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art, photography, writings

art, photographie, récits

Diana and Robert Young

Studio Arago
Place François Arago
Saint Paul de Fenouillet
France
2022

Recent from Studio Arago

Living Trees
Introducing Studio Arago
L’Arrière Pays, Photographs from the Back Country
Paris, un rêve retrouvé, Rediscovered Images of the City of Light
The Hermit and Other Stories / Sketches from a Sketchbook
Lost Beach Highway: Images and Texts

aglyriversketchbook.wordpress.com

©2022 by Diana Young and Robert Young


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art, photography, writings

art, photographie, récits

Diana and Robert Young

Studio Arago
All the fragments of the afternoon
collect around his airborne form. Shouts, bat-cracks, full
bladders and stray yawns, the sand-grain manyness of things
that can’t be counted. It is all falling indelibly into the past.

Tous les fragments de l’après-midi


se rassemblent autour de sa forme aérienne. Des cris, des
craquements de battes, des vessies pleines et des bâillements
égarés, la multitude de grains de sable de choses qui ne peuvent
pas être comptées. Tout cela tombe de manière indélébile dans
le passé.

—Don Delillo, Underworld, A Novel

6
Evening came, taking everybody by surprise.

La soirée est arrivée, prenant tout le monde par surprise.

—Thomas Pynchon, Inherent Vice

7
sommaire
Fragments de l’après-midi 12
Photographies découvertes dans une maison
de la haute vallée de l’Aude dans les années 1990
prises par des photographes inconnus dans
les années 1930 et 1940 à la maison, en vacances et à la guerre.

Objets trouvé dans les Fenouillèdes 78


Objets de rêve découverts dans les montagnes et vallées, villages
et bords de route de la région des Fenouillèdes des Pyrénées France.
Photographies de Diana et Robert Young

Objets trouvé de Rome à Syracuse 104


Objets trouvés dans les rues et les routes d’Italie.
Photographies de Diana et Robert Young

Trouver Buffo’s Castel 136


Aventures dans la nuit sicilienne, sombre, silencieuse.
Traduction de Robert Young

Mon cousin Billy 155


Des rencontres improbables dans Nofth Carolina,
les déserts de Las Vegas, Nevada,
et dans le Bayou Desang.
Traduction de Robert Young

Troubadour perdu 164


Sur la route d'El Pas de la Casa, Andorre, 2004.

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contents
12 Fragments of the Afternoon
Photographs discovered in a house in
the upper valley of the Aude in the 1990s
taken by unknown photographers in the
1930s and 1940s at home, on holiday, and at war.

78 Objects Found in the Fenouillèdes


Dream objects discovered in the mountains and valleys, villages
and roadsides of the Fenouillèdes region of Pyreneen France.
Photographs by Diana and Robert Young

104 Objects Found from Rome to Syracuse


Objects found on the streets and roads of Italy.
Photographis by Diana and Robert Young

126 Finding Buffo’s Castel


Adventures in the Sicilian night, dark, silent.
Text by Robert Young

147 My Cousin Billy


Unlikely encounters in the mountains of Nofth Carolina,
the deserts of Las Vegas, Nevada,
and Bayou Desang
Text by Robert Young

164 Troubadour Lost


On the road to El Pas de la Casa, Andorra, 2004.

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found objects / objets trouvés

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object / objet
object. n.
Something material:
that is perceived by the senses
that stirs an emotion
that can embody psychological identification
Something mental:
an object for study
an object of affection
an art object
Goal, purpose, objective:
A cause for attention or concern
A real-thing symbolizing a dream-thing

objet. n.m.
Quelque chose de matériel:
qui est perçu par les sens
qui suscite une émotion
qui peut incarner une identification psychologique
Quelque chose de mental:
un objet d’étude
un objet d’affection
un objet d’art
But, finalité, objectif:
Une cause d’attention ou de préoccupation
Une chose réelle symbolisant une chose de rêve

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found objects
Surrrealists have an sensitivity to found objects
an affection
a fear
an obsession
an acute awareness
a sensitivity
go read a list of
what objects can be
and you will see that
in the end
an object is
a real thing
embodying
possessing
including
embracing
a dream thing
see the object, enter its presence, hold it, think about it,
react to what it says, does, embodies
what it compels you feel
in spite of yourself
a shimmer along the waves of thought
when you are presented with the object
in a dream asleep
or a dream awake
is it true love

12
objets trouvés
Les surréalistes ont une sensibilité aux objets trouvés
une tendresse
une peur
une obsession
une conscience aiguë
une sensibilité
allez lire une liste de
quels objets peuvent être
et tu verras que
à la fin
un objet est
une vraie chose
incorporant
posséder
y compris
embrasser
un truc de rêve
voir l’objet, entrer en sa présence, le tenir, y penser,
réagir à ce qu’il dit, fait, incarne
ce que cela vous oblige à ressentir
malgré toi
un miroitement le long des vagues de la pensée
lorsqu’on vous présente l’objet
dans un rêve endormi
ou un rêve éveillé
est-ce le vrai amour

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found objects
Fragments of the Afternoon
Fragments de l’après-midi

objets trouvés

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Fragments de l’après-midi

Au printemps 1998, nous avons acheté une maison et un petit


jardin dans un village français de la haute vallée de l’Aude au cen-
tre d’une région agricole consacrée au vin et aux olives.
Lorsque nous avons acquis le lieu, les propriétaires d’origine
étaient depuis longtemps oubliés dans le village. Parmi les objets
divers que nous avons découverts dans la maison, il y avait une
boîte de négatifs photographiques dans des enveloppes gribouil-
lées de marques presque indéchiffrables ne révélant rien sur le
contenu au-delà de quelques noms de lieux.
Intrigués par le mystère mais manquant de ressources pour en-
treprendre l’impression des photographies, nous les stockons
soigneusement et attendons le jour où nous pourrons récupérer
les images. La technologie et les ressources requises pour un tel
projet étaient, à l’époque, au-delà de nos moyens, nous avons
donc mis les points négatifs de côté et attendu.
Ces dernières années, avec les progrès de la numérisation des
vieux négatifs, nous avons pu redonner vie à ces images oubliées
et avons été immédiatement intrigués par les images comme té-
moignage d’un mystère.
Qui étaient ces personnes? Que faisaient-ils? Où vivaient-ils,
travaillaient-ils et jouaient-ils ? Quel est le mystère de leur rêve
disparu?
Nous présentons ces photographies sans autre commentaire et
invitons toute personne reconnaissant l’une de ces personnes à
nous contacter à l’adresse de notre site Web à la fin de ce livre.

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Fragments

Fragments of the Afternoon

In the spring of 1998, we purchased a house and small garden in


a French village in the upper valley of the Aude River at the cen-
ter of an agricultural region devoted to wine and olives.
When we acquired the place, the original owners had long de-
parted and were forgotten in the village. Among the miscella-
neous items we discovered in the house was a box of photographic
negatives in envelopes scrawled with nearly-indecipherable mark-
ings revealing nothing about the contents beyond a few place
names.
Intrigued by the mystery but lacking resources to undertake
printing the photographs, we stored the negatives carefully and
waited for the day when we could recover the images.
In recent years, with advances in the digitalizing of old nega-
tives, we brought these forgotten images back to life and were im-
mediately fascinated by the evidence of a lost way of life.
Who were these people? What were they up to? Where did
they live, work, and play? What is the mystery of their missing
dream? What became of the world they so vigorously created and
inhabited?
We present these photographs without further comment and
invite anyone who recognizes these people to contact us at our
web site address on the masthead page at the front of this issue.

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Fragments

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Fragments

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Fragments

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Objects found in the Fenouillèdes

Objets trouvé dans les Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Fenouillèdes

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Objects Found from Rome to Syracuse

Objets trouvés de Rome à Syracuse

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Rome to Syracuse

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Rome to Syracuse

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Rome to Syracuse

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Rome to Syracuse

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Rome to Syracuse

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Rome to Syracuse

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Rome to Syracuse

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Rome to Syracuse

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Rome to Syracuse

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Finding Buffo’s Castel

objets trouvés

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Swooping down over Trapani
we damned near lose it in the dark. Then we see the glimmering
lights of the city and our first-ever sight of the curving Sicilian
coastline, a vision beautiful and damned, a troubled welcome af-
ter a short but bumpy ride from Gerona grace à Ryanair. We will
begin our long-planned travels in Sicily by driving our rented car
to a rendezvous with our host, a certain G. Mancuso, at Buffo’s
Castel, at a roadhouse near Castelvetrano, many kilometers from
Trapani airport, but first a safe landing is imperative. The plane
tilts, giving us a clear view of the dramatic dog-leg of the bay,
PicturePostcard, oh boy, but things get interesting and breathtak-
ing in a different way real fast.
The Boeing 737’s suddenly takes a gut twisting drop onto tar-
mac that feels oddly spon� and may not be pavement at all but
marshland before reaching the airstrip. Seconds go by. Are we
crashing into the Big Nowhere? Then with a thump we feel solid
runway and the engines are roaring in reverse and whatever
brakes the big tires are fitted with are engaged to a screaming
maximum. The plane slows but not much.
Outside, thick darkness. Then we zip past a low building lit
with a few florescent tubes like a gas station on a desert road in
some country we’ve never seen. But wait. This is a country we’ve
never seen and our journey may end before it begins. I turn to
her.
—Sicily, amore mio, I say.
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—Shut up and hold your breath.


Our plane reaches the end of the landing strip and shudders to
a crawl, avoiding the world famous Salt Pans of Marsala with its
world famous windmills.
—We have missed a high point of any Grand Tour of Sicily.
—Maybe not. We’re still moving.
A collective gasp in the cabin when the plane doubles back
down the runway searching for the terminal.
The three stewards, a couple of bored colleens and a Maltese
young man, frown and grin. The pilot is like a hunter searching
for home on a moonless night with only a tiny flashlight to guide
his way. That’s when she nudges me in the ribs.
—I hear you, she says. Look, the ground crew at the terminal
really is guiding the plane with flashlights.
Minutes later, we step out of the cabin into the dark. The air
is like a hot, wet sponge smelling of rock salt and dead sea crea-
tures, and overhead the Milky Way is like you’ve never seen be-
fore, a spray of pinpoints clear as a NASA photograph.
—Say, I nudge her. Why so dark at an airport arrival gate?
—Good question.
—Is an emergency of some kind in progress? Hostages? A
holdup? A terrorist attack? My gut twists again.
—Be optimistic. Nobody at the terminal is surprised by this.
We inch forward, into the unknown.

After a moment, our eyes adjust


to the murky light spilling from inside the terminal. We can see
backlit figures milling about—or not milling at all—giving us the
impression that if there were a crisis in progress, nobody would
notice or care.
—It must be okay to go on ahead and edge across the tarmac,
I say, reaching for her hand.
—Surely, she says, striking a reassuring tone. The lights are
always on low, so there’s nothing to be worried about.

130
Finding Buffo’s Castel

—What’s the lesson here?


—Bring flashlights the next time we take a night flight to
Sicily?
—Expect malfunction as the rule and adapt accordingly.
—Good point, she says as we approach the wide, dim entry.
—Let’s keep walking like we know what we’re doing and watch
for the Hertz sign.
Inside the terminal, fluorescents flicker here and there. Two
men wearing white belts and pistol holsters stand in the wan light
of an alcove marked servizi. They lounge, smoke, and keep an
eye on people without looking at anybody. Here and there across
the darkened concourse, clusters of bag-clutching passengers
trudge like pilgrims at an unmarked desert crossroads. They
stand and stare at the Arrivals and Departures board. A hand-let-
tered sign has been duck-taped in the center: INOPERATIVO.
—I bet that sign means what I think it does, I say.
—Why do people keep staring at it, then?
—Don’t think about that now.
But what am I to make of this worrisome failure to connect
with stark reality? If the message board isn’t operative, why con-
tinue searching for answers it cannot give? I hate to think that it
might be panic. What is to be done if flights continue to ran-
domly come and go unannounced, or simply vanish without a
trace? What becomes of the glue of civility when nobody knows
the whereabouts of their flight? Where will they go? Who will
seize the momentl?
In a dark corner, the Hertz sign suddenly lights up and a
dozen passengers rush toward it like moths to a flame. We, too,
step lively, showing no panic, and join the queue lining up to face
the harried attendant. We want to appear to be wary, savvy, sea-
soned travelers, not scared puppies.
—Should be a piece of cake, I suggest, nodding toward the
Hertz representative.
—You figure?

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—He’s just a kid, easy-going, innocent.


—Take another look.
She’s right. He may be young but he’s no kid. Mid-twenties,
with the latest shaved-head, goatee look and eyes glazed by what?
Boredom? Downers?
It’s our turn. He demands and takes our documents and a
credit card, scribbles on the rental form, runs the card through
an ancient hand-operated impression machine, whack whack,
thus awakening fears of all sorts of crafty criminal schemes in-
volving card numbers and suchlike, schemes that must be afoot,
considering where we . . .
—Don’t even think it, she says.
—But I can’t help it. It’s all that pop culture conditioning to
overcome.
—Is that why you’re sweating? I thought it was the air in
here.
She remains cool. It’s her way of telling me not to worry. But
I do worry. It doesn’t matter if we are the wariest of travelers. It
doesn’t matter how savvy we appear. Diabolical ripoff artists are
always one step ahead. They have our number and it’s up.
—Enough with the worrying, she says jokingly, but I know
she’s losing her patience with me.
—I’m not worrying. Worry is what you do when you don’t
know what’s going to happen.
—I’m relieved, then. You must know something I don’t.
—�ht. I know we’re about to get screwed.
In due course, the bald kid presents us with a handful of pa-
pers along with our documents and credit card. He extends a Bic,
instructing me impatiently to sign a waiver of insurance to the
tune of ninety euros, or else.
—I don’t like the sound of this, I say, touching Bic to receipt.
—Wait, she says, having none it if and waving the card in the
kid’s face. What’s this insurance waiver? We’ve already paid for
everything in advance. You’ve got the receipt.

132
Finding Buffo’s Castel

The kid is ready for this, having heard it a thousand times in


a dozen languages. He doesn’t look up. a
—Don’t worry, he says in passable English. It just authorizes
a block on your account of ninety euros. It gets lifted when you
bring the car back. And remember, you’re getting the car with a
full tank. Return it that way. Here’s your receipt. Next?
—Where is the car? I ask, dangling the keys in the kid’s face.
—Thank you for choosing Hertz, he says, jerking a thumb
over his shoulder.

We head for the exit and plunge


again into darkness. We hurry, trusting our instincts to guide us
to the rental car lot, but why the rush? Why not take our time
now that we’re here? Could we enjoy getting our bearings?
—Time check, she says, holding up her watch, but it’s too
dark to read.
—Nine o’clock, says my cell phone.
—We meet Mancuso when?
—Ten-thirty.
—How long did he say it would take us to drive there?
—Hour and a half, give or take.
She says nothing else, grabs my arm, and we speed up. We trip
over unseen concrete curbstones marking the car rental lot where
men with pocket flashlights wander through the rows of parked
cars muttering and spitting.
—Why are they spitting? I ask. Do you think it’s a Sicilian
reaction to panic?
—I don’t know, she says. Tell me when you figure it out.
Just then a point of light touches a Hertz sign and in the
gloom we can make out the shapes of dozens of parked cars.
—Which one? I say. I can’t read the license number.
—It’s got to be the economy size, since that’s what we or-
dered.
—All of the cars are pretty small.

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—Try the key, she suggests.


Precious moments go by while crouching at every car’s driver-
side door and feeling around for the lock. Finally she suggests
trying the automatic lock gizmo.
Dunce, I think to myself. Our car back home doesn’t have
this feature, so it’s easy to forget this miracle of technolo�. I
press the soft spot in the center of the key and hear a kulunk
from one of the cars, the one that looks like a bubble gum ma-
chine on tiny wheels.
There’s barely enough room in the trunk for Diana’s bag,
much less both of ours, but no matter. We’ve soon got everything
stashed and we’re careering out of the Trapani airport while get-
ting the hang of driving a brand new car, plotting a route to our
rendezvous using blurry maps copied from the internet, search-
ing the roadside for directions out of the Trapani airport—and
that’s just for starters.

First we encounter the Roundabout


on the Road to Nowhere. A scramble of signs. A welter of mean-
ingless signals, none pointing to the route we’re looking for. Pa-
tience and calm in a jumbled moment. What else to do but gam-
ble, pick an exit, and sail into the unknown.
We scurry across a featureless plain. No lights. No roadside
life. Then a sign announces we have entered the Marsala Salt
Flats. This isn’t what we want, so we turn back to the Trapani
roundabout from hell and take a different exit.
Within seconds we are plunged into another strangely object-
less world, the Silence of the Autostrada. Anxious but glad to be
on the right road, we begin our trip across the western end of the
island searching for the exit to the town of Castelvetrano. Ahead
the road is empty and not just quiet, but lonesome, eerie, seri-
ously abandoned: no cars, no trucks, no wrecks, no junk, noth-
ing. And in the countryside out beyond the pavement, no lights,

134
Finding Buffo’s Castel

no familiar tree shapes, no shapes at all, just that uncanny dark-


ness opaque as all get out, like a dream of floating in a threatening
space devoid of objects, or any guideposts to perception. What’s
left? Hallucinations?
My fingers tingle as it dawns on me. We have reached a zone
of extreme dislocation. It’s a place where we we don’t even know
what exists, what to be alert for, what not to dread. All we know
is we’re in a foreign country, somewhere off the coast of main-
land Europe, where we can’t speak the language and do not know
anyone who will vouch for our value to humanity. Nobody cares
whether we are about to be devoured whole by Sicily and forgot-
ten. It’s a sobering thought.
—Look, dear one, I say reassuringly, taking my hand off the
wheel for a second and squeezing her thigh.
—I bet we’ll drive straight to Buffo’s Castel.
—So you’ve been telling me.
—Yes, yes, I know we got off to a nerve-jangling start back
there, getting nearly to Marsala and who knows what. But we
corrected course and now, you’ll see. Smooth sailing from here
on.
After a long moment, she says:
—Have you noticed?
—The silence. Eerie, I know. Uncanny-like. But what of it?
—First off, there are no cars or trucks on this highway.
—So? That’s great for the driver.
—We are on an island populated by five million people and
nobody, I mean nobody is on the highway? Tell me this isn’t
cause for concern.
—Maybe it’s a holiday.
—No kidding.
—We’ll miss no more turns. We’ll find Mancuso exactly
where he said would be. Black BMW. On the main road at the
turn off to Buffo’s Castel. His instructions are so clear. From the
airport, just take the autostrada, direction Palermo. Which we’re

135
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doing. Hour and a half, then take the Castelvetrano exit and fol-
low the signs toward Selinunte. Watch for Buffo’s Castel.
—What’s a Buffo’s Castel?
—I’m sure it’s a landmark in the area. Castel? That’s like a
castle or something, right? And Buffo? With a name like that, the
place has got to be known to everyone. If we don’t see it right off,
we’ll find help, get directions.
—Oh sure. Like we’ll stop at a bar or cafe and ask? Easy,
right? Us knowing so much Italian? And you’ve noticed all the
bars and service stations along the road.
She’s right of course. So I shut up and pray that my confidence
isn’t futile. In the long silence that follows, I’m intent on what’s
happening on the road, which is nothing but I stay intent on it.
Then I say:
—You’ve got to admit we’re doing fine for now, so let’s not
worry until we have to.
—Buffo’s you say.
We drive on, each gazing into the dark and nursing our anxi-
eties by imagining what it must be like out there in all that si-
lence.
—What do you suppose they’re up to, she asks. —I mean,
working so hard at keeping out of sight and unheard?
—Maybe they’ve all gone to a rugby match in Palermo.
—Or to Buffo’s Castel?

Buffo’s Castel is exactly


where Mancuso wrote us it would be. Sort of. We just had not
expected the location to be a scruffy wilderness. At the Castelve-
trano exit, we have no trouble finding the road to Selinunte be-
cause it’s the only road. The roadhouse itself is off the main road
and its neon sign can barely be seen. But Mancuso’s black BMW
is there and he has a passenger, Senora Mancuso we presume. We
pull to a stop, but before I can turn off the engine, an arm appears
from his window and waves. It’s got to be him, who else? A whis-

136
Finding Buffo’s Castel

per of exhaust appears from his tailpipe and he takes off. After
the bizarre night we’ve had, why not follow him and his compan-
ion? What have we got to lose?
A few kilometers down the lonesome highway, we follow
Mancuso onto a rough macadam road across a treeless landscape
alongside an irrigation aqueduct on tall concrete pilings poorly
maintained and obviously long out of service. After a few kilome-
ters of this, trees appear on the roadside and we turn onto an-
other farm road and into the Mancuso compound, several tree-
dotted acres surrounded by a sturdy fence with a tall iron gate.
There are two houses, a one-story farmhouse in good repair and
a tiny worker’s cabin with a covered patio.
The Mancusos prove to be gregarious and eager to help us
aliens who have dropped into their lives. Once they have shown
us around our cabin, Mancuso warns us not to leave the front
gate open at night.
—I lupi, he says. I lupi.
—Wolves, she translates for me. He doesn’t want us letting in
the wolves.

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found objects

Trouver Buffo’s Castel

objets trouvés

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En descendant en piqué au-dessus de Trapani
nous avons failli la perdre dans l’obscurité. Puis nous apercevons
les lumières scintillantes de la ville et notre toute première vue de
la côte sicilienne incurvée, une vision belle et maudite, un accueil
troublé après un trajet court mais cahoteux depuis Gerona grace
à Ryanair. Nous commencerons notre voyage en Sicile, planifié
de longue date, en conduisant notre voiture de location jusqu’au
rendez-vous avec notre hôte, un certain G. Mancuso, au Buffo’s
Castel, dans un relais routier près de Castelvetrano, à plusieurs
kilomètres de l’aéroport de Trapani, mais avant cela, un atterris-
sage en toute sécurité est impératif. L’avion s’incline, ce qui nous
permet d’avoir une vue dégagée du spectaculaire coude de la baie,
PicturePostcard, oh boy, mais les choses deviennent rapidement
intéressantes et à couper le souffle d’une manière différente.
Le Boeing 737 fait une chute vertigineuse sur un tarmac qui
semble étrangement spongieux et qui n’est peut-être pas du tout
un tarmac mais un marais avant d’atteindre la piste d’atterrissage.
Les secondes passent. Sommes-nous en train de nous écraser dans
le Grand Nulle part? Puis, avec un bruit sourd, nous sentons une
piste solide, les moteurs rugissent en marche arrière et les freins,
quels qu’ils soient, dont sont équipés les gros pneus, sont en-
clenchés au maximum. L’avion ralentit mais pas beaucoup.
Dehors, une obscurité épaisse. Puis nous passons devant un
bâtiment bas éclairé par quelques tubes fluorescents, comme une
station-service sur une route déserte dans un pays que nous
n’avons jamais vu. Mais attends. C’est un pays que nous n’avons

139
found objects / objets trouvés

jamais vu et notre voyage pourrait se terminer avant de com-


mencer. Je me tourne vers elle.
—Sicily, amore mio, je dis.
—Tais-toi et retiens ta respiration.
Notre avion arrive au bout de la piste d’atterrissage et se met
à ramper, évitant les célèbres marais salants de Marsala et ses
célèbres moulins à vent.
—Nous avons manqué un point culminant de tout Grand
Tour de Sicile.
—Peut-être pas. Nous avançons toujours.
Un souffle collectif dans la cabine lorsque l’avion double sur
la piste à la recherche du terminal.
Les trois stewards, un couple de collégiens qui s’ennuient et un
jeune homme maltais, froncent les sourcils et sourient. Le pilote
est comme un chasseur cherchant sa maison dans une nuit sans
lune avec seulement une petite lampe de poche pour guider son
chemin. C’est alors qu’elle me donne un coup de coude dans les
côtes.
—Je t’entends, dit-elle. Regarde, l’équipe au sol du terminal
guide vraiment l’avion avec des lampes de poche.
Quelques minutes plus tard, nous sortons de la cabine dans
l’obscurité. L’air est comme une éponge chaude et humide qui
sent le sel gemme et les créatures de la mer morte, et au-dessus de
nos têtes, la Voie lactée est comme tu ne l’as jamais vue, une gerbe
de points clairs comme une photographie de la NASA.
—Je lui donne un coup de coude. Pourquoi il fait si sombre à
la porte d’arrivée d’un aéroport?
—Bonne question.
—Est-ce qu’une sorte d’urgence est en cours? Des otages? Un
hold-up? Une attaque terroriste? Mes tripes se tordent à nouveau.
—Sois optimiste. Personne au terminal n’est surpris par cette
situation.
Nous avançons lentement, dans l’inconnu.

140
Trouver Buffo’s Castel

Après un moment, nos yeux s’ajustent


à la lumière trouble qui s’échappe de l’intérieur du terminal.
Nous pouvons voir des silhouettes rétroéclairées qui s’agitent - ou
ne s’agitent pas du tout - ce qui nous donne l’impression que si
une crise était en cours, personne ne le remarquerait ou ne s’en
soucierait.
—Ça doit être bon de continuer et de traverser le tarmac, dis-
je tendant la main.
—Sûrement, dit-elle en prenant un ton rassurant. Les lu-
mières sont toujours à faible intensité, alors il n’y a pas de quoi
s’inquiéter.
—Quelle est la leçon à en tirer?
—Apportez des lampes de poche la prochaine fois que nous
prendrons un vol de nuit pour la Sicile?
—S’attendre à ce que le dysfonctionnement soit la règle et
s’adapter en conséquence.
—Bon point, dit-elle alors que nous approchons de l’entrée
large et sombre. Continuons à marcher comme si nous savions ce
que nous faisons et surveillons le panneau Hertz.
À l’intérieur du terminal, des fluorescents clignotent ici et là.
Deux hommes portant des ceintures blanches et des étuis de pis-
tolet se tiennent dans la lumière blafarde d’une alcôve marquée
servizi. Ils se prélassent, fument et surveillent les gens sans re-
garder personne. Ici et là, dans le hall sombre, des groupes de pas-
sagers portant leurs sacs avancent comme des pèlerins à un car-
refour désert non marqué. Ils se tiennent debout et fixent le
tableau des arrivées et des départs. Un panneau écrit à la main a
été scotché au centre: inoperativo.
—Je parie que ce panneau signifie ce que je pense, dis-je.
—Pourquoi les gens continuent-ils à le fixer, alors?
—Ne pense pas à ça maintenant.
Mais que dois-je penser de cette inquiétante incapacité à se con-
necter à la dure réalité? Si le panneau d’affichage n’est pas opéra-
tionnel, pourquoi continuer à chercher des réponses qu’il ne peut

141
found objects / objets trouvés

pas donner? Je déteste penser que cela pourrait être de la panique.


Que faire si les vols continuent d’arriver et de repartir au hasard
sans être annoncés, ou s’ils disparaissent simplement sans laisser
de trace? Que devient le ciment de la civilité lorsque personne ne
sait où se trouve son vol? Où iront-ils? Qui saisira l’instant
présent?
Dans un coin sombre, l’enseigne Hertz s’allume soudainement
et une douzaine de passagers se précipitent vers elle comme des
papillons de nuit vers une flamme. Nous aussi, nous faisons un
pas vif, ne montrant aucune panique, et nous rejoignons la file
d’attente qui fait face à l’accompagnateur pressé. Nous voulons
avoir l’air d’être des voyageurs méfiants, avisés et expérimentés,
pas des chiots effrayés.
—Ça devrait être du gâteau, suggère-je en faisant un signe de
tête vers le représentant Hertz.
—Tu crois?
—Il n’est qu’un enfant, facile à vivre, innocent.
—Regarde bien.
Elle a raison. Il est peut-être jeune mais ce n’est pas un gamin.
Au milieu de la vingtaine, avec le dernier crâne rasé, le look bar-
bichette et des yeux glacés par quoi? L’ennui? Des dépressants?
C’est notre tour. Il exige et prend nos documents et une carte
de crédit, griffonne sur le formulaire de location, passe la carte
dans une ancienne machine à empreintes manuelle, et réveille
ainsi les craintes de toutes sortes de stratagèmes criminels astu-
cieux impliquant des numéros de carte et autres, des stratagèmes
qui doivent être en cours, étant donné l’endroit où nous....
—Ne le pense même pas, dit-elle.
—Mais je ne peux pas m’en empêcher. C’est tout ce condi-
tionnement de la culture pop à surmonter.
—C’est pour ça que tu transpires? Je pensais que c’était l’air
d’ici.
Elle reste cool. C’est sa façon de me dire de ne pas m’inquiéter.
Mais je m’inquiète. Peu importe que nous soyons les plus méfi-

142
Trouver Buffo’s Castel

ants des voyageurs. Peu importe à quel point nous semblons


avisés. Les arnaqueurs diaboliques ont toujours une longueur
d’avance. Ils ont notre numéro et il est en haut.
—Arrête de t’inquiéter, dit-elle en plaisantant, mais je sais
qu’elle perd patience avec moi.
—Je ne m’inquiète pas. S’inquiéter est ce que tu fais quand tu
ne sais pas ce qui va se passer.
—Je suis soulagée, alors. Tu dois savoir quelque chose que je
ne sais pas.
—D’accord. Je sais que nous sommes sur le point de nous faire
avoir.
En temps voulu, le jeune chauve nous présente une poignée de
papiers ainsi que nos documents et notre carte de crédit. Il tend
un Bic, me demandant avec impatience de signer une renoncia-
tion à l’assurance d’un montant de quatre-vingt-dix euros, sinon.
..
—Je n’aime pas ça, dis-je, en touchant le Bic au reçu.
—Attends, dit-elle, ne l’ayant pas fait et agitant la carte au vis-
age du gamin. C’est quoi cette renonciation à l’assurance? Nous
avons déjà tout payé à l’avance. Tu as le reçu.
Le gamin est prêt pour cela, l’ayant entendu mille fois dans
une douzaine de langues. Il ne lève pas les yeux et dit, dans un
anglais passable:
—Ne t’inquiète pas. Il autorise juste un blocage de quatre—
vingt-dix euros sur ton compte. Il sera levé lorsque tu ramèneras
la voiture. Et n’oublie pas que tu récupères la voiture avec un
réservoir plein. Rends-la comme ça. Voici ton reçu. Ensuite?
—Où est la voiture? Je demande, en faisant miroiter les clés
au visage de l’enfant.
—Merci d’avoir choisi Hertz, dit-il en faisant un geste du
pouce par-dessus son épaule.

143
found objects / objets trouvés

Nous nous dirigeons vers la sortie


et plongeons à nouveau dans l’obscurité. Nous nous dépêchons,
faisant confiance à nos instincts pour nous guider jusqu’au terrain
de location de voitures, mais pourquoi se presser? Pourquoi ne
pas prendre notre temps maintenant que nous sommes ici? Pour-
rions-nous apprécier de prendre nos repères?
—Vérification de l’heure, dit-elle en montrant sa montre, mais
il fait trop sombre pour la lire.
—Neuf heures, dit mon téléphone portable.
—Nous rencontrons Mancuso quand?
—Dix heures trente.
—Combien de temps a-t-il dit qu’il nous faudrait pour y aller
en voiture?
—Une heure et demie, à peu près.
Elle ne dit rien d’autre, attrape mon bras et nous accélérons.
Nous trébuchons sur des bordures de béton invisibles marquant
le terrain de location de voitures où des hommes avec des lampes
de poche déambulent dans les rangées de voitures garées en mar-
monnant et en crachant.
—Pourquoi crachent-ils? Je demande. Penses-tu que c’est une
réaction sicilienne à la panique?
—Je ne sais pas, dit-elle. Dis-moi quand tu auras trouvé.
Juste à ce moment-là, un point lumineux touche une enseigne
Hertz et dans la pénombre, nous pouvons distinguer les formes
de dizaines de voitures garées.
—Laquelle? Je dis. Je n’arrive pas à lire le numéro d’immatric-
ulation.
—Il doit s’agir de la taille économique, puisque c’est ce que
nous avons commandé.
—Toutes les voitures sont plutôt petites.
—Essaie la clé, suggère-t-elle.
De précieux moments s’écoulent pendant que tu t’accroupis
devant la porte côté conducteur de chaque voiture et que tu

144
Trouver Buffo’s Castel

cherches la serrure. Finalement, elle suggère d’essayer le bidule de


la serrure automatique.
Idiot, je me dis. Notre voiture à la maison n’a pas cette fonc-
tion, alors il est facile d’oublier ce miracle de la technologie. J’ap-
puie sur le point faible au centre de la clé et j’entends un kulunk
provenant d’une des voitures, celle qui ressemble à une machine
à chewing-gum sur de petites roues.
Il y a à peine assez de place dans le coffre pour le sac de Diana,
et encore moins pour les deux nôtres, mais peu importe. Nous
avons bientôt tout rangé et nous sortons de l’aéroport de Trapani
tout en apprenant à conduire une toute nouvelle voiture, à tracer
un itinéraire jusqu’à notre rendez-vous à l’aide de cartes floues
copiées sur Internet, à chercher des indications sur le bord de la
route pour sortir de l’aéroport de Trapani, et ce n’est qu’un
début.

Nous rencontrons d’abord le rond-point


sur la route de nulle part. Un enchevêtrement de panneaux. Un
fatras de signaux sans signification, aucun n’indiquant la route
que nous cherchons. Patience et calme dans un moment de désor-
dre. Que faire d’autre que de parier, choisir une sortie et naviguer
vers l’inconnu.
Nous nous précipitons dans une plaine sans relief. Pas de lu-
mières. Aucune vie au bord de la route. Puis un panneau annonce
que nous sommes entrés dans les salines de Marsala. Ce n’est pas
ce que nous voulons, alors nous faisons demi-tour vers le rond-
point de l’enfer de Trapani et prenons une autre sortie.
En quelques secondes, nous sommes plongés dans un autre
monde étrangement dépourvu d’objets, le Silence de l’Au-
tostrada. Anxieux mais heureux d’être sur la bonne route, nous
commençons notre voyage à travers l’extrémité ouest de l’île à la
recherche de la sortie vers la ville de Castelvetrano. Devant nous,
la route est vide et pas seulement calme, mais solitaire, sinistre,

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found objects / objets trouvés

sérieusement abandonnée: pas de voitures, pas de camions, pas


d’épaves, pas d’ordures, rien. Et dans la campagne au-delà de la
chaussée, pas de lumières, pas de formes d’arbres familiers, pas de
formes du tout, juste cette obscurité étrange et opaque, comme
un rêve de flotter dans un espace menaçant dépourvu d’objets, ou
de tout repère de perception. Que reste-t-il? Des hallucinations?
Mes doigts picotent alors que je commence à comprendre.
Nous avons atteint une zone de dislocation extrême. C’est un en-
droit où nous ne savons même pas ce qui existe, ce à quoi il faut
faire attention, ce qu’il ne faut pas redouter. Tout ce que nous
savons, c’est que nous sommes dans un pays étranger, quelque
part au large des côtes de l’Europe continentale, où nous ne par-
lons pas la langue et ne connaissons personne qui se portera
garant de notre valeur pour l’humanité. Personne ne se soucie de
savoir si nous sommes sur le point d’être dévorés tout entiers par
la Sicile et oubliés. C’est une pensée qui donne à réfléchir.
—Écoute, ma chère, dis-je d’un ton rassurant, en retirant ma
main du volant pendant une seconde et en serrant sa cuisse.
—Je parie que nous irons directement au Castel de Buffo.
—Tu me l’as dit.
—Oui, oui, je sais que nous avons eu un départ difficile pour
les nerfs là-bas, en arrivant presque à Marsala et qui sait quoi.
Mais nous avons rectifié le tir et maintenant, tu verras. La naviga-
tion est douce à partir de maintenant.
Après un long moment, elle dit:
—Tu as remarqué?
—Le silence. C’est étrange, je sais. Uncanny-like. Mais qu’en
est-il?
—D’abord, il n’y a pas de voitures ni de camions sur cette
autoroute.
—Et alors? C’est génial pour le conducteur.
—Nous sommes sur une île peuplée de cinq millions de per-
sonnes et personne, je veux dire personne n’est sur l’autoroute?
Dis-moi que ce n’est pas une cause d’inquiétude.

146
Trouver Buffo’s Castel

—Peut-être que c’est un jour férié.


—Sans blague.
—Nous ne manquerons plus aucun virage. Nous trouverons
Mancuso exactement là où il a dit qu’il serait. La BMW noire. Sur
la route principale, à la bifurcation vers le Buffo’s Castel. Ses in-
structions sont si claires. Depuis l’aéroport, il suffit de prendre
l’autostrada, direction Palerme. Ce que nous faisons. Une heure
et demie, puis prends la sortie Castelvetrano et suis les panneaux
en direction de Selinunte. Regarde pour le Buffo’s Castel.
—Qu’est-ce qu’un Buffo’s Castel?
—Je suis sûr que c’est un point de repère dans la région. Un
château? C’est comme un château ou quelque chose comme ça,
non? Et Buffo? Avec un nom pareil, l’endroit doit être connu de
tous. Si nous ne le voyons pas tout de suite, nous allons trouver
de l’aide, demander notre chemin.
—Oh bien sûr. Comme si nous allions nous arrêter dans un
bar ou un café et demander? Facile, non? Nous qui connaissons
si bien l’italien? Et tu as remarqué tous les bars et stations-service
le long de la route.
Elle a raison, bien sûr. Alors je me tais et je prie pour que ma
confiance ne soit pas futile. Dans le long silence qui suit, je suis
attentive à ce qui se passe sur la route, ce qui n’est rien mais je
reste attentive. Puis je dis:
—Tu dois admettre que nous nous en sortons bien pour l’in-
stant, alors ne nous inquiétons pas avant d’y être obligés.
—Buffo’s tu dis.
Nous continuons à rouler, chacun regardant dans le noir et
soignant nos angoisses en imaginant ce que cela doit être dans tout
ce silence.
—Qu’est-ce que tu crois qu’ils sont en train de faire, demande-
t-elle. Je veux dire, travailler si dur pour rester hors de vue et in-
audible?
—Ils sont tous partis à un match de rugby à Palerme?
—Ou au Buffo’s Castel?

147
found objects / objets trouvés

Buffo’s Castel est exactement


où Mancuso nous a écrit qu’il serait. En quelque sorte. Nous ne
nous attendions simplement pas à ce que l’endroit soit une nature
sauvage et débraillée. À la sortie de Castelvetrano, nous n’avons
aucun mal à trouver la route pour Selinunte car c’est la seule
route. Le relais routier lui-même est à l’écart de la route princi-
pale et son enseigne au néon est à peine visible. Mais la BMW
noire de Mancuso est là et il a un passager, Senora Mancuso nous
présumons. Nous nous arrêtons, mais avant que je puisse couper
le moteur, un bras apparaît de sa fenêtre et fait signe. C’est forcé-
ment lui, qui d’autre? Un murmure d’échappement apparaît de
son tuyau d’échappement et il décolle. Après la nuit bizarre que
nous avons passée, pourquoi ne pas le suivre, lui et son com-
pagnon? Qu’avons-nous à perdre?
Quelques kilomètres plus loin sur l’autoroute solitaire, nous
suivons Mancuso sur une route en macadam rugueuse à travers
un paysage sans arbres, le long d’un aqueduc d’irrigation sur de
grands piliers en béton mal entretenus et visiblement hors service
depuis longtemps. Après quelques kilomètres, des arbres appa-
raissent sur le bord de la route et nous tournons sur une autre
route de ferme et entrons dans l’enceinte de Mancuso, plusieurs
hectares parsemés d’arbres entourés d’une clôture solide avec un
grand portail en fer. Il y a deux maisons, une ferme d’un étage en
bon état et une minuscule cabane d’ouvrier avec un patio couvert.
Les Mancuso s’avèrent être grégaires et désireux de nous aider,
nous les étrangers qui sommes entrés dans leur vie. Une fois qu’ils
nous ont fait visiter la cabane, Mancuso nous avertit de ne pas
laisser la porte d’entrée ouverte la nuit.
—I lupi, dit-il. I lupi.
—Loups, traduit-elle pour moi. Il ne veut pas qu’on laisse en-
trer les loups.

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My Cousin Billy

TRANSCRIPT OF A TAPE RECORDING LABELED, Mike Madden for


Abby Shannon.

G REGORY ALLEN BARTHEZ, WAS BORN 69 years ago in Chan-


deleur County. His mother, Anita Jean Pons, was vaguely related
to my mother, Vera Comeaux, which is why Mother always
called him a cousin of mine, a person I should respect as family,
even if nobody knew for certain who his father was. Mother sus-
pected that Anita had had an affair with a soldier stationed in Bay
St. John when the Army Corps of Engineers built the sea wall to
Point Desang back before the War. Anita was a housekeeper at
the Chambers House when he was born. She died when he was
still a child, but Mother never talked about the cause of her
death. Nobody did. Lois Comeaux, Mother’s sister—raised him.
She was a high school English teacher in Port Sulphur and intro-
duced him to art and literature and did little to discourage him
from changing his name to William Blake Danks, III, figuring, as
she told Mother, that life had given him a pretty lousy start, so
he deserved any name he wanted. Mother encouraged this. It was
a good idea, to help him find himself, the poor orphan.
After high school, Billy Danks, as he came to be known,

149
found objects / objets trouvés

drifted away from the Coast and was lost to the family for many
years. Tales of his wanderings proliferated but none were ever
confirmed. Questions linger to this day. Did his years in the
swamps and métis-blood communities of Terrebonne Parish do
something to his mind? Was he locked in a mental ward in Beau-
mont, Texas, for three years or was sit longer? How long did he
share a house with that voyant, a tall, gaunt Haitian woman—
what was her name? Jacqueline?—on the back side of New Or-
leans’s Lower Ninth Ward, on the road to Chalmette? What did
it do to his worldview to live for a year in the desert near Las
Vegas, Nevada, with a couple of artists from Paris?
Whenever I ask about his association with the artists, he be-
comes strangely silent and changes the subject, but I do know
that he contributed to their explosive performance in the desert,
one of their most celebrated. When pressed, he will only say that
knowing Jean and Niki changed his life, made him who he is.
When he returned to the Coast in the mid-Sixties, he moved
into an abandoned house trailer and worked as a welder and gen-
eral roustabout at the Covich Boat Yard on Point Desang. He
collected scrap metal and other junk on the corner of the yard, a
patch of land given him by Oxliver Covich in partial payment for
his employment. Camille wrecked the Covich Yard in Sixty-nine
and Oxliver sold the failing business to finance his new life as a
nightclub entrepreneur on Emerald Beach. After that, Billy
Danks expanded his holdings on the Point, opened Holy Scrap!
junk yard, a salvage trading scheme, mostly legal, that he got me
involved in, selling junk, some of it with highly dubious prove-
nance.
During these years he began producing his Elegies—Ele� for
Keeley, Ele� for Lost Children, and such like—welded assem-
blages scattered around Point Desang, visual cacophonies of scrap
metal, machine parts, and other detritus. Jean and Niki may have
inspired him, but his Elegies are his own.

150
My Cousin Billy

Fast forward to today. He’s a healthy loner. Doesn’t seem to


care much for long-term relationships with women—or men—
but that’s the hermit in him. His saturated emotions connect
with world visions, universal dance steps, and sacred bass guitar
licks. He transports himself to places nobody else ever travels to
and is never the same when he returns. He taught me to study
drum patterns. He taught me how to watch, how to listen.

B ILLY DANKS STOOD, HELD HIS PAINT BRUSH to arm’s length,


and, with a flourish, signed his name in the air.
He is thinking about when he was a young man still educating
himself and went to live in the Cherokee country up in the
Smoky Mountains of North Carolina. He fell in love and wanted
to settle down with this Irish-Cherokee gal by the name of Keely
but didn’t. He learned to make things out of junk. The people he
stayed with had been doing this for so long they thought little of
it anymore, they just did it. He learned how to play guitar pass-
ably well and even memorized songs, a few by Woody Guthrie.
Late one afternoon he was sitting under a tree on the side of
the road across from a gas station a long way from anywhere
minding his own business when a car drove up and a man in clean
overalls got out.
—I’ll give you five dollars, he said to Billy, if you come with
me and help me with something I got to do.
—Well, Billy said, I’m okay with that because I need the
money but I got some scruples about what I will do for that
much money so you’re gonna need to tell me what it is you want
me to do otherwise I guess you can just head on down the road
and find somebody else.
—It’s real simple, the man said. I got me Ralph, an old dog,
and I need to bury him. I’d do it myself, but Ralph getting sick
and me all alone has made me too sad. I just can’t take it on.
151
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—If that’s all what you want me to do, you don’t have to pay
me, you being in your misery and all. Just buy me a bottle of beer
and a can of sardines and a box of saltines for my lunch and I’ll
be fine.
—Come on, then, said the man. Let’s get to it.
They got in the car. It was an old Chevrolet from before the
war and it was hard for Billy to see how the man was even keep-
ing it running, but they charged along and after a couple of miles,
the man turned on a rutted dirt road and pretty soon they got to
a clearing in the woods where there was an old farmhouse that
had needed painting for many years and some raw outbuildings,
wretched barn, privy, and the like. Hanging over the place like
the chorus of a sad Irish song was an air of defeat and a lack of
ener� for getting on with what needed doing.
—If you’re hungry, the man said to Billy when they got out
of the car, let me fix you something to eat before you get to
work. Ain’t got much, just a few strips of bacon I smoked myself.
It ain’t too rancid. And I’ve got some cold buttermilk. I’ve run
out of corn meal, so I can’t offer you any cornbread to go with
it.
—Oh, that’s all right, said Billy. I thank you very much, but
I’ll pass on the grub. Just let me just get to work. Where is the
dead dog?
—Well, I reckon I got to explain the dog. Yeah. See, the thing
is, Ralph ain’t quite fully dead yet. The poor fella’s sick unto dy-
ing and’s got to be put out of his misery, poor thing, but I just
can’t do it. Not myself.
—So what you want me to do is not only bury the dog, you
want me to mercy kill the poor creature as well?
—I guess it comes to that, yes sir.
—How do you want me to put Ralph to sleep?
—I don’t have a gun, if that’s what you mean. But I’ve got an

152
My Cousin Billy

axe I use for splitting firewood—or a kitchen knife, iffn you’d


prefer. It needs sharpening, though.
—Let me think on this for a minute.
Billy Danks went and sat under the oak tree that stood in
front of the man’s house, took out his tin of tobacco, and rolled
a cigarette while figuring how the hell to get unraveled from this
guy and his dying Ralph. After a while, the man came over to
him and said;
—Listen, what if I pay you double? That’d be ten dollars,
enough to feed you for a day or two.
—Listen here, man. It’s not the money that’s the problem.
It’s me taking that poor animal’s life. Even if the creature’s suffer-
ing, I’m just not wanting to be the one ending its life. Y’know
what I’m saying?
—What’s the matter? Are you some kind of buddy-ism?
—Well now, that sure may be the case, as far as I know what
those beliefs are. But frankly I’m just squeamish.
The man swayed back on his heels and chewed his lip. He held
his arms down and fluttered his fingers like they’d tell him what
to do.
The man’s state upset Billy so much that finally he said:
—All right, then. Let me see this poor animal. Maybe I can
relieve its misery, even if I cannot kill it outright. If Ralph’s a
goner, you might say, and is finding his way out of this life and
into the next, well, speeding him along may go against my gut,
but we must consider basic compassion for the poor suffering
beast.
The man led him over to the house and they stood on the bare
ground for a moment. Then they advanced up the stairs to the
front porch, silent as acolytes drawing near an altar. Ralph lay on
his side, unconscious but still breathing, barely. Billy kneeled and
touched the dog’s snout. Warm.
—This dog has a warm snout, he said, looking up at the man.
153
found objects / objets trouvés

I know little about dogs, mister, but I don’t think that’s good.
—No, it’s not good, said the man.
Billy trailed his fingers down the dog’s chest and across his
front leg, but the animal didn’t move, didn’t even flinch, didn’t
roll his eyes or even appear to have any vision at all.
—Ralph’s blind? asked Billy.
—Yes he is. Been that way for a long time, poor fella. Back
when the blindness came on him, it surprised me he didn’t mind
all that much. Fact is, even blind as a stump, he was always the
happiest soul around the place. Not even when he took sick and
lay down here and kind-a passed out. Ralph was always gentle,
kindly, even, as if he was sorry for causing me worry.
Billy squatted for a minute while they both regarded Ralph,
his chest slowly heaving, his eyelids fluttering from time to time.
Finally the man said:
—Come on inside and let me fix you some coffee or some-
thing and I will tell you a story. It might help you think this
through.
Billy followed the man on back to the kitchen. As he walked
through the rooms, he noticed a silence in the icy air and in the
dust that furred the furniture. Nobody had paid much attention
to the house for a long time. A woman would not have allowed
it to get this way, would’ve dusted table tops, properly placed
chairs, and so forth. And he detected no smells, just a dry tension
in the air, an odor of expectancy. The kitchen should’ve been a
bright room but was gray and cold.
—Go on and sit yourself at the table, said the man, who
talked while he prepared the coffee.
—When this terrible war started, my son couldn’t stand it un-
til he enlisted in the Marines and went off to fight, but he didn’t
live very long. They took him to someplace on the other side of
the Pacific Ocean, some place in Korea that I can’t even pro-
nounce the name of, and they let him get himself in the way of a
154
My Cousin Billy

tank and it rolled right over him and crushed him to death. His
body is still in that place, as far as I know.
—My wife, Monique, she took it really hard. She never had
been what you’d call a woman of stamina, but what little she did
have ebbed like sunlight at the end of a long day until she was
gone. We buried her at that church we passed coming in. That
was a year ago. It’s just been Ralph and me to watch after the
place, but I haven’t got much worth doing, not the way I used to,
anyway. When Ralph finally leaves, I don’t know.
The man paused, then said:
—I hope you don’t mind Maxwell House.

M IKE AND HIS COUSIN BILLY sit in the thin shade of a pine in
front of Billy’s trailer on the Point. Twilight is swallowing the
stands of cypress and pin oak on the upland side of Bayou De-
sang. Thunderheads rise over Lake Borgne toward New Orleans.
—But what happened to Ralph?
—I don’t know. That man and I, we agreed I wasn’t a dog
killer, but it wasn’t about compassion. I just couldn’t do it. Call
it me being squeamish, I guess. Anyway, the man drove me back
to the grocery store and left me.
—Jeez.
A rumble over Half Moon Island out in the Gulf. Cold ozone
raises goose pimples.
—Michael, Billy says. Did I ever tell you what sleeping at
night in the desert feels like?
—No, you never did.
—That’s right, I never did, and for good reason. There’s no
way to describe it, not in words. It’d take a shaman’s potion to
get your head ready to even think about it.
—Damn.
—But I can tell you what it did to my brain.
155
found objects / objets trouvés

—All right.
—And even that’s going to be just a story. A simple little tale
that begins with us crazies out in the desert, blinded by delight,
singing into the night, awake in the light of stars wheeling across
the dome of time, a tidal surge. I’m stoked, kid, and at that mo-
ment, yeah, truly gone, really into it when Jean sneaks up behind
me and tickles my bare leg with a branch of mesquite. The shiver
it sent through me was ice cold, yet hot as molten iron. I can still
feel it. So I spin around, my spell in disarray, and yell at him,
What the fuck? I might’ve jumped into the fire! But there is no
fire, says Niki at Jean’s side. This is the fire. She ruffles the
scented air with a long orange scarf.

156
Mon cousin Billy

Transcription d’un enregistrement étiqueté, Mike Madden pour


Abby Shannon.

G REGORY ALLEN BARTHEZ EST NÉ il y a 69 ans dans le comté de


Chandeleur. Sa mère, Anita Jean Pons, avait un vague lien de par-
enté avec ma mère, Vera Comeaux, c’est pourquoi maman l’a
toujours appelé un de mes cousins, une personne que je devrais
respecter comme faisant partie de la famille, même si personne ne
savait avec certitude qui était son père. Mère soupçonnait Anita
d’avoir eu une liaison avec un soldat stationné à Bay St. John
lorsque le Corps des ingénieurs de l’armée a construit la digue
jusqu’à Point Desang, avant la guerre. Anita était femme de mé-
nage à la Chambers House quand il est né. Elle est morte alors
qu’il était encore un enfant, mais maman n’a jamais parlé de la
cause de sa mort. Personne ne l’a fait. Lois Comeaux, la sœur de
maman, l’a élevé. Elle était professeur d’anglais au lycée de Port
Sulphur et lui a fait découvrir l’art et la littérature. Elle n’a pas
fait grand-chose pour le décourager de changer son nom en
William Blake Danks, III, pensant, comme elle l’a dit à maman,
que la vie lui avait donné un départ plutôt raté et qu’il méritait
donc le nom qu’il voulait. Mère a encouragé cela. C’était une
bonne idée, pour l’aider à se trouver, le pauvre orphelin.
Après le lycée, Billy Danks, comme on l’a appelé, s’est éloigné

157
found objects / objets trouvés

de la Côte et a été perdu pour la famille pendant de nombreuses


années. Les récits de ses pérégrinations ont proliféré mais aucun
n’a jamais été confirmé. Des questions subsistent encore au-
jourd’hui. Ses années passées dans les marais et les communautés
métisses de la paroisse de Terrebonne ont-elles fait quelque chose
à son esprit? A-t-il été enfermé dans un service psychiatrique à
Beaumont, au Texas, pendant trois ans ou était-il assis plus
longtemps? Combien de temps a-t-il partagé une maison avec ce
voyant, une femme haïtienne grande et décharnée—quel était son
nom? Jacqueline?—dans le quartier de Lower Ninth Ward à la
Nouvelle-Orléans, sur la route de Chalmette? Qu’est-ce que cela
a fait à sa vision du monde de vivre pendant un an dans le désert
près de Las Vegas, Nevada, avec un couple d’artistes de Paris?
Chaque fois que je l’interroge sur son association avec les
artistes, il devient étrangement silencieux et change de sujet, mais
je sais qu’il a contribué à leur performance explosive dans le
désert, l’une de leurs plus célèbres. Lorsqu’on le presse, il se con-
tente de dire que le fait de connaître Jean et Niki a changé sa vie,
a fait de lui ce qu’il est.
Lorsqu’il est retourné sur la Côte au milieu des années 60, il a
emménagé dans la caravane d’une maison abandonnée et a tra-
vaillé comme soudeur et rouspéteur général au chantier naval
Covich à Point Desang. Il ramassait de la ferraille et d’autres
déchets à l’angle du chantier, un bout de terrain que lui avait
donné Oxliver Covich en paiement partiel de son emploi.
Camille a détruit le chantier naval Covich en soixante-neuf et
Oxliver a vendu l’entreprise en faillite pour financer sa nouvelle
vie d’entrepreneur de boîtes de nuit à Emerald Beach. Après cela,
Billy Danks a étendu ses possessions sur la Pointe, a ouvert la
cour à ferraille Holy Scrap!, un système de commerce de
récupération, principalement légal, dans lequel il m’a impliqué,
en vendant de la ferraille, parfois de provenance très douteuse.

158
Mon cousin Billy

Pendant ces années, il a commencé à produire ses Élégies:


Élégie pour Keeley, Élégie pour les enfants perdus et autres assem-
blages soudés éparpillés autour de Point Desang, des cacophonies
visuelles de ferraille, de pièces de machines et autres détritus. Jean
et Niki l’ont peut-être inspiré, mais ses Élégies sont les siennes.
Avance rapide jusqu’à aujourd’hui. Il est un solitaire sain. Il ne
semble pas très intéressé par les relations à long terme avec les
femmes ou les hommes mais c’est l’ermite en lui. Ses émotions
saturées sont liées à des visions du monde, des pas de danse uni-
versels et des morceaux de guitare basse sacrés. Il se transporte
dans des endroits où personne d’autre ne se rend jamais et n’est
jamais le même à son retour. Il m’a appris à étudier les motifs de
batterie. Il m’a appris à regarder, à écouter.

B ILLY DANKS S’EST LEVÉ, A TENU SON PINCEAU à bout de bras et,
dans un élan, a signé son nom dans l’air.
Il pense à l’époque où il était un jeune homme encore en train
de s’instruire et qu’il est allé vivre dans le pays Cherokee, dans les
Smoky Mountains de Caroline du Nord. Il est tombé amoureux
et voulait s’installer avec cette fille irlandaise-cherokee du nom de
Keely mais ne l’a pas fait. Il a appris à fabriquer des objets avec du
bric-à-brac. Les gens avec qui il est resté faisaient cela depuis si
longtemps qu’ils n’y pensaient plus, ils le faisaient tout simple-
ment. Il a appris à jouer de la guitare assez bien et a même mé-
morisé des chansons, dont quelques-unes de Woody Guthrie.
En fin d’après-midi, il était assis sous un arbre sur le bord de
la route, en face d’une station-service, loin de tout, en train de
vaquer à ses occupations, lorsqu’une voiture est arrivée et qu’un
homme en salopette propre en est sorti.
—Je te donnerai cinq dollars, a-t-il dit à Billy, si tu viens avec
moi et que tu m’aides à faire quelque chose.

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found objects / objets trouvés

—Eh bien, dit Billy, je suis d’accord avec ça parce que j’ai be-
soin d’argent mais j’ai des scrupules quant à ce que je ferai pour
autant d’argent alors tu vas devoir me dire ce que tu veux que je
fasse sinon je suppose que tu peux juste continuer votre route et
trouver quelqu’un d’autre.
—C’est très simple, dit l’homme. J’ai mon Ralph, un vieux
chien, et j’ai besoin de l’enterrer. Je le ferais bien moi-même, mais
Ralph est tombé malade et je suis tout seul, ce qui me rend trop
triste. Je ne peux tout simplement pas l’assumer.
—Si c’est tout ce que tu veux que je fasse, tu n’as pas besoin
de me payer, tu es dans ta misère et tout. Achète-moi juste une
bouteille de bière, une boîte de sardines et une boîte de saltines
pour mon déjeuner et tout ira bien.
—Allez, alors, dit l’homme. Allons-y.
Ils sont montés dans la voiture. C’était une vieille Chevrolet
d’avant la guerre et Billy avait du mal à comprendre comment
l’homme arrivait à la faire fonctionner, mais ils ont foncé et après
quelques kilomètres, l’homme a tourné sur un chemin de terre
plein d’ornières et ils sont vite arrivés à une clairière dans les bois
où se trouvait une vieille ferme qui avait besoin d’être repeinte
depuis des années et quelques dépendances brutes, une grange
misérable, des toilettes et autres. Un air de défaite et un manque
d’énergie pour faire ce qui doit être fait planaient sur l’endroit
comme le refrain d’une triste chanson irlandaise.
—Si tu as faim, dit l’homme à Billy quand ils sont descendus
de la voiture, laisse-moi te préparer quelque chose à manger avant
que tu ne te mettes au travail. Je n’ai pas grand-chose, juste
quelques tranches de bacon que j’ai fumées moi-même. Il n’est pas
trop rance. Et j’ai du babeurre froid. Je n’ai plus de farine de
maïs, donc je ne peux pas t’offrir de pain de maïs pour l’accompa-
gner.
—Oh, ce n’est pas grave, dit Billy. Je te remercie beaucoup,
mais je vais passer mon tour pour la bouffe. Laisse-moi juste me
160
Mon cousin Billy

mettre au travail. Où est le chien mort?


—Et bien, je pense que je dois expliquer le chien. Ouais. Tu
vois, le truc, c’est que Ralph n’est pas encore tout à fait mort. Le
pauvre gars est malade à mourir et il faut mettre fin à sa misère,
le pauvre, mais je ne peux pas le faire. Pas moi-même.
—Donc ce que tu veux que je fasse, ce n’est pas seulement en-
terrer le chien, tu veux aussi que je tue par pitié la pauvre créa-
ture?
—Je suppose qu’on en arrive là, oui monsieur.
—Comment veux-tu que j’endorme Ralph?
—Je n’ai pas d’arme, si c’est ce que tu veux dire. Mais j’ai une
hache que j’utilise pour fendre le bois de chauffage - ou un
couteau de cuisine, si tu préfères. Il a besoin d’être aiguisé, cepen-
dant.
—Laisse-moi réfléchir à tout cela pendant une minute.
Billy Danks est allé s’asseoir sous le chêne qui se trouvait de-
vant la maison de l’homme, a sorti sa boîte de tabac et a roulé une
cigarette tout en réfléchissant à la façon de se défaire de ce type et
de son Ralph mourant. Au bout d’un moment, l’homme s’est ap-
proché de lui et lui a dit:
—Écoute, et si je te payais le double? Cela ferait dix dollars,
assez pour te nourrir pendant un jour ou deux.
—Écoute-moi bien, mec. Ce n’est pas l’argent qui est le prob-
lème. C’est le fait que je prenne la vie de ce pauvre animal. Même
si la créature souffre, je ne veux pas être celui qui met fin à sa vie.
Tu sais ce que je veux dire?
—Qu’est-ce qu’il y a? Tu es une sorte de buddh-isme?
—Et bien, c’est peut-être le cas, pour autant que je sache ce
que sont ces croyances. Mais franchement, je suis juste dégoûté.
L’homme s’est balancé en arrière sur ses talons et s’est
mordillé la lèvre. Il tenait ses bras vers le bas et agitait ses doigts
comme s’ils allaient lui dire quoi faire. L’état de l’homme a telle-
ment contrarié Billy.
161
found objects / objets trouvés

—D’accord, alors, il dit. Laisse-moi voir ce pauvre animal. Je


peux peut-être soulager sa misère, même si je ne peux pas le tuer
purement et simplement. Si Ralph est fichu, dis-tu, et qu’il
cherche à sortir de cette vie pour entrer dans la suivante, eh bien,
l’accélérer va peut-être à l’encontre de mon instinct, mais nous
devons faire preuve de compassion pour la pauvre bête qui
souffre.
L’homme l’a conduit jusqu’à la maison et ils se sont tenus sur
le sol nu pendant un moment. Puis ils ont avancé dans les es-
caliers jusqu’au porche d’entrée, silencieux comme des acolytes
s’approchant d’un autel. Ralph gisait sur le côté, inconscient mais
respirant encore, à peine. Billy s’est agenouillé et a touché le
museau du chien. Chaud.
Ce chien a un museau chaud, dit-il en levant les yeux vers
l’homme. Je connais peu les chiens, monsieur, mais je ne pense
pas que ce soit bon.
—Non, ce n’est pas bon, dit l’homme.
Billy a fait glisser ses doigts le long du poitrail du chien et sur
sa patte avant, mais l’animal n’a pas bougé, n’a même pas tres-
sailli, n’a pas roulé les yeux ni même semblé avoir une quel-
conque vision.
—Ralph est aveugle? demande Billy.
—Oui, il l’est. Ça fait longtemps qu’il est comme ça, le pau-
vre. À l’époque où il est devenu aveugle, j’ai été surpris de voir
qu’il ne s’en souciait pas tant que ça. Le fait est que, même aveugle
comme une souche, il a toujours été l’âme la plus heureuse de
l’endroit. Pas même lorsqu’il est tombé malade, qu’il s’est allongé
ici et qu’il a perdu connaissance. Ralph était toujours doux, gen-
til, même, comme s’il était désolé de me causer du souci.
Billy s’est accroupi pendant une minute tandis qu’ils regar-
daient tous les deux Ralph, sa poitrine se soulevant lentement, ses
paupières papillonnant de temps en temps. Finalement, l’homme
a dit:
162
Mon cousin Billy

—Viens à l’intérieur, laisse-moi te préparer un café ou autre


chose et je vais te raconter une histoire. Cela pourrait t’aider à
réfléchir à tout cela.
Billy a suivi l’homme jusqu’à la cuisine. En traversant les
pièces, il a remarqué un silence dans l’air glacé et dans la poussière
qui recouvrait les meubles. Personne n’avait fait attention à la
maison depuis longtemps. Une femme n’aurait pas permis qu’elle
se retrouve dans cet état, aurait épousseté les dessus de table, placé
correctement les chaises, etc. Et il ne détectait aucune odeur, juste
une tension sèche dans l’air, une odeur d’attente. La cuisine aurait
dû être une pièce lumineuse mais elle était grise et froide.
—Allez-y et asseyez-vous à la table, dit l’homme, qui parlait
pendant qu’il préparait le café.
—Quand cette terrible guerre a commencé, mon fils n’a pas
pu la supporter jusqu’à ce qu’il s’engage dans les Marines et parte
se battre, mais il n’a pas vécu très longtemps. Ils l’ont emmené
quelque part de l’autre côté de l’océan Pacifique, un endroit en
Corée dont je ne peux même pas prononcer le nom, et ils l’ont
laissé se mettre sur le chemin d’un tank qui lui a roulé dessus et
l’a écrasé à mort. Son corps est toujours dans cet endroit, pour
autant que je sache.
—Ma femme, Monique, l’a très mal pris. Elle n’a jamais été ce
qu’on appelle une femme endurante, mais le peu qu’elle avait s’est
étiolé comme la lumière du soleil à la fin d’une longue journée
jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Nous l’avons enterrée dans l’église
où nous sommes passés en entrant. C’était il y a un an. Il ne reste
plus que Ralph et moi pour surveiller l’endroit, mais je n’ai pas
grand-chose à faire, pas comme avant en tout cas. Quand Ralph
partira enfin, je ne sais pas.
L’homme fait une pause, puis dit:
—J’espère que Maxwell House ne te dérange pas.

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found objects / objets trouvés

M IKE ET SON COUSIN BILLY SONT ASSIS DANS la mince ombre


d’un pin devant la caravane de Billy sur la Pointe. Le crépuscule
engloutit les peuplements de cyprès et de chênes verts sur la partie
haute du Bayou Desang. Des trombes d’eau s’élèvent au-dessus du
lac Borgne en direction de la Nouvelle-Orléans.
—Mais qu’est-il arrivé à Ralph?
—Je ne sais pas. Cet homme et moi, nous étions d’accord
pour dire que je n’étais pas un tueur de chiens, mais ce n’était pas
une question de compassion. Je ne pouvais tout simplement pas
le faire. Appelle ça le fait que je sois dégoûtée, je suppose. Bref,
l’homme m’a reconduit à l’épicerie et m’a laissé.
—Jeez.
Un grondement au-dessus de Half Moon Island, dans le Golfe.
L’ozone froid donne la chair de poule.
—Michael, dit Billy. Est-ce que je t’ai déjà dit ce que ça fait de
dormir la nuit dans le désert?
—Non, tu ne l’as jamais fait.
—C’est vrai, je ne l’ai jamais fait, et pour une bonne raison. Il
n’y a aucun moyen de le décrire, pas avec des mots. Il faudrait une
potion de chaman pour que ta tête soit prête à ne serait-ce qu’y
penser.
—Mince.
—Mais je peux te dire ce que ça a fait à mon cerveau.
—Très bien.
—Et même cela ne sera qu’une histoire. Un simple petit conte
qui commence avec nous, les fous, dans le désert, aveuglés par le
plaisir, chantant dans la nuit, éveillés à la lumière des étoiles qui
roulent sur le dôme du temps, un raz-de-marée. Je suis ravie,
gamine, et à ce moment-là, oui, je suis vraiment partie, vraiment
à fond quand Jean se faufile derrière moi et me chatouille la jambe
nue avec une branche de mesquite. Le frisson qu’il m’a fait passer
était glacé, mais chaud comme du fer fondu. Je peux encore le

164
Mon cousin Billy

sentir. Alors je me retourne, mon sort en désordre, et je lui crie:


C’est quoi ce bordel? J’aurais pu sauter dans le feu! Mais il n’y a
pas de feu, dit Niki aux côtés de Jean. C’est le feu. Elle ébouriffe
l'air parfumé avec un long écharpe orange.

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found objects / objets trouvés

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Troubadour Lost / Troubadour Perdu

Pizza Churros Snack Pizza Churros Snack


On the road to El Pas Sur la route d'El Pas
De la Casa Andorra De la Casa Andorra
Riot of assembled Émeute d'assemblées
Texts mountain high Textes haut montagne

Pizza Churros Snack Pizza Churros Snack


On life’s summit we’ve Au sommet de la vie, nous avons
Gone to shop where Allé au magasin où
An olifant wailed Roland Un olifant a hurlé Roland
To a martyr’s death A une mort de martyr

Pizza Churros Snack Pizza Churros Snack


Who the hell plays Qui diable joue
Olifant tunes anymore Des airs d'Olifant
Would we even know Connaîtrions-nous seulement
Olifant echoing here Olifant qui résonne ici

Pizza Churros Snack Pizza Churros Snack


Hear ivory tusk trumpets Écoute les trompettes d'ivoire
Or is it the hoarse Ou est-ce le rauque
Braying of a donkey Braiment d'un âne
Troubadour lost Troubadour perdu

Saint Paul de Fenouillet, France, 2018

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found objects / objets trouvés

On the road to El Pas de la Casa, Andorra, 2004.

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Troubadour Lost / Troubadour Perdu

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found objects / objets trouvés

ABOUT STUDIO ARAGO


Studio Arago, located on Place François Arago in the village of
Saint Paul de Fenouillet, France, is an art collaboration by Diana
Young and Robert Young. Their partnership began in the 1980s
while living in New Orleans where they managed a small hotel,
observed the local scene, and began a series of photographs, sto-
ries, poems, and other works, both individual and collaborative,
focused initially on the Gulf Coast and in time the wider commu-
nity of artists. While living in the South of the US, they spon-
sored community art programs, founded one of the region’s first
multi-cultural performance art groups, Club Pyramid, with
members from musical and artistic worlds of diverse back-
grounds, including Delta Blues and social activism. Works and
programs by the Youngs have been sponsored by a variety of in-
stitutions, including the French National School of Photography
(Arles), the Andy Warhol Foundation, the New Orleans Center
for Contemporary Art, Art Papers (Atlanta), the Max Waldman
Foundation (New York), the National Endowment for the Arts,
the National Endowment for the Humanities, and the Missis-
sippi Band of Choctaw Indians.

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À PROPOS DE STUDIO ARAGO
Le Studio Arago, situé sur la place François Arago dans le village
de Saint Paul de Fenouillet, en France, est une collaboration artis-
tique de Diana Young et Robert Young. Leur partenariat a com-
mencé dans les années 1980 alors qu’ils vivaient à la Nouvelle-Or-
léans où ils géraient un petit hôtel, observaient la scène locale et
commençaient une série de photographies, d’histoires, de poèmes
et d’autres œuvres, à la fois individuelles et collaboratives, axées
initialement sur la côte du Golfe et dans le temps la communauté
élargie des artistes. Alors qu’ils vivaient dans le sud des États-
Unis, ils ont parrainé des programmes d’art communautaire,
fondé l’un des premiers groupes d’art de la performance multicul-
turels de la région, Club Pyramid, avec des membres issus de
mondes musicaux et artistiques d’horizons divers, y compris le
Delta Blues et l’activisme social. Les œuvres et les programmes
des Young ont été parrainés par diverses institutions, dont l’École
nationale supérieure de la photographie (Arles), la Fondation
Andy Warhol, le Centre d’art contemporain de la Nouvelle-Or-
léans, Art Papers (Atlanta), la Fondation Max Waldman ( New
York), le National Endowment for the Arts, le National Endow-
ment for the Humanities et le Mississippi Band of Choctaw Indi-
ans.

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found objects / objets trouvés

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