connaître le code de la route, etc.
À partir de 1930, la nouvelle école régionale de Maradi
est dotée d'une section agricole qui travaille avec la ferme
agricole de Tarna (située juste au sud de Maradi). Alors que
l'agriculture correspond plus aux besoins de l'administration
coloniale du Niger (Maradi va devenir un grand bassin

53
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arachidier), ce ne sera pas le cas d'autres sections: ces écoles


professionnelles vont parfois devoir fermer pour cause de
manque de débouchés: c'est le cas de celle de Niamey entre
1934 à 1937 et celle de Zinder entre 1935 à 1941.

L'application de ces textes qui organisent l'enseignement


au Niger ne va pas s'effectuer sans difficultés. Les populations
vont être particulièrement hostiles au recrutement à tel point
qu'une fois scolarisés, les élèves ne seront plus vraiment
considérés comme leurs enfants, mais ceux de l'administration
coloniale, cette dernière opérant chez eux par le biais de l'école
une rupture souvent assez brutale par rapport au milieu
d'origine:

«A l'époque [fin des années 1930], le maître était considéré comme


l'intellectuel du village, le sage, alors que le médecin était comparé au boka
[sorcier, guérisseur], on disait boka nasara [sorcier blanc], alors que
l'enseignant c'était le Malami makaranta [le sage de l'école], donc le
marabout, l'homme qui est sage. Les élèves, au premier abord étaient
considérés comme les fils du blanc, ils n'étaient plus les enfants de la famille,
mais les enfants du colonisateur. Comme le colonisateur avait conquis le pays,
c'était la domination, alors on avait peur du Blanc à l'époque. Quand on disait à
une personne je vais t'envoyer chez Nasara, le pauvre tremblait: «s'il vous
plait, ne m'emmenez pas chez le commandant blanc, j'en ai peur ». Alors les
chefs de canton ou de province profitaient de leur peur du Blanc et s'en faisaient
un arme pour exploiter les masses et on accusait le régime colonial; dès fois le
Blanc ne savait même pas ce qu'on faisait. Alors les élèves étaient considérés
comme les fils du Blanc. Ils se permettaient d'entrer dans les villages,
attrapaient les poulets, et lorsque les villageois venaient se plaindre chez le
maître, celui-ci leur demandait de les rendre et les corrigeait un peu. C'étaient
des enfants privilégiés. Quand on vient «attraper» les enfants pour le
recrutement, il faut voir le Commandant de Cercle, celui-ci donne au maître de
l'école les registres pour comptabiliser les enfants en bas âge, dans toutes les
familles. On recrutait les enfants à partir de 6 et 7 ans. On relevait tous les
enfants à partir de 6 ans, et on présentait la liste des enfants scolarisables au
Commandant, ensuite le maître venait avec le garde cercle, dans les villages où
ils allaient voir le chef et lui disaient qu'ils venaient prendre des enfants. Et les
gens pleuraient:« mon enfant va devenir un enfant de Blanc, il va

54
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m'échapper, après ils vont l'emmener en Europe, il ne sera plus en Afrique, il


est perdu, ensuite il va devenir un caffre, il ne va plus prier, il ne sera plus
musulman, ils vont le transformer en chrétien ou en infidèle ». Les animistes
étaient très nombreux, mais c'était l'islam qui était considéré comme la
meilleure voie, celle qui conduit à Allah, la religion du terroir. On disait que si
le Blanc est venu, s'il a pris des enfants, ils seront sous sa domination, donc il
va leur inculquer l'enseignement chrétien ou agnostique, sans Dieu, comme ça,
il faut craindre cette éducation des Blancs. Alors ils se mettait à pleurer. Malgré
tout, certains allaient chez les marabouts, chez les fétichistes, chez les boka,
des gens qui font de l'occultisme pour qu'on chasse l'enfant de l'école, pour
qu'il soit bête, pour qu'il ne soit pas brillant, qu'il soit renvoyé. Des fois cela
réussissait, l'enfant devient tellement bête que le maître le mettait à l'écart.
Donc c'est un enseignement sélectif, les meilleurs sont gardés, sur une
soixantaine une quinzaine vont au certificat, le quart.
Au départ c'étaient des enseignants blancs, des Européens, mais les
premiers Africains n'étaient pas des Nigériens puisqu'on n'avait pas encore de
cadres, on prenait des cadres des autres colonies. C'est quand le Nigérien a
obtenu son certificat d'étude qu'il a été engagé comme moniteur, puis comme
instituteur adjoint et instituteur» 52.

Ainsi, le recrutement des élèves durant la période


coloniale - et même au-delà - va poser un sérieux problème
pour l'administration qui assez souvent devra être obligée
d'employer des moyens coercitifs: le recensement de la
population, même s'il n'est pas vraiment précis, va permettre
aux autorités de mieux connaître dans certains endroits la
composition des familles et donc les enfants en âge d'être
scolarisés. L'utilisation de la sorcellerie pour éviter que les
enfants soient gardés montre bien que certains parents n'avaient
alors plus vraiment le choix depuis le recensement, c'est-à-dire
les parents résidant près des quelques écoles et/ou tout d'abord
les chefs et les notables, soit une infime partie de la population
scolarisable. L'image des militaires qui se chargent du
recrutement en ramenant de gré ou de force les enfants en
menaçant si besoin les parents récalcitrants fait partie de

52
Propos recueillis auprès d'un instituteur de Maradu (village près de Maradi),
actuellement à la retraite, lors d'un entretien en 1994.

55
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l'imaginaire collectif des «anciens colonisés », mais ne


représente pas une pratique couramment employée par une
administration qui avait déjà bien du mal à développer les écoles
sur l'ensemble du territoire. En ce qui concerne les enfants
scolarisés, les abandons en cours d'année sont très fréquents
ainsi que les absences (c'est encore le cas dans les années 1990),
notamment lors des jours de marché, où les enfants vont
s'adonner au petit commerce, souvent avec la complicité de
leurs parents. De même, au moment des récoltes, c'est parfois un
quart voire un tiers des élèves qui désertent les bancs des classes;
dans la région de Maradi, la traite des arachides (dans les années
1940) les mobilise jusqu'à trois mois53. La scolarisation des
filles est quasiment inexistante, mais cela est également une
caractéristique de l'ensemble des colonies de l'A.O.F.,
notamment chez les populations musulmanes qui refusent que
leurs filles reçoivent une éducation autre que traditionnelle, cette
dernière les préparant avant tout à devenir une bonne épouse et
une bonne mère avec parfois des connaissances d'ordre
professionnel, comme pour les filles d'artisans. Si l'éducation
relève jusqu'à lors de la communauté et parfois du marabout
notamment en milieu urbain, elle n'opère pas de rupture avec le
milieu social de l'enfant, ce qui n'est pas le cas de l'école
coloniale où l'imposition de la langue française et d'un
programme importé de la métropole est vécue comme une
«violence symbolique» chez les africains scolarisés. Par
exemple, la pratique du « symbole54» dans les classes témoigne
que cette acculturation aux valeurs françaises doit avoir pour
effet immédiat une rupture avec les connaissances qui relèvent
du milieu traditionnel, à commencer par la langue maternelle.
De 1922 à 1945 la politique coloniale du Niger en
matière de scolarisation vise notamment à rattraper son retard

53
SALIFOU (A.), Idem., p. 1076.
54
Min de proscrire l'utilisation de la langue maternelle des élèves, le maître
remet le « symbole », c'est-à-dire un petit objet en bois ou en métal, au
responsable de classe qui le donne au premier élève qui s'exprime dans sa
langue maternelle que ce soit en classe ou dans la cour de récréation. À la fin de
l'heure ou de la journée, l'élève qui détient le « symbole» est alors puni par
l'enseignant.

56
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par rapport aux autres colonies de l'A.O.F., mais comme


l'indique le rapport annuel de 1941, elle garde un caractère
éminemment sélectif:

« L'enseignement participe aux buts et aux besoins de la politique


coloniale dans les conditions qui résultent de la situation particulière de la
Colonie du Niger, l'une des plus étendues et des moins denses en population de
la Fédération de l'A.O.F., la dernière en date dans l'histoire de la colonisation
française, la plus pauvre, avec la Mauritanie, en ressources budgétaires et en
personnel, et comme elle, la plus soumise à l'influence de l'enseignement
coranique. [...] L'enseignement poursuit, dans ses grandes lignes, fixées par
l'arrêté du 1er Mai 1924, les buts déjà atteints par ses aînées de la Fédération et
adopte les mêmes principes d'action, sans être encore parvenu au même degré
d'évolution. [...] Sélection au stade initial, au moment du recrutement scolaire.
L'enseignement officiel est un enseignement de qualité qui doit être le
privilège des plus dignes, c'est-à-dire, de ceux qui, par leur rang dans la société
indigène, sont appelés à partager le pouvoir avec la puissance tutélaire et sont
légitimement autorisés à tirer de leur instruction, avec une plus grande aptitude
au commandement, un surcroît de prestige et une autorité accrue. En un mot,
c'est la négation du système démagogique connu sous le nom d'enseignement
«massif populaire », aussi irréalisable à la colonie que redoutable dans ses
conséquences pour la solidité de la société indigène. Le recrutement est la base
de l'action scolaire. Il conditionne tout l'édifice. Il est lié étroitement à la
politique coloniale. [...] À tous les degrés de l'organisation scolaire,
l'enseignement du français prime sur tous les autres, bien que sa prépondérance
dans les horaires s'atténue suivant la progression décroissante: 3/5 - 1/2 - 2/5
- et 1/3 ; du cours préparatoire au cours supérieur. À mesure que le niveau des
études s'élève, il cède peu à peu la place aux enseignements qui visent plus
particulièrement à l'acquisition de connaissances, à la formation de jugement
et à l'exercice des facultés d'observation, sans jamais cesser d'imposer sa
tyrannie à leurs dépens. [...] Jusqu'au Certificat d'Études qui clôt le cycle
primaire élémentaire, l'enseignement ne poursuit aucun but utilitaire, il reste
strictement éducatif. À partir du cours supérieur, les vocations se dessinent
suivant les goftts, les aptitudes et les débouchés qui s'offrent de plus en plus
nombreux et variés. En 3èmeannée d'école primaire supérieure, la pratique de la
dactylographie est obligatoire pour tous. Des stages de spécialité sont
organisés dans les différents services (météorologie, radio, P.T.T.). [...]

57
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Une première sélection s'effectue à la sortie de l'école élémentaire. Les


meilleurs sujets, soit 15 % de l'effectif, sont admis à l'école régionale. Le
reste, c'est-à-dire la majorité, quitte définitivement l'école. Le principal souci
de cette catégorie d'écoliers est de tirer parti d'un pauvre bagage dans les
modestes emplois du service personnel des Européens. Rares sont ceux qui
consentent à retourner dans leur village, comme le font les tirailleurs libérés.
Ceux que l'école n'a pas déraciné, perdent rapidement le peu qu'ils ont appris,
n'ayant pas l'occasion de s'en servir.
Une deuxième sélection s'opère au moment de l'examen du Certificat
d'Études. Les mieux classés entrent à l'École Primaire Supérieure et s'engagent
ainsi plus profondément dans les carrières offertes par l'Administration. Les
autres trouvent facilement à se placer dans les emplois modestes des différents
services. Quant à ceux que l'examen n'a pas favorisé, ils ne songent pas à
retourner au village, ni même à entrer à l'École d'Apprentissage. Ils
augmentent le nombre des déclassés.
A partir de la deuxième année d'École Primaire Supérieure, la facilité
relative de l'admission à l'École Normale Rurale de Katibougou détermine les
sujets médiocres à tenter leur chance sans attendre les résultats douteux marqués
pour l'activité rurale. C'est ainsi que se décident, en général, les vocations
d'Instituteurs ruraux.
En fin de 3° année, l'entrée à l'École William-Pont y récompense les
plus studieux et les plus persévérants. Les emplois supérieurs des cadres locaux
absorbent facilement le reste »55.

Comme nous pouvons le constater, la plupart des élèves


qui sont passés par l'école coloniale ne retournent pas dans leur
village, étant alors en voie d'acculturation. Néanmoins,
l'administration coloniale absorbe tous ces anciens élèves qui
peuvent alors occuper une fonction auprès des Européens, aussi
modeste soit-elle. Alors qu'en 1922 le nombre d'enseignants
nigériens (6) dépasse celui des enseignants étrangers (5), en
1930 il n'y a que 7 instituteurs du cadre secondaire (formés à
l'école William Pont y) au Niger sur les 35 enseignants. Le
gouverneur de la colonie du Niger explique cette situation par le
fait que les meilleurs éléments des écoles régionales du Niger
ont été employés trop tôt dans les différents services de

55
Rapport annuel, Colonie du Niger, année 1941, 41 p. (Archives de Maradi).

58
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l'administration au lieu de continuer à être formés (comme ceux


de William Pont y). Cela aura, bien entendu, une conséquence sur
le niveau des élèves nigériens puis des cadres locaux du Niger.
Si d'une part les élèves s'absentent souvent durant
l'année scolaire, d'autre part leurs effectifs ne sont pas toujours
en augmentation56. En 1913, ils sont 350, puis il y a une
stagnation durant la première guerre mondiale avec plus ou
moins 430 élèves entre 1914 et 1918. Ensuite, nous arrivons à
près de 700 élèves en 1922. Puis les effectifs progressent
jusqu'en 1934 où il y a 2610 élèves. Nous observons ensuite
une régression jusqu'en 1938 avec 1722 élèves, ce qui témoigne
de sérieux problèmes de recrutement, puis une légère
augmentation à partir de 1940 avec 1707 élèves. En 1940-1941
le nombre d'élèves du Niger est de 189057,ce qui est insignifiant

56
Les chiffres des années 1930 et 1940 proviennent du Rapport statistique
annuel, Service de l'enseignement, Colonie du Niger, année 1945, A.N.F. (réf.
200MI/2706).
57
Nous avons construit le tableau ci-dessous à partir des effectifs scolaires et
de la répartition de la population par ethnie qui apparaissent dans le rapport de
1941. Précisons dès maintenant que nous sommes pleinement conscient que
les chiffres fournis par l'administration coloniale ne sont pas très fiables et
que si nous les utilisons, c'est uniquement pour donner un ordre de grandeur à
nos propos. Ce livre n'est pas le lieu indiqué pour effectuer une critique de ces
sources, ce qui mériterait d'être travaillé dans le cadre d'une étude plus générale.
Ainsi, dans le tableau ci-dessous, nous pouvons remarquer que les effectifs par
ethnie ont été arrondis et sont plutôt approximatifs. La population totale
devrait être en fait bien plus importante (un peu plus de 2.000.000) et ne
semble pas prendre en compte les groupes minoritaires. Par conséquent, les
. ~ . .
taux d' e'1'eves sco IarIses par e th nIe n ont qu une va Ieur IDd.lcabve.
Principales Effectifs scolaires Population Taux d'élèves
ethnies Total par ethnie globale scolarisés par
Total par ethnie ethnie
Hawsa (est 700 580.000 (soit 41,7% 0,12 %
de la de la population totale)
colonie)
Jerma 430 170.000 (soit 12,2%) 0,25 %
(région dI
fleuve)
Peul (région 230 260.000 (soit 18,7%) 0,08 %
sahélienne)

59
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par rapport à la population totale. Si la politique scolaire est de


recruter essentiellement l'élite africaine, dans les faits trois élèves
sur cinq sont issus des «classes laborieuses », dont les deux tiers
sont des paysans. Un quart des élèves provient de la «classe
influente », c'est-à-dire les fils de chefs de canton et de village
ainsi que les notables. Mais déjà près de 15% des élèves
appartiennent à la classe des fonctionnaires: il y a donc déjà une
reproduction sociale au sein des agents de l'administration.
Les ensembles socioculturels qui bénéficient le plus de la
scolarisation, proviennent plutôt de l'ouest du Niger, avec les
Jerma et les Gurmanche. Les Touareg et les Peul, qui sont en
partie nomades et le plus souvent dans des zones difficiles
d'accès (nord du Niger), sont les moins scolarisés.
En 1943 les effectifs continuent à augmenter avec 2097
élèves dont 213 filles, soit un peu plus de 10 %. Ce n'est qu'en
1944 que le nombre d'élèves décompté en 1934 est atteint et
dépassé avec 2710 élèves. En 1945, alors qu'il y a 1.558 écoles
coraniques avec 10.426 élèves, il n'y a que 31 écoles (publiques
et privées) avec 2.859 élèves dont 321 filles (soit Il,2 % des
élèves). Il semblerait donc que le nombre d'élèves coraniques ait
doublé entre 1915 où l'administration coloniale avait recensé
1239 écoles coraniques et 5258 élèves et 1945. Néanmoins, si
les élèves coraniques sont plus de trois fois plus nombreux que
ceux des écoles coloniales, ces dernières ont une progression
plus importante: entre 1915 et 1945, les effectifs de l'école
coloniale vont être multipliés par 8 !

Gurmanche 230 130.000 (soit 9,4%) 0,18 %


(ouest de la
colonie)
Béri-béri 200 50.000 (soit 3,6% ) 0,4 %
(Lac-Tchad)
Touareg 100 200.000 (soit 14,4%) 0,05 %
(région
saharienne)
Total: 1890 1.390.000 0,14 %

60
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La répartition des élèves58en 1945 en fonction du sexe, de


l'ethnie, de la religion et de la profession du père nous

58
Nous avons élaboré le tableau ci-dessous à partir des données fournies par le
Rapport statistique annuel de 1945, p.85. Cela nous permet de voir comment
se répartissent les élèves en 1945 en fonction du sexe, de l'ethnie, de la
religion et de la profession du père. Il est dommage que nous n'ayons pas les
chiffres concernant la répartition de la population en fonction des mêmes
cr"lteres
" a" l a meme perlO
" " d e.
Répartition des élèves par Garçons: 2558 90%
sexe: Filles: 285 10%
Total: 2843 100%
Répartition des élèves par hawsa 808 28,4%
ethnies: jerma 425 14,9%
gurmanche 311 10,9%
peul 273 9,6%
béri -béri 161 5,7%
mossi 142 5%
touareg 76 2,7%
bella 67 2,4%
mauri 61 2,1 %
bambara 54 1,9%
songhaï 48 1,7%
métis 48 1,7%
divers 369 13%
total: 2843 100%
Répartition des élèves par musulmans 2325 81,8%
religions: catholiques 305 10,7%
animistes 169 5,9%
protestants 44 1,6%
total: 2843 100%
Répartition des élèves par cultivateurs 1196 42%
professions des parents: fonctionnaires 574 20,2%
chefs de village 265 9,3%
artisans 238 8,4%
notables 170 6%
chefs de canton 165 5,8%
commerçants 142 5%
marabouts 47 1,7%
éleveurs 46 1,6%
total: 2843 100%

61
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permet de dégager certaines caractéristiques dans le


recrutement:
les filles ne sont presque pas scolarisées (10% des élèves) ;
si l'on prend en compte la répartition de la population en
fonction des groupes sociolinguistiques59, nous avons en fait
de grandes disparités: les groupes minoritaires comme les
Gurmanche, les Mossi, les Mauri, les Bambara et les métis
ont plus d'enfants scolarisés que les autres, et cela semble
être encore plus prononcé pour ceux qui sont placés dans la
rubrique « divers », qui doit regrouper des Africains
provenant de l'extérieur du Niger, voire des Européens (ce
qui explique ensuite le nombre important de catholiques et
de protestants). Parmi les principales populations du Niger,
elles sont moins prononcées, mais existent cependant: ainsi
si nous prenons en compte la répartition des élèves en
fonction de la représentation de leur ethnie par rapport à la
population totale du Niger60,nous pouvons constater que le

59
Nous préférons utiliser les chiffres du recensement de 1977 en faisant bien
entendu l'hypothèse qu'il n'y a pas eu de grosses variations dans les
pourcentages concernant la répartition de la population des principaux groupes
sociolinguistiques. Les pourcentages nous semblent en effet plus près de la
réalité que ceux donnés par l'administration coloniale dans les années 1940 où
les Hawsa semblent sous-représentés et les Peul sur-représentés. La population
totale du Niger nous semble également sous-évaluée: en 1945, elle devrait se
situer autour de 2.235.000. Voir BERNUS (É.) & HAMIDOU (S.A.) Éds., Atlas
du Niger, Éditions Jeune Afrique, 1981, p.31. Nous devrions avoir toujours
approximativement 50% de Hawsa, 24% de Jerma-Songhaï, 10% de Peul, 9,5%
de Touareg-Bella, 5,5% de Beri-beri et 1% pour les autres groupes. Encore une
fois pour les lecteurs avertis, comme nous utilisons - faute de mieux pour cette
période du Niger - des données approximatives, les taux calculés n'ont qu'une
valeur indicative pour notre démonstration qui peut apparaître peu rigoureuse.
60
Princi pales Répartition des Taux d'élèves Taux d'élèves
ethnies au élèves par scolarisés par ethnie scolarisés par
Niger ethnies rapport à la
population totale
Hawsa 808 0,07% 0,036%
Jerma- 473 0,09% 0,021 %
Son~haï

62
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taux d'élèves scolarisés parmi les Béri-béri qui ne


représentent que 5,5% de la population du Niger est 18,7
fois plus élevé que celui des Hawsa qui comprend la moitié
de la population du Niger.
l'appartenance religieuse est fortement discriminatoire: les
élèves chrétiens (notamment les catholiques) sont sur-
représentés (12,2%) alors qu'ils constituent à l'époque
moins de 3% de la population; les élèves animistes sont
sous-représentés (5,9%) alors qu'ils représentent un peu
moins d'un tiers de la population; les élèves musulmans
(81,8%) sont légèrement sur-représentés (près de deux tiers
dans la population).
S'il y a toujours un quart d'élèves fils de chefs ou de
notables et trois élèves sur cinq qui sont issus des «classes
laborieuses », la proportion des enfants de fonctionnaires est
passée de 15% en 1940 à 21% en 1945.

Durant la période 1922-1945, le Niger se dote d'un


système d'enseignement fonctionnel exclusivement limité au
primaire qui débouche sur le certificat d'études primaires
indigènes. Les écoles régionales de Zinder (1912), Niamey
(1922) et Maradi (1930) vont former les agents locaux pour
l'administration de la colonie du Niger. En 1934, il n'y a que
159 Nigériens sur les 265 agents du cadre local61. Comme les
Sénégalais en Côte d'Ivoire ou les Soudanais en Haute-Volta, ce
sont les Dahoméens au Niger qui seront en grande partie durant
cette période les cadres secondaires de l'administration
coloniale: ils sont formés non seulement à William Pont y, mais
aussi aux écoles normales de Katibougou, Dabou, Savaré,
Rufisque (pour les jeunes filles), à l'école supérieure technique

Peul 273 0,12% 0,012%


Touareg - 143 0,07% 0,006%
Bella
Beri-béri 161 1,31 % 0,007%

61
1IDJANIALOU(M.S.),Les politiques deformation en Afriquefrancophone.
École, État et Sociétés au Niger, J.F. Médard (direct.),Thèse de Doctorat,
Université de Bordeaux I, 2 tomes, 1992, p. 122.

63
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de Bamako, à l'école de médecine de Dakar, etc. Les Nigériens


vont se faire attendre62: Boubou Hama est le premier Nigérien à
faire partie de la promotion 1926 de William Pont y, ce n'est
qu'en 1941 que le premier Nigérien sort de l'école de médecine
de Dakar, une dizaine relève de la promotion de l'école normale
de Savaré, mais il n'y a toujours pas de Nigériens à l'école
supérieure technique de Bamako ou à l'école normale pour
jeunes filles de Rufisque.
De 1922 à 1945, seulement 15 écoles63 sont créées au
Niger, ce qui porte à 25 l'ensemble des écoles de cette colonie.
Les écoles sont essentiellement réparties dans le sud du pays, en
milieu urbain ou dans les gros villages, toujours en suivant la
hiérarchie administrative (chefs-lieux de cercles et de secteurs).
La plupart des Nigériens étant dans des zones rurales ne sont pas
encore concernés par les problèmes que peut susciter l'école,
comme le recrutement dans les autres zones qui s'effectue
parfois sous la contrainte du garde-cercle. Néanmoins, des
cadres locaux vont être formés, et l'administration de la colonie
aura de moins en moins recours aux cadres issus des autres
colonies.

1945-1960 : du système Hardy à l'assimilation

Après la seconde guerre mondiale qui a vu participer les


populations africaines à la libération de l'Europe aux côtés des
Alliés, une remise en cause de l'ancien régime colonial va
s'effectuer: de simples sujets, les indigènes de l'A.O.F,. vont
être assimilés et devenir citoyens de la France avec des droits
nouveaux qui mettent fin au Code de l'indigénat et donc aux
réquisitions et aux travaux forcés. Durant cette période, le
système scolaire tel qu'il a été mis en place par Georges Hardy
est remis en cause: un nouveau système d'enseignement

62Idem., p.127-128.
63 En 1923, à Gaya et Gouré, en 1925 à Maradi, en 1928 à Agadès, Birni
N'Konni, Dogondoutchi, Tessaoua, Tillabéry, en 1929 à Filingué, en 1934 à
N'Guigmi, en 1939 à Niamey, en 1941 à Magaria, Zinder, Madaoua et Kollo.

64
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fortement inspiré du modèle métIopolitain va se mettIe en place.


Au Niger, cela aura pour conséquence une réorganisation de
l'enseignement primaire et professionnel et la constitution d'un
enseignement secondaire embryonnaire: mais ce sera encore
dans les autIes colonies ou en France que les meilleurs élèves
devront êtIe envoyés pour poursuivre les études dans le
deuxième cycle de l'enseignement secondaire et le supérieur.

Alors que les communes de Dakar, Gorée, Rufisque et


Saint-louis sont gérées de la même manière que celles de la
métIopole et que leurs habitants sont considérés comme des
citoyens français dès la fin du XIXo siècle (ils élisent même un
député pour les représenter à Paris dès 1872), la plupart des
Mricains du Sénégal et des autIes colonies de l'A.O.F. sont
soumis au Code de l'indigénat64 jusqu'en 1945. En effet, le
décret du 15 novembre 1924 n'exempte du Code de l'indigénat
que les Mricains de l'armée coloniale, de l' admini stIatio n, des
assemblées délibérantes ou consultatives et les chefs de province,
de tIibu ou de canton. Il faut donc attendre la participation
africaine à l'effort de guerre pour que l'assimilation des
Africains à la France soit envisagée. C'est à Brazzaville, première
capitale de la France libre, qu'une conférence à lieu durant la
guerre pour redéfinir la nouvelle politique coloniale de la
France. La MétIopole et les possessions de l'empire français
doivent être «associées sur un pied d'égalité ». Cette volonté
d'opérer une rupture avec le passé colonial où il y avait une
totale domination de la métIopole sur les colonies et une
division entIe sujets indigènes et citoyens français s'inscrit
officiellement dans le préambule de la constitution de la IVème
République française:

«La France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur
l'égalité des droits, sans distinction de race ni de religion. [...] La France
entend conduire les peuples dont elle a pris la charge, à la liberté de

64
Créé par le décret du 30 décembre 1887 qui confère aux administrateurs
coloniaux des pouvoirs disciplinaires sur tous les indigènes qui ne sont pas
citoyens français.

65
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s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires,


écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire; elle garantit à
tous l'accès aux fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif des
droits et libertés proclamés et confirmés ci-dessus ».

L'Union française remplace alors la distinction opérée


jusqu'à lors entre la France et l'empire colonial. Le droit de la
citoyenneté française65 est alors étendu à tous les «territoires
d'outre-mer» (terme qui remplace celui de « colonie »), tout en
respectant la diversité des cultures et de leurs intérêts. L'Union
française se voit dotée d'un Haut conseil et d'une Assemblée
réunissant les élus de l'ensemble de l'A.O.F. à Dakar autour du
Haut-Commissaire de la République (ce titre remplace alors
celui de gouverneur général). Cette assimilation de l'A.O.F. à la
France va avoir pour conséquence immédiate de réorganiser le
système d'enseignement africain par rapport aux lois en vigueur
dans la République.

En effet, il ne s'agit plus d'adapter l'enseignement au


niveau mental de l'indigène et l'école primaire supérieure ne
doit plus être considérée comme l'ultime étape de la
scolarisation des Mricains. La nouvelle organisation de
l'enseignement en A.O.F.66 remplace les écoles de village, les
écoles régionales et urbaines par les écoles primaires.
L'enseignement primaire comprend alors les cours préparatoires
(C.I. et C.P.), élémentaires (première et deuxième année) et
moyens (première et deuxième année). Le certificat d'études
primaires indigènes qui sanctionnait les études primaires est
remplacé par le Certificat d'études primaires élémentaires
(C.E.P.E.). TI est également mis en place après le primaire un
concours des bourses pour l'entrée en sixième. L'enseignement
primaire supérieur est maintenu tel qu'il existait auparavant,
mais on lui rajoute la préparation des élèves au second cycle de

65
Article 80 de la constitution de la Nèrœ République française, confumé par la
loi N° 46-940 du 7 mai 1946.
66
Décrite dans l'arrêté n0257 JI> du 22 aoftt 1945, J.O. de l'A.O.F., 15
septembre 1945, p. 707-736.

66
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l'enseignement secondaire. TI est également prévu la mise en


place d'une nouvelle filière destinée à former des moniteurs
d'enseignement: les cours normaux. Le niveau de recrutement
est le C.E.P.E.
Lorsque J. Capelle67 devient le directeur général de
l'enseignement en A.O.F., il a pour mission d'organiser
l'enseignement en A.a.F. sur les mêmes bases juridiques que la
métropole, c'est-à-dire les textes émanant du Ministère de
l'éducation nationale. TIest nommé Recteur en janvier 1947 :

«Les populations d'A.a.F. ayant obtenu le droit d'envoyer des


représentants au Parlement, comme celles de la France, il devient urgent que les
populations scolaires d'A.a.F. qui représentent une élite bénéficient d'un
enseignement modelé sur le cadre français et sanctionné par les examens ayant
la qualité et le prestige des examens métropolitains. [...] Si nous partons de
l'idée que nous devons, non pas coloniser l'A.a.F., mais y prolonger la
France, selon le vœux de l'immense majorité des Africains, nous sommes
conduits à considérer comme nécessaire le contrôle de l'enseignement en
A.D.F. sur le plan professionnel par le Ministère de l'éducation nationale »68.

J. Capelle va mettre fin aux examens spéciaux de l'A. a.F.


qu'il considère comme une brimade. TI instaure un brevet
élémentaire identique à celui de la métropole, transforme le
Brevet de capacité colonial en Baccalauréat, aligne les Écoles
normales au niveau métropolitain. TI souhaite qu'un
enseignement supérieur de type métropolitain soit mis en place
en A.a.F. : il pense notamment à une université à Dakar qui
regrouperait faculté de médecine, faculté de sciences pour
former des ingénieurs et faculté des sciences humaines (à partir
de l'I.F.A.N.). J. Capelle aura de sérieuses difficultés pour
mettre en pratique le nouveau système éducatif en A.O.F. : en
effet, les fonctionnaires de l'administration coloniale voyant
leurs privilèges menacés par cette politique égalitaire entre
cadres métropolitains et africains, vont tenter de s' y opposer.

67
Les mémoires de 1. Capelle témoignent de cette période: J. Capelle,
L'éducation en Afrique noire à la veille de l'indépendance, Karthala, 1990.
68
Idem., p. 40.

67
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Néanmoins, après la création de l'école de médecine et de


pharmacie de Dakar en 1948, c'est au tour de l'Institut des
Hautes Études69de Dakar qui voit le jour en 1950 : il comporte
une école préparatoire de médecine et de pharmacie (pour les
trois premières années) et des facultés de droit, de sciences et de
lettres. Cet institut obéit à la législation en vigueur de
l'enseignement supérieur en France. Il est rattaché aux
universités de Paris et Bordeaux (mêmes études, programmes et
diplômes). En 1957, l'institut devient université et l'école
préparatoire de médecine devient école nationale de médecine et
de pharmacie préparant les élèves jusqu'à la sixième année pour
le doctorat. À partir de 1947, les lycées et les universités
métropolitaines sont ouverts aux Africains.
La Loi Jules Ferry sur l'obligation scolaire entre en
vigueur en 1949 dans l'A.O.F. : auparavant, seuls les enfants de
fonctionnaires, de militaires et de chefs étaient concernés par
l'obligation scolaire; à partir de 1949, tous les enfants
de l' A.O.F. sont concernés par cette obligation qui ne
s'applique cependant qu'aux deux premières années du
primaire (cours préparatoires).
Alors qu'il était exceptionnel que des indigènes aient
accès à l'enseignement secondaire (lycées de Dakar et de Saint-
Louis) qui par ailleurs était payant, les élèves après avoir passé
leur C.E.P.E. peuvent maintenant se présenter au concours des
bourses des classes de sixième, ce qui leur donne le moyen
d'entrer dans le secondaire qui forme les cadres administratifs
ou techniques. Les élèves qui n'obtiennent que le C.E.P.E. sont
orientés vers l'apprentissage et les centres de formation
professionnelle pour devenir ouvriers qualifiés. L'enseignement
secondaire comprend deux cycles: le premier, de la sixième à la
troisième débouche sur l'examen du Brevet d'études du premier
cycle (B.E.P.C.) qui permet, soit l'accès à des emplois
administratifs (administration générale, chemin de fer,
enseignant du primaire, Postes et télécommunication, travaux
publics, santé, justice), soit d'entrer dans le second cycle de

69
Créé par le décret 50-414 du 6 avril 1950, J.O. de l'A.O.F., 22 avril 1950, p.
757 -758.

68
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l'enseignement secondaire. Ce dernier qui s'organise de la


seconde à la terminale (sections philosophie, mathématiques ou
sciences expérimentales), débouche sur le baccalauréat.
L'enseignement technique est également réorganisé. Les
élèves titulaires du C.E.P.E. peuvent être recrutés par concours
pour aller dans les centres d'apprentissage (industriels 0 u
agricoles), où après trois ans d'études, ils passent un Certificat
d'aptitude professionnelle (C.A.P.). Les élèves qui réussissent
l'examen d'entrée en sixième peuvent se présenter dans les
collèges techniques qui les préparent en six ans à des métiers du
commerce (agent commercial, comptable, secrétaire) de
l'industrie (contremaître, dess~nateur, technicien) ou de
l'agriculture. Les meilleurs élèves qui obtiennent le Brevet
d'enseignement technique peuvent être orientés vers le
baccalauréat d'enseignement technique, puis préparer les
concours d'admission aux grandes écoles de la métropole afin
de devenir ingénieur.
L'enseignement normal qui forme les enseignants des
écoles primaires est dispensé dans les cours normaux qui
préparent les instituteurs-adjoints et dans les écoles normales qui
leur permettent de devenir instituteurs. Les élèves titulaires du
C.E.P.E. sont formés en quatre ans dans les cours normaux pour
préparer le Brevet élémentaire. Après une année de stage, ils
obtiennent le Certificat de fin d'études des cours normaux
(C.F.E.C.N.) et sont alors titularisés instituteurs-adjoints. Les
élèves ayant le B.E. ou le B.E.P.C., après concours, peuvent
rentrer à l'école normale: ils reçoivent trois ans de formation
débouchant sur le baccalauréat et un an de formation
professionnelle validé par le Certificat de fin d'études normales
(C.F.E.N.), qui leur permet d'être alors instituteurs.

Néanmoins, le système éducatif au Niger est loin de


ressembler à celui du Sénégal où les élites africaines
francophones ont réclamé l'assimilation. Au Niger, ce n'est que
depuis les années 1930 que l'enseignement primaire fonctionne.
il va se développer entre 1945 et 1960 où 250 écoles primaires
vont voir le jour. Mais c'est surtout durant les cinq années qui
précèdent l'Indépendance qu'il yale plus de création

69
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d'écoles (208) et notamment les années 1959 et 1960 (130). Le


Niger70 passe de 24 écoles primaires en 1945 à 60 écoles en
1948 (100 classes et 4.500 élèves), puis de 59 écoles en 1951
(comportant 151 classes et 6300 élèves dont 18% de filles), à 94
écoles en 1955 (230 classes et 9271 élèves) et enfin à 275 écoles
en 1960 (21.054 élèves, ce qui correspond à un taux brut de
scolarisation de 3,6%). L'enseignement primaire va par ailleurs
se diversifier.
Les premières écoles pour nomades apparaissent
seulement en 1947 : les classes sont des tentes et les enseignants
doivent suivre les déplacements des tribus auxquelles ils sont
rattachés.
L'enseignement privé n'est pas très développé et doit
suivre, en outre, le programme en vigueur dans les écoles
publiques. Celles qui refusent de l'appliquer sont fermées: ce
fut le cas d'une école primaire protestante en 1932 qui a été
ouverte à Maradi sans autorisation et dans laquelle
l'enseignement était dispensé en hawsa71.Ce n'est qu'à partir de
1943 qu'un arrêté72 qui accorde des subventions aux
établissements de l'enseignement privé va inciter le clergé à
construire 7 écoles primaires entre 1943 et 1960. La mission
catholique va ouvrir ses premières écoles privées en 1948 à
Tchirozérine (région d'Agadès) et à Zinder, puis à Niamey en
1949, 1950 et 1955, à Maradi en 1954, et enfin à Zinder et
Dogondoutchi en 1956. En 1959, il n'y avait que 550 élèves
issus des missions religieuses, soit 3,7% de la population scolaire
du Niger (15.000 élèves). Autrement dit, l'enseignement privé
est quasi-inexistant à la veille de l'Indépendance. Ce sont dans
ces écoles catholiques que l'enseignement préscolaire va être
introduit au Niger. Néanmoins, il reste destiné à quelques
privilégiés: enfants d'expatriés blancs et noirs et de quelques
fonctionnaires.

70
Rapport de rentrée, Inspection académique, Niger, 1erjuin 1956, A.N.F., réf.
200MI/2043) .
71
SALIFOU (A.), Ibid., p. 1107.
72
Arrêté n03568Fdu 7 octobre 1943.

70
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L'enseignement franco-arabe qui est une filière du


primaire en A.O.F. depuis plus d'un siècle ne fait son apparition
au Niger qu'en 1957, sous le gouvernement de Djibo Bakary.
Cette médersa, installée dans la cité religieuse de Say (50 km au
sud-ouest de Niamey), dépend directement du Ministère de
l'intérieur et non pas de celui de l'enseignement. Elle a pour
objectifs l'enseignement des langues arabe et française, la
formation rapide de moniteurs d'enseignement, ainsi que la
connaissance et la pratique de la religion musulmane. Il s'agit, à
la veille de l'Indépendance, de reconnaître officiellement un
enseignement qui existe depuis longtemps au Niger, où la
majorité de la population est musulmane.
Ce développement de l'enseignement primaire aura pour
conséquence la nécessité de former de nouveaux enseignants. Le
premier établissement de formation des maîtres est le cours
normal de Kollo (région de Niamey), qui, à partir de 1945,
forme en trois ans les élèves (titulaires du Certificat d'études)
pour les écoles rurales, c'est-à-dire les moniteurs
d'enseignements (mais également des moniteurs d'agriculture et
des surveillants d'élevage). Lorsque le cours normal de Kollo est
transféré à Tahoua en 1948, seuls les futurs instituteurs-adjoints
reçoivent une formation (en quatre ans) qui débouche sur le
Brevet élementaire. En 1957, c'est au tour du cours normal de
Zinder qui sera mixte jusqu'à l'ouverture de celui de Tillabéry
en 1959 qui sera réservé aux filles (celui de Zinder le sera alors
aux garçons). n faut attendre 1962 pour que la première école
normale mixte du Niger voit le jour à Zinder, dans laquelle sont
formés des instituteurs, avec comme niveau de recrutement le
B.E.P.C.
En ce qui concerne l'enseignement technique, ce sont les
écoles professionnelles des anciennes écoles régionales qui vont
être restructurées à partir de 1955: celle de Niamey qui a
comme principales sections la forge et la senurerie, la
maroquinerie et la menuiserie, va devenir en 1955 un centre de
formation professionnelle rapide, préparant des dactylographes,
des électriciens, des maçons, des mécaniciens et des plombiers. À
la même date, la ferme école de Kollo va également se
transformer en centre d'apprentissage agricole et la section
71
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agricole de l'école régionale de Maradi va se transformer en


centre d'apprentissage technique avec un cycle de formation de
trois ans. Toujours à Maradi, il y a création en 1957 d'une
École des agents d'élevage et des industries animales qui devient
en 1959 l'École technique des agents de l'élevage.
Lorsque l'école primaire supérieure de Niamey (créée en
1930) ferme ses portes en 1948, elle n'a formé moins d'une
vingtaine de promotionnaires. Celle-ci est remplacée en 1946
par un collège qui prépare les élèves au B.E.P.C. en quatre ans.
Cinq cours complémentaires sont ouverts en 1959 à Agadès,
Niamey, Maradi, Tahoua et Zinder. TIs deviennent en 1960
collèges d'enseignement général, et durant la même année, deux
autres C.E.G. sont créés à Dosso et Maïné-Soroa. Toujours en
1960, le Collège de Niamey devient lycée et prépare au
baccalauréat. Il faut cependant constater que ce développement
de l'enseignement secondaire n'apparaît qu'à la veille de
l'Indépendance et qu'il n'y a en 1960 que 1.040 élèves du
secondaire. Nous pouvons constater qu'il n'y a pas de collège
technique et que par conséquent, les élèves nigériens doivent se
rendre dans les autres territoires de l'A.D.F., à Bamako, Abidjan,
Cotonou, Conakry et Dakar, pour effectuer ce genre d'études.
Après le collège, les élèves sont orientés soit vers le lycée
technique Maurice Delafosse de Dakar, soit l'École des travaux
publics de Bamako. TIn'y a pas eu de Nigériens qui sont sortis
de ces deux établissements. C'est également la même situation
pour les Nigériens qui souhaitent poursuivre leurs études après
le B.E.P.C. : ils doivent se rendre aux lycées de Dakar (lycée
Van Vollenhoven), Abidjan, Bamako (Terrafon Fougers), mais
également en France comme au lycée de Montpellier ou de
Toulon. Les Nigériens titulaires du B.E. souhaitant devenir
instituteurs durant cette période (1945-1960) devaient se rendre
les Écoles normales des autres territoires de l'A.D.F.:
Sébikotane, Katibougou, Dabou et Rufisque.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur, les
bacheliers nigériens pouvaient se rendre à l'Institut des Hautes
Études (créé en 1950) de Dakar puis dans une université
française rattaché à celui-ci (il faut attendre 1957 pour pouvoir
effectuer un cycle complet à l'université de Dakar), au C.E.S.
72
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d'Abidjan ou directement dans le supérieur en France


(universités, grandes écoles).

De 1945 à 1960, le nombre d'écoles primaires au Niger


est multiplié par Il : la politique de « contact» mise en place au
début du siècle commence enfin à s'effectuer dans les
campagnes tandis que, dans les principales villes du pays, les
élèves peuvent accéder au premier cycle de l'enseignement
secondaire. L'enseignement primaire s'est également diversifié:
nous trouvons à côté des écoles primaires traditionnelles des
écoles itinérantes, des médersas franco-arabes et des écoles
privées. Le deuxième cycle de l'enseignement secondaire
n'existe qu'à partir de 1960 avec le lycée de Niamey. En
195773, sur les 353 enseignants au Niger, 285 sont nigériens, soit
près de 81% : d'une manière générale les Nigériens représentent
près des trois quarts des cadres locaux (71,4%) et des cadres
supérieurs (73,8%) au Niger. Nous pouvons donc affirmer que
ce pays a rattrapé une bonne partie de son retard en matière de
formation de cadres, même s'il doit encore faire appel à des
Mricains'issus d'autres territoires de l'A.O.F.

L'implantation des écoles coloniales au Niger a été tardive


par rapport aux autIes territoires de l'A. O.F. tout d'abord parce
qu'elle est tributaire de l'avancée et de l'implantation des
militaires français dans le pays qui ne s'effectuent vraiment que
dans les années 1910; ensuite parce la colonie du Niger est
dotée de moyens limités et n'attire pas les Européens; enfin
parce cela ne concerne qu'une infime partie du territoire et qu'à
la veille de l'indépendance, la grande majorité des Nigériens ne
sont pas concernés par l'école. La mise en place de cette
dernière est éminemment politique: il s'agit de faire sien les
enfants de chefs et de notables afin qu'ils soient des serviteurs
73
Nous avons effectué les calculs qui suivent d'après les chiffres fournis par
GERY (R.), Colonisation-décolonisation-indépendance. Le pouvoir et ses
agents. Communication et conduite du changement. L'exemple de la
République du Niger., Doctorat en droit, Université de Paris I, 5 vol., juin
1986, annexe 2, document 1.

73
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dévoués de l'administration coloniale et qu'ils puissent en


retour conserver une partie de leurs privilèges par rapport à la
grande masse qui reste analphabète (à l'exception des lettrés
musulmans). Cette dernière commence à accéder au primaire
dès lors que 1'« élite» de pays bénéficie de l'extension de
l'enseignement au secondaire et au supérieur: ces différents
paliers de l'enseignement permettent de ne pas trop mélanger
les « classes », les cadres locaux n'ont bien souvent pas la même
origine sociale que les cadres supérieurs. L'école reproductrice
des inégalités sociales n'est pas un fait nouveau. C'est bien
entendu parmi les cadres nigériens que la France va s'employer
à recruter les hommes qui vont participer à la vie politique
française et du territoire autonome du Niger (après la loi Cadre).
Ce seront ces cadres supérieurs qui seront également les
dirigeants de l'État nigérien à l'Indépendance.

74
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Chapitre ill

Pouvoir et savoir: vers la constitution d'une classe


dominante francophone et francophile

Au Niger comme dans le reste de l'A.O.F., l'école


coloniale a favorisé la formation d'une élite francophone et
francophile, elle-même issue en grande partie des milieux
dominants des sociétés traditionnelles, à savoir les aristocrates et
les notables. Tout d'abord hostile à la scolarisation de sa
progéniture, l' élite traditionnelle va prendre conscience de la
nécessité de faire passer ses enfants dans le moule idéologique
que représente l'école, instrument nécessaire à leur préparation
d'auxiliaires de l'administration coloniale, afin que les
privilèges dus à leur statut social ou à leur rang dans le monde
traditionnel puissent être transmis dans le monde des nouvelles
autorités politiques. Or l'accès à celui-ci passe par la maîtrise de
la langue française et de son écriture, étape nécessaire pour
devenir membre de la nouvelle élite où le capital scolaire des
individus tient une place importante, surtout s'ils ont la
prétention d'occuper une position sociale valorisante dans
l'administration. Être fils de noble ou de notable n'est plus une
garantie suffisante pour conserver sa position dans la société
nigérienne: le passage à l'école coloniale devient indispensable
pour ceux qui souhaitent occuper des fonctions administratives.
L'école permet à des enfants de roturiers ou d'esclaves de
s'affranchir de leur statut traditionnel et de devenir les égaux ou
les supérieurs de leurs anciens maîtres. De nouveaux groupes
sociaux vont alors apparaître et l'école va devenir objet de
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promotion et de différenciation sociale. Le choix de la langue


française comme langue nationale vise non seulement à favoriser
une ouverture sur l'ensemble du monde francophone, mais
également à éviter tout conflit interethnique dans des pays où la
multiplicité des langues et leur enracinement socioculturel
interdisent le choix d'une langue au détriment des autres.
Prôner l'usage du français dans les écoles coloniales et dans
l'administration, c'est également permettre aux élites formées
par l'école de bénéficier d'une situation de monopole pour
accéder au pouvoir, de placer avant les aspirations régionalistes
ou ethniques la construction nationale et ses agents qui sont
tributaires de l'école française. Ces derniers vont alors devenir
les prosélytes de cette école à laquelle ils sont redevables de leur
rapide ascension sociale, économique et même politique,
puisque ce sont ces élites qui vont progressivement se retrouver à
des postes de responsabilité à partir de la conférence de
Brazzaville. Les structures politico-juridiques empruntées aux
États européens, étant devenues familières aux populations
africaines durant la colonisation, vont être pérennisées à
l'Indépendance par les élites africaines, soucieuses de conserver
entre leurs mains le pouvoir. Ces fonctionnaires vont maintenir
leur hégémonie à la tête des États africains en interdisant aux
autres groupes de mettre en avant d'autres manières de
concevoir le politique, les accusant de séparatisme, de
régionalisme, d'atteinte à la cause nationale, etc.74 Les intérêts
propres à cette nouvelle « classe régnante» passent souvent avant
l'intérêt général, légitimant leurs actions par le fait même qu'ils
représentent l'État. Ce sont bien souvent des régimes autoritaires
qui se mettent en place.

Il faut attendre la fin de la seconde guerre mondiale avec


l'avènement de l'Union française, pour que l'école devienne au
Niger un véritable instrument de mobilité sociale, permettant aux
Nigériens d'accéder à des emplois qui ne soient pas uniquement

74
NICOLAS (G.), « Islam et « constructions nationales» au sud du Sahara »,
Revue française d'études politiques africaines, 165-166, sept.-oct. 1979, p.
86-107.

76
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subalternes. L'Union française va permettre en effet d'ouvrir


aux Africains l'ensemble des emplois coloniaux. Auparavant, il
n'était pas concevable qu'un indigène puisse accéder à une
quelconque position de pouvoir par le biais de l'école.
L'administration coloniale formait ses petits auxiliaires dans ses
écoles régionales: ils arrivaient tout au plus à occuper des postes
du cadre local et du cadre commun secondaire dans
l'administration coloniale. Dans les années 1920, le conseil
d'administration mis en place au niveau de la colonie et les
conseils de notables indigènes dans chaque circonscription
administrative comportent uniquement des chefs et des
notables: il n'y a pas de place pour les petits commis qui ont été
formés à l'école coloniale.
Les premières «élites politiques» nigériennes issues de
l'école coloniale doivent attendre 1946, c'est-à-dire la
constitution de la IVèmeRépublique et donc la fin de l'empire
colonial français (remplacé par l'Union Française), pour mettre
en valeur leur capital scolaire et faire partie d'une représentation
politique locale (entendons le Niger) et nationale (la République
française). Bien entendu, si les fils de chefs et de notables
continuent à être favorisés, bénéficiant de droit à la scolarisation,
d'autres Nigériens, formés à l'école coloniale, forts d'un capital
scolaire conséquent pour l'époque, étant déj à initiés au
fonctionnement des institutions puisque travaillant en leur sein,
vont prendre place aux côtés du pouvoir colonial et des
chefferies (il convient de ne pas oublier qu'une partie non
négligeable d'entre eux est elle-même issue des chefferies).
Suite au décret du 25 octobre 1946, une assemblée
représentative, le Conseil général, est mise en place dans chaque
colonie: il est composé de deux collèges: les «citoyens de
statut civil », essentiellément les Européens, qui élisent dix
conseillers régionaux, et les «citoyens ayant conservé leur statut
personnel », c'est-à-dire la grande majorité des autochtones qui
en élisent vingt. Ainsi au Niger, dans ce deuxième collège, à côté
des huit chefs locaux, nous avons douze Mricains issus de
l'administration coloniale. Au niveau de l'Assemblée Nationale,
le Niger se voit doté d'un puis deux (en 1948) députés, deux
sénateurs et trois conseillers à l'Assemblée de l' Union
77
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Française75. De 1946 à 1959, tous les élus représentant le


Territoire du Niger dans la métropole sont issus de
l'administration coloniale. Mais c'est surtout la loi-cadre de
1956 qui va accroître les possibilités pour les Nigériens
d'occuper des fonctions politiques, notamment avec la mise en
place d'une Assemblée Territoriale élue au suffrage universel et
un Conseil de gouvernement pouvant prendre des décisions
locales: le Conseil et son vice-président sont désignés par
l'Assemblée Territoriale, le président du Conseil reste le
gouverneur du territoire. Ainsi, dans le gouvernement de Djibo
Bakari, il n'y a aucun chef local, uniquement des anciens agents
de l'administration coloniale. Ce sera la même chose pour les
gouvernements de la première République de Diori Hamani.
Précisons également que Djibo Bakari est sorti de William Pont y
en 1938 et Diori Hamani en 1933.
C'est l'utilisation des partis politiques qui va permettre à
ces élites issues de l'école coloniale d'occuper rapidement le
paysage politique nigérien. Le capital scolaire va devenir
prépondérant au sein de ces partis qui deviennent des machines
politiques modernes pour mener la lutte pour prendre le
pouvoir. Les chefferies, ne maîtrisant pas le fonctionnement de
ces institutions sont alors définitivement écartées du pouvoir,
mais sont cependant utilisées par les dirigeants qui contrôlent ces
partis, l'efficacité de ces derniers ayant besoin d'être relayée au
niveau régional et local par ces courroies de transmission
utilisées durant la colonisation, que sont les chefferies. Le
premier parti nigérien est créé en 1946: il s'agit du Parti
Progressiste Nigérien (P.P.N.) qui devient en 1947 la section
nigérienne du Rassemblement Démocratique Africain (R.D.A.).
Les principaux dirigeants sont: Diori Hamani, Djibo Bakari,
Boubou Hama, Mahamadou Maïda et Issoufou Saïdou
Djermakoye. Le R.D.A. étant allié au Parti Communiste
Français, lors des élections législatives de 1948, un nouveau parti
est créé, l'Vnion des Nigériens Indépendants et Sympathisants
(V.N.I.S.): il est soutenu par l'administration coloniale.
D'autres partis vont voir le jour à partir de 1950, comme le

75
RAYNAL (J.-J.), Les institutions politiques du Niger, Sépia, 1993, p. 13.

78
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Sawaba, composé de groupes dissidents comme l'Vnion


Démocratique Nigérienne (V.D.N.), mené par Djibo Bakari qui
refuse la rupture entre le R.D.A. et le P.C.F., et le Bloc Nigérien
d'Action (B.N.A.) composé de notables issus de l'V.N.I.S..
Lors du référendum de 1958 pour l'adoption de la
constitution de la VèmeRépublique française, le parti sawaba76,
majoritaire à l'Assemblée Territoriale, avec son chef politique
Djibo Bakari qui est alors vice-président du Conseil font
campagne pour le « non» et pour l'Indépendance immédiate du
Niger; Le P.P.N. quant à lui, se prononce pour le «oui »,
ralliant autour de lui la plupart des chefs coutumiers. Le « oui »
l'emporte à plus de 78%, mais cela contraint le Conseil du
gouvernement à démissionner et à la dissolution de l'Assemblée.
Les élections de 1958 confirment la victoire du P.P.N. : le 18
décembre 1958 est proclamée la première République du Niger,
Diori Hamani est élu président de la République, Boubou Hama
devient président de l'Assemblée. Dans les trois Assemblées qui
vont se succéder durant le régime de Diori Hamani, la
proportion des chefs ne dépassera pas un cinquième, et il faut
souligner que la plupart d'entre eux sont d'anciens agents de
l'administration. L'école devient donc un lieu de passage obligé
pour tous ceux qui aspirent à mener une carrière politique,
même si le diplôme est loin d'impliquer une vie politique
professionnelle. Ce qui apparaît comme une constante, c'est que
l'élite politique se recrute parmi «les meilleurs produits» du
système scolaire selon les époques: de 1946 aux années 1960,
elle se recrute chez les diplômés des écoles du Gouvernement
Général et parmi les catégories les plus élevées des cadres
locaux, comme les interprètes et les commis expéditionnaires.

Cette capacité de mobilisation, notamment politique,


qu'opère l'école dans les pays africains, ne doit pas occulter la
non-scolarisation des masses paysannes et leur mise à l'écart de
la vie politique, celles-ci n'ayant pas directement accès aux
instruments du savoir et du décryptage de l'institutionnalisation
du pouvoir. En promouvant quelques individus et en restant

76 « Sawaba» veut dire « liberté» en hawsa.

79
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étrangère à la majorité des populations, l'école nigérienne a créé


un clivage profond entre non-scolarisés et scolarisés: ces
derniers sont préparés à l'acquisition de nouvelles pratiques et
représentations qui s'inscrivent en continuité avec le régime
colonial, mais aussi qui le dépassent au niveau de la gestion du
pays, ouvrant aux seuls scolarisés les postes de la fonction
publique, y compris ceux qui relèvent du politique sous sa
forme moderne. Si les représentants des institutions
traditionnelles ont encore un peu de pouvoir au niveau local, ils
se voient en grande partie supplantés par les nouvelles élites
politiques, qui elles gèrent le pouvoir au niveau national mais
également au niveau régional avec les préfets qui se voient dotés
de pouvoirs importants.
L'école coloniale et l'avènement de l'élite politique et
administrative qui en est issue entre 1945 et 1960 vont opérer
une mythification de cette institution chez les populations,
d'autant plus forte qu'elles seront éloignées des scolarisés. En
s'offrant à des roturiers, l'école leur donne les moyens de
s'approprier le pouvoir social voire politique par les emplois
qu'elle prépare et qui sont à la base d'une réorganisation sociale
qui donne au scolarisé un statut désormais plus important que le
chef ou le notable qui refuse de passer par ce moule
idéologique. D'alternative sociale, l'école va devenir alternative
politique pour la nouvelle élite instruite. L'idée d'une
équivalence fonctionnelle entre instruction et promotion sociale
va progressivement s'implanter dans la conscience collective,
amenant des parents à se priver de la force de travail de leurs
enfants, à commencer par les garçons et tout d'abord les aînés,
misant sur leur réussite scolaire et par voie de conséquence, sur
leur promotion sociale et économique, puisqu'un salaire d' un
petit cadre local est bien supérieur aux revenus d'un paysan
moyen: ce dernier peut donc sacrifier temporairement une
partie de ses ressources, car l'école s'avère plus rentable que les
activités domestiques.
Cette individuation de l'instruit s'inscrit en porte à faux
de la conception traditionnelle de l'éducation où c'est aux
anciens et à la communauté toute entière qu'est attribué le rôle
d'éduquer les jeunes générations en fonction des pratiques et
80
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des représentations de leur société. La scolarisation va opérer


une rupture dans le champ du savoir: celui qui passe par l'école
est instruit, celui qui l'évite reste ignorant. La représentation que
les Africains ont du savoir passe désormais par l'acquisition de
l'écriture sans laquelle on reste ignorant. Le savant est tout
d'abord celui qui sait lire, le français ou bien l'arabe, car le
savoir livresque dépasse celui de la tradition orale ou des
connaissances du groupe de parenté. L'enseignement dans les
écoles coraniques n'opère pas de rupture brutale avec les
connaissances du milieu, puisque la religion musulmane ne
sépare pas le religieux du social, ce qui permet aux parents
musulmans de ne pas être exclus du contrôle de cet
apprentissage et des normes et valeurs qui en résultent et qui
sont souvent celles du groupe de parenté et de la communauté
villageoise. Par contre, ce n'est pas le cas de l'école coloniale
qui impose d'une manière arbitraire à l'enfant des normes et
des valeurs qui lui sont étrangères, à commencer par la langue
française, et qui vise à l'épanouissement de l'individu, attitude
nouvelle dans des sociétés où le statut social de l'individu
dépend avant tout de son appartenance à un lignage et à une
communauté, notamment chez les populations sédentaires. Seule
l'infime partie de la population qui a été scolarisée et qui a pu
utiliser le français au niveau professionnel, c'est-à-dire dans
l'administration coloniale, a déjà intériorisé un certain nombre
de normes et de valeurs véhiculées par l'école. Cette
représentation collective de l'équation entre école et fonction
publique va par ailleurs permettre à la nouvelle classe de lettrés
de maintenir son hégémonie dans la production restreinte de
l'élite, bénéficiant d'une avance suffisante sur le reste de la
population en matière de connaissances sur le système scolaire.
Nous voyons déjà apparaître les premières disparités dans le
système scolaire nigérien: il s'opère en effet une distanciation
entre instruits et non-instruits, milieux urbains et ruraux,
bourgeoisie «fonctionnarisée» et classes laborieuses (nous
pensons ici aux paysans qui constituent l'immense majorité des
Nigériens), entre Zarma-Songhaï77 de l'Ouest du Niger (où se

77
FUGlESTAD (F.), A history of Niger 1850-1960, Cambridge University

81
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trouve Niamey la capitale) et les autres groupes


sociolinguistiques.
Mais avant d'aborder l'enseignement nigérien durant la
période post-coloniale durant laquelle les disparités vont se
creuser, nous allons voir à travers différents témoignages, ce
qu'était l'école durant la période coloniale, comment elle a
évolué et quelles représentations en avaient les populations du
Niger. Nous avons déjà distingué trois périodes concernant
l'implantation des écoles françaises au Niger: nous pouvons
donc identifier trois générations de scolarisés qui se
différencient les unes des autres par leur capital scolaire.
Entre 1900 et 1922 le Niger est un territoire militaire où
l'enseignement relève du domaine de l'improvisation. La
première génération de scolarisés est formée au mieux dans les
écoles régionales de Zinder et Niamey où le certificat d'études
primaires, alors le diplôme le plus important, leur permet
d'intégrer uniquement le cadre local.
Les anciens élèves de cette période ne sont plus là pour
pouvoir nous raconter comment se déroulait la scolarisation.
Néanmoins, parmi les élèves de la génération suivante, nous
avons retrouvé quelques uns qui avaient déjà un parent dans
l'enseignement. C'est le cas de Boniface Lobi qui nous parle de
son grand-père, Albert Lobi l'un des premiers enseignants du
Niger de la toute première génération, mais également l'un des
premiers interprètes qui sera même responsable du Cercle de
Maradi durant la seconde guerre mondiale, ce qui est tout à fait
singulier.

« Mon grand-père venait du nord de la Côte d'Ivoire, il était bambara.


TIa été pris par l'armée française dans son village alors qu'il était très jeune, à
peine 7 ans. Parmi les Français qui menaient la troupe, il y avait un capitaine
qui s'est attaché à l'enfant, il l'a adopté. C'était le capitaine Albert. D'ailleurs le
vieux Lobi porte le nom d'Albert: Lobi est l'ethnie et Albert est le nom du
capitaine. Alors le capitaine a fait toute une randonnée avec lui et quand il es t
rentré en France, il a amené Albert avec lui. C'était l'un des premiers noirs à
aller en France. Et c'est ainsi que le vieux a pu fréquenter l'école française. En

Press, African Studies Series, n041, 1983, 275 p., p. 191.

82
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France, le capitaine l'a inscrit au primaire, ça lui a permis de s'exprimer et de


traduire. Le vieux a été affecté au Niger et il est venu avec Albert. TI a pu le faire
recruter comme interprète. C'était avant 1920, puisque mon oncle Enoussa il
est de 1917..., c'est bien avant..., Diori il est de 17 aussi, ça doit être aux
environs de 1906. Le capitaine Albert devait prendre le poste de Tahoua, et il
est venu avec le vieux Lobi; et le vieux devait être interprète. Mais il lui fallait
apprendre le haoussa. Le capitaine Albert avait le commandement ci vil, il était
à ce moment commandant du Cercle de Tahoua: les administrateurs français
c'étaient le plus souvent des militaires à cette époque. De l'interprétariat, le
vieux Lobi a été versé dans l'enseignement. Il a appris le haoussa en
s'incrustant: sa première femme d'ailleurs est de Tahoua, la deuxième, ma
grand-mère, elle aussi est de Tahoua ; elles sont toutes les deux haoussa. Il est
resté quelques années interprète, après il a été versé dans l'enseignement. Mais
on faisait quand même encore appel à lui puisque jusqu'à la guerre 14-18, le
vieux faisait en même temps l'interprète et l'enseignant. TI enseignait au
primaire, les écoles venaient à peine d'ouvrir. Un peu plus tard il Y a eu trois
lieux de regroupement des élèves: Niamey, Maradi et Zinder ; c'est ça qu'on
appelait les écoles régionales. Au niveau des autres coins importants tels que
Tahoua, Doutchi, Dosso, il y a des écoles, mais des écoles élémentaires; c'est-
à-dire ils enseignent mais jusqu'au niveau du C.E. Ensuite il faut envoyer ses
gosses au niveau des écoles régionales. Par exemple ceux de Tahoua,
Dogondouchi, Koni, Madaoua, Keïta, Tessaoua, ils envoyaient leurs enfants
après le C.E. à Maradi. À l'Est, ils envoyaient leurs enfants à Zinder ; à l'Ouest
à partir de Dosso, à Niamey. Voilà comment se faisaient les trois grandes
répartitions. Alors, lui de Tahoua, il a été affecté une première fois à Maradi, de
Maradi il a été affecté à Zinder, puis de Zinder il a été affecté de nouveau ici, à
Maradi. Lorsqu'il a été affecté la première fois à Maradi, c'était sensiblement
pendant la guerre, la guerre de Kaoussen. Vous savez, Kaoussen a attaqué les
Français alors que ceux-ci se trouvaient pris par la guerre, en Europe. D'ailleurs
le vieux Lobi a eu à remplacer l'administrateur blanc. Eh oui, il fut
commandant. Les militaires français étaient tous partis à la guerre, il fallait
quelqu'un d'instruit et un homme de confiance, et comme lui, il a déjà ce
prestige d'avoir visité la France... Les Blancs, je vous dis la vérité, quand ils
venaient à Maradi, c'était chez nous, ils rendaient visite au vieux. On était
honoré, parce qu'en ce moment quand un Blanc vient chez vous, c'est quand
même quelque chose. TIs passaient voir le vieux. Alors pendant la guerre, ils
ont placé le vieux, ils lui ont donné le poste de commandant avec quelques

83
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gardes, quelques gardes-cercle. Je sais qu'ils l'ont laissé à Maradi jusqu'à sa


retraite en 1954» (Boniface Lobi, scolarisé en 1940).

Ce témoignage est confirmé par un autre ancien élève de


la seconde génération, qui précise qu'avant Lobi, ce sont des
militaires qui enseignent au Niger mais que les premiers
Africains tels que Lobi ou les militaires étaient loin d'être des
pédagogues. Il montre également que la scolarisation des fils de
chefs et de notables était la priorité pour l'administration
militaire, ensuite est venue la nécessité d'organiser une
administration locale au Niger:

« Au début du siècle, l'école était juste un instrument mis en place par


les militaires afin que les indigènes apprennent le français. Mais pas n'importe
quels Africains: c'étaient des gens recrutés chez des notables, les chefs, les
marabouts, enfin, des gens influents: c'était la politique française. Mais
malheureusement, le plus souvent, au lieu de donner leur propre fils, ils
donnaient les enfants de leurs esclaves ou bien de leurs sujets, enfin des petites
gens. Si le colonisateur a tenu dans un premier temps à scolariser les enfants de
chefs, c'est parce qu'il tenait à rester toujours maître de la situation, puisque si
vous avez un collaborateur qui est influent lui-même et que vous l'avez préparé
à votre façon, vous êtes sOr qu'il continuera à vous soutenir. La première idée
des colons français, c'était d'avoir d'abord des collaborateurs qui sont eux-
mêmes influents et qui sont acquis à la politique française. Dans un deuxième
temps, l'idée qui les a poussés à recruter des gens et à organiser l'enseignement
moderne, c'est la nécessité d'avoir des employés de l'administration, parce qu'il
fallait quand même organiser l'administration sur le plan local: avoir des
secrétaires, des gardes, en somme étoffer tous les services nécessaires à une
administration.
Au début, dans les années 1920, c'étaient des gardes, des gens qui
avaient servi dans l'armée française qui venaient enseigner, sans aucune
méthode. Nous, nous avons eu la chance d'échapper à cette période, parce qu'au
début des années 1930, il Y avait déjà des instituteurs qui avaient une
pédagogie, un niveau d'instruction qui atteignait peut-être même plus que le
brevet, alors qu'avant c'étaient des gens qui n'avaient même pas le niveau du
certificat d'étude, qui avaient fait le cours élémentaire, ou alors à force de rester
avec l'Européen, qui ont appris à parler le français sans aucune, comment
dirais-je, étymologie. M. Lobi, lui aussi, n'était pas un pédagogue: il fait

84
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partie de cette équipe qui a été formée grâce au contact avec l'Européen et qui a
occupé de grandes fonctions. M. Lobi a été responsable du Cercle, et il a même
été procureur général, parce que pendant la révolte de Kaoussen, on amenait les
révoltés pour les juger ici, et c'est lui qui les condamnait à mort. C'était à
Maradi : il y a un gao [arbre] à côté du cimetière français, c'est là qu'on venait
les pendre: à cette époque, c'était presque la brousse, il y avait des hyènes, et
quand on pendait les bonhommes, au bout d'un certains nombre de jours quand
ils pourrissaient, il tombaient de l'arbre et les hyènes viennent les bouffer.
C'était de la charogne» (Mamadou Maïdah, scolarisé en 1933).

L'administration militaire va tout d'abord essayer de


scolariser les fils de chefs et de notables; néanmoins, dans un
premier temps tout du moins, les chefs vont plutôt envoyer des
enfants d'esclaves ou de roturiers en les faisant passer pour les
leurs. Ce n'est qu'après la scolarité de ces derniers qui leur a
permis d'occuper des fonctions d'auxiliaires auprès des
colonisateurs qu'ils se sont aperçus que l'école était un facteur
d'une grande mobilité sociale:

«Les fils de chefs avaient la priorité, qu'ils soient fils de chef de


canton, de village, de province car ils étaient appelés à communiquer
directement avec le colonisateur. Le régime colonial avait besoin surtout
d'auxiliaires. Donc ceux qui collaboraient avec les colonisateurs étaient les
chefs de canton, de province, de village. On venait voir ces chefs pour des
raisons bien déterminées, c'étaient des auxiliaires de l'administration
coloniale, donc comme on avait recours à eux directement, on recrutait leurs
enfants, mais aussi les enfants des notables du village. Or ces chefs, ils ont
falsifié ce recrutement, car ils n'aimaient pas fréquenter le Blanc et son école:
ils avaient peur que leurs enfants soient corrompus, donc ils ont essayé de
tricher. Par exemple dans le pays targui les chefs choisissent des enfants de
Bouzou, des esclaves; dans le village, le chef de province ne donne pas ses
enfants mais des talaka, des pauvres cultivateurs. Finalement, après leur
scolarité, on a vu que les enfants de Bouzou, d'esclaves, de paysans revenaient
avec de plus hautes fonctions: les chefs ont reconnu leur erreur et par la suite
ils ont voulu scolariser leurs propres enfants. Ce renversement de situation
s'est surtout produit vers 1945. La colonie du Niger c'était en 1921 et jusqu'en
1945 ils ne se sont pas rendu compte de l'intérêt de l'école» (C. Traoré,
scolarisé en 1937).

85
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Par la suite, l'école va progressivement être considérée


comme un moyen de dépasser les clivages anciens pour le petit
peuple et un moyen de les maintenir pour l'aristocratie et les
notables: devenir un auxiliaire, c'est déjà se situer au-delà du
monde traditionnel, même si cela reste en-deça du monde des
Blancs. Si l'instruction de la Lettre ne conduit pas encore au
pouvoir, elle permet une émancipation sociale pour l'individu
dont les repères lui sont fournis par l'école puis le travail qu'il
va effectuer dans l'administration coloniale.

« Dans l'ancien temps, l'école était présentée comme un moyen


d'approche de la communauté blanche, donc l'école formait les interprètes. Ces
interprètes qui étaient proches des Blancs ont eu certains avantages. Ensuite il
y a eu les enseignants, les infirmiers, les petits employés de l'administration,
les petits commis etc. : comme ils ont eu des facilités pour communiquer avec
les Blancs par leur langage, ils ont été respectés par la population qui n'a pas
été à l'école. Depuis ce temps, les gens ont pris conscience que pour se
rapprocher des Blancs il faut passer par l'école, connaître le français. Par
ailleurs, le Blanc avait beaucoup de moyens à sa disposition et il
impressionnait les masses paysannes. Donc l'enfant qui allait à l'école, ayant
ce petit bagage intellectuel comme le langage, la lecture, arrivait lui aussi à
s'élever à un certain niveau culturel qui lui permettait d'adopter une certaine
façon de vivre tout en imitant le Blanc. C'était la première motivation qui a fait
que les gens ont voulu envoyer leurs enfants à l'école» (A. Mamadou,
instituteur à la retraite).

De 1922 à 1945 la colonie du Niger est dotée d'une


autonomie administrative et financière et l'organisation de
l'enseignement s'effectue en fonction des besoins de
l'administration coloniale. La seconde génération de scolarisés
est formée à l'école primaire supérieure de Niamey et dans les
écoles du Gouvernement général. La scolarisation dure plus
longtemps, ce qui leur permet de passer des diplômes plus
valorisants que le certificat d'études primaires, comme le
certificat d'études primaires supérieures, les différents brevets
des écoles professionnelles et les diplômes des écoles du
gouvernement général. Ces diplômes leur ouvrent l'accès à des

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emplois demandant plus de responsabilités et étant mieux


rémunérés que ceux auxquels pouvait aspirer la première
génération de scolarisés.
Les nouveaux fonctionnaires africains de l'administration
coloniale sont les plus fervents partisans de l'école, ils y
scolarisent leurs enfants, étant conscients des avantages matériels,
sociaux et professionnels que l'on acquiert suite à ce «rite
initiatique ». Les chefs et les notables en sont également
conscients, mais leurs enfants, habitués à une vie dans laquelle ils
peuvent presque tout se permettre, acceptent mal l'autorité du
maître d'école, qui le plus souvent s'exprime par les châtiments
corporels. Néanmoins, savoir lire et écrire donne à ces enfants
une supériorité sur la masse des paysans et des éleveurs: les
chefs et les notables étant les relais de l'administration coloniale
au niveau local, ils peuvent faire croire et demander ce qu'ils
veulent à la grande masse analphabète, celle-ci n'ayant pas les
instruments de décryptage de la Lettre, c'est-à-dire le français,
que ce soit pour lire les documents officiels ou réclamer justice
auprès des Blancs qu'ils redoutent d'autant plus qu'ils
cautionnent le « travail» des chefs et des notables.

«Autrefois, les premiers qui envoyaient sans gène leurs enfants à


l'école, c'étaient les fonctionnaires, les commis, les interprètes, tous ceux qui
avaient appris à lire et à écrire, que l'administration à ce moment utilisait, qui
recevaient un salaire tous les mois et qui étaient aussi respectés par la
population, parce que proches de ceux qui détiennent le pouvoir. Car pour toute
décision, on passe par eux. Lui, le pouvoir, le grand épouvantail, il est loin,
on ne le voit pas; c'est par eux qu'on passe. Alors eux ils constatent, ils voient
à ce moment l'intérêt qu'il y a d'être lettré, d'avoir une instruction pour être un
employé de l'administration. Mais ce n'était pas tout le monde qui aimait aller à
l'école, surtout les enfants qui étaient fils de chefs, parce qu'ils avaient la vie
facile chez eux. La grande masse ne comprenait rien, les chefs, les notables,
les Bogari qui servent comme gardes l'exploitait comme ils voulaient. Le fils
de chef, quand il allait à l'école, ce n'était pas longtemps. Pour lui, c'était
pénible de venir régulièrement tous les jours et puis se soumettre à une
discipline, à un maître. Et à l'époque, le châtiment corporel n'était pas interdit.
Nous avons connu ce système et moi-même lorsque j'ai commencé à enseigner
en 1941, j'ai eu à l'appliquer. TIy avait certains maîtres qui étaient vraiment des

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éducateurs nés, ils avaient ça dans la peau, comme Lamine Coulibaly. Le matin,
il y avait un garçon qui était chargé de faire un paquet de chicottes qu'il venait
déposer sur le bureau du maître: alors le maître a toujours une chicote en main
pour obtenir l'attention des enfants, la concentration; comme ça se fait
maintenant, si vous voyez les écoles coraniques. Mais après ça a été supprimé.
À l'époque on peut dire que ça se justifiait parce que les enfants ne voyaient pas
tellement l'intérêt de l'école. Vous voyez, on disait l'éducation « étrangère» à
l'époque, on veut faire le « Blanc». Alors, même si on recrutait les fils de
chefs, ils ne faisaient pas d'études assez poussées. Très tôt ils quittaient l'école
pour retourner auprès de leurs parents. Les chefs, à l'époque, quand ils sortaient
dans les villages, ils avaient tout ce qu'ils voulaient; ils se permettaient tout.
Ce qu'ils apprenaient à l'école, ça pouvait cependant contribuer à aider les
chefs, notamment lors du recensement ou lorsqu'il fallait lire quelques papiers
comme les taxes de pacage: ces gens-là pendant l'hivernage sortaient avec des
gardes pour faire le pacage, aller trouver les Peuls en pleine brousse et leur dire
.,
voilà, vous n'avez pas vos papiers en règle, il faut payer la taxe de pacage";
évidemment ils percevaient ce qu'ils voulaient. Ils avaient de nouveaux rôles,
une certaine considération, c'étaient les lettrés, immédiatement après les
commandants, c'étaient les agents; et ils abusaient justement de cette
position-là. Pour les recrutements, on disait que pour chaque village il fallait
tant d'enfants. Je me rappelle quand on nous a recrutés: les premiers à donner
leurs enfants, ce sont les fonctionnaires notamment ceux qui restent auprès des
autorités, du commandant, qui voient qu'ils ont une situation différente du
pauvre paysan qui est loin. Pour les autres villageois, les militaires font un peu
de pression par l'intermédiaire du chef qui souvent demande aux familles de
donner au moins un enfant, jusqu'à l'obtention du nombre demandé. Là ce n'est
pas un choix, c'est un recrutement, c'est tout. Par exemple quand on demande à
un chef de canton de donner 30 enfants en âge scolaire, il se peut qu'autour de
lui, il y ait des parents volontaires pour donner leurs enfants, mais la
population est plutôt hostile. Alors quand on n'arrive pas à avoir le nombre
indiqué, on l'impose à la population, ou alors à des petits chefs ou des
notables, à des familles qui sont parfois réfractaires à l'école, on leur prend
parfois l'enfant de force. En ce qui concerne les fils de notables, c'est déjà dans
un milieu où les gens commencent à comprendre l'utilité de l'école française.
Néanmoins, chez un notable bien aisé, l'enfant qui commence à grandir dans
l'aisance ne voudra pas aller à l'école, alors il faudra à ce moment-là que sa
famille soit sévère à son égard si elle est un peu éclairée. Ce que j'appelle
« éclairée », c'est une famille qui commence déjà à percevoir l'intérêt de

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l'école, l'avenir qu'elle prépare quand même aux jeunes gens. Sur le banc de
l'école, aux examens, il n'y a que le travail de chacun qui compte. Celui qui es t
allé à l'école, même s'il n'a pas fini ses études primaires, ce n'est pas un rejet, il
n'y a pas de déperdition scolaire. Chez nous, lorsqu'un enfant va jusqu'au cours
élémentaire, on n'a pas perdu, on a gagné, c'est toujours un éclairé de plus.
Ceux qui reviennent après avoir fréquenté l'école deux ou trois ans, appris un
peu à lire et à écrire, ont déjà peut-être un complexe de supériorité par rapport à
la grande masse, par rapport à ceux qui n'ont pas eu la chance d'aller à l'école.
Quand on dit que quelqu'un est fonctionnaire, il accède déjà à une classe
supérieure. Cependant, parmi les fils de chefs, il y en a qui ne veulent pas servir
comme fonctionnaires parce qu'ils ont plus d'opportunités en restant lettrés au
service directement du chef et non pas de l'administration, parce que celle-ci ne
permet pas certains abus, tandis que sous le couvert du chef, ils peuvent faire ce
qu'ils veulent. Moi je crois que c'est un peu ce que nous avons vécu ici»
(Aboubacar Kao, retraité, scolarisé en 1928).

La trajectoire de Mamoudou Maïdah, scolarisé en 1933 et


titulaire du diplôme de l'École normale de Katibougou au Mali,
montre que comparé à la première génération de scolarisés, le
système scolaire dans la colonie du Niger est opérationnel et
s'insère correctement dans celui de l'A.O.F., puisqu'un
Nigérien peut désormais accéder aux écoles du Gouvernement
général. Cette trajectoire scolaire d'un fils de cadi, donc d'un
notable, montre bien que la mobilité sociale des élèves de la
seconde génération était considérable: en devenant instituteur, il
fait partie de l'élite intellectuelle du Niger et c'est tout
naturellement qu'il adhère au R.D.A. en 1947, un an après la
fondation de ce parti, comme l'ensemble de ses collègues
africains de l'administration territoriale. Par la suite, comme la
plupart des instituteurs nigériens de cette génération, il va se
verser dans la politique et donc quitter l'école nigérienne pour
occuper des fonctions prestigieuses et importantes durant la
première République du Niger, puisqu'il sera plusieurs fois
Ministre. Le coup d'État de Kountché en avril 1974 met fin,
semble t-il à ses ambitions politiques: après un séjour en prison,
il retournera dans l'enseignement, et c'est là où nous l'avons
trouvé, directeur d'un établissement privé à Maradi, le collège
Lako.

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«J'ai fréquenté l'école française à partir de 1933. J'ai fait le cours


préparatoire, et à l'époque, le certificat d'étude indigène était au niveau dI
Cercle, c'est-à-dire au niveau de Maradi. Tous les meilleurs élèves qui viennent
de la campagne étaient rassemblés à Maradi dans un internat pour préparer le
certificat d'étude primaire. Une fois ce certificat d'étude primaire obtenu - je l'ai
obtenu en 1937 -, on nous a dirigés à l'école primaire supérieure à Niamey:
c'est une première étape très importante. Et à Niamey, il faut ensuite préparer le
concours d'entrée à l'école normale de l'ex A.O.F. qui était situé à Dakar. III
aussi, c'est un concours qui se fait au niveau de toutes les colonies: la Côte
d'Ivoire, l'ancien Soudan, la Guinée, la Haute Volta, enfin toutes ces colonies
qui sont devenues indépendantes maintenant. Donc au niveau de ces colonies,
il y a un concours général et les meilleurs sont recrutés pour aller préparer des
métiers importants tel que celui d'instituteur, celui de médecin africain, celui de
vétérinaire africain, celui de comptable, en somme, toute l'administration,
toute la gamme de l'administration, et tous les services dont a besoin la période
coloniale. Donc j'ai été admis à ce concours, et j'ai choisi le métier
d'instituteur. En principe l'instituteur à cette période était l'homme le plus
considéré, parce que c'était en sorte l'interlocuteur du commandant blanc, de
l'administrateur: c'était en sorte l'intellectuel du village. Et l'administration, à
chaque fois qu'il y a un problème important, elle fait appel à l'instituteur, et
nous avons vu que notre directeur était toujours convié, même lorsqu'il y avait
une réception du gouverneur quand il vient en visite officielle, et bien
l'instituteur était associé. Donc c'était un métier très important qui attirait à
l'époque, mais maintenant, tout le monde fuit l'enseignement, parce que ça ne
rapporte rien du tout. Donc je suis allé à l'école normale de Katibougou,
puisqu'à ce moment-là il y avait 3 écoles: il y avait Dakar, Katibougou qui était
au Mali l'ancien Soudan et Dabou qui est en Côte d'Ivoire. Donc ces écoles
préparaient uniquement des enseignants et des vétérinaires, des forestiers et des
ingénieurs d'agriculture. Donc si vous avez la branche que vous préférez, vous
allez dans cette branche, et il y a une formation pratique. Après 3 ans, nous
faisons une formation pratique d'un an et après on est ventilé, sans tenir
compte de votre origine. C'est ainsi que moi j'ai été affecté à Bamako où j'ai
fait 2 ans là-bas, avant de rejoindre le Niger. Bon, vous avez aussi certains par
exemple du Mali, l'ancien Soudan, qui sont affectés au Niger et jusqu'ici ils y
sont. TI y en a qui viennent du Burkina Faso qui y sont jusqu'ici. Donc à
l'époque, c'était une véritable fédération, il n'y a pas de distinction entre un
Nigérien ou un Ivoirien; selon les besoins on vous affecte où on veut. Donc
c'est dans ce contexte-là que j'ai rejoint le Mali, l'ancien Soudan, et après 2 ans

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j'ai rejoint le Niger. C'était en 1945. Et dès que j'ai rejoint le Niger, j'ai été
incorporé pour faire le service militaire. On faisait à ce moment-là un an et
demi. Donc quand j'ai fini le service militaire réglementaire, j'ai rejoint encore
le Niger, et on m'a affecté à Tahoua comme directeur de l'école primaire. Donc
c'est là que j'ai commencé ma carrière, ma vraie carrière d'enseignant, je suis
resté pendant 2 ans à Tahoua et après il y a eu des perturbations politiques. On
m'a muté pour m'amener à Niamey. De Niamey encore, c'était l'évolution
normale, parce qu'à ce moment-là tous les jeunes intellectuels se regroupaient,
écrivaient au journal « Réveil» qui était à Dakar, c'était le seul journal de l'ex
A.O.F., on m'a muté, on m'a mis dans une brousse, à Madaroumfa, à côté de
Maradi ; et c'est là que j'ai ouvert l'école de Madarumfa qui est devenue
maintenant un CEG. Au point de vue des assises familiales, je suis d'une famille
maraboutique et mon père était le président du tribunal indigène. Il occupait la
fonction de cadi: à l'époque, c'était une fonction vraiment importante, il faut
vraiment choisir l'homme, quelqu'un qui aime la justice, parce que il y avait la
corruption, c'était terrible; enfin comme toujours la corruption existait et elle
continue à exister encore, et elle existera tant que les hommes seront sur la
terre, la corruption on ne peut pas la combattre, c'est très difficile. Vers les
années 1946-47 il Y a eu la conférence de Brazzaville, et après ça il y a eu un
certain vent de liberté. Donc la politique a commencé à être beaucoup plus
active et c'est ainsi que le Parti de Rassemblement Démocratique Africain a vu
le jour à Bamako, et nous avons adhéré. C'était en 1947. Mais le congrès a eu
lieu en 1946 et a réuni presque toute la crème de l'ancienne A.O.F. pour fonder
ce parti-là. Donc au Niger, on peut dire que la politique a pris naissance avec un
élan sérieux dans les années 46-47. Et à ce moment-là tout le monde y avait
adhéré, c'était le seul parti, c'était presque un parti-Etat, presque tout le monde y
était adhéré et ça marchait très bien. À cette période, le gouvernement français
était je crois socialiste, et nous, nous étions soutenus par les communistes.
Donc il y avait une dualité terrible entre les socialistes et les communistes,
alors tous ceux qui avaient un penchant pour le communisme étaient
combattus. Le SAWABA a vu le jour après. C'est après une scission, parce que
le SAWABA était du RDA, c'est après la scission entre le RDA et Djibo Bakary
qui a créé l'UDN, l'UDN SAWABA. Mais c'est venu après. C'était à peu près vers
48-49, parce qu'ils étaient les premiers à installer le gouvernement ici, le
gouvernement qu'on appelle le gouvernement de l'autonomie interne.
L'autonomie interne, en somme, vous n'avez pas la diplomatie, vous n'avez
pas la défense, vous n'avez pas la monnaie, mais uniquement vous vous
occupez des affaires internes, c'est ça qu'on appelle l'autonomie interne. Donc,

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ce faisant, en 1958 il y a eu le référendum, organisé par le général De Gaulle et


qui devait changer les relations entre les anciennes colonies et la métropole.
Donc vous avez une constitution qui était combattue au niveau de la France par
la plupart des partis, et particulièrement le parti communiste. Ici en Afrique le
RDA qui était le parti majoritaire était favorable, mais nous avons rencontré
des scissions, telle que Sékou Touré de la Guinée, lui a voulu l'indépendance
immédiate, lui il a voté non, Djibo Bakary également il a voté non, mais il a
été battu parce que nous, nous avons opté pour le oui, et c'est ainsi qu'il est
rentré dans la clandestinité, et le SAWABA à ce moment-là avec l'histoire de la
guerre froide entre l'est et l'ouest, il a été soutenu, armé par la Chine, la Chine
communiste, par la Russie en passant par l'intermédiaire de leurs satellites, tels
que le Ghana, le Cuba et d'autres pays. Heureusement qu'on est arrivé à bout de
cette rébellion, ça n'a pas été très loin, le peuple était tranquille, il y avait à
manger, de l'argent, en un mot, rien ne justifiait une révolte. J'ai été nommé
d'abord ministre de l'agriculture des eaux et forêts et de la chasse en 1959.
Après j'ai eu beaucoup de promotions, je suis passé Ministre de l'Éducation. Et
à l'Éducation, c'était de 61 à 64. Et en 64 on m'a changé de ministère pour me
donner l'économie rurale qui regroupait: l'agriculture, l'élevage, les eaux et
forêts, la pêche, l'Union nigérienne de crédit et de coopération, l'OFEDES, en
somme toutes les actions qui intéressaient le monde rural. Donc ça regroupait
tous ces éléments pour constituer le Ministère de l'économie rurale. Là, j'y suis
resté jusqu'en 70, et en 70 j'ai pris le Ministère des affaires étrangères, bon j'ai
fait 71, 72, et après j'ai changé pour aller au Ministère de l'information, et c'est
là-bas que le coup d'État m'a trouvé, j'étais Ministre de l'information. Et après
ça, vous connaissez, quand en Afrique il y a un coup d'État, alors les dignitaires
il faut qu'ils passent au purgatoire. Alors je suis allé faire 2 ans de prison. Et
après ça, je suis sorti avec tout ce que vous savez: le régime d'exception a
confisqué tous mes biens, je n'avais plus rien pour entretenir ma famille, et j'ai
été obligé de revenir à l'enseignement, ce qui justifie pourquoi je suis à
l'enseignement aujourd'hui. C'est mon ancien métier, mais c'est bizarre après
avoir été ministre pendant 17 ans, revenir à l'enseignement, ça peut poser des
questions. C'est ce qui justifie aujourd'hui ma présence dans le CEG, privé, c'est
un CEG privé qui appartient à un de mes anciens maîtres, qui lui m'avait recruté
en 1933 à Tessaoua. Et lui, c'était un Soudanais, c'était le premier normalien
qu'on avait affecté au Niger. Comme je vous avais dit, dans le cadre des
citoyens de l'A.O.F., on n'a pas besoin d'être Nigérien pour servir dans son
pays. Donc ils étaient 3 affectés au Niger comme enseignants. Les 2 autres

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sont morts, et actuellement il reste un, LAmine KOulibaly, le survivant de la


ténacité» (Mamoudou Maïdah, scolarisé en 1933).

Au niveau des écoles régionales, ce n'est pas uniquement


un enseignement théorique qui est dispensé aux élèves de la
deuxième génération, mais également un enseignement pratique
qui permet à ceux qui n'ont pas les aptitudes nécessaires pour
continuer les études générales après le cours moyen, de choisir
la section de l'enseignement professionnel dans laquelle ils sont
les plus aptes. Ainsi, lorsque ces élèves quittent l'école régionale,
ils ont déjà une base, ce qui leur évite par la suite une période
d'apprentissage dans une entreprise, ayant déjà un bagage
suffisant pour pouvoir s'impliquer dans la production. Jusqu'en
1945, tous les enfants scolarisés trouvent un débouché
professionnel dans l'administration coloniale, quel que soit leur
niveau, ce qui encourage les parents « éclairés» à y envoyer leur
progéniture.

« J'étais à l'école régionale de Zinder durant la seconde guerre


mondiale: l'école était dirigée par un instituteur français, c'était une règle
depuis la création de l'école primaire. Le corps des autres maîtres était constitué
d'instituteurs attitrés, souvent non nigériens: il y avait des Sénégalais, des
Béninois, des Burkinabé, c'étaient des instituteurs. Et puis il y avait aussi des
moniteurs nigériens. Les moniteurs étaient recrutés sur la base du certificat
d'étude, c'est tout. Ds n'avaient pour formation professionnelle que les stages
qu'ils ont suivis sur le tas. On les a initiés sur le tas, et donc périodiquement il
y avait des stages de recyclage à leur intention, aussi bien d'ailleurs à
l'intention des instituteurs attitrés sortis de William Ponty. À l'école
régionale, on apprenait à lire, à écrire, le calcul, les sciences naturelles, un peu
de physique, enfin la récitation et d'autres matières traditionnellement
inscrites à l'école française comme l'histoire et la géographie. Mais en même
temps, côté science, il y avait une particularité: nos maîtres n'enseignaient
que des sciences appliquées. Quand il s'agissait par exemple d'agriculture, les
leçons avaient trait à la pratique puisqu'il y avait le jardin scolaire qui
permettait la mise en pratique des connaissances théoriques. Pour certaines
connaissances physiques, c'est à l'atelier de forge ou de menuiserie que cela
était appliqué. Disons qu'en plus de l'enseignement théorique, nous avions,
comme c'était la guerre, un atelier de tissage qui nous permettait d'habiller les

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enfants boursiers venus des autres régions du département, les filles avaient un
atelier de cuisine, nous ne recevions pas de livres: nous avions créé un atelier
de reliure pour entretenir les quelques livres que nous avions. Nous n'avions pas
de cahiers, c'était l'atelier de reliure qui nous pourvoyait en allant quêter les
sacs de ciment sur les chantiers, qu'on venait découper, et c'était sur ça que nous
écrivions. Nous n'avions pas d'encre, nous avions appris à préparer l'encre
nous-mêmes, nous n'avions pas de craie, nous avions appris à préparer la craie
nous-mêmes, nous avions du bétail: des vaches, une centaine de bœufs que
nous conduisions avec le berger: chaque jour, deux élèves étaient détachés
avec le berger pour conduire le troupeau au pâturage; à leur retour, le
lendemain, leur expérience de la journée d'hier servait pour la leçon de langage.
TIs devaient dire en français ce qui s'était passé pendant leur journée. Nous
avions un atelier de maçonnerie, nous avions en tout 7 ou 8 ateliers, et qui
marchaient très bien, sans compter la mutuelle, la mutuelle scolaire, parce que
les ateliers rapportaient de l'argent à l'école. Le commandant de Cercle
demandait de temps en temps à l'atelier de reliure de lui relier les archives, et il
payait, l'argent allait à la mutuelle de l'école. Le lait qui était trait de nos
vaches était vendu aux maîtres, une partie était consommée par les élèves, le
surplus était vendu aux maîtres et aux fonctionnaires avoisinants, et ça, ça
rentrait dans la mutuelle de l'école. Pratiquement, avec l'atelier forge et
menuiserie, on ne dépensait rien pour les meubles, sauf la matière première,
parce que le reste était fabriqué et entretenu par les élèves eux-mêmes. Cette
mutuelle nous permettait d'acquérir des moyens d'enseignement, c'est ainsi que
sur la fin, quand j'ai quitté l'école régionale, il y avait un projecteur de 16 mm,
deux projecteurs de films fixes, un tourne disque pour l'enseignement de la
musique: en fait, ça nous permettait d'acquérir du matériel que l'État ne fournit
pas habituellement aux écoles. Il est vrai que les classes avaient des effectifs
limités, le maximum était de 30 élèves. Mais les élèves du cours moyen qui ne
parvenaient pas ou qui parvenaient au certificat d'étude mais qui ne
réussissaient pas l'examen d'entrée en sixième étaient automatiquement versés
dans l'une ou l'autre des sections professionnelles: section maçonnerie,
section menuiserie, section forge, etc. Et plusieurs d'entre eux sont devenus des
professionnels à partir de là. Mais ces sections professionnelles étaient
directement rattachées à l'école. C'était la même direction, sauf que les élèves
des sections professionnelles travaillaient en permanence dans leur section, et
que les élèves qui suivaient les cours normaux avaient des heures
hebdomadaires pour participer aux différentes sections» (Marcel Inné,
scolarisé en 1941).

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De 1945 à 1960 les élites africaines prônent l'assimilation,


et le système d'enseignement de type colonial tel qu'il a été mis
en place par Georges Hardy est remis en cause. Les Africains
peuvent préparer les mêmes diplômes que les Français: ils
peuvent être certifiés, brevetés, bacheliers, techniciens, licenciés,
maîtrisards, ingénieurs, docteurs, etc. Ainsi, la durée des études
s'accroît considérablement et les diplômes se diversifient: tous
les emplois de la fonction publique deviennent accessibles aux
Africains.

« Au temps du TeITitoire militaire, il fallait préparer des fonctionnaires


subalternes pour parer au plus pressé. C'est pourquoi tous presque sont restés au
niveau du certificat. Par la suite, la deuxième génération a atteint le brevet
élémentaire, certains sont allés à Dakar pour entrer à l'école normale et au Mali
dans une école d'agriculture. D'autres ont été envoyés en France où ils sont
sortis ingénieurs agronomes, mais c'était une sélection seITée. Enfin, c'est
avec nous que les fonctionnaires brevetés ont fait leur apparition. Je crois que
je faisais partie de la quatrième promotion. Ceux qui sortaient du cours normal
allaient sur le marché du travail, ceux qui allaient au collège étaient orientés en
fonction de leur disposition, mais c'était toujours des études. Nous étions 36
en sixième et 12 ont été renvoyés au cours des quatre années. Certains étaient
admis au brevet, ceux qui avaient les 8/20ème devenaient moniteurs
d'enseignement, on les appelait moniteurs 8/20ème» (Ahmed Kané, scolarisé
en 1941).

Si certains enseignants commencent à émettre des


critiques sur les programmes d'enseignement, notamment
l'histoire de l'Afrique, le gouvernement français anticipe sur
leurs réactions en leur octroyant la nationalité et la possibilité de
passer les mêmes concours que les métropolitains:

« On peut dire que le culte de la France est tombé après la guerre. « Nos
ancêtres les Gaulois» a été enseigné jusqu'en 1945, où là certains ont dit eh
bien non, nous ne sommes pas descendants des Gaulois, c'est à ce moment-là
que ça a commencé à rechigner, et même il y avait certains enseignants qui ont
commencé à traiter les conquérants noirs de héros, tel que Samori, Mamadou
Lamine, on ne les appelait plus des bandits, il y en a qui ont décidé de changer,
évidemment, lorsqu'ils étaient pris, il y avait des sanctions. Mais d'une

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manière générale, les Européens ont toujours pris les devants dès qu'ils ont
senti ce vent de liberté qui souffle à travers tous les pays. Il y a déjà eu un
changement de mentalité chez les administrateurs, chez les enseignants; on ne
considérait plus l'Mricain comme le dernier, on avait des considérations pour
lui; c'était déjà important. On a organisé des examens, des concours pour
permettre aux Africains de rentrer dans le cadre métropolitain; tout ça, c'était
en somme pour faciliter l'intégration. C'est ainsi que moi, par exemple j'ai
passé un examen pour être du cadre métropolitain, avoir les mêmes droits que
les Français, le même salaire, et aussi le droit d'aller passer mon congé en
France» (Mamoudou Maïdah, scolarisé en 1933).

Au niveau politique, la France de 1945 à 1959 prépare le


Niger à son accession à l'Indépendance: en organisant des
élections au Niger, elle va favoriser la mise en place de partis
politiques. Les fonctionnaires et notamment les enseignants
représentant alors l'élite intellectuelle du pays, occupent
rapidement les principales positions à l'intérieur de ces partis, ce
qui leur confère une augmentation de leur capital social et
symbolique. Bien qu'étant jusqu'alors cadres de
l'administration coloniale, ils réclament et obtiennent les mêmes
droits que les autres fonctionnaires du cadre métropolitains, ce
qui leur permet d'obtenir des postes de responsabilité et donc de
« goûter» au pouvoir. Constituant l'élite intellectuelle du Niger,
adhérant massivement au R.D.A. soutenu par la France, ces
cadres et tout d'abord les enseignants vont s'investir dans la
politique en devenant secrétaires du parti, puis occuper de plus
hautes fonctions politiques. Néanmoins, cet engouement des
enseignants vers la politique va provoquer une baisse de niveau
dans le corps enseignant qui va se voir amoindri, des moniteurs
le plus souvent formés sur le tas les remplaçant.

«Lors de la création du R.D.A. à Bamako en 1946, tous les leaders de


l'Afrique noire y étaient partis, Diori Hamani, Noma Kaka, Mahamoudou
Maïda, etc. TIy a eu un congrès et ils sont venus au Niger en octobre 1946 où
ils ont créé la section territoriale P.P.N. du R.D.A. Même les exactions que
commettaient les chefs traditionnels étaient rejetées sur le régime colonial,
mais les erreurs de ce régime étaient également dénoncées, alors la presse
accusait beaucoup le régime colonial, et nous les enseignants, on était séduit:

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on avait joué le rôle de subalternes, on n'avait jamais eu de hautes


responsabilités, tous les directeurs d'école à l'époque étaient des Français, le
pouvoir exécutif ne nous appartenait pas, mais la France nous a dit qu'un jour
par étapes, on aurait l'autonomie interne et même l'indépendance comme ça
nous allons retrouver notre dignité. Voilà pourquoi les enseignants ont milité
pour le R.D.A., pour la politique nouvelle. Nous avons fondé beaucoup
d'espoir dans cette politique. Le R.D.A. s'est scindé car il avait milité dans les
rangs du parti communiste. Il y avait Djibo Bakari et des extrémistes qui
étaient avec le parti communiste qui voulaient à tout prix suivre la politique du
parti communiste, alors l'aile gauche du R.D.A. nous a quittés, et c'est ainsi
qu'il y a eu Sékou Touré en Guinée et Djibo Bakari au Niger avec le Sawaba.
Nous, nous avons continué fidèles à notre ligne de conduite avec la France, et
nous sommes restés toujours en amitié avec la France et finalement nous avons
triomphé: au référendum de 58 le Sawaba a coulé, mais évidemment la France
nous a soutenus, et surtout nous avons été appuyés par le grand général De
Gaulle et notre parti est passé. Le plus souvent, le maître était le secrétaire
général du village à l'époque du R.D.A. Avant le R.D.A. la politique était
interdite, on ne faisait rien. C'est à partir du R.D.A. qu'on a commencé à
comprendre la politique à cause d'une propagande intense: «l'Africain n'a pas
de dignité, il est toujours subalterne ». Le journal s'appelait Réveil, il
paraissait à Dakar, mais il était diffusé dans toute l' A.O.F., les auteurs étaient
Africains, ils étaient forts et ils nous endoctrinaient: c'était du bourrage de
crâne et nous avons donc assimilé beaucoup. Les grands enseignants sont
devenus ministres, ils sont devenus membres du gouvernement, d'autres ont été
nommés sous-préfets, il y a eu un partage des places, et cela a créé un trou, et il
a fallu recruter des moniteurs: on les a formés en hâte et on les a placés dans
les écoles pour faire de la pratique parce que nécessité l'exige» (Claude Traoré,
instituteur en retraite, scolarisé en 1937).

Les enseignants font partie des cadres les plus instruits et


par voie de conséquence les plus aptes à diriger le pays. Dans les
écoles, les réunions pédagogiques et les différents congrès
politiques favorisent les rencontres entre militants de différents
partis, notamment ceux qui sont issus du R.D.A. Mais comme
dans de nombreux pays africains, le multipartisme ne dure
qu'un temps au Niger, le P.P.N./R.D.A. devient rapidement le
parti unique et les opposants du Sawaba qui ne seront pas
emprisonnés (150 le seront) devront rentrer dans le rang en

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adhérant au P.P.N./R.D.A. et en devenant parfois secrétaires


généraux du parti au pouvoir. Celui-ci se maintiendra jusqu'au
coup d'État d'avril 1974 du lieutenant-colonel Seyni Koutché.

« Autrefois les enseignants étaient les plus instruits en Afrique. Je


me souviens en 1945 quand nous avions eu le certificat d'étude, nous étions
partis à Madaoua et les gens nous montraient du doigt parce que si ce n'est pas
l'instituteur et le médecin, personne n'a de certificat d'étude, les autres
fonctionnaires n'étaient allés que jusqu'au cours élémentaire voire le cours
moyen pour les plus forts. Évidemment il était normal que les enseignants
soient à l'avant-garde de la politique du Niger comme dans toute l'Afrique. En
1946, quand la politique a commencé, j'étais à l'E.P.S. de Niamey donc
j'entendais ce qui se passait: il y a eu la formation du Rassemblement
Démocratique Africain, le congrès avait eu lieu à Bamako. Le feu M. Keïta est
venu à notre école pour nous parler suite à l'une de nos grèves. Quand je suis
revenu au Niger, j'assistais aux réunions de Diori, Boubou, Djibo Bakari, etc.,
on se connaissait tous avec les journées pédagogiques, les congrès des
enseignants. Je devais adhérer à une politique qui pouvait sauver mon pays, et à
l'époque il n'y avait que deux partis: le R.D.A. et l'U.N.I.S. qui comprenait des
gens formés pour s'opposer au R.D.A. En majorité les enseignants étaient tous
au R.D.A. En 1954 il y a eu une scission dans le R.D.A., Djibo Bakari a été
exclu du parti et il a formé l' U.D.N.: j'ai choisi d'aller avec lui, et au
référendum j'ai choisi de voter non. Mais à un moment, au temps du R.D.A.,
notre parti a été supprimé, interdit, alors on était obligé d'adhérer au R.D.A.
sinon on allait en prison. À cette époque, les directeurs des écoles étaient aussi
secrétaires généraux du parti, mais cela ne trompait personne, les gens
savaient bien que certains étaient les anciens sawabistes même s'ils étaient les
secrétaires généraux du R.D.A., mais certains sont restés au R.D.A.jusqu'à
présent. On sacrifie un peu l'enseignement, c'est souvent les plus
expérimentés qui s'en vont pour diriger le pays. À l'Indépendance, beaucoup
d'enseignants formaient les cadres du R.D.A. et sont devenus ministres,
préfets, sous-préfets, chefs de poste, directeurs de telle ou telle société: il y a
eu un vide qu'on a été obligé de combler avec des expatriés, des enseignants
recrutés comme au début, c'est-à-dire des moniteurs de base recrutés au Bénin et
ici parmi des gens qui avaient à peine leur certificat d'étude» (Zahadi Hassan,
scolarisé en 1939).

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De 1954 à 1960, les effectifs des élèves du primaire vont


considérablement augmenter en passant de 7.900 à 21.050;
néanmoins le taux brut de scolarisation en 1960 n'est que de
3,6%. Dans le secondaire, les deux établissements du Niger en
1954 accueillent 277 élèves, il n'yen a que 1040 en 1960.
Alors que la plupart des Nigériens ne sont pas encore scolarisés
à la veille de l'Indépendance, ceux qui ont eu accès à l'école,
notamment les fils de chefs et de notables ainsi que les fils de
cadres africains de l'administration coloniale (qui sont souvent
eux-mêmes issus d'une famille de chef ou de notable), vont
former une nouvelle classe dominante au Niger qui utilise
l'école comme instrument de mobilisation et de reproduction
sociale. Les enfants de ces trois générations de scolarisés sont
déjà favorisés par un milieu familial où les habitus résultant de la
scolarisation, de la formation et de l'activité professionnelle
notamment du père, leur sont retransmis ce qui favorise, bien
entendu leur propre scolarisation et leur capacité à effectuer une
scolarité longue débouchant sur les postes de responsabilité les
plus importants du pays. Si depuis le début de la colonisation
l'accès à l'école est profondément inégalitaire, puisque le
recrutement favorise les enfants de bonnes conditions, nous
pouvons constater que l'égalité des chances de réussite devant
l'école n'existe plus vraiment à partir de 1960: les inégalités
sociales de carrières scolaires vont désormais favoriser la classe
des fonctionnaires et en fonction du positionnement dans la
hiérarchie administrative qui reste étroitement liée au diplôme et
la durée des études, ceux qui auront le capital scolaire le plus
important. Ces derniers étant le plus souvent au pouvoir, ou à
des hauts postes de responsabilité dans les différents ministères
vont être en mesure de faire bénéficier leur entourage familial
d'une priorité pour scolariser leur progéniture. Ce sont
désormais les enfants de fonctionnaires qui vont bénéficier de la
scolarisation avant le reste de la population. Le développement
des écoles va suivre le développement administratif du Niger et
sa hiérarchie: capitale, chef-lieu d'arrondissement, de
département, etc. Les nomades et les communautés villageoises
dont ne sont pas issus les grands administrateurs devront encore
attendre quelques années pour bénéficier d'une école. Les
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disparités ville / campagne, scolarisés / non-scolarisés,


fonctionnaires / non-fonctionnaires vont se creuser. Maintenir
ses privilèges en voulant conserver le caractère francophone et
francophile de l'école au lieu de l'adapter aux différents
milieux socioculturels du Niger dépasse la simple distinction
sociale et devient alors un moyen pour la classe dirigeante de
maintenir à l'écart de la compréhension du système politique la
masse qui regarde alors l'école comme une institution néfaste et
opposée à l'éducation traditionnelle de leurs enfants.

100
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** *
*

Dans cette première partie, nous avons essayé de montrer


comment ont été mises en place les politiques de scolarisation
successives en A.a.F. en général et au Niger en particulier
durant la période coloniale, de la fin du XIXo siècle à
l'Indépendance (1960). L'école a tout d'abord été le
prolongement de la guerre et donc de la politique par d'autres
moyens: en effet, la conquête morale et intellectuelle des élites
traditionnelles a justifié dans un premier temps l'ouverture
d'écoles dans lesquelles les futurs auxiliaires de l'administration
coloniale ont pu être formés aux nécessités de la présence
française en A.a.F. et à l'utilisation de la langue française. C'est
essentiellement Georges Hardy, chef du service de
l'enseignement de l'A.a.F. de 1912 à 1922 qui Y développe
l'enseignement primaire avec la mise en place d'écoles de
village puis d'écoles régionales réservées à l'élite sociale et
intellectuelle, et à partir de 1918, les premières écoles primaires
supérieures et l'enseignement secondaire qui ont pour fonction
de former les cadres subalternes de l'administration coloniale.
Le Niger avec la Mauritanie sont les deux colonies de l'A.a.F.
où les politiques de scolarisation sont appliquées avec beaucoup
de retard: il faut attendre 1922 pour que le Territoire militaire
du Niger devienne colonie du Niger avec une autonomie
administrative et financière qui lui permet d'organiser
l'enseignement sur son territoire en fonction de ses propres
besoins en cadres locaux et en adéquation avec l'organisation
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générale de l'enseignement en A.O.F., permettant ainsi aux


Nigériens d'accéder aux écoles du gouvernement général, et
donc de devenir enfin cadres. À partir de 1930, Le Niger est
doté d'un enseignement primaire supérieur et d'un
enseignement professionnel, ce qui lui permet, avec un certain
retard par rapport aux autres colonies, de bénéficier d'un cycle
d'enseignement primaire complet. Entre 1945 et 1960, les
Mricains considérés alors comme citoyens français, obtiennent
alors des droits nouveaux: c'est la fin du Code de l'indigénat et
la réorganisation de l'enseignement sur le modèle métropolitain.
Des Mricains peuvent ainsi accéder au secondaire et au
supérieur et se présenter aux mêmes concours que les cadres
métropolitains. Cette politique s'instaure au Niger avec un
certain retard: en 1946 l'E.P.S. de Niamey devient un C.E.G.,
puis lycée en 1960. Plus des deux tiers des cadres sont Nigériens
en 1957. Ces derniers vont alors contribuer au renforcement de
la classe dominante francophone et francophile: les plus
diplômés étant les enseignants et tout d'abord les instituteurs, ce
sera en particulier parmi ces derniers que la nouvelle classe
politique nigérienne va recruter ses représentants qui occupent à
partir de 1946 des fonctions politiques au niveau de la
métropole (députés, sénateurs), de l'assemblée de l'Union
française (conseillers), de l'Assemblée territoriale au Niger
(conseillers régionaux). La loi-Cadre de 1956 leur permet par la
suite d'élire au suffrage universel les députés de l'Assemblée
territoriale qui désigne alors le Conseil du gouvernement et son
vice-président. Suite au référendum de 1958, un parti affilié au
R.D.A., soutenu par la France, le P.P.N., devient le parti unique
au pouvoir de la première République du Niger. Le président
ainsi que la plupart des ministres sont d'anciens instituteurs.
Pour rentrer dans la fonction publique, la mobilité sociale passe
alors exclusivement par l'école où la langue et les valeurs
françaises continuent à être véhiculées, devenant instrument de
distinction sociale entre les Lettrés et les masses populaires. La
chefferie s'est réincarnée en fonction publique.

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Deuxième partie

De l'Indépendance à la vème République


78
(1960-1999)

78
Ce que nous avançons dans cette partie résulte d'une synthèse entre nos
observations de 1992 à 1994 et de 1998, les entretiens que nous avons menés
auprès des responsables nationaux et locaux de l'Éducation nationale,
d'anciens enseignants et des élèves, et les principaux documents officiels
lorsque ces derniers ont au moins été partiellement traduits dans la réalité. Les
entretiens sont le plus souvent «dilués» dans le texte, Les principaux
documents que nous avons utilisés sont cités dans les sources en fin d'ouvrage.
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La politique d'éducation de la jeune République


nigérienne n'est essentiellement que la continuation de celle du
régime colonial; il est vrai que certains responsables de
l'Éducation Nationale au Niger sont Français, coopérants depuis
qu'ils ne sont plus colons. Néanmoins, si le Niger s'engage dans
une politique de scolarisation de masse suite à la conférence
d' Addis-Abeba en 1961 qui adopte comme résolution la
scolarisation totale pour les années 1980, il n'en a pas les
moyens humains et financiers, et surtout la population
nigérienne n'y est pas préparée. L'enseignement télévisuel
expérimenté pendant 17 ans dans l'ouest du pays sera
abandonné. En 1965, la priorité est mise sur la scolarisation des
campagnes, mais l'exode rural sature les écoles urbaines et la
dispersion des populations dans les campagnes - malgré
l'instauration des écoles à cantines - freine le recrutement et la
fréquentation des élèves.
Si les premières médersas franco-arabes s'ouvrent, les
maîtres sont des lettrés arabes - souvent des coopérants - sans
formation pédagogique ou didactique. Ce n'est qu'au début des
années 1970, sous l'impulsion des effectifs du primaire, que
l'enseignement secondaire, d'abord les collèges puis les lycées,
va être développé. Ensuite, quand les lycées seront saturés, ce
sera au tour de l'université. Ainsi, la politique d'éducation du
Niger, loin d'être une prospection sur le moyen ou long terme,

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consistera tout d'abord à s'adapter à la situation du moment.


Mais si jusqu'aux années 1980, il était aisé de mettre en place un
cycle supérieur après chaque saturation d'un cycle inférieur,
remettant aux lendemains les problèmes du jour, celle de la
fonction publique - unique débouché de l'école nigérienne -
entraîne une situation de blocage sur laquelle débouche une
crise nationale et une remise en question d'une institution
jusqu'à lors incontestée grâce à la finalité qu'elle offrait aux
Nigériens: le fonctionnariat.
Par la suite, la politique d'éducation du Niger consiste à
diversifier ses écoles et ses formes d'enseignement dans le sens
d'une « nigérisation » de la scolarisation: des écoles
expérimentales en langues nationales (où le français est introduit
après une langue nationale) sont mises en place dans tous les
chefs-lieux du Niger: si des méthodes pédagogiques moins
directives et plus participatives sont introduites ainsi que des
Activités Pratiques et Productives (A.P.P.), l'expérience depuis
plus de deux décennies se limite au cycle primaire. L'examen
qui sanctionne les études primaires (C.F.E.P.D.) étant le même
que celui des écoles dites traditionnelles - où ici toute la
scolarité se déroule en français - les résultats ne sont pas
encourageants. Néanmoins, les A.P.P., dont le double rôle
devrait être de relier l'école à la vie nigérienne et de préparer
l'enfant à de futures activités manuelles s'il est exclu de l'école
ou ne peut rentrer dans la fonction publique, sont par la suite
introduites dans toutes les écoles nationales, et plus tard - dans
les années 1990 - c'est au tour de la pédagogie des écoles
expérimentales qui apparaît dans les nouveaux programmes.
Mais jusqu'à présent, l'introduction des langues nationales dans
l'enseignement national n'est pas de rigueur. S'il est encore
trop tôt pour analyser le résultat de l'introduction des nouveaux
programmes, celui des A.P.P. est loin d'être probant à cause du
manque de formation des enseignants et de leurs formateurs et
des moyens qui font défaut. L'enseignement franco-arabe bien
que très apprécié par les populations islamisées du nord et de
l'est du Niger, bénéficiant d'examens qui lui sont propres -
contrairement aux écoles expérimentales - n'a pas plus de
débouchés que l'école française. Ainsi, le fonctionnariat étant

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toujours l'unique débouché des écoles nigériennes, les disparités


sociales, régionales et sexuelles vont s'accentuer, et ce sont les
écoles privées et professionnelles qui vont en profiter. Certaines
écoles privées (Sahel, Lako, etc.) vont donner une deuxième
chance à ceux qui auront les moyens de repasser une troisième
fois un examen dans le secondaire, d'autres écoles privées plus
ou moins lucratives (Cours Lafontaine, écoles Mission,...) vont
dispenser un enseignement de qualité avec une suffisance dans
le matériel didactique qui fait défaut dans le public (et où les
enseignants ne se mettent pas en grève). Ce seront plutôt les
enfants de parents aisés qui fréquentent ce genre
d'établissement, mais d'autres parents, persuadés de la qualité de
l'enseignement (les élèves seront par exemple mieux préparés
pour les concours de la fonction publique), iront jusqu'à
s'endetter pour y envoyer leur progéniture. Certaines écoles
privées vont jusqu'à introduire un enseignement préscolaire
(maternelle) afin que l'enfant soit préparé à sa scolarisation
primaire; ce type d'enseignement est alors repris dans le public,
mais avec des frais d'inscription toutefois moindres. Les écoles
professionnelles privées, face à la saturation de celles qui sont
publiques, vont se développer, utilisant plus ou moins la
crédulité des parents qui se retrouvent avec des enfants exclus du
système public, leurs fondateurs proposant des formations
souvent inefficaces et surtout lucratives.

Avant la création du Ministère de l'Éducation nationale


en 1957, les fonctionnaires responsables de l'enseignement au
Niger ont été successivement les directeurs des écoles régionales
de Zinder et de Niamey, puis de l'école primaire supérieure de
Niamey et du collège classique et moderne de Niamey. Ils
avaient pour tâche d'appliquer les politiques de scolarisation
telles qu'elles avaient été définies dans les services du
Gouvernement général de Dakar. Suite à la loi-Cadre de 1956, le
Ministère de l'Éducation nationale du territoire du Niger devient
alors souverain en matière de politique éducative dans
l'enseignement primaire et secondaire, mais dépend de l'État
français en ce qui concerne l'enseignement supérieur. Pour le

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nouveau ministère, il s'agit de mettre en place une politique de


scolarisation massive et de former les cadres nécessaires à l'État
nigérien. La scolarisation de masse est alors considérée comme
la première étape devant mener au développement économique
et social du Niger. Cependant, cette idée de scolarisation totale
ne concerne pas uniquement ce pays ou les anciens territoires de
l'A.O.F., mais l'ensemble des États africains. Leurs
représentants se sont en effet réunis lors d'une conférence sur
l'Éducation à Addis Abéba en 1961 sous l'égide de
l'D.N.E.S.C.O., et se donnent vingt ans pour parvenir à une
scolarisation primaire généralisée (gratuite et obligatoire),
atteindre 30% de scolarisation dans le secondaire et 20% dans le
supérieur. L'école devient dans les discours des nouvelles
autorités politiques l'instrument nécessaire au développement:
elle n'a pas à être remise en cause.
Néanmoins au Niger en 1960, le taux de scolarisation des
enfants au primaire n'est que de 3,6% (21.054 élèves sur une
population scolarisable de 572.753 enfants âgés de 7 à 14 ans).
Entre 1960 et 1997, les effectifs sans cesse croissants vont
pourtant être multipliés par 22, mais le taux de scolarisation
après être monté progressivement pour atteindre seulement 20%
en 1980, approche - si l'on en croit les chiffres fournis par la
D.E.P.79- la barre des 30% deux ans après, puis pendant 16 ans
a du mal à se maintenir à ce même niveau.

79
Direction des Études et de la Programmation, Ministère de l'Éducation
nationale, Annuaire des statistiques scolaires 1996-1997, p. 38.

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Graphique I : évolution du taux brut de scolarisation du


primaire de 1963 à 1997

35

so

2'5

20

15

10

-------------------------------
iiii~i~~~~!~~~~~~iii!ii;!~~!ë!i
~i~ii~~*~~~~**~~~i~j~~~ii~~~:~~
-------------------------------
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Ces chiffres montrent combien l'objectif d'une


scolarisation totale était utopique. Il apparaît qu'il n'y pas eu de
véritable sensibilisation auprès des populations qui, pour la très
grande majorité, ont continué à être hostiles à cette école, celle-ci
n'étant pas en adéquation avec leur propre système culturel et
continuant à transmettre la conception du monde des anciens
colonisateurs. Alors que le problème d'une réforme du système
éducatif est posé en 1962 à Maradi lors du congrès du Syndicat
National des Enseignants du Niger, les autorités politiques
choisissent de faire perdurer le système éducatif tel qu'il a été
conçu par les autorités coloniales: il est nécessaire de produire
des cadres pour la fonction publique qui remplace
J'administration coloniale. Pour les cadres du P.P.N. au pouvoir
qui ont été formés à l'école laïque et républicaine, il fi' est pas
question de remettre en cause le système qui a assuré leur
fortune politique: il s'agit plutôt d'en faire bénéficier le plus
grand nombre, car à cette époque, les places vacantes sont

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nombreuses. Ainsi, dès l'Indépendance mais malheureusement


jusqu'à aujourd'hui, aucune action politique n'a pu encore
adapter vraiment l'école nigérienne héritée de la colonisation
aux réalités nationales. N'étant pas capable de satisfaire les
aspirations d'une société en pleine mutation, elle va commencer
à fabriquer des chômeurs à grands frais à partir des années
1980, alors que le pays manque cruellement de scientifiques et
de techniciens et que plus de 70% des enfants scolarisables sont
exclus de l'école. Nous avons donc une situation caractérisée
par une sous-scolarisation, une sur-scolarisation, une
déscolarisation et une « mal-scolarisation ».

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Chapitre IV

Les politiques scolaires de la première République


(1960-1974)

L'organisation de l'enseignement du premier degré


repose sur les dispositions de l'arrêté n02576/I.P. du 22 août
1945-Cadre A.O.F. qui n'a pas subi de modifications notoires
au niveau des programmes d'enseignement, malgré la nécessité
maintes fois affirmée par le pouvoir et ses détracteurs de le
réformer afin de l'adapter aux besoins du milieu. Ce sont des
petits replâtrages qui ont eu lieu par la suite, c'est-à-dire des
aménagements, comme ceux concernant une africanisation des
programmes d'histoire et de géographie dans le cadre de
l'Organisation commune africaine et malgache de 1965, le
contenu des sciences naturelles afin de les adapter aux réalités
nationales et l'étude de quelques auteurs africains francophones
dans le cadre du programme de français. Par ailleurs, nous
pouvons constater que les ressources humaines et financières ont
fait gravement défaut, qu'il a fallu parer au plus pressé et que
des moyens de fortune ont été utilisés. Cela s'est traduit
notamment par la construction de classes en paillotes, le
recrutement et la formation rapide de moniteurs auxiliaires
n'ayant que le certificat d'études primaires, de contractuels issus
des pays voisins n'ayant pas toujours le niveau et la formation
requis pour enseigner, le but étant d'accélérer la progression de
la scolarisation du primaire.
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Dans le discours prononcé le 5 février 1964 par le


Président de la République, Diori Hamani80, il est prévu dans la
décennie que «les programmes d'enseignement devront être
réformés, afin de les orienter vers 'les impératifs du
développement », qu'à «tous les niveaux, les élèves n'entreront
dans la vie active qu'après une formation professionnelle
conçue en fonction des besoins de l'économie », et que
«l'organisation de l'enseignement sera telle qu'élèves et
étudiants conserveront le maximum de contacts avec les réalités
nigériennes et leur village d'origine ». Dans le primaire, il s'agit
d'assurer la scolarisation totale dans les plus brefs délais, « mais
avec le souci constant de former des agriculteurs et des éleveurs
ouverts au progrès ». Il est également question de réduire les
disparités entre villes et campagnes et entre les diverses régions,
augmenter la scolarisation des filles, celles-ci ayant un rôle
déterminant dans l'amélioration du niveau général de santé,
d'hygiène et d'éducation de l'ensemble de la population. C'est
dorénavant «les collectivités locales (et les populations) qui
prendront en charge la construction des écoles primaires ». Dans
le secondaire qui «doit fournir les cadres nécessaires à la
nation », il faut élargir l'accès aux élèves qui sortent du
primaire; et le deuxième cycle doit permettre s'ouvrir à
l'enseignement supérieur. Dans le supérieur, les étudiants
doivent poursuivre leurs études «en fonction des besoins
prioritaires du pays ». Finalement, c'est ce même type de
discours qui va être entretenu dans les différents séminaires qui
vont être organisés pendant les 30 années qui vont suivre. Nous
allons donc voir quelles ont été les réalisations effectuées et les
difficultés qui ont été rencontrées pour les mettre en œuvre.
Alors que jusqu'en 1965 l'enseignement primaire se
développe essentiellement en milieu urbain, suivant ainsi la
politique coloniale de diffusion de l'école, le Plan triennal
1965-1968 prévoit l'ouverture de 160 classes par an en
favorisant les zones rurales: pour palier au manque
d'enseignants, ce sont des moniteurs d'enseignement qui sont

80 «Les grandes options des perspectives décennales », Commissariat


général au plan, Présidence de la République, février 1964.

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massivement recrutés avec une formation insuffisante. En


freinant la scolarisation dans les centres urbains en faveur des
campagnes, la capacité d'accueil des écoles urbaines est saturée.
En milieu rural, les populations étant très dispersées, il s'avère
nécessaire de construire des écoles à cantines: néanmoins les
parents restent dans la plupart des cas hostiles à l'école: le
recrutement s'étale souvent sur plusieurs mois et la
fréquentation des élèves est irrégulière. Entre 1961 et 1964, le
taux de scolarisation passe de 4,5% à 7,9%, mais celui des filles
est deux fois moins élevé que celui des garçons: en 1961 il était
de 2,6%, en 1964 il n'est que de 4,9%. Les filles ne représentent
que 29% des élèves scolarisés dans le public. Les taux de
déperdition au primaire au début des années 1960 avoisinent les
50%81. Les analyses82 qui sont effectuées à l'époque nous
indiquent quelles sont les raisons de cette sous-scolarisation:

«Cette insuffisance de la scolarisation au Niger a pour origine la


situation géographique du pays longtemps resté à l'écart des grands courants
d'idées, sa pauvreté qui l'empêchait de former beaucoup de maîtres et
d'entretenir beaucoup d'écoles, et l'influence de l'islam, surtout dans l'Est et le
Nord, qui a constitué longtemps un frein à l'enseignement du français et des
disciplines modernes. Il faut souligner aussi une certaine réticence des pasteurs
nomades et des populations villageoises de brousse, qui préféraient utiliser
leurs jeunes enfants au gardiennage des troupeaux, des champs et des jardins. À
tous ces goulots d'étranglement, il convient d'ajouter pour expliquer la lenteur
de la scolarisation des fillettes, le fait qu'en maints endroits les parents
marient leurs filles très tôt et les font participer très vite à la vie des familles.
Aujourd'hui encore, l'élément féminin ne représente que 28,7% des enfants
scolarisés. Cette disparité entre garçons et filles dans les écoles se double d'un
déséquilibre entre villes et campagnes d'une part, régions Nord et Sud d'autre
part. Les villes de Niamey, Zinder et Maradi comptent jusqu'à 45% de leurs
enfants sur les bancs de l'école, tandis que leur arrière pays n'en comptent que 5
à 8%. Cette disparité est encore beaucoup plus accentuée chez les pasteurs

81
Perspectives décennales de développement 1965-1974, Ministère du plan,
République du Niger, p. 117.
82
Plan de développement économique et social 1961-1963, Commissariat
général au plan, République du Niger, 1963.

113
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sahéliens ou sahariens: le taux de scolarisation n'est que de 1,6% dans la


subdivision nomade de Tahoua alors qu'il s'élève à 6% dans le reste du
Cercle» .

En 1961 l'enseignement secondaire est encore


embryonnaire: il n'y a qu'un lycée national, trois cours
normaux pour la formation des maîtres et sept collèges
d'enseignement général. C'est le décret n064-171/M.E.N. du 21
août 1964 qui organise le premier cycle de l'enseignement
secondaire. En 1969 il Y a deux lycées dont un de jeunes filles à
Niamey, 17 C.E.G., 3 collèges privés, 3 cours normaux et une
école normale. Les effectifs de l'enseignement secondaire et
normal passent de 1359 en 1961 à 4666 en 1959. n n'y a
pratiquement pas d'enseignants nigériens qui aient bénéficié
d'une formation pour l'enseignement secondaire et normal: ce
sont des coopérants (la plupart sont français) et des Africains
contractuels issus des anciennes colonies de l'A.O.F. qui y
dispensent leurs enseignements. C'est notamment le Fonds
européen de développement (F.E.D.) qui finance la construction
et l'équipement de ces établissements ainsi que les écoles
primaires.
Mais durant les années 1960, un déséquilibre s'opère
entre l'enseignement primaire et secondaire: c'est seulement un
peu moins de 20% des effectifs des cours moyens qui sont
admis en sixième83. En faisant appel à des moniteurs
d'enseignement, le Ministère de l'éducation nationale (M.É.N.)
a certes permis d'augmenter le nombre d'écoles primaires au
Niger, notamment en zone rurale, mais du même coup, a
favorisé la baisse du niveau des élèves à la fois dans le primaire
et dans le secondaire, mais aussi par voie de conséquence la
perte de prestige social qu'occupait jusqu'alors le corps

83 «Pour 100 élèves dans le primaire nous en avons moins de 4 dans le


secondaire [...]. Il n'y a que 552 élèves en classe de sixième au 1/1/64 alors
qu'il y a 2.752 élèves au C.M2 au 1/1/63. Le taux de passage du primaire au
secondaire est donc relativement faible, de l'ordre de 20% à peine. Une grande
partie des élèves s'arrête au B.E.P.C. Nous pouvons considérer que 26% d'entre
eux arrêtent leurs études pour s'orienter vers l'enseignement...et que 38%
abandonnent. », Idem., p. 123.

114
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enseignant: les élèves ne veulent pas devenir enseignants pour


prendre la relève. En voulant augmenter le taux de scolarisation,
le M.É.N. décrète en 1965 que 85% des effectifs doivent passer
automatiquement en classe supérieure chaque année dans le
primaire: cela a pour effet d'engorger les cours élémentaires et
surtout les cours moyens avec des élèves qui sont incapables d' Y
suivre les enseignements. Les élèves dont le niveau correspond à
la classe progressent moins rapidement puisque l'enseignant
doit alors gérer des groupes de niveaux différents. Ainsi, si le
taux de scolarisation progresse durant cette première décennie
après l'Indépendance, le système scolaire fabrique en grand
nombre des déscolarisés, puisque ces élèves devront être présents
pendant 7 ans (6 ans du C.I. au C.M.2 plus un redoublement
autorisé dans cette dernière classe) sur les bancs de l'école pour
faire partie alors des «déperditions scolaires» puisqu'ils
n'auront pas le niveau requis pour passer le certificat de fin
d'études primaires.

D'une part l'école primaire fabrique des «déclassés»


n'ayant plus leur place dans le milieu traditionnel et ne pouvant
accéder à celles de l'administration nationale, et d'autre part, le
premier cycle de l'enseignement secondaire n'est pas assez
développé pour absorber plus d'élèves: il ne peut accueillir que
25% des élèves qui ont obtenu le certificat de fin d'études
primaires. Il faudra attendre le début des années 1970 pour que
le M.É.N. s'engage dans une véritable politique de
multiplication des collèges, sous la pression évidente de la masse
des certifiés. Mais comme les écoles primaires, les collèges sont
tout d'abord construits dans les villes, ce qui rend également
nécessaire la construction de cantines et même d'internats pour
les élèves les plus éloignés. Les coûts du système éducatif
deviennent de plus en plus élevés, ce qui entraîne une certaine
lenteur concernant la réalisation de constructions et l'achat
d'équipements scolaires. Ne pouvant entretenir les internats dans
les collèges, l'État dispense des allocations aux élèves ruraux
admis dans les C.E.G., ce qui contribue encore à réduire la
scolarisation des filles, les parents ne souhaitant pas les placer
dans cette situation hasardeuse. Nous retrouverons dans les
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années 1970 le même phénomène avec les lycées qui ne peuvent


absorber tous les élèves titulaires du brevet des collèges.
Dans les années 1960, l'enseignement technique et
professionnel se développe: le centre d'apprentissage technique
de Maradi devient collège technique en 1963 puis lycée
technique en 1969; le premier établissement privé, le collège
Issa Béri, dispensant une formation technique est ouvert en
1969. Des établissements de formation pour l'administration
rattachés aux différents ministères sont ouverts, comme l'École
Nationale d'Administration (É.N.A.) en 1963, qui recrute les
élèves par concours au niveau B.E.P.C. qui effectuent leurs
études en deux ans dans l'une des trois sections proposées:
administration générale, services financiers et comptables,
services judiciaires; l'École nationale des infirmiers de santé de
Niamey en 1964, qui recrute au niveau du certificat d'études
primaires et qui propose une formation sur deux ans, comme
l'école d'agriculture de Kolo et l'école d'infirmiers vétérinaires
de Maradi. Il y a également le Centre des métiers de l'eau et de
l'électricité créé en 1965 et le Centre national d'instruction des
postes et télécommunications en 1969. Des boursiers sont
également envoyés dans des écoles techniques en Europe ou
dans l'ancienne A.O.F.
À côté de l'enseignement primaire traditionnel,
l'enseignement franco-arabe est officialisé et organisé par
l'arrêté n05/M.É.N. de janvier 1966 : la médersa de Say relevant
du ministère de l'Intérieur est rattachée au ministère de
l'Éducation nationale en 1965 alors qu'un enseignement
islamique est déjà dispensé dans les écoles nomades. C'est
notamment l'aide libyenne qui favorise la construction des
médersas. Il s'avère que dans un pays à majorité musulmane, ces
écoles franco-arabes sont plus appréciées par la population que
les écoles traditionnelles en langue française. Dans les médersas,
le recrutement des élèves ne dépasse pas quelques heures alors
qu'il faut plusieurs jours voire plusieurs mois pour recruter les
élèves des écoles traditionnelles.
L'enseignement privé est limité aux écoles des missions
catholiques et protestantes qui se situent essentiellement dans les
centres urbains. Elles ont pour originalité de proposer un
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enseignement préscolaire qui n'existe pas ailleurs. Les bons


résultats qu'elles enregistrent par rapport à l'enseignement
public vont leur donner une réputation d'excellence et attirer en
dehors des quelques chrétiens présents dans le pays des
populations musulmanes à priori hostiles à ce qui relève d'une
autre religion que la leur. L'enseignement privé est réglementé
tardivement par la loi n070-8 du 17 mars 1970 et son décret
d'application n070-169/M.É.N. du 3 juillet 1970.
En 1960, la gestion administrative et technique de
l'éducation est assurée par l'Inspection académique, structurée
en services dirigés par des coopérants français assistés d'un
personnel nigérien peu qualifié. Deux inspections primaires
dirigées également par des coopérants français, l'une à Zinder
pour le Niger-Est et l'autre à Niamey pour l'Ouest du pays, ont
pour tâche d'assurer la couverture administrative et
pédagogique de l'enseignement primaire sur une surface de
1.277.000 km2. L'inspecteur d'académie fait également
fonction d'inspecteur primaire du Niger Ouest. Suite à la
réforme administrative qui attribue aux arrondissements et aux
communes une autonomie administrative, ceux-ci doivent
assurer la promotion et la gestion des écoles primaires présentes
dans leur circonscription. Néanmoins les collectivités territoriales
n'ont pas toujours assez de moyens ne serait-ce pour l'achat des
fournitures et du matériel scolaire. La construction de classes et
de leur équipement relève alors du domaine de la précarité.
C'est l'U.N.I.C.E.F. qui intervient alors en fournissant du
matériel pédagogique et des moyens logistiques pour encadrer
les écoles. Aux meilleurs enseignants sont octroyées des
fonctions de conseillers pédagogiques: ils ont pour tâche de
faire de l'animation pédagogique et d'aider les inspecteurs dans
le cadre de la formation permanente.
Un ancien formateur à l'école normale de Zinder, Marcel
Inné, nous explique dans quelles circonstances s'est effectuée
cette intensification de la scolarisation dans le primaire durant
les années 1960 :

«TI Ya eu d'abord la conférence générale de l'UNESCO


à Addis-Abeba qui avait engagé les États à faire une politique
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telle qu'il fallait au moins scolariser 80 % des enfants à


l'horizon des années 1980, et la première réaction du
gouvernement, c'était de recruter des jeunes gens titulaires du
certificat d'étude pour faire des moniteurs auxiliaires de
l'enseignement, avec une formation de courte durée: 3 mois et
au plus un an. Dans mon cas à Zinder, moi je les tenais un an.
À l'époque je faisais ça moi-même: j'assumais la direction de
mon école et également ce cours de formation des
moniteurs, mais j'avais un maître supplémentaire qui me
remplaçait dans ma classe. Mais un peu partout ailleurs, c'est
des recrutements comme ça, une formation très rapide de 3
mois, souvent auprès de maîtres incompétents eux-mêmes. TIy
a eu également l'appel aux maîtres des pays voisins: Béninois,
Togolais, Burkinabés, Guinéens. Les conditions
d'enseignement étaient très difficiles, la plupart des écoles
étaient construites sous paillotes et quand on connaît le climat
de ce pays comme de décembre à janvier durant la saison
froide et de mars à juin durant la saison chaude, la paillote
n'est pas l'abri idéal. Souvent sans mobilier, les enfants étaient
assis sur des nattes par teITe, les maîtres s'aITangeaient pour
construire de manière archaïque des tables-bancs en banco sur
lesquelles les enfants travaillaient; le matériel n'était pas aux
normes de sécurité et c'était souvent par mégarde que les
enfants mettaient le feu à la classe et tout brûlait, quand ce
n'étaient pas les termites qui détérioraient cahiers et livres. TIy
a eu ce premier aspect du problème. TIy avait un aspect positif
de cette politique, car à un certain moment, le gouvernement a
décidé de freiner la scolarisation dans les centres urbains pour
donner la priorité aux zones rurales. C'était le gouvernement
Diori. C'était généreux de la part du gouvernement; le seul
problème, c'était la planification qui n'avait pas été entrevue,
parce qu'à l'époque, personne n'a mesuré la croissance des
centres urbains. Et c'est pour ça qu'il y a l'embouteillage actuel
des centres urbains, parce que pendant ces années on a freiné
la création de nouvelles écoles dans les centres urbains pour
donner priorité aux zones rurales. C'était une bonne politique,
mais on a oublié tout simplement que le taux de croissance
dans les centres urbains était déjà extrêmement important. Au
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lieu d'engager une politique de formation de formateurs, de


créer des établissements de formation, on a décidé la création
massive d'écoles, et c'est à retardement qu'on a créé les
établissements de formation. On avait initié à partir de 1969
une formation de formateurs qui a été stoppée dès 1971 avec la
fermeture de l'école normale de Zinder et sa transformation en
école normale type classique avec préparation au baccalauréat
plus une année de formation, ça a été stoppé et depuis ça n'a
pas été repris. Bon, ensuite, il y avait déjà le cours normal de
Tahoua, mais il a fallu créer les écoles normales de Dosso, de
Tillaberi et de Maradi ».

L'inspecteur d'académie alors en poste au Niger décide


d'introduire une nouvelle méthode d'enseignement du français
vers 1968, appelée «méthode Tranchart », du nom de
l'inspecteur. Elle se veut active, mais a comme seul avantage de
développer l'oralité chez les élèves. Le Bureau pédagogique du
M.É.N. constitué en 1962 qui avait pour mission l'animation
pédagogique est transformé en Centre pédagogique en 1968 et
devient alors le lieu de prosélytisme de la diffusion de cette
méthode active. Le Fonds français de coopération (F.A.C.)
finance l'opération en achetant les manuels, en fournissant les
moyens logistiques et en produisant sur place des supports
didactiques. Les anciens livres comme «Mamadou et Binéta »
sont remplacés par une nouvelle collection, «la famille Boda ».
La méthode syllabique n'est plus utilisée: la méthode semi-
globale est instaurée. Les livres servant de support à cette
méthode comme «Les belles histoires de la famille Boda » sont
pourtant inadaptés au milieu socioculturel de la plupart des
enfants nigériens, à l' exception peut-être des enfants de
fonctionnaires: il s'agit en effet d'une famille nucléaire vivant à
l'occidentale et ayant un niveau de vie très élevé par rapport à
l'ensemble des Nigériens. D'autres livres comme les «Trente
leçons de vocabulaire» sont encore utilisés dans les années
1990.

Au niveau de l'enseignement normal, un réaménagement


a eu lieu en 1968 à l'école normale de Zinder qui est
119
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transformée en école normale à vocation rurale. Cette


réorientation mise en place grâce à l'aide de l'U.N.E.S.C.O., de
l'U.N.I.C.E.F. et du P.N.U.D. avait pour objectif la formation
d'instituteurs ruraux appelés à être à la fois enseignants et
animateurs des communautés villageoises. Les programmes de
formation intégraient en dehors des disciplines classiques
l'étude du milieu et des techniques dans l'agriculture et
l'élevage, des notions en matière d'animation et de coopération
afin que les enseignants soient en mesure d'animer des actions
de développement communautaire. Au lieu du baccalauréat, les
futurs instituteurs ruraux devaient sortir avec le diplôme de fin
d'études des écoles normales (D.F.E.N.). Mais deux ans après le
démarrage du projet, ils réclament le rétablissement du
baccalauréat et la suppression du D.F.E.N. : la négociation avec
les autorités débouche sur un compromis puisque le D.F.E.N. est
officiellement reconnu comme équivalent du bacc'alauréat.
Néanmoins, à l'issue de leur formation, les élèves maîtres se sont
retrouvés dans le système éducatif resté traditionnel et les
meilleurs d'entre eux ont été admis à l'Institut Universitaire de
Formation Pédagogique (I.U.F.P.) pour la formation de
professeurs de C.E.G., dont la formation a peu de rapport avec
celle qu'ils ont reçue à l'école normale de Zinder. En 1975,
cette situation d'échec conduit à l'avortement de ce projet
«formule U.N.E.S.C.O.»: l'école normale redevient un
établissement de type classique débouchant sur le baccalauréat.

Le téléenseignement est également une expérience qui a


avorté: la France finance ce projet d' «enseignement scolaire
palliatif» et en 1964, deux classes sont ouvertes à Niamey avec
70 élèves: elles sont desservies par un circuit fermé. En 1966, le
réseau est ouvert avec un émetteur qui permet de couvrir 20
nouvelles classes dans un rayon de 40 km autour de Niamey:
800 élèves bénéficient du téléenseignement. Contrairement à
l'objectif initial, ces élèves au bout de cinq années doivent passer
un examen spécial d'entrée en sixième. Or l'évaluation de 1970
montre que ces élèves une fois en sixième ont des lacunes à
l'écrit et qu'ils ont des problèmes d'adaptation, car leur
programme est différent de celui des classes normales dont la
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scolarité dure au minimum six ans (et jusqu'à huit ans car deux
redoublements sont autorisés) et non cinq (il n'y a pas de
redoublement dans l'enseignement télévisuel). De plus, le
téléenseignement relevait non pas du Ministère de l'Éducation
nationale mais de la Présidence de la République, ce qui n'a pas
été admis par le premier où les cadres et le personnel enseignant
n'ont pas pris au sérieux le téléenseignement. Néanmoins
l'expérience continue, mais le cycle d'études primaires est
normalisé à six ans et le programme est aménagé afin de se
rapprocher de celui des écoles primaires traditionnelles: les
élèves du téléenseignement passent alors le même examen que
les autres. 100 nouvelles classes sont ouvertes en 1972 sur l'axe
Niamey-Zinder où se concentre la plus grande partie de la
population nigérienne. Six ans après, les résultats de ces élèves
aux examens sont satisfaisants. M. Bagnou, ancien dirigeant de
la télévision scolaire au Niger nous explique qu'au niveau de la
conception de l'enseignement audiovisuel, les équipes étaient
pleinement compétentes et que l'expérience a été
essentiellement une réussite:

«Cette expérience de télévision scolaire, de télé-enseignement avait


été initiée par la France. Au début, la télévision scolaire devait être
expérimentée en France, mais les populations françaises ont refusé et donc la
télévision scolaire est restée toujours à son stade d'enseignement
complémentaire, de leçons qui étaient passées à la télévision, c'étaient des
émissions spécialisées sur des thèmes bien précis qui venaient en appui aux
enseignants. En 1964, ils ont voulu expérimenter un enseignement intégral
par la télévision, et comme les Français avaient refusé, ils l'ont imposé au
Niger. Nous sommes venus la deuxième année, c'est Ahmed Kané qui a fait la
première année, en décembre 64. Ils ont commencé; nous, nous avons pris le
train en mai 65: nous sommes allés faire notre formation de mai 65 à
novembre 65 pendant que nos aînés étaient déjà en train de travailler aux
émissions. C'était à Paris: on a fait le stage en plusieurs temps. On a fait
d'abord une imprégnation pédagogique au niveau de l'ODECAM, en audiovisuel
surtout, puis à l'école normale de Dignes-les Bains, durant un mois: on a fait
des stages avec des inspecteurs dans les écoles françaises, et en même temps 0 n
a vu beaucoup d'écoles dans la région, jusqu'à Marseille et Monaco, et on nous
agrémentait les stages avec des excursions. Puis on a fait aussi des petits

121
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stages d'information dans les écoles spécialisées, des écoles pour enfants
inadaptés, on a vu au moins trois écoles, comme le centre médico-pédagogique
de Levallois et une école d'enfants handicapés en Normandie, c'était vraiment
un stage qui nous permettait d'avoir beaucoup d'informations dans tous les
sens. On a fait un petit stage de linguistique aussi, mais le plus important,
c'était le stage de présentateur de télévision, et ça, ça se faisait au studio-école
de l'OCORA à Maison-Laffitte où on subissait presque la même formation que
les agents de la télévision: on faisait de la photographie, de la diction, de
l'expression corporelle, de l'expression parlée, tout ça, et puis la présentation
et la production d'émissions. Nous faisions de la production et de la réalisation
d'émissions, à tour de rôle, nous étions initiés à cela. J'ai mon certificat de
présentateur de télévision. On a fait donc le stage de présentateur de
télévision, et en même temps des stages de pédagogie dans différents
établissements. Après, nous sommes venus en novembre pour retrouver
l'équipe qui était déjà en place; nous avions des camarades nigériens qui étaient
déjà dans le système. En ce moment la télévision scolaire était vraiment
quelque chose d'important, vraiment la France a mis des moyens là-dessus.
C'était une expérience que la France voulait faire pour son compte, et moi je l'ai
su après quand je suis devenu directeur de l'enseignement du premier degré du
Niger, et que j'avais tous les papiers à ma disposition, j'en savais, j'en savais
des choses, mais même quand on était au sein de la télévision scolaire 0 n
savait, puisque les gens qui effectivement étaient avec nous au début étaient des
Français vraiment très coopératifs, vraiment très démocratiques même. Le
directeur pédagogique, c'était Max Egly, qui était en ce moment un des
meilleurs experts audiovisuels de France, le directeur administratif, c'était Mme
Denise Ottinger, maintenant elle s'appelle Denise Deserbe, c'est elle qui est
rédactrice en chef des Cahiers Pédagogiques et M. Rambo, c'était l'un des
meilleurs ingénieurs électriciens de France; ce sont eux qui ont installé la
première station du Zaïre. Vraiment, c'est vous dire qu'il y avait des
compétences, et il y avait une équipe de recherche qui était dirigée par Jean-
Pierre Pétard, qui était un docteur d'État en psychologie et il avait avec lui Jean
Bissiliat, qui est l'un des meilleurs ethnologues de France, il y avait une
sociologue, et un autre psychologue, mais c'était vraiment une très bonne
équipe. Et cette première année nous avons bien travaillé avec eux. Donc après
il y a eu l'extension à une centaine de classes: là, ça a atteint l'arrondissement
de Niamey, l'arrondissement de Say, l'arrondissement de Ouallam, et puis après
il y avait eu une autre centaine de classes qui avaient été rajoutées et ça a atteint
le département de Dosso. C'est à ce moment qu'on a ouvert l'émetteur de Dosso.

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Le projet était de venir jusqu'à Zinder, et c'est dans le cadre de la télévision


scolaire que le faisceau est venu jusqu'à Zinder. Et c'est pourquoi il y a un poste
de la télévision scolaire qui a été installé dans chaque inspection afin que
lorsqu'il y ait des émissions, les inspecteurs puissent être en mesure de les
suivre. Mais l'expérience s'est arrêtée dans le département de Dosso. Le maître
n'était pas très bien formé, il avait une petite formation pédagogique, des
documents, des fiches pédagogiques, mais il était soutenu par la télévision.
D'abord la télévision lui présentait un thème avec des matériaux dont lui ne
pouvait pas disposer, avec des interviews de spécialistes que lui ne pouvait pas
rencontrer dans son village, donc ça lui permettait d'avoir accès aux outils les
plus recherchés. TI y avait la télé qui lui donnait un élément sur un thème et
après, il exploitait ce thème avec une fiche pédagogique qu'on lui envoyait. La
télé était dirigée vers les enseignants mais souvent on s'adressait aux élèves. Il
y avait des consignes qui s'adressaient au maître, on lui disait spécifiquement:
maître, faîtes telle chose, maître, vos élèves doivent faire telle ou telle action;
attention les élèves regardez bien ça. On faisait tout pour adapter
l'enseignement au contexte nigérien: on fabriquait des textes de même
niveau, mais en fonction de ce que nous trouvions dans les villages; là
vraiment, il faut dire qu'il y avait une équipe pédagogique pour chaque matière:
le calcul, le français, les sciences d'observation, il y avait des équipes mixtes
de Français et de Nigériens, et il y avait une équipe spéciale de formation des
maîtres. Dans les années 1970, je m'occupais surtout de la formation des
maîtres et des relations avec les parents d'élèves, et là je faisais des émissions,
je produisais des émissions pour les parents d'élèves, je dirigeais aussi une
équipe d'aide aux différents enseignants: quand ils avaient des problèmes dans
les villages pour aller faire des démarches, ou quand un maître venait dans un
village, j'allais l'installer, le présenter au village, essayer déjà de le mettre en
relation avec les villageois pour sa première insertion, etc. J'ai fait de la
télévision scolaire jusqu'en 1978. À partir de 1979, le gouvernement avec
Kounché ont voulu faire une télévision nationale, et en ce moment, il faut dire
aussi que les Français avaient déjà réalisé ce qu'ils voulaient faire, l'expérience
était vraiment à l'intention du système français. Cette expérience à été
pratiquement une réussite, elle a prouvé qu'on pouvait faire un enseignement
télévisuel» (Sanda Bagnou, directeur de l'inspection régionale du premier et du
second degré de Maradi).

Néanmoins, il apparaît également que la mise en place des


infrastructures de diffusion comme la construction de quatre

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autres émetteurs de Dosso à Zinder ait ralenti l'extension du


réseau dans une région qui par ailleurs, bénéficie plus que les
autres d'infrastructures et donc allait augmenter ainsi les
disparités en matière de répartition des infrastructures scolaires.
L'aspect financier est également à prendre en compte: ce n'est
qu'à partir de 200.000 élèves que le réseau devait commencer à
être rentable, mais après 15 ans d'expérimentation, seulement
deux promotions, c'est-à-dire 122 classes en ont bénéficié.
L'expérience a été concluante, mais les délais nécessaires à
l'installation des infrastructures de diffusion n'ont pas permis
de la généraliser à l'ensemble du pays84.
Marcel Inné, qui a été directeur de la télévision scolaire,
nous explique quels ont été les différents problèmes auxquels les
initiateurs de cette expérience ont été confronté:

«La télévision scolaire du Niger a été citée en exemple de réussite


pour les gens de l'extérieur, pour l'UNESCO, pour tout le monde, c'était une
expérience modèle; mais ici même, à l'intérieur du Niger, elle a été très mal
acceptée. Très mal acceptée au niveau du Ministère de l'Éducation nationale qui
ne s'en préoccupait aucunement, très mal acceptée par les enseignants et en
particulier ceux du secondaire parce que les méthodes pédagogiques qui étaient
conduites là-bas étaient entièrement libres et permettaient à l'enfant
d'interrompre le professeur à tout moment, de lui poser une question, de lui
demander des explications, alors que nos professeurs de l'enseignement
secondaire viennent, débitent leurs cours et les élèves prennent des notes et
puis ils s'en vont. Ils sont habitués à des méthodes purement directives, alors
que là-bas c'étaient des méthodes totalement ouvertes avec enquêtes sur le
terrain, sorties, etc., et les élèves posaient des questions aux enseignants.
Dans les classes de la télévision scolaire, j'ai supprimé le système de notation
dès 1975, on ne notait plus un devoir, on disait à un élève: votre devoir est
bien fait, ou bien il comporte telles ou telles erreurs, pour l'améliorer il faut

84
Pour plus de détails sur l'expérience de télévision scolaire au Niger, nous
renvoyons le lecteur aux ouvrages suivants: Agence de Coopération
Culturelle et Technique, Compte-rendu analytique: séminaire sur la télévision
éducative, Niamey, Niger, 22-26 fév. 1971; Centre Pédagogique de Niamey,
La télévision scolaire au Niger, janv. 1967; EGLY (M.), "Une expérience
télé-éducative au Niger", Education Permanente, n014, avr.-mai-juin 1972, pp.
97-107.

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faire ça, ou il est mal fait, il faut le reprendre. Alors jusqu'au niveau de l'examen
de sortie, ils n'ont jamais vu une note par rapport à leur devoir; c'était bien,
c'était une simple annotation: bien, très bien ou mauvais. Mais ils avaient une
indication pour leur dire pourquoi c'était très bien, pourquoi c'était bien,
pourquoi c'était passable, pourquoi c'était mauvais; et à eux de reprendre eux-
mêmes.
L'expérience de la télévision scolaire a duré de 1964 à 1981. C'était
uniquement la région ouest qui a été concernée, c'est-à-dire des écoles du
département de Tillaberi et 6 écoles dans le Boboye, parce que le seul émetteur
opérationnel était celui qui était sur la route de Ouallam, c'était le seul. Il couvre
un rayon de 100km à la ronde, donc nous avions des écoles sur Tillaberi,
Ouallam, Filingué, Kollo, Niamey ville, et donc 6 écoles dans le Boboye
jusqu'à Margou. C'est la France qui a initié ce projet, afin de répondre à la
résolution d'Addis-Abeba de scolarisation intense: on avait pensé que par la
télévision, on y arriverait. Seulement les infrastructures de diffusion
n'existaient pas. TIa d'abord fallu créer le centre de production ici à Niamey, qui
est l'actuel centre de production de la télévision nationale, c'est l'héritage de la
télévision scolaire. À la fermeture nous n'avions même pas pu mettre en
opération l'émetteur de Dosso, il n'y avait que celui de Niamey qui
fonctionnait. TI y a eu la promotion 64-72 et la promotion 72-81: cela
concernait 120 écoles, mais chaque école n'avait qu'une seule classe. Il a bien
fallu adapter une technologie éducative aux conditions du milieu nigérien. Au
tout début, c'est mon ami Max Egly qui a initié le projet. Ses premiers maîtres,
il est allé les chercher chez moi à Zinder. En fait il voulait que je vienne moi-
même pour le seconder, parce qu'il savait que je m'intéressais déjà à
l'audiovisuel, mais de manière archaïque, avec mon projecteur 16 mm, mes
projecteurs de films fixes, mes projecteurs diapositives, etc. Donc mon ami
Max Egly a entamé la chose, il a fait une expérience de fiabilité sur deux ans, de
1962 à 1964, uniquement en circuit fermé avec 2 classes. Et à partir de 1964 on
a fait un circuit ouvert avec 20 écoles, on a placé un petit émetteur de 40 Watts
qui permettait de couvrir les écoles, mais c'est à partir de 72 qu'on a placé
l'émetteur de 10 KW ici à Niamey qui a permis de faire une extension avec 100
écoles en plus. Donc, au niveau méthodologique, ce qu'il y avait de nouveau là-
dedans, c'était que l'enseignement n'était plus livresque. À la télévision
scolaire, nous utilisions les manuels traditionnels des éditeurs, mais c'était
dans un coin de la classe une petite armoire, qui renfermait 3 livres de calcul, 3
livres de géographie, 3 livres d'histoire, 2 dictionnaires. Les élèves allaient
les consulter uniquement en cas de besoin, mais ce n'étaient pas des ouvrages

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quotidiens de travail, mais ils étaient utilisés pour faire un problème, pour se
remémorer ceci ou cela en histoire ou en géographie; enfin ils procédaient
comme nous quand on fait de la recherche documentaire dans une bibliothèque:
ils avaient leur bibliothèque et ils allaient se servir là-bas. En fait, on a
privilégié la méthode par rapport à la connaissance dans le cadre de la
télévision scolaire. Nous prenions nos maîtres sur la base du certificat d'étude,
ils recevaient une formation initiale de 3 semaines, mais ils étaient sui vis
quotidiennement et hebdomadairement par des émissions de formation:
quotidiennement sur le travail qu'ils ont à réaliser dans la journée et
hebdomadairement par rapport à leur courrier, une espèce de télé-club, mais
essentiellement porté sur la formation. J'ai dit que c'est surtout la méthode qui a
été privilégié, parce que l'enfant vraiment ici, c'était lui qui décidait à peu près
de tout, pas le maître. L'enseignement n'était aucunement directif. Ils ont fini
par nous produire eux-mêmes leur matériel d'enseignement. Dans la plupart des
textes qu'on leur donnait, il y avait des textes que nos pédagogues du centre de
production introduisaient, mais très souvent c'étaient des textes rédigés par des
élèves que nous mettions dans leur livret de lecture. Ils faisaient des enquêtes
sur l'histoire de leur village, sur différents aspects de leur vie sociale ou de leur
vie pratique dans le milieu, ils écrivaient leurs textes, ils dessinaient. Ce sont
les matériaux produits par les écoles elles-mêmes que nous avons utilisés
comme matériels didactiques. On s'inspirait de Freinet mais aussi de Décrolier,
de tous les courants pédagogiques concrets. Mais principalement, c'était de la
pédagogie à la Alain: confronter l'enfant à la difficulté et le laisser aller jusque
là où il ne peut plus dépasser, et après lui venir en aide ». Si cette expérience
peut être considérée comme une réussite au niveau pédagogique, elle a été mal
enclenchée. Elle a été conçue en priorité pour faire de l'enseignement de masse,
c'est-à-dire par rapport à la résolution de la conférence générale d'Addis-Abeba.
Mais pour entreprendre un tel projet il fallait disposer des structures de
diffusion sur l'ensemble du pays et non pas un plan qui consiste à: cette année
on fait l'émetteur de Niamey, dans 2 ans l'émetteur de Dosso et 2 ans après
l'émetteur de Konni, etc. La progression était d'ouvrir 100 classes par année :
première année, si Niamey a 100 classes, ce n'est que dans 3 ans que Dosso aura
ses 100 premières classes, c'est-à-dire que Niamey se trouve alors à 300 classes
et ainsi de suite. Vous voyez, du point de vue de la carte scolaire, c'était mal
agencé. Deuxièmement, on avait dit: scolarisation de masse sur 4 ans, mais 4
ans après, que fallait-il faire des enfants? TIfallait aussi y penser. Les premiers
ont fait 4 ans et au bout de 4 ans on s'est demandé: mais que faire? On a
prolongé d'une année puis ils vont faire un examen spécial d'entrée en sixième.

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Tout cela n'avait pas été pensé; sans compter que, entre le niveau primaire où
sévissait la télévision et le niveau secondaire, il fallait penser également à
créer des collèges spéciaux pour les enfants qui ont suivi cette forme
d'éducation et qui sont susceptibles de continuer avec la même méthodologie,
sinon si la méthodologie varie, on traumatise ces enfants. Cela n'a pas été
pensé. Plus tard, à mon arrivée, j'ai remis le cycle de 4 ans à 6 ans comme dans
les écoles primaires; à la télévision scolaire, il n'y avait pas de redoublement
possible, le passage était automatique, les maîtres étaient sensés suivre les
plus faibles et parvenaient d'ailleurs à leur faire rattraper le retard, il n'y avait
pas de problème. Malgré le fait qu'on ait modifié le programme, parce que nous
avions la liberté d'action, nous avons conservé les programmes du primaire,
mais nous avons apporté les activités pratiques complémentaires, nous avions
appuyé l'enseignement théorique sur l'enseignement pratique: nous partions
de l'enseignement pratique pour faire de la théorie. À la fin du cycle, les enfants
se sont présentés aux mêmes examens, avec les mêmes épreuves que celles des
autres écoles primaires, leurs résultats ont été excellents. En tout cas, c'est ce
qui a été dit par les spécialistes mondiaux qui sont venus ici, tous les rapports
étaient favorables à l'expérience de la télévision scolaire du Niger. C'était une
expérience pilote comme on disait, mais le problème était qu'elle n'était pas
généralisable à l'ensemble du pays par défaut d'infrastructures. C'est à partir de
1979 qu'on a créé le réseau actuel de télévision. Mais avant il n'existait que le
seul émetteur de Niamey, donc on ne pouvait travailler qu'avec celui-là. Donc si
c'était pour répondre à la scolarisation de masse, le pays n'était pas prêt, par
défaut d'infrastructures. Le seul point noir dans le programme de télévision,
c'était son développement qui était conditionné par les infrastructures, non pas
de production, nous avions l'infrastructure de production, mais c'étaient les
infrastructures de diffusion, les émetteurs, qui existent aujourd'hui mais qui
n'existaient pas à cette époque-là. Le pays n'était pas prêt à mettre en exécution
ce programme. Actuellement il y a 6000 émissions scolaires sur bandes,
entreposées au centre de production de la télévision dans une salle climatisée
en permanence, 6000 émissions contenant tous les programmes de
l'enseignement primaire et dans toutes les matières, qu'il s'agisse de la langue
française, des mathématiques, de l'histoire, de la géographie, plus les
émissions de formation des maîtres et le télé club des parents:
traditionnellement, le vendredi on s'en va travailler le matin et on revient pour
la prière de 13 heures et après on ne retourne plus travailler. J'ai alors décidé de
mettre les parents en classe le vendredi après-midi à la place de leurs enfants.
Mais leur émission, l'émission des parents, c'était un télé club qui ne faisait que

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répondre à des questions posées par eux-mêmes, c'est-à-dire des problèmes


d'intérêts qu'ils avaient formulés, et sur lesquels nous on leur apportait une
réponse. La télévision scolaire a pris fin en 1979, mais en réalité puisqu'il y
avait encore des élèves dans les écoles, ça a continué jusqu'en 1981 où il y a eu
fermeture définitive de toutes les écoles télévisuelles. En 1979, les enfants se
sont présentés au certificat d'étude et à l'examen d'entrée en sixième, mais
comme il restait quelques redoublants, ça a continué jusqu'en 1981» (Marcel
Inné) .

Nous avons rencontré celui qui fut le ministre de


l'Éducation nationale du Niger à différentes reprises entre 1960
et 1974: M. Mamoudou Maïdah. Son témoignage nous éclaire
notamment sur le contexte dans lequel il a été amené à mettre en
place une politique d'éducation pour son pays. Il s'agissait Tout
d'abord de faire grimper le taux de scolarisation, afin que les
Nigériens ne soient pas les derniers de l'Afrique. Ensuite, le
développement de l'enseignement primaire s'est effectué dans
les zones les moins scolarisées afin de limiter les disparités, mais
ce sont tout d'abord les villes qui ont bénéficié des
infrastructures scolaires de 1960 à 1964, puis les villages de
1964 à 1974. L'extension des écoles primaires n'a pas été
préparée par l'accroissement de la formation des enseignants:
ils étaient alors formés sur le tas en trois mois suite à l'obtention
de leur certificat de fin d'études du premier degré, ce qui a
contribué à faire baisser le niveau des élèves et à instaurer dans
la conscience collective une dépréciation symbolique du métier
d'enseignant. Après ces moniteurs, ce sont quelques années plus
tard les élèves qui ont échoué au B.E.P.C. mais qui ont été admis
à passer l'oral, qui sont orientés vers l'enseignement: les
enseignants ne sont plus vraiment considérés comme l' avant-
garde de la nation, ils sont de plus en plus déconsidérés par les
populations. À partir de 1965, des C.E.G. sont construits dans
l'ensemble des départements puis des arrondissements: parmi
les élèves qui ont réussi le B.E.P.C., les meilleurs éléments de
l'ensemble du Niger sont envoyés au lycée de Niamey pour
préparer le baccalauréat. Nous apprenons également que le
R.D.A. a massivement utilisé les enseignants pour sensibiliser les
populations afin qu'elles développent une conscience nationale.

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Ce parti devenant très rapidement la seule représentation


politique du pays n'a pas opéré de changements significatifs
dans les programmes scolaires, même en éducation civique:
l'enseignement colonial étant alors considéré comme universel
n'a pas à être remanié.

« Après l'indépendance, quand j'étais Ministre de l'Éducation nationale


de 1961 à 1971, nous avons fait l'état des lieux: nous avions à l'époque à peu
près 3,5 % d'enfants scolarisés. Nous étions presque les derniers de l'Afrique.
Donc il fallait coftte que coftte faire une étude générale et voir comment essayer
de porter cette scolarisation de 3,5 % à un taux assez honorable. J'ai fait
recenser le taux de scolarisation ville après ville. J'ai commencé à l'Ouest, par
exemple à Niamey, à Tillabery, à Téra, où les gens s'intéressent à
l'enseignement: les taux allaient jusqu'à 30%. À Niamey à l'époque, en 1964,
il Y avait déjà 40% d'enfants scolarisés. Par contre à Madaoua, à Tessaoua, à
Magaria et un peu partout à l'Est, les taux ne dépassaient guère 10%. Donc ma
première réaction, ce fut de faire une extension des classes qui soit inversement
proportionnelle aux pourcentages: plus le pourcentage de scolarisation était
petit, plus nous avons créé de nouvelles classes. C'est ainsi que sur les 300
classes que nous construisions chaque année, les villes défavorisées
bénéficiaient de près de 80% d'extension de classes. Au bout de 10 ans, nous
avons pu atteindre un taux de scolarisation de près de 19%.
TIYa eu également ce qu'on appelle la formation accélérée des maîtres:
nous avons pris des certifiés qui ont 16, 17 ou 18 ans, parfois un peu plus et 0 n
leur a donné une formation accélérée pendant 3 mois pour pouvoir tenir les
nouvelles classes. Cette opération a coïncidé avec le problème politique avec
le Bénin qui a rapatrié tous ses ressortissants qui ont alors quitté le Niger. Nous
avons donc formé près de 800 moniteurs. Nous avons donc recruté des certifiés
pour leur donner une formation accélérée de 3 mois et leur confier des classes de
cours d'initiation et de cours préparatoires. Et cela, ça n'a pas arrangé les
choses, parce qu'un certifié, ce n'est pas quelqu'un qui a un niveau acceptable
pour enseigner, donc il fallait rapidement trouver une autre formule de
remplacement. C'est ainsi que les meilleurs, nous les avons gardés, et les
autres, ceux qui n'arrivent pas à passer un examen de contrôle après le stage, on
les a remerciés. Actuellement, tous ces gens qui ont passé la formation
accélérée, ou ils sont passés au grade supérieur, ou bien alors ils ont quitté
l'enseignement. C'est comme ça que ça s'est passé. À part cette période, tous
les gens qui vous voyez enseigner, ce sont des gens qui sont titulaires du brevet

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élémentaire ou du « huit vingtième ». Le« huit vingtième », c'est quelqu'un


qui peut passer l'oral au brevet; alors s'il passe l'oral et ne réussit pas, on le
verse dans l'enseignement, parce qu'on estime que c'est par malchance qu'il n'a
pas pu passer.
Dans cette lancée, au niveau de mon ministère, nous nous sommes dit
qu'il fallait également penser à l'enseignement secondaire: nous avons
commencé à ouvrir des CEG à partir de 1965 au niveau de tous les
arrondissements; et jusqu'à une date récente, c'est ce programme qui était
suivi. À ce moment-là, ce n'était pas nous qui nous occupions de la formation
des professeurs de collège ou de lycée. C'était l'assistance technique française
qui nous les donnait. Avant la rentrée, nous faisions notre programmation: 0 n
a besoin de tant de professeurs de philosophie, tant de professeurs de
mathématiques, tant de professeurs de sciences, et ainsi de suite. Et à la rentrée,
ils étaient là. En ce qui concerne les lycées, nous nous sommes dits qu'il fallait
améliorer le recrutement de ceux qui allaient préparer le bac : dans les CEG nous
avons mis en place l'orientation: après le BEPC, tous ceux qui sont admis à
l'écrit et qui ont une certaine note dans les matières scientifiques
(mathématiques, sciences naturelles, sciences physiques) sont orientés vers le
lycée de Niamey, contrairement à ce qui se faisait avant où le lycée était
uniquement alimenté par les élèves du département de Niamey et les autres
faisaient ce qu'on appelle le cours préparatoire. Il y avait à l'époque 32 CEG et
les meilleurs allaient au lycée national. Nous avons donc mis en place
l'extension des CEG dans les arrondissements de l'Est, nous avons élargi la
base du recrutement des élèves qui doivent venir préparer le bac, ce qui nous
permet d'avoir en seconde plus de 800 élèves, donc avec cette base importante,
on peut avoir au moins 50 à 60 bacheliers, de très bons bacheliers puisque la
base de sélection est très importante. Cela s'est poursuivi jusqu'au coup d'État
où Kounché a établi des lycées dans chaque département.
Lorsque le RDA était au pouvoir, il n'y avait pas d'opposition puisque
c'était le régime du parti unique et comme le RDA était, dès sa création même,
soutenu par les enseignants, presque tous les enseignants étaient membres du
RDA. Le directeur était l'animateur principal du comité du parti: ou il était
président du comité, ou il était secrétaire général. L'enseignant était un membre
influent du parti, il était associé à toutes les décisions du sous-préfet, vous
voyez, ça lui donnait vraiment un crédit formidable. Il devait assister à toutes
les réunions du parti et faire l'animation politique: il fait savoir que le RDA a
interdit ceci ou cela, que le RDA c'est un parti de la masse, ce n'est pas un parti
d'exploitation, que le RDA est un parti conciliant, que s'il y a un ancien du

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SAWABA qui se repentit, et bien on doit le prendre à bras ouverts et


l'incorporer dans le comité. En un mot, il fallait essayer de créer les conditions
de l'unité nationale. C'était l'enseignant et surtout le président du comité qui
étaient chargés de cette animation, favoriser l'unité nationale, montrer qu'il n' y
a pas de différence entre nous, que nous sommes tous d'un même pays, et ce qui
compte pour nous c'est le développement de notre pays. Donc avant tout,
unissons-nous pour travailler pour le pays. Alors ça, c'est véritablement le
travail que l'enseignant a fait, et surtout auprès des parents d'élèves, qui sont
aussi nos militants. Vous savez, au village, quand quelqu'un a été d'un parti
adverse, on continue à le considérer comme un adversaire; même s'il adhère, 0 n
ne lui accorde qu'une demi confiance, alors que ce n'est pas ça : il a milité dans
l'opposition, à un moment donné il avait ses raisons, et si ces raisons
n'existent plus, ce n'est pas le moment de l'écarter ou de le regarder avec un œil
méfiant.
La politique n'a pas touché les programmes scolaires. Nous avons
pensé que l'éducation, c'est quelque chose d'universel: aujourd'hui nous
sommes au pouvoir, demain ça peut être un autre. Alors contrairement à ce que
certains pays ont fait en incorporant dans les programmes de l'enseignement
les doctrines du parti, nous avons choisi de ne pas toucher à l'éducation. Mais
ce n'était plus «nos ancêtres les Gaulois» et la « Marseillaise », et cela
avant même l'avènement du RDA au pouvoir. Les enseignants ont réagi d'eux-
mêmes. Compte tenu de leur niveau de culture, ils ont dit non, ce sont des
choses vraiment anormales, ils ne sont pas des Gaulois, ils sont des Africains.
La marseillaise a été abandonnée depuis 1945. Immédiatement après la guerre,
les gens ont refusé de la chanter et tout d'abord les enseignants, vous savez, ils
sont toujours à l'avant-garde. Si vous voulez, l'enseignement durant la période
coloniale, à part les seuls cas où les héros ont été traités de bandits, de pillards,
tout le reste était acceptable. Par exemple quand on dit que la France est une
grande nation, c'est acceptable, que c'est une nation qui a libéré les esclaves,
tout ça, c'est acceptable. Vous savez, même au niveau de l'instruction civique,
il y avait un programme, mais qui ne parlait pas d'une manière approfondie du
rôle du citoyen. C'était enseigné d'une manière très superficielle: par exemple
le devoir de payer des impôts, de respecter l'ordre social, puis les devoirs
envers la famille, le père, les parents, la solidarité familiale. Ce sont des
choses presque universelles. C'était ça qu'on enseignait, et puis il y avait la
récitation de maximes de grande morale. Par exemple: dis moi qui tu hantes, je
te dirai qui tu es. Alors chaque matin, c'est ça qu'on écrivait au tableau, les
enfants récitaient, on ne commentait même pas. Je crois qu'après

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l'Indépendance, on n'a pas vraiment eu grand chose à supprimer dans ce qui se


faisait en instruction civique» (Mamoudou Maïdah).

Les efforts et les sacrifices accomplis pour essayer


d'arriver à une scolarisation totale dans les années 1980 n'ont
pas été vains, mais les résultats sont loin d'atteindre les objectifs
prévus: le taux de scolarisation dans l'enseignement du premier
degré85 est passé de 3,6% en 1960 à 10,6% en 1968 en
augmentant d'un point chaque année, puis a stagné autour de
Il % jusqu'en 1973. Les disparités entre les départements sont
toujours présentes: les départements de Niamey et d'Agadès ont
des taux de scolarisation qui avoisinent les 20%, alors que les
autres n'ont qu'un taux de scolarisation de 10% et à l'Est, celui
de Diffa n'a que 7,4% et celui de Magaria 5,5%. Bien entendu,
les disparités continuent à exister entre zones rurales et zones
urbaines et entre filles et garçons, puisque les filles ne
représentent que 34% des élèves scolarisés en primaire, 27% des
élèves du premier cycle du second degré et 24% des élèves du
second cycle du second degré. Le processus de sélection entre le
primaire et le secondaire se réduit, mais reste conséquent: si
64,5% des élèves reçoivent le C.E.P.E. (certificat d'études
primaires élémentaires qui devient le C.F.E.P.D.: certificat de
fin d'études du premier degré) en 1973, seulement 33% sont
admis au concours d'entrée en sixième. Le taux de réussite au
B.E.P.C. est meilleur puisqu'il atteint 68,3% : il faut dire qu'il
n'y a encore que 1032 candidats pour l'ensemble du Niger
dont seulement 12,8% de filles.

85
Annuaire des statistiques scolaires 1972/1973, Ministère de l'Éducation
nationale, République du Niger. Nous avons utilisé ces données pour effectuer
les calculs qui suivent.

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Chapitre V

Les politiques scolaires durant le régime militaire


(1974-1989)

Le régime militaire qui renverse la première République


survient à un moment où la situation économique du Niger s'est
fortement dégradée. De 1967 à 1973, la sécheresse qui sévit
dans le Sahel entraîne une famine parmi les populations,
notamment rurales, et les tensions sociales qui s'ensuivent
témoignent de l'impuissance d'un régime qui lui-même se
déchire entre les partisans de Boubou Hama et ceux de Diori
Hamani. Le 15 avril 1974, le lieutenant-colonel Seyni Kountché
proclame: «L'armée a décidé de prendre ses responsabilités en
mettant fin au régime que vous connaissez»; il lui reproche
d'avoir été injuste, corruptible et indifférent à l'égard du
peuple. Dans le secteur de l'éducation, le début des années 1970
est marqué par de nombreuses grèves chez les lycéens et les
étudiants. Le passage automatique au primaire de 85% des
effectifs des cours d'initiation et préparatoire en classe
supérieure chaque année entraîne un engorgement des cours
élémentaires et moyens par des élèves incapables de suivre
l'enseignement de ces niveaux, ce qui a pour conséquence
d'accroître les déperditions en fin de primaire. De toute
manière, l'accès à l'enseignement secondaire est encore saturé
puisque seulement 33% des élèves qui ont terminé leur scolarité
au primaire peuvent y accéder. Cette situation commence
également à exister entre le collège et le lycée. L'État ne
pouvant entretenir les internats des collèges dans les centres
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urbains, les élèves ruraux ont des difficultés pour trouver un


hébergement malgré l'allocation qui leur est attribuée et les
filles sont les premières victimes de cette scolarisation
hasardeuse, les parents refusant leur scolarisation dans ces
conditions. Au début des années 1970, les ambitions de l'État
nigérien en matière de construction d'établissements et
d'équipements scolaires se voient limitées pour des raisons
économiques.
Alors, pour faire taire un moment les agitateurs et prendre
le devant en matière d'initiative, l'État nigérien institue par le
décret du 19 mai 1972 une Commission nationale pour la
réforme de l'enseignement et le plan de scolarisation. Lors de sa
première session du 23 au 27 février 1974, la commission
élabore un document86 dans lequel de nouvelles finalités sont
données à l'école, notamment «former un type nouveau de
citoyen susceptible de s'insérer dans l'économie en tant
qu'élément de production et ouvert aux progrès techniques et
scientifiques du monde moderne [...], épanouir la personnalité
de 1'homme nigérien à travers la connaissance de ses valeurs
culturelles et par la participation active à l'enrichissement de ce
patrimoine ». L'école est alors considérée comme «le lieu
d'apprentissage d'activités communautaires visant la promotion
collective du groupe ainsi que l'exercice des vertus sociales ».
Cette réflexion sur l'adaptation du système scolaire aux réalités
socio-économiques du Niger est loin d'être approfondie et
l'analyse qui en ressort reste trop superficielle pour se traduire
en politique d'éducation.
Un séminaire national de réflexion sur la réforme de
l'enseignement87 organisé du 4 au 12 septembre 1975 conduit à
une critique marxisante qui utilise souvent de la «langue de
bois », mais qui a le mérite d'être parfois lucide notamment
lorsqu'il s'agit d'analyser le système d'éducation post-colonial.

86
Réforme de l'enseignement. Grandes orientations, C.N.R.E.P.S., Ministère
de l'Éducation nationale, République du Niger, février 1974.
87
Séminaire national de réflexion sur la réforme de l'enseignement, Ministère
de l'Éducation nationale, Niamey, sept. 1975.

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«...la plupart des pays africains n'ont acquis qu'une indépendance


nominale. Des accords de coopération savamment rédigés par d'anciens colons
miraculeusement transformés en collaborateurs, coopérants, assistants et
conseillers techniques, sont venus remodeler le pacte coloniaL.. En vertu de
ces accords, le Niger n'a pratiquement aucun contrôle effectif sur sa politique
dans les divers secteurs de la vie nationale. En matière d'éducation notamment,
sa marge d'action est très réduite. C'est ainsi que l'enseignement supérieur dans
les pays néo-colonisés reste dans la mouvance de la France. Le programme
d'enseignement et le diplôme restent typiquement français. Dans
l'enseignement secondaire se développe la néfaste et occulte action des
inspecteurs français d' académies. Avec les replâtrages successifs, ces
inspecteurs devenus conseillers techniques restent basés au Ministère de
l'Éducation nationale; ils sont directement en liaison avec l'ambassade de
France et gèrent les dossiers des coopérants français servant au Niger.
Rappelons à ce propos que l'inspecteur d'Académie français, M. Tranchart ... a
occupé de 1965 à 1972 les fonctions combien stratégiques de directeur de no tre
enseignement secondaire et technique. À son titre de conseiller technique
particulièrement écouté des ministres successifs de l'Éducation nationale, il fut
pratiquement le détenteur du pouvoir réel dans ce département ministériel. Sous
l'impulsion de la France tout un ensemble de structures est mis en place pour
assurer la mainmise de celle-ci sur notre système éducatif.
Sur le plan politique, les ministres africains de l'éducation des pays
néo-colonisés sont appelés régulièrement à participer à des conférences autour
de leur homologue français.
Sur le plan culturel, l'Agence de coopération culturelle et technique,
l'association des parlementaires de langue française, assurent le maintien et la
diffusion de langue française.
L'I.P.A.M.: l'Institut Pédagogique Africain et Malgache pour la
langue française, basé à Paris, a poussé des excroissances dans les pays néo-
colonisés: les centres pédagogiques. Le rôle de ces centres est double: d'une
part assurer le maintien du système éducatif français, d'autre part garantir des
marchés aux ouvrages produits par de prétendus spécialistes de l'éducation
ayant servi en Afrique. C'est ainsi que de prétendus pédagogues (en fait
barbouzes et mercenaires pour certains) pour la plupart étrangers au monde
enseignant, ont organisé l'exploitation mercantile de l'élève nigérien et de
son pays: débarqués dans des ministères ou plantés dans des bureaux
pédagogiques, ils conçoivent des ouvrages pompeusement étiquetés africains,
mais en fait pleins d'une incroyable naïveté; c'est cette littérature, véhiculant

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l'idéologie des dominateurs qui occasionne l'édition de tous les ouvrages


produits par l' I.P .A.M. et écoulés astucieusement dans nos écoles
pédagogiques. Ainsi donc, sous le prétexte fallacieux de nous apporter la
technique et l'assistance, les anciens artisans de l'École coloniale continuent à
maintenir notre système éducatif dans des normes fixées par eux, tout en
profitant de notre crédulité pour faire fleurir leurs affaires: l'exemple de l'ex-
inspecteur d'académie du Niger, autour de plusieurs ouvrages spécialement
conçus pour l'Afrique noire, est là pour illustrer nos propos.
L'association des psychologues francophones d' Mrique rattachée
directement au Ministère français chargé de la coopération mène des recherches
sur la psychologie de l'enfant africain dans des buts pas toujours avoués. Cette
institution piège, loin de procéder à des recherches réellement scientifiques
dans le domaine de la psychologie s'érige, tout comme l'A.C.C.T.,
l'AUDECAM, la conférence des ministres de l'Éducation des pays de langue
française, etc, en organisation de collecte d'informations sur les tentatives des
pays néo-colonisés à apporter des recherches aux systèmes mis en place par la
France. Profitant du besoin de réforme dont les pays africains ont senti la
nécessité, elle s'acharne à s'informer des aménagements éventuels, pour
préparer la contre-offensive des patrons du Ministère français de la
Coopération.
L'A.U.P.E.L.F.: l'Association des universités partiellement ou
entièrement de langue française se veut coordinatrice de tout ce savant édifice.
Pris dans un tel carcan, les systèmes éducatifs de nos pays ne peuvent
accomplir d'autres missions que celles de perpétuer l'exploitation des néo-
colonies par l'impérialisme. C'est pourquoi on a assisté jusqu'ici à une
formation désordonnée des cadres africains sans aucun lien avec les réalités
socio-économiques des pays. Au fil des années, ce désordre s'est de plus en plus
accentué, débouchant sur une profonde désorganisation des systèmes sociaux
trouvés en place et l'instauration d'une société fortement désarticulée et
désaxée: la société néo-coloniale caractérisée par: le déracinement,
l'acculturation de l'individu, l'éclosion d'une bourgeoisie politico-
bureaucratique imbue du culte du diplôme et reniant ses propres valeurs ».

C'est dans ces conditions post-soixante-huitardes que de


nouvelles propositions sont adoptées lors de la dernière session
du séminaire national de réflexion sur la réforme de

136
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l'enseignement, tenue du 24 au 29 mai 197688. À côté de la


mise en place d'un système d'enseignement qui opère une
rupture réelle avec le système colonial et post-colonial et d'une
énonciation de principes généreux et égalitaires qui ne seront
jamais appliqués, il est prévu par ailleurs d'opter pour «un
enseignement en langues nationales, seul moyen de combattre
efficacement l'analphabétisme, et pour une langue unitaire qui
accédera progressivement au statut de langue officielle»: il
s'agit ici du hawsa qui est parlé par plus de 70% des populations
nigériennes.
Il est prévu d'étendre la généralisation des langues
nationales à tous les cycles d'enseignement: l'élève est tout
d'abord scolarisé dans sa langue maternelle pendant les trois
premières années, tandis que la langue unitaire est introduite
progressivement comme matière d'enseignement afin de devenir
par la suite langue d'enseignement en quatrième année. Ceux
dont la langue maternelle est la langue unitaire ont comme
matière d'enseignement une langue nationale seconde. Après la
sixième année, la langue unitaire reste langue d'enseignement et
une autre langue nationale devient première langue obligatoire.
Il s'agit par la même occasion de promouvoir des publications
et des traductions littéraires et scientifiques systématiques dans
chacune des langues nationales et de bannir «les produits nocifs
des cultures étrangères (films, livres, programmes des centres
culturels, etc. ».
Suite à la dénonciation de l'emprise de la France et de ses
coopérants pédagogues et psychologues sur l'éducation
nigérienne durant les années 1960 et 1970, il paratî assez
surprenant que ces «révolutionnaires nigériens» puissent croire
un instant que le ou les gouvernements issus d'un système
éducatif dont ils représentent l'élite francophone et francophile
changent aussi brutalement de politique d'éducation, celle-ci
étant en grande partie financée par la France. C'est l'une des
raisons pour lesquelles l'enseignement en langues nationales n'a
été qu'une expérience jusqu'à aujourd'hui. Les moyens

88Commission nationale pour la réforme de l'enseignement et plan de


scolarisation, Ministère de l'Éducation nationale Niamey, mai 1976.

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humains et économiques pour la recherche et la conception


d'un enseignement en langues nationales sont dérisoires. Il
n'existe pas de formation des maîtres appropriée, ces derniers
continuant à suivre une formation de type traditionnel. Les
gouvernements à majorité Jerma-songhaï, qu'ils soient civils ou
militaires, sont peu enthousiastes à promulguer le hawsa comme
langue unitaire. Chez les militaires, il est rare de trouver un
officier qui soit hawsa. Depuis la colonisation, Niamey et sa
région ont été favorisées au niveau de l'apport colonial et
notamment en ce qui concerne l'éducation et donc les positions
politiques. Même si idéologiquement il fait bon ton de parler
des langues nationales et donc de la langue unitaire, le hawsa,
dans la pratique, cette dernière reste le français.

C'est durant l'année scolaire 1973-1974 que la première


école expérimentale voit le jour à Zinder avec une seule classe
de 45 élèves. Mais ce n'est pas n'importe quelle classe
expérimentale, puisqu'il s'agit de la classe d'initiation de
l'école d'application de l'école normale. Les résultats
pédagogiques sont plutôt satisfaisants: il apparaît que
l'enseignement dans la langue maternelle durant la première
année de scolarité permet aux élèves d'acquérir rapidement des
connaissances instrumentales en lecture, écriture et calcul, et que
la relation matîre-élèves se soit améliorée. L'objectif est d'éviter
toute rupture entre leur culture et l'enseignement qu'on leur
dispense à l'école. Celui-ci commence dans la langue maternelle
au C.I., C.P. et C.E. l, le français étant introduit à l'oral au C.P.
puis à l'écrit au C.E.1. Aux C.E.2, C.M.1 et C.M.2 les cours
s'effectuent essentiellement en français. L'enseignement se veut
thématique et le choix du thème est décidé avec les élèves en
fonction du milieu dans lequel ils évoluent. Il permet de servir
de support aux leçons de langage, puis celles-ci conduisent à
l'élaboration d'un texte écrit qui prépare à la lecture et l'étude
de la langue. En fonction du thème choisi, d'autres matières
d'enseignement qui s'y réfèrent sont abordées comme
I'histoire, la géographie, l'initiation aux sciences, le calcul, etc.
Ce sont les élèves qui gardent l'initiative et non pas le mattre qui
applique une méthode. Diverses activités pratiques sont

138
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introduites dans l'enseignement: jardinage, élevage, artisanat,


etc., en fonction du milieu où se trouve l'école. Ces activités
pratiques et productives (A.P.P.) ont pour objectif de favoriser
l'insertion des anciens élèves dans les différents secteurs de
production, réduire les déperditions scolaires et promouvoir
l'auto-instruction. Le problème principal est le manque de
supports didactiques, à commencer par des livres en langues
nationales.
Après l'expérience en langue hawsa à Zinder, une autre
école expérimentale est ouverte à Tillabéri en pays Jerma en
1976. À partir de 1979, de nouvelles écoles se mettent en place
dans d'autres aires linguistiques où sont enseignées des langues
nationales comme le tamajaq, le kanuri et le fufuldé. Les actions
de recherche menées notamment par l'Institut national de
documentation, de recherche et d'animation pédagogique
(I.N.D.R.A.P.) sont financées par un projet P.N.U.D.-
U.N.E.S.C.G. d'assistance à la réforme de l'enseignement et par
un projet U.S.A.I.D. pour l'élaboration et la production de
livres d'enseignement en langues nationales. Nous pouvons
remarquer que la France ne participe pas à ce projet et que ce
sont cette fois-ci les États-Unis qui profitent de l'opportunité.
Mais le système d'enseignement en langues nationales
reste expérimental et n'est pas généralisé: comme les épreuves
pour le certificat de fin d'études primaires sont les mêmes que
dans les écoles traditionnelles où l'enseignement est entièrement
en français, ces élèves sont mis en situation d'échec à l'examen
puisque leur niveau en français est plus bas que celui de leurs
camarades issus des écoles classiques. Le problème est qu'il n'a
pas été prévu de mettre en place un enseignement secondaire
adapté à ces élèves et que par conséquent aucun examen
spécifique n'a été élaboré pour eux.

Si les différents projets de réforme qui se sont succédés


dans les années 1970 et 1980 sont très partiellement mis en
forme, il apparaît cependant que les efforts de l'État nigérien

139
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ont été considérables89 : en 1978, il consacre 27% de son budget


de fonctionnement et 25,7% du budget général au secteur de
l'éducation. Lorsque nous comparons quelques chiffres entre
1960 et 1978, les effectifs sont passés de 21.054 à 176.397, le
taux de scolarisation de 3,1% à 17,3%, le nombre de classes de
509 à 4.097, les admis au C.E.P.E. ou au C.F.E.P.D. (diplôme
qui sanctionne l'enseignement primaire) 90 de 667 à 7.479, les
effectifs du secondaire passent de 1.040 à 20.732, le nombre de
classes de 34 à 592, les admis au baccalauréat général de 9 à 339
et 422 Nigériens sont désormais étudiants au Niger. 35,9% de
filles sont scolarisées dans le primaire en 1978. Mais les
déperditions sont importantes: sur 1.000 enfants entrant au
primaire, 460 abandonnent en cours d'études; sur les 540
arrivant au C.M.2, 190 entrent en sixième et 350 dans la vie
active, dont 270 avec le C.F.E.P.D. et 80 sans diplôme. Ainsi,
54% des enfants entrés à l'école primaire en ressortent sans
diplôme. Les disparités entre départements sont toujours
importantes: Agadès et Niamey ont des taux de scolarisation de
plus de 26%, alors que dans les autres départements ils se situent
autour de 15%. Les moniteurs auxiliaires représentent encore
42,7% du corps enseignant et il y a moins de 10% d'instituteurs.
Des 46 C.E.G., 56,6% des élèves sortent avec le B.E.P.C., des 6
lycées, ils sont 64,2% à sortir avec un bac général et 60,9% avec
un bac technique. 40% des élèves munis du B.E.P.C. sont
orientés vers les écoles normales.

Dans la lignée du séminaire national de réflexion sur la


réforme de l'enseignement, à Zinder ont lieu un séminaire
général sur l'éducation en 1979 et une conférence-débat sur

89
Pour les chiffres qui suivent, nous nous inspirons des données fournies par le
Plan quinquennal de développement de l'éducation et de la scolarisation, 1979-
1983, République du Niger, 1978, ainsi que des annuaires des statistiques
scolaires du Ministère de l'Éducation nationale qui couvrent la période étudiée.
90
Le certificat d'études primaires élémentaires (C.E.P.E.) est remplacé par le
certificat de fin d'études du premier degré (C.F.E.P.D.) par le décret n077-
53/PCMSIMEN du 29 avril 1977. Si la nomenclature change, le contenu de
l'examen reste le même.

140
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l'école nigérienne en 198291, afin de trouver de nouvelles


dispositions pour alléger le coût du système scolaire nigérien et
trouver d'autres sources de financement que le budget de l'État.
En effet, à partir de 1982, la chute des cours de l'uranium,
principale richesse du pays entre 1975 et 1981, contraint l'État
nigérien à revoir à la baisse son programme de développement
éducatif. fi lui est alors nécessaire de prendre les devants afin de
limiter la contestation du corps enseignant. Comme d'habitude,
les séminaires et les conférences dans lesquels sont invités
l'ensemble des contestataires des politiques d'éducation menées
jusqu'alors, permettent à court terme de désamorcer le conflit en
faisant croire que les propositions qui en émanent seront mises
en application par le gouvernement. Dans la «déclaration de
Zinder» qui clôture la conférence, des propositions sont une
nouvelle fois effectuées pour rapprocher l'école des réalités
socio-économiques du pays. Il est question de réhabiliter la
culture nigérienne en attribuant un statut juridique aux langues
nationales et en instaurant le travail manuel à l'école, d'amener
l'université de Niamey à s'intéresser un peu plus à la recherche
appliquée, et de mettre en place une nouvelle structure de
l'école nigérienne, avec notamment un enseignement préscolaire
de 2 ans, un enseignement de base de 9 ans, un enseignement
secondaire général et polytechnique de 3 ans. Il s'agit donc de
remanier les programmes d'enseignement et de les baser sur la
méthode active. fi faut également responsabiliser les élèves et
«fermer les établissements à toutes ingérences extérieures »,
revaloriser la fonction de formateur en utilisant les retraités et en
institutionnalisant un service civique national de formation afin
de récupérer les cadres issus des universités. Le statut de
certaines institutions peut être révisé, par exemple il est prévu
que l'École de pédagogie de l'université de Niamey devienne
une École normale supérieure. Il est également nécessaire de
créer des Instituts Universitaires de Technologie et d'inciter les
élèves à s'orienter dans les écoles techniques et professionnelles.

91
Conférence-débatsur l'école nigérienne, Commission nationale de mise en
place de la Société de développement, République du Niger, Zinder, 22 au 31
mars 1982.

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Afin de créer de tels établissements, il est nécessaire d'alléger les


charges financières de l'État. Pour cela, il est recommandé92 :

«- La suppression progressive des internats dans les établissements


d'enseignement général et des cantines scolaires installées en zone
sédentaire sans compromettre pour autant la dynamique de scolarisation
dans notre pays et sans perdre de vue le rôle déterminant que le brassage
des enfants nigériens joue dans la consolidation de l'unité nationale.
- La création dans tous les établissements de jardins et de coopératives
scolaires susceptibles de prendre en charge une partie des dépenses de
fonctionnement de ces institutions.
- La prise en charge localement par les collectivités territoriales et les
communautés villageoises d'une partie du coOt de l'éducation et de la
formation.
- La contribution des parents d'élèves à l'achat des fournitures
scolaires.
- La rationalisation des conditions d'attributions des allocations
scolaires et des bourses d'études dans tous les cycles d'enseignement.
- L'utilisation, partout où cela est possible, de matériaux locaux et de
nos techniques architecturales propres, en vue de faire baisser le coOt des
constructions scolaires.
- La mise en place d'un fonds national de soutien à l'éducation et à la
formation générale, technique et professionnelle».

En 1987, la structure de l'enseignement nigérien n'a pas


changé et les réformes envisagées sont restées encore une fois
pour la plupart sur le papier. Le bilan93 qui est établi sur les dix
dernières années fait ressortir un déséquilibre dans la croissance
des effectifs des trois degrés d'enseignement: moins de 7% par
an pour le primaire entre 1976 et 1986, 14% pour le secondaire
et 22,5% pour le supérieur.
L'enseignement préscolaire commence à se développer,
mais il reste encore embryonnaire: en 1987, 51 jardins
d'enfants et maternelles accueillent près de 7.200 enfants, dont

92
Idem.
93
Plan quinquénal de développement de l'éducation et de la scolarisation,
1979-1983, République du Niger, 1987.

142
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48% de filles. 72% de ces enfants fréquentent alors des


établissements publics.
Dans le primaire, le taux de scolarisation est passé de
18,2% en 1978 à 21,3% en 1981 grâce à des investissements
importants (entre 1.856.000.000 et 1.946.000.000 francs CFA),
mais il a ensuite régressé jusqu'en 1986 où il n'est que de
20,8% en raison du ralentissement des investissements (entre
440.000.000 et 600.000.000 francs CFA). Nous avons en effet
une baisse sensible du taux de croissance des effectifs, puisque
nous passons de 9,6% par an en moyenne de 1976 à 1982, à
2,5% entre 1992 et 1986. La baisse du taux de scolarisation
s'explique notamment par la réduction du rythme annuel de
construction des classes qui passe de 500 en 1982 à 300 en
1986: l'État n'assure plus entièrement le programme de
construction des classes et certains arrondissements ne le
prennent pas en charge, soit parce qu'ils en n'ont pas les
moyens, soit parce qu'ils estiment avoir d'autres priorités.
Néanmoins, dans de nombreuses écoles rurales, les
effectifs sont souvent inférieurs à 30 élèves par classe alors que
dans les communes ils dépassent les 35 élèves par classe. La
proportion des filles n'a pas varié en 10 ans: elle était de 35,3%
en 1976, elle est de 35,9% en 1986. fi faut dire que plus de 2%
des filles du primaire sont enceintes chaque année, ce qui
n'encourage pas les parents à les scolariser. De plus, la
législation en vigueur veut qu'une fille enceinte entre le
primaire et la classe de quatrième soit exclue définitivement, et
qu'elle n'ait droit qu'à un seul accouchement entre la troisième
et la terminale. TIest vrai que l'éducation sexuelle n'est pas à
l'ordre du jour dans les établissements nigériens.
Les disparités entre communes et arrondissements sont
toujours importantes: alors qu'il y a 50,4% d'enfants scolarisés
dans la commune de Niamey, certains arrondissements de
Maradi et de Tahoua en ont moins de 20%.
Nous avons par contre une «amélioration» de la
qualification du corps enseignant, puisque la proportion
d'instituteurs et d'instituteurs-adjoints passe de 52,5% en 1976 à
86,2% en 1986. Néanmoins, si proportionnellement les
instituteurs-adjoints remplacent les moniteurs à partir de 1975, il

143
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ne faut pas oublier que ces instituteurs-adjoints sont des élèves


qui auraient dû être exclus du système scolaire puisqu'ils ont
échoué à leur B.E.P.C. : n'ayant pas d'autres possibilités, ils ont
été orientés vers l'enseignement suite à une formation
professionnelle très superficielle (3 mois). N'ayant ni la
vocation, ni les acquis pédagogiques nécessaires à l'exercice de
leur futur métier, leur intégration dans le corps enseignant a
permis au régime militaire de réduire massivement le nombre
d'enseignants non nigériens. Le pourcentage des femmes
enseignantes est de 33,5% en 1986, mais elles sont majoritaires
dans les zones urbaines (85%).
Depuis que la faculté de pédagogie forme et des
inspecteurs et des conseillers pédagogiques, l'encadrement s'est
considérablement renforcé puisque nous passons d'un
encadreur pour 335 enseignants en 1976 à un pour 50 en 1986.
Le nombre d'inspecteurs passe de Il en 1975 à 39 en 1986,
tandis que celui des conseillers pédagogiques passe de 8 en
1977 à 102 en 1986. Cependant, à partir de 1981 ces encadreurs
manquent de moyens logistiques pour effectuer correctement
leur travail même si tous les arrondissements disposent d'une
inspection de l'enseignement du premier degré (I.E.P.D.). Sur
les 41 inspections du premier degré, deux d'entre elles ont pour
tâche de s'occuper de l'enseignement franco-arabe dispensé
dans les médersas et dans les établissements du second degré.
Malgré l'amélioration qualitative et quantitative du corps
enseignant et des encadreurs, les résultats scolaires sont de plus
en plus faibles: le taux de réussite du C.F.E.P.D. passe de 52,3%
en 1976 à 23,2% en 1986 ; celui d'entrée en sixième décline de
39,7% en 1976 à 23% en 1986. Par ailleurs, les déperditions
sont toujours importantes: sur 100 enfants inscrits au C.I., Il
arrivent au collège après 6 ans dans le primaire. Comme deux
redoublements sont autorisés, ce chiffre monte à 33 après 8 ans
de scolarité. Aucune structure n'existe afin de récupérer les 67%
d'exclus qui sont en rupture par rapport aux activités socio-
économiques traditionnelles étant acculturés à l'égard du monde
occidental, et qui ne peuvent accéder à celles du monde
moderne du fait de leur « échec scolaire ».

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Les raisons invoquées pour expliquer cette baisse de


niveau et ces déperditions scolaires sont les suivantes:
L'orientation dans les écoles normales pour tout breveté
ayant postulé pour l'enseignement au lieu de choisir les
meilleurs éléments;
Le manque de manuels scolaires individuels;
Le passage quasi-automatique du cours d'initiation au
cours préparatoire;
Des proportions de passage d'un cours à l'autre déjà
fixées et trop élevées par rapport au niveau réel des élèves;
Enfin et comme toujours, l'inadaptation du contenu des
programmes au milieu socio-économique du Niger.

Dans le secondaire, l'accroissement moyen des effectifs


dans le premier cycle est de 14% par an. Il % des élèves sont
scolarisés dans le privé. Mais depuis 1985, les effectifs stagnent
car les résultats médiocres de l'examen d'entrée en sixième
couvrent tout juste les sortants en troisième et les exclus des
différents niveaux. Cela a pour conséquence une sous-utilisation
des infrastructures dans de nombreux arrondissements. TIy a en
1986 68 C.E.G. avec 966 classes dont deux C.E.G. franco-
arabes, de plus 16 collèges privés avec 154 classes viennent
compléter les établissements du premier cycle.
Le Ministère de l'Éducation nationale a cherché à
améliorer les aspects quantitatifs et qualitatifs du corps
enseignant, celui-ci était dominé par une grande majorité de
professeurs expatriés, notamment dans le second cycle. Depuis
1974, 100 professeurs sont formés en moyenne annuellement à
la faculté de pédagogie: la proportion de Nigériens dans ce
corps enseignant est alors passée de 38,3% en 1974 à 91,7% en
1986. Ce dernier chiffre comprend non seulement des
professeurs de collège, mais également des appelés du service
civique et des instituteurs, puisque sur 1.242 Nigériens il y a 400
instituteurs du primaire qui font maintenant fonction de
professeur de C.E.G.
Onze inspections de l'enseignement secondaire (I.E. S.)
implantées dans les sept départements sont chargées de veiller à
l'encadrement. Depuis 1980, une formation de conseiller
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pédagogique est assurée à la faculté de pédagogie: en 1984 il Y


a déjà 14 conseillers pédagogiques et 14 inspecteurs.
Entre 1976 et 1986, le nombre d'élèves par classe est
monté de 33 à 39. Le taux de réussite au B.E.P.C. est en baisse:
en 1971 il était de 72%, en 1986 il est de 42,2%. De 1976 à
1982, il reste supérieur à 54% et monte même jusqu'à 81,3%,
mais de 1983 à 1986 il oscille entre 31,1% et 46,8%. Mais
depuis le début des années 1980, un autre problème vient se
greffer à cette baisse des effectifs: la déperdition scolaire,
puisqu'en 1981 ils n'étaient que 3% des brevetés à n'être pas
orientés, mais l'année suivante ils sont 48,1 % et en 1986 25,8%.
Au total, de 1981 à 1986, les brevetés non orientés sont 4.456,
soit 20,8% de l'ensemble des brevetés. Deux tiers des élèves sont
orientés vers le Ministère de l'Éducation nationale entre 1978 et
1984.

Le second cycle de l'enseignement secondaire s'est


particulièrement développé durant la période militaire puisqu'il
existe alors 10 lycées d'enseignement général avec 171 classes
dont un lycée franco-arabe créé à Niamey en 1984. Sept
« lycées» privés accueillent 28 élèves par classe en moyenne
alors que la proportion est de 36 dans le public. 87% des élèves
fréquentent les établissements publics.
La proportion des enseignants nigériens passe de 13,2%
en 1974 à 27,6% en 1986, ou plutôt à 56% si nous rajoutons les
appelés du service civique. Mais si nous raisonnons en terme de
discipline, les expatriés représentent plus des deux tiers des
professeurs de sciences naturelles et de physique. Cela vient en
partie du fait que les bacheliers des séries scientifiques préfèrent
être orientés vers les entreprises publiques et les différents
ministères (Mines et industries, Agriculture, Travaux publics,
Plan,...) plutôt que devenir professeur, et cela, malgré l'option
prise en 1984 par le M.É.N. pour orienter les deux tiers des
lycéens vers les séries scientifiques (C et D). En dix ans, le
système scolaire nigérien a produit 44,3% de bacheliers
littéraires (série A) et en 1986 ils sont plus de 400 à n'avoir pas
pu être orientés, ce qui n'est pas le cas de ceux qui sont issus des
séries scientifiques.
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Le taux de réussite au baccalauréat général (séries, A, B, C,


D, E) baisse de plus de 60% en 1976 à 48,1 % en 1980 puis à
40,6% en 1988, alors que pour le baccalauréat technique (séries
F et G), il augmente de 54,8% à 64,9% : ce sont les meilleurs
élèves qui sont envoyés au lycée technique de Maradi. En 1988
sur les 506 élèves du lycée, il n'y a que 32 filles. n existe
également le lycée d'enseignement professionnel Issa Beri de
Niamey qui prépare en deux ans après le B.E.P.C. le brevet
d'aptitude professionnelle et en trois ans le diplôme d'aptitude
professionnelle. Il n'y a que 31 filles sur les 287 élèves. En vue
de continuer les études techniques au niveau supérieur, il est
prévu la création d'un institut universitaire technologique
(I.U.T.). En 1999 il n'yen avait toujours pas.

À l'origine Centre d'enseignement supérieur créé en


septembre 1971, l'Université de Niamey est créée en 1973. En
1984, les anciennes «écoles» sont transformées en facultés.
L'université comprend 6 facultés (lettres et sciences humaines,
sciences, sciences de la santé, sciences économiques et juridiques,
pédagogie, agronomie) et 3 instituts: l'Institut de recherche en
sciences humaines (I.R.S.H.) qui comprend 6 départements (art
et archéologie, géographie et aménagement de l'espace, histoire
et traditions populaires, langues nigériennes et linguistiques,
manuscrits arabes et ajami, sociologie du développement),
l'Institut de recherche pour l'enseignement des mathématiques
(I.R.E.M.) et l'Institut de radio-isotopes (I.R.I.) avec trois
départements (médecine nucléaire, physique et chimie nucléaire
et radio-agronomie). La faculté de lettres et sciences humaines
comprend 8 départements (anglais histoire, géographie, lettres
modernes, linguistique, philosophie, psychologie, sociologie), la
faculté des sciences 5 (mathématiques, physique, chimie,
biologie, géologie), la faculté d'agronomie 7 (formation
pratique, productions végétales, productions animales, eaux et
forêts et génie rural, sciences du sol, sociologie et économie
rurale, sciences fondamentales), la faculté de pédagogie 14
(lettres modernes, psychologie, pédagogie, linguistique, histoire,
géographie, anglais, docimologie, planification et administration
de l'éducation, technologie de l'éducation, techniques et
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méthodes d'alphabétisation, sciences naturelles, physique-


chimie, mathématiques), la faculté des sciences économiques et
juridiques 2 (sciences économiques, sciences juridiques) et la
faculté des sciences de la santé 4 (médecine interne et spécialités
médicales, chirurgie et spécialités chirurgicales, biologie
médicale et explorations fonctionnelles, santé publique). Depuis
1986 est créée la faculté de langue arabe et d'études islamiques
dans l'université islamique de Say (Sud-Sud-Est de Niamey)
qui, bien qu'étant internationale, accueille en 1988 une
soixantaine d'étudiants nigériens.
En 1988 sur les 246 enseignants-chercheurs permanents
de l'université de Niamey, il y a déjà 133 Nigériens (mais aussi
96 coopérants et 17 contractuels). L'effectif des étudiants
nigériens à l'université de Niamey passe de 538 à 1.887 entre
1976 et 1986 et le taux d'étudiants nigériens dans cette
université passe durant la même période de 36,2% à 65%. L'État
nigérien limite ainsi le nombre de bourses octroyées aux
étudiants qui partent à l'étranger, même s'il continue à les verser
à ceux qui fréquentent l'université de Niamey. Les textes de la
Commission nationale d'attribution des bourses stipulent que
tout bachelier nigérien qui a une moyenne générale supérieure
ou égale à 7/20 bénéficie d'une bourse ou d'une demi-bourse.
Le budget de l'université pour 1987-1988 s'élève à
1.643.310.000 francs CFA, dont 93% provient directement de
l'État et le reste des fonds propres de l'université et de diverses
subventions.
Les diplômes vont jusqu'à la maîtrise en sciences, lettres,
économie et droit, à l'exception du diplôme d'aptitude
pédagogique au professorat des collèges d'enseignement
général qui se prépare en deux ans. C'est le décret n084-118 du
26 juillet 1984 qui institue les grades et diplômes conférés par
l'université de Niamey et qui prévoit un troisième cycle
d'études.
Il s'est opéré un changement dans le choix des filières par
les étudiants entre les années 1970 et 1980 qui ne correspond
plus aux besoins du marché du travail. Alors qu'en 1976, 58,1%
des étudiants sont inscrits dans la seule faculté des sciences de
l'université de Niamey (avec les facultés d'agronomie et de
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santé ce pourcentage s'élève à 71,4%), en 1986 ils ne sont que


18,3% à la faculté de sciences (29,9% avec les facultés
d'agronomie et de santé). Cette baisse s'est effectuée au profit
d'une part, de la faculté de lettres et sciences humaines qui
reçoit 30,4% des effectifs en 1986 alors qu'ils étaient de 12,9%
en 1976, et d'autre part de la faculté des sciences économiques
et juridiques créée en 1981, qui après cinq années de
fonctionnement, regroupe 27,4% des effectifs. Près de 58% des
étudiants sont inscrits dans ces deux facultés, ce qui révèle un
défaut dans la programmation des cadres puisque les besoins en
main d'œuvre concernent essentiellement les cadres
scientifiques. Il faut dire que jusqu'en 1983, l'orientation des
élèves et des étudiants ne s'est pas effectuée selon les besoins
réels du pays, mais au niveau de chaque ministère, sans se
préoccuper des perspectives d'emploi.

L'enseignement professionnel se développe dans les


années 1970 et 1980, que ce soit dans le public ou dans le privé.
La Direction de la formation professionnelle assure la tutelle des
trois centres suivants:
- Le centre de formation et de perfectionnement
professionnel (C.F.P.P.) créé en 1957 et réorganisé en 1974
prépare sur trois ans des diplômes en mécanique auto,
mécanique générale, construction mécanique, bâtiment,
électricité industrielle, électricité auto et tuyauterie. fi prépare
également sur neuf mois des diplômes en maçonnerie,
soudure, menuiserie et plomberie. 164 élèves dont 8 filles
fréquentent ce centre, 132 élèves pour le cycle long et 32
pour le cycle court.
- Le centre technique de Kalmharo de Niamey créé en
1979 recrute sur concours à partir du niveau de la cinquième
et prépare en un an le C.A.P. (électricité d'équipement,
mécanique de réparation auto, construction métallique) et en
trois ans le B.E.P. (électricité, mécanique auto, construction
mécanique). Ce centre comprend 89 élèves dont 2 filles.
Le centre de formation professionnelle et
d'apprentissage (C.F.P.A.) de Zinder créé en 1986 recrute
sur concours, à partir du B.E.P.C. pour le cycle court des
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agents techniques (un an d'études), et à partir du niveau de la


terminale pour le cycle des adjoints techniques (deux ans
d'études) et celui des programmeurs (un an d'études). Ce
centre accueille 72 élèves dont deux filles.
La direction de la formation professionnelle est également
chargée des relations avec les établissements privés de formation
professionnelle, comme des écoles de dactylographie, de
secrétariat, de comptabilité ou le centre de formation en
technique automobile (C.F.T.A.) de Niamey qui est dirigé par la
Mission catholique. Le C.F.T.A. est le premier centre à avoir été
agréé selon les normes de l'arrêté nOl.838 du 17 novembre
1986 qui fixe les conditions d'agrément des établissements
privés de formation professionnelle et d'enseignement
technique.
Le Ministère de l'Éducation nationale assure, bien
entendu, la tutelle des écoles normales. Les écoles normales à
cycle long (Tanimoune à Tillabery et Askia Mohamed à Zinder)
forment des instituteurs durant quatre ans après le B.E.P.C., mais
c'est seulement la quatrième année où la formation est
spécifique au métier d'instituteur, alors que durant les trois
premières années elle est équivalente à celle des lycées et mène
également au baccalauréat. C'est la raison pour laquelle la
majorité des élèves quittent l'école normale après le baccalauréat
pour s'orienter vers la faculté de pédagogie qui forme les
professeurs de C.E.G. Les écoles normales à cycle court (Dosso
et Tahou a) forment en deux ans après le B.E.P.C. des
institueurs-adjoints. Les deux écoles normales pour filles
(Tahoua et Tillabery) sont les seules à avoir gardé le système
d'internat, ce qui peut expliquer que les femmes représentent
déjà en 1988 32% du corps enseignant. Le recyclage des
enseignants s'effectue à l'école normale de Maradi qui devient à
partir de 1983 un centre de perfectionnement et de recyclage.
Après avoir pris en charge les moniteurs auxiliaires afin de les
promouvoir au rang de moniteurs, l'école normale de Maradi se
consacre exclusivement à la formation continue en accueillant
des enseignants pendant 3 mois. 888 élèves sont scolarisés dans
l'enseignement normal.

150
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Le Ministère de la fonction publique, du travail et de la


formation professionnelle assure la tutelle de l'École nationale
d'administration (É.N.A) créée en 1963 par transformation du
Centre de formation administrative (C.F.A.), créé en 1960. Elle
prépare au niveau supérieur (recrutement sur concours à partir
du Bac pour une formation sur trois ans) des diplômes pour
l'administration générale, le Trésor, les douanes, la fiscalité et le
domaine, le travail et la sécurité sociale. Au niveau moyen
(recrutement sur orientation à partir du B.E.P.C. pour une
formation de 3 ans), elle prépare des diplômes pour
l'administration générale, les services financiers, la fiscalité et le
domaine, les douanes et les régies, le judiciaire, la comptabilité et
la gestion, le travail et la sécurité sociale, le secrétariat. Au niveau
élémentaire (formation sur deux ans à partir de la cinquième),
elle prépare les diplômes d'agent de service d'administration
générale, d'agent de service judiciaire, de comptable commercial
et de dactylographe.
D'autres écoles et centres publics de formation
professionnelle se trouvent sous la tutelle des différents
ministères techniques concernés. Parmi eux, nous trouvons
notamment:
- l'école nationale de santé publique (E.N.S.P.) de
Niamey, créée en 1965, prépare en trois ans au niveau supérieur
(recrutement sur orientation après le bac puis formation sur trois
ans) des diplômes de techniciens supérieurs en soins infirmiers,
obstétricaux, de l'action sociale et de laboratoire. Au niveau
moyen (recrutement après le B.E.P.C. puis formation sur trois
ans), elle prépare différents diplômes d'État: infirmiers, sages-
femmes, techniciens de laboratoire et assistants sociaux.
- le centre national d'instruction des postes et
télécommunications (C.N.I.P.T.) de Niamey créé en 1969
prépare des agents de postes (recrutement sur concours à partir
du C.F.E.P.D.) pendant 9 mois, ainsi que des contrôleurs
pendant trois ans et des contrôleurs adjoints pendant trois ans
(recrutement sur orientation à partir du B.E.P.C.).
Il Y a également l'Institut pratique de développement
rural (I.P.D.R.) de Kollo, créé en 1933 (il accueille en 1988 240
élèves, mais a une capacité de 540 places) ; l'École des cadres de

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l'élevage (E.C.E.), créée en 1971 à Niamey et transféré à Kollo


en 1985 (115 élèves sont présents, mais la capacité est de 240
places); l'École nationale des infirmiers et des cadres de
l'action sociale (E.N.I.C.A.S.) de Zinder créée en 1975, l'École
des mines de l'Air (EMAIR) d'Agadès créée en 1975 ; le Centre
de formation aux techniques de l'information (C.F.T.I.) de
Niamey créé en 1977; le Centre de formation des cadres de
l'alphabétisation (C.F.C.A.) créé en 1977 ; l'Institut national de
la jeunesse et des sports (I.N.l.S.) créé en 1979; l'École
nationale de la police créée en 1966. Nous trouvons également
des établissements à vocation régionale94 qui sont localisés à
Niamey qui proposent des formations au niveau supérieur: le
Centre de formation et d'application en agrométéorologie et en
hydrologie opérationnelle (AGRHYMET), l'École africaine de
la météorologie et de l'aviation civile (EAMAC), l'Institut
régional de formation en muséologie. TIest également prévu de
créer une École des mines de l'industrie et de la géologie
(EMIG).

Les années 1980 représentent un tournant dans le


processus de scolarisation au Niger: ne pouvant plus financer
lui-même sa politique d'éducation, il commence à être tributaire
de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international qui
mettent en place une série de «projets95» d'éducation qui
laisseront de moins en moins d'espaces de liberté aux Nigériens

94
Le terme « régional» recouvre non seulement le Niger mais également
d'autres pays frontaliers.
95
Le terme « projet» désigne le plus souvent au Niger une possibilité pour
les populations concernées de gagner facilement un peu d'argent et pour les
organismes qui mettent en place ces projets une possibilité de se faire valoir au
Niger et à l'extérieur et de justifier l'envoi de « coopérants» et du matériel qui
les accompagne. En général, ce n'est donc pas le projet en lui-même qui
intéresse les deux parties, ce qui nuit fortement au développement du pays,
favorisant ainsi l'émergence d'une mentalité singulière chez des individus qui
se refusent en prendre en main leur développement et d'autres qui ne font que
passer tout en donnant un sens superficiel à leur travail. Dans les discours
pourtant, les projets sont initiés et présentés pour favoriser le développement
du pays et des populations. Nous renvoyons le lecteur à la conclusion de cet
ouvrage où nous étayerons ces propos.

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dans le choix des politiques scolaires. Le Projet éducation I est


sans doute le moins contraignant, puisqu'il s'agit d'améliorer la
planification du développement de l'enseignement et de la
formation, de préparer d'autres projets d'éducation, d'élaborer
une stratégie et des programmes en vue de perfectionner les
cadres clés de la fonction publique et d'améliorer sa qualité et
développer la formation des cadres intermédiaires de
l'agriculture et de l'élevage. Sa réalisation doit s'étaler de 198 1
à 1987.
Ce sont différents services de spécialistes qui sont mis en
place pour la planification de l'éducation et la préparation des
projets d'éducation, pour créer une direction de la formation
afin de recenser les besoins de formation des fonctionnaires,
d'élaborer et d'exécuter des programmes de perfectionnement,
et de préparer les projets de perfectionnement. TI est prévu aussi
de former des techniciens pour les services de l'agriculture et de
l'élevage, de financer les travaux de construction, le mobilier, le
matériel, les véhicules, l'assistance technique et les bourses
nécessaires ainsi que les dépenses initiales de fonctionnement
afférentes à l'aménagement de la ferme scolaire, afin de réaliser
la dernière phase d'agrandissement et d'amélioration de
l'Institut pratique de développement rural (IPDR) de Kolo, de
créer une école de formation à l'élevage à Kolo et de prendre en
charge les dépenses initiales de fonctionnement afférentes à
l'aménagement d'une ferme scolaire pour cette école. Le
financement concerne également les services de spécialistes, le
matériel, et les frais de fonctionnement nécessaires à la gestion
du projet96.
Ce projet a pour objectifs de réduire l'insuffisance du
développement du système d'éducation conventionnel, la
pénurie de personnel qualifié pour assurer le bon
fonctionnement de l' admlnistration et celle de cadres moyens
dans les secteurs de l'agriculture et de l'élevage. TIpermet donc
à la Banque mondiale de s'immiscer dans les rouages de l'État
nigérien où se décident les politiques d'éducation tout en y

96 Banque Mondiale, République du Niger Rapport d'évaluation Projet


Éducation (I), 4 mai 1981, p.16-17.

153
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important sa conception d'élaborer les projets éducatifs qui


recevront alors un financement. À côté de cette « imprégnation»
dans le « milieu» qui vise à moyen et long terme à contrôler les
politiques éducatives du Niger, s'inscrit à court terme la
formation des agents de l'agriculture et de l'élevage qui
représentent les aspects les plus visibles du projet. Celui-ci est
estimé à 27.000.000 de dollars, la part du Niger est de
3.000.000 $. Le Niger devient dépendant du F.M.I. et de la
Banque mondiale à partir des années 1980 par différents plans
d'ajustement car il n'a pas su gérer les ressources publiques
pendant et après la chute des cours de l'uranium, principal
produit d'exportation. Ces plans d'ajustement structurels qui lui
sont imposés ne lui permettent cependant pas de surmonter ses
difficultés.

Finalement, nous pouvons constater que le projet de


réforme n'est pas appliqué alors que l'enseignement
« traditionnel» en langue française reste encore et toujours le
principal bénéficiaire des politiques d'éducation. Un
enseignement préscolaire jusque là limité aux écoles privées des
missions catholiques commence à se répandre dans le public à
partir de 1976, mais seulement dans les principaux centres
urbains. Alors que le recrutement sur le tas a cessé et que la
formation et le niveau des enseignants ont été améliorés même si
les instituteurs-adjoints sont formés trop rapidement, le
développement du système scolaire nigérien est toujours
effectué dans la continuité du système scolaire colonial: il reste
une pâle copie de la conception de l'enseignement français et
par conséquent, il n'est toujours pas adapté aux nécessités
socioéconomiques du Niger. Dans les années 1970, la priorité
est donnée au deuxième cycle de l'enseignement secondaire,
jusque là quasi inexistant, puis à l'enseignement supérieur qui se
développe au niveau de l'université de Niamey. Dans le
secondaire, l'instauration du service civique a permis de pallier à
la pénurie de professeurs de l'enseignement secondaire, même si
dans le second cycle le Niger manque encore d'enseignants en
sciences. La construction de 9 lycées a caractérisé cette période

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où il a fallu démocratiser l'accès au deuxième cycle de


l'enseignement secondaire. TI ne faut pas oublier que dans le
primaire, 500 classes en dur (et non pas en paillote) ont été
construites chaque année, de 1975 à 1981, période économique
plus florissante, ce qui a permis de gonfler les effectifs et donc
de saturer le secondaire, les collèges, puis les lycées. Par voie de
conséquence, le supérieur a dû suivre cette même évolution avec
un gonflement des effectifs: ces derniers s'orientant
massivement vers les sciences humaines où les débouchés sont
saturés alors que les besoins du marché du travail se trouvent du
côté des sciences exactes.
Le régime militaire de 1974 à 1989 se caractérise donc
par la période du boom de l'uranium de 1975 à 1981 où
l'enseignement a pu bénéficier d'un développement quantitatif
sans précédent, et par une période de récession économique de
1982 à 1989 durant laquelle le rythme de progression des
effectifs a considérablement ralenti et où l'État a commencé à se
désengager économiquement et socialement: l'insuffisance de
matériel didactique, d'infrastructures scolaires et les effectifs
pléthoriques en milieu urbain ont favorisé la recrudescence des
abandons et l'accentuation du refus de l'école chez les
populations nigériennes. Les taux de réussite aux différents
examens du primaire et du secondaire chutent également à partir
de 1982. Il faut dire que l'utilisation massive d'instituteurs-
adjoints avec une formation «flash» dans le primaire et celle
des jeunes appelés du service civique dans le secondaire sans
formation pédagogique réelle a certes permis de «nigériser»
davantage le corps enseignant, mais a aussi contribué à rendre
encore plus impopulaire le métier d'enseignant.

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Chapitre VI

Les politiques scolaires de 1989 à 1999

Avant d'aborder les politiques scolaires, nous allons tout


d'abord présenter le contexte politique du pays durant ces dix
années qui sont marquées par des bouleversements politiques
sans précédents.
La constitution du 24 septembre 1989 fonde la deuxième
République en se donnant comme mot d'ordre de restaurer la
démocratie tout en préservant l'ordre. Ali Saibou, candidat du
parti unique, le MNSD (mouvement national pour la société de
développement) est désigné Président de la République: étant
l'officier le plus ancien dans le grade le plus élevé il permet de
préserver l'unité de l'armée menacée par les antagonismes des
prétendants à la succession du général Seyni Kountché. Ce
régime, bien qu'il ne soit pas une démocratie, entend décrisper
la vie sociale et politique. Mais il a parfois du mal à accepter la
contestation, puisque le 9 février 1990, il utilise la répression
suite à une manifestation étudiante qui se solde par plusieurs
morts, traumatisant les populations nigériennes. En acceptant de
prendre des mesures d'austérité dans le cadre d'un programme
d'ajustement structurel négocié avec la Banque mondiale et le
Fonds monétaire international, il fait basculer les syndicats dans
l'opposition qui reproche au régime d'être essentiellement
composé de militaires et réclame la démocratie et l'instauration
du multipartisme. L'année 1990 se caractérise par les grèves et
les agitations des étudiants, des lycéens et de l'Union des
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syndicats des travailleurs du Niger (U.S.T.N.) qui paralysent le


pays à plusieurs reprises; l'attaque de la sous-préfecture de
Tchintabaraden par des Touareg qui a pour conséquence une
répression sanglante de cette communauté dans le nord du
pays; des mauvaises récoltes dues à une pluviométrie
défavorable et la continuation de la chute des cours de
l'uranium, principale richesse du pays. Suite aux grèves des
enseignants, des étudiants et des lycéens, l'année scolaire 1989-
1990 est déclarée «année blanche»: les examens n'ont pas
lieu. Pour calmer les esprits, Ali Saibou accepte de réviser la
constitution en reconnaissant notamment le multipartisme, ainsi
que le principe d'organiser une Conférence nationale. Lorsque
cette dernière a lieu en juillet 1991, nous pouvons observer une
grande disproportion entre le nombre des représentants et la
répartition des populations qu'ils sont sensés représenter dans la
réalité. Le régime, l'U.S.T.N., l'U.S.N. (Union des Scolaires
Nigériens) et les syndicats patronaux reçoivent chacun 100
représentants avec voix délibératives; chaque parti politique en
dispose de 14 ; chaque association nationale reconnue et chaque
syndicat non affilié à l'U.S.T.N. comme l'association des
femmes ou des chefs traditionnels n'ont droit qu'à deux
délégués; les représentants du monde rural (64), de l'armée
(40), de l'administration (30) sont privés du droit de vote étant
pourvus simplement de voix consultatives. La Conférence
nationale est loin de se constituer comme un cadre de réflexion
sur les problèmes du pays voire d'élaborer un projet de société,
c'est plutôt un lieu dans lequel les délégués de l'U.S.N. qui
manquent d'expérience se défoulent en stigmatisant le passé et
le régime au lieu d'être constructifs. Les grandes lignes de la
constitution de la troisième République sont quand même
tracées et l'élaboration d'un cahier des charges pour le chef du
gouvernement, comportant des mesures irréalisables étant
donnée la situation socioéconomique du Niger, doit permettre
d'organiser la période de transition de novembre 1991 à janvier
1993.
Amadou Cheiffou est choisi comme Premier Ministre le
26 octobre 1991 et le président de la Conférence nationale, le
professeur André Salifou, est désigné Président du Haut Conseil

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de la République le 2 novembre 1991. La Conférence nationale


se clôt le lendemain après plus de 3 mois de débats, s'affirmant
porteuse d'une nouvelle légitimité vers le fondement d'un
régime démocratique. Mais à plusieurs reprises, le pouvoir
montre sa faiblesse et l'armée est tentée de «ramasser le
pouvoir », alors que la situation sociale et économique est
catastrophique, que la «rébellion» touareg transforme tout le
nord du pays en zone de « sécurité» où la circulation ne peut se
faire qu'en convoi militaire, que la troupe procède à plus de 200
arrestations parmi les Touareg qu'elle estime complices de la
rébellion (comme le préfet d'Agadès ou un conseiller du
Premier Ministre) et qui seront détenus jusqu'à la fin du régime
de transition, etc.
Après avoir été adoptée par référendum en décembre
1992, la constitution de la troisième République est mise en
place en janvier 1993. Alors que les réserves de l'État sont au
plus bas (320.000.000 CFA de liquidités) et que les
fonctionnaires souffrent de plusieurs mois d'arriérés de salaire
(cinq mois en avril 1993), des élections législatives et
présidentielles ont lieu en février et mars 1993. 32,7% des
électeurs ont voté: l'abstention est forte chez les femmes, en
milieu rural et dans le nord du pays à cause de la situation
insurrectionnelle. Quatre partis dominent en totalisant 87,8 % des
suffrages et en obtenant 75 sièges sur 83: il s'agit de
l'A.N.D.P.-Zaman Lahya dirigé par Adamou Moumouni
Djermakoye (il obtient 83,3% de ses suffrages en pays Jerma
(Niamey, Dosso, Tillabery)), le C.D.S.-Rahama présidé par
Mahamane Ousmane (il obtient 63,2% de ses suffrages en pays
hawsa (Maradi et Zinder)), le P.N.D.S.-Tarraya de Mahamadou
Issoufou (49,9% de ses suffrages proviennent du département de
Tahoua), et le M.N.S.D.-Nassara de Tandja Mamadou qui arrive
en tête avec 30,6% des voix et 29 sièges. Les vieux partis de la
première République sont balayés: le P.P.N.-R.D.A. n'obtient
que 2,6% des suffrages et l'U.S.F.P.-Sawaba 3,1%. L'A.N.D.P.,
le C.D.S., le P.N.D.S. et d'autres partis minoritaires se
regroupent alors en Alliance des forces du changement (A.F.C.)
pour faire barrage au M.N.S.D. et recueillent ainsi 50 sièges sur
83 à l'Assemblée nationale. Pour l'élection présidentielle, deux
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candidats arrivent en tête pour s'affronter au second tour: il


s'agit de Tandja Mamadou (M.N.S.D.) et de Mahamane
Ousmane (C.D.S). C'est ce dernier qui devient président de la
troisième République du Niger (avec 54,4% des voix) le 16 avril
1993. Durant la troisième République, les Nigériens font pour la
première fois l'apprentissage du multipartisme. Mahamadou
Issoufou devient Premier ministre en avril 1993 : il démissionne
le 3 octobre 1994 et rejoint l'opposition, ce qui a pour
conséquence de priver le Président d'une majorité à
l'Assemblée nationale. Celui-ci la dissout le 17 octobre 1994, ce
qui conduit aux élections de janvier 1995 qui sont favorables à
l'opposition. Cette cohabitation à la nigérienne s'avère difficile
et rend le pays ingérable, ce qui conduit au coup d'État du 27
janvier 1996.
Ibrahim Baré Maïnassara, chef d'État-major particulier du,
Président Mahamane Ousmane de 1993 à 1994, chef d'état-
major général de l'armée nigérienne en mars 1995, renverse la
troisième République et prend le pouvoir à la tête du Conseil de
Salut National (CSN) : il est accueilli comme un sauveur par la
grande majorité de la population. Il met en place une nouvelle
constitution avec un pouvoir de type présidentiel. Boukari Adji
devient alors Premier ministre. Ibrahim Baré Maïnassara
s'emploie alors à se doter d'une légitimité démocratique: en six
mois, il promulgue une Constitution, autorise à nouveau les
partis politiques et se lance dans une campagne électorale. Il est
élu président de la République le 8 juillet 1996 avec la
bénédiction de Paris (13 milliards de francs CFA sont débloqués
par la France), mais en modifiant ouvertement les résultats des
élections en sa faveur, il se met à dos une grande partie de la
population qui, six mois plus tôt, l'avait accueilli en sauveur tant
les querelles entre chefs politiques avaient encore aggravé les
difficultés quotidiennes des Nigériens. Cela se traduit par la
faible participation des Nigériens (moins de 30%) aux élections
législatives boycottées par l'opposition, qu'il remporte
cependant. Il va alors durcir son régime (arrestations arbitraires
des responsables de l'opposition, de journalistes, etc.), mais les
gouvernements successifs qu'il met en place sont incapables de
redresser l'économie du pays, ce qui aura pour conséquence la

160
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multiplication des mouvements de contestation, y compris au


niveau des fonctionnaires (ils ont déjà cinq mois d'arriérés de
salaires en février 1997). Privé de devises, celui qui se voulait
l'héritier de Seyni Kountché n'a pu se maintenir au pouvoir
qu'en s'appuyant sur des éléments conservateurs et en organisant
massivement des fraudes aux différentes élections.
Un nouveau coup d'État a lieu en avril 1999, le Président
Ibrahim Baré Maïnassara étant assassiné par des militaires. Le
chef de la garde présidentielle qui était donc chargé de le
protéger, le commandant Daouda Mallam Wanké, est nommé le
Il avril chef de l'État du Niger par un Conseil de réconciliation
nationale composé uniquement de militaires. Il a fait partie des
officiers qui ont organisé le coup d'État avec Ibrahim Baré
Maïnassara et qui ont formé un Conseil de salut national.
Daouda Mallam Wanké abroge l'ancienne constitution et
organise un référendum pour une nouvelle constitution le 18
juillet 1999, cette fois-ci de type semi-présidentielle. Alors que
l'ensemble des partis politiques ont proposé de créer un
gouvernement d'union nationale pour les cinq ans à venir et de
maintenir un régime présidentiel fort, la junte militaire refuse en
proposant donc cette nouvelle constitution prévoyant un régime
de type semi-présidentiel afin d'éviter la présidentialisation à
l'extrême du régime du colonel Maïnassara, mais aussi le
blocage institutionnel qu'avait engendré la loi fondamentale
adoptée à la fin de l'année 1992 et qui a débouché sur une
situation de blocage entre le Président Mahamane Ousmane et
un gouvernement d'opposition, blocage qui a conduit au coup
d'État du colonel Maïnassara de 1996. Cette nouvelle
constitution est imposée par la junte qui menace de disqualifier
tout parti qui appellerait ses électeurs à voter non. Mal acceptée
par la plupart des partis, elle prévoit en plus une amnistie dans
son article 141 en faveur des putschistes de 1996 et 1999. Lors
du référendum, il n'y a que 31% de participation et le «oui »
l'emporte à 90%. Des élections législatives et présidentielles ont
lieu à la fin de l'année 1999: Tandja Mamadou devient le
Président de la nouvelle République et Hama Amadou le
Premier Ministre.

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Les années 1990 sont donc assez mouvementées, les


enseignants et les étudiants jouant un rôle important dans les
processus de démocratisation qui ont entrecoupé les périodes
durant lesquelles les militaires ont été au pouvoir. Néanmoins, le
Niger est en faillite économique, sa survie dépend désormais non
pas de l'ancienne colonie, mais de la Banque mondiale et du
F.M.I. qui, durant cette dernière décennie, essaient d'imposer
des plans d'ajustement structurel qui touchent de plus en plus le
secteur de l'éducation.

Suite à l'arrêté n022 du M.É.N du 26 mars 1987 qui


organise la mise en place de commissions chargées de préparer
l'actualisation des horaires et des programmes des
enseignements du premier et second degré, un séminaire est
organisé du 24 août au 2 septembre dans lequel sont examinées
les propositions émanant des commissions préparatoires et où
sont établis les nouveaux programmes qui sont adoptés par
l'arrêté n037 du 17 mars 1988. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une
réforme radicale, les méthodes pédagogiques qui étaient mises
en place pour les écoles expérimentales sont appliquées dans les
écoles traditionnelles. Mais c'est seulement en 1999 que toutes
les classes du primaire en bénéficient, l'application de ces
nouveaux programmes ayant débuté en 1993 avec les classes de
cours d'initiation. D'après nos observations de 1994 puis de
1998, les enseignants souvent formés sur le tas ont bien du mal à
abandonner les anciennes méthodes plus directives où
finalement il n'est pas vraiment tenu compte des capacités
d'assimilation des élèves. Le français reste la langue
d'enseignement et la matière dominante: sur 30 heures
d'enseignement hebdomadaire, il y en a ISh 15 aux C.I.-C.P.,
11h 15 aux C.E.I-C.E.2 et 10 heures aux C.M.l et C.M.2.
Les mathématiques sont enseignées cinq heures par
semaine du C.I. au C.M.2.
Les activités pratiques et productives (A.P.P.) et
l'économie familiale sont introduites dans le programme,
officiellement 3h 25 aux C.I.-C.P. et 3 heures du C.E.1 au
C.M.2, mais comme ces matières ne comptent toujours pas pour
le C.F.E.P.D., nous avons observé qu'elles étaient plutôt

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banalisées par les enseignants et tout en durant moins longtemps


que prévu par le programme officiel, se limitaient
essentiellement au balayage, effectué essentiellement par les
filles. Les maîtres nous ont par ailleurs expliqué qu'ils ne
maîtrisaient pas eux-mêmes le contenu des programmes des
A.P.P. et que par conséquent, ils ne se voyaient pas l'enseigner à
leurs élèves. Les A.P.P. sont en théorie des activités à caractère
artisanal (le tressage et la vannerie, le tissage, le modelage et la
poterie, le coloriage et la peinture, le travail de la peau, du cuir et
du plastique, la décoration) et technologique (pilage, découpage,
assemblage, bricolage, maçonnerie, menuiserie, forge), mais
également des activités agro-sylvo-pastorales et piscicoles (mini-
pépinière, reboisement, arboriculture fruitière, embellissement,
jardinage, aquaculture, petit élevage, cueillette). En ce qui
concerne l'économie familiale, il y a la couture, le crochet, le
raccommodage, la cuisine, l'entretien du linge, l'économie
domestique (essentiellement du balayage) et l'entretien des
objets.
Les autres disciplines occupent les élèves durant moins de
temps: l'histoire et la géographie une heure chacune du C.E.!
au C.M.2, les sciences physiques et naturelles chacune 45
minutes aux C.E. et une heure aux C.M, l'instruction civique et
morale un peu moins d'une heure en moyenne, l'E.P.S. deux
heures, le dessin et le chant de une heure au C.I. à 2h 30 aux
C.M. Les 2h30 de récréation font également partie du
programme.
Alors que d'après nos observations dans les classes, les
enseignants d'un certain âge ont bien du mal à s'adapter aux
nouveaux programmes, les plus jeunes nous ont fait part de leur
désir de recevoir une réelle formation et le matériel didactique
correspondant, sans quoi, il ne leur sera pas possible de les
appliquer. Dans certaines écoles qui ont les meilleurs résultats au
C.F.E.P.D., des cours de remise à niveau sont effectués par des
enseignants (souvent des remplaçants qui bien qu'étant payés
par le M.É.N. n'ont pas de poste) qui eux, appliquent les
méthodes de l'ancien programme. C'est notamment
l'enseignement des mathématiques, considéré comme trop
ludique, qui y est revu.

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« Dans ce nouveau programme, par exemple si on prend le langage qui


est la matière la plus enseignée, avant c'était comme un exposé du maître que
les enfants écoutent, puis un jeu de questions/réponses entre eux, donc une
certaine répétition, alors que maintenant le langage, c'est une scène qui est
dirigée par les enfants, en groupes de 3 à 6. Le maître donne les répliques, et les
enfants mémorisent les répliques, le maître étant de l'autre côté, ne faisant que
les guider, et ce sont des scènes vraiment familières aux enfants. Pour les
mathématiques traditionnelles, on commençait par l'abstrait; avec les maths
modernes on se base sur le concret, les formes simples (rond, case, maison)
puis les couleurs, et pour la géométrie c'est plutôt de la gymnastique (sauter de
banc en banc, rouler ramper) alors qu'avant on commençait directement par le
carré, c'était un peu trop abstrait. Après, il y a la lecture, il y a des exercices
sensoriels avec les cris et le nom des animaux, donc du concret, du familier,
tout est basé sur l'enfant. Le graphisme c'est la pré-initiation à l'écriture, les
ronds, les directions, les traits, les points c'est-à-dire tous les mouvements et
les formes possibles sont déjà appris aux enfants comme dans un jeu. Ensuite
on continue avec les étiquettes où on inscrit son nom, puis des mots familiers
(bonjour, etc.) et ensuite on enchaîne sur la lecture et l'écriture, l'écriture étant
en rapport direct avec la lecture. On commence la lecture au début du deuxième
trimestre. Les mathématiques tendent trop vers les jeux, les formes, au lieu de
s'attaquer aux nombres, aux signes opératoires. On reste trop longtemps sur
les jeux, un trimestre c'est une perte de temps. Nous avons les fournitures, mais
c'est aux parents d'élèves de fournir les craies, les stylos et les crayons de leurs
enfants. Pour l'instant nous n'avons reçu que les ardoises et un nouveau livre
par enfant. Certains de ces livres ont déjà été utilisés à l'école expérimentale,
comme les mathématiques ou le langage. Tous les maîtres ont leurs livres,
mathématiques, langage, avec des fiches. Maintenant, comme c'est un nouveau
programme, il n'y a pas d'autres chemins que de suivre ce qu'ils ont prévu»
(enseignant d'une école primaire).

Dans le second cycle, les programmes sont réactualisés,


notamment dans les disciplines scientifiques, mais suite à nos
observations dans les classes, nous avons constaté que
l'enseignement reste magistral dans la pratique, les enseignants
étant depuis plusieurs années découragés et fatalistes. Alors que
dans l'enseignement primaire existe une certaine autorité
manifeste de la hiérarchie entre l'inspection et les directeurs
d'écoles et entre ces derniers et les enseignants, dans le
164
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secondaire, elle ne s'exerce pratiquement pas, les proviseurs et


les censeurs des lycées et collèges ayant une certaine autonomie
limitée par des moyens dérisoires et ne maîtrisant pas toutes les
disciplines enseignées. Que dire en effet à un professeur de
sciences naturelles ou de physique-chimie lorsque les élèves ne
peuvent effectuer leurs travaux pratiques faute de matériel! Ce
sont alors les coopérants français qui, dans les bureaux d'appui
pédagogique des différentes régions du Niger, proposent leur
service aux enseignants qui l'acceptent. Par ailleurs, nous devons
prendre en compte que ces derniers ont rarement choisi leur
métier par vocation, ils ont été pour la plupart orientés par le
M.É.N., que ce soit dans l'enseignement général ou technique.
Les arriérés de salaire les incitent plutôt à trouver d'autres
formes de revenus, comme le commerce dans les régions
limitrophes du Nigeria. Quant aux inspecteurs et aux conseillers
pédagogiques du premier ou du second degré, n'ayant pas les
moyens pour se déplacer, ce sont au mieux les écoles des centres
urbains dans lesquels se situe l'inspection régionale qui sont de
temps en temps visitées.

Nous avons vu précédemment que le Niger, n'étant plus


capable de financer ses politiques d'éducation, a dû faire appel à
la Banque mondiale et au F.M.I. qui ont, moyennant finances,
formé les agents de l'élevage et l'agriculture, mais aussi qui ont
pu s'immiscer dans les rouages de l'État nigérien où se décident
les politiques d'éducation tout en y important leur savoir-faire97

97
Les réalisations sont effectuées essentiellement par des « entreprises»
étrangères, il n'y a donc pas un transfert de savoir-faire de telle manière que les
Nigériens puissent être ensuite capables d'effectuer des réalisations similaires,
mais une importation d'un savoir-faire «clef en main », ce qui s'inscrit en
contradiction avec le développement du pays: «Un seul des crédits
précédents était destiné au secteur de l'éducation, pour un projet
d'enseignement agricole (Cr. 1151-NIR de mai 1981 [Projet Éducation 1], d'un
montant de 21,5 millions de dollars). L'exécution de ce projet n'a pas posé de
problème majeur. Toutefois, il s'agissait essentiellement de travaux de génie
civil, exécutés par des entreprises étrangères (et représentant 67 % du coftt total
du projet). », Banque Mondiale, République du Niger Projet de développement
de l'enseignement primaire Rapport d'évaluation, Projet Éducation II, 28
octobre 1986, p. 6.

165
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en matière de politique de scolarisation et d'élaboration de


projets éducatifs. C'est ainsi que suite au Projet Éducation I qui
est réalisé de 1981 à 1987, un Projet Éducation II 98estorganisé
pour la période 1988-1993.
Contrairement au Projet Éducation l, il s'inscrit dans le
cadre du programme d'ajustement structurel auquel est soumis
le pays. Il s'agit de développer l'enseignement primaire grâce à
l'utilisation plus efficace et plus rationnelle des ressources.
Il prévoit à cette fin:

« 1. De réduire les coûts unitaires de fonctionnement et d'améliorer la


qualité de l'enseignement primaire en l'adaptant davantage au milieu par les
moyens suivants:_
a) limiter le recrutement d'instituteurs et donc la croissance du
traitement moyen des enseignants i) en offrant une formation en cours
d'emploi de manière à améliorer les qualifications des enseignants existants et
ü) en améliorant la qualité de la formation des instituteurs-adjoints;
b) encourager l'utilisation plus efficace des enseignants actuels en
développant le système de la classe à plusieurs niveaux dans les zones rurales
et en introduisant le système d'enseignement à double vacation dans les zones
urbaines; et améliorer la qualité de l'enseignement en renforçant les moyens
nationaux pour élaborer et adapter des manuels scolaires et des livres du maître
à faible coût, et de les acquérir et les distribuer.
2. de réduire les coûts unitaires des constructions et d'élargir l'accès à
l'enseignement primaire par les moyens suivants :
a) élaborer des plans et mettre au point des techniques de construction
d'écoles primaires à faible coût en construisant 750 salles de classe en utilisant
ces plans et techniques;
b) remettre en état 3.000 salles de classe existantes ; et
c) encourager la création d'un système communautaire d'entretien des
écoles.
3. d'encourager l'utilisation plus rationnelle des ressources
pédagogiques par les moyens suivants :
a) renforcer les moyens dont dispose le Ministère de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (MENESR) pour gérer

98
Banque Mondiale, Idem.

166
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et contrôler l'utilisation des ressources humaines, physiques et financières à


l'échelon local et central;
b) renforcer les capacités de planification et de contrôle de la Direction
des études et de la programmation (DEP) au sein du MENESR ; et
c) créer au sein du MENESR les moyens d'élaborer et de mettre en œuvre
des projets d'éducation. »99

Nous pouvons donc comprendre les raisons pour


lesquelles les syndicats nigériens basculent dans l'opposition
lorsque Ali Saibou, le Président de la seconde République,
s'engage à suivre les programmes d'ajustement de la Banque
mondiale et du F.M.I. notamment en ce qui concerne le secteur
de l'éducation. Ces derniers ont d'ailleurs mesuré les avantages
et les risques d'un tel projet:

« Le projet augmentera le nombre d'inscriptions dans l'enseignement


primaire d'environ 34.000 élèves, (croissance supplémentaire d'environ 2%
par an de 1987 à 1992) et il améliorera la qualité de l'enseignement primaire
pour la plupart des élèves de l'enseignement primaire en leur offrant des
enseignants mieux formés, des locaux plus accessibles et en meilleur état et des
manuels scolaires de meilleure qualité et mieux adaptés au milieu. TI contribuera
à une utilisation plus efficace des ressources de l'éducation et accentuera la
participation des collectivités locales à la construction et à l'entretien des
écoles primaires. TI encouragera la formulation de stratégies et le
développement institutionnel comme base du développement sectoriel à plus
long terme. Ensemble, ces mesures devraient stopper la baisse du taux de
scolarisation du premier degré et jeter les bases d'une croissance future. Les
principaux risques tiennent aux facteurs suivants: a) manque d'expérience du
Ministère de l'éducation en matière d'exécution de projets de la Banque et
manque de moyens techniques pour un programme à grande échelle de
construction à faible coOt, et b) tentation de recruter des (instituteurs) plus
coOteux pour relever la qualité de l'enseignement au lieu d'adopter des mesures
plus économiques. Min de minimiser le premier risque, le projet équipera le
Ministère d'un bureau de coordination des projets et d'un bureau chargé de
planifier et de suivre l'exécution du programme de construction et de
réhabilitation des établissements scolaires. Pour atténuer le second risque, le

99
Idem., p. V-VI.

167
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projet améliorera la qualité des enseignants existants, renforcera la formation


en cours d'emploi des instituteurs-adjoints, et prévoit l'élaboration,
l'acquisition et la distribution de manuels scolaires et de livres du maître. En
outre, au cours des négociations, le Gouvernement a donné l'assurance que sa
politique de recrutement et de promotion reflétera la nécessité de limiter à
l'avenir l'augmentation du traitement moyen des enseignants. »100

Ce projet qui est estimé à 26.200.000 dollars (la part du


gouvernement nigérien est de 1.400.000 $) a pour objectif
d'orienter les politiques d'éducation du Niger selon le plan
d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du F.M.I. : il
ne s'agit plus d'aider financièrement le Niger à mener à bout
ses projets éducatifs, mais de conditionner cette aide dans la
mesure où les politiques d'éducations sont celles du F.M.I. et de
la Banque mondiale. Mais est-ce que le Niger a encore les
capacités de s'opposer à cette main-mise étrangère dans ses
différents ministères alors qu'il n'a plus de moyens financiers et
de capacité politique pour gérer un pays au bord de la famine,
ne serait-ce simplement la fonction publique qui n'en peut plus
d'attendre les arriérés de salaires? La seconde République
tombe en décrépitude, il y a des indices qui ne trompent pas:
lorsque l'armée tente à plusieurs reprises de «ramasser le
pouvoir» lors de la présidence d'Amadou Cheiffou entre 1991
et 1992, ayant elle aussi des arriérés de salaire, lorsque des
personnalités sont arrêtées et emprisonnées pour complicité avec
la rébellion touareg sans qu'il y ait apport de preuves ou
jugement et que le gouvernement ne réagit même pas, ou
lorsque le Nord du pays devient le lieu de prédilection des
bandits de grands chemins et de pillards qui profitent de la
rébellion touareg pour terroriser les populations. Ce contexte de
désolation est donc propice à l'application de programmes
d'ajustement structurel, puisque les caisses de l'État sont vides:
il n'y a plus que 320.000.000 CFA de liquidités en janvier 1993
lors de l'avènement de la troisième République. L'État nigérien
n'a plus le choix, il lui faut payer ses fonctionnaires, quitte à ne
plus être un partenaire de la Banque mondiale et du F.M.I. (mais

100
Ibid., p.Vll-VIll.

168
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l' a-t-il vraiment été par le passé ?), mais un simple exécutant,
utilisé comme structure intermédiaire entre les nécessités
implacables de l'ajustement structurel et les aspirations des
différents corps de fonctionnaires.
Dans le secteur de l'éducation, il s'agit principalement de
bloquer les traitements et les primes des enseignants, réduire les
bourses d'études supérieures, faire payer les fournitures
scolaires par les parents, encourager les écoles privées payantes
et augmenter la contribution financière des collectivités locales à
la construction d'écoles primaires101. Considérant que le
développement économique du Niger dépend de l'élargissement
de la base éducative, la banque mondiale donne priorité aux
mesures concernant l'enseignement primaire, l'enseignement
secondaire et supérieur devant cependant se développer en
fonction des ressources disponibles et des conditions du marché
du travail.
Le gouvernement nigérien s'engage alors à ne pas
employer plus de 14% d'instituteurs parmi le personnel
enseignant du primaire et à réduire de 3,7% par an les bourses
de l'enseignement supérieur sans compensation. Afin de réduire
les coûts unitaires de fonctionnement, le projet doit encourager
le système de classes à plusieurs niveaux (par exemple il n'y a
qu'un seul maître et donc une seule classe pour le C.M.l et le
C.M.2) dans les zones rurales et à double vacation (le même
maître s'occupe d'un groupe le matin et d'un autre groupe
l'après-midi) dans les zones urbaines. Une expérimentation est
prévue dans une quarantaine de classes. Si d'un côté il s'agit de
limiter le nombre d'instituteurs, de l'autre il est question de
recycler dans les écoles normales 420 moniteurs auxiliaires,
1.800 moniteurs et instituteurs-adjoints et 1.250 directeurs
d'écoles primaires, à un rythme de 800 personnes par année.
Afin que les mesures de réduction des coûts n'affectent
pas la qualité de l'enseignement, le projet prévoit de donner au
Niger les moyens d'élaborer de nouveaux manuels scolaires et
livres du maître lorsqu'il n'existe pas d'ouvrages appropriés et
d'adapter les ouvrages importés lorsque les droits d'adaptation

101
Ibid., p. 5.

169
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peuvent être acquis. L'I.P.A.M. est donc remplacé par


l'I.N.D.R.A.P. qui se voit doté d'un service des publications, un
service de formation et de conseil en matière de rédaction de
manuels scolaires et d'un bureau d'évaluation pédagogique.
L'imprimerie de l'INDRAP est modernisée et les procédures
d'acquisition, de stockage et de distribution des manuels sont
améliorées. Les manuels sont prêtés gratuitement, à raison d'un
livre pour deux élèves. L'INDRAP devient responsable de
l'élaboration des programmes d'études et du contenu du
matériel pédagogique. fi assure la préparation de 44 manuels
différents et l'impression d'un million de manuels et de livres
du maître en français, mathématiques, sciences, histoire et
géographie.
Il est également prévu de réduire les coûts de
constructions des classes en utilisant des matériaux locaux
(briques en latérite stabilisée avec 5% de ciment) pour la
construction de 750 salles, ainsi que de remettre en état 3.000
classes (il y en a 6.500 au total) tout en encourageant un
système d'entretien communautaire des écoles pour assurer les
petites réparations.
En matière de gestion du personnel, le projet prévoit
d'aider le gouvernement nigérien à examiner et améliorer les
procédures administratives et budgétaires grâce notamment à
l'informatique afin de mieux gérer le personnel, élaborer et
contrôler les budgets, octroyer les bourses, administrer les
examens et l'orientation scolaire. Une formation des personnels
des inspections est prévue ainsi qu'une dotation en installations
afin de leur permettre de contrôler l'utilisation des ressources au
niveau département et des écoles, une surveillance de la qualité
de l'enseignement et au besoin une aide pour les enseignants,
l'exécution et la supervision des travaux de construction, de
remise en état et d'entretien des écoles.
Afin de renforcer la capacité du M.É.N. à planifier et
suivre le développement de l'enseignement tout en utilisant au
mieux les ressources, le projet prévoit de renforcer les moyens
de la Direction des Études et de la Programmation (D.E.P.) tout
en fournissant au personnel une formation dispensée par «des
services de spécialistes».

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Enfin, un bureau de coordination du projet doit être créé


pour servir de relais entre le gouvernement nigérien et la Banque
mondiale et doit participer à l'élaboration des programmes de
travail et des budgets annuels, superviser la passation des
marchés de marchandises et des contrats de services de
spécialistes, tenir les comptes des projets, etc. Si le bureau est
administré par un directeur nigérien, celui-ci reste assisté d'un
expert en gestion des projets et d'un comptable ainsi que d'une
équipe d'appui.
Comme nous pouvons le constater, le Projet Éducation II
permet non seulement à la Banque mondiale et au F.M.I. de
décider des politiques d'éducation au Niger, mais aussi d'en
contrôler l'application aux différents niveaux de gestion, de
l'échelle nationale à l'échelle départementale. En formant des
Nigériens dans les différents ministères à leurs méthodes de
travail par des «services de spécialistes », ils se donnent pour
tâche de rendre plus visibles et rationnelles les procédures
administratives et budgétaires afin de les rendre plus efficaces
mais également pour mieux les contrôler. Alors que le Projet
Éducation I était surtout une première prise de contact entre les
« spécialistes» de la Banque mondiale avec les différents services
du M.É.N. afin de préparer la mise en place du Projet
Éducation II, ce dernier correspond à l'installation de la Banque
mondiale et du F.M.I. aux commandes des politiques
d'éducation du Niger à partir des années 1980. N'y aurait-il pas
en fait une passation des «pouvoirs» entre l'ancienne puissance
coloniale et les représentants du nouvel ordre mondial ?

Suite à la conférence de Jomtien en Thai1ande du 5 au 9


mars 1990 appelée également «Conférence mondiale sur
l'éducation pour tous, le Niger102 adhère à l'ensemble des
recommandations dont voici la déclaration:

«Le fardeau grandissant de la dette, la menace de stagnation et de


déclin économique, une croissance démographique rapide, l'accentuation des

102
REPUBUQUE DU NIGER, Plan d'action national pour l'éducation de base
pour tous: 1991-2000, Niamey, juin 1991.

171
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disparités économiques entre les nations et au sein des nations... et la


dégradation de l'environnement [constituent] un frein aux efforts entrepris
pour répondre aux besoins éducatifs de base, et le manque de connaissances
fondamentales dont souffre une fraction notable de la population empêche les
sociétés de s'y attaquer avec la vigueur et la détermination voulues ».

Mais avant de dévoiler ces nouveaux objectifs, nous allons


tout d'abord dresser le bilan du système éducatif de base en
1990.
En ce qui concerne l'éducation formelle de la petite
enfance (0-6ans), il est payant au Niger et les frais varient entre
6.000 francs CFA par enfant et par an dans les jardins d'enfants
et les classes maternelles relevant du secteur public et 387.000
francs CFA dans celles du «Cours Lafontaine» de Niamey, ce
qui pose bien entendu des problèmes d'accessibilité. Le
personnel n'est pas spécialement formé pour assurer
l'encadrement de la petite enfance, même s'il leur a été dispensé
une formation accélérée de trois semaines avant leur prise de
service dans le préscolaire. 47,2% n'ont pour diplôme que le
certificat d'études. Ce sont la plupart du temps des «tanties »,
c'est-à-dire des matlIeSses du primaire qui sop.t près de la
retraite, bénéficiant donc d'une certaine expérience, mais pas
dans le préscolaire. Il n'existe pas au Niger de structure de
formation du personnel de la petite enfance. Il n'y a qu'une
seule inspectrice formée à l'étranger qui réside à Niamey et qui
a compétence sur l'ensemble du territoire national. Le taux
d'encadrement de la petite enfance n'est que de 0,5% et le
Niger ne compte en 1990 que 79 jardins d'enfants et écoles
maternelles. Mais 41,8% d'entre eux sont concentrés dans la
seule ville de Niamey qui ne représente que 6% de la population
totale. TIfaut préciser que toutes ces écoles sont situées en milieu
urbain, ce qui pose des problèmes d'accès à la grande majorité
de la population qui reste rurale.
Dans le primaire, l'éducation formelle est dispensée dans
les écoles traditionnelles (publiques et privées) en langue
française, les médersas franco-arabes (publiques et privées) et les
écoles expérimentales (uniquement publiques) en langues
nationales puis en français. Le taux brut de scolarisation est de
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21,1 % en 1990. L'enseignement traditionnel est prépondérant


avec 93,6% des élèves (seulement 1,7% de ces élèves sont dans le
privé); dans les écoles traditionnelles publiques il n'y a que
35,9% de filles tandis que dans le privé elles représentent 49,9%
des élèves. 5,1% des élèves fréquentent les médersas (20%
d'entre eux sont dans le privé) ; dans les médersas publiques les
filles représentent 38,7% des élèves tandis que dans les médersas
privées il y en a 35,7%. Dans les écoles expérimentales 1,2% des
élèves sont scolarisés et parmi ceux-ci 40,2% de filles. Dans
l'ensemble des écoles, ce ne sont que 36,3% de filles qui sont
scolarisées, ce qui revient pour les filles à un taux de
scolarisation de 7,7%. Les filles sont donc sous-scolarisées par
rapport aux garçons dans l'ensemble des écoles publiques ou
privées, à l'exception 'des écoles privées traditionnelles qui sont
représentées essentiellement par les écoles Mission où la
politique d'éducation est de scolariser en priorité les filles.
La durée des études est toujours de 6 ans avec une
possibilité de redoublement de deux années au maximum. Le
C.F.E.P.D. sanctionne ce cycle, mais seulement les mieux classés
à l'examen d'entrée en sixième peuvent se rendre dans le
secondaire en fonction des places disponibles. En 1990, il Y a
8.674 classes publiques, soit un ratio de 42 élèves par classe en
moyenne. La maintenance des locaux scolaires étant attribuée
aux collectivités locales par le Projet Éducation II, n'est
cependant pas assurée, ce qui contribue à accroître la
dégradation des bâtiments scolaires. En milieu rural, les carences
en équipement (normalement une salle est dotée d'un tableau
noir, d'un bureau, d'une chaise, d'une armoire et de 20 tables-
bancs) amènent les élèves à suivre l'enseignement de leur maître
à même le sol. En milieu urbain, les effectifs étant pléthoriques,
ce sont 4 ou 5 élèves qui s'entassent sur une table-banc conçue à
l'origine pour deux élèves.
Les élèves ne disposent que du seul livre de lecture et
seulement en classe, mais la distribution des livres ne suivant pas
l'augmentation des effectifs, ce sont souvent 3 ou 4 élèves qui
tentent de suivre la lecture sur un seul livre, ce qui conduit
parfois les maîtres à écrire le texte au tableau et donc à perdre
du temps.
173
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En 1990-1991, nous avons 8.949 enseignants dans le


primaire, dont 20% d'instituteurs, 70% d'instititeurs-adjoints et
10% de moniteurs. Ces derniers sont de moins en moins
nombreux et comme le Projet Éducation II prévoit de limiter à
20% les instituteurs, le pourcentage d'instituteurs-adjoints
devrait encore augmenter. Les femmes représentent 33% du
corps enseignant mais sont concentrées dans les villes (85% des
effectifs). Alors qu'il y a un surplus de 2,2% du personnel
enseignant par rapport au nombre de classes, il y a des postes
vacants en zone rurale à cause notamment de la concentration
des enseignantes en zone urbaine.
62 inspecteurs dont 9 inspectrices sont chargés de
l'encadrement des écoles primaires. TI y a un inspecteur pour
200 maîtres, mais les moyens de locomotion pour les inspections
n'étant pas suffisant, ils sont souvent limités dans leur tâche.
Pour devenir inspecteur, il faut avoir été conseiller pédagogique
pendant au moins trois ans, puis après avoir été reçu au concours
d'entrée à l'école pédagogique de l'université de Niamey, être
formé pendant une année. Pour devenir conseiller pédagogique,
il suffit d'être instituteur titulaire et d'avoir au moins trois
années d'expérience sur le terrain, puis de réussir le concours
spécial qui permet de recevoir une formation de deux ans à la
faculté de pédagogie, qui en cas de réussite délivre un diplôme
qui permet d'être assimilé à un professeur de C.E.G.
Les enseignants sont formés dans les écoles normales à
régime d'internat pour les filles (Tahoua et Tillabéri) et à
régime d'externat pour les garçons (Dosso et Zinder), qui
peuvent recevoir jusqu'à 1.800 élèves. Le recrutement se fait sur
orientation à partir du B.E.P.C. Les écoles normales à cycle
court forment les instituteurs-adjoints sur deux ans tandis que les
écoles normales à cycle long conduisent en trois ans les élèves-
maîtres au baccalauréat, puis les forment professionnellement la
quatrième année qu'ils soient ou non titulaires du baccalauréat.
TIapparaît cependant que la formation dispensée dans ces écoles
ne correspond pas du tout à l'esprit des nouveaux programmes.
L'introduction des A.P.P. n'a pas entraîné de changement dans
les programmes des écoles normales. Le personnel chargé de la
formation des formateurs n'a pas été préparé à l'introduction

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des nouveaux programmes, ce qui empêche les futurs


instituteurs-adjoints de les ma11riser. De plus, l'uniformité des
contenus des programmes ne permet pas de prendre en compte
le milieu socioculturel des élèves.
Suite à la réforme de l'enseignement de 1987, celui-ci a
encore subi des changements afin d'être adapté davantage au
milieu socioéconomique du Niger, de réactualiser les contenus et
de réhabiliter les A.P.P. fi s'agit de mettre en œuvre une
pédagogie active afin de permettre à l'élève de participer lui-
même à sa formation. Mais dans les zones rurales, la plupart des
écoles ne disposent même pas de puits pour alimenter les élèves
et effectuer les A.P.P. Celles-ci ne sont toujours pas prises en
compte dans les examens, ce qui conduit une forte proportion
de maîtres à les ignorer.
À partir de 1981, l'État nigérien suite à la récession
économique a du diminuer ses moyens financiers prévus pour le
secteur de l'éducation: en 1989 il ne représente que 14,2% du
budget général du Niger (soit 16.185.000 francs), dont 1,4%
pour le préscolaire et 56,2% pour le primaire (seulement 1,9%
pour l'alphabétisation) contre 17% en 1970. En ce qui concerne
le primaire, les charges salariales représentent 79% du budget,
les frais de fonctionnement 9% et les frais des fournitures et des
manuels scolaires seulement 4%, ce qUi explique l'actuelle
pénurie en matériel didactique. Les écoles privées ne sont
financées que par 1% du budget. Le recrutement du personnel
auxiliaire (gardiens, plantons) est arrêté faute de moyens, ce qui
entraîne une recrudescence des vols de matériaux dans les
écoles.
L'enseignement primaire au Niger reste donc
éminemment sélectif avec sur la période 1981-1990 un taux de
réussite de 33% au C.F.E.P.D. et de 28% au concours d'entrée
en sixième. Le ratio élèves/classe est de 41,5 en moyenne, mais
les disparités inter-régionales (le ratio élèves/classe est de 99,3 à
Niamey et 27,7 à Diffa) et entre les zones urbaines et rurales
d'un même département (à Agadès 55 en zone urbaine et 31,9
en zone rurale) sont toujours présentes. Près d'un quart des
locaux scolaires sont des bâtiments provisoires (banco 0 u
paillote), essentiellement situés dans les zones rurales, ce qui ne

175
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facilite pas les conditions d'apprentissage des élèves. Il s'avère


par ailleurs que le coût de l'année-élève estimé à 31.000 francs
pour le primaire n'est pas compatible avec les ressources
nationales puisque le P.I.B. par personne est estimé à 22.000
francs.

Suite à la déclaration de Jomtien dont le but est de


dispenser une éducation de base à tous les enfants âgés de 7 à 14
ans qui soit conçue afin de répondre à leurs besoins éducatifs
fondamentaux, le Niger détermine de nouvelles perspectives
pour la décennie 1991-2000103:
Concernant le savoir il est nécessaire de lire, écrire et
calculer en premier lieu dans la langue maternelle, de connaître
les règles élémentaires d'hygiène et de nutrition pour
sauvegarder sa santé et celle des personnes qui sont proches; les
actes élémentaires de civisme en usage dans le milieu culturel; et
les principaux actes de sauvegarde de l'environnement.
Concernant le savoir-faire, les enfants doivent être initiés
aux A.P.P. du milieu, aux actions de sauvegarde de
l'environnement, et aux principes élémentaires de gestion pour
lutter contre le gaspillage, savoir communiquer oralement et par
écrit dans leur langue maternelle.
Concernant le savoir-être, ils doivent respecter les us et
coutumes du milieu, être capables de compter sur eux-mêmes,
avoir un esprit d'initiative, de créativité, de solidarité, d'équité,
de tolérance, de rectitude morale, de respect du bien public, de
l'autre, de l'ordre et de la discipline et le goût de l'excellence.
Les stratégies à adopter104 se rapprochent cependant de
celles, mises en place dans le Projet Éducation' II :
Exploiter d'une manière plus importante les classes
existantes afin d'atteindre un ratio de 55 élèves par classe
en améliorant le recrutement et la fréquentation scolaire en
zone rurale par une sensibilisation appropriée, appliquer
l'obligation scolaire à partir de 6 ans, relever le
pourcentage de scolarisation des filles, faciliter l'accès à

103
Idem.
104
Ibid.

176
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l'école en donnant un repas par jour lorsque la distance


entre l'école et le lieu d'habitation est supérieure à deux
kilomètres, ce qui implique la création de structures de
restauration.
Réduire les coûts de construction par l'utilisation de
matériaux locaux et d'une architecture appropriée,
privilégier la fabrication du matériel scolaire par les ateliers
scolaires plutôt que l'acquisition par la voie des marchés
publics, renforcer la production locale de manuels afin que
chaque élève puisse en avoir un et créer des structures
mutualistes de diffusion des manuels.
Maîtriser les effectifs des personnels d'encadrement afin
de déterminer les taux d'accroissement des différentes
catégories, repenser le programme de formation des
encadreurs pour l'adapter aux contenus de l'Éducation
pour tous, et motiver la fonction enseignante par la
création de conditions meilleures de vie et de travail
(hébergement, promotion).
Promouvoir une décentralisation du système par la
réduction du nombre de niveaux de décision, rendre les
programmes scolaires plus souples afin de tenir compte
des spécificités du milieu naturel et culturel des enfants,
redéfinir le rôle de l'enseignement privé dans le sens
d'une meilleure complémentarité avec l'enseignement
public, et définir les critères d'évaluation des acquisitions
de l'Éducation de base.
Réajuster les moyens de fonctionnement afin de renforcer
la part allouée au matériel didactique, rechercher la
réduction du coût unitaire par la rigueur dans la gestion
des moyens disponibles et le recours aux innovations
inspirées du système non formel, réduire les charges de
travail du personnel auxiliaire des cantines, assurer un suivi
plus efficace des personnels d'encadrement grâce à un
meilleur entretien des moyens logistiques, et assurer
l'alimentation en eau des élèves, ainsi que leur suivi sur le
plan sanitaire.

177
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Finalement, si les intentions sont encore louables, elles


restent le plus souvent assujetties à leur financement et par voie
de conséquence au bon vouloir de la Banque mondiale et du
F.M.I. Le Projet Éducation II ayant été déjà appliqué (à
l'époque) depuis trois ans, nous pouvons constater les difficultés
rencontrées dans le cadre de sa réalisation puisque les mêmes
idées sont de nouveau formulées: mieux gérer, réajuster les
moyens de fonctionnement, réduire les coûts de construction,
maîtriser les effectifs, décentraliser le système éducatif,
augmenter le ratio d'élèves par classe, etc. Les stratégies
élaborées répondent plus au Projet Éducation II qu'aux
objectifs définis auparavant qui ne sont pas en adéquation avec
le Projet Éducation II, puisqu'il s'agit de généraliser
l'enseignement dans les langues nationales, permettre un
véritable enseignement des A.P.P. et relier l'école au milieu
socioculturel et économique des élèves. C'est toujours le vieux
rêve des pédagogues nigériens qui ne peut encore une fois
aboutir.
Or, quels sont les problèmes majeurs de l'éducation de
base? L'apprentissage du français représente la condition
préalable pour tout autre apprentissage. D'après nos
observations effectuées dans une quarantaine de classes en
milieu urbain (ville de Maradi) en 1994 et 1998, donc là où les
conditions d'enseignement sont les meilleures (fort taux de
scolarisation, intérêt des parents à la progression de leurs enfants,
encadrement pédagogique sur place, etc.), nous pouvons dire
que l'acquisition du français n'est pas encore effectuée au
C.M.2 et qu'une partie non négligeable des jeunes maîtres (à
l'exception cependant de la plupart des instituteurs) qui sont là
faute de mieux, ne maîtrisent pas ou mal les subtilités de la
langue française en dehors du langage courant. Bien que
connaissant les méthodes actives, la plupart des enseignants ne
les utilisent pas car ils ne maîtrisent pas ou mal la pédagogie de
ces disciplines.
Comme on devient enseignant par défaut au Niger,
notamment lorsqu'on a échoué à son B.E.P.C., le problème qui
s'est posé dans les écoles normales a été de renforcer le niveau
général des connaissances des futurs maîtres, ce qui n'a pas

178
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laissé beaucoup de place à la pédagogie. Par ailleurs, la plupart


des encadreurs des écoles normales n'ont pas été formés aux
méthodes actives et manquent eux-mêmes d'expériences
pédagogiques. Les formateurs de formateurs n'étant pas aptes à
encadrer pédagogiquement les élèves-maîtres, ces derniers ayant
un niveau trop faible pour réussir autre part que dans
l'enseignement, il est tout à fait logique que le niveau des élèves
soit de plus en plus bas, surtout lorsqu'ils deviennent à leur tour
enseignants.
Les conditions de travail des élèves que ce soit à l'école
ou chez eux sont mauvaises. En milieu urbain, les classes sont
surchargées, en milieu rural, ce sont des paillotes et un manque
de matériel didactique qui ne correspondent pas au minimum de
confort requis pour l' apprentissage. Avec la baisse des
ressources budgétaires, comme les salaires n'ont pas baissé, ce
sont les frais de fonctionnement et de fournitures scolaires qui
ont été amputés. Mais le manque de personnel de planification
et de gestion ne permet pas de distribuer les stocks de manuels
ou de fournitures de Niamey à l'ensemble du territoire nigérien.
Chez eux, la majorité des enfants ont des parents qui n'ont pas
été scolarisés et qui considèrent l'école comme un danger par
rapport à leur culture et à leur religion. Dans ces conditions où
les parents jugent que leurs enfants sont plus utiles à la maison et
aux champs, les enfants peuvent être retirés de l'école en milieu
de scolarité ou encouragés à déserter les bancs de l'école
épisodiquement. Pouvoir s'isoler pour réviser ses leçons,
recevoir une aide de la part des parents et des aînés, avoir de
l'électricité, un bureau, une chaise ou ne serait-ce un cahier et
un stylo ne sont pas courants au Niger.
Les parents, toutes catégories socioprofessionnelles
confondues, considèrent encore l'école comme un instrument
de promotion sociale où ce ne sont pas les contenus des
programmes qui sont valorisés, mais l'accès aux emplois dans la
fonction publique. Or comme au temps de la colonisation,
c'était finalement la maîtrise du français qui permettait aux
élèves de devenir agents de l'administration coloniale, il est
difficile de faire comprendre à ces parents qu'il serait
avantageux pour leurs enfants de recevoir un enseignement dans
179
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leur langue maternelle. Cette question de la langue maternelle


étant moult fois débattue et acceptée par les commissions de
réformes, les conférences et les séminaires sans qu'elle soit
enseignée dans l'ensemble des écoles, a favorisé chez les
populations un certain scepticisme à l'égard de cette réforme et
un manque de conviction évident. fi y a aussi un manque de
volonté politique lié au risque de conflit qui pourrait surgir suite
au choix d'une langue unitaire, à savoir le hawsa, qui permet de
repousser encore et toujours l'instauration des langues
nationales comme langues d'enseignement dans les écoles. Et
bien sûr, nous ne pouvons pas omettre l'influence politique de
la France à travers la francophonie, mais celle-ci est
considérablement réduite depuis que c'est la Banque mondiale
et le F.M.I. qui décident des politiques d'éducation du Niger, à
moins que ces derniers ne soient pas eux aussi favorables aux
langues nationales!
Si les élèves qui échouent au primaire n'ont pas pu
acquérir suffisamment de connaissances théoriques pour
s'insérer professionnellement dans la société, ils sont par ailleurs
dépourvus de toute connaissance pratique pouvant les préparer à
apprendre un métier manuel. Les contenus du programme des
A.P.P. qui devraient pourtant leur permettre de « rebondir» vers
un travail manuel sont inapplicables compte tenu du manque de
formation des formateurs et des formateurs de formateurs et du
coût qu'ils occasionnent. fi faudrait tout d'abord identifier les
domaines prometteurs au niveau socioéconomique avant de
mettre en place de nouveaux programmes en A.P.P. qui soient
valorisés par des compétences qui soient sanctionnées au
C.F.E.P.D. Les déperditions, les redoublements qui engorgent
les C.M.2 et les échecs au C.F.E.P.D. ne peuvent qu'accroître le
coût unitaire élève alors qu'il est impératif de le réduire. La
saturation de la fonction publique dès les années 1980 et le
faible rendement de l'école nigérienne entraînent un recul de la
demande de scolarisation, notamment en milieu rural où les
coûts de scolarisation pour les familles sont importants
puisqu'en scolarisant leur progéniture, elles perdent une main
d' œuvre bien utile pour garder les troupeaux ou effectuer les
travaux champêtres. Avoir le C.F.E.P.D. dans les années 1980
180
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ou le B.E.P.C. dans les années 1990 ne garantit plus l'obtention


d'un emploi. Le déséquilibre qui existe entre ville (où vit
seulement 15,3% de la population du Niger) et campagne
s'accroît, car ce sont les enfants de fonctionnaires issus des
familles où le français est déjà maîtrisé à qui profite le mieux ce
système. En ville, nous pouvons constater que la demande
d'éducation a plutôt tendance à augmenter du fait de la forte
proportion des fonctionnaires et de l'émulation qu'ils suscitent,
mais qu'elle se trouve parfois non satisfaite. Ces enfants de
fonctionnaires étant peu représentés dans les campagnes, ce sont
essentiellement des élèves dont les parents sont analphabètes (en
français tout du moins) qui se retrouvent dans les écoles rurales,
ce qui contribue à renforcer le poids des résistances
traditionnelles contre l'école dans ce milieu. TI faut encore de
nos jours recourir parfois aux forces de l'ordre pour effectuer le
recrutement en milieu rural. Par ailleurs, les élèves issus des
zones rurales qui passent dans le secondaire doivent
obligatoirement se rendre en zone urbaine, qui leur est souvent
inconnue ou peu familière, ce qui accroît leurs difficultés
d'adaptation (que ne rencontre pas un élève ayant effectué son
cycle primaire en milieu urbain). De plus, un élève sera plus en
mesure de trouver un emploi grâce à son capital scolaire en
milieu urbain. Ne pas adapter l'école aux réalités
socioculturelles et économiques des Nigériens provenant
essentiellement du monde rural est aussi un moyen d'exclure la
majorité des enfants de ce pays d'une insertion économique en
milieu urbain.

Les États généraux de l' Éducation105 représentent à


l'heure actuelle la dernière «grande messe» durant laquelle
tous les partenaires de l'école nigérienne ont encore une fois

105
Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche, États Généraux de
l'Éducation, Niamey du 2 au 13 Novembre 1992, Rapport Final, Novembre
1992; mais aussi: Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche,
Contribution du Ministère de l'Éducation et de la Recherche aux États Généraux
de l'Éducation, avril 1992; et Ministère de l'Éducation Nationale et de la
Recherche, Rapport de la commission chargée de l'organisation des États
Généraux de l'Éducation" juin 1992.

181
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dénoncé les dérives du système éducatif tout en proposant des


solutions qui ne s'inscrivent pas dans le cadre des projets
d'éducation de la Banque mondiale et du F.M.I. Rappelons que
les États généraux de l'Éducation ont été exigé lors de la
Conférence nationale souveraine qui s'est déroulée du 29 juillet
1991 au 3 novembre 1991, à un moment où le Niger
commençait à s'engager dans la voie du multipartisme et de la
démocratie. Le Projet Éducation ///106 qui a pour objectif de
faciliter l'ajustement structurel dans le secteur éducatif et
d'améliorer la rentabilité des coûts dans l'enseignement
primaire, et qui a donné lieu à une série de négociations entre
l'État nigérien et la Banque mondiale à partir de 1990, a été
remis en cause par la Conférence nationale. Néanmoins, les
contre-propositions effectuées par la commission éducation de
la Conférence nationale se voient mises de côté étant donné que
le pays est incapable de financer un quelconque projet éducatif.
Une charte de l'Éducation qui doit faire obligation à tous les
citoyens et partis politiques est élaborée par les participants des
États généraux de l'Éducation.

«Considérant que l'École nigérienne dans sa forme actuelle est le


meilleur cadre pour la reproduction du modèle d'homme garant de la
perpétuation de la domination étrangère; considérant que notre système
éducatif est en proie à une profonde crise qui l'affecte dans ses structures, son
orientation et le contenu des valeurs qu'il diffuse; considérant l'impérieuse
nécessite de procéder à sa refonte et à son remplacement par un autre ayant pour
finalité la formation d'un nouveau type de citoyen; la Conférence nationale
souveraine qui s'est tenue du 29 juillet au 3 novembre 1991 a recommandé la
tenue des États Généraux de l'Éducation en vue de l'élaboration d'une charte de
l'Éducation. Cette charte qui fait obligation à tous les citoyens et partis
politiques comprend les axes suivants: [...] Les langues nationales seront
introduites dans l'enseignement. En outre, le Haoussa est retenu comme langue
unitaire. Mais son enseignement ne doit pas mettre fin à celui des autres
langues nationales. [...] Le tronc commun ou enseignement de base,
l'enseignement moyen et l'enseignement supérieur doivent comporter chacun

106
Banque Mondiale, Projet Éducation [III] (opération hybride), 12 janvier
1990.

182
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un enseignement général, un enseignement technique et un enseignement


professionnel. [...] La réforme exige une revalorisation de la fonction
enseignante par l'amélioration conséquente de la situation matérielle des
enseignants, des élèves et étudiants. Cela implique entre autres la ré-
instauration des régimes d'internat ».

D'une certaine manière, les États Généraux de


l'Éducation reprennent ce qui a déjà été formulé dans les
différents séminaires et conférences qui ont eu lieu après
l'Indépendance et qui vont dans le sens d'une réforme de
l'enseignement. Rappelons le travail de réflexion qui a été
élaboré pour réformer l'enseignement et qui n'a globalement
pas été mis en application:
- 1961 : première réforme de l'enseignement;
- 1966 : Étude préparatoire à une réforme de l'enseignement
du premier degré;
- 1970 : colloque sur la réforme de l'enseignement;
- 1972 : création de la commission nationale pour la réforme
de l'enseignement;
1975: grandes orientations de la réforme de
l'enseignement, séminaire national de réflexion sur la réforme
de l'enseignement, prise de position en faveur des langues
nationales;
- 1976: mise en place d'un groupe de réflexion et de
recherches pour la promotion des langues nationales;
- 1979 : séminaire général sur l'éducation;
- 1980: décret du M.É.N. sur la mise en place du groupe
d'études pour la promotion des langues nationales;
- 1982 : déclaration de Zinder ;
- 1986: commission de réflexion sur la formation de
formateurs pour les enseignements des premiers et seconds
degrés;
- 1987: séminaire sur l'actualisation des programmes des
enseignements du premier et second degrés;
- 1991 : plan d'action national pour l'éducation de base pour
tous, et déclarations de la Conférence nationale sur l'éducation.

183
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Il existe toujours cette volonté de mettre en place un


enseignement en langues nationales qui soit orienté vers les
nécessités socioéconomiques du pays (renforcement des secteurs
professionnels et techniques). De plus, les revendications des
syndicats ont été reprises, comme la ré-instauration des régimes
d'internat ou le maintien et l'extension des bourses avec la
création d'une commission nationale d'orientation et
d'attribution des bourses. Or il faut savoir qu'en 1992 les
bourses représentaient 39 fois le budget du personnel de
l'ensemble du Ministère de l'Éducation nationale et 58 fois
celui de l'enseignement et de la recherche à l'université de
Niamey. Alors que la Conférence nationale a réaffirmé son
adhésion à la Déclaration de Jomtien sur l'Éducation pour tous,
le problème du financement de l'enseignement supérieur se
pose, puisque par l'effet de vases communiquants, le système
scolaire nigérien n'a jusqu'à présent pour finalité que le passage
au cycle supérieur.

Le bilan qui en est fait dans la Contribution du Ministère


de l'Éducation nationale et de la recherche aux États généraux
de l'éducation nous semble plus objectif ou tout du moins plus
mesuré:

«Il est temps de définir une politique nationale claire en matière


d'éducation, avec des objectifs précis, tenant le plus grand compte des besoins
de formation du pays et de ses capacités de mobilisation de ressources propres.
[...] Notre système éducatif, plus que celui de beaucoup d'autres pays africains,
privilégie la préparation aux diplômes d'enseignement général. Chaque ordre
d'enseignement semble n'avoir pour finalité que le passage au cycle supérieur
sans aucune considération pour le marché du travail et les besoins de
l'économie. C'est ainsi que les trois ordres d'enseignement: primaire,
secondaire et supérieur sont dominés ou même parfois exclusivement
constitués d'établissements d'enseignement général. Ainsi les établissements
d'enseignement technique et professionnel se comptent-ils sur les doigts d'une
seule main; il n'y a pratiquement pas de centre d'accueil ou d'apprentissage
professionnel pour les exclus du système provenant de l'enseignement
général; les formations courtes et visant la professionnalisation au niveau

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supérieur, de type I.U.T. (Institut Universitaire de Technologie) sont


inexistantes. [...]
Les différents séminaires consacrés à l'éducation ont fait ressortir la
nécessité de réformer les contenus des enseignements, de revoir les
programmes et les méthodes. Des nouveaux programmes visant une adaptation
plus prononcée à l'environnement naturel, culturel et social ont été élaborés en
1987 et sont actuellement en expérimentation. Les activités pratiques et
productives (A.P.P.) et la technologie ont été introduites dans l'enseignement
primaire et secondaire. Nous devons cependant convenir que ce ne sont là que
de timides tentatives de réformes des programmes. La véritable réforme des
programmes reste à faire car elle devrait provenir, pour permettre leur
élaboration, de l'inventaire des problèmes de la communauté. Le problème de
l'introduction des langues nationales dans l'enseignement reste toujours posé.
Les acquis tirés des écoles expérimentales n'ont pas encore été intégrés dans
l'ensemble du système éducatif alors que leur caractère bénéfique es t
unanimement reconnu. Mais les programmes, quelle que soit leur pertinence,
ne peuvent seuls être suffisants pour atteindre les objectifs fixés. Encore faut-il
que les méthodes utilisées soient centrées sur l'apprenant. Or aujourd'hui
encore, la pédagogie dans les classes traditionnelles est centrée non sur
l'enfant mais plutôt sur les contenus d'enseignement, ce qui réduit l'élève à un
rôle purement réceptif. [...]
La rentabilité et l'efficacité d'un système d'éducation dépendent en
grande partie de la qualité de la formation reçue par les enseignants. En matière
d'éducation, la formation des formateurs est un domaine de la plus haute
importance. TI y a indéniablement pour tous les ordres d'enseignement une
amélioration du niveau des diplômes du personnel enseignant. Cependant des
insuffisances subsistent dans la formation, notamment:
- les programmes des écoles normales méritent d'être réadaptés;
- il n'y a pas véritablement un corps des professeurs d'école
normale, ceux qui enseignent dans les écoles normales sont
chargés d'enseignement, professeurs de C.E.G. et même appelés du
Service civique national;
- les professeurs des lycées sortant des facultés ne reçoivent pas de
formation pédagogique les initiant à leurs métier;
- le recrutement et la formation des encadreurs (inspecteurs et
conseillers pédagogiques) méritent d'être repensés.
[...] le système d'attribution des bourses se caractérise par son
inadéquation avec les besoins du pays dans les secteurs prioritaires. Ainsi,

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selon les critères d'attribution des bourses fixés par la commission de liaison,
seuls 6 élèves sur 1000 jeunes bacheliers ne peuvent bénéficier de la bourse ou
de la demi-bourse. Le taux de bourse appliqué au Niger est l'un des plus élevés
de la sous-région. Même quand ils bénéficient d'une bourse étrangère (Maroc,
Algérie, Tunisie, C.E.I., etc...), les étudiants nigériens se voient octroyer un
complément de bourse variant de 20.000 à 30.000 F CFA. L'État nigérien loue
aussi des villas en Tunisie, en Côte d'Ivoire, au Bénin, au Mali, au Sénégal, au
Burkina, au Maroc, en Algérie à nos étudiants dans ces pays sans qu'ils
contribuent au paiement du loyer. La justice sociale et l'équité, autant que la
dure réalité économique nous imposent de rationaliser et le système
d'attribution des bourses et le financement de l'éducation dans son ensemble
car l'État ne peut continuer tout seul à prendre les charges de l'éducation. [...]
Les effectifs de l'enseignement supérieur (6.436 étudiants boursiers en 1991-
1992) ont... connu une croissance importante passant pour l'université de
Niamey de 103 en 1971-1972 à 4.153 étudiants (dont 3.985 boursiers) en
1991-1992 répartis dans 6 facultés... Il y a cependant un réel déséquilibrage
dans la répartition des étudiants entre les filières, la prédominance des
littéraires et assimilés est nette dans le bénéfice des bourses et l'importance
des facultés. En 1991-1992 la répartition des étudiants boursiers est la suivante
à l'université de Niamey:
Faculté d'agronomie: 139
Faculté de pédagogie: 407
Faculté des sciences: 529
Faculté des sciences de la santé: 386
Faculté des sciences juridiques: 554
FacuIté de lettres et sciences humaines: 987
Un rééquilibrage s'impose en tenant compte du marché de l'emploi et
des besoins prioritaires du pays ».

En fait, les gouvernements successifs entre 1992 et 1999


ne vont pas être capables de limiter les bourses aux secteurs
économiques demandeurs de cadres, ce qui aura pour
conséquence immédiate le non-paiement ou des arriérés de
bourses de plusieurs mois, ce qui peut être dramatique pour les
étudiants vivant à l'étranger.

«La population scolarisée qui était de 114.447 en 1974-1975 est


passée à 370.003 en 1991-1992. Le taux de scolarisation durant la même

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période a évolué de 13,15% à 28,65%. [...] S'il Y a une augmentation des


effectifs, il est à remarquer que le taux de scolarisation demeure toujours l'un des
plus faibles d'Afrique subsaharienne où il s'établit en moyenne à 65% pour les
pays francophones. Un tel taux nous éloigne de l'objectif de « l'Éducation
pour tous» malgré tous les efforts consentis par l'État. La scolarisation des
filles n'a guère évolué en termes relatifs. Les filles ne représentaient que
34,98% et 35,76% des effectifs respectivement en 1974-1975 et 1989-1990
[...] Les contraintes objectives freinant la réalisation de l'éducation pour tous
relèvent autant de l'amenuisement des ressources financières que de la forte
croissance des effectifs de la population (3,1% par an). Au dernier recensement
de 1988, les moins de 15 ans représentaient 48,9% de la population et les
enfants d'âge scolaire (7 à 12 ans) 1.167.640 personnes. Il en résulte une très
grande demande en éducation surtout dans les grands centres. La solution pour
répondre à cette demande a été le système des classes à double flux (ou double
vacation) introduit à partir de novembre 1978 et dont la finalité était de
permettre l'augmentation du taux de scolarisation tout en faisant des
économies sur le budget. Cette expérience qui en 1989-1990 s'était déroulée
dans 135 classes et a concerné II.940 élèves a été interrompue en
novembrel991. Une des conséquences de cette suppression a été la saturation
des classes dans les grands centres (120 élèves par exemple dans certaines
classes de Niamey en 1991-1992).
Dans l'enseignement du second degré, les effectifs du premier cycle
sont passés de 8.656 en 1974-1975 à 51.129 en 1989-1990 et 61.010 en
1991-1992, ceux du second cycle sont passés quant à eux de 1046 en 1974-
1975 à 9208 en 1991-1992. On y constate un réel accroissement des effectifs
et la multiplication des établissements et mini C.E.G., mais la place de
l'enseignement technique et professionnel est dérisoire (197 élèves en 1974-
1975 et 850 en 1989-1990) et mérite d'être renforcée ».

Ainsi, il semblerait qu'il ne soit pas possible d'augmenter


le taux de scolarisation étant donné le fort accroissement naturel
qui sévit au Niger. Afin de dépasser ce problème,
l'expérimentation du double flux contribue semble t-il à
accroître les déperditions scolaires et à favoriser ce qui est appelé
«enseignement au rabais », puisque l'aspect qualitatif devient
secondaire par rapport au quantitatif. Courir après les chiffres
par tous les moyens n'est sans doute pas une solution si à terme
cela provoque encore plus d'exclusions et de disparités, les
187
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enfants de la classe dirigeante n'étant pas généralement


scolarisés dans ce genre d'établissement mais plutôt dans le
privé; et pour les quelques-uns d'entre eux qui le sont, comme
ils bénéficient de cours de soutien scolaire, ils ont davantage de
potentialités pour réussir que les enfants de paysans, ne serait-ce
grâce à leur capital culturel qui les prépare à l'intégration de la
culture véhiculée par l'école, ce qui n'est pas le cas de celui des
paysans.
Entre 1982 et 1992, les taux de réussite au C.F.E.P.D.
avoisinent les 30%, mais la tendance est à la baisse puisque nous
passons de 35,8% en 1982 à 27,9% en 1992. Les taux de
réussite au baccalauréat ne sont pas très élevés: ils chutent de
48,2% en 1989 à 25,8% en 1991 puis remontent à 41,5% en
1992. Alors que durant l'année 1991-1992 parmi les autres
systèmes d'éducation l'enseignement expérimental stagne avec
28 écoles et 3.057 élèves en 1991-1992, l'enseignement franco-
arabe se développe avec 81 écoles et 14.915 élèves au primaire,
3 écoles et 3.092 élèves au secondaire, et 54 étudiants boursiers
au supérieur à l'université de Say. Or d'après nos investigations
en pays hawsa, il s'avère que l'État ne répond pas suffisamment
à la demande des parents en ce qui concerne l'enseignement
franco-arabe: ainsi, à Maradi, troisième ville du Niger, alors
qu'en 1992 il n'y avait que deux médersas publiques, il y avait
à la rentrée 1998-1999 à côté des trois médersas et du C.E.G.
publics, deux médersas et un C.E.G. privés, ce dernier devant
être dédoublé en C.E.G.llycée filles et C.E.G./lycée garçons sur
un nouveau site dans les années à venir.

Nous avons vu que le Projet Éducation /1/107a donné lieu


à une série de négociations entre l'État nigérien et la Banque
mondiale à partir de 1990, puis a été remis en cause par la
Conférence nationale en 1991 et a été suspendu, puis suite aux
États généraux de l'Éducation de 1992 a été de nouveau relancé
en 1993 pour une durée de 6 ans. En 1994, lorsque nous avons
rencontré un des représentants de l'Association Internationale
de Développement (I.D.A.), il était évident que le Niger ne

107
Idem.

188
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pouvait plus s'opposer à ce projet, le représentant du


gouvernement nigérien allant même au-delà des espérances de
l'agent de l'I.D.A. venu voir si le projet était encore applicable,
ce qui revient à dire pour le représentant nigérien, si le Niger
peut encore bénéficier des apports financiers de l'I.D.A. et de
ses partenaires. Il est vrai que le coût du Projet Éducation III
s'élève à 63.400.000 dollars et que les caisses du Niger sont
vides.
En janvier 1990, le Niger s'était déjà engagé à mettre en
œuvre ce projet comme en témoigne la lettre de politique
éducative: projet de développement des ressources humaines
(Éducation III) adressé par le Premier Ministre nigérien au
Président de l'Association Internationale de Développement
(Banque mondiale). Ces différentes mesures représentent
l'essentiel du contenu du Projet Éducation III tel qu'il est
formulé par la Banque mondiale.
Nous retrouvons un certain nombre de mesures qui ont
été prises dans le cadre du Projet Éducation II afin d'accroître
l'efficacité des ressources publiques allouées au secteur de
l'éducation:
- la limitation à 14% de la proportion des instituteurs
dans le corps enseignant du premier degré (le salaire
de départ d'un instituteur dépasse de 50% celui d'un
instituteur-adjoint) ;
- la suppression de l'indemnité d'enseignement pour
les enseignants qui exercent des tâches administratives
ou d'encadrement;
- une expérimentation de l'enseignement à double
vacation afin de connaître les modalités à partir
desquelles ce système pourra être étendu en milieu
urbain;
- une amélioration de la gestion du système éducatif
(inspections, planification, gestion des ressources
humaines) ;
- une réduction des coûts unitaires de construction de
salles de classe d'environ 50% grâce à l'utilisation de
matériaux locaux bon marché et d'une main d'œuvre
locale;

189
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- le volume des bourses attribuées aux étudiants


nigériens de l'enseignement supérieur a été gelé;
- la plupart des internats ont été fermés dans les écoles
secondaires et normales;
- les nouveaux prototypes de classes ont permis de
faire participer davantage les communautés à leur
financement et à leur construction.

D'autres mesures sont envisagées pour la période 1990-


1995 :
- La réforme de la formation des maîtres de
l'enseignement primaire: jusqu'à présent les élèves-
instituteurs suivent après le B.E.P.C. une formation de
quatre ans dont les trois premières années les mènent
au baccalauréat de l'enseignement général et 0 Ù
seulement la quatrième année les forme
professionnellement. Ce système s'est révélé coûteux
par les bourses qui leur sont attribuées et pervers
puisque ceux qui réussissent au baccalauréat
poursuivent leurs études dans le supérieur, et que ce
sont principalement ceux qui échouent au
baccalauréat qui, à défaut, suivent la quatrième année.
La réforme consiste à recruter sur concours à partir du
baccalauréat les futurs instituteurs, à leur dispenser
une formation professionnelle d'une année et à
utiliser la capacité ainsi libérée pour développer
davantage la formation des instituteurs-adjoints.
- Les suppressions des duplications de formation dans
l'enseignement supérieur: actuellement nous
retrouvons les mêmes enseignements disciplinaires
dans la faculté de pédagogie et celles des sciences et
des lettres, mais aussi entre l'École d'administration
nationale (É.N.A.) et la faculté des sciences
économiques et juridiques. Par ailleurs, la faculté de
pédagogie dispense des enseignements pédagogiques
dans le cadre de la formation des professeurs de
C.E.G., mais aucune formation de ce type n'existe
pour les professeurs de lycées. La formation

190
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disciplinaire sera donc effectuée dans les facultés


disciplinaires de l'université de Niamey, tandis que la
formation pédagogique des professeurs de C.E.G. et
de lycée, des conseillers pédagogiques et des
inspecteurs sera dispensée dans une nouvelle école
normale supérieure qui remplacera l'ancienne faculté
de pédagogie.
- Une meilleure utilisation des enseignants du primaire
et du secondaire: dans le primaire, lorsqu'un maître
n'a qu'un petit nombre d'élèves comme c'est le cas
dans les zones rurales d'habitats dispersés, les classes à
deux divisions (par exemple le C.E.1 et le C.E.2 sont
réunis en une seule classe) seront utilisées; lorsque les
classes sont surchargées (zones urbaines), ce seront
des classes à double vacation (une salle de classe pour
un maître qui prend un groupe le matin et l'autre
l' après- midi) qui seront utilisées. Dans le secondaire,
les enseignants, notamment dans les disciplines
littéraires ne sont pas employés de manière optimale:
bien qu'étant payés à plein temps, ils n'effectuent
qu'une partie de celui-ci: il y a en fait près de 20%
des enseignants en surnombre (alors qu'il manque
d'enseignants nigériens dans les matières
scientifiques) .
- Une matîrise des dépenses de bourses pour les élèves
du secondaire et du supérieur: afin de favoriser la
scolarisation des élèves issus de milieux modestes, des
bourses leur sont attribuées afin de favoriser
l'enseignement du premier degré de l'enseignement
secondaire. Néanmoins, il est nécessaire de stabiliser
pendant quelques années le volume global des bourses
par rapport au coût de 1.015.000 francs CFA de
l'année 1990 pour l'enseignement secondaire général
et 2.340.000 francs CFA pour le supérieur (bourses
au Niger et à l'étranger, subventions pour le logement
des étudiants et les restaurants universitaires).
Une accélération du développement de
l'enseignement privé: il s'agit de faciliter la

191
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mobilisation des ressources privées pour


l'enseignement primaire et secondaire.
Une meilleure malIrise des coûts liés à
l'administration du système d'enseignement: il s'agit
de s'assurer que les dépenses sont bien justifiées et
maîtrisées.
- La mise en œuvre d'un plan d'action pour
développer l'enseignement primaire: le
gouvernement doit mettre à la disposition de
l'enseignement du premier degré les ressources
nécessaires pour assurer un taux d'accroissement des
nouveaux élèves d'au moins 8% par an, ce qui doit
permettre d'augmenter le nombre d'élèves de plus de
80% entre 1989 et 1996 et de faire progresser le taux
de scolarisation de 10% sur la même période. Des
mesures doivent être prises en particulier pour
favoriser la scolarisation des filles.
- Une augmentation des manuels scolaires mis à la
disposition des élèves: ces manuels doivent être
adaptés aux nouveaux programmes et il faut qu'au
bout de 6 ans il y ait un livre pour deux élèves dans
chacune des matières fondamentales.
- Un abandon de la politique de programmation:
jusqu'à présent lorsque les bacheliers accèdent à
l'enseignement supérieur, ils sont orientés et donc
inscrits dans une filière d'études au Niger ou à
l'étranger, bénéficient d'une bourse durant la durée
de leurs études, et sont programmés, c'est-à-dire pré-
recrutés dans la fonction publique pour un
département ministériel défini. L'abandon de la
programmation signifie l'instauration d'un concours
d'entrée pour les différents départements ministériels,
en fonction des besoins et des possibilités de l'État et
concerne à la fois les formations de niveaux supérieur
et secondaire.
- Une aide pour insérer sur le marché du travail les
jeunes sortants des formations techniques et
professionnelles: si la qualité et la pertinence des

192
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formations peuvent être en cause, c'est également le


cas d'un marché du travail nuisible à l'emploi des
diplômés en raison de sa rigidité. Le gouvernement va
donc réformer le système de formation
professionnelle et modifier la réglementation du
travail et les procédures d'embauche.

Ces mesures prises ou envisagées sont loin de faire


l'unanimité du personnel du M.É.N. et notamment du S.N.E.N.
qui durant les années 1990 mènent de nombreuses grèves et
manifestations qui conduisent parfois à des années blanches:
mais comment travailler lorsque le ventre est vide, puisque les
arriérés de salaire ne permettent plus au personnel enseignant de
s'intéresser pleinement à leur travail. Déjà, de février à mai
1990, des contre-propositions sont formulées dans une sous-
commission d'étude du Projet Éducation III présidée par un
syndicaliste de l'U.S.T.N.: la limitation du nombre des
instituteurs à 14% est refusée, l'expérimentation de la double-
vacation doit s'arrêter, les internats des lycées et des écoles
normales n'ont pas à être fermés, il faut privilégier
l'enseignement public par rapport à un enseignement privé peu
fiable qui doit être mieux géré et supervisé, le concours d'entrée
à la fonction publique doit être supprimé et remplacé par la
programmation, etc. En ce qui concerne le financement, sans
renoncer à l'apport des partenaires internationaux, il est
nécessaire de recourir principalement à des solutions nationales
comme la mise en place d'un fonds en faveur de
l'enseignement. Au sujet de l'utilisation optimale et de la
pléthore des enseignants littéraires, il faut recourir moins aux
civiquats et à la coopération tout en réduisant le nombre
d'élèves par classe. Par ailleurs, il serait grand temps d'effectuer
l'évaluation des écoles expérimentales dans le but de les
généraliser.

Si d'un côté les syndicats défendent les intérêts des


enseignants et une conception nationale de l'école, la Banque
mondiale souhaite appliquer des mesures encore plus radicales
que celles proposées par le gouvernement nigérien dans le cadre

193
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du Projet Éducation III et qui auront sans doute beaucoup de


difficultés à être acceptées.
Il est question d'utiliser davantage le système de classes
alternées en zone urbaine et celui de classe unique en zone
rurale pour le primaire. La double vacation qui a été
expérimentée pendant trois ans de 1988 à 1990 a été suspendue
durant deux ans avant d'être réintroduite en 1993 sous
l'appellation de «double flux» dans les trois premiers niveaux
des écoles urbaines. Les enseignants sont indemnisés par une
augmentation de salaire de 25% et pour les élèves, la semaine de
30 heures est limitée à 20 heures, ce qui entraîne une baisse de
l'efficacité pédagogique.
Il faut réduire les coûts dans le secondaire «en éliminant
les 20% d'enseignants de matières littéraires en surnombre et en
réduisant les subventions accordées aux élèves ». Les enseignants
en surnombre pourront alors être affectés dans les écoles
secondaires privées qui manquent d'enseignants qualifiés.
Dans l'enseignement supérieur, des économies peuvent
être réalisées en «réduisant les subventions accordées aux
étudiants », en « augmentant le rapport étudiants-professeur» ~t
en «consolidant les programmes existants pour éviter les
doubles emplois ». Suite à l'arrêt du pré-recrutement des
étudiants pour la fonction publique, il y aura durant les 6 années
que dure le projet une réduction de 40% (2.500 personnes) des
étudiants déjà pré-recrutés (soit une économie de plus de
12.000.000.000 de francs CFA durant 6 ans); parmi les
étudiants qui ne seront pas touchés (3.700), 43% d'entre eux
iront dans les secteurs de l'enseignement et de la santé.
Afin d'améliorer le fonctionnement du marché du travail
pour la main d' œuvre qualifiée, «une formation obligatoire en
cours d'emploi pouvant durer jusqu'à neuf mois sera introduite
au cours de laquelle les stagiaires travailleront avec un
employeur pour un salaire limité », et « l'obtention du diplôme
sera subordonnée à l'achèvement de la période de formation ».
De plus, «la réglementation en vigueur, au titre de laquelle les
employeurs ne peuvent recruter que des personnes identifiées
par les services de la main d'œuvre », sera remplacée «par un

194
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système dans le cadre duquel les employeurs enregistrent le


recrutement après qu'il ait été fait ».
La Banque mondiale est bien consciente des risques pour
mener à bien ce projet, elle indique notamment «la difficulté
pour le gouvernement d'exécuter les éléments les plus sensibles
au plan politique du programme d'ajustement, à savoir la
limitation des bourses, la restriction du recrutement actuel dans
la fonction publique des élèves déjà pré-recrutés, l'emploi plus
intensif des enseignants et l'élimination des rigidités sur le
marché du travail pour la main d'œuvre qualifiée ». Néanmoins,
le Projet Éducation III est appliqué en grande partie de 1993 à
1999. Les obstacles à la double vacation et au concours d'entrée
à la fonction publique sont apparemment franchis. Mais la
Banque mondiale et le F.M.I. en dirigeant ainsi la politique
éducative du Niger en fonction des nécessités de l'ajustement
structurel, deviennent alors responsables de la réussite ou de
l'échec des réformes en cours devant l'histoire.

Entre sa volonté de réformer profondément le système


scolaire et les engagements qu'il a pris dans le cadre du Projet
Éducation III, le gouvernement nigérien va établir un projet de
politique éducative correspondant aux objectifs de
développement qu'il s'est fixé pour le début du XXIème siècle.
Un comité ad hoc chargé de l'élaboration du projet de politique
éducative au Niger est créé par l'arrêté n0192 du M.É.N. du 3
septembre 1996. Après une année de travail, le comité a rendu
compte de ses résultats en décembre 1997 et un projet de loi
d'orientation du système éducatif nigérien a vu le jour en février
1998. L'adoption de ce texte doit permettre «à la fois de
combler le vide juridique qui a caractérisé le fonctionnement du
système éducatif depuis l'indépendance, et de stabiliser les axes
principaux d'orientation politique du système ». n est précisé
que « le Niger réaffirme le respect de ses engagements souscrits
en matière d'Éducation », ce qui à la manière du «je vous ai
compris» du Général De Gaulle, rassure à la fois les bailleurs de
fonds pour le bon déroulement des dernières phases de
l'ajustement structurel, et les syndicalistes et pédagogues

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nigériens qui souhaitent mener une réforme radicale de


l'enseignement.
De même, que peut-on penser de l'article 10: «Les
langues d'enseignement sont le français et les langues
nationales» qui semble les mettre sur un même pied d'égalité?
L'article 19 précise cependant qu'au primaire «la langue
maternelle ou première est langue d'enseignement; le français
matière d'enseignement à partir de la première année ». Dans le
premier cycle de l'enseignement secondaire, «le français est
langue d'enseignement et les langues maternelles ou premières,
matières d'enseignement ». Ainsi, l'élève nigérien sera mieux à
même d'assimiler les différentes disciplines du primaire dans sa
langue maternelle, mais dans le secondaire et le supérieur, c'est
le français qui sera langue d'enseignement.
La structure du système éducatif est modifiée:
l'enseignement de base comprend le préscolaire (enfants de 3 à
5 ans), le cycle de base I (6 années) et le cycle de base II (4
années) sanctionné par un diplôme de fin d'études de base
(D.F.E.B.). L'enseignement moyen, composé d'une filière
enseignement général et une filière enseignement technique et
professionnel, est ouvert aux titulaires du D.F.E.B. : il dure trois
ans et il est sanctionné par un diplôme. L'enseignement
supérieur est le troisième degré d'enseignement: il est organisé
en cycles, chaque cycle étant sanctionné par un diplôme. En fait,
la structure du système éducatif n'est pas vraiment différente de
l'ancienne qui est une copie conforme de la structure du
système éducatif français: le D.F.E.B. remplace le B.E.P.C., il
n'y a plus d'examens entre le primaire (cycle de base I) et ce
qui était le premier cycle du secondaire (cycle de base II).
Ainsi, en éliminant le premier goulot d'étranglement du système
éducatif nigérien, cela permet de scolariser plus longtemps les
enfants et de les amener au D.F.E.B., renforçant ainsi le taux de
scolarisation.
De nouvelles structures sont créées: un office national de
la formation professionnelle chargé du pilotage de la politique
nationale en matière d'apprentissage, d'enseignement technique,
de formation et de perfectionnement professionnels; un conseil
d'administration dans chaque établissement public chargé de sa
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gestion; un Conseil national de l'Éducation (C.N.E.), organe de


concertation sur avis duquel sera élaborée et appliquée toute
nouvelle mesure intéressant le devenir de l'éducation au Niger,
et au niveau de chaque région un conseil régional de
l'éducation chargé du suivi de la politique éducative au niveau
régional. Les élèves et les étudiants ne sont pas oubliés
puisqu'ils jouissent d'une liberté d'expression dont l'exercice
ne doit pas porter atteinte aux activités d'enseignement: ils ont
le droit dans les enseignements moyens et supérieurs de créer
des associations pour défendre leurs droits et leurs intérêts
matériels et moraux, mais dans le strict respect des textes et lois
en vigueur.
Les bourses, considérées comme «une contribution
complémentaire de l'État à la participation familiale aux charges
de l'éducation [...] sont attribuées en fonction de la condition
sociale et des résultats scolaires ou universitaires des postulants
ainsi que des priorités nationales. Le nombre des bourses
attribuées par l'État est fonction de l'enveloppe allouée à cet
effet ». Le texte reste prudent, puisqu'il est inconcevable
d'hypothéquer sur l'avenir en matière de crédits pour
l'enseignement nigérien qui dépendent du bon vouloir de la
Banque mondiale et de ses partenaires.

Encore une fois, nous pouvons nous demander si cette loi


d'orientation sera mise en application ou si les réformes qu'elle
envisage resteront uniquement sur le papier. Contrairement aux
autres projets de réforme, elle prend en compte les aspirations
des uns et les intérêts des autres tout en essayant d'aménager
une nouvelle structure de l'enseignement qui ne soit pas en
rupture directe avec celle qui lui préexiste et qui ne demande pas
des investissements considérables rendant le projet utopique.

En guise de conclusion de ce chapitre, nous allons


examiner les données statistiques officielles108du M.É.N. afin de

108
Annuaire des statistiques scolaires 1996-1997,Direction des Études et de la
Programmation, Ministère de l'Éducation nationale, République du Niger. Nous
avons utilisé ces données pour effectuer les calculs qui suivent.

197
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rendre compte de l'état du système éducatif nigérien à la veille


du XXIème siècle.

Entre 1990 et 1996 le budget de l'État nigérien consacré


à l'éducation passe de 17.916.000 à 26.387.000 francs CFA. La
part du budget éducation par rapport au budget nationale est de
16,4% en moyenne durant ces 7 années.

Dans le préscolaire en 1997, il Y avait 117 jardins


d'enfants et écoles maternelles, dont 84,6% dans le public, 403
classes et 10.638 élèves. 46,7% des classes sont en dur et 21,8%
en paillote. Les filles représentent 48,8% des enfants scolarisés
dans le préscolaire. 99,1 % des enseignants sont des femmes.
22,6% sont des instituteurs, 45,3% des instituteurs-adjoints et
32,1% des moniteurs et moniteurs-adjoints. Les enseignants ont
de l'expérience puisque la moyenne d'âge est de 39 ans et que
le temps de service moyen déjà effectué est de 19 années.

Dans le primaire en 1997, il Y avait 3.063 écoles, dont


97,5% dans le public, Il.005 classes et 464.267 élèves. 82,3%
des écoles primaires sont en zone rurale ainsi que 64,8% des
classes, 54,8% des élèves et 61,4% des enseignants. Alors qu'il y
a moins d'élèves scolarisés en milieu rural, le nombre d'écoles
est plus important du fait de la très grande dispersion de
l'habitat. L'enseignement de type traditionnel est le mieux
représenté avec 93,9% des écoles, dont 98,7% relèvent du secteur
public. Il y a également 4,7% de médersas dont 72,7%
publiques, 1,3% d'écoles expérimentales et 0,1% d'écoles
spécialisées qui sont uniquement publiques. 9,6% des écoles ont
des cantines, 13% ont un logement pour le maître et seulement
16,3% ont une clôture. Le tableau ci-dessous nous révèle de
nombreuses disparités entre les départements et à l'intérieur de
ceux-ci en ce qui concerne le taux brut de scolarisation109 et le
ratio élèves/maître.

109
Le taux brut de scolarisation du primaire concerne les effectifs du primaire
tous âges confondus rapportés à la population des enfants âgés de 7 à 12 ans.

198
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Tableau I : taux brut de scolarisation et ratio élèves/maître par


département et inspection

Département inspection nombre taux de élèves/


d'écoles scola risa ti on maître
Agadès Agadès 18 53,4 50
commune
Arlit 32 59,2 45
Bilma 16 80,9 24
Tchrirozérine 40 14,9 32
Ensemble 106 38,8 41
D.R.E
Diffa Diifa 44 29,5 29
Mainé Saroa 47 21 23
N'Guigmi 25 47,2 28
Ensemble 116 28,2 26
D.R.E
Dosso Boboye 80 18,4 34
Dosso 97 29,9 39
Doutchi 133 34,7 50
Gaya 74 25,9 37
Loga 51 36,8 49
Ensemble 435 28,8 42
D.R.E
Maradi Aguié 68 24 34
Dakoro 93 18,8 38
Guidan 99 28 38
Roumdji
Madaroumfa 65 21 37
Maradi 29 53,3 42
commune
Mayahi 72 20 43
Tessaoua 82 21 36
Ensemble 508 25,2 39
D.R.E
Tillabéri Filingué 127 21,9 39

199
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Kollo 142 24,6 30


Ouallam 79 17,7 32
Say 61 21,9 36
Téra 113 20,2 36
Tillabéry 92 40,5 36
arrond.
Ensemble 614 23,5 35
D.R.E
Niamey Ensemble 185 100,1 44
D.R.E
Tahoua Birni'nKonni 84 27,1 47
Bouza 74 22,5 44
lIIéla 86 29 46
Keita 69 23,6 36
Madaoua 82 23,2 37
Tahoua 91 24,5 40
arrond.
Tahoua 20 69 54
commune
Tchinta + 58 42,4 38
Abalak
Ensemble 564 27,8 43
D.R.E
Zinder Gouré 79 16,8 25
Magana 114 19 38
Matamèye 65 19,2 30
Mirnah 150 16,3 30
Tanout 80 17,1 25
Zinder 47 55 34
commune
Ensemble 535 21,4 31
D.R.E
Ensemble du pays 3063 30,1 38

Ainsi, alors que dans le département d'Agadès le taux de


scolarisation est de 38,8%, dans celui de Zinder il n'est que de

200
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21,4%. À l'intérieur du département d'Agadès, il est de 80,9% à


Bilma et seulement de 14,9% à Tchirozérine. De même, 0 n
s'aperçoit que le ratio élèves/maître est de 24 à Bilma et 50 à
Agadès commune. Seule la communauté urbaine de Niamey a
atteint la scolarisation universelle, puis suit le département
d'Agadès avec 38,8%, les départements de Diffa, Dosso, Maradi
et Tahoua qui ont des taux de scolarisation entre 25 et 30%, et
finalement les départements de Tillabéry et Zinder dont le taux
se situe entre 20 et 25%. En milieu rural, le taux de scolarisation
n'est que de 22,3%.
58,4% des classes sont en dur et 15,6% sont en paillote,
mais seulement 56% d'entre elles sont en bon état (13% sont en
mauvais état).
Parmi les 92.356 nouvelles admissions au C.I., 40,3% sont
des filles. Par contre, ce sont les garçons qui redoublent le plus
puisqu'ils représentent 62,4% des redoublants. Près de 46,5%
des redoublements s'effectuent au C.M.2. Les filles représentent
38,2% des effectifs du primaire. Les élèves de plus de 12 ans
dans le primaire représentent Il,6% des effectifs. Le taux de
redoublement est de 13%.
À la session de juillet 1996, le taux de réussite au
C.F.E.P.D. pour l'ensemble du pays était de 30,2% (29,8% pour
les filles et 30,4% pour les garçons), celui de l'entrée en sixième
de 31,2% (30,8% pour les filles et 31,5% pour les garçons). Là
également, nous constatons de grandes disparités entre les
inspections: au C.F.E.P.D. et à l'entrée en sixième, en haut du
tableau (taux supérieurs à 50%), l'inspection de Maïné Soroa a
respectivement comme taux de réussite 70,9% et 70,5%, celle de
Niamey «FA» 54,9% et 62,6%, celle de Tchirozérine 53,7% et
55,4%, celle d'Abalak 48,3% et 53,1 %. En bas du tableau (taux
inférieurs à 20%") nous trouvons trois inspections du
département de Maradi : Madarounfa avec seulement 10,1% de
réussite au C.F.E.P.D. et Il,2% à l'entrée en sixième, Tessaoua
avec 13,7% et 13,4% et Mayahi avec 19,7% et 20,1 % ; mais aussi
Birni'n Konni (17% et 20,2%), llléla (17,7% et 17,4%) et Téra
(16,3% et 16,4%).
Les femmes représentent 32,3% des enseignants. Le corps
enseignant est composé principalement d'instituteurs-adjoints
201
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(65,1%) tandis que les instituteurs sont 28,8%: nous sommes


loin des engagements de l'État à l'égard de la Banque mondiale
de réduire à 14% le nombre d'instituteurs dans le primaire.

En 1997, il Y avait dans l'enseignement secondaire 153


C.E.G dont 81% publics, 27 lycées dont 55,6% publics, Il
collèges (dont 8 publics) et 2 lycées franco-arabes, 4 écoles
normales et deux lycées techniques, soit seulement 199
établissements en tout. Les établissements comportant des
internats ne sont que 3%, ceux qui sont dotés de laboratoires
38%, de bibliothèques 32,2% et d'une clôture 46,2%: les
perspectives annoncées par la Banque mondiale ne sont pas
encore une fois réalisées. Les effectifs du secondaire s'élèvent à
97.666 élèves dont 83,3% sont dans le premier cycle.
Dans les établissements d'enseignement général du
secondaire, 12% des classes du premier cycle et 5,9% de celles
du second cycle ne sont pas utilisées. 81,6% des classes sont
construites en dur et Il,1 % en paillote. La plupart de celles-ci
(58,6%) sont en bon état. Parmi les nouveaux inscrits en sixième,
il y a 37,8% de filles et en seconde il n'yen a plus que 32,9%.
21,3% des élèves du secondaire sont des redoublants (21,2% de
filles et 21,4% de garçons). 40,2% des élèves ont réussi leur
B.E.P.C. (32,7% de filles et 44,3% de garçons) et 41,4% le
baccalauréat (39,4% de filles et 42% de garçons). Nous
observons des disparités régionales: dans le département
d'Agadès il n'y a que 32,6% de reçus au B.E.P.C. et 23,7% au
baccalauréat, alors qu'à Diffa il y en a 55,7% au B.E.P.C. et à
Tahoua 57,6% au baccalauréat. Les femmes représentent 25%
du corps professoral dans le premier cycle et 13,2% dans le
second. Si le niveau de qualification est convenable dans le
premier cycle puisqu'il y a 0,6% de certifiés, 19,9% de chargés
d'enseignement, 54,1 % de professeurs de C.E.G. et 14,3%
d'instituteurs, et dans le second cycle avec 6% de certifiés et
69% de chargés d'enseignement, nous devons tenir compte du
manque de formation pédagogique de ces professeurs,
notamment les chargés d'enseignement, qui sont majoritaires
dans les deux cycles et qui n'étaient pas programmés au cours
de leurs études pour l'enseignement.
202
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Dans les établissements franco-arabes de l'enseignement


secondaire, 91,4% des salles sont occupées dans les C.E.G. et
87,5% dans les deux lycées franco-arabes du pays à Niamey et à
Mirriah. La plupart des classes sont construites en dur; dans les
collèges seulement 3,8% le sont en paillote et aucune des classes
n'est en mauvais état; dans les lycées il y a 15 classes en dur et
une classe en paillote. Sur les 1.402 élèves inscrits en sixième,
35,2% sont des filles; sur les 137 élèves de seconde, 21,2% sont
des filles. Comme il n'y a que deux lycées franco-arabes, la
faible proportion de ce dernier chiffre par rapport à
l'enseignement général s'explique par le fait que les parents
hésitent souvent à envoyer leurs filles à plusieurs centaines de
kilomètres de chez eux, le B.E.P.C. étant encore jugé largement
suffisant pour le « sexe faible ». Le taux de redoublement est de
20,3%. Le taux de réussite au B.E.P.C. est de 37,4% (34,9%
pour les filles et 38,3% pour les garçons) et celui au baccalauréat
de 57,5% (100% pour les trois filles qui se sont présentées et
56% des 91 garçons). Dans les collèges franco-arabes, les
femmes représentent 14,5% du personnel enseignant, il n'y a
qu'un seul certifié, 34,2% de chargés d'enseignement, 26,3% de
professeurs de C.E.G. et 9,2% d'instituteurs. Dans les lycées
franco-arabes, il y a 20,5% de femmes enseignantes et 94,9% des
professeurs ont un niveau universitaire même s'il n'y a que 3
d'entre eux qui sont certifiés.
Les établissements techniques et professionnels sont au
nombre de deux: il s'agit du lycée technique de Maradi et du
lycée professionnel Issa Béri de Niamey. Sur les 49 classes de
deux établissements, 95,1% sont occupées. Les autres locaux
(ateliers, bibliothèque, logements, magasins, bureaux, réfectoires,
dortoirs, latrines) le sont tous. Sur les 280 élèves inscrits en
première année, il y a 21,1 % de filles. 10,4% des élèves sont
redoublants. Dans le lycée technique de Maradi, les admissions
au baccalauréat (les séries E, F et G représentent 50,3% des
élèves (68,4% chez les filles et 47,9% chez les garçons». Dans le
lycée Issa Béri de Niamey, il y a 61,9% d'admis au Brevet
d'aptitude professionnel industriel (préparé en deux ans), 79,2%
pour le B.A.P. tertiaire, 93,1 % pour le Diplôme d'aptitude
professionnelle industriel (préparé en trois ans) et 78,3% au

203
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D.A.P. tertiaire. Le niveau de qualification des enseignants est


assez élevé puisqu'il y a 38,6% de certifiés, 36% de chargés
d'enseignement et 9,6% de professeurs de C.E.G.
L'enseignement en école normale est dispensé dans 4
établissements: Mali Béro à Dosso, Bawa Jangorzo à Maradi,
Kaocen à Tahoua et Askia Mohammed à Zinder. 31,7% des 609
inscrits en première année d'école normale sont des femmes. Le
pourcentage de redoublement est faible (2,2%) et les taux de
réussite aux examens sont de 100%. Parmi les 101 enseignants,
il y a 2 certifiés, 41,6% chargés d'enseignement, 13,8% de
professeurs de CEG et 35,6% d'instituteurs.

204
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* * *
*

Entre la volonté de la Banque mondiale de réussir ses


plans d'ajustement structurels et celle des professionnels
nigériens de l'éducation d'adapter l'enseignement aux réalités
socioéconomiques du pays, la marge est étroite pour mener une
politique d'éducation constructive qui ne s'enlise pas dans des
conflits qui finissent par détruire le peu de motivation qui reste
encore chez les différents partenaires de l'éducation. La
nouvelle loi d'orientation sur l'éducation semble inscrite dans
cette voie, mais la fonction publique ne peut plus absorber la
plupart des diplômés. Alors, que faire? Peut-être continuer à
mettre en œuvre les réformes et les orienter en fonction des
résultats d'études du marché de l'emploi qui devrait s'ouvrir, si
développement économique il y a, vers la technologie, ne serait-
ce afin de rendre le Niger moins tributaire de ses importations.
Le développement du secteur privé s'impose et il est tout à fait
envisageable de développer des P.M.I./P.M.E. qui répondent aux
besoins des Nigériens et qui soient adaptées au contexte
économique de la sous-région (concurrence du Nigeria). Par
conséquent, ne serait-il pas judicieux de mettre en place un
enseignement technique dès le primaire et jusqu'au supérieur,
afin de former les ouvriers, les techniciens, les techniciens
supérieurs et les ingénieurs dont a besoin le Niger?

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Troisième partie

Les limites des politiques de


scolarisation110

110
Contrairement aux autres parties de ce livre, celle-ci a été rédigée
uniquement à partir d'observations et d'entretiens menés auprès des
responsables de l'enseignement au Niger, des enseignants, des élèves, et des
parents d'élèves afin d'être en mesure de mieux cerner leurs pratiques et leurs
représentations du système scolaire.
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Le système scolaire est en crise: des déscolarisés de plus


en plus nombreux vont rejoindre les exclus du système nigérien,
et si les relations de parenté ou de bara (dépendance d'un
apprenti à l'égard de son patron qui le forme sans lui donner de
l'argent) leur permettent par l'informel de survivre, ils sont de
plus en plus nombreux à être entraînés vers la délinquance voire
le banditisme. Ainsi, l'école déstructure l'organisation sociale
des populations nigériennes (sédentaires ou nomades) en les
privant de bras valides pour la production (agriculture,
artisanat, ...) et en les acculturant, puisqu'une fois engagés dans
le cursus scolaire, ils ne sont plus réceptifs à l'éducation
traditionnelle consistant à perpétuer les savoirs familiaux 0 u
claniques. De plus, ces élèves ont intériorisé de nouveaux
schèmes culturels en rupture avec leur milieu traditionnel: par
exemple dans leur livre de lecture, «La famille Boda », ils
apprennent comment vit une famille nucléaire de type
occidental avec M. Bada qui regarde la télévision ou son journal
en fumant sa pipe ou en caressant le chien dans sa belle maison
de type colonial après une dure journée de travail dans un
bureau de la ville, ce qui est très loin de correspondre au mode
de vie de la plupart des Nigériens, même si cela se rapproche
parfois de celui des enfants de fonctionnaires. Ces schèmes
culturels qu'ils intériorisent d'année en année ont pour
conséquence de transformer leurs aspirations socioéconomiques
vers un imaginaire en rupture avec leur identité culturelle.
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N'ayant pas pris conscience de leur propre culture, ils se


retrouvent sans repères face à cette culture occidentale véhiculée
par l'école. Celui qui peut goûter à la stabilité du fonctionnariat
peut encore se situer en adoptant différents traits culturels qui
correspondent à une situation sociale qui lui préexiste, mais celui
qui a échoué à la fois dans le système traditionnel et le système
moderne n'a plus vraiment la possibilité de trouver une place
dans la société: il ira grossir les rangs des bidonvilles de Niamey
puis des capitales côtières (Abidjan, Lagos, etc.) et peut-être
devenir immigré clandestin dans les pays occidentaux, si l'on en
croit la Banque Mondiale et le F.M.I. dont l'un des objectifs
principaux serait de ralentir ce phénomène.
Si à Niamey les parents se battent en utilisant leurs réseaux
de relation et leurs ressources économiques pour scolariser leurs
enfants dans les meilleures écoles, conscients que seuls les
meilleurs élèves disposant des plus hautes relations pourront
rentrer dans la fonction publique, dans les zones rurales du
Niger, des paysans refusent de scolariser leurs enfants et surtout
leurs filles pour des raisons parfois plus sociales (peur des
grossesses indésirées) qu'économiques (besoin pour la
production). Mais ces disparités ont déjà comme origine une
inégale répartition des établissements scolaires dans le pays:
l'Ouest a reçu plus d'infrastructures que l'Est ou le Nord, les
écoles primaires se sont implantées tout d'abord dans les chefs-
lieux, et si après l'Indépendance elles se développent dans les
campagnes, l'enseignement secondaire se cantonne aux chefs-
lieux de département voire d'arrondissement pour le premier
cycle, tandis que les lycées sont dans les principales villes et
l'université dans la capitale. Lorsque les internats sont supprimés
à partir de 1979 dans les collèges et lycées (excepté le lycée
technique de Maradi) pour des raisons de restrictions
budgétaires, les enfants des campagnes se trouvent alors le plus
souvent limités à une instruction primaire sans aucune chance. de
déboucher sur le fonctionnariat, et les filles déjà peu scolarisées
fréquentent difficilement l'école (mariage précoce durant les
vacances scolaires, migration vers des parents au Nigeria). Ceux
qui arrivent en ville doivent trouver un tuteur, et c'est souvent
dans des conditions déplorables (exploitation des enfants par les
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tuteurs, carences alimentaires liées à une sous-alimentation)


qu'ils essaient de mener leurs études.
Depuis qu'il est question de supprimer ou de diminuer les
bourses suite au programme d'ajustement structurel mené par la
Banque Mondiale et le F.M.I., ces élèves essaient alors de
défendre leurs intérêts matériels et moraux à travers le syndicat
de l'Union des Scolaires Nigériens qui exerce des pressions
(grèves, manifestations) sur le gouvernement nigérien. Or, ce
dernier fonctionnant grâce aux prêts des instances
internationales n'a pas un espace de liberté suffisant pour
décider et mener à terme une politique d'éducation au Niger qui
ne soit pas celle de la Banque mondiale et du F.M.I. Les projets
d'éducation que ces derniers tentent de mettre en application
sont contestés par le S.N.E.N. C'est essentiellement la « double-
vacation» (l'enseignant dispense son cours deux fois dans la
même journée à deux groupes d'élèves, ce qui évite de
construire une autre classe, de payer un autre enseignant) qui est
remise en cause par le S.N.E.N. Celui-ci considère en effet que
la qualité de l'enseignement est moindre car l'enseignant est
davantage fatigué, le nombre d'heures d'enseignement par
groupe est diminué d'un tiers par rapport aux autres classes,
donc il y a moins d'exercices d'approfondissement, de révision,
etc. Ainsi, ce sont encore les élèves des parents les plus
défavorisés qui sont les premières victimes de cette forme
d'enseignement: ne pouvant pas se payer des répétiteurs (cours
privés à domicile) ou fréquenter les écoles privées, ces élèves
sont condamnés à y effectuer leur scolarité. Celle-ci qui est
obligatoire, favorise encore plus les inégalités puisque le
redoublement étant interdit la première année et quasiment
impossible avant le C.M.2.; l'élève de milieu défavorisé a
encore moins de chance de réussir l'examen de fin d'études
primaires (C.F.E.P.D.), ce qui l'amène après deux échecs à
rejoindre les enfants qui sont déjà exclus du système scolaire. Ce
système permet de faire grossir abusivement le taux de
scolarisation du Niger, mais sûrement pas le taux
d'alphabétisation. Nous pouvons alors comprendre les parents
de milieu social modeste lorsqu'ils nous disent qu'ils préfèrent
ne pas scolariser ou retirer leurs enfants en cours de scolarité,
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d'autant plus qu'ils ne voient pas l'intérêt d'une scolarisation


pour acquérir des connaissances et des prédispositions pour un
avenir professionnel hypothétique, tout du moins dans la
fonction publique.

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Chapitrevn
Diversification des écoles et des formes
d'enseignement

S'il apparaît que l'enseignement expérimental a été une


réussite sur le plan pédagogique, dans la pratique il n'a jamais
été étendu à l'ensemble des écoles primaires et il est encore
considéré par les populations comme « un enseignement au
rabais ». Actuellement au Niger, la grande majorité de la
population ne parle pas le français, mais le hawsa à 85% selon
les estimations officielles. De plus, il s'agit d'une langue
commerciale et qui se répand en dehors des différents groupes
socioculturels hawsa. Alors qu'au Nigeria les étudiants peuvent
passer leur doctorat en hawsa, au Niger il est encore
inimaginable pour la plupart des parents, même fonctionnaires,
qu'il puisse exister une autre forme de scolarisation que celle
qu'ils ont connue jusqu'à présent. Ils acceptent de scolariser
leurs enfants pour qu'ils obtiennent un diplôme qui leur
permette de rentrer ensuite dans la fonction publique, et non pas
pour leur formation intellectuelle ou technique. En effet, rares
sont les enfants de fonctionnaires dans les écoles expérimentales.
Longtemps le préjugé d'infériorité des cultures et des langues
africaines a été véhiculé par l'école française et ses élèves l'ont
intériorisé au plus profond de leur conscience: devenir civilisé
ou intelligent n'était mesuré que par la capacité de l'individu à
obtenir des diplômes dont l'accès ne pouvait s'effectuer
autrement que par l'apprentissage de la langue française. Il leur
est donc difficile d'admettre que leurs langues maternelles ont
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subitement recouvré toutes les vertus susceptibles d'en faire


d'excellents véhicules des connaissances universelles parce que
les écoles expérimentales auraient montré que l'on peut
enseigner les matières scientifiques dans les différentes langues
nationales. Alors que de nombreux enfants nigériens sont en
retard scolairement à cause de l'usage d'une langue
« étrangère» dans les écoles, à savoir le français, n'arrivant pas
toujours à associer ne serait-ce des mots à des images et encore
moins les retenir, l'utilisation de la langue maternelle leur
permettrait de réagir plus promptement lorsqu'il s'agit de
comprendre ce qu'ils entendent, ce qu'ils lisent ou ce qu'ils
écrivent. Le monde dans lequel ils travaillent peut alors rejoindre
celui dans lequel ils vivent, et les parents sont davantage en
mesure de jouer leur rôle en matière d'éducation, c'est-à-dire de
suivre plus facilement les enfants, de les aider ou les conseiller
par rapport à ce qu'ils ont appris. Le lien entre l'école et son
environnement social ne peut être effectif que s'ils utilisent le
même instrument de communication.
Pour cela, à côté de l'utilisation des langues maternelles
puis du hawsa comme langue unitaire, les élèves des écoles
expérimentales sont initiés à un certain nombre de technologies
simples dans le cadre des Activités pratiques et productives
(A.P.P.) qui correspondent à celles qui sont utilisées dans leur
milieu socioculturel. Une coopérative scolaire s'occupe alors de
la vente des produits et de l'utilisation des revenus
correspondants. Afin de mieux connaître le milieu dans lequel
les élèves vivent, plusieurs matières sont regroupées dans une
discipline intégrée, l'étude du milieu. C'est le contact permanent
avec la nature et avec les valeurs sociales de son milieu qui doit
conduire les élèves à exploiter leur environnement.
Or durant la période coloniale, il y avait déjà au
programme les «activités dirigées », c'est-à-dire le dessin,
l'agronomie, le modelage, le découpage, etc. Des maîtres étaient
formés afin de guider les élèves dans ces activités. Après
l'Indépendance, les formations ont perdu de vue ces activités
dites dirigées, les maîtres n'ont plus appris à dessiner, à chanter
ou à faire de la musique. Pourtant le dessin, le chant et la
musique font partie du programme scolaire.

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À partir de 1985, l'enseignement des A.P.P. tel qu'il


existe dans les écoles expérimentales a été généralisé à
l'ensemble des écoles primaires, mais les maîtres se sont trouvés
devant la situation d'enseigner ces disciplines sans avoir été
formés au préalable. Nous avons remarqué que la très grande
majorité des maîtres ne savent pas conduire les A.P.P., ils ne
voient pas la liaison qu'il Y a par exemple entre la pratique du
jardin scolaire et l'enseignement théorique de l'agronomie, ou
entre le dessin et les mathématiques, le dessin et la géographie,
car ils n'ont pas appris à le faire. La plupart du temps, les A.P.P.
se résument à des séances de balayage dans les classes par
quelques élèves pendant que les autres jouent dans la cour et que
le maître attend passivement la fin de l'heure.
Si le but des A.P.P. est louable, puisqu'il s'agit de mettre
en place une liaison entre la théorie et la pratique et de permettre
ainsi à l'enfant sorti de l'école primaire d'être utile dans le
processus de développement économique et social de sa région,
les parents qui n'ont pas été sensibilisés par ailleurs, ont eu des
réticences à l'égard de ces activités qu'ils jugent parfois
dégradantes selon leur catégorie socioprofessionnelle ou leur
statut social traditionnel (comme le tissage ou la vannerie pour
les aristocrates). D'autres se sont indignés que leurs enfants
suivent ces activités qui ne sont pas prises en compte au
C.F.E.P.D., au lieu de travailler les autres matières, à commencer
par le français, bien plus utile puisqu'il s'agit de la langue de
l'administration. Comme tous les élèves ne peuvent devenir
bureaucrates et que le système scolaire nigérien est très sélectif, il
est nécessaire de récupérer ceux qui n'arrivent pas au C.F.E.P.D.
ou au B.E.P.C. en leur donnant les moyens de revenir chez eux
avec des connaissances qui leur seront utiles pour mener une
profession sans que cela ne les complexe. Mais pour certains
parents, cela signifie qu'à priori, le maître a déjà jugé leurs
enfants inaptes à poursuivre leur cursus scolaire, ce qui leur
apparaît comme une mesure discriminatoire. Finalement, le
manque de moyens et de formation pour mener correctement
les A.P.P. cache d'autres problèmes sociaux, l'école étant
encore considérée comme l'instrument de mobilisation sociale
par excellence. L'utilisation des langues nationales ou des

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A.P.P. à l'école représente un frein à ce désir de faire sortir ses


enfants d'un milieu qui apporte si peu de gratifications sociales
et économiques comparé à celui des fonctionnaires. Avant de
changer les programmes, il conviendrait de changer les
mentalités par des campagnes de sensibilisation auprès de
parents. La loi d'orientation sur l'éducation de 1998 (qui
instaure dans toutes les classes du primaire les langues nationales
tout en maintenant le français dans le secondaire comme langue
d'apprentissage, celui-ci étant appris comme langue étrangère
dès le primaire, ainsi que l'introduction d'A.P.P. qui
cOITespondent au milieu socio-économique des élèves), si elle est
appliquée après une véritable sensibilisation des populations,
devrait permettre au Niger de faire sortir au moins partiellement
son système scolaire de la crise.

À côté de l'enseignement expérimental et traditionnel, il


existe depuis 1957, un enseignement islamique qui a connu un
certain succès auprès des populations, mais qui lui aussi est en
crise du fait qu'il n'existe pratiquement pas de débouchés. La
première médersa est créée à Say par l'arrêté du 26 décembre
1957 suite à l'initiative de Djibo Bakari. Ce dernier et son parti
alors au pouvoir préparant les élections, souhaitaient récupérer
un électorat attaché aux valeurs musulmanes, notamment les
Hawsa. Comme beaucoup de notables ne voulaient pas scolariser
leurs enfants à l'école française qu'ils appelaient «école des
cafres» (<<école des infidèles»), cette médersa a été créée, mais à
cette époque l'enseignement ne comportait que la langue arabe
et les études islamiques; les enseignants étaient des marabouts
de Say encadrés par des coopérants égyptiens. En fait, les
marabouts de Say ne maîtrisaient pas vraiment l'arabe et même
s'ils savaient lire le Coran, ils n'étaient pas capables de le
traduire. C'est la raison pour laquelle la présence d'encadreurs
égyptiens a été jugée nécessaire.
Mais lorsque le Sawaba a perdu les élections et que le
R.D.A., soutenu par la France, a occupé le pouvoir (première
République), ce dernier a voulu tout d'abord fermer la médersa
de Say, mais comme elle répondait aux aspirations d'un certain
nombre de familles musulmanes influentes, il a été décidé de la
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garder. Mais pour le R.D.A., continuer dans cette même lancée,


c'était adopter la même philosophie que le Sawaba, ce qui
n'était pas acceptable. C'est la raison pour laquelle un
changement a été opéré dans les programmes d'enseignement.
Comme le R.D.A. était appuyé par la France, la meilleure
manière de contenter la France a été d'introduire le français
comme l'une des deux langues d'enseignement. C'est ainsi que
le décret du 30 avril 1965 rattache les médersas au Ministère de
l'Éducation nationale alors qu'avant elle dépendait du Ministère
de l'Intérieur. L'arrêté du 2 janvier 1966 organise le statut des
médersas dans lequel le but devient « de dispenser
l'enseignement des langues française et arabe en vue de
développer chez les élèves toutes les facultés physiques et
intellectuelles, de leur donner une solide éducation morale et
civique, ainsi que l'amour du travail. La médersa se propose
ainsi d'inculquer aux élèves le désir d'apporter, à l'issue de
leurs études, une contribution efficace au progrès économique et
social du pays ». C'est un inspecteur de l'Arabie Saoudite,
Abdalah Falat, qui a pour tâche d'organiser l'enseignement
arabe: les marabouts de Say sont remplacés par des enseignants
égyptiens, tandis que les infrastructures sont financées par
l'Arabie Saoudite et la Libye. Ainsi, plusieurs médersas sont
construites par les pays arabes à Say, Dosso, Agadès, Maradi,
Konni, Madaoua, etc. ; il Y en avait déjà 35 en 1973. Mais le
problème était que les élèves sortaient avec leur certificat mais
sans débouchés. De plus, cet enseignement restait tributaire de la
coopération des pays arabes en ce qui concerne les crédits, les
livres et les enseignants. En 1973, un C.E.G. franco-arabe à
Niamey peut enfin accueillir dans le premier cycle de
l'enseignement secondaire les élèves issus des médersas. La
Libye finance (à raison de 275.000.000 francs CFA) un Institut
islamique qui dispense un enseignement secondaire menant
jusqu'au baccalauréat dans lequel le C.E.G. franco-arabe est
transféré. Mais cette politique d'arabisation du Niger menée par
la Libye, où il était question que l'arabe soit promu au même
niveau que le français, est abandonnée suite au coup d'État du
lieutenant-colonel Seyni Kountché en 1974. Ce n'est qu'en
1979 que la Direction de l'enseignement arabe sera créée.
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En 1993, il n'y a que deux établissements secondaires


franco-arabes, l'un à Niamey et l'autre à Zinder. Celui de
Niamey accueille les élèves de Niamey, Tahoua, Tillabéry et
Dosso, celui de Zinder ceux de Zinder, Diffa, Maradi et Agadès.
En limitant ainsi les possibilités d'accès au secondaire des élèves
du primaire franco-arabe, nombreux sont les élèves qui sont
ainsi exclus de l'école. Comme ces deux C.E.G. ne peuvent pas
prendre tous les élèves sortant des médersas, la sélection s'opère
avec le concours d'entrée en sixième et également par une
grande partie des parents qui refusent tout simplement que leurs
filles continuent leurs études au collège, préférant parfois les
marier à 13 ou 14 ans. Mais c'est aussi les grandes distances
entre le lieu de résidence de la famille et les deux C.E.G. qui
limitent la scolarisation dans le secondaire. Ainsi, lorsqu'un
enfant de 12 ans vient de Bilma pour étudier à Zinder, il se
retrouve dans un autre monde car il y a près de 1.000 km entre
sa médersa et son collège: tout a changé pour lui,
l'environnement, la langue, la culture. Il lui faut par ailleurs
trouver un tuteur qui accepte de le loger et de le nouITir, et par
conséquent que l'élève reçoive une bourse pour le payer. Or
nous pouvons en témoigner, les conditions de vie chez les
tuteurs sont souvent très difficiles, et quand la bourse ne tombe
pas, les élèves doivent parfois travailler en dehors de l'école
pour subvenir à leurs besoins. Lorsque les élèves sont des filles,
le tuteur ou l'un de ses fils peuvent parfois abuser de celles-ci
qui, une fois enceintes, n'osant accuser leur protecteur ou les
enfants de celui-ci, avortent clandestinement ou deviennent filles
mères et arrêtent alors leurs études, ne pouvant regagner leur
famille (notamment en milieu rural où les parents se sentent
déshonorés), sombrant parfois dans la prostitution. Cette peur
des grossesses indésirées est à l'origine de la réticence des
parents à scolariser leurs filles à l'âge de la puberté et après.
Il faut attendre la fin des années 1990 pour voir apparaître
de nouveaux établissements grâce aux financements des pays
arabes: chacune des 8 régions du Niger se voit dotée au moins
d'un C.E.G. franco-arabe, et en 1998 il Y avait déjà 105 classes
de C.E.G. et 16 dans les deux lycées franco-arabes à Niamey et
à Mirriah. Si encore aujourd'hui une majorité de parents
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refusent d'amener leurs enfants à l'école traditionnelle en


langue française, c'est souvent parce que la religion musulmane
n'y est pas enseignée, du moins c'est ce qui ressort de nos
entretiens. Pour eux, il ne peut y avoir d'éducation en dehors
d'un cadre islamique, celui-ci étant jugé en adéquation avec les
pratiques et les représentations du milieu.
Alors, pour quelles raisons l'enseignement franco-arabe
est-il lui aussi en crise, alors que les populations lui sont
favorables et que les C.E.G. commencent à être répartis dans
l'ensemble du Niger?
Il Y a tout d'abord un grave problème de formation
puisque celle-ci était effectuée en français dans les écoles
normales et que les encadreurs ont dû suivre leur cursus
pédagogique dans les pays arabes. Ce n'est qu'en 1994 qu'une
première section d'arabe a été créée à l'école normale de Dosso.
Les formateurs qui sont nigériens ont été formés à l'école
pédagogique du Caire. Lors de nos enquêtes en 1993 et 1998
dans les écoles franco-arabes, nous avons dû mener une partie
des entretiens avec les professeurs d'arabe en arabe ou en hawsa,
ces derniers ne maîtrisant pas suffisamment le français pour
comprendre nos questions ou y répondre correctement,
notamment lorsqu'ils enseignaient dans les médersas privées.
Lors de nos observations dans les classes, nous avons remarqué
une très forte disparité dans l'enseignement chez les enseignants,
que ce soit au niveau de la malîrise de l'arabe ou des
compétences pédagogiques. Par ailleurs, tous les enseignants que
nous avons rencontrés ont témoigné de leur désarroi face au
manque d'encadrement et de matériel didactique. Comment
effectuer par exemple un cours en s'appuyant sur un livre
libyen dans lequel on trouve systématiquement des références au
régime de M. Khadafi et de sa révolution verte? Tout comme
les écoles expérimentales, les écoles franco-arabes n'ont pas
reçu toute l'attention du Ministère de l'Éducation nationale qui
comporte encore de farouches opposants à la généralisation de
l'arabe, langue qui n'est parlée couramment que par une très
faible minorité de la population (moins de 1%). Il faut dire que
l'enseignement franco-arabe est essentiellement financé par les

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pays arabes, même s'il est organisé par la Direction de


l'enseignement arabe.
Comme la religion musulmane est en fait peu enseignée,
pas plus de deux à trois heures par semaine dans les médersas
publiques, cela déçoit certains parents qui préfèrent alors les
envoyer chez un marabout, dans l'enseignement informel ou
non- formel, les établissements franco-arabes privés, présents
seulement à Niamey et Maradi, n'étant pas assez nombreux pour
répondre à leur demande. Ainsi, nous avons observé dans la
médersa privée «Moufida» à Maradi que si les programmes
d'enseignement sont les mêmes que dans le public, l'éducation
religieuse représente près d'un tiers des enseignements
dispensés. En définitive, l'apprentissage de l'arabe ne semble
être là que pour mieux comprendre les textes religieux, celui du
français (dont les enseignants sont d'un faible niveau si on les
compare à ceux du public, alors que les enseignants d'arabe
sont d'un niveau équivalent ou supérieur) est considéré comme
secondaire, ce qui se traduit dans la pratique par un manque
d'intérêt des élèves pour le français, ceux-ci profitant souvent
des cours de français pour réviser leurs leçons d'arabe. En
conséquence, leur niveau en français est bien plus faible que
celui des écoles publiques, alors que cela devrait être le contraire
en raison des grèves assez fréquentes dans le public.
Après le lycée franco-arabe se pose le problème des
débouchés. L'université islamique de Say, ouverte en 1986 sous
l'égide de l'Organisation de la Conférence Islamique (O.C.I.)
financée notamment par l'Arabie Saoudite et le Koweït, qui
accueille des étudiants de plus de vingt nationalités, n'a pas de
relations privilégiées avec la Direction de l'enseignement arabe.
Par ailleurs, il s'agit d'une université internationale
indépendante qui n'a pas encore vraiment fonctionné, étant
souvent fermée elle aussi pour des problèmes budgétaires (suite
à la guerre du Golfe). Alors il ne reste que les bourses octroyées
par les agences musulmanes des pays arabes pour continuer ses
études, mais que faire d'un doctorat en sciences islamiques une
fois revenu au Niger? Les places dans la fonction publique 0 Ù
l'arabe est un critère sélectif sont rares: nous avons
principalement l'enseignement, la traduction, les affaires

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étrangères et la coopération dans les pays arabes. En fait,


l'enseignement franco-arabe présente bien moins de débouchés
que l'enseignement traditionnel même s'il permet aux étudiants
de suivre parfois des formations techniques ou scientifiques dans
les pays arabes. C'est l'une des raisons pour lesquelles les
parents ne déploient pas l'engouement espéré pour cette forme
d'enseignement finalement assez discriminatoire jusqu'à ces
dernières années, puisque seuls les meilleurs élèves arrivaient
après le primaire franco-arabe à suivre l'enseignement dans les
C.E.G. classiques. Apprendre deux langues «étrangères », le
français et l'arabe, se révèle bien difficile pour des élèves qui
devraient bénéficier tout d'abord d'un enseignement dans leur
langue maternelle. De nombreux parents préfèrent alors opter
pour une éducation purement religieuse chez les marabouts et
envoyer leurs enfants dans les écoles publiques traditionnelles
afin qu'ils aient quand même une chance de devenir
fonctionnaires. La médersa franco-arabe n'est donc pas assez
tournée vers la religion pour les puristes et n'offre pas assez de
débouchés pour les opportunistes.

L'enseignement privé permet à certains nigériens


« éclairés» de faire bénéficier leurs enfants d'une scolarisation
moins hasardeuse, notamment durant la dernière décennie, afin
d'éviter grèves et autres perturbations si familières du secteur
public. Si certaines écoles privées préparent mieux les élèves au
cycle supérieur, d'autres les récupèrent afin de leur donner une
troisième chance pour réussir leurs examens, C.F.E.P.D.,
B.E.P.C., ou Baccalauréat. Mais ces établissements ont des frais
d'inscription assez élevés, ce qui en limite l'accès à une minorité
de la population. Rares sont les élèves de basses conditions dans
ces écoles où l'on retrouve essentiellement les enfants de
fonctionnaires et de commerçants.
Ce sont les missions chrétiennes catholiques et protestantes
qui ont initié l'enseignement privé au Niger, ainsi que
l'enseignement préscolaire. Si dans les premiers temps, seuls les
Blancs et les chrétiens africains des pays côtiers y inscrivaient
leurs enfants, par la suite, grâce notamment aux bons résultats
enregistrés par ces écoles localisées essentiellement dans les
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centres urbains, des Nigériens, notamment des fonctionnaires


vont y amener leurs enfants. Depuis quelques années, nous y
trouvons également ceux de grands commerçants musulmans,
qui tiennent à ce que leurs enfants soient scolarisés dans de
bonnes conditions. Si actuellement, ce sont toujours ces écoles
qui affichent les meilleurs résultats (près de 100% de réussite au
C.F.E.P.D.), d'autres écoles privées vont être créées toujours
dans les grands centres urbains afin de répondre à la demande
des parents.

«En 1966, un ancien instituteur, Lamine Koulibaly, a constaté un


taux élevé de déperdition scolaire tant au niveau primaire qu'au niveau
secondaire. TIa remarqué qu'il y avait beaucoup d'élèves dans la rue, rejetés par
le système public, et il n'existait pas à l'époque d'écoles privées pour leur
donner une seconde chance. Alors il s'est dit: au juste, ces enfants ne sont pas
tous des incapables, on peut les récupérer, il faut agir en faveur de cette
jeunesse. C'est ainsi qu'il a initié un collège, !AKO, IAKO ça veut dire
LAmine, KOulibaly. il a commencé par créer une école primaire LAKO. Alors il
a demandé aux parents des élèves renvoyés du système public d'envoyer leurs
gosses là-bas, moyennant bien sOI quelque chose, de quoi payer les
enseignants, donc c'est comme ça qu'il a commencé à développer son école
primaire, à Niamey, en 1966. De l'école primaire, ça s'est étendu au collège, et
maintenant jusqu'au lycée. Et de Niamey ça s'est étendu à Zinder en 1970 puis à
Maradi. Au début tout le monde l'observait car il n'y avait que les écoles
missions et le collège LAKO. Ensuite, il y a eu des expatriés qui ont remarqué
que cette école privée marchait bien, qu'il n'y avait pas suffisamment d'écoles
privées, et qu'il fallait donc créer de nouvelles écoles: il y a eu une éclosion de
plusieurs écoles privées, particulièrement au primaire, comme La Réussite, La
Renaissance. Ensuite, lorsque le gouvernement a compris que c'est un secteur
qui méritait une attention particulière, il a rédigé en 1970 une loi pour régir
l'enseignement privé et un décret d'application de cette loi qui est toujours en
vigueur aujourd'hui. En 1992, nous avons actualisé la loi et le décret vient
d'être approuvé par le gouvernement» (Dan Baba Tahirou, directeur de
l'enseignement privé).

En général, ces établissements ne comportent que des


classes terminales afm de préparer les élèves à passer diplômes
et concours:
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« Les élèves sont formés en vue de prendre part aux examens du BEPC
et se présenter à tous les concours d'entrée dans les établissements de
formation (exemples: E.N .A. École normale de B~ako, etc.). Les meilleurs
111
élèves peuvent être admis en classe de seconde»

Néanmoins, tous les parents ne peuvent se permettre


d'inscrire leurs enfants dans ces établissements privés. Les droits
d'entrée dans les écoles missions s'élèvent à 25.000 francs CFA
pour les frais de scolarité et les parents doivent acheter toutes les
fournitures scolaires (livres, cahiers, bics, crayons). Au CM2, cela
revient à 15.000 francs CFA de fournitures scolaires, soit en tout
40.000 F par an et par enfant, ce qu'un paysan n'est pas en
mesure de payer. Avec les arriérés de salaire dans la fonction
publique, les écoles missions pratiquent le fractionnement en
deux ou trois fois des frais d'inscription. Dans les établissements
Sahel, les droits d'inscription sont de 2.000 francs CFA et les
frais d'études de 38.000 F CFA, soit 40.000 F C.F.A pour
l'année dans le premier cycle de l'enseignement secondaire. Le
coût du deuxième cycle revient à 105.000 F CFA par année.
Dans les établissements LAKO, les versements sont également
fractionnés: 22.000 F CFA à la rentrée, 13.000 F CFA en
décembre et 8.000 F CFA en avril, soit en tout 43.000 F CFA.
Finalement les coûts de l'enseignement privé varient en fonction
du niveau socioéconomique de leur «clientèle », le plus élevé
étant le cours Lafontaine situé à Niamey (387.000 francs CFA),
qui ne recrute principalement que les enfants de coopérants et
ceux des hauts fonctionnaires ou des grands commerçants de la
capitale. Le critère de sélection étant économique, la limite de ce
type d'enseignement est qu'il ne concerne principalement que
les enfants de fonctionnaires et uniquement en milieu urbain. Il
redonne une seconde chance à ces élèves qui peuvent en cas de
réussite se présenter aux différents concours de la fonction
publique. Par conséquent, l'autre limite est qu'il n'est pas plus
performant que le public puisqu'il est question de passer ou de

111
Établissement scolaire privé tAKO, statut du 29 septembre 1975 modifié
par le procès-verbal du 7 juin 1997, République du Niger, Archives de la
préfecture de Maradi.

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repasser les mêmes diplômes. Par ailleurs, il existe également des


établissements privés de formation professionnelle
essentiellement sur Niamey comme les centres ou les écoles de
dactylographie, de secrétariat ou de comptabilité qui proposent
des formations souvent plus lucratives qu'efficaces, sans être
trop exigeants sur le niveau d'entrée des élèves.

Un système scolaire en crise

La déperdition scolaire est très importante au Niger puisque


le système est fortement sélectif. Dans les années 1980 et 1990,
le taux de scolarisation fluctue autour de 30%, ce qui
correspond à l'évaluation de la proportion des élèves inscrits à
l'école primaire par rapport à la population scolarisable, mais ce
qui témoigne également d'une augmentation des retraits des
enfants au cours de leur scolarité. Une étude menée en 1987 par
la Direction des statistiques scolaires montre que sur 1.000
enfants inscrits au C.I., 46% des élèves abandonnent les bancs de
l'école suite à leur décision ou à celle de leurs parents, mais
aussi pour cause de mariage concernant les jeunes filles, et
lorsqu'il y a un manquement au règlement intérieur de
l'établissement. La sélection par le biais du C.F.E.P.D. et de
l'entrée en sixième ne s'effectue que par la suite: sur les 540
élèves qui arrivent au C.M.2, seulement 41,7% accèdent à
l'enseignement secondaire. Cette déscolarisation résulte d'un
décalage entre l'idéologie avancée pour justifier l'orientation
des politiques scolaires ainsi que les représentations du fait
scolaire intrinsèques à la demande d'éducation, et des pratiques
qui reposent davantage sur des données conjoncturelles puisque
les produits de l'institution scolaire varient dans le temps: la
promotion sociale par le biais des études autrefois fondée, est
aujourd'hui dépassée, certaines filières auparavant très prisées
pour les débouchés qu'elles offraient sont par la suite devenues
sans intérêts, mais au niveau des représentations des parents
d'élèves ou des étudiants, voire même des enseignants, elles
restent ce qu'elles ont été et non ce qu'elles sont dans la réalité
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du moment. Les stratégies socio-éducatives qui sont donc mises


en place par rapport à des données antérieures ne peuvent
qu'être en décalage avec la réalité. Leur réajustement est
nécessaire, mais ce n'est qu'une infime partie de la population
(certains fonctionnaires) qui peut avoir accès à ces nouvelles
données, ce qui leur permet d'anticiper sur la masse et donc de
bénéficier en premier des opportunités qui deviennent par la
suite caduques. Il faut donc avoir le souci de s'informer
régulièrement auprès des fonctionnaires qui ont une
connaissance du champ scolaire, du marché du travail et des
diplômes requis pour accéder aux formations et donc aux postes
les plus intéressants. Mais la grande majorité des Nigériens est
tenue à l'écart de l'actualisation de ces données et dans certaines
campagnes reculées, on commence tout juste à croire que
l'école représente la voie royale vers le fonctionnariat, puisque
cela a été le cas pendant les deux décennies qui ont suivi
l'Indépendance. Dans la réalité, c'est-à-dire dans les années
1980 à 1990, les taux de réussite aux examens ont sensiblement
baissé et moins d'un élève sur quatre accède à la sixième, pour
les autres, l'échec scolaire est la règle. Au mieux il conduit au
désœuvrement, au pire il alimente la délinquance d'une jeunesse
désorientée et incapable de trouver sa place dans la société. Il
n'est donc pas étonnant que la fréquentation scolaire soit en
baisse et il est difficile de reprocher aux parents d'orienter leurs
enfants dès le plus jeune âge vers des activités rémunérées qui
favorisent leur intégration dans la société et les préparent à un
métier utile, au lieu de les envoyer dans une école qui leur
apporte des connaissances qu'ils ne pensent pas pouvoir
valoriser par la suite puisqu'ils n'ont que la perspective d'un
avenir bouché.
Alors que les hauts fonctionnaires parviennent à scolariser
leurs enfants précocement (6 ans), la majorité des parents de
milieux modestes attendent que leurs enfants aient dépassé l'âge
officiel établi (7 ans) pour les inscrire à l'école, soit plus d'un
an après les autres. Ces enfants qui arrivent à l'école déjà trop
âgés sont souvent exclus de l'école après un redoublement ou
un échec au concours d'entrée en sixième. Comme ce sont des
quotas qui régulent les entrées en sixième par le biais d'un

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concours suite au C.F.E.P.D., une fois que les meilleurs sont pris,
les autres peuvent redoubler à condition que leur âge le
permette. Sinon, il reste le privé, mais comme la grande majorité
des parents est socialement et économiquement défavorisée, elle
n'est pas en mesure de payer l'inscription ou d'envoyer ses
enfants dans les villes avec les frais que cela comporte même si
la solidarité familiale peut jouer. De faibles revenus et un
nombre important d'enfants empêchent souvent les parents de
redonner une seconde chance à leurs enfants. Ce sont
notamment les parents qui ne sont pas salariés comme les
paysans qui n'étant pas en mesure d'obtenir des prêts de leur
employeur ou d'un banquier, sont contraints de mettre fin à la
scolarité de leurs enfants. En effet, ne pouvant payer les
fournitures demandées par le maître, ces élèves sont renvoyés au
bout d'un mois ou deux, sans avoir été réellement en mesure de
travailler en classe. C'est ce qu'un jour j'ai essayé d'expliquer à
un représentant de la Banque mondiale venu voir s'il était
possible que les parents soient en mesure de payer les
fournitures scolaires de leurs enfants: devenir déscolarisé à
cause du trop faible pouvoir d'achat des parents représente un
coût plus important pour la société que les dépenses
occasionnées pour l'achat des fournitures scolaires par celle-ci.
Mais pour comprendre cela, il est nécessaire de se promener en
dehors des principales villes du Niger où le paiement des
fournitures pose moins de problèmes, puisque l'argent circule.
Dans les campagnes, les paysans qui arrivent tout juste à
l'autosuffisance alimentaire n'ont que très rarement de l'argent
sur eux puisque les récoltes sont déjà achetées par les
commerçants qui leur fournissent à crédit durant le reste de
l'année nourriture et produits de première nécessité.
Ainsi, des enfants sont contraints d'abandonner les bancs
de l'école et cette déperdition devient de plus en plus importante
chaque année. La plupart sont des mineurs sans qualification
professionnelle et n'ont pas le capital scolaire nécessaire pour
être salarié en ville. Ils sont renvoyés dans leur milieu d'origine
en qualité de «déchets scolaires », mais une fois au village, ils
méprisent les travaux manuels qu'ils trouvent salissants et
dégradants pour des jeunes qui ont fréquenté l'école. Ces

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enfants qui n'ont pas pu devenir «quelqu'un» peuvent


difficilement réintégrer leur milieu social d'origine parce qu'ils
ont le sentiment d'être étrangers et surtout inutiles, car les 7 à 8
années qu'ils ont passées dans le primaire ne les ont pas rendus
productifs pour autant. Comme le système scolaire n'est orienté
que vers l'acquisition du diplôme qui représente l'unique forme
d'évaluation des élèves sur le marché du travail, ils sont
considérés comme des «bons à riens» et représentent pour les
familles un manque à gagner considérable sachant que par la
suite, ils peuvent difficilement se remettre aux travaux
champêtres, l'école les ayant déracinés. C'est la raison pour
laquelle les parents de milieu modeste scolarisent au mieux un
ou deux enfants, les garçons de préférence, l'école étant pour
eux plus une source de dépenses que d'enrichissement. Ce ne
sont pas les A.P.P. telles qu'elles ont été enseignées dans les
années 1980 et 1990, qui permettent aux élèves déscolarisés de
retourner à la terre. L'élève est arraché à son milieu qui n'est
pas valorisé dans les enseignements qui le placent dans une
situation de conflit avec son milieu d'origine une fois exclu du
système scolaire. Ces enfants rejetés à la fois par l'école et leur
famille courent alors les risques du désœuvrement, allant de la
prostitution à la petite délinquance, voire au grand banditisme.
Actuellement, ce sont les élèves qui ont été déscolarisés au
collège qui, n'ayant pas le B.E.P.C., n'arrivent pas à trouver un
emploi et ce phénomène commence à toucher les lycéens qui
ont échoué au baccalauréat. L'école les a ouverts sur un monde
qui ne correspond pas à celui de leurs parents: tout en ne
reconnaissant ni ce dernier, ni l'autorité qui émane de leurs
parents, ils cherchent par tous les moyens à rentrer dans celui
qu'ils ont intériorisé sur les bancs de l'école. N'ayant pas
d'argent, ces anciens élèves vont être attirés par les « lumières»
de la ville, mais n'auront accès qu'à un milieu de petits
délinquants, leur principal lieu d'accueil, et en les fréquentant
finiront souvent par devenir comme eux. Or cette situation n'est
pas nouvelle puisqu'en 1973 le Ministre de l'Éducation
nationale constatait avec amertume que sur 100 élèves qui
rentraient au C.I., seulement 8 accédaient en sixième et 2 au
baccalauréat. Actuellement, si plus d'élèves accèdent au collège
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et au lycée, la pratique des quotas révèle une volonté politique


de limiter la scolarisation du plus grand nombre, que cela soit en
adéquation avec le marché du travail ou pas, sans les préparer à
réintégrer les structures de production de leur milieu d'origine.
Cette distanciation opérée par l'école est sans doute la première
cause de la montée de la délinquance et de la prostitution chez
les mineurs au Niger. Depuis que l'embauche à la sortie du
système scolaire n'est plus automatique, ce sont alors des
diplômés qui viennent rejoindre les déscolarisés dans la rue, avec
sans doute plus de rancœur à l'égard du système scolaire.
Pour les élèves scolarisés, depuis la fin des années 1980,
les manifestations et les grèves qu'ils acceptent par solidarité
avec les syndicalistes de l'V.S.N. et du S.N.E.N. ne leur
permettent pas de bénéficier d'années scolaires « normales ». TIs
accumulent ainsi plusieurs mois de retard dans l'avancement des
programmes, et parfois cela débouche sur une année blanche.
Ainsi, pour l'année scolaire 1992-1993, la rentrée s'est
effectuée le 22 octobre au lieu du 15 septembre: les élèves sont
présents, mais le matériel didactique fait défaut pendant 2 mois.
À la fin février, les enseignements ne sont dispensés que depuis
2 mois. TIy a bien un accord qui est établi entre les syndicats et
le gouvernement puisque l'année scolaire peut être prolongée
au-delà de son calendrier habituel. Néanmoins, les cours sont
arrêtés à plusieurs reprises par les syndicats qui réclament à juste
titre le paiement des arriérés de salaire: l'année scolaire 1992-
1993 est annulée dans le secondaire, le B.E.P.C. et le
baccalauréat ne sont pas délivrés et dans l'enseignement public,
aucun passage en classe supérieure n'est autorisée. Dans les
établissements privés, celui-ci est autorisé, mais les classes
d'examen (troisième et terminale) doivent être obligatoirement
redoublées en raison de l'impossibilité de passer les examens.
Lorsque l'année se déroule normalement, certains
collèges ou lycées n'ont pas toujours assez d'enseignants pour
les différentes disciplines depuis que le civiquat a été supprimé
au début des années 1990, notamment dans les matières
scientifiques. Dans les écoles primaires en milieu rural, il n'y a
souvent pas plus de trois classes qui regroupent chacune deux
sections: C.I./C.P., C.E.l/C.E.2., C.M.l/C.M.2, ce qui a des
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conséquences sur le niveau des élèves puisque le maître doit


s'occuper de deux niveaux en même temps. Plus les écoles sont
éloignées de la capitale ou des différentes inspections primaires,
plus il y a des problèmes pour y acheminer des fournitures:
souvent, il n'y a pas assez de matériel didactique, notamment
pour les élèves, parfois c'est le camion ou l'essence qui
manquent, d'autres fois c'est l'acheminement des enseignants
qui ne peut pas être fait. Dans les années 1990, la formation
d'enseignants en moins de 3 mois est courante; qu'ils aient le
niveau B.E.P.C. ou baccalauréat, ils ont l'obligation de tenir une
classe en brousse durant leur première année. Afin de combler
les postes vacants, ce sont parfois des enseignants du secondaire
à qui l'on impose de venir enseigner au primaire: cette
obligation qui s'exerce à l'égard des enseignants ne favorise
guère leur sens du devoir et la notion de travail bien fait. Selon
les inspecteurs de l'enseignement primaire, l'effectif
« pléthorique» des femmes en milieu urbain occasionne de
multiples remplacements à cause des congés de maternité: ne
pas suivre ainsi les classes durant l'année entière a pour
conséquence un manque de motivation qui se ressent aussi bien
de la part des élèves que des enseignants. Plus les enseignants
sont affectés loin des inspections régionales, moins ils sont
encadrés: déjà, les inspecteurs ne sont pas assez nombreux (en
1994 il n'y avait qu'un inspecteur pour 206 enseignants), mais
également le manque de moyens d'action (véhicules et/ou
carburant) limite tout d'abord le suivi et le contrôle des maîtres
éparpillés dans les écoles de village, où finalement, ils restent
livrés à eux-mêmes.
Mais si certains ont bien voulu nous faire croire que
l'équation à résoudre est comment développer à la fois sur le
plan qualitatif et quantitatif l'enseignement primaire dans un
contexte marqué par les contraintes financières et
démographiques, nous constatons que cela permet d'éviter de
poser le double problème de la résistance culturelle à l'école et
de la violence symbolique engendrée par l'arbitraire culturel des
systèmes scolaires. Si ce dernier s'exprime par une langue
d'enseignement et des schèmes culturels étrangers, c'est-à-dire
d'une manière explicite, il n'est pas étonnant que la pédagogie
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soit essentiellement limitée à des violences verbales et physiques


et que les enseignants aient du mal à appliquer les nouveaux
programmes. Néanmoins, comme les avantages qui étaient
octroyés aux élèves en compensation, comme la garantie de
trouver un emploi à la sortie de l'école ou celle d'obtenir une
bourse à partir du secondaire ou du supérieur, ne sont plus, il est
dorénavant nécessaire que les enseignants changent de
comportement à l'égard des élèves: les nouveaux programmes
de 1987 dont le contenu est fortement inspiré de ceux des écoles
expérimentales, introduisent un autre rapport élèves/maître qui
témoignent de ce changement. La loi d'orientation de
l'éducation de 1998 instaure la généralisation des langues
nationales dans l'enseignement et l'introduction d'A.P.P. qui
soient en relation directe avec le milieu socio-économique des
élèves.
Si durant les années 1960 à 1980 les dirigeants africains
ont posé comme postulat que l'école était source de richesses
économiques et donc «moteur du développement », instrument
principal de mobilité sociale, elle apparaît dans les années 1990
comme une institution perçue dans son rôle inégalitaire de
reproduction sociale, telle qu'elle existe dans les pays
occidentaux. Alors que les politiques d'ajustement structurel
favorisent la recrudescence du chômage chez les nouveaux
diplômés, elles encouragent indirectement la corruption et le
clientélisme chez ceux qui peuvent avoir des relations auprès des
différents ministères de l'État afin de décrocher les rares
emplois qui existent. TI n'est donc pas étonnant de constater
auprès des populations nigériennes que l'image de l'école se
dégrade, ce qui se traduit par la dévaluation du métier
d'enseignant qui par ailleurs est déprécié par la baisse du niveau
de vie que le personnel enseignant a dû subir suite à la
dévaluation du franc CFA en 1994 et les arriérés de salaires qui
l'obligent à emprunter à des taux élevés. Vouloir maintenir le
système éducatif nigérien tel qu'il a été établi par les
colonisateurs ne peut plus être considéré comme un moyen
d'unifier la nation.
Finalement, ce ne sont essentiellement que les enfants
provenant de milieux aisés (certains fonctionnaires et

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commerçants) qui peuvent échapper à ce système, ayant la


possibilité d'être scolarisés à l'étranger, que ce soit en Afrique
ou en Europe, et d'ajuster leur trajectoire scolaire aux
opportunités professionnelles du moment. Par exemple, le
manque de centres de formation technique et professionnelle
leur permet d'espérer obtenir des emplois nouveaux dans ces
secteurs, ou tout du moins ne pas faire partie de I'i~mense
majorité des étudiants qui sont dans des filières totalement
bouchées comme en faculté de lettres et de sciences humaines.
En plus, ces privilégiés ont parfois la possibilité de travailler à
l'étranger où leurs connaissances et leurs diplômes sont
appréciées, ce qui est loin d'être le cas de leurs camarades restés
au Niger.
Les enfants de la classe moyenne (petits fonctionnaires,
petits commerçants, artisans, etc.) se trouvent essentiellement en
milieu urbain et pratiquent la course aux diplômes, pensant que
les plus élevés leur permettront d'être en meilleure position pour
les rares emplois qui correspondent à leur profil. Ces élèves
n'ont en général pas assez de moyens et de relations dans les
ministères pour échapper à l'orientation, ce qui limite leurs
stratégies socio-éducatives à celles que propose l'État.
Les enfants des classes populaires (petits paysans, petits
éleveurs, artisans, ouvriers, etc.) n'ont ni les moyens de partir à
l'étranger ni de suivre une scolarité longue. L'école devient une
hantise pour les parents qui ont compris qu'elle ne peut plus
répondre à leurs espoirs de promotion sociale: en refusant d' Y
scolariser leur progéniture, c'est l'ensemble des politiques
scolaires et socioéconomiques qu'ils désavouent. Le pacte qui
était sous-entendu entre cette grande majorité de Nigériens et
l'État est remis en question: accepter un système importé qui
ignore l'éducation traditionnelle, les besoins et les aspirations
profondes des Nigériens est sans fondements si en compensation
il n'assure pas une mobilité sociale.
Par ailleurs, comme les écarts s'accroissent entre le lieu de
formation des élites et les écoles de la masse, nous pouvons
parler d'un enseignement à deux vitesses: «garderies» d'un
côté, lieux de formation de l'autre. Adapter le système scolaire
aux réalités socio-économiques et culturelles du pays pourrait au
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moins permettre aux classes populaires d'accepter la


scolarisation de leur progéniture, même si le fonctionnariat ne se
présente pas à la sortie. Si d'un côté cela devrait permettre de
scolariser encore plus massivement les élèves des campagnes en
les préparant à rester dans leur milieu, de l'autre cela risque
d'accroître davantage les inégalités socio-économiques puisque
les écoles dans lesquelles se trouvent les enfants de privilégiés les
prépareront à d'autres objectifs, à savoir réussir les examens
avec mentions, avoir un niveau supérieur dans toutes les classes
afin de réussir les concours, habituer les élèves à la compétition
et à la concurrence entre eux, développer leur esprit d'initiative
et la confiance en eux, etc. Il y a donc une profonde inégalité
des chances de réussite dans ce système scolaire qui n'attire que
ceux qui ne peuvent faire d'autre choix.

Disparités régionales, sexuelles et sociales

Lors du recensement de 1988112, le taux net de


scolarisation113est évalué à 19% sur l'ensemble du Niger, mais il
y a plus de garçons (23%) scolarisés que de filles (14,7%) : en
milieu urbain l'écart est réduit (55,3% de garçons et 47,8% de
filles) tandis qu'en milieu rural la préférence va pour la
scolarisation des garçons avec 17,4% contre 13,1% de filles. En
milieu urbain, quatre enfants âgés de sept ans sur dix sont
scolarisés, alors que ce n'est plus qu'un enfant sur dix en milieu
rural. Si nous prenons l'ensemble de la population (6 ans et

112
REPUBUQUEDU NIGER, Recensement Général de la Population 1988,
Analyse des données définitives, Caractéristiques Socioculturelles, Ministère
de l'Économie et des Finances, Bureau Central du Recensement, Niamey,
Février 1992. Les données et les tableaux qui suivent proviennent de ce
document.
113
À la différence du taux brut de scolarisation, le taux net de scolarisation
exprime le rapport en pourcentage de l'effectif des enfants de 7 à 12 ans qui
sont scolarisés à l'effectif de tous les enfants du même groupe d'âge. En 1988,
la différence entre les deux taux était de 4,6%, ce qui représente les élèves
scolarisés dont l'âge est inférieur à 7 ans et surtout supérieur à 12 ans.

232
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plus), le taux de scolarisation en milieu rural est cinq fois moins


élevé (4,2%) qu'en milieu urbain (20,9%).
Les taux de scolarisation par département témoignent des
disparités inter-régionales mais aussi intra-régionales :

Tableau II: taux de scolarisation de la population


résidente nigérienne par groupe d'âges et par département (les
deux sexes réunis) :

Groupes Agadez Diffa Dosso Maradi Tahoua Tillabéri Zinder


d'âg;es
6-9 24,2 13,3 10,9 10,1 Il,2 18,1 9,1
10-14 34,3 16,6 18,5 17,8 17,3 26 14,2
15-19 Il,1 8,2 7,3 5,9 5,1 9,5 3
20-24 1,9 2 2,1 1,1 1,3 2,4 0,7
25-29 0,5 0,9 0,7 0,5 0,7 0,7 0,3
30 et + 0,3 0,3 0,4 0,3 0,5 0,1 0,1
Moyenne 10,3 5,1 6,2 5 5,2 10,6 5,5

Tableau III: taux net de scolarisation des 7-12 ans de la


population résidente nigérienne par département selon le sexe et
le milieu de résidence:

Départements Tous milieux confondus Milieu urbain Milieu rural


M F M F M F
NIGER 23 14,7 55,3 47,8 17, 8,6
AGADFZ 37,9 26,5 59,1 43,4 4 13,4
DIFFA 17,9 14,8 46,2 39,1 22,1 9,9
IX>SSO 20,3 10,4 59,2 48,6 12,9 7,3
MARADI 25,1 8,8 42,7 27,2 17,7 5,9
TAHOUA 20,3 10,1 40,1 31,7 16,8 7,5
TILLABERI 29,7 24,2 69,5 61,4 18,2 Il,8
ZINDER 19,5 12,7 44,3 33,7 18,5 8,7
15,4

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Nous retIouvons les taux de scolarisation les plus élevés dans


le département de Tillabéri qui comprend certaines extensions
de la communauté urbaine de Niamey (qui est distincte depuis
1988), et celui d'Agadès. Les départements de Diffa, Maradi,
Tahoua et Zinder ont les plus faibles taux de scolarisation. En
milieu urbain, les filles sont toujours mieux scolarisées qu'en
milieu rural, même pour le département de Tillabéri qui a un
taux net de scolarisation des filles de 61,4% en milieu urbain et
seulement Il,8 % en milieu rural.
La plupart des Nigériens (78,3%) n'ont pas un niveau
d'instruction qui puisse être reconnu par l'État, ils seraient 10%
à n'avoir étudié que le Coran (ce qui nous paraît sous-estimé par
rapport à la réalité114),8,9% à être allés à l'école primaire et
seulement 0,2% dans le second cycle du secondaire. Si Il,2%
des hommes ont fréquenté le primaire, ce n'est le cas que de
6,6% des femmes; au niveau supérieur elles ne sont que 0,1%
pour 0,3% d'hommes. TI faut dire qu'avant 20 ans, 84% des
femmes et seulement 28,5% des hommes sont déjà mariés.

Les disparités régionales et sexuelles ressortent au niveau des


taux d'alphabétisation: 12,5% de la population est alphabétisée,
mais les hommes (18,4%) plus que les femmes (6,9%), et le
milieu urbain (35,6%) plus que le milieu rural (8,3%).
En milieu urbain, le taux net de scolarisation est de 50,5%
contIe 13,1% en milieu rural, et alors que celui des sédentaires
est de 19,7%, celui des nomades n'est que de 1,7%.
Nous allons voir maintenant quelles sont les raisons de ces
disparités régionales, sexuelles et sociales.

114Voir à ce propos MEUNIER (O.), Dynamique de l'enseignement islamique au


Niger (le cas de la ville de Maradi), Paris, L'Harmattan, coll. Études africaines,
1997, 283 p.

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Tableau IV: proportion de la population de 6 ans et plus


par niveau d'instruction selon le sexe, le milieu de résidence et
le mode de vie:

Niveau Niger Urbain Rural Sédentaire Nomade


d'instruction M F M F M F M F M F
Aucun niveau 69,2 87,2 40,5 61,7 74,6 91,8 68,4 86,8 90,1 96,8
Coranique 15,8 4,6 17,8 9,0 15,4 30,8 16,1 4,7 8,3 2,5
Primaire 11,2 6,6 25,1 20,9 8,6 4,1 11,6 6,9 1,1 0,5
Secondaire 2,2 1,1 10,0 6,0 0,8 0,2 2,3 1,1 0,2 -
1er cycle
Secondaire DA 0,1 2,0 0,7 0,1 - 0,4 0,1 - -
2è cycle
Supérieur 0,3 0,1 1,5 0,4 - - 0,3 0,1 - -
Profess. 0,1 0,1 0,5 0,4 0,1 - 0,1 0,1 - -
primaire
Profess. 0,3 0,1 1,5 0,6 0,1 - 0,3 0,1 - -
1er cycle
Profess. 0,1 - 0,6 0,1 - - 0,1 - - -
2er cycle
Indéterminé 0,4 0,1 0,5 0,2 0,3 0,1 0,4 0,1 0,2 -
Total 100 100 100 100 100 100 100 100 99,9 99,8

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Disparités régionales

Le manque d'efficacité de l'enseignement a pour effet de


détourner les populations de l'école, mais cela est surtout
manifeste en milieu rural où se posent de gros problèmes de
fréquentation scolaire et où le recrutement s'effectue sur
plusieurs mois. Alors que dans les centres urbains, la demande
de scolarisation est souvent supérieure à l'offre, en milieu rural,
malgré des besoins d'éducation importants (plus de 80% des
besoins nationaux), la demande faiblit dans les années 1980 à
1990, alors qu'elle était supérieure à l'offre durant les années
1960 à 1970. Cela résulte d'une crise de confiance de ces
populations extrêmement pauvres à l'égard de l'école qui, par
l'idéologie antinomique à celle du milieu rural, contribue à
extravertir les enfants et les adolescents.

«Même maintenant il y a encore des régions dans le monde rural où il


y a des réticences à envoyer les enfants à l'école, aujourd'hui le monde paysan
voit l'avenir de la scolarité incertain au Niger, le monde rural hésite à envoyer
ses enfants. De plus l'école nigérienne n'est pas adaptée, c'est une photocopie
de l'école coloniale, l'enfant qui va à l'école est à 80 % déraciné de ce milieu
rural, en cas d'échec, il ne retourne plus au village. Quand nous prenons le
niveau de développement du Niger, jusqu'à preuve du contraire la force
physique, la force humaine constitue l'élément fondamental de la production,
surtout dans le monde rural, alors perdre son enfant parce qu'il est allé à l'école
au détriment du travail champêtre, c'est un manque à gagner considérable pour
le monde rural, ce qui fait qu'il y a une certaine réticence des parents à y
envoyer leurs enfants. Et au niveau des collèges il y a des difficultés qui font
que les enfants des pauvres ne peuvent pas faire partie des meilleurs, parce que
lorsqu'ils quittent l'école du village, ils vont au niveau de l'arrondissement, ils
n'ont aucune connaissance généralement, ils sont confiés à un tuteur qui n'a
aucun lien de parenté avec eux, ils sont laissés à leur propre sort, ils sont mal
nourris, mal logés avec les problèmes d'adaptation sociale, du déracinement
par rapport au village, ce qui fait qu'au point de vue efficacité et travail, ils sont
déjà lésés par rapport à leurs camarades qui sont ressortissants de la ville, et qui
sont dès leur jeune âge fils de fonctionnaire, de commerçant. Le chef de village,
même s'il n'est pas installé dans la localité où il yale collège, a des amis en

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ville à qui il peut confier ses enfants et il a également la possibilité de faire des
envois pour les soutenir. Déjà, il y a une certaine sélection «naturelle»
fondée sur la position sociale des gens qui fait que le fils du paysan pauvre,
même s'il est naturellement intelligent, il va rencontrer au cours de son
parcours pas mal d'obstacles qui font qu'il ne peut pas maximiser toutes ses
facultés et profiter de cela et au bout d'un moment il est obligé d'abandonner.
Par exemple à Dakoro ou à Mayahi, il y a des élèves qui sont très intelligents
mais qui abandonnent le collège parce qu'ils ont des difficultés: le directeur du
CEG de Dakoro m'a dit qu'un élève qui a 14,7 de moyenne a abandonné parce
qu'à midi il est obligé de puiser de l'eau dans un puits pour la vendre en ville
afin de pouvoir manger. Cet enfant-là a quitté l'école à midi, il a puisé de l'eau
pour manger, il ne s'est pas reposé, le soir à 18 heures, il ne peut plus étudier,
il dort parce qu'il est fatigué. Donc tout ça ce sont des considérations ou des
critères qui peuvent être passé sous silence, mais si on les prend en compte, il s
peuvent donner une certaine coloration à l'enquête et aux statistiques telles
qu'elles se présentent. Au lycée technique on a fait cette constatation: la
majorité de nos élèves sont des gens qui viennent des classes aisées, quelques
familles nigériennes qui sont du milieu rural (gros paysans, chefs) mais surtout
celles qui vivent en milieu urbain (gros commerçants, fonctionnaires) ; et s'ils
sont là c'est parce qu'ils ont tous les atouts, la chance de pouvoir réussir mieux
que les autres parce que leur situation matérielle le permet» (M. Djibo,
directeur du lycée technique de Maradi).

En effet, lorsque nous interrogeons les élèves du lycée


technique de Maradi, nous pouvons nous rendre compte, même
en milieu urbain dans la capitale économique du pays, qu'il
existe encore de profondes disparités entre eux qui viennent
pour la plupart de la capitale et la population de Maradi. La
manière de s'habiller à l'occidentale chez cette élite est
considérée comme une provocation de la part des maradiens :

«À Maradi, les élèves du lycée technique sont très mal vus, on nous
considère comme des voyous car ils disent que c'est à cause de nous que leurs
enfants sont en train de se révolter, que nous venons avec notre habillement
indécent, qu'avec nos idées on ne respecte pas nos parents, etc. ; alors que ce
n'est pas ça, c'est le milieu qui diffère, nous on les considère comme des
primitifs, des gens qui ont des idées très rétrogrades, qui n'ont pas du tout
évolué. Ils ont raison sur le fait que leurs enfants sont en train de nous copier,

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ils portent les mêmes types de vêtements que nous, mais ce n'est pas de notre
faute, nous on est habitué à ça » (Amina, élève de première E).

Cette disparité régionale et sociale entre ville et campagne


existe également au sein même de la campagne entre nomades et
sédentaires, puisque le mode de vie des premiers est encore plus
éloigné de la culture occidentale véhiculée par l'école:

« Jusqu'à présent dans les villages, les gens sont peu motivés pour
envoyer leurs enfants à l'école, ils veulent cacher leurs enfants puisque
lorsqu'ils arrivent à un certain niveau, ils ne peuvent pas poursuivre leurs
études, ils reviennent avec d'autres attitudes, ce qui entraîne donc un conflit de
générations, notamment au niveau des zones nomades. Dans les zones
sédentaires, les parents sont un peu plus motivés parce qu'ils voient que chaque
enfant qui réussit sa scolarité, c'est quelqu'un qui est beaucoup plus ouvert,
notamment aux messages que peut transmettre la société moderne. Dans les
zones urbaines, l'école a beaucoup d'importance car certains parents
connaissent les avantages qu'il y a lorsque les enfants vont à l'école. Ici à
Maradi, il y a même certains parents qui envoient leurs enfants dans les écoles
privées pour les préparer à un meilleur avenir, mais d'autres encore envoient
leur enfant à l'école parce que tout simplement l'enfant doit aller à l'école,
c'est déjà institué, tout cela dépend du milieu et de la personnalité de
l'individu» (Mahamadou, enseignant du primaire).

À partir du secondaire, les parents du milieu rural sont


obligés de se séparer de leurs enfants durant une grande partie
de l'année puisque les collèges et lycées se situent uniquement
en milieu urbain. Ces années d'absence éloignent ces enfants
des réalités rurales et tendent à les sédentariser en ville quels que
soient leurs résultats scolaires. Ainsi, le secondaire peut être
considéré comme le premier facteur d'exode rural de la
jeunesse des campagnes. La proximité de l'école par rapport au
lieu de résidence est un critère de disparités: cela commence dès
le primaire, puisque la dispersion de l'habitat en zone rurale
conduit certains élèves à marcher parfois une à deux heures sous
le soleil afin de rejoindre l'école. Si celle-ci n'est pas à cantine,
il lui faudra porter en plus de ses fournitures scolaires sa
nourriture pour la journée et parfois l'eau lorsqu'il n'y a pas de

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puits à l'école: dans ces conditions, on peut observer des élèves


dormir en classe, épuisés de fatigue. La scolarité est déjà un
échec pour eux, ce qui n'est pas le cas du petit citadin qui doit
uniquement traverser la rue pour se rendre avec de bonnes
dispositions physiques et morales à son école.
En milieu rural, l'effectif d'une école à trois classes pourrait
parfois être réuni en une classe, non parce qu'il n'y a pas assez
d'enfants scolarisables, mais parce les parents refusent tout
simplement d'y envoyer leurs enfants, notamment les filles, tout
le long de la frontière avec le Nigeria (le commerce effectué par
les enfants apporte une rentabilité immédiate) et dans les zones
nomades. La pauvreté et les conditions de vie font que les
parents ont d'autres soucis que de s'occuper de la scolarisation
de leurs enfants qu'ils souhaitent plutôt à leur côté pour les
aider dans leurs activités quotidiennes. Par ailleurs, l'influence
de la culture islamique doit également être prise en
considération pour expliquer ce rejet de l'école: ici, il ne s'agit
plus de groupes familiaux qui ne veulent pas scolariser leurs
enfants parce que l'école n'est plus en mesure de déboucher sur
le fonctionnariat, mais de populations qui ont toujours refusé
cette école qu'ils qualifient d' «école des mécréants », tout
simplement parce qu'elle diffuse une culture qui ne prend pas
en compte l'éducation religieuse. Pour ces populations hostiles à
l'école française, seul l'enseignement franco-arabe peut les
amener à scolariser leurs enfants, lorsque la médersa se situe à
proximité du lieu de résidence. Mais pour les nomades, ce sont
les écoles itinérantes avec un enseignement religieux, tel que cela
a été effectué à la veille de l'Indépendance, qui semblent le
mieux acceptées. Encore faudrait-il que l'enseignement soit en
rapport avec leur mode de vie, ce qui n'est toujours pas pris en
compte par les nouveaux programmes. Dans ces sociétés
nomades où le respect de l'organisation sociale est vital, les
individus perçoivent l'école comme un instrument visant à
accélérer la déliquescence de la jeunesse et donc de leur mode
de vie. Les élèves qui ont été scolarisés ont tendance à mépriser
celui -ci, à ne plus respecter l'organisation et la hiérarchie tribale,
à vouloir acquérir tout ce qui est extrinsèque à leur société.
Même leur manière de parler a changé, puisqu'ils ne peuvent
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pas s'empêcher de mêler à leur langue maternelle des


expressions de langue française.
En milieu urbain, la culture occidentale véhiculée par l'école
est moins pernicieuse puisque les populations ont déjà
commencé à l'intégrer dans leur mode de vie. Ce n'est pas par
hasard que le département d'Agadès et la commune urbaine de
Niamey ont toujours eu les meilleurs résultats aux examens,
surtout lorsque nous y trouvons la plus forte proportion de
parents fonctionnaires et employés résidant en milieu urbain de
tout le territoire nigérien. La présence d'écoles privées et de
maternelles uniquement en milieu urbain renforce la capacité de
réussite des élèves: nous retrouvons d'ailleurs une bonne partie
des élèves de maternelles dans le privé dès le primaire. En milieu
urbain, les enseignants ne sont pas mieux payés que leurs
collègues des zones rurales, mais ils ont l'opportunité de
bénéficier de la solvabilité d'une partie non négligeable des
parents d'élèves pour dispenser des cours privés, et ainsi
suppléer aux arriérés de salaire. Ainsi, si en zone urbaine les
carences d'un enseignement quantitatif peuvent être comblées
par les compétences des enseignants en dehors de l'école, en
milieu rural, les possibilités éducatives sont plus restreintes
puisque les élèves sont assujettis à l'école publique et les parents
d'élèves dans leur immense majorité n'ont pas les moyens de
payer à leurs enfants des cours particuliers. Nous pouvons donc
comprendre pourquoi les postes d'enseignants en villes sont
plus prisés que ceux de la campagne, et que les raisons
invoquées ne sont pas uniquement l'isolement et l'éloignement
des avantages de la ville: individualisme, liberté de faire presque
tout ce que l'on veut, vie à l'européenne, etc. Il est vrai que pour
celui qui a goûté au mode de vie urbain, il n'est pas facile
d'aller ou de retourner en milieu rural où l'aspect
communautaire et le regard des parents d'élèves sur le maître
demande à celui-ci de se restreindre considérablement et
d'adopter un mode de vie pas forcément en adéquation avec ses
principes. Finalement, l'enseignant en milieu rural traduit
l'inefficacité d'une scolarisation prolongée et il y a déjà
longtemps qu'il n'est plus le symbole de la mobilité sociale.
L'école est donc «conçue par et pour le milieu urbain. Elle
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inculque une idéologie et mène à des emplois de type urbain.


[. ..] l'urbanisation nécessite et produit la scolarisation, l'école
vit de la ville et engendre les différentes strates du milieu urbain,
strates qui occupent une position sociale dominante par rapport
aux milieux ruraux. Le gâchis scolaire des campagnes est
nécessaire à la survie de ces couches urbaines dans leur
constitution actuelle. [. ..] C'est donc la formation sociale
nationale dans son ensemble qui est traversée par ce courant de
formation et de reproduction d'une bourgeoisie nationale
proche de l'État et insérée dans les villes »115.

Disparités sexuelles

Les filles sont moins scolarisées que les garçons, c'est un fait
établi, surtout en milieu rural et chez les nomades. En 1997, les
filles représentaient 38,1% des effectifs du primaire, ce qui
correspond à une légère progression dans les années 1990
puisqu'en 1991 elles n'étaient que 35%. Mais le chemin qui
reste à parcourir est bien long puisque les filles de 5 à 24 ans qui
sont scolarisées au primaire et au secondaire ne représentent que
9,2% de l'ensemble des filles de cet âge.
Seul le préscolaire comporte des effectifs similaires entre
filles et garçons: en 1997, il Y avait 5.192 filles pour 5.446
garçons. Cependant, il n'est pas représentatif des effectifs dans
le primaire où les filles admises au C.I. ne représentent que
40,3% des effectifs, et encore moins dans le secondaire où celles
qui sont admises en sixième ne sont que 36,9% de l'ensemble
des élèves. TIne faut pas oublier en effet que les établissements
préscolaires sont tous situés en milieu urbain et que les parents
qui y envoient leurs enfants sont essentiellement des cadres qui
tiennent à scolariser tous leurs enfants, filles ou garçons.
Ainsi, la scolarisation des filles est promue avant tout par
l'urbanisation qui sécrète des rapports sociaux de production

115
MARTIN (J.- Y.), Disparités régionales dans le développement de
l'éducation, Paris, I.I.P.E., 1981, 529 p., p. 101.

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basés en grande partie sur le salariat et non sur les travaux


domestiques tels qu'ils existent en milieu rural, à savoir les
travaux champêtres, les corvées d'eau et de bois de chauffage,
piler le milou le sorgho, etc. Certes, les jeunes filles continuent
dans les classes moyenne et populaire à s'occuper de la
préparation des repas ou des soins pour les cadets, voire à vendre
des repas ou des glaces lorsque la mère a un congélateur, mais
son cadre de vie la prédisposera plus à être scolarisée dans de
meilleures conditions que celui d'une campagnarde.
Ainsi, dans les milieux traditionalistes (paysans, nomades,
marabouts, commerçants, artisans, etc.), tant que l'école n'a pas
pleinement soustrait les jeunes filles à leur groupe
d'appartenance, la mère va les éduquer autrement, afin qu'elles
apprennent leur futur rôle de femme mariée et de mère. Nous
avons donc là deux systèmes éducatifs antinomiques puisque
l'école a pour corollaire d'arracher la fillette à son destin
traditionnel, pour la transformer en égal de l'homme, chose
impensable dans la plupart des milieux nigériens. Par contre,
l'école coranique sera d'autant plus prisée qu'elle a pour
objectif d'en faire des femmes soumises et respectueuses de
leurs maris.
Ces familles conçoivent difficilement que les femmes d'une
manière générale puissent mener des activités importantes en
dehors de leurs foyers: les mères sont les premières à perpétuer
cette conception de l'organisation sociale à travers l'éducation
qu'elles donnent à leurs filles. Le mariage et l'éducation des
enfants représentent alors pour ces dernières leur unique et
ultime ambition. Ceci est conforté par l'absence des femmes
enseignantes ou tout du moins fonctionnaires en milieu rural
(sédentaire et nomade), ce qui amène la jeune fille à manquer de
confiance en ses capacités en tant que « sexe faible» étant donné
le peu de représentativité de celui-ci à des postes de
responsabilité dans son milieu. Sans réelle motivation, puisque
ce qui l'entoure ne correspond pas à ce que l'école a pu un
instant lui faire croire, elle va alors accepter sans trop rechigner
sa future place de femme au foyer, et par conséquent ne pas se
soucier de ses résultats scolaires.

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C'est pourquoi en milieu rural, les familles hésitent à


scolariser leur fille et lorsqu'elles le font, cela n'exprime pas
obligatoirement l'assentiment de celle-ci ou de ses parents, ce
qui conduira à une mauvaise fréquentation scolaire à laquelle
seuls prêteront attention et pourront y remédier les enseignants,
s'ils en ont la volonté et le courage. Mais parfois, alors qu'ils
avertissent les autorités coutumières (en milieu rural l'autorité de
l'État passe encore par les chefs coutumiers, comme au temps de
la colonisation), celles-ci se laissent corrompre par les parents.
Lorsque ces derniers n'osent pas empêcher leur fille de se
rendre à l'école, ils la laissent poursuivre sa scolarisation
jusqu'en C.M.2, mais là, ils font tout ce qui est en leur moyen
pour mettre fin à celle-ci, allant jusqu'à corrompre les
enseignants, tout en influençant leur fille. En effet, le passage en
sixième est très mal vécu par de nombreuses familles étant
donné que leur fille va changer de lieu de résidence pour aller
au collège, ce qui est parfois considéré comme un enlèvement, et
donc s'exposer à des aléas (hébergement par un tuteur,
changement du cadre de vie, éloignement de la famille, etc.) qui
leur font redouter une grossesse précoce, ce qui est un véritable
déshonneur pour la plupart de ces parents.
Si la jeune fille arrive finalement à réussir ses examens et est
en mesure de rentrer en sixième, lorsqu'elle ne se décourage pas
avant, les parents utilisent le temps des vacances scolaires pour
marier leur fille. Ils font alors d'une pierre deux coups: à partir
d'un certain âge (la puberté), une jeune fille doit se marier car le
célibat est très mal toléré (même pour les garçons mais à un âge
plus avancé) dans sa société; de ce fait, ce mariage précoce
(souvent entre 14 et 16 ans) évite les grossesses indésirées et
donc les accouchements en dehors du mariage, voire les
infanticides, c'est-à-dire tout ce qui représente le déshonneur
pour la famille.
Ce sont là les principales raisons pour lesquelles la
proportion des filles dans le secondaire est toujours moins élevée
que dans le primaire. La déperdition des filles durant
l'enseignement primaire résulte donc d'un abandon
« volontaire» de celles-ci après le C.F.E.P.D. et le concours
d'entrée en sixième. Ce sont par ailleurs des facteurs extra-
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scolaires qui expliquent la baisse des résultats des filles dans le


primaire comme dans le secondaire.
fi y a bien sûr d'autres causes à cette déscolarisation: par
exemple, les mères qui font du commerce (c'est souvent le cas
en pays hawsa) utilisent leurs filles pour vendre les produits
qu'elles fabriquent chez elles (il serait mal vu par leur mari et la
société qu'elles sortent de chez elles pour cela). L'éloignement
de l'école du lieu de résidence est encore plus contraignant pour
les filles que pour les garçons, ces derniers étant plus «suivis»
par leurs parents. Les jours de marché, les jeunes filles sont
souvent sollicitées par leurs mères pour les accompagner (une
femme seule risque d'être abordée «coquinement» alors que la
présence d'enfants à leur côté est considéré comme un gage de
leur fidélité, une sorte de ceinture de chasteté symbolique). C'est
notamment le cas dans les zones limitrophes du Nigeria où les
villes sont des marchés permanents pour les échanges et donc le
commerce.

Un enseignant du secondaire professeur de sciences


naturelles et de physique-chimie nous explique quels sont les
obstacles qu'une jeune fille de milieu modeste devra franchir
tout au long de sa scolarité:

«Déjà, la fille doit faire face à l'opposition des parents, car dans un
premier temps les parents vont lui «souffler à l'oreille» l'idée du mariage;
certaines filles sont déjà pubères au primaire, donc elles peuvent déjà se marier.
C'est à ce moment que les parents font tout pour que cette fille abandonne
l'école; parfois ce sont les maîtres qui vont voir les parents afin qu'ils laissent
une chance à leur fille, lorsqu'ils pensent qu'elle a des chances de réussir.
Ensuite la fille pourra être tentée par les garçons lors de sa puberté:
ceux de l'école ou du village, certains fonctionnaires qui rentrent au village le
week-end et qui la guettent; et c'est souvent très difficile pour qu'elle échappe
à tous ces gens-là. Dans certains milieux, les alhazaiJ16 amènent de l'argent

116Terme hawsa désignant les grands commerçants qui dès qu'ils amassent un
peu d'argent, vont faire le pèlerinage dans les lieux saints. Les mariages de
« complaisance» avec de riches commerçants sont également pratiqués au
Niger mais surtout au Nigeria. Par ailleurs des jeunes filles peuvent arrêter leurs
études suite à des propositions de travail à l'étranger et deviennent ainsi

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juste pour « tirer un coup », ils remettent même l'argent aux parents, ça aussi
c'est un obstacle pour la fille, mais à cause du manque de moyens. Dans la
majorité des cas, les filles qui s'adonnent aux garçons sont dans la nécessité,
dans le besoin. Quand elles arrivent en ville, elles vont voir leurs copines de la
ville bien habillées, et elles ont envie de les imiter; les parents sont pauvres,
ils ne peuvent pas leur procurer ces habits-là, alors il faut passer par un autre
chemin, et parfois c'est chez le copain qu'on va demander de l'argent, et le
garçon impose ensuite sa loi, c'est-à-dire qu'en contrepartie la fille accepte
de« faire l'amour» avec lui. Là aussi c'est un obstacle si la fille ne fait pas
attention. Donc avec la pauvreté, si la fille veut faire un certain nombre de
choses, elle doit aussi faire un certain nombre de choses.
Il y a aussi les études qui ne sont pas faciles, il faut faire de son mieux,
il faut étudier, se consacrer aux études. Une fille qui est chez un tuteur, si celui-
ci est pauvre il va chercher à ce que la fille de temps en temps amène quelque
chose, alors lorsqu'elle sera avec des garçons, elle demandera quelque chose, et
là c'est irresponsable, c'est son avenir qu'elle met en danger, elle ne pourra pas
échapper à la dictature de ces garçons si c'est elle-même qui vient demander des
sous. Le tuteur pourra dire à la fille que ses fiancés ne lui donnent rien, que
quand il était jeune voilà ce qui se faisait; donc il y a différentes façons de
procéder. Parfois c'est le tuteur qui impose à la fille un des siens. C'est aussi un
obstacle à franchir. Ainsi, si le tuteur de la fille ne la met pas dans des bonnes
conditions d'études, elle aura des risques d'échouer ».

Certains parents en milieu rural font quand même confiance


à leur fille en l'encourageant à poursuivre sa scolarité jusqu'à
l'obtention d'un diplôme afin d'obtenir un poste dans la
fonction publique, même si cela présente des « risques» :

«Pour les parents musulmans, la femme ne doit pas se comporter


comme étant l'égale de l'homme, elle doit toujours être à la maison, et pour eux
ce n'est pas normal que les filles soient tout le temps avec les garçons à
l'école. À un certain âge, il faut que la fille se marie, car sinon, elle risque de
tomber en grossesse et ce serait un grave problème pour la famille. Pour eux,
même si la fille fréquente l'école, à un certain niveau, elle doit s'arrêter, au plus
tard vers 17 ans, donc en troisième. C'est une question d'honneur pour la

employées de «maison» (parfois close ou particulière) dans les pays arabes


ou en Occident.

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famille. D'ailleurs les filles préfèrent aller très vite dans des écoles
professionnelles pour se marier. C'est souvent pendant les vacances que les
filles sont mariées. Et avec les grèves et les années blanches, et en plus le
concours pour la fonction publique, leur scolarité devient aléatoire, donc il s
préfèrent marier rapidement la fille plutôt que lui faire perdre son temps en
prenant des risques. La scolarité est obligatoire au Niger, c'est dans les textes,
mais moi je n'en sais rien. Les parents cherchent à éviter le déshonneur, je suis
d'accord avec eux, mais d'un autre côté il ne faudrait pas limiter sa scolarité,
elle pourrait prendre en charge sa famille par la suite, cela existe déjà. Moi je
pense que ce qui est le mieux pour une fille, c'est de rester célibataire si elle
veut continuer ses études. Une fois qu'elle est à l'université, c'est différent, elle
peut prendre des cours par personnes interposées, mais au collège et au lycée,
l'aide du professeur est indispensable ».

Lorsque cet enseignant nous dit: « La scolarité est


obligatoire au Niger, c'est dans les textes, mais moi je n'en sais
rien », cela témoigne du peu d'influence des lois et de leur non-
application lorsqu'elles sont en contradiction avec celles de la
société traditionnelle. Depuis une vingtaine d'années,
légalement, une fille enceinte a le droit de poursuivre sa scolarité
au lycée sans pouvoir cependant se marier. Mais en général, une
fille enceinte quitte le lycée et abandonne ses études, les
sentiments de culpabilité et de honte sans compter les pressions
morales de sa famille étant plus forts que la loi. L'avortement se
présente à elle alors comme la seule solution si elle veut
poursuivre ses études.
Certains musulmans «pratiquants» considèrent à priori que
leurs filles doivent être scolarisées comme leurs garçons, mais
lorsque l'aînée échoue, les autres ont rarement cette possibilité;
de même à la campagne la réussite des aînés (filles ou garçons)
conditionne souvent la scolarisation des cadets:

« À Zinder, l'école coranique est obligatoire, mais ça n'empêche pas


que les enfants peuvent fréquenter l'autre école. Si le parent refuse d'amener son
enfant à l'école publique, il n'est pas un bon musulman, c'est un devoir
d'éduquer son enfant. L'école coranique est la priorité, mais il y a aussi l'autre
école. Si la première fille échoue, il se peut que le parent se décourage pour
envoyer ses sœurs à l'école, mais si elle réussit, toutes les autres seront

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orientées là-bas: tout dépend des premiers enfants. De même, en campagne si


l'école fonctionne bien, donne de bons rendements, les parents laisseront les
filles aller au collège, mais si pendant plusieurs années il n'y a pas de résultats
concrets, ils seront découragés, certains refuseront catégoriquement d'envoyer
leurs enfants à l'école, d'autres marieront leur fille durant les vacances. Mais
les problèmes des filles, c'est surtout au secondaire quand elles doivent quitter
leur village pour aller au CEG du chef-lieu d'arrondissement; de plus étant en
contact avec d'autres collégiens, il peut y avoir un changement de mentalité
quand les enfants reviennent au village. Toute fille qui se marie au premier ou au
deuxième degré ne peut plus faire ses études, seules celles qui sont à l'université
peuvent faire les deux. Mais si le mari est capable, il peut payer le privé
professionnel à sa femme. Mais quand la femme est enceinte, sa scolarité est
généralement terminée, il n'y a pas de programmation des naissances, donc les
enfants arriveront à la chaîne ».

La scolarisation des filles en milieu urbain sera bientôt


quelque chose d'acquis, du moins dans les mêmes proportions
que celle des garçons, mais en milieu rural, les disparités sont
encore importantes entre filles et garçons. Nous avons montré
que des parents de milieu modeste en zone rurale sont très
attentifs à la réussite ou à l'échec de leurs aînés pour scolariser
ou non les cadets. Or, avec le processus sélectif qui est mis en
place dans le système scolaire nigérien notamment lors du
passage en sixième, et l'instauration d'un concours d'entrée à la
fonction publique, peu d'aînés ont objectivement une chance de
réussir, ce qui n'est guère encourageant pour la scolarisation des
cadets. La suppression d'un examen entre le primaire et le
secondaire telle qu'elle a été définie dans la loi d'orientation sur
l'éducation de 1998 devrait atténuer cette sélection. Mais est-ce
suffisant?

Disparités sociales

Nous avons montré qu'au Niger la diffusion de l'école


coloniale puis nationale ne s'est pas effectuée en même temps
dans toutes les régions ou dans tous les groupes socioculturels.
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Jusqu'aux années 1980, l'accès à l'enseignement secondaire


révèle quels sont les groupes qui sont en mesure de tirer un
bénéfice de la scolarisation au primaire, alors que l'accès au
supérieur détermine les groupes familiaux dans lesquels se
recrute la classe dirigeante. De même, la scolarisation des filles
dans le secondaire et le supérieur est effective dans les milieux
socioprofessionnels favorisés, et rare en milieu populaire: ces
filles sont donc généralement issues d'un milieu
socioéconomique supérieur à celui des garçons, ce qui peut
expliquer que leurs taux de réussite à la plupart des examens est
plus important que celui des garçons puisqu'elles sont en
mesure de bénéficier de plus de moyens (cours privés ou
meilleur suivi des parents) qu'eux. Mais ces disparités sont le
plus souvent occultées derrière l'augmentation de la
scolarisation qui donne l'illusion d'une certaine démocratisation
aux masses populaires.
Si la couverture scolaire est relativement étendue au Niger,
elle reste inégalement répartie. Alors que l'Est du pays semble
un moment bénéficier de la construction d'écoles puisque
Zinder est la capitale du Niger en 1911 où nous trouvons la
première école régionale du pays, à partir de 1922 la capitale
devient Niamey (à l'Ouest) où est créée la seconde école
régionale qui est transformée en 1930 en école primaire
supérieure, alors qu'à Maradi une nouvelle école régionale est
ouverte. Par la suite, c'est essentiellement Niamey qui va
bénéficier de tous les types d'enseignement: en 1946 l'école
primaire supérieure devient un collège moderne puis classique et
moderne qui, après l'Indépendance sera nommé lycée national.
La première école de filles (école Neuve filles) est également
créée à Niamey en 1939, puis c'est au tour d'un lycée de jeunes
filles et de deux lycées privés (Issa Béri et Mariama). Le Centre
d'enseignement supérieur créé en 1971 toujours à Niamey
devient en 1973 l'université de Niamey. fi faut attendre 1973
pour qu'à l'Est du pays, le lycée de Zinder soit ouvert. Nous
trouvons également à Niamey la plupart des écoles
professionnelles. Nous pouvons donc constater que le pôle
principal de diffusion des écoles au Niger est Niamey, tandis que
les pôles secondaires de diffusion sont Zinder et Maradi, la
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deuxième et la troisième villes du Niger. Viennent ensuite les


chefs-lieux des départements dans lesquels des collèges vont être
créés. Cependant, certains pôles régionaux se mettent en place et
bénéficient d'une certaine autonomie par rapport à la capitale:
c'est le cas d'Arlit où est implantée l'école des mines et de l'Aïr
(EMAIR) et dans une moindre mesure Maradi avec la
transformation du collège technique en lycée technique. En fait,
plus l'État est présent à travers ses différents services, plus le
nombre d'écoles est important. C'est le cas de la capitale et des
chefs-lieux de département puis d'arrondissement. Dans les
zones rurales ne sont présentes que des écoles primaires, et
encore le plus souvent uniquement à trois classes.
La position des populations par rapport aux pôles de
diffusion de l'école montre que les groupes socioculturels Jerma
et Songhai' ont plus de chance d'accéder à l'école que les autres
groupes: ils sont sur-représentés parmi les élèves du secondaire
et du supérieur. Les Hawsa arrivent en troisième position, mais
leur importance numérique (52% de l'ensemble de la
population) implique qu'ils sont sous-représentés.
fi est trivial de préciser qu'un enseignement d'origine
étrangère et dispensé dans une langue «étrangère» favorise les
milieux sociaux qui sont déjà les plus familiarisés avec celle-ci et
la culture qui en émane. Le français devient alors un instrument
de distinction et de domination de classe pour ceux qui
l'utilisent couramment, à savoir les hauts cadres de
l'administration. La grande masse se voit placée en qualité
d'étrangère dans son propre pays puisqu'elle ne peut maîtriser
cette langue dans laquelle se fait l'enseignement et par laquelle
le pouvoir est exercé. Le système scolaire nigérien permet donc
de filtrer l'accès aux postes les plus lucratifs et les plus
intéressants du point de vue de leur implication dans les rouages
clefs du pouvoir. L'école est donc l'instrument par excellence
de la reproduction sociale et donc des inégalités existantes. Le
discours démagogique de l'État repris par la Banque mondiale,
qui consiste à faire croire que l'augmentation quantitative des
écoles, des élèves et des maîtres doit permettre l'égalité de tous
aux droits à l'éducation, a trop longtemps permis une adhésion
populaire à un système où ce sont essentiellement les mêmes

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classes qui récoltent les fruits d'une scolarisation de plus en plus


longue, et où l'inégalité d'accès des différents groupes
socioculturels reste occultée.
C'est au moment où même les étudiants d'origine
«bourgeoise» n'arrivent plus à trouver de travail suite au
concours d'entrée à la fonction publique que l'État se trouve
dans l'obligation d'accepter de remettre finalement en question
le contenu des programmes et la langue d'enseignement, et
propose d'adapter celui-là aux réalités socioéconomiques du
pays, ce qui était déjà réclamé par les syndicalistes et les
pédagogues depuis les années 1960-1970. Mais réduire les
inégalités demande de l'argent, ce que les programmes
d'ajustement structurel ne permettent pas. Les enfants issus des
milieux favorisés n'ont plus besoin actuellement du système
scolaire nigérien puisqu'ils sont scolarisés dans le privé et dans
les écoles des pays étrangers, ce dont les classes populaires ou
moyennes ne sont pas en mesure de faire. Les classes dirigeantes
sont bien placées pour savoir à quel point le système éducatif
nigérien est bloqué dans une impasse et qu'il est nécessaire de le
repenser, ne serait-ce pour éviter une explosion sociale et une
remise en question des privilèges. Il faut comprendre, comme
nous l'a dit un ancien ministre, qu'il n'est plus possible que des
cadres puissent toucher 300.000 à 600.000 francs CFA par
mois, alors que le SMIG n'est que de 250 dollars par an
(environ 12.000 francs CFA par mois), soit près de 40 fois
moins:

«Il suffit d'être directeur d'un office pour vous attribuer 300.000 ou
400.000 francs CFA de salaire mensuel, ce n'est pas raisonnable. À la
Conférence nationale, j'ai proposé qu'un salaire de ministre ne dépasse pas
100.000 francs CFA par mois et qu'il n'y ait pas d'indemnités ou de charges à
payer en plus. Ce n'est pas normal qu'il allume le climatiseur durant 6 mois
sans l'éteindre, nous ne sommes pas des Européens. Quand l'amie de la femme
d'un ministre vient au bureau de celui-ci pour téléphoner à Paris ou à New York,
il ne faut pas que ce soit encore l'État qui paie. Pour que les Nigériens acceptent
de faire des sacrifices, il faut que les responsables et les cadres du pays donnent
l'exemple au lieu de se maintenir à un niveau de vie qui ne correspond pas aux
fameuses réalités socioéconomiques du Niger ».

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À côté de ce gaspillage, l'État et la Banque mondiale


demandent que tous les parents prennent davantage en charge
les fournitures scolaires: ce qui est concevable dans les classes
moyenne et bourgeoise ne l'est pas forcément dans les classes
populaires, notamment chez les paysans:

« De nombreux enfants ne sont pas dans des conditions naturelles qui


puissent leur permettre d'apprendre, car on ne peut pas venir à l'école affamé et
apprendre quelque chose. Il faut penser qu'après la sortie certains enfants vont
faire le petit commerce ou mendier pour gagner leur petit repas. Certains
enfants des classes déshéritées ne peuvent pas vraiment être attirés par l'école.
Arrivant tout juste à subvenir à leurs besoins vitaux, ils sont dans l'incapacité
de payer la moindre fourniture scolaire. Comme ils ne peuvent alors travailler
sérieusement, ils sont exclus car ils ne peuvent pas tenir. C'est surtout le
milieu de vie qui fait que l'enfant réussit à l'école, cela concerne surtout les
enfants de fonctionnaires, de quelques employés etdess ex-fonctionnaires
versés dans le commerce, mais pour les autres parents qui sont dans
l'incapacité de suivre leurs enfants, c'est très dur. Même parmi les boursiers,
ceux qui vont à l'étranger sont essentiellement des enfants de fonctionnaires.
Quoi que l'on dise, ces bourses sont presque exclusivement réservées pour les
enfants de fonctionnaires, notamment lorsqu'il y déjà eu deux à trois
générations de fonctionnaires dans la famille: ce sont les premiers
fonctionnaires qui ont eu accès à la culture occidentale, donc ils se sont permis,
connaissant les moyens et l'efficacité de l'école, de faire en sorte que leurs
familles vivent dans la décence, et que leurs enfants soient scolarisés le plus
tôt possible et qu'ils bénéficient de bourses à l'étranger afin qu'ils aient toutes
les chances d'avoir une place dans l'administration» (Abdoulkadri,
enseignant).

En effet, nous pouvons observer même dans les


campagnes que les familles des fonctionnaires bénéficient
davantage que les autres de la scolarisation, car elles sont déjà
sensibilisées et ont un exemple vivant de celui qui a réussi, qui
s'est réalisé et qui leur vient régulièrement en aide lorsqu'il
s'agit par exemple de payer les fournitures, la nourriture, voire
un répétiteur. C'est encore le parent fonctionnaire qui sera le
tuteur des garçons et des filles lorsque ceux-ci iront au collège
puis au lycée en ville, puis qui utilisera ses connaissances du

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système et ses relations pour trouver les bourses les plus


intéressantes afin que les enfants de sa famille puissent s'insérer
professionnellement.
Cela n'est pas le cas bien sûr des enfants de paysans et
notamment les filles, qui vivent encore l'école sous forme d'une
contrainte, puisque l'idéologie contenue dans les programmes et
la langue d'enseignement sont plutôt éloignées de leur culture.
Cette dichotomie entre structure scolaire et structure de
production est facteur de différenciation sociale: elle intègre en
effet dans les pratiques et les représentations une opposition
entre analphabètes et instruits, travailleurs manuels et
intellectuels, administrés et administrateurs, monde rural et
monde urbain, paysans et fonctionnaires, etc. Même au «bon
vieux temps de la colonisation» tel qu'il se présente dans
l'imaginaire collectif, tout le monde ne pouvait pas avoir accès à
des positions sociales élevées, le recrutement était tel, que les
enfants de chefs et de notables étaient privilégiés par rapport à la
masse car ils étaient scolarisés en priorité. Par la suite, durant les
années qui ont suivi l'Indépendance, le système scolaire s'est
agrandi et la base s'est élargie, mais seuls les chefs-lieux de
départements, puis d'arrondissements ont pu bénéficier
d'établissements secondaires, et donc ce sont tout d'abord les
enfants de fonctionnaires déjà résidents en milieu urbain qui ont
le plus bénéficié de cet enseignement. Nous avons montré
quelles difficultés représente le passage en sixième pour les
enfants du monde rural qui voient leur mode de vie changer, se
séparant de leurs parents et étant à la merci du bon vouloir du
tuteur. Ce sont également les enfants de paysans qui se voient le
plus frustrés en cas d'échec scolaire: celui-ci signifie pour eux
de ne pas pouvoir être promu au rang de ceux qui peuvent faire
valoir leur capital intellectuel et donc économique et politique
dans la société; pour leurs parents cela représente des années de
sacrifices en vain, sans possibilité de bénéficier en retour du fruit
économique longtemps attendu. Comme les pratiques scolaires
ont pour résultat le plus évident d'éloigner les élèves des
influences idéologiques de leur milieu d'origine, ces ex-
scolarisés arrivent rarement à retourner aux travaux champêtres,
méconnaissant ou méprisant un monde qui n'est plus le leur.
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En fait, plus l'enfant de paysan s'élève à travers les différents


degrés de l'enseignement, plus il s'urbanise et moins il pourra
se réinsérer dans le monde rural. Ce déracinement socioculturel
d'une grande partie de la jeunesse est facteur d'exode rural,
d'autant plus que les conditions économiques de plus en plus
difficiles en milieu rural, que ce soit chez les sédentaires ou les
nomades, ne les incitent pas à revenir chez eux; d'ailleurs, c'est
souvent la raison pour laquelle ils ont été scolarisés, le groupe
familial comptait sur eux: leur échec en lui-même est considéré
comme un manquement à la parole donnée: ils préfèrent donc
rester en ville, quitte à devenir des petits délinquants afin de
survivre, plutôt que de retourner honteux dans leur milieu
d'origine, d'autant plus qu'ils n'ont plus les capacités requises
pour s'intégrer socialement et économiquement.
Comme la capacité d'absorption du marché du travail évolue
moins rapidement que la croissance des scolarisés, ces disparités
socioéconomiques ont toutes les chances de se renforcer, les
enfants de fonctionnaires étant toujours mieux placés pour saisir
les opportunités, la Banque mondiale et le F.M.I. diminuant par
leur politique d'ajustement structurel les capacités d'accès et de
réussite des moins favorisés.

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Chapitre vm

Critiques sur les politiques d'éducation imposées par


la Banque mondiale et le F .M.I.ll7

Au Niger, comme les ressources nationales sont limitées,


l'aide extérieure est devenue nécessaire, mais celle-ci a
finalement accru les coûts du secteur public et sa dépendance
des coopérations étrangères, tout d'abord française puis des
différents pays européens. Ces derniers et notamment la France
ont utilisé le Niger comme champ d'expérimentation de
nouvelles politiques éducatives: méthode Tranchart,
enseignement télévisuel, etc. Mais lorsque les besoins se sont
accrus lors de la période de récession (années 1980-1990) qui a
suivi le «boom de l'uranium », l'aide internationale est apparue
nécessaire aux yeux des dirigeants nigériens: la Banque
mondiale et le F.M.I. ont pu conditionner leurs apports
financiers successifs à l'application de leur politique
d'ajustement structurel: le Niger n'est donc plus maître de sa
politique économique et donc éducative.
Mais il faut bien comprendre que cette aide est maintenant
devenue vitale pour le fonctionnement du système scolaire dès
les années 1980, puisqu'elle n'est plus conjoncturelle mais
structurelle. Cependant, la Banque mondiale et le F.M.I. ont bien

117
Dans ce chapitre, nous nous ferons l'écho des critiques recueillies par les
Nigériens, qu'ils soient directeurs, enseignants, parents d'élèves, étudiants,
lycéens ou collégiens, face aux politiques d'éducation qui sont actuellement
imposées au Niger par la Banque mondiale et le F.M.I.
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précisé que cette aide ne peut être attribuée que si le Niger


s'engage à réduire les coûts de son système éducatif.
Pour cela, il y a eu les projets éducation II et III qui, dans
les représentations collectives, se limitent à la mise en place de la
double vacation en milieu urbain, les classes multigrades en
zones rurales, la limitation de l'enveloppe des bourses, le
concours d'entrée à la fonction publique et une prise en charge
de certaines dépenses d'éducation par les familles.
Si nous pouvons compre~dre qu'il n'est pas normal que
la quasi totalité des étudiants soient boursiers et que leur bourse
puisse s'élever à 35.000 francs CFA par mois (alors qu'ils
bénéficient de facilités de logement, de repas, etc.), ce qui est
bien supérieur au S.M.I.G. local, il est encore trop tôt pour
exiger que l'ensemble des familles nigériennes prennent en
charge dès le primaire les fournitures ordinaires (cartable,
trousse, cahiers, stylos, ardoise, craies, etc.) et les manuels.
D'ailleurs au primaire, ces derniers pourraient se limiter au seul
livre de langue, conçu pour l'entraînement à la lecture et les
exercices d'étude de langue. Seule une minorité de la
population est en mesure d'acheter ces fournitures et manuels:
c'est d'ailleurs déjà le cas puisqu'elle scolarise une grande
partie de ses enfants dans le privé où elle a l'obligation de les
acheter.
La double vacation paraît être un excellent moyen pour
faire de l'alphabétisation de masse, mais elle n'est pas opératoire
lorsque l'on connaît l'étendue des programmes de primaire, ces
derniers devant être soit «baclés », soit inachevés, étant donné
qu'un tiers des heures d'enseignement sont supprimées et qu'ils
sont les mêmes que ceux des écoles traditionnelles. Cette forme
d'enseignement ne devrait être que temporaire afin de permettre
au Niger d'ajuster son offre à la demande scolaire.
D'après nos observations dans les classes de primaire que
nous avons effectuées en 1993 et en 1998, le maître des classes à
double flux gagne du temps en supprimant les disciplines qui ne
sont pas prises en compte lors du C.F.E.P.D., en limitant les
exercices d'application qui suivent les leçons qui ne peuvent
alors être assimilées correctement par les élèves, et en laissant
progressivement de côté ceux qui n'ont plus les capacités pour

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suivre. C'est notamment dans l'apprentissage du français que les


difficultés au niveau des pratiques d'acquisition sont
importantes par rapport aux classes traditionnelles: les élèves ne
sont pas capables de lire tout en comprenant le sens des mots
qu'ils prononcent. L'emploi du temps, qui concentre en une
demi-journée le travail normalement prévu en une journée,
limite au bout d'une à deux heures la capacité de concentration
des élèves et il n'est pas rare qu'ils finissent pas s'endormir en
fin de demi-journée. La fatigue se ressent également chez le
maître qui dispense essentiellement un cours magistral, oubliant
parfois des parties de cours dans le groupe de l' après- midi
pensant l'avoir fait avec celui-ci alors que c'est avec le premier
que cela a été effectué. L'introduction des nouveaux
programmes et donc des nouveaux manuels (élaborés par
l'I.N.D.R.A.P.) que les maîtres ne maîtrisent pas encore, le peu
de formation qu'ils ont reçu (en 1993, ils n'ont suivi qu'un
séminaire de 10 jours à Kollo avant la rentrée), et le manque
d'encadrement par les inspecteurs ou les conseillers
pédagogiques, augmentent encore plus leurs difficultés. La
méthode globale pour l'enseignement du français est vraiment
problématique pour ces « novices» qui n'arrivent pas à suivre la
progression des fiches pour la lecture.
Encore une fois, seuls les élèves capables de travailler chez
eux avec leurs parents ou des répétiteurs peuvent s'en sortir: les
enfants des classes populaires sont encore plus lésés que dans les
classes à simple flux, ce qui accroît une discrimination sociale
déjà présente entre les enfants de riches et de pauvres. D'ailleurs,
ce « système au rabais» conduit les parents aisés à retirer leurs
enfants du public pour les mettre dans le privé.

Voyons maintenant comment sont perçues ces politiques


d'éducation chez les professionnels nigériens de
l'enseignement. L'analyse qui en est faite diffère sensiblement
selon le niveau de responsabilité de ces derniers. Nous allons
montrer à travers les projets éducation II et III que celles-là ne
sont pas perçues de la même manière, que l'on soit directeur
d'un département dans le Ministère de l'Éducation nationale,
inspecteur régional, conseiller pédagogique, directeur d'école,

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enseignant, parent d'élève, étudiant, lycéen ou expert nigérien


de l'éducation.
L'entretien qui va suivre a été mené avec le directeur d'un
département du Ministère de l'Éducation nationale. Selon ses
propos, les projets éducation II et III sont nécessaires pour le
Niger, mais au lieu de les imposer, il aurait été plus intelligent de
consulter l'ensemble des partenaires de l'éducation, de les
sensibiliser sur les objectifs à atteindre et d'élaborer avec leur
concours ces fameux projets:

« Je crois que c'est avec le recul, après ma formation en Belgique, que


je me suis rendu compte que dans la conception de pas mal de projets, tant au
niveau de l'éducation qu'au niveau des autres secteurs, il y a beaucoup d'erreurs et
aussi beaucoup d'influences. Souvent, ce sont des projets importés, soit par la
Banque Mondiale, soit par d'autres bailleurs de fonds, qui viennent avec leurs
sous et qui disent: nous avons tenté telle expérience dans tel pays, et pourquoi
pas le vôtre? À partir du moment où nous, nous pouvons vous aider, nous
avons l'argent, et bien réalisons ce projet, réunissez-vous, essayez de nous
proposer quelque chose, et nous allons marcher. Finalement, je me suis dit
qu'en réalité, tous ces projets comme Éducation n et III, ce ne sont pas nos
projets à nous, ce sont des projets importés, alors qu'ils devraient être conçus
par des Nigériens, pour des Nigériens, et avec le concours de la coopération
afin de former des Nigériens aux techniques et leur apporter les résultats des
expériences qui ont eu lieu dans d'autres pays. Quand on prend le projet
Éducation ill, celui-là n'a pas été proposé, mais plutôt imposé, la preuve, c'est
qu'il y a eu des réticences, les gens commencent à comprendre. Ce projet aurait
pu passer dans les années 1970-1980, du temps du régime d'exception, il n'y
aurait eu aucune contestation. Maintenant avec la démocratisation, avec
l'ouverture d'esprit des gens, ils ont compris qu'il faut savoir d'abord lire la
proposition d'un projet avant de l'accepter.
En fait le projet Éducation II était une nécessité pour le pays, il visait
surtout l'éducation de base, le développement de l'enseignement de base;
essayer de construire des classes, équiper les inspections, donner les moyens
logistiques aux différents inspecteurs, essayer de procéder à un
perfectionnement du personnel enseignant par le recyclage, et puis organiser
des voyages d'études, pour permettre aux différents décideurs de connaître et de
comprendre ce qui s'est passé ailleurs, afin de tirer les leçons de l'expérience de
tel ou tel pays et voir dans quelles conditions on peut tenter la même

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expérience au Niger. Il y a aussi l'assistance à 11NDRAP, pour lui permettre


d'être plus ou moins autonome en matière d'élaboration et de conception de
manuels adaptés aux programmes scolaires réalisés par des Nigériens.
Le projet Éducation ill s'inscrit dans la continuité du projet Éducation
TI. Mais on s'est rendu compte à travers le projet Éducation TI que la population
croît à une vitesse exponentielle alors que les moyens diminuent. Il fallait
donc trouver l'équilibre; et ils ont dit que pour atteindre l'équilibre, il fallait
faire la double vacation. C'est pour gérer une situation de crise qu'on a proposé
la double vacation, pour permettre de scolariser la grande majorité des
Nigériens en âge d'aller à l'école: prendre un lot d'élèves le matin, un deuxième
le soir, comme ça, avec une classe, on peut donner cours à 100 gosses, à raison
de 50 le matin et 50 le soir, alors qu' habituellement on ne donne les cours qu'à
50 élèves. Donc là, on arrive à économiser et à exploiter au maximum les
salles de classes et le personnel enseignant. Malheureusement, le personnel
enseignant, enfin le SNEN s'est rendu compte qu'il y avait une exploitation du
personnel enseignant et en même temps que l'enseignement était au rabais, que
ça devenait comme une production industrielle, alors que l'enseignement
demande une bonne connaissance psychologique de l'enfant et de son
environnement culturel. Dans le projet éducation ill, il Y a aussi le
développement de l'enseignement professionnel, technique et supérieur. Mais
pour cela, il y a eu une condition: il faut selon les bailleurs de fonds continuer
la double vacation, ou bien ils ne font pas le projet Éducation ill. Ce projet
Éducation ill, à mon avis, doit être porté à la connaissance des différents
partenaires à travers un débat télévisé, une documentation que l'on va ventiler
dans toutes les régions auprès de nos différents partenaires et leur permettre de
la commenter et d'apporter leur concours pour améliorer et amender le projet. Il
y a les parents, les élèves, les enseignants qui seront les exécutants, il y a les
inspecteurs, les encadreurs et les responsables administratifs. Au lieu de rester
entre quatre murs et concevoir un projet et puis le soumettre aux gens en leur
faisant avaler la pilule, le projet doit être fait avec le concours et la
collaboration de tous les partenaires concernés par cette question.
Mais il y a également un problème de mentalité qui se pose: souvent
quand on dit « projet », les gens disent« c'est le Nassara [Blanc] qui a de
l'argent, il a amené un projet, il faut accepter son argent, on va le
« bouffer» », et puis le projet passe comme ça. Moi, je n'appelle pas ça un
projet, le Nassara, lui, il sait pourquoi il vous aide, et vous aussi vous devez
savoir pourquoi vous avez initié ce projet; le Nassara quand il fait un projet, il
sait que ce secteur éducatif est très important pour l'économie d'un pays, il faut

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faire en sorte que ses ressources humaines soient véritablement exploitables


pour favoriser la production, pour favoriser la croissance économique. Donc
lui, il voit le moyen et le long terme, alors que les Nigériens ne voient que
l'immédiat. Il ne faut pas chercher à vivre au jour le jour. Mais c'est avec le
recul que j'ai pu apprécier tous ces éléments. Demandez à un enseignant ce qu'il
pense du projet Éducation II: tout ce qu'il sait de ce projet c'est qu'il a été
formé à Maradi pendant 3 mois, que des voitures ont été achetées pour le projet
et ça s'arrête là, il n'est pas suffisamment informé. Je trouve que ce n'est pas
normal que l'information soit monopolisée par un groupe restreint, alors que
c'est un programme qui intéresse l'ensemble des enseignants: il faut une large
diffusion de l'information si l'on veut que les choses marchent ».

Si le directeur d'un département du Ministère de


l'Éducation nationale reproche à la Banque mondiale et au
F.M.I. d'avoir imposé les projets éducation II et III sans
consulter ses partenaires éducatifs nigériens, selon l'avis d' un
inspecteur régional de l'enseignement secondaire, ce serait
plutôt les responsables politiques nigériens qui n'auraient pas
souhaité les faire participer:

«Éducation I c'est un programme qui a été initié par le ministère de


l'agriculture et au sein duquel il y a quand même eu quelques notions d'éducation.
Éducation II est effectivement un programme qui s'intéressait à l'éducation,
mais au niveau de l'enseignement du premier degré, en ce sens que
l'enseignement du second degré n'était même pas perçu. Il fallait justement
qu'on parte des résultats d'Éducation II pour voir comment on peut conserver
l'enseignement du second degré. Il y a eu une tentative au niveau d'ateliers de
réflexion, on a voulu faire valoir les A.P.P. tant au niveau du premier degré
qu'au niveau du second degré, mais les ministres qui ont initié ces programmes
ont été écartés du circuit politique et depuis on a rangé les choses dans les
tiroirs. C'était en 1985. Ces projets ne pouvaient pas avoir d'impact puisqu'ils
n'étaient pas alimentés par la base, c'est-à-dire qu'il aurait fallu prendre appui
sur la réflexion fondamentale, c'est-à-dire ceux qui sont sur le terrain.
Généralement ces projets sont initiés au niveau de la direction centrale, donc
c'est une affaire de grands, et lors de l'application ils veulent imposer les
projets à ceux qui sont sur le terrain, donc ça ne peut pas aboutir, les gens ne
sont pas motivés, les gens ne sont pas concernés, c'est ce qui fait souvent
avorter certains projets. Ce que nous reprochons aux projets éducation II et III,

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c'est qu'on ne tient jamais compte de ceux qui sont sur le terrain, il faudrait
pourtant demander leur avis avant d'initier quoi que ce soit, parce que c'est eux
qui vont être les acteurs de ce projet. Ceux qui agissent sans leur demander leur
avis sont à la direction centrale, les directeurs nationaux, les ministres et puis
leurs chefs de cabinets, les secrétaires généraux, c'est comme ça
généralement ».

Le discours d'un conseiller pédagogique montre que


celui-ci est davantage confronté à la réalité, c'est-à-dire à la
réticence des parents et des enseignants, il n'accuse personne, il
subit les conséquences des projets et se met facilement à la place
de ses collègues qui craignent d'être licenciés et qui sont alors
prêts à ce que leur salaire soit diminué:

«Le projet éducation I, je ne sais même pas de quoi il s'agit; je


connais un peu le projet Éducation il où on parle de la double vacation: les
enseignants sont contre, car on veut seulement scolariser les enfants. Les
enseignants voient déjà que le niveau baisse et que cela sera encore pire avec la
double vacation lorsque les élèves n'auront cours qu'une demi-journée. Au
niveau local, les parents ont été réticents, ils ne veulent pas de ce projet et ils
se sont rassemblés autour du préfet pour dire qu'ils sont même capables de
prendre en charge la construction de nouvelles classes s'il y a toutefois assez
de maîtres pour que leurs enfants ne fassent pas la double vacation. Avant la
Conférence nationale, on faisait la double vacation ici à Maradi, il y a eu des
écoles pilotes qui ont été choisies et des directeurs qui se sont rendus à Ko Ho
pour assister à un séminaire sur la double vacation, ensuite lorsqu'ils sont
revenus, ils ont rassemblé les maîtres qui allaient prendre les classes à double
vacation et ils les ont formés seulement quelques jours et ils ont pris leur
classe. Alors il y a ceux qui ont fait de leur mieux, mais à la fin de l'année, on a
fait un test aux élèves qui a montré qu'ils n'avaient pas le niveau de ceux qui
avaient fait le C.I. dans les classes normales.
Dans le projet Éducation il, nous on ne connaît rien d'autre que la
double vacation, ce sont surtout les chefs qui connaissent les autres phases,
mais l'enseignant qui est sur le terrain, lui il ne voit que la double vacation. Le
projet Éducation III a été rejeté à la Conférence nationale et d'ailleurs par
presque toute la population qui ne comprend pas qu'un enseignement au rabais
soit dispensé aux enfants: les paysans ou les autres Nigériens veulent que
leurs enfants accèdent à la fonction publique, mais l'État lui, n'a pas de

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moyens; alors son but est de scolariser juste pour scolariser, qu'on dise que le
taux de scolarisation a augmenté. C'est pour cela qu'il y a la double vacation.
Mais le Nigérien, lui, il veut qu'il ait un enseignement plus efficace, que ça
serve à quelque chose parce que chez nous, une fois que l'enfant n'a pas réussi à
l'école, il est désœuvré, il ne sait pas quoi faire, il est là à se trimbaler dans la
rue. Et nos enfants, ils ont un complexe aussi: quand tu es allé à l'école, il y a
certains travaux que tu détestes, surtout le travail manuel, c'est difficile de
retourner à la terre, ils ne veulent pas du tout retourner à la terre.
Le projet Éducation ill, ça, c'est le programme d'ajustement structurel.
Ce sont des rumeurs, mais il paraît que l'on veut licencier 10.000
fonctionnaires nigériens parce que le salaire est trop élevé. Mais
heureusement, l'U.S.T.N. s'y oppose. Si on renvoie 10.000 fonctionnaires, il
faut penser que chaque fonctionnaire a au moins 15 à 20 personnes derrière lui,
sans compter sa propre famille. Un Nigérien qui est chassé d'un service,
vraiment, il faut voir le nombre de personnes derrière lui qui vont souffrir. La
belle famille peut venir, dire qu'il faut l'aider, il faut faire telle chose, ton petit
frère qui est là-bas, il peut venir, ton oncle il peut venir, tu vas l'aider, et si tu
ne le fais pas, c'est le social, tu es fini. Pour le paysan de la famille, tu es bien
vu, tu gagnes de l'argent, lui, il ne gagne rien, tu n'oses même pas lui dire
quelque chose, tu es obligé de le calmer, de lui dire attends, à la fin du mois
j'aurai quelque chose et je vais te donner. Alors, si par exemple l'USrn dit à
tous les fonctionnaires qu'il est nécessaire de diminuer nos salaires, ça devrait
marcher. Quelqu'un qui a 150.000 francs CFA par mois, on peut peut-être le
ramener à 120.000, 125.000 peut-être. Si ça peut aller comme ça, c'est mieux
que de chasser les gens. Celui qui est à 80.000 on le ramène peut-être à 60.000,
c'est mieux comme ça et les fonctionnaires sont conscients de cela. C'est sftr
que les fonctionnaires sont prêts à accepter ce sacrifice plutôt que d'être
licenciés. Même si toi tu veux qu'on licencie, peut-être que tu seras dedans, tu
ne sais pas, alors tu ne peux pas le souhaiter, bien que nous les enseignants,
c'est très difficile qu'on nous chasse car il n'y a pas assez d'enseignants ».

Nous devons préciser que cet entretien a eu lieu peu de


temps avant la dévaluation du franc CFA de 50%, ce qui a
permis de réduire davantage le coût de l'aide internationale et
de faire baisser encore plus le niveau de vie des fonctionnaires.
TI n'a pas été alors nécessaire ni de réduire les salaires, ni de
licencier.

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Les directeurs d'école primaire ont d'autres soucis liés à


l'application des projets éducation II et III qui se limitent pour
eux à la double vacation: ils sont conscients que celle-ci aura
des conséquences désastreuses sur le niveau des élèves et que la
formation et l'encadrement des enseignants ne sont pas
suffisants:

«En 1989, je suis allé à Kollo pour un séminaire sur la double


vacation. On a essayé la double vacation en 89-90 dans notre école à Maradi au
niveau des C.I. et C.P. et le premier constat est que les enfants qui sont
actuellement au C.M.1 portent jusqu'à présent les séquelles de cette double
vacation: ils ne savent pas lire correctement et ils ont des difficultés sur le
plan du calcul. Donc le premier bilan des années passées en double vacation es t
négatif. Ces « cobayes» ne sont pas dans la même situation que les autres
élèves de C.M.1 qui n'ont pas subi la double vacation. Voici les causes: il n' y
avait pas un suivi au niveau de l'encadrement, ni les conseillers, ni les
inspecteurs ne se sont intéressés à cette double vacation, il n'y avait que le
maître qui était concerné car il avait une indemnité de 20.000 F CFA par mois.
Le samedi, il est seul à l'école, il commençait avant et finissait après les
autres, personne ne s'intéressait à lui; voilà pourquoi le niveau était bas. Cette
année [1994], je pense qu'il y aura un petit changement, car au niveau de la
commune il y a un comité de suivi qui a été mis en place pour cette double
vacation, il est déjà passé à l'école, ils ont dit que chaque fin de mois ils vont
essayer de passer à l'école pour voir avec le maître et le directeur quels sont les
problèmes que le premier rencontre dans sa classe. Ce comité de suivi dépend de
la direction régionale: il est formé de l'inspecteur communal et un représentant
de la direction régionale. Maintenant, il faut faire quelque chose au niveau des
directeurs, car s'ils veulent que les directeurs fassent un suivi, il faudrait qu'ils
soient indemnisés, sinon ils ne resteront pas aider les maîtres à double
vacation. Le projet n'a pas prévu de payer les encadreurs et les directeurs, mais
si le travail doit être correct, il faut que le directeur suive les enfants, il faut que
les encadreurs ne négligent pas les maîtres, c'est l'avenir de ces enfants qui est
dans nos mains, ce n'est pas la simple bonification de 20.000 F CFA qui va
seulement intéresser certains maîtres. Ce qui nous inquiète aussi pour ces
maîtres cette année, c'est l'introduction du nouveau programme avec les maths
modernes, les pré-lectures, les nouvelles méthodes de langage, on ne sait pas
ce que cela va donner. Sur ces nouveaux programmes, les maîtres ne sont pas
imprégnés, ils ne sont pas prêts, ils n'ont reçu que 3 à 4 jours de formation.

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C'est le programme avec les fiches. TIssont assez en retard par rapport à ce qui
était prévu dans le programme. Cela risque de baisser le niveau. Dans ce
nouveau programme, il y a une approche pédagogique, le placement des tables,
les enfants doivent être complices de telle sorte qu'ils ne voient pas cela
comme un travail mais un jeu ».

Les enseignants sont plutôt fatalistes durant l'année


scolaire 1993-1994 suite à la réintroduction de la double
vacation, alors qu'ils s'y étaient opposés et avaient cru avoir
gagné, puisque pendant les années 1991-1992 l'expérience du
double flux avait été stoppée:

«Depuis la Conférence nationale on a rejeté le P.A.S. [plan


d'ajustement structurel], le S.N.E.N. depuis 1987 au congrès de Tahoua l'a
rejeté, et maintenant il revient avec son volet sectoriel qui est le projet
Éducation ill. Or depuis 1990 on a vécu deux années blanches. Nous avons
tenu depuis une réunion sur le projet éducation Ill, il en a résulté qu'on ne
pourrait pas le rejeter une nouvelle fois sans anéantir notre système éducatif:
les enseignants ont donc accepté la double vacation à défaut ».

Les enseignants qui ont des classes à double flux, parfois


mal vus par leurs collègues, sont plutôt concernés par la fatigue
occasionnée par leur travail, lorsqu'ils le font dans les règles de
l'art. TIs nous parlent des problèmes de décalage entre
l'organisation temporelle d'une classe à double flux et celle
d'une classe normale. Leur choix de s'occuper d'une classe à
double vacation correspond souvent à une promotion
professionnelle et économique: ils sont sûrs de toucher la prime
de 20.000 F CFA distribuée par la Banque mondiale, tandis que
l'obtention de leur salaire qui dépend de l'État reste plus
aléatoire:

« Le double flux est constitué par deux groupes, dont chaque groupe a
trois matinées et deux soirées. La matinée fait 4h30 et la soirée 3h15. Donc
quand un groupe vient le matin, l'autre vient le soir et le lendemain on
intervertit. Le problème c'est que c'est une nouveauté pour les enseignants, les
parents et surtout pour les élèves car ils se trompent souvent de groupe. Mais
les effectifs restent pléthoriques: le groupe A à lui seul fait 58 élèves, le

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groupe B 57 élèves. Le deuxième problème, c'est que le programme lui-même


est nouveau. Donc même si ce n'était pas une classe à deux groupes, les Iivres
que l'on utilise sont édités par l'INDRAP, ce sont des nouvelles méthodes.
Comme il y a deux groupes, le temps a été réduit, au lieu d'une leçon de 40 ou
60 minutes, ça fait 20 ou 40 minutes. Dans la méthode traditionnelle il y a
beaucoup de temps morts, mais maintenant il s'agit d'utiliser le temps au
maximum, d'une manière utile pour les enfants. Donc pour les leçons de
langage, on estime qu'au bout de 20 minutes l'enfant a bien saisi, et au-delà de
20 minutes il ne peut plus rien saisir. Les mathématiques, puisque c'est une
gymnastique, il peut aller jusqu'à 40 minutes. Donc selon l'initiateur du double
flux, ce travail peut être bien conduit avec seulement 4h30 par jour au lieu de
6h30 lorsque c'était l'ancienne méthode. Ce que l'autre élève a maîtrisé en 60
minutes, celui -là le maîtrise en 40 minutes avec la nouvelle méthode si celle-ci
est associée à la bonne volonté du maître. Pour le moment cette année [1994] il
Y a 14 classes à double flux dans la ville de Maradi. Avant, cela avait été
expérimenté, mais dans une classe ou deux par commune. Maintenant, dans
presque toutes les écoles des villes, cela a été instauré, donc c'est à partir de
cette année que l'on pourra juger de l'efficacité de cette méthode.
Pour l'instant les difficultés c'est surtout la fatigue: on atTive à 8h, on
sort à 12h30, on revient à ISh - si on dit heure réglementaire à 15 h,
normalement l'enseignant doit être là à 14h30 - donc il ne va à la maison que
pour manger, ensuite il quitte son travail à 18h15, il arrive chez lui à 19h, c'est
la nuit, il faut faire la préparation pour le lendemain, elle demande 2 h de
temps, donc j'arrête de travailler à 10h et le lendemain je dois être à l'école à
7h30. De plus je suis obligé de travailler le samedi de 8h à 12h30
contrairement aux autres qui n'ont pas la double vacation. Donc 30 minutes 0 n t
été ajoutées à la fois le matin et le soir.
Ce qui m'a poussé à faire cela, c'est qu'à l'École expérimentale je
n'avais pas de classe, j'étais en surnombre, donc pour moi la vie parasitaire en
tant que maître titulaire, ce n'était pas bon, c'est pourquoi je suis parti en tant
que maître suppléant; au départ, il y avait 14 maîtres titulaires. Pour chaque
enseignant titulaire, il était prévu une prime de 20.000 F supplémentaire.
J'étais volontaire, deux autres avaient refusé car ils devaient calculer avec le
maître titulaire le nombre de jours de remplacement pour se partager la prime de
20.000 F, cela pouvait faire des histoires et ils se sont désistés et j'ai pris la
place. Maintenant, étant le seul suppléant de la commune, je suis ici pour
remplacer un enseignant qui va passer un concours pour devenir instituteur-
adjoint.

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Notre formation a pris une semaine, c'était en octobre 1993. Il y avait


des gens des départements de Zinder, Diffa et Maradi. C'était à l'école normale,
il y avait des inspecteurs qui étaient venus spécialement nous encadrer pour
cela. Les enseignants qui ont accepté, c'était surtout pour la prime de 20.000 F.
La prime, c'est important, surtout quand les salaires ne tombent pas, ça vient
par mandat, c'est la Banque Mondiale qui envoie ces primes, ce n'est pas le
gouvernement, donc c'est sOI.
La commission de suivi est passée dans ma classe et m'a posé les
mêmes questions, j'ai même rédigé quelque chose, j'ai fait des propositions:
les enfants rentrent à 8 h et il y a une récréation à 9 h 20 de 10 minutes, alors
que les autres sont en classe, ce qui les dérange, ils sont seuls et ne savent pas
quoi faire. Quand les autres élèves sortent en récréation à 10 h, mes élèves
perdent leur attention, et eux vont en récréation à 10 h 50, donc là il Y a
incompatibilité. Le soir aussi, il y a une récréation de 15 minutes vers 17 h,
mais à 18 h 15 c'est le crépuscule, et comme il n'y a pas d'électricité, on ne
voit rien; de plus les parents attendent depuis 17 h 30 les élèves de ma classe
alors que les autres sont déjà sortis. J'ai proposé que la récréation soit à la
même heure, de 10 h à 10 h 30 et que l'on mette à la fin les matières faciles à
assimiler comme le graphisme et les A.P.P. Il faudrait que les enfants rentrent à
la même heure et sortent à la même heure, mais en rajoutant le mercredi après-
midi pour les cours».

Durant la mise en place de la double vacation en 1993, les


parents d'élèves se sont surtout inquiétés du manque de mesures
d'accompagnement de la double vacation, notamment celles qui
concernent l'occupation des élèves durant les demi-journées
durant lesquelles ils n'ont pas cours. La mise en place d'ateliers
d'activités manuelles aurait reçu leur approbation si la Banque
mondiale avait financé ce projet:

« En ce qui me concerne, la seule observation que j'ai à faire, c'est que la


double vacation a laissé les enfants traîner dans la rue durant les demi-journées
durant lesquelles ils n'ont pas cours dans leur classe, alors qu'il faudrait que le
projet ait des mesures d'accompagnement. On sait qu'en Afrique, les parents ne
s'occupent pas de l'éducation de leurs enfants durant la journée: c'est l'école
qui doit s'en occuper. Donc il fallait parallèlement à la double vacation créer
des conditions qui puissent amener les enfants à faire quelque chose pendant le
temps où ils sont laissés à eux-mêmes afin qu'ils n'aient pas d'accidents ou que

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cela ne les entraîne pas vers la délinquance. C'est ça qui a fait que tout le monde
est contre la double vacation parce que vous avez des enfants qui traînent dans
la rue et les parents n'ont pas les moyens de les maintenir à la maison. Or, par
exemple au Sénégal ils ont fait des ateliers de forge, de menuiserie, de
maçonnerie, de tissage, de mécanique, où lorsque les enfants ne vont pas en
classe, ils restent dans la cour et font ainsi des travaux manuels. Moi, je crois
que si on avait présenté ce projet sous cette forme, il aurait été accepté par tout
le monde, et il aurait été même salué. Mais le fait que le projet laisse la moitié
des enfants dans la rue pendant que l'autre moitié ,vient à l'école, et ainsi de
suite, les parents trouvent que c'est du sabotage. En ce qui concerne les ateliers,
les parents d'élèves ne sont pas contre, cela résoudrait même une grande partie
des problèmes de l'école, puisque si l'enfant n'arrive pas à gagner une place
dans un bureau, il aura au moins appris un métier et pourra gagner sa vie avec
cela. Mais ça ne peut pas être réalisé et financé par les parents, c'est aux
bailleurs de fonds qui nous imposent la double vacation de financer ces ateliers.
Mettre un marabout dans l'école pour occuper les enfants correspond à la
politique de nos moyens et puis aussi à notre culture ».

Les collégiens, les lycéens et les étudiants ont surtout


retenu des projets éducation II et III la privatisation des écoles, la
diminution des bourses, la mise en place de concours d'entrée à
la fonction publique et donc la suppression de la
programmation. Mais finalement ils ne sont pas opposés (en
1994) ni à la diminution des bourses - car ils ont conscience de
la situation économique dans laquelle se trouve désormais leur
pays -, ni à la mise en place du concours d'entrée à la fonction
publique si celui-ci se déroule dans des conditions objectives
sans parti pris des examinateurs. Par contre, ils sont contre la
privatisation de l'enseignement puisque la grande majorité des
Nigériens que représentent les classes populaires à commencer
par les paysans ne pourrait pas y avoir accès. Ils se souviennent
également de leur combat contre le P.A.S., de la répression des
forces de l'ordre et de la non reconnaissance des États généraux
de l'éducation par les gouvernements qui ont suivi:

«En 1990, on avait blanchi l'année, on était en première au lycée


technique, à la base c'était contre le P.A.S. imposé par le F.M.I. et la Banque
Mondiale, contre le projet éducation III : les étudiants n'étaient pas d'accord, le

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gouvernement voulait suspendre les programmations. Il s'agissait de


privatiser des écoles, ce qui allait à l'encontre des intérêts du plus grand
nombre: les défavorisés. Mais en ce temps l'U.S.N. n'était pas reconnue. Nous
avons essayé de contrecarrer ce Projet éducation Ill, nous avons déposé un
préavis de grève et le 8 février 1990 nous avons marché: le gouvernement
nous avait dit de ne pas marcher, donc c'était une manière d'inciter les gens à
aller marcher; le président était en Guinée-Bissau pour une conférence. Le
gouvernement avait déployé toutes les forces de l'ordre sur le pont de Niamey
pour contrecarrer les étudiants, il y a eu des coups de feu, ce qui a fait des morts
parmi les étudiants. Cette année-là, on ne voulait pas étudier, le gouvernement
interdisait les manifestations dans tout le pays, et nous à Maradi on a
manifesté en avril 1990: il y avait eu une répression, mais il n' y a pas eu de
morts ici, mais des blessés graves comme des fractures au crâne, à la mâchoire,
au bras, etc.
Si on privatise l'enseignement, la masse paysanne n'aura pas accès à
l'éducation. Il vaut mieux multiplier les professeurs que faire la double
vacation, diminuer le nombre des élèves par classe, qu'une formation au rabais.
Le Niger n'est pas prêt pour un ajustement structurel au niveau de l'éducation.
Le peuple est souvent lésé, il ne voit pas le changement quand le Niger reçoit
de l'argent, il se demande où cet argent passe. Par exemple, le gouvernement
n'a pas tenu compte des États Généraux, il a continué avec l'ancien système.
Pour les concours, si c'étaient des personnes étrangères au pays qui faisaient la
correction des épreuves et donnaient la liste des élèves admis, nous serions
d'accord pour les concours. Si ça passe par des Nigériens, il y aura
obligatoirement des magouilles» (Mahamane, élève de terminale).

« Je ne rejette pas en bloc les projets éducation n ou ill, mais certains


points viennent trop tôt: par exemple la privatisation des écoles, le Niger n'a
pas encore atteint un stade de développement soutenu pour que certaines écoles
soient privatisées, et si c'est le cas, une très grande partie de la population ne
pourra pas profiter de cette scolarisation-là, et je ne pense pas que ce soit de
nature à favoriser notre développement. La pauvreté a tellement gagné de
terrain que pour avoir simplement le minimum vital, c'est difficile; celui qui
n'arrive pas à s'auto-suffire sur le plan alimentaire, je ne pense pas qu'il puisse
avoir une idée sur une quelconque inscription de son enfant dans une école
privée.
Pour ce qui est de la diminution des bourses, étant donné que le pays es t
en faillite, je pense que c'est par patriotisme qu'il faut l'accepter; il faut savoir

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que les bourses à un moment ont été augmentées quand tout allait bien sur le
plan économique où toutes les couches sociales en ont profité, et maintenant,
c'est par voie de conséquence qu'il faut accepter la diminution des bourses.
Sur les orientations, il est question de supprimer la programmation:
après l'acquisition d'un diplôme, on doit d'abord passer par un concours avant
d'accéder à la fonction publique. Je ne suis pas contre cela car il y a une
tendance incontournable qui est là : en ce moment et pour l'avenir, la fonction
publique ne peut pas absorber tous les diplômés. La meilleure mesure sélective
est bien le concours, afin que la fonction publique n'ait pas un nombre
pléthorique de fonctionnaires qui, au lieu d'aller travailler, vont uniquement
dans les bureaux avec les journaux du matin et du soir [l'auteur confmne qu'il ne
s'agit pas là d'une affirmation gratuite]. Sous cet angle, le concours est une
bonne chose. Le problème se situe dans le fond du concours, car la
« magouille », les« bras-longs» sont très développés au Niger, à telle
enseigne que le fils d'un pauvre paysan ne peut prétendre réussir ce concours-là.
C'est juste à ce niveau que j'ai un avis défavorable concernant l'organisation
d'un concours pour accéder à la fonction publique» (Soumeïla, élève de
terminale ).

«Moi, je ne refuse pas les concours s'ils se font dans la norme des
choses, mais maintenant on dit que le concours d'ENICAS c'est 50.000 F, et à
plus forte raison pour le concours d'entrée à la fonction publique, ce seront les
riches et les personnes bien placées qui vont favoriser leur famille, ce sera
comme un héritage, et donc ce seront toujours les mêmes familles qui vont
diriger le Niger, les pauvres qui vont venir étudier pendant 20 ans devront
revenir chez eux, sans rien. Par exemple, un cousin à fait 7 ans d'études pour
devenir médecin, il n'a jamais redoublé, l'État lui a dit d'attendre chez lui, mais
quand il est revenu, les gens du village ont décidé de retirer leurs enfants de
l'école; ici au Niger, c'est toujours du favoritisme. Par exemple ma grande sœur
a fait le concours de l'ENA, ils lui ont dit de donner, mais elle a refusé, elle a dit
qu'elle était contre ça. Mais parfois les femmes se donnent à ceux qui font le
passage, au concours de l'EN A: on avait retrouvé dans les douches un
professeur avec une fille, c'était un cancre, mais elle a pu réussir car elle
connaissait les questions qui allaient lui être posées, elle était aussi militante
du MNSD, cela a aussi aidé à son passage. Maintenant, il faut insérer sa carte du
parti quand on fait sa demande pour être embauché dans un service, c'est ce qui
se fait. Donc avec les partis, le problème s'est encore aggravé, même au
brevet, certains professeurs faisaient ça. Depuis les années blanches, les

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enfants de riches sont partis étudier à l'étranger et nous, nous stagnons ici, ce
qui fait que ce seront eux qui auront en premier les places, donc c'est encore un
héritage chez les grandes familles» (Hamisatou, lycéenne).

«Les années blanches sont des années perdues, il faudrait qu'il y ait
une entente permanente entre le gouvernement et le SNEN ; les scolaires sont
confrontés à d'énormes problèmes, nous avons revendiqué, mais nous avons
payé les pots cassés. Nous n'avons pas le minimum pour étudier, parmi nous il
Y a des allocataires qui vivent chez leur tuteur, une fois qu'ils reçoivent leur
pécule, ils paient leur tuteur pour recevoir à manger; alors quand l'État ne nous
donne pas ce pécule, il y a des agitations, c'est légitime; le ventre creux n'a
pas d'oreilles» (Amadou, élève de terminale).

Les experts nigériens en éducation Ge parle de ceux qui


sont indépendants de la Banque mondiale et du F.M.I. et non
des « mercenaires» qui veulent donner raison à tout prix à leur
patron) rejettent la double vacation qu'ils assimilent à de
l'alphabétisation de masse, nous n'y reviendrons pas. Par contre
ils s'indignent sur les manières employées par la Banque
mondiale pour lancer ses projets. Les experts de celle-ci ne vont
pas enquêter dans les villages ni même dans les écoles, mais se
contentent de « ramasser» les informations auprès des
fonctionnaires des ministères qui n'ont plus de relations avec le
monde réel, travaillant dans les bureaux climatisés des hautes
sphères décisionnelles. Ils sont par ailleurs conscients que pour
voir changer les choses en sensibilisant les Nigériens, cela peut
prendre du temps:

«C'est normal que le projet éducation III soit rejeté. Moi je suis
d'accord sur la scolarisation à mi-temps, ce qui s'appelle la double vacation,
mais si je l'admets, il faut dire clairement que je veux faire de l'alphabétisation
de masse, quitte à avoir dans le système formel de scolarisation à sélectionner
les meilleurs élèves de cette base au bout de 4 ans pour les diriger vers un autre
système, qui lui peut les pousser plus loin. Je suis d'accord pour ce système,
mais pas lorsqu'il s'agit de faire ça dans le cadre de notre système actuel qui ne
se prête pas à la double vacation. Si vous connaissez un tant soit peu les
contenus de nos programmes, ce n'est pas faisable, il y a quelque chose à revoir

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là-dedans. Ce n'est pas que je rejette la double vacation, mais je lui donne un
nom, si je l'utilise, c'est pour faire de l'alphabétisation de masse.
En ce qui concerne les bourses des élèves, j'ai l'impression qu'ici pour
faire changer les habitudes, avec un syndicat aussi puissant que le S.N .E.N,
avec le fait que les étudiants, les collégiens, les lycéens, je ne dirais peut-être
pas le primaire, enfin que les élèves puissent imposer pratiquement tout ce
qu'ils souhaitent, notamment des choses qui économiquement paraissent
difficilement réalisables, ce n'est pas vraiment possible. Vis-à-vis de tout
cela, du manque de motivation des professeurs, du fait qu'ils ont cinq mois
d'arriérés de salaire, comment pourrait-on insuffler un changement de mentalité
avant de faire des réformes? Enfin j'ai l'impression que pour faire changer les
choses en matière d'éducation, c'est comme si on était pris dans la mélasse, ça
ne peut pas se faire du jour au lendemain. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a
déjà eu un changement de mentalité; c'est un contre changement de mentalité
qu'il faudrait à présent. De fait, en ce qui concerne les bourses, l'attribution des
bourses, il y a un arrêté qui existe et qui définit les critères permettant à un
élève d'avoir une bourse de l'État. Ces critères sont clairs et nets. Mais comme
nous avons toujours conduit une politique paternaliste, on a fait fi de ces
critères et on a attribué des bourses à un peu n'importe qui, à la tête du client.
Alors, dans certains cas, il s'est produit ceci: l'élève bénéficiant d'une bourse
du secondaire était moins nécessiteux que l'élève qui n'avait pas la bourse.
Alors ça a provoqué des réactions chez les syndicats. De fait, en ce qui concerne
les boursiers actuels, si on appliquait les critères, on pourrait
systématiquement vider les deux cinquièmes. On pourrait systématiquement
enlever la bourse aux deux cinquièmes des élèves allocataires lycéens et
collégiens aujourd'hui. Mais non, on a confié ça à des commissions
départementales tandis que le ministère des finances ne faisait pas de
vérification. Alors on a créé un état d'esprit et maintenant il s'agit de recréer un
autre état d'esprit, c'est-à-dire de reposer la base de la bourse. C'étaient les rois
de France qui avaient commencé à attribuer la bourse aux étudiants, et l'Empire
ensuite a continué. Mais, les enfants bénéficiant d'une bourse, ils s'appelaient
les pupilles de l'État, c'est-à-dire ils pouvaient poursuivre leurs études, mais
avec la perspective de servir uniquement l'État. Alors ces enfants-là étaient
choisis quand ils étaient brillants: ils pouvaient appartenir à des familles qui
avaient l'aisance affichée, mais quand ils devenaient pupilles de l'État,
pratiquement celui-ci les arrachaient à la famille, c'est lui qui payait, la famille
ne pouvait pas réclamer son enfant. Ensuite, parmi les enfants brillants, il y
avait ceux qui avaient besoin d'une aide parce que leurs familles ne pouvaient

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pas subvenir à leurs besoins. Et ensuite c'étaient vraiment les nécessiteux, les
handicapés qui en ont bénéficié. Voilà les bases sur lesquelles les bourses
étaient attribuées. Et chez nous, ça avait été effectivement ces bases qui ont été
retenues. Mais comme tous les textes de ce pays, chaque fois qu'on a pu
empiéter ou même marcher dessus, on l'a fait. Une politique paternaliste a créé
un état d'esprit, et c'est contre cet état d'esprit maintenant qu'il faut réagir.
C'est-à-dire il faut faire une politique de bourse beaucoup plus transparente et
beaucoup plus juste. Qu'elle soit rigoureuse, mais qu'elle soit juste. Et tout le
monde l'admettrait. Parce que même une famille qui a des moyens, lorsque c'est
une famille nombreuse qui a 10 ou 12 enfants dans des collèges, il est naturel
que l'État prenne à sa charge 2 ou 3 d'entre eux, quitte à laisser les autres à la
charge de la famille. TIy a beaucoup de critères qui jouent en la matière.
Alors évidemment, la manière dont la Banque Mondiale ou le F.M.L
analysent les problèmes chez nous, c'est par rapport à des critères qui
socialement ne peuvent pas être pris en compte ici. TIs viennent avec un cadre
général comme si cela était applicable partout, de manière standard; et ce n'est
pas le cas. Ils n'ont pas vraiment analysé les conditions réelles dans lesquelles
vivent les pays du Sud. Là, ils viennent, ils interrogent qui, de gauche et de
droite; les experts qui viennent ici déposent un rapport, mais qui ont-ils
consulté? Uniquement les fonctionnaires. La plupart de ces fonctionnaires
font des années à Niamey sans mettre le pied dans le dernier village là-bas. Par
exemple, moi, par principe, je ne m'appuie jamais sur ce que me dit
l'inspecteur; je lui dis: allons voir vos écoles, c'est sur le terrain que je juge
de la situation. C'est bien de causer avec lui pour savoir quels sont les
problèmes qu'il a appréhendés, mais en se rendant sur le terrain on peut trouver
qu'il a parfois mal analysé et qu'il a tiré une conclusion trop hâtive de la
situation qui est beaucoup plus complexe. Je ne fais pas confiance aux rapports
de l'inspecteur, je ne fais pas confiance aux rapports des maîtres, je préfère être
présent et observer par moi-même. Si les experts de la Banque mondiale se
prêtaient à faire quelque chose de semblable, leurs projets prendraient mieux en
compte les réalités socioéconomiques et culturelles de notre pays ».

Précisons que nous avons effectué ces entretiens durant


l'année 1994 lorsque le projet éducation III a été finalement
relancé avec la double vacation, tout d'abord dans les classes de
C.I. et de C.P. en milieu urbain. Quand nous sommes revenus en
1998, les nouveaux programmes étaient appliqués du C.I. au

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C.Ml, mais pas toujours dans les classes de C.M.2 où les anciens
livres avaient été retirés et où les nouveaux n'étaient pas encore
arrivés. Lors de nos observations, nous nous sommes rendus
compte que les problèmes étaient pratiquement les mêmes cinq
ans après nos premières observations: manque de formation des
maîtres et des directeurs d'écoles primaires pour le double flux,
carences dans les nouveaux programmes notamment lors de la
lecture, livres non édités à temps, choix des parents d'occuper
leurs enfants durant les demi-journées sans maître par des
marabouts dispensant un enseignement religieux à défaut
d'attendre la mise en place d'ateliers scolaires improbables,
manque de moyens des classes populaires pour payer les
fournitures scolaires et des encadreurs afin d'être en mesure de
se déplacer en zones rurales, grèves des enseignants pour obtenir
les arriérés de salaire qui entraînent la non-scolarisation des
élèves et accroît la baisse de niveau, etc.
Mais dans certains établissements en milieu urbain où sont
scolarisés massivement des enfants de fonctionnaires et donc là
où les parents suivent leurs enfants et investissent dans leur
éducation, des solutions ont pu être apportées, comme des
séances de renforcement pour la lecture avec les anciens
manuels (et donc le retour à la méthode syllabique) moyennant
le paiement d'un «suppléant» par les parents d'élèves, qui
travaille même les jours de grèves, le choix de marabouts ayant
fréquenté les établissements franco-arabes pour enseigner
d'abord l'arabe avant la religion, l'intégration des parents aux
décisions prises par l'école par le biais d'une assemblée
générale et donc leur responsabilisation, etc.
Ce directeur comme beaucoup d'autres souhaiterait que
les langues nationales soient enseignées et que des ateliers
scolaires soient créés tout en responsabilisant les enseignants au
lieu d'imposer à tous les enfants un enseignement religieux qui
leur demande de faire encore des efforts intellectuels alors que
ces derniers sont déjà importants lors des demi-journées de
cours. Apparemment, ce directeur fait preuve de réalisme
lorsqu'il nous livre le fond de sa pensée: «l'objectif de
l'éducation elle-même, c'est que l'enfant puisse s'intégrer dans
la société, devienne utile, ce ne sont pas les diplômes ». Cela

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témoigne également d'un changement radical de mentalité où le


diplôme n'est plus ni le principal objectif, ni le seul.

«Les maîtres ont été formés par rapport aux nouveaux programmes en
séance de séminaire en 1993, donc ils n'ont pas reçu une véritable formation
adéquate. Pour chaque niveau au CI, CE et CM, ils reçoivent une nouvelle
formation de quelques jours. Or la formation d'un véritable maître est continue,
il faut continuer à lire les manuels pédagogiques pour s'en sortir. En cas de
blocage, il peut faire appel aux autorités académiques, on en discute et on peut
trouver une solution. Ce sont des manuels qui ont été édités par l'INDRAP ; il Y
a «Pour lire et pour écrire» des manuels de lecture, de mathématiques
«Élèves et maître », des guides d'instituteur, des livres d'étude du milieu,
l'histoire-gégraphie. Le nombre de livres est suffisant, on peut avoir un livre
par table. Normalement, chaque élève doit avoir son livre, mais compte tenu de
la situation, on ne peut pas le faire: au moment où l'État nigérien a fait la
commande des nouveaux livres concernant le nouveau programme, les anciens
livres ont été retirés et les nouveaux n'ont pas été édités dans les temps et les
enseignants n'ont pas reçu de formation à partir des quelques livres que nous
avions. Les enfants ont eu beaucoup de problèmes pour lire et écrire, car ils ont
fait trois ans avec le nouveau programme et actuellement ils n'ont pas eu ceux
de CM2. L'école compte cinq classes de niveau médiocre, les enfants ont été
recrutés en période de transition de livres: l'État ne commandait plus les
manuels de l'ancien programme et les nouveaux qui viennent d'être édités ne
pouvaient être utilisés faute de formation aux manuels des enseignants. Ainsi,
les élèves ont passé quatre ans à lire au tableau du C.I. au C.E.2 et du C.P. au
C.M.l, ils ont souffert de cette pénurie de livres et des effets des grèves. C'est
une situation générale, mais l'État est une continuité: les arriérés de salaire,
c'est pour toutes les années; s'il arrive à payer le mois de février, il restera
mars et avril. Les autres arriérés de l'année précédente incombent également à
l'État.
La différence entre les anciens et les nouveaux programmes, c'est
qu'on applique la pédagogie par objectif. Les nouveaux programmes obligent
les enfants à faire des recherches personnelles. Par exemple, en histoire, ils
demandent à leurs parents ce qui se faisait dans le temps passé, alors qu'avec
l'ancien programme, les élèves n'avaient pas de recherches, c'était le cours
magistral. Donc la nouvelle méthode aiguise la curiosité des enfants. Mais il y
a des côtés négatifs: les enseignants se plaignent notamment de la lecture où
ils rencontrent des problèmes. On a relevé l'inadaptation même des livres de

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lecture. Je souhaite personnellement que ces livres soient repris car il n'y a
pas suffisamment de syllabisation, surtout dans les petites classes, alors que
l'enfant, même si on veut lui apprendre à lire avec naturel, comme c'est lié au
langage, il récite et ne lit pas, et ça c'est mauvais. Mais en ce qui concerne les
mathématiques, il n'y a pas vraiment de problème, à l'exception peut-être des
maîtres car ils ne sont pas bien formés. Nous avons fait une proposition au
niveau de notre CAPED, nous avons pris des initiatives suite à l'accord des
parents d'élèves: nous avons recruté un ancien élève de l'école normale qui a
fait ses deux ans de formation et nous lui avons demandé de reprendre les
lectures avec «La famille Boda », c'est-à-dire de donner des cours de
renforcement en lecture avec les anciens manuels. Il prend même la classe
entière lorsque la maîtresse est en grève. Ce qui fait qu'aujourd'hui, dans toutes
les classes à double flux, ces enfants font ces séances de renforcement et il s
arrivent à lire et à apprendre leurs leçons. C'est une solution locale,
moyennant 50 francs par enfant et par semaine: c'est ce que l'on donne comme
salaire à ce vacataire. Ce sont les parents qui payent, ils le font régulièrement.
TI y a même un procès verbal des parents d'élèves lorsqu'on se réunit en
assemblée générale qui demande de généraliser cela en ce qui concerne tous les
niveaux, même au CM2. Les parents sont vraiment satisfaits de cette
expérience. Nous allons en rediscuter l'année prochaine lors de l'assemblée
générale pour voir comment il faut faire pour généraliser cela. C'est donc une
solution que nous avons trouvée au niveau local. Nous avons également fait des
propositions au niveau de la CAPED : on peut toujours maintenir l'ancienne
méthode dans les petites classes (CI, CP) et quand l'enfant arrive à lire et à
déchiffrer, on peut appliquer la nouvelle méthode à partir du CEl. Tous les
maîtres sont d'accord avec cela. On peut également prendre les maîtres qui sont
en surnombre pour faire des séances de renforcement en lecture. Il y a déjà une
école qui a commencé à faire cela et c'est concluant.
Mais surtout, ce qu'il faut faire pour améliorer le niveau des enfants,
c'est consolider la formation des maîtres qui ont été formés et poursuivre la
formation des formateurs. C'est ça qui prime. Les inspecteurs de Maradi font le
tour des écoles, mais nous connaissons leur problème: ils sont bloqués faute
de moyens. Ce qu'on met à leur disposition, est-ce que cela leur permet de faire
convenablement leur travail? Quand on voit aujourd'hui un inspecteur qui a un
arrondissement à parcourir alors qu'on lui donne 35.000 francs CFA de bons
d'essence qui ne permettent même pas de faire le tour d'un canton, quel travail
peut-on lui demander? Je sais qu'il y en a qui sont de bonne volonté, mais ils
sont limités par les moyens. Ici, le conseiller pédagogique est venu visiter la

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maîtresse de CM2b, ainsi qu'une mission de Niamey: eux, ce qui les intéresse,
c'est l'application du programme intégré. Nous avons eu également la visite de
l'inspecteur itinérant qui est venu faire une séance d'évaluation dans les classes
suivant le nouveau programme dans le CEl et le CE2, et fréquemment les
conseillers viennent nous apporter des informations, nous demandent quelles
sont nos difficultés et ensemble nous arrivons à résoudre certains problèmes.
L'inspecteur passe aussi de temps en temps. Cette année, il y a eu deux
inspections, l'année dernière 3 visites de classe, deux examens pratiques (CAP)
et une inspection. Après leur réussite au BS2, il y a une commission d'examen
qui est formée et qui vient faire passer l'examen pratique. Parfois, nous faisons
l'examen pratique en même temps que l'inspection. Mais si nous bénéficions
de cet encadrement, c'est parce que nous sommes en ville, à côté de
l'inspection primaire.
En ce qui concerne les maîtres qui sont sur le terrain, pour le moment il
Y a une formation qui se fait à l'école normale pendant un mois, et j'estime que
c'est insuffisant. Pourquoi ne pas prendre la période des vacances et pendant
trois mois bien former les maîtres, comme ça il y aura moins de dérapages. Par
exemple, prenons le cas de la formation de mathématiques chez les maîtres de
C.M.l : nous les directeurs, nous ne sommes pas formés, alors qu'est-ce qu'on
va leur dire? Voilà un manquement à la formation de formateurs. En cas de
blocage, il faut avoir recours à l'inspection. Tout le problème est là. Nous
avons maintenant des maîtresses du CM2 qui appliquent le nouveau programme
et qui n'ont jamais eu de formation. Alors comment faire? Il faudrait une
formation adéquate, mais pas superficielle. Il faudrait également qu'on arrive à
maîtriser la grève, car elle fait beaucoup de mal aux enfants, à l'éducation. Et je
ne sais pas s'il faut revoir le système de passage car un enfant qui a été recruté
au C.I. avec les nouveaux programmes, avec un maître qui n'a pas été
correctement formé et qui n'a pas fait la moitié du programme, et qui passe en
classe supérieure, mais qu'est-ce qu'il va devenir? TIfaut qu'on dise la vérité!
C'est toujours le passage automatique avec le CM2 qu'on redouble une fois.
Toutes ces promotions souffrent de cette situation aujourd'hui. Alors si on
arrive à maîtriser les grèves, même si la formation des maîtres est insuffisante,
avec l'encadrement des maîtres, on peut faire quelque chose. J'estime que la
formation dispensée par les projets éducation n et ill est insuffisante: ce n'est
pas en deux semaines qu'on donne à quelqu'un une formation adéquate.
L'autre problème de la double vacation, c'est de laisser l'initiative aux
parents pour l'occupation de la deuxième cohorte: certes, ils ont proposé
d'engager des marabouts, puisque même avant ils envoyaient leurs enfants chez

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les marabouts, mais ce qui est idéal pour éviter beaucoup d'efforts intellectuels
à ces enfants, car même chez les marabouts, c'est l'instruction qui est donnée,
c'est de construire des ateliers scolaires. S'il y a des ateliers scolaires et que les
parents constatent que ces enfants peuvent être occupés par des travaux
manuels, je crois que ce serait mieux. Mais maintenant, les parents ne peuvent
proposer que des solutions qu'ils peuvent supporter, et c'est pourquoi ils ont
pris le marabout qui dispense des cours d'arabe à la deuxième cohorte au lieu de
les laisser partir à la maison. En apprenant les cours coraniques, l'enfant
apprend avant tout l'arabe, mais il y a aussi le côté religieux. Ici, dans notre
établissement, il y a les deux: d'abord l'arabe car l'enfant doit tout d'abord
acquérir des mots qu'il soit capable d'expliquer, donc ça aboutit à la maîtrise de
l'arabe, et non pas l'autre forme d'enseignement, c'est-à-dire la lecture où les
enfants sont capables de lire mais pas d'expliquer. C'est donc un peu différent
ici, car les enseignants que nous avons recrutés ont fait la médersa franco-
arabe. Il y a aussi un peu d'enseignement religieux qui glisse, car quand 0 n
parle des Hadiths, c'est vraiment la religion. Mais ce n'est pas forcément la
même chose dans les autres écoles.
Pour la double vacation, la première difficulté des maîtres, c'est leur
formation; s'ils ne sont pas bien formés, ils auront toujours des difficultés
pour dispenser leurs cours. Dans cette école, la fréquentation est bonne, mais
dans le cadre de la double vacation, certains parents n'envoient pas leurs
enfants pour l'enseignement arabe, notamment les chrétiens qui ne
cautionnent pas cette forme d'enseignement religieux. Là aussi, pour éviter une
mauvaise fréquentation scolaire, nous donnons les programmes aux parents,
l'emploi du temps de chaque groupe aux parents, comme ça, ils peuvent venir
les chercher lorsqu'ils ne veulent pas les laisser.
Il y a également un problème matériel, les cahiers qui ont été conçus
aujourd'hui, je suis sOI que certains parents ne pourront pas faire face au prix de
ces cahiers-là, celui de mathématiques et les autres. Les fournitures que l'État
donne, nous les répartissons en fonction des élèves, et lorsqu'il manque un
cahier, nous demandons à l'élève de dire à son père de payer le cahier. Les
enfants des cultivateurs et des manœuvres ne peuvent pas le payer, mais pour
les autres, c'est souvent par la sensibilisation que nous arrivons à résoudre ce
problème.
Je fais partie de ceux qui pensent qu'en introduisant les langues
nationales, ce serait une bonne chose: c'est tout d'abord une langue maîtrisée
par les enfants, ils auront plus de facilités à apprendre la lecture et même le
langage, c'est la parole, le hawsa ; c'est aussi une bonne chose pour la

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revalorisation de nos langues. Le plus important, ce ne sont pas les examens à


mon avis, c'est d'alphabétiser les gens pour qu'ils arrivent à communiquer par
écrit. Le problème de l'examen est un faux problème, car toujours la plupart des
élèves devront revenir chez eux, même ici en ville. Combien d'élèves échouent
dans ce pays? Après, ils reviennent au bercail, alors s'il y a ce moyen de
communication par écrit, ils seront plus utiles à leur société. Mais s'ils parlent
le français là-bas, ça ne servira pas à grand chose. Avec le hawsa, ils peuvent
alphabétiser leurs frères et leur apprendre à lire et à écrire comme ils l'ont
appris ici. Pour les besoins d'alphabétisation, il faut absolument revenir sur
ces langues-là. Les difficultés que nous avons avec ces enfants aux C.I.-C.P. en
lecture sont dues à cela: c'est une langue étrangère, on les oblige. Si c'était la
langue maternelle, je crois qu'ils seraient plus perceptifs. L'objectif de
l'éducation elle-même, c'est que l'enfant puisse s'intégrer dans la société,
devienne utile, ce ne sont pas les diplômes.
En créant des ateliers scolaires, o~ aurait plus de chance de réussir: par
exemple, j'ai donné l'idée de reprendre le reboisement de cette école, mais ça
demande des moyens. TIfaut des pots, un arrosoir et quelques tuyaux, et qu' est-
ce qu'on a pour cela? C'est ça qui est idéal, l'intégration sociale des enfants
mais aussi dans le domaine des métiers, or les moyens manquent dans Ia
situation que nous vivons actuellement. TI faut aussi responsabiliser les gens
qui sont directement sur le terrain: d'abord, quand on amène l'arrosoir, 0 n
apporte une facture où parfois il n'y a que l'arrosoir. Mais si on demande à
l'enseignant d'aller chercher lui-même l'arrosoir de qualité, celui-ci ne va pas
disparaître rapidement, l'enseignant va matérialiser cet objet; mais quand
c'est parachuté de là-bas, ça ne va pas, c'est un problème de responsabilisation
à la base qui se pose. Si on responsabilise d'abord chaque directeur, on va créer
une émulation: vous avez telle somme, vous allez payer les arrosoirs, ou alors
faites-nous votre programme d'activités, on va voir en vue de cela: ils vont
proposer de bonnes choses et ils vont les garder jalousement. Alors que là-bas,
on propose des sommes importantes, on nous amène des choses alors que ça ne
vaut même pas la somme et les enfants les cassent rapidement. Et il faut qu'il y
ait aussi le suivi des autorités académiques, ils sont là pour ça : «présentez
nous M. le directeur votre inventaire », et ils doivent faire un contrôle sérieux.
Mais je sais que tant qu'on ne responsabilisera pas la base, les choses ne
pourront pas marcher, ça va continuer comme avant ».

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La Banque mondiale aurait pu mener autrement les


politiques de scolarisation dans ce pays, en envoyant tout
d'abord des personnes capables d'effectuer un réel travail de
terrain, c'est-à-dire mener des observations et des enquêtes dans
les écoles des différentes régions, quitte à délaisser un peu les
bureaux climatisés de Niamey. Ensuite, en utilisant les données
de ces enquêtes, il aurait été judicieux de sensibiliser les
partenaires concernés (directions régionales, inspections
primaires et secondaires, directeurs d'établissements,
enseignants, parents d'élèves, étudiants, lycéens, collégiens,
spécialistes nigériens de l'éducation), puis d'élaborer des
propositions en concertation avec ces partenaires qui, nous
l'avons constaté, sont prêts à accepter la mise en place de
mesures afin de réduire les coûts de fonctionnement du système
scolaire, étant pleinement conscients de la crise qui sévit au
Niger depuis les années 1980 (puisqu'ils sont les premiers à la
subir). Mais ce n'est pas semble-t-il de cette manière que
fonctionne la Banque mondiale...

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* * *
*

Les politiques scolaires telles qu'elles ont été menées au


Niger jusqu'à présent ont toujours été décidées et appliquées
arbitrairement par l'État ou l'ancien colonisateur, les
consultations des partenaires n'étant organisées que pour faire
baisser la pression sociale en faisant croire un moment à ces
derniers que les mesures prises ensemble seraient appliquées. Or
depuis 1990, les notions de démocratie et de multipartisme
commencent à être présentes dans la conscience collective: il
serait temps maintenant de travailler sur les projets de réforme
avec l'ensemble des partenaires sociaux si l'on souhaite que ces
derniers agissent vraiment comme des acteurs responsables pour
mettre en application consciencieusement et jusqu'au bout les
politiques qu'ils ont jugées nécessaires pour l'avenir de leurs
enfants.
Nous avons conscience que les «mauvaises habitudes »,
que ce soit du côté des bailleurs de fonds qui ont tendance à
imposer arbitrairement leurs projets, ou du côté du
gouvernement et des populations qui voient avant tout les
retombées économiques à court terme, ne seront pas faciles à
perdre; néanmoins, la «politique du bâton» n'a plus de raison
d'être lorsque l'on mène des projets pour le développement
d'un pays.

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Conclusion

L'analyse des politiques d'éducation au Niger montre


que ce pays n'a pas encore acquis en ce domaine son
indépendance, puisqu'il dépend de plus en plus du bon vouloir
des instances internationales qui organisent selon leurs propres
critères des projets d'ajustement structurel qui ont comme
première conséquence d'accroître les disparités entre les classes
sociales, les examens et les rares débouchés profitant finalement
en premier lieu aux classes favorisées. Suite aux années blanches
de 1989, 1992 et 1993, les élèves ne sont plus vraiment motivés
pour la « course aux diplômes» et ne se reconnaissent plus dans
la société « traditionnelle ». Ils transforment leur comportement
en fonction de ce qu'ils voient à travers les livres et les films
vidéo, ils sont fiers de parler le français et n'hésitent pas à le
faire devant ceux qui ne le comprennent pas en se croyant
supérieurs, ce qui est considéré par eux comme un signe de
distinction entre le monde des intellectuels (fonctionnaires) et
celui des manuels (paysans). Ce qu'ils devaient hériter de leurs
grands-parents animistes n'existe plus et ils ne pratiquent pas
vraiment la religion musulmane de leurs parents. Dès leur
première lecture au primaire, ils voient monsieur Boda en
cravate qui vit dans une maison somptueuse, allant à son bureau
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en voiture, ayant une famillè limitée à sa femme, ses deux


enfants (un garçon et une fille), son chien et son chat: alors ils
se font progressivement à l'idée qu'eux aussi vont vivre comme
M. Boda. Lorsqu'ils sont renvoyés de l'école, ils ont déjà acquis
une conception de la vie en rupture avec celle de leur société. Il
faudrait donc tout d'abord que ce qu'ils voient dans leur livre
de lecture soit en adéquation avec leur milieu de vie. Le même
problème d'adaptation de l'enseignement aux réalités
nigériennes se pose dans le secondaire, ce qui implique que les
élèves n'accordent pas d'importance à ce qu'ils apprennent. Par
exemple, en cours d'anglais de quatrième, presque tous les
thèmes des livres sont adaptés aux réalités européennes: les
personnages parlent de la neige, des châteaux, de l'Écosse, etc.,
c'est-à-dire de choses que les élèves nigériens ne connaissent
pas, alors qu'à la place, ils pourraient apprendre des choses sur
le Ténéré, les montagnes dans la région d'Agadès, etc.
Ensuite, il est indispensable que les langues nationales
soient langues d'enseignement dès les premières années de
scolarisation et que la langue unitaire, le hawsa, soit également
introduite comme discipline dès le primaire (ou une autre
langue nationale pour ceux dont le hawsa est la langue
maternelle), ce qui permettrait à la majorité des élèves de
comprendre l'enseignement dispensé et donc d'avoir un niveau
plus élevé dès le primaire.
De même, il serait nécessaire de mettre en place des
ateliers scolaires pour les activités artisanales et artistiques et
l'initiation à la technologie dès le primaire, afin que les élèves ne
dénigrent pas ce qui relève du travail manuel et qu'ils acquièrent
des potentialités pour être en mesure de s'y employer s'ils sont
renvoyés ou ne trouvent pas d'emploi après leur scolarité. Mais
pour être prises en considération, ces disciplines doivent être
sanctionnées dans le cadre de l'examen (contrairement aux
A.P.P. qui se sont soldées par un échec), le matériel adéquat doit
être fourni, les maîtres, les encadreurs et les formateurs doivent
être formés, etc. Cet enseignement devrait être poursuivi et
développé au collège et au lycée dans le cadre d'une formation
professionnelle technique dans des secteurs qui soient en
adéquation avec l'environnement socioéconomique du Niger.
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Une formation de ce type reviendrait finalement moins chère


que les problèmes de société qui résultent de l'échec scolaire. Si
l'on veut que l'école soit socialement intégrée et
économiquement disponible, c'est pour l'instant vers ces
activités qu'elle doit se tourner: en effet, le Niger importe une
grande partie des marchandises qui demandent des
connaissances techniques alors qu'il pourrait les fabriquer (et
pourquoi pas les exporter). Ainsi, ces élèves auraient grâce à
cette forme d'enseignement originale des potentialités pour être
formés à des technologies plus élaborées dans le supérieur.
Un enseignement supérieur technologique devrait donc
être créé au Niger avec le souci permanent d'adapter les
programmes d'enseignement aux potentialités de
développement artisanal et industriel (de type P.MI./P.M.E.) du
pays, ce qui demanderait au préalable de lancer des enquêtes
afin de mieux ajuster l'offre d'enseignement aux besoins. Des
bureaux d'études permanents (débouchés pour les étudiants de
sciences humaines) pourraient alors être créés pour mener ces
enquêtes et servir de courroie de transmission entre les
P.M.I./P.M.E. et les établissements d'enseignement
technologique.
Or pour mener une formation de ce type, signalons à titre
d'exemple que le Niger possède déjà à l'École des Mines, de
l'Industrie et de la Géologie du Niger (E.M.I.G.) un potentiel
considérable en bâtiments et en équipements (3,5 milliards de
francs CFA d'avant la dévaluation de 1994 rien que pour les
équipements et 12,8 milliards pour l'ensemble de l'opération)
qui n'a pas été utilisé jusqu'à présent. Le potentiel de formation
étant important, le Niger ne pourrait pas absorber à lui seul les
promotions d'ingénieurs et de techniciens supérieurs que
l'E.M.I.G. serait susceptible de former chaque année. C'est
pourquoi cette formation pourrait profiter également aux États
de la périphérie du Sahara comme la Mauritanie, le Sénégal, le
Mali, le Burkina Faso, le Tchad, qui ne possèdent pas de
structures analogues. Mais avant cela, une enquête sur
l'ensemble de ces pays devrait préciser les axes de formation à
privilégier. Par exemple, en ce qui concerne la maintenance
industrielle ou le génie industriel, les caractéristiques climatiques
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semblables de ces pays devraient permettre d'obtenir une


certaine homogénéité des enseignements à dispenser.
C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'une convention
a été établie en 1998 entre notre laboratoire (Laboratoire
d'Anthropologie Historique et Politique de l'université Paris
VIII), l'I.U.T. de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis),
l'E.M.I.G. et le Ministère des Mines et de la Géologie du Niger,
présentant ainsi dans son préambule la relance de l'E.M.I.G. :

«Cette relance de l' E.M.I.G. dans le domaine de la maintenance et ch.1


génie industriel est d'autant plus urgente que la dévaluation du franc CFA de
janvier 1994 ne se conçoit pas sans un appui aux politiques d'industrialisation
des pays affectés par cette dévaluation, appui qui oblige à constituer une
Cellule centrale chargée au niveau de la recherche de réfléchir sur cette politique
d'industrialisation et au niveau de la formation de former les ingénieurs, les
ingénieurs-maîtres (niveau Bac + 4) et les techniciens supérieurs (niveau Bac +
2) susceptibles de la réaliser. TI s'agit entre autres d'éviter qu'une politique de
substitution d'importation souhaitable au niveau des biens de consommation
et dans la logique de la dévaluation ne se fasse par importation d'équipements
tellement coOteux qu'ils pèseront d'entrée de jeu sur la rentabilité ultérieure. En
ce qui concerne l'E.M.I.G. elle-même toutefois, ce problème ne se pose plus
puisque les équipements sont déjà là. Le seul problème consiste à les
rentabiliser. Si l'on fait de l'E.M.I.G. la Cellule centrale de réflexion et de
formation pour l'industrialisation de l'ensemble des pays périphériques ch.1
Sahara, cette rentabilisation est tout à fait possible. Il est donc possible,
moyennant des coftts de fonctionnement faibles par rapport à l'investissement
déjà effectué, de faire cesser le scandale du gaspillage de plusieurs milliards de
francs CFA actuels faute d'utilisation de ces investissements. »

Dans le cadre de cette convention, nous avons été mandaté


en 1998 par notre laboratoire afin de procéder à la mise en
place d'une autre convention entre le Département de sociologie
de l'université de Niamey et le L.A.H.P. de Paris VIII, pour le
lancement d'études sur l'artisanat et les industries au Niger avec
l'objectif de préciser les axes de formation à privilégier en
fonction des besoins du pays. Pour cela, il a été convenu que des
enquêtes seront lancées sur l'ensemble du Niger et porteront sur
les besoins et les potentialités actuelles de l'artisanat au Niger
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dans l'ensemble des domaines productifs, avec une attention


particulière concernant la production ou la rénovation et
l'amélioration sur place d'outillages ou de machines
(notamment machines-outils éventuellement importées
d'occasion) et la production de pièces détachées, afin
d'envisager la possibilité d'une dynamique de croissance
progressive d'un artisanat industriel avec les coûts d'équipement
les plus faibles possibles pour le pays et les entreprises. Ces
enquêtes se dérouleront en plusieurs phases, la première devant
être un premier inventaire mené pendant un mois et demi par les
étudiants de second cycle de sociologie de l'université de
Niamey, encadrés par leurs enseignants et les chercheurs du
L.A.H.P.. Par la suite, ceux des étudiants qui auront montré de
réelles capacités de chercheurs durant cette première phase et
qui le désireront, pourront entrer dans des programmes
contractuels permettant d'approfondir l'enquête, puis de suivre
l'évolution des secteurs économiques concernés à long terme.
Logiquement, ceci pourrait déboucher sur la création de
bureaux d'études liés aux différentes branches industrielles en
développement.
Il est également prévu la possibilité pour les artisans de
suivre une formation leur permettant d'améliorer leur
technologie et le système de promotion de leurs produits. En ce
qui concerne les artisans analphabètes, la formation devra
comprendre une alphabétisation tout d'abord dans leur langue
maternelle, puis éventuellement en français.
Il s'agit donc de substituer au concept habituel de
transfert de technologie de type «usine clef en main », celui de
transition technologique, en partant du niveau technologique
actuel pour le faire évoluer progressivement, sans jamais faire
disparaître les savoir-faire antérieurs, ni proposer aux acteurs
économiques africains des solutions techniques dont les coûts
sont plus élevés que leurs moyens financiers ne le permettent.
Les débouchés de cette formation sont à la fois de
promouvoir les entreprises artisanales déjà existantes et de créer
des entreprises nouvelles dans des domaines qui n'existent pas
encore dans les pays concernés, mais dont le besoin aura été mis
en évidence par les enquêtes préalables menées par les bureaux
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d'études. Ces derniers pourront par la suite être indépendants


financièrement en percevant les rémunérations des entreprises
artisanales qui procéderont régulièrement à des évaluations de
leurs activités par rapport aux besoins du pays, et qui seront en
mesure également de promouvoir leurs produits à l'intérieur
comme à l'extérieur de celui-ci.

Nous sommes conscients que ce projet implique une


nouvelle réforme du système éducatif nigérien car un
enseignement supérieur technique ne peut être que le couvre-
chef d'une filière formation technique qui commence dès le
primaire et qui concerne non seulement les scolaires, mais
également les professionnels comme les artisans.
La mise en place d'ateliers scolaires pour les activités
artisanales et artistiques et l'initiation à la technologie dès le
primaire devrait donner aux élèves le goût pour ce qui relève du
travail manuel et la possibilité pour ceux qui ne poursuivraient
pas leur scolarité, de s'insérer plus facilement dans le monde du
travail. Pour que ces activités soient prises en considération, il est
nécessaire qu'elles soient sanctionnées par un examen, que le
matériel adéquat soit fourni et que les mmîres, les encadreurs et
les formateurs soient formés. Les artisans de chaque village ou
de chaque quartier, moyennant une rémunération pourraient
être associés à la fois comme intervenants auprès des élèves et
formateurs auprès des maîtres.
L'enseignement secondaire technique étant quasi-
inexistant devrait être renforcé, non pas en suivant le programme
d'enseignement actuel qui n'est pas vraiment en adéquation
avec les besoins du pays, mais en proposant une formation de
type professionnel et technique en associant les meilleurs
artisans de la région, mais également les P.M.I./P.M.E. existantes
au Niger et dans les pays limitrophes, ne serait-ce pour effectuer
des stages dans des grandes spécialités. Là encore, les élèves qui
ne sont pas en mesure de poursuivre leur scolarité pourraient
bénéficier de leurs acquis pour trouver un travail.
L'enseignement supérieur technique, comme nous
l'avons indiqué doit permettre de former à la fois des élèves et
des professionnels. En effet, cette filière technique ne doit pas
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léser les artisans et notamment ceux qui participent à la


formation des élèves. De même, elle pourrait profiter à des
adultes en recherche d'emploi ou qui ressentent le besoin de se
spécialiser dans une branche spécifique. L'E.M.I.G. pourrait
être repensée par exemple comme une forme intermédiaire entre
un Institut Universitaire Technologique118 (I.U.T.) et le
Conservatoire National des Arts et Métiers119(C.N.A.M.).
Il serait intéressant par ailleurs que les programmes de
l'université de Niamey soient plus en adéquation avec les
besoins du pays: par exemple en sciences humaines, dispenser
un enseignement sur les techniques d'enquêtes et l'articuler à
des terrains relatifs à l'artisanat et aux P.M.E./P.M.I. de la région
pourrait permettre à des étudiants non seulement de participer
au développement de leur pays en fournissant des données
essentielles pour l'organisation des programmes de l'E.M.I.G.,
mais aussi en se spécialisant dans ce domaine, de créer des
bureaux d'études liés aux différentes branches industrielles en
développement (notamment lorsque l'E.M.I.G. sera
fonctionnelle), c'est-à-dire s'assurer un avenir professionnel
conséquent.
Ce type de projet, plutôt novateur dans sa conception,
pourrait donner les moyens au Niger mais également aux autres

118
Un I.U.T. délivre un Diplôme d'Études Techniques (D.U.T.), aux étudiants
après deux années d'études après le baccalauréat et aux adultes ayant déjà une
expérience professionnelle dans le cadre d'une formation continue de deux ans.
119
Le C.N.A.M. est, entre autres, un établissementd'enseignement supérieur et
technique public pour l'application des sciences à l'industrie. TI organise des
enseignements scientifiques généraux, techniques, de sciences économiques et
de sciences humaines, et s'adresse, en dehors des heures ouvrables, à des
adultes engagés dans la vie professionnelle qui possèdent le baccalauréat ou qui
en ont acquis l'équivalence dans un cycle préparatoire. L'enseignement est
réparti en trois cycles préparatoires: le cycle A conduit au diplôme de premier
cycle technique (D.P.C.T.) ou économique (D.P.C.E.); le cycle B au diplôme
d'études supérieures techniques (D.E.S.T.), économiques (D.E.S.E.) ou
appliquées (D.E.S.A.); le cycle C aux diplômes d'ingénieur, d'ergonomiste,
d'économiste et de psychologue du travail. Le C.N .A.M. organise également
des stages de formation continue et des cours mis en place pour satisfaire les
besoins spécifiques d'une profession.

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pays sahéliens de sortir du marasme économique dans lequel ils


s'enfoncent depuis plusieurs années.
Mais tous les «partenaires» économiques du Niger qui
ont pris l'habitude de faire du «transfert de technologie» en
rendant le Niger dépendant d'eux ne serait-ce pour la
maintenance, ne voient pas forcément d'un très bon œil cette
conception du développement qui vise à laisser aux Nigériens la
maîtrise des technologies qu'ils emploient. Cette conception du
développement considérée comme nuisible par ces «opérateurs
économiques» l'est également pour certains coopérants ou
Nigériens qui «travaillent» sur des projets similaires mais avec
un autre état d'esprit. D'autres cependant, nous ont exprimé
leur profond désir de changer les choses, pas simplement dans le
discours, mais également dans les faits. En effet, le Niger ne peut
pas se développer dans l'attente perpétuelle de l'argent facile de
certains projets plus ou moins «bidons» qui contribuent à
décourager les Nigériens qui ont encore la volonté de se prendre
en main pour œuvrer à un réel développement de leur pays, et à
encourager ceux qui ne voient dans les «projets» qu'une
manière de gagner rapidement de l'argent. De même, au lieu de
concevoir des « projets» dits de développement, peut-être serait-
il temps de passer au développement.

Les politiques d'éducation au Niger sont totalement


orientées par les «projets» des bailleurs de fonds, qui ne
tiennent pas vraiment compte des réalités et des besoins réels du
pays. Certes, la massification de l'enseignement est une idée
acceptable, mais pour cela, il conviendrait d'adapter ses actes à
son discours, par exemple construire massivement des écoles en
zone rurale puisque cela concerne près de 90% de la population
nigérienne et qu'une partie non négligeable de celle-ci n'y a
pas encore accès. TIest vrai que cela nécessiterait un apport de
fonds important et continu (pour les infrastructures et surtout les
ressources humaines), ce qui paraît irréalisable puisque l'objectif
des bailleurs de fonds est avant tout de réduire les coûts de la
fonction publique. Par ailleurs, l'aspect qualitatif ne devrait pas
être mis de côté: la plupart des élèves scolarisés sont à la fois
exclus et acculturés au profit d'une élite qui se dispute des

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postes de plus en plus rares dans la fonction publique.


L'urgence ne serait-elle pas de réformer enfin l'école
nigérienne vers un enseignement qui soit un peu plus en
adéquation avec les réalités et les besoins socio-économiques du
pays? Pour répondre à ceux-ci, la mise en place d'une filière de
formation technique du primaire au supérieur nous apparaît
essentielle. Cela devrait donner les moyens aux élèves sortis du
système scolaire de mieux s'insérer dans la vie sociale et
productive de leur village ou leur quartier et donc de participer à
leur développement. Cela permettrait également de créer de
nouveaux débouchés dans le privé avec la création de P.M.I./
P.M.E. afin de rendre le pays moins dépendant de ses
importations. À long terme, cela devrait donner au Niger les
moyens non seulement de maîtriser les coûts de la fonction
publique et donc de répondre aux injonctions des bailleurs de
fonds, mais aussi d'être capable de financer lui-même sa
politique éducative et donc se lancer activement dans la
construction d'écoles en milieu rural, ce qui lui permettra enfin
d'avoir un taux de scolarisation conséquent d'une manière
honorable.
Mais existe-t-il des bailleurs de fonds (nationaux ou
internationaux) prêts à financer le développement réel du
Niger?

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Sources documentaires et
bibliographiques
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Archives, documents administratifs et textes officiels

Archives de France:

Archives Nationales (C.A.R.A.N.):

Colonie du Niger, Rapport annuel année 1941, 41 p.


Colonie du Niger, Service de l'enseignement, Rapport statistique annuel,
année 1945 (A.N.F. : réf. 200MI/2706)
Haut-Sénégal-Niger, Rapports politiques trimestriels et annuels, 1915
(A.N.F.: réf.: 200MI/1679)
Niger, Inspection Académique, Rapport de rentrée au 1er juin 1956 (A.N.F. :
réf. : 200MI/2043).
Rapport d'ensemble sur la situation générale du territoire militaire du Niger
pendant l'année 1913 (A.N.F.: réf. : 200MI/1671)

Archives Nationales section Outre-mer (Aix) :

Niger: affaires politiques, administratives et musulmanes, Référence


A.D.M./11 G :
Canton de Maradi, 1920 (réf. 11G/28)
Cercle de Maradi, 1938 (réf. 11G/47)
Cercle de Maradi, 1941-1947 (réf. 11G/21)
Enseignement, 1937 (réf. 11G/31)
Enseignement, 1945-47 (réf. 11G/21)
Renseignements administratifs généraux / TI Cercles / Maradi 1941, 1942,
1944, 1947, 1945. (réf. 11G21)
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Série 1: enseignement 1802, 1831-1920 : (1 34 à 36 Haut-Sénégal-Niger


Statistiques scolaires 1903-1920) :
Organisation et fonctionnement de l'enseignement au Haut-Sénégal-Niger,
1903-1919. (réf. 123)
Organisation et fonctionnement de l'enseignement en A.O.F., 1896-1902.
(réf. 19)
Organisation et fonctionnement de l'enseignement en A.O.F., 1904-1910.
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chefs de service (1941-1960) ; (2 G 41/1 60/46) :
Niger. Service de l'Enseignement. Rapport statistique année scolaire 1940-41.
Niamey, le 20 sept. 1941, 42 p. (réf. 2G41/122)
Niger. Service de l'Enseignement. Rapport statistique année scolaire 1941-42.
Niamey. (réf. 2G42/113)
Niger. Service de l'Enseignement. Rapport statistique année scolaire 1942-43.
Niamey, le 23 aoftt 1943. (réf.2G43/131)
Niger. Service de l'Enseignement. Rapport statistique année scolaire 1943-
1944, Niamey, Ie 5 oct. 1944. (réf. 2G44/167)
Niger. Service de l'Enseignement. Rapport statistique année scolaire 1944-
1945, Niamey, le 25 novo 1945. (réf. 2G45/139)
Niger. Service de l'Enseignement. Rapport statistique année scolaire 1945-
1946, Niamey, Ie 31 oct. 1946. (réf. 2G46/120)
Niger. Service de l'Enseignement. Rapport statistique année scolaire 1946-
1947, Niamey, le 12 sept. 1947. (réf.2G47/132)
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1948, Niamey. (réf. 2G48/64)

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1949, Niamey. (réf. 2G49/110)
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1950, Niamey. (réf. 2G50/141)
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1951, Niamey, Ie 20 oct. 1951. (réf. 2051/160)
Niger. Service de l'Enseignement. Rapport -statistique année scolaire 1952-
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Marchés Tropicaux, 27/12/91 : «Les forces de l'ordre ont fait évacuer, le 21
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l'enseignement. La lenteur des autorités à s'entendre a empêché le financement
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Marchés Tropicaux, 08/01/93 : «Université: cours suspendus, faute
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Archives du Niger:

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pro grammes scolaires.
Arrêté du 1er novembre 1918 fixant l'organisation de l'enseignement.
Arrêté du 27 mai 1922 instituant l'école des fils de chefs et des interprètes de
Saint- Louis.
Arrêté n01632 de 1912 réorganisant le service de l'enseignement et créant un
corps de moniteurs indigènes dans le Territoire du Niger.
Arrêté n0257 IP du 22 aofit 1945.
Arrêté n03508F du 7 octobre 1943.
Arrêté n0806 du 24 novembre 1903 organisant le service de l'enseignement
dans les colonies et territoires de l' A.O.F.
Décret 50-414 du 6 avril 1950.

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Français, Loulouba, 2 septembre 1955.
CARDAIRE, Rapport de fin de mission sur le Territoire du Niger du 8 au 26 mars
1955.
NOEL (Lt-cnl), Rapport sur l'installation d'écoles dans le 3ème territoire
militaire, 19 mai 1903.
PRESSE P., Synthèse périodique 1er au 15 mai 1955, ~ 1/111/PS/C, Niamey,
le 20 mai 1955, Gouvernement du Niger, Directeur des services de police.
PRESSE P., Synthèse périodique du 16 au 28 février 1955, N°458 PS/C
Confidentiel, Gouvernement du Niger, Directeur des services de police,
Niamey, 28 février 1955.

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PRESSE P., Synthèse périodique du 16 au 31 mai 1955, N°l 991 PS/C, Niamey,
le 3 juin 1955.
PRESSE P., Synthèse périodique du 16 au 31 mars 1955, ~ 781PS/C,
Gouvernement du Niger, Niamey, 4 avril 1955.
Procès- verbal de réunion de l'Association des parents d'élèves, Cercle de
Maradi, 05/12/1950.
Rapport annuel 1952, Subdivision de Tessaoua.
Rapport annuel 1956, Cercle de Maradi, Il p.
Rapport annuel 1958, République du Niger, Cercle de Maradi, Division de
Dakoro
Rapport d'ensemble, État français, colonie du Niger, Cercle de Maradi, 1er
semestre 1942.
Rapport de rentrée Année scolaire 1957-1958, Circonscription scolaire du
Niger-Centre.
Rapport semestriel d'ensemble, Colonie du Niger, Cercle de Maradi, 2ème
semestre 1939.
Rapport trimestriel d'ensemble, Colonie du Niger, Cercle de Maradi, 3eme
trimestre 1938.
République du Niger, Cercle de Maradi, Subdivision centrale, Rapport annuel
1961.
République du Niger, Cercle de Maradi, Subdivision de Dakoro, Rapport annuel
1961.
République du Niger, Circonscription de Dakoro, Rapport annuel 1963.
Vll..EMIN, Rapport annuel 1953, Subdivision de Dakoro, Cercle de Maradi,
Territoire du Niger, 8 janvier 1954.

Documents de la mairie de Maradi :

Association des parents d'élèves, enregistré n° 2261, Maradi, 9/12/77.


Barmou Batoure, Rapport sur les écoles, République du Niger, Ville de Maradi,
Maradi, 23 décembre 1975.
Coulibaly L. & Li S., République du Niger, Établissements LAKO Vademecum à
l'intention des professeurs et maîtres des établissements, Niamey, 27 février
1978.
Diera Soma Tchiecoura, Lettre du directeur des Établissements scolaires privés
du Sahel, Niamey à M. Le Ministre de l'Éducation Nationale. Objet:

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autorisation d'ouverture d'un collège franco-arabe à Maradi, Niamey, le 27


février 1989
Elhaji Harou Djibo, Participation des membres de l'association des parents
d'élève de Maradi pour les constructions des classes en banco en remplacement
de celles en_paillotes, Maradi, 22 décembre 1975.
Établissement scolaire tAKO, statuts du 29 septembre 1975 modifiés par le
procès-verbal du 7 juin 1997.
Inspecteur chef de service départemental de l'enseignement du premier degré de
Maradi au personnel enseignant et aux agents auxiliaires des écoles, Circulaire
n° 005IDEPD MD Maradi, 3 mai 1988.
Lailaba H., La réforme de l'enseignement, Document de travail à l'intention du
comité technique pour la réforme de l'enseignement et le plan de scolarisation,
Niamey, 29 septembre 1972.
Lettre du directeur du CEG 2 de Maradi à M. l'inspecteur de l'enseignement du
second degré n° 559, Maradi, 22 octobre 1982.
Procès-verbal de la réunion des inspecteurs et conseillers pédagogiques du
département de Maradi (3ème réunion de l'année scolaire 1985-1986) , n° 674,
Commune de Maradi, Inspection départementale de l'enseignement du premier
degré de Maradi, 10/04/87.
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septembre 1975 modifié par le procès-verbal du 7 juin 1977.
Yahaya A, Inspecteur de l'enseignement secondaire au personnel de l'IDES,
Note de service n° 001 IDES M, République du Niger, C.M.S, Ministère de
l'éducation Nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, Direction
de l'enseignement secondaire et technique, Inspection départementale de
l'enseignement secondaire de Maradi.

Documents de l'école Centre:

Colonie du Niger, Cercle de Maradi, Instruction Primaire, Commune de Maradi,


École régionale mixte, Registre matricule des élèves admis à l'école du 1er
septembre 1931, n° 3. n° 201 à 300.

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Colonie du Niger, Cercle de Maradi, Instruction Primaire, Commune de Maradi,


École régionale mixte, Registre matricule n04 des élèves admis à l'école du 1er
septembre 1933, n0301 à 400.
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22 et 23 juin 1938 (M. Gros).

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scolarisation, Niamey, mai 1976.
Conférence-Débat sur l'école Nigérienne, Commission nationale de mise en
place de la Société de développement, C.N.S.D, Zinder, mars 1982.
Contenus et structures de l'enseignement secondaire au Niger, S.N.E.N., janv.
1991.
Contribution du département de Maradi aux travaux préparatoires du plan
quinquennal 1986-1990, Maradi, avril 1986.
Contribution du Ministère de l'Éducation et de la Recherche aux États Généraux
de l'Éducation, avril 1992.
Direction de l'Enseignement Primaire: Internat des écoles normales /
Directions Générales / Étude sur la rentabilité économique des ateliers scolaires
/ Préparation du projet éducation ID.
Direction de l'Enseignement Privé, Recueil de textes réglementant
l'enseignement privé au Niger, 1993.
Direction de l'Enseignement Supérieur et Technique, Synthèses des rapports de
rentrée 1988-1998.
Direction de l'Enseignement Arabe, Rapports de rentrée Années 1984-1998.
États Généraux de l'Éducation, Niamey du 2 au 13 Novembre 1992, Rapport
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République.
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économiques, culturelles et sociales, Niger, déco 1978.
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Plan intérimaire de consolidation.
Plan quinquennal de développement de l'éducation et de la scolarisation, 1979-
1983.
Plan triennal 1976-1978.
Politique du Niger en matière d'éducation, 1993.
Préparation du plan quinquennal 1987-1991. Ressources humaines, secteur
Éducation, Ministère du Plan, Nov. 1986.
Présentation du plan d'action national d'éducation de base pour tous à l'An
2000.
Programme de l'enseignement du premier degré Instructions officielles et
commentaires pédagogiques, 1990.
Programme urgent de réhabilitation du système éducatif (PURSE).
Programmes et Instructions officielles de 1949 applicables jusqu'à nouvel
ordre dans les écoles primaires de la République du Niger.
Projet de charte nationale, chapitres 2 à 4.
Projet de Décret portant réglementation de l'enseignement privé général ou
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Projet de la Réforme de l'Enseignement, Dossiers techniques N°l, N°2, N°3.
Projet de programme pour les écoles normales à cycle court, INDRAP, sept. 80.
Projet de programmes d'études, Formation initiale des instituteurs et
instituteurs-adjoints, D.E.P.D., septembre 1992.
Projet de Programmes Écoles Normales Cycle Court, sept. 1980.
Rapport de la commission chargée de l'organisation des États Généraux de
L'Éducation" juin 1992.
Rapport de Maradi Évaluation des Travaux de Terrain. 2eme recensement
général de la population 1988, Ministère du plan et de la planification
régionale, Niamey, mars 1989.
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Recueil des textes organiques régissant l'enseignement du premier degré au
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Situation de l'Expérience d'Enseignement en langues nationales,
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Février 1992.
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Présidence de la République, Les grandes options des perspectives décennales,
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Table des matières

INTR 0 DUCTI 0 N 7

PREMIÈRE PARTIE: DE LA FRANCE À LA COLONIE DU


NIGER 15
CHAPITREI: L'ÉCOLE: UN INSmUMENT DE CONQœ1E MORAlE ET
IN1ELIECTUEILE DANS LA POUIIQUE COLONIALEEN AFRIQUE
OCCIDENTALEFRANÇAISE(A.O.F.) .19
CHAPITREII : DYNAMIQUEDEL'IMPLANTATIONDESÉCOLES
FR.ANÇAISES
AUNIGER. 37
1900-1922 : le Territoire militaire du Niger 37
1922-1945 : la colonie du Niger ...4 8
1945-1960 : du système Hardy à l'assimilation. 64
CHAPITREIII : POUVOIRETSAVOIR: VERSLACONSTI1U1IOND'UNE
CLASSEDOMINAN1EFR.ANCOPHONE
ETFR.ANCOPHILE. 75

DEUXIÈME PARTIE: DE L'INDÉPENDANCE À LA VÈME


RÉPUBLIQUE (1960-1999) 103
CHAPITRE IV : LES POUTIQUES SCOLAIRES DE LA PREMIÈRE
RÉPUBLIQUE (1960--1974). 111
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CHAPITRE V : LES POLITIQUES SCOLAIRES DURANT LE RÉGIME

MILITAIRE (1974-1989) 13 3
CHAPITREVI : LES POLmQUES SCOLAIRESDE 1989 À 1999. 157

TROISIÈME PARTIE: LES LIMITES DES POLITIQUES DE


SCO LARISA TI 0 N 207
CHAPITREVil : DIVERSIFICATIONDESÉCOLESET DESFORMES
D'ENSEIGNEMENf .213
Un système scolaire en crise .224
Disparités régionales, sexuelles et sociales. 232
CHAPITREVIn : CRITIQUESSURLESPOLITIQUESD'ÉDUCATION
IMPOSÉESPARLABANQUEMONDIALEETLEF .M.I. 255

CON CLUSION 28 3

SOURCES DOCUMENTAIRES ET BIBLIOGRAPHIQUES 293


ARClllVES, DOCUMENTSADMINISmATIFSETTEXTESOFFICIELS 2 9 5
Archi yes de France: 295
Archi yes du Niger: 298
BmuOGRAPlllE SUR L'ÉDUCATION EN AFRIQUE ET AUNIGER 305

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Claude RAYNAUD, Sociétés d'Afrique et Sida.
Thibaut MOURGUES, Les Ethiopiens. La Misère et la Gloire.
Fweley DIANGITUKW A, Qui gouverne le Zaïre? La république des
copains. Essai.
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face à son destin. Quel projet de développement en l'an 2000 ?
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Emmanuel AMOUGOU, Etudiants d'Afrique en France. Une jeunesse
sacrifiée?
Jean-Paul NGOUPANDE, Chronique de la crise Centrafricaine. Le
syndrome Barracuda.
Bruno JAFFRÉ, Biographie de Thomas Sankara. La patrie ou la mort...
Jean-Bernard OUEDRAOGO, Violences et Communautés en Afrique
noire.
Suzie GUTH, Lycéens d'Afrique.
Colette DUBOIS, Djibouti 1888-1967, héritage ou frustration ?
Françoise KAUDJHIS-OFFOUMOU, Procès de la démocratie en Côte
d'Ivoire.
Noël DOSSOU- YOVO, Individu et société dans le roman negro-africain
d'expression anglaise de 1939 à 1986 (3 volumes).
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Collection Études Africaines

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Grégoire NDAKI, Crises, mutations et conflits politiques au Congo-
Brazzaville.
Fabienne GUIMONT, Les étudiants africains en France (1950-1965).
Fidèle-Pierre NZE-NGUEMA, L'Etat au Gabon de 1929 à 1990.
Roger SOME, Art africain et esthétique occidentale.
Blaise BA YILI, Religion, droit et pouvoir au Burkina Faso.
Derlemari NERBADOUM, Le labyrinthe de l'instabilité politique au
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Rémi LEROUX, Le réveil de Djibouti 1968-1977.
Marcel BOURDETTE DONON, Tchad 1998.
Jean-Claude P. QUENUM, Interactions des systèmes éducatifs
traditionnels et modernes.
Annie CHÉNEAU-LOQUA Y, Pierre MATARASSO, Approche du
développement durable en milieu rural africain.
Pierre SAULNIER, Le Centrafrique entre mythe et réalité.
Constant D. BEUGRE, La motivation au travail des cadres africains.
Emmanuel AMOUGOU, Afro-métropolitaines, Emancipation ou
domination masculine?
Denis ROP A, L'Ouganda de Yoweri Museveni.
Louis NGOMO OKITEMBO, L'engagement politique de l'Eglise
càthoUque au Zaïre 1960-1992.
André FOFANA, Afrique Noire. Les enjeux d'un nouveau départ.
Louis SANGARE, Les fondements économiques d'un Etat confédéral en
Afrique de l'Ouest.
Elisabeth BOESEN, Christine HARDUNG, Richard KUBA (dir), Le
Borgou - regards sur une région ouest-africaine.
Pierre PIGEON, Les activités informelles en République centrafricaine.
Josias SEMUJANGA, Récits fondateurs de drame rwandais.
Moussa DIA W, La politique étrangère de la Mauritanie.
Michel DELNEUF, Joseph-Marie ESSOMBA et Alain FROMENT,
Paléo-anthropologie en Afrique centrale, Un bilan de l'archéologie au
Cameroun.
W.H. Paul William AHUI, Eglise du Christ. Mission Harr iste, éléments
théologiques du Harrisme Paulinien.
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Brazzaville: diagnostic et stratégies pour la création de valeur.
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un voyage en Casamance.
Jean-Pierre YETNA, Langues, média, communautés rurales au
Cameroun.
Pierre Flambeau N'GA YAP, L'opposition au Cameroun.
Myriam ROGER-PETITJEAN, Soins et nutrition des enfants en milieu
urbain africain.
Pierre ERNY, Ecoliers d'hier en Afrique Centrale.
Françoise PUGET, Femmes peules du Burkina Faso.
Philippe BOCQUIER et Tiéman DIARRA (Sous la direction de),
Population et société au Mali.
Abdou LATIF COULIBAL Y, Le Sénégal à l'épreuve de la démocratie,
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Joachim OELSNER, Le tour du Cameroun, 1999.
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Joachim OELSNER, Le tour du Cameroun, 2000.
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