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Région
Monde
Création
10 janvier 1920
Dissolution
20 avril 1946 (26 ans)
Type
Organisation internationale
Palais Wilson (Genève)
Siège (1920-1936)
Palais des Nations (Genève)
(1936-1946)
Langue anglais, français
Organisation
Eric Drummond (1920-1933)
Secrétaire général
Joseph Avenol (1933-1940)
Seán Lester (1940-1946)
Woodrow Wilson, Aristide
Personnes clés
Briand, Eric Drummond
Organisation des
Nations unies
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Fin de la guerreModifier
En 1917, les Allemands, sachant l’arrivée des troupes américaines proche, décident de
concentrer leurs efforts à l’ouest, pour gagner la guerre avant que les renforts alliés ne
débarquent. En mars 1918, le général allemand Erich Ludendorff attaque la Picardie et ouvre
une brèche entre les armées française et britannique. Les alliés créent pour la 1re fois un
commandement unique confié le 26 mars au maréchal Ferdinand Foch. En mai, les Allemands
parviennent jusqu’à la Marne et menacent Paris, mais Ludendorff ne peut pas profiter de ce
succès, faute de réserves. Les troupes des États-Unis ont donc le temps de débarquer et
contribuent à repousser les Allemands. Les Italiens obtiennent en 1918 la capitulation de
l’Autriche, alors que les troupes alliées réunies à Salonique forcent la Bulgarie puis l’Empire
ottoman à demander l’armistice. L’Allemagne capitule le 11 novembre 1918.
Les pertes humaines de la guerre sont impressionnantes, dix millions d’hommes perdent la vie
durant le conflit. La malnutrition et les épidémies causent également la perte d’un nombre
important de vies civiles et militaires. Les dégâts matériels sont également énormes : de
nombreuses villes et bourgades, notamment en France, sont affectées par les bombardements,
et parfois rayées de la carte. La production industrielle a chuté : l’Allemagne et la France sont
les deux pays les plus touchés avec une baisse par rapport à 1913 de respectivement 39 % et
38 %.
Traité de VersaillesModifier
Le traité de Versailles met fin à la Première Guerre mondiale. Il est signé
le 28 juin 1919 au château de Versailles entre l’Allemagne et les Alliés. Bien que cette
conférence réunisse 27 États (vaincus exclus et, en réalité, 32, le Royaume-Uni parlant au
nom du Canada, de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Nouvelle-Zélande et de l'Inde), les
travaux sont dominés par une sorte de directoire de quatre membres : Georges
Clemenceau pour la France, David Lloyd George pour le Royaume-Uni, Vittorio Emanuele
Orlando pour l’Italie et Woodrow Wilson pour les États-Unis.
Les sanctions prises sont extrêmement dures pour les vaincus :
OriginesModifier
Carte commémorative représentant le président des États-Unis Woodrow Wilson et les "Origines de la Société
de Nations"
Aux XVIIIe et XIXe siècles, des sociétés pour la paix se créent à New York, Londres et Genève.
En 1892, on crée à Berne le Bureau international de la paix qui reçoit le prix Nobel de la
paix en 1910.
Les prémices de la Société des Nations furent, à bien des égards, les conférences
internationales de paix de La Haye de 1899 et 1907 qui aboutissent à la création de la Cour
d'arbitrage international de La Haye. La « Confédération des États de la Haye », comme l’a
appelée le pacifiste néo-kantien Walther Schücking, formait une alliance universelle dont le
but était le désarmement et le règlement pacifique des conflits par l’arbitrage. Ces deux axes
étant issus à chaque fois d'une des commissions instaurées lors de la conférence et présidées
par Léon Bourgeois ; axes considérés initialement comme mineurs aux yeux des puissances
instigatrices de la conférence. Le concept d’une communauté paisible des nations avait été
précédemment décrit dans l’ouvrage d’Emmanuel Kant, Vers la paix perpétuelle (1795). À la
suite de l’échec de ces conférences (une troisième avait été prévue pour 1915), l’idée de la
Société de Nations fut initiée par le Secrétaire d’État aux Affaires
étrangères britannique Edward Grey et reprise avec enthousiasme par le président des États-
Unis démocrate Woodrow Wilson et son conseiller, le colonel Edward M. House qui y
voyaient un moyen de prévenir un nouveau bain de sang comparable à celui de la Première
Guerre Mondiale, la « guerre pour mettre fin à la guerre ».
La création de la SDN fut également l'objet des « Quatorze points de Wilson », en particulier
le dernier : « Une association globale de nations doit être formée par des engagements
spécifiques garantissant une indépendance politique et une intégrité territoriale mutuelle
identique à tous les pays grands ou petits. »[4]
Les participants à la conférence de paix de Paris acceptèrent la proposition de créer une
Société des Nations (en anglais : League of Nations, en allemand : Völkerbund)
le 25 janvier 1919.
Le projet est achevé le 14 février 1919. Le 28 avril 1919, on choisit Genève comme siège de
l’organisation. Ce choix est justifié par le rayonnement international acquis par la cité au
cours des siècles et son appartenance à la Suisse (pays neutre).
La Convention définissant la Société de Nations fut ébauchée par une commission spéciale, la
création de la SDN étant prévue dans la partie 1 du Traité de Versailles signé le 28 juin 1919.
Initialement, la Charte fut signée par 44 États, dont 31 avaient pris part à la guerre du côté de
la Triple-Entente ou la rejoignirent durant le conflit. Malgré les efforts de Wilson pour créer
et promouvoir la SDN — pour lesquels il reçut le Prix Nobel de la paix en 1919 —, les États-
Unis ne ratifièrent jamais la Charte, ni ne la rejoignirent plus tard à la suite de l’opposition
du Sénat des États-Unis, et particulièrement de celle de républicains influents comme Henry
Cabot Lodge du Massachusetts et William E. Borah de l’Idaho, en conjonction avec le refus
d’un compromis par Wilson.
La Société tint sa première réunion à Londres le 10 janvier 1920. Son premier geste fut de
ratifier le traité de Versailles, terminant ainsi officiellement la Première Guerre mondiale. Les
instances dirigeantes de la SDN se sont déplacées à Genève le 1er novembre 1920. La
première Assemblée générale y fut tenue le 15 novembre 1920 avec les représentants de 41
nations. Son premier président est le Belge Paul Hymans. Le Français Léon Bourgeois fut le
président de la première réunion du Conseil (le 16 janvier 1920). Il reçut le Prix Nobel de la
Paix en 1920.
David Kennedy a étudié la SDN au travers de textes savants la concernant, des traités qui la
créèrent, et des votes lors des sessions plénières. Kennedy suggère que la Société fut un
moment unique où les affaires internationales étaient « institutionnalisées », par opposition
aux méthodes légales et politiques d’avant la Première Guerre mondiale[5].
Rôle des États-UnisModifier
Dans un programme en quatorze points, le président américain Woodrow Wilson propose la
création d’une Société des Nations qui doit garantir la paix mondiale[6]. Le projet est
relativement mal accueilli en France à cause de la modération des États-Unis envers les
nations vaincues lors de l’élaboration du traité de Versailles. Cependant, le président du
Conseil Georges Clemenceau accepte d’adhérer à la Société car il comprend que, de cette
manière, il obtient le consentement des États-Unis sur ses exigences envers l’Allemagne.
Wilson essuie un grave échec lorsque le Congrès américain refuse d’adhérer à la SDN par
tradition isolationniste vis-à-vis de l’Europe[7]. Les États-Unis n'en seront jamais membres[8].
Quatorze points de WilsonModifier
Article détaillé : Quatorze points de Wilson.
fin de la diplomatie secrète
liberté de navigation sur les mers
suppression des barrières économiques et égalité commerciale pour toutes les nations
réduction des armements
arrangement sur les questions coloniales en tenant compte des intérêts des populations
concernées
évacuation de la Russie et possibilité pour les Russes de choisir librement leur gouvernement
évacuation et restauration de la Belgique
libération du territoire français et retour de l’Alsace-Lorraine à la France
rectification des frontières italiennes selon le principe des nationalités
autonomie des peuples d’Autriche-Hongrie
évacuation de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro ; libre accès à la mer pour la Serbie
autonomie des peuples non-turcs de l’Empire ottoman ; liberté de passage dans les détroits
vers la mer Noire
création d’une Pologne indépendante avec accès à la mer
création d’une association des nations pour garantir l’indépendance et les frontières des États
Négociations sur « l'égalité des races »Modifier
La délégation japonaise défend l'inscription du principe de « l'égalité des races » dans le pacte
de la SDN mais doit faire face à la ferme opposition de l'Australie, et dans une moindre
mesure des États-Unis et du Royaume-Uni. Tout au long des débats, la presse américaine et
britannique critique vivement le Japon, accusé de vouloir faciliter l’émigration de ses
ressortissants[9].
Au contraire, ces discussions suscitent l'espoir des populations subissant des mesures de
discrimination ou de ségrégation raciale, notamment afro-américaine. L’intellectuel noir
américain William Edward Burghardt Du Bois considère le Japon comme un acteur de la
revanche des peuples de couleur : « Étant donné que les Africains noirs, les Indiens bruns et
les Japonais jaunes se battent pour la France et l’Angleterre, il serait possible qu’ils sortent de
ce désordre sanglant avec une nouvelle idée de l’égalité essentielle des hommes »[9].
Pourtant, souligne l'historienne Matsunuma Miho, « l’objectif du Japon n’est pas de réaliser
l’égalité de toutes les races. Son gouvernement craint surtout qu’un statut inférieur assigné à
ses ressortissants ne désavantage sa position dans le futur ordre international. » Les
ressortissants japonais subissant des mesures discriminatoires humiliantes aux États-Unis, au
Canada et en Australie. En outre, le Japon pratique lui-même une politique de discrimination
et de répression à l'égard des Chinois et des Coréens, dont les manifestations indépendantistes
de mars 1919 sont écrasées[9].
L'échec de l'initiative provoque au Japon une grande colère populaire et une rancœur à l'égard
de l'Occident, en particulier des Anglo-saxons[9].
Pacte de la Société des NationsModifier
Le pacte de la Société des Nations est rédigé du 3 février au 11 avril 1919 à l'Hôtel de
Crillon à Paris pendant la conférence de la paix de 1919. Il règle les rapports entre les États
membres.
La SDN a trois buts fondamentaux :
l’Assemblée réunit les représentants des États membres pour débattre des questions relatives à
la paix dans le monde, ainsi que l’admission de nouveaux membres (l’Allemagne n’est admise
qu’en 1926). Elle contrôle également le budget de l’organisation.
le Conseil est composé de quatre membres permanents initialement, à savoir le Royaume-Uni,
la France, l’Italie, le Japon, rejoints par l'Allemagne en 1926, ainsi que de neuf membres non-
permanents. Le conseil a les mêmes droits que l’assemblée. Il s’occupe aussi de différentes
tâches dans lesquelles l’assemblée n’a qu’un pouvoir limité (mandats, minorités, etc.).
le Secrétariat est l’auxiliaire de l’assemblée. Il est dirigé par un secrétaire général qui contrôle
plusieurs sections ainsi que le personnel (670 personnes venant de 51 pays en 1930).
la Cour permanente internationale de justice de la Haye, créée en 1922, doit juger des affaires
qui lui sont soumises et généralement issues de la guerre.
Toute action de la SDN devait être autorisée par un vote unanime du Conseil et un vote
majoritaire de l’Assemblée.
Organisation de la SDNModifier
Secrétariat et AssembléeModifier
Le Conseil de la Société des Nations avait autorité pour traiter de toute question affectant
la paix du monde. Sa composition fut d’abord de quatre membres permanents (le Royaume-
Uni, la France, l’Italie et le Japon) et quatre membres non permanents, élus par l’Assemblée
générale pour une période de trois ans. Les quatre premiers membres non permanents étaient
la Belgique, le Brésil, la Grèce et l’Espagne. Les États-Unis, étaient censés être le cinquième
membre permanent, mais le sénat des États-Unis, dominé par les Républicains après les
élections de 1918, vota contre la ratification du traité de Versailles, empêchant de ce fait la
participation du pays à la SDN, et traduisant la tentation isolationniste des Américains.
La composition initiale du Conseil fut ensuite modifiée à de nombreuses reprises. Le nombre
de membres non permanents fut d’abord porté à six (le 22 septembre 1922), puis à neuf
(le 8 septembre 1926). La République de Weimar rejoignit également la Société et devint le
cinquième membre permanent du Conseil, portant le nombre total de membres à quinze. Plus
tard, quand l’Allemagne et le Japon quittèrent la Société, le nombre de membres non
permanents fut finalement augmenté de neuf à onze. En moyenne, le Conseil se réunissait
cinq fois par an, sans compter les sessions extraordinaires. Cent sept sessions publiques eurent
lieu entre 1920 et 1939.
Autres organesModifier
La SDN supervisait la Cour permanente internationale de justice et diverses autres agences et
commissions créées pour traiter des problèmes internationaux prégnants. On y trouvait la
Commission de contrôle des armes à feu, l’Organisation de la santé, l’Organisation
internationale du travail, la Commission des Mandats, le bureau central permanent de
l’opium, la Commission pour les réfugiés, et la Commission de l’esclavage. Alors que la
Société elle-même est souvent stigmatisée pour ses échecs, plusieurs de ses agences et
commissions ont eu des succès notables dans l’exercice de leurs mandats respectifs.
Commission de désarmementModifier
Cet organe fut dirigé par le Français Albert Thomas. Il réussit à faire interdire l’ajout
de plomb dans la peinture, et convainquit un certain nombre de pays d’adopter une loi des 8
heures de travail quotidien et de quarante-huit heures hebdomadaires. Il travailla également à
l’abolition du travail des enfants, à améliorer le droit des femmes au travail, et à rendre
les armateurs responsables pour les accidents impliquant des marins.
Commission consultative du trafic de l'opium (1921-1924) puis Commission consultative du trafic de
l'opium et autres drogues nuisibles (1924-1940)Modifier
Créée en 1920 lors de la première assemblée générale de Société des nations, la Commission
consultative du trafic de l'opium était chargée de poursuivre la politique internationale des
drogues telle qu'elle avait été initiée par la Convention internationale de l'opium signée à La
Haye en 1912. Sa première réunion eut lieu en 1921 et elle siégea sans discontinuer jusqu'en
1940. C'est en son sein que furent discutées et élaborées les conventions internationales sur
les drogues adoptées durant l'entre-deux-guerres. Elle contribua ainsi grandement à
l'édification du contrôle international des drogues tel qu'il existe toujours au début
du XXIe siècle, en créant un marché légal des drogues destinées aux seules fins médicales et
scientifiques[14].
Commission des réfugiésModifier
Néanmoins, les organismes de la Société utilisèrent, le cas échéant, divers drapeaux et logos
pour leurs besoins propres. Un concours international fut organisé en 1929 afin de trouver un
concept, qui là encore n’a pas conduit à un symbole. Une des raisons de cet échec a peut-être
été la crainte par des États membres que la puissance de cette organisation supranationale eût
pu surpasser la leur. Finalement, en 1939, un emblème semi-officiel vit le jour : deux étoiles à
cinq pointes au centre d’un pentagone bleu. Le pentagone et les étoiles devaient représenter
symboliquement les cinq continents et les cinq races[15] de l’humanité. Le drapeau
comprenait, respectivement en haut et en bas, les noms anglais (League of Nations)
et français (Société des Nations). Ce drapeau fut notamment, déployé sur le bâtiment de
la Foire internationale de New York 1939-1940.
SiègeModifier
Le Palais Wilson de Genève en 1928, premier siège de la SDN.
1919-1920 : Secrétariat temporaire à Londres
1920-1936 : Palais Wilson (Genève)
1936-1940 : Palais des Nations (Genève)
Langues officiellesModifier
Les langues officielles étaient le français et l’anglais. Au début des années 1920, il fut proposé
d’adopter l’espéranto comme langue de travail[16],[17]. Treize délégués de pays incluant
ensemble près de la moitié de la population mondiale et une large majorité de la population
des pays de la SDN acceptèrent la proposition contre un seul, le délégué français Gabriel
Hanotaux qui mit son véto. Hanotaux n’appréciait pas le fait que le français perde sa position
de langue de la diplomatie et voyait dans l’espéranto une menace. Deux ans après, la Société
recommandait que ses États membres incluent l’espéranto dans leurs programmes
d’éducation.
« Mandats » de la SDNModifier
Les territoires sous mandat de la SDN, ou « Mandats », furent créés sous le couvert de
l’Article 22 des engagements de la Société des Nations. Ces territoires étaient d’anciennes
colonies de l’Empire allemand et provinces de l’Empire ottoman.
Il y avait trois classes de mandats[18].
Mandat « A »Modifier
C’étaient des territoires qui « étaient à un stade où le mandataire devait être responsable de
l’administration du territoire dans les conditions qui garantissent :
C’étaient des territoires « qui, en raison de la faible densité de leur population, ou leur petite
taille, ou leur éloignement des centres de la civilisation, ou de leur contiguïté géographique du
territoire d’un Mandataire, et autres circonstances, peuvent être mieux administrées selon les
lois du mandataire. »
Les territoires étaient régis par des délégations de pouvoir, à l’image de ce qui se passait pour
le Royaume-Uni en Palestine (British Mandate of Palestine) et en Afrique du Sud (Union de
l’Afrique du Sud), jusqu’à ce que ces territoires soient capables de s’auto-administrer.
Il y avait quatorze mandats gérés par six mandataires : Royaume-
Uni, France, Belgique, Nouvelle-Zélande, Australie et Japon. En pratique, les territoires sous
mandat étaient traités comme des colonies et des critiques les dénoncèrent comme des prises
de guerre. À l’exception de l’Irak, qui rejoignit la Société le 3 octobre 1932, ces territoires ne
purent gagner leur indépendance avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, processus qui ne
se termina qu’en 1990. À la suite de la dissolution de la SDN, la plupart des mandats restants
passèrent sous le contrôle des Nations unies sous l’appellation de United Nations Trust
Territories.
En plus des mandats, la Société des Nations administra elle-même la Sarre pendant 15 ans,
avant qu’elle soit rétrocédée au Troisième Reich à la suite d'un plébiscite, et la Ville libre de
Dantzig (Gdańsk, Pologne) du 15 novembre 1920 au 1er septembre 1939.
Succès de la SDNModifier
La SDN fut généralement accusée d’avoir failli à sa mission. Cependant, elle eut des succès
significatifs dans un certain nombre de territoires.
Îles ÅlandModifier
Article détaillé : Crise des îles Åland.
Sur le long terme, la SDN fut un échec. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale fut
la cause immédiate de sa disparition, mais beaucoup d’autres raisons, plus fondamentales,
préexistaient.
La Société, comme aujourd’hui les Nations unies, ne disposait pas de force armée en propre et
dépendait des Grandes puissances pour faire appliquer ses résolutions, ce qu’elles n’ont
jamais été très disposées à faire. Les sanctions économiques, qui étaient la mesure la plus
grave que la Société pouvait décider - juste avant l’option militaire- étaient difficiles à
imposer et eurent peu d’impact sur les pays visés car ceux-ci pouvaient continuer à
commercer avec des pays n’appartenant pas à la SDN. Le problème est illustré dans le
passage suivant :
« Concernant les sanctions militaires prévues au titre du paragraphe 2 de l’Article 16,
il n’y a pas d’obligation légale à les appliquer… s’il existe un devoir politique et moral
incombant aux États, ici encore, il n’y a pas d’obligations les concernant[19]. »
Les deux membres les plus importants de la Société, la Grande-Bretagne et la France, étaient
réticents à user de sanctions et encore plus réticents au recours à l’action armée au nom de la
Société. Si tôt après la fin de la Première Guerre mondiale, les populations et les
gouvernements des deux pays étaient pacifistes. Les conservateurs britanniques étaient
particulièrement tièdes vis-à-vis du rôle de la SDN et préféraient, quand ils étaient au
gouvernement, négocier des traités sans la participation de l’organisation. Finalement, la
Grande-Bretagne et la France abandonnèrent toutes deux le concept de Sécurité collective en
faveur de celui d’apaisement face au développement du militarisme montant en Allemagne
sous Adolf Hitler.
La représentativité de la Société a toujours été un problème. Bien qu’il eût été prévu d’inclure
toutes les nations, beaucoup ne s’y joignirent jamais, ou leur participation fut de courte durée.
En janvier 1920, pendant les débuts de la SDN, l’Allemagne ne fut pas immédiatement
admise à en faire partie, à cause d’un fort ressentiment envers ce pays après la Première
Guerre mondiale. Une faiblesse clé vint de la non-participation des États-Unis ce qui
supprimait une bonne partie de son pouvoir potentiel. Bien que le président
américain Woodrow Wilson eut été un acteur majeur dans de la création de la Société,
le Sénat des États-Unis s'opposa une première fois de manière tactique, pour y refuser des
amendements, le 19 novembre 1919 puis une seconde fois, sur le fond, le 19 mars 1920 son à
l'adhésion américaine à la SDN[20].
La Société fut encore plus affaiblie quand certaines des principales puissances la quittèrent
dans les années 1930. Le Japon, membre permanent du Conseil, se retira en 1933[21] après que
la SDN eut exprimé son opposition à la conquête de la Mandchourie par le Japon. L’Italie,
également membre permanent du Conseil, s’est retirée en 1937. La Société avait accepté
l’Allemagne en 1926, la considérant pays "ami de la paix", mais Adolf Hitler l’en fit sortir
quand il arriva au pouvoir en 1933.
Une autre des grandes nations, l’Union soviétique, ne fut membre qu’entre 1934, quand elle
rejoignit la SDN par antagonisme avec l’Allemagne (démissionnaire l’année précédente), et
le 14 décembre 1939, quand elle fut exclue pour son agression envers la Finlande. Lors de
l’exclusion de l’Union soviétique, la Société viola ses propres règles. En effet, seuls 7 des 15
membres votèrent pour l’exclusion (Grande-Bretagne, France, Belgique, Bolivie, Égypte,
Union sud-africaine et République dominicaine), ce qui ne représentait pas la majorité des
votes requise par la Charte. Trois de ces membres avaient été nommés au Conseil la veille du
vote (Union sud-africaine, Bolivie et Égypte)[22]. De fait, la Société cessa de fonctionner
réellement après cela. Elle fut formellement dissoute en 1946[23].
La neutralité de la Société eut tendance à passer pour de l’indécision. La SDN exigeait un
vote unanime des neuf membres (plus tard quinze) du Conseil pour acter une résolution, ainsi
il était difficile, sinon impossible, d’obtenir une conclusion et une action efficace. Elle était
également lente à parvenir à des décisions. Quelques-unes de ces décisions exigeaient
également le consentement unanime de l’Assemblée, c’est-à-dire, de tous les membres de la
SDN.
Une autre faiblesse importante fut qu’elle prétendait à représenter toutes les nations, mais que
la plupart des membres protégeaient leurs propres intérêts nationaux et ne s’engagèrent pas
vraiment pour la SDN et ses buts. La réticence de l’ensemble des membres à employer
l’option militaire l’a clairement démontré. Si la Société avait fait preuve de plus de résolution
au moment de sa création, les pays, les gouvernements et les dictateurs auraient pu être plus
circonspects au moment de risquer sa colère pendant les années qui suivirent. Ces manques
furent, en partie, causes du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Les faiblesses de la Société des Nations sont illustrées par ses échecs.
Cieszyn (1919)Modifier
Cieszyn (allemand : Teschen, tchèque : Těšín) est une région située entre la Pologne et
l’actuelle République tchèque, importante pour ses mines de charbon. Les
troupes tchécoslovaques firent mouvement vers Cieszyn en 1919 pour prendre le contrôle de
la région au moment où la Pologne devait faire face à l’attaque des bolcheviques. La SDN
intervint, décidant que la Pologne devait conserver le contrôle de la plupart des villes mais
que la Tchécoslovaquie pouvait garder une des banlieues qui disposait des mines les plus
importantes ainsi que de la seule ligne ferrée reliant les territoires tchèques et la Slovaquie. La
ville fut divisée en une partie polonaise et une partie tchèque (Český Těšín). La Pologne refusa
cette décision et, bien qu’il n’y eût pas d’autres violence, la controverse diplomatique dura
encore 20 ans.
Vilnius (1920)Modifier
Après la Première Guerre mondiale, la Pologne et la Lituanie retrouvèrent toutes deux
l’indépendance qu’elles avaient perdue lors de la partition de la Pologne en 1795. Bien que les
deux pays aient partagé des siècles d’histoire commune pendant l’Union de Pologne-
Lituanie et la République des Deux Nations, le nationalisme lituanien montant empêcha la re-
création de l’ancienne fédération. La ville de Vilnius (en vieux lituanien : Vilna, en polonais :
Wilno) devint la capitale de la Lituanie, en dépit d’une population principalement d’origine
polonaise.
Durant la guerre russo-polonaise de 1920, une armée polonaise prit le commandement de la
ville. En dépit de la revendication polonaise sur la ville, cette dernière décida de demander le
retrait des troupes. Les Polonais restèrent. La ville et ses alentours furent ensuite déclarés
comme faisant partie de la République de Lituanie centrale. À la suite d'élections largement
boycottées, le 20 février 1922, le parlement local, dominé par les Polonais, signa l’Acte
d'unification d’avec la Pologne. La ville fut rattachée à la Pologne comme capitale de
la voïvodie de Vilno.
En théorie, les troupes britanniques et françaises auraient pu être appelées pour faire appliquer
la résolution de la SDN. Néanmoins, la France ne voulut pas entrer en conflit avec la Pologne
qui était un allié potentiel dans une future guerre contre l’Allemagne et l’Union soviétique,
tandis que la Grande-Bretagne ne voulut pas agir seule.
De plus, les Britanniques comme les Français souhaitaient conserver la Pologne comme une
« zone tampon » entre l’Europe et la menace possible de la Russie communiste. Finalement,
la Société accepta le rattachement de Vilnius à la Pologne le 15 mars 1923. Les Polonais
gardèrent ainsi la ville jusqu’à l’invasion soviétique en 1939.
La Lituanie refusa d’accepter l’autorité de la Pologne sur Vilnius, la considérant comme une
capitale artificielle. Ce ne fut qu’au moment de l’ultimatum de 1938, quand la Lituanie rompit
ses relations diplomatiques avec la Pologne, qu’elle accepta de facto les frontières avec son
voisin.
Invasion de la Ruhr (1923)Modifier
Selon le traité de Versailles, l’Allemagne devait payer des réparations de guerre. Elle pouvait
le faire en argent ou en marchandises à une valeur fixée. Cependant, en 1922 l’Allemagne fut
incapable d’effectuer ce paiement. L’année suivante, la France et la Belgique décidèrent de
réagir et envahirent le centre industriel de l’Allemagne, la Ruhr, malgré le fait que cela
représentait une violation directe des règles de la Société. La France étant un membre majeur
de la SDN, rien ne fut fait. Cela constitua un précédent significatif : la Société n'agira que
rarement à l'encontre des puissances majeures, et violera par moments ses propres règles.
Corfou (1923)Modifier
Une question frontalière majeure qui subsistait après la fin de la Première Guerre mondiale
concernait la Grèce et l’Albanie. La Conférence des Ambassadeurs, un organe de facto de la
Société devait régler la question.
Le Conseil désigna le général italien Enrico Tellini pour superviser la question.
Le 27 août 1923, lors d’une inspection du côté grec de la frontière, Tellini et son personnel
ont été assassinés. Le dirigeant italien Benito Mussolini en fut exaspéré et exigea des
réparations pécuniaires de la Grèce ainsi que l’exécution des meurtriers. Les Grecs ne purent
réellement identifier les meurtriers.
Article détaillé : Incident de Corfou.
Le 31 août, les forces italiennes occupèrent l’île de Corfou, une île grecque, et quinze
personnes furent tuées. Initialement, la Société condamna l’invasion, mais recommanda
également le paiement par la Grèce d’une compensation pécuniaire qui serait détenue par la
SDN jusqu’à l’arrestation des assassins de Tellini.
Mussolini, bien qu’il acceptât d’abord cette décision, décida de la faire changer. En travaillant
avec le Conseil des ambassadeurs, il parvint à ses fins. La Grèce fut forcée à des excuses et à
payer la compensation directement et immédiatement à l’Italie. Mussolini put ainsi quitter
Corfou triomphalement. En pliant sous la pression d’un grand pays, la SDN donna une
nouvelle fois un exemple dangereux et préjudiciable. Ce fut l’un de ses échecs majeurs.
L’incident de Mukden fut un autre échec de la SDN et agit comme catalyseur pour le retrait
du Japon de l’organisation. Lors de l’incident de Mukden, également connu sous le nom
d’« incident mandchou », le Japon impérial prit le contrôle du chemins de fer de Mandchourie
du Sud dans la région chinoise de Mandchourie. Il prétendit, le 18 septembre 1931, que les
soldats chinois avaient saboté le chemin de fer, qui était une voie commerciale importante
entre les deux pays.
En fait, on pense que le sabotage avait été conçu par des officiers japonais de l’armée de
Kwantung, sans que le gouvernement japonais en soit informé, afin de déclencher une
invasion complète de la Mandchourie. En représailles, l’armée japonaise, et contrairement aux
ordres du gouvernement civil du Japon, occupa la région entière et la renomma
en Manchukuo. Ce nouveau pays ne fut reconnu internationalement que par le Salvador (mars
1934), le Vatican (avril 1934), l'Espagne, puis l’Italie (novembre 1936) et
l’Allemagne (février 1938) ainsi que par des pays alliés ou occupés par les puissances de
l'Axe durant la Seconde Guerre mondiale comme la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie,
la Bulgarie, la Finlande, le Danemark, la Croatie, le reste du monde continuant à considérer la
Mandchourie comme une région chinoise.
En 1932, l’armée de l’air et la marine japonaises bombardèrent la ville chinoise
de Shanghai déclenchant une guerre courte, le premier incident de Shanghai. Le
gouvernement chinois demanda l’aide de la SDN mais le long voyage par bateau des officiels
de la Société qui voulaient enquêter eux-mêmes occasionna des délais. Quand ils arrivèrent,
les officiels furent confrontés aux allégations chinoises d’une invasion japonaise illégale
tandis que les Japonais prétendaient avoir agi pour maintenir la paix dans la zone. Malgré la
haute position du Japon au sein de la Société, le rapport Lytton déclara que le Japon avait tort
et demanda que la Mandchourie retourne à la Chine. Cependant, avant le vote du rapport à
l’Assemblée, le Japon annonça son intention de poursuivre l’invasion de la Chine. Lorsque le
rapport fut approuvé à l’Assemblée selon l’article 42-1 en 1933 (seul le Japon vota contre), le
Japon se retira de la Société.
Selon sa propre Convention, la SDN aurait dû décider de sanctions économiques contre le
Japon, ou rassembler une armée et lui déclarer la guerre. Néanmoins, rien ne se passa. En
effet, d'une part, les sanctions économiques avaient été rendues de fait inopérantes par le refus
des États-Unis d’Amérique de faire partie de la SDN : pour un État frappé de sanctions
économiques, le commerce avec les États-Unis d’Amérique permettait aisément de contourner
la sanction. D'autre part, aucune armée ne fut jamais mise sur pied, du fait des intérêts propres
de beaucoup d'États membres. Ainsi, cela occasionna le refus de la Grande-Bretagne et de la
France de monter une armée commune au profit de la Société, occupés qu’ils étaient déjà à
leurs propres affaires (comme de garder leur contrôle sur leurs vastes empires coloniaux),
particulièrement après la tourmente de la Première Guerre mondiale.
Le Japon conserva le contrôle de la Mandchourie jusqu’à ce que l’Armée
rouge soviétique déclenche l'invasion de la région en 1945 et la restitue à la Chine à la fin de
la Seconde Guerre mondiale.
Guerre du Chaco (1932)Modifier
Article détaillé : Guerre du Chaco.
La SDN ne put empêcher la guerre du Chaco, en 1932, entre la Bolivie et le Paraguay dans la
région aride du Chaco boréal (Amérique du Sud).
Bien que la région ait été peu abondamment peuplée, elle donnait le contrôle du río
Paraguay qui aurait donné un accès à l’océan Atlantique à l’un de ces deux pays enclavés au
milieu des terres. S’y ajoutèrent également les spéculations, fausses comme il fut démontré
plus tard, que le Chaco pourrait être riche en pétrole. Les escarmouches à la frontière tout au
long des années 1920 ont abouti à une guerre totale en 1932 quand l’armée bolivienne,
suivant les ordres du président Daniel Salamanque Urey, attaqua une garnison paraguayenne
à Vanguardia. Le Paraguay fit appel à la SDN, mais celle-ci renonça à agir quand la
Conférence pan-américaine offrit de négocier à sa place.
Cette guerre fut un désastre pour les deux camps, causant 100 000 victimes et conduisant les
deux pays au bord du désastre économique. Avant qu’un cessez-le-feu ne fut négocié
le 12 juin 1935, le Paraguay s'était emparé du contrôle de la majeure partie de la région. La
nouvelle situation fut avalisée lors d’une trêve en 1938 durant laquelle les trois quarts du
Chaco boréal lui furent attribués.
Invasion italienne en Abyssinie (1935-1936)Modifier
Article détaillé : Crise en Abyssinie.
C'est peut-être le plus célèbre échec de la Société. En octobre 1935, Benito Mussolini envoie
le général Pietro Badoglio avec 400 000 hommes de troupe envahir l’Abyssinie, l'Éthiopie
actuelle. L'armée italienne, moderne, défait aisément une armée abyssinienne mal équipée et
prend Addis-Abeba en mai 1936, forçant l’empereur Haïlé Sélassié à la fuite. Lors du conflit,
l'armée italienne fait usage d'armes chimiques (gaz moutarde) et de lance-flammes. La Société
condamne l’agression italienne et impose des sanctions économiques en novembre 1935, mais
elles sont en grande partie inefficaces.
Selon le Premier ministre britannique Stanley Baldwin, la cause en est l'insuffisance voire
l'absence de forces militaires mises au service de la SDN, qui auraient été capables de résister
à une attaque italienne. De plus, le 9 octobre 1935, les États-Unis, sans même être membres,
refusent de coopérer à toute action de la Société. Ils mettent l’embargo sur les exportations
d’armes et de matériel de guerre aux belligérants conformément à leur nouvelle loi de
neutralité le 5 octobre. Le 29 février 1936, ils tentent de limiter les exportations de pétrole et
d’autres matériaux au niveau normal du temps de paix. Les sanctions de la SDN, décrétées
le 4 juillet 1936, restent donc lettre morte.
En décembre 1935, une tentative de mettre fin au conflit en Abyssinie, due au secrétaire d'État
aux Affaires étrangères britannique Hoare et au Premier ministre français Laval, et donc
connue sous le nom de pacte Hoare-Laval, est lancée. Il s'agit de diviser l’Abyssinie en deux
parties : un secteur italien et un secteur abyssinien. Mussolini aurait été prêt à accepter le
pacte, malgré des informations parcellaires. Les opinions publiques britanniques et françaises
réagissent de façon véhémente et accusent la SDN de vouloir brader l’intégrité de l'Abyssinie.
Hoare et Laval sont forcés de revenir sur leur proposition. Leurs gouvernements respectifs
s’en dissocient.
Comme dans le cas de la Chine et du Japon, les grandes nations réagissent mollement,
considérant que le destin d'un pays pauvre et éloigné, habité par des non-Européens, n’est pas
d’un intérêt majeur pour elles. Le 11 décembre 1937[24][source insuffisante], l'Italie quitte la
Société des Nations.
Réarmement de l’Allemagne (1936), puis des futures puissances de
l'AxeModifier
Article détaillé : Réarmement du Troisième Reich.
La SDN est impuissante (et la plupart du temps silencieuse) face aux événements majeurs qui
conduisent à la Seconde Guerre mondiale, comme la remilitarisation de la Rhénanie,
l’occupation des Sudètes et l’Anschluss par l'Allemagne, ce qui était interdit par le traité de
Versailles.
Comme le Japon, le Troisième Reich en 1933 — prenant pour prétexte l’échec de
la Conférence mondiale pour le désarmement à établir la parité des armements avec la
France — et l’Italie en 1937 préfèrent quitter la Société plutôt que de se soumettre à ses
jugements[25]. Le commissaire de la Société à Danzig est incapable de gérer les revendications
allemandes sur la ville, un facteur qui contribue au déclenchement de la Seconde Guerre
mondiale. Le dernier acte significatif de la SDN est d’en exclure l’Union
soviétique en décembre 1939 après son invasion de la Finlande.
Guerre civile espagnole (1936-1939)Modifier
Article détaillé : Guerre civile espagnole.
Avec le début de la Seconde Guerre mondiale, il était clair que la Société avait échoué dans
son objectif d’éviter toute nouvelle guerre mondiale. Pendant la guerre, ni l’Assemblée, ni le
Conseil de la SDN ne furent capables de se réunir (ou ne le désirèrent pas) et le secrétariat
à Genève fut réduit à un personnel squelettique, beaucoup de bureaux étant transférés en
Amérique du Nord.
À la suite de cet échec, il fut décidé à la conférence de Yalta de créer une nouvelle
organisation devant suppléer le rôle de la Société des Nations. Ce fut l’Organisation des
Nations unies. Beaucoup des organes de la Société, par exemple l’Organisation internationale
du travail, continuèrent à fonctionner pour finalement être rattachées à l’ONU. Lors d’une
réunion de l’Assemblée tenue à Genève du 8 au 18 avril 1946, la SDN s’est dissoute
juridiquement et ses services, mandats, et propriétés furent transférés à l’ONU. La structure
de l’ONU devait la rendre plus efficace que la SDN.
Les cinq principaux vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale (le Royaume-Uni, l’Union
soviétique, la France, les États-Unis et la Chine) devinrent les membres permanents
du Conseil de sécurité de l'ONU (un reflet du Conseil de la SDN), donnant aux nouvelles
« Grandes puissances » une influence internationale significative. Les décisions du Conseil de
sécurité de l’ONU lient tous les membres de l’Organisation. Néanmoins, l’unanimité des
décisions n’est pas requise, contrairement au Conseil de la SDN. De plus, les membres
permanents du Conseil de sécurité de l’ONU y disposent d’un bouclier (le « droit de veto »)
leur permettant de protéger leurs intérêts vitaux, et qui a empêché l’ONU d’agir efficacement
dans bien des cas.
En outre, l’ONU n’a pas de forces armées en propre. Mais l’ONU a été mieux entendue dans
ses demandes aux États membres à participer à des interventions armées, telles que la Guerre
de Corée et le maintien de la paix dans l’ex-République de Yougoslavie. Néanmoins, dans
certains cas, l’ONU a été forcée de compter sur les sanctions économiques. L’ONU a
également beaucoup mieux réussi que la SDN à attirer les nations du monde, la rendant plus
représentative (pratiquement tous les pays du monde y étant inscrits).
Survol historiographiqueModifier
Les espoirs en la S.D.N. en mars 1919, vus par l'hebdomadaire Le Miroir : le bannissement de la guerre
et la recherche de la paix universelle.
Grande GuerreModifier
La Société des Nations est étroitement liée au contexte de sa création. La Grande Guerre a
donc imprégné la création de l’organisation internationale. Son histoire est celle de l'après-
guerre et des conséquences du Traité de Versailles, dont les clauses servaient davantage la
vengeance des vainqueurs et l'affaiblissement des vaincus, qu'à créer les conditions de la
réconciliation et d'une paix durable. Les auteurs s’accordent sur le fait que la Grande Guerre a
constitué une rupture par rapport aux conflits et aux guerres qui l’ont précédée. Elle était
« perçue comme une aberration »[26] à cause de sa brutalité. C’est, justement, cette rupture qui
aurait amené la création d’un ordre mondial.
Dans l’extrait « La bataille, le combat, la violence, une histoire nécessaire » de leur
ouvrage 14-18, retrouver la guerre, Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker soutiennent
que la Grande Guerre a constitué une véritable rupture par la violence qui y a été déployée.
Avec la Première Guerre mondiale serait apparu un niveau de violence jamais égalé. Cette
violence générale se serait exercée contre les combattants, mais elle touchait également les
prisonniers et les civils[27]. Une violence d'autant plus intolérable qu'elle succédait à plus de
quarante ans de paix et de progrès scientifiques et techniques. Ce premier conflit mondial
constituait donc une rupture importante[27]. Cette brutalisation se voit dans le bilan des morts,
des blessés et des soldats atteints de troubles psychologiques. La guerre aurait fait de neuf à
dix millions de morts, presque tous des soldats[28]. Ces nombres, transformés en pertes
journalières, montrent l’ampleur du bilan et ils permettent de comparer la mortalité au combat
pendant les différents conflits qui ont secoué les XIXe et XXe siècles. La mortalité au combat
aurait été plus importante lors de la Première Guerre mondiale que lors de la Seconde[29].
Rapportées à la durée du conflit, les pertes auraient également été plus grandes que lors des
guerres révolutionnaires et impériales[30]. Selon Audoin-Rouzeau et Becker, la mortalité lors
de la Grande Guerre ne découlait pas seulement des développements dans le domaine de
l’armement. Il faut y ajouter la brutalité du comportement combattant, brutalité étant
alimentée par la haine éprouvée envers l’adversaire[31]. La brutalisation constatée lors du
conflit pourrait s’expliquer par l’adhésion des combattants à la Grande Guerre et à ses
objectifs. Ils auraient consenti à la violence et ils en auraient été les vecteurs. Le consentement
se serait fait de manière générale parmi les soldats. Cette brutalisation se serait également
exprimée dans le non-respect des mesures de limitation de la violence mises en place sur la
scène internationale au XIXe siècle[32]. D’un autre côté, en un siècle, la façon de mourir avait
changé. Avant, de nombreux soldats perdaient la vie pour cause de maladie. Lors de la
Grande Guerre, la « mort violente »[30], comme le soulignent Audoin-Rouzeau et Becker,
survenait en grande partie sur le champ de bataille. Néanmoins, la façon de mourir n’est pas la
seule à avoir changé. Ce fut également le cas des blessures infligées[33]. Jamais les soldats
n’avaient été blessés si grièvement[33].
Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker décrivent bien la rupture qu’a constituée la
Grande Guerre dans le passage qui suit : « [U]ne des spécificités mêmes de ce conflit de
quatre années et demie tient au fait que les modalités de l’affrontement y ont atteint des
niveaux de violence sans aucun précédent. Violence entre combattants, violence contre les
prisonniers, violence contre les civils enfin. Tenter d’approcher ces violences, diversifiées,
multiformes, mais reliées à des systèmes de représentations homogènes et cohérents, constitue
un préalable indispensable à toute compréhension de fond du conflit de 1914-1918, comme à
toute interprétation de sa longue trace dans le monde occidental, et en particulier européen,
depuis 1918 jusqu’à nos jours »[27].
D’autres auteurs conviennent que la Grande Guerre a constitué une véritable rupture par
rapport aux conflits et aux guerres qui l’ont précédée. C’est le cas de Pierre Vallaud, qui est
un historien spécialisé dans l’histoire des relations internationales[34]. Dans son ouvrage 14-
18 : la première guerre mondiale, volume II, Vallaud décrit le tournant amorcé par la Grande
Guerre. Il y expose l’ampleur des pertes humaines, matérielles et économiques. Pierre Vallaud
mentionne ceci en ce qui concerne les pertes humaines : « Avec plus de 9 millions de morts et
6 millions d’invalides, la Première Guerre mondiale donne à l’Europe un des plus tristes
records de son histoire militaire[35] ». Les pertes constituent elles-mêmes une rupture
importante.
Dans son article « Guerre et droit. L’inconciliable ? », Emmanuel Naquet expose, à son tour,
le tournant qu’a constitué la Grande Guerre. Néanmoins, en ce qui le concerne, la rupture ne
se limite pas aux pertes humaines. À son avis, « la Grande Guerre constitue […] un tournant
pour le renouvellement de son discours et de ses pratiques sur la guerre et la Paix, le Droit et
l’État, l’Individu et la Nation[36] ».
La rupture qu’a constituée la Grande Guerre est directement responsable de la création de la
Société des Nations. En effet, à ce sujet, Jean-Michel Guieu cite Léon Bourgeois dans son
article L’« insécurité collective ». L’Europe et la Société des Nations dans l’entre-deux-
guerres : « [D]e l’horreur de quatre années de guerre avait surgi, comme une suprême
protestation, une idée nouvelle qui s’imposait d’elle-même aux consciences : celle de
l’association nécessaire des États civilisés pour la défense du droit et le maintien de la
paix »[37]. Jean-Michel Guieu souligne lui-même le lien existant entre la Grande Guerre et la
Société des Nations dans son ouvrage Le rameau et le glaive, les militants français pour la
Société des Nations. Selon lui, l’idée de la création d’une organisation internationale s’est
imposée au lendemain de la guerre. « La guerre finie, la Conférence de la paix allait faire
entrer la Société des Nations dans le domaine des réalités : face à l’ampleur de la catastrophe,
l’idée d’une organisation internationale chargée de maintenir la paix, regardée avec
scepticisme voire mépris avant guerre, s’imposait désormais »[38].
Au sujet de l’idée d’une organisation internationale qui s’imposait après la guerre, les écrits
de Jean-Michel Guieu rejoignent ceux de Pierre Gerbet. Comme Guieu, Gerbet mentionne
que l’idée d’une organisation internationale s’est concrétisée avec l’ampleur que prenait la
Grande Guerre. Dans son ouvrage Le rêve d’un ordre mondial, de la SDN à l’ONU, Pierre
Gerbet affirme ce qui suit : « La guerre de 1914-1918 démontrait par son universalité même la
solidarité qui unissait désormais tous les pays du monde. En même temps qu’elle exaspérait
chez le plus grand nombre les passions nationalistes, elle poussait naturellement les esprits
réfléchis à rechercher les moyens de prévenir le retour d’un tel fléau. L’organisation de la
paix n’avait préoccupé, dans le courant du XXe siècle, qu’un petit nombre de personnes
volontiers considérées avec dédain comme des utopistes. En face du cataclysme qui
bouleversait l’humanité, elle s’imposait comme une impérieuse nécessité. De toutes parts
surgissaient des plans de constitution mondiale, dépassant en ampleur tout ce qu’avaient
imaginé les pacifistes les plus audacieux »[39]…
Plus tard, Gerbet mentionne que l’organisation de la paix, au lendemain de la guerre, a mené à
la création de la Société des Nations. Tous voulaient éviter, à tout prix, une autre guerre. La
guerre de 1914-1918 devait être la dernière que le monde ait connue.
Courbe historiographiqueModifier
Les archives de la Société des Nations, à Genève [40].
Dans son ouvrage Le citoyen et l’ordre mondial (1914-1919), le rêve d’une paix durable au
lendemain de la Grande Guerre, en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, Carl
Bouchard consacre une partie à l’historiographie de la création de la Société des Nations. Il y
mentionne que l’historiographie de la création de la Société des Nations a subi une évolution.
Cette évolution comprendrait deux phases distinctes : les faits diplomatiques et les forces
profondes[41]. Dans un premier temps, les historiens se seraient longtemps concentrés sur les
faits diplomatiques entourant l’organisation internationale. Dans un deuxième temps, ils
auraient abordé les forces profondes, forces influençant le contexte de la création. Ces
informations sont présentées par Carl Bouchard dans son ouvrage : « L’histoire de la SDN a
suivi la courbe de l’historiographie des relations internationales : après une longue phase
initiale consacrée à relater et analyser les faits diplomatiques – avec, en particulier, une
attention portée aux succès et surtout, aux échecs de l’organisation internationale – les
historiens ont commencé peu à peu à s’intéresser aux facteurs moins tangibles – aux forces
profondes chères à Pierre Renouvin – qui ont contribué à son établissement »[41].
Visions présentées par les étudesModifier
Toujours selon Carl Bouchard, l’historiographie est plus abondante en ce qui concerne les
visions américaine et britannique de la Société des Nations qu’en ce qui a trait à la vision
française. La raison expliquant cette prédominance des visions américaine et britannique se
trouve dans le fait que l’organisation est d’abord une conception anglo-américaine[41]. C’est
ce que Carl Bouchard mentionne dans son ouvrage Le citoyen et l’ordre mondial (1914-
1919), Le rêve d’une paix durable au lendemain de la Grande Guerre, en France, en Grande-
Bretagne et aux États-Unis : « Comme pour l’histoire de la paix et du pacifisme, il existe un
plus grand nombre d’études sur la formation de la SDN du point de vue britannique et
américain que du côté français ; une disproportion qui s’explique en bonne partie par le fait
que l’organisation internationale est principalement une création anglo-américaine »[41].
Idée ancienne et tournant dans les relations internationalesModifier
Les auteurs s’accordent sur le fait que l’idée d’une société des nations est bien antérieure à la
création de l’organisation internationale. L’idée d’un ordre mondial et d’une paix
perpétuelle sont anciennes. Carl Bouchard est de cet avis. Dans son ouvrage, il aborde les
origines historiques de l’idée d’un ordre international. Pour ce faire, il remonte aussi loin qu’à
la période antique. Son ouvrage, Le citoyen et l’ordre mondial (1914-1919), Le rêve d’une
paix durable au lendemain de la Grande Guerre, en France, en Grande-Bretagne et aux États-
Unis, contient un chapitre intitulé Les projets de paix antérieurs à 1914 et la rupture
consécutive au déclenchement de la Première Guerre mondiale. « Ce chapitre à caractère
introductif traite des fondements historiques de l’ordre international. Évoquant la multiplicité
des ordres – antique, chrétien, médiéval –, l’accent y est placé sur ce que l’on peut appeler les
projets classiques de paix perpétuelle, tels le Grand Dessein d’Henri IV et de Sully, celui de
l’abbé de Saint-Pierre et celui d’Emmanuel Kant, auxquels les auteurs du corpus se réfèrent
régulièrement et qui constituent les sources principales de l’élaboration théorique du système
international »[42].
Christian Birebent adhère également à la thèse selon laquelle l’idée d’une Société des Nations
est antérieure à la création de l’organisation internationale[43]. Dans son ouvrage Militants de
la paix et de la SDN : Les mouvements de soutien à la Société des Nations en France et au
Royaume-Uni, 1918-1925, il aborde l’origine de la Société des Nations. Malgré l’élément
déclencheur qu’a constitué la Grande Guerre, l’organisation constitue le résultat de plusieurs
travaux antérieurs à 1914 abordant l’idée d’un ordre mondial. Selon Birebent : « L’histoire
des organisations en faveur de la SDN est antérieure à la naissance de cette dernière et
commence bien avant la tentative wilsonienne. On peut même dire en forçant quelque peu le
trait qu’il ne s’agit pas alors d’une idée neuve en Europe et dans le monde. Certes les horreurs
de la guerre, la nécessité de reconstruire un ordre stable et l’activisme du président américain
ont contribué à sa popularité et à sa mise en œuvre. Mais c’est aussi l’aboutissement de
réflexions et de travaux antérieurs. En 1917 on ne part pas de rien »[44].
Jean-Michel Guieu fait également partie de ces auteurs qui situent les origines de la Société
des Nations à une période antérieure à celle de la Grande Guerre. En ce qui le concerne, il
remonte à l’époque moderne et il aborde les projets de paix qui y ont vu le jour. Il poursuit
son analyse des origines de la Société des Nations en traitant de la volonté de réforme du
système international particulière au XIXe siècle. En effet, la volonté concernait la réforme du
principe de l’équilibre des puissances[45]. Selon Jean-Michel Guieu : « Sans remonter aux
temps les plus anciens, l’idée d’un ordre juridique international destiné à mettre fin aux
guerres incessantes entre les États européens émerge à l’époque moderne avec un certain
nombre de projets de paix perpétuelle, puis se développe tout au long du XIXe siècle avec toute
une série de réflexions sur la nécessité de réformer le système international et de trouver
l’antidote au système de l’équilibre des puissances insuffisant à garantir la paix
universelle »[45].
Toutefois, malgré le fait que l’idée d’une société des nations ait été antérieure à 1914, il n’en
demeure pas moins que la création de la Société des Nations représente un tournant dans les
relations internationales ainsi que dans le droit international. C’est ce que Robert Kolb
souligne dans son article Mondialisation et droit international. En ce qui concerne le droit
international, il y affirme « que la Société des Nations propose l’idée toute nouvelle d’une
organisation politique des États, avec des principes d’ordre, de paix et de rule of law »[46]. Il
ajoute que l’organisation internationale a donné naissance à la « coopération internationale
institutionnalisée »[46]. Au sujet du développement des relations internationales et du droit
international, un autre auteur attribue à la Société des Nations une grande importance. Il s’agit
de F. P. Walters. Dans son ouvrage A History of the League of Nations, Walters affirme :
« [The League of Nations] was the first effective move towards the organization of a world-
wide political and social order, in which the common interests of humanity could be seen and
served across the barriers of national tradition, racial difference, or geographical
separation »[47].
Rôle de Léon Bourgeois et de Thomas Woodrow WilsonModifier
Thomas Woodrow Wilson, président des États-Unis d'Amérique
Certains auteurs soulignent, dans leur ouvrage ou dans leur article, que la Société des Nations
a constitué un véritable échec.
Avant la création de la Société des Nations, l’idée d’une organisation internationale pour
assurer la paix définitive était porteuse d’espoir. L’espoir était le même dans les premières
années d’existence de la société[53]. Cependant, lors de la Seconde Guerre mondiale, l’opinion
fut de plus en plus critique à l’égard de la Société des Nations. Celle-ci avait échoué dans son
mandat. De plus, en général, plus l’historiographie est récente, moins elle est critique à
l’égard de l’organisation internationale. Le même phénomène peut être constaté en ce qui
concerne les traités de paix, notamment le traité de Versailles. Ce dernier était-il responsable
de la Seconde Guerre mondiale? Dans son ouvrage Pourquoi la 2e Guerre mondiale ?, Pierre
Grosser trace le parcours historiographique de la question. Grosser conclut que, comme
mentionné précédemment, l’historiographie récente est moins critique : « [L]e traité de
Versailles est vu depuis les années 1970 de manière moins négative. Les contraintes
nationales et internationales étaient considérables, et limitaient les marges de manœuvre. Le
continent semblait sombrer dans l’anarchie, et il fallait rédiger les traités assez rapidement
pour l’éviter. La rédaction témoignait des compromis difficiles entre les dirigeants en
définitive pragmatiques et modérés, mais elle permettait aussi des ajustements »[54].
Dans son discours prononcé à l’occasion du congrès de la Ligue française des droits de
l’homme, qui eut lieu à Paris le 1er novembre 1917, Georges Lorand mentionne que la Société
des Nations est la seule solution possible pour contrer l’anarchie internationale et le
brigandage. Il affirme que la Société des Nations était la « seule solution juridique qui pouvait
sortir de la guerre »[55].
À l’opposé, dans son article « L’insécurité collective. L’Europe et la Société des Nations dans
l’entre-deux-guerres », Jean-Michel Guieu cite le Comte de Saint-Aulaire au sujet de la
Société des Nations. La citation date de 1936. Elle constitue une critique de l’organisation. À
l’époque, l’organisation internationale avait subi des échecs. Elle avait, à plusieurs reprises,
failli à son mandat. Nous pouvons notamment penser à « l’affaire de Mandchourie »[56], à
« l’échec de la conférence du désarmement »[57], aux problèmes avec l’Allemagne[58], à « la
violation des clauses militaires du traité de Versailles »[59], à « l’affaire éthiopienne »[60], etc.
Voici la citation du comte de Saint-Aulaire : « […] ce ne sont là que peccadilles vénielles à
côté du péché mortel dont vit surtout [la Société des Nations], péché mortel seulement pour
les peuples qui croient en elle : l’organisation de l’insécurité collective que, par application de
son seul principe immuable, le travestissement de toutes choses en leur contraire, elle appelle
la sécurité collective. Là est l’origine des catastrophes actuelles et, si on n’y pourvoit pas à
temps, des catastrophes prochaines »[61].
Pour terminer le survol historiographique, l’ouvrage de Jean-Michel Guieu, Le rameau et le
glaive, les militants français pour la Société des Nations, témoigne bien de l’évolution de
l’historiographie. Il offre une position moins critique à l’égard de la Société des Nations.
Selon Guieu, la Société des Nations n’a pas entièrement échoué, et a été bénéfique à plusieurs
reprises. Une partie de l’ouvrage, intitulée « Ce n’est pas la Société des Nations qui a
échoué », démontre la récente vision historiographique : « […] [L’]échec était loin d’être
complet, l’organisation genevoise ayant bien travaillé notamment dans les domaines de la
coopération intellectuelle, de l’hygiène, du transit, des réfugiés, de la restauration financière et
monétaire de certains pays ou des questions sociales. Et même sur le plan politique, comme le
soulignait Théodore Ruyssen, elle avait remporté des “succès appréciables”, puisque jusqu’à
décembre 1938, elle avait été saisie “d’une quarantaine de différends, dont une moitié environ
[avait] été résolue de manière satisfaisante et durable”. […] Les responsabilités principales de
l’échec de la SDN ne résidaient […] pas aux yeux de ses militants dans son régime juridique,
mais avant tout dans l’attitude des États »[62].
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Pacte Briand-Kellogg
Traité international à visée pacifiste de 1928
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Le pacte n'a pas réellement été initié pour proscrire la guerre. Le ministre français des
Affaires étrangères, Aristide Briand, était soucieux, car la République de Weimar, après la
Première Guerre mondiale, se renforçait progressivement et utilisait particulièrement ses
bonnes relations avec les États-Unis pour consolider sa position au sein de l'Europe. Pour
démontrer publiquement que la France avait également des relations exceptionnellement
bonnes avec les États-Unis, il s'efforça de conclure un traité de droit international avec
Kellogg[11]. Ce qui est par la suite devenu le pacte Briand-Kellogg ne devait donc initialement
être qu'un traité d'alliance, de paix, pour rassurer la France face à l'Allemagne renaissant de
ses cendres.
Par ailleurs, le pacte Briand-Kellogg n'a pu être négocié et trouver un si grand écho aussi vite
que parce qu'il laissait de côté trois difficultés essentielles :
Premièrement, ses termes s'appliquent à la guerre en tant que telle, et non précisément à une
attaque illégale ou à une guerre d'agression avec une définition précise de ces expressions,
étant donné que les partenaires de négociation n'ont réussi à s'entendre ni là-dessus, ni sur la
détermination des exceptions du traité, et notamment le principe de légitime défense.
Dans les notes préparatoires, plusieurs exceptions sont partiellement citées explicitement et en
partie suggérées. L'interprétation de ces exceptions, de ces réserves, est considérablement
compliquée par le fait qu'aucune d'entre elles n'a été explicitement définie comme réserve au
moment de la ratification, et ne serait donc une réserve au sens juridique du terme. Malgré
tout, elles sont considérées comme telles par la grande majorité des juristes internationaux.
La réserve la plus importante, et de loin, est la légitime défense, que Kellogg décrit ainsi, dans
la note décisive des États-Unis du 23 juin 1928 : « Every nation is free at all times and
regardless of treaty provisions to defend its territory from attack or invasion and it alone is
competent to decide whether circumstances require course to war in self-defense. » (Chaque
nation est libre, à tout moment et quelles que soient les dispositions des traités de défendre
son territoire contre une attaque ou une invasion et elle est seule compétente pour décider si
les circonstances exigent le recours à la guerre de légitime défense). Les déclarations de
Kellogg ne déterminent pas de manière explicite ni le moment où l'on considère qu'il y a
légitime défense (après que l'attaque a déjà commencé, quand l'attaque est imminente, ou bien
encore bien avant qu'elle n'ait lieu, à titre préventif), ni quels intérêts il convient de protéger
(seulement des territoires nationaux particuliers, ou bien certains autres)[12].
En dehors de l'auto-défense, et malgré toutes les ambigüités, d'autres exceptions apparaissent
dans les domaines suivants :
la doctrine Monroe des États-Unis, appliquée sur l'ensemble du continent américain, que
Kellogg ne cita toutefois dans aucune note, car elle serait d'emblée couverte par le principe
d'auto-défense ;
avec une portée territoriale difficilement cernable, la « doctrine Monroe » britannique, définie
ainsi, pour la première et la dernière fois (du moins en apparence) : « There are certain
regions in the world the welfare and integrity of which constitue a special and vital interest of
our peace and safety […] interference with these regions cannot be suffered. Their protection
against attack is to British Empire a measure of self-defence » Il y a certaines régions du
monde dont le bien-être et l'intégrité constitue un intérêt particulier et vital pour notre paix et
notre sécurité […] Nulle interférence avec ces régions ne peut être tolérée. Leur protection
contre des attaques est pour l'Empire britannique une mesure de légitime défense) ;
les sanctions de la Société des Nations d'après l'article 16 des statuts de la SDN ;
les sanctions prévues par le pacte de Locarno, dont l'article 2 (qui comprenait l'interdiction de
la guerre) pouvait sanctionner par la force armée certains États de fait ;
les « traités de neutralité » (dans une note de la France du 14 juillet 1928), par lesquels la
France réaffirmait ses traités d'alliance, controversés [13].
Par ailleurs, un grave défaut du pacte est le manque absolu de procédures de sanctions
condamnant la violation des règles prescrites : le texte du traité se réfère à une certaine forme
de sanction uniquement dans le préambule, qui stipule que « toute Puissance signataire qui
chercherait désormais à développer ses intérêts nationaux en recourant à la guerre devra
être privée du bénéfice du présent traité ». Cela pourrait correspondre à la perte d'avantages
dans le cadre de représailles individuelles ou collectives de la part d'autres pays. Cette carence
n'est pas isolée ; d'autres imprécisions sont à constater.
Selon l'article 2 du pacte, les différends doivent être réglés par des moyens pacifiques. Mais
quels procédés de règlement des litiges par la négociation doit-on utiliser? La question reste
ouverte. Le pacte autorise également, dans son contenu, à laisser les différends sans solution,
ce qui pose un problème sérieux : ne pas obliger deux parties à résoudre leurs conflits par la
négociation, c'est ouvrir la voie, dans le futur, à un règlement bien moins pacifique du
contentieux. Enfin, les critiques à propos du pacte portent aussi sur la définition des moyens
pacifiques : tous les moyens qui ne sont pas formellement, strictement belliqueux, ou bien
seulement les moyens non violents, demandent-ils[13].
Le pacte de Paris énonce donc des principes louables, à respecter de manière universelle, mais
les formules utilisées dans le pacte n'apportent pas toutes les précisions qui seraient
nécessaires à sa bonne application. Ces principes sont donc jugés, par un certain nombre de
tendances politiques, comme utopiques, vains, et inapplicables. C'est le cas, par exemple, des
députés allemands communistes (au sein du parti KPD) et d'extrême droite (regroupés dans
divers partis, comme le NSDAP, parti d'Hitler, ou encore le DNVP) qui, pour des raisons bien
différentes, traitent le pacte avec mépris et s'y opposent fermement. Dans la pratique,
l'efficacité de ce pacte est assez contestable.
Influence et conséquencesModifier
PAGES ASSOCIÉES
Accords de Locarno
Pacte de la Société des Nations
Pacte fondateur de la Société des Nations, ancêtre de l'ONU
Pacte de non-agression soviéto-polonais
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