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Contexte général 6
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Chapitre 1
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La légitimité puisée de l’appel royal
La question de la réforme du modèle de développement a été posée pour la première fois au plus
haut niveau de l’État lors du discours royal prononcé en juillet 2017 à l’occasion du 18ème anniversaire
de la fête du Trône. Quelques éminents économistes marocains, trop peu nombreux, ont traité
de cette question depuis quelques années, mais le sujet du modèle ne s’est imposé sur la scène
du débat public qu’à partir du discours royal précité. L’invitation du Roi Mohammed VI adressée
aux Marocains, décideurs politiques, acteurs économiques, militants associatifs et citoyens
confondus, pour s’engager activement dans le débat est la raison inhérente à la nécessité
de réformer le modèle de développement. S’il s’agit là de la raison principale, elle n’est pas toutefois
la seule. D’autres facteurs concourent à cette nécessité réformatrice.
Notre lecture de l’appel royal nous conduit à considérer que l’échec du modèle de développe-
ment de notre pays n’est pas de nature exclusivement économique. Cette dimension est certes
fondamentale, mais non exclusive. Il nous semble, en effet, que l’évaluation royale est aussi
une reconnaissance implicite de l’échec du modèle politique et de la gouvernance publique.
Et c’est fort de cette évaluation multidimensionnelle que Le Mouvement Damir a considéré
que sa proposition de transformation du modèle de développement du Maroc se devait
d’épouser la même pluri-dimensionnalité avec un socle politique, culturel et économique.
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des personnalités peu reconnues et dépourvues de capacités de mobilisation des foules.
Une compétition partisane entravée aussi par un découpage électoral qui ne représente
pas fidèlement le poids relatif des populations, ainsi que par un mode de scrutin et un seuil
électoral qui amplifient la fragmentation de la cartographie politique, rendant quasi-impossible
toute coalition gouvernementale homogène et cohérente.
De l’autre côté, des lobbies omniprésents qui tirent leur puissance de leur positionnement
politique ou de leur proximité avec les cercles de pouvoir et qui n’hésitent pas à peser de tout leur
poids pour empêcher des réformes pourtant utiles au pays. On le voit bien aussi à travers
le dossier de la raffinerie marocaine de pétrole, La Samir, et la libéralisation malencontreuse
des prix des hydrocarbures sans instruments de régulation publique comme le rappelle à juste
titre le Conseil de la concurrence. Les facteurs d’inertie précités ne sauraient être décisifs
car ils reflètent l’impuissance de nos politiques, qui ont renoncé à l’action réformatrice
pour se noyer dans les débats idéologiques stériles ou les calculs partisans, alors que dans tant
d’autres pays, celle-ci a été couronnée de succès. La transformation du modèle de développe-
ment marocain avec l’appui du Roi, avec son parrainage et sa caution, sera une première étape
pour les succès de demain. Elle permettra de mettre rapidement d’accord toutes les sensibilités
politiques du pays sur un projet de long terme indépendant des échéances électorales
ou des contingences partisanes, tout en contraignant les thuriféraires de la rente et des privilèges,
ceux-là mêmes qui prospèrent aujourd’hui dans les arcanes du pouvoir, à battre en retraite.
Nombreux sont ceux qui pensent que les entreprises, le capital, le patrimoine et l’épargne
sont surimposés au Maroc et que, en revanche, l’impôt sur la consommation (la TVA) est le meilleur
impôt qui soit en raison de sa rentabilité élevée. Nombreux sont ceux qui estiment que le caractère
inégalitaire des patrimoines et des revenus au Maroc relève d’un déterminisme inhérent au stade
de développement du pays et au niveau d’éducation des citoyens et que les transferts monétaires
de redistribution ex post provenant de l’État ont épuisé toutes les possibilités budgétaires.
Nombreux, aussi, sont les chefs d’entreprises qui croient que la solution à leurs problèmes
de compétitivité se trouve toujours au niveau de l’État et qu’en particulier une subvention
ou une dépense fiscale peuvent corriger les effets négatifs de la concurrence ou de l’impôt.
Nombreux, enfin, sont ceux qui considèrent que la santé insolente des banques est une source
de fierté et de solidité pour l’économie marocaine, ignorant de la sorte, ou feignant de le faire,
les conséquences préjudiciables de leur fonctionnement oligopolistique sur les petites et moyennes
entreprises, qui sont prises en tenaille entre une politique de crédit restrictive abusant du recours
aux garanties réelles et une politique macro-prudentielle de la banque centrale appliquant
sans discernement et à marche forcée des règles prudentielles (Bâle 3) déphasées par rapport
à une réalité fragile du tissu économique national.
Ces exemples peuvent être encore démultipliés mais tous démontreront la nécessité de remettre
en cause toutes ces fausses évidences, autrement dit d’interroger nos représentations et de changer
nos modes de pensée, pour ensuite réfléchir différemment et pouvoir agir autrement et efficace-
ment. Le mémorandum du Mouvement Damir est une contribution citoyenne en faveur de la
recherche d’un nouveau mode de pensée et d’un consensus issu de cette transformation de la pensée.
Mais changer les mentalités et les croyances prend du temps, alors qu’il y a urgence à transformer
le modèle de développement, à modifier les comportements des citoyens, à réformer l’État
et à réorganiser l’économie. Et là réside la difficulté de l’action publique : les idées ne se modifient
que sur la longue durée alors que la gestion des affaires publiques relève du temps court
et de l’urgence. Il faudra donc réformer le modèle de développement tout en bousculant les idées
reçues et en faisant la pédagogie de la réforme. L’empreinte royale qui sera apposée sur le nouveau
modèle, sera un facteur d’accélération et de facilitation du processus de transformation.
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Chapitre 2
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La vie politique marocaine fut émaillée sur la décennie qui vient de s’écouler d’une série d’évène-
ments, d’incidents et de crises qui se sont succédé et ont marqué l’esprit des citoyens de façon qui
n’est pas toujours à la gloire de la classe politique. Dans cette série de faits, il y a bien entendu tout
ce qui peut être considéré comme superflu, à l’image du député et président de commune d’un
parti conservateur qui fut arrêté pour plusieurs affaires de corruption, d’extorsion
et de chantage avec la bagatelle somme de 17 milliards de centimes saisie lors de la perquisition
de sa villa. Ou encore les ministres révoqués sur décision royale en application du principe
constitutionnel de reddition des comptes ou le traitement médiatique des affaires de mœurs
de certains ministres, députés ou responsables politiques provenant d’un parti islamiste,
par ailleurs grand donneur de leçons de bonne moralité. Mais il y a surtout des affaires politiques
considérées comme « structurelles », qui laissent des traces indélébiles dans l’esprit des citoyens
et sont susceptibles d’affecter leur choix lors des rendez-vous électoraux. Ces faits remarquables
sont au nombre de cinq.
La nouvelle Constitution marocaine se voulait être une meilleure répartition des pouvoirs
et la création de contre-pouvoirs, selon une triple logique :
Un rééquilibrage « vertical » des pouvoirs au sommet de l’État, d’une part, par le renforcement
des prérogatives du Parlement (nouvelles compétences, extension du domaine de la loi, refonte
de la composition et des attributions de la Chambre des conseillers) et du Gouvernement (élections
libres et transparentes, respect strict des résultats des urnes, Chef de gouvernement issu du parti
politique classé premier, chef du pouvoir exécutif et responsable de la politique gouvernementale
& de l’administration publique) et, d’autre part, par la création et la constitutionnalisation
d’un ensemble de contre-pouvoirs (renforcement des prérogatives du Conseil constitutionnel,
consécration de la Justice en qualité de pouvoir indépendant, consolidation du rôle des partis
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ce qui nécessiterait une trentaine d’années pour combler les écarts par rapport à nos principaux
concurrents. Nous devons traiter méthodiquement et courageusement chacun des maux
du système éducatif et y apporter des réponses appropriées : manque d’infrastructures, classes
pléthoriques, programmes véhiculant parfois des messages violents ou dogmatiques, programmes
surchargés, méthodes pédagogiques axées sur la mémorisation, absence d’encouragement
à l’esprit critique et à la pensée réflexive, méconnaissance des langues étrangères, formation
insuffisante des enseignants, faible utilisation des outils numériques dans les méthodes d’enseigne-
ment, absence de contrôle et d’incitations à la performance, manque d’éthique de certains
enseignants, centralisation excessive, implication insuffisante des parents, notamment des pères,
grande faiblesse des activités extrascolaires artistiques, culturelles ou sportives … Nous devons
donner la priorité à l’école primaire et faire en sorte que tous les élèves sachent lire, écrire et compter
en arrivant en 1ère année du collège. Nous devons mettre un terme à la rupture linguistique (arabe
classique à l’entrée du primaire, français à l’entrée de l’université) constatée au niveau de l’enseigne-
ment des matières scientifiques et faire cesser le débat stérile et trompeur sur cette problématique,
car la découverte de la science n’est pas une question identitaire mais de transmission de savoirs
et d’apprentissage de techniques de raisonnement démonstratif et déductif. Il convient donc
de mettre fin à l’arabisation des matières scientifiques et décider de façon irréversible de l’usage
d’une langue étrangère universellement employée dans la science. Pour des considérations
historiques, sociétales et économiques, nous sommes favorables à l’usage du français au primaire
et d’élargir de façon optionnelle à une seconde langue étrangère, l’anglais, à partir de l’université.
Pour réussir cette transition, nous devons nous préparer à adopter la langue anglaise à un horizon à
moyen terme ( 15 - 20 années ) et former dès à présent et massivement les formateurs à cette
langue. Nous devons proposer à tous les enfants un accompagnement pour lutter contre les discrimi-
nations sociales et établir au niveau du collège des études dirigées après la classe grâce à des béné-
voles (étudiants et enseignants retraités). Nous devons véhiculer dans les messages pédagogiques
et traduire dans le comportement au quotidien des acteurs du système d’éducation nationale,
un certain nombre de valeurs fondatrices universelles comme celles du mérite, de l’effort,
du progrès, de la réflexion, de l’esprit critique, de l’initiative individuelle, de la curiosité, de la créativité,
de la liberté, du professionnalisme, de la responsabilité, de l’altruisme et de la solidarité avec autrui,
et en particulier avec les minorités et les plus fragiles. Nous devons mettre un accent particulier
sur l’enseignement de la philosophie et de l'histoire des peuples, des cultures et des religions.
Nous devons inverser l’ordre des choses et recruter nos enseignants (y compris les instituteurs)
parmi le meilleur tiers des diplômés de l’enseignement supérieur, comme cela se fait en Corée
du Sud (parmi les 5% des meilleurs diplômés ), en Finlande (parmi les 10% des meilleurs) ou à Hong
Kong et Singapour (les 30% des meilleurs). La sélection des enseignants doit être rigoureuse
et se fonder sur des compétences académiques, mais aussi sur des aptitudes psycho-
logiques et comportementales et sur une véritable vocation à l’enseignement de la part des candidats.
Nous devons dispenser à nos enseignants une formation initiale complète, leur assurer
un encadrement au cours de leurs premières années d’activité et les faire bénéficier
d’un programme de développement professionnel tout au long de leur carrière. La confirmation
d’un enseignant débutant à son poste ne peut intervenir qu’après une période d’essai sanctionnée
par une évaluation. Nous devons revaloriser le statut social du métier d’enseignant et hausser
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Chapitre 5
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Nous avons déjà vu en chapitre 2 à quel point notre modèle économique est à bout de souffle.
Il est devenu totalement inopérant, ne produisant que très peu de richesses et échouant
dans la fonction régalienne de redistribution par l’État. Il laisse chaque année des pans entiers
de la société marocaine sur le bord de la route dans un dénuement effrayant. Les écarts
de revenus et de richesses ne cessent de s’aggraver d’année en année, permettant à quelques
privilégiés d’intégrer le cercle très fermé des richissimes hommes d’affaires les plus fortunés
de la planète. Dans le même temps et assez paradoxalement, ou peut-être assez logiquement,
la corruption, la fraude fiscale et la fuite des capitaux à l’étranger atteignent des niveaux jamais
égalés dans l’histoire du Maroc. Nous devons donc réinventer le modèle de développement
économique et social pour relever les défis présents et à venir. Pour y parvenir, nous devons
replacer l'entreprise privée et la PME plus particulièrement au centre de la création de richesses
matérielles. Il nous appartient de donner plus de cohérence et d'inter complémentarité à nos
stratégies sectorielles et de faire en sorte que les écosystèmes intégrés produisent davantage
d'externalités positives pour les agents économiques des territoires. Nous devons créer
une banque publique d’investissement qui sera essentielle pour le financement des projets
de nos entreprises et pour le soutien à la stratégie industrielle de l'État. Nous devons mieux
réguler le marché financier, améliorer le fonctionnement du secteur bancaire, réformer les autorités
de tutelle et moderniser notre politique monétaire. Nous sommes tenus d'assurer un meilleur
financement de l’économie et de garantir les conditions d'une orientation plus efficace
de l’épargne vers l’investissement. Nous devons travailler davantage à réduire les déficits
et l'endettement public, notamment en réalisant des économies budgétaires dans les dépenses
de fonctionnement de l'État et des collectivités territoriales. Il nous incombe d'améliorer
la performance du portefeuille public et de conduire la réforme fiscale susceptible d'élargir
l'assiette de l'impôt, d'assurer l'équité fiscale verticale et horizontale, de garantir les droits
des contribuables et de lutter plus efficacement contre l'évasion et la fraude fiscales. Nous devons
mener avec courage et détermination la bataille pour la croissance, l’emploi et la justice sociale.
Enfin, il est essentiel pour nous de muscler notre diplomatie économique afin de rééquilibrer
nos balances commerciales bilatérales, de corriger les failles de nos accords de libre-échange
et de réorienter notre politique étrangère, nos IDE et nos exportations prioritairement
en direction de l’Afrique sub-saharienne. Voici donc en quelques mots les grands axes économiques
et sociaux du nouveau modèle de développement proposé par Le Mouvement Damir.
Nous allons maintenant décliner dans le détail la stratégie économique que Le Mouvement Damir
recommande pour le nouveau modèle de développement de notre pays. Pour y parvenir,
nous allons nous fonder sur le diagnostic du Maroc que nous avons établi sur la base de quelques
faits et quelques chiffres.
Nous allons aussi développer des raisonnements économiques et intégrer les contraintes
d’économie politique, tout en prenant en considération les spécificités marocaines. Nous allons,
enfin, nous inspirer des expériences étrangères et formuler les recommandations de réformes
qui nous paraissent être les plus pertinentes pour notre pays.
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La deuxième erreur est que notre politique économique est en retard de deux générations.
Nous mettons en œuvre des solutions qui étaient privilégiées jusqu’à la fin des années 1980,
mais qui sont aujourd’hui totalement dépassées. En effet, nous continuons de reproduire le modèle
en vogue dans la plupart des pays européens durant les Trente Glorieuses et jusqu’au début
de la décennie 1990, basé sur une démarche de « rattrapage économique » qui se manifeste
à travers une migration interne de l’agriculture vers les secteurs industriels (concernant le Maroc,
vers les services et les BTP et dans une moindre mesure l’industrie), sources de gains de productivité,
sur la constitution de stocks de capital matériel, sur la mise à disposition d’une énergie abondante
et bon marché (renchérissement du coût de l’énergie fossile au Maroc depuis la libéralisation
du marché des hydrocarbures en décembre 2015) et sur l’imitation technologique. Force
est de reconnaître que nous n’avons pas su négocier à temps le virage stratégique que d’autres
ont pris avec succès, celui de l’innovation, désormais seul moteur de la croissance des pays
développés et des grands émergents. Dans une économie intégrée dans la mondialisation
et tournée vers l’innovation, les entreprises naissent et meurent selon un processus naturel savamment
décrit dès le début du 20ème siècle par l’économiste austro-hongrois Joseph Schumpeter
dans sa théorie de l’évolution économique avec le concept de destruction créatrice. Le ministère
marocain chargé de l’industrie l’a appris à ses dépens, en constatant que les emplois créés
dans l’automobile, l’aéronautique, la chimie-parachimie, l’électronique ou l’offshoring étaient
en grande partie annulés en emplois équivalents dans les filières industrielles traditionnelles
(textile, filature, tissage, confection, bonneterie, cuir, agro-industrie…). Le processus de destruction
créatrice est inefficace dans notre pays à cause de notre gigantesque retard en matière d’innovation.
Ce déplacement de la source de création de valeur appelle un changement de logiciel à propos
du rôle de l’État dans l’économie et des modalités de son intervention.
La troisième erreur a trait à la manière dont le Maroc fait un usage extensif de l’impôt comme
instrument de pilotage des finances publiques, alors qu’il devrait être plutôt un outil au service
de la croissance économique et de la politique de redistribution. L’État s’obstine à refuser
de remettre à plat ses missions publiques et de rationaliser ses dépenses pour maîtriser ses déficits
et sa dette, préférant recourir à la variable fiscale pour atténuer les déséquilibres des agrégats
macroéconomiques et des comptes publics. Un tel choc fiscal est d’autant plus préjudiciable pour
l’économie nationale que le poids de l’impôt s’exerce sur une partie réduite des contribuables,
créant ainsi une pression fiscale ressentie extrêmement lourde qui est vécue avec un sentiment
(ou ressentiment ?) d’injustice par les agents économiques concernés. L’argument avancé
par les gouvernements successifs pour justifier, à tort, cette politique est double : d’un côté,
la réduction du déficit budgétaire par l’impôt est, pensent-ils, plus juste et plus efficace
car la demande domestique et donc la croissance économique sont préservées et, de l’autre,
la baisse de la dépense publique n’est pas propice au maintien d’un climat social apaisé. Ces deux
arguments sont faux pour plusieurs raisons. D’abord, des travaux économiques menés en Europe
ont révélé que les politiques d’ajustements bâties sur des baisses de dépenses publiques
ont entrainé des récessions courtes et de faible amplitude sur le long terme, notamment
grâce à l’amélioration du climat au sein des entreprises, à la baisse de la fiscalité du capital
et à la reprise de l’investissement privé, tandis que celles basées sur des chocs fiscaux ont abouti
à des récessions fortes et prolongées à cause de leur impact sur le pouvoir d’achat des ménages
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et sur la profitabilité des entreprises. La stratégie économique appliquée par la Suède au début
des années 1990 est une illustration de ce nouveau paradigme. Plombée par une dette publique
proche de 85% du PIB, un chômage élevé et une croissance en berne, ce grand pays scandinave
a mené une politique économique à double détente : une réforme fiscale de grande envergure
destinée à simplifier les impôts et à les rendre plus incitatifs et une réforme radicale de l’État
pour améliorer ses interventions. La Suède a notamment réduit le taux marginal de l’impôt
sur le revenu, forfaitisé la taxation des revenus du capital, décentralisé son système de soins
et institué un mécanisme par points pour garantir l’équilibre de son système de retraites. Ensuite,
la baisse de la dépense publique peut porter uniquement sur la consommation publique
et les emplois publics, mais ne pas concerner les transferts de redistribution. Enfin, les recrutements
massifs effectués chaque année par l’État marocain (près de 80.000 nouveaux postes sur les deux
exercices 2018 et 2019, dont 35.000 enseignants contractuels) ne lui ont pas épargné
les mouvements de contestation à répétition : Hirak du Rif, manifestations à Jerada, grèves
des enseignants contractuels, des médecins du secteur public…
Le nouveau modèle de développement du Maroc doit, par conséquent, éviter ces trois écueils.
Il doit privilégier une politique de l’offre pour stimuler la production de richesses matérielles, sans
sacrifier le devoir de l’État en termes de redistribution des revenus et de partage équitable
des avoirs et des actifs. Il doit centrer sa politique industrielle sur l’innovation pour briser
le plafond de verre de la croissance économique et créer massivement des emplois. Il doit mener
simultanément une réforme fiscale de grande envergure et une politique de baisse de la dépense
publique. C’est au prix de ce changement de paradigme économique que le nouveau modèle
parviendra à créer une croissance plus forte et plus inclusive.
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Cela suppose de renforcer la compétitivité de nos entreprises et de transformer radicalement
la culture de nos chefs d'entreprises, de nos salariés et de nos syndicats : lorsqu'une entreprise
remplit ses carnets de commande, ses perspectives s'éclaircissent, sa trésorerie s’améliore,
ses profits augmentent, elle recrute pour faire face à un surcroît d'activité, les salariés ont plus
d’opportunités, peuvent changer de travail et ne craignent plus de perdre leur poste,
le dialogue social se développe dans un climat apaisé. C'est ce pari de la confiance dans l'avenir,
dans les relations entre les partenaires, dans ses propres capacités à créer de la richesse,
que doit faire le nouveau modèle. Il n'y parviendra pas sans réformes structurelles audacieuses
touchant au droit du travail, à la fiscalité ou aux coûts des facteurs de production.
Nous pensons qu’il faut partir de l’idée économique assez simple que notre pays est face
à une double problématique : celle de la production de richesses et celle de la redistribution.
Nous devons donc nous interroger sur l’efficacité de notre appareil productif car la richesse
ne peut provenir de façon durable et pérenne que de l’économie marchande privée. Mais nous
devons, en même temps, nous interroger sur la répartition de cette richesse à l’intérieur
de l’entreprise et entre les entreprises. A l’intérieur de l’entreprise, ce qui pose la question
de la répartition de la valeur ajoutée entre le capital et le travail. Entre les entreprises,
ce qui permet d’apprécier à quel point les grands groupes privés, qui sont le plus souvent aidés
par l’État, parviennent à tirer vers le haut, donc vers l’industrialisation, l’exportation
et l’innovation, le tissu productif national essentiellement constitué de TPE, PME & ETI. Dans cette
double interrogation, nous devons nous fixer une base d’appréciation, un critère d’évaluation,
qui ne serait pas seulement le profit financier. Car les acteurs du monde de l’entreprise
sont pluriels et tous ont la légitimité d’être écoutés : les actionnaires qui veulent maximiser leurs
rendements, les salariés qui souhaitent améliorer leurs rémunérations, le Trésor Public qui veut
accroitre ses recettes fiscales et les consommateurs qui souhaitent obtenir les meilleurs produits
au meilleur prix. Et ce qui est valable pour une entreprise responsable, l’est tout autant
pour un État responsable : l’équilibre comptable des finances publiques ne peut être l’alpha
et l’oméga de la politique économique d’un gouvernement. Le critère financier ne peut être
exclusif. La fonction économique, politique, sociale, sociétale et culturelle d’un État est tout aussi
déterminante, et même sans aucun doute davantage. D’où la nécessité pour l’État de modifier
son approche et ses outils de décision, en lien avec ce besoin de renouveau du modèle
économique et social. L’État doit mieux récompenser les comportements d’entreprises
vertueuses et pénaliser celles qui produisent des externalités négatives de nature sociale,
environnementale ou fiscale. Il doit repenser sa politique fiscale, sa politique des marchés publics
et sa politique de la concurrence, en ayant constamment à l’esprit la nécessité de répondre
aux urgences sociales, de redresser le tissu productif national et de transformer le modèle
économique et social du Maroc pour le conduire vers l’émergence.
Nous proposons aussi que le nouveau modèle puisse mettre en œuvre une dizaine de recommandations :
Signer un pacte tripartite de confiance et de coopération entre les chefs d'entreprises, les syndicats
et le gouvernement.
Inclure dans le contrat de travail les modalités conventionnelles (prédéfinies et progressives)
du licenciement pour libérer l’embauche, supprimer les éléments de rigidité et d'instabilité
du code du travail, le recentrer sur les normes sociales fondamentales et renvoyer les autres
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dispositions à la négociation au niveau de l’entreprise ou des branches avec une prééminence
du référendum décisionnaire des salariés.
Relever le premier seuil social de 10 à 50 salariés pour favoriser la croissance des PME.
Développer le statut de l’auto entrepreneuriat, en allégeant les formalités administratives,
en octroyant des avantages bancaires et fiscaux et en créant une caisse d’assurance chômage
équilibrée et spécifique qui fait supporter une partie du coût de la protection de la perte d’activité
par les donneurs d’ordre.
Améliorer les prestations sociales pour perte d'emploi (augmenter le plafond de l'indemnité
à trois fois le salaire minimum légal et porter la période d'indemnisation à 12 mois), infliger
des sanctions pour insuffisance de recherche d’emploi et engager une réforme en profondeur
de la formation professionnelle pour orienter les chômeurs vers des filières présentant de réelles
opportunités d'embauches.
Simplifier les normes administratives, rendre les processus de décision transparents et généraliser
le e-Gouvernement à l'horizon 2020, pour empêcher tout découragement de l’initiative privée
et prévenir la corruption.
Créer un écosystème réglementaire, fiscal et social, favorable non seulement à la création
d’entreprise, mais aussi à son développement et à sa transmission.
Réduire le coût du travail et les charges sociales sur les bas salaires et les emplois peu qualifiés,
pour redonner des marges de compétitivité prix à toutes les entreprises.
Baisser radicalement le poids de la fiscalité sur les PME & TPE et accorder des avantages fiscaux
aux grandes entreprises qui innovent, investissent et recrutent (barème progressif de l'impôt
sur les sociétés avec un premier seuil à 5% et un taux marginal de 25%, exonération des profits réinvestis,
amortissements accélérés, provisions réglementées, crédit d'impôt recherche, carry back ...).
Remplacer la taxe professionnelle par un nouvel impôt local ne frappant plus directement
l’investissement mais reposant sur une assiette comptable mixte et prenant en compte chiffre
d’affaires, valeur ajoutée, excédent brut d’exploitation ou résultat net.
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Tenir un discours de vérité et de responsabilité à l'endroit des filières condamnées à un déclin
irréversible sous la pression de la concurrence internationale et leur proposer des plans de reconversion
pour leurs unités de production, de redéploiement et de formation pour leurs personnels.
Mettre en œuvre une stratégie de spécialisation des PME sur des niches mondialisées ne nécessitant
pas une haute compétence technologique, développer leur capacité à monter en gamme
et à proposer du sur-mesure, construire des zones industrielles avec une agglomération de PME
interconnectées, intégrées et reliées aux universités, aux centres de formation et aux associations
professionnelles.
Décentraliser la politique industrielle et prendre les décisions d’affectation des subventions
publiques industrielles au niveau des régions. Cette recommandation s’inspire du modèle
allemand où l’aide sectorielle est impulsée au niveau des Länder, chaque région choisissant
son propre « champion ». La multiplicité des régions en Allemagne garantit la pluralité des firmes
bénéficiaires au sein d’un même secteur au niveau national. L’idée sous-jacente de cette politique
est que des subventions sectorielles ont un effet sur la croissance d’autant plus élevé qu’elles
sont « égalitaires ». Autrement dit, qu’elles ne privilégient pas une firme ou un sous-groupe
de firmes au sein d’un secteur.
Inciter les grandes fortunes nationales à investir massivement dans les secteurs intensifs
en emplois contribuant très significativement aux équilibres sociaux, et au plus près des territoires
et des régions.
Réformer la diplomatie économique du pays et élaborer des plans ambitieux de redressement
des balances commerciales bilatérales avec certains pays (États-Unis, Chine, Espagne, Égypte,Tunisie
et Jordanie) ou espaces (Union européenne) signataires ou non d'accords de libre-échange
avec le Maroc et avec les grandes nations importatrices comme le Japon, le Royaume-Uni,
le Canada, l'Inde, le Brésil, la Russie, l'Arabie saoudite ...
Conditionner et dimensionner les incitations accordées aux IDE suivant une évaluation
rigoureuse effectuée sur la base d’une analyse coût/bénéfice des projets.
Doter le Maroc d'un secteur des transports performant et innovant susceptible de favoriser
la circulation des personnes et le déplacement des marchandises : consacrer les moyens
financiers indispensables à la rénovation des infrastructures de transport, en particulier dans
le domaine ferroviaire, favoriser le fret ferroviaire de préférence au transport routier, moderniser
le réseau routier national, accélérer le désenclavement des petites villes et des zones rurales
éloignées, rendre plus efficace la gouvernance des transports dans les grandes métropoles,
améliorer le confort et la sécurité des usagers dans les transports collectifs, trouver des solutions
avec les élus locaux pour remédier à la congestion urbaine et réduire les embouteillages ...
Conduire une politique énergétique qui permet de produire une énergie à la fois compétitive
pour les entreprises et abordable pour les ménages, tout en devenant de plus en plus durable,
et de préserver notre sécurité d’approvisionnement : plan de sauvegarde de La Samir
et de modernisation de son outil de production, régulation du marché des hydrocarbures
et réduction des marges des importateurs stockeurs distributeurs, renégociation des contrats
de délégation de la distribution de l'eau et de l'électricité et de l'assainissement, exploitation
des 3446 km de côtes marocaines pour développer le secteur des énergies marines renouvelables
regroupant l'énergie éolienne offshore, l'énergie houlomotrice (énergie des vagues), l'énergie
hydrolienne (énergie des courants de marée), l’énergie thermique des mers, l’énergie osmotique
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(technique de séparation de l’eau douce et de l’eau salée par une membrane) et l’énergie
marémotrice, acquisition d'une centrale nucléaire civile auprès d'un pays européen et transfert
au Maroc du savoir-faire technologique.
Réajuster les politiques sectorielles en vue d'une mise en conformité avec les engagements
du Maroc pris au niveau international dans le cadre du respect de l’environnement et du développe-
ment durable.
Donner une impulsion d'une toute autre ampleur à la stratégie numérique du Maroc : réduire
la fracture numérique sur le territoire, généraliser l’internet haut débit, lancer un plan de rattrapage
numérique massif dans les administrations publiques et les PME, soutenir la création de startups
et favoriser fiscalement l’activité des business angels qui les financent, notamment en instituant
une taxation forfaitaire des revenus du capital, adapter l'éducation nationale à l'ère du numérique,
orienter la formation continue vers les formations au numérique et à des reconversions de métiers
transformés par la digitalisation, mettre en place une stratégie de cyber sécurité, développer
des centres d’expertise en intelligence artificielle, etc.
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plus grande. Le secret des pays où les jeunes ont plus de chances de gravir l’ascenseur social réside
dans deux facteurs distinctifs : d’une part, un système éducatif de grande qualité et, d’autre part,
des marchés du travail plus flexibles avec des systèmes de formation professionnelle très efficaces.
Le nouveau modèle de développement que nous préconisons pour notre pays doit activer
plusieurs leviers en vue de réparer l’ascenseur social et stimuler la mobilité des revenus. D’abord,
comme nous l’avons déjà exposé précédemment, il doit tout miser sur la qualité du système
éducatif et universitaire. La recherche de l’excellence comptera au moins autant, voire davantage,
que le montant des budgets ou le nombre de postes créés au sein de l’éducation nationale.
Ensuite, il doit cultiver l’esprit d’entreprendre, d’où l’importance de réduire les coûts administratifs
de création d’une entreprise et de transformer le modèle de l’industrie bancaire et financière
afin de faciliter l’accès à la finance bancaire ou par actions. Enfin, il doit mettre en œuvre
des politiques actives sur le marché du travail, bâties sur le principe de « flexisécurité »
(marché du travail flexible mais garantissant des droits et des indemnités aux salariés)
et sur un système efficace de formation professionnelle.
Réinventer le modèle industriel bancaire c’est concevoir une autre manière de faire de la banque.
C’est mettre le système bancaire marocain en position de relever les nouveaux défis industriels
auxquels il sera de plus en plus confronté, à l’image des établissements bancaires européens,
américains ou asiatiques. La régulation prudentielle est un de ces défis. Les besoins de recapitalisation
induits par les nouvelles exigences réglementaires de Bâle III bouleverseront l'activité bancaire
92
et créeront un effet d'éviction sans précédent sur le tissu économique et social. A l’occasion
de la transformation du modèle de développement de notre pays et dans le cadre
de leur participation à cet exercice collectif, les banques doivent sensibiliser leur autorité de tutelle
sur les risques inhérents au copier-coller réglementaire, à une production normative inspirée par
des banquiers centraux anglo-saxons fortement imprégnés d'une culture financière dominée
par la désintermédiation. Elles doivent mieux expliquer la réalité de leurs métiers, de leurs
contraintes, de leurs clients. Elles doivent faire comprendre aux autorités publiques ce que seraient
les dommages collatéraux d'une réglementation bancaire déphasée, autiste aux fragilités des
entreprises, qui accélèrerait les défaillances plutôt qu'elle ne les préviendrait, qui favoriserait
la destruction des emplois plutôt qu'elle ne les protègerait. Elles doivent exiger une meilleure
évaluation des conséquences de la réforme prudentielle et proposer un calendrier de mise
en œuvre plus adéquat. Quelques exemples de ces incohérences : le ratio de levier limitant
l'endettement des banques (le total des expositions bilan & hors bilan ne devant pas excéder
33 fois le capital tiers one) réduira la taille des bilans bancaires, limitera la fonction bancaire
de financement à la simple "origination" des crédits et incitera les banques à ne conserver dans leur
bilan qu'une partie réduite de leurs créances sur les clients, les encourageant à procéder
à une titrisation massive. Les deux ratios de liquidité (à court terme et long terme) limiteront
la fonction de transformation, en pénalisant la détention d'actifs de maturité longue,
alors que cette fonction est essentielle pour une économie en émergence où les ménages ont
une préférence pour les placements liquides et où les besoins d'investissements à long terme
sont considérables. Les banques seront contraintes de maintenir dans leur bilan un volume
important d'actifs liquides (trésorerie, titres souverains), comme de se défaire des crédits à long
terme aux entreprises et des crédits octroyés aux opérateurs les moins bien notés (PME & TPE).
Les normes comptables IFRS avec leur concept de "fairvalue", présentent une pro-cyclicité
qui est totalement inadaptée pour le dimensionnement des capitaux réglementaires à l’origine
de la production des prêts bancaires et des polices d’assurance.
Le double changement d'échelle est un autre enjeu industriel pour les banques. L'internationalisation
des activités bancaires et l'ancrage dans les régions du Maroc, seront sans doute le défi le plus
déterminant. Les banques demeurent caractérisées par une gestion nationale centralisée,
au moment où elles sont censées se rapprocher de la réalité du terrain, privilégier l'agilité
opérationnelle et la qualité de service au client. Leurs centres de décision doivent se situer au plus
près de l'économie réelle et des territoires, pour répondre aux demandes des entreprises,
des professionnels et des particuliers. Comme elles doivent développer une offre financière
mondialisée, qui se déploiera en Afrique subsaharienne et au Maghreb, mais aussi en Europe,
au Moyen-Orient ou sur d'autres continents.
D'autres enjeux façonneront l'industrie bancaire dans les années à venir. Il s'agit de la problématique
de la relation client, du devoir de conseil, du risque de commercialisation abusive,
des nouvelles techniques de marketing bancaire, de la segmentation, du "pricing", du service
à la carte, du packaging, des offres modulables, des formules de fidélisation, de la digitalisation
des services, de la montée en puissance du mobile banking et des fintech ... Il s'agit aussi
du modèle économique du secteur bancaire, qui soulève des interrogations sur les exigences
93
de rentabilité des fonds propres, le niveau des marges bancaires, le développement des ventes
croisées, l'accès de nouvelles populations aux services financiers (low income banking),
la réduction des coûts opérationnels... Le défi le plus vital pour les banques sera, cependant,
celui des compétences et de la gouvernance. Elles devront se donner les moyens pour
attirer les meilleurs talents et confier leur gouvernance à des profils rénovés, cultivant
une indépendance de décision mais animés par le souci de l'intérêt général. Une nouvelle
génération de banquiers de l'étoffe des fondateurs du système bancaire marocain des années
quatre-vingt, qui parviendra à faire de la banque et du marché financier un instrument au service
du succès du nouveau modèle de développement économique et social du Royaume.
Le Mouvement Damir préconise aussi d’appliquer toute une série de dispositions réformatrices :
Le Mouvement Damir propose , également, de fusionner les fonds de la CDG, Finéa, Fipar Holding,
la CCG et Maroc PME, au sein d’une structure unique qui serait la banque publique d’investissement.
Il s’agit ici d’une proposition majeure qui est de nature à transformer radicalement l’échiquier
financier et bancaire marocain. L’objectif est de mettre un terme aux redondances inutiles
et aux chevauchements stériles entre plusieurs structures publiques, pour pouvoir circonscrire
les responsabilités et proposer aux agents économiques un interlocuteur unique doté d’un label
exclusif et d’un management unifié. L’objectif est aussi de réaliser des économies d’échelle
et de rationaliser l’utilisation des fonds publics. Il s’agit aussi de veiller à la cohérence générale
94
et à la complémentarité des dispositifs incitatifs de l’État, d’en amplifier les retombées économiques
et sociales et, enfin, d’accélérer la courbe d’apprentissage des dépositaires des fonctions développées
par cette structure unique en puisant dans les best practices internationaux, notamment
ceux provenant de la Kfw et de BpiFrance. La KfW, est une banque publique d'investissement
allemande finançant les crédits formation, la création d'entreprise et les investissements liés
à la transition énergétique. Elle apporte un appui aux PME exportatrices ainsi qu’aux groupes
qui se développent à l'étranger. Malgré sa mission d’intérêt général, la KfW affiche une santé insolente :
un total bilan de plus de 472 milliards d'euros et un bénéfice consolidé de 1.4 milliard d'euros
en 2017 (contre 2.2 milliards en 2015). Bpifrance est un établissement bancaire de création
récente qui finance les PME prometteuses, soutient les filières d'avenir et appuie les entreprises
exportatrices. Il dispose d'une force de frappe de 42 milliards d'euros, qu’il déploie
dans ses activités de crédits, garanties et investissements en fonds propres. Bpifrance réunit
dans chaque région, sous un guichet unique, les services du Fonds stratégique d'investissement,
la banque publique des PME et de l'innovation Oséo et CDC Entreprises, filiale de la Caisse
des dépôts. Une structure dénommée Bpifrance Export regroupe sous un même label
les organismes publics chargés d'accompagner les entreprises à l'export, Ubifrance et la Coface
essentiellement.
La banque publique d’investissement marocaine dont nous préconisons la création, est de nature
à contribuer fortement à la transformation du modèle de développement du pays. La création
d’une banque publique d’investissement au Maroc sera, en effet, un acte de politique
économique majeur, qui constituera un tournant dans l’histoire de l’économie financière
et bancaire du pays. Cette décision donnera un signal fort aux agents économiques démontrant
l’engagement irréversible de l’État dans l’appui à la création d’entreprises et à la croissance,
comme elle sera de nature à recréer un puissant climat de confiance ô combien indispensable
pour relancer l’investissement privé. La feuille de route d’une banque publique d’investissement
marocaine doit prioriser les projets identifiés dans la stratégie d’accélération industrielle et autres
plans sectoriels (Maroc Vert, Halieutis, Maroc Numeric,…), et lancer rapidement de nouveaux
projets par des financements bancaires, des apports capitalistiques et un accompagnement
managérial. Une doctrine d’investissement structurera les trois grandes lignes de métiers
de cette banque : le crédit bancaire d’équipement et d’exploitation, la garantie & cautionnement
et l’assurance à l’exportation, l’investissement en fonds propres à travers des prises de participations
directes et la gestion de fonds d’investissements en capital amorçage, capital-risque, capital
développement et capital retournement, ainsi qu’à travers des fonds de fonds. Outre ses fonds
propres, la banque utilisera le levier de l’endettement avec la garantie de l’État pour refinancer
ses activités. La prise de décision au sein de la banque sera décentralisée, pour favoriser l’émergence
de pôles de décision au niveau des régions. Elle aura pour mission de rechercher et de soutenir
durablement les chefs d'entreprise qui seront l'élite de l'entrepreneuriat marocain de 2020-2030.
Elle sera contrainte à la discipline du résultat, mais des objectifs de rentabilité modérés
et conformes à sa mission d’intérêt général seront fixés, en limitant ses profits cibles à un niveau
de 5.5 à 6% de ses fonds propres, soit la moitié environ du R.0.E. (return on equity) moyen
des banques commerciales.
95
Donner un coup de fouet aux certitudes monétaires
En quatorze années, de 2006 à 2019, le taux directeur de la banque centrale marocaine a baissé
de 100 points de base, de 3.25% à 2.25%. De décembre 2006 à mars 2012, ce taux est resté
inchangé à 3.25%. Durant 63 mois exactement, la Banque centrale s’est abstenue d’exercer
une impulsion incitative sur son taux directeur et sur ses conditions de refinancement, en dépit
d’une conjoncture économique particulièrement dégradée et d’un recul continu des indicateurs
de croissance, d’investissement, de consommation et d’emploi. La dernière intervention de Bank
Al-Maghrib sur son taux directeur remonte à mars 2016, lorsque le taux fût baissé de 2.50%
à 2.25%, niveau actuellement en vigueur. Durant cette longue période de quasi statu quo
monétaire couplé à une politique budgétaire assez volontariste, mais redevenue restrictive
en 2013 et 2014 après la descente aux enfers de 2012 (déficit public de 7.3% du PIB), la plupart
des pays de l’OCDE et les grands émergents ont adopté une politique monétaire à l’opposé
de celle du Maroc. Si l’on privilégie dans notre pays le conservatisme monétaire ou tout au plus
la politique des petits pas, au prétexte de lutter contre le risque inflationniste et de protéger
(ou d’en avoir l’illusion) la valeur d’une monnaie nationale non convertible et toujours
administrée malgré une petite dose de flexibilité, ailleurs, sous d’autres cieux, c’est une politique
active de réduction drastique des taux directeurs et d’injection massive de liquidités bancaires
qui est mise en œuvre. Aux États-Unis, la Réserve fédérale (Fed) a maintenu son taux directeur
compris entre 0% et 0.25% depuis décembre 2008, soit 300 points de base de moins que le taux
de référence marocain. Face à la surchauffe d’activité de l’économie américaine, le taux directeur
de la Fed a été ensuite progressivement relevé, pour atteindre 2.50% en décembre 2018.
Dans l’Euroland, la BCE a modifié régulièrement le taux d'intérêt des opérations principales
de refinancement pour réagir aux contrecoups de la crise économique : 3.75% à 2.5% durant
l’année 2008, 2% à 1% de 2009 à 2011, 0.75% en juillet 2012, 0.5% en mai 2013, 0.25%
en novembre 2013, 0.15% en juin 2014, 0.05% en septembre 2014 et 0.00% depuis mars 2016.
Suivant le mouvement initié par la Fed américaine, le taux directeur de la Banque d’Angleterre,
fixé à 5,75% en juillet 2007, a connu des baisses successives dès l’automne 2007 pour réagir
au contexte de la crise des subprimes et des menaces qui pesaient sur le secteur bancaire
et sur l’ensemble de l’économie britannique. Fixé à 4.5% en octobre 2008, l’Official Bank Rate
de la Banque d’Angleterre allait connaître des baisses successives qui s’enchaînaient chaque mois
(de 50 à 100 points de base par mois), jusqu’à atteindre le minimum de 0,5% en mars 2009, niveau
historiquement bas maintenu inchangé jusqu’en août 2018 où il fut porté à 0.75%. La Banque
nationale suisse a décidé en septembre 2014 de maintenir son principal taux directeur, le Libor
à trois mois, dans une marge de fluctuation comprise entre 0% et 0,25%, contre 2%-3%
en octobre 2008. Le taux directeur de la Banque du Japon a connu dès les années 1990
des baisses radicales pour lutter contre la profonde crise économique, financière et déflationniste.
Le Overnight Call Rate japonais est descendu en dessous du seuil de 3% en 1993, puis 2%
et moins de 1% en 1995, barre qui ne sera ensuite plus jamais franchie. Ce taux de référence
atteint 0,25% en septembre 1998 et même 0,0% de février 1999 à août 2000 puis de mars 2001
à juillet 2006. Après une légère remontée à 0,25% en juillet 2006, puis à 0,5% en février 2007,
du fait d’une relative mais momentanée embellie économique, la crise mondiale
de 2008 contraint la Banque of Japan (BoJ) de réduire son taux de référence à 0,3%
durant l’automne 2008 et à 0.1% en décembre de la même année, niveau qui sera ensuite
96
maintenu pendant les 3 ans qui suivent, pour descendre de nouveau à une fourchette
de 0%-0.1% à partir d’octobre 2010. La BoJ applique à l’heure actuelle un taux d’intérêts de 0%
à -0,1%. Concernant la Banque du Canada, la tourmente bancaire et financière de l’automne 2008
l’a forcée à baisser à plusieurs reprises son principal taux d’intérêt directeur. Le taux cible du finance-
ment à un jour a été réduit de 3% début septembre 2008 à 2.5% un mois plus tard, 1.5% début
janvier 2009, 0.5% en mars 2009 et 0.25% en avril 2009. A partir de fin 2010, le taux cible
de la Banque du Canada est remonté à 1% et s’est stabilisé depuis à ce niveau jusqu’en 2018
(1.25% en janvier, 1.50% en juillet puis 1.75% en octobre), en raison d’une relative bonne santé
économique du pays. Quant aux banques centrales des pays émergents, celles-ci se sont retrouvées
dans des circonstances économiques radicalement différentes, les obligeant à maintenir des taux
directeurs élevés : 11% au Brésil, 8% en Russie et en Inde, 7.5% en Indonésie, 6% en Chine, 5.75%
en Afrique du Sud… Mais leur politique monétaire agressive est davantage dictée par le souci
de contenir les pressions inflationnistes et de protéger la valeur de leur monnaie nationale, librement
convertible sur les marchés internationaux des changes, que par la nécessité de relancer
la croissance. Deux menaces auxquelles l’économie marocaine n’est pas exposée, mais qui sont
exagérément prises en compte dans la conduite de la politique monétaire de la Banque centrale,
au prix d’une asphyxie de l’activité des agents économiques.
Le gouverneur de Bank al Maghrib a été auditionné à deux reprises par les membres de la Commission
des finances et du développement économique de la Chambre des représentants. C’est suffisam-
ment rare pour être signalé. Le contrôle démocratique de la politique monétaire s’exerce,
en principe, à travers ce type d’audition. L’audition du gouverneur de la banque centrale par
les députés était une première au Maroc lorsque la première rencontre eut lieu en octobre 2015.
Il aura fallu attendre plusieurs années pour que le gouverneur Jouahri accepte de se soumettre
à cet exercice démocratique, lui le grand commis de l’État qui fût le ministre de l’Économie
et des finances durant le programme d’ajustement structurel des années quatre-vingt, et lui qui
est l’artisan de la nouvelle loi bancaire instituant une indépendance parfaite de la banque
centrale. Mais dans cette quête à l’autonomie totale de l’institut d’émission, qui est politiquement
louable et économiquement nécessaire, le risque de confusion est grand. Le devoir d’indépendance
de la banque centrale doit s’exercer à l’égard du gouvernement, et non de l’Etat. Les décisions
de politique monétaire doivent, en effet, se coordonner avec les autres décisions de politique
économique relevant du gouvernement, et du ministère de l’Économie et des finances plus
précisément, sans s’y soumettre. Il y va de la crédibilité de la monnaie nationale, de la solidité
du système financier, de la maîtrise du risque inflationniste et de l’attractivité du territoire
marocain. Certes ! Mais si les décisions gouvernementales peuvent relever de considérations
politiques et d’agendas électoraux auxquels Bank al Maghrib a l’obligation institutionnelle
de ne pas se soumettre, il n’en est pas de même du Parlement qui représente la volonté du peuple
marocain avec toutes ses sensibilités politiques et participe à l’incarnation de l’autorité de l’État.
La politique monétaire doit donc être discutée au sein de la Chambre des représentants, tant en
commission des finances qu’en séance plénière et, le cas échéant, être amendée. Les grandes
démocraties ne s’y sont d’ailleurs pas trompées. Aux États-Unis comme en Grande-Bretagne,
les représentants du peuple exercent un contrôle pointilleux sur les décisions de politique
monétaire. Le président de la Fed est tenu de se présenter deux fois par an devant
le Congrès pour exposer sa politique monétaire et justifier ses prévisions économiques
à court et moyen terme. Au Royaume-Uni, le gouverneur de la Banque d’Angleterre doit écrire
97
une lettre ouverte au chancelier de l’Échiquier, pour expliquer les déviations de plus ou moins 1%
par rapport aux prévisions officielles et proposer des mesures de correction en matière de politique
monétaire et de politique de crédit.
Malgré cette avancée toute relative, il est à regretter que l’audition du banquier central n’ait été
qu’un simple exercice de style. Sur le fond, en effet, de grandes interrogations subsistent.
Si les questions discutées lors des auditions parlementaires sont intéressantes, elles ne traitent
pas toutefois des sujets les plus cruciaux pour l’économie bancaire et financière du Maroc.
Et ces sujets se reflètent à travers plusieurs questions cruciales : Pourquoi les trois baisses
consécutives du taux directeur de septembre et décembre 2014 puis de mars 2016 à concurrence
de 25 points de base chacune n’ont-elles-pas eu d’impact significatif sur les taux débiteurs
et sur les encours de crédits bancaires? Pourquoi ces trois réductions n’ont-elles-eu aucune
répercussion, ni sur la marge d’intermédiation bancaire pour les opérations avec la clientèle,
qui se stabilise depuis le début des années 2000 malgré le ralentissement économique, ni sur
les profits bancaires qui se sont consolidés autour des 11 milliards de dirhams pour l’ensemble
de la profession ? Pourquoi le taux directeur est-il maintenu à un niveau aussi élevé (2.25%),
lorsqu’au cœur de la crise, quasiment toutes les banques centrales de la planète ont réduit leur
taux de référence à une fourchette comprise entre 0% et 0.5% ? Pourquoi la banque centrale
accepte-t-elle que les banques orientent une part très importante, de l’ordre de 140 milliards
de dirhams, des dépôts clientèle vers le financement du déficit public, en réalisant des place-
ments en bons du Trésor émis par adjudication au détriment du financement des opérateurs
économiques ? Pourquoi reste-t-elle arc-boutée sur sa doctrine d’orthodoxie monétaire
et n’utilise-t-elle pas les instruments monétaires dits « non conventionnels » ? Pourquoi
n’accepte-t-elle pas de rénover sa politique monétaire en mettant en œuvre quatre mesures :
l’approvisionnement du marché en liquidités bancaires par un gonflement de la taille de son
passif, donc de la base monétaire, l’assouplissement des règles de collatéral, la mise en place
d’un programme d’achat de titres d’État pour les nouvelles adjudications et, enfin, le transfert
progressif et conditionné du portefeuille en bons du Trésor détenu par les banques vers son
bilan? Que fait Bank al Maghrib pour enrayer la décélération des crédits bancaires, si ce n’est de
relayer le discours officiel des banques déplorant l’absence de dossiers bancables ? Pourquoi les
grandes banques du Royaume, qui contrôlent l’essentiel du marché et qui jouent ainsi un rôle de
locomotive pour tout le secteur, ne sont-elles pas en mesure de relancer la machine des finance-
ments bancaires par une politique de crédit novatrice et audacieuse ? La politique prudentielle
n’est-elle pas inadaptée à un tissu économique aussi fragile que le nôtre et l’application de Bâle III
à marche forcée, comme le souhaite ardemment Bank al Maghrib, ne va-t-elle pas aggraver les
faillites d’entreprises ? Pourquoi la banque centrale n’a-t-elle pas empêché la formation des
risques bancaires systémiques sur quatre ou cinq groupes privés des secteurs de l’immobilier
et de l’énergie ? Quel est son degré de responsabilité et quel est celui des états-majors
des banques concernées ? Quelles couvertures ont-elles-été prises sur les patrimoines personnels
des actionnaires dirigeants de ces groupes ? Que fait Bank al Maghrib pour soutenir
la désintermédiation bancaire du financement de l’économie nationale et réduire la part
des banques, qui dépasse allègrement les 99%, à un niveau plus raisonnable comme c’est le cas
dans l’Euroland (80%) ou aux États-Unis (40%) ? Quelle est sa contribution à la relance du marché
boursier et à la restructuration de ses organes de gestion, de régulation et de contrôle ?
98
Ce sont là autant de questions qui restent sans réponse. Mais poser les bonnes questions,
c’est déjà commencer à remettre en cause de fausses certitudes et à entrevoir des solutions
pertinentes qui pourraient être portées avec vigueur par le nouveau modèle de développement.
Un nouveau modèle qui doit refonder la politique monétaire en établissant des règles de transparence
politique, économique, procédurale et opérationnelle. Un nouveau modèle qui doit élargir
la mission de la banque centrale à la stabilité économique, au soutien à la croissance et à la sauve-
garde de l'emploi. Un nouveau modèle qui doit aussi moderniser le fonctionnement du Conseil
de Bank al Maghrib et renforcer la coordination entre les politiques monétaire et budgétaire.
Un nouveau modèle qui doit conduire la banque centrale à baisser encore son taux directeur
de 100 à 150 points de base au minimum pour créer un électrochoc et stimuler le crédit bancaire,
comme il doit conduire les banques à modérer leurs marges d’intermédiation et à reconsidérer
leur politique de crédit (en assouplissant la réglementation prudentielle) pour favoriser
la création d’entreprises, l’investissement et l’innovation. Un nouveau modèle qui doit inciter
l’institut d’émission à s’inspirer des instruments de refinancement non conventionnels
des grandes banques centrales américaines, européennes et asiatiques, et à faire preuve d’audace
et d’imagination pour concevoir une politique monétaire accommodante et novatrice, qui lui
permettrait de transférer vers son propre bilan les gigantesques encours de bons du Trésor portés
par les banques et d’injecter massivement des liquidités bancaires dans les circuits économiques.
99
Garantir l’indépendance juridique et financière de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux
(AMMC), rendre publics ses rapports d’inspection dans leur version intégrale, organiser
une audition par une commission mixte des deux chambres du Parlement des dirigeants
de l’AMMC et de la Bourse de Casablanca, et engager des poursuites judiciaires au pénal contre
les auteurs de fraudes lourdes caractérisées, notamment celles indiquées dans les rapports
de la Cour des comptes.
Améliorer la transparence des régulateurs du marché financier (y compris Bank al Maghrib)
en renforçant l’information du Parlement sur leur action et en clarifiant, par l’élaboration
et la publication de règlements intérieurs, leurs règles et modalités de fonctionnement.
Réglementer les relations croisées au sein des conseils d’administration (ou de surveillance)
des sociétés cotées en bourse, prévenir les conflits d’intérêts et assurer un meilleur équilibre
des pouvoirs au sein des organes directeurs de ces entreprises.
Attribuer un siège au conseil d’administration ou de surveillance d’une société cotée dès lors
qu’un actionnaire minoritaire détient plus de 5% du capital et lui garantir certains droits essentiels
(constitution d’une association, saisine judiciaire, communication de rapports de gestion, action
en référé d’un mécanisme d’injonction de faire qui est une procédure plus rapide et plus efficace
que des sanctions pénales tardives et peu dissuasives…).
Améliorer la communication financière des sociétés cotées (rémunérations et avantages
des dirigeants et des mandataires sociaux, honoraires versés aux cabinets d’audit et de commissariat
aux comptes au titre de services de conseil, extension du champ des conventions réglementées,
contrôle des notes d'information, notes de recherche et profit warnings ...).
Améliorer la réglementation des OPA, OPE et OPR et décider qu’aucune opération de rapproche-
ment entre deux entreprises ne pourra se faire sans que les initiateurs de l’opération n’aient pris
la peine d’expliquer leur projet industriel aux actionnaires minoritaires et aux salariés, lesquels
devront exprimer publiquement leur avis.
Renforcer les sanctions financières et pénales en matière de délits boursiers et constituer un corps
de juges spécialisés en matière de droit boursier.
Favoriser la création d’associations de défense des petits porteurs, dont le périmètre d’action
sera extrêmement large : promouvoir et défendre les membres adhérents, mener des actions
de sensibilisation et publier des guides relatifs aux obligations des sociétés à l’égard de leurs
actionnaires et aux droits des actionnaires minoritaires, exercer le droit d’agir en justice devant
toutes les juridictions même par voie de constitution de partie civile, mener des actions de justice
en réparation pour le compte de ses membres, proposer des textes de loi qui établissent
et renforcent les pouvoirs des actionnaires minoritaires, constituer des cellules de surveillance
du marché boursier, mener des enquêtes de terrain à l’initiative de ces cellules ou à la demande
de ses membres, suivre de près les recommandations boursières (et leur changement) émanant
des sociétés de bourse, analyser les opérations de contrepartie et diffuser des bulletins d’alerte,
participer aux assemblées générales des actionnaires, tout en conseillant et coordonnant
les prises de positions et les votes des petits porteurs lors de ces assemblées.
Introduire dans la loi bancaire et le code des assurances une obligation de cotation à la Bourse
de Casablanca pour toutes les banques et compagnies d'assurances agréées au Maroc et accorder
aux établissements concernés par cette disposition un délai d’un an pour une mise en conformité,
sous peine de retrait de l’agrément bancaire ou d'assurance. Nous proposons d’étendre cette
disposition à d’autres secteurs sensibles comme les importateurs distributeurs des hydrocarbures
ou aux corporate qui accèdent aux grands marchés publics.
100
Moderniser la gestion de la Bourse de Casablanca, rehausser le niveau de son management,
organiser son rapprochement avec d'autres bourses de la région Mena et créer une dynamique
d'innovation (prêts emprunts de titres, ventes à découvert, produits dérivés, options, futures,
warrants, produits structurés, nouveaux compartiments de cotation, épargne retraite, épargne
salariale, stocks options).
L'une des grandes questions qui se posent au gouvernement est de réévaluer le rôle de l'État dans
les entreprises où il détient une part de capital, et plus spécialement dans celles où il exerce
un pouvoir de décision. Nombre de ces entreprises affichent des contreperformances notoires
ou font face à des marchés domestiques déclinants et à des mutations industrielles et concurrentielles
irréversibles. L’État peut être tenté de bloquer la concurrence pour sauvegarder les marges
des EEP, mais cette stratégie contredit les engagements du Maroc issus des accords
de libre-échange et implique un renoncement à faire profiter les consommateurs de gains
en pouvoir d'achat. Cette stratégie semble être privilégiée dans les domaines de la distribution
de l’énergie, de la production des énergies renouvelables ou du transport ferroviaire. Une autre
politique consiste à appuyer le développement des EEP dans un marché concurrentiel
et à les aider à produire de la valeur à l’international pour soutenir financièrement leur mission
au Maroc. Dès lors, l’État accepte de se voir dilué par des levées de fonds sur les marchés
financiers ou renonce même à ses participations. Tel fut le cas des télécommunications
avec la cession progressive de la part de l’État dans IAM ou du secteur bancaire et financier avec
la privatisation de la BMCE et de la SNI et l’introduction en Bourse de la BCP. Mais quels que soient
les choix stratégiques de l’État, celui-ci a plus que jamais un besoin crucial de moderniser
sa relation avec les EEP qu’il contrôle et avec son portefeuille de participations. Face à un environne-
ment de plus en plus complexe, l’État doit donc professionnaliser sa mission d’actionnaire
en organisant plus efficacement ses relations avec les EEP. Il doit valoriser ses participations,
défendre ses intérêts patrimoniaux et mettre sa politique actionnariale au service de sa stratégie
économique, industrielle et sociale, pour sauvegarder les emplois, stimuler les investissements
et promouvoir les exportations. L’Agence dédiée aux EEP permettra à l’État d’atteindre
cet objectif. Elle serait rattachée hiérarchiquement au Chef de gouvernement et fonctionnellement
aux ministères des finances et de l’industrie. Elle veillera à améliorer la coordination interministérielle
grâce à une centralisation de la gestion des participations publiques. Elle élaborera,
aux côtés d’une banque publique d’investissement spécialisée en financements bancaires
et en prises de participations minoritaires dans les PME innovantes et dynamiques, une politique
actionnariale de long terme et une doctrine de gestion active des participations publiques, permettant
102
d’assurer un niveau de contrôle suffisant dans les entreprises stratégiques et de soutenir le développe-
ment des grandes entreprises nationales opérant dans les filières créatrices de croissance
ou productrices de réserves de change pour l’économie marocaine. L’Agence représentera l’État
dans les assemblées d’actionnaires et participera activement aux conseils d’administration des EEP,
en assurant la cohérence des positions de ses représentants. L’Agence examinera les principaux
programmes d’investissement et de financement ainsi que les grands projets d’acquisition, de cession
et de réallocation d’actifs. Elle privilégiera la logique industrielle de long terme sur les objectifs
de rendement à court terme et veillera à ce que le patrimoine actionnarial de l’État se valorise pour
les générations futures. L’Agence participera aux procédures de désignation des dirigeants des EEP
en contribuant aux travaux d’un Comité des nominations de l’État actionnaire. Elle rédigera une charte
des relations avec les entreprises publiques destinée à installer les bonnes pratiques de gouvernance,
à organiser les règles de fonctionnement des organes sociaux (comités spécialisés, règlement intérieur,
délai de transmission aux administrateurs des documents…) et à définir les obligations de transparence
(outils de pilotage stratégique et opérationnel, mécanismes d’audit interne et de contrôle de gestion,
suivi des risques, tableaux de bord périodiques, réunions régulières de bilan et d’évaluation,
connaissance opérationnelle des EEP…).
Moderniser les finances publiques c'est agir sur les dépenses, la dette, les EEP et la fiscalité.
C'est aussi se fixer des objectifs ambitieux. Le nouveau modèle de développement que
nous proposons doit pouvoir ramener le poids des dépenses publiques à moins de 35% du PIB
à l'horizon 2030 (-1% environ chaque année), ce qui représente une économie budgétaire
annuelle de l’ordre de 100 à 150 milliards de dirhams à la fin de cette période. Réduire le poids
de l'endettement du Trésor à moins de 50% du PIB en 2030 et de la dette publique à moins
de 60%, revient à stabiliser in fine l'encours de la dette du Trésor autour de 900 milliards
de dirhams et celui de la dette publique à 1.100 milliards de dirhams environ. C’est enfin définir
une méthode et s'astreindre à une discipline : des réformes structurelles qui concerneront
tous les acteurs publics et toutes les dépenses de fonctionnement, et une transparence totale
dans les intentions de l’État à l'égard de tous ses interlocuteurs de la fonction publique nationale
et territoriale.
103
100 milliards de dirhams de recettes fiscales supplémentaires sur cette seule année. Cet objectif
est accessible si la volonté politique est là et si le modèle de développement est transformé radi-
calement à travers un ensemble de mesures de politique fiscale :
104
pour le taux de la première tranche d’imposition. Le taux supérieur devra s’appliquer aux plus
gros patrimoines, ceux qui excèdent le seuil de 30 millions de dirhams.
Augmenter le poids de la fiscalité applicable au tabac, aux boissons alcoolisées et aux jeux
du hasard, mettre en place une fiscalité écologique au service du développement durable, élargir
le champ d’application de la fiscalité locale en identifiant de nouvelles sources de revenus (taxe
sur l’électricité, redevance sur les déchets, versement transports, révision du taux de la taxe
sur les terrains non bâtis,…), moderniser les impôts locaux et rendre leur assiette plus dynamique
et plus en phase avec l’évolution du PIB.
Renforcer les droits des contribuables (simplifier les procédures administratives relatives
à la déclaration, au recouvrement et au contrôle de l’impôt, fusionner les services de la DGI
et de la TGR et créer des guichets fiscaux uniques, nommer des médiateurs fiscaux régionaux,
renforcer la charge de la preuve incombant au fisc, publier la jurisprudence de la Commission
nationale du recours fiscal ...).
Faire de l'inclusion de l'économie informelle (2.4 millions de personnes employées pour près
de 410 milliards de dirhams de chiffre d'affaires, selon le HCP) et de la lutte contre l'évasion
et la fraude fiscales, une priorité absolue du nouveau modèle : cartographier la fraude au niveau
géographique et sectoriel, élaborer une monographie fiscale des techniques de fuite devant
l’impôt, renforcer les moyens et les effectifs des services du contrôle fiscal et augmenter
les objectifs de recouvrement (12 milliards de dirhams recouvrés en 2017 suite au contrôle fiscal
sur place et sur pièces pour un total de 225 milliards de dirhams de recettes fiscales
soit 5% environ), revaloriser le statut des vérificateurs, mettre en place un plan de lutte ambitieux
contre l’économie souterraine, les fausses factures, les ventes sans facture, les déductions
abusives, les pratiques de fraude internationale liées aux prix de transfert et aux sociétés offshore
domiciliées dans les paradis fiscaux ou bancaires, procéder à un ciblage plus pertinent
des contribuables « à risque », qui feront l’objet d’un contrôle fiscal plus méthodique et plus récurrent.
105
l’appréciation du coût budgétaire des dépenses fiscales, afin de réaliser une transparence
financière effective du budget général ainsi qu’une meilleure rationalisation en matière
d’allocation des ressources ». Une lucidité originelle qui ne fût malheureusement pas suivie
d’actions concrètes de rationalisation des dépenses fiscales, créant au fil des années,
loi de finances après loi de finances, une véritable rente fiscale pour certains secteurs ou agents
économiques, au détriment de l’équilibre des finances publiques et au grand dam de l’écrasante
majorité des contribuables.
Le coût budgétaire des dépenses fiscales est évalué par la DGI à 33.4 milliards de dirhams en 2017.
La TVA est l’impôt qui pèse le plus dans les dérogations fiscales avec une part de près de 49%.
L’IS, l’IR et les droits de douane représentent à peu près la même part dans le volume
des incitations fiscales, avec un montant pour chacun de ces trois impôts de l’ordre de 4 milliards
DH soit 12% à 13% environ du coût des niches fiscales. Les entreprises accaparent plus
de la moitié des dispositifs fiscaux incitatifs, suivies des ménages pour moins du tiers. L’immobilier
est le premier secteur bénéficiaire des dépenses fiscales, avec plus du quart du total
de ces dépenses, suivi de la prévoyance sociale, de l’agriculture & pêche et des services publics
avec respectivement 12.6%, 10.1% et 9.2% du coût global des dérogations fiscales. Enfin,
les exonérations totales et les réductions représentent 69.4% et 19.5% respectivement
des 33.4 milliards DH de dépenses fiscales.
Tout l’enjeu pour le nouveau modèle de développement est de rationaliser la politique fiscale
dérogatoire de l’État, de la rendre plus juste, plus transparente et plus efficace. Toute la finalité
de la réforme des dépenses fiscales est de faire en sorte que chaque dirham concédé
par les finances publiques à un agent économique puisse profiter de la même manière à tous
les autres opérateurs s’ils répondent aux mêmes conditions et exigences et que ce dirham puisse
être justifié par des retombées positives démontrées de nature économique ou sociale.
106
et les réserves méthodologiques assorties à ces méthodes, les changements de périmètre et leurs
motifs, les justifications des écarts entre les prévisions et les résultats…
Instaurer une procédure contradictoire entre les différents ministères et la DGI, portant
sur les estimations des dépenses fiscales rattachées à des programmes de politique publique.
Il s’agit de mettre en place un processus formalisé de concertation avec l’ensemble des administra-
tions et ministères concernés dans le cadre de l’estimation du coût des dispositifs fiscaux
dérogatoires. L’objectif est de challenger tant les méthodes d’évaluation retenues par les différents
intervenants, que la pertinence, la fiabilité et l’exhaustivité des données utilisées pour procéder
auxdites évaluations. En cas de subsistance d’un désaccord sur les approches ou les résultats,
l’arbitrage en dernier ressort devra revenir au Conseil supérieur des prélèvements obligatoires.
Effectuer fréquemment des enquêtes ciblées en vue de connaître le coût des dépenses fiscales non
chiffrées, en accordant la priorité aux dérogations associées à des programmes de politique publique.
Supprimer toutes les dépenses fiscales dont le coût budgétaire annuel est inférieur ou égal
à 1 million de dirhams. Il s’agit de supprimer toutes les dépenses fiscales non significatives, ainsi
que celles qui ont une faible portée (impact négligeable en nombre de bénéficiaires)
ou dont la mise en œuvre est particulièrement compliquée tant pour l’administration que pour
les contribuables. Les incitations supprimées qui remplissent une fonction de solidarité sociale,
seront remplacées par des dépenses budgétaires directes et ciblées.
Confier au Conseil supérieur des prélèvements obligatoires la mission d’évaluer l’impact
économique et social des dépenses fiscales. Il s’agit d’attribuer au Conseil supérieur des prélève-
ments obligatoires ou, à défaut de création de cette institution, au Conseil économique, social
et environnemental, la fonction d’évaluer dans un délai de trois années les retombées
économiques et sociales de l’ensemble des dérogations fiscales (créations d’entreprises,
embauches, investissements, taux de croissance économique, exportations…) et de construire
les approches méthodologiques, outils statistiques et bases de données nécessaires à cet effet.
Prévoir systématiquement pour les nouvelles dépenses fiscales des études d’impact préalables
et inclure dans ces études la comparaison des avantages et inconvénients du dispositif dérogatoire
envisagé et des mesures alternatives possibles notamment en termes de dépenses budgétaires.
Procéder à l’élargissement du champ d’étude du rapport d’évaluation des dépenses fiscales
accompagnant la loi de finances. Cet élargissement doit concerner deux autres domaines de la
politique incitative de l’État, celui de la fiscalité locale et celui des prélèvements sociaux. Le nou-
veau rapport d’évaluation des dispositifs dérogatoires doit présenter une totalisation indicative
du coût des incitations publiques relevant de la fiscalité nationale, de la fiscalité locale et des
prélèvements de sécurité sociale.
Amender la LOLF en affirmant la compétence exclusive de la loi de finances en matière
de dérogations fiscales et en précisant les procédures permettant une meilleure maîtrise
budgétaire des dépenses fiscales et une plus grande transparence dans leur gestion.
Interdire toute nouvelle dépense fiscale qui serait envisagée pour une durée indéterminée.
Les dépenses fiscales rattachées à des programmes de politique publique doivent être
systématiquement autorisées pour une durée limitée, variable selon les dispositifs et les objectifs
recherchés, mais ne dépassant pas en tout état de cause une période maximale de 5 années.
Lors de l’institution d’une dépense fiscale, une clause prévoyant la suppression automatique
du dispositif au bout de 5 années maximum doit être prévue, sauf reconduction expresse
par une nouvelle loi de finances. Et toute reconduction d’une dépenses fiscale doit être
107
subordonnée à la démonstration de son efficacité économique ou sociale.
Obliger les gouvernements à motiver et argumenter tout choix de dépense fiscale. Le choix entre
une disposition fiscale dérogatoire et d’autres modes d’intervention publique (dépense
budgétaire, réglementation), doit faire l’objet d’un débat parlementaire. Il doit être suffisamment
documenté et accompagné d’études d’impact. Et au sein des différents mécanismes fiscaux
dérogatoires possibles, le choix de l’un plutôt qu’un autre doit aussi être justifié et argumenté.
Instituer un plafonnement des niches fiscales. Pour garantir une certaine équité fiscale, éviter
les effets d’aubaine et sauvegarder les finances publiques, le montant des dérogations fiscales
doit être plafonné par contribuable, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une entreprise. Ce système
de plafonnement englobe toutes les catégories d’impôts (IR, IS, TVA, droits d’enregistrement…)
et repose sur une double limite maximale, globale et par impôt.
Supprimer l’exonération d’IS ou d’IR dont bénéficient les promoteurs immobiliers de logements
sociaux. Ce système fiscal dérogatoire doit être remplacé par des aides directes ciblées aux
personnes concernées par les programmes de logements sociaux. Les promoteurs seront motivés
par une « solvabilisation » de leur clientèle et par la mise en place d’un mécanisme d’homologation
des programmes qui sera nécessaire pour l’accès des acquéreurs aux aides publiques.
Plafonner en dirhams la déductibilité des intérêts versés sur le crédit logement au titre de l’habitation
principale. Le système actuel plafonne la déductibilité de ces intérêts dans la limite de 10%
du revenu global imposable. Nous recommandons de maintenir cette limite assortie sur le revenu
global mais d’introduire un second plafond en valeur absolue, qui serait fixé à 180.000 dirhams
par an et par contribuable. Un coefficient multiplicateur pourrait être appliqué à ce second plafond
en fonction du statut matrimonial du contribuable et du nombre d’enfants ou de personnes
à charge.
Plafonner en dirhams la déductibilité des primes d’assurance vie et d’épargne retraite. Le dispositif
fiscal actuel permet la déduction dans la double limite de 10% du revenu global imposable
ou de 50% du salaire net imposable du montant des primes ou cotisations se rapportant
aux contrats individuels ou collectifs d'assurance retraite d'une durée égale au moins à 8 ans.
Nous recommandons d’introduire un autre plafond fixé en dirhams pour assurer l’équité fiscale
de cette dérogation. Ce plafond absolu pourrait être de 120.000 dirhams par an pour un célibataire
ou 200.000 dirhams pour un contribuable marié.
Modifier le système de taxation des profits de cession du logement occupé à titre d’habitation
principale. Auparavant totalement exonéré puis taxé depuis la loi de finances 2019 à 3% au titre
de la cotisation minimale pour la partie du prix de cession excédant le montant de 4 millions
de dirhams, le profit de cession du logement occupé à titre d’habitation principale doit être
imposé au taux de droit commun de l’IR à partir d’un certain seuil de prix de vente. Ce seuil
pourrait être de 5 millions de dirhams, avec l’application de la cotisation minimale sur la tranche
de prix excédant 1.5 million de dirhams.
Appliquer un plafond en dirhams à l’exonération d’IR de la donation entre membres de la même
famille. Les donations ou cessions à titre gratuit entre membres de la même famille (ascendants
et descendants, époux, frères et sœurs) sont actuellement totalement exonérées de l’IR
sans aucune limite. L’équité fiscale suppose de taxer ces opérations à partir d’un certain seuil,
qui pourrait être fixé à 5 millions de dirhams par bien immobilier et /ou à 0.5 million de dirhams
par contribuable et par an.
108
Supprimer la retenue à la source sur les revenus locatifs et revenir à l’ancien système de taxation
des revenus locatifs (antérieur à la loi de finances 2019) avec l’application d’un abattement
forfaitaire et maintenir l’obligation déclarative des contribuables, tout en renforçant les moyens
de lutte contre la fraude fiscale.
Réserver l’exonération des droits d’enregistrement sur les cessions d‘actions et de parts sociales
aux seules TPME. Cette dépense fiscale ne doit profiter qu’aux TPME qui satisfont aux deux
conditions suivantes : avoir un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions de dirhams et porter
sur une transaction dont le montant n’excède pas 25 millions de dirhams.
Rétablir l’obligation de tenue d’un registre comptable pour les commerçants imposés au régime
forfaitaire de l’IR. Cette disposition est de nature à séparer les faux forfaitaires des vrais petits
commerçants.
Envisager l’instauration d’un mécanisme de plafonnement de la déductibilité des intérêts
d’emprunt pour atténuer l’avantage fiscal accordé aux grandes entreprises par rapport aux TPME.
Fixer une limite à l’exonération des indemnités pour dommages et intérêts accordées en cas
de licenciement. Les indemnités pour dommages et intérêts accordées en cas de licenciement par
les tribunaux, et depuis la loi de finances 2018 par une sentence arbitrale, sont exonérées de l’IR
dans la limite fixée par le code du travail, soit 1 mois et demi par année dans la limite de 36 mois.
Pour assurer l’équité fiscale entre les salariés et ne pas favoriser outre mesure les gros revenus,
il est recommandé d’établir un plafond absolu à cette exonération fixé à 2 millions de dirhams.
Rétablir un système de taxation allégée des plus-values à long terme en fixant des taux
d’abattement différents selon la durée de détention des actifs cédés.
Instaurer un dispositif de crédit d’impôt recherche.
Rendre déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu 50% des investissements réalisés dans
des sociétés en phase d’amorçage ou des fonds dédiés à l’amorçage. Cet avantage serait plafonné
à 1 million de dirhams par an et par contribuable, avec un plafond de 250.000 dirhams par société
dans le cas d’investissements directs.
Accorder une réduction d’impôt sur le revenu égale à 100 % des montants investis directement
dans des sociétés en phase d’amorçage ou indirectement dans des fonds d’investissement dédiés
au financement d’amorçage, dans la limite d’un maximum de 100.000 dirhams par an et par
contribuable.
Mettre en place le dispositif du carry back pour les entreprises qui sont en phase d’investissement.
Ce mécanisme doit pouvoir s’appliquer sur les 3 derniers exercices pour les TPME et sur le seul
dernier exercice pour les grandes entreprises.
109
110
Le Mouvement Damir ...
Pour un Maroc politique moderne
• Encourager une refonte profonde des rapports entre les cercles de pouvoir et les partis politiques
• Interdire dans le débat politique toute surenchère sur la personne du Roi
• Interdire expressément toute instrumentalisation du religieux dans la compétition politique
• Procéder à l’élaboration d’une loi de moralisation de la vie publique
• Favoriser le renouvellement, le pluralisme et la responsabilisation de notre classe politique
• Approfondir la réforme du pouvoir judiciaire au Maroc
• Assurer l’autonomie totale des médias
• Lever les résistances à la politique de régionalisation avancée
Pour une société marocaine plurielle
•Instituer un Conseil Supérieur du Débat Sociétal
• Immuniser les lois répressives de toute prétention moralisante
• Interdire le mariage des jeunes filles mineures
• Sanctionner pénalement le viol conjugal
• Donner des droits aux mères célibataires et à leurs enfants
• Moderniser le droit à l’héritage
• Mieux protéger les travailleuses domestiques
• Organiser une meilleure intégration des étrangers au Maroc
• Faire de la santé un droit effectif et non un principe virtuel
• Moderniser les programmes de l’éducation nationale et accomplir un « miracle éducatif »
• Déployer une politique culturelle amarrée à la marocanité et à l’universel
• Mettre en œuvre une politique conséquente pour la promotion de la langue et de la culture amazighes
• Valoriser le rôle sociétal de la jeunesse
• Déclarer la guerre à la corruption et engager le combat
Pour une économie nationale prospère et juste
• Changer de paradigme économique
• Au commencement de l’économie et aux sources de la croissance, les entreprises privées
• Une meilleure gouvernance et plus d’ambition pour les politiques sectorielles
• Réparer l’ascenseur social et stimuler la mobilité des revenus
• Inventer un nouveau modèle pour l’industrie bancaire
• Donner un coup de fouet aux certitudes monétaires
• Un marché boursier en état de mort clinique qu’il faut réanimer à tout prix
• Une indispensable réforme de l’État pour consolider nos finances publiques
• Une puissante réforme fiscale pour servir la croissance et introduire de la justice sociale
• Déconstruire la rente des dépenses fiscales, une œuvre de salubrité publique.
111
Synthèse générale
113
Synthèse générale
La transformation du modèle de développement de notre pays ne sera pas une sinécure.
Nonobstant cette difficulté, c’est une nécessité absolue à laquelle nul ne peut échapper.
Personne ne peut nier que le Maroc se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins malgré
un certain nombre de succès incontestables dans les domaines de la justice transitionnelle,
des infrastructures, des investissements industriels, des capacités exportatrices ou de la diplomatie
africaine. Mais des risques puissants et des périls insistants se profilent à l’horizon, menaçant plus
que jamais tant la confiance des citoyens dans notre système politique que les équilibres sociaux,
culturels, territoriaux et intergénérationnels. En dépit de leur utilité, les réformes conduites depuis
de nombreuses années ont montré leurs limites, tant elles ont été dans l’incapacité de forcer
les lobbies et les thuriféraires de la rente, ceux-là mêmes qui entravent la croissance des richesses
matérielles et empêchent une répartition équitable de ces richesses entre les citoyens, à battre
en retraite. Dans le même moment, le Royaume devient une puissance régionale émergente
suscitant la convoitise de pays limitrophes ou adversaires dans le dossier du Sahara marocain,
avec comme toile de fond le mouvement des plaques tectoniques de la grande reconfiguration
géopolitique mondiale. Le Maroc est condamné à mener une guerre pacifique à caractère
diplomatique et économique pour défendre ses intérêts et asseoir sa suprématie régionale.
Mais si cette stratégie est par nature offensive, elle doit être également défensive en écho
aux enjeux de la géopolitique des conflits mondiaux et en quête de résilience aux ondes de choc
qui pourraient émaner de nos frontières de l’est ou des zones de tensions dans la bande
sahélo-saharienne. Mais le véritable défi se trouve à l’intérieur de nos frontières, car sans justice
sociale, sans cohésion interne, sans écoute continue des évolutions et des mutations sociétales,
sans profond sentiment d’inclusion, sans démocratie épanouie, sans intermédiations efficaces
et crédibles, nos efforts demeureront vains.
Connaître parfaitement nos atouts et prendre conscience lucidement de nos limites est un début
de solution aux maux de notre pays. Le Maroc est une des quelques monarchies exécutives qui
ont bravé l’usure du temps pour subsister dans les temps modernes du 21ème siècle et survivre
à l’ascension des démocraties parlementaires, en dépit d’accidents de l’histoire et de retards
démocratiques avérés par rapport aux meilleures normes universelles. Le secret de cette
longévité réside dans l’attachement des Marocains à la Monarchie mais aussi dans la capacité
d’adaptation de la royauté marocaine aux éléments de conjoncture, dont la dernière
manifestation s’est illustrée avec le changement constitutionnel de juillet 2011 dans le contexte
du « Printemps Arabe ». Sauf que le système politique marocain semble témoigner désormais
de quelques signes d’hésitation ou de « mise en parenthèses » des acquis constitutionnels, dont
l’expérience gouvernementale islamiste n’est certainement pas étrangère, ce qui est de nature
à exposer le pays à une suspicion profonde au sujet de l’effectivité des droits et de l’indépendance
des institutions. Cette suspicion nourrit la méfiance réciproque et entretient le raidissement
de positions antagonistes, dont personne ne profite. Pour preuve de ce gâchis collectif, que l’on
peut pourtant surmonter si la raison finissait par l’emporter, surgissent à nos esprits les six mois
de blocage institutionnel au lendemain des dernières élections législatives, la résurgence
des mouvements contestataires et l’extrême sévérité des jugements prononcés à l’encontre
de leurs porte-paroles, la campagne inédite de boycott digitalisé ainsi que le regrettable
spectacle donné par deux partis de gouvernement qui oublient de traiter les dossiers
114
stratégiques pour vaquer aux querelles stériles de chapelles partisanes. A ce désordre politique
s’ajoute celui d’une société marocaine emprise au doute, qui ne fait pas bloc en faveur
de la modernisation du Code de la famille, de la liberté des femmes de disposer librement de leur
corps ou de celle de tout citoyen de choisir sans peur de représailles ses croyances religieuses
ou ses inclinaisons personnelles. Une société marocaine qui est exposée frontalement au péril
islamiste, dont la frange la plus fragile se laisse parfois abuser par des prêcheurs malveillants
de la haine et de l’obscurantisme. Au désordre politique et sociétal, se greffe aussi un désordre
économique qui aggrave les inégalités de revenus et richesses au Maroc, condamne les jeunes
diplômés au chômage structurel et maltraite les petites entreprises au niveau bancaire et fiscal.
Le modèle de développement actuel de notre pays favorise l’économie de la rente, accroît
les inégalités spatiales, aggrave l’injustice fiscale et favorise l’oisiveté des banques qui ont
su mettre leurs marges bénéficiaires et leurs profits à l’abri des retournements de conjoncture
dans une passivité complice des pouvoirs publics. Dans cet état de fragilité économique, l’État
a organisé sa propre impuissance financière en laissant filer sa dette jusqu’à atteindre un niveau
devenu insoutenable et en tolérant que son portefeuille public puisse détruire de la valeur pour
les finances publiques année après année. Les stratégies sectorielles produisent des résultats
somme toute modestes, dans l’incapacité qu’elles sont de créer massivement des emplois nets
et de redresser les déficits jumeaux.
Forts de ce constat …
Nous voulons construire un Maroc politique moderne.
Nous souhaitons édifier une société marocaine plurielle.
Nous ambitionnons de bâtir une économie nationale prospère et juste.
Nous voulons construire un Maroc politique moderne. Ce ne sont pas là des vœux pieux.
Ce sont des chantiers concrets et des ambitions chiffrées et planifiées dans le temps. C’est la vision
globale du Mouvement Damir pour la transformation de notre modèle de développement, bâtie
sur des expertises et des compétences, des engagements et des convictions, des parcours
individuels et un projet collectif. Nous voulons d’abord rénover notre démocratie en modernisant
notre système politique. Nous n’y parviendrons pas sans légiférer pour encourager à une refonte
profonde des rapports entre les cercles de pouvoir et les partis politiques et sans empêcher
les surenchères sur la personne du Roi dans le débat politique. Comme l’élaboration d’une loi
de moralisation de la vie publique sera un passage obligé pour recréer le lien de confiance entre
les citoyens et leurs représentants politiques au sein des deux Chambres parlementaires,
du gouvernement et des instances représentatives des collectivités locales. Nous souhaitons
favoriser le renouvellement, le pluralisme et la responsabilisation de notre classe politique
en redécoupant la carte électorale, en abandonnant le mode de scrutin proportionnel
plurinominal à un tour au profit du scrutin majoritaire uninominal à deux tours, en reconnaissant
le vote blanc, en instituant le référendum révocatoire, en développant les budgets participatifs,
en transformant le fonctionnement de la Chambre des représentants pour la rendre plus efficace,
en généralisant l’organisation de primaires ouvertes aux militants et aux sympathisants au sein
des partis, en réduisant drastiquement le nombre de départements ministériels et en hissant
considérablement le niveau politique et technique des ministres… Nous considérons
115
qu’il est primordial d’approfondir la réforme du pouvoir judiciaire pour garantir son indépendance
et son impartialité, comme il est tout aussi crucial de redonner aux médias leur autonomie
en protégeant les journalistes des lois liberticides et en organisant les conditions de l’indépendance
financière de la presse.
Nous souhaitons édifier une société marocaine plurielle. Nous désirons voir éclore une société
marocaine de la diversité, moderne, authentique et apaisée. Nul autre chemin pour atteindre
ce dessein que d’extirper des lois répressives sanctionnant les comportements considérés
déviants toute dimension moralisante, que seules les consciences individuelles doivent pouvoir
questionner dans l’intimité de soi, loin de la vindicte populaire et hors de la menace d’une police
des mœurs. Nulle autre issue que d’introduire dans notre droit positif une nette distinction entre
l’acte illégal, que la société doit légitimement réprimander, et l’acte considéré non conforme
à la morale convenue que la conscience doit interroger sans la crainte d’une sanction publique.
Nulle autre voie que l’interdiction du mariage des jeunes filles mineures, car aucun alibi ou aucun
prétexte, ni aucune jurisprudence prétendument religieuse, ne sauraient justifier que l’on sacrifia
aussi injustement la santé physique, l’épanouissement moral et l’avenir éducationnel d’une partie
de nos enfants, généralement la plus fragilisée par des conditions socioéconomiques précaires.
Nul autre choix possible que d’investir massivement dans la politique de santé pour en garantir
l’effectivité. Nul autre moyen que d’établir le droit des femmes à l’avortement ainsi que leur droit
de disposer librement de leur corps, car nous mettrions un terme au drame de milliers de jeunes
filles mères qui, en plus de subir l’opprobre du déshonneur familial, recourent aux IVG
clandestines réalisées dans des conditions médicales et sanitaires déplorables, au risque
de perdre leur propre vie. Nulle autre direction que la dépénalisation des relations libres entre
adultes consentants et la liberté de conscience et du culte, car ce sont des normes internationales
qui s’imposent à toutes les démocraties. Nulle autre ligne que de réformer le droit à l’héritage
pour permettre au vivant d’une personne dans une démarche volontaire et authentifiée, un libre
choix entre l’application des règles coraniques stricto sensu et l’adoption d’un régime
conventionnel parfaitement équitable entre tous les héritiers sans aucune considération liée à la
nature du sexe. Nul autre combat plus noble que de lutter contre la corruption, véritable fléau
infectant la société, le pouvoir politique et la sphère économique, en recourant à un arsenal
judiciaire, éducationnel et culturel. Nul autre projet plus ambitieux que celui de la réforme
des programmes de l’éducation nationale, dont il faut extirper toute idée de haine ou de violence,
tout en cultivant l’esprit critique des apprenants et en favorisant l’usage des langues étrangères,
en particulier dans les matières scientifiques. Nulle autre alternative que de redonner vie
à la culture amazighe comme marque de respect et de considération pour une partie de notre
communauté nationale. Nulle autre alternative que de permettre à la culture de notre pays, dans
toutes ses expressions, de libérer le potentiel créateur de nos concitoyens et de cimenter l’identité
marocaine propre. Nulle autre alternative, que d’orienter nos acquis en matière de droits
de l’Homme, vers plus d’ouverture sur la dimension universaliste des droits et des libertés.
Nous ambitionnons de bâtir une économie nationale prospère et juste. Pour y parvenir,
nous devons d’abord changer de paradigme économique en privilégiant une politique de l’offre
116
pour stimuler la production de richesses matérielles, sans sacrifier le devoir de l’État en termes
de redistribution des revenus et de partage équitable des avoirs et des actifs. Nous devons centrer
notre politique industrielle sur l’innovation pour briser le plafond de verre de la croissance
économique et créer massivement des emplois. Nous devons mener simultanément une réforme
fiscale de grande envergure et une politique de baisse de la dépense publique. L'entreprise privée
et la PME plus particulièrement doivent être replacées au centre de la création de richesses
matérielles. Il nous appartient de donner plus de cohérence et d'inter complémentarité à nos
stratégies sectorielles et de faire en sorte que les écosystèmes intégrés produisent davantage
d'externalités positives pour les agents économiques des territoires. Nous devons sans plus tarder
réparer l’ascenseur social et stimuler la mobilité des revenus pour briser tous les déterminismes
qui défient la justice sociale et l’égalité des chances. Nous devons créer une banque publique
d’investissement qui sera salvatrice pour le financement des projets de nos entreprises,
pour l’éclosion de nouvelles générations d’entrepreneurs et pour le soutien à la stratégie
industrielle de l'État. Nous devons mieux réguler le marché financier et boursier, améliorer
le fonctionnement du secteur bancaire, réinventer le modèle de l’industrie bancaire, réformer
les autorités de tutelle et moderniser notre politique monétaire en donnant un coup de fouet
aux certitudes mortifères. Nous sommes tenus d'assurer un meilleur financement de l’économie
et de garantir les conditions d'une orientation plus efficace de l’épargne vers l’investissement.
Nous devons travailler davantage à réduire les déficits et l'endettement public, notamment
en réalisant des économies budgétaires dans les dépenses de fonctionnement de l'État
et des collectivités territoriales. Il nous incombe d'améliorer la performance du portefeuille public
et de conduire la réforme fiscale susceptible d'élargir l'assiette de l'impôt, d'assurer l'équité fiscale
verticale et horizontale, de garantir les droits des contribuables et de lutter plus efficacement
contre l'évasion et la fraude fiscales. Nous devons mener avec courage et détermination la bataille
pour la croissance, l’emploi et la justice sociale. Enfin, il est essentiel pour nous de muscler notre
diplomatie économique afin de rééquilibrer nos balances commerciales bilatérales, de corriger
les failles de nos accords de libre-échange et de réorienter notre politique étrangère, nos IDE
et nos exportations prioritairement en direction de l’Afrique sub-saharienne.
117
Table des matières
Contexte général 6
118
• Interdire dans le débat politique toute surenchère sur la personne du Roi 58
• Interdire expressément toute instrumentalisation du religieux dans la compétition 58
politique
• Procéder à l’élaboration d’une loi de moralisation de la vie publique 59
• Favoriser le renouvellement, le pluralisme et la responsabilisation de notre classe politique 60
• Approfondir la réforme du pouvoir judiciaire au Maroc 62
• Assurer l’autonomie totale des médias 63
• Lever les résistances à la politique de régionalisation avancée 64
119
LeMouvement Damir - MEMORANDUM
Notes
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