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EN RÉGIME DE DESSÈCHEMENT
M . HALLAIRE
Institut National de la Recherche Agronomique (I.N.R.A.) — FRANCE
SOMMAIRE
On sait que chaque sol peut être caractérisé par une courbe (fig. 1) exprimant en
fonction de l'humidité H (eau par 100 g de terre sèche) le potentiel matriciel (ou
capillaire) y>; ce dernier représente le travail qui doit être fourni contre les forces
d'adhésion et contre la pression capillaire pour extraire du sol 1 g d'eau et le porter
à l'état d'un gramme d'eau pure.
Il découle de cette dernière définition que dans un sol présentant un gradient de
potentiel dip/dz, l'eau aura tendance à circuler dans le sens des yi croissants, puisque
c'est alors qu'elle cédera spontanément de l'énergie. Le débit prendra alors une valeur
telle que l'énergie ainsi cédée soit égale au travail des forces de frottement. Ce débit q,
évalué en millimètres par jour par exemple (c'est-à-dire en dg par cm 2 et par jour)
sera proportionnel au gradient de potentiel selon la direction z'z considérée et propor-
tionnel d'autre part à un coefficient de conductibilité X
(1) a = X—
dz
X n'a pas une valeur fixe pour un matériau donné mais varie avec son taux d'humidité.
En effet, le transfert de l'eau est assuré par les canalicules pleins d'eau ou par les films
liquides enrobant les particules. Or, au fur et à mesure que l'humidité diminue (c'est-
à-dire que f augmente), les films s'amincissent et les canalicules se vident progressive-
ment des plus gros aux plus petits; ainsi ces derniers sont de moins en moins nombreux
à assurer le transfert et surtout de moins en moins bons conducteurs. X est donc une
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fonction décroissante de tp, fonction qui selon GARDNER (1958) peut être exprimée par
la formule
(2)
tpn + b
a, b et n étant des constantes pour un matériau donné.
W 20 30 40 50 60
H (eau pour 100g. de terre sèche)
Fig. 1
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II. — TRANSFERT DE L'EAU DANS UN SOL SOUMIS A L'ÉVAPORATION. N O N VALIDITÉ DES
ÉQUATIONS DE DIFFUSION
Fig. 2
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très rapidement (courbe i~i). Dans les couches sous-jacentes où s'applique le coefficient
plus petit «2 la vitesse de dessèchement décroît beaucoup plus lentement (courbe F%)-
Cette vitesse de dessèchement dH/dt mesurée à une profondeur z peut être reliée
à la quantité d'eau perdue au niveau considéré. Exprimée en mm/jour et par centi-
a clH
mètre d'épaisseur de terre, cette perte est égale à — ——, a désignant la densité appa-
10 dt
rente du sol.
Dès lors le débit q à la profondeur somme des pertes en eau au-dessous du
niveau considéré, s'écrit
dH
(7) -dz
I 10
0 dt
15 20 H 20 H 15 20 H
n i !
AHS
0
3 \l
iHj
0
fi
*
1
1
''
75 20 15 20 25 H profil temps
î AHS 0 0
? | ^ ^ fc
1 23 h
-rf
1U
I
Fig. 3
117
Le fait le plus paradoxal qui ressort d'une telle expérience est qu'il peut même
y avoir circulation à contre-gradient d'une couche sèche vers une autre plus humide.
Pour expliquer une telle anomalie on pourrait supposer que l'eau est soumise
à d'autres potentiels que le potentiel matriciel ip fonction de la teneur en eau H (poten-
tiels chimiques par exemple) ou que le dessèchement observé est provoqué par une
diffusion de la vapeur. L'expérience ayant montré qu'il n'en était rien, nous avons
été conduit à cette notion nouvelle de potentiel efficace selon laquelle il faut adjoindre
au potentiel matriciel ip(H) un terme correctif fonction de la vitesse de dessèchement
dff/dt.
n i Surface évaporante
, — Ve
— ~P(H)
Fig. 4
Dans les mailles délimitées par /, les autres canalicules (i) (fig. 4), orientés selon
des directions x'x quelconques, déboucheront dans les voies (/) pour y amener l'eau
contenue dans la maille. Nous avions remarqué plus haut que, dans le phénomène
étudié, le sol a deux rôles : il est le siège du transport et la source même du débit.
L'image proposée ici revient donc à distinguer les canaux selon la fonction qu'ils
remplissent : les voies (/) assurent le transport macroscopique; les voies (i) jouent
le rôle de source.
Dès lors, si le transfert de l'eau obéit à la loi générale (1),
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libre en fonction de l'humidité H) il aura, au même niveau mais à l'extérieur de la
maille, une valeur tpe supérieure.
Par ailleurs, le débit en dans les canaux i assurant l'évacuation de l'eau hors de
la maille sera proportionnel à la vitesse de dessèchement dHjdt au niveau considéré
{g = KdH/dt, K étant une constante).
Ainsi l'équation (1) appliquée aux voies (/) s'écrira finalement
(10) qj = h -!—
dz
qi étant le débit macroscopique considéré dans l'équation (7).
Si l'on remplace y>e par sa valeur donnée en (9), le gradient de potentiel efficace
s'écrit
dxpe dip(H) KL d/dH
dz dz Xi dz\ dt
On constate qu'il n'a pas forcément le même signe que le gradient de potentiel
matriciel dip(H)/dz. Ainsi peut s'expliquer un transfert de l'eau à contre-gradient
d'humidité H, c'est-à-dire à contre-gradient de potentiel matriciel ip(H).
Enfin, si l'on suppose dtp(H)/dz négligeable devant le deuxième terme, on écrira
, KL d IdH
(12) qI=Xx [
Ai dz\ dt
et, si l'on rapproche cette équation de (7),
a dH
q = - dz
10 dt
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que a ne varie pas systématiquement avec l'humidité : au fur et à mesure que H
diminue, les coefficients de conductibilité diminuent aussi bien dans les itinéraires (;')
que dans les voies principales (/) et le rapport Xi/Xi demeure le même.
L'égalité (13) explique par ailleurs que le coefficient a figurant dans la loi expo-
nentielle dépende de la vitesse de dessèchement : quand dHjdt est petit, le gradient
de potentiel entre les deux types d'itinéraires (i) et (/) est faible et les coefficients X.t
et Xi sont alors très voisins. Au contraire, un dessèchement rapide implique un gra-
dient plus important et un rapport XijXi plus grand.
La théorie proposée permet donc d'interpréter et de comprendre l'ensemble des
lois expérimentales relatives à la circulation de l'eau dans les sols en voie de dessèche-
ment. Remarquons cependant que pour faire cadrer l'explication théorique et l'expé-
rience, on doit attribuer une part prépondérante à cette chute de potentiel exprimée
par (KLjX)(dHldt) et liée à l'extraction de l'eau des sources, à savoir, pensons-nous,
des interfaces d'argile.
Cette chute importante du potentiel liée aux microtransferts de l'eau explique,
comme on va le voir à présent, les réactions apparemment contradictoires des végétaux
à la sécheresse.
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donnée d'humidité H, le potentiel efficace de l'eau xpe au contact même des racines est
donné par l'expression
KL dH
V'e = y>{H) +
~ï ~dt'
L étant ici la longueur de parcours dans les mailles de sol enserrées par les racines.
10' 10J
Fig. 5
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meilleure prospection du sol, permettront au végétal d'utiliser, au régime de l'évapo-
transpiration potentielle c'est-à-dire dans les meilleures conditions de croissance,
une plus grande fraction de la réserve utile du sol.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
GARDNER W.R., 1958. Mathematics of isothermal water conduction in unsaturated
soil. Highway Research Board, S.R., 40, 78-87.
HAGAN R. M., VAADIA Y., et R U S S E L M . B . , 1959. Interpretation of plant responses
to soil moisture regimes in water and its relation to soils and crops (coordinated
by M.B. Russel). Adv. Agron., 11, 77-98.
HALLAIRE M., 1962. Le potentiel efficace de l'eau dans le sol en régime de dessèche-
ment. C.R.Acad. Set, 254, 2047-2049.
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