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Coédition

LETG-Nantes Géolittomer, UMR 6554 CNRS (France)


ISBN : 978-2-9552583-2-3
EAN : 9782955258323
&
Éditions Raponda-Walker (Gabon)
ISBN : 978-2-35495-032-3
EAN : 9782354950323
Dépôt légal : janvier 2017
Achevé d’imprimer en décembre 2016
COPY-MÉDIA, Canéjan (France)
LES RÉGIONS LITTORALES DU GABON
Éléments de réflexion pour une planification stratégique du territoire

sous la direction de
Patrick POTTIER
Zéphirin MENIE OVONO
François Edgard FAURE
Guy-Serge BIGNOUMBA

Préface de Jacques GUILLAUME


Professeur émérite de Géographie, Université de Nantes

Programme interuniversitaire Nantes (France) - Libreville (Gabon), 2016


Cet ouvrage a bénéficié du soutien financier de l’Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG),
du Laboratoire LETG-Nantes Géolittomer (UMR 6554-CNRS), de l’Ambassade de France,
de l’Institut Français du Gabon (IFG), de l’Institut Universitaire Mer et Littoral (IUML) de
Nantes et de l’École Normale Supérieure (ENS) de Libreville
Cartographie et mise en page
Simon CHARRIER, Cartographe de l'IGARUN, Université de Nantes
Laurent POURINET, Cartographe (CNRS), LETG-Nantes Géolittomer, UMR 6554-CNRS
Zéphirin MENIE OVONO, Géomorphologue, enseignant à l’École Normale Supérieure (ENS) de Libreville
Patrick POTTIER, Géographe à l’Université de Nantes, LETG-Nantes Géolittomer, UMR 6554-CNRS

Comité de lecture
Della André ALLA (Université FHB d’Abidjan, Côte d’Ivoire), Kouadio AFFIAN (Université FHB d’Abidjan,
Côte d’Ivoire), Kouassi Paul ANOH (Université FHB d’Abidjan, Côte d’Ivoire), René Joly ASSAKO
ASSAKO (Université Yaoundé 1, Cameroun), Guy-Serge BIGNOUMBA (Université Omar Bongo, Gabon),
Céline CHADENAS (Université de Nantes, France), Simon CHARRIER (Université de Nantes, France),
Étienne CHAUVEAU (Université de Nantes, France), Ousmane DEMBÉLÉ (Université FHB d’Abidjan,
Côte d’Ivoire), Michel DESSE (Université de Nantes, France), Paul FATTAL (Université de Nantes, France),
Thierry GUINEBERTEAU (Université de Nantes, France), Laurent GODET (Géolittomer, UMR 6554
LETG du CNRS, France), Célestin Paul HAUHOUOT (Université FHB d’Abidjan, Côte d’Ivoire), Mohamed
MAANAN (Université de Nantes, France), Zéphirin MENIE OVONO (ENS-Libreville, Gabon), Patrick
POTTIER (Université de Nantes, France), Laurent POURINET (Géolittomer, UMR 6554 LETG du CNRS,
France), Nicolas ROLLO (Université de Nantes, France), Brice TROUILLET (Université de Nantes, France).
Liste des auteurs

Fidèle-Marcellin ALLOGHO-NKOGHE Télédétection, Géomatique) Nantes Géolittomer,


Maître de conférences en Géographie et Aménagement de UMR 6554-CNRS.
l’Espace, École Normale Supérieure (ENS) de Libreville. paul.fattal@univ-nantes.fr
alloghe2000@gmail.com François Edgard FAURE
Propice ANGO MOUGOUBA Chargé de recherche au CENAREST et directeur du
Ingénieur électro mécanicien, CNDIO-CENAREST CNDIO, Libreville.
(Centre National des Données et de l'Information faured@yahoo.fr)
Océanographiques - Centre National de la Recherche Jacques GUILLAUME
Scientifique et Technologique), Libreville. Professeur émérite de Géographie, IGARUN, Univer-
proango@yahoo.fr sité de Nantes, membre de LETG-Nantes Géolittomer,
UMR 6554-CNRS.
Guy-Serge BIGNOUMBA jacques.guillaume@univ-nantes.fr
Maître de conférences en Géographie, Département
de Géographie de l’Université Omar Bongo, Libre- Marie-Thérèse ITONGO
ville, membre du CERGEP (Centre d'Études et de Géomorphologue, Maître-assistant au Département de
Recherches en Géosciences Politiques et Prospective) et Géographie de l’Université Omar Bongo, Libreville.
du LANASPET (Laboratoire d'Analyse Spatiale et des itongo2005@yahoo.fr
Environnements Tropicaux). Christian JOHNSON-OGOULA
gsbignoumba@yahoo.fr Directeur technique adjoint de l’Agence Nationale
des Parcs Nationaux (ANPN), spécialiste tourisme,
Simon CHARRIER Libreville.
Technicien cartographe à l'IGARUN (Institut de Géo- johnchristansah@yahoo.fr
graphie et d'Aménagement Régional de l'Université de
Nantes). Jean-Pamphile KOUMBA
simon.charrier@univ-nantes.fr Maître-assistant et Directeur du Département de
Géographie de l’Université Omar Bongo, Libreville.
Clet Mesmin EDOU EBOLO jeanpamphile@yahoo.com
Maître-assistant, Département de Géographie de
Brice Didier KOUMBA MABERT
l’Université Omar Bongo, Libreville, membre du La- Chargé de Recherche, Responsable MTCA-CN-
boratoire de Géomatique, de Recherche Appliquée et DIO - Expert Membre de la COI/Gabon, Libreville.
de Conseil (LAGRAC). koumbamabertb@gmail.com
ebolofr@yahoo.fr
Serge LOUNGOU
Paul FATTAL Maître de conférences en Géographie politique, Dé-
Professeur de Géographie, Vice-président Qualité et partement de Géographie de l'Université Omar Bon-
Développement Durable, IGARUN, Université de go, Libreville, membre du CERGEP.
Nantes, membre de LETG (Littoral, Environnement, sloungou@yahoo.fr
Jean-Bernard MAMBANI Patrice MOUNDOUNGA MOUITY
Maître-assistant, Département d'Histoire-Géographie, Maître-assistant de Science politique, Faculté de Droit
ENS de Libreville, membre du GRESHS (Groupe de et de Sciences Économiques (FDSE) de l’Université
Recherche en Sciences Humaines et Sociales). Omar Bongo, Libreville, chargé de cours aux dépar-
jbmambani@yahoo.fr tements de Droit public et Science politique. patri-
Michel MBADINGA cemm2000@yahoo.fr
Maître-assistant, Département de Géographie de l’Uni- Magloir-Désiré MOUNGANGA
versité Omar Bongo, Libreville, membre du LAGRAC. Directeur de recherche, Directeur Scientifique de
Auguste Paulin MBONDA l'ANPN.
Ingénieur chimiste biologiste, Attaché de Recherche à moungangamad@gmail.com
l’Institut de Recherche en Sciences Humaines (IRSH)/
CENAREST, Libreville, membre du CNDIO. Vivino Max Thierry MOUYALOU
augustepaulinmbonda@yahoo.com Chercheur au CNDIO-CENAREST, doctorant en
Géomorphologie Littorale, Département de Géogra-
Zéphirin MENIE OVONO phie de l'Université Omar Bongo, Libreville.
Assistant, enseignant à l’ENS de Libreville et membre vivinomax2@yahoo.fr
associé de LETG-Nantes Géolittomer, UMR 6554-
CNRS. Jonathan NTOUTOUME NGOME
zephirinmo@gmail.com Maître-assistant, Département de Géographie de l’Uni-
Jean-Bernard MOMBO versité Omar Bongo, Libreville, membre du CERGEP.
Maître de conférences, Département de Géographie jonathanntoutoume@yahoo.fr
de l'Université Omar Bongo, Libreville, membre du Nicole NTSAME ONDO
LANASPET. Démographe à l'ENS de Libreville, membre du
jb.mombo@yahoo.fr GRESH.
Alain MOUBÉLÉ nicondo@yahoo.fr
Chargé de Recherche à l’IRSH/CENAREST et En-
Emmanuel ONDO ASSOUMOU
seignant vacataire à l’ENS de Libreville, membre du
Groupe de Recherche sur l’Environnement et Déve- Maître-assistant, Département de Géographie (ensei-
loppement des Sociétés (GREDS), et du Laboratoire gnant permanent) de l’Université Omar Bongo, Libre-
de Recherche en Télédétection et Système d’Informa- ville, membre du LAGRAC.
tion géographique (LARTESIG) de l’IRSH. ondoassoumou@yahoo.fr
alrim11@yahoo.fr Patrick POTTIER
Jean Aurélien MOUKANA LEBONGUI Maître de conférences en Géographie, IGARUN,
Docteur-ingénieur, Département de Géographie de l’Uni- Université de Nantes, membre de LETG-Nantes
versité Omar Bongo, Libreville, membre du LAGRAC. Géolittomer, UMR 6554-CNRS.
jalebremouke_hotmail.com patrick.pottier@univ-nantes.fr
Laurent POURINET
Ingénieur d'Études cartographe au CNRS, Université
de Nantes, membre de LETG-Nantes Géolittomer,
UMR 6554-CNRS
laurent.pourinet@univ-nantes.fr
Nicaise RABENKOGO
Chef de département des sciences marines (DESMAR),
membre du laboratoire Gestion des Risques et des Espaces
Humides (GREH) - IRSH - CENAREST, Libreville.
rabenkogo.nicaise@gmail.com
Marc-Louis ROPIVIA
Professeur titulaire en Géosciences politiques, Direc-
teur du CERGEP, Recteur de l’Université Omar Bon-
go, Libreville.
mropivia@yahoo.com
Guy ROSSATANGA-RIGNAULT
Professeur de droit public et science politique, Faculté
de Droit et de Sciences Économiques (FDSE) de l’Uni-
versité Omar Bongo, Libreville.
izolwe2@yahoo.fr
Pamela ROUSSELOT LARIDAN
Docteur de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
prousselot1@hotmail.fr
Charles TCHOBA
Géographe, CNDIO-CENAREST, Libreville.
moussonda@hotmail.com
Sylvie Brizard ZONGO
Maître-assistant, Université des Sciences et Techniques
de Masuku (USTM), Faculté des Sciences, Départe-
ment de Biologie, Chef de Département Faune et
Aires Protégées à l'École Nationale des Eaux et Forêts
(ENEF), Franceville.
sylvie.zongo@hotmail.fr
Préface
Jacques Guillaume
Professeur émérite de Géographie, Université de Nantes

On a souvent dit que l’Afrique ignorait la mer ou pêcheurs, plus récentes lorsqu’elles naissent dans
en avait peur. Elle a d’ailleurs des raisons objectives le sillage des réseaux de commerce, des contingents
pour cela, profondément inscrites dans l’histoire étrangers au pays, comme le rappelle fort justement
longue des consciences collectives et on aurait tort le chapitre introductif, qui nous montre décidément
de les lui reprocher. Bien sûr, ce désintérêt a fini par que la conscience littorale et maritime est encore
se retourner contre elle au moment où il s’est agi de dans l’enfance. Le Gabon moderne sait pourtant
s’ouvrir au monde et de maîtriser les outils néces- qu’il doit son entrée dans le monde aux mouvements
saires aux échanges. André Vigarié, le géographe de massifs de ressources brutes passées au travers de ses
la mer qui fut un des initiateurs des relations entre quelques pôles littoraux, que ces pôles ont explosé
Nantes et les universités africaines, n’avait pas accor- économiquement et démographiquement, au point
dé à l’Afrique un chapitre particulier en 1995, dans que son littoral lui est devenu indispensable, voire
son ouvrage « La mer et la géostratégie des nations », se s’identifie pleinement au Gabon « utile ». L’économie
contentant d’en décrire les virtualités dans les deux bleue, même si elle s’abreuve largement d’or noir,
directions opposées de l’Atlantique et de l’océan In- a pris le pas sur les couleurs vertes des tâches fores-
tières. Quelle révolution !
dien. Ainsi ce continent restait au bord des grands
enjeux mondiaux, une proie à saisir plus qu’une voix En fait, ce Gabon « utile », non seulement A des
à séduire. L’Afrique a pourtant d’immenses poten- ressources que certains voudraient défendre contre
tialités et surtout, fait nouveau, sa population s’est les appétits des populations du dedans et plus encore
massivement « littoralisée », contribuant à faire de la des populations du dehors, mais il EST une ressource
mer, sa voisine de proximité immédiate, faute d’en en soi, que seule une communauté territorialisée peut
faire une partenaire d’opportunités économiques et comprendre, mettre en valeur et gérer. C’est bien le
plus encore d’ouverture des esprits et de stimulation sens du présent livre, puisqu’il s’agit, grâce aux efforts
des initiatives. d’une communauté scientifique d’origine diverse, de
rendre compte de la nature de ce fuseau, d’une lon-
Le Gabon, « petit » pays à l’échelle du continent, est gueur de 800 à 1 000 km du nord au sud et d’une lar-
un microcosme qui résume bien ce fond de plan, fait geur allant jusqu’à 200 km d’ouest en est, fuseau dési-
de craintes ou d’inattentions. Héritier des grands par- gné sous le vocable de « régions littorales du Gabon ».
tages coloniaux du XIXe siècle, et donc né d’influences On n’oublie pas d’y adjoindre le plateau continental
extérieures qu’il ne maîtrisait pas, le Gabon a d’abord et les vastes étendues encore à stabiliser de la Zone
meublé son littoral, par mitages disjoints, avec des économique exclusive, voire des fonds marins hors de
populations locales de faible maritimité, avant d’ac- la zone, de sorte que le littoral est cette ligne, à la fois
cueillir, au gré des migrations des peuples de la côte, nette et incertaine, qui partage et relie tout à la fois les
fort anciennes lorsqu’il s’agit des communautés de terres émergées et les espaces immergés.

11
Les régions littorales du gabon

Cette prise de conscience, émanant d’une commu- même source de tensions avec les voisins immédiats
nauté éclairée et avertie, est le signe d’une seconde et l’on souhaiterait à ce sujet que soit réglé au plus
révolution qu’on se plairait à qualifier de fondatrice vite le différend avec la Guinée Équatoriale à propos
pour l’opinion publique, tant elle est en avance sur son des îles de la baie de Corisco, au nord du pays. La très
temps et presque prophétique pour l’avenir du pays. forte poussée des populations urbaines, sur les deux
Une trentaine de chercheurs, de disciplines diverses, pôles encore mal reliés l’un à l’autre de Libreville et
ont uni leurs efforts pour circonscrire l’étendue des de Port-Gentil, pèse sur la qualité environnementale
potentiels de ces territoires, mais aussi pour mesurer des régions littorales. Ces dernières, très riches sur
l’ampleur des risques qui les menacent. L’Université les plans floristique et faunistique, mais assez mono-
Omar Bongo, mais également le CENAREST, l’École tones sur le plan des reliefs, se caractérisent surtout
Normale Supérieure, l’Agence Nationale des Parcs par l’extension des zones hydromorphes au travers
Nationaux, l’École Nationale des Eaux et Forêts sont desquelles se déclinent rias, estuaires, delta (le qua-
ici représentés et témoignent de la densité, de la qua- trième d’Afrique avec l’Ogooué) et lagunes, mena-
lité et de la variété de la réflexion scientifique, dès lors cés par les dégradations, pollutions, inondations et
qu’il s’agit d’affirmer les richesses de l’un des biens submersions. Bien sûr, aux défis locaux, s’ajoutent
communs de la Nation. Structurée en deux grandes les préoccupations du changement global, marquées
thématiques, quatre parties et dix-sept chapitres, sans par les menaces d’élévation eustatique du niveau de
compter le chapitre introductif déjà évoqué, l’œuvre l’océan, d’autant plus inquiétantes que les littoraux
a le souffle ample pour rendre compte de l’originalité, sont ici de faible élévation et d’érosion facile. Bien
de la diversité et de la mobilité des milieux naturels sûr, le Gabon cherche à s’organiser autour de mesures
côtiers, pour identifier les principales pressions an- de protection et de développement coordonné. On
thropiques et mesurer les recompositions territoriales souhaiterait que ces mesures dépassent le stade des
qui leur sont associées, pour comprendre les risques simples postures politiques ou des effets d’affichage.
dans lesquels se mêlent très étroitement la puissance La jeune génération des chercheurs qui domine la
des aléas naturels et l’anarchie des usages, pour mesu- rédaction de cet ouvrage en est bien consciente et ne
rer enfin les conditions d’une gouvernance rénovée, se paiera pas de mots à ce sujet.
fondée sur les principes de la gestion intégrée et les
On se plaît à souligner ici la participation, dis-
orientations d’une stratégie nationale pour la mer et
crète mais décisive, des collègues français de l’uni-
le littoral.
versité de Nantes, et plus particulièrement celle de
Comme on le devine, les défis sont immenses. Patrick Pottier, le maître d’œuvre actuel des relations
Disposant de ressources, biologiques ou minérales, entre l’Institut de Géographie et d’Aménagement
nullement négligeables, le Gabon peine à les exploi- Régional de notre université et les instances acadé-
ter pour les premières ou les utilise mal pour les miques du Gabon. Sans lui, le travail n’aurait pas
secondes. Leur utilisation renvoie à leur mauvaise abouti dans la version finale que nous lui connais-
intégration dans le tissu socio-économique national sons, œuvre finalement exemplaire d’une coopéra-
ou à leurs impacts négatifs sur les milieux. Elle est tion décentralisée, voie si souvent évoquée pour la

12
Préface

fraternité des peuples, et trop rarement aboutie en


cet état d’aussi plein épanouissement. L’auteur de
ces quelques lignes se souvient de l’histoire des rela-
tions entre Nantes et Libreville, des pionniers des
premières thèses « maritimistes », des conventions
signées puis régulièrement reconduites, sur la foi
des réussites doctorales de plus en plus nombreuses,
et balayant par leur diversité, la plupart des thèmes
traités dans le présent livre, des amitiés surtout qui
se sont nouées entre nous et qui sont les meilleures
garanties de la pérennité des efforts communs.
Amis lecteurs, lisez donc ce livre, à la fois comme
l’analyse scientifique d’un objet d’étude, et comme
l’accomplissement provisoire d’une aventure hu-
maine, une œuvre de rencontres et d’échanges qui est
loin d’être close, un bilan d’étape en quelque sorte qui
en appelle d’autres, tant l’avenir de nos relations est
prometteur et l’objet de nos recherches en perpétuelle
évolution.

Fait à Nantes, le 18 novembre 2016


Jacques Guillaume

13
Les régions littorales du gabon
Introduction

15
Introduction générale
Patrick POTTIER
Géographe, Université de Nantes
Zéphirin MENIE OVONO
Géomorphologue, École Normale Supérieure (ENS), Libreville

Pendant longtemps, le Gabon s’est peu soucié de son C’est en particulier à la faveur des ressources de
littoral, à tel point que certains y ont vu un vrai déficit la nature que l’émergence de la façade littorale du
de sentiment maritime. Ce pays d’Afrique centrale fut Gabon a pu s’organiser. Ce le fut dès l’époque colo-
principalement occupé pendant des décennies à l’ex- niale, par la mise en valeur nécessaire de cette inter-
ploitation de ses ressources forestières, dont les terres face terre-mer sur laquelle se bâtissait déjà un modèle
intérieures étaient riches pratiquement sans limites. de développement extraverti, basé sur les exporta-
Progressivement pourtant, les centres de gravité du tions des matières premières. Les villes-comptoirs en
territoire national se sont déplacés vers les espaces lit- étaient les nœuds stratégiques. Celles-ci ont bénéficié
toraux. Le bassin sédimentaire côtier a tout d’abord de situations favorables, aux débouchés d’un réseau
révélé ses richesses pétrolières, sur la terre ferme à par- hydrographique puissant qui a de tout temps favorisé
tir des années 1930 et ensuite en mer, au cours de la les liens avec les régions intérieures du pays.
décennie des années 1960. La période de libéralisa- Au-delà de cette richesse du contact géographique,
tion des échanges qui suivit favorisa alors l’émergence le bassin sédimentaire côtier gabonais compte
définitive des portes océanes gabonaises du transport d’autres ressources naturelles sur lesquelles les régions
maritime, Port-Gentil et Libreville, comme les points littorales peuvent aujourd’hui appuyer leur dévelop-
d’ancrage de cette intégration mondiale. pement. Les hydrocarbures, dont l’exploitation est
Aujourd’hui, les régions littorales concentrent pour 30 % onshore et 70 % offshore, représentent
61 % de la population du Gabon, sur 18 % de son une part essentielle de la richesse du pays. Cette res-
territoire. Les deux principaux pôles urbains se sont source géologique vient compléter celle de la végé-
développés au contact de l’océan et regroupent à tation équatoriale, dont la forêt fournit ses bois aux
eux-seuls 68 % des citadins du pays. Cet essor est re- marchés mondiaux. Jusqu’en 1961, leur exploitation
lativement récent, à l’image de la capitale Libreville était presqu’entièrement concentrée dans les régions
qui est passée de 31 000 habitants en 1960, soit 7 % littorales du bassin sédimentaire côtier. Aujourd’hui,
de la population du pays à cette période, à 800 000 la reconnaissance de la richesse plus globale des éco-
en 2013, soit 52 % de la population nationale. En systèmes forestiers de ces territoires constitue un atout
50  ans, les rapports démographiques villes-cam- encore plus prometteur, tant pour le développement
pagnes se sont totalement inversés. Cette évolution touristique que pour la reconnaissance du pays dans
spectaculaire s’est accompagnée d’un renforcement la contribution aux grands équilibres écologiques du
du poids des régions littorales qui sont ainsi deve- monde. La faune qui caractérise ces milieux littoraux
nues les territoires les plus sollicités du Gabon par est également remarquable, autant à terre qu’en mer.
rapport au reste du pays. Elle représente déjà l’un des symboles d’un tourisme

17
Les régions littorales du gabon

Les atteintes à cette nature sont d’autant plus fortes


que les pressions humaines sur ces territoires sensibles
sont de plus en plus importantes. La particularité du
développement des régions littorales gabonaises ré-
side dans une occupation humaine très inégale, avec
des secteurs de forte concentration et d’autres restés
pratiquement à l’écart des forçages anthropiques.
Autour des deux grands pôles urbains que sont Li-
breville et Port-Gentil, et plus localement dans les
secteurs des implantations urbaines plus modestes
ou des exploitations industrielles plus ponctuelles, le
développement a souvent été rapide et anarchique.
Les villes littorales ne possèdent pas de dispositifs de
gestion et de régulation des nuisances provoquées par
la concentration urbaine, que ce soit dans le domaine
des déchets et des eaux usées, de l’adduction d’eau et
de la collecte des ordures ou dans celui des réseaux
techniques urbains qui sont encore largement hors de
la modernité et de la durabilité. Si bien que ce déficit
Photo 1 - Les risques d’équipements favorise non seulement les inégalités
environnementaux liés au
développement urbain international en quête de nature africaine authen- sociales, mais provoque également des dégradations
(ph. CENAREST, 2011) tique, tout autant que ceux de scientifiques natura- environnementales inquiétantes (photo 1). À ces
Compte-tenu du sous- équi- listes et environnementalistes qui reconnaissent au risques d’ordre anthropique, facteurs de pollutions,
pement des villes littorales Gabon cette richesse exceptionnelle de la nature. En de crises urbaines dans des villes sous-équipées ou
en dispositif d’assainissement
et de réseaux de collecte des
mer, cette ressource qui regroupe comme à terre les encore de difficultés des autorités à réguler les dyna-
ordures, les exutoires naturels espèces les plus emblématiques n’est pas seulement à miques, s’ajoutent aussi des risques naturels, facteurs
ou aménagés déversent bien destination des touristes et des chercheurs. La richesse d’érosion du trait de côte (photo 2), d’inondations
souvent en mer les eaux usées
et les déchets de la ville. C’est
halieutique de la mer gabonaise peut également favo- et de submersions, ou encore de crises en lien avec
notamment le cas à Libreville, riser le développement d’une pêche nationale dont les changements climatiques. De ce point de vue,
comme ici entre Léon Mba et le marché intérieur est encore largement déficitaire, c’est l’ensemble des territoires littoraux du Gabon
la Sablière.
comme celle d’une pêche internationale qui a besoin qui devient sujet de préoccupation, même si le pays
d’une réelle maîtrise. La richesse des régions littorales possède encore de vastes espaces largement épargnés
du Gabon est donc à plus d’un titre remarquable. d’une « prédation humaine » qui est jusqu’à présent
Elle représente pour l’avenir un ensemble d’atouts in- limitée à quelques secteurs de concentration. Les
déniables pour son développement, mais également espoirs de voir préserver cette partie essentielle des
d’inquiétudes, car les milieux littoraux sont particu- régions littorales du Gabon reconnues par leur nature
lièrement fragiles. authentique, semblent pour l’instant se concrétiser.

18
Introduction générale

Ils sont entretenus par les autorités gabonaises qui


se montrent attentives, depuis quelques années, aux
défis auxquels elles sont confrontées, face à ces pres-
sions qui s’exercent sur les espaces littoraux.
À la recherche d’outils de gestion et de contrôle, le
pays s’est déjà doté d’un certain nombre de disposi-
tifs, dont les parcs nationaux et les périmètres d’aires
protégées qui couvrent du côté terre 53 % des régions
littorales. L’extension de cette politique de préserva-
tion est par ailleurs déjà actée du côté mer, avec cette
fois le classement d’un réseau de parcs marins cou-
vrant 23 % de la Zone économique exclusive (ZEE).
Mais beaucoup reste encore à faire, notamment dans
le domaine de la maîtrise des impacts des pressions
humaines sur les milieux littoraux, espace maritime
compris, et de la gestion du développement urbain et
industriel. C’est pour cette raison que le Conseil Na-
tional de la Mer a été mis en place en 2014, dans le
cadre du Plan Stratégique Gabon Émergent (PSGE,
2012), et de son volet littoral Gabon bleu. Les pre- Photo 2 - L’érosion des
côtes au Gabon
mières pierres d’une démarche de gestion intégrée des ainsi que d’une entrée centrée sur deux grands axes (ph. B. Koumba Mabert,
littoraux pourraient ainsi être posées, mais l’édifice de réflexion : le premier, consacré aux interactions na- CNDIO, 2011)
complet est encore à imaginer. ture/société dans ces territoires littoraux, est peut-être Le recul de la côte sur

Dans ce contexte d’évolution des territoires litto- le plus académique ; le second, orienté vers la com- ce secteur de la baie
d’Akouango, entre la
raux du Gabon et de recherche d’un équilibre durable préhension des risques, aménagements et probléma- Sablière et le Cap Santa
entre protection de la nature et intégration écono- tiques de gestion durable, est sans doute plus ancré Clara, à quelques kilo-

miques et sociale, cet ouvrage a pour objectif d’appor- dans l’opérationnel. mètres de l’agglomération
de Libreville, a été d’une
ter des éclairages constructifs. Il vise non seulement à quarantaine de mètres
rassembler les connaissances déjà acquises depuis plu-
Les régions littorales du Gabon entre 2008 et 2012. Le
résultat est spectacu-
sieurs années par les spécialistes gabonais des littoraux L’espace de contact entre la terre et la mer ne se li- laire, avec l’abattage par
et leurs partenaires scientifiques, mais aussi à poser mite pas à un simple trait de côte. Le terme littoral re- vagues successives des
les termes d’une réflexion prospective en éveil sur la couvre en effet des dimensions de géométrie variable, alignements de cocotiers.

question du rôle des régions littorales dans l’organisa- au cœur desquelles quelques principes fondamentaux
tion et le développement national. Les 34 co-auteurs peuvent être soulignés à partir de la notion d’interface.
ont pour cela pris le parti d’une approche globale de Tout d’abord, le littoral est le lieu de rencontre des
l’espace littoral, au sens géographique le plus large, périphéries terrestres et maritimes, un espace variable

19
Les régions littorales du gabon

de discontinuité entre deux milieux aux


caractéristiques bien différentes. Ensuite,
c’est également un ensemble de liens et
OCÉAN d’interactions qui fait que les échanges
ATLANTIQUE entre ces deux périphéries sont inévita-
blement multidimensionnels. Enfin, cette
entité n’est pas figée dans le temps, mais
dynamique, diachronique et mobile.
LIBREVILLE Pour ces raisons, au Gabon peut-être
plus qu’ailleurs, le littoral est fait d’une
grande diversité et d’une réelle « épaisseur ».
Cette diversité est visible dans les formes
et les étendues des contacts entre les mi-
GABON lieux maritimes et terrestres, où les eaux
Port-Gentil se mélangent des fonds d’estuaires actuels
ou hérités, jusqu’aux sillons sous-marins
enrichis des apports continentaux en sels
nutritifs. Des retombés du plateau conti-
nental du côté maritime, aux rebords du
socle et des élévations topographiques du
côté continental, les espaces littoraux du
Gabon s’étendent sur de vastes surfaces,
offrant une réelle profondeur à la vue des
paysages, comme à la géologie d’un bas-
© IGARUN, Université de Nantes sin sédimentaire que le trait de côte ne
N suffit pas à séparer en deux entités.
Source : Jarvis A., Reuter H. I., Nelson A. et Guevara E., (2008)
Hole-filled SRTM for the globe Version 4,
Comme ils sont occupés, « territorialisés »,
0 50 100 km CGIAR-CSI SRTM 90m Database (http://srtm.csi.cgiar.org) par les sociétés humaines, ces espaces lit-
S. CHARRIER toraux sont aussi des régions sur lesquelles
les empreintes de l’histoire, des cultures
Altitude (en m) et des richesses matérielles des hommes
limite du bassin sédimentaire côtier
s’inscrivent et évoluent. Des limites d’un
0 50 100 200 300 400 500 600 700 800 900 limite d’État
territoire marin sous droits souverains
aux héritages d’une construction qui s’est
Figure 1 - Topographie du Gabon
faite grâce aux facilités hydrographiques

20
Introduction générale

de pénétration vers l’intérieur des terres, jusqu’à lagunes qui font l’originalité du lit-
Lambaréné
Lambaréné notamment, les régions littorales du Ga- toral au sud du Cap Lopez et qui

permettent aux eaux continentales oo
bon sont multiples. Og
et océaniques de se mélanger sur
Du côté terrestre, elles correspondent géologique-
une surface supérieure à 1 400 km²,
ment au bassin sédimentaire côtier (Lebigre, 1983),
soit 3 % des régions littorales  ; ou
qui couvre une surface d’environ 48 000 km², soit
enfin, par des lacs intérieurs de la
18 % du territoire gabonais. Si la carte géologique dé- vallée de l’Ogooué qui, bien que
crit ce bassin sous ses aspects enfouis (voir chapitre 3 plus modestes, couvrent cependant
du présent ouvrage, fig. 10), la carte topographique une surface1 de 650 km². Elle l’est
offre une réalité plus directement perceptible à l’œil enfin par l’ancrage de ces régions
OCÉAN
ATLANTIQUE
(fig. 1). Les limites de ces régions littorales sont en atlantiques aux grands pôles urbains
effet d’une grande lisibilité, car elles s’appuient sur côtiers, Libreville et Port-Gentil, qui
la rupture des altitudes entre le socle et le bassin sé- « rayonnent » sur l’ensemble de ces ré-
dimentaire. Passé cette zone de contact, l’influence gions littorales à l’exception de l’ex-

© IGARUN, Université de Nantes


maritime est déjà présente. Elle l’est tout d’abord trême sud, plus confidentiel et isolé.
par les héritages du passé : le substrat géologique N

sédimentaire, évidemment ; mais aussi les transgres- Du côté marin, la ZEE affirme
sions marines dont la transgression holocène (8 000 son « exclusivité » en termes de droits 0 25 50 km
d’après Vande weghe, 2013
à 5  000  ans BP) qui permit la remontée des eaux souverains. Les régions littorales du S. CHARRIER

océaniques dans la vallée de l’Ogooué alors trans- Gabon sont aussi et sans conteste Figure 2 - Configuration
formée en ria, « jusque près de Lambaréné » (Vande maritimes. Cet espace océanique est essentiel pour schématique de la côte
weghe, 2013 - fig. 2); ou encore par les chemins si le Gabon. Il concentre l’activité d’exploitation pé- gabonaise à la transgression
holocène, il y a 5 000 ans
souvent empruntés de cette vallée de l’Ogooué, no- trolière offshore, permet plus de 90 % des échanges (d’après Vande weghe, 2013)
tamment par les occidentaux qui en firent un axe de internationaux du pays qui passent ainsi par la voie
pénétration majeur du pays et d’intégration de cette maritime, favorise l’arrivée de 25 % des touristes in-
région entière de Lambaréné à l’océan. Elle l’est éga- ternationaux qui passent par cette même voie (11 %
lement par la présence de l’eau (fig. 1 et 4), qui fait par voie routière), et facilite l’entrée de 80 % des
de ces régions littorales des régions d’une interface clandestins qui immigrent dans le pays. On vient au
non pas rectiligne, mais perpendiculaire au trait de Gabon par la mer, plus que par la route ! Les deux
côte  : au contact des mangroves qui couvrent plus principales villes du pays, Libreville et Port-Gentil,
de 2 540  km² au Gabon, soit 5 % des régions lit- ne sont d’ailleurs pas reliées par voie terrestre, si bien
torales ; par des estuaires profonds dont celui du
Komo qui, à plus de 75 kilomètres de l’embouchure,
1. On peut ainsi évaluer à l’échelle du bassin sédimentaire côtier,
dispose encore d’une largeur de 2 kilomètres et per- dont la surface est d’environ 48 000 km², les surfaces les plus impor-
met aux eaux marines de pénétrer sur 50 kilomètres tantes en eau (estuaires, lagunes et grands lacs), à un ensemble de plus
supplémentaires vers l’intérieur des terres ; par des de 3 000 km², soit environ 6,25 % de ce bassin sédimentaire.

21
Les régions littorales du gabon

zone contestée avec CAMEROUN qu’en dehors de l’avion, il est possible de retenir pour le Gabon le trait de
la Guinée Équatoriale
(environ 5 000 km²) GUINÉE c’est par bateau qu’elles côte lui-même, les rives des estuaires, des éléments
ÉQUATORIALE sont en relation. principaux du réseau hydrographique deltaïque et
les rives des lagunes. Tous ces linéaires représentent
Une fois assemblés,
OCÉAN des contacts de la terre avec des eaux sous influence
ATLANTIQUE LIBREVILLE les territoires terrestre
marine. Leur longueur cumulée est importante, avec
et maritime du Gabon
4 873  kilomètres de rivages littoraux. Sur ce total,
Port-Gentil Domaine terrestre forme un ensemble de
267 667 km² le trait de côte représente 955  kilomètres, les rives
ué près de 460  000  km²
des estuaires 610, celles des deltas 849 et les rives des
Og o o

Franceville (fig. 3), dont un peu plus


lagunes 2 459 (fig. 4).
de 191 000 km² pour le
domaine maritime. Ces 4 873 kilomètres de rivages littoraux sont tous
originaux par cette confrontation du domaine mari-
Le contact précis
time et du domaine terrestre, quelles qu’en soient les
entre la mer et la terre
Domaine maritime CONGO formes et les configurations. Par leur originalité du
présente lui aussi une
191 944 km² point de vue naturel, ils nécessitent tous une atten-
grande diversité et une
tion particulière et surtout la prise de conscience de
réalité souvent inconnue.
bin
da leur fragilité.
Ca Même si ce contact n’est
© IGARUN, Université de Nantes

territoire Gabonais RÉP. DÉM. pas toujours simple à


(total : 459 611 km²) DU CONGO Présentation du plan
N ville principale délimiter dans le détail2,
limite d’État ANGOLA Le présent ouvrage n’est pas un assemblage d’ar-
0 50 100 km
Source : Sea Around Us Project (2015) P. POTTIER, S. CHARRIER
ticles scientifiques limités à des objets de préoccupa-
2. Le contact de l’océan et du tion ponctuelle, ou même un numéro spécial d’une
Figure 3 - Les territoires continent offre une forme simple
terrestre et maritime du Gabon lorsqu’il s’agit du trait de côte (limite supérieure de la zone interti- revue scientifique. Il a été conçu comme un ouvrage
dale atteinte lors des plus hautes mers de vives eaux). Les contours transversal sur les régions littorales du Gabon, avec
des îles sont également comptabilisés dans le calcul du linéaire total des éléments de connaissance générale et synthétique,
de ce trait de côte. La limite des eaux marines et continentales est des données chiffrées de référence et des illustrations
plus difficile à appréhender, surtout au Gabon où la confrontation des graphiques, notamment une cartographie abon-
deux est très variée et peut s’effectuer en profondeur des terres. Ainsi,
les linéaires qui ont été retenus pour calculer les rives d’estuaire cor- dante, susceptibles d’apporter les éclairages les plus
respondent aux rives situées dès l’embouchure (à la limite transversale divers sur ces territoires si particuliers. Toutefois, les
de la mer) jusqu’à celles concernées par la remontée du jusant (sur contributions ne se limitent pas à un contenu acadé-
une distance de 120 kilomètres vers l’intérieur à partir de la pointe mique, mais au contraire, elles ont été largement cen-
d’Akanda pour l’estuaire du Komo, selon Mombo (1991). Pour les trées sur des problématiques de fond qui intègrent
rives deltaïques, ce sont celles des éléments principaux du réseau hydro-
graphique, dont l’embouchure au contact de la mer est au moins de
500 mètres de largeur, et qui s’étendent comme pour les estuaires aux selon Elf Gabon (1978). Pour les rives de lagune, elles sont retenues dès
limites de l’influence de la marée (sur une distance de 60 kilomètres la passe et pour la totalité du plan d’eau intérieur, y compris pour les
dans le cours inférieur de l’Ogooué à partir de la barre Azo Mitongo, rives des principales îles lagunaires.

22
Introduction générale

inévitablement des questions opérationnelles de gestion Estuaire du GUINÉE


Mouni ÉQUATORIALE
et d’aménagement des territoires. Ces contributions
Cocobeach
sont ainsi assemblées en deux grands axes de réflexion :
le premier est consacré aux interactions nature/société Baie de Trait de côte
la Mondah
dans ces territoires littoraux ; et le second est orienté (façade maritime de 955 km)
LITTORAL
vers les compréhensions des risques, aménagements et D’ESTUAIRES LIBREVILLE Ntoum
problématiques de gestion durable. Estuaire mo

Ko
du Komo Rive
L’ensemble est précédé d’un chapitre introductif qui Kango estuarienne (610 km)
permet dès le départ d’apprécier toute la profondeur deltaïque (849 km)
historique, géographique et anthropologique de cet es- lagunaire (2 459 km)
pace de contact qu’est le littoral. De la confrontation du

oué
Delta de Og o
peuple autochtone et des migrants ouest-africains, qui l'Ogooué Lambaréné
Lambaréné région littorale (45 954 km²)
ont ensemble produit à Port-Gentil un « grand miroir du (bassin sédimentaire émergé,

Ng
cosmopolitisme », il en ressort une curiosité plus aiguisée

ou
Port-Gentil hors surfaces des lagunes

nié
et estuaires qui représentent
pour ces régions littorales du Gabon. LITTORAL 2 104 km²)
DELTAÏQUE
Sur la première question de l’analyse des interactions
nature/société, quatre chapitres posent dans une pre- Lagune
Nkomi (558 km²) Hydrographie
mière partie consacrée à la mobilité des espaces et des
lac ou lagune
milieux naturels côtiers, les bases de la connaissance des Omboué
réseau hydrographique
paysages, de la faune, des reliefs et de la géomorpho- Lagune
principal
Iguéla (203 km²)
logie des régions littorales gabonaises. Ces regards sur
une nature si généreuse et remarquable n’excluent pas
l’homme, bien au contraire. En effet, dans tous ces do- OCÉAN ville principale
ATLANTIQUE Lagune
maines, la confrontation entre les sociétés et leur milieu Ndogo (503 km²) limite du bassin
sédimentaire côtier
éclaire déjà les impacts des pressions qui s’exercent. Ces
LITTORAL limite d’État
questions trouvent leur prolongement logique dans la LAGUNAIRE Gamba
partie suivante consacrée plus exclusivement aux pres-
sions anthropiques croissantes et aux recompositions
territoriales. Les deux premiers chapitres traitent de
l’espace maritime, pour illustrer la convoitise dont il est
© IGARUN, Université de Nantes

N
l’objet. Aux multiples usages et occupations qui en font Mayumba
Lagune (147 km²)
sous bien des aspects un monde aussi plein que celui de 0 50 100 km
Banio
la terre, viennent alors s’ajouter les questions juridiques CONGO
d’une convoitise territoriale qui oppose le Gabon à son Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER
voisin guinéen pour la reconnaissance de leurs ZEE. À
Figure 4 - Les rivages des littoraux du Gabon, trait de côte, estuariens, deltaïques et lagunaires
terre, c’est à partir du prisme du développement urbain
Les calculs présentés ici ont été réalisés à partir de la base de données vectorielles de l’Institut
National de Cartographie (INC), obtenue par numérisation des fonds de cartes topographiques au
1/200 000 dans le cadre du projet « Forêt et Environnement (PFE-1999/2000) ». Elle a été mise 23
à jour et modifiée en 2003 dans le cadre de la production de la « BD2 », puis à nouveau en 2008.
Les régions littorales du gabon

et des activités touristiques et de loisirs de proxi- droits souverains sur le plateau continental, souligne
mité que sont ensuite évaluées en deux chapitres les qu’à présent les ambitions du pays sont aussi tour-
recompositions territoriales en cours et les enjeux nées vers la mer. L’autre, avec la mise en place de la
qui accompagnent un développement trop brutal. politique nationale de la mer et le programme Gabon
L’occupation humaine croissante des régions litto- bleu, confirme que le pays est en train de prendre
rales en révèle alors toute la fragilité. conscience de l’intérêt de son espace maritime et par
extension de son littoral tout entier. La démarche ne
La seconde question des risques, des aménage- fait que conforter deux piliers de la nation gabonaise,
ments et des problématiques de gestion durable pro- inscrits dans les couleurs nationales qui unissent le
pose tout d’abord une première série d’éléments de Gabon vert au Gabon bleu.
réflexion, dans une partie consacrée aux risques na-
turels et anthropiques découlant des usages. Quatre Cet ouvrage qui regroupe 34 co-auteurs, à la fois
chapitres consacrés à la stabilisation du trait de côte, de l’Université Omar Bongo (UOB), de l’École Nor-
aux aménagements touristiques sur un site sensible male Supérieure de Libreville (ENS), de l’Université
confronté à l’érosion et la conservation de la nature, des Sciences et Techniques de Masuku (USTM),
aux impacts environnementaux du développement du Centre National de la Recherche Scientifique et
urbain de Libreville, et aux problèmes d’inondation Technologique (CENAREST), de l’Agence Nationale
et de submersion des villes côtières, rassemblent des Parcs Nationaux (ANPN), et de quelques-uns de
les éléments indispensables à l’évaluation des dif- leurs partenaires scientifiques français, notamment de
ficultés auxquelles les gabonais sont confrontées l’Université de Nantes et du CNRS, est destiné non
dans la perspective d’une gestion intégrée des zones seulement au monde scientifique, mais également à
côtières. La dernière partie, abordant les questions tous les acteurs institutionnels, politiques, adminis-
de développement durable et de gouvernance dans tratifs ou privés, nationaux comme internationaux
cette gestion intégrée, apporte quelques éléments intéressés par ces territoires littoraux qui concentrent
de réponse et souligne les efforts déjà consentis et à l’échelle mondiale, comme à celle du Gabon, une
ceux qui restent à mobiliser. Le premier chapitre population en croissance constante.
de cette partie présente les nouveaux outils de réor-
ganisation au service de la pêche artisanale, le deu-
xième traite de la conservation de la biodiversité et
le troisième s’interroge sur les défis à relever dans
le domaine de la production pétrolière pour porter
le Gabon au stade de l’émergence. Si ces contribu-
tions révèlent déjà l’attention nouvelle du Gabon
pour ses régions littorales, les deux derniers cha-
pitres la confirment plus nettement. L’un, à partir
de la mise en œuvre de la Convention des Nations
Unies sur le Droit de la Mer pour l’extension des

24
Introduction générale

Références
Elf Gabon, 1978. Reconnaissance bathymétrique du
delta de l'Ogooué-plan de situation des mires, rapport
SAOUT.
Lebigre J.-M., 1983. Le littoral du Gabon : aspects
géomorphologiques et biogéographiques, Institut Péda-
gogique National (IPN), Libreville, 58 p.
Mombo J.-B., 1991. La côte à rias du Gabon septen-
trional de Komo au Rio Mouni. Cadre physique et mor-
phologie littorale, Thèse de doctorat de Géographie,
Université de Bordeaux III, 311 p.
PSGE, République gabonaise, 2012. Plan Straté-
gique Gabon Émergent, Vision 2025 et orientations stra-
tégiques 2011-2016, République gabonaise, Libreville,
149 p. [URL : http://www.aninf.ga/telechargements/
PLAN%20STRATEGIQUE%20GABON%20
EMERGENT.pdf ].
Vande weghe J.-P., 2013. Loango, Mayumba et
le bas Ogooué, série Les parcs nationaux du Gabon,
ANPN-WSC, Libreville, 2e édition, 320 p.

25
Chapitre introductif - Peuple autochtone et migrants ouest-africains à
Port-Gentil, nomenclature et représentations du littoral atlantique
Marc-Louis ROPIVIA
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville

Port-Gentil, située à l’embouchure deltaïque du locales à travers une nomenclature indigène de la


fleuve Ogooué, est une ville portuaire occupant natu- côte ouest africaine retraçant les foyers de départ des
rellement une double position de contact entre la côte migrants.
et l’hinterland d’une part, et entre la côte et l’outre-
Dès lors, l’intérêt d’examiner les logiques des rap-
mer d’autre part. Depuis la fin du 19e siècle, au travers
ports interculturels résultant de ces contacts entre
des deux cycles consécutifs d’activités du bois et du pé-
autochtones et allogènes s’impose afin de mieux com-
trole, elle n’a cessé de concentrer toutes les attentions
prendre et expliquer les critères d’identification qui
en tant que capitale économique du Gabon. L’arrivée
ont permis de construire cette nomenclature. Deux
récente, il y a à peu près une vingtaine d’années, de
questions vont ainsi servir de fil conducteur à notre
nouvelles communautés plus dynamiques (libanaises,
argumentaire. Comment les Orungu sont-ils arri-
maliennes, marocaines) pourrait faire oublier le rôle
vés à désigner et à distinguer les différents peuples
majeur joué naguère par les peuples côtiers ouest-afri-
d’Afrique de l’ouest qui se sont établis à Port-Gentil
cains dans l’essor économique et le cosmopolitisme
? À partir de quel vécu, de quel perçu et de quelles
de la ville.
activités économiques ou socioculturelles sont-ils par-
En effet, depuis sa fondation en 1880, sous le nom venus à les identifier et à les caractériser ?
de Cap Lopez, en tant qu’entrepôt de la Mission de
l’Ouest Africain de l’explorateur Pierre Savorgnan de D’une icône milicienne à la désignation
Brazza et au fil du développement de ses activités éco- autochtone de la Sénégambie et
nomiques de comptoir sous le sceau de l’entreprise du golfe de Guinée
maritime avec les Chargeurs Réunis, Compagnie Pour les Orungu, le littoral ouest-africain, avec ses
Française d’Afrique Occidentale (CFAO), Compa- différentes désignations, Sénégambie, Rivières du Sud,
gnie Commerciale d’Afrique Équatoriale Française Côte des Graines, Côte d’Ivoire, Côte de l’Or, Côte des
(CCAEF), Société Ouest Africaine d’Entreprise Ma- Esclaves (fig. 1), plus communément appelé « Guinée
ritime (SOAEM), son histoire n’a pu être dissociée Supérieure » dans l’historiographie européenne des côtes
des migrations des différents peuples côtiers et des africaines du 16e siècle, porte globalement un nom  :
vagues d’importation des travailleurs étrangers de Oronga. Cependant, cette première catégorisation géo-
l’ouest africain qui ont contribué à forger son cos- graphique induit tout de même une subdivision en
mopolitisme. C’est sans doute ce dernier aspect qui
deux sous-ensembles : Ghorè et Oronga proprement dit.
permet d’entrevoir aujourd’hui toute la profondeur
historique, géographique et anthropologique des
Ghorè ou la Sénégambie
relations que les Orungu, peuple autochtone de la
ville de Port-Gentil et sa région, ont tissé avec cer- Le premier sous-ensemble, chronologiquement identi-
taines communautés littorales ouest-africaines, dont fié par les Orungu, est constitué par la côte de Sénégam-
l’ancrage dans la ville a façonné les représentations bie et ses dépendances mandingues. Elle sera désignée

27
Les régions littorales du gabon

20° O 10° O 0° 10° E 20° E


De ces premiers sénégalais et surtout de leur chef, le
Sergent Malamine, grande icône de la milice coloniale

© IGARUN, Université de Nantes


20° N
MALI au Gabon et au Congo, les Orungu en feront un sté-
Nouakchott MAURITANIE
Ni g er
NIGER réotype anthropomorphique désignant le Ghorè, c’est-

à-dire le Sénégalais, comme un individu de grande
Sénégamb


TCHAD
ga l

Dakar SÉNÉGAL taille, de stature imposante, de couleur noire d’ébène


GAMBIE Ga Niamey Lac Tchad
et d’apparence méchante, voué à une tâche de gar-
ie

Banjul bi Bamako BURKINA


m

Bissau Ndjamena
diennage et de maintien de l’ordre dans l’appareil ad-
e

FASO
GUINÉE-
GUINÉE Tch ad
Riv

BISSAU BÉNIN NIGÉRIA ministratif colonial. C’est dès cette époque que nais-
ièr

Lo

10° N
Conakry
sent l’image et l’appellation de Ghorè pour désigner
es

gone
SIERRA o
d

Com oé

Freetown TOGO Bén


uS

LEONE CÔTE
Cotonou Lagos jusqu’à aujourd’hui les forces de police ou de gendar-
ud

LIBÉRIA D’IVOIRE GHANA


Monrovia
Lomé
RÉP.
CENTRAFRICAINE merie nationales en langue orungu et, par extension,
Accra Port Douala ana ga en langue omyènè.
Abidjan
ou

e S
Cô t

e d des Harcourt

t

e l Gr CAMEROUN
a M ain Côte des Es c Bata Par ailleurs, cette période de contacts entre les
ala es r la v es
gue de l’O G. ÉQ. Orungu et les Ghorè s’est profondément inscrite dans
OCÉAN tte Côte Libreville
Côte d’Ivoire ué CONGO
ATLANTIQUE goo la patronymie. En descendant plus au sud de la Sé-


Port-Gentil
O

GABON o
ng
négambie, on retrouve des noms de l’actuelle Répu-
Co
RÉP. DÉM. DU
Mayumba Brazzaville CONGO blique de Guinée, à consonance mandingue, mêlés
dénomination de la côte ouest-africaine par les européens Pointe Noire
Kinshasa à la grande vague des Ghorè. Ainsi, sans distinction
réseau hydrographique principal Cabinda
N
particulière de leur lieu d’origine, les Orungu consi-
ANGOLA
ville principale dèrent grosso modo que les anciens géniteurs des actuels
limite des États actuels 0 250 500 km Source : J.-P. Chauveau (1991) Kièrino (Tierno), Sidiya (Sidi), Sada, Touré, Camara
M. L. ROPIVIA, S. CHARRIER
et Diara, qui constituent, à la fin du 19e siècle, la pre-
mière vague de populations côtières ouest-africaines à
Figure 1 - Nomenclature de
la côte ouest-africaine dans
s’installer à Port-Gentil, sont à rattacher à un même
l’historiographie européenne
par l’ethno-toponyme de Ghorè (fig. 2). En effet, c’est mouvement de déplacement des Ghorè depuis les
au XVIe siècle à partir de 1875, dans le sillage des missions d’explora- côtes du Sénégal et de la Guinée.
tion de Pierre Savorgnan de Brazza, que les Orungu font
connaissance avec les miliciens ou tirailleurs sénégalais
Oronga ou le golfe de Guinée supérieur
provenant de la base militaire française de Gorée. Ils sta-
tionnent à Port-Gentil dont le poste créé est baptisé Cap Le deuxième sous-ensemble est le golfe de Guinée
Lopez pour servir d’entrepôt à toute la logistique d’ex- proprement dit. Plus précisément, il s’agit de la rive
ploration de l’Ogooué. C’est à ces Sénégalais qu’incom- nord de la grande échancrure qui, depuis le Cap des
bent notamment les tâches principales de gardiennage Palmes au Libéria jusqu’au delta du Niger au Nige-
de la station et de sécurité de l’expédition dans l’itiné- ria, pénètre dans le centre du continent. Ce littoral
raire de l’explorateur. Du coup, tout le Sénégal, dans la aura été la zone la plus pourvoyeuse en communautés
conception orungu, est assimilé à l’île de Goré. ouest-africaines de la ville de Port-Gentil.

28
Peuple autochtone et migrants ouest-africains à Port-Gentil, nomenclature et représentations du littoral atlantique

C’est sans doute la naissance, en 1889, de la Com- 20° O 10° O 0° 10° E 20° E

pagnie maritime Les Chargeurs Réunis1 et le début, au

© IGARUN, Université de Nantes


20° N
départ de Bordeaux, de ses escales sur la côte occiden- MALI
tale d’Afrique qui donnèrent une grande impulsion au Nouakchott MAURITANIE
NIGER
Ni g er
déplacement des personnels africains subalternes de Sé

l’administration coloniale et des compagnies privées

gal
Dakar SÉNÉGAL TCHAD

d’import-export vers le golfe de Guinée méridional ; GAMBIE Ga Niamey Lac Tchad


Banjul b ie Bamako BURKINA

m
et particulièrement vers la colonie du Gabon en plein GHORÈ Bissau FASO
Ndjamena
essor en raison de l’intense et très rentable activité GUINÉE- GUINÉE
BÉNIN
T ch ad
BISSAU Conakry NIGÉRIA

10° N
d’exploitation du bois dont Port-Gentil constituait ué
Lo

gone
SIERRA é no
déjà le centre névralgique. Compte tenu de la régu-

Co m oé
Freetown LEONE CÔTE TOGO B
GHANA Cotonou Lagos
larité de la ligne de transport maritime, ces déplace- LIBÉRIA D’IVOIRE Lomé
Accra L Port RÉP.
ments de personnels s’accompagnèrent de la migration
Monrovia Popo égh Harcourt CENTRAFRICAINE
Abidjan Amina Douala Sa na
ga

oss
massive d’autres catégories de populations et de pro-

i
A duyé Kala b a
CAMEROUN
fessionnels. Ce mouvement de descente des peuples OCÉAN Bata
A
ouest-africains vers le sud du golfe de Guinée s’accen- ATLANTIQUE OR ONG G. ÉQ.
Libreville ué CONGO
tua entre 1927 et 1947 avec la mise en service de trois goo


Port-Gentil

O
o
paquebots, Brazza, Foucauld et Général Leclerc dont les GABON ng

Co
RÉP. DÉM. DU
escales africaines au départ de Bordeaux étaient les sui- } dénomination de la côte ouest-africaine par les Orungu Mayumba Brazzaville CONGO
vantes : Dakar (Sénégal), Conakry (Guinée), Monro- réseau hydrographique principal Pointe Noire
Kinshasa
via (Libéria), Sassandra (Côte d’Ivoire), Abidjan (Côte N
Cabinda
ville principale
d’Ivoire), Lomé (Togo), Cotonou (Dahomey), Lagos L O A NGO ANGOLA
(Nigeria), Douala (Cameroun), Libreville (Gabon), limite des États actuels 0 250 500 km
M. L. ROPIVIA, S. CHARRIER
Port-Gentil (Gabon), Pointe-Noire (Congo) (fig. 3).
Figure 2 - Nomenclature et
Comme les Orungu s’étaient déjà familiarisés avec représentation de la côte
les originaires des deux premiers arrêts, il leur restait ouest-africaine par les Orungu
confrontées à des problèmes locaux de qualification
maintenant à découvrir les communautés provenant
de la main-d’œuvre, importèrent des pays de la côte
des autres escales de la côte ouest que la prospérité du
ouest-africaine les travailleurs dont ils avaient besoin
Gabon colonial de l’entre-deux guerres et du deuxième
pour mieux rentabiliser leurs sociétés. Affluèrent
après-guerre allait drainer vers sa capitale économique.
alors à Port-Gentil : des employés de chargement des
Les compagnies coloniales d’import-export, les entre-
grumes et de déchargement des marchandises en rade
prises œuvrant dans le domaine d’exportation du bois,
foraine ; des dockers et des personnels d’entretien des
d’autres encore travaillant dans les activités de transit,
navires ; des cadres moyens dans les domaines de la
comptabilité et du dédouanement ; des mécaniciens
1. L’historique de cette compagnie est évoqué dans le site web figu- dans l’entretien des remorqueurs marins qui reliaient
rant dans les références. les navires en rade et le wharf. Et cette main-d’œuvre

29
Les régions littorales du gabon

20° O 10° O 0° 10° E 20° E profondeurs). La raison serait sans doute liée au fait
que le peuple autochtone les avait vu débarquer de

© IGARUN, Université de Nantes


20° N
MALI grands navires qui non seulement surgissaient du grand
Nouakchott MAURITANIE
NIGER
large profond, lointain et mystérieux pour un peuple
côtier sans grande culture ni envergure maritime2 mais
Dakar SÉNÉGAL TCHAD encore mouillaient en rade, c’est-à-dire en grande pro-
GAMBIE Niamey
Banjul GUINÉE- Bamako BURKINA
fondeur, avant l’acheminement des passagers à terre.
Ndjamena
Bissau
BISSAU FASO Plus tard, ce toponyme et cette désignation des ressor-
GUINÉE
BÉNIN tissants ouest-africains s’imposèrent véritablement dans
Conakry

10° N
SIERRA
TOGO NIGÉRIA la langue locale lorsque les autochtones, après avoir
CÔTE GHANA
Freetown LEONE Cotonou réalisé que les communautés de pêcheurs allogènes ins-
LIBÉRIA D’IVOIRE Lomé
Lomé Lagos
Accra Port RÉP. tallées dans le village côtier du Cap Lopez utilisaient
Monrovia Harcourt CENTRAFRICAINE
Abidjan
Douala la senne comme engin de pêche le long de la façade
CAMEROUN atlantique, se convainquirent que, contrairement à eux
OCÉAN Bata dont l’activité s’exerce en milieu deltaïque, ces pêcheurs
ATLANTIQUE Libreville G. ÉQ.
GABON CONGO étaient bien des gens de mer, des connaisseurs du grand


Dakar Port-Gentil large et des spécialistes de la grande profondeur.
port d’embarquement RÉP. DÉM. DU
Mayumba CONGO
foyer de départ Brazzaville
Ethnographie et représentations
direction du flux migratoire
N
oi Noire
Pointe
Cabinda
Kinshasa des Orungu du golfe de Guinée
ville principale
ANGOLA septentrional
limite des États actuels 0 250 500 km
M. L. ROPIVIA, S. CHARRIER Si le terme Mong’oronga demeure une désignation
générique des peuples du golfe de Guinée septentrio-
Figure 3 - Ports et escales nal (ou Guinée supérieure), quels peuvent donc être
maritimes d’émigration vers
Port-Gentil de 1900 à 1960
ouest-africaine importée par la SHO, les Chargeurs
Réunis, Delmas Vieljeux, la CFAO, la Société des 2. La littoralité, phénomène plus large et englobant la maritimité, est le
Pétroles d’Afrique Équatoriale Française (SPAEF), etc. résultat de l’adaptation des communautés humaines dans un environne-
provenait principalement du Libéria, de Côte d’Ivoire, ment littoral. Elle peut s’exprimer à travers quatre dimensions : lagunaire,
estuarienne, deltaïque, maritime. C’est dans cet esprit qu’il convient de
du Togo, du Dahomey et du Nigeria. C’est ce littoral préciser que les Orungu, à l’instar des autres peuples côtiers du Gabon, ne
nord du golfe de Guinée allant du Libéria au Nige- sauraient être considérés comme des peuples marins à proprement parler.
ria, et dont les communautés étrangères de travailleurs À ce jour, nous n’avons aucune connaissance indiquant qu’ils ont pu déve-
avaient été acheminées à Port-Gentil par les bateaux de lopper, en matière de génie hydrodynamique (notamment de construction
la ligne de transport maritime des Chargeurs Réunis, navale), d’aérodynamique (voilure) et de pêcherie (engins et techniques),
les aptitudes et les habiletés qui leur auraient permis d’exercer une activité
que les Orungu vont appeler Oronga (le grand large, techno-économique reliée à la haute mer. Ils restent tout simplement une
les grandes profondeurs), et ceux qui en provenaient population de littoralité purement deltaïque, c’est-à-dire limitée à un mi-
Mong’oronga (ceux du grand large, ceux des grandes lieu hydrique où partout la terre n’est jamais loin.

30
Peuple autochtone et migrants ouest-africains à Port-Gentil, nomenclature et représentations du littoral atlantique

distinctement ces communautés que les Orungu ont fluviale des radeaux de bois a d’abord été expérimenté
eu à connaître, et comment ont-ils forgé l’image qui a en Côte d’Ivoire par les compagnies commerciales pri-
servi à cette identification ? vées. Et les Orungu ne pouvaient que s’étonner à propos
de la dation des noms de bateaux qui ne représentaient
Aduyé aucun lieu de leur pays ou n’avaient aucune significa-
tion dans leur langue. C’est donc, semble-t-il, en dé-
L’enquête menée auprès de familles orungu les plus couvrant les noms de Adjamé 4 (photo 1), Dimbokro ou
anciennes de Port-Gentil en vue d’aboutir à l’identifi- Sassandra qu’ils purent réaliser que ces localités apparte-
cation ethnique précise de ce groupe n’a jusqu’à pré- naient au pays Oronga et qu’ils firent alors connaissance
sent donné aucun résultat significatif. Il n’est pas exclu avec les peuples
qu’à l’avenir, un approfondissement des recherches qui en étaient ori-
permette de clarifier cet endonyme quelque peu énig- ginaires.
matique. Cependant, l’origine géographique et l’acti-
vité principale des Aduyé à Port-Gentil restent gravés Les Orungu
dans la mémoire collective des Orungu. Dans la me- considéraient les
sure où certains d’entre eux étaient anglophones3 et la Aduyé comme
grande majorité francophone, il est aisé de situer leur les individus les
espace matriciel aux confins du Libéria et de la Côte mieux rompus
d’Ivoire, et principalement en pays Kru. Mais à vrai dans le métier,
dire, ils étaient plus représentatifs d’une large portion chez eux nais-
du littoral de la Côte d’Ivoire incluant d’autres com- sant, de docker et
munautés côtières des ports ou localités de San Pedro, dans l’exercice des
Sassandra, Abidjan et Grand Bassam. tâches se situant
entre le wharf et le
Si l’on se fie à l’iconographie maritime des côtes du navire. Ils leur re-
Gabon au début du 20e siècle, entre 1900 et 1910, connaissaient une
cette portion du golfe de Guinée peut être considérée expertise sans égal Photo 1 - Le bateau « Adjamé »
comme ayant entretenu les relations les plus intenses en natation. On raconte que dès le mouillage, c’est à la des Chargeurs Réunis à Port-
avec Port-Gentil. On peut même faire l’hypothèse que nage qu’ils rejoignaient le bateau pour aller vaquer aux
Gentil en 1900
le modèle d’organisation des premiers transports flu- (Gabon A.E.F., BR.)
menus emplois de transbordement des marchandises, de
viaux entre Port-Gentil et Lambaréné ou de traction nettoyage, de peinture, puis d’embarquement des billes
d’okoumé. C’est surtout dans ce dernier aspect qu’ils se
3. Il est utile de rappeler que : « En 1900, le Gabon était desservi par
deux compagnies maritimes françaises : les Chargeurs Réunis venant 4. La photo de ce bateau à aubes des Chargeurs Réunis, ici repro-
du Havre et la compagnie Frayssinet de Marseille ; deux anglaises : The duite et empruntée, représente le navire en cale sèche en 1900. Avec
African Steam Ship Company et The British African Steam Navigation Dimbokro et Sassandra, ces trois noms de bateaux ayant navigué
Company au départ de Liverpool ; une allemande, Woermann, venant à Port-Gentil et sur le fleuve Ogooué sont des toponymes de Côte
de Hambourg… » (Le Carpentier et Walter, 1993). d’Ivoire (Le Carpentier et Walter, 1993).

31
Les régions littorales du gabon

8° 45’ E 8° 50’ E 8° 55’ E


Pedro, de l’auteur de ce chapitre avec trois anciennes
village Cap Lopez
familles d’employés revenues dans leur foyer d’origine
pêcheurs zone de pêche en milieu océanique suite au déclin de la filière portgentillaise du bois qui
Amina s’amorçait à la fin de la décennie 1970.
zone de pêche en milieu deltaïque

extension de la zone deltaïque Amina

0° 40’ S
En cette première décennie du 20e siècle, comme
dans le cas du groupe précédent, les Orungu sont
Baie du entrés en contact avec des membres d’une commu-
Cap Lopez nauté ouest-africaine qu’ils ont appelé Amina, dont
certains parlaient également anglais (Le Carpentier et
VILLE
Walter, 1993). Deux toponymes de la côte du golfe de
DE
Guinée, sans doute revendiqués par les nouveaux ar-
PORT-GENTIL
rivants, paraissent avoir inspiré aux Orungu la déno-
village mination de Amina. Il s’agit des localités de El Mina

0° 45’ S
OCÉAN pêcheurs en Côte de l’Or (actuel Ghana) et de Mina au Togo.
ATLANTIQUE Popo
La rencontre des Orungu et des Amina se rattache,
chez les premiers, aux spéculations sur les origines de
leur activité économique la plus emblématique : la

© IGARUN, Université de Nantes


village de pêcheurs allogènes Tchengué
village pêche à la sardine (Ethmalosa fimbriata) au moyen du
village orungu ou localité voisine filet ou épervier (mbuza, en langue orungu). D’après
de Port-Gentil N
les anciens et les sources orales les plus concordantes,
emprise urbaine de Port-Gentil
0°50’ S

cet engin de pêche aurait été inconnu des Orungu


0 2 4 km
réseau routier principal jusqu’à l’arrivée des Amina. C’est la raison pour la-
quelle ils le baptisèrent du nom de ceux qui l’intro-
Source : carte topographique INC-Gabon M. L. ROPIVIA, S. CHARRIER duisirent, à savoir Ogol’amina, littéralement le fil (ou
Figure 4 - Implantations des
la corde) des Amina. Et le débat reste ouvert quant à la
pêcheurs ouest-africains à vérification de cette hypothèse. Cependant, leur tradi-
sont parfaitement illustrés. Leur talent se manifestait en
Port-Gentil tion de pêche à la senne en hautes vagues le long de la
s’immergeant pour enrouler la bille d’un filin métallique
côte houleuse de l’Atlantique conduisit des migrants
avant sa traction et son chargement par le mât du navire.
pêcheurs de leur communauté à s’établir sur la façade
Le témoignage le plus authentique de cette présence atlantique du Cap Lopez (fig. 4). L’anglophonie de
ivoirienne à Port-Gentil à l’époque florissante de certains membres de ce village, notamment pour les
l’économie du bois (années 1950, 1960 et 1970) où individus aujourd’hui âgés de plus de soixante-cinq
le chargement des grumes ne s’interrompait jamais, ans et appartenant à la deuxième génération, suggère
fut la rencontre en 1989, dans la ville portuaire de San qu’ils venaient sans doute de l’actuel Ghana.

32
Peuple autochtone et migrants ouest-africains à Port-Gentil, nomenclature et représentations du littoral atlantique

Popo pagnes, des cosmétiques et des ustensiles. La plus


Il s’agit vraisemblablement de la plus importante grande partie de ces activités commerciales était prin-
communauté ouest-africaine ayant émigré à Port-Gen- cipalement exercée par les femmes popo. Il semble
til. Pour les Orungu, cette communauté provenait des bien que c’est avec l’arrivée de cette communauté que
escales maritimes de Lomé et de Cotonou. Ces mi- la notion de marché, en tant que lieu de rassemble-
grants disaient qu’ils appartenaient au peuple popo qui ment des petits commerçants détaillants, s’organise
s’étendait des côtes du Togo à celles du Dahomey (ac- réellement à Port-Gentil. Il est également nécessaire
tuel Bénin) mais dont le cœur véritable est la localité de de souligner que l’on doit aux Popo la concentration
Grand Popo. C’est pour cette raison que les Orungu du premier grand village de pêcheurs ouest-africains,
ont fini par appliquer cette appellation de manière in- toujours en activité au sud de Port-Gentil au quar-
distincte aux ressortissants de ces deux pays. Quand tier Atanda (les palétuviers). Contrairement à ceux du
bien même ils vinrent plus tard de Porto Novo (Bénin) Cap Lopez, les pêcheurs popo sont plutôt de type del-
ou d’ailleurs de l’intérieur ou du littoral de ces deux taïque ou lagunaire (fig. 4).
pays, l’appellation de Popo, déjà enracinée, continua de Le caractère trop entreprenant de cette communau-
désigner globalement l’ensemble de la communauté da- té et surtout des femmes popo ne manqua pas d’être
ho-togolaise5, encore appelée aofienne6, de Port-Gentil. perçu comme trop envahissant ou carrément agressif
Outre leur nombre et les emplois qualifiés occupés par les femmes orungu qui se sentaient évincées de
dans les compagnies coloniales ou commerciales ma- l’activité du petit commerce. C’est donc, semble-t-il, à
ritimes privées, les Popo, surtout depuis leurs vagues partir du marché que la tension commença à monter.
d’arrivée les plus massives qui remontent à la fin de L’enjeu était la reconquête d’une position d’actrices
la deuxième guerre mondiale, se sont immédiatement par les femmes autochtones. Mais face à un peuple
distingués par un dynamisme accru dans les métiers de longue tradition commerçante, au savoir-faire
du commerce de détail (boutiques, échoppes, débits pluriséculaire, les femmes orungu ne pouvaient faire
de boissons), les petits métiers du commerce étalagiste front. Et l’irréparable se produisit lorsque, en 1953,
de rue, la vente du poisson, des nourritures ambu- les hommes décidèrent d’une action punitive contre
lantes (beignets, riz, croquettes)7, du commerce des l’ensemble de la colonie popo de la ville. Cet épisode
d’affrontement entre Orungu et Popo est inscrit dans
la mémoire collective portgentillaise sous la désigna-
5. Dans l’imaginaire orungu, les communautés originaires du Da- tion de Igowi gni popo (la guerre contre les Popo). Il
homey et du Togo étaient si ressemblantes en termes d’habillement, revient maintenant aux historiens de nous renseigner
d’activités culturelles, commerciales et d’habitat qu’il était impossible
de les distinguer ou de les dissocier ; d’où l’assimilation instinctive et de rétablir la vérité sur ce moment de coexistence
fondée sur cette similitude observée. douloureuse entre les deux communautés.
6. Désignation quelque peu péjorative des originaires d’Afrique Il reste enfin à souligner que de nombreuses fa-
Occidentale Française (AOF). milles popo ont fait souche à Port-Gentil. Lorsque
7. Les appellations les plus courantes des vendeuses étaient maman- leurs patriarches, au gré des vicissitudes des relations
riz ou maman-gâteau. internationales postcoloniales, ont dû repartir dans

33
Les régions littorales du gabon

leurs pays d’origine, ils ont légué les grandes familles de là qu’ils auraient rallié Port-Gentil. À partir d’un
gabono-béninoises, gabono-togolaises et celles natu- tel scénario, on peut très bien comprendre qu’en y
ralisées ou définitivement installées. Parmi les grands arrivant, ils se soient fondus dans la communauté
noms aofiens qui peuplent le paysage patronymique allogène qui leur était culturellement la plus proche,
de Port-Gentil, on retrouve les Adéchan, Adétola, Ad- en l’occurrence celle des popo, tout en maintenant
jovi, Afanou, Akakpovi, Amégasse, Azokri, Cosme, leur particularisme. Alors qu’ils pratiquaient le même
Dalmeida, Dègnon, Dick, De Medeiros, Dodo, Do- type d’activités commerciales que les Popo ou les Ao-
régo, Dossa, De Souza, Foli, Golon, Hounkpounou, fiens, les Orungu, surtout après les affrontements in-
Houssou, Johnson, Kakpo, Kingbo, Kodjo, Kotokoli, tercommunautaires de 1953, apprirent à respecter la
Lawson, Lima, Mensah, Paraiso, Plaka, Quenum, différence qu’eux-mêmes ont dû revendiquer. Dans la
Soumaho, Yovo, pour ne citer que ceux-là. mesure où un grand nombre d’entre eux étaient is-
lamisés, ils allèrent grossir le quartier musulman de
Léghossi la Mosquée appelé Osseng’Haoussa (le sanctuaire des
Haoussa) en langue orungu (Ehazouambela, 2012).
La ville de Lagos (Nigeria) en tant qu’escale mari- Ainsi, par affinités religieuses, les Orungu assimilè-
time de la Compagnie des Chargeurs Réunis a certai- rent-ils les Léghossi aux Haoussa.
nement contribué, de manière infime soit-elle, dans la
fourniture de migrants à Port-Gentil, car les Orungu Kalaba
dénommaient Léghossi (ou Laghossi) une certaine ca-
tégorie de ressortissants aofiens. En effet, c’est vrai- Ils ne font pas partie des vagues précédentes des mi-
semblablement du nom Lagos que vint cette défor- grants historiques. Les Kalaba ne fréquentent que trop
mation. On aurait pu s’attendre à ce que ces Léghossi récemment le pays orungu, certainement depuis une
fussent locuteurs de langue anglaise. Il n’en fut rien. dizaine d’années suite à la destruction par les forces
de sécurité, au début de la décennie 2000, de leurs
Pour comprendre l’origine de ce fragment de com- campements de pêcheurs de la région de Libreville
munauté, il faudrait se rappeler que la côte est de l’an- et de la dispersion qui en résulta. Ils ne constituent
cien Dahomey et la côte ouest du Nigeria sont peu- pas véritablement une communauté clairement loca-
plées de l’ethnie Yoruba dont la ville de Lagos en est lisable dans l’espace portgentillais. Il s’agit plutôt d’un
devenue la métropole coloniale. En l’état actuel des groupe plus connu depuis longtemps par les Mpon-
connaissances, il serait difficile de dire quelles furent gwè de l’Estuaire du Gabon et les populations de la
exactement les motivations, autres que commerciales, Baie de la Mondah dont ils situent l’origine à la ville
qui ont suscité leur installation à Port-Gentil. Cepen- de Calabar (Nigeria) et ses environs dans le delta du
dant, l’on pourrait supposer que, ceux qui ont été Niger. Cependant, leur présence en pays orungu peut
appelés Léghossi par les Orungu seraient sans doute être maintenant signalée, puisque l’usage de cet exo-
des Yoruba francophones (provenant du Dahomey) ethnonyme signifie que leur identification est désor-
ayant peut-être longtemps séjourné et entrepris des mais clairement établie en Ogooué-Maritime. Leur
activités commerciales dans la ville de Lagos. Et c’est activité principale est la pêche en milieu deltaïque.

34
Peuple autochtone et migrants ouest-africains à Port-Gentil, nomenclature et représentations du littoral atlantique

Cela explique pourquoi on les retrouve pratiquant et Ngola, la plaine de Mbinda, le lac Ompindi a loango
celle-ci au cœur du canton Océan et du pays orungu, (campement des Loango), un sous-groupe ethnique
en milieu de palétuviers, dans les différents bras de aujourd’hui omyènisé dénommé Ivili, un patronyme
l’Ogooué et chenaux de marée du delta maritime. À répandu de Moaloango (fils de Loango). Ce qui re-
Port-Gentil même, dans leur habitat, ils sont mélan- lève ici du constat empirique, corroboré par des re-
gés aux pêcheurs popo. présentations cartographiques sommaires d’extension
du royaume Loango au 17e siècle, demande à être
Loango ou le littoral méridional confirmé ou infirmé à l’avenir par des investigations
du golfe de Guinée beaucoup plus rigoureuses d’historiens outillés.
La « Guinée inférieure » décrite par les navigateurs et La période coloniale semble plus précise dans les
explorateurs de côtes africaines aux 16e et 17e siècles contacts entre Orungu et Loango. La première rai-
correspond au littoral méridional du golfe de Guinée, son tient au fait que la ville de Pointe-Noire, espace
celui qui va du sud du Cameroun à la frontière de matriciel du peuple loango, a appartenu au territoire
l’Angola avec la Namibie. Pour les Orungu, cette sec- gabonais jusqu’en 1918, date à laquelle elle est défi-
tion de la côte est attachée au nom évocateur d’un nitivement cédée à la République du Congo (Ropivia
pays, d’un peuple et d’une histoire : Loango. et Djéki, 1995). La deuxième est liée à la facilité des
communications entre Port-Gentil et Pointe-Noire
Bien qu’émanant du golfe de Guinée méridional dès l’entrée en service, au début du 20e siècle, de la
et ayant débarqué à Port-Gentil par le grand large, ligne de transport maritime des Chargeurs Réunis.
les Loango (ou Vili) ne jouissent pas de l’appellation Puisque les périodes précoloniale et coloniale ont créé
de Mong’oronga. La raison en est sans doute qu’ils un continuum culturel entre les populations côtières
n’étaient pas des nouveaux venus en pays orungu. allant du Cap Lopez à Pointe-Noire, et que par ail-
D’abord, la tradition orale la plus vivace aujourd’hui leurs les Loango n’ont pas eu à changer de pays en
renseigne sur un itinéraire de peuplement et sur la tant que gabonais d’origine, on peut les considérer
formation de l’ethnie orungu à partir de certains comme les premiers à s’installer à Port-Gentil et à
clans provenant du Loango. Tels sont les cas des s’illustrer dans les petits métiers dont le profession-
Anori, Ayamba, Apessi. Puis, au 17e siècle, à l’époque nalisme a eu à susciter un intérêt particulier pour la
où, émancipés du Royaume de Kongo, les Loango à communauté blanche coloniale. Et cette dernière les
leur tour constituent un royaume autonome dont la employait comme personnel domestique : cuisinier,
capitale est Loango (actuelle ville de Pointe-Noire), tailleur, coiffeur, jardinier. Tous ces contacts anciens
leur influence se serait étendue jusqu’en pays orungu. laissent supposer que les Loango ont eu à constituer
L’on suppose que cette présence historique précolo- la communauté allogène la mieux intégrée et la plus
niale est encore attestée de nos jours par une topo- présente dans la mémoire collective des Orungu. Les
nymie révélatrice dans la région avoisinante de Port- patronymes qui témoignent de l’osmose culturelle
Gentil, aussi bien dans le delta intérieur que dans le entre les deux peuples côtiers sont les Bouanga, Kam-
delta maritime. On y retrouve les villages de Luanda bissi, Loembè, Mabiala, Makaya, Makosso (Akosso),

35
Les régions littorales du gabon

Mavungu (Avungu), Mbatchi, Ngoma, Nzenzé, Pam- l’ouest africain. De cette différenciation socioculturelle
bo, Pandzu (Pandjo), Poati, Souami, Tchibinda, etc. fondée sur l’identification des origines géographiques
Il a fallu que survienne la crise gabono-congolaise de des migrants va naître, chez les Orungu, la nomencla-
1962 avec ses rapatriements réciproques de popula- ture endogène du littoral ouest-africain.
tions pour que s’étiole le sentiment d’appartenance Il en résulte finalement un espace littoral subdivisé
des Loango à Port-Gentil. Ceux originaires de Pointe- en trois entités : Ghorè ; Oronga ; Loango (fig. 2). Si la
Noire ont regagné le Congo malgré eux, tandis que première et la troisième, situées aux deux extrémités,
ceux de Mayumba sont restés gabonais et ont conti- correspondent dès les origines à des peuples ou na-
nué de vivre et de prospérer dans le sol portgentillais tionalités actuelles clairement identifiés (Sénégalais et
qui les a vus naître. Vili), il reste que le rayonnement de leurs ressortissants
dans l’essor économique et culturel de la ville n’a pas
Conclusion été aussi éclatant. Par contre, l’entité de la charnière
Les Orungu, peuple deltaïque de l’embouchure de centrale, Oronga, de par sa diversité et son enchevêtre-
l’Ogooué, arrivés à leur finistère du Cap Lopez n’ont osé ment ethnoculturel avec Aduyé (Libériens, Ivoiriens),
affronter le grand large, la haute mer, pour connaître la Amina (Ghanéens, Togolais), Popo (Togolais, Béni-
géographie du golfe de Guinée, telle que construite par nois), Léghossi, Kalaba (Nigerians), tous générique-
les explorateurs européens depuis le 16e siècle. Ils n’ont ment appelés Aofiens, peut être considérée comme
été non plus ni navigateurs ni migrants océaniques celle ayant fourni le plus gros contingent de com-
pour essaimer le long des côtes de cet espace mari- munautés extérieures qui ont fait de Port-Gentil un
time. Cependant, leur pays, la ville de Port-Gentil et des grands miroirs du cosmopolitisme parmi les villes
sa région avoisinante, aura été durant près d’un siècle portuaires de l’ouest africain. L’apport de ces commu-
(le 20e) le centre névralgique d’exportation du bois de nautés dans l’évolution culturelle de la ville demeure
toute la côte ouest-africaine. Cette activité dynamique incontestable. Elle s’est traduite par la structuration
et prospère a attiré les grandes compagnies coloniales du marché, l’implantation de la mosquée et la conso-
d’import-export, les grandes compagnies maritimes lidation de la communauté musulmane, l’impulsion
de transport ainsi que celles qui exerçaient dans la du commerce de détail et sa généralisation dans les
réparation navale. Sous l’impulsion de ces dernières, quartiers africains, la forte implication dans le cham-
le besoin de main-d’œuvre qualifiée, dont la ville de pionnat de football avec les deux clubs de l’Amanco et
Port-Gentil ne disposait pas, a fait converger vers elle de la Lorraine (début de la décennie 1950), la création
des travailleurs immigrés appartenant à différentes eth- des deux grands villages de pêcheurs aujourd’hui les
nies de la côte occidentale d’Afrique. Le contact des plus emblématiques de la présence ouest-africaine à
Orungu avec chacun de ces peuples, leur vécu com- Port-Gentil, Cap Lopez et Atanda.
mun, leurs expériences croisées, leurs échanges fruc- Une ville disposant d’un tel potentiel de res-
tueux et leur cohabitation parfois conflictuelle, ont sources humaines et de savoir-faire autant nationaux
permis au peuple autochtone-hôte de se forger une qu’étrangers, couplé à de nouvelles opportunités
géo-ethnographie des différents peuples côtiers de (route reliant Port-Gentil à l’ensemble du continent

36
Peuple autochtone et migrants ouest-africains à Port-Gentil, nomenclature et représentations du littoral atlantique

africain, aéroport international, port en eau pro- Le Carpentier G. et Walter R., 1993. Facettes
fonde) est appelée, si ses élites inclusivement réunies d’histoire du Gabon, Cartes postales d’antan, Paris, Édi-
lui définissent de manière consensuelle le projet de tions Champs Elysées, 312 p.
sa renaissance, à savoir sortir du blocage dans lequel Moutangou F. A., 2013. Une entreprise coloniale et
l’a enfermé l’exclusivité de l’activité et de la rente pé- ses travailleurs : la Société du Haut-Ogooué et la main-
trolières. La permanence et la prospérité d’une ville d’œuvre africaine (1893-1963), Thèse de doctorat
portuaire sont avant tout liées aux avantages que lui d’histoire, Toulouse, Université Toulouse 2 Le Mirail.
procure sa position géographique plutôt qu’à ceux de
ses richesses naturelles, surtout lorsque celles-ci ne Peron F. et Rieucau J., 1996. La maritimité au-
sont pas renouvelables ou dépendent d’une conjonc- jourd’hui, Paris, L’Harmattan, Coll. Géographie et
ture économique internationale aussi imprévisible Culture, 336 p.
qu’incontrôlable. Ropivia M.-L. et Djéki J., 1995. Atlas de la forma-
tion territoriale du Gabon, frontières et unités admi-
nistratives des origines à nos jours, Libreville, Cergep/
ACCT, 63 p.
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Ambouroue-Avaro J., 1981. Un peuple gabonais à http://www.la-marine-marchande.com/voyage-cote-
l’aube de la colonisation: le bas ogowé au XIXe siècle, afrique.htm
Paris, Karthala, 285 p.
Carre F., 1998. La pêche sur les côtes de l’Afrique
tropicale, du Sénégal au Congo. In Gamblin A.
(s.  dir.), Les littoraux, espaces de vies, Paris, SEDES,
coll. « DIEM », pp. 297-306.
Chauveau J.-P., Larsen E. et J., Chaboud C.,
2000. Les pêches piroguières en Afrique de l’Ouest, Dy-
namiques institutionnelles : pouvoir, mobilité, marchés,
Paris, CMI-IRD-Karthala, 383 p.
Ehazouambela D., 2012. Les petites « liturgies »
politiques de l’islam au Gabon, ou comment lire les
liens entre le politique et l’islam minoritaire, Cahiers
d’Études Africaines, vol. 2, n° 206-207, pp. 665-686
[URL  : https://www.cairn.info/article.php?ID_
ARTICLE=CEA_206_0665].

37
Thématique 1 - Les interactions nature-société
dans les territoires littoraux

Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

39
Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais
Emmanuel ONDO ASSOUMOU
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville

Sur presque 950 kilomètres de long en forme de lo-


sange, les régions littorales du Gabon s’étendent de la
frontière équato-guinéenne au nord, à la République
Populaire du Congo au sud, entre l’estuaire du Mouni
et la lagune Banio. La partie centrale entre Port-Gen-
til et Lambaréné est la plus large avec environ 200 ki-
lomètres de pénétration des influences maritimes vers
l’intérieur des terres.
On trouve dans ces vastes régions littorales gabo-
naises différents milieux physiques qui constituent
aussi des milieux de vie pour nombre d’espèces vé-
gétales et animales. Il s’agit du littoral septentrional à
rias, du littoral central à delta de l’Ogooué et enfin du
littoral méridional à lagunes. Les milieux de vie sont
essentiellement composés de formations végétales.
En biogéographie, une formation végétale désigne
une communauté d’espèces végétales, caractérisée
par une certaine physionomie, qui déterminent un
paysage. Cette physionomie décrit l’aspect général Photo 1 - Paysage typique de
forêt de mangrove sur la rive
de la végétation d’une étendue donnée. Une forma- des zones de forêts et de savanes sur l’ensemble de son droite de la rivière Egoumié au
tion végétale est ainsi composée de plantes ligneuses littoral. La présence des savanes dans un massif fores-
sud d’Owendo
(ph. E. Ondo Assoumou, 2013)
et herbeuses, auxquelles est inféodée une diversité de tier comme celui du Gabon avait étonné beaucoup La rivière Egoumié est un
formes animales. de scientifiques, notamment Aubréville (1962) qui les affluent de la rive droite du
Au Gabon, pays forestier à près de 85 %, les for- qualifiait au départ de formations « aberrantes ». fleuve Komo (au niveau de
son estuaire). La mangrove se
mations végétales de la zone côtière présentent une Cette diversité floristique et typologique tient à la développe sur d’importantes
double originalité. D’abord, l’hétérogénéité forestière, fois aux influences maritimes (formation des plages et quantités de vase charriées
par cette rivière. Cette vase est
caractérisée par sa richesse floristique (diversité des cordons littoraux, végétations halophiles le long des colonisée par un rideau frontal
espèces de plantes) et typologique (diversité des types criques à l’exemple des mangroves), qu’à celles du cli- massif, impénétrable composé
de forêts), la plus reconnue et la plus étendue étant la mat liées aux variations des précipitations avec une essentiellement de grands
Rhizophora sp. (palétuviers
forêt à okoumé couvrant pratiquement les trois quart décroissance pluviométrique du nord au sud du litto- rouges) qui se distinguent
de sa superficie. Les forêts à okoumé constituent une ral (Maloba Makanga, 2004). Les influences géo-pé- par de nombreuses racines
source importante de revenu pour l’économie du Ga- dologiques (présence des sables marins et du calcaire), échasses. Sur certains individus,
on peut observer aussi des
bon, dont les activités sont essentiellement le sciage du et aujourd’hui les activités humaines sont également racines pendantes ou cordages
bois, le déroulage et la fabrication des contreplaqués. responsables de la diversité et de l’évolution des for- qui descendent de l’arbre et se
retrouvent principalement sur
L'autre caractéristique est ensuite liée à l’alternance mations végétales des régions côtières du Gabon. les premières branches.

41
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Diversité des paysages végétaux


des régions littorales gabonaises
L’ensemble des paysages végétaux des régions littorales gabonaises,
à l’exception des forêts à okoumé qui se retrouvent au-delà de ces
limites, suivent plus ou moins les contours du bassin sédimentaire
côtier. Les environnements côtiers façonnent le développement de
ces formations végétales, de la nature du sol ou la topographie, aux
conditions hydrologiques (la salinité) et hydrographiques (tracé des
Forêt ombrophile Rhizophora harrisonii Avicennia germinans cours d’eau).
(F.o) (R.h) (Av)
Ainsi, on distingue sur l’ensemble du littoral gabonais, en fonc-
Hauteur tion des caractères physionomiques, deux types de formations
F.o P.r R.h L.r Av Pl.r
(m) végétales, les ligneux et les herbacées. Les formations ligneuses
12
dominent les côtes rocheuses et vaseuses, ainsi que les zones exon-
10
dées. En revanche, les herbacées sont très clairsemées et n’occu-
8
pent que des étendues assez faibles par rapport aux forêts. Aussi,
6
sont-elles plus présentes en bordure de la mer qu’à l’intérieur du
4
bassin sédimentaire.
2

Les végétations ligneuses


Crique Le long des cours d’eau, chenaux de marée et fleuves côtiers,
E. ONDO ASSOUMOU, I. A. AKENDENGUE
comme sur la terre ferme, trois types de ligneux dominent les pay-
sages végétaux. Il s’agit des marais à mangroves, des forêts maréca-
geuses et des forêts de terre ferme.
- Les forêts de mangroves (photo 1) sont considérées comme
des formations pionnières ou de transition entre l’océan et le
continent, car elles sont régulièrement soumises aux mouvements
permanents des courants marins, vagues et marées. De ce point de
vue, ce sont des formations emblématiques de l’interface côtière
terre/mer. Elles se développent lorsque les conditions écologiques
sont particulières, notamment un taux de salinité élevé et une tem-
Phoenix reclinata Laguncularia racemosa Platier rocheux pérature supérieure à 15 °C. Le sol est généralement composé de
(P.r) (L.r) (Pl.r) vase, c’est-à-dire des colloïdes ou sédiments fins, argile et limon,
Figure 1 - Coupe transversale représentant la zonation végétale dans un marais ou des vases mélangées au sable fin. Sur le plan topographique,
à mangroves à Okala au nord de Libreville la pente doit être nulle ou insignifiante (moins de 5 %). Les sols

42
Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais

des mangroves sont également acides, contiennent


des sulfates et beaucoup de matières organiques is-
sues de la décomposition des feuilles ou des racines.
Les forêts de mangroves se présentent en rideaux
le long des cours d’eau et en bandes parallèles au
chenal jusqu’à la terre ferme. Leur disposition est
particulière, car elles peuvent présenter des forma-
tions monospécifiques à Rhizophora ou Avicennia,
ou des formations plurispécifiques avec l’association
Forêt ombrophile Laguncularia racemosa Avicennia germinans Chrysobalanus icaco
Avicennia-Laguncularia, ou bien encore l’association (F.o) (L.r) (Av) (Cr.i)
Rhizophora-Avicennia (fig. 1).
Hauteur
En complément de cette zonation, les paysages de (m)
mangroves présentent également plusieurs aspects en F.o P.c R.h L.r Av C.e Cr.i F.o P.c F.o
35
fonction de la hauteur des individus. Ainsi, se dis- 30
tingue en bordure de l’eau libre, sur le front de mer 25

ou au bord du cours d’eau, une mangrove haute et 20


15
dense de 15 à 20 mètres parfois plus. En s’éloignant 10
de ce rideau et en s’approchant de la terre ferme, 5

la hauteur des individus diminue, passant de 5 à 0

10 mètres, puis de 1 à 3 mètres. Mais ce schéma n’est


pas homogène sur tous les sites. Sur certaines zones, Crique
le dernier rideau situé au contact avec la terre ferme E. ONDO ASSOUMOU, I. A. AKENDENGUE

est constitué de hautes mangroves, souvent vieilles,


de plus de 25 mètres (fig. 2).
Le paysage d’arrière-mangrove est également re-
marquable, non seulement par le caractère rabougri
des Rhizophora, notamment Rhizophora harrisonii,
mais aussi par son aspect clairsemé. Enfin, dans la
zone de contact avec la terre ferme, la mangrove est
mélangée avec des espèces dites « accompagnatrices »,
tels que les palmiers faux-dattier le Phoenix reclinata,
les Raphia, la fougère dorée Acrostichum aureum (Po- Rhizophora harrisonii Crique Conocarpus erectus Pandanus candelabrum
lypodiaceae), la graminée Paspalum vaginatum et les (R.h) (C.e) (P.c)

Pandanus (Pandanaceae). Sur le littoral gabonais, on Figure 2 - Coupe transversale dans un marais à mangroves à Ikoy-Komo à
dénombre trois genres de Rhizophora ou palétuvier l’est de la commune d’Owendo

43
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

GUINÉE
Rio Mouni
ÉQUATORIALE

Cocobeach Baie de
la Mondah
rouge : le Rhizophora environ 1 500 km2 dans la première zone et 1 000 km2
LIBREVILLE Estuaire harrisonii ; le Rhi- dans la seconde ; les 41 km2 restants étant situés dans
du Komo
zophora racemosa ; et la partie méridionale, notamment dans les quatre prin-
marais à mangroves
le Rhizophora mangle cipales lagunes (Ondo Assoumou, 2011).
(2 500 km² environ) (qui est une hybride
Baie du Delta de issue du croisement Enfin, le paysage des marais à mangroves est com-
limite du bassin
Cap Lopez l’Ogooué sédimentaire côtier des deux premiers) posé de zones dénuées, appelées « tannes ». Le tanne
Port- de la famille des Rhi- peut être vif lorsque le sol est complètement nu
Gentil (photo  2), et herbu (photo  3) lorsqu’il est couvert
Superficie de mangroves zophoraceae, le genre
(en km²)
1 000 Avicennia avec une d’un tapis herbeux ras composé de Sesuvium portula-
Lagune castrum et de petites cypéracées clairsemées, parfois
Nkomi 350
seule espèce représen-
Omboué
100 tée au Gabon Avicen- colonisé aussi par quelques pieds de Laguncularia ra-
25 nia germinans de la cemosa et de Conocarpus erectus de petites tailles. Ces
Lagune
Ngové moins de 15 famille des Avicennia- tannes se trouvent en arrière des mangroves. La for-
OCÉAN Lagune ceae. Le Laguncularia mation des tannes est certainement due au manque
ATLANTIQUE Ndogou racemosa et le Cono- de circulation d’eau et à l’évaporation des sels mi-
Gamba carpus erectus sont les néraux (Vande weghe, 2011). L’analyse de Lebigre
© IGARUN, Université de Nantes

représentants de la (2007) est plutôt soutenue sur le processus de tan-


famille des Combre- nification. En effet, deux facteurs sont responsables
N
Mayumba
Lagune taceae. de la tannification. Le premier est l’acidification des
Banio
Les marais à man- sols, c’est-à-dire la présence dans le sol du souffre
0 50 100 km
groves de la côte ga- et de ses composés. La matière organique, notam-
CONGO
d’après A. LEMBÉ (2014) S. CHARRIER bonaise couvrent au ment l’abondance des radicelles dans les écosystèmes
total une superficie mangroves, favorise en effet la sulfato-réduction bac-
Figure 3 - Les principaux
secteurs de mangroves d’environ1 2 540 km2 répartis principalement dans térienne en milieu anaérobie. Le deuxième facteur
au Gabon
trois zones (fig. 3). Les mangroves estuariennes (dans est la salinisation des sols de mangroves et de leurs
la partie septentrionale) et deltaïques (dans la partie nappes, lorsque le taux de sel des sols est supérieur
centrale) sont les plus importantes avec respectivement à celui de la mer (environ 20 ‰). Les variations de
la salinité dans les mangroves seraient liées en partie
à la percolation horizontale de l’eau, tandis que la
1. La superficie totale des mangroves du Gabon n’est pas préci- percolation verticale est liée à la nature du substrat
sément connue, car pour l’instant, les seules données assez fiables
ne concernent que quelques zones, en particulier les mangroves de
(Lebigre, 2007).
l’estuaire du Komo, du delta de l’Ogooué et de la lagune Nkomi. Cer- Il y a environ trois décennies, lorsque les premières
tains auteurs proposent des estimations pour l’ensemble des mangroves
du pays : 2 500 km2 pour Lebigre (1990) et Ondo Assoumou (2006
études sur les mangroves ont commencé au Gabon, la
et 2011) ; 4 000 km2 pour Rabenkogo (2003) ; et 2 100 km2 pour présence des tannes, ces espaces nus ou herbus, parais-
Vande weghe (2011 et 2013). sait comme un phénomène inattendu (Lebigre, 1983a).

44
Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais

Ils n'avaient été signalés à cette époque que dans la partie septentrionale
du littoral gabonais, dans la baie de la Mondah et à l’ouest de l’estuaire du
Komo (Lebigre et Marius, 1984). Aujourd’hui, il existe d’autres secteurs
à tannes sur le littoral du Gabon, notamment dans la lagune Ngové où ils
portent le nom de prés salés.
- La forêt marécageuse est la deuxième formation de ligneux ren-
contrée dans la zone côtière du Gabon. Dans ce type de forêts, les sols
sont en permanence gorgés d’eau. Les arbres et les arbustes qui y vivent
sont composés d’espèces introduites et d’espèces naturelles. Parmi les
espèces introduites par l’homme, signalons le Gnaouli ou le Melaleuca
leucadendron (Myrtaceae), très abondant aujourd’hui à Port-Gentil, Photo 2 - Tanne vif dans la mangrove basse de Bizango-rail à l’est de Libreville
et qui forme dans cette région une forêt monodominante (Fromard (ph. B. Sindzi Indouyi, 2015)
Ce tanne vif de couleur grise se trouve entre la forêt de terre ferme et les man-
et al., 1994 ; Ondo Assoumou, 2006). Historiquement, le Melaleuca groves basses à Rhizophora. Par endroit, le sol est jonché de troncs d’arbres
leucadendron a été introduit à Port-Gentil vers 1894 par les mission- morts suite au recul du pied de la colline.
naires catholiques de la mission Dybowski. La plante a été cultivée
pour lutter contre les moustiques responsables de la malaria. Depuis,
cette espèce s’est densément peuplée et a envahi pratiquement toute la
ville de Port-Gentil. Elle a été plantée au nord de cette ville, et actuel-
lement elle se trouve au sud à Ntchengué à plus de 20 kilomètres du
centre d’origine. Certains anciens pensent même que c’est une essence
locale, car ils ont grandi avec. Inféodée dans cet écosystème, cette es-
pèce a su s’adapter et s’est bien développée dans la zone marécageuse
entre les mangroves et les savanes. C’est une espèce dont les individus
ne dépassent pas 20  mètres de haut et résistent bien au feu que les
populations allument régulièrement pendant les saisons sèches. Aussi,
elle a tendance à envahir la savane, car son pouvoir colonisateur est
important surtout lorsque le milieu est ouvert. Elle se dissémine par le
vent (plante anémochore) et par l’homme (anthropochore) qui l’utilise
souvent comme poteaux électriques ou pour le linge.
Outre cette espèce anthropique, la forêt marécageuse, même si elle
n’est pas très riche en espèces d’arbres en raison de conditions éco- Photo 3 - Tanne herbeux dans les mangroves d’Egoumié à Owendo
logiques assez difficiles, est composée d’espèces fréquentes comme (ph. I. Akendengue Aken, 2015)

l’assongho Anthostema aubryanum, un petit arbre de la famille des On note entre la mangrove à petits Rhizophora à droite et les palmiers à
gauche, un espace dénudé jonché de troncs morts et quelques touffes très
Euphorbiaceae, des Rubiaceae comme les bahias Hallea ciliata et Hal- rases, à environ 15 cm du sol, du Paspalum vaginatum (Graminée). Le sol est
lea stipulosa, les palmiers Raphia (Vande weghe, 2013). sableux et assez compact.

45
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

- Les forêts denses (Malvaceae). Dans d’autres cas, surtout là où elle


humides de terre s’est bien développée, elle forme des fourrés denses
ferme  : il existe trois impénétrables comportant beaucoup d’arbustes et de
principaux types de lianes. Les espèces les plus fréquentes sont l’icaquier
forêts côtières de terre Chrysobalanus icaco (Rosaceae), le Manilkara lacera
ferme au Gabon. (Sapotaceae) ; le Syzygium guineense (Myrtaceae), les
eucalyptus Barteria nigritana et Fegimanra africana
La forêt sclérophylle
mélangés aux palmiers faux-dattiers Phoenix reclinata
littorale ou forêt sèche se
et le grand Hyphaene guinensis.
développe face à l’océan
Photo 4 - Sous-bois d’une sur des terrains élevés Les forêts secondaires sont des formations végé-
forêt sclérophylle ou sèche du (anciens cordons littoraux et collines), notam- tales qui succèdent aux cultures abandonnées et
littoral
(ph. B. Sindzi Indouyi, 2015)
ment dans la plaine de Pongara (littoral septen- aux anciennes zones d’exploitation forestière. Elles
Le sous-bois est clair, dégagé.
trional) (Ndjimbou Niarra, 2010) et dans la recolonisent ces espaces après plusieurs années, à la
Les feuilles mortes au sol sont plaine de Ouanga vers Gamba (littoral méridio- suite des stades d’herbacées et de brousses arbustives.
souvent rouges. nal) (Ndéma, 2014). Outre la topographie, le Les ligneux pionniers sont tout d’abord le paraso-
critère climatique pourrait également influen- lier Musanga cecropioides (Moraceae), puis l’ahinebé
cer cette formation végétale. Son sous-bois est Anthocleista schweinfurthii (Loganiaceae) (photo 6),
souvent clair (photo 4). En effet, elle perd gé- suivis par l’okoumé Aucoumea klaineana (Bursera-
néralement les feuilles pendant la saison sèche ceae) et l’ilomba Pycnanthus angolensis (Myristica-
qui dure environ trois mois au Gabon. Elle est ceae). Enfin, les retardataires ou dryades des forma-
en principe composée d’arbres dont la hauteur tions secondaires sont le fromager Ceiba pentandra
n’excède pas les 15  mètres. Cette formation (Bombacaceae) et le kumbi Lannea welwitschii (Ana-
représente un stade avancé de la succession vé- cardiaceae). On retrouve ces essences aussi bien dans
gétale qui commence par la recolonisation des les vieilles jachères que dans les jeunes. Toutefois,
secteurs anciennement occupés par les savanes l’okoumé reste dominant, suivi du parasolier et de
côtières (Vande weghe, 2011). Ainsi, elle se pré- l’ahinebé (Douh et al., 2012). Les lianes, comme le
sente par endroit sous forme de bosquets boisés, Combretum platypterum, sont abondantes. Le sous-
parfois en bandes parallèles au trait de côte et se bois est touffu et on y retrouve beaucoup de Zin-
matérialise par une différence de hauteur. giberaceae comme le genre Aframomum aux fruits
rouges.
Photo 5 - Forêt sclérophylle Les individus les plus vieux et les plus hauts
à Dalberghia ecastaphyllum sont sur les anciens cordons littoraux, tandis Enfin, les forêts matures à okoumé et ozouga se dé-
(Papilionoideae) à Bizango-rail
à l’est de Libreville que les essences arbustives sont sur les cor- veloppent tout le long du littoral gabonais sur les sols
(ph. B. Sindzi Indouyi, 2015) dons littoraux récents. Les espèces les plus sableux, où les pressions d’origine anthropique sont
Dalberghia ecastaphyllum se connues de cette forêt sont Dalberghia ecas- rares ou minimes. Ce sont de vieilles forêts où do-
présente ici comme un fourré taphyllum, une légumineuse de la famille des minent essentiellement les espèces d’ombre ou scia-
impénétrable moins haut,
d'environ 4 mètres.
Papilionoideae (photo 5), et Hibiscus tiliaceus philes. Les arbres de cette formation sont très hauts et

46
Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais

peuvent atteindre les 60 mètres. Les plus fréquentes


sont okoumé Aucoumea klaineana, espèce endémique
de la forêt gabonaise, et l’ozouga Sacoglottis gabonen-
sis. À ces deux premières s’ajoutent l’alep Desbordesia
glaucescens (Irvingiaceae) et l’ozigo Dacryodes buettne-
ri (Burseraceae).
Dans la forêt classée de l’Arboretum de Raponda
Walker, au nord de Libreville, quelques vielles es-
sences se rencontrent, comme l’azobé Lophira alata
de la famille des Ochnaceae. Cette forêt représente,
en définitive, la partie occidentale de la forêt de terre
ferme du Gabon. Elle appartient à l’ensemble des fo-
rêts sempervirentes du golfe de Guinée s’étendant de
la frontière nigérienne au sud du Gabon. Au niveau
du Gabon, elles sont connues sous l’appellation de
forêts à okoumé Aucoumea klaineana et ozouga Saco-
glottis gabonensis. C’est une formation végétale qui
s’est développée le long du littoral sur des sols très
sableux, et à l’intérieur du Gabon sur des sols argi-
leux (Vande weghe, 2013).

Les végétations herbacées du bassin côtier Photo 6 - Forêts secondaires


Anthocleista schweinfurthii
Les herbacées dans la classification de Raunkaer résiste au sel. Ce sont des espèces rampantes ou tra- (Loganiaceae)
(Salanon et Lacoste, 2005) représentent le deuxième çantes pouvant atteindre 30 mètres de long. La tige (ph. B. Sindzi Indouyi, 2015)
type biologique. Ce sont essentiellement des herbes, est très ramifiée. Ce groupement végétal comprend
soit isolées, soit en peuplement dense. Sur le littoral deux espèces caractéristiques, la rampante Ipomea
gabonais, ces herbacées occupent à la fois des terrains pes-caprae (Convolvulaceae Portuculaceae) et Remira
sableux sur les plages que des terrains argileux sur maritima (Cyperaceae) aux tiges dressées, et quelques
terre ferme. La végétation herbacée s’étend sur tout le espèces accompagnatrices comme Canavalia rosea et
long du littoral gabonais et se distingue soit par des Tilium triangular (Papilionoideae). Leur hauteur ne
critères floristiques et physionomiques, soit par des dépasse pas 80 centimètres et ce groupement est sou-
critères édaphiques et de durée de l’inondation. vent clairsemé (Ondo Assoumou, 2006).
- les herbacées du haut de plage représentent un - les herbacées d’arrière plage se distribuent en
groupement végétal pionnier qui colonise les sables fonction de la nature du sable en deux groupements.
blancs situés au-dessus de la laisse de haute mer et qui Les herbacées qui colonisent les sables blancs et

47
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

d’autres qui se développent sur sable ocre à cause des circuler convenablement dans ces dépressions. Mais
argiles mélangées aux sables. La diversité des espèces, au fil des années, les ligneux, notamment le Mela-
leur densité et leur hauteur caractérisent ce groupe- leuca leucadendron, s’installent.
ment d’herbacées. Les plus fréquentes sont des grami-
- les savanes des anciens cordons de la plaine lit-
nées Ctenium newtoni, Melinisne rviglumis, Paspalum
Hauteur torale : bien que parfois invisibles, la plaine littorale
vaginatum, Hyparrhenia, Anadelphia, Andropogon et
(m) 4 est parsemée d’anciens cordons littoraux qui se sont
BL Eragrostis, les cypéracées sont nombreuses. Souvent
formés lors de la transgression flandrienne entre 6000
ces espèces sont envahies par le Cassytha fili-
6 et 4000 ans B.P. (Giresse, 1969). La régression taffo-
formis (Olaceae). Leur hauteur maximale
lienne, caractérisée par un climat sec (Lebigre, 1983b)
varie entre 1,5 et 2 mètres.
4
qui a succédé à cette transgression, a favorisé le dé-
4
BL 3
- les savanes her- veloppement des savanes littorales. L’essentiel de ces
2 beuses humides se cordons est aujourd’hui dominé par la forêt littorale.
2 Est BL 1 Ouest
trouvent le long Cependant, par endroit et du Sud vers le Nord, on y
sable
rpl rpl de plage des ruisseaux, trouve des îlots de savanes intraforestières morcelées et
0 dans les fonds disséminées sur le littoral gabonais. Naturellement, ces
dp dp dp mer
de vallées et savanes marquent le prolongement de vastes étendues
300 m 200 m 100 m 0
dans les dé- de savanes du Congo et de l’Angola (Vande weghe,
1 espèces rampantes Source : E. ONDO ASSOUMOU, 2006
pressions des 2013). Elles se rencontrent aussi dans la réserve de
2 strate herbacée
cordons littoraux Wonga-Wongué au sud de Libreville, dans la plaine
3 strate sous-arbustive (50 cm à 2 m de haut)
où se développe deltaïque de l’Ogooué (Ondo Assoumou, 2006) et
4 strate arbustive (2 à 7 m)
une végétation herba- quelques poches dans les lagunes méridionales, no-
rpl replat cée dense et haute. Les grami- tamment dans la Lagune Nkomi, dans le parc national
dp dépression nées y sont abondantes et atteignent de Loango et à Gamba. Les savanes des anciens cor-
BL bandes ligneuses 80 cm à 1,20 m formant un tapis plus ou dons littoraux ont une double spécificité. La première
moins continu. Les espèces dominantes sont tient au fait qu’elles sont totalement dépourvues de vé-
Figure 4 - Coupe paysagère Hypparrhenia, Andropogon gabonensis, Panicum gétations arborées. Structuralement et contrairement
schématique de la forêt-
savane des cordons sableux congoense, Loudetia simplex, Ctenium newtoni, ainsi à l’idée selon laquelle ces savanes sont dépourvues de
à Port-Gentil que les cypéracées Mariceus sp, Cyperus cyperoides, ligneux, on note la présence de quelques arbustes. Il
Cyperus nutan, Fimbristylis sp, Anadelphia afzeliana s’agit du goyavier Psidium guinensis (Myrtaceae) ra-
et Imperata cylindrica occupant parfois de grandes bougri, Annona senegalensis très résistant aux feux
étendues et reconnaissables par de longs épis blan- de brousse et Annona glabra (Annonaceae) présent à
châtres et duveteux. À ces deux familles s’ajoute une Port-Gentil, et le petit icaquier Chrysabalanus icaco
fougère, le Nephrolepis sp. À Port-Gentil et dans le (Chrysabalanceae). La deuxième spécificité est liée au
parc national de Pongara, les savanes humides se re- type de sable. Les savanes sur des sables blancs sont
trouvent notamment dans les dépressions humides. présentes entre Omboué et Gamba, et sont compo-
Une topographie quasiment plate empêche l’eau de sées d’herbes très courtes et clairsemées ne dépassant

48
Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais

pas 40 cm. Les graminées typiques de cette savane sont C’est un groupement assez pur car constitué essen-
le Ctenium newtoni, Melinis nerviglumis et Eragrostis tiellement de Melaleuca leucadendron en peuplement
sp. On trouve aussi des Cypéracées et des Gentianaceae ligneux monodominant. Ces bandes ligneuses se
comme Neurotheca corymbosa. retrouvent derrière les mangroves et tentent de des-
Les savanes sur sable ocre se développent soit sur cendre vers le sud de Port-Gentil. Les individus sont
des sols argilo-sableux, soit sablo-argileux. La végéta- hauts de plus de 25 mètres ;
tion herbacée est dense et continue pouvant atteindre
80  cm à 1,20 m de haut. Les principales graminées
sont Hyparrhenia, Anadelphia et Andropogon.

Paysages de mosaïques ligneux-herbacées


des cordons littoraux
C’est un paysage typique des cordons littoraux de
Port-Gentil où alternent crêtes, replats et dépressions
humides (fig. 4). On en distingue plusieurs types :
- des peuplements ligneux purs et denses à cimes
jointives : les espèces dominantes sont le Melaleuca
leucadendron et le Manilkara lacera. Elles colonisent
les dépressions humides :
- des îlots boisés : ces ligneux ont également des
cimes jointives, mais ils se développent dans les sa-
vanes humides des replats où ils forment des bos-
quets plus ou moins circulaires de hauteur moyenne
d’environ 10 mètres. Les espèces les plus abondantes
sont le palmier Elaeis guineensis, Chrysobalanus icaco,
et Melaleuca leucadendron ;
- des alignements de ligneux isolés : c’est un grou- Photo 7 - Paysage de mosaïque
forêt-savane dans la région de
pement végétal qui n’est ni pur ni dense, les cimes ne - des savanes boisées : souvent loin de la mer, les Wonga-Wongué
sont pas jointives. Les espèces, espacées les unes des herbacées sont mélangées aux ligneux arbustifs (pho- (ph. J. Sidle, 2014, www.
autres, occupent les dépressions humides. Elles sont to 7). Le peuplement herbeux est dense, mais les ar- panoramio.com)

dominées par Elaeis guineensis et Chrysobalanus icaco ; bustes sont moins nombreux et clairsemés. La phy-
- des bandes ligneuses larges : elles sont presque sionomie est dominée par des palmiers nains d’Elaeis
parallèles au trait de côte de direction nord-sud. Elles guineensis à certains endroits, et dans d’autres secteurs,
occupent également les dépressions humides et sont les herbacées sont associées à Annona glabra (Annona-
très impressionnantes et remarquables à vol d’oiseau. ceae), un arbuste de moins de 3 mètres de haut.

49
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

GUINÉE
ni ÉQUATORIALE
Mou La mosaïque des formations végétales
R

io
Cocobeach du bassin sédimentaire côtier du Gabon

Type de formation végétale


Sur l’ensemble des régions littorales gabonaises, les ligneux
forêt dense humide
sont plus diversifiés et comprennent du trait de côte jusqu’à
LIBREVILLE Ntoum de terre ferme la limite du bassin sédimentaire côtier et de la forêt de l’inté-
rieur du pays, les forêts inondées et les forêts de terre ferme.
Est

a ir
ed
Kango forêt marécageuse
u

u Ko m
o Les forêts de mangroves soumises à des mouvements quo-
forêt de mangroves tidiens des marées ont besoin de vase et d’une température
assez chaude. Y a-t-il un lien entre ces conditions physiques
savane des cordons
littoraux actuels
et la répartition des mangroves sur le littoral gabonais ? Les
Lac Azingo mangroves du Gabon sont en effet plus abondantes dans
savane des anciens cordons
Lambaréné de la plaine littorale la partie septentrionale (les trois estuaires) et dans la partie
Port-Gentil oué centrale (le delta de l’Ogooué) de ce littoral, avec environ
O go jachère, plantations
et forêt dégradée 2 540  km² pour l’ensemble et 2 350  km² pour les seules
régions du Nord. Dans la partie sud, elles ne forment que
des lisérés étroits et localisés à l’embouchure des lagunes. Au
Lagune
Nkomi
regard des conditions physiques, cette diminution des man-
i réseau hydrographique groves dans le littoral sud du Gabon serait probablement liée
Omboué kom principal
à deux facteurs, le relief et l'hydrologie. En effet, sur le plan
N

limite du bassin
Iguéla Lagune sédimentaire côtier orographique, les pentes des rives des lagunes du Sud seraient
Ngové
ville principale plus fortes et limiteraient donc la sédimentation de la vase.
Une mince couche de vase s’y dépose alors au-dessus d’une
Lagune importante couche de sable laissée auparavant par les cou-
Ndogou
OCÉAN Setté Cama
rants marins. La deuxième raison est liée à la nature des eaux
ATLANTIQUE du littoral méridional gabonais. Ces eaux sont plus froides et
Gamba plus salées que celles du littoral central et septentrional. Le
courant froid de Benguela rafraîchit les eaux, lorsque les cou-
rants guinéens sont plus chauds et moins salés (Lebigre, 1990
et Ondo Assoumou, 2006). L’autre élément caractéristique
Lag
Mayumba
une des formations végétales du littoral gabonais est la présence
B an
N 0 50 100 km
io de paysages de mosaïques herbacées-ligneux, notamment
dans la région de Port-Gentil et dans la plaine de Pongara
Ndindi
avec des contacts savanes-mangroves ou savanes-forêts à Me-
d’après Atlas du Gabon, 2003 CONGO laleuca leucadendron (fig. 5). Les formations végétales ne sont
E. ONDO ASSOUMOU, S. CHARRIER © IGARUN, Université de Nantes
pas seulement conditionnées par des facteurs physiques, mais
Figure 5 - Les formations végétales des régions littorales du Gabon leur dynamique dépend aussi des actions anthropiques.

50
Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais

De la mangrove urbaine
à la « mangrovicide » dans
les villes littorales du Gabon
Les principales villes côtières du Gabon ont été
construites à proximité des zones de mangroves qui se
développent le long des cours d’eau où les pentes sont
faibles et où les eaux sont salées et chargées d’alluvions.
Le relief dominant du bassin sédimentaire côtier du
Gabon est constitué de plaines littorales qui, au cours Photos 8 et 9 - Pêche
artisanale sur la rivière Lowé,
de leur évolution, ont été érodées par les eaux fluviales autour ou à proximité des mangroves détruisent éga- dans le quartier Acaé au sud
et laissent ainsi apparaître des alignements colinéaires lement ces écosystèmes pour construire des latrines, de Libreville
(ph. E. Ondo Assoumou, 2013)
et des vallées encaissées. Le développement urbain a été douches, lavabos artisanaux en plein air et puits.
Un débarcadère a été amé-
fortement contraint par ces caractéristiques liées aux Elles plantent aussi des palmiers, des bananiers et du nagé au sein de la mangrove
sites des villes. Or, si dès le départ, les implantations manioc (photos 10 à 15). par les pêcheurs pour leurs
se sont faites comme par exemple à Libreville dans les pirogues à moteur et leurs

zones exondées, c’est-à-dire sur les crêtes et les versants Le deuxième type de relation est composé de po- fumoirs.

des collines, il en fut bien autrement des extensions les pulations vivant hors des mangroves. Les pressions
plus récentes (voir le chapitre 12 du présent ouvrage). anthropiques qui s’exercent sont alors liées à un be-
soin particulier, soit pour des raisons médicales, car Photos 10 et 11 - Destruction
Aujourd’hui, outre la pêche traditionnellement l’écorce des palétuviers rouges est utilisée dans la de la mangrove au profit de
l’aménagement urbain
pratiquée dans ces zones, les mangroves sont deve-
(ph. E. Ondo Assoumou, 2013)
nues de véritables milieux de vie pour les popula-
tions riveraines (Kuete, 2005 ; Cormier Salem,
1996), dont les pressions sur ces milieux sensibles
s’exercent de deux façons. Le premier type com-
prend les populations vivant à l’intérieur des man-
groves (villages) et celles vivant à proximité ou en
arrière des mangroves (Ondo Assoumou, 2011).
Dans les plus grandes agglomérations du Gabon, de
nombreux villages sont ainsi situés dans les zones de
mangroves, parmi lesquels ceux des pécheurs. À Li-
breville, il s’agit par exemple des quartiers Ambowé
et Alibadeng au nord, et Acaé au sud (photos 8 et 9).
À Port-Gentil, les pécheurs se sont installés dans les
villages de Matanda et Iguiri sur la façade est. Outre Construction des lavabos et culture de manioc, banane et palmier à huile dans les zones de mangroves dans
le quartier Alénakiri à côté de la centrale électrique d’Owendo. En arrière-plan à gauche, on observe de grands
la construction des maisons, les populations vivant arbres de mangrove d’environ 25 m situés à proximité des habitations.

51
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

des terres et la recherche des terrains à moindre coût


obligent les riverains à construire dans les zones de
mangroves qui sont ainsi détruites. On assiste sou-
vent à des coupes à blanc. Puis, ces zones sont rem-
blayées lorsqu’il s’agit d’entreprises disposant d’im-
portants moyens logistiques. Les populations peu
fortunées s’installent quant à elles directement dans
les zones de mangroves après leur destruction au mé-
pris de tout risque naturel. Les zones de mangroves
Photos 12 et 13 - Construction
d’un puits artisanal à Alénakiri sont ainsi vulnérables par leur situation de proximité
au sud de la commune aux grandes agglomérations du Gabon, où s’accélère
d’Owendo pharmacopée, soit pour des raisons récréatives, éduca-
l’urbanisation (photos 16 et 17) et se développent
(ph. E. Ondo Assoumou, 2013) tives ou pédagogiques. Il s’agit également du tourisme
sans cesse des activités industrielles. Particulièrement
Vivant loin des circuits d’ad- ou encore des travaux scientifiques menés sur des thé-
duction d’eau, les populations
matiques en rapport avec ces écosystèmes fragiles. concernée, la superficie des mangroves d’Owendo est
sont obligées de construire des en fort recul dans la zone du pont Nomba et d’Alé-
puits en plein air à côté de la
vase et des mangroves.
Cependant, au-delà de ce que l’on peut appe- nakiri, derrière les trois ports.
ler aujourd’hui « service écologique », les milieux de
mangroves sont devenus des zones particulièrement Ailleurs, comme à la Pointe Chapuis au nord de
convoitées par les populations riveraines. La conquête Port-Gentil, 80 hectares de mangroves ont été dé-
truits en 2014 afin de construire une usine d’engrais
chimique. Et l’urbanisation n’est pas la seule cause
de dégradation des mangroves, les activités agricoles
ayant également un impact négatif sur ces écosys-
tèmes (photo 18). À Libreville, de nombreux secteurs
à mangroves ont ainsi été transformés en cultures
maraîchères, d’autres ont été rasés pour faire passer
les conduites de gaz ou d’adduction d’eau comme à
Okala au nord de Libreville.
Au-delà du cas spécifique des mangroves, ce sont
les formations végétales des régions littorales dans
leur ensemble qui sont victimes de diverses formes
de dégradation. Étant situées soit à proximité des
grandes villes littorales ou dans les zones d’exploita-
Photos 14 et 15 - Construction des latrines dans la mangrove tion pétrolière et forestière, elles sont bien souvent
(ph. de gauche E. Ondo Assoumou, 2012, et de droite P. Pottier, 2014) détruites et remplacées par de nouveaux quartiers
La mangrove est coupée au profit des latrines situées à l’extérieur des habitations. Elles sont urbains, des routes ou de nouveaux fronts pionniers
souvent sur pilotis avec des pieux en béton (photo de gauche, arrière plan) dans le quartier
Alibadeng au nord de Libreville et en planches avec passerelle dans le quartier Ngindabato à
52 Owendo (photo de droite).
Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais

d’exploitation agricole. Aussi, les aménagements pétroliers


et la déforestation créent au sein de la végétation littorale des
effets tels que la fragmentation des écosystèmes, ou encore la
formation de zones marécageuses par blocage des cours d’eau. Photos 16 et 17 - Destruction
Les nouvelles routes altèrent ainsi l’écoulement des rivières et de la mangrove au profit de
provoquent la création de plans d’eau artificiels. Ces derniers l’aménagement urbain
(ph. C.-O. Nkouandzi Mabika,
causent la disparition de la végétation ou modifient la structure 2015)
et la composition des types de forêts. Au-delà de ces situations Projet de construction de
localisées qui pourraient s’accroître dans les décennies à venir, logements sociaux à Ntchen-
gué au sud-est de Port-Gentil.
ces dégradations pourraient provoquer un recul réellement si- À droite, les zones de man-
gnificatif des espaces naturels gabonais, au bénéfice des espaces groves sont d’abord détruites,
artificialisés par l’homme. Cette tendance devrait alors devenir puis rechargées en sable. En
bas, les premiers logements
un vrai sujet de préoccupation pour les générations futures de la construits sur le site.
population du pays.
Les atteintes à la nature sont par ailleurs d’autant plus préoccu-
pantes que ces régions littorales voient leur poids démographique
augmenter de façon importante et continue depuis plusieurs dé-
cennies (voir à ce sujet le chapitre 7 du présent ouvrage). Elles révè-
lent aussi sur ces milieux naturels littoraux l’évolution de pressions
anthropiques qui vont croissantes et illustrent bien ces relations
entre l’homme et son milieu naturel, qui, en une scène contradic-
toire, voit s’affronter les questions de développement économique
et de conservation de la nature. Ces régions littorales ont en effet
été les premières à être exploitées afin de dégager une rente, no-
tamment pour leur forêt. En 1956, la première zone d’attribution
à l’exploitation était ainsi concentrée dans le quart nord-ouest du
pays (Meka Mallogho, 2007), presque entièrement dans le bassin
sédimentaire côtier et prolongée jusqu’en 1961 par une deuxième
zone qui ne fit que pénétrer timidement vers l’intérieur des terres.
Ces régions littorales sont aussi porteuses d’espoirs pour l’avenir
du Gabon. Celles des promesses du développement d’un écotou-
risme qui pourrait s’enrichir d’une valorisation encore plus affir-
mée de ce patrimoine végétal gabonais remarquable, déjà ancré
dans les représentations, mais aussi celles d’une économie plus
intégrée et orientée vers la satisfaction des populations locales.

53
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

supplémentaire en faveur d’une gestion maîtrisée de


la nature au Gabon, particulièrement au service de
la limitation du recul des espaces naturels forestiers.

Conclusion
Les forêts ombrophiles gabonaises sont souvent
étudiées dans leur ensemble, et l’on distingue à
ce titre les forêts de l’intérieur de celles de la zone
côtière. Le critère oro-géologique et la dominance
de l’okoumé étant les éléments distinctifs. Or, en
biogéographie végétale, les critères physionomiques
et floristiques sont déterminants dans une étude de
classification des paysages végétaux d’un territoire
donné. C’est dire que d’autres travaux sont indis-
pensables dans la connaissance de la végétation du
Gabon.
Aussi, la distinction entre les forêts de l’intérieur
de celles de la zone côtière est un indicateur de di-
versité et même d’originalité. En effet, cette diffé-
rence est liée aux facteurs écologiques qui sont déjà
différents. Les régions côtières, notamment celles
du Nord, sont les plus pluvieuses du Gabon, avec
Photo 18 - Un marais à
mangrove en cours de
plus de 2 500 mm par an. Étant situées dans la zone
destruction, remplacé par une de transition entre terre et mer, les embouchures
bananeraie à Ikoy, non loin À une autre échelle, sur le plan international, le des grands fleuves apportent énormément de sédi-
d’Owendo
(ph. A.-I. Akendengue, 2015)
Gabon pourrait également tirer profit de cet excep- ments terrigènes qui favorisent le développement
tionnel réservoir naturel. Car à l’avenir, les pays des écosystèmes particuliers, notamment les man-
détenteurs d’espaces forestiers considérés comme groves. On a souvent pensé que ces embouchures
de véritables « pièges à carbone », pourraient être (delta de l’Ogooué notamment) constituaient un
indemnisés pour ce service rendu à l’humanité. obstacle à la colonisation des okoumé, d’où leur
Ainsi, le Gabon avec ses espaces naturels forestiers absence. Les conditions climatiques actuelles pour-
de grande étendue pourrait en tirer un profit finan- raient favoriser l’expansion de cette espèce dans tout
cier sur la scène internationale, en faisant valoir son le bassin sédimentaire côtier et surtout en bordure
rôle important dans la contribution à la limitation de ces embouchures fluviales. Ce bassin a été la pre-
du réchauffement climatique. À n’en pas douter, ce mière zone consacrée à l’exploitation forestière. Sur
dernier point constitue bien évidemment une raison ces anciens sites, plus ouverts, sans aménagements

54
Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais

anthropiques, mais surtout de manière naturelle, les


jeunes okoumé se développent bien. Ce processus de Photo 19 - Affichage
à l’entrée du parc
colonisation naturel avait été étudié par Aubréville national de Mayumba
(1962) qui estimait à juste titre « Que l’okoumé est (ph. B. D. Koumba
Mabert, 2011)
fille du manioc ». Or, aujourd’hui, la zone côtière du
Les interdits qui sont
Gabon est la plus sollicitée par rapport au reste du affichés aux entrées
pays, avec l’exploitation forestière et l’urbanisation des parcs natio-
sans cesse croissante. naux sur de grands
panneaux illustrent
Par ailleurs, très peu étudié aujourd’hui sur le litto- bien les efforts de
protection et de
ral gabonais, le changement climatique, via l’éléva- conservation qui sont
tion du niveau de la mer ou l’érosion côtière encore portés par l’ANPN. Il
sectorielle pourrait lui aussi modifier la structure s’agit bien entendu de
rappeler que la nature
et la composition de la végétation littorale. La fo- doit être protégée des
rêt sclérophylle pourrait par exemple s’étendre ; les agressions humaines,
mangroves pourraient connaître une inversion de au moins sur ces
territoires aux péri-
leur front de colonisation, avec certainement une mètres bien définis.
recolonisation des tannes. Aussi, l’avenir des man-
groves sur substrat rocheux devrait constituer un en-
jeu important dans l’articulation avec le changement
climatique et l’évolution des écosystèmes côtiers.
populations. À cet effet, il est nécessaire d’impliquer
Enfin, les formations végétales des régions littorales toutes les catégories socioprofessionnelles, notam-
du Gabon se trouvent entre destruction, conversion ment les scientifiques pour comprendre les multiples
et protection, gestion, valorisation. Les efforts de interrelations qui affectent les écosystèmes naturels,
protection ont commencé (photo 19) et devront se les pouvoirs publics et les acteurs privés comme les
poursuivre avec l’Agence Nationale des Parcs Natio- ONGs œuvrant dans leur gestion.
naux qui a notamment pour missions la valorisation
des parcs nationaux, 13 créés en 2002 (voir à ce sujet
le chapitre 14 du présent ouvrage). Au total, parcs,
aires protégées et réserves couvrent aujourd’hui
25 572 km² du bassin sédimentaire côtier, soit plus
de 53 % de l’ensemble de sa surface. Les ambitions
affichées par le Gabon dans le domaine de la conser-
vation devraient normalement viser la réduction des
menaces qui pèsent sur la dégradation des écosys-
tèmes naturels, mais aussi stimuler la croissance éco-
nomique et l’amélioration de la qualité de vie des

55
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Références Lebigre J.-M., 1990. Les marais maritimes du


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56
Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais

Ndjimbou Niarra S.-O., 2010. Organisation floris-


tique et dynamique de répartition de quelques essences
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Mémoire de maîtrise, Département de Géographie,
Université Omar Bongo, 100 p.
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Salanon R. et Lacoste A., 2005. Éléments de bio-
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Vande weghe J.-P., 2011. Akanda et Pongara, plages
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ANPN-WCS, Libreville, 2e édition, 272 p.
Vande weghe J.-P., 2013. Loango, Mayumba et
le bas Ogooué, série Les parcs nationaux du Gabon,
ANPN-WSC, Libreville, 2e édition, 320 p.

57
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise
Sylvie Brizard ZONGO
Océanographe, Université de Masuku, Franceville
Brice Didier KOUMBA MABERT
Géographe, CNDIO-CENAREST, Libreville

Les régions littorales du Gabon fournissent une part des pressions hu-
importante des ressources dont bénéficie le pays. Les maines non négli-
ressources économiques qui y sont extraites grâce au geables, quoi qu’en-
tourisme, à la pêche ou à l’exploitation du pétrole core limitées. Ces
découlent en amont d’un « capital naturel » indéniable pressions illustrent
car c’est en effet sur le plan biologique que cette combien la coha-
richesse est au départ remarquable. Dans sa partie bitation au sein du
maritime, les apports du continent en sels nutritifs géosystème entre les
favorisent une production primaire très élevée ainsi hommes et leur en-
qu’une production plus globale importante en res- vironnement, ici une
sources naturelles. Les campagnes océanographiques faune très présente,
et de recherches au Gabon ont ainsi permis de signa- peut être difficile
ler l’exceptionnelle biodiversité marine et aquatique et de conséquences
(Bourgeois et al., 2008). néfastes.
La préservation de cette biodiversité est aujourd’hui
un enjeu majeur pour le pays. Elle repose à la fois Les grands
sur la connaissance et surtout l’évaluation de ces res- écosystèmes
sources et de leurs habitats (Witt et al., 2008), ce qui marins et Photo 1 - Tortue luth sur la
plage de Pongara
nécessite un travail important d’inventaire. Ce travail le bassin du Congo comme facteurs (ph. Partenariat Tortues
a largement été engagé par certains auteurs, notam- déterminants de la richesse Marines du Gabon, 2011)

ment Vande weghe (2003, 2011, 2012, 2013) et Ziss- faunistique au Gabon Cette espèce qui est la plus
grande des tortues marines
man (2007), qui ont pu répertorier la faune marine L’Atlantique est compris entre les continents amé- fait du Gabon l’un des sites
et terrestre du Gabon et leurs habitats, dont une des ricain, européen et africain, il s’étend du nord au sud
de nidification les plus
importants au monde.
espèces littorales emblématiques reste sans conteste sur 12 000 kilomètres et d’est en ouest sur 5 600 kilo-
la tortue marine (photo 1), objet de plusieurs pro- mètres. Quant au golfe de Guinée, il se situe au milieu
grammes de recherche. de la façade de l’Atlantique Sud-Est (Geistdoerfer,
Ces programmes, bien que d’importance par leur 2002). Plusieurs limites ont été données au golfe de
dimension internationale et les soutiens qui les ac- Guinée, certaines privilégiant une étendue du Séné-
compagnent, ne doivent toutefois pas occulter que gal au nord à l’Angola au sud, d’autres le réduisant
les richesses biologiques sont en partie altérées par au nord à la Côte d’Ivoire et au sud par le Gabon

59
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

(Kouassi et Biney, 1998). Nous considérons pour Le littoral du Gabon est à l’image de cette diver-
notre part pertinente la délimitation proposée par le sité. Il présente au nord une côte rocheuse à petites
Guinea Current Large Marine Ecosystem (GCLME), falaises, aux caractéristiques marquées également par
de la Guinée Bissau à l’Angola sur une longueur des estuaires bien développés et de vastes surfaces de
totale de 7 600 kilomètres, et centrée entre les lati- mangroves (Vande weghe, 2007). En progressant vers
tudes 12° N et 16° S (Ukwe, 2006 ; Etoga, 2009). Aux le centre, c’est un complexe deltaïque qui constitue la
caractéristiques physiques particulièrement favorables façade côtière et s’étale sur 150 kilomètres environ,
au développement biologique, le GCLME regroupe d’est en ouest, avec un delta extérieur et de petits del-
au total seize pays, dont le Gabon qui s’étend sur plus tas intérieurs. Au sud de cet ensemble, des cordons
de 950 kilomètres de ses rivages (voir introduction du littoraux délimitent de grandes lagunes (voir les cha-
présent ouvrage). pitres 3 et 4 du présent ouvrage).
Le bassin du Congo joue également un rôle impor- Le GCLME est caractérisé par un plateau conti-
tant dans la richesse des milieux naturels du littoral nental étroit, compris entre 15 et 150 kilomètres,
du Gabon. Les forêts de cet ensemble abritent la avec la partie la plus large au niveau de la Guinée.
majeure partie des mammifères typiques des forêts Au Gabon, au niveau du Cap Lopez, le plateau conti-
d’Afrique centrale occidentale, notamment l’élé- nental est très étroit, d’une largeur comprise entre
phant, le gorille, le chimpanzé, le lamantin, le buffle 15 et 50 kilomètres (Mombo et al., 2007, voir éga-
et l’hippopotame (Devers et Vande weghe, 2006). La lement le chapitre 3 du présent ouvrage). Le plateau
connaissance de ces grands écosystèmes est détermi- continental se rétrécit également entre le Ghana et le
nante pour bien comprendre la richesse biologique Nigéria (Ukwe et al., 2006). Le GCLME est alimenté
par un ensemble hydrographique allant de la Guinée
des eaux littorales gabonaises.
Bissau au Congo. Les grands fleuves comme le Niger,
la Volta, le Congo et la Comoé, mais aussi de plus
Les grands écosystèmes marins autour modestes comme l’Ogooué au Gabon, transportent
du Gabon des tonnes de sédiments dans le golfe. Au niveau du
La façade maritime des pays du GCLME est carac- Cap Lopez, jusqu’à l’embouchure de la Nyanga, les
térisée par une grande diversité des modes d’inter- fonds sont sableux et vaseux (Vande weghe, 2013). Au
faces entre la terre et la mer, avec des plaines côtières sud de l’embouchure de la Nyanga, les fonds sablo-
à contact sableux, des côtes rocheuses à falaises, mais vaseux deviennent de plus en plus vaseux ; ces vases
également des estuaires, ou encore des marais salés où proviennent du fleuve Congo (Mombo et al., 2007).
les mangroves se développent (Awasika et Ibe, 1998 ; L’hydrodynamisme du golfe est dû essentiellement
Soclo, 1998 ; Kouassi et al., 1998 ; Ukwe et al., 2006 ; aux vents et aux courants (Guiavarc’h, 2007). Quant
Mombo et al., 2007). Parmi ceux-ci, sont également à la dynamique côtière, elle est contrôlée par la confi-
très présentes des flèches sableuses, derrière lesquelles guration de la côte, la bathymétrie, le vent, la marée
se loge tout un complexe de réseaux lagunaires (Vande et par les paramètres physico-chimiques (Awosika et
weghe, 2007 ; Ajayi, 1998). Abe, 1998). Le golfe de Guinée est caractérisé au nord

60
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

JANVIER Îles Canaries


JUILLET Îles Canaries
MAROC MAROC
(Esp.) ALGÉRIE LIBYE (Esp.) ALGÉRIE LIBYE

Courant
Équatorial MAURITANIE MAURITANIE
Nord
MALI NIGER MALI NIGER
SÉNÉGAL SÉNÉGAL
GAMBIE TCHAD GAMBIE TCHAD
GUINÉE- GUINÉE- BURKINA
BISSAU BURKINA
FASO BISSAU FASO
GUINÉE GUINÉE
BÉNIN BÉNIN
SIERRA NIGERIA Cont re-co uran t SIERRA NIGERIA
CÔTE TOGO CÔTE TOGO Figures 1 et 2 -
LEONE Équa toria l Nord LEONE
D’IVOIRE GHANA RÉP. D’IVOIRE GHANA RÉP. Courants marins
LIBÉRIA CENTRA- LIBÉRIA CENTRA-
Couran dans le golfe de
Cou CAMEROUN FRICAINE t de Guin CAMEROUN FRICAINE
rant ée
de Guinée Guinée en janvier et
G. ÉQ. G. ÉQ. en juillet
Équateur CONGO Équateur CONGO
GABON GABON
Courant Équ L’upwelling pro-
atorial Su
d RÉP. DÉM. Courant É RÉP. DÉM. gresse avec l’évo-
quatori
CONGO al Sud CONGO
lution des saisons.
OCÉAN En juillet, il remonte
ATLANTIQUE jusque sur les côtes
gabonaises.
ANGOLA ANGOLA
© IGARUN, Université de Nantes

OCÉAN

Co
ATLANTIQUE

ura
Co
ur

nt d
NAMIBIE NAMIBIE
an
td

e Be
Groupes d’États côtiers sous l’influence
eB

des grands écosytèmes marins suivant :

ngue
en

N
upwelling côtier
gue

courant des Canaries (CCLME)

la
la

courant de Guinée (GCLME) front


AFRIQUE Source : Wauthy, 1983 0 500 1 000 km AFRIQUE
courant de Benguela (BCLME) DU SUD DU SUD
B. D. KUMBA MABERT, S. CHARRIER

par le courant des Canaries et au sud par la région des la production biologique. Au sud de l’Angola, le cou-
upwelling, affectés par les grandes cellules anticyclo- rant de Benguela transporte les eaux froides vers le nord,
niques. Au niveau des côtes du Ghana et de la Côte avant d’être freiné par le Courant Équatorial Sud (SEC).
d’Ivoire, des upwellings saisonniers sont intenses. Ils L’évolution de ces courants participe certainement à la
apparaissent de manière régulière de juin à août (fig. 1 migration de la biodiversité qui colonise les côtes gabo-
et 2), moins fréquemment de janvier à février (Binet naises. La richesse biologique du golfe de Guinée est
et Marchal, 1993). Au Gabon, le contre courant sub- étroitement liée aux upwellings (Zognou, 2012), et le
superficiel se dirige vers l’est et entraîne la remontée Gabon fait partie de l’une de ses quatre principales
des eaux profondes qui ont une incidence directe sur zones de forte productivité en raison de l’upwelling du

61
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

courant de Benguela qui longe ses côtes. Cet upwel- taux de salinité reste supérieur à 35 ‰. Il convient de
ling émane du Benguela Current Large Maine Ecosystem noter tout de même que ces variations sont également
(BCLME), dont les influences remontent jusqu’au liées à l’influence plus ou moins forte de deux grands
Gabon (fig. 1 et 2). fleuves, le Niger et le Congo. Au niveau du Cap Lo-
La circulation dans les couches intermédiaires et pez, la température des eaux de surface atteint 27 °C,
profondes est liée à l’alternance des courants zonaux et les salinités 31 à 33 ‰ d’octobre à mai (saison de
qui engendrent différentes masses d’eau advectées pluie). Les courants transportent des eaux chaudes de
dans le golfe. Le cycle saisonnier joue un rôle impor- faible salinité le long des côtes africaines (Stramma et
tant dans la variabilité des courants et donc dans la Schott, 1999). Durant la saison sèche, les vents du
stratification des masses d’eau. Le golfe est caractérisé golfe sont forts et entraînent de grosses houles. Les
par un climat tropical qui comprend une saison sèche eaux du Cap Lopez atteignent 23 °C et 35 ‰ de sali-
qui s’étend de mai à septembre, et d’une saison de nité dues à la remontée des eaux profondes. La région
pluie qui va d’octobre à avril. Au niveau du Ghana côtière du golfe est ainsi très productive. Au niveau de
et de la Côte-d’Ivoire, la thermocline atteint les 20 m l’écosystème du courant de Benguela, la population
et au Togo-Benin, elle atteint les 35 m presque toute animale est abondante et diversifiée : poissons, crusta-
l’année, à l’exception des mois de juillet et août (Ajayi, cés, oiseaux et mammifères marins.
1998). Au niveau du Gabon (Cap Lopez), en saison
de pluie, les eaux chaudes et moins salées ne forment L’influence du bassin du Congo
qu’une mince couche qui cache les eaux profondes, Le bassin du Congo s’étend sur une superficie de
plus froides et plus salées. près de 2 millions de km² et abrite la deuxième plus
Selon Mombo et al. (2007), trois saisons se dis- grande étendue de forêt humide du monde, après celle
tinguent dans les eaux océaniques du golfe de Guinée. de l’Amazonie. Le bassin du Congo est limité à l’ouest
La première, dite grande saison chaude, se caractérise par le golfe de Guinée et à l’est par le rift d’Albertin. Le
par des températures de l’ordre de 24° C avec des eaux Gabon fait partie du bassin du Congo qui est délimité
chaudes et dessalées, ainsi qu’un taux de salinité infé- au nord par le Cameroun et la Guinée Équatoriale,
rieur à 35 ‰. Entre janvier et mai, en pleine saison au sud et à l’est par la République du Congo. Le pays
des pluies, les températures moyennes enregistrées est couvert à 85 % par la forêt. Ces pays frontaliers
oscillent autour de 28 °C et la salinité tombe à 30 ‰. se partagent la même région, aussi bien pour l’éco-
Ensuite, en décembre, on y note une petite saison système terrestre que pour l’écosystème aquatique.
fraîche avec des températures supérieures à 24 °C et Des écorégions floristiques et faunistiques y sont bien
un taux de salinité supérieur à 35 ‰. Enfin, cet espace visibles. Dans ce sens, Devers et Vande weghe (2006)
connaît une grande saison fraîche. Au cours de cette distinguent deux zones de haute richesse, à savoir, les
saison, entre les mois de juin et octobre, les eaux sont forêts de Basse-Guinée à l’ouest avec le Cameroun, la
froides et salées, en relation avec les upwellings intenses Guinée Équatoriale et le Gabon, et celles du piémont
du courant de Benguela. Les températures moyennes du rift Albertin à l’est de la République Démocratique
enregistrées se situent aux alentours de 18° C et le du Congo. Thomas (2004) estime que les forêts de

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Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

Basse-Guinée sont les plus riches du continent afri- dans la région de Gamba, alors que 230 espèces dont
cain en espèces faunistiques. Au niveau du bassin, une 161 espèces typiquement forestières ont été observées
série de fleuves se jette dans l’Atlantique, avec bien en- dans les Monts Doudou par Christy et Goodman
tendu le fleuve Congo, mais également l’Ogooué qui (2004). Dans le parc national de Loango, ce sont près
est le plus long fleuve du Gabon, prenant sa source de 200 espèces d’oiseaux qui ont été inventoriées.
au Congo et se jetant dans l’océan à Port-Gentil. Au S’agissant de l’herpétofaune, Pauwels et al. (2006)
sud de cette région, la Nyanga, second fleuve par son découvrent près de 86 espèces de reptiles dans le
débit, draine un bassin de 22 000 km² dont 80 % complexe de Gamba et 54 espèces d’amphibiens ont
se situent au Gabon. Il se jette également dans l’At- été trouvées dans les Monts Doudou par Burger et al.
lantique. Le fleuve Komo, le troisième grand fleuve (2004). L’ychtyofaune n’est pas en reste. Les travaux
du Gabon, prend sa source en Guinée Équatoriale et de Mamoneke et al. (2006) permettent de trouver
se jette dans la mer par l’estuaire du Komo. 67 espèces de poissons dans la région de Rabi. Ceux
La façade maritime est caractérisée par une bande de du WWF (1995) répertorient plus de 68 espèces de
forêts sempervirentes au niveau du nord ouest du Ga- poissons issues de 34 familles dans la lagune Ndogo.
bon et dans l’ouest de Cameroun. À 100 ou 200 kilo- La baie de Panga au nord de Mayumba, zone dans
mètres de la côte culminent le Mont Alén, les Monts laquelle les pêcheurs de la région ont été repoussés
de Cristal et les Monts Doudou sur lesquels s’étend après la création du parc national de Mayumba, a été
une végétation à césalpinioïdées. Une mosaïque de identifiée comme étant une nurserie pour les requins
formations sempervirentes et semi-sempervirentes est et les raies.
localisée plus à l’est du bassin et, au centre, une forêt Les éléphants d’Afrique, les buffles, le bonobo, les
marécageuse. Une mosaïque de savane est localisée au gorilles, les okapis et les bongos, entre autres, sont
sud de la cuvette congolaise, zone dans laquelle des toutes des espèces retrouvées dans cette région où les
populations importantes de grands mammifères sont mosaïques de savanes côtières et de galeries forestières
installées. favorisent la présence de ces importants mammifères
Le Paysage transfrontalier littoral Gamba-Mayum- (Devers et Vande weghe, 2006). Le gorille de plaine
ba-Conkouati est l’un des paysages importants du et l’éléphant de forêt ont ainsi fait l’objet de grands
bassin du Congo (Devers et Vande weghe, 2006). Il programmes comme le projet « espèces phares », porté
est centré sur les parcs nationaux de Loango, Mouka- par cinq pays : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la
laba-Doudou et Mayumba au Gabon. Entre ces der- Guinée Équatoriale et Sao Tomé et Principe.
niers, on peut noter l’existence des domaines de chasse
Ngové-Ndogo, Moukalaba, Setté Cama et Iguéla et La faune caractéristique
la réserve de la plaine Ouanga (voir le chapitre 14 du du littoral gabonais
présent ouvrage). La richesse de cette région a sans La faune des régions littorales, comme celle de l’en-
doute milité pour la création de ces aires protégées. semble du pays, reste pour l’heure largement épargnée
89 espèces de mammifères y ont été identifiées. Pour grâce à une prédation humaine limitée à quelques
l’avifaune, Sargeant (1993) a inventorié 380 espèces secteurs de concentration. La mise en place des aires

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Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

protégées vient biodiversité. Les mangroves qui sont particulièrement


renforcer le niveau présentes sont réparties dans les milieux suivants : l’es-
de préservation de tuaire du Mouni, la baie de la Mondah, l’estuaire du
la richesse faunis- Komo, le delta de l’Ogooué, et les lagunes du littoral
tique du Gabon. méridional. Elles s’étendent sur environ 2  500 km²
La présentation de (voir chapitre 1 du présent ouvrage). Elles sont colo-
cette faune carac- nisées principalement par les palétuviers appartenant
téristique du litto- à la famille des rhizophoracées (Rhizophora racemosa,
ral gabonais qui R. mangle et R. harriet), des avicenniacées (Avicennia
va suivre n’est pas nitida) et par des combrétacées (Conocarpus erectus,
exhaustive, car il est Laguncularia racemosa). Au niveau faunistique, ces
simplement ques- zones humides renferment des oiseaux ; des mammi-
tion ici de mettre en fères ; des reptiles ; et des poissons. Les mangroves qui
valeur les espèces les constituent de véritables niches de reproduction pour
plus remarquables. beaucoup d’espèces de poissons pélagiques, de crabes
Qu’il s’agisse de la et de crustacés servent également d’abri, avec les va-
petite faune ou de sières, aux mollusques et aux vers propices aux oiseaux
la grande faune, limicoles. Pour ces oiseaux, c’est aussi un lieu d’hiver-
le choix tient plus nage, notamment dans la baie de la Mondah. S’agis-
à la spécificité des sant des mollusques, le plus caractéristique est l’huître
Photo 2 - Tantale ibis dans le
parc national de Pongara espèces dont cer- (Crassostrea gasar) que l’on retrouve abondamment à
(ph. Partenariat Tortues Marines taines sont en danger (tortues marines), ou encore au Mayumba, aussi bien sur les racines des palétuviers
du Gabon - MTCA, 2012) fait qu’elles ont été véritablement répertoriées et iden- que dans le fond de la lagune (Vande weghe, 2013).
tifiées dans les aires protégées littorales et, enfin, au L’huître rencontrée à Mayumba est beaucoup plus
caractère emblématique de ces dernières. En partant grosse que celle qu’on retrouve dans les mangroves
du continent vers la mer, il est possible de distinguer de la région de Libreville. Dans une ferme ostréicole
la faune des zones humides côtières, avant de mettre récemment implantée au Cap Estérias, dans la baie
en valeur la biodiversité marine. d’Abaga dans l’océan Atlantique, l’exploitant y élève
d’ailleurs cette espèce.
Faune des zones humides côtières Les zones humides côtières représentent les milieux
La zone côtière représente la partie principale du remarquables pour nombre d’oiseaux1. Les espèces uti-
contact terre-mer. Au Gabon, cette interface prend lisent les racines ou les hautes branches de palétuviers
souvent la forme de milieux humides largement déve-
loppés au-delà d’un simple trait de rivage : lagunes ; 1. Ce recueil d’oiseaux est notamment tiré de Vande weghe, dont les
estuaires ; marécages ouverts ; mangroves ; forêts inon- ouvrages remarquables consacrés aux parcs nationaux du Gabon sont
dées ; ou encore estrans. Ces zones abritent une grande une référence (2011, 2012, 2013 pour les parcs des régions littorales).

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Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

comme reposoir. Les espèces comme l’apalis à poi- Les oiseaux migra-
trine jaune (Apalis flavida), tantale ibis (Mycteria Ibis) teurs qui colonisent
(photo 2) et le gonolek à ventre blanc (Laniarius bico- les fleuves, les lacs,
lor) sont observées au niveau d’Akanda et de Pongara. les rivières et les
Le héron cendré (Ardea cinerea) est lui présent sur les lagunes sont aussi
estrans rocheux, alors que le goéland argenté à pieds très bien représentés
jaunes (Larus argentatus) est visible au niveau de la avec  : le balbuzard
plage de Port-Gentil. Les sternes sont également ob- (Pandion haliaetus)
servées sur toutes les côtes, comme la sterne caspienne et le pélican gris
(Sterna caspia), en nombre dans le parc de Loango ; (Pelecanus rufescens -
la sterne royale (Sterna maxima) et la sterne caugek photo 3) qui sont
(Sterna sandvicensis) qui sont très présentes entre les présents le long des
mois d’octobre et avril. rivières (Ngové no-
tamment). Le cor-
On rencontre l’aigrette garzette (Egretta garzetta) moran africain (Pha-
et l’aigrette à gorge blanche (E. gularis) au niveau de lacrocorax africanus) Photo 3 - Pélicans dans le parc
l’embouchure de la lagune Ngové, l’aigrette ardoisée colonise également les lacs. Le héron pourpré (Ardea d'Akanda
(E. ardesiaa) étant quant à elle observée près de Setté (ph. E. J. H. Damas, ANPN, 2011)
goliath) est retrouvé dans presque toutes les zones hu-
Cama. On y retrouve également l’ombrette africaine mides. Le héron strié (Butorides striatus) est un migra-
(Scopus umbreta), la cigogne épiscopale (Ciconia epis- teur qui colonise la rivière Ngové. Parmi les cigognes,
copus), l’ibis sacré (Threskiornis aethiopicus) et la spa- il y a la cigogne épiscopale (Ciconia episcopus) et le den-
tule d’Afrique (Platalea alba). crocygne veuf (Dendrocygna viduata) qui sont obser-
Au niveau de la baie du Cap Lopez, les oiseaux ob- vables dans le parc national de Loango. Le palmiste
servés sont : le courlis corlieu (Numenius phaeopus), africain (Gypohierax angolensis) est également présent
le bécasseau minute (Calidris minuta), le bécasseau dans la zone. D’autres oiseaux migrateurs comme les
cocorli (C. ferruginea), le chevalier aboyeur (Tringa becs-en-ciseaux sont aussi présents au Gabon.
nebularia), le chevalier guignette (Actitis hypoleucos) et Parmi les chouettes, la chouette-pêcheuse de Pel
le pluvier grand-gravelot (Charadrius hiaticula). Dans (Scotopelia peli) et la chouette-pêcheuse de Bou-
le parc d’Akanda, on rencontre la barge rousse (Li- vier (Scotopelia bouvieri) colonisent les rives et les
mosa lapponica) et le pluvier argenté (Pluvialis squata- forêts inondées. Sur la canopée des grands arbres,
rola). Au droit de la lagune Ngové, les espèces obser- on peut trouver des bandes entières de perroquets
vées sont : le bec-en-ciseaux (Rynchops flavirostris), le gris (Psittacus erithacus). De leur petit nom, Jaco, ils
martin-pêcheur pie (Ceryle rudis), le martin-pêcheur suivent les fruits sur ces arbres. Véritable oiseau de
géant (Megaceryle maxima), le martin-pêcheur huppé compagnie du fait de sa grande capacité d’appren-
(Alcedo cristata), le pélican gris (Pelecanus rufescens) et tissage du langage humain et de son intelligence, le
le palmiste africain (Gypohierax angolensis). perroquet gris du Gabon est en déclin. Le Gabon

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Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

l’a proposé à l’Annexe I tacheté (Lutra maculicollis), le talapoin du Nord (Mio-


de la CITES (liste des pithecus ogouensis), le cercopithèque hocheur (Cerco-
espèces animales mena- pithecus n. nictitans), le cercocède à collier (Cercocebus
cées d’extinction). On torquatus), le moustac (Cercopithecus cephus) et les
le retrouve dans les ra- six espèces de céphalophes dont le plus commun, le
phiales des régions de céphalophe bleu (Cephalophus monticola), fréquente
Loango, Mayumba et plus ou moins régulièrement les zones humides. Il
du bas Ogooué (Vande convient également de signaler que le buffle de forêt
weghe, 2013). On peut (Syncerus caffer - photo 4), habitué des prairies inon-
également le rencon- dées ou inondables, le sitatunga (Tragelaphus spekei),
trer dans le fond de l’éléphant de savane (Loxodonta africanus) et l’éle-
l’estuaire du Komo. Au phant de forêt (Loxodonta cyclotis) sont présents dans
cœur des lacs de Lam- ces zones humides des régions littorales du Gabon
Photo 4 - Troupeau de buffles
baréné, sur les grands (photo  5). Ces derniers sont très souvent en abon-
dans le parc national de Loango arbres, on retrouve aussi en abondance des pélicans dance là où la pression des chasseurs est la plus faible,
(ph. ANPN, 2013) (Pelecanus rufescens). notamment autour des aires protégées dans les régions
côtières du Gabon. Ils sortent jusque dans les cités pé-
À côté des oiseaux, d’autres espèces profitent égale-
trolières près de Gamba. C’est le cas notamment à Yen-
ment de la particularité des zones humides côtières,
zi lors de la saison des mangues (septembre-octobre).
notamment les petits mammifères. On y rencontre
la mangouste des marais (Atilax paludinosus) qui se Parmi les mammifères qui visitent les eaux douces,
nourrit d’insectes, de il y a notamment les hippopotames (Hippopotamus
mollusques, de crabes, amphibius) et le lamantin (Trichechus senegalensis) qui
de poissons et d’amphi- est un mammifère aquatique de l'ordre des siréniens
biens (Vande weghe, appartenant à la famille des trichechidés. Au Gabon,
2013). Dans ce groupe le lamantin a été signalé en abondance dans la région
des carnivores, on peut de Gamba. Son existence a été également remarquée
également noter la pré- dans les parcs nationaux de Loango, Moukalaba-
sence de félidés avec le Doudou et Mayumba, en raison de la présence de
chat doré (Felis aurata) l’environnement lagunaire et des fleuves côtiers. On
et la panthère (Panthera le retrouve aussi dans le delta de l’Ogooué, dans la
pardus). Cette dernière région des lacs de Lambaréné (Agondogo, 2006) et
est couramment rencon- dans le Komo et l’Abanga. Les autres espèces de mam-
trée dans les aires pro- mifères aquatiques qui visitent les milieux humides
tégées littorales et fait sont le cercocèbe à collier (Cercocebus torquatus) et le
Photo 5 - Éléphant dans le parc national de Loango l’objet d’une protection chevrotain aquatique (Hyemoschus aquaticus). Ce der-
(ph. J. Bergère, 2013) intégrale. La loutre à cou nier est surtout présent autour des ruisseaux.

66
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

Certains de ces mammifères sont présents jusqu’au contact de


l’océan et ainsi souvent observés sur les plages, ce qui constitue une
curiosité largement affichée par les professionnels du tourisme. Les Photo 6 -
plus régulièrement rencontrés sont les éléphants (photo 6), le sita- Eléphants
tunga, le buffle, les hippopotames, les cercocèbes à collier (Cercoce- colonisant la
côte dans le
bus torquatus) et les potamochères (Potamochoerus porcus - photo 7). parc national de
Ces derniers sont largement présents dans les lagunes du sud du Pongara
(ph. MTCA, 2012)
Gabon et les milieux humides du bas Ogooué. La protection de plus
La photo est prise
en plus renforcée de ces espèces a conduit à leur prolifération. Ainsi, de la plage, que
l'abondance des éléphants pose désormais des problèmes de cohabi- les éléphants
tation dans les zones peuplées. semblent parcourir
régulièrement.
Toujours parmi ces espèces remarquables de la faune africaine lar-
gement implantées dans les régions côtières du Gabon, le gorille (Go-
rilla gorilla). Selon Vande weghe (2013), la région sud-ouest du Ga-
bon est une des régions les plus riches d’Afrique centrale en primates.
Ces gorilles sont visibles dans les forêts inondées du parc national de
Loango. On les rencontre aussi dans les forêts de la lagune Ngové, de
la région de Mayumba et du bas Ogooué, en groupes composés de
femelles, de jeunes et d’un mâle adulte.
À côté de ces espèces emblématiques, on peut également relever
la présence des reptiles qui appartiennent à l’ordre des crocodiliens
et sont représentés par le crocodile du Nil (Crocodylus niloticus) et le
crocodile nain (Osteolaemus t. teraspis), rencontrés dans les ruisseaux
de forêts et les forêts inondées.
Pour finir, ces milieux aquatiques particulièrement riches abritent
également des poissons, d’une abondance exceptionnelle et qui sont
présents dans l’ensemble des eaux littorales intérieures du pays. Vande
weghe (2011, 2012, 2013) et Mombo et al. (2007) proposent un
ensemble de tableaux qui classent les poissons de ces zones côtières
du Gabon en quatre groupes en fonction de leur milieu de vie : les
espèces strictement inféodées aux eaux marines, aux eaux saumâtres,
et aux eaux douces, ainsi que les espèces amphibiotiques.
La grande richesse de la faune des régions littorales du Gabon re-
monte jusqu’aux portes de Lambaréné et dans la région des lacs où Photo 7 - Potamochères dans le parc de Loango
l’eau joue un rôle très important dans la vie des populations locales, (ph. E. J. H. Damas, ANPN, 2012)

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Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

ne serait-ce que par également présents dans la région. Dans la baie de


l’apport des pro- Mayumba, Vande weghe (2013) identifie une impor-
téines animales. Ces tante nurserie de requins bouledogues (Carcharhinus
lacs sont connus leucas), de requins soyeux (C. falciformis) et de requins
pour leur richesse à museau pointu (Rhizoprionodon acutus). Quant au
en ressources halieu- requin marteau (Sphyrna couardi - photo 8), on le
tiques, avec comme rencontre plus loin en mer, même si les jeunes s’aven-
espèce phare la carpe turent dans les eaux peu profondes des côtes.
(Tilapia) qui fait la Formant les chondrichtyrens avec les requins dont
renommée de la ville elles sont dérivées, les raies colonisent aussi les eaux ga-
de Lambaréné. bonaises. Vande weghe (2011, 2012, 2013) en a recensé
À l’opposé du 34  espèces dont 32 qui vivent dans les eaux côtières,
trait de côte, non 9  qui rentrent dans les eaux saumâtres des estuaires
plus vers l’intérieur et 4 retrouvées dans les eaux douces. Ces raies appar-
des terres, mais cette tiennent toutes à huit familles, celle des pristidées ou
fois vers l’espace poissons-scies en est la plus ancienne. On y retrouve
maritime, les éco- notamment Pristis pristis, P. microdon, et P. pectinata. Au
Photo 8 - Requin marteau systèmes sont éga- Gabon, on observe également la présence de raies gui-
capturé par les pêcheurs de
lement remarquables. La mer gabonaise abrite ainsi tares ou rhinobatidés avec la raie guitare à dos épineux
Mayumba
(ph. B. Koumba Mabert, nombre d’espèces phares, dont certaines font du Ga- (Rhinobatos Irvinei) et la raie guitare commune (Rh. Rhi-
2006) bon l’un des premiers pays au monde visités pour des nobatos) ; de raies torpilles ou torpedinidés (on y recense
Ce requin qui prolifère dans besoins de nidification. 4 des 35 espèces connues dans le monde) ; d'une raie
la région de Mayumba est papillon (famille des gymnuridés), la pastenaque ailée
abondamment capturé à tel
point qu’on lui a donné dans la Faune marine caractéristique de la région (Gymnura altavela) ; de la raie manta (Manta birostris)
langue locale, le vili, le nom de qui représente la famille des mobulidés et se retrouve en
« Douk-Dak ». Formé du qua- La faune marine gabonaise est caractérisée par les haute mer, mais aussi dans les eaux peu profondes. Cette
lificatif « tchiduk », qui signifie
« bête ou idiot » et de « dak »,
requins, les raies, les cétacés, les tortues marines et une dernière est un véritable cauchemar pour les baigneurs
qui signifie « pêché », « Douk- diversité de poissons, source d’enjeux de pêche. de la zone des Caps Santa Clara et Estérias. Enfin, on
Dak » pourrait donc être peut citer également les raies aigles ou myliobatidés,
traduit par « l’idiot pêché » S’agissant des requins, des 35 espèces connues au
(propos recueillis auprès du Gabon, 28 sont trouvées dans les eaux côtières et les avec 3 espèces connues au Gabon dont l’aigle de mer
sage de Mayumba Makosso
7 autres, au-delà de cet espace. On y observe notam- léopard (Aetobatus), l’aigle de mer commun (Myliobatus
« De Lion », âgé de 95 ans). aquila) et l’aigle vachette (Pteromylatus bivinus).
ment les requins plats, les requins dormeurs ou dala-
tiidés et 4 squales chagrins ou centrophoridés. Les Quant aux cétacés, qui constituent d’autres espèces
requins modernes, le requin-baleine (Ginglymostoma remarquables de la communauté faunistique mari-
cirrhatum), le grand requin blanc (Carcharodon car- time du Gabon, Vande weghe (2011, 2012, 2013) en
charias) et le requin mako (Isurus oxyrinchus) sont distingue 15 espèces dans les eaux gabonaises. Parmi

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Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

ces derniers, 6 sont des mysticètes, rorquals et baleines, et 9 des


odontocètes, cachalots et dauphins. Parmi les cétacés migrateurs,
le plus commun est le rorqual à bosse ou mégaptère ou baleine
à bosse (Megaptera novaeangliae - photo 9), qui est observé au
Gabon au niveau du plateau continental aux mois de juillet et
août. Les baleines migrent de la zone polaire à la zone tropicale
(Budker et Collignon, 1952). Les populations de rorqual de Bryde
(Baleanoptera edeni), de rorqual boréal (Balaenoptera borealis), de
rorqual commun (Balaenoptera physalis), de rorqual bleu (Balae-
noptera musculus) et la baleine franche australe (Eubalaena austra-
lis) sont également observées sur les côtes gabonaises.
Environ 11 espèces de cétacés plus petits, principalement des dau-
phins et des espèces associées colonisent également les eaux gabo-
naises : le dauphin commun à long bec (Delphinus capensis), le dau-
phin commun (Delphinus delphis - photo 10), le dauphin à bosse de
l’Atlantique (Souza teuszii), le dauphin de Risso (Grampus griseus) et
le dauphin bleu (Stenella frontalis). Des groupes de dauphins com-
muns (Delphinus delphis, Tursiops truncatus) sont observés régulière- Photo 9 - Parade d’une baleine à
ment au niveau de la baie du Cap Lopez. bosse au large de Mayumba
(ph. E. J. H. Damas, ANPN, 2013)
D’autres dauphins plus grands comme l’orque ou épaulard (Or-
cinus orca) et le faux-orque (Pseudorca crassidens) apparaissent aussi
au niveau des côtes gabonaises (Mayumba, Cap Estérias).
Ces cétacés grands et plus petits constituent de véritables attrac-
tions touristiques recherchées par les visiteurs. Ils sont de ce point
de vue non seulement des marqueurs importants de la qualité des
milieux marins gabonais et de la richesse de sa faune, mais égale-
ment des atouts pour son développement économique.
Photo 10 - Dauphin commun au
Enfin, la tortue marine, espèce caractéristique de la biodiversité large de Mayumba
marine au Gabon, se retrouve sur l’ensemble du littoral. Le pays (ph. G. Minton, ANPN, 2013)
est plus particulièrement concerné par deux sites majeurs d’impor-
tance écologique internationale pour les tortues marines du golfe
de Guinée (Rieucau, 2001). Le premier correspond à la zone de
ponte qui s’étend de Mayumba jusqu’à la frontière du Congo et
la deuxième est l’aire d’alimentation qui est la baie de Corisco sur
une superficie d’environ 1 570 km², limitée au nord par le Cap

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Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

San Juan (Guinée Équatoriale) et au sud par le Cap Dans les proportions beaucoup moins importantes que
Estérias (Gabon). La tortue marine migre de la zone celles de la tortue luth, la tortue olivâtre fréquente égale-
d’alimentation à la zone de ponte. Les périodes de ment les côtes gabonaises et est observée régulièrement
reproduction s’étendent du mois d’octobre au mois au sud de Port-Gentil. La tortue verte est un visiteur
d’avril, période sur laquelle se superposent les cam- régulier des plages du Gabon. Enfin, la tortue imbri-
pagnes d’étude du Partenariat Tortues Marines du quée qui vit dans les eaux chaudes et riches en nourri-
Gabon (MTCA) financées par le gouvernement amé- ture est plus abondante dans la baie de Corisco.
ricain. Sur les côtes gabonaises, la plus grande activité Toutes ces espèces de tortues sont « en danger » ou
de nidification s’observe de décembre à janvier. « en danger critique » selon l’Union Mondiale pour la
Les tortues marines sont des reptiles qui dépassent Nature (Billes, 2004).
la taille des tortues terrestres. Elles viennent s’accou-
Au-delà de ces espèces terrestres ou marines remar-
pler et pondre chaque année sur les côtes gabonaises.
quables par leur intérêt biologique, mais aussi par la
Leur présence a été signalée pour la première fois par
valeur symbolique qu’elles représentent (grande faune
Duméril (1859). Mais c’est Fretey (1984) qui iden-
spectaculaire et devenant rare à observer, espèces emblé-
tifia les sites de reproduction des tortues luth au sud
matiques de l’Afrique…), la faune des régions littorales
de Libreville. Des sites avaient aussi été répertoriés
du Gabon est avant tout exceptionnelle par sa richesse
dans la baie de Corisco, dans la région de Gamba et
et sa très grande diversité. Reconnue comme un élément
à Mayumba.
important du patrimoine naturel à l’échelle de la sous-
Après les côtes d’Amérique latine, le littoral gabo- région, comme du continent ou de notre planète, cette
nais constitue une zone importante de ponte pour les richesse est devenue de toute évidence un enjeu pour
tortues marines. On y retrouve cinq des huit espèces l’avenir du pays, faisant tantôt l’objet d’un suivi régulier,
de tortues marines répertoriées dans le monde. Il s’agit ou étant tantôt encadrée par un mode de gouvernance
de la tortue luth (Dermochelys coriacea), la tortue oli- axé sur des projets et autres programmes d’actions.
vâtre (Lepidochelys olivacea), la tortue verte (Chelonia
mydas), la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricatta) Les programmes de protection de
et la tortue caouanne (Carette caretta). la biodiversité littorale et marine
La tortue luth est la plus grosse tortue au monde. Le Gabon a très tôt pris la mesure de la gestion de
On la retrouve au sud de Mayumba, dans le parc de sa biodiversité marine à travers la ratification le 15 avril
Pongara et à Gamba. Dans le sud du pays, la tortue 1935 de la convention SDN (Société des Nations) dite
luth fait de Mayumba le second site au monde pour Convention pour la réglementation de la chasse à la
la nidification des tortues marines. Chaque année, baleine. Ce texte, signé à Genève le 24 septembre 1931
entre novembre et avril, plus de 550 femelles par nuit (SDN, 1931), participait déjà à la gouvernance de cette
viennent pondre sur les quelques 80 kilomètres de espèce marine. Tout au long de son histoire, le Gabon a
plage, de Mayumba à la frontière avec le Congo voisin ratifié plusieurs conventions et accords, tant nationaux
(Billes et al., 2000). qu’internationaux, qui participent tous à la gestion de

70
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

l’environnement (tab. 1). Depuis lors et jusqu’à Lieu et date Date de ratification
Nature Domaine
récemment, le pays a défini un certain nombre de de signature par le Gabon
programmes et de stratégies dans la gestion de ses Convention SDN Chasse à la baleine Genève, 24 septembre 1931 15 avril 1935
ressources naturelles.
Convention SDN Faune et flore Afrique Londres, 8 novembre 1933 31 mai 1938

Les grands programmes et stratégies de Accord de réciprocité Pêche avec le Congo Libreville, 29 juin 1971 24 septembre 1972
conservation Convention
Forêt : organisation africaine
Libreville, 2 juin 1976 9 août 1976
du bois
Le Plan National d’Action pour l’Environnement Accord de réciprocité Pêche avec le Cameroun Franceville, 9 août 1974 3 octobre 1977
(PNAE, 2001)
Convention sur la prévention de
Environnement, immersion
Le PNAE a été lancé officiellement au cours la pollution des mers résultant
des déchets
Londres, 13 novembre 1972 2 juin 1980
de l'immersion des déchets
d’un séminaire organisé à Libreville en juin 1997.
Environnement : nature et
C’est une initiative soutenue et financée par la Convention d'Alger
ressources naturelles
Alger, 15 septembre 1968 29 juillet 1987
Banque Mondiale dont les actions ont essentiel- Convention CITES Faune et flore sauvage Washington, 3 mars 1973 29 juillet 1987
lement porté sur le financement de projets en fa-
Coopération en matière de
veur de la lutte contre les pollutions, la gestion de protection et de mise en
Convention d'Abidjan Abidjan, 23 mars 1981 13 décembre 1988
l’environnement urbain, la gestion des ressources valeur du milieu marin et
naturelles et le renforcement des capacités des ins- des zones côtières

titutions nationales et locales (Sournia, 1996). Le Accord international Forêts : bois tropicaux Genève, 18 juin 1983 Loi 0019/87 du 29 juillet 1987
PNAE avait pour objectif d’orienter le Gouverne- Protocole
Pêche : protection des
Paris, 10 juillet 1984 Loi 13/88, 13 décembre 1988
ment sur les priorités d’actions en matière d’envi- thonidés de l'Atlantique
Accord de coopération
ronnement. Cet instrument mettait en collabora- sous-régional
Faune sauvage, conservation Libreville, 16 avril 1983 30 décembre 1988
tion les différentes parties prenantes, c’est-à-dire
Accord international Forêt : bois tropicaux Genève, 18 juin 1983
le Gouvernement, les ONG, les partenaires éco-
nomiques et les bailleurs de fonds. Selon Mom- Pêche : développement
Convention des pêches dans le golfe de Libreville, 21 juin 1984 29 décembre 1989
bo et al. (2007), le littoral gabonais a été inscrit Guinée
dans ses volets de travail comme un écosystème Convention sur la diversité
Diversité biologique Rio, 5 juin 1992 28 juin 1996
« perpétuellement menacé, à risques, sous l’effet des biologique
Montego Bay,
diverses pressions d’ordre anthropique, industriel et Convention ONU Droit de la mer
10 décembre 1982
26 février 1998
naturel » par le PNAE. Sous la tutelle du Minis- Convention cadre sur les Environnement :
tère chargé de l’environnement et avec l’appui du changements climatiques (CCCC) changements climatiques
Kyoto, 11 décembre 1997 21 janvier 1998

Programme des Nations Unies pour le Dévelop- Convention relative aux zones
Environnement : flore,
pement (PNUD), ce Plan a validé, au cours d’un humides d’importance
faune, écosystème
Ramsar, 2 février 1971 9 juin 2005
internationale dite Ramsar
conseil exécutif tenu en 1999, un livre blanc qui
Environnement : espèces
est une compilation d’un programme de dévelop- Convention de Bonn
migratrices
Bonn, 1979
pement pour le secteur environnemental.
Tableau 1 - Situation de la ratification des conventions et traités internationaux
dans les domaines de la gestion et de la protection des ressources naturelles
Source : Bibang et Ella, 2010 71
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

La protection des tortues marines autour marines en Afrique centrale bénéficia ainsi d’un fi-
de PROTOMAC et du MTCA nancement important à compter de 2003, grâce à la
Le programme ECOFAC (ECOsystèmes Fores- Commission Européenne à partir du projet Espèces
tiers d’Afrique Centrale) a organisé en 1997 un ate- phares. Il s’agissait essentiellement du développement
lier sous-régional pour la conservation des tortues d’activités de recherche et de conservation des tortues
marines à Ekwata, sur la rive droite de l’estuaire du marines dans 5 pays : Cameroun, Guinée Équatoriale,
Komo au Gabon, qui s’est achevé sur la création d’un Sao Tomé et Principe, Gabon et Congo.
premier réseau nommé PROTOMAC (PROtection Compte-tenu de l’importance de la population nidi-
des TOrtues Marines d’Afrique Centrale). Cette ini- fiante de tortues luth et grâce au financement de l’US
tiative a débouché sur une évaluation préliminaire Fish and Wildlife Service Marine Turtle Conservation
de cinq des espèces de tortues marines présentes en Fund, on assista à la création du Partenariat pour les
Afrique occidentale. Les premières conclusions des Tortues Marines du Gabon (MTCA) en 2005. Cette
études ont tout d’abord fait état du statut de ces plateforme est née du constat selon lequel les activités
tortues en proie à un certain nombre de menaces. portant sur la conservation des tortues marines ont
Mais surtout, ce programme a également permis de été « menées de façon fragmentée et souvent dissonante,
déterminer les différentes zones de ponte de tortues avec des méthodologies divergentes et des résultats souvent
marines le long du littoral du Gabon, les données de inconsistants » (MTCA, 2010). Le but à long terme
comptage, de marquage et d'observation des traces de ce partenariat est d’agir pour la conservation de
étant renseignées dans une base de données « tortues ». la population de tortues luth au Gabon et d’amélio-
Les rapports de Gabon Environnement (2007) et rer la compréhension sur son statut, sa biologie et les
d’Alexis Billes (2000) sont d’ailleurs issus de cette base menaces qui pèsent sur cette ressource. Les principaux
de données. Dans le prolongement de la Convention partenaires sont essentiellement Aventures Sans Fron-
sur les espèces migratrices (CMS), 17 États africains tières (ASF), Gabon Environnement, Ibonga, Manga,
aidés de la France et de l’Union Internationale pour la Protection des Tortues marines d’Afrique Centrale
Conservation de la Nature (UICN) se sont retrouvés (PROTOMAC), la Wildlife Conservation Society
deux ans plus tard autour d’un mémorandum d’ac- (WCS) et le World Wildlife Fund (WWF), l’Agence
cord régional (Mémorandum d’Abidjan) qui entérina Nationale des Parcs Nationaux (ANPN) et le Centre
effectivement la conservation des tortues marines sur National des Données et de l’Information Océano-
l’ensemble de la façade atlantique de l’Afrique. graphiques (CNDIO).
Ce Mémorandum d’Abidjan a ainsi permis la mise Le Partenariat assure aujourd’hui un suivi de base des
en place d’un programme de coopération régionale, le populations afin d’évaluer leur évolution ainsi que des
Programme Kudu (nom vernaculaire servant à dési- survols aériens de l'ensemble de la côte pendant la sai-
gner les tortues marines chez plusieurs ethnies afri- son de ponte. Plusieurs groupes de travail, composés
caines côtières) dont le but est d’assurer une conser- des membres des diverses organisations partenaires tra-
vation pérenne des tortues marines sur la façade vaillent spécifiquement sur les menaces, notamment la
atlantique (Billes, 2004). La conservation des tortues pêche industrielle, les lumières artificielles, les grumes

72
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

rejetées sur les plages, la pêche ar- Période d’observation


tisanale, l’inondation des nids, la Nb de pontes
2004-2005
2005-2006 LIBREVILLE
prédation et les problèmes d’éro- de tortues luth Pointe
observées 2006-2007 Pongara
sion côtière. Un autre volet porte
3 500
sur la sensibilisation environne- Pointe
3 000 Wingombé
mentale et la prise en compte des
2 500
communautés locales. 113 obs�/km Pointe Denis
2 000

zo
Pointe

ne

Es
1 500
La grande faune et le projet Ngombé

tu
1 000
« Espèces phares » phare de

ai
500 Ngombé

re
Le projet «  Espèces Phares » 0
Parc National

du
a été initié par le programme
1

4
Pongara

zone 2
ne

ne

ne

ne

Ko
Zo

Zo

Zo

Zo
ECOFAC et cofinancé par la 310 obs�/km

m
Commission Européenne pour

o
une durée de trois ans (27 février 2003 au 26 février
Pointe
2006). Ce projet est régi par une convention de fi- OCÉAN Kinguerié
nancement signée entre la Commission Européenne ATLANTIQUE

zone 3
et le Gouvernement gabonais qui a confié l’exécution 93 obs�/km
du projet à la cellule de coordination du programme
ECOFAC, puis au RAPAC (Réseau des aires proté-
intensité de ponte
gées d’Afrique centrale) depuis le 20 juin 2005. des tortues luth

zone
L’objectif global de ce projet vise le maintien de + 134 obs�/km
la biodiversité en Afrique centrale. Plus spécifique-

4
-
ment, il s’agit de valoriser quatre espèces « phares » et
emblématiques des écosystèmes de la région : gorilles,
éléphants, tortues marines (fig. 3) et baleines. Deux nombre moyen
N
d’observations
approches sont mises en exergue dans ce projet : la re- de ponte par km limite de zone

© IGARUN, Université de
zone 3

cherche, afin de déterminer le statut des populations de linéaire côtier 93 obs�/km de ponte des 0 2 4 km
N
et par zone tortues luth Matek
et leur espace de vie, ainsi que l’écotourisme comme Mavie
(sur la période parc national
moyen de contribution aux coûts de fonctionnement 2005-2006)
des aires protégées et d’amélioration des revenus des © IGARUN, Université de Nantes
Source : Gabon Environnement, 2007
B. KUMBA MABERT, S. CHARRIER
populations locales.
Figure 3 - Pontes de tortue luth de 2004 à 2007 (à partir des comptages effectués par Gabon
Au Gabon, le projet « Espèces phares » s’est foca- Environnement)
lisé dans un certain nombre d’aires protégées par Exemple de travaux réalisés dans le cadre du suivi de cette côte par Gabon Environnement. Ici, non seulement
les relevés permettent d’observer les évolutions annuelles des pontes, mais également de localiser géogra-
des ONG, notamment dans les parcs nationaux de phiquement les secteurs les plus concernés (voir également à ce sujet le chapitre 11 du présent ouvrage).

73
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Pongara, Mayumba et Lopé, et dans le complexe des Le WCS et les autres partenaires ont ainsi posé des
aires protégées de Gamba. L’ONG Ibonga, basée à balises dans le parc national de Loango notamment.
Gamba, en collaboration avec l’association hollan- Ce programme avait également permis au WCS et à
daise Biotopic et le WWF Gamba sur la base d’un Gabon Environnement de réaliser le premier inven-
protocole d’accord signé entre Ibonga et ECOFAC en taire sur les éléphants et les grands singes dans le parc
octobre 2004, a assuré le suivi méthodique des plages national de Pongara.
de ponte de tortues. Quant à l’ONG Gabon Envi-
ronnement, elle a travaillé dans les parcs nationaux de L’apport du corpus juridique et la création
Pongara (fig. 3) et de Mayumba. Sa mission a consisté des parcs nationaux
au suivi méthodique des plages de ponte des tortues Au-delà des ratifications aux différentes conventions
marines, à l’analyse approfondie de leurs nids et à la internationales et régionales, le Gabon a mis en place
pose de balises Argos sur les carapaces. Ces balises ser- localement tout un corpus juridique pour la préserva-
vaient à apporter des précisions sur les trajectoires des tion et la gestion de son environnement. Des textes
tortues après leur ponte. de lois et autres décrets ont été ainsi élaborés. La loi
S’agissant des baleines, un protocole d’accord a été qui a longtemps encadré l’environnement au Gabon
signé en juin 2003 entre ECOFAC et la West Coast est la loi n° 1/82 du 22 juillet, dite Loi d’orientation
Whale Research Foundation (WCWRF) pour mettre en matière des Eaux et Forêts. À la suite de cette loi,
en œuvre une étude sur les baleines au Gabon, no- on peut citer la loi n° 16/93 du 26 août 1993, rela-
tamment au large de Port-Gentil. L’étude portait sur tive à la protection et à l’amélioration de l’environne-
une meilleure connaissance des périodes d’arrivée ment, dite Code de l’environnement. Cette loi ren-
des baleines dans la zone (fin mai / début juin) et ferme les principes généraux qui fondent la politique
la mise en place d’un système innovant de suivi des nationale en matière de protection et d’amélioration
populations à partir d’hydrophones installés sur des de l’environnement. Il y est question, entre autres,
plateformes pétrolières. Toutefois, le projet n’a pas de la lutte contre les pollutions et nuisances ainsi
atteint les résultats escomptés, du fait de la modestie que de la mise en place du principe de l’élaboration
des moyens financiers et des difficultés de collabora- des études d’impact (EIE). L’EIE est un instrument
tion avec le WCS, qui travaillait aussi sur cette même d’analyse et de prévision visant à évaluer les inci-
recherche (ECOFAC, 2005). dences néfastes des projets de travaux ou d’aménage-
Enfin, le volet « Éléphant » du Projet « Espèces Phares » ments sur la santé, la qualité de l’environnement, les
vise essentiellement la recherche pour une meilleure ressources naturelles et les équilibres écologiques. Le
compréhension de leur dynamique, pour avoir des décret n° 539/PR/MEFEPEPN pris en application
informations concrètes sur le braconnage des défenses de l’article 67 de la loi n° 16/93 du 26 août 1993
et pour une amélioration de la conservation des élé- réglemente les EIE. Ces dispositions sont ainsi prises
phants dans la zone transfrontalière. Ce volet a utilisé en compte dans le cadre des aménagements divers
la télémétrie par GPS pour permettre un meilleur sui- sur le littoral. Toute forme d’exploration ou exploi-
vi de leurs déplacements à travers l’Afrique centrale. tation, notamment par les sociétés pétrolières ou

74
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

forestières nécessite, de facto, la conduite d’une EIE Dans ces aires pro-
dont la finalité est, entre autres, de limiter les impacts tégées, toute activité
des activités sur l’environnement et de proposer les de quelque nature
mesures d’atténuation. Ensuite, on peut évoquer la que ce soit jugée non
loi n° 16/2001 du 31 décembre 2001, portant Code conforme à la loi y est
forestier en République gabonaise qui s’appuie sur le proscrite. L’instauration
concept d’aménagement et de gestion durable. La loi de ces restrictions, cou-
n° 003/ 2007 relative aux parcs nationaux est entiè- plée à la politique haute-
rement dédiée à ces parcs créés en 2002. Enfin, la ment répressive exercée
loi n° 7/2014 du 1er août 2014 relative à la protec- par l’ANPN entraîne
tion de l’environnement en République gabonaise, et un certain nombre de
le décret n° 0579/PR/MPE du 30 novembre 2015, conséquences, notam-
qui fixe les modalités et conditions d’exercice de la ment dans les rapports
pêche, ont complété récemment les dispositions ré- homme-faune. Car les
glementaires portées sur le littoral. Les différentes lois modes de vie des popu-
consacrent toujours un chapitre dédié à la mer et aux lations peuvent égale-
océans et un autre à la faune et à la flore, puis aux ment être sources de
aires protégées. Dans ce sens, les parcs nationaux ont dommages sur cette bio- Photo 11 - Éléphant divagant à
ainsi été créés en août 2002. diversité exceptionnelle. l’aéroport de Gamba
(ph. J. A. Koumba Iwangou,
En effet, les décrets n° 608/PR/MEFEPN, n° 613/ 2016)
Des stratégies de conservation aux Les éléphants côtoient
PR/MEFEPN, n° 614/PR/MEFEPN, n° 616/PR/
effets discutables désormais le quotidien des
MEFEPN, n° 618/PR/MEFEPN du 30 août 2002, populations et il n’est pas
pris en application des articles 9, 75, 76 et 90 de la loi La mise en place de nouvelles aires protégées à partir rare de les retrouver dans les
de 2002, couplée à l’existence d’une législation axée locaux-poubelles de la cité
n° 16/2001 du 31 décembre 2001, portent respecti- des cadres de Shell Gabon à
vement classement des parcs nationaux d’Akanda, de sur la protection de la faune, a entraîné des effets sur Gamba.
Loango, de Mayumba, de Moukalaba-Doudou et de la population de certaines espèces. De plus, les popu-
Pongara. Au sens de la loi, un parc national est « une lations locales exercent également des pressions sur la
aire protégée établie sur une portion du territoire où des faune et le non encadrement de leurs activités peut
écosystèmes terrestres ou marins, des sites géomorpholo- causer des dommages sur la ressource.
giques, historiques et autres formes de paysage, jouissent
La question de la gestion des rapports homme-faune
d’une protection particulière avec l’objectif de maintenir
la diversité biologique et les processus de régulation éco- Depuis l’avènement des parcs nationaux, les popu-
logique naturels en y autorisant des activités réglemen- lations locales ont vu leur espace vital réduit à tel point
tées d’écotourisme, de recherche scientifique et d’éduca- qu’elles ont de plus en plus de mal à vivre de leurs
tion tout en contribuant au développement économique activités champêtres. Les éléphants sont sortis des
et social des communautés locales ». forêts et vivent désormais dans les villes (photo 11) et

75
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

villages, détruisant tout sur leur cole dans tout le pays, le programme GRAINE (Ga-
passage. Les populations voient bon des Réalisations Agricoles et des Initiatives des
tous les jours leurs champs et Nationaux Engagés). L’une des menaces à laquelle il
autres plantations détruits par est confronté est effectivement la présence de l’élé-
ces pachydermes hautement phant. L’ANPN et le gouvernement développent
protégés par la législation en actuellement un plan national de gestion de ce
vigueur. conflit homme-faune en expérimentant l’utilisation
Au Gabon, l’éléphant fait de barrières électriques devant éloigner davantage
partie intégrante de la popula- cet animal. La chasse ne peut-elle pas constituer un
tion à tel point qu’il a pris une outil de régulation de la faune ? Abattre ces éléphants
part active dans la campagne peut être une mesure rentable et pourrait améliorer
présidentielle de 2016. La la tolérance des communautés à l’égard de la faune.
plupart des candidats à l’élec- Les revenus issus de la vente des permis ou les taxes
tion présidentielle ont intégré d’abattage pourraient alors servir au financement des
Photo 12 - Jeune rorqual dans dans leurs discours le fait selon activités de conservation, à la protection des instal-
les eaux du port de Port-Gentil lequel ce sont les éléphants qui voteraient pour le lations humaines (Treves et Karanth, 2003) ou ap-
(ph. J. Bergère, 2014)
président sortant du pays. Cette situation est révé- porter directement des revenus aux communautés,
La divagation de cette grande
latrice de l’exaspération des populations qui, chaque comme c’est le cas en Namibie, au Zimbabwe ou en
faune aquatique sauvage dans
les eaux pourtant inhospita- jour, subissent les conséquences dans ce conflit qui Zambie.
lières (ici du terminal de Port- les oppose à la faune. De plus, le gouvernement a Les pressions humaines sur la faune locale
Gentil) n’est pas sans danger,
surtout pour l’animal…
mis en place un programme de développement agri- pas encore totalement encadrées
Sans doute faut-il enfin souligner qu’une des par-
ticularités du Gabon réside dans ses faibles densités
humaines (voir à ce sujet le chapitre 7 du présent ou-
Photo 13 Tortue luth piégée par les vrage). Ce semis de peuplement très éparse permet par
billes de bois endroit à la faune sauvage de vivre en toute tranquillité
(ph. Partenariat Tortues Marines du
Gabon, 2012)
avec les sociétés humaines des régions littorales, voire
La prolifération de troncs d’arbres
dans d’autres secteurs de cohabiter souvent sans dan-
issus de l’exploitation forestière ger. Parfois, cette cohabitation peut également poser
sur les plages entraîne de graves problème, au point de mettre en péril certaines espèces.
dommages sur cette espèce, de telle
sorte que le Partenariat a mis en C’est le cas dans les espaces maritimes où l’occu-
place un programme devant nettoyer
les plages de Pongara de cette
pation industrielle notamment, d’extraction pétro-
menace. lière ou d’exploitation portuaire, est la plus présente ;
dans l’estuaire du Komo comme dans les eaux de
Port-Gentil, où s’aventure parfois non sans danger la

76
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

grande faune aquatique (photo 12). Ces risques qui


entraînent des collisions fatales provoquent régu-
lièrement sur les côtes gabonaises des échouages,
notamment de cétacés (voir à ce sujet le chapitre Photo 14 - Requins saisis par les agents du parc
14 du présent ouvrage), et des dommages sur la national de Mayumba
(ph. E. Ogowet - PN Mayumba, 2016)
nidification des tortues marines (photo 13).
Cette saisie a été faite le 8 septembre 2016 dans le
Plus globalement, le danger pour la faune sau- parc national de Mayumba où les pêcheurs congolais, à
bord de pirogues améliorées, exercent une forte pres-
vage vient bien souvent de la prédation humaine sion sur cette espèce très appréciée par les popula-
volontaire, au-delà des dégradations environne- tions congolaises. Dans cette prise, on peut remarquer
mentales qui ne sont pas sans conséquences aussi également la présence d’une raie.
sur les ressources naturelles du pays (voir à ce su-
jet les chapitres 5 et 14 du présent ouvrage). Dans
le domaine de la pêche, les prélèvements de pois-
sons et autres espèces aquatiques se font parfois
sans raison et sans maîtrise, réduisant les stocks
(photos 14 et 15). C’est bien entendu le cas pour
la pêche industrielle illicite (voir le chapitre 5 du
présent ouvrage), mais également des pêches arti-
Photo 15 - Jeunes requins prélevés d’un ventre de
sanales illégales ou traditionnelles (photos 16, 17, requin femelle, au village de pêcheurs de Mayumba
18 et 19). (ph. B. Koumba Mabert, 2006)
Des prises non contrôlées peuvent entraîner leur
Les mollusques font aussi l’objet d’une exploi- extinction, comme c’est le cas sur les côtes califor-
tation artisanale. Longtemps non contrôlée, la niennes où les requins décimés pendant la seconde
récolte des huîtres à Mayumba a été pratiquée par guerre mondiale n’ont toujours pas recolonisés les
eaux de cette partie du monde (Vande weghe, 2013).
les populations locales, sans véritable politique de
gestion durable. Les coquilles vides ont été sou-
vent abandonnées sur les berges de la lagune Ba-
nio (photo 20). Les huîtres sont enlevées de leur
coquille après avoir été cuites dans de grosses mar-
mites sur du feu de bois (photo 21). Photo 16 - Tortue marine piégée dans les filets de pêche
(ph. J.-B. Mambani, 2015)
Depuis 2008 et avec l’aide de l’ANPN et du
Une remontée de senne à la Sablière, au nord de
WCS, les populations locales ont compris la né- Libreville. On peut apercevoir dans la poche du
cessité de gérer durablement cette ressource. Elles trémail, une tortue marine (espèce intégralement
ont mis en place une association de récolteurs protégée) en sus des autres espèces pélagiques. On
peut craindre, même sans certitude, pour le destin de
et de vendeurs d’huîtres. La première action de ce pauvre animal…
cette association a été de remettre à l’eau toutes

77
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

les coquilles abandonnées sur les rives (Koumba


Photo 17 - Beau spécimen d’une
Mabert, 2010), pour éviter la raréfaction de cette
raie pastenague capturée par des espèce à Mayumba.
pêcheurs
(ph. P Pottier, 2014) Dans le domaine de la chasse, certaines espèces sont
Dans la région des lacs en aval de également recherchées pour approvisionner les mar-
Lambaréné, cette raie qui vient
d’être pêchée est d’une belle
chés d’Oloumi et de Mont Bouet à Libreville. C’est
taille, plus d’un mêtre pour sa le cas du potamochère (Potamochoerus porcus), du
partie abdominale. céphalophe bleu (Cephalophus monticola) et du sita-
tunga (Tragelaphus spekei). Pendant longtemps, le bra-
connage de masse a causé des dommages sur la faune
malgré l’existence d’une législation en la matière. De-
puis l’avènement des parcs nationaux, le phénomène
a considérablement diminué sans avoir disparu com-
plètement. Il est courant de retrouver de la viande de
Photos 18 et 19 - Crocodiles nains capturés brousse dans les restaurants de Libreville en période
pour être consommés
(ph. P. Pottier, 2014)
de fermeture de la chasse. Le pays a pourtant adopté
Dans la région des lacs de Lambaréné et sur
un décret réglementant les périodes d’ouverture (du
l’axe routier Libreville-Lambaréné, il est fré- 16 mars au 14 septembre) et de fermeture (du 15 sep-
quent de retrouver cette espèce proposée à tembre au 15 mars) de la chasse (République gabo-
la vente pour les ménages et les restau-
rants des villes importantes, notamment
naise, 2011). À côté de ce braconnage commercial et
Libreville. de subsistance, il existe aussi une forme de braconnage
pour les sous-produits. Ce type de braconnage est pra-
tiqué surtout sur les éléphants pour se procurer l’ivoire.
Il n’est pas rare de retrouver des carcasses d’éléphants
dans les aires protégées, notamment dans la réserve de
Wonga Wongué où près de 27 éléphants morts ont
été découverts par les agents de l’ANPN en avril 2011
(ANPN, 2012). D’autres espèces sont aussi l’objet de
ce braconnage pour l’utilisation de leur peau, c’est le
cas de la panthère dont la peau sert à l’occasion de
certains rites initiatiques traditionnels.
Malgré l’existence des contraintes imposées par
la mise en place des parcs nationaux, une législation
riche et des programmes de conservation, la faune du
littoral du Gabon connaît des dommages importants

78
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

qui portent atteinte


à son intégrité. Un
meilleur renforce-
ment des capacités,
à la fois institu-
tionnelles et opéra-
tionnelles permet-
trait à l’ANPN et
à l’administration
des Eaux et Forêts
de mieux orienter
leurs actions, même
si le problème de
la prolifération des
éléphants mérite un
regard particulier.
Photos 20 et 21 - Huîtres sur
les bords de la lagune Banio
Conclusion
(ph. B. Koumba Mabert, 2006)
Plus encore que dans sa partie terrestre continen- des milieux aquatiques. Les plus grandes comme la L’abandon des coquilles sur les
tale, la richesse de la faune sauvage gabonaise est baleine à bosse ou le dauphin sont recherchées par les rives (photo de gauche) prive
remarquable dans les régions littorales du pays. Sa touristes, alors que bien d’autres, fragiles et en danger les fonds sableux des coquilles
vides sur lesquelles les larves
plus grande diversité est bien entendu liée à celle des comme le lamentin ou encore la tortue marine sont planctoniques se fixent. Une
milieux où l’eau est très présente, que ce soit dans de plus en plus objet de préoccupation. fois les huîtres extraites de
leurs coquilles, elles sont cuites
l’espace maritime, sur le trait de côte, dans les très Ces ressources naturelles apparaissent pourtant de dans de grosses marmites
nombreux éléments d’un réseau hydrographique plus en plus comme un véritable capital à préserver (photo de droite).
dense, ou encore dans des zones humides d’un inté- et à faire fructifier. Les enjeux autour de celles-ci sont
rêt écologique majeur pour l’ensemble des écosys- essentiels pour l’avenir, car une partie du développe-
tèmes côtiers. Ainsi, cette biodiversité intègre des ment y est liée. Le tourisme encore prometteur en
espèces majeures dont les lieux de vie vont bien au- dépend, bien entendu, mais aussi la pêche qui n’ar-
delà des espaces sous influence littorale, comme les rive pas à répondre aux besoins nationaux ou encore
éléphants, les singes ou les buffles, qui sont parmi l’équilibre entre les villes et les espaces agricoles et
les symboles d’une nature africaine encore largement forestiers qui a besoin d’une organisation recompo-
préservée dans ce pays aux densités démographiques sée, tout comme celui entre les sanctuaires naturels
si faibles. L’originalité est toutefois de les voir diva- et les espaces de vie des gabonais qui doit trouver un
guer jusque sur les plages. Les territoires littoraux difficile équilibre entre préservation de la nature et
renferment aussi de nombreuses espèces symboliques intégration économique. Les actions engagées sur les

79
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

voies d’une gestion à objectifs durables des environ- Bibang R. et Ella M.-L., 2010. Rapport national
nements naturels sont déjà nombreuses au Gabon, sur les progrès accomplis par le Gabon vers l’aménagement
et c’est une chance. Il n’en demeure pas moins que durable des forêts sur la base du principe I des PCI OAB-
toutes les attentions doivent être soutenues, pour OIBT de gestion durable des forets tropicales naturelles
permettre au pays d’offrir encore pour longtemps d’Afrique, Projet OIBT PD 124/01 Rev. 2  (M), Pro-
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80
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

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81
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

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82
Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise

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83
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon
Jean-Bernard MOMBO
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville

Pays du Grand Écosystème Marin du Courant de altitude et de dépressions. Les plateaux sont souvent
Guinée (GEMCG), le Gabon a une superficie de fortement entaillés par les cours d’eau, dont les fonds
267 667 km², avec près de 950 km de côtes ouvertes de vallées sont plats et marécageux. Ceux-ci forment
sur l’océan Atlantique. Un couvert forestier dense les mailles d’un réseau de collines. Géologiquement,
d’environ 22 millions d’hectares (85 % de sa superfi- les régions littorales du Gabon correspondent au bas-
cie) et un réseau hydrographique abondant donnent sin sédimentaire côtier (Hudeley et Belmonte, 1970).
toute son originalité à l’oro-hydrographie du terri-
toire gabonais. La morphologie des fonds sous-marins
Le pays présente des formes variées du relief. La du précontinent gabonais
topographie ondulée à très ondulée est faite essentiel- Dans le cadre de la zone IV de l’Afrique de l’Ouest
lement de plaines, de plateaux (les plus représentés), (groupe Nigeria, Cameroun, Guinée Équatoriale, Îles
de collines et de massifs montagneux de basse alti- Sao Tomé et Principe et Gabon) du concept des « mers
tude. Les altitudes sont peu élevées, culminant autour régionales », le Gabon avec un peu plus de 950 km
de 1 000 m : Mikongo, 1 022 m, à l’est des Monts représente 38 % du linéaire côtier total (Klingebiel,
de Cristal ; le Mont Milondo, 1 020 m, et à 80 km 1987) et 45 % de la surface du plateau continental,
à l’ouest 1 022 m, dans le Massif du Chaillu ; les soit 41 900 km² (Bignoumba, 1995). Ses 22 % de
Monts de Belinga, 1 024 m, et le Mont Sassamongo, Zone économique exclusive (ZEE), soit 191 944 km²
1 001 m, dans la province de l’Ogooué Ivindo. (Sea Around Us, 2015), représentent un espace mari-
Dans une orientation grossièrement méridienne, les time pas loin d’être équivalent à la superficie conti-
régions littorales du Gabon sont situées entre l’océan nentale gabonaise (72 %).
Atlantique, à l’ouest, et une bordure orographique
relativement élevée de 600 m à 900 m d’altitude dans La morphologie du plateau continental
l’arrière-pays, à l’est. Cette zone sous influence mari- ou de la plateforme continentale
time a une forme en losange d’une superficie d’environ
La largeur du plateau continental
50 000 km², soit environ 600 km du Nord au Sud et
200 km de l’Ouest vers l’Est, dont les extrémités sont : Les cartes du Service Hydrographique et Océanogra-
au nord, la région de Cocobeach et de l’estuaire du phique de la Marine (S.H.M./S.H.O.M.) renseignent
Rio Mouni, à la frontière avec la Guinée Équatoriale ; sur la topographie sous-marine du précontinent. La
à l’est, la région de Lambaréné ; au sud, le fond de la plateforme continentale est assez étroite (fig. 1), soit :
lagune Banio, à la frontière avec le Congo ; et à l’ouest, 50 km entre la Pointe Ngombé ou Gombé et sa limite
le Cap Lopez et l’Île Mandji, côté océan Atlantique. externe à -100 m de profondeur, pour une pente de
Ces régions littorales ont une topographie très variée, 0,25 % ; 43 km entre le Cap Estérias et sa limite ex-
faite de collines, de plaines, plateaux et crêtes de faible terne à -100 m pour une pente de 0,25 % ; etc.

85
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

À l’ouest de la Pointe Ngombé, une rupture


Île de
Principe GUINÉE ÉQUATORIALE de pente à -100 m de profondeur marque la
bassin
sédimentaire arrière pays Estuaire du
limite externe du plateau continental. En
côtier Mouni
effet, les profondeurs de -100  m à -110 m
Cocobeach
sont un « [...]trait morphologique [...] caracté-
Baie de
Cap Corisco ristique de plusieurs bordures externes des pla-
Estérias
teformes de l’Afrique Atlantique » (Giresse et
Île de LIBREVILLE Ntoum
al., 1981). Le talus continental est donc bien
Sao Tomé Pointe Kom
Ngombé
o
Kango
plus vite atteint que dans la plupart des cas
où la rupture de pente est à -180 m/-200 m
100
200
de profondeur. Le plateau continental a une

oué
Wonga
Baie du Wongué
Lac Azingo Og o largeur variable entre 15 et 50 km au nord du
Cap Lopez Lambaréné
Port-Gentil
254 m
Lac
Cap Lopez, quasiment nulle devant ledit cap

Ng
ou
Mandjé
(présence d’un canyon sous-marin, fig. 4) et

nié
OCÉAN Delta de
l'Ogooué Lac Lac
rarement au delà de 50 km au sud de l’exu-
Rum sincide nimagnis ATLANTIQUE Lac Anengué
Avanga Onangué
GABON toire de l’Ogooué. La largeur moyenne du
in nobis aut is ad que omniend
igendant et il es esto inimus etus
Lagune
Nkomi
plateau continental est équivalente à celle
nis volo commolupta cuptaquia Omboué
Rem bo
i du Congo voisin : 40 à 50 km, soit près
Île ellorpo samus, ut quam
kom

quatur, N
de 30 milles (Giresse et al., 1981). Généra-

© IGARUN, Université de Nantes, LETG-Nantes, Géolittomer


d'Annobón
qui natis endae estia quia volest Lagune
qui dellatur, nonsequibus aut fac- Iguéla lement, il est limité au large par une forte
caecat verum quodit etur? Faccus Lagune rupture de pente vers les isobathes -120 m à
elibus rem qui berum nonsedionse Ndogo
pressit quiaeru ptatem suntem
-130 m, correspondant aux anciennes lignes
reperum ressit, estrum, to omni- de rivage des paléoenvironnements litto-
hilitio moluptam Gamba raux (Giresse et al., 1981). Grosso modo, la
3
00
0

10
20
0
0
Nya g
n direction nord-sud des isobathes est parallèle
a

40
00
à la ligne de rivage. Leur espacement quasi
Mayumba
Lagune
Lagune
régulier souligne une pente régulière descen-
N Banio
Banio dant vers les grands fonds, et une topogra-
Pointe
phie sous-marine peu différenciée. La pente
0 50 100 km
Banda
CONGO moyenne du plateau continental est de 0,2 %
(autour de 1,5°), donc très faible.
Sources : diverses dont TOTAL GABON (fond de carte), bathymétrie SHOM Z. MENIE OVONO,
(cartes 6758, 7188, 7257, 7588, 7791), J.M. LEBIGRE (1983), D. MARTIN (1981) S. CHARRIER De type atlantique, uniforme (Afrique,
Bathymétrie (en mètres) réseau hydrographique ville principale Brésil, etc.), cette plateforme continentale
principal
limite d'État à pente très faible joue deux rôles essentiels.
2 000 1 000 500 200 100 30 20 0
D’une part, elle favorise la propagation et
Figure 1 - La bathymétrie au droit des côtes du Gabon

86
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon

un impact plus grand des agents hydrodynamiques 0/-20 m -20/-50 m -50/-200 m -200/-800 m 0/-200 m
marins de la morphogenèse côtière. Les houles à la Nord du Cap
Lopez
4 100 km² 4 100 km² 3 600 km² 2 100 km² 11 800 km²
côte ont une grande longueur d’onde (2 à 6 m), une Sud du Cap 3 900 km² 8 700 km² 16 200 km² 9 000 km² 28 800 km²
amplitude ou hauteur de 1,5 m avec un maximum de Lopez
3,7 m, une longue période (entre 9 et 15 secondes ; soit Zone des
estuaires 1 300 km² 1 300 km²
une moyenne habituelle entre 10 et 12 s des houles de Plateau 9 300 km² 12 800 km² 19 800 km² 41 900 km²
l’océan Atlantique) et une célérité ou vitesse de propa- continental
gation de 2,5 m/s (Mombo et al., 2007). Leurs impor- Talus continental 11 100 km² --------------
tants déferlements à la côte ont des actions mécaniques MARGE CONTINENTALE 53 000 km²
dévastatrices, d’où une forte érosion côtière. D’autre
Tableau 1 - La superficie
part, la sédimentation terrigène (sable, vase) est l’objet de la marge continentale
d’un fort transit littoral, conséquence sur les côtes du des eaux littorales et du climat continental par le phé- du Gabon

Gabon d’une houle issue de deux directions domi- nomène d’upwelling côtier (remontées d’eaux froides Source : Bignoumba

nantes sud - sud-ouest et ouest - sud-ouest. du plateau continental) engendré. (1995), modifié

Sous l’effet du jet de rive, une puissante dérive La superficie de la marge continentale
littorale qui porte vers le Nord est responsable de La marge continentale a une superficie de
la migration des sédiments et, en conséquence, de 53  000  km² repartie ainsi (Bignoumba, 1995) :
la morphodynamique côtière actuelle. Les houles 41 900 km² entre les limites de zéro et -200 mètres,
dominantes de secteur sud-ouest favorisent ainsi auxquels s’ajoutent près de 11 100 km² de talus conti-
une dérive littorale orientée sud-nord pendant une nental entre les isobathes -200 m et -800 m (tab. 1).
grande partie de l’année. La conséquence est un Pour l’ensemble du bassin côtier gabonais, le plateau
transit de sables ayant édifié une succession de cor- continental laisse clairement apparaître sa division
dons littoraux bordant les plages (exemples : de la en deux unités séparées l’une de l’autre par le canyon
Pointe Ngombé à Pointe Pongara ; flèches sableuses), sous-marin du Cap Lopez.
à l’origine de la migration des embouchures des
rivières, ou isolant des lagunes. L’importance du La topographie du plateau continental
phénomène dans l’alimentation des plages donne,
Les aspects topographiques sont en relation avec
d’une part, des débouchés côtiers souvent obstrués
une marge continentale passive construite par une
par des apports sédimentaires considérables issus du
sédimentation progradée. Une « tectonique d’origine
large et, d’autre part, de la remobilisation des sables
distensive commande la structure du plateau continen-
issus des cordons littoraux récents et quaternaires
tal et notamment l’orientation des dépressions où l’on
(Mombo et al., 2007).
observe les plus fortes épaisseurs de couverture meuble
L’influence océanique australe est, entre autres, aussi (jusqu’à 15 m), ainsi que celle du littoral » (Giresse
marquée par la remontée dès avril-mai du courant et al., 1981). La plateforme continentale gabonaise est
froid de Benguela. Celui-ci favorise le rafraîchissement quelque peu analogue à celle de la côte est-américaine :

87
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

i
Île Elobey oun
Chico Rio M
Île Elobey Cocobeach
Grande
Bathymétrie
(en m)
flexurations et subsidence en cette côte dans la Baie de Corisco (une mer épiconti-
Île de Corisco
Pointe 0 fond de géosynclinal due à une nentale d’environ 1  570  km² - Rieucau, 2001), au-
Ndombo surcharge sédimentaire. Cette
BAIE DE
10 dessus de l’isobathe -20 m (fig. 2). Ces îles reliques,
20
CORISCO combinaison des faits géody- témoins des effondrements tardifs quaternaires dans
30
namiques (marge passive, sédi- cette enclave côtière, ont des contours rocheux et des
Île Leva mentation progradée, subsi- plages sableuses. Les îles Mbanié et Leva renseignent
Pointe dence) fait que le Gabon côtier
Île Mbanié Buyumba sur la dynamique marine à travers leur queue de co-
est (Salomon, 2008) : mète sableuse s’étirant côté est sur au moins un kilo-
Îlot Conga Îlot Cocotier - d’une part, du groupe mètre (photo 1), dans le sens de la propagation de la
« […] des littoraux des plaines houle dont l’incidence est perpendiculaire à la côte.
sédimentaires, que ces dernières Indice d’un milieu de sédimentation fine et moyenne
intense, la Baie de Corisco est le siège de bancs ro-
© IGARUN, Université de Nantes

Pointe
Akanda
correspondent à un bassin plus
Pointe
Bolokouboué
Pointe
Moka ou moins envahi par une mer cheux, sableux et vaseux, affleurant ou non. Les îles
BAIE DE de l’embouchure du Rio Mouni sont au cœur d’un
LA MONDAH
(cas de la mer du Nord) ou que
Cap Estérias contentieux maritime entre la Guinée Équatoriale et
les sédiments s’accumulent pour
0 5 10 km former une plateforme conti- le Gabon (voir chapitre 6 du présent ouvrage).
N

Source : bathymétrie SHOM S. CHARRIER nentale subsidente (cas du golfe


Le réseau d’entailles du plateau continental
du Mexique) » ;
Figure 2 - Les îles de la Baie de Corisco
La genèse de la plateforme continentale est encore
- d’autre part, du groupe
assez délicate à aborder du fait, d’une part, de l’ab-
« […] des littoraux des bourre-
sence d’études spécifiques et, d’autre part, de la com-
lets marginaux des socles (côtes
plexité des variations eustatiques quaternaires et des
du Gabon, d’Afrique occiden-
micro-variations holocènes marines, entre +100 m et
tale, de l’Inde, etc.). Ici, le tracé -100 m, sous plusieurs cycles d’érosion et sous des
général suit l’orientation d’en- paléoclimats différents de l’actuel.
semble ».
Toutefois, les vallées fluviales côtières ont été en-
Les îles de la Baie de Corisco noyées lors de la remontée marine holocène. Les
entre le Gabon et la Guinée chenaux sous-marins de marées des vallées fluvio-
Équatoriale marines des estuaires du Rio Mouni, de la Baie de
la Mondah et de l’Estuaire du Komo1 correspondent
Quelques sept îles, Corisco
ou Mandyi, Grande Elobey/
Elobey Grande, Petite Elobey/ 1. L’Estuaire du Komo présente un grand chenal. Celui-ci, qui
vient de la Pointe Owendo (-11 m), coupant à travers l’estuaire, passe
Photo 1 - Île Mbanié dans la Baie de Corisco (vue depuis le sud-ouest) Elobey Chico ou Elobey Niño, du côté de la Pointe Pongara (jusqu’à -29 m au débouché de l’es-
(ph. P. Pottier, 2014) Mbanié, Conga, Leva, et Coco- tuaire, Passe de la Pénélope). Au-delà, les profondeurs varient autour
En blanc au bout de l’île, se trouve une « queue de comète
sableuse » en direction perpendiculaire au trait de côte.
tier sont localisées au large de de -10 m à -19 m, dans la zone infralittorale. La Mondah et le Rio

88
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon

à des entailles du plateau continental (Tsire, 1987), 2° N


6° 7° 8° 9° 10° 11°

et attestent de la préexistence d’un modelé subaérien Île de ito


en
Principe

B
immergé. Il en est de même pour le littoral au sud du

Rio
GUINÉE
Cap Lopez. Sur le plateau continental, des réseaux SAO TOMÉ- Estuaire du
Mouni
ÉQUATORIALE
ET-PRINCIPE
d’entailles prolongent ces chenaux (fig. 3). 1° N

Île de Baie de
La sédimentation sur le plateau continental Sao Tomé la Mondah

go
Kom o
Libreville

bon
A n o
De la frontière équato-guinéenne au Cap Lopez, Oka
le plateau continental est le siège d’une sédimenta- 0° Estuaire
tion abondante liée aux apports terrigènes des fleuves du Komo

Mouni, de la Mondah, du Komo et de l’Ogooué, les GABON


principaux pourvoyeurs en sédiments sur cette marge Port-Gentil
Ik o y
continentale nord du Gabon. Île d’ Annobón Ogoo ué
1° S
(Guinée Éq.)
Du Cap Lopez à la frontière congolaise, le plateau Lagune
g

N
Nkomi
continental présente une plus grande diversité struc-

ou
ni é
omi
turale. La pente moyenne, de l’ordre de 0,20 %, dimi- Lagune
Nk

nue très légèrement au fur et à mesure qu’on va vers 2° S Iguela

le Sud et qu’on s’éloigne de la côte. Ainsi, sur la partie Lagune


Ndogo
interne du plateau, jusqu’aux fonds de 50 mètres, les
isobathes demeurent parallèles à la côte. L’exception N
ga

ya
est faite dans les secteurs d’affleurements qui pro- gny

n
3° S
Do u
© IGARUN, Université de Nantes

longent les pointements rocheux tels ceux d’Iguéga,


Lagune
Komandji, Panga, Banda et Kounda, et où les fonds Banio

sont plus accidentés. La zone de déferlement, qui CONGO


couvre les fonds de zéro à 20 mètres, a une pente de 4° S
Sources : ROSSIGNOL et al. (1962), bathymétrie SHOM
0,38 % entre la Pointe Iguéga et la Pointe Kounda. Bathymétrie (en m) Réseau d’entailles du modifié d’après J. TSIRE (1987)
plateau continental et
Dans la baie de Mayumba, la pente atteint 0,18 %. chenaux sous-marins
S. CHARRIER
4 000 3 000 2 000 1 000 200 30 0
Sur les fonds de 20 à 50 mètres, la pente s’affaiblit en-
< -200 m 0 à -200 m
core régulièrement ; les valeurs sont autour de 0,08 % réseau hydrographique N
actuel limite approximative
(Malounguila-Nganga, 1983). Sur la partie externe, la du plateau continental
limite d’État gabonais (≈ - 200 m) 0 50 100 km

Mouni révèlent aussi des chenaux fluvio-marins entre -6 m et -21 m Figure 3 - Le réseau d’entailles du
de profondeur débouchant dans la « mer épicontinentale » de la Baie plateau continental gabonais
de Corisco. Ces chenaux sous-marins vont jusqu’à des profondeurs
souvent inférieures à l’isobathe -20 m dans la zone infralittorale.

89
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

pente atteint 0,16 % pour trouvent souvent dans le prolongement des pointes
les fonds de 50 à 110 m, rocheuses. Celles-ci constituent le soubassement des
et seulement 0,08  % le cordons sableux qui garnissent aujourd’hui le lit-
long de la bordure ex- toral. Au large de la Pointe Panga et de la Pointe
ca

ny
o n du Cap
terne, sur les fonds de 110 Banda, mais surtout au large de Mayumba, à partir
Lopez

à 120 m, grâce à la pré- des fonds de 40 à 50 m à la surface du plateau conti-


sence d’une terrasse. Au- nental, une succession d’affleurements se poursuit
delà de 120 m, commence de façon presque ininterrompue jusqu’au-delà des
la pente beaucoup plus 120 m (Kouyoumontzakis, 1979).
accentuée du talus conti- Le substratum du plateau continental est recouvert
nental (entre 20 et 45 %). de sédiments meubles. Suivant la largeur de la pla-
Les apports sédimentaires teforme, l’action de la houle sur le rivage s’exerce de
du fleuve Congo sont, manière plus ou moins forte. Là où elles sont le moins
d’une part, importants amorties, les vagues atteignent la côte avec une éner-
dans l’alimentation du gie plus grande. De plus, l’étroitesse du plateau favo-
plateau continental (Mo- rise une dispersion des sédiments côtiers vers le large,
guedet, 1988) et, d’autre au cours des périodes de grande activité hydrodyna-
part, à l’origine de la di- mique ou fluviatile (en saison pluvieuse ou lors des
minution de la pente du upwellings côtiers). Cette couverture sédimentaire est
Nord vers le Sud. parfois absente, laissant apparaître des affleurements
La surface du plateau rocheux, là où la couverture meuble n’est pas suffi-
continental est carac- sante ou est inexistante.
Figure 4 - Le canyon sous-marin
du Cap Lopez térisée par deux traits Deux types de dépôts meubles sont présents :
Source : SHOM, 1969 principaux. Primo, il y a une sédimentation à pré- les dépôts fossiles et les dépôts actuels. Les dépôts
dominance sablo-vaseuse. Celle-ci est dominée par reliques se sont mis en place lors de la dernière ré-
les sables, surtout entre le Cap Lopez et l’embou- gression léopoldvillienne ou ogolienne (-30 000 à
chure de la Nyanga, jusqu’au-delà des 120 m de -12 000 ans B.P.). Ces dépôts, généralement sableux,
profondeur. Au sud de l’embouchure de la Nyanga, ont été remaniés tout au long de la progression de la
les fonds sablo-vaseux deviennent de plus en plus dernière transgression holocène qui a suivi. Les dépôts
vaseux ; des vases issues du fleuve Congo. Secundo, actuels sont en équilibre avec la dynamique des eaux.
il y a l’importance des affleurements rocheux. Ainsi, Cette sédimentation se trouve généralement sur la
du Cap Lopez à la Pointe Banda, les fonds du pla- frange littorale jusqu’à -30 m. Elle est postérieure à la
teau continental présentent une surface aux deux transgression holocène et provient essentiellement de
tiers parsemée de ces affleurements. Sur la partie in- l’apport récent du fleuve Congo, surtout pour le sud
terne du plateau, jusqu’à - 40 m, ces affleurements se du Cap Lopez.

90
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon

Sur le plateau continental, apparaît une opposition Principe ou Île du Prince (1 170 km², NIGERIA Mont
Cameroun
entre la sédimentation actuelle et les dépôts fossiles 1  006 m) et Fernando-Poo (Île Bioko, 200 m
Douala

de la dernière régression pléistocène (ogolienne) et 2 000 km² ; Pic Santa Isabel, 3 007 m). 1 00 0 m
CAMEROUN
de la transgression holocène (Giresse et Kouyoumon- Ces îles sont des témoins de l’expansion 30
00 2 000
m Bioko
m
tzakis, 1973 ; Malounguila-Nganga, 1983 ; Mogue- des fonds océaniques et la preuve d’un Haut-fond
Bata
det, 1988). Trois catégories de sédiments superficiels paléo-volcanisme sur cette marge atlan- GUINÉE
Principe
du plateau continental, dominés par des sables, sont tique (Hudeley et Belmonte, 1970  ; ÉQUATORIALE

mises en évidence : les sables quartzeux, les sables à Karlin., s.d.).


Libreville
débris coquilliers et les sables glauconieux. Sao Tomé Équateur
Le contexte paléogéographique de ces
Port-Gentil
îles est celui des formes héritées ou re-
Morphologie du talus continental liques. Elles traduisent l’existence dans GABON
Pagalu
et grands fonds marins le passé d’un « […] volcanisme insulaire (ou Annobón)

Au-delà du plateau continental, le talus continen- et marginal Sud-atlantique […] » (Guil- 4 000

© IGARUN, Université de Nantes


cher, 1969), en relation avec l’expansion Haut-fond
m
tal a une pente de l’ordre de 20 à 45 %. À une cen-
sismique des fonds océaniques. Ces îles
taine de kilomètres au droit des côtes, il atteint les N
alignées sud-ouest/nord-est prolongent CONGO
grands fonds à partir de -2 000 m. Du Cap Lopez 0 400 km Pointe
le « Seuil ou Rameau de Guinée », crête Noire
en allant vers le Sud et en s’éloignant de la côte, les asismique actuelle, sur le continent
Source : bathymétrie SHOM Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER

canyons sous-marins (Bourgoin et al., 1963) forment dans l’axe du Mont Cameroun jusqu’au Figure 5 - L’ensemble
des profondes entailles sur le talus continental. Le Tibesti. Cet axe, ou linéament, est celui insulaire du golfe de
Guinée
canyon sous-marin le plus proche du trait de côte et d’un cisaillement sismique réalisé par l’expansion
le mieux élaboré est celui du Cap Lopez, dont la tête des fonds océaniques ayant favorisé dans le passé des
à l’isobathe -30 m est située entre la Pointe Renard au phénomènes volcaniques (Vanney, 1976). Ces poin-
nord-est et la Pointe du Phare au sud-ouest (fig. 4). tements anciennement volcaniques (existence de
Au pied de la pente continentale, qui marque la vestiges d’anciens cratères à Fernando Poo,…), entre
transition avec le bassin atlantique africain orienté collines abyssales (autour de 1 000 m de hauteur)
nord-sud, il y a les « ondulations précontinentales et monts sous-marins (volcans ; plus de 1 000 m),
inférieures » (Ottman, 1965). Bien au-delà, dans la sont constitués de roches volcaniques basiques ou
région des « ondulations précontinentales supérieures », calcaires.
sont situées les îles océaniques formant l’ensemble In fine, la marge continentale du Gabon a une
insulaire au large des côtes du Gabon, de la Guinée structure à la fois du type subsident ou nord-est
Équatoriale et du Cameroun. Alignées sud-ouest/ américain et du type flexuré ou africain, faillé. Cette
nord-est, ou de la plus océanique à la plus proche du marge passive ou stable du type atlantique comprend
continent (fig. 5), il y a les îles : Annobón (Anno- bien le littoral, la plateforme continentale, la pente
bonn, 15 km²), San Thomé ou Sao Tomé (1 290 km², continentale, le glacis océanique sans fossé et le bassin
2 023 m d’altitude, au droit de la Pointe Ngombé), océanique. La plateforme continentale gabonaise est

91
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Cocobeach
ici la principale zone de pêche et le premier champ d’exploitation
Baie de Cuesta de

Mon
la Mondah Ndombo des gisements d’hydrocarbures dits offshore. Sa connaissance et les

t
210 m
usages qui s’y développent sont essentiels pour l’avenir du pays.

sd
eC
rist
LIBREVILLE Ntoum

al
stu
a ir L’orographie : les reliefs des régions littorales
E

e du Kango
Pointe Ngombé Ko mo continentales
m
Le bas-pays côtier du Gabon est situé entre le rivage atlantique à
Ra

boué
Horst de l’ouest et à l’est, respectivement du nord au sud, l’escarpement des
Lambaréné
340 m
oué
Monts de Cristal qui domine la plaine de la Noya d’environ 800 m
Plateau de Og o
Wonga-Wongué
Lac Azingo de dénivellation, les Monts de Ndjolé au centre (est de Lamba-
Baie du Lambaréné réné) et la retombée septentrionale de la chaîne du Mayombe.
Cap Lopez 254 m
Correspondant au bassin sédimentaire péricratonique, cette vaste
Ng

Port-Gentil
ou
nié

région côtière continentale basse est un ensemble orographique


Delta
Delta de
de contrasté, spatialement discontinu, de plaines, collines et plateaux
l'Ogooué
l'Ogooué Altimétrie (en m) disséqués par un réseau hydrographique très dense.
Lac Anengué Lac Onangué
200 Les altitudes sont très faibles, comprises entre 100 m en
Lagune 100
Nkomi moyenne et 350 m d’altitude maximale. Ces régions littorales
50
Omboué Remb o N
k o mi 0
sont larges d’environ 50 km entre Cocobeach et les Monts de
Lagune Cristal (extrémité nord, région de l’estuaire du Rio Mouni),
point culminant
Iguéla 90  km au niveau de Libreville, 200 km au centre entre le Cap
Hydrographie
Lopez et Lambaréné, et de 7 à 25 km entre le Mayombe et le
trait de côte (extrémité sud, région de la lagune Banio) ; d’où sa
lac ou lagune
Lagune configuration en losange (fig. 6).
réseau
Ndogo hydrographique
OCÉAN Ainsi, ces régions littorales ont un relief faiblement accidenté
ATLANTIQUE où s’imbriquent collines, «[...] éperons lobés [...] longues et étroites
ville principale
Gamba
croupes aux contours digités s’abaissant vers la plage [...] »(Lasserre,
limite du bassin
sédimentaire côtier 1958), bas-fonds et vallées bien drainées. Les plateaux sont sou-
Ny a n limite d’État vent fortement entaillés par les cours d’eau, dont le fond des
ga

vallées est plat et marécageux. Ceux-ci forment les mailles d’un


N
réseau de collines. Le « bas-Gabon » (Sautter, 1966), ou « Gabon
Mayumba des marais », est « [...] une mosaïque de zones hydromorphes, de
Lag
une
Ban
croupes ondulées et de collines ou éperons à versants convexes » (Per-
0 50 100 km io russet, 1981). Le modelé est celui de formes convexes façonnées
dans les altérites épaisses. Les modelés rocheux sont inexistants,
Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER
© IGARUN, Université de Nantes, LETG-Nantes, Géolittomer
hormis les exceptionnels affleurements dus aux travaux divers
Figure 6 - Les grands ensembles orographiques du Gabon côtier
92
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon

Ouest Komo Est


(terrassement, routes, chemin de fer Transgabo- Estuaire
du Komo
nais...). Cependant, le long des pentes découvertes, Océan Monts de cristal
Atlantique
des collines ou croupes démantelées, apparaissent
Pointe
les lambeaux d’une cuirasse ancienne (la nappe de

© IGARUN, Université de Nantes, LETG-Nantes, Géolittomer


Ngombé
gravats ou stone-line). Le relief de Libreville en est
l’illustration avec son vieux plateau démantelé ayant crétacé du système de la Noya
donné lieu à un système de petites crêtes à flancs
série schisto-géseuse
convexes et ses quelques collines que sont les points
hauts de la ville (Mont Bouet, 126 m ; Mont Nkol- série schisto-calcaire

Ogoum, 126 m ; et Mont Bisségué, 104 m). ectinite du complexe de base

Dans cette étendue de basses collines et de bas pla- granite


0 25 50 km
teaux disséqués par l’érosion hydrique, cinq ensembles quartzodiorite
M. AUBAGUE et J.-J. HAUSKNECHT, 1959
de relief se distinguent et rompent la monotonie des modifié par Z. MENIE OVONO formations volcaniques
ondulations de la zone littorale. Il s’agit, du Nord au fractures
Sud : du plateau gréseux de Ndombo, du chaînon
cristallin de Lambaréné-Chinchoua, du plateau de Les paysages morphopédologiques du Gabon sep- Figure 7 - Coupe géologique
de la Pointe Ngombé aux
Wonga Wongué et du Plateau des Milles Vaches, de tentrional (Martin et al., 1981) sont, grossièrement Monts de Cristal
la plaine du delta de l’Ogooué et de ses lacs et, enfin, d’est en ouest : le piémont des Monts de Cristal et
de l’étroit « compartiment littoral » (Chatelin, 1968) ses vallées alluviales, les crêtes et les plateaux sur grès
méridional et ses grandes lagunes (fig. 6). de Ndombo, les surfaces ondulées à très ondulées sur
du matériau fin argileux et sablo-argileux à argilo-sa-
Le plateau des grès de Ndombo bleux, la surface aplanie sur du matériau sableux à sa-
et ses environs blo-argileux, la vallée alluviale du Komo et des autres
fleuves côtiers, les marais maritimes à mangrove et
Comprise entre les estuaires du Komo et du Rio enfin les cordons littoraux actuels.
Mouni, la façade atlantique du Gabon septentrional
est une région littorale basse. Les altitudes sont très En forme de plateaux étroits ou de collines serrées
faibles, 100 m en moyenne, hormis quelques secteurs à aspect de « chaînon », le plateau de Ndombo tranche
élevés avoisinant les 200 à 250 m à l’instar du pla- avec la monotonie des paysages. Cette ligne de crêtes
teau de Ndombo. Cette région côtière est large d’en- orientée nord-ouest/sud-est, entre le sud de Coco-
viron 50 km entre Cocobeach et les Monts de Cristal. beach et le nord de Kougouleu, présente dans un ali-
Au niveau de Libreville, cette valeur passe à environ gnement respectif trois points cotés : 218 m, 265 m
90 km. Cette façade atlantique s’appuie au nord-est et au centre et 285 m.
à l’est sur les contreforts rocheux cristallins et cristal- Les « crêtes et plateaux sur grès de Ndombo » font l’ori-
lophylliens (socle) des Monts de Cristal (Mont Mvé- ginalité de cette région, d’une part, par leur altitude
lakéné, 825 m) (fig. 7). élevée (maximum au Mont Koulounga, 240 m et

93
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Sud-Ouest Nord-Est
Cuesta de Ndombo
200 Riv. Nzémé Route de Cocobeach Riv. Mbé 265 m) et, d’autre part, comme interfluve séparant
Hauteur (m)

100 le bassin hydrographique du fleuve Noya des petits


0 cours d’eau tributaires de la Baie de la Mondah, dont
Distance (km)
-100
le plus important est la Nzémé qui a sa source dans
Epaisseur (m)

la région de Ntoum et alimente Libreville en eau


-200

série de Madiéla
potable. En effet, dans ce milieu très pluvieux, les
-300
Géoli
ttom
er grès de Ndombo forment une « [...] ligne de partage
-Nan
tes, série de Cocobeach
éde Na
ntes,
LETG des eaux entre le bassin de la Noya et les fleuves côtiers
ersit grès et sables de Ndombo
© IG
ARUN
, Univ ou tributaires de l’Estuaire du Gabon » (Delhumeau,
marne de Mvone 1969) et de la Mondah. Les grès de Ndombo consti-
0 2 4 6 km série de l’Agoula tuent un château d’eau. Les pentes sont moyennes,
faille
10 à 15 %.
BRGM, 1984, modifiée par Z. MENIE OVONO
À l’ouest des grès de Ndombo, il y a une surface
Figure 8 - La région de la cuesta
des grès de Ndombo
ondulée à très ondulée sur du matériau fin argileux.
« Les grès de Ndombo forment le plus bel escarpement structural du bassin
sédimentaire côtier » (Girardin et Lebigre, 1980). Son profil dissymé-
trique révèle un front de cuesta dont le regard porte sur la Noya et un
revers à la pente plus douce coté Baie de Corisco (fig. 8). Cette cuesta
est entaillée par des rivières cataclinales : Nkanglé et Mbé dans le sec-
teur de Koulounga. Les rivières anaclinales sont absentes. Cependant,
l’ensemble est profondément entaillé par l’action érosive et incisive
du réseau hydrographique, le tout lié à un très bon drainage interne.
« [...] L’altération a donné de grandes quantités de matériel sableux propice
à l’érosion » (Girardin et Lebigre, 1980). À l’est, une vaste dépression
orthoclinale alluviale (séries de Mvone et de l’Agoula) est le siège de la
vallée de la Noya et ses affluents, délimitée par l’escarpement des monts
de Cristal. Le « piémont des Monts de Cristal et les vallées alluviales » de la
Noya et de ses affluents sont des « régions déprimées au pied de l’escarpe-
ment des Monts de Cristal [...] » (Delhumeau, 1966).

Le plateau de Wonga Wongué ou des Bam-Bam


et le « Plateau des Mille Vaches »
Entre les régions de l’estuaire du Komo (sud de Nzomo) et du delta
intérieur de l’Ogooué (nord du lac Alombié), existe le plateau disséqué
Photo 2 - Cirque de Bam-Bam, et paysage des contacts de la région de Wonga Wongué confondue avec la réserve de faune du
savane - forêt de la région du plateau de Wonga Wongué
(ph. Y. Arthus Bertrand)
94 Source : http://www.yannarthusbertrand2.org
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon

Nyonié Foulenzem

même nom. Ce relief sert de château d’eau et de ligne plus au sud, a une orientation

ne
o
de partage des eaux entre les chenaux de marée de la dite mayombienne (sud - sud- Ekouata Liaméé
Liam

Mb ilag
rive gauche de l’estuaire du Komo (Remboué, Banga est / nord - nord-ouest). Alignés

a
Bang
et Mbilagone), les petites rivières côtières (du Nord au selon son axe principal, quelques OCÉAN
Sud : Liamé, Mbomba, Awagné, Wezé, Nguelié) et les points cotés donnent ses alti- ATLANTIQUE M
Mbboom
mbbaa
Cirque de Grand
cours d’eau qui se déversent dans l’Ogooué et ses lacs tudes : 340 m au sud du village Aw
Bam Bam

ag
251m
intérieurs (Rivière des Coupeurs au lac Gomé ; Ri- Chinchoua, 212 m au centre et R iv. des cou


Sangatanga Wonga u rs Mt Gadingo
vière Mabora au lac Azingo ; rivières du lac Alombié).

pe
347 m au village Kougouleu/ D(1)
Wongué (N’dougou)
Compris entre la cote 200 m et le point coté 284 m et Lambaréné, avec sa ligne de base Gongoué Cirque de petit

© IGARUN, Université de Nantes, LETG-Nantes, Géolittomer


Valléeordet
édifié dans la série des Cirques, le plateau de Wonga à 40 m. Son environnement phy- Bam bam

la m
260 m
Wongué a été démantelé par l’érosion des petits cours sique est marqué par des collines D(2) Wézzé
Wé é
254 m
284 m
Plateau des Mt Sawé
d’eau côtiers. Des grands cirques d’érosion (Le Trou aux versants convexes et par la Mille vaches
NNgguuééliliéé
du Diable, Grand Bam-Bam, Petit Bam-Bam, etc.) rivière Remboué et ses affluents, Mporaloko
font l’originalité orographique et touristique de cette la Mbilagone et la Banga.
Gomo
région côtière (photo 2).
N

D’ouest en est, les altitudes s’élèvent avec côté

SSéékkéé
0 10 km
oriental un alignement, dans une orientation grosso d’après données HOURCQ V. et DEVIGNE J.P., 1950 ;
modo nord/sud, des points culminants du plateau Gabon : carte touristique au 1/1 000 000 (INC, 1987)

de Wonga Wongué : Cirque de Grand Bam-Bam D(1) Ouest Est


(251 m), Cirque de Petit Bam-Bam (260 m), Mont 300 Sangatanga
Petit Bam-Bam
Mt N’dougou
Altitude (m)

(140 m)
Ngadingo (284 m), Plateau des Mille Vaches (254 m) 200 Awagné
Riv. des
et Mont Chauve (185 m) (fig. 9). 100 Coupeurs
0
La région de Wonga Wongué a aussi une présence
Plateau des
remarquable de petits lacs : Youyou, Dina, Ndaminzé, D(2) Ouest Mille Vaches Est
Bruphard, Abowé, Eliwawanyé, Malon, Ngélié... dans 300
Savane (254 m)
Altitude (m)

Mboge
un paysage grandiose de savane herbeuse, à l’exemple 200
Wézé
100
de la Savane N’Gola. À l’est de la région de Wonga
0
Wongué se succèdent le Mont Ndougou (210 m) et
le môle de Lambaréné-Chinchoua. 0 20 40 Distance (km)

complexe grès tendres, sables, marnes


Le môle ou chaînon cristallin (horst) alluvions (Holocène) bitumineuses et calcaires (Maestrichien à Sénonien)
de Lambaréné-Chinchoua série des Cirques : sables arkosiques, calcaires et marnes fossilifères,
grès argileux, argiles (Plio-pléistocène) grès friables rubefiés (Turonien)
Le môle ou chaînon de Lambaréné à Chinchoua J.-B. MOMBO,
série rouge : marnes et sables,
fait l’originalité des paysages de la région. Ce relief, réseau hydrographique principal calcaires et dolomies (Cénomanien)
modifié par
Z. MENIE OVONO
de 120  km de long et 30 km de largeur maximale
Figure 9 - Esquisse du profil d’ouest en est de la région de Wonga Wongué

95
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Le môle de Lambaréné-Chinchoua est un axe cristallin


Île Corisco
Cocobeach migmatique (Précambrien ou Protérozoïque inférieur). Ce
relief a connu une surrection, en horst de socle, au milieu

Moo
M
Île Mbanié

nntst
des formations sédimentaires de couverture du substratum

sdde
Série des cirques QUATERNAIRE
sous-jacent. Cette remontée est due à la tectonique du socle

eC
rCisrt
N'Tchengué/Akosso Libreville

iaslt
Pte Ngombé précambrien (Protérozoïque inférieur), au Crétacé inférieur

al
NÉOGÈNE
Mandorové/M'Béga (Barrémien). Les migmatites, ou gneiss granitoïdes ou gneiss
Kango
Animba/Ozouri Pte Nyonié granitisés [granitoïdes et migmatites (gneiss granitisés) ; Le-

Ho
PALÉOGÈNE
masle, 1983 ; Azzibrouck Azziley, 2004], constituent donc

rs
Pte Ekouata BASSIN

td
Ikando BASSIN ORIENTAL

eL
ATLANTIQUE ici un ensemble du socle émergeant, ou intrusif, au milieu

am
Pte Clairette/Ewongué

ba
de la formation sédimentaire calcaire (série de Madiéla) du

rén
Cirques de

é
Wonga
Anguille
CRÉTACÉ Wongué
bassin côtier gabonais. Cette remontée du socle cristallin
Lambaréné
Azilé SUPÉRIEUR Port- sous-jacent (horst de Lambaréné-Chinchoua) a divisé les
Gentil
Cap Lopez
formations de couverture du bassin sédimentaire côtier en
deux sous-bassins : un synclinal intérieur ou oriental et un
Madiéla
autre atlantique ou occidental (fig. 10).
CRÉTACÉ
Ezanga/Gamba
INFÉRIEUR
Le môle de Lambaréné-Chinchoua est actuellement
Néocomien à Barémien une source d’approvisionnement très sollicitée en blocs
Cocobeach supérieur de migmatites/granitoïdes et gneiss indifférenciés. Malgré
Cocobeach Moyen JURASSIQUE
son éloignement des villes et son enclavement, ce relief est
donc le siège de carrières de roches denses et très dures des-
Cocobeach inférieur
© IGARUN, Université de Nantes, LETG-Nantes, Géolittomer

OCÉAN tinées au concassage, en vue de la production des graviers


Pré-Cocobeach ou
série de la Noya PERMIEN ET ATLANTIQUE pour les travaux de BTP. Du fait de son démantèlement,
CARBONIFÈRE
Roches volcaniques son profil est de plus en plus discontinu dans l’espace.
Socle ARCHÉEN
Au sud, le môle et le Plateau des Mille Vaches (région de
Wonga Wongué) jouxtent la région des grands lacs et du
faille delta intérieur de l’Ogooué.
20
m0

Ainsi, la topographie continentale de la région côtière


Mayumba
principale ville N au nord de l’Ogooué est marquée par de larges vallées
marécageuses séparant des collines et de longues et étroites
Source : Total Gabon, T/DAP/DMH n°1077, 13-04-2001
croupes ou interfluves. Témoins ou vestiges d’une ancienne
0 50 100 km
Modifiée par Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER surface haute, vallées, collines et lambeaux de plateaux
constituent les ensembles orographiques aux versants à
Figure 10 - Carte géologique du bassin sédimentaire côtier du Gabon
pentes fortes. Cette topographie accidentée est due à une
dissection fluviale d’une ancienne surface d’aplanissement.

96
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon

Le démantèlement du relief a modelé la topographie


actuelle de 40 m d’altitude moyenne. Les altitudes
varient du trait de côte à l’ouest, 0 m, vers les ondula-
tions continentales, autour de 120 m dans la région de
Libreville, pour culminer à 250 m dans le Plateau sur
grès de Ndombo et 350 m dans la région des Plateaux
de Wonga Wongué. Faite de parties hautes (îlots de
plateaux, collines ou monts, éperons et interfluves) et
de parties basses (basses vallées principales à marais ou
marécages, vallons, ravins et ravineaux), cette région
côtière s’abaisse vers l’Ouest atlantique.

La plaine côtière du delta de l’Ogooué


et de la région des grands lacs
Long de 1 200 km, dont 200 km en République du
Congo (sa source) et 1 000 km en territoire gabonais,
le fleuve Ogooué draine 215 000 km² de bassin ver- Photo 3 - Paysage de la région
du lac Onangué
sant. Il atteint l’océan Atlantique à son exutoire prin- de bras dont certains sont entièrement ensablés en saison sèche. Au (ph. P. Fattal, 2014)
cipal d’Ozouri, au sud de l’Ile Mandji. L’Ogooué a un nord et au sud des deux bras du fleuve (Ouango et Ogooué) se trouve Ces grands lacs, qui
delta de 5 100 km², soit un delta intérieur en aval de toute une série de lacs : Azingo, Dégoulié, Onangué, Evaro, Kébanda, jouxtent l’Ogooué jusqu’aux
Lambaréné et un delta maritime ouvert de la Baie du Ezanga, la plupart communique avec le fleuve par des chenaux souvent portes de Lambaréné, sont
très étroits et divaguant au milieu de zones marécageuses, certains che- les témoins de vastes rias
Cap Lopez à la lagune Nkomi. naux restent navigables en saison sèche. Chatelin (1964) explique cette qui permettaient à l’océan de
particularité par « un ajustement des eaux du lac à celui de l’Ogooué pénétrer toute cette région il
En aval de Lambaréné, l’Ogooué présente les carac- y a environ 5000 ans (Sautter,
provoquant par période des courants suffisamment forts pour les
téristiques d’un cours d’eau de plaine côtière. Cette déblayer », d’autres chenaux (les plus longs) sont par contre ensablés en 1966 ; Chatelin, 1964 ; Collinet
plaine maritime, ou plaine de niveau de base du cours saison sèche (Azingo, Dégoulié, Ezanga).
et Martin, 1973 - note infrapa-
ginale 2).
inférieur de l’Ogooué, est ici constituée par son delta Les rives des grands lacs sont souvent très découpées à l’ouest, mais basses
et la région des grands lacs gabonais. De Lambaréné à et marécageuses à l’est, ce qui peut s’expliquer par le léger pendage ouest des
son embouchure, I’Ogooué se divise en de multiples séries sédimentaires dont les extrémités redressées des bancs constituent les
rives hautes (séries rouges, séries de Madiéla), culminant entre 40 et 60 m.
bras, typiques d’un lit à chenaux anastomosés dans L’origine de ces lacs est d’une interprétation délicate : Sautter (1966) ti-
un environnement lacustre. En effet, le cours inférieur rant argument des fonds de 20 m, donc sous l’actuel niveau des océans, et
de l’Ogooué est souvent bordé de marécages inondés, des formes découpées des rives qu’il qualifie de « rias d’eau douce », n’hésite
et dont les ramifications très étendues spatialement pas à considérer qu’il s’agit là de ramifications d’anciens golfes marins isolés
le raccordent à des grands lacs. Les grands lacs du ensuite en lac par des « atterrissements de l’Ogooué ». Chatelin (1964)
fait état de l’ennoyage de zones déprimées provoqué par une récente re-
Gabon2 sont localisés dans la région du bassin côtier, montée du niveau de base, ce qui semble être confirmé par la « présence
d’horizons tourbeux enterrés à plusieurs mètres de profondeur sous les
2. « En aval de Lambaréné, l’Ogooué se divise en un grand nombre dépôts des basses terrasses actuelles » (Collinet et Martin, 1973).

97
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

particulièrement le long du cours lin, 1964). Dans son cours inférieur, l’Ogooué coule
inférieur du fleuve Ogooué, dans la donc dans une véritable plaine maritime alluviale.
région du Bas-Ogooué ou du delta In fine, le bassin de l’Ogooué est partagé entre la
intérieur de l’Ogooué. L’Ogooué a : dynamique du creusement dans ses cours amont et
- sur sa rive gauche, les lacs Ezanga, moyen et l’alluvionnement dans son cours inférieur.
Evaro, Onangué (photo 3) et Ogue- En effet, après les Monts de Ndjolé à son embou-
moué ; le long du cours d’eau dans chure, le courant fluvial devient relativement lent
le sens de l’écoulement, le groupe du fait de la faiblesse de sa pente faisant de cette
linéaire des lacs Nyondjé, Avanga, région côtière une plaine d’inondation du fleuve et,
Photo 4 - Paysage des régions Ogoni, Mandjé et Anengué ; par conséquent, une plaine alluviale.
littorales du sud du Gabon
(ph., V. M. T. Mouyalou, 2011) - sur la rive droite, disparates et souvent très éloi-
Au premier plan, le village Panga gnés du bras principal de l’Ogooué, les lacs Déguélié, La région lagunaire méridionale
au milieu et, en arrière au loin, la Azingo, Nkonié, Gomè, Alombié et Opindalwango. Le rivage marin présente une disposition où le cor-
chaîne du Mayombe culminant au
Mont Pelé (872 m). L’origine de ces lacs est soit tectonique (liée à des don littoral, formé de l’empilement de bourrelets
fossés d’effondrement, le cas des lacs situés en amont sableux successifs, isole de l’océan un ensemble de
de Lambaréné ; lac Nzilé), soit topographique (liée à grandes lagunes. En arrière des systèmes hydromor-
l’aplanissement du relief devenu cuvette, la plupart phosédimentaires lagunaires, la région côtière sud
des lacs du bas-Ogooué). La région du bas-Ogooué est le siège de quelques petits lacs : les lacs Goum-
est une plaine d’inondation du fleuve. ba (nord de Massana/Ofoubou), Divangui (près du
site pétrolier de Rabi-Kounga), Kivoro (à l’ouest des
Ainsi, des Monts de Ndjolé jusqu’à Lambaréné,
l’Ogooué a un cours assez lent. Sa pente moyenne Monts Doudou), Mandjé/Cachimba, Vevy.
est inférieure à 13 cm/km. À son embouchure, la Entre les deltas marin et intérieur de l’Ogooué et
pente de I’Ogooué est de 7 cm/km. Les marées in- la rivière Ngové, au nord de la lagune Ndougou, la
versent le courant fluvial jusqu’à plus de 50 km dans région côtière prend une grande extension, manifestée
les terres. par le plus grand développement des surfaces basses
Morphologiquement, sur ses rives et dans les maré- de la région littorale. D’environ une centaine de ki-
cages, l’Ogooué a déposé des alluvions argilo-limo- lomètres de large au droit de Port-Gentil, la région
neuses relativement épaisses, de l’ordre de plusieurs côtière se rétrécit de 25 à 7 km, au fur et à mesure que
mètres, au-dessus des tourbes anciennes. Le cours la chaîne du Mayombe se rapproche du rivage atlan-
inférieur de I’Ogooué renferme les vestiges des varia- tique ; soit du delta de l’Ogooué à la lagune Banio.
tions de son niveau de base et « de ses anciens profils : Cet aspect a une conséquence sur la configuration
terrasses à galets suivies d’une phase de creusement qui des lagunes, dont les superficies vont décroissantes
a pu se poursuivre jusqu’a la formation des tourbières du Nord - lagune Fernan Vaz, très digitée, 550 km² -
actuellement fossilisées, alluvions subactuelles déposées vers le Sud - lagune Banio, linéaire, environ 150 km²
à la faveur d’une remontée du niveau de base » (Chate- (Mombo, 1989).

98
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon

Entre le Massif du Mayombe et l’océan Atlantique, Dans l’hinterland, ces terres sous influences mari-
existe une très étroite et basse plaine côtière (photo 4), times sont limitées par une ceinture de hauts reliefs
parallèle au trait de côte et orientée nord - nord-ouest / bordiers. Ces ensembles orographiques hauts sont
sud - sud-est. Le relief relativement plat ou ondulé est façonnés dans le vieux socle et donnent de vastes ré-
doux et peu élevé. Il s’agit d’un ensemble de collines gions de plateaux monotones du vieux bouclier arasé
aux versants concaves à convexo-concaves atteignant et quelques massifs montagneux. Ces massifs mon-
les 100 m, en allant vers le Mayombe à l’est. Séparées tagneux, ou basses montagnes, ont leurs plus hauts
les unes des autres par des vallées à profil en berceau et sommets culminant autour de 1 000 m, dans un
des terres inondables (marécages), les collines culmi- alignement suivant nord-ouest/sud-est et sud-ouest,
nent à 75 m (Douvou) et 100 m (Panga). dans l’axe central du pays.
L’ensemble de cette région côtière a des pentes
toutes inférieures à 5 %, avec une moyenne inférieure Conclusion
à 3 %. La région au sud du lac Mandjé/Cachimba De part et d’autre du trait de côte, les reliefs des
est drainée par les principaux cours d’eau suivants, régions littorales du Gabon sont donc modestes.
du Nord-Ouest au Sud-Est : la Nyanga, second Dans la partie maritime, les fonds du plateau conti-
fleuve gabonais (22 000 km² de bassin-versant, dont nental sont en pentes douces. Certes riches des héri-
80 % au Gabon et 20 % au Congo ; source au cœur tages d’un modèle subaérien immergé et disposant
du Massif du Chaillu, dans les Monts Birougou, à d’un réseau dense d’entailles formées par les chenaux
1 000 m d’altitude ; 600 km de long), et la Douigni, sous-marins de marées, ils apparaissent toutefois sans
la Doumvou, la Djoungou, la Loutsieni et la Louzibi grand développement tant le talus continental est
qui se jettent dans l’océan Atlantique pour les deux atteint avec empressement 15 à 50 km au nord du
premiers et dans la Lagune Banio pour les autres. Ces Cap Lopez, rarement au-delà de 50 km au sud de
cours d’eau prennent leur source dans les hauteurs l’exutoire de l’Ogooué . C’est au droit de cette avan-
de la retombée occidentale du Mayombe. La région cée la plus occidentale des terres gabonaises que la
de Mayumba est marquée par une micro-dissection géographie sous-marine est en fait la plus cassante,
et un aplanissement, « les reliefs d’altitudes moyennes avec le canyon du Cap Lopez qui projette le talus
caractérisées par des vallées encaissées, des versants escar- continental au plus près du trait de côte. À l’excep-
pés, des crêtes aigües » (Perrusset, 1983). tion de cet accident particulier, les pentes du talus
In fine, la topographie accidentée des régions litto- restent limitées à 3 ou 5%, si bien que les grands
rales du Gabon est due à une dissection fluviale d’une fonds à -2 000 m ne sont atteints qu’à une centaine
ancienne surface d’aplanissement. Le démantèlement de kilomètres au droit des côtes.
du relief a modelé la topographie actuelle de 40 m Dans la partie continentale de ces régions littorales
d’altitude moyenne, avec des altitudes variant du trait du Gabon, le relief est celui d’un vaste bassin sédi-
de côte, 0 m, pour culminer aux plateaux démantelés mentaire de genèse récente, façonné en une basse pé-
à 350 m. La pente générale, avec de basses vallées à néplaine et qui offre aujourd’hui un ensemble com-
marais ou marécages, s’abaisse vers l’océan Atlantique. plexe de collines à versants convexes, de lanières de

99
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

bas-plateaux, de dépressions marécageuses, dont les ouverture sur l’océan Atlantique, les gabonais restent
altitudes les plus élevées ne s’élèvent guère au-dessus encore un peuple au dos tourné à la mer, sans tradi-
d’une centaine de mètres, les plus fréquentes joux- tion maritime marquée.
tant le niveau des eaux. Les seuls traits orographiques
notables sont ceux de la toile de fond vers l’est des
contreforts, du Nord au Sud, du socle des Monts de
Cristal et des Monts de Ndjolé, et de la chaine pré-
cambrienne cristalline du système du Mayombe. Références
Aubague M. et Hausknecht J.-J., 1959. Notice ex-
Ce qui peut paraître remarquable dans cet en- plicative sur la feuille Feuille Libreville-Est. Carte géolo-
semble est sans doute l’influence marine très présente gique de reconnaissance au 1/500 000), Gouv. Gén. de
dans les terres gabonaises. L’interface terre-mer n’y
l’A.E.F., Direction Mines et Géologie Afrique Equa-
est que très rarement abrupte, mais au contraire faite
toriale Française. Paris, Impr. Nat., 36 p., 1 carte géol.
de contacts subtils et nombreux, de présence parta-
coul. (feuille Libreville-Est).
gée entre la terre et l’eau, de pénétrations intérieures
profondes. La marée se fait sentir très loin à l’inté- Azzibrouck Azziley G., 2004. Géologie et res-
rieur du pays (Choubert, 1937 ; Lasserre, 1958  ; sources minières, Atlas de l’Afrique, Gabon, Paris, Les
Lerique, 1965) entre 50 km et 120 km de la côte, Éditions Jeune Afrique, pp. 10-11.
par exemple : jusqu’aux environs du débarcadère Bignoumba G.-S., 1995. La pêche maritime au
du village Andock-Foula sur la M’béi (affluent du Gabon : contribution géographique à l’étude d’une acti-
Komo), à 120 km en amont de la Pointe Pongara ; vité marginale dans un pays tourné principalement vers
jusqu’à Médègue sur la Noya (Rio Mouni), a environ l’exploitation de ses ressources continentales, Thèse de
100 km de l’océan ; jusqu’à plus de 50 km dans les doctorat de Géographie, Université de Nantes, 367 p.
terres sur l’Ogooué ; etc. Ces limites de remontée
Bourgoin J., Reyre D., Magloire P. et Krichews-
de marée sont quasiment les mêmes toute l’année,
ky M., 1963. Les canyons sous-marins du Cap Lopez
avec cependant en saison pluvieuse une migration
(Gabon), Cahiers Océanographiques, France, XVe an-
vers l’aval, avec l’augmentation du débit des cours
née, n° 6, pp. 372-387.
d’eau côtiers.
B.R.G.M., s.d. Alimentation en eau de Libreville.
Cette interpénétration terre-mer a favorisé le peu-
Recherches de nouvelles ressources dans la série sablo-gré-
plement du littoral et donc l’exode rural, avec, d’une
seuse de Ndombo entre Ntoum et Akok, BRGM, Centre
part l’existence des chantiers forestiers coloniaux
de Libreville, 14 p.
dans la première zone d’exploitation du bois évacué
par flottage sur les cours d’eau débouchant à la côte Chatelin Y., 1964. Notes de pédologie gabonaise,
et, d’autre part, avec la découverte et l’exploitation 1 - Aperçu sur le Gabon, 2 - Géomorphologie et Pédo-
des hydrocarbures et le développement du premier logie dans le bassin de I’Ogooué, Cahiers ORSTOM,
pôle industriel du pays. Cependant, malgré la large pp. 3-28.

100
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon

Chatelin Y., 1968. Notes de pédologie gabonaise, Guilcher A., 1969. Travaux récents sur la forma-
5 - Géomorphologie et pédologie dans le sud Gabon, tion de l’Océan Atlantique, Annales de Géographie,
des Monts Birougou au littoral, Cahiers ORSTOM, n° 430, vol. 78, pp. 701-703.
série Pédologie, vol. VI, n° 1. 1968, pp. 3-20.
Hourcq V. et Devigne J.-P., 1950. Notice explica-
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Géogr. Phys. Géol. Dynam., 210 p. Direction Mines et Géologie Afrique Équatoriale
Française. Paris, Impr. Nat., 24 p., 1 carte géol. coul.
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(feuille Port-Gentil Ouest, SA-32 NE-0.9).
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Pédologique de reconnaissance à 1/200 000, Feuille Libreville-
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101
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

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102
Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon

Tsire J., 1987. Analyse morphostructurale du bassin


côtier gabonais. Influence des structurations continen-
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Sciences Naturelles, Océanologie, Université de Bor-
deaux I, 166 p.
Vanney J.-R. (1976). Géomorphologie des plates-
formes continentales, Paris, Doin, 300 p.

103
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon
Zéphirin MENIE OVONO
Géomorphologue, École Normale Supérieure (ENS), Libreville

Les côtes gabonaises représentent environ 950 ki- dépôts paraliques vers


lomètres de linéaire côtier et s’étendent de l’estuaire le large au cours de la
du Mouni au nord à la lagune Mekoundji à l’ex- mise en place du bassin
trême sud du pays. Le trait de côte délimite la par- sédimentaire (Hourcq,
tie marine du bassin sédimentaire avec le continent 1966). Ainsi, le paral-
émergé. Sa physionomie varie de par sa nature et sa lélisme des dépôts et la
forme d’un secteur de côte à un autre. Au premier trajectoire actuelle du
plan, le littoral exondé se démarque par sa prograda- trait de côte font que
tion en forme de pyramide à travers une vaste plate- ce dernier les traverse
forme entraînant un trait de côte orienté nord-est/ aussi bien dans sa par-
sud-ouest, puis nord-ouest/sud-est avec un point tie septentrionale que
d’inflexion au niveau du Cap Lopez. méridionale.
L’explication du tracé actuel s’explique d’une part Les nombreux caps,
sur la structure géologique et sur les oscillations du pointes, dépressions et
niveau marin du Pléistocène au quaternaire récent, et, beach-rocks observés sur
d’autre part, par les facteurs météo-marins actuels et les plages témoignent Photo 1 - La Pointe
les actions anthropiques contemporaines. de la marque de la structure géologique sur le tracé
Ngombé, vue du large
(ph. P. Bordais, 2016,
La physionomie des côtes gabonaises et la dyna- de cette côte. Les principaux faciès (grès, argiles, cal- http://pascaletbeaauga-
mique de son trait de côte ont été l’objet de plusieurs caires marneux, calcaires gréseux, marnes et marnes bon.blogspot.fr)

études réalisées par différents auteurs (voir bibliogra- gréseuses) affleurent à la côte. Ces lithofaciès détri- Au niveau de l’estran on
observe la masse noirâtre
phie en fin de chapitre). Ces initiatives restent tout tiques déterminent aussi une côte fragmentée (Mom- de basalte mis à nu par le
de même sectorielles pour la plupart, de telle sorte bo, 1991), justifiant les nombreux promontoires dans mouvement des vagues.
les formations dures et les rentrants dans les roches L’affleurement est couvert
qu’une synthèse de ces différents travaux permet de dans sa partie supérieure
cerner les grands traits morphologiques et les enjeux meubles. L’exemple patent de ces affleurements le long par une couche latéritique
liés à la dynamique de ce rivage. de cette côte est l’intrusion volcanique basique d’un jaunâtre tapissée par une
couverture herbeuse. À
basanitoïde à olivine (Sénonien), qui s’exprime par son sommet se dresse un
Géomorphologie du trait de côte une pointe de 40 mètres d’altitude dite de « Ngombé » phare.
(photo 1).
Les formes héritées de la mise en place La marge continentale du Gabon a été formée par
du bassin sédimentaire côtier distension et affaissement subséquent des continents
La lithologie du trait de côte est constituée de for- africain et sud-américain. Les seuls accidents consta-
mations sédimentaires post-paléozoïques à épisodes tés sont ceux en lien avec la tectonique du socle lors de
évaporitiques en discordance sur le socle. Le tracé l’ouverture de l’océan Atlantique et cela a fortement
actuel s’est construit par une avancée régulière des impacté la physionomie du littoral, d’abord par une

105
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Cocobeach activité tectonique intense (Aptien Moyen à Supérieur) et


ensuite par des mouvements généraux de subsidence suivant
n g
Fa

des bandes parallèles (fin du Crétacé). Ces accidents géolo-


re
tu
ac

Libreville giques sont à l’origine de nombreuses ruptures du trait de


fr
de

F le

côte empruntées actuellement par le réseau hydrographique


BASSIN NORD

ne

xu
Zo

littoral et la segmentation du bassin côtier en deux sous-bas-


re
Atl

sins nord et sud. Cette structuration est matérialisée par la


an
tiq

présence des faisceaux Fangs et Nkomi (fig. 1).


ue

Horst de Le tracé du rivage septentrional est affecté par les failles


Lambaréné
Port-Gentil Lambaréné longitudinales orientées sud-est/nord-ouest ainsi que des
failles inverses de direction nord-est/sud-ouest. Ces frac-
Compartiments du bassin
tures orientent également le réseau hydrographique, ainsi
Omboué
sédimentaire côtier l’estuaire du Komo est situé dans un fossé d’effondrement
tectonique, tandis que les estuaires de la Mondah et du
i
m

o bassin atlantique
Nk occidental
r ed
u Mouni seraient plutôt logés dans l’axe d’un important effon-
bassin atlantique
ctu immergé émergé drement de failles transverses (Mombo, 1991). Au centre et
fra oriental
e
ed dans la partie méridionale du littoral, on observe des fais-
Zon bassin intérieur
intrusion du socle cristallin ceaux de failles sud-ouest/nord-est qui guident le réseau
(horst de Lambaréné) hydrographique et permettent une sédimentation paralique
BASSIN SUD

Gamba
du littoral et des fonds marins allant de l’Albien (avec la
Tectonique
série de Madiéla) au Pléistocène (série Akosso qui affleure
Fle

flexure
autour de la lagune Banio). Cette situation a eu pour consé-
xu

e
A tl
r

faille
an quence la mise en place d’un système deltaïque au centre
tiq
ue
Mayumba ville principale et un système lagunaire à l’extrême sud. Les sédiments ne
N sont pas tous carbonatés, une partie est composée de grès et
sables continentaux comme la série des Cirques d’âge Plio-
0 50 100 km
Pléistocène (Lebigre, 1983). Ces unités sédimentaires seront
ensuite recouvertes par les formations quaternaires d’origine
d’après Teisserenc et Villemin, 1990 Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER marine et continentale.

Figure 1 - Schéma structural du bassin sédimentaire côtier gabonais du Dévonien au Miocène La morphologie du plateau continental
L’évolution du bassin sédimentaire a abouti à la mise en place dans la partie émergée et son influence sur le tracé du rivage
actuelle de deux bassins sédimentaires séparés par le horst de Lambaréné de direction
nord-ouest/sud-est : le bassin intérieur (environ 10 000 km²) et le bassin atlantique (environ La connaissance des irrégularités de relief du plateau
40 000 km²) lui-même divisé par la flexure atlantique en deux domaines ouest et est. La
zone de fracture océanique Nkomi distingue un domaine nord avec un domaine sud.
continental est nécessaire pour comprendre les anomalies
apparentes du tracé des littoraux sableux (Pinot, 1980). La

106
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

PtePteM’Bini
M’Bini
Mouni GUINÉE ÉQUATORIALE
Pte Cocobeach
plateforme continentale du Gabon (fig. 2) porte la marque BAIE DE
Cocobeach
CORISCO Bathymétrie
de flexures et de subsidences en fond de géosynclinal due à Pte Akanda (en m)

200
100

Mond
une surcharge sédimentaire. Cet espace est compris entre la Cap Estérias 0

ah
Cap
limite supérieure de l’estran et la rupture de pente marquée Santa Clara 10
LIBREVILLE plateau
Pte Pongara 30
par l’isobathes -100 mètres correspondant à l’ancienne ligne tu a
Pte
Owendo o continental
50

Es
Pte Ngombé ire

Kom
de rivage. L’étendue marine laisse apparaître une structura- du K
omo 100
Pte Kenguérié Kango
tion en deux unités, séparées l’une de l’autre par le canyon 200
talus
Pte Nyonié continental
du Cap Lopez. La largeur moyenne du plateau continental m boué 500

Ra
Pte Ekouata plaine
oscille entre 15 et 50 km avec une pente moyenne de 0,2 % abyssale
Pte Tambinione
(voir chapitre 3 du présent ouvrage). Cette situation favorise

oué
Cap Pte Wézé Lac Azingo Og o
une forte érosion côtière et un transit littoral important. Lopez Pte Fétiche
BAIE DU Lambaréné
Lambaréné
CAP LOPEZ
La pointe du Cap Lopez marque le point de rencontre entre

Ng
ou
Lac Mandjé Canyon

nié
les eaux chaudes du courant de Guinée et les eaux froides Port- sous-marin
Gentil
du courant de Benguela. Le canyon du Cap Lopez (fig. 3) Lac Avanga
Lac Ezanga lac et
constitue un des pièges à sédiments provenant des fleuves Lac Anengué Lac Onangué lagune fleuve et
rivière
Congo, Kouilou, Nyanga et Ogooué justifiant ainsi la pro- Lagune
gradation asymétrique de la partie sud du plateau continen- Nkomi Hydrographie
tal au détriment de la partie nord. Une cinétique régressive Omboué
Rembo Nk
om i
du trait de côte est observée à la tête de ces canyons (Menie limite d’État ville principale
Pte Iguéga
Ovono, 2010). Lagune
Iguéla
Pte Sainte Bassin sédimentaire
Le plateau continental est marqué par plusieurs entailles Catherine
côtier
dont le réseau le plus dense est organisé autour de la région
Lagune
dite des « canyons du Cap Lopez » (Giresse, 1969). Ces entailles Ndogo
Pte Komandji
perpendiculaires au trait de côte sont connectées aux chenaux N
des fleuves côtiers à partir de l’isobathe -20 mètres (voir cha- Pte Pédras
Lac
Mandjé
pitre 3 du présent ouvrage). L’essentiel du budget sédimen- Gamba
0 25 50 km
taire du littoral du Gabon est géré à cet endroit. La surface OCÉAN
10
0
Ny a

a
20

ng
0
du plateau continental est caractérisée par deux traits prin- ATLANTIQUE
cipaux : d’abord une sédimentation sablo-vaseuse dominée Pte Panga
par le sable de divers calibres à l’exception des embouchures Mayumba
Lag
où la vase domine, ensuite une présence des affleurements Pte Kouango
un
eB
an
io
rocheux à travers l’ensemble du plancher océanique. Ces af-
Pte Banda
fleurements se retrouvent souvent dans le prolongement des Source : données bathymétriques SHOM (correction 2013)
CONGO
Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER
pointes rocheuses (Mounganga, 2001), et constituent le subs- Pte Tchibodo

tratum des cordons sableux, des beach-rocks des plages qui Figure 2 - Bathymétrie de la plateforme continentale du Gabon
impactent considérablement le tracé du trait de côte. Le talus continental se situe entre 100 et 200 mètres. On note une organisation en deux
compartiments avec comme ligne de partage le Cap Lopez. L’architecture du plateau
continental se distingue par la présence au sud du Cap Lopez des canyons de la rampe de
l’Ogooué (Biscara, 2011) reliés par un complexe de chenaux-levées.
107
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Cap Lopez

Bathymétrie Terminal pétrolier


(en m) Pointe Odden du Cap Lopez
2 - la régression Ogolienne (de
5 22 000 à 16 000 avant
12
J.-C.). Le niveau de
20
28 Pointe Renard l’océan Atlantique était à
N

35
Pointe du Phare -120  mètres par rapport
42 à la position actuelle.
50
57
On assiste au façonnement
Axe du canyon
65 des vallées sous-marines à l’exemple du canyon
Campagne bathymétrique
du Cap Lopez. L’estuaire du Gabon à cette époque
(ELF Gabon, 1995) n’était qu’une vaste vallée traversée par un cours d’eau
Triangulation (x, y, z) réalisée
par Z. MENIE OVONO (2010)
© LETG-Nantes Géolittomer, UMR 6554 CNRS
ancêtre du Komo actuel (Lebigre, 1983) ;
Figure 3 - Vue en perspective du - la transgression Nouakchotienne ou Holocène (de
canyon du Cap Lopez
Les variations eustatiques pendant le 8 000 à 5 000 avant J.-C.). On assiste à une remon-
Il se positionne perpendiculai-
quaternaire et leurs conséquences sur tée du volume d’eau des océans jusqu’à atteindre le
rement au trait de côte entre
la Pointe du Phare et la Pointe le tracé actuel du rivage niveau actuel vers 5 000 avant J.-C. (Clist, 1995) ;
Renard. Ce canyon constitue
un piège pour le transit littoral Le niveau marin a fluctué depuis le début du quater- - la régression Taffolienne (de 3 000 avant J.-C.
sud-nord et conditionne la naire. Les données et les courbes relatives au contexte à l’actuel) est une légère baisse du niveau marin de
croissance du crochet terminal
gabonais ont fait l’objet de publications scientifiques quelques centimètres par rapport au niveau actuel,
de la flèche Mandji. Le plateau
continental est entaillé par dont les plus pertinentes sont celles de Giresse (1969, elle est à l’origine de la formation des cordons sableux
plusieurs vallées sous-marines 1984, 1990) et de Clist (1995), qui ont reconstitué parallèles au trait de côte (Lebigre, 1983).
disposées est-ouest (Menie
Ovono, 2010). les variations eustatiques et leurs conséquences sur la Les datations des paléo-positions du rivage ré-
morphologie du trait de côte actuel. vèlent que le trait de côte vers 16 000 avant J.- C.
Les données traitant les positions occupées par le était à 55  kilomètres à l’ouest de Cocobeach, à
trait de côte pendant le quaternaire récent, au niveau 60 kilomètres à l’ouest de Libreville, à 16 kilomètres
du Gabon, ne vont pas au-delà des 15 000 ans avant à l’ouest de Port-Gentil et enfin, à 78 kilomètres à
J.-C. La période précédente, c’est-à-dire entre 40 000 l’ouest de Mayumba. À noter aussi que les îles Elo-
et 20 000 avant J.-C. (transgression Inchirienne) est bey ont été séparées du continent vers 5 000 avant
quasi la même sur l’ensemble du golfe de Guinée. J.-C. et que l’île de Corisco était encore rattachée au
continent près du Cap Estérias à peu près à la même
Quatre événements sont retenus dans le cadre de époque (Mombo, 1991). Ces paléo-fluctuations du
cette dynamique de l’océan Atlantique : niveau marin ont pour conséquence la sédimenta-
- la transgression Inchirienne (de 40 000 à 30 000 tion Holocène estuarienne, le colmatage des dépres-
avant J.-C.). Le trait de côte se situait entre -35 et sions littorales, l’ennoiement en rias et la mise en
-47 mètres par rapport à la position actuelle (Clist, place des marais à mangroves. Les paléo-environne-
1995) ; ments constituent des témoins morphologiques des

108
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

épandages sableux de cet épisode de variations ma- à mangrove, pointes ou caps et falaises y alternent
rines. Il s’agit entre autre des « sablières » du nord de avec des plages sableuses adossées sur des cordons
Libreville, les sables du Cap Estérias et les accumula- quaternaires. Le littoral va de Cocobeach à la Pointe
tions sableuses au sud de Cocobeach (Mombo, Ngombé, distant de 100 kilomètres environ. C’est
1991). la province administrative de l’Estuaire.
On observe un trait de
Compartimentation Cap Estérias

des côtes gabonaises


BAIE DE LA
La compartimentation proposée prend MONDAH Atem No Ayong
en compte les critères génétiques et mor-
phologiques des côtes. Les critères géné- Nzog Bour
tiques distinguent une côte primaire Cap
d’une côte secondaire (Shepard, 1963). Santa Clara ville
LIBREVILLE Akok
Les côtes primaires dans le contexte du village
Pointe Pongara
littoral du Gabon sont héritières de la
mise en place du bassin sédimentaire, Nkok Méba
des processus d’érosions continen- ES Nkolotang
Owendo
tales qui se sont succédés pendant
TU
Pointe
AI
l’Holocène. À cette classification Ngombé Ntoum
RE
D
des côtes primaires on adjoint les U
KO Etaméyong
critères morphologiques de pay- MO
sages d’embouchures (Moun-
Donguila
ganga, 2001). Cette dernière
se fonde sur la description de
N
la morphologie des embou- Figure 4 - Vue du littoral à
rias du Gabon
chures pendant leurs diffé-
Nzamaligue Du Nord vers le Sud se
rents stades d’évolution. Les NASA Land dressent successivement
sat Progra
côtes gabonaises sont ainsi m, 1990,
La nsat TM,
scene p186
Nfoulazem les rias de la Mondah
r060_4t900
segmentées en trois systèmes 207, orth
or ectifié pa
r USGS, 07
/02/1990
et du Komo. De très
0 nombreuses entailles du
littoraux : estuarien septentrional, del- , traitemen
t image co
mposite 6
bandes. Co
5 10 km trait de côte ont permis le
taïque médian, et lagunaire méridional. mposition
co lo ré e bandes:
5-4-3 développement de vastes
Z. MENIE
côte fragmenté par OVONO vallées fluviales envahies
Le littoral septentrional à rias par l’eau océanique et
un réseau hydrographique dense, orienté ceinturées par des marais
C’est le domaine des rias : Mouni, Mondah, Komo perpendiculairement au rivage et par de grandes inci- à mangrove.
(fig. 4). Le long de la côte, les affleurements rocheux sions structurales colmatées à la suite de variations
sont très fréquents. Milieu par excellence des vasières eustatiques Holocène par des alluvions et colluvions.

109
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

0 10 km

Trois vastes vallées fluviales se distinguent : l’estuaire du Komo, de la Mondah


et du Mouni. La baie du Mouni se situe à l’extrémité nord du littoral, à la fron-
tière avec la Guinée Équatoriale. Découverte pour la première fois par les portugais
en 1472, cet estuaire ne prit son nom actuel que lors de l’arrivée des espagnols
en 1856. Plusieurs cours d’eau aboutissent dans la baie du Mouni par des petites
embouchures de fond de baie. Ces cours d’eau influencent la dynamique hydrosé-
dimentaire de la baie.
La ria est bordée par un ensemble de mangroves à Rhizophora Racemosa qui laisse
en amont une forêt inondée. La mangrove occupe une superficie de 108 km² (Ondo
Assoumou, 2011). Ce paysage est segmenté par des caps qui aboutissent directe-
ment dans l’estuaire. La ville de Cocobeach occupe la rive gauche de l’estuaire sur
un linéaire de 18 kilomètres environ.
La baie de la Mondah se situe au nord-est de Libreville (fig. 5). Elle est séparée
Source : U.S. National Geospatial-Intelligence Agency,
Sheet NA 32-15 Libreville, Gabon ; Equatorial Guinea, 1975)
à l’ouest de ladite localité par un cordon fossile sur lequel est construit l’aéro-
port international Léon Mba et au sud par un liseré de terre à Nkok. La baie se
Figure 5 - La baie de la Mondah déploie sur un substrat géologique d’âge Crétacé où calcaires et grès forment des
Extrait de la carte topographique strates peu épaisses entre lesquelles s’intercalent marnes et argiles (Lebigre, 1983).
de l’US National Geospatial-Intelii-
gence Agency datant de 1975.
La mangrove occupe une superficie exceptionnelle de près de 350 km² (Ondo
Assoumou, 2011) encerclant la baie. Les cours d’eau qui se jettent dans la baie
sont de petites tailles avec un bassin hydrographique estimé par Lebigre (1983) à
1 200 km² de superficie avec un module brut de seulement 74 m³/s.
L’estuaire du Komo ou estuaire du Gabon, ancienne appellation (fig. 6) liée à
l’histoire de sa découverte le 12 août 1472 par des navigateurs portugais en prove-
nance de Sao Tomé, décrit une embouchure en forme de caban marin « Gabao ».
Point de départ de la colonisation française, l’embouchure va laisser son nom à
l’ensemble du pays : Gabon.
L’estuaire est l’exutoire du fleuve Komo qui prend sa source au pied du mont
de « Cristal ». Il représente un bassin versant de 5 000 km² pour un module brut
de 160 m³/s. L’estuaire s’est développé pendant les transgressions quaternaires, le
long d’un faisceau de failles orientées sud-est/nord-ouest qui hachent cette partie
du bassin sédimentaire (Lebigre, 1984 - fig.  1). L’estuaire du Komo est entouré
par une ceinture de mangrove de près de 1 000 km² répartie tout au long des rives
du fleuve et de ses nombreux affluents. La marée semi-diurne contribue beaucoup
à l’extension de la vasière, car son influence pendant le jusant s’étant à plus de
Figure 6 - L’estuaire du Gabon 120 kilomètres loin en amont.
Extrait de l'encyclopédie " la Grande géographie Bong illustrée "
(Reclus, 1914).
110
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

Les apports alluvionnaires du bassin hydrogra- marquants l’existence au Paléocène d’une vaste baie
phique expliquent la présence des îles « Conniquet » dérivant d’une transgression marine. Le delta a col-
et des « Cailloux » qui émergent au large du port maté cet estuaire d’abord dans sa partie médiane,
d’Owendo. expliquant ainsi la présence actuelle de plusieurs lacs
La ville de Libreville, capitale politique du Gabon résiduels : Onangué, Azingo, Nyongé, Anengué. Au
marque une emprise spatiale sur la rive droite qui départ delta de fond de baie, sa morphogenèse a pro-
s’étend de la Pointe d’Owendo au Cap Santa Clara. gressivement dépassé le cadre initial pour
Cap Lopez s’étendre en
Le littoral deltaïque du centre-ouest BAIE DU
Delta mari
n
CAP LOP
EZ
Le domaine deltaïque s’étend de la région des Port-Gentil
cirques du Bam-Bam à la lagune Nkomi, ce

Île Ma
Mporaloko
Marais maritime Delta intérie
qui représente un linéaire côtier de plus de ur

n
Plateau de

dji
de N’kondjo
200  kilomètres. Le littoral du Gabon, dans Ntchengué Wonga Wongué

Ani m b a
jo
cette partie médiane, a développé un vaste

o nd
Plaine k

N’
delta de 5 100 km². En Afrique, le delta de Mandorové Loanda
l’Ogooué occupe le 4e rang après les deltas Ozori Lac Alombié
Ngola
du Niger (19  000  km²), de l’Okavango Ngoumbi
Enyonga Yombé
(18 000 km²) et du Nil (12 000 km²).
OCÉAN Ogoo u é Lac
Le delta s’est construit à l’exutoire ATLANTIQ
UE
Plaine Lac Mandje Ogonié
Figure 7 - Vue
Inguéssi
du fleuve Ogooué (fig. 7). C’est le satellitaire du
Marais Nkengué littoral deltaïque
fleuve le plus important du fait de é Lac Anengué
N ni
l’étendue de son bassin hydrogra-
lu
po

lué
0 10 20 km M de Système mor-

A
phique de près de 215 000 km², NASA Landsat ville phosédimentaire
Program, 200
avec un module brut à la station 1, Landsat ETM
+, scene p186r0
61_7t2001073 village hybride d’une double
1, orthorectifié par influence de l’océan
de Lambaréné de 4 730  m³/s EarthSat, 31/07/
2001, traitem
ents image com Z. MENIE OVON Atlantique et du fleuve
posite 6 bandes O
(Lebigre, 1983). . Composition
colorée bandes
: 5-4-3 Ogooué. Le marais de
N’kondjo représente le
Le comblement d’un tel appareil a impacté toute pleine mer. Le delta actif.
la région centrale du littoral du Gabon à tel point comblement du delta s’est fait d’abord
que le delta intérieur s’étire à plus de 200 kilomètres vers le Sud au niveau de la lagune Nkomi, puis s’est
en aval de Lambaréné. La morphogenèse du delta ensuite déporté vers le Nord où il est encore actif.
n’est pas encore totalement élucidée. D’après Lebigre La sédimentation est encadrée au contact de la mer
(1983), un paléodelta d’âge Crétacé a été décou- par un imposant cordon sableux maintenu par une
vert au large du delta actuel lors d’une prospection dérive littorale nord-ouest/sud-est. La ville de Port-
d’Elf Gabon (actuel Total Gabon). On note aussi la Gentil y est installée et occupe la partie médiane de
présence dans les environs de Lambaréné d’indices la flèche littorale dite Mandji.

111
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Lagune
Plaine ié n
La végétation dominante est la mangrove qui co-
M’polu
Inguéssi
Olendé
é
Ad
elu lonise le delta intérieur de la baie du Cap Lopez à
la lagune Nkomi au sud et représente une superficie
é
mb
d’environ 1 000 km² (voir le chapitre 1 du présent
ago
mb

ouvrage).
Dje

Ondombo
Au-delà du delta actif est associée au littoral del-
Plaine taïque la région dite des cirques du Bambam. Le
Niongo trait caractéristique de cette région est son relief par-
mi l’un des plus hauts de tout le littoral, culminant
à plus de 284 mètres d’altitude par le mont Wonga
Essogoué Wongué. La côte y est rectiligne et orientée nord-
sud. Elle s’étend de la Pointe Ngombé à la Pointe
La

Wézé (limite nord du delta de l’Ogooué). Le trait


g un

Ikenguè
eN

dominant est la présence d’une série de cordons sa-


OCÉAN
ko

bleux qui cernent les formations tertiaires fortement


m

ATLANTIQUE Plaine
i

N’Tchongo N’tchiné
Owimbiano érodées par un réseau dense de petits fleuves côtiers.
Les amphithéâtres naturels issus de cette érosion ac-
ville Omboué tive sont localement appelés « cirques de Wonga Won-
Kongo
village gué » (voir chapitre 3 du présent ouvrage).
)
nd Vaz
(Ferna Le littoral méridional à grandes lagunes
Odimba
N
(Mission Ste Anne) C’est la région méridionale du littoral qui s’étend
0 5 10 km de l’embouchure d’Olendé à la frontière congolaise
NASA Landsat Program, 1990, Landsat TM, scene p186r061_4t900207, orthorectifié par USGS, 07/02/1990
Traitements image composite 6 bandes. Composition colorée bandes : 5-4-3 Z. MENIE OVONO
et représente 500 kilomètres environ de linéaire
Figure 8 - Le littoral
méridional à grandes
lagunes : exemple de la
lagune de N’komi
Lagune de type « semi-
fermée » circonscrite par
de vastes cordons sableux Photo 2 - Vue aérienne d’une petite lagune à
résultant de la prédominance barrière fermées par les sillons de cordons
de l’hydrodynamisme marin sableux parallèles au trait de côte du secteur de
(dérive littorale, courant Gamba (lagune Ndogo)
de marée) sur le flux conti- (ph. Delondiny, 2009, www.panoramio.com)
nental.

112
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

côtier. Elle se situe au sud du delta de l’Ogooué et lièrement sur le secteur de côte entre la lagune Iguéla
sa limite orientale avec le socle est fixée par l’impo- et la lagune Ndogo (photo 2). À l’interface terre/
sant massif du Mayombe. C’est une pénéplaine com- mer, l’étendue des estrans sableux n’est rompue que
posé essentiellement de collines entourées par des par quelques affleurements de la structure du bassin
vallées fluviales. La moyenne des altitudes tourne Atlantique (formation Phanérozoïque), généralement
autour de 40 mètres par rapport au niveau de la mer. sous forme de bancs submergés à marée haute. La
L’inclinaison est-ouest du bassin côtier conflue vers trajectoire rectiligne du trait de ces côtes est segmen-
l’océan Atlantique un réseau hydrographique dense tée par des promontoires dont les plus remarquables
structuré en cinq bassins versants : l’Ogooué, Rem- sont : la Pointe Catherine, la Pointe Komandji (pla-
bo Nkomi, Rembo Echira Iguéla, Rembo Ndogo, tier diaclasé formé de roches Sénoniennes), la Pointe
Nyanga. Excepté l’embouchure de la Nyanga qui se Panga (petit plateau sableux de la série des cirques,
jette directement dans la mer, les exutoires des autres photo  4), la Pointe Kouango à Mayumba (filon de
bassins hydrographiques y aboutissent via un système dolérite). Les graus sont circonscrits par deux flèches
lagunaire. Quatre grandes lagunes se succèdent du opposées fixées de part et d’autre de la barrière et
Nord vers le Sud : Nkomi (558 km², fig. 8), Iguéla ayant chacune une extrémité sommitale libre, sous
(202 km²), Ndogo (502 km²), Banio (147 km²). influence de la marée et des vagues qui la façonne.
Les unités morphostructurales caractéristiques des Le bassin lagunaire représente le plan d’eau conti-
lagunes de ce littoral sont : le complexe de cordons nentale retenu par le lido. Dans le cadre du littoral
sableux (en aval), les bassins lagunaires (médian), les méridional du Gabon, on observe une organisation
réseaux hydrographiques (en amont). en deux compartiments distincts représentant la la-
Les plans d’eau sont séparés de l’océan Atlantique gune amont et la lagune aval.
par de larges lidos qui s’inscrivent dans une série La lagune amont héberge les embouchures fluviales
juxtaposée de cordons sableux orientés sud - sud-est/ et les conditions hydrosédimentaires sont dominées
nord - nord-ouest d’origine holocènes. Cette dyna- par les influences continentales. Elle constitue un
mique hydrosédimentaire qui remonte au quaternaire réceptacle pour les eaux et les alluvions provenant du
récent est entretenue de nos jours par les houles de bassin versant. Rabenkogo (2007) décrit ce compar-
direction sud-ouest et par la dérive littorale sud-nord timent localement appelé « Aliwa z’Iguela » comme
du courant de Benguela qui prédomine sur les apports ayant des contours irréguliers marqués par des criques
alluvionnaires fluviaux. Ces accumulations sableuses (Asséwé, Ntchonga), par des deltas intérieurs et par
larges de 5 km et longues de 40 km n’excèdent pas des entrants en forme de « V » des embouchures des
10 m de commandement. Pour les principales lagunes rivières (Rembo Nkomi, Mpiviè).
précitées, la barrière est rompue par un seul grau qui
établit la communication entre le bassin lagunaire La lagune aval appelée par les peuples autochtones
et la mer. On note cependant la présence de petites « Eliwa z’Obambacala », est un conduit qui relie la
lagunes à barrières fermées, dérivant des rivières lit- lagune amont avec le grau. La houle dominante sud-
torales à débits très faibles. On les rencontre particu- ouest de ce littoral leur confère une forme allongée

113
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Typologie des côtes Baie du Mouni et parallèle au rivage. Une croissance importante des
côte basse à marais vaseux
Mouni cordons littoraux peut entraîner son confinement en
Cocobeach
ou cordons sableux
Cap BAIE DE Cocobeach un goulot d’étranglement pour la cellule hydrosédi-

500 m
200 m
CORISCO
mentaire réduisant ainsi le delta de marée. Les berges

100 m
côte basse artificielle (urbaine) Estérias

côte mixte : plage à beach-rocks Cap sont basses de l’ordre de 3 à 6 mètres d’altitude en
Santa Clara
ou à petite falaise argileuse (<10 m)
tu a
LIBREVILLE moyenne.
côte rocheuse basse à platier Pte Pongara

Es
ire d
ou à falaise (< 15 m) u Komo
Les lagunes du littoral méridional du Gabon, par
Kango
Pte Nyonié leurs attraits paysagers et leur abondance en ressources
biologiques et pétrolières, sont des lieux très convoités
ville principale
par les sociétés humaines. Au 15e siècle, les naviga-

oué
limite du bassin
sédimentaire côtier Cap Baie du
BAIE DU
Og o teurs y ont découvert des villages autochtones qu’ils
Lopez CAP
limite d’État
CapLOPEZ
Lopez Lambaréné baptisèrent de noms portugais, Fernan Vaz ou Nkomi
pour exemple. Aujourd’hui, plusieurs villes y sont ins-
Port-
lac et Gentil tallées (Omboué, Gamba, Setté Cama, Mayumba) et
fleuve et
lagune
rivière une exploitation pétrolière intense y est pratiquée.
hydrographie
Lagune
Soucieuses de l’extrême sensibilité de cet environne-
Nkomi ment, les autorités y ont mis en place une politique de
canyon sous-marin Omboué gestion intégrée qui a abouti à la création en 2002 de
Pte Iguéga
Pte Iguéga
13 parcs sur l’ensemble du territoire gabonais, et no-
Lagune
Iguéla tamment des parcs lagunaires de Loango (1550 km2),
Grands traits géologiques
Moukalaba Doudou (4550 km²), et Mayumba
sable des cordons marins
(80 km²), auxquels se sont ajoutées deux aires natu-
(Quaternaire récent) Pte Komandji
Lagune
Ndogo relles protégées (Ogooué et Rabi Ndogo).
argile et sable fluvio-lagunaire
(Quaternaire)
Quaternaire indiffériencié Gamba Typologie des côtes gabonaises
Pte Pédras
10
Tertiaire indifférencié 200
0m
Les côtes secondaires sont celles qui dérivent des
500 m
m impacts directs des agents météo-marins et intègrent
Crétacé indifférencié
sable argileux, grès,
les dynamiques locales. Il s’agit des côtes à falaise fa-
Jurassique indifférencié Pte Panga Mayumba
calcaire et marne Lag
un
çonnées par l’énergie des vagues, des plages de sables
eB
séries Agoula et Nkom (Karoo s.i) Pte Kouango an
io ou de galets des estrans mise en place par une dérive
Pré-Cocobeach ou série N
de la Noya
littorale (Bourgou et Miossec, 2010). Cette classifi-
Pte Banda
cation permet de produire une typologie des côtes
roche volcanique 0 25 50 km
(fig. 9). Entre la Pointe Mbini et la Pointe Mekound-
Sources : données bathymétriques SHOM (correction 2013), terrain Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER
ji, le rivage offre une diversité morphologique et
dynamique à plusieurs niveaux scalaires : des formes
Figure 9 - Typologie des côtes gabonaises (sur la base des critères
topographiques et géologiques)
114
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

d’accumulations diverses de sables, de vasières ; des cordons sur lesquels sont fixés
de nombreuses flèches sableuses ; des côtes rectilignes, baies et anses ; des platiers
rocheux associés à des falaises. On observe aussi une juxtaposition des types d’estrans
à divers stades d’évolution : des formes d’accumulation et d’ablation séparées par des
pointes ; des lagunes barrées par des flèches.
La distribution zonale des formes littorales est à noter : vasières, plages, cap rocheux
sont cantonnés le long du littoral septentrional. Cette situation est entretenue à la fois
par la nature lithologique des formations littorales, d’apport alluvionnaires inégaux
des bassins versants littoraux et par la diversité d’exposition du trait de côte aux houles
dominantes de direction sud-ouest. Quatre types d’estrans se distinguent.

Côtes rocheuses basses ou à falaises (ou petites falaises <15 mètres)


Ce sont des côtes à falaises de faible commandement et formées dans des séquences Photo 3 - Paysage à falaise de la côte Cap Santa Clara - Cap Estérias
(ph. AAP, 2011)
sédimentaires du Sénonien ayant à leurs pieds les platiers gréso-calcaires et marneux.
Les hauteurs des falaises varient selon la nature lithologique de
Trois unités morphologiques caractérisent ces côtes : la présence d’un platier calcaire l’affleurement et leur disposition par rapport au trait de côte. Les
gréseux, des plages encastrées dans les roches incisées par l’action des vagues, et enfin pieds des falaises sont fragilisés par l’action érosive des houles
des falaises hautes en moyenne de 10 mètres qui surplombent les estrans. Le trait dominantes sud-ouest.

de côte est marqué par des promontoires constituant les nombreux caps et pointes.
Le substrat rocheux peut être observé sur l’estran à marée basse ou sur la falaise. Les
faciès sont marneux, calcaires et gréseux. Ces secteurs de côtes font front aux houles
de direction sud-ouest et sud.
Ce type de côte est observable à la Pointe Mbini (Cocobeach), au secteur de côte
situé entre le Cap Estérias et le Cap Santa Clara, à la Pointe Ngombé et la côte de
Panga (entre Gamba et Mayumba), la Pointe Fouica (site du nouveau port en eau
profonde de Mayumba).
Le secteur de la Pointe de la Case - Cap Santa Clara (photo 3) est caractéristique de
ce type de côte. On observe bien un changement de direction de la trajectoire de la
ligne de rivage, dont le prolongement sous l’eau se fait par un large platier à vasques
et micro-vasques. La fracturation du platier permet d’apprécier l’importance de la tec-
tonique dans l’évolution des formes des estrans. Enfin, de part et d’autre de la pointe, Photo 4 - Paysage d’une côte à falaise argileuse proche de la
un colmatage se fait dans les milieux démantelés par la houle aptes à une sédimenta- Pointe Panga
(ph. CNDIO-CENAREST, 2011)
tion fine sableuse ou silteuse favorisant la mise en place d’une plage adossée, concave
Localité située à une trentaine de kilomètres au nord de
entre deux pointes rocheuses successives. La falaise est constituée d’une roche (grès, Mayumba. Petit plateau argilo-sableux de la série des cirques
marne, calcaire) souvent altérée ou recouverte d’une imposante masse d’altérites. reposant sur un rocher Cénomanien.

115
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

La Pointe Fouica constitue une belle illustration de


ces affleurements de plages (photo 5). Le type de for-
mation rocheuse le plus souvent rencontré se rapporte
aux grès de plage, sables indurés et disposés en bandes
sensiblement parallèles à la côte actuelle (Mounganga,
2001), marquant ainsi les fluctuations du niveau de la
mer au quaternaire.

Côtes basses à marais à mangrove


ou à cordons sableux
Photo 5 - Beach-rocks sur la plage de Fouica (Mayumba)
(ph. CNDIO - CENAREST, 2014)
Les côtes basses à marais à mangrove délimitent les
Intrusion de dolérite (roche magmatique intermédiaire) sur laquelle est fixé le lido sableux qui circonscrit
vastes rias estuariennes du nord, le delta de l’Ogooué
la lagune Banio. Son affleurement a donné du relief à la ville de Mayumba. et les contours des lagunes. Le trait de côte a un as-
pect crénelé par les nombreuses indentations qui
forment les contours des rias en partie colmatées
par des sédiments fluvio-marins. Ces vasières s’éten-
Les côtes mixtes : plages
dent sur d’immenses surfaces cernant les îles dont la
sableuses à beach-rocks ou
masse vert-sombre surplombe les mangroves.
à petites falaises argileuses
(<10 mètres) L’estran est une basse slikke formée de vases gor-
gées d’eau et riche en matières organiques. C’est la
Elles regroupent aussi bien les plages limite de l’extension de la mangrove vers le large.
sableuses avec des beach-rocks et les Ces formes de rivages sont observables dans la ria du
petites falaises qui surplombent des Mouni, où le trait de côte est segmenté par les passes
estrans sableux. Ces types de côtes se Goumba et Miboula, dans la baie de la Mondah,
situent entre la Pointe Sainte Catherine l’estuaire du Komo, le delta de l’Ogooué (fig. 10) et
(en aval de l’Iguéla) et la Pointe Banda la lagune Nkomi.
(à l’extrême sud de la lagune Banio).
Les côtes basses à cordons sableux sont des accu-
Les côtes à falaises argileuses sont mulations sableuses organisées en une succession de
présentes dans les secteurs où affleurent rides parallèles à la ligne de rivage actuel, séparées
les roches des séries du Sénonien, Turo- par des dépressions qui forment de longs couloirs
Photo 6 - Côte basse à cordons sableux
(ph. C. Vigna, 2014, www.panoramio.com)
nien et Cénomanien (photo 4). Ce sont entre deux crêtes de cordons successifs (Lebigre,
Caractéristique du dynamisme hydrosédimentaire
des grès, calcaires et marnes. Les falaises 1983). Elles constituent les vastes plages sableuses
des estrans, cette accumulation sableuse sert de sont couvertes d’une couche supérieure s’appuyant sur des cordons Holocène. Ce type
barrière et réoriente les chenaux des rivières litto- d’altérites végétalisées façonnée par le de côte est illustré par l’embouchure de la rivière
rales vers le Nord. Ici l’exutoire de la rivière Oyane
au nord de la Pointe Ekouata. sapement des vagues. Oyane (photo 6). Les côtes basses à cordons sableux

116
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

Cap Lopez BAIE DE


NAZARÉ
sont très représentées sur l’ensemble du littoral : le BAIE DU
cordon sableux qui s’étale de la lagune Mekoundji CAP LOPEZ
jusqu’à la pointe du Cap Lopez  ; de Wonga Won- Mporaloko
gué à la Pointe Denis ; du Port-Môle à la sablière de Port-Gentil
Libreville.

Côtes artificialisées ou protégées


Marais maritime
Les côtes artificialisées urbaines (ou périurbaine) Ntchengué de Nkondjo
correspondent aux fronts de mer des grandes villes
littorales (Libreville et Port-Gentil) et aux secteurs

Flè
de côtes protégés par les ouvrages spécifiques contre

ch
les assauts de la mer. Le bord de mer de Libreville Plaine

eM
qui s’étend de la Pointe d’Owendo au Cap Santa Mandorové

an
Mbilapé

dji
Clara a connu depuis l’époque de la colonisation des
mutations importantes de son rivage. Les plans d’ur- Loanda

banismes de 1939, de 1962 dit « Henri Pottier », de


1965 dit « Olivo-Prass » et de mai 2010 ont privilégié
le bétonnage de la façade maritime (Engo Assou- Ngomo
mou, 2007). Le boulevard du bord de mer (photo 7)
reliant la zone portuaire et l’aéroport international
Ozori
est l’une des entités qui a une grande emprise spa- 0 5 10 km
N
tiale le long de cette côte.
Ogoo u é
L’urbanisation au quasi contact du rivage a modifié NASA Landsat Program, 2001, Lansat ETM+, Plaine
scene p186r061_7t20010731,orthorectifié par EarthSat, 31/07/2001
la dynamique hydrosédimentaire des estrans. Ainsi, Traitement image composite 6 bandes. Composition colorée bandes : 5-4-3
Iguéssi
Z. MENIE OVONO
pour se protéger de l’agitation de la mer, les ouvrages
de protection côtière ont été érigés le long des secteurs flèche littorale (Mandji) formée par une série ville village
de cordons sableux orientés nord-ouest/sud-est
les plus vulnérables à l’érosion et à la submersion ma- et disposés parallélement au trait de côte Figure 10 - Image panchromatique
rine (voir le chapitre 9 du présent ouvrage). La stra- du delta marin de l’Ogooué
tégie de lutte contre ces aléas est différente entre les On peut observer le vaste marais
deux villes, car c’est la nature du milieu physique qui Descriptions des dynamiques à mangrove compartimenté par

définit le choix des ouvrages à édifier et leur emprise des côtes gabonaises les distributaires nord du fleuve
Ogooué et les nombreux chenaux
spatiale. Ainsi, à Libreville, les ouvrages installés sont La dynamique littorale s’exprime par des avancés de marée. Le delta marin actif est
mis à l’abris des facteurs météo-
les perrés bétonnés et les épis, tandis qu’à Port-Gentil, dans l’océan et par des reculs vers le continent du marins de provenance sud-ouest
les brises lames ont été privilégiés (cf. photo 10). linéaire côtier. Le long des côtes gabonaises, on peut par une imposante flèche sableuse.

117
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

constater la présence budget sédimentaire varie d’un secteur de côte à un


de secteurs côtiers en autre et dépend de la puissance des appareils hydrolo-
accrétion et en érosion. giques et de la taille de leurs bassins versants respectifs.
Cette mobilité du trait Ainsi, le module brut de l’Ogooué est de 4 730 m3/s,
de côte est entretenue et celui du Komo de 160 m3/s. La répartition de ces
par la mobilisation de sédiments est organisée par une dérive littorale de di-
volumes sédimentaires rection dominante sud-ouest/nord-est qui façonne la
importants, par les fac- diversité des formes d’accumulation observées le long
teurs hydrodynamiques des 950 kilomètres de côtes gabonaises.
en jeu et par un climat Les agents météo-marins, les vents dominants de
équatorial de transition secteurs sud ou sud-ouest entretiennent le transit lit-
marine. toral et opère des processus d’ablation ou d’accrétion
du trait de côte. Il s’agit des houles obliques sud-
Photo 7 - Estran artificiel du bord Les facteurs de ouest, des courants de marées et des vents côtiers.
de mer de Libreville la mobilité
(ph. Z. Menie Ovono, 2011) Les houles constituent le principal forçage hydro-
La nature originelle du trait de La source sédimentaire a pour origine la remo- dynamique de la zone littorale du Gabon (Menie
côte est remplacée par la digue bilisation des fonds marins et les apports alluvion- Ovono, 2010). En fonction de la disposition du
en béton peinte en blanc qui un
peu plus loin est soutenue par des
naires importants entretenus par un ensemble de rivage et de sa nature lithologique, les houles de pro-
blocs de pierres. bassins versants orientés est-ouest. Le trait de côte venance sud érodent des pans importants de côte ou
est segmenté à plusieurs endroits par ce réseau hy- favorisent les accumulations par effet combiné avec
drographique dense dont les exutoires constituent les forces fluviales continentales.
les embouchures des fleuves et rivières côtières. Les
principaux bassins versants par ordre d’importance Le régime des houles est influencé par la présence
sont ceux de l’Ogooué (215 000 km²), de la Nyanga persistante de l’anticyclone de Sainte-Hélène. La cir-
(22 000 km²) et du Komo (5 000 km²). Le volume culation des vents dans le sens inverse des aiguilles
sédimentaire mise à disposition de la dérive littorale d’une montre autour de cet anticyclone entretient des
houles longues et régulières qui se propagent du Sud
entre Ozouri et la Pointe du phare du Cap Lopez se
vers le Nord, pour atteindre la côte avec une direction
chiffrerait à 500  000  m3/an (Menie Ovono, 2004).
principale sud-ouest/nord-est (Menie Ovono, 2010).
La mise en place d’un vaste domaine deltaïque de
Sur les côtes du golfe de Guinée, Guilcher (1985) dé-
5 100 km² de superficie dans cette partie du littoral
termine deux domaines de houles ayant des directions
justifie bien le rôle de pourvoyeur de sédiments par
de provenances opposées. Il s’agit d’une part des houles
le bassin versant de l’Ogooué (Menie Ovono, 2010).
nord-ouest d’origine boréale, et, d’autre part, des
Le littoral septentrional est lui alimenté par les bas- houles sud-ouest ou sud - sud-ouest d’origine australe.
sins du Komo et de la Mondah, tandis que le littoral Ces houles ont une origine lointaine et leurs caracté-
méridional est pourvu par le bassin de la Nyanga. Le ristiques varient suivant les saisons australes : houles

118
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

« fortes » et de longue période, de fin mars à fin septembre Pte Mbini


GUINÉE ÉQUATORIALE
Pte
avec un maximum en juin-juillet, et les houles « faibles », Cocobeach Pte Mbini
N
de courte période d’octobre à mars avec un maximum Cap
BAIE DE
Estérias CORISCO
Cocobeach
Mobilité du trait de côte
en décembre (Menie Ovono, 2010). Les marées sont de

500 m
200 m
100 m
O E (tendance globale)
type semi-diurne avec deux marées basses et deux marées S
Cap érosion
Santa Clara
hautes. Le marnage moyen oscille entre 2 mètres pendant LIBREVILLE
Pte Pongara stable
uai Owendo
les marées de vive-eau et 50 centimètres lors des marées

E st
Pte Ngombé re d
u Komo accrétion
de morte-eau. Le domaine d’influence des marées est Kango
non définie
particulièrement important dans la partie septentrionale Pte Nyonié m boué

Ra
estuarienne où le courant de jusant va plus loin dans la
terre ferme. Celle-ci se fait sentir jusqu’au débarcadère

o ué
N Og o
Cap
d’Andock Foula, de Kango, de la Mbei situés à plus de Lopez
BAIE DU
CAP LOPEZ Pte Tambinione Lambaréné
Facteurs météomarins
O E
120 km en amont de la Pointe Pongara (Mombo, 1991). Pte Wézé direction principale de
S
Port- distribution du vent
Gentil
dérive littorale
La cinématique du trait de côte
La dynamique hydrosédimentaire du trait de côte ex-
plique les formes convexes et concaves de la trajectoire Lagune
Nkomi
Omboué
du rivage. Rembo Nk
omi
ville principale

Il ressort trois types d’évolution sectorielle du trait de Lagune


bassin sédimentaire côtier
Pte Iguéga
côte : stable, érosion, accrétion. La cartographie de ces évo- Iguéla
limite d’État
lutions s’appuie sur la technique d’interprétation des prises lac et
lagune
de vue aériennes et de télédétection du littoral. Les résul- Lagune
fleuve et
rivière
tats de ces traitements sont confrontés aux mesures de ter- Pte Komandji
Ndogo hydrographie
rain, puis complétés par les rapports d’études sectorielles
Gamba canyon sous-marin
réalisées par des acteurs divers. Le résultat issu de ces divers
Pte Pédras
traitements permet de produire une carte de la tendance de 200
10
0m

la dynamique globale du trait de côte (fig. 11). 500


m
m

De la Pointe Mbini à la côte d’Akanda N Pte Panga Mayumba


Lag
un
La côte de la baie de Mondah est globalement dans une 0 25 50 km O E Pte Kouango
eB
an
io
dynamique d’accrétion naturelle en lien avec un apport al-
S Pte Banda CONGO
luvionnaire important des rivières littorales et d’une marée
semi-diurne active. Le reste du littoral jusqu’à la baie du Sources : données bathymétriques SHOM (correction 2013) ,
MOUNGANGA (2011), MENIE OVONO (2010), MOMBE-NGUEMA (2000), MOMBO (1991)
Pte Tchibodo
Z. MENIE OVONO
Mouni alterne des secteurs en recul ou qui progradent. On
observe une érosion vive le long du littoral du bord de Figure 11 - Géomorphologie et dynamique globale du trait de côte

119
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

mer de la ville de Coco- D’après les observations de terrain de Ditengou


beach. L’évolution du Mboumi (2012), la mer y a conquis plus de 200 mètres
phénomène y menace d’espace de terre. Selon l’auteur, cette érosion s’ampli-
même la pérennité de la fierait sous les effets conjugués du changement clima-
route côtière (photo 12). tique actuel, d’une exploitation sauvage de sable de
plage et d’une urbanisation non-contrôlée du littoral.
Du Cap Estérias à
la Pointe d’Owendo
Au-delà du Cap Santa Clara, se développe ensuite
une côte rectiligne, stabilisée par les affleurements
Elle se structure en trois rocheux du bassin sédimentaire et offrant de minces
secteurs distincts matéria- plages, adossées à des falaises rocheuses. Cette situa-
lisés par un changement tion est quasi continue jusqu’à la Pointe Akanda.
de direction au niveau du
Cap Santa Clara. La pre- De la Pointe Denis à la Pointe Pongara

Photo 8 - Dégâts causés par


mière partie orientée sud- La forme d’accumulation sédimentaire dominante est
l’érosion côtière au nord de la est/nord-ouest, s’étend du Port d’Owendo à l’ancien la plage de sable peu triée, entretenue par la dérive des
Pointe Denis épi de l’hôtel Dialogue. Les courants estuariens ne courants internes à la dynamique estuarienne du Komo.
(ph. P. Fattal, 2014)
favorisent pas une dynamique de dépôts sédimen- Cette plage intérieure est sujette à une érosion active
taires le long du trait de côte, exceptés quelques qui détruit les habitats et compromet la pérennité des
pseudos cordons sableux aux exutoires des petites aménagements touristiques qui s’y trouvent (photo 8).
rivières côtières. La dérive littorale orientée nord- Au-delà de la Pointe Pongara côté maritime, l’érosion
sud est déviée vers le talweg de l’estuaire au niveau est atténuée du fait de la modification de l’incidence
du Lycée Léon Mba. Le second secteur concerne des houles d’origine sud-ouest. La dérive littorale favo-
la côte nord de Libreville et s’étale jusqu’à la baie rise ainsi l’accrétion des plages dans les environs immé-
d’Akouango. L’essentiel du budget sédimentaire est diats de la Pointe Pongara. On observe une érosion
concentré le long de ces 10  kilomètres de côte et de la façade ouest de l’extrémité de la flèche, dont la
cette situation explique le développement des vastes conséquence est la forme en crochet orienté vers l’Est.
plages de sable favorable à un tourisme de villégia- De la Pointe Denis à la Pointe d’Owendo, la dyna-
ture. Cette dynamique d’engraissement des plages mique sédimentaire des estrans va dépendre des condi-
est rompue entre la Sablière et le Cap Santa Clara tions hydrodynamiques fluvio-marines de l’estuaire du
où le rivage est sérieusement menacé par l’érosion. Komo, qui se résument par des accumulations allu-
Les houles sud-ouest viennent déferler sur cette côte vionnaires le long des berges du fleuve.
mobilisant ainsi des volumes de sables importants
et détruisant les habitats bordiers. Cette dynamique De la Pointe Ngombé à la Pointe Tambinione
régressive est favorisée par la nature lithologie des C’est une côte quasi rectiligne orientée nord-sud.
paléodunes Holocène qui bordent cette côte. Elle est composée par une série de cordons sableux
quaternaires disposés parallèlement au rivage. Les

120
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

affleurements à la côte de la structure géologique en basse. La côte recule avec une vitesse
pointes rocheuses séparent les estrans sableux concaves. moyenne de 8 à 10 mètres par an, mena-
Les pointes jouent alors un rôle d’épis naturels impac- çant le phare et la route qui conduit au
tant ainsi la dérive littorale orientée à la base vers le terminal pétrolier de Total Gabon (Menie
Nord. Les houles sud-ouest ont un angle d’incidence Ovono, 2010). Sur la base des mesures
faible avec la ligne de rivage expliquant ainsi une éro- et des observations de terrain réalisées de-
sion réduite jusqu’à la limite de la Pointe Ngombé. puis 1960, on retient un recul latéral du
On n’observe pas d’apports sédimentaires continen- rivage de plus de 230 mètres, comme en
taux supplémentaires pouvant engraisser ces plages et témoigne l’impact de l’érosion au niveau
le changement de direction de la dérive littorale n’est de la Pointe du Phare (photo 9).
pas favorable à une accrétion du rivage. Cette côte est Cette avancée fulgurante de la mer sur
globalement stable. la terre ferme a mis en péril en moins de
13 ans le Phare du Cap Lopez. Au nord
De la Pointe Wézé au Cap Lopez de la Pointe du Phare, on observe une
Circonscrites à l’ouest et à l’est par la Baie d’Endou- érosion entretenue par une dynamique
gou et par la Baie de Nazaré, les conditions hydro- régressive de la tête d’un canyon sous-ma-
dynamiques sont celles d’un delta actif. Les courants rin à l’origine de la forme concave pré-
fluviaux des distributaires nord de l’Ogooué sont les sentée par ce rivage. La Pointe Odden est
seuls agents hydrodynamiques en jeu, car la presqu’île victime d’une érosion qui s’opère par des
glissements de la côte. Cette régression se
Mandji met en situation d’abri le front deltaïque nord
fait à une vitesse moyenne de 10  mètres
contre les houles puissantes du Sud-Ouest. Hormis la
par an causant des dégâts importants au Photo 9 - Érosion littorale au
segmentation du trait de côte par les embouchures des
niveau du bassin de décantation du terminal de Total phare du Cap Lopez
fleuves Animba, N’kondjo, Ngouboué et Ganboué,
Gabon. Du quai des Chaland à la Pointe Clairette, (ph. Elf Gabon, 1986 et 1999)
le littoral est marqué par une accumulation vaso-sa-
on note un engraissement du rivage sous l’impulsion Illustration d’un changement
bleuse importante avec une extension du front del- de paysage causé par le recul
des courants de marées entretenus par la morpholo-
taïque dans la Baie du Cap Lopez, justifiée par de gie des baies du Cap Lopez et de Port-Gentil. Au sud,
excessif du trait de la Pointe
du phare au Cap Lopez entre
nombreux lobes et bancs vaseux sous-marins. Une on observe un bord de mer figé par des digues arti- 1986 et 1999.
accrétion globale s’y développe du fait d’un apport ficielles qui par l’action du temps cèdent aux vagues
alluvionnaire opéré au détriment de la dérive littorale. pendant les tempêtes.
De la Pointe Akosso à la Pointe du phare, le trait
de côte est marqué par une érosion globale dont les De la côte « Bac-Aviation » (Port-Gentil) à la côte
de Mayumba
facteurs varient le long du littoral. Au niveau de la
Pointe du Phare au Cap Lopez, l’agent hydrodyna- Globalement, c’est une côte d’accumulation sa-
mique dominant est la houle de provenance sud- bleuse matérialisée par de vastes cordons sableux.
ouest, dont les vagues viennent déferler sur une côte On observe des flèches sableuses en extension avec

121
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

des sommets incurvées vers le Nord-Est par l’impact


Risques naturels côtiers des houles de direction sud-ouest. La forme d’accu-
Canyon du submersion marine mulation dominante est la plage à sable fin répar-
Cap Lopez
inondation pluviale tie le long de la façade atlantique et la vasière qui
Cap Lopez occupe les bords intérieurs des lagunes. La tendance
N
érosion du trait de côte
Pte générale est à l’engraissement du trait de côte. Ce-
Renard Pte W E
Odden pendant, on observe des secteurs très localisés en
S
Pte du Phare phase érosive. L’érosion se situe particulièrement au
niveau des embouchures des lagunes par les ruptures
Pte Djalowé
BAIE DU des barres littorales pendant la saison de pluie du fait
N CAP LOPEZ de la dominance des forces fluviales au détriment des
Pte Chapuis W E agents météo-marins. Cette forme d’érosion est ob-
S
servée au niveau de Mayumba à l’extrémité du lido
de la lagune Banio, entraînant l’élargissement de la
passe (Mounganga, 2011). Le village des pécheurs
Pte Clairette pourrait être menacé sur le long terme si cette éro-
sion venait à se perpétuer.
De l’embouchure d’Ozouri à PG2 et sur le secteur
de « Bac-Aviation », on enregistre également un recul
e
rom

Facteurs météomarins
de la côte à une vitesse moyenne de 2 à 3 mètres par
od

principale provenance
Aér

des houles (ELF, 1992) an. La disposition oblique de ce littoral par rapport
courant annuel aux houles sud-ouest explique cette érosion. La vul-
de surface (Actimar, 2004) Port-Gentil nérabilité du littoral est faible à cause de l’absence
Pte Akosso
dérive littorale des aménagements humains en bordure de plages.

Occupation du sol Les sociétés littorales face à l’érosion :


urbanisation exemples de Port-Gentil et Cocobeach
réseau routier Pte Inguiri Le littoral est par nature un milieu mobile et de ce
fait peut avoir une incidence particulière sur les acti-
marais à mangroves vités humaines, l’urbanisation des côtes, la protection
BAIE
forêt tigrée (secondaire) D’ ENDOUGOU de la biodiversité ou encore le tourisme balnéaire.
N
réseau hydrogaphique Dans le contexte gabonais, le processus de l’érosion
côtière est bien réel dans les régions littorales à forts
Z. MENIE OVONO
0 2 4 km
Pte Ntchengué enjeux humains. Cependant, la modalité de recul du
trait de côte et la gestion de ce risque varient locale-
Figure 12 - L’Île Mandji et son environnement ment. Cette disparité tient aux facteurs internes liés à

122
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

la nature du milieu et aux actions anthropiques, pour brise-lames ont été érigés au niveau de la
l’éclairage desquels les situations observées sur les sec- pointe du Cap Lopez en 1999 et la cam-
teurs de la flèche Mandji et de la rive ouest de la baie pagne s’est étendue à l’ensemble du litto-
du Mouni, jusqu’à Cocobeach au nord, sont riches ral jusqu’en 2001 (photo 10 et 11).
d’enseignements. Le changement climatique avec ses
conséquences d’aggravation de l’érosion
La flèche « Mandji » côtière1 sur les côtes basses ont fait évo-
C’est une flèche littorale sableuse et basse avec une luer la politique de gestion côtière en op-
altimétrie moyenne à 5 mètres par rapport au niveau tant pour une nouvelle tactique d’adap-
de la mer (fig. 12). Sur la base des 40 kilomètres du tation dite de recul stratégique jusqu’à
l’horizon 2100. C’est un mode de gestion Photo 10 - Brise-lame au sud
linéaire côtier concerné, 14 kilomètres de côte sont de la Pointe du phare
impactés par l’érosion avec des vitesses de recul excé- qui consiste à délocaliser les enjeux à l’abri de l’éro- (ph. CNDIO-CENAREST, 2010)
dant parfois les 10 mètres par an. sion et à laisser la nature suivre son cours. Pour le Cet ouvrage est une initiative de
cas spécifique de Port-Gentil, un repli vers la région la société pétrolière Elf Gabon
Les causes de cette érosion sont naturelles : les de Wonga Wongué pourrait constituer une véritable actuelle Total Gabon. L’objectif
est de protéger le phare et la
houles dominantes de secteur sud-ouest, la dyna- alternative. route qui mène au terminal
mique régressive de la tête du canyon du Cap Lopez pétrolier du Cap Lopez.
et les glissements de la côte de la Pointe Odden. Cocobeach
Les actions humaines hormis celles liées à la lutte Ville côtière frontalière
contre le recul du trait de côte contribuent peu ou avec la Guinée Équatoriale,
pas au processus de l’érosion. L’intensification de elle occupe la rive gauche de
l’érosion sur un périmètre aussi réduit et à fort enjeux la baie du Mouni. La côte de
tels que le terminal pétrolier, le phare, le point d’eau Cocobeach se caractérise par
douce des « Baleiniers », le village des pêcheurs, aug- un aspect vallonné et une
menterait de toute évidence la vulnérabilité environ- succession de trois formes
nementale et sociétale de ce littoral. littorales  : cordon littoral,
La combinaison d’autant de contraintes dans un
environnement aussi restreint contribue au risque 1. Les estimations d’augmentation
du niveau de la mer du GIEC (ARS)
bien au-delà de l’échelle locale. La destruction d’un font état d’une élévation probable de
bassin de décantation du pétrole brut au terminal du 52 à 98 centimètres avant 2100. Com-
Cap Lopez entraînerait par exemple une pénurie de binés aux effets des tempêtes et fortes Photo 11 - Aménagement
carburant sur l’ensemble du territoire gabonais. Une houles, cette élévation est de nature à des ouvrages de protection
accroître encore un peu plus les risques côtière au sud du phare du
stratégie de stabilisation du trait de côte des secteurs côtiers, notamment en matière d’érosion Cap Lopez
à forts enjeux et menacés par l’érosion a été déployée sur une façade littorale comme celle de (ph. CNDIO-CENAREST, 2010)
par Elf Gabon, actuelle Total Gabon. Les premiers Port-Gentil, basse et saturée d’eau.

123
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Une érosion s’est déclarée dans le secteur de côte


Estuaire situé de part et d’autre de la Pointe Mbini le long
Pte Idolo du Mouni
de la route du bord de mer de la ville de Cocobeach
BAIE DE
CORISCO vers Pte Mbini (photo  12). Les causes de cette érosion sont anthro-
piques. La route qui relie cette localité au reste du pays
Pte Cocobeach
N village des a été renforcée depuis 2007. Pour faire des remblais,
pêcheurs nigérians
W E le maître d’ouvrage a extrait des volumes importants
Facteurs météomarins et dynamique S Cocobeach de sable de plage en amont du lieu de l’érosion active.
du trait de côte Lén é Cette situation a affecté la dérive littorale créant un
provenance des vents dominants déséquilibre de la cellule hydrosédimentaire. Du fait
dérive littorale de ce déficit, l’aval présente aux agents météo-marins
érosion du trait de côte un secteur plus vulnérable expliquant l’érosion des
village des
pêcheurs béninois
falaises. Depuis 2008, la route a ainsi été entamée par
Occupation du sol cette érosion, précipitant sa rupture.
urbanisation
En l’absence d’enjeux immédiats, hormis la route
réseau routier
non bitumée, une stratégie de réhabilitation du litto-
marais à mangroves
N
ral n’est pas envisageable. Le rapport de l’étude sur la
forêt tigrée (secondaire) stratégie nationale d’adaptation du littoral gabonais
réseau hydrogaphique 0 250 500 m aux changements climatiques (Acciona Ingenieria,
Z. MENIE OVONO
2011) priorise le développement des ressources ha-
Figure 13 - Cocobeach et sa lieutiques au détriment du risque érosion.
région. Environnement et érosion
côtière le long du rivage À la lumière de ces deux exemples, il apparaît bien
falaises rocheuses et vasière à mangrove (fig. 13). De que la gestion de l’érosion sur le littoral du Gabon
la Pointe Ndombo au village des pêcheurs béninois, ne répond pas à une logique globale, mais sectorielle.
se dresse un cordon sableux avec de vastes plages. Il C’est une gestion au « cas par cas », où la prise en
s’en suit une alternance de côtes à falaises rocheuses compte du risque par les acteurs et le traitement de
et de côtes basses à vasières. Les affleurements en l’érosion dépend d’une part, des facteurs naturels en
pointes de bancs rocheux calcaires et l’imposant pla- jeux localement, et, d’autre part, de l’importance des
tier découvert pendant la marée basse montre le rôle enjeux pour les sociétés locales (voir le chapitre 9 du
important de la structure géologique dans la dyna- présent ouvrage, consacré à cette question au droit de
mique hydrosédimentaire de cette partie du littoral l’agglomération librevilloise).
gabonais. La ville et sa région se présentent comme
un ensemble à collines marqué par une érosion qui Les promoteurs économiques et les riverains sont
met à nu un substrat rocheux entaillé par des failles. les premiers acteurs du traitement de l’érosion avant
À la base des falaises, l’érosion dégage des masses l’État gabonais. Il n’y a pas de loi Littoral au Gabon,
d’altérites qui les recouvrent. l’État s’étant doté plus spécifiquement d’instruments

124
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

juridiques axés sur la protection de l’environnement et par le courant de


et, notamment, la loi n°16/93 du 26 août 1993 por- Benguela qui entre-
tant « code de l’environnement ». Au titre de la conven- tient une dérive litto-
tion cadre des Nations Unies sur les changements rale dominante sur les
climatiques, des initiatives commencent également apports continentaux.
à émerger, à l’exemple des programmes nationaux
L’occupation an-
d’adaptation (Acciona Ingenieria, 2011) des côtes
thropique du trait de
gabonaises aux impacts de ce phénomène.
côte est concentrée
autour des villes répar-
Conclusion ties le long du littoral
La mise en place du bassin sédimentaire côtier avec une emprise sur
(Phanérozoïque) et les variations eustatiques (qua- le trait de côte maté-
ternaires) ont pour chacun contribué au façonne- rialisée par les aména-
ment des faciès actuels du trait de côte du Gabon. gements portuaires et
Les nombreux promontoires (caps, pointes) ca- les ouvrages de pro-
ractérisant les côtes de type rocheux ou à falaises, tection contre l’assaut
portent la marque d’une structure géologique qui de la mer. Ces instal- Photo 12 - Rupture de la route
du front de mer de Cocobeach
affleure tout au long du rivage (falaises beach-rocks). lations sont menacées par la montée de trois risques
(ph. Z. Menie Ovono, 2010)
Les épisodes de transgressions et de régression ont majeurs qui suivant la nature physique et l’exposi-
Par l’action des vagues,
en quelques sortes segmenté le littoral gabonais en tion des enjeux, occasionnent des dégâts importants. l’érosion met à nu le platier
trois grands ensembles hydrosédimentaires : les rias Parmi eux, l’érosion concerne l’ensemble des villes rocheux en dégageant la couche
côtières. Cependant, les inondations pluvieuses et les latéritique superficielle.
du Nord, le delta du Centre, les lagunes du Sud. La
caractéristique forte de ce milieu paralique est le submersions marines touchent particulièrement les
rôle majeur de l’eau pour le remodelage du trait de côtes basses (voir le chapitre 12 du présent ouvrage).
côte. Ainsi, entre les plages sableuses et les vasières, Les initiatives de prise en compte de ces risques par
s’interposent les pointements et les embouchures des l’État et des privés ne manquent pas. Mais l’absence
rivières littorales. d’une stratégie globale de traitement de ces risques
Les côtes gabonaises sont passives, il n’existe donc crée des disparités au sein d’un même espace littoral,
rendant ainsi le plus souvent inefficace les quelques
aucune activité sismique susceptible de porter les
actions isolées mener contre ces aléas.
modifications sur la morphologie actuelle du trait
de côte. La dynamique contemporaine du rivage y
est plus particulièrement la conséquence des facteurs
météo-marins. Les processus d’érosion, de trans-
port et de cantonnement des sédiments le long de
la zone intertidale sont gouvernés par les marées se-
mi-diurnes, par les houles de provenance sud-ouest,

125
Interactions nature-société
Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Références Guilcher A., 1985. Caractères des rivages équato-


riaux américains et africains, Norois, tome 32, n° 125,
Acciona Ingenieria, 2011. Stratégie nationale
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126
Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon

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les pays et les peuples, Paris, Édition Bong et Cie, 406 p.

127
Thématique 1 - Les interactions nature-société
dans les territoires littoraux

Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions


territoriales sur les littoraux du Gabon

129
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime
Guy-Serge BIGNOUMBA
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville
Serge LOUNGOU
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville
Patrick POTTIER
Géographe, Université de Nantes
François Edgard FAURE
Géographe maritimiste, CENAREST-CNDIO
Jonathan NDOUTOUME NGOME
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville

Avec près de 950 kilomètres de côtes, le Gabon est dominée par la pêche artisanale, pour l’essentiel contrô-
doté de l’une des façades maritimes les plus longues en lée par des communautés d’origine ouest-africaine, la
Afrique. Dans tous les cas, elle est la plus longue en mer gabonaise est aussi le théâtre d’entrée sur le ter-
Afrique centrale1. Si l’on s’en tient aux principes de la ritoire national de migrants illégaux en provenance
Convention de Montego Bay sur la délimitation des d’Afrique de l’Ouest. Ces « acteurs de la mer » doivent
zones de souveraineté et de juridiction des États côtiers par ailleurs partager l’espace océanique avec les routes
et insulaires, le Gabon dispose d’un domaine maritime des transports maritimes et des accès portuaires, alors
de par sa Zone économique exclusive (ZEE) couvrant que dans le même temps, l’exploitation pétrolière off-
191 944  km², pouvant s’étendre2 à 233 000 km², shore s’érige en autant d’obstacles et en impose par son
soit près de l’équivalent de sa superficie continentale emprise maritime. Ainsi, la mer gabonaise, loin d’être
(267 667 km²). Son plateau continental d’un point de une immensité sans activités et sans enjeux, apparaît
vue physique s’étend sur 41 900 km². Limité au nord comme un espace de concurrence et de convoitise3.
par la Guinée Équatoriale et ses dépendances insulaires
(Corisco, îles Elobey Chica et Elobey Grande), à l’ouest Les pêches maritimes au Gabon :
par un arc insulaire formé de l’archipel de Sao Tomé et une faible emprise spatiale ou
Principe et de l’île équato-guinéenne d’Annobón et, en- un secteur d’activités désaffecté
fin au sud, par le Congo-Brazzaville, ce vaste domaine
maritime gabonais est confronté à diverses formes de La pêche constitue l’une des activités maritimes les
convoitises. Espace d’une intense activité halieutique plus représentatives au Gabon. Son potentiel biologique
est mal connu car le Gabon ne dispose d’aucune capa-
cité autonome d’évaluation de ses stocks halieutiques.
1. Guinée Équatoriale (296 km), République du Congo (169
km), Congo Démocratique (37 km), Cameroun (402 km), Sao Tomé
et Principe (209 km), (CIA, 2012).
3. L’attrait des ressources minérales et énergétiques dont on soup-
2. Dont 191 944 km² de Zone économique exclusive (Sea Around çonne le golfe de Guinée d’être riche alimente également les tensions
Us, 2015) auxquels pourraient s’ajouter 41 000 km² actuellement en avec les pays voisins, en particulier la Guinée Équatoriale qui dispute
cours de demande au titre des extensions des droits souverains sur le au Gabon la souveraineté sur les îlots adjacents Mbanié, Cocotiers et
plateau continental (voir le chapitre 16 du présent ouvrage). Conga (voir à ce sujet le chapitre 6 du présent ouvrage).

131
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Production
(en tonnes)
40 000
36 316,4

La dernière évaluation des stocks, par le navire océano-


graphique Visconde de Eza en 2002, n’a pas été validée
30 000
25 821,5
par l’Administration des pêches du Gabon. Il faut donc
25 103
s’en tenir aux données de 1995, fournies par le navire
océanographique norvégien Fridjoff Nansen, qui situait
19 489,4
20 000
la biomasse halieutique à 324 000 tonnes. Si l’on ajoute
les 350 000 à 550 000 tonnes de thonidés que le Gabon
partage avec les autres États de l’Afrique centrale, c’est
de 674 000 à 874 000 tonnes de ressources halieutiques
10
10 071
071
10 000 dont disposerait le Gabon (Ministère de la Planifica-
tion, de l’Environnement et du Tourisme, 1998).
Sur ce potentiel, le Gabon ne débarque sur le sol
national que 30 000 tonnes par an en moyenne, ce
0
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 qui représente à peine 3 à 4 %4. Ce faible niveau de
captures traduit à la fois la faible emprise spatiale de
débarquement
pêche artisanale (en tonnes par année) la pêche maritime et la forte désaffection du secteur
10 071 cumul des mises à
halieutique par les autochtones.
pêche industrielle terres marines L’évolution des mises à terre au cours des dernières
Figure 1 - Évolution des mises à terres marines et contribution des années montre une tendance à la baisse régulière des
pêches artisanales et industrielles du Gabon, de 2003 à 2014 débarquements depuis 2004 (36 316,4 tonnes) jusqu’à
Source : DGPA, 2014 2009 (19 489,4 tonnes). Les productions ont amorcé
une courte remontée jusqu’en 2011 (25 821,5 tonnes)
avant de connaître une nouvelle baisse en 2012
(20 981 tonnes). Cette baisse s’est poursuivie jusqu’en
2013 (10 071 tonnes), avant la forte hausse enregistrée
Photo 1 - Quelques spécimens en 2014 avec 25 103 tonnes (fig.1).
d’espèces de pêche maritime
(ph. G.-S. Bignoumba, 2015) Qu’il s’agisse de la pêche industrielle ou de celle ar-
Ici au point de débarquement de tisanale, on observe que l’évolution de la production
Pont-Nomba (Owendo), érigé en
marché où sont vendus toutes
suit une tendance quasi identique (fig. 1). Toutefois,
sortes de produits alimentaires et les pêcheries maritimes gabonaises s’organisent autour
non-alimentaires. La photo repré- d’un secteur artisanal plus performant et d’un secteur
sente un étal de poisson sous une
bâche. Sont exposés à l’état frais :
industriel en déclin.
soles, bécunes, etc.

4. Ne sont pas pris en compte ici les captures effectuées par les na-
vires conventionnés européens et asiatiques.

132
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

Une pêche artisanale dominante La conservation des


produits à bord appelle
Les débarquements effectués par la pêche artisanale
l’utilisation de caisses
sont supérieurs à ceux de la pêche industrielle (fig. 1).
isothermes que l’on re-
En 2014, l’on enregistre 18 076,4 tonnes débarquées
couvre de bâches pour
contre 7 026,69 en pêche industrielle. Cette position
les protéger des intem-
avantageuse est due à un effort de pêche plus intense
péries (photo 2).
évalué en jours de pêche. Sur la période 2001-2011
par exemple, il a été enregistré annuellement un effort Des pirogues d’un
de 84 456 jours de pêche en moyenne en pêche arti- autre type, d’allure
sanale, contre 9 962 en pêche industrielle. plus moderne et fabri-
quées à base de maté-
Les captures artisanales sont composées de péla- riaux composites, sont Photo 2 - Pirogues
giques à 73 %, dont 98 % d’ethmaloses (Etmalosa montées localement de façon industrielle. On peut traditionnelles de pêche
fimbriata). Les démersaux représentent 26 %. On y aisément les observer sur certains sites de débarque-
artisanale au Centre
Communautaire de Pêche
trouve notamment des rouges (Lutjanus dentatus), des ment, comme à Pont Nomba, dans la commune d’Owendo
bossus (Pseudololithus elongatus) et des bars (Pseudoli- (ph. G.-S. Bignoumba, 2014)
thus sp.). Les crustacés ne constituent qu’à peine 1 % Ce modèle d’embarcation de
des captures dont 83 % de crevettes roses (Penaeus pêche artisanale maritime
est une pirogue monoxyle
notialis). La photo 1 propose un échantillon de soles surmontée de bordages pour la
(Cynoglossus sp.), bossus et de bars. Nombre
rendre plus robuste. Elles sont
délestées de leurs moteurs en
La flottille artisanale est piroguière, avec une domi- de pêcheurs ou
attendant la prochaine marée.
de pirogues
nation de la pirogue monoxyle que l’on peut, selon Des caissons isothermes ou
5 000 congélateurs servant à la
les cas, renforcer par des bordures surmontées et in- conservation du poisson pen-
clinées vers l’intérieur de la pirogue pour lui donner dant la marée sont recouverts
4 000 de bâches pour les protéger
une allure plus robuste et plus apte à la navigation des intempéries.
marine. La plupart des embarcations sont importées
3 000
d’Afrique de l’Ouest grâce aux pêcheurs migrants
ouest-africains, qui se trouvent en position de mono- 2 000 nombre de pêcheurs
pole dans le secteur artisanal. Les pirogues ne sont
équipées d’aucun instrument de navigation, de po- 1 000 nombre de pirogues
sitionnement ou de détection des ressources. Elles
sont équipées de moteurs hors-bord de 40 cv à 80 % 0
(DGPA, 2015). Ceci constitue l’unique signe de mo- 2003 2005 2007 2009 2011 2014
dernisation de ces embarcations dont l’autonomie et
le rayon d’action sont limités. Leur taille réduite les Figure 2 - Évolution du nombre de pêcheurs et de pirogues au Gabon, de 2003 à 2014
condamne à une navigation essentiellement côtière. Source : DGPA, 2015

133
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

d’Owendo, au sud de Libreville (photo 3). Elles sont équipées et


exploitées de la même manière que les pirogues monoxyles tra-
ditionnelles. Propulsées par des moteurs hors-bord de 40 cv, ces
pirogues ont un rayon d’action circonscrit à la zone côtière.
La flottille piroguière est en diminution. Elle est passée de 1 564
unités en 2003 à 763 en 2014. Cette tendance décroissante n’est pas
linéaire. Elle présente une certaine stabilité de 2003 (1 564 piro-
gues) à 2007 (1 484 pirogues) avant la chute brutale qui se produisit
à partir de 2008 et qui porta le nombre de pirogues à 763 unités
jusqu’en 2014 (fig. 2).
En 2014, le nombre de pêcheurs artisans s’élève à 1 772. Les
hommes représentent 87 % des effectifs contre 13 % pour les
femmes. Ce nombre est en diminution sur la période 2003-2014,
puisqu’il est passé de 4 298 en 2003 à 1 772 en 2014, avec une forte
Photo 3 - Pirogue moderne de pêche artisanale au Pont Nomba
(ph. G.-S. Bignoumba, 2015)
tendance à la baisse comme pour le nombre de pêcheurs (fig. 2). Les
Modèle de pêche artisanale, fabriquée industriellement à partir de matériaux
« déguerpissements » opérés à Owendo depuis une quinzaine d’années
composites. Elles utilisent un moteur hors-bord comme moyen de propulsion. ont considérablement impacté le nombre de villages et par consé-
quent celui des pêcheurs et des embarcations (DGPA, 2015).

Un secteur industriel en déclin


Sur les 7 027 tonnes de produits débarquées par la pêche indus-
trielle en 2014, 91 % l’ont été au port d’Owendo à Libreville,
5 % au Port-môle de Port-Gentil et 4 % au Port-môle de Libre-
ville (DGPA, 2015). Malgré des productions moindres que celles
de la pêche artisanale, la pêche industrielle apparaît néanmoins
plus performante par unité d’effort (CPUE), où l’on enregistre
885 tonnes pour la pêche industrielle contre 248 pour celle artisa-
nale. La supériorité technologique de la pêche industrielle apparaît
déterminante. Les captures de la pêche industrielle sont consti-
tuées de démersaux à 68 %. Les capitaines (Galeoides decadactylus)
et bars (Pseudotolithus senegalensis) en constituent les principales
espèces. Les pélagiques n’y représentent que 8 %. On y trouve
surtout les maquereaux (Scomber japonicus), bécunes (Sphyreana
Photo 4 - Bateau de pêche industrielle au Gabon (ici, un chalutier basé à Port-Gentil) afra) et chinchards (Caranx spp.). Les crustacés constituent 4 %
(ph. J. Bergère, 2014) des mises à terre, avec pour principales espèces les crevettes grises

134
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

Types d’armement
sous pavillon
sous accords de pêche affrètement étranger national
(Penaeus kerathurus) et les crabes (Callinectes sp.). Les Union Europénne Japon Chine et autres Divers Gabon
Pavillon
divers, rejets et autres espèces forment 20 % des cap- 36 15 16 11 16
tures industrielles.
Les pêches industrielles l’emportent sur la valeur des 94 licences de pêche au Gabon
débarquements. Ainsi, sur la période de 2003 à 2012, Figure 3 - Les navires selon les
le secteur industriel a généré un chiffre d’affaires de uniquement. Les bateaux affrétés sont au nombre de quatre types d’armement de
16,586 milliards de francs CFA en moyenne contre 16. Ils battent pavillon de Chine, Bélise, Madagascar, la flotte de pêche industrielle
gabonaise en 2010
13,123 milliards pour le secteur artisanal (DGPA, Togo, Corée, Cameroun. On dénombre 11 bateaux Source : DGPA, 2013
2012, inédit). Mais en 2014, la pêche artisanale a été étrangers (Corée, Congo, Maroc, Cap-Vert, Pays-Bas,
plus rentable que la pêche industrielle, avec respecti- Bélise, Panama, Antilles), qui se livrent à la capture
vement 32,6 et 12,9 milliards de francs CFA, tant il de poissons et de diverses crevettes pêchées au chalut
est vrai que la valeur des pêches industrielles ne prend ou du thon à la palangre. La flottille sous pavillon
en compte que la pêche industrielle côtière et pas celle national représente 17 % de l’ensemble de la flottille
hauturière dont les données ne sont pas disponibles. industrielle. Elle est constituée, pour l’essentiel, de
Quoi qu’il en soit, la pêche industrielle cible tradi- bateaux de seconde main, ce qui nécessite des répara-
tionnellement des espèces à forte valeur marchande tions fréquentes se traduisant par des coûts d’entretien
comme les crustacés et divers poissons démersaux prohibitifs qui amoindrissent la rentabilité des navires.
écoulés en frais ou en congelé, là où la pêche artisa- Cette situation constitue l’une des principales causes
nale vise les petits pélagiques côtiers (Sardinela aurita de la désaffection et du déclin de la pêche maritime
et Sardinela maderensis) vendus frais, fumés ou séchés. industrielle au Gabon. La faible proportion des navires
gabonais dans la flottille nationale ouvre grandement
Le secteur industriel compte quatre types d’opéra-
la porte à des navires de pays tiers, qui pêchent y com-
teurs. On les distingue à la spécificité de leur armement :
pris de façon illégale comme s’en fait souvent l’écho
armement sous accords de pêche avec l’Union Euro-
la presse nationale (fig. 5). Cette désaffection explique
péenne et le Japon, armement sous affrètement avec la
le déclin du sec-
Chine, armement étranger, pavillon national (fig. 3).
teur des pêches Nombre
Tous ces armements exploitent des navires modernes, de navires
maritimes dont la Figure 4 - Évolution du nombre
disposant de l’essentiel des équipements de navigation, 80 d’armements et de navires de pêche
meilleure illustra- industrielle gabonais, de 2003 à 2012
communication, détection de la ressource, captures, etc. 70
tion est la chute du 60 Source : DGPA, 2013
Au premier trimestre 2010, il a été délivré 94 licences nombre des arme- 50
de pêche. 51 concernaient les navires d’armement sous ments et des na- 40 Nombre
accord de pêche dont 36 pour l’Union Européenne vires sur la période 30 d’armements
(Espagne, France, Portugal) et 15 pour le Japon. 2003-2012, pour 20 20
L’Union Européenne recherche du thon (Thunus alba- laquelle l’Adminis- 10 10
0 0
core, Scomberomerus tritor), capturé à la palangre et à tration dispose de
2004 2006 2008 2010 2012
la senne. Le Japon pêche la même espèce à la palangre données (fig. 4).

135
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Figure 5 - Pêche illicite de pays tiers


Article du quotidien national l’Union du 31 mars 2015, faisant état de l’arrestation de pêcheurs clandestins chinois et congolais dans les eaux gabonaises. Cette arrestation fait
suite à une opération coordonnée de la Gendarmerie et de la Marine Nationale. La question de la pêche illicite est récurrente au Gabon comme dans bien d’autre pays du golfe de
Guinée. Au-delà du pillage de la ressource que cette pêche représente, elle contribue également à fragiliser les pêches nationales par une concurrence déloyale sur leurs zones de
pêche, ainsi que par la raréfaction des espèces convoitées.

136
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

a. Zones de pêche à la ligne b. Zones de pêche au chalut

100 m
Cocobeach Cocobeach

100 m
N

LIBREVILLE LIBREVILLE
La diminution du nombre de navires sur la période 2003-
2012 est à mettre en corrélation avec celle du nombre d’arme-
ments dont l’évolution est identique à celle des navires. Sur une
moyenne de dix pêcheurs par navire, on obtient 320 marins Port-Gentil
Port-Gentil
pêcheurs au total. Ce chiffre est en diminution par rapport à
celui de 2003 où sur la même base d’évaluation on enregistrait GABON
740 marins pêcheurs. Omboué Omboué

Le secteur halieutique gabonais suscite de vives convoitises


auprès des pays tiers d’où proviennent la plupart des marins Setté Setté
Cama
pêcheurs (fig. 5). C’est le cas en particulier dans la pêche arti- Cama

sanale où les pêcheurs migrants sont majoritaires bien qu’il soit OCÉAN
difficile de traduire en chiffres cette réalité visible sur le terrain. ATLANTIQUE

Ils dominent l’ensemble de la filière, depuis la capture jusqu’à Mayumba Mayumba


zone de pêche zone de pêche
la distribution via la transformation des produits. Ces pêcheurs zone interdite à la pêche zone interdite à la pêche
migrants viennent d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Nigeria, Togo, (exploitations pétrolières) 0 50 km (exploitations pétrolières)
Ghana) et accessoirement d’Afrique centrale (Sao Tomé et
Principe). Sur les 375 dossiers d’autorisation de pêche artisa- c. Zones de pêche des crevettes d. Zones potentielles de pêche artisanale
nale qui ont été initiés en 2014 dans la province de l’Estuaire,
Cocobeach Cocobeach

100 m

100 m
61 % l’ont été par des non nationaux, à savoir Burkinabés (1),
Béninois (103), Nigérians (118) et Togolais (7) (DGPA, 2015). LIBREVILLE LIBREVILLE
En réalité, le nombre de gabonais est bien inférieur à celui
qu’affichent ces statistiques, car dans bien des cas ces autori-
sations n’empêchent pas l’emploi de pêcheurs non nationaux
qui disposent de l’expertise requise. Quant au secteur industriel, Port-Gentil
Port-Gentil
il donne lieu à plusieurs accords de pêche avec l’Union Euro-
péenne, le Japon, la Chine et divers autres pays (Corée du Sud,
Omboué Omboué
Maroc, Congo, Cap-Vert, etc.). Cette présence étrangère tient

© IGARUN, Université de Nantes


de la désaffection du secteur par les nationaux, faute de tradition
maritime (Bignoumba, 1995). Ils sont par conséquent peu aptes Setté Setté
à l’exploitation des ressources biologiques marines, où chaque Cama Cama
secteur bénéficie de zones de pêches spécifiques (fig.  6a, b, c
et d). Le domaine maritime est subdivisé en cinq zones de droit
de pêche5. La première zone couvre les eaux intérieures que sont crevettes côtières
Mayumba Mayumba
crevettes profondes zone potentielle de pêche
zone interdite à la pêche zone interdite à la pêche
(exploitations pétrolières) (exploitations pétrolières)
5. Décret n° 0579/PR/MPE du 30 novembre 2015 fixant les modalités et
conditions d’exercice de la pêche (République gabonaise, 2015). d’après G.-S. BIGNOUMBA, 1995, modifié
S. CHARRIER
Figure 6 - Zones de pêche maritime au Gabon
137
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

les fleuves, rivières, lacs et lagunes et s’étend jusqu’aux De l’insuffisance des infrastructures
embouchures. C’est une zone strictement réservée industrielles à la modernisation
aux pêcheurs nationaux. La deuxième zone part des des installations artisanales
embouchures jusqu’à 3 milles marins. Elle est dévolue
Le Gabon souffre de l’insuffisance de son infrastruc-
à la pêche maritime artisanale. La troisième va de 3 à
ture portuaire halieutique, que ce soit au plan quan-
6 milles marins. Elle est destinée à la pêche industrielle
titatif ou qualitatif. Si les ports de pêche industrielle
locale. La quatrième zone s’étend de 6 à 12 milles ma-
rins. Elle est là aussi destinée aux navires de pêche in- sont vétustes, les points de débarquements des pro-
dustrielle y compris les armements non nationaux. La duits de pêche artisanale se caractérisent à la fois par
cinquième zone s’étend au-delà de la limite extérieure leur dénuement et la modernité de quelques-uns.
de la quatrième zone jusqu’à la limite extérieure de la Le pays compte trois ports de pêche industrielle
Zone économique exclusive (ZEE). Elle est identique dont deux à Libreville (Port-môle et Owendo) et
à la quatrième zone en termes d’accès. un à Port-Gentil. Si le Port-môle de Libreville perd
La gestion des zones de pêche maritime au Gabon progressivement sa spécialité halieutique à cause de
soulève une problématique à la fois sociologique et la concurrence des autres secteurs d’activités et des
géopolitique. Au plan sociologique, on peut s’interro- conditions nautiques défavorables propres à éloigner
ger sur la pertinence d’une zone de pêche réservée aux les grosses unités de pêche industrielle, Owendo et
pêcheurs nationaux, du reste quasi inexistants surtout Port-Gentil sont des structures intégrées à de vastes
sur le versant maritime alors même que les pêcheurs ensembles polyfonctionnels, où la pêche occupe géné-
migrants, véritables professionnels de la pêche mari- ralement la portion congrue. Ces ports sont confron-
time sont repoussés vers le large, là où les conditions tés aux contraintes liées à la mauvaise qualité du site,
d’exploitation sont plus délicates. à leur faible niveau d’équipement, et à leur situation
géographique désavantageuse.
Au plan géopolitique, on note une diminution pro-
gressive des zones de pêche. Déjà amputées, depuis Les problèmes de site concernent Owendo et le
des années, des territoires couverts par l’exploitation Port-môle de Libreville, dont la faible profondeur des
pétrolière offshore, elles doivent aujourd’hui pâtir fonds, due à l’envasement, interdit l’accueil de navires
des réductions liées à la création des parcs nationaux de grand tonnage, contraints alors de transborder leur
marins qui les repoussent vers le large et expose les cargaison en rade. Certains bateaux doivent attendre
pêcheurs à des conditions d’exercices plus périlleuses, la marée haute pour accoster ou prendre la mer.
étant donné le type d’embarcations utilisées6. Quant à Port-Gentil, il souffre de son isolement par
rapport à Libreville, premier centre de consommation
du pays. Mais qu’il s’agisse de Libreville ou de Port-
6. C’est en effet lors du 6e congrès mondial des parcs organisé par Gentil, les ports de pêche du Gabon souffrent d’un
l’Union mondiale pour la nature (UICN) à Sydney (Australie) en no-
vembre 2014 que le Chef de l’État gabonais a annoncé que 23 % de
déficit criant en équipements. De fait, les opérations
la ZEE gabonaise seraient consacrés à la constitution de parcs marins de transbordement des produits se font par exemple
(voir à ce sujet le chapitre 14 du présent ouvrage). à la force des bras. Non seulement cela ne garantit

138
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

guère la bonne hygiène des produits à cause des ma-


nipulations que cela occasionne, il s’ensuit également
un ralentissement du rythme de transbordement, un
allongement du séjour des navires à quai et une hausse
conséquente des frais portuaires.
Les sites de débarquement de pêche artisanale
se caractérisent par leur émiettement le long des
950 kilomètres de côtes et par le caractère sommaire
de leurs aménagements, en dépit des efforts de mo-
dernisation qu’illustre la construction de trois centres
communautaires de pêche sur le littoral sur les cinq
que compte le pays. Nombre de ces sites sont d’accès
difficile, ce qui constitue une gêne pour l’Administra-
tion des pêches dans ses opérations de contrôle et pour
la clientèle en quête de poisson. Contrairement aux
sites de débarquement, qui prennent souvent la forme
de simples échouages (photo 5), les Centres Commu-
nautaires de Pêche se caractérisent par la modernité
de leurs installations (voir le chapitre 13 du présent Photo 5 - Site de débarquement
ouvrage). Ceux d’Owendo, Libreville et Port-Gen- de Jeanne Ébori à Libreville
(ph. G.-S. Bignoumba, 2016)
til sont à vocation maritime tandis que Lambaréné Dans les efforts de modernisation des infrastruc- L’absence de toute infrastructure
et Omboué ont une destination fluviale et lagunaire. tures de pêche artisanale, il convient d’évoquer la portuaire est totale. Les rondins
Fruits de la coopération européenne avec l’Espagne et contribution du Projet d’appui au Secteur des Pêches qui jonchent le sol servent à faire
asiatique avec le Japon, ils offrent de bonnes condi- et de l’Aquaculture (PSPA), financé en principal par glisser la pirogue jusque sur le
haut de plage. En arrière-plan, on
tions à la préparation de la marée, au débarquement, la Banque Africaine de Développement (BAD), avec peut apercevoir un congélateur
à la conservation et à la vente des produits frais. Ils une contrepartie gabonaise à hauteur de 10 %. Ce pour la conservation des produits
contribuent également à la traçabilité des activités de projet, destiné au renforcement institutionnel de la invendus. Chaque matin, cette
place, lieu de débarquement de
pêche en facilitant la collecte des données statistiques Direction Générale des Pêches et de l’Aquaculture prédilection des pêcheurs santo-
sur les quantités, la qualité, la nature des captures ainsi (DGPA), a réservé une partie importante de son bud- méens et cap-verdiens, est prise
que les engins et embarcations utilisés. Ces données d’assaut par une nombreuse
get à la construction de sept points de débarquement clientèle.
constituent des informations de base nécessaires à la des produits de pêche artisanale à Cocobeach, Kango,
gestion des pêcheries. Il reste néanmoins à rendre les Omboué, Gamba, Mayumba, Makokou, Ebel Aban-
centres plus attractifs auprès des pêcheurs, en diversi- ga. Ces structures, conçues comme de mini-ports de
fiant leurs services et en améliorant leur gouvernance pêche artisanale, vont améliorer la lisibilité des acti-
financière pour les rendre véritablement autonomes vités de pêche et les conditions de débarquement des
vis-à-vis de l’administration des pêches. produits, donc leur qualité sanitaire.

139
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

100 %
Un espace de mérou, la dorade, la crevette, la langouste, etc. Ces
commercialisation étriqué produits sont vendus sur les marchés européen et
80 %
Le marché joue un rôle im- américain, car ils sont peu accessibles aux consom-
portant dans le développement mateurs moyens gabonais. Il existe également une
60 %
des activités de pêche. Par la filière d’exportation de poisson fumé vers certains
pays d’Afrique centrale et de l’Ouest. Les flux géné-
demande qu’il exprime, il in-
rés par ces exportations sont difficiles à appréhender
40 % cite naturellement à la produc-
en raison des circuits clandestins qu’ils empruntent,
tion. Le pêcheur est d’autant
en complicité avec certains pêcheurs migrants exer-
20 % plus porté à accroître sa pro-
çant au Gabon.
duction qu’il est assuré de la
capacité du marché à absorber Le rôle socio-économique de la pêche est indé-
0%
2006 2007 2008 2009 cette production. L’étendue du niable. Cette activité contribue à la sécurité alimen-
marché est donc un facteur dé- taire des populations, à la création d’emplois directs
importations exportations terminant de la production ha- et indirects et à la formation de la richesse nationale.
lieutique (Chaussade, 1998). Toutefois, la pêche fait face aujourd’hui à plusieurs
enjeux qui en conditionnent l’avenir. Il y a tout
Figure 7 - Commerce international Le marché gabonais des produits de pêche est pour
des produits de pêche au Gabon d’abord l’enjeu du renouvellement des effectifs face
le moins étriqué, notamment par le faible nombre de
de 2006 à 2009 à la baisse du nombre de pêcheurs en raison du ra-
ses consommateurs, dans un pays qui n’atteint pas
Source : FAO, tableaux récapitu- lentissement des filières d’immigration des pêcheurs
latifs, 2010 les 2 millions d’habitants. Par ailleurs, la capacité de
artisans et de la faible inclination des populations
consommation des populations est limitée par leur
locales pour l’activité halieutique marine. Le second
faible pouvoir d’achat dû à un contexte social de
enjeu est lié à la pression croissante qui s’exerce sur
grande pauvreté.
les pêcheurs par la restriction des zones de pêche.
Le marché international des produits de la pêche La politique actuelle du programme Gabon bleu, qui
du Gabon est déséquilibré. Le pays importe davan- vise notamment la création des parcs marins dans
tage qu’il n’exporte (fig. 7), d’où un déficit en vo- une proportion de 23 % du territoire maritime pour
lume de sa balance commerciale. Il est un impor- s’additionner aux restrictions spatiales instaurées de-
tateur net de produits halieutiques. En 2011, il a puis plusieurs années dans un rayon de 500 m autour
importé en valeur pour 33 millions de dollars contre des infrastructures pétrolières offshore et de 3 milles
seulement 1,5 millions d’exportations (FAO, 2011). des terminaux constitue une véritable contrainte
Ces importations représentent 5,2 % de la valeur des à l’activité halieutique et témoigne des multiples
importations agricoles et 0,9 % de la valeur des im- convoitises, parfois divergentes, auxquelles doit faire
portations de marchandises. Les importations cou- face la mer gabonaise. Le marin pêcheur artisan doit
vrent tous types de produits halieutiques bruts ou pouvoir s’adapter à ce contexte nouveau pour assurer
transformés. Quant aux exportations, elles portent à la fois sa survie et celle du secteur halieutique dans
essentiellement sur des produits de luxe comme le son ensemble.

140
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

La mer côtière, un espace quotidien des popula-


de mobilité clandestine tions (écoles, dispen-
Après avoir été, du XVe siècle au milieu du XIXe saires, marchés, lieux
siècle, un haut lieu de la Traite des esclaves, les côtes de culte) et abritent
du Gabon abritent depuis l’abolition de cette forme une multitude d’activi-
de migration hétéronome, une diversité d’activités tés socio-économiques
et de mobilités à caractère autonome. L’observation « informelles », dont les
détaillée de ces dynamiques permet de distinguer à plus emblématiques sont
la fois les mobilités de proximité et les migrations de la pêche illégale, le tra-
longue distance, les échanges socio-économiques ré- fic d’immigrés clandes-
tins et l’import-export
guliers et les flux illégaux. Ces mobilités clandestines
frauduleux de mar-
se sont aussi approprié l’espace maritime.
chandises. Les impor-
tations concernent une
Les flux socio-économiques
large gamme de mar-
L’espace côtier gabonais n’échappe pas à la pression chandises qui va des Photo 6 - Débarcadère de
démographique caractéristique de la plupart des zones produits alimentaires ou agricoles (venant du Came- Cocobeach
littorales dans le monde. Cette pression concerne en roun et de Sao Tomé et Principe) aux biens d’équipe- (ph. S. Loungou, 2013)

particulier la zone nord, c’est-à-dire entre les provinces ments (pièces détachées pour véhicules et électroména- Des ressortissants équato-
guinéens, venus se ravitailler
de l’Estuaire et de l’Ogooué-Maritime qui abritent ger importés du Nigeria), en passant par une diversité au Gabon en produits de
respectivement les villes de Libreville et Port-Gentil, d’autres biens de consommation courante (produits consommation courante,
soit les deux plus importantes agglomérations urbaines s’apprêtent à effectuer la
pharmaceutiques, cosmétiques, pétroliers originaires traversée du Rio Mouni en
du pays (voir le chapitre 7 du présent ouvrage). Elles du Nigeria). Les marchandises importées sont écoulées direction de la localité équa-
constituent les principales portes d’entrée et de sortie sur les marchés et autres espaces commerciaux publics to-guinéenne de Cogo.
des flux économiques et migratoires maritimes - qu’ils ou en contrebande. Les exportations concernent essen-
soient « formels » ou non, de proximité ou au long tiellement les produits halieutiques, lesquels sont géné-
cours  - organisés entre le Gabon et bon nombre de ralement destinés au marché nigérian. Les ressources
pays riverains du golfe de Guinée. Les échanges socio- générées par ces flux économiques sont systématique-
économiques s’effectuent la plupart du temps par ca- ment rapatriées par des canaux « informels » de trans-
botage. Les communautés de pêcheurs ouest-africains fert d’argent vers les pays d’origine. Il importe aussi
constituent les principaux acteurs de cette forme d’éco- de mentionner les mouvements pendulaires effectués
nomie, leurs villages implantés le long des côtes et sur par les populations équato-guinéennes résidant dans
les îles adjacentes servant de plaques tournantes. Pour les localités de Cogo ou de Corisco, qui viennent quo-
la plupart situés à la périphérie des villes, ces villages en tidiennement se ravitailler en produits de première
effet se distinguent par un certain degré d’autonomie nécessité au Gabon, à partir de la petite ville côtière de
dans la mise en place d’infrastructures nécessaires au Cocobeach (photo 6).

141
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

le territoire gabonais. Alimentée principalement par


des flux en provenance d’Afrique de l’Ouest (fig. 8),
Mauritanie
Mali Niger cette dynamique migratoire clandestine apparaît lar-
Tchad gement d’essence maritime, soit précisément 80 %
Sénégal
Burkina
des flux selon la Marine Nationale du Gabon.
Gambie
Faso
Guinée-
À quoi tient la « vocation » maritime de l’immi-
Guinée Bénin gration clandestine d’origine ouest-africaine à desti-
Bissau
Sierra Togo nation du Gabon ? Quelle stratégie les autorités de
Leone Côte Nigeria
d’Ivoire Rép. ce pays opposent-elles à cette dynamique interlope ?
Libéria Ghana Centrafricaine
Les réponses à ces deux questions fondamentales ap-
Cameroun portent des éclairages utiles à la compréhension de ce
Sao Tomé- phénomène remarquable.
OCÉAN ATLANTIQUE
et-Principe
Équateur Congo L’immigration clandestine : acteurs et stratégies
Guinée Gabon
Rép. Dém. du
Équatoriale Au nombre des nationalités pour lesquelles la mi-
Congo
gration clandestine par mer semble constituer depuis

© IGARUN, Université de Nantes


plusieurs décennies la seule alternative pour gagner
pays de départ flux maritime l’« eldorado » gabonais, on compte en majorité les
N
pays de transit flux terrestre Béninois, Ghanéens, Maliens, Nigérians, Sénégalais
pays de départ et de transit Angola et Togolais. À ces migrants illégaux traditionnels,
0 250 500 km
S. LOUNGOU, S. CHARRIER s’ajoutent désormais les Burkinabè, Ivoiriens, Libé-
riens et Sierra-léonais. La vocation maritime de ces
Figure 8 - Géographie des
migrations à destination du Gabon
flux migratoires clandestins tient à la conjugaison de
plusieurs facteurs. Tout d’abord, face à l’obstacle que
Les flux migratoires constitue le massif forestier, dont le pays est couvert
Le Gabon apparaît comme une des destinations à près de 85 %, et aux nombreux contrôles routiers
majeures des flux clandestins. Sur une population im- qui s’exercent sur le continent, la voie maritime est
migrée évaluée à un peu plus de 150 000 personnes celle qui offre le plus de facilité aux migrants illégaux
lors du recensement de 1993, on en dénombrait en dans leur tentative de pénétrer massivement sur le
effet 45 %, essentiellement des Africains, qui étaient territoire gabonais. De fait, bien que disposant d’une
en situation irrégulière. Si l’on en juge par la frénésie importante façade maritime, le Gabon semble, pour
des arrivées clandestines dont la presse locale se fait reprendre une formule consacrée, « tourner le dos » à
régulièrement l’écho et en dépit de l’absence de sta- la mer (Bignoumba, 1999). Cette réalité se traduit
tistiques fiables et renouvelées, on peut légitimement notamment par une très faible participation des po-
penser que plus de deux décennies plus tard, le niveau pulations autochtones aux activités halieutiques en
de présence étrangère illégale s’est fortement accru sur milieu océanique, l’absence d’une flotte commerciale

142
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

nationale et le caractère pour le moins symbolique des pays de l’hinterland ouest-africain, à l’instar des
des forces de sécurité et de défense navales (Bignoum- Maliens et des Burkinabè, connus pour être sans tra-
ba, 2000 ; Ogoulat, 2002 ; Otsa’a Nguema, 2015). dition maritime. Ces derniers cités se sont de plus en
Faute de moyens et structures de surveillance et de plus détournés vers le Gabon du fait de la crise so-
contrôle adaptés, les frontières maritimes gabonaises ciopolitique qui, depuis la seconde moitié des années
apparaissent en effet largement aujourd’hui poreuses 1990, secoue la Côte d’Ivoire, autrefois leur destina-
(Loungou, 2014a). tion privilégiée.
Observé depuis près de trois décennies, le caractère C’est à partir des embarcadères et ports disséminés
ininterrompu et massif de cette migration illégale le long des côtes allant du Ghana au Nigeria que
par mer tient aussi au fait qu’elle implique de nom- partent les contingents des migrants. Les passeurs
breuses communautés ouest-africaines ayant une convoient généralement par rotation plusieurs di-
tradition nautique marquée et que la pratique de la zaines de personnes de diverses nationalités, parmi
pêche a amené à essaimer sur l’ensemble du golfe de lesquelles on dénombre très souvent des enfants pro-
Guinée, du Libéria au Congo (Carre, 1998). Précisé- mis à l’exploitation économique ou domestique au
ment, au Gabon, où la plupart des marins-pêcheurs Gabon (Loungou, 2011). Les voyages se font la plu-
sont originaires d’Afrique de l’Ouest, quelques part de temps à bord de pirogues océaniques d’une
grands groupes ethniques se distinguent par leur capacité d’emport minimale de 100 personnes, se dé-
engagement dans les activités halieutiques en mer ; plaçant par cabotage et selon la technique du « saute
il s’agit des Ewé et Fanti du Ghana et du Togo, des mouton ». Celle-ci consiste à déplacer les migrants
Popo du Bénin, des Yoruba et Ijaw du Nigeria. L’or- d’un point à un autre, jusqu’à leur débarquement
ganisation sociale de ces communautés de pêcheurs sur les côtes gabonaises. Au cours de ces différentes
permet d’observer qu’elles vivent généralement en escales, le temps est mis à profit pour le ravitaille-
marge de la société gabonaise, dans des villages et ment (carburant, eau, nourriture) et la recherche
campements littoraux situés en périphérie des villes d’informations (conditions météorologiques, mou-
(Nyinguéma Ndong, 2015). Ainsi, en échappant au vements de gardes-côtes). Il arrive que les convoyeurs
contrôle de l’administration gabonaise, ces agglo- affrètent des bateaux pour le transport des migrants,
mérations littorales forment le cœur d’une intense surtout au départ du Nigeria. Dans ce cas, le voyage
activité « informelle » dont le convoyage des migrants comporte peu d’escales, sauf en cas de force majeure
clandestins représente une des formes saillantes (intempérie, problème mécanique). L’ingéniosité des
(Loungou, 2014b). passeurs, leur parfaite maîtrise des parcours combi-
Au départ alimentée essentiellement par les ethnies nés à l’absence de contrôle en mer permettent aux
côtières pratiquant la pêche, l’immigration clandes- migrants clandestins partis des côtes d’Afrique de
tine par mer à destination des côtes gabonaises de- l’Ouest d’aborder les rivages gabonais en un temps
puis la fin de la décennie 1980 s’est progressivement relativement court, soit parfois moins de cinq jours.
élargie à de nombreuses autres populations originaires Les principaux points de débarquement en terre

143
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Île Elobey Chico


Cocobeach
gabonaise des migrants maritimes illégaux (fig. 9) sont
(Guinée Équatoriale) situés dans la province de l’Estuaire, qui abrite la capitale
Île Elobey Grande
(Guinée Équatoriale) Libreville et fait frontière avec la partie continentale de
la Guinée Équatoriale (province de Mbini) et ses dépen-
Massamboué N dances insulaires (Corisco, Elobey). Il s’agit notamment
Mengono des localités de Cocobeach et du Cap Estérias, des dif-
Île de Corisco
(Guinée Équatoriale) E férents bras de rivières côtières qui drainent la périphé-
IE D
0 5 10 km

BA rie nord de l’agglomération librevilloise, des villages de


CO
RIS pêcheurs disséminés le long de la côte, de Cocobeach, au
CO
nord, à la localité portuaire d’Owendo, au sud (photo 7)
Île Mbanié Emone Mekak (Nyinguéma et Pottier, 2015). Dans le langage popu-
R1
0
laire au Gabon, ces migrants clandestins sont désignés
Lybe par l’expression de « dos mouillés », signifiant par là que
les passeurs de frontière, par crainte d’être eux-mêmes
Bissobinam
pris, leur font gagner le rivage à la nage. Très souvent dé-
BAIE
DE barqués de nuit, les « illégaux » connaissent des fortunes
ONDAH
LA M diverses : si la plupart parviennent à rejoindre les villages
Milembié de pêcheurs et les villes, où les attendent des complices,
Île Assimba certains, moins chanceux, tombent entre les mains de la
Cap Estérias
Île Nende
Ikendjé police, le plus souvent à la suite de dénonciations par les
populations autochtones.
Île Une réponse entre impuissance et gestion réactive
Boussimba
L10

La réponse des autorités gabonaises au déferlement par


1

Île Sekou
Cap Doukou mer des populations d’origine ouest-africaine semble oscil-
Santa Clara
ler entre impuissance et réactivité. L’impuissance est en
ES effet l’expression qui convient, tant les forces de défense et
TU trajectoire d’entrée
AI
RE LIBREVILLE
des migrants
de sécurité nationales gabonaises ont démontré leur incapa-
DU
G cité à lutter efficacement contre le phénomène migratoire
N1 localité de
clandestin d’origine maritime. Une telle incurie traduit
AB

débarquement
© IGARUN, Université de Nantes
ON

Pointe
Denis Owendo réseau routier
un manque de stratégie en la matière. Ce défaut de vision
principal stratégique se traduit notamment par une faible dotation
Pont Nomba
Grand Village ancien village budgétaire, un sous-équipement logistique et en effectifs
Petit Village de pêcheurs des unités nautiques des forces de sécurité et de défense.
S. LOUNGOU, S. CHARRIER De sorte que la marine nationale gabonaise se trouve en
permanence confrontée à des difficultés « domestiques » qui
Figure 9 - Points d’entrée des migrants maritimes illégaux

144
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

limitent considérablement ses capacités opération-


nelles  : on dénonce pêle-mêle la rareté des équipe-
ments de transmission et des aides à la navigation,
l’absence de pièces de rechange pour matériel de navi-
gation ou encore les ruptures fréquentes de réserves
de carburant (Ropivia, 2003). Une des conséquences
pour le moins fâcheuse de ces dysfonctionnements est
que les gardes-côtes gabonais sont « parfois obligés de
solliciter l’aide des piroguiers expatriés » lors du trans-
fert sur le continent des clandestins appréhendés en
mer (journal « L’Union », 03/04/1998) ! Un comble
qui n’est pas sans risque, car il n’est pas rare que des
agents soient molestés ou pris en otage par des ma-
rins-pêcheurs étrangers, en représailles de leurs abus.
Parmi les accusations régulièrement portées contre
les personnels des brigades nautiques par les artisans
pêcheurs ouest-africains, on note les amendes « arbi-
traires » et le retrait « abusif » des matériels de pêche et
de navigation.
Ainsi, faute de stratégie et de moyens opérationnels
appropriés pour lutter efficacement contre l’immi-
gration clandestine d’origine maritime, les autorités Photo 7 - Village de pêcheurs au
sud de Libreville
gabonaises en sont réduites à une sorte de gestion faveur de deux décisions gouvernementales : celles, (ph. S. Loungou, 2013)
réactive du phénomène. Cette « politique » consiste d’une part, d’interdire la présence de nuit de toute Situés sur le littoral, les villages
en un ensemble de mesures allant de la détention au embarcation dans les rades et zones de mouillage et, de pêcheurs servent de plus en
refoulement des immigrés illégaux. Si ces dispositions d’autre part, de détruire les villages de pêcheurs de
plus de plaques tournantes aux
activités illicites, notamment le
sont prévues par la loi, leur application demeure ce- la zone sud de Libreville (Loungou, 2014b). Diver- trafic de migrants clandestins.
pendant problématique, faute de pouvoir être main- sement appréciées à l’époque, ces mesures, qui se
tenus en détention ou d’être rapatriés dans leur pays sont avérées lourdes de conséquences pour l’activité
d’origine ou de provenance, les immigrés clandestins halieutique, venaient en réponse à la vague d’insé-
sont généralement « une fois arrêtés […], présentés aux curité observée alors en milieu portuaire, en même
médias, puis mis en liberté, parfois avec la complicité des temps qu’elles visaient à rassurer une opinion natio-
autorités » (journal « L’Union », 16/02/1998). nale désabusée quant à la capacité de l’État à jugu-
Par ailleurs, il apparaît que les actions de la puis- ler l’immigration clandestine et l’insécurité, deux
sance publique viennent quelquefois en réaction. La phénomènes ici considérés comme consubstantiels
preuve en a été apportée notamment en 2002, à la (Loungou, 2003). Pour autant, les actes d’insécurité

145
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Cameroun, Togo (brigandage, pêche illégale, sipho-


Sao Tomé GUINÉE nage de carburant) sont loin d’avoir
et Principe Corisco ÉQUATORIALE
(G. Éq.) cessé en mer et les villages de pê-
Cogo cheurs détruits se sont progressive-
Cocobeach ment reconstitués sur d’autres sites.
Manganèse (3,7),
bois (0,37) LIBREVILLE Quant à l’immigration clandestine,
(Owendo) principales villes
6,2 millions de t. portuaires
elle demeure tout aussi préoccu-
Machines, 6,2
véhicules de transports, (trafic total en 2014, pante, si l’on en juge par l’écho que
nourritures, métaux, en millions de tonnes) s’en fait presque quotidiennement la
biens d’équipement Denis presse locale.
autres villes portuaires
Nyonié
liaison fluviale Que ce soit de jour comme de nuit,
Port-Gentil - Lambaréné ces mobilités clandestines contribuent
Pétrole brut (9,9), (pirogues motorisées)
bois (0,09)
elles aussi à faire de la mer côtière ga-
Lambaréné réseau routier principal
bonaise un territoire fortement appro-
10,5 Port-Gentil
zone d’exploitation prié. Les flux maritimes ainsi générés
ué pétrolière offshore viennent donc s’ajouter à ceux des
Ogo o
Produits pétroliers intense dense activités de la pêche qu’elle soit artisa-
raffinés
nale ou industrielle, en même temps
bassin sédimentaire
côtier qu’aux mouvements des navires des
Omboué
limite d’État transports maritimes cette fois légaux
de marchandises et de passagers.
Trafic maritime GABON
Trafic portuaire international Routes des transports
exportations (2014)
maritimes et accès
(en millions de tonnes) Setté Cama portuaires
importations (2014) Gamba À l’égal des autres activités liées à la
Cabotage de marchandise mer, les transports maritimes au Ga-
OCÉAN
© IGARUN, Université de Nantes

international
ATLANTIQUE
bon relèvent d’une importance ma-
national (intense) jeure. Plus de 90 % des échanges in-
national (secondaire) ternationaux du pays passent en effet
Mayumba
Transport de passager
aujourd’hui par la voie maritime, le
N
international Gabon ayant très tôt trouvé comme
national (modéré à intense) Angola, Ndindi point de départ et d’aboutissement
CONGO
0 50 100 km
Congo de son commerce extérieur les ports
Source : DGEPF, 2015 P. POTTIER, S. CHARRIER
de commerce et les terminaux pri-
Figure 10 - Les transports maritimes au Gabon vés gérés par les sociétés pétrolières à

146
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

Photo 8 - Installations pétrolières


offshore
(ph. J. Bergère, 2014)
Port-Gentil et minéralières à Owendo. Aujourd’hui, cent kilomètres au sud (fig. 10). Le premier a enregis- Ces installations sont très
l’espace marin dédié aux activités de navigation fait tré en 2014 un trafic global de 6,2 millions de tonnes présentes sur le plan d’eau océa-
l’objet d’une intense exploitation, dont la perfor- et un total de mouvements de 662 navires ; celui de nique gabonais, comme ici au droit
de Port-Gentil où sont visibles au
mance est notamment limitée par le partage quelque Port-Gentil, au cœur du domaine pétrolier offshore fond à gauche une plateforme
fois difficile avec les autres usagers du plan d’eau, gabonais, un trafic global de 10,5 millions de tonnes en attente d’être remorquée
mais également des conditions naturelles, techniques (dont 9,9 millions de pétrole brut) et 681 de navires, vers son site d’exploitation, à
droite une autre en délaissement,
et sécuritaires contraignantes. pour cette même année 2014 (DGEPF, 2015). toujours au fond mais au centre
une barge de transport fluvial, et
Les routes maritimes, une forte emprise Entre le large des grandes routes maritimes du golfe au premier plan des navires de

des activités pétrolières et offshore de Guinée et les côtes gabonaises, les navires mar- type « surfeur » d’avitaillement
et de transport de personnel à
chands faisant escale dans ces ports doivent affron- destination des plateformes.
Ls transport maritime au Gabon a une importance ter les mers encombrées de la ZEE (photo 8). Les
particulière, car il permet non seulement l’approvi- activités du transport maritime au Gabon sont en
sionnement du pays et l’expédition de ses principales effet fortement contraintes dans les eaux de droits
productions, mais également de suppléer un réseau souverains par la présence d’obstacles majeurs consti-
routier largement déficitaire dans les régions côtières. tués en particulier par les champs de l’activité pétro-
Les deux points d’ancrage principaux sont les ports lière offshore. Les installations pétrolières y sont très
en eau profonde de Libreville-Owendo, dans l’estuaire fréquentes et assez denses, les nombreux gisements
du Komo, et celui de Port-Gentil, situé à peine plus de d’hydrocarbures du plateau continental faisant l’objet

147
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

d’une exploitation intensive, principa- soient généralement équipées de feux et de cornes


lement au sud du Cap Lopez jusqu’en de brume, il est recommandé de passer à bonne dis-
Angola (fig. 11, 13, 14 et 18). tance de ces installations.
Outre les plateformes d’exploration Plus globalement, les installations des activi-
et d’exploitation que les navires mar- tés pétrolières constituent pour la navigation une
chands doivent éviter à bonne distance, contrainte supplémentaire en raison des zones d’évi-
ces activités offshore ont également dis- tement autour des champs pétrolifères qui obligent
posé d’autres obstacles à la navigation les navires à passer au large (fig. 11), ce qui allonge
maritimes, dont les canalisations de le temps de transport et augmente de facto les coûts
transport, oléoducs et pipelines, ainsi d’exploitation des armements. Et même si à l’heure
que les terminaux pétroliers dont cer- actuelle, il n’existe pas encore de réglementation
Photo 9 - Le FSO Mayumba, un
tains sont en mer (fig. 14). Sur les sites spécifique pour la régulation des activités maritimes
navire de stockage fixe au sud
du Gabon de production en effet, les hydrocarbures sont dans l’ensemble des secteurs d’exploitation pétro-
(ph. Perenco Gabon)
évacués par oléoducs vers la terre et vers les ter- lière, l’usage du domaine marin oblige les pétroliers
minaux pétroliers, notamment au Cap Lopez à sécuriser leurs zones d’exploitation7.
et à Gamba. L’infrastructure pétrolière au large Au-delà des installations des activités pétrolières
des côtes gabonaises comprenait ainsi en 2012, elles-mêmes, les navires marchands doivent égale-
858 kilomètres d’oléoducs et 240 kilomètres de ment faire face sur le plan d’eau maritime aux autres
gazoducs (CIA, 2012). Une partie de la produc- embarcations, navires ravitailleurs, d’assistance tech-
tion pétrolière est également chargée directe- nique, de surveillance, venant s’ajouter aux bateaux
ment sur les tankers à partir des terminaux en de pêche, ainsi qu’aux embarcations de loisirs et de
mer  : bouées de chargement, plateformes de transport de passagers.
chargement, navires-citernes de stockage mouil-
lés à poste fixe (photos 9 et 10). Les plateformes Le cabotage maritime, une activité
mobiles et permanentes ainsi que les grandes indispensable pour les villes portuaires
bouées sont souvent entourées d’obstacles de Le cabotage est une forme de navigation maritime
surface et sous-marins. qui s’effectue d’un port à un autre en restant proche
Les conduites sous-marines, les puits en at- des côtes. Au Gabon, deux ports principaux sont utili-
tente ou en cours d’exploitation et les centres sés pour le cabotage national : il s’agit du Port-môle de
de collecteurs sous-marins constituent bien Libreville et du port fluvial de Port-Gentil. Ces ports
évidemment autant de dangers pour la navi-
gation en surface, suivant la hauteur d’eau 7. Il faut noter à ce sujet que le projet de création des aires marines
Photo 10 - Un pétrolier en attente protégées autour des plateformes pétrolières (Programme Gabon bleu
de chargement à l’arrière du FSO qui les recouvre et le tirant d’eau des navires. du Plan Stratégique Gabon Émergent) va certainement nécessiter
Mayumba Ces installations constituent des obstructions
(ph. Perenco Gabon)
la promulgation de lois afin d’organiser les usages sur le littoral du
pour le mouillage et le chalutage. Bien qu’elles Gabon (voir à ce sujet le chapitre 14 du présent ouvrage).

148
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

sont également exploités pour le cabotage


international qui relie le Gabon aux autres
ports de la sous-région d’Afrique centrale
(Cameroun, Pointe Noire, Sao Tomé et
Principe), voire de la côte ouest-africaine.
Il n’existe pas de voie de navigation défi-
nie pour accéder au Port-môle de Libre-
ville. Les capitaines des navires utilisent
des points de navigation terrestres et leurs
connaissances de l’estuaire et du port pour
se rendre jusqu’au Port-môle. L’accès du
Port-môle est également limité par la ma-
rée, la plupart des navires se déplacent donc
lors des marées hautes. La présence de na-
vires de commerce mouillant dans la rade
d’Owendo (photo  11), ainsi que celle de
certains chalutiers provoque quelque fois
des collisions entre les différents usagers de
l’estuaire. Elle témoigne surtout des mul-
tiples occupations de ce plan d’eau estua-
rien où se côtoient les navires marchands
du cabotage et du transport international,
les navettes touristiques, les embarcations
privées de loisirs et les bateaux de pêche,
aussi bien du secteur artisanal qu’industriel.
Le cabotage revêt un caractère stra-
tégique pour le Gabon, dans la mesure
où la quasi-totalité des produits vivriers
consommés à Libreville et Port-Gentil8
proviennent des pays de la sous-région,
notamment du Cameroun et de Sao Tomé
Figure 11 - Illustration des restrictions d’usage de l’espace maritime dans le secteur pétrolier offshore

8. Avec près de 950 000 habitants à elles deux en Ici la carte du SHOM au sud du Cap Lopez. La légende de ces cartes rappelle par ailleurs qu’au droit des gisements
d’hydrocarbures, autour des plateformes de production et les structures associées, « … la navigation sans autorisation est
2013 (RGPH), leurs populations représentent plus de
interdite à moins de 500 mètres de ces structures… », et qu’au droit des terminaux, « … seuls les navires utilisant les postes
52 % de la population totale du Gabon (voir le cha- d’accostage des terminaux peuvent pénétrer dans les zones de restriction représentées. Les autres navires ne doivent pas
pitre 7 du présent ouvrage). s’approcher à moins de 3 milles des terminaux » (source SHOM, carte n° 7257, 1995).

149
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Photo 11 - Occupation du plan


d’eau dans l’estuaire du Komo,
avec navires marchands en et Principe. Sur le plan intérieur, compte-tenu des dif- Le transport des passagers,
attente et embarcation de loisir
ficultés de liaison par voie terrestre, le cabotage est par l’autre activité maritime qui compte
(ph. P. Pottier, 2013)
ailleurs le mode de transport le plus approprié pour L’activité du Port-môle à Libreville est celui d’un
Vue prise de la rive gauche à
Pointe Denis. relier Libreville à la seconde ville littorale du pays, établissement sans vocation clairement identifiée, où
Port-Gentil (fig. 10). Que ce soit pour les liaisons de les bateaux de pêche côtoient les caboteurs permettant
la sous-région ou nationales, le mauvais état du réseau d’assurer le cabotage international, en même temps
routier (voire son absence), est en effet un atout sup- que les navires assurant la liaison entre Port-Gentil
plémentaire au développement des liaisons maritimes et Libreville. À côté de l’activité liée au cabotage, les
côtières qui, par ailleurs, offrent des coûts de trans- ports gabonais abritent également des navettes à voca-
ports bien plus avantageux que tion plutôt touristique qui effectuent la traversée vers
ceux par voie terrestre. La mer les différentes localités situées sur la rive gauche de
représente donc de ce point de l’estuaire du Komo, notamment la Pointe Denis et la
vue un espace de liaison pri- Baie des tortues, au niveau de la Pointe Wingombé.
vilégiée entre l’ensemble des
villes côtières gabonaises, pra- Car en dehors des marchandises, le cabotage assure
tiquement toutes desservies également le transport des passagers qui trouvent ici un
par des embarcations de capa- moyen de déplacement à bon prix par rapport à l’avion
cité différentes, en fonction de qui est plus coûteux. Le prix des billets d’avion s’élève
l’intensité des marchandises en effet à plus de 150 000 francs CFA contre 45 000
Photo 12 - Le catamaran à charger. Ces échanges mari- pour le billet de bateau entre Libreville et Douala.
Apomandé Jet, de la CNI, effectue
les liaisons Libreville Port-Gentil
times se complètent par ailleurs de liaisons fluviales Sur l’axe Libreville/Port-Gentil, la Compagnie Na-
(ph. CNI) importantes vers l’intérieur, entre Lambaréné et Port- tionale de Navigation Intérieure (CNI) propose des
Gentil, ce dernier représentant le débouché océanique liaisons avec des navires à grande vitesse (photo 12)
de l’ensemble du bassin versant de l’Ogooué. qui effectuent le trajet en quatre heures, tandis que le

150
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

confort est reparti selon les classes dont une classe éco-
nomique (22 000 francs CFA), club (25  000  francs Cap Estérias
LIBREVILLE
CFA) et VIP (38 000 francs CFA)9. Le prix d’un billet
d’avion est lui plus élevé (85 000 francs CFA), alors que OCÉAN Ntoum
ATLANTIQUE Kango
les liaisons routières sont impossibles entre ces deux plus
grandes villes du pays.
Compte-tenu de l’absence de statistiques tenues Nzomo
régulièrement par la capitainerie du Port-môle, il est
Ndjolé
très difficile de connaître précisément les effectifs trans-
portés sur cette ligne Libreville/Port-Gentil. Céline
Sayi-Mbouyi (2014) a permis néanmoins d’estimer sur
huit mois, de juillet 2013 à février 2014, le nombre Lambaréné
de passagers transportés par les navires de la CNI et
les recettes réalisées à cet effet. Le nombre cumulé de Port-Gentil
passagers transportés par la CNI s’élèverait à 55 390
en huit mois, auxquels il faut ajouter le trafic généré
© IGARUN, Université de Nantes, LETG-Nantes, Géolittomer

Og o
(non comptabilisé) par la Sonaga et Antares, les deux

o
Fougamou
autres compagnies qui desservent Port-Gentil à partir
de Libreville. Le mouvement des ferries et des navires
liés de ces deux compagnies n’est pas plus facilement
Omboué
consultable. La Sonaga assure quatre liaisons au départ N
du Port-môle par semaine, alors que les navires d’An-
tares effectuent quant à eux six liaisons hebdomadaires Mandji
Mouila
entre Libreville et Port-Gentil. Le non suivi du trafic 0 25 50 km
Source : INC
passager entre Libreville et Port-Gentil est dû en par- B. KOUMBA-MABERT, S. CHARRIER
tie à la fermeture partielle du Port-môle depuis 2012,
pour travaux d’aménagement autour de ce port (Royal Route Desserte maritime desserte fluviale
actuelle de l’aéroport
Haskoning DHV & Géo-Guide, 2013). de Port-Gentil (POG) desserte lagunaire
en projet
Au-delà de ce lien essentiel entre les deux princi- actuelle chemin de fer en projet
pales villes du Gabon, la carence du réseau terrestre en Ville en projet
infrastructures de transports se fait également sentir principale bassin sédimentaire côtier
dans l’ensemble des régions côtières, notamment au secondaire projet Port-Gentil 2
sud de Libreville, puis au-delà de Port-Gentil (fig. 12). réseau hydrographique
principal

9. Il est toutefois à préciser que l’âge a une incidence sur le prix des Figure 12 - Les liaisons Libreville - Port-Gentil et le projet de
billets. Pour les enfants de 4 à 12 ans, le tarif est de 15 000 francs CFA. désenclavement de l’île Mandji

151
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

GUINÉE ÉQUATORIALE

Cocobeach
Corisco
Le transport de passagers par voie maritime s’y subs-
titue là aussi, à partir de liaisons moins systématiques
LIBREVILLE
LIBREVILLE
et de plus faible capacité, mais pourtant tout aussi
Owendo route maritime
majeure et faisceau importantes. Ces liaisons ne sont pas régulières et sont
de liaisons importantes effectuées à la demande d’opérateurs économiques
implantés dans ces localités côtières. Il en est de même
espace de circulation pour les liaisons entre les deux rives de l’estuaire du
secondaire à importante
Batanga Komo (Libreville - Pointe Denis ou Libreville - Ndzo-
espace de liaisons
diffuses
moe). Toutefois, il existe un trafic assuré par de petits
espace sans réelle liaison
artisans qui suppléent l’activité de la CNI et génèrent
maritime commerciale quelques fois des accidents mortels, notamment dans
Port-Gentil
Port-Gentil le delta de l’Ogooué. Les localités de Pointe Denis et
ville principale Nyonié/Ndzomoe sont ainsi desservies au départ de
limite d’état Libreville, alors que plus au sud, la ville d’Omboué
l’est au départ de Port-Gentil, et celle de Ndindi au
départ de Mayumba. Dans un contexte d’absence
GABON cruelle de liaisons terrestres, ce cabotage côtier per-
met ainsi de rapprocher les localités et villes du littoral
du Gabon, tout comme le permettent les liaisons flu-
Iguéla viales entre Lambaréné et Port-Gentil, essentielles aux

© IGARUN, Université de Nantes


N déplacements de l’intérieur vers la côte.
Ces activités de cabotage pourraient pourtant à
0 50 100 km terme être concurrencées par la route en construction
devant relier Port-Gentil au reste du pays via Omboué
Source : www.marinetraffic.com,
(fig. 12). L’aménagement de cette route Port-Gentil -
Gamba
trafic maritime 2014 Omboué (100 kilomètres) que tentent de dévelop-
S. CHARRIER per les pouvoirs publics entre en fait dans le cadre
plus large du programme de désenclavement de l’île
Mandji, afin de consolider le projet de la zone franche
Mayumba industrielle au sud du Cap Lopez. Initié en 2000 sur
la base de la loi 10/2000 du 12 octobre 2000, le projet
de la zone franche de l’île Mandji est un projet por-
teur pour le Gabon et la région du golfe de Guinée.
Cet ambitieux projet est axé sur la diversification de
CONGO
l’économie gabonaise, la stimulation des investisse-
ments et la création des emplois.
Figure 13 - Les grands secteurs de navigation maritime dans la mer gabonaise
Une représentation synthétique produite à partir des mouvements annuels des navires sur ce secteur
152 océanique permet d’illustrer à la fois la densité des échanges entre Libreville et Port-Gentil, mais
également celle liée à l’intensité des mouvements enregistrés dans les zones pétrolières offshore.
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

En l’attente, sur le plan d’eau maritime gabonais, les une immensité réservée aux solitaires… L’exploitation
transports de marchandises et de passagers viennent pétrolière offshore y est en effet très présente, occupant
donc renforcer cette impression d’une mer aux multiples de vastes surfaces, quelques fois dense autant sur le plan
usages. Aux côtés des bateaux de pêches et des embarca- d’eau qu’en profondeur, souvent contraignante pour les
tions des migrations clandestines, les navires du grand autres usages de la mer gabonaise. D’un point de vue
commerce international comme ceux du cabotage inté- économique, enfin, le développement de cette exploita-
rieur et sous-régional se mêlent aux navettes des mobili- tion pétrolière offshore est un enjeu essentiel pour l’ave-
tés humaines, irriguant des régions côtières quelque fois nir du Gabon, à tel point que son extension souhaitée
coupées de leur arrière-pays. Toutefois, si l’ensemble de apparaît encore aujourd’hui chaotique et incertaine.
la mer du Gabon est concernée par ces routes maritimes,
il convient de souligner qu’une part importante de ces L’exploitation pétrolière en mer :
transports est consacrée à l’activité pétrolière offshore aspects géographiques
qui génère non seulement des trafics liés à l’exploration,
l’extraction et les ravitaillements (fig.  13), mais égale- L’état actuel de l’occupation du domaine pétrolier
ment des contraintes d’exclusion et donc d’usage qui au Gabon
s’imposent aux autres formes de navigation. Le domaine pétrolier gabonais occupe une superficie
C’est aussi en cela que la mer gabonaise est convoi- de 253 507 km² (DGH, 2015), dont 30 % onshore
tée, et cette situation est d’autant plus remarquable et 70 % offshore (fig. 14). Environ 47 % de la sur-
que les eaux nationales de la ZEE sont par ailleurs très face attribuée sont ouverts à l’exploration. Le secteur
largement occupées par cette autre activité vitale pour pétrolier national connaît actuellement une extension
le pays. L’exploitation pétrolière offshore représente de son domaine d’exploration, du rivage au large des
ainsi non seulement une emprise spatiale en mer re- côtes qui devrait déboucher en cas de découverte sur
marquable par son étendue, mais également un usage une éventuelle extraction en offshore profond ou en
incontournable et sans doute « dominateur » sous bien ultra-profond10. L’attribution du domaine libre en-
des aspects dans les eaux maritimes du pays. traînerait une augmentation du taux d’occupation et
des activités d’exploration d’au moins 40 à 45 %.
« De l’or noir au fond du grand bleu » :
Les évolutions historiques du pétrole offshore
l’enjeu des hydrocarbures dans
au Gabon
la mer gabonaise
Depuis les années 1960, l’exploitation du pétrole Si les premiers gisements en offshore ont été mis à
dans la mer côtière gabonaise représente un usage sup- jour en 1938, la zone du golfe de Guinée a enregistré ses
plémentaire qui vient s’ajouter aux précédents, pêches, premières découvertes dans les bas-fonds sous-marins
transports maritimes des hommes et des marchandises
notamment. Cette activité participe à l’accroissement 10. L’offshore profond concerne les hydrocarbures explorés et exploi-
des pressions humaines sur ce territoire liquide fragile, tés à plus de 1 000 m de profondeur des fonds marins ; l’offshore
instable et si souvent injustement considéré comme ultra-profond au-delà de 1 500 m de profondeur des fonds marins.

153
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Bathymétrie LIBREVILLE
(en m)
0
dès le début des années 1960, avec les décou-
20
50
vertes au large du Delta du Niger (Nigeria),
100 de Port-Gentil (Gabon), et du « champ Éme-
200 raude » au Congo. Le Gabon connaîtra alors
500 son premier forage offshore dans les eaux de
1 000 Terminal du l’Ogooué Maritime à Port-Gentil. C’est à la
2 000 Cap Lopez
Lambarené fin des années 1960 que les premiers gise-
Port-Gentil
ments de Tchengué Océan et Anguille y ont
en effet été mis en exploitation. Beaucoup
oué
Ogo
Fougamou
d’autres ont suivi dans ce même secteur géo-
graphique au cours de la décennie 1970, si
bien que c’est dans le prolongement de l’ex-
tension terrestre la plus occidentale du bassin
Terminal
Omboué sédimentaire vers l’océan que se concentrent
d’Oguendjo encore aujourd’hui les territoires les plus
Mandji denses de cette exploitation pétrolière off-
Exploitation pétrolière offshore
champ pétrolier shore (fig. 14). L’identité « pétrolière » recon-
terminal pétrolier
nue à toute cette région de Port-Gentil et
Terminal
terminal pétrolier flottant Tchatamba des débouchés du grand fleuve Ogooué n’est
raffinerie
donc pas usurpée.
oléoduc Dans ce secteur au plateau continen-
gazoduc tal peu profond et aux pentes douces (voir
Gamba chapitre  3 du présent ouvrage), les zones
Tchibanga
Exploitation pétrolière terrestre OCÉAN ATLANTIQUE Terminal de
Gamba
d’exploitation le sont à des profondeurs
champ pétrolier
relativement faibles, le plus généralement
oléduc ou gazoduc inférieures à 100 mètres. Au droit de l’an-
Terminal
Olowi
cien champ Anguille entré en production en
réseau hydrographique
principal
Mayumba 1966 et dont le renouvellement au profit de
principal axe routier
Terminal Total Gabon s’est fait en 2007 (concession
Lucina
Anguille Marine), le champ de production
ville principale
N Terminal Etame n’est qu’à 30 mètres de profondeur. En fait,
Marine
bassin sédimentaire côtier
Terminal
la courbe bathymétrique des 200 mètres de
limite de ZEE Gabon / Congo 0 25 50 km
M’Bya profondeur a longtemps correspondu à la
(désaffecté)
limite d’exploitabilité du plateau continen-
Sources : Ministère des mines, du pétrole et des hydrocarbures du Gabon (2015), Atlas du Gabon (2004), bathymétrie SHOM tal pour des raisons à la fois technologiques
S. CHARRIER © IGARUN, Université de Nantes et de coût d’exploitation. Il convient en effet
Figure 14 - Extension de l’exploitation pétrolière au Gabon
154
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

TUNISIE LIBYE
ALGÉRIE

ÉGYPTE
N

de souligner que les forages réalisés au-delà de cette limite avant les SOUDAN
0 1 000 km
NIGERIA
années 1980 n’étaient que des prospections de reconnaissance qui ne
seront ensuite mises en exploitation ou développées qu’au milieu de TCHAD
SOUDAN DU SUD
cette décennie. Les prospections pétrolières qui ont suivies ont révélé Réserves estimées
d’énormes potentiels en offshore profond qui constituent aujourd’hui de pétrole GUINÉE
(en milliards de barils)
un espoir sérieux de découverte majeure pour relancer la production ÉQUATORIALE CONGO
48,4 GABON
pétrolière gabonaise, qui, après avoir stagné à 12 millions de tonnes par

© IGARUN, Université de Nantes


an depuis les années 2000, a poursuivi son déclin jusqu’à descendre aux 10 ANGOLA
alentours des 10 millions de tonnes en 2014 et 2015 (DGEPF, 2015). 4
0,4

Pour l’ensemble, le Gabon dispose dans son domaine maritime


d’importantes réserves d’hydrocarbures. Les données de référence de pays de la sous-région
l’OPEP (2016) attribuent 2 milliards de barils de réserves estimées au Source : OPEP (2016)
reste de l’Afrique S. CHARRIER
Gabon. Ce sont les plus importantes réserves d’or noir de la sous-région
de la CEMAC (Communauté Économique et Monétaire des États de
l’Afrique Centrale), devant celles du Congo (1,6 milliard de barils), du Figure 15 - Les dix plus
Tchad (1,5 milliard de barils), de la Guinée Équatoriale (1,1 milliard de importantes réserves estimées
de pétrole en Afrique (2016)
barils) et du Cameroun (0,2 milliard de barils). Les pays de la CEMAC Production de pétrole
sont ainsi intégrés dans une région du golfe de Guinée aujourd’hui lar- (en millier de barils/jour)
gement convoitée pour ses ressources en hydrocarbures (fig. 15). 400
365
D’après la revue spécialisée de BP Statistical Review of World Energy, 350
(2010), au rythme de la production actuelle, la durée de vie des réserves
pétrolières gabonaises est estimée à quarante-quatre ans contre vingt et 300 295
274
un ans pour le Tchad, dix-neuf ans et demi pour le Congo et quinze ans 255
250
pour la Guinée Équatoriale. 227 228

200
L’exploitation pétrolière en mer : enjeux territoriaux
Aujourd’hui, la production étant en baisse, la possibilité de s’étendre 150
153 155
au-delà des territoires actuels d’exploitation apparaît de plus en plus por- 100
teuse d’espoirs. En effet, le Gabon qui est en 2015 le 37e producteur de
pétrole mondial, avec environ 228 000 barils par jour11, a vu sa produc- 50
tion pétrolière décliner à partir de 1997 (fig. 16), avec bien entendu les 25
conséquences que l’on imagine sur les recettes tirées de cette exploitation 0
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
pétrolière, celles-ci étant également très dépendantes des cours mondiaux
(voir chapitre 15 du présent ouvrage). Figure 16 - Production de pétrole au Gabon de 1965 à 2015
Source : BP Statistical Review of World Energy (juin 2016)
11. Alors que la production était de 371 000 barils/jour en 1997. et OPEP (2016)

155
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

GUINÉE ÉQUATORIALE

Bloc d’exploitation
pétrolière attribué Pour maintenir et si possible accroître ses revenus
LIBREVILLE
mer terre tirés du pétrole, l’État gabonais s’est engagé depuis
plusieurs années dans l’extension de son domaine
pétrolier, de la côte au large de son espace maritime,
à travers une campagne de promotion du bassin sédi-
Bloc libre mentaire gabonais sur les rencontres internationales
Lambaréné mer terre consacrées aux questions pétrolières.
Port-Gentil ué
Ogo L’attribution du domaine libre12 devrait tout
o

d’abord entraîner une augmentation significative du


Omboué
limite de la ZEE du Gabon taux d’occupation et des activités d’exploration du
réseau hydrographique domaine pétrolier national de près de 45 %, dont la
principal
conséquence immédiate pourrait également signifier
limite d’État
la réduction de temps vers des nouvelles décou-
vertes majeures et ainsi l’augmentation signi-
Domaine pétrolier gabonais ficative de la production gabonaise de pétrole
Gamba
attribué libre brut. Les données officielles des surfaces attri-
51,5 % 48,5 % buées en juin 2015 étaient de 130 544 km²
(130 544 km²) (125 963 km²) sur les 253  507 que représentent la tota-
lité du domaine pétrolier gabonais (fig. 17).
Mayumba Le potentiel en termes de surface reste donc
encore remarquable, même si l’extension des
attributions demeure largement conditionnée à la
CONGO
présence avérée du brut dans ces zones, ainsi qu’aux
OCÉAN coûts d’exploitation notamment liés aux profondeurs.
ATLANTIQUE
Pour optimiser la production, le Gabon souhaite
procéder depuis octobre 2013 à la vente de 42 blocs en
offshore dit ultra profond (au-delà des -1500 m), repré-
sentant autant de licences et couvrant 118 000 km² de
Bathymétrie (en m) son bassin sédimentaire, mais les majors ont jusqu’à
présent hésité à acquérir les blocs proposés13. En effet,
4 000 3 000 2 000 1 000 500 200 100 50 20 0
©
IG
N AR
UN
Sources : Ministère du pétrole et 12. Le domaine libre correspond aux blocs n’ayant pas encore enre-
des hydrocarbures du Gabon
,U
ni
ve (domaine pétrolier au 15 juin 2015),
gistré l’attribution d’un permis d’exploitation.
rs
ité bathymétrie SHOM
de
Na 13. Un récent article publié par Matin Équatorial le 1 avril 2015
0 50 100 km nt
es
S. CHARRIER faisait état d’une attribution probable de « 9 blocs, situés dans les
régions offshore allant jusqu’à 3 000 m de profondeur ».

Figure 17 - Attribution du domaine pétrolier du Gabon au 15 juin 2015


156
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

l’exploration en eau profonde n’a connu à ce jour qu’un


succès limité, en raison du coût fort onéreux de la re-
cherche dans l’offshore profond et très profond. Sans
doute est-il toutefois encore permis d’espérer, compte
tenu des résultats notamment obtenus dans les eaux
brésiliennes, dans un contexte du coût mondial du
brent bien entendu également favorable.
La quête de nouvelles extensions territoriales mari-
times à disposition de l’exploitation des hydrocarbures
illustre en fait parfaitement les enjeux de développe-
ment qui s’offrent du côté océanique au Gabon de
demain (Le Gabon bleu). À tel point que cette néces-
sité d’ouvrir de nouveaux fronts pionniers s’accom-
pagne aujourd’hui de la redéfinition des souverainetés
maritimes, et éclaire ainsi les récentes démarches en- Photo 13 - Vue aérienne des
treprises par l’État gabonais en vue de l’extension de installations pétrolières offshore
dans la mer côtière au large de
ses droits souverains sur le plateau continental14 (voir est donc importante dans la mer gabonaise où se dis- Port-Gentil
le chapitre 16 du présent ouvrage). Cet « appétit pour persent les activités d’exploration, les champs d’exploi- (ph. J. Sidle, 2014, www.
panoramio.com)
le brut » ne doit cependant pas occulter le nécessaire tation, les terminaux flottants et sur les fonds sous-ma-
partage de cet espace maritime qui, du coup, pourrait rins les pipelines et gazoducs (fig. 14).
devenir dans l’avenir un espace d’âpres concurrences.
Cette présence est tout d’abord particulièrement
Car les risques que fait peser l’exploitation pétrolière
visible sur le plan d’eau (photo 13). Elle n’est bien en-
dans la mer gabonaise ne sont pas à négliger, dans
tendu pas uniforme dans l’ensemble des secteurs mari-
le domaine socio-économique comme dans celui de
times du pays, car plus anciennement installée et dense
l’environnement.
dans la partie comprise entre le Cap Lopez et Omboué.
Dans cette partie, elle pourrait même paraître exclu-
Les contraintes et les risques imposés en mer sive, puisqu’une zone de restriction a ici été délimitée
par l’exploitation pétrolière afin d’y interdire la pêche et d’y réduire les accès mari-
La présence bien visible des installations offshore
times (fig. 11). Et ces contraintes d’usages de la mer
côtière pourraient encore s’accroître dans les toutes
L’industrie pétrolière utilise beaucoup la mer dans prochaines années avec la mise en place du programme
ses différentes phases : l’exploration, le forage, la pro- Gabon bleu et du classement de 23 % de la ZEE du
duction ou encore le transport. Son emprise spatiale pays en parcs marins ou aires marines protégées (voir
le chapitre 14 du présent ouvrage). Dans ce cadre, des
14. Dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention des Na- propositions pour un zonage segmentant l’espace mari-
tions Unies sur le Droit de la Mer. time en des secteurs de priorité d’usage ont été faites, et

157
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

périphéries des installations comme partout dans la


mer gabonaise sont contraintes pour la navigation
N avec une zone d’exclusion maritime d’un rayon de
500 m autour des installations pétrolières, ainsi que
0 5 10 km
les conseils de navigation à plus de 3 milles marins
(5 556 m) des terminaux.
Mayumba Les risques de déstabilisation des environnements
marin et côtier
Dans l’ensemble de la chaîne d’activité pétrolière,
s’inscrivent également des risques environnementaux
notamment de l’exploration-production jusqu’au
transport et à la commercialisation du pétrole. À
l’échelle du monde, ce sont les activités humaines à
terre qui sont responsables de l’essentiel de la pollu-
tion maritime, pour 77 % de l’ensemble (GESAMP,
cité par CEIN, 2009). Pourtant, avec 1 % seulement
de la pollution totale marine imputable à l’extraction
proprement dite du pétrole, 12 % aux accidents de
navires et aux activités maritimes dans leur ensemble
(y compris transport d’hydrocarbures, dégazages et
les accidents générant des marées noires), le risque
bien que relatif est réel. Il varie bien entendu selon
les régions du monde et peut devenir plus impor-
tant lorsque les activités d’extraction et de transport
d’hydrocarbure en mer y sont développées.
Figure 18 - Cartographie Compte-tenu de la fragilité particulière de la
pétrolière au large de Mayumba, façade maritime gabonaise, caractérisée par des la-
illustration d’une activité bien notamment avec la reconnaissance de zones d’exclusion gunes, des mangroves, des herbiers, des plages de
présente
pétrolière qui cette fois devraient couvrir des espaces sable et des zones humides d’estuaires constituant
L’espace maritime est ici bien
loin d’offrir comme on pourrait
au-delà des eaux de l’Ogooué maritime. non seulement des milieux naturels remarquables,
l’imaginer à perte de vue une
immensité sans obstacle.
Un peu plus au sud, en effet, des secteurs d’exploi- mais également des ressources vitales pour les activi-
(Source : extrait de Vaalco Gabon,
tation offshore s’égrènent également en plusieurs sites tés de subsistance et le développement économique,
2008) (fig. 14). Bien que de moindre importance qu’entre la vulnérabilité à ces aléas destructeurs par pollution
le Cap Lopez et Omboué, leur emprise n’en est par des hydrocarbures est d’autant plus grande. Avec
pour autant négligeable (fig. 18), d’autant que les cette activité pétrolière intense dans la zone, il est

158
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

fréquent que des pétroliers dégazent et nettoient leur


soute au large. Ainsi, des résidus de pétrole dégradé
s’agglomèrent et sont déposés sur les rivages par le
vent, les courants et les vagues, sous forme de boules
de goudron. Viennent s’y ajouter les fuites provenant
des activités de forage de puits de pétrole en mer, de
la manipulation du pétrole et des produits pétroliers
dans les ports et les raffineries situées en zones cô-
tières (Port-Gentil, Gamba, etc.).
Les premiers effets de ces pollutions pétrolières sont
bien évidemment observés tout d’abord en mer, sur la
ressource halieutique limitant ainsi les possibilités de
pêche. Les habitats naturels nécessaires pour la produc-
tion et la reproduction des ressources (mangroves, her-
biers marins, lieux particuliers dans l’océan où les pois-
Figure 19 - Pollution par
sons se rassemblent pour se reproduire…) font l’objet hydrocarbure des côtes de
d’une destruction évidente à cause de cette pollution les nouveaux nés en les empêchant de retrouver la mer Mayumba en février 2007
par les hydrocarbures. La pollution qui résulte de l’ac- après leur éclosion. En trois ans, de 2004 à 2007, les Source : Journal « L’Union » du
14 février 2007, ( http://www.
tivité pétrolière est également souvent perçue comme plages de Mayumba ont été souillées 7 fois par des union.sonapresse.com)
source de diminution de l’activité de pêche dans cette nappes d’hydrocarbures (journal « l’Union » du 14 fé-
zone. Ainsi, les rejets d’huiles qui forment des nappes vrier 2007). En 2008, c’est la lagune Fernan Vaz qui
flottantes entraînent-ils un évitement de celles-ci par fut touchée par une importante pollution produite à la
les espèces, notamment les crustacés et les sardinelles. suite de la rupture d’un pipeline sous-marin de la socié-
Cette situation a pour conséquence de contraindre les té Perenco Gabon. À Mayumba encore, les pollutions
pêcheurs artisanaux à aller de plus en plus loin au large ont touché 4 fois les côtes en 2011, notamment au
pour pouvoir réaliser des prises (Lembé, 2014). mois de novembre avec une nappe de plus de soixante
kilomètres de long, dont une quarantaine dans le parc
Au contact de la côte, l’activité pétrolière qui pollue
national de Mayumba (fig. 20).
par ses fuites répétées n’épargne pas les habitats natu-
rels, provoquant leur destruction accélérée, notamment Ces risques sont d’autant plus importants pour
au droit des lieux de reproduction. Cette situation a l’avenir qu’une nouvelle menace écologique pèse sur
notamment été observée sur les plages de la ville de les fragiles biotopes marins avec l’augmentation des
Mayumba, où le dernier incident du genre avait eu lieu profondeurs de forage offshore. En effet, dans la réa-
en pleine saison de nidification des tortues (fig.  19). lisation des forages pour atteindre les gisements pro-
En plus des effets toxiques sur les tortues adultes, les fonds et ultra-profonds entre 1 500 à 3 000 mètres,
couches d’huile de brut déposées sur les plages de les moindres écoulements de pétrole et de gaz pour-
ponte représentent un obstacle infranchissable pour ront entamer l’équilibre des vastes zones océaniques

159
POLLUTION AU PARC NATIONAL DE MAYUMBA Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

au large des côtes et endommager leurs écosystèmes. Même si


avec les innovations technologiques de ces dernières années
les profondeurs ne semblent plus poser trop de problèmes,
il demeure encore très difficile de réduire les dommages d’un
accident en eaux profondes afin que soient minimisés les
effets néfastes sur l’écologie marine. Les risques d’instabilité
LES PLAGES DE MAYUMBA ENVAHIES PAR LES HYDROCARBURES. du milieu marin demeurent donc réels, malgré l’existence des
Depuis le mois de septembre dernier, les plages de la ville de Mayumba et du parc national enregistrent
d’importants déversements successifs d’hydrocarbures d’origine inconnue.
normes de protection de l’environnement dont l’observation
varie selon les zones géographiques.
La pollution, qui à l’origine se présentait sous la forme d’une nappe de goudron
granuleuse et visqueuse s’étalant sur une longueur de 17 km, s’étendait la semaine Enfin, plus largement et au-delà du risque écologique, se
dernière sur une distance de 61 km, dont 41 km à l’intérieur des limites du parc
national. pose la question de la sûreté des activités pétrolières dans les
De la plage en face de l’aéroport de Mayumba à Bam, au sud du parc national, les
équipes de surveillance ont relevé de très forte concentration d’hydrocarbures à eaux gabonaises et de sa déstabilisation possible par des ac-
plusieurs endroits. Des dégâts importants sur l’écosystème et sur certaines espèces ont
également été constatés. Une vingtaine de crabes et 8 oiseaux ont ainsi été retrouvés tions de sabotage, de terrorisme ou d’accrochage accidentel. À
emprisonnés dans l’épaisse nappe de goudron.
l’image des autres activités maritimes, sa surveillance n’est pas
Au cours des investigations menées par l’administration du parc national pour tenter aisée et le plus souvent très déficiente, laissant ainsi apparaître
de situer l’origine de ce déferlement de pétrole sur les plages, les équipes du parc
national ont récupéré 06 sacs de 50kg portant les inscriptions suivantes toutes les difficultés pour un pays comme le Gabon d’assu-
:‘’PNO/0021/2011 Brasserie du Congo S.A. Pointe Noire’’. Ces sacs contenaient les uns
des habits imbibés de brut, les autres des sachets poubelles remplis de brut. Un des rer ainsi la maîtrise de son territoire océanique. Aux côtés de
sacs éventrés a permis de recueillir un échantillon de brut pour des éventuelles
analyses. « Au vu des emballages qui contenaient le brut concentré découvert à la l’exploitation pétrolière offshore, l’accroissement des divers
plage, nous pouvons dire sans risque de se tromper que cette pollution provient d’une
société pétrolière basée en République du Congo. Cette dernière aurait utilisé ce
usages sur ce plan d’eau et des enjeux qui s’y attachent, met
procédé consistant à jeter le trop plein dans l’Océan Atlantique pour contenir une
fuite d’hydrocarbure en offshore », a déclaré Madame Solange NGOUESSONO, le Conservateur du parc national, dans un
en fait en lumière la nécessité d’une approche intégrée et des
rapport adressé au Secrétariat exécutif. S’exprimant ensuite sur les conséquences de cette pollution sur la faune et la
flore du parc national, elle a estimé que « ce déversement de goudron sur nos côtes est une véritable catastrophe
moyens qui devraient l’accompagner.
quand on sait qu’on est en pleine saison de migration et de reproduction de plusieurs espèces en l’occurrence les
sternes, les chevaliers, les guêpiers, les crabes, les tortues marines pour lequel Mayumba est le premier site en matière
de ponte sur le plan mondial ».
Conclusion
La pollution des plages par les hydrocarbures est un problème récurrent à Mayumba. Le parc national, notamment a
souvent payé le prix fort à ces déversements d’hydrocarbures qui dégradent l’écosystème marin et occasionnent
Comme bien des espaces maritimes à l’échelle du monde, la
d’importantes perturbations dans les comportements de la faune et de la flore. Malgré les nombreuses dénonciations de mer gabonaise s’est donc remplie peu à peu d’activités. À bien
l’Agence et de la presse nationale, aucune solution n’a été préconisée à ce jour pour prévenir ce type de catastrophe et
surtout pour en réparer les énormes dégâts. En outre, l’origine souvent imprécise de ces fuites de pétrole réduit à néant des égards, elle pourrait même paraître plus occupée que la terre
toute possibilité d’identifier de manière formelle un responsable à qui il pourrait être exigé d’assumer les frais relatifs
aux opérations de « dépollutions » et d’assainissement des plages. ferme intérieure ! Les enjeux que représentent ces activités pour
Dans cette situation de quasi impuissance, Madame Solange NGOUESSONO en appel à le développement du pays y sont en tout cas à la hauteur de ceux
l’institution d’une concertation entre les sociétés pétrolières œuvrant dans la sous
région pour une prise en compte de l’impact négatif de leurs activités sur
des activités terrestres, car ils concernent des sources majeures
l’environnement et l’institution d’un mécanisme de réparation des dommages causées
par les hydrocarbures. Les sociétés pétrolières regroupées au sein de l’Union des
de revenus, des ouvertures et liens vitaux à la mondialisation,
Pétroliers du Gabon (UPEGA) viennent de donner un signal fort dans ce sens en
apportant leur appui à l’administration du parc de Mayumba, sous la forme d’un
ou encore les sources d’un équilibre écologique indispensable.
important don d’équipements destinés aux opérations de nettoyage et de
réhabilitation des plages infestées. Dans un pays où la mer n’a jamais été d’une grande atti-
Présidence
rance, ce développement maritime n’est pas sans poser des pro-
du Gabon blèmes. Qu’il s’agisse en effet de la monopolisation des activi-
tés halieutiques par les pêcheurs migrants ouest-africains, de la
Figure 20 - Pollution par hydrocarbures des côtes de Mayumba en novembre 2011
Source : site Gabon des services (www.gabon-services.com/l-actualite/actua-
160 lites/5107/pollution-au-parc-national-de-mayumba)
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

concurrence déloyale provoquée par les flottilles de la Références


pêche illégale, de l’utilisation de la mer comme voie
d’accès au Gabon par les immigrés clandestins, ou en- Bignoumba G.-S., 1995. La pêche maritime au
core de l’implication des multinationales pétrolières Gabon : contribution géographique à l’étude d’une acti-
sur le domaine offshore national, la mer gabonaise est vité marginale dans un pays tourné principalement vers
soumise à de fortes convoitises extérieures, liées à l’ap- l’exploitation de ses ressources continentales, Thèse de
pétit que suscitent ses ressources biologiques et non doctorat de Géographie, Université de Nantes, 367 p.
vivantes. Il se pose donc ici un triple enjeu : un enjeu Bignoumba G.-S., 1999. La politique maritime au
de valorisation économique des ressources marines Gabon à l’aube du 3e millénaire : l’indispensable ouver-
par leur exploitation efficiente, un enjeu de conserva- ture à la mer, Cahiers d’outre-Mer, n° 208, pp. 359-372.
tion desdites ressources par l’utilisation de méthodes Bignoumba G.-S., 2000. Anthropisation et conflit
d’exploitation propres à garantir leur pérennité et un d’usage sur le littoral du Gabon : éléments de ré-
enjeu de sécurisation du territoire national par le ren- flexion, Les Cahiers Nantais, n° 53, pp. 107-114.
forcement de la surveillance maritime.
BP, 2016. BP Statistical Review of World Energy
Cette situation pose enfin la question de l’espoir 2015, [URL : www.bp.com/statisticalreview].
pour ces activités quelques fois concurrentes de conti-
nuer ensemble à vivre cet espace maritime gabonais. Carre F., 1998. La pêche sur les côtes de l’Afrique
Et c’est en ce sens aussi, que l’ambitieux projet Gabon tropicale, du Sénégal au Congo. In Gamblin
bleu doit être compris (voir le chapitre 17 du présent A. (s. dir.), 1998, Les littoraux, espaces de vies, Paris,
ouvrage). Par le simple fait d’exister, ce projet té- SEDES, coll. « DIEM », pp. 297-306.
moigne bien de la prise de conscience des autorités du CIA, 2012. World Fact Book of 2012, [URL : www.
pays des enjeux liés à la maîtrise et la bonne gestion de cia.gov/library/publications/download/download-2012].
son domaine maritime. Il est aussi, de ce point de vue, Chaussade J., 1998. La pêche et les cultures ma-
rassurant et plein d’espoirs. rines. In Cabane C. (s.dir.), 1998, Géographie hu-
maine des littoraux maritimes, Condé-sur-Noireau,
CNED-CEDES, pp. 211-250.
DGEPF, 2015. Tableau de bord de l’économie, si-
tuation 2014, perspectives 2015-2016, Ministère de
l’Économie et de la Prospective de la République ga-
bonaise, Libreville, 160 p.
DGH (Direction Générale des Hydrocarbures),
2015. Domaine pétrolier, 15 juin 2015, Ministère du
Pétrole et des Hydrocarbures, 1 carte.
DGPA, 2012. Tableau 123 : récapitulatif des pêches
2012, inédit, s.p.

161
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

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162
Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime

du front de mer du Port-Môle, document ANGT


n° 13CPM01-000-TD-ECM 0040, Libreville. Répu-
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nemental, Enviropass, Libreville, 130 p. [URL : http://
www.vaalco.com/wp-content/uploads/2013/07/EIA-
Ebouri.pdf ].

163
Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié
Guy ROSSATANGA-RIGNAULT*
Juriste-Politiste, Université Omar Bongo, Libreville
Patrice MOUNDOUNGA MOUITY
Géographe-Politiste, Université Omar Bongo, Libreville

Les espaces maritimes sont désormais dans cer- incidents sur le différend entre
taines zones, c’est le cas du golfe de Guinée, l’ob- gabonais et équato-guinéens est un
jet d’enjeux géostratégiques et le vecteur de tenta- groupe d’îlots dont les deux pays se
tives de rénovation des influences régionales. Dans disputent la souveraineté territoriale
le domaine maritime, et même plus largement en (fig. 1, photo 1 et 2).
empruntant volontiers la direction d’André Vigarié
«Tempête au large du Gabon ». Tel
(1995), par géopolitique il faut entendre la détermi-
était le titre d’un article du quoti-
nation et la convergence des intérêts qui condition-
dien français Le Monde (daté du 16
nent les actions et le comportement extérieurs des
septembre 1972) rendant compte
nations, et il faut joindre à ces intérêts les obliga-
tions qu’elles ont assumées par ententes ou accords de l’escalade dans les relations du
avec d’autres États. La géopolitique était essentielle- Gabon avec la Guinée Équatoriale
ment continentale. Désormais, le contrôle des mers à la suite d’incidents autour de l’île Photo 1 - Île Cocotier

devient un enjeu d’autant plus important que les Mbanié. Ainsi commence le contes- (ph. T. Meunier, 2008, www.
panoramio.com)
États disposent de droits exclusifs sur les ressources té insulaire au long cours opposant
énergétiques et halieutiques (Ortolland et Pirat, le Gabon à la Guinée Équatoriale.
2007). Les espaces maritimes sont aussi le théâtre Les lignes qui suivent vont présenter
d’enjeux stratégiques, et dès lors la mer induit une une brève histoire de ce différend,
dimension géostratégique. Par géostratégie, il faut avant d’en déterminer les termes.
entendre l’ensemble des moyens mis en œuvre pour
assurer la défense de ces intérêts et l’accomplisse- Brève histoire du
ment de ces obligations. « contesté insulaire »
Gabon/Guinée Équatoriale
En raison des enjeux géopolitiques, l’espace mari-
time du golfe de Guinée reflète des tensions et des L’histoire de ce différend apparu en
rivalités, comme le démontrent les incidents diplo- 1972 renvoie à l’Histoire et aux luttes
matiques entre le Cameroun et le Nigeria, à la suite d’influences des puissances euro-
du différend autour de Bakassi, ou du Gabon et de péennes en Afrique (Coquery-Vidro-
la Guinée Équatoriale autour de Mbanié, revendi- vitch, 1963 et Mabire, 1989). On se
quée par chaque pays. Le théâtre maritime de ces souviendra qu’à la fin du XIXe siècle, Photo 2 - Île Mbanié vue d’avion
(vue depuis le nord-ouest)

* (ph. P. Pottier, 2014)


L’auteur de la présente contribution est, par ailleurs, Secrétaire Général Adjoint de la Présidence de la République
gabonaise dont il a dirigé sept ans durant le Département Juridique. Secrétaire Permanent de la Commission Nationale
sur le Différend Gabon/Guinée Équatoriale, il a dirigé le projet d’extension du plateau continental du Gabon et préside
depuis un an le Conseil National de la Mer du Gabon. Toutefois le contenu de cet article n’engage que son auteur.

165
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Mbini

OCÉAN Île Mbanié


ATLANTIQUE
l’Espagne (sortie affai- la France reconnaissait la souveraineté espagnole :
blie des guerres d’indé- Corisco, Elobey Chico et Elobey Grande (Article 71).
Pointe Ilende pendance sud-améri- Ni plus ni moins.
caines) était confrontée Aucune mention n’y est faite de Mbanié et, en-
GUINÉE aux visées plus ou
ÉQUATORIALE core moins de Conga et Cocotiers. À cet égard, on
moins exprimées des peut légitimement penser que si l’Espagne consi-
autres puissances impé- dérait Mbanié, Conga et Cocotiers comme lui
Cap St Jean
riales sur ses territoires appartenant, ces îlots auraient été formellement
Cogo
Cogo africains. C’est dans ce mentionnés dans le texte de 1900. A contrario, une
Punta
Yeke Estuaire du cadre que s’ouvrira, à interprétation objective de ce silence ne pouvait que
Île Elobey Rio Mouni
(Guinée Éq.)
Paris, une conférence conduire à la déduction de la souveraineté fran-
Île de Corisco Cocobeach diplomatique franco-
(Guinée Éq.)
çaise2. Une telle interprétation était d’autant plus
BAIE DE espagnole visant l’iden- juste que cet article est en fait la reconnaissance
CORISCO
tification des posses- d’un droit de préemption en faveur de la France sur
Île Mbanié sions de l’une et l’autre les possessions espagnoles dont les îles reconnues
GABON de ces puissances sur le
Îlot Conga Îlot Cocotier
R1
0 comme espagnoles dans la convention et ayant pour
© IGARUN, Université de Nantes

sol africain (fig. 2). particularité d’être « voisines du littoral du Congo


BAIE DE
Français »3.
LA MONDAH
N
La convention de
Cap Estérias Paris de 1900 qui
0 10 20 km
conclut cette confé- 1. Article 7 de la Convention de Paris : « Dans le cas où le Gou-
rence diplomatique vernement Espagnol voudrait céder, à quelque titre que ce fut, en tout
ou en partie, les possessions qui lui sont reconnues par les articles 1 et
Cap ne sera pas, à l’évi- 4 de la présente Convention, ainsi que les îles Elobey et l’île Corisco
Santa Clara
ES limite d’État dence, à l’avantage voisines du littoral du Congo Français, le Gouvernement Français
TU LIBREVILLE réseau routier principal de l’Espagne, tout au jouira d’un droit de préférence dans des conditions semblables à celles
AI

moins dans le golfe de qui seraient proposées audit Gouvernement Espagnol ».


RE

Pointe N1 aéroport international


DU

Denis Owendo
endo zone urbanisée Guinée puisque c’est
KO

2. À titre d’illustration, c’est une interprétation de ce type qui per-


MO

Source : SHOM S. CHARRIER d’elle que découlera met de déterminer le domaine du règlement dans nombre de consti-
le petit quadrilatère tution. En effet, le Constituant ayant déterminé formellement le
Figure 1 - Localisation domaine de la loi, tout ce qui ne figure pas sur l’énumération du
de l’Île Mbanié encastré entre le Kamerun allemand et le Congo domaine de la loi relève du règlement.
français qu’était la Guinée espagnole.
3. On peut même estimer que le fait pour la France de reconnaître
Cette convention (qui sera considérée par les mi- comme espagnoles ces trois îles ne découlait pas véritablement de la prise
lieux nationalistes espagnols comme une capitulation en compte de titres juridiques ou d’effectivités en faveur de l’Espagne,
comme le laisse supposer un rapport du Lieutenant de Vaisseau Mau-
et une humiliation), outre qu’elle fixera les frontières det, commandant du Laprade, à M. Ballay, Lieutenant-Gouverneur
terrestres entre les possessions des deux États euro- du Gabon et Dépendances (7 décembre 1886) : « J’ai consulté… les plus
péens, identifiera formellement les îles sur lesquelles anciens chefs des pays environnants : Menindje, Roi de Bénito ; Elika,

166
Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié

Pourtant, dans les dernières années coloniales, Équatoriale (1968) et le début des années 1970, au-
l’Espagne commencera à donner une autre interpréta- cune manifestation d’intérêt pour ces espaces ne sera
tion, faisant de Mbanié, Conga et Cocotiers des « dé- enregistrée du côté de la Guinée Équatoriale.
pendances » de Corisco4. La Guinée Équatoriale, plus
Par décret (n° 391 du 2 août 1967), le gouverne-
tard, fera sienne cette lecture autant qu’elle héritera
ment gabonais accordait un permis de recherches
des frustrations espagnoles de l’époque, même si entre
d’hydrocarbures au consortium Gulf Oil-Shell
l’indépendance du Gabon (1960), celle de la Guinée
Gabon dont la limite nord était définie comme
étant « la frontière entre le Gabon et la Guinée Équa-
Roi de Bénito ; Bobendjé, Roi de Pemba ; Rokou Oukoué (ou Onkone), toriale ». Ce décret sera modifié trois ans plus tard
Roi de Hangga ; Lorenti et Jacobi, Pilotes du Cap Estérias. Tous ont été (décret n° 689 du 14 mai 1970) avec la précision
unanimes à déclarer que le droit d’ancrage, vise dans le traité passé en suivante s’agissant de la limite nord : « le parallèle
janvier 1861 par le Lieutenant espagnol Don Théodosio Noeli y White géographique 1°01’24’’ », tout en réservant les zones
avec certains chefs de la rivière Muny n’a jamais existé. On a donné à d’influences guinéennes à déterminer selon le droit
une mesure essentiellement commerciale une portée qui, présentement,
doit être rectifié car la Commission Franco-Espagnole réunie à Paris international.
pourrait appliquer à ce document une interprétation bien éloignée de Ces précautions
la vérité… Il n’y a pas lieu ici de rappeler que l’établissement d’un poste
militaire espagnol à Elobey n’a jamais été reconnu valable par aucune n’empêchèrent pas
puissance ». la Guinée de réagir
vivement avant d’ac-
4. On notera ici un fait considéré par l’Espagne (et à sa suite la
Guinée) comme une preuve de l’exercice de sa souveraineté sur ces corder à son tour par
îlots, l’affaire de la balise de Cocotiers. Convaincus de ce que Mbanié, décret des permis sur
Conga et Cocotiers, compte tenu de leur position géographique, étaient la zone « entourant les
sous souveraineté française, le service des Phares et Balises français îles Elobey et Corisco et
de Libreville entreprendra, à partir de février 1955, des travaux de les îles Mbanié, Conga
construction d’une balise sur Cocotiers. Le 15 mars 1955, le Directeur
des Travaux Publics de la colonie française du Gabon était informé et Cocotiers qui font
qu’une force espagnole avait débarqué sur l’îlot et demandait l’éva- partie intégrante du
cuation sans autre forme de procès des ouvriers commis à ce chantier. territoire national de la
Envoyés sur site, une équipe d’ingénieurs français se heurtera au refus Figure 2 - Carte hollandaise du
Guinée Équatoriale ». Cap Formose à l’île de Corisco
de toute discussion des Espagnols qui menacèrent d’ouvrir le feu si la
(extrait)
vedette française ne repartait pas en embarquant ses ouvriers et leur Sur proposition gabonaise, des discussions s’ou-
matériel. Face à ces menaces, les français plièrent bagages. Cet acte, Date d’édition incertaine 1600-
vrirent à partir du 4 juin 1970. Des réunions se tinrent 1799 (Bibliothèque nationale de
malgré son caractère violent, peut en effet être considéré comme une à Bata (en 1971) et à Libreville (avril-mai 1972) sans France, département Cartes et
effectivité au profit de l’Espagne. Sauf que, le 18 mai 1955, les tra-
vaux reprirent et furent achevés à la fin de ce même mois de mai. De régler le problème. plans, CPL GE SH 18E PF 113 DIV
5 P 2 RES)
1955 au début des années 1970, la subdivision des Travaux Publics Entre temps, les incidents se multiplieront dans
de Libreville a continué à entretenir la balise (notamment par des
travaux de peinture tous les deux ans). Signalons que, pour prendre au la zone. En effet, les autorités équato-guinéennes,
mot les Espagnols, l’administration française leur adressera la facture alors que les discussions continuaient, allaient
des travaux de la balise que, bien entendu, ils ne paieront jamais. décider l’envoi d’éléments armés pour patrouiller

167
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

autour de Mbanié de Guinée Équatoriale. Des coups de feu ont même


jusqu’à l’incident du été tirés sur une embarcation gabonaise. J’ai pensé que
20 février 1972. Ce cet incident, bien qu’il me parût extrêmement grave,
jour-là, des plaisan- ne devait pas interrompre les pourparlers. Et j’ai pro-
ciers venus du Gabon, posé, le 18 juillet 1972, au Président Francisco Macias
pêchant aux abords de Nguema que soit instituée pour nos deux nations une
Mbanié essuieront des zone neutre dans la baie de Corisco. Ma tentative de
coups de feu des sol- résoudre à l’amiable cette question s’est heurtée à un
dats équato-guinéens. refus catégorique… J’ai donc estimé que je me devais
de garantir la sécurité de mes compatriotes et j’ai dé-
En août 1972, le
cidé la mise en place permanente d’un poste léger de
Conseil de Ministres
gendarmerie sur ces îlots gabonais5 ».
de la République
gabonaise, suivant À la suite de quoi, la Guinée Équatoriale saisira le
en cela une tendance Conseil de Sécurité des Nations Unies par une lettre
courante à l’époque, au ton pour le moins aussi alarmiste qu’éloigné de la
décidera de porter à réalité : « Le gouvernement du Gabon, après avoir porté
100 milles marins les ses eaux territoriales à 170 milles, en date du 23 août, a
limites de ses eaux ter- envahi toutes les îles de la Guinée Équatoriale : Elobey
ritoriales. Cette me- Grande, Elobey Chico, Corisco, ainsi que les îlots voisins
Photo 3 - Vue de l’île Mbanié sure suscitera de vives de sa province de Rio Mouni. Les quatre gardes qui gar-
(ph. G. Rossatanga-Rignault, 2007) réactions des autorités de Guinée Équatoriale qui daient l’île et 24 Guinéens originaires de Corisco ont été
Le 23 août 1972, le Gabon estimeront que par cette extension, le Gabon visait arrêtés, maltraités, torturés, ligotés, entravés comme des
débarquera un détachement de un objectif : englober dans ses eaux territoriales les bêtes. Au cours de cette semaine, le gouvernement gabo-
gendarmes sur l’île de Mbanié et en
délogera les éléments équato-gui- îles équato-guinéennes de la Convention de 1900 nais a placé des bateaux de guerre dans l’estuaire du Rio
néens qui y bivouaquaient. faisant face à ces côtes (Corisco, Elobey Grande, Mouni et autour des îles. Nos embarcations qui assuraient
Elobey Chico), auxquelles ils ajoutaient désormais la liaison Kogo-Corisco ont toutes été coulées. Faute de
Mbanié, Conga et Cocotiers. communication avec les îles, nous ignorons le sort subi par
leurs habitants à la suite de cette agression flagrante. Le
Le 23 août 1972, le Gabon débarquera un dé-
gouvernement de la Guinée Équatoriale sollicite l’inter-
tachement de gendarmes sur l’île de Mbanié et en
vention immédiate du conseil de Sécurité afin que le gou-
délogera les éléments équato-guinéens qui y bivoua-
vernement gabonais retire ses forces des eaux territoriales
quaient (photo 3). Le Chef de l’État gabonais jus-
de la Guinée Équatoriale…». Bien entendu, le Conseil
tifiera ainsi l’opération : « Alors que les négociations
de Sécurité ne pouvait condamner le Gabon à la suite
étaient en cours, ces derniers mois, des campements de
pêche installés sur les îlots non habités de Mbanié et de d’une aussi grossière dénonciation, assez illustrative
Cocotiers, faisant partie du territoire gabonais, ont été
agressés et chassés par une force armée en provenance 5. Agence Gabonaise de Presse, 10 septembre 1972.

168
Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié

par ailleurs de la tendance de la Guinée Équatoriale différend en cause. Cette Commission soumettra son
à camper le rôle du pauvre petit poucet face au grand rapport aux quatre Chefs d’État qui se réuniront à
méchant loup gabonais. Brazzaville dans les meilleurs délais6 ». Malgré ces
engagements, la « guerre des ondes » allait reprendre
De Dar-es-Salam (Tanzanie) où se tenait son som- de plus belle.
met (7-9 septembre 1972), la Conférence des Chefs
d’État et de Gouvernement d’Afrique centrale et Le 4 octobre 1972, sur radio Bata, le Président
Orientale allait confier une mission de médiation équato-guinéen lancera un ultimatum à son homo-
aux chefs d’État de République Populaire du Congo logue gabonais le sommant d’évacuer Mbanié avant le
(Marien Ngouabi) et du Zaïre (Mobutu Sese Seko) 17 octobre, faute de quoi la Guinée Équatoriale « pas-
en vue d’aider au règlement « par des voies pacifiques serait à l’action ». Dans la foulée, le Président Fran-
et dans un esprit de bon voisinage, de solidarité et de cisco Macias Nguema invitera les populations fang
fraternité africaine » du différend opposant le Gabon à du Woleu-Ntem7 à ne plus reconnaître l’autorité de
la Guinée Équatoriale. Libreville sinon à faire sécession pour s’unir à la Gui-
née Équatoriale.
En exécution de ce mandat, les présidents équato-
guinéens et gabonais allaient être invités à un som- Le 10 octobre suivant, le Président gabonais, en
met le 17 septembre 1972, à Kinshasa (Zaïre) dont grand uniforme de général d’armée aérienne et ès-
on retiendra que « à l’issue des entretiens qui ont eu qualités de chef suprême des armées, tiendra une
lieu dans un climat de compréhension mutuelle et fra- conférence de presse à la Maison du Parti de Libre-
ternelle, Leurs Excellences le Président Albert Bernard ville devant les membres du gouvernement, ceux du
Bongo et le Président Francisco Macias Nguema ont Bureau Politique du parti unique, le Parti Démo-
cratique Gabonais (PDG), les députés et le corps
décidé ce qui suit :
diplomatique.
- régler leur différend dans le cadre africain et par
des voies pacifiques ; Après avoir fait l’historique du différend et rap-
pelé que depuis le sommet de Kinshasa le Gabon
- renoncer à tout recours à la force ; s’était abstenu de toute déclaration, il annoncera
- cesser immédiatement toute forme d’attaque réci- sa descente personnelle sur le terrain le lendemain,
proque dans la presse tant écrite que parlée. afin de voir F.M. Nguema exécuter son ultimatum.
À cet effet, les quatre Chefs d’État ont convenu de Peu avant le départ d’Albert Bernard Bongo pour
créer une Commission groupant les représentants de
la République Populaire du Congo, de la République
6. Communiqué final du sommet de Kinshasa, 17 septembre 1972.
gabonaise, de la République de Guinée Équatoriale
et de la République du Zaïre en vue d’étudier tous les 7. Province septentrionale du Gabon, le Woleu-Ntem est habité
par des populations d’ethnie fang. Cette ethnie est aussi celle à la-
aspects du problème, de procéder à toutes les consulta- quelle appartenait le Président Francisco Macias Nguema alors que
tions nécessaires et de recommander les voies et moyens son homologue gabonais était issue d’une ethnie du sud-est du Gabon,
susceptibles de conduire à la solution définitive du les Téké.

169
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Mbanié8, le Bureau Politique du PDG publiera une Si le problème de fond n’était pas réglé, malgré l’en-
motion par laquelle il « exprime au Président de la Ré- thousiasme de la presse congolaise de l’époque9, au
publique, Chef des Armées et Secrétaire Général du Parti moins les velléités guerrières étaient remisées.
ses plus vives félicitations et élève la plus vive protestation
Le réchauffement des relations entre le Gabon et la
contre les menées subversives et grotesques du délinquant
Guinée Équatoriale allait se manifester par une pre-
Macias Nguema ; félicite les populations Fang du Woleu
mière rencontre entre les deux Chefs d’État à Libre-
Ntem pour leur attitude patriotique ; rappelle au peuple
ville, en juillet 1973. Cette rencontre au sommet sera
frère de Guinée les liens séculaires qui existent entre les
suivie d’une visite officielle du Président Francisco
peuples frères du Gabon et de Guinée Équatoriale et l’as-
Macias Nguéma au Gabon, en juillet 1974, avant que
sure de son appui total dans ses aspirations légitimes pour
le Président Albert Bernard Bongo ne se rende à son
se libérer du joug tyrannique de Macias Nguema ».
tour en visite officielle en Guinée Équatoriale. C’est
Il était temps pour les médiateurs de se remettre à du reste au cours de cette visite que sera signée, le
l’ouvrage. Ils enverront pour ce faire des émissaires 12 Septembre 1974, la Convention de Bata (Guinée
dans les deux capitales avant que ne se tienne le deu- Équatoriale) déterminant les frontières terrestres et
xième sommet de la médiation à Brazzaville (11-13 maritimes entre le Gabon et la Guinée Équatoriale.
novembre 1972), dont les discussions laborieuses ac-
Cette convention allait venir expliciter et préciser
coucheront d’un communiqué final selon lequel :
ce qui ne l’était pas dans la Convention de 1900, tout
« 1. les Présidents Bongo et Macias se sont mis en adaptant les lignes tracées en 1900 (à Paris) aux
d’accord sur : effectivités sur le terrain et en fixant une frontière ma-
A. la neutralisation de la zone litigieuse dans la baie ritime qui n’avait pu l’être en 1900.
de Corisco ;
Ainsi, au niveau de la frontière terrestre, les tracés
B. la délimitation par la Commission ad hoc de au cordeau de Paris allaient connaître quelques amé-
l’OUA des frontières maritimes entre la République ga- nagements afin de tenir compte des effectivités sur le
bonaise et la République de Guinée Équatoriale dans la terrain au profit des deux États.
baie de Corisco, conformément à l’esprit de la Charte de
l’OUA ; et À titre de rappel, la Convention de Paris fixe
deux lignes :
2. se sont engagés à se conformer à l’esprit de la Confé-
rence de Brazzaville du 11 au 13 novembre 1972 ». - la première (ouest-est) part « du point d’intersection
du thalweg de la rivière Mouni avec une ligne droite
tirée de la Pointe Cocobeach à la Pointe Diéké. Elle re-
8. Il y sera accompagné par M. Georges Rawiri (ministre des Affaires montera ensuite le thalweg de la rivière Mouni et celui
Étrangères), le Lieutenant-Colonel Raphaël Mamiaka (ministre de
l’Intérieur), M. Jérôme Okinda (ministre de l’Éducation Nationale),
M. Paul Okumba d’Okwatsegue (haut Commissaire à l’Information), 9. La Une de l’hebdomadaire congolais La Semaine de Brazzaville
le Général Georges Nkoma (Commandant Supérieur de la Gendarme- (édition du dimanche 19 novembre 1972) annonçait triomphale-
rie Nationale) et du Général Nazaire Boulingui (Chef d’État Major ment : « Le Gabon et la Guinée Équatoriale réconciliés grâce à la
des Forces Armées Gabonaises). médiation des Présidents Mobutu et Ngouabi » !

170
Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié

2° 10’ N
Ebebiyin

2° 06’ 30” N
de la rivière Outemboni jusqu’au point où cette dernière insérer complète-
rivière est coupée pour la première fois par le 1er degré de ment Medouneu 2° 00’ N
latitude nord et ce confondra avec ce parallèle jusqu’à dans le territoire
son intersection avec le 9e degré de longitude est de Paris territoire cédé à la
gabonais en gri- Guinée Équatoriale 1° 56’ N
(11°20’ de Greenwich) » ; gnotant une petite Ngong
- la deuxième (sud-nord) va du méridien 9° est de partie du territoire
Paris « jusqu’à sa rencontre avec la frontière méridionale guinéen de 190011. ligne frontière de 1974
de la Colonie allemande » (Kamerun). 200 km
2
suivant le cours
Sur la façade at- de la rivière Kyé
Les lignes-frontières de 1900 constituées par les lantique, la Conven-
parallèle 1° de latitude nord et le méridien 9° de lon- tion de 1974 trace la
1° 37’ 30”
gitude est de Paris sont, chacune, « brisées » à un point frontière maritime Mongomo
précis. Ainsi, du Sud au Nord, le méridien 9° est de en prolongeant par
Paris se voit remplacé à mi-parcours (entre les villes une droite vers la GUINÉE
ÉQUATORIALE GABON
guinéennes de Mongomo et Ebebiyin) dans sa fonc- haute mer la fron-
tion de frontière par le cours de la rivière Kyè (fig. 3). tière terrestre abou-
Le résultat en est que, dans la zone dite des 3 fron- tissant sur le thalweg ligne-frontière de 1900 G. ROSSATANGA-RIGNAULT,
S. CHARRIER
tières (Gabon-Guinée-Cameroun), le pont-frontière du Rio Mouni. 11° 20’ E
se trouve en réalité en totalité sur le territoire gabonais
Enfin s’agissant des
de 1900 (article 2.2 de la Convention de Bata)10. Figure 3 - Modification du
îles, ce texte réaffirme l’appartenance des îles Corisco tracé de la frontière au
méridien 9° est de Paris
Le cours de la rivière Kyé étant plutôt capricieux, et Elobey à la Guinée Équatoriale et Mbanié, Conga et (au long de la rivière Kyé)
un peu plus bas c’est le territoire guinéen de 1900 Cocotiers au Gabon12.
qui est grignoté. Ensuite, la perte est encore plus
«Tout est réglé avec la Guinée Équatoriale » pou-
manifeste pour le Gabon entre Mongomo et Ngong
vait donc titrer le quotidien gabonais L’Union du 20
(200 km2 !, fig. 3).
septembre 1974 (fig. 4). Une entente cordiale allait
De même, l’axe ouest-est qui se confond avec le s’instaurer entre les deux pays jusqu’au début des
1er degré de latitude nord jusqu’à l’intersection de années 1980. Entre temps, Macias Nguéma avait
ce parallèle avec le 9e degré de longitude est de Paris
(11°20’ de Greenwich) opère une légère courbe pour
11. Article 2.1 : « La portion du district de Médouneu située en
territoire guinéen, au-delà du parallèle du 1w degré de latitude Nord,
10. Article 2.2 : « …La République gabonaise cède à la République est cédée à la République gabonaise et fera désormais partie intégrante
de Guinée Équatoriale, d’une part, une portion de terre située autour des du territoire de celle-ci ».
agglomérations de Ngong et Allen et comprenant lesdites agglomérations et,
d’autre part, une portion de terre de 1km dont l’un des sommets est le lieu 12. Article 3 : « Les Hautes Parties Contractantes reconnaissent, d’une
dit Carrefour International. Ces deux portions de terre, qui seront d’une part, que l’île Mbanié fait partie intégrante du territoire de la République
superficie totale équivalente à celle cédée à la République gabonaise, feront gabonaise, et d’autre part, que les îles Elobey et l’île Corisco font partie
désormais partie intégrante de la République de Guinée Équatoriale ». intégrante du territoire de la République de Guinée Équatoriale ».

171
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

été renversé en 1979 par Théodoro Convention de 1974. Il finira par le faire à partir
Obiang Nguema, son neveu et officier des années 2000, quand l’amnésie de l’autre partie
d’ordonnance. deviendra difficilement tolérable.
La coopération entre les deux pays La tension s’accroîtra régulièrement du fait d’actes
était si bien lancée qu’ils allaient inamicaux de la Guinée Équatoriale (arraisonnement
conclure, en 1979, un accord de coopé- de navires marchands ou et de chalutiers dans les eaux
ration pétrolière qui vivra ce que vivent considérées par elle comme étant les siennes etc...).
les roses puisque, après avoir été révisé Et c’est dans ce climat que s’ouvrira, en août 2003, la
en 1982, il sera ensuite dénoncé par la première médiation du Secrétaire Général de l’ONU
Guinée Équatoriale. (Koffi Annan) conduite par le Canadien Yves Fortier.
Cet acte qui montrait l’idée que la Cette médiation qui visait à trouver une solution
Guinée Équatoriale se faisait de ses négociée «gagnant-gagnant» (sur le tracé des frontières
engagements internationaux était le comme sur la mise en place d’une Zone de dévelop-
signe précurseur de la résurgence d’un pement conjoint) allait s’arrêter en octobre 2006, sans
différend qu’on croyait définitivement autre forme de procès. Et sans résultat. De fait, si les
résolu en 1974. En effet, à la fin des deux parties avaient fini par s’accorder sur le principe
années 1980, la Guinée Équatoriale de la mise en place d’une Zone de Développement
allait, après une décennie d’accalmie, Conjoint ou Joint Development Zone (JDZ), elles n’ar-
à nouveau recommencer à revendiquer riveront pas à harmoniser les positions sur la superficie
officiellement les îles Mbanié, Conga et de ladite zone : la Guinée Équatoriale la situait au sud
Cocotiers, et demander qu’il soit pro- du 1er degré de latitude nord (donc en totalité dans
cédé au tracé de la frontière maritime les eaux gabonaises entre Cocobeach et Libreville),
quand la partie gabonaise n’attendait alors que le Gabon la proposait de part et d’autre de
qu’une démarcation. ce même parallèle. Quant aux discussions sur la fron-
tière maritime, le dialogue de sourds y était encore plus
Sans accepter le principe d’une né- manifeste. Autant le Gabon était disposé à quelques
gociation visant à fixer des frontières, aménagements de la Convention de 1974, autant la
le Gabon, dans un souci constructif Guinée, campant sur le déni, exigeait la table rase.
mais regrettable13, ne brandira pas
Figure 4 - « Une » du quotidien pour autant au début des échanges la Succédant à Koffi Annan au poste de Secrétaire
gabonais L’Union (20 septembre Général des Nations Unies, Ban Ki-moon allait pro-
1974) annonçant la fin du
différend suite à la signature de la
poser, en avril 2008, une nouvelle médiation aux par-
convention frontalière 13. Cette attitude, guidée par les idéaux de paix et de bon voisi- ties, conduite cette fois par le Suisse Nicolas Michel
nage ayant toujours caractérisé la diplomatie gabonaise, sera consi-
dérée par la Guinée Équatoriale, d’abord, comme une marque de
jusqu’alors Secrétaire Général adjoint de l’ONU char-
faiblesse et, ensuite, comme un motif pour nier l’existence de la gé des affaires juridiques. Cette nouvelle médiation
Convention de 1974. avait été prévue en deux phases. La première (d’une

172
Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié

durée de 6 à 12 mois), continuation de la première elle qui contient la question que les parties posent à la
médiation, devait permettre d’essayer de trouver à Cour et dont ils attendent une réponse. Sa rédaction
nouveau une solution amiable. La deuxième phase, est donc des plus délicates, car un mot, une simple
en cas d’échec de la première, devait consister en la virgule peuvent avoir des conséquences majeures.
négociation d’un compromis juridictionnel préparant Chaque partie s’efforcera donc de faire en sorte que
la saisine de la Cour Internationale de Justice (CIJ), la question posée le soit dans des termes proches de sa
l’une et l’autre parties n’ayant pas souscrit à la clause conception du différend. La formulation définitive de
facultative de juridiction obligatoire de la CIJ. cet article suppose que soient, au mieux, rapprochées
les positions des parties. Cet exercice n’est pas aisé. Il
L’ouverture de la deuxième médiation, en juin
l’est encore moins lorsque les conceptions du diffé-
2008 à New York, allait être une nouvelle occasion rend sont aussi éloignées que le sont celles des parties
de constater la versatilité de la Guinée : alors que les à ce différend.
Parties s’étaient accordées sur l’organisation en deux
phases de la nouvelle médiation, la délégation gui- Avant d’exposer les conceptions guinéenne et gabo-
néenne allait exiger du médiateur le passage direct à la naise du différend, il est utile d’en montrer le fonde-
deuxième phase ; ce qui sera accepté par le médiateur ment, l’élément déclencheur.
comme par la délégation gabonaise.
Le fondement du différend
Six ans plus tard, cette médiation qui aura tenu
10 sessions (juin 2008, juillet 2008, mars 2009, Au-delà des revendications épisodiques de souverai-
mai  2009, novembre 2009, janvier 2010, mars 2010, neté de la Guinée Équatoriale sur Mbanié, Conga et
mai 2010, juillet 2010, mars 2011 ) n’est toujours Cocotiers, le fondement du différend réside dans un
pas terminée malgré l’engagement renouvelé des acte de la Guinée Équatoriale, le décret-loi n° 1/1999
parties lors du Sommet trilatéral ONU-Gabon-Gui- du 6 mars 1999 par lequel ce pays établit unilatérale-
née Équatoriale (New York, 24-25 février 2011) à ment ses frontières maritimes. Une telle façon de pro-
conclure le plus rapidement possible cet accord per- céder n’est pas conforme au droit international et est
mettant de saisir le juge de La Haye. éloignée de la pratique habituelle des États car ainsi que
le rappelait J. Beer-Gabel (2006) « l’histoire des délimita-
Concrètement, les parties sont tombées d’accord sur la tions nous montre avant tout que les États ont été de bons
presque totalité du texte du compromis juridictionnel et élèves. Ils ont respecté les termes de la CMB dont les articles
ne butent plus, depuis 2010, que sur le seul article 1er re- 74.1 et 83.1 énoncent que " la délimitation doit être effec-
latif à l’objet du différend (ce sur quoi porte le différend). tuée par voie d’accord " ; et de fait, dans leur écrasante
majorité, les délimitations sont opérées de cette façon ».
Les termes du différend
Outre que le décret-loi équato-guinéen de 1999
L’article consacré à la définition de l’objet du dif- affirme la souveraineté de ce pays sur Mbanié, Conga
férend dans un tel instrument international est cer- et Cocotiers, il produit une ligne frontière sans fon-
tainement la disposition la plus importante, car c’est dement juridique sérieux. Avec un non-dit de taille :

173
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Espace
maritime dans telle ou telle étude imputant
Espace maritime de la
au Gabon une autre frontière que
l a ZEE

de
GUINÉE ÉQUATORIALE
SAO TOMÉ- celle de 1974 comme on peut
GUINÉE
ET-PRINCIPE
e de

ÉQUATORIALE
le constater chez Jean Rieucau
limit

Frontière selon la convention


de Bata (1974) Punta Yeke
(2013) : « Pour le Gabon, la fron-
(Gu. éq) tière maritime passe le long d’une
ligne équidistante entre l’île de Co-
Cocobeach risco et l’îlot de Mbanié » !
(Gabon)
De même, s’il est courant de
ZONE ÉCONOMIQUE
GABON voir Mbanié qualifié dans la
EXCLUSIVE DISPUTÉE Île Mbanié
presse (mais aussi par certains au-
teurs) d’éponge à pétrole, ce qui
expliquerait les convoitises, la réa-

© IGARUN, Université de Nantes


lité est plus complexe. En effet, à
ce jour, aucune découverte d’hy-
Frontière selon le décret-loi
équato-guinéen (1999) drocarbures n’a été faite sur cette
île ou dans ses abords immédiats.
Du reste, les permis accordés par
Espace maritime du
GABON
l’un et l’autre pays dans cette zone
sont plutôt orientés vers l’Ouest,
0 10 20 km
km
Source : carte
Sources SHOM
: carte SHOMn°
n°7383
7383 G. ROSSATANGA-RIGNAULT, S. CHARRIER dans la Zone économique exclu-
sive en direction de la frontière de
Figure 5 - Lignes frontières de la
Convention de 1974 et du décret-
Sao Tomé et Principe.
loi équato-guinéen de 1999 l’inexistence d’une frontière maritime entre les deux En fait, la revendication équato-guinéenne de Mba-
pays jusqu’à cette date, donc la négation de l’existence nié vise, au-delà de la souveraineté sur ces quelques
même de la Convention de Bata de 1974.
arpents de sable, un objectif simple : en faire l’une
Comme on peut le voir sur la figure 5, entre la ligne des lignes de bases14 à partir desquelles est tracée la
découlant de la Convention de 1974 (prolongement frontière maritime entre les deux pays sur la base de
en mer de la frontière terrestre) et la ligne unilatérale l’équidistance. C’est ce qui apparaît clairement dans
équato-guinéenne de 1999, il y a plus qu’une nuance. la construction de cette ligne de 1999 depuis son
point de départ au nord.
Il convient de bien préciser que la seule frontière
maritime reconnue par le Gabon est celle de 1974 qui 14. Il convient de signaler que Mbanié est l’une des lignes de base
prolonge en mer la frontière terrestre. On ne peut donc utilisées par le Gabon pour l’établissement de sa frontière maritime
qu’être surpris par certaines affirmations contenues avec Sao Tomé et Principe (Convention du 26 avril 2001).

174
Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié

Ainsi, à partir du thalweg du Rio Mouni (marquant s’appliquer aussi simplement, comme on l’a vu dans
la fin de la frontière terrestre), une première droite est l’affaire de la délimitation du plateau continental
tirée dans le sens nord-sud, à équidistance de la côte entre la France et le Royaume-Uni par rapport aux
gabonaise et des îles guinéennes d’Elobey Grande et îles anglo-normandes, situées près des côtes françaises
Elobey Chico. Une deuxième ligne est tirée dans la et loin des côtes britanniques. On se souviendra que
direction nord - sud-est entre la côte gabonaise et l’île la Grande-Bretagne demandait au tribunal arbitral
guinéenne de Corisco. La troisième ligne, orientée de considérer ces îles comme des États insulaires dis-
nord - sud-est est tirée à équidistance de Mbanié et de tincts. Le tribunal a repoussé la thèse britannique
la côte gabonaise au niveau de la Pointe Buyamba. La d’une ligne médiane à tracer entre le territoire conti-
troisième droite est orientée nord-sud-ouest à équi- nental français et les îles anglo-normandes dès lors
distance entre Mbanié et la côte gabonaise au niveau que les îles anglo-normandes doivent être considérées
de la Pointe Akanda et du Cap Estérias. À partir de ce comme des îles du Royaume-Uni et non pas comme
dernier point, la frontière établie par le décret-loi gui- des États semi-indépendants « jouissant d’un titre par-
néen de 1999 est une ligne oblique orientée est-ouest ticulier à leur propre plateau continental vis-à-vis de
jusqu’à la frontière de Sao Tomé. la République française ». En définitive, le tribunal
n’accordera à ces îles qu’une semi-enclave de 12 milles
En définitive, et cela saute aux yeux sur la figure 5, nautiques (Zoller, 1977).
les desseins équato-guinéens sont limpides : plus que
Mbanié, c’est en réalité la Zone économique exclusive Or, c’est bien ce système qui a été appliqué dans la
(ZEE) gabonaise au large de la baie de Mondah (entre Convention de Bata, dont l’article 4 énonce claire-
Cocobeach et le Cap Estérias) qui est convoitée par la ment ce qui suit :
Guinée Équatoriale. « La frontière maritime entre la République de Guinée
Au-delà du caractère cavalier d’une délimitation Équatoriale et la République gabonaise sera constituée
unilatérale, on peut aussi contester la méthode de déli- par une ligne droite parallèle au 1 degré de latitude nord,
mitation utilisée par la Guinée Équatoriale, consistant et partant du point d’intersection du talweg de la rivière
à appliquer une équidistance pure et simple entre des Mouni avec le segment de droite tiré de la Pointe Coco-
petites îles et une côte continentale (gabonaises) dont beach à la Pointe Diéké.
la longueur est sans commune mesure avec la taille de Toutefois, il est concédé à la République de Guinée
ces îles. En effet, tant la convention de Montego Bay Équatoriale, autour des îles Elobey et de l’île Corisco, des
que la jurisprudence ne permettent une application portions d’eau dont les largeurs sont les suivantes :
mécanique du principe d’équidistance sans prise en
compte d’un certain nombre d’éléments, notamment Pour l’île Corisco : 1,5 milles au nord, 6 milles à
géographiques. L’application mécanique de la règle de l’ouest, 1,5 milles au sud, c’est-à-dire entre Corisco et
l’équidistance est d’autant plus critiquable ici que la Mbanié, 1,5 milles à l’est ;
Guinée Équatoriale n’est pas un État insulaire, mais Pour les îles Elobey : 0,06 milles au nord d’Elobey
un État continental disposant de territoires insulaires. Chico, 1,5 milles à l’ouest, 0,30 milles à l’est,
Or, même pour un État insulaire, la règle ne saurait 0,30 milles au sud d’Elobey Grande ».

175
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

La conception équato-guinéenne du différend il affirme  : « Le protectorat français sur la côte entre
Pour la Guinée Équatoriale, le différend qui l’op- l’estuaire du Gabon et le Cap Saint-Jean, donc aussi de
pose au Gabon est un différend territorial et frontalier l’embouchure du Mouni, remonte pratiquement à 1834,
bien que l’Espagne ne donna son accord qu’en 1842.
classique : deux États n’ayant pas la même définition
Cette même année pour Corisco, et 1854 pour Elobey
de leur frontière maritime commune et de la souverai-
Chico, la France obtint l’abandon de ces îles par les chefs
neté s’exerçant sur un groupe d’îlots, il convient qu’ils
locaux, à l’insu de l’Espagne. La France pénétra de plus
en saisissent un tiers (le juge international) afin que ce
en plus profondément dans les territoires appartenant à
dernier dise où passe exactement la frontière et à qui
l’Espagne depuis le Traité du Pardo… Il faut remarquer
appartiennent les îlots disputés.
que par le Traité du Pardo (1778), le Portugal remit à
Concevoir le différend de cette façon revient, en l’Espagne une zone qui s’étendait jusqu’au Cap Lopez…
fait, à inviter le juge à tracer la frontière et à déter- (En 1886) les Espagnols, forts du Traité du Pardo, récla-
miner la souveraineté s’exerçant sur les îlots à la place mèrent une zone allant du Cap Santa Clara jusqu’au
des États concernés, en partant du fait que les conven- Rio Campo, avec un hinterland s’étendant jusqu’au 17°
tions existantes en la matière entre eux n’ont pas réglé de Greenwich ».
ces questions. Une telle hypothèse trouve son fonde-
Bien entendu, la France ne fit jamais droit à de telles
ment dans la volonté exprimée par la Guinée Équa-
prétentions estimant que les droits que le Portugal avait
toriale de ne reconnaître comme seul instrument per-
cédés à l’Espagne par le traité du Pardo n’étaient que
tinent que la Convention franco-espagnole de 1900
de simples droits de commerce, des droits de traites
(bien imprécise, en effet, sur ces questions) et de nier,
et que, en 1778, aucun État européen ne pouvait pré-
jusqu’à l’absurde, l’existence de la Convention de Bata
tendre sérieusement disposer de droits souverains sur
de 1974 entre les deux États indépendants.
des terres africaines. Mieux, quitte à se prévaloir du
Il suit de là que le juge saisi d’une telle question Traité du Pardo, il ne reste plus à la Guinée Équato-
devrait la trancher en se servant du droit international riale qu’à revendiquer toute la façade côtière du Gabon
(en l’occurrence la Convention des Nations Unies sur de Cocobeach au Cap Lopez en passant par la capi-
le droit de la mer) et d’un certain nombre de titres tale, Libreville, et la capitale économique Port-Gentil,
historiques et autres éléments de fait dont viendraient puisque les prétendus droits accordés par le Portugal à
à se prévaloir les parties. l’Espagne en 1778 vont de l’actuelle Guinée Équato-
riale à la péninsule du Cap Lopez au Gabon !
De fait, plus que le droit international de la mer
actuel, c’est beaucoup plus sur des titres historiques Plus loin, à l’entrée « Mbane », le même auteur écrit :
que la Guinée Équatoriale fonde pour l’essentiel ses « Île. Située à 6 km au sud-est de Corisco, et à 2 km au
prétentions. On en trouve une illustration éclatante nord-est de Conga, faisant géologiquement partie de Co-
chez un défenseur militant de la cause espagnole et risco… Malgré la présence de missionnaires espagnols à
équato-guinéenne, l’universitaire suisse Max Liniger- Corisco depuis dix ans déjà, en 1896 l’île eut à souffrir
Goumaz. Ainsi, dans l’entrée « frontières » de son ou- d’une tentative d’annexion par la France. Après le traité
vrage La Guinée Équatoriale, un pays méconnu (1980), de Paris, les missionnaires Clarétiens de Corisco utilisaient

176
Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié

couramment l’île de Mbane comme base pour leur pêche, Dans une pétition15, il écrit : « Nous venons aujourd’hui
qu’ils pratiquaient avec les élèves de leurs écoles. Un plan- à l’unanimité (revendiquer) l’intégration définitive, pleine
ton de la garde coloniale espagnole était en permanence et entière sous le pavillon français. Les Benga de Cap Esté-
stationné sur Mbane… C’est le 16 mars 1843 déjà que rias au Cap Santa Clara font partie de la race Pongwé »
Lerena, obtenant l’allégeance des Benga, a reçu en faveur (Koufan et Tchudjing, 2001).
de la couronne espagnole, l’île Mbane ainsi que l’îlot Laval
et les îles Elobeyes et Corisco ». La conception gabonaise du différend
On peut constater dans l’affirmation ci-dessus des Pour le Gabon, le différend ne saurait se réduire à
arguments autant géographiques, géologiques, histo- une question de frontière (à tracer) et de souveraineté
riques que juridiques en faveur de l’Espagne et donc territoriale à déterminer. Il ne peut en être ainsi, car
de la Guinée Équatoriale. Pourtant, il est aisé de les il n’y a pas lieu de demander à un juge d’apporter des
contester. réponses qui se trouvent déjà contenues dans un ins-
Mbanié à « 6 km de Corisco ». C’est un fait incon- trument international.
testable (photo 4). Sauf que Max Liniger-Goumaz se Si le Gabon peut s’engager avec assurance dans l’exer-
garde bien de rappeler que Mbanié est située à 18 kilo- cice d’affirmation de titres historiques, d’arguments Photo 4 - De l’île Mbanié,
mètres des côtes gabonaises et à 33 kilomètres des côtes géologiques ou d’effectivités, il n’en voit néanmoins vue sur l’île de Corisco
équato-guinéennes. Mbanié « faisant géologiquement pas l’intérêt dès lors que toutes les questions soulevées (ph. G. Rossatanga-
partie de Corisco ». Fort probable comme est tout aus- par la Guinée Équatoriale Rignault, 2007)

si probable le fait que Corisco soit un prolongement trouvent leurs réponses


du socle géologique continental gabonais. « Les mis- dans la Convention de
sionnaires Clarétiens de Corisco utilisaient couramment Bata de 1974.
l’île de Mbane comme base pour leur pêche ». Possible.
Comme l’ont aussi toujours fait les Benga du Cap Es- Partant de là, le Gabon
térias (au Gabon). estime que la matière qui
est en cause ici est le droit
« C’est le 16 mars 1843 déjà que Lerena, obtenant des traités et non celui des
l’allégeance des Benga, a reçu en faveur de la couronne espaces. Dès lors, la seule
espagnole, l’île Mbane ». À supposer qu’un tel acte d’allé- question qui mérite d’être
geance soit prouvé, de quels Benga le sieur Lerena en posée au juge de La Haye
a-t-il bénéficié ? De ceux de Corisco, d’Elobey ou de est celle de savoir ce que
ceux, plus nombreux, du Cap Estérias, au nord de l’ac- la Convention de Bata dit
tuelle capitale gabonaise ? À cet égard, dans un article sur la frontière maritime
paru en 2001, deux universitaires camerounais notent entre les deux pays et sur la
que « le chef Santiago Uganda de l’île de Corisco rejette,
dès 1949, la souveraineté espagnole, proclame la sécession 15. Cette pétition est conservée aux Archives Nationales du Cameroun
et proclame le rattachement de Corisco au Gabon français. à Yaoundé.

177
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

souveraineté s’exerçant sur Mbanié, Conga et Cocotiers. Conclusion


La réponse est claire, nette et précise, contrairement à ce
qu’il en est dans la Convention de 1900. Ce faisant, le Ce différend doit également nous rappeler que la
différend tombe de lui-même. D’où le refus de la Gui- mer est à l’échelle du golfe de Guinée comme dans
née Équatoriale d’une définition de l’objet du différend bien d’autres endroits de la planète, à la fois une zone
en termes de droit des traités quand bien même, niant de droit international et une importante source de
l’existence de cette Convention de Bata, elle aurait tout richesses. C’est un espace nourricier et stratégique
loisir de venir en contester l’existence devant le juge. caractérisé par une diversité de richesses, parmi les-
quelles les ressources écosystémiques, halieutiques,
Mais l’exercice de négation de l’existence de cette minérales, minières et énergétiques. L’exploitation et
convention est fort malaisé. Le Gabon dispose, en l’exploration des océans font partie des grandes aven-
effet, de nombreux éléments prouvant l’existence de tures humaines (Papon, 1996). Dans cette « Méditér-
cette Convention. Outre le texte lui-même, des photo- ranée Guinéenne » (Dubresson et al., 1994), les enjeux
graphies et des films16 de la signature de ladite conven- maritimes concernent à la fois les États et les popula-
tion, des articles de presse et de doctrine existent17 qui tions, et renvoient aux interrelations qu’entretiennent
le démontrent à suffisance. Mais, c’est bien connu, les pays à la mer. Cette dernière apparaît ainsi comme
il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. un enjeu pour les hommes et les États, ce qui peut
Mieux, Max Liniger-Goumaz (1980), que nul ne entraîner des litiges, voire des conflits d’intérêts. Les
soupçonnerait de sympathie pour le Gabon écrit qu’en conflits frontaliers maritimes renvoient alors bien
1974, « selon Asumu Oyono, ex-Secrétaire Général de la souvent aux contentieux liés aux ressources.
Présidence de la République, lors de la réunion Bongo-
Macias Nguema, ce dernier aurait accepté la cession au Ces enjeux maritimes sont aussi d’ordre stratégique.
Gabon des îles Mbane, Cocotiers et Conga, ainsi que la Le pétrole offshore représente un atout pour l’indé-
zone de Kiosi, contre rétribution ». Il précise, plus loin : pendance énergétique, mieux, pour le développement
« En 1972, le Gabon s’empara militairement de Mbane, socio-économique des États. Ces enjeux sont égale-
avec les îles Conga et Cocotiers ; après des protestations ment économiques et sociaux, à en juger par exemple
verbales, il semble qu’en 1974 Macias Nguema ait vendu la contribution de la pêche dans les économies de
Mbane au Gabon, avec les deux autres îlots ainsi qu’une certains États appartenant à cette région et dont la
frange frontière entre Ebebiyin et Mongomo ». production halieutique porte essentiellement sur le
thon. Le transport maritime et les activités portuaires
16. Signalons que l’actuel Chef d’État de Guinée Équatoriale, Teo- participent également de façon relative aux économies
doro Obiang Nguema Mbasogo, apparaît clairement dans toutes ces de certains pays du golfe de Guinée.
photographies et films.
Au plan stratégique, le différend de l’île Mbanié
17. On notera, d’abord la contribution de M. Chemilier-Gendrau et met également en exergue la dimension sécuritaire
D. Rosenberg (1982) à l’Encyclopédie juridique de l’Afrique, où il est
signalé « la conclusion d’une convention le 12 septembre 1974 » en ma-
qui participe de la cohésion interne et externe des
tière de délimitation des frontières maritimes. On signalera aussi qu’un État. Il illustre ainsi le caractère conflictuel que peut
article de F. Constantin (1974) affirme la signature de cette convention. présenter une zone maritime, notamment lorsqu’elle

178
Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié

est stratégique. Elle révèle la défiance, très souvent Coquery-Vidrovitch C., 1963. L’intervention
issue de conflits antérieurs, qui existe entre certains d’une société privée à propos du contesté franco-es-
pays riverains. pagnol dans le Rio Mouni : la Société d’Explorations
Les espaces maritimes et leurs frontières sont alors Coloniales (1899-1924), Cahiers d’Études Africaines,
propices au développement de tensions bilatérales, vol. 4, n° 13, pp. 22-68.
voire régionales élevées, car ils présentent malgré tout Dubresson A., Marchal J.-Y. et Raison J.-P.
moins de risques de dégâts collatéraux que les inci- (dir.), 1994. Les Afriques au sud du Sahara, Géogra-
dents terrestres (Dujardin, 2009). C’est dire que les phie Universelle, tome VI, Belin-RECLUS, Paris-
enjeux liés à la sûreté des espaces maritimes sont tout Montpellier, 480 p.
aussi importants dans le golfe de Guinée. Au-delà de Dujardin B., 2009. Le Contentieux de délimita-
la revendication territoriale, les enjeux politiques liés tion des droits territoriaux en mer, La Revue maritime,
à la délimitation des espaces maritimes portent éga- n° 484, pp. 40- 47.
lement sur le dépassement de la frontière elle-même
Koufan M et Tchuding C., 2001. Un exemple de
afin de lutter contre la criminalité maritime et sur la
blocage du processus d'intégration en Afrique cen-
surveillance et la régulation du franchissement des
trale : la persistance des facteurs conflictuels entre la
frontières des espaces maritimes à protéger. De ce
Guinée Équatoriale et ses voisins francophones depuis
point de vue, le problème d’ensemble est finalement
1979, Dynamiques d'intégration régionale en Afrique
aussi celui de la sécurité de l’espace maritime.
centrale, tome 1, Yaoundé, Presses universitaires de
Yaoundé, pp. 375-385.
Mabire J.C, 1989. Elobey Grande, un différend
frontalier franco-espagnol, Mélanges de la Casa de
Velázquez, tome 25, pp. 517-526.
Références Ortolland D. et Pirat J.-P., 2007. Atlas Géopoli-
Beer-gabel J., 2006. Regard sur soixante années tique des Espaces Maritimes. Frontières, énergie, pêche et
de pratique conventionnelle, Le plateau continental environnement, Paris, Technip, 277 p.
dans ses rapports avec la Zone économique exclusive, Papon P., 1996. Le sixième continent. Géopolitique
Actes du Symposium international de Meknès, Paris, des océans, Paris, Odile Jacob, 336 p.
Pedone, pp. 13-22.
Vigarié A., 1995. La mer et la géostratégie des na-
Chemilier-Gendrau M. et Rosenberg D., 1982. tions, Economica, Paris, 432 p.
L’Encyclopédie juridique de l’Afrique, Chapitre V, L’es-
pace national, Dakar, Nouvelles Éditions Africaines,
pp. 67-101.
Constantin F. 1974. Frontières douteuses et lea-
ders incertains dans l’Afrique noire de 1974, Année
Africaine, A. Pedone, pp. 183-205.

179
Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon
Patrick POTTIER
Géographe, Université de Nantes
Fidèle-Marcellin ALLOGHO-NKOGHE
Géographe, École Normale Supérieure (ENS), Libreville
Jean-Pamphile KOUMBA
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville
Nicole NTSAME ONDO
Démographe, École Normale Supérieure (ENS), Libreville

Le Gabon est du point de vue démographique l’un Dans les régions côtières, cet accroissement démo-
des pays les moins peuplés d’Afrique, avec seulement graphique a également entraîné une augmentation des
1 802 728 habitants recensés en 2013 (RGPL 2013, pressions anthropiques sur des espaces et un environ-
DGS). Il apparaît encore plus particulier au regard de nement particulièrement sensibles. En quelques décen-
la répartition de cette population, et notamment par nies, le littoral gabonais est ainsi devenu un territoire de
la concentration de celle-ci dans des villes1 peu nom- croissance et d’attraction, porté par l’élan de l’exploi-
breuses, mais dont les plus importantes occupent une tation des ressources primaires et de la mondialisation
place structurante essentielle. Pourtant, le Gabon est dans laquelle le pays devait s’insérer. Si bien qu’au-
longtemps resté un pays sans véritables concentrations jourd’hui, il concentre une part importante de la popu-
urbaines. En 1960, le taux d’urbanisation n’y était que lation nationale (61 % en 2013), et une part essentielle
de 20 % de la population totale (Bouquerel, 1970). de la population urbaine du pays (68 % en 2013), sur
Aujourd’hui, avec 86 % de ses habitants vivant dans une surface pourtant limitée de son territoire (18 %).
des villes (RGPL 2013, DGSEE), le fait urbain est de-
Ces villes littorales apparaissent cependant forte-
venu exceptionnel et illustre en grande partie l’histoire
ment contrastées par leurs situations géographiques,
du développement économique du pays depuis ses an-
leurs poids démographiques et leurs dynamismes éco-
nées d’indépendance.
nomiques. Les clivages de croissance sont notamment
très accentués entre la métropole gabonaise, véritable
1. La définition de la ville au Gabon repose sur des critères ad- mégapole en devenir, et les autres villes littorales, tout
ministratives et démographiques. Constitue une ville, tout regrou- comme entre villes administratives et pétrolières, entre
pement humain faisant fonction administrative à partir du rang de
chef-lieu de département et ayant 2 000 habitants (Allogho-Nko- enclaves économiques de prospérité et centres urbains
ghe, 2006). Les villes sont créées par l’État, mais elles ne remplissent marginalisés, voire en décrochage économique.
pas les conditions socio-spatiales que l’on peut espérer trouver dans
une ville au sens propre du terme. Ce critère laisse croire que la ville Le Gabon, « pays presque vide,
est une simple concentration d’hommes, remplissant une fonction
administrative. Dans la réalité des faits, si concentration d’hommes aux villes bien remplies … »
il y a, naissance de besoins il y aura aussi. Pour R. Pourtier (1986), Le Gabon n’a jamais connu une population nom-
aucun village n’est devenu ville de sa propre dynamique. Le système
d’encadrement urbain s’est complètement surimposé suivant la lo- breuse, à tel point que G. Sautter (1966) y a même
gique d’étatisation. Au Gabon, les territoires urbains sont « filles souligné « le marasme démographique » qui y sévissait
de l’État ». jusqu’à la moitié du 20e siècle. À l’indépendance en

181
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

1960, le pays ne comptait qu’à peine 500 000 habitants Il n’en demeure pas moins un pays d’Afrique aux
pour une surface de 267 667 kilomètres carrés, offrant caractéristiques démographiques modestes qui le si-
ainsi une densité moyenne tout juste supérieure à 2 ha- tue au 45e rang des 54 états du continent. Après des
bitants au kilomètre carré. À cette période, Libreville années de progression significative de sa population,
n’avait capturé qu’à peine 7 % des habitants du Ga- le Gabon n’affiche encore en 2013 qu’une modeste
bon avec 31 000 citadins place en termes de densité. Au 13e rang des pays les
Mali (Allogho, 2013), dans un moins denses au monde, avec 6,7 habitants au kilo-
Congo pays où la population vi- mètre carré en 2013, il se situe sur le continent afri-
Turkmenistan vant en dehors des villes cain à peine derrière la Namibie 3 hab./km², puis la
Tchad représentait encore 80 % Lybie, le Bostwana et la Mauritanie avec 4 hab./km²
Bolivie du total. (fig. 1).
Russie À peine un demi-siècle Cet état de fait ne doit pourtant pas occulter un
Rép. Centraficaine après, l’agglomération autre point remarquable de la démographie gabo-
Gabon librevilloise avec plus naise, celui d’une concentration des populations
Kazakhstan de 800  000 habitants sur de faibles parties du territoire national, puisque
Mauritanie concentre à elle seule 86 % de la population nationale sont localisés sur
Libye 45 % de la population na- environ 1% du pays2.
tionale, dans un pays où
Guyane La concentration des populations dans les villes
la population urbaine re-
Canada est en effet l’une des caractéristiques du semis de
présente 86 habitants sur
Botswana peuplement du Gabon. Le pays s’affiche ainsi au-
100. En un peu plus de
Suriname jourd’hui comme le plus urbanisé d’Afrique, devant
50 ans, la répartition dé-
Namibie la Libye (78 % ; Banque Mondiale, 2014), loin de-
mographique villes-cam-
Islande
vant l’Afrique du Sud (64 %), le Nigeria (47 %), et
pagnes s’est donc totale-
à l’échelle mondiale il devance le Canada (82 %), le
Australie ment inversée, ce qui est
Royaume-Uni (82 %), les États-Unis (81 %) ou en-
Mongolie tout à fait exceptionnelle.
core la France (79 %). Son taux d’urbanisation de
Groënland
86 % est deux fois plus élevé que la moyenne afri-
0 2 4 6 8 10 12 14 La Gabon à l’échelle caine (40 %) et celle de la sous-région d’Afrique
Densité de population du monde est un
(en nombre d’habitants/km2) centrale (42 %). Pour un pays qui n’avait pas de
pays peu peuplé véritables villes il y a seulement un demi-siècle, la
Source : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et estimations La population au Ga- gageure est de taille.
de la population de la Banque mondiale (indicateurs du développement dans le monde,
http://donnees.banquemondiale.org), 2015 bon a triplé en 53 ans, pas-
sant de 448 000 habitants
Figure 1 - Classement des 20 nations ayant les plus faibles densités
nationales de population en 2014 dans le monde en 1960 à 1 802 728 ha- 2. Les surfaces urbaines cumulées représentent 2 828 km² (RGPH
bitants en 2013. 2013), pour 267 667 km² de superficie nationale totale.

182
Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon

LIBR
EVIL
LE
Nombre d’habitants
(par département)
La population gabonaise 700 680
est très inégalement
répartie
La répartition de la popu-
lation sur l’ensemble du ter-
ritoire n’apparaît pas régu-
lière, loin s’en faut (fig.  2). À 130 000
l’échelle des départements, les 100 000
Figure 2 - Répartition de la
écarts sont remarquables, avec 50 000 population du Gabon par
des poids démographiques 20 000 département en 2013
5 000
variant de 506 habitants au
506
Komo-Océan (Estuaire) à Owe
ndo
plus de 700  000 pour Libre- Ko
Monmo
ville (Estuaire). Et la valeur dah

médiane des poids démogra- ATLAOCÉAN


ÉQUGUINÉ
ATO E Ntem
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phiques départementaux est NTIQ
UE Noy
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de 10 300 habitants, alors que K
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13 sur 50 au total (26 %) ne Bend Aban
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comptent même pas 5 000 ha- Ogo
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bitants, et seulement 3 dépas- Etim
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sent 100 000 habitants (6 % de Ndo
lou O o
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la totalité des départements).

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Ndo Douy Ogo

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Dou idi Bayi-

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Ces trois départements (Li-

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breville, Bendjé et Mpassa) re- 0 25
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groupent à eux seuls 53 % de 50 km H ute Mon
tsila Ogoo ssa
Plate Source : RGPL 2013
Banaio - go Letili ué- aux
CON
la population nationale. Leurs GO
S. CHARRIER, P. POTTIER

poids démographiques sont


en fait liés à leurs chefs-lieux
qui correspondent aux trois principales villes du Gabon en population (celles dépassant 10  000  ha-
pays, Libreville, Port-Gentil et Franceville, et plus bitants). Seule l’une d’elles n’arrive pas à ériger son
généralement, la répartition des populations dépar- département dans ce « top15 ». La ville littorale de
tementales correspond très étroitement à celle des Gamba qui affiche 10 001 âmes en 2013, ne domine
villes et agglomérations. Ainsi, les 14 départements en effet un territoire riche que de 10 601 habitants,
les plus peuplés, dont le poids démographique est alors que d’autres, à cette échelle départementale, se
soit proche des 30 000 habitants, soit supérieur, situent au-delà sans avoir un chef-lieu dépassant les
correspondent aux 15 villes les plus importantes du 10 000 habitants.

183
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

La géographie du peu- territoire couverte par des niveaux de peuplement in-


Bitam
plement du Gabon est férieurs à 10 habitants au km² atteint même 91,5 %
Oyem donc bien marquée par le de l’ensemble du pays.
fait urbain, et cette forte
Cocobeach concentration de la popu- Libreville et « les autres »

© IGARUN, Université de Nantes


Médouneu
Makokou lation sur une faible partie
Libreville Ntoum Le peuple gabonais est donc devenu un peuple
du territoire se traduit par
Owendo Kango d’urbains. Le mouvement n’est pas forcément récent,
des densités élevées dans
les villes et aggloméra- plutôt l’est-il par son ampleur et sa concentration.
Port-Gentil Lambaréné Lastourville
tions. À l’échelle commu- Certes, pays de végétation dense, le Gabon précolo-
Koulamoutou
nale, la densité dépasse les nial ne connu pas de cité remarquable. C’est seule-
Moanda 700 habitants au km2 dans ment avec l’administration coloniale que se dessina le
Omboué Mouila Franceville 16 communes du pays et contour d’une appropriation territoriale par le semis
les 1 000 habitants au km2 urbain. Créées au départ comme autant de comptoirs,
dans 7 communes parmi points d’ancrage administratifs ou de services, ces pe-
Tchibanga Densité de population tites villes des bords fluviaux et des contours forestiers
Gamba par département en 2013
les plus peuplées. Dans la
(hab./km²) seule commune de Libre- étaient encore très modestes dans la première moitié du
Mayumba
3 700
ville, on dénombre plus de 20e siècle. Comme le souligne V. M. Nguema (2005),
50
4 000  habitants au  km2. plus que pour l’émergence de véritables villes, l’époque
N 10
7 En dehors de Libreville, les coloniale fut sans doute plus réellement marquée par
0 50 100 km 3 fortes densités de popula- le dépeuplement des villages, premiers pas d’un exode
0,5 tion au niveau communal qui connaîtra ensuite plusieurs impulsions. « En effet,
limite de département proviennent plus particu- les populations diminuent de manière inquiétante dans
Source : RGPL 2013
S. CHARRIER ville principale lièrement de l’exiguïté des les villages pour satisfaire la demande de main-d’œuvre
villes que d’effectifs de po- des chantiers à partir de 1898. D’importants recrutements
Figure 3 - Densité de population
du Gabon par département en pulations élevés. En effet, 5 sont opérés dans les villages »…(Nguema, 2005). L’élan
2013 des 16 villes les plus peuplées du pays ont chacune fut ainsi donné, et le relais du développement urbain
une superficie totale inférieure à 10 km². fut ensuite pris par les politiques nationales de l’indé-
pendance, puis le développement économique des ma-
Analysée à l’échelle des départements, l’écart des
tières premières et de leurs exportations.
densités est très important, de la plus forte à Libre-
ville aux plus faibles situées pour certaines en dessous Libreville déjà pressentie dès le début du 20e siècle
de 0,5 habitant au km². À cette échelle, la faiblesse du pour devenir le point d’ancrage du pays au reste du
peuplement du Gabon apparaît nettement (fig.  3). monde, est le symbole de cette concentration urbaine
32 des 50 départements représentant 77 % de la sur- qui ne fit que s’accélérer avec l’indépendance. Avec
face totale du pays n’affichent en effet des densités 31 000 habitants en 1960, la ville ne cessa de croître,
qu’inférieures à 3  habitants au km². Cette part du au rythme d’un développement économique porté

184
Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon

notamment au début des années 1970 par l’avènement dessous de Libreville dans la hiérarchie urbaine, appa-
du Gabon au 4e rang des pays producteur de pétrole raissent neuf « métropoles régionales » ou villes moyennes
en Afrique. En une décennie, la capitale est passée de (Madébé, 2014) qui correspondent à tous les chefs-
77 000 habitants en 1970 à 200 000 en 1980, soit un lieux de province (huit en plus de Libreville). Seule
apport de plus de 12 000 nouveaux citadins par an. la ville de Moanda, à l’ombre de Franceville et ainsi
Cette progression n’eut de cesse, 419 596 habitants en deuxième centre urbain du Haut-Ogooué, accède à ce
1993, 663 938 en 2003 et 807 095 en 2013 (fig. 4). niveau dans la hiérarchie urbaine sans être capitale pro-
L’agglomération librevilloise est ainsi passée de 7 % vinciale. Cette organisation spatiale reflète une volonté
de l’ensemble de la population nationale à 45 %, en à ancienne de contrôle
peine un demi-siècle. De 1970 à 2013, la ville a ainsi administratif du ter- Nombre
d’habitants
dû absorber une croissance de 730 095 habitants, soit ritoire, coloniale puis
postcoloniale, et illustre 900 000
un flux continu équivalent à près de 17 000 nouveaux
résidents par an, sur une période aussi longue de 43 an- une remarquable sta- 800 000
nées ! Si une comparaison était pertinente à ce niveau bilité dans ce maillage,
d’analyse, c’est un peu comme si une petite ville fran- dont les anciens postes 700 000

çaise comme Troyes, qui comptait 75 000 habitants en administratifs furent au


600 000
1968, avait aujourd’hui pratiquement dépassé la ville tout début du 20e siècle
de Marseille (862 000 habitants en 2012)… La ville de les premiers ancrages 500 000
Troyes, qui comptait en 1970 un poids démographique (Pourtier, 1989).
400 000
à peu près équivalent à celui de Libreville, rassemble Il n’en demeure qu’au-
aujourd’hui seulement 60 528 habitants ! jourd’hui, c’est bien le 300 000

Par son poids exceptionnel et son pouvoir de capta- modèle macro-cépha-


200 000
tion démographique, l’agglomération librevilloise do- lique du développement
mine très largement l’armature urbaine du Gabon. Ma- urbain gabonais, et 100 000
débé (2014) a souligné qu’elle avait bien au-delà de « sa donc de répartition de
dimension économique et culturelle,… un double statut sa population qui est le 0
2013
1950 1960 1970 1980 1986 1993 2000
de capitale nationale et de chef-lieu de province ». Et dans plus remarquable. Sur
Années
l’organisation de l’espace national par les polarités ur- les traces du géographe
Figure 4 - Évolution de la
baines3, le rang administratif est essentiel, si bien qu’au Jean-François Gravier (1947), les jeunes générations population de Libreville de
de géographes du Gabon peuvent ainsi paraphraser 1950 à 2013
le « Paris et le désert français », en « Libreville et le désert Sources : RGPH (1950 à
3. Dans l’approche proposée par Madébé (2014), la hiérarchie des gabonais » (Allogho, 2013), ou encore « Libreville et 2003), RGPL 2013
villes est obtenue « grâce à la taille démographique de chaque centre la forêt vierge gabonaise » ! C’est en tout cas vrai sur
et à l’examen de trois principales variables constitutives des activi-
tés urbaines : la fonction administrative, la fonction commerciale
le plan démographique, tant l’hégémonie de la capi-
et de services, le niveau d’infrastructure et d’équipements ». Pour tale du pays est grande. Avec près d’un gabonais sur
ces trois variables, 28 éléments de référence ont été retenus. deux à Libreville, Paris pourrait même paraître par

185
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

CAMEROUN
Bitam
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Libreville - Owendo -
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GUINÉE
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ÉQUATORIALE
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« Le Gabon lumineux »
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(1,07 millions d’habitants


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en 2013, soit 60 % de
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la population du Gabon
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Lambaréné
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sur 11 % de son territoire)


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© IGARUN, Université de Nantes


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Mouila
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Omboué
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Franceville
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Villes de plus
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Tchibanga
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Gamba
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de 1 000 habitants
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CONGO
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(en 2013)
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807 095 hab.


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bassin sédimentaire côtier


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Mayumba
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autres régions du Gabon


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100 000
25 000
10 000
1 003
Sources : Recensement Général de la Population et des Logements du Gabon de 2013 (RGPL 2013) # villages
DGS (Décembre 2014), Institut National de Cartographie (2008) S. CHARRIER

Figure 5 - Répartition de la population des villes et des villages au Gabon

186
Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon

comparaison bien partageuse avec ses autres sœurs DGS), 8 villes chefs-lieux de province ou de départe-
urbaines françaises4… Surtout, Libreville n’a pas de ment (du Nord au Sud : Cocobeach 2 327 habitants ;
concurrente parmi les autres villes du pays, tant l’écart Ntoum 46 873 ; Kango 1 975 ; Lambaréné 38 157 ;
en nombre d’habitants est grand. La seconde ville du Omboué 2 173 ; Gamba 10 001 ; Mayumba 4 365 et
Gabon, Port-Gentil, n’a que 134 632 habitants, loin Ndindi 1 325), et environ 875 villages (INC, 2008).
derrière les 807 095 de l’agglomération librevilloise. Au-delà de ces caractéristiques d’ensemble, le litto-
Franceville n’affiche ensuite que 107  643 habitants, ral gabonais ne présente pas un développement ur-
et même si on lui ajoute les 50 646 de Moanda, qui
bain homogène. Deux grands secteurs apparaissent,
forme avec elle un ensemble urbain certes dissocié
l’un dans la partie nord, de Cocobeach jusqu’au delta
mais si proche, l’écart est encore considérable. Il l’est
de l’Ogooué, représentant le véritable secteur de re-
d’autant que les rares villes qui suivent sur la liste
groupement démographique gabonais, la façade litto-
nationale des plus de 10  000 habitants sont loin  :
rale convoitée du Gabon, et un autre au sud, de la la-
Oyem 61 160 habitants ; Ntoum 46 873 ; Lambaréné
38 157 ; Mouila 31 850 ; Tchibanga 27 954 ; Bitam gune Fernan Vaz à la frontière du Congo, peu peuplé
27 761 ; Koulamoutou 23 629 ; Makokou 20 330 ; et encore très préservé des pressions humaines (fig. 5).
Lastourville 11 730 et Gamba 10 001.
L’émergence des villes littorales gabonaises
Les villes du littoral du Gabon À l’instar des autres villes gabonaises, les villes litto-
Fort des deux contingents urbains les plus impor- rales sont issues d’anciens postes coloniaux stimulés en-
tants du pays, le littoral du Gabon5 regroupe 61 % de suite par l’État-indépendant dans les années fastes des
sa population totale, sur 18 % de son territoire natio- premiers chocs pétroliers (1973-1985). Le processus
nal6. Cette population d’environ 1 100 000 habitants d’urbanisation des villes littorales révèle le rôle déter-
en 2013 est encore plus concentrée dans les villes qu’au minant de l’État gabonais et du contexte économique
niveau national, avec 96 % d’urbains, répartis dans les de la décennie 1970 et du début des années 1980.
deux agglomérations majeures de Libreville et Port- L’histoire plus ancienne nous rappelle que ce sont les
Gentil (941 727 habitants à elles deux - RGPL 2013, Portugais qui abordèrent les premiers les côtes gabo-
naises pour y ouvrir la période coloniale. Ils y établirent
quelques comptoirs le long du littoral et de cette pré-
4. L’unité urbaine parisienne ne concentre finalement que 17 % de
la population française métropolitaine ! sence portugaise éphémère il ne reste que la toponymie
de nombreux caps, ainsi que le nom du pays (Ropivia,
5. Pour rappel, les régions littorales du Gabon correspondent à
l’extension du bassin sédimentaire côtier, qui s’étend vers l’intérieur
et Djéki, 1995). Mais c’est surtout lors de la période de
jusqu’à Lambaréné, au fond de cet entonnoir d’influences maritimes. colonisation française que fut posée la trame du réseau
urbain gabonais, y compris dans les régions littorales.
6. Pour comparaison, le littoral français concentre 10 % de sa po-
pulation sur 4 % de la surface du pays (Insee et SOeS, 2004). En À la faveur de l’abolition de la traite négrière, Libreville
Côte d’Ivoire, cette concentration représente 30 % de la population fut créée sur la rive droite de l’estuaire du Gabon en
totale sur 7 % du territoire national (Pottier et Kouassi, 2008). 1850. Quant à la ville de Port-Gentil, elle fut fondée

187
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

par l’administrateur colonial L’État-indépendant joua ensuite un rôle détermi-


Émile Gentil, dont elle tire nant dans le développement des villes, alors qu’il hérita
en partie son patronyme. en effet d’un pays fortement rural avec moins de 20 %
R. M. Nguema (2014) note de la population vivant en ville en 1960. L’État ga-
que déjà «  à cette époque, bonais s’engagea ainsi dans l’urbanisation et l’équipe-
(ces) deux villes dominaient le ment de son territoire, la production urbaine étatique
système urbain : Port-Gentil se faisant par deux leviers. Primo, il mit en place une
par son économie, Libreville politique de promotion administrative des centres ru-
par ses fonctions politiques, raux érigés à coup de décrets en communes urbaines :
à côtés desquelles subsistaient le nombre de villes s’accru exponentiellement en pas-
de petits centres administra- sant de moins d’une dizaine en 1960 à plus d’une qua-
Photo 1 - Libreville : vue sur
l’entrepôt maritime de la
tifs mal pourvus en activités rantaine aujourd’hui. Secundo, l’État initia la politique
compagnie des Chargeurs économiques…(et où) les équipements majeurs faisaient des fêtes tournantes de l’Indépendance au début des
Réunis en 1907 cruellement défaut ». années 1970, dans l’optique d’accélérer le processus
(collection S.H.O., G. P. ph.)
de modernisation et d’urbanisation du pays (Pourtier,
Pourtant, avec seulement 7 % de la population du
1989). Les capitales provinciales, essentiellement, re-
Gabon en 1960, Libreville est à l’image d’une attraction
çurent ainsi les festivités du 17 août. À cet effet, des
littorale qui ne fonctionne pas encore et d’un centre de
investissements furent entrepris par l’État : voiries ur-
gravité national plus largement dépendant des chan-
baines, édification de bâtiments administratifs, adduc-
tiers forestiers intérieurs. Au
tion en eau potable, électrification et éclairage public,
début de l’indépendance,
etc. Dans la même veine, la réception du sommet de
c’est en effet la province in-
l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1977 et
térieure de la Ngounié qui
l’organisation de la Coupe de l’Union Douanière et
est la plus peuplée du pays
Économique de l’Afrique Centrale (UDEAC) contri-
avec 17,6 % de sa popula-
buèrent à la transformation radicale de la capitale
tion, puis celle du Woleu-
gabonaise : des buildings administratifs, des hôtels
Ntem avec 17,4 %, devan-
de grand standing, des avenues, des centres commer-
çant celle de l’Estuaire avec
ciaux, etc. virent ainsi le jour. Des équipements collec-
13,7  % (PNUD, 2013).
tifs furent également édifiés : écoles primaires, lycées,
Libreville n’est alors qu’une
universités, dispensaires et hôpitaux....
porte s’ouvrant doucement
vers les échanges extérieurs Ce rôle de l’État gabonais dans l’urbanisation est par
(photos 1 et 2), et comme ailleurs à relier au contexte économique des années
Photo 2 - Libreville : vue
l’a très bien écrit R. M. 1970 (Koumba, 2011 ; Ondamba Ombanda, 2004).
prise de la jetée en 1902 Nguema (2014) qu’« un centre politico-administratif L’économie gabonaise connaît alors une période de
(collection S.H.O., G. P. ph.) longtemps resté orphelin de son territoire » , une capitale forte croissance entre 1973 et 1985, dominée par
desservant « un hinterland réduit ». les chocs pétroliers. La rente pétrolière fut largement

188
Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon

investie dans l’urbanisation du pays (Pourtier, 1989)


et Libreville comme Port-Gentil en profitèrent large-
ment du fait de leur statut respectif de capitale poli-
tique et économique. Parallèlement à cette action de
l’État-aménageur, les compagnies pétrolières participè-
rent peu ou prou à la production urbaine. Le dévelop-
pement de l’économie pétrolière dans les années post
indépendance permit ainsi aux industriels pétroliers Bassin
(Elf et Shell) de jouer un rôle prépondérant dans l’ur- sédimentaire
côtier du Gabon
banisation de Gamba et de Port-Gentil notamment.
L’activité industrielle y engendra en effet une nouvelle
dynamique qui fut le moteur de la croissance urbaine,
en particulier par l’offre de travail et de service dont les
effets entraînants sur la dynamique migratoire contri-
buèrent à l’accroissement démographique. De même,
l’édification d’infrastructures urbaines, de logements
et d’équipements socio-collectifs par les pétroliers
contribua à la modernisation et au développement
spatial des deux villes industrielles (Djéki, 1985 et
2003 ; Koumba, 2011). N

Les deux faces du littoral habité du Gabon


0 50 100 km
Le littoral gabonais apparaît déjà à l’époque coloniale
comme un territoire en pointillés, très bien illustré par
cette carte de 1943 des services des armées américaines Figure 6 - Le bassin
(fig. 6). Le réseau routier est quasi inexistant dans cette sédimentaire côtier, oublié
des infrastructures de
partie du pays, au point de se confondre presque parfai- pulations résultent en grande partie d’une politique déplacement
tement aux limites du bassin sédimentaire côtier. d’aménagement du territoire en vue d’assurer un Sur cette carte de 1943, les
Cette observation n’est pas anecdotique, car le ré- meilleur encadrement des populations. Cette dernière, limites du bassin sédimentaire
initiée par l’administration coloniale, a été poursuivie côtier semblent coïncider avec
seau viaire a toujours été au Gabon un élément struc- celles des espaces dépourvus
turant essentiel du territoire. La lecture attentive de la jusqu’à nos jours. de voies de circulation, à
l’exception bien entendu du
figure 5 du semis de peuplement actuel en donne une Ces actions planifiées ont favorisées aussi les migra- secteur de Libreville
image saisissante, où apparaissent s’égrenant le long tions qui ont largement contribué dans les décennies (éditée par l’US army
des voies (et des fleuves, principalement l’Ogooué) les 1970 et 1990 à l’accélération du développement des map service, corps of
engineers,1943).
villes et villages. Ces regroupements linéaires de po- deux principaux ancrages urbains du littoral, Libreville

189
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

et Port-Gentil qui apparaissent alors définitivement


comme les interfaces indispensables de l’intégration in-
ternationale du Gabon au reste du monde.
Les migrations internes et internationales ont ainsi
eville WOLEU-NTEM
br joué un rôle essentiel dans l’accroissement démogra-
Li

OGOOUÉ-IVINDO
phique de ces villes phares du littoral. Au recensement

© IGARUN, Université de Nantes


82 362
ESTUAIRE
de 1993 (DGSEE, 1993), près de 145 000 habitants
de Libreville étaient originaires d’une autre province,
ÉTRANGER soit 35 % de sa population, auxquels devaient s’ajouter
n 20 % de résidents nés à l’étranger (fig. 7). Ce dernier
-Ge ti MOYEN-
apport est une caractéristique de la capitale gabonaise
l
Port

OGOOUÉ
comparée à Port-Gentil, où il ne représentait que 14 %
OGOOUÉ-LOLO (de résidents 1993 nés à l’étranger)7, ou aux villes inté-
HAUT-OGOOUÉ
OGOOUÉ-
rieures de Franceville et Moanda où il fut encore plus
MARITIME faible avec environ 8 %.
NGOUNIÉ Les flux migratoires qui bénéficieront en 1986 de
Lieu de naissance des résidents l’ouverture du transgabonais reliant Franceville à Libre-
de Libreville en 1993 ville, via Lambaréné, sont ainsi venus renforcer définiti-
province locale (Estuaire) Nombre de personnes vement cette façade littorale convoitée du Gabon et de la
par lieu de naissance
autre province du Gabon NYANGA 190 583
« prospérité mondialisée ». Ces régions littorales du Nord-
étranger Ouest, entre le delta de l’Ogooué et la frontière équato-
80 000 guinnéenne, concentrent en effet aujourd’hui 60 % de
40 000
Lieu de naissance des résidents la population totale du pays, sur à peine 11 % de son
de Port-Gentil en 1993 10 000 territoire, ainsi qu’une très large majorité de ses emplois,
426
province locale (Ogooué-Maritime) N des entreprises, de ses recettes fiscales, etc. Le modèle
autre province du Gabon de l’organisation de l’espace gabonais, chorématisé par
étranger 0 50 100 km
Leroy (1995), atteint alors sa maturité dans cet « espace
limite de province
qui ne semble exister que pour l’exportation de matières pre-
mières. L’extrême concentration de l’activité dans un faible
Composition de la population en fonction du lieu de naissance des résidents nombre de places et la prééminence, toujours renforcée, d’un
Libreville 20 % 45 % 35 % Source : RGPH 1993
axe unique confort(ant) l’idée d’un Gabon, pays du vide ».
S. CHARRIER
étranger province locale autre province
Port-Gentil 14 % 55 % 31 % 7. En 1985, Libreville concentrait 75,15 % des 107 807 immigrés
du Gabon, Port-Gentil seulement 9,25 %, Franceville 3,31 % (Hebdo
Information n°119, La réglementation de l’immigration, résultats du
Figure 7 - Flux migratoires à destination de Libreville et Port-Gentil en 1993 recensement de la population immigrée de 1985, 9 août 1986).

190
Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon

Au sud, à partir de la lagune Fernan Vaz, commence une crise multiforme due à une hyper-métropolisation
un autre littoral, celui presque oublié du planifica- qui s’est soldée par une urbanisation sauvage (Allo-
teur. Son poids démographique est très faible, avec gho, 2006). Libreville souffre d’un déficit criard en
23  800  habitants environ, sur une surface d’à peine logements estimé à 80 000 habitations en 2010 et est
17 000 km². Les voies d’accès y sont rares et les villes confrontée aux problèmes de transport et de circula-
modestes (Gamba 10 001 habitants, Mayumba 4 365, tion urbaine, d’adduction en eau potable, d’électricité,
Omboué 2 173 et Ndindi 1 325). d’assainissement, etc. Le chômage y est très élevé en
se situant autour de 30 % de la population active. La
Les villes du littoral du Gabon, métropole gabonaise est également en proie à la vio-
mythe ou réalité ? lence urbaine, notamment à la consommation de plus
en plus importante de drogues et à la recrudescence de
C’est un tableau complexe et nuancé que présentent braquages par des « jeunes désoeuvrés ». Les nombreuses
ces villes littorales, suscitant un vrai questionnement grèves dans les administrations témoignent autant d’un
sur leur insertion spatio-économique. C’est que ces malaise social dû à la dégradation des conditions d’exis-
villes ont émergé dans un contexte de boom pétro- tence des populations qu’à la cherté du coût de la vie.
lier et de rente facile, que l’épuisement progressif des
gisements pétroliers ne permettrait plus de garantir Aujourd’hui, le poids démographique de Libreville
en termes de dynamique de croissance. Se pose alors correspond au sextuple de celui de la seconde ville du
l’épineuse question de l’intégration économique de ces pays, Port-Gentil, donnant ainsi une idée des dispari-
villes, délaissant les secteurs stratégiques de la pêche et tés de croissance des villes au Gabon, même si, sous
d’autres activités littorales susceptibles de prendre le d’autres aspects notamment économiques, cette se-
relais du pétrole dans une réelle volonté d’intégration conde ville du Gabon occupe une place déterminante.
économique. À plus d’un titre, ces cités qui continuent Port-Gentil concentre en effet l’essentiel de l’activité
encore à attirer les populations se retrouvent à la croisée pétrolière et du bois au niveau national8. Elle est la
des chemins. principale ville productrice de la rente pétrolière avec
Gamba. Cette rente pétrolière, outil capital de la poli-
Un réseau urbain face à une réelle crise
tique d’aménagement de l’État-central, a été fortement
de croissance
investie dans l’urbanisation des villes de l’intérieur du
Les villes littorales gabonaises sont en crise. Le réseau pays (Pourtier, 1989). La raison d’État, le besoin d’une
de villes littorales apparaît fortement hiérarchisé et occupation homogène du territoire national, ou en-
spécialisé. Il est dominé par Libreville qui occupe une core le contrôle de la population ont en effet poussé
position de ville primatiale macro-céphalique, concen- l’État à développer ces villes de l’arrière-pays, parfois
trant l’essentiel de la population, des services adminis-
tratifs, des activités économiques et des emplois. La
8. Nombreux sont les écrits lui attribuant avec ces rentes du bois et
métropole gabonaise produisait en 2010 64 % du PIB du pétrole 75 % de la production de la richesse nationale, notamment
hors pétrole et hébergeait 51 % des travailleurs sala- dans le récent Schéma Directeur National d’Infrastucture (SDNI,
riés (SDAU, 2011). Elle traverse pourtant aujourd’hui 2012).

191
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

au détriment de centres producteurs de cette rente, côtiers. Elles disposent notamment pour cela de res-
si bien que pour un certain nombre de chefs-lieux de sources d’intégration avec un domaine maritime vaste
provinces, le niveau d’équipements et de développe- où pourrait se développer une industrie de pêche per-
ment est parfois supérieur à celui des centres miniers, mettant de satisfaire la demande intérieure en produits
à l’instar de Franceville et de Moanda. halieutiques. La présence d’un domaine forestier, sava-
nicole et de terres arables pourrait par ailleurs autori-
Pour ces villes de Port-Gentil et Gamba, à économie
ser le développement de l’agriculture vivrière (bananes
mono-spécifique, le déclin pétrolier actuel est également
plantain, manioc, igname, etc.) et de l’élevage. Le dé-
un sujet d’inquiétude. Bien que pourvoyeuses de ma-
veloppement du secteur agricole traditionnel permet-
tières premières, elles sont demeurées faiblement inté-
trait alors de rompre avec la dépendance alimentaire
grées au tissu économique national et courent désormais
du pays, largement provoquée par la priorité donnée
le risque d’un décrochage économique dû à l’inflexion
pendant des décennies au développement de l’agro-
durable de leur production et à la dépréciation du baril
industrie et aux cultures de rentes. Ces régions litto-
de pétrole sur le marché international. La conjonction de
rales disposent par ailleurs de ressources touristiques
ces deux éléments se couple à deux autres facteurs struc-
évidentes sur lesquelles un tourisme balnéaire pourrait
turels que sont le sous-équipement urbain et l’isolement
se développer. De même, la proximité des parcs natio-
géographique qui pourraient finalement faire système.
naux et des aires protégées pourrait être une chance
Toutes les villes côtières du sud du Gabon, à par- pour l’émergence du tourisme durable ou naturel, dont
tir du Cap Lopez, souffrent non seulement de l’éloi- le décollage est sans doute conditionné par la mise en
gnement de Libreville, mais au-delà de l’absence de place d’infrastructures adéquates et l’insertion dans le
routes terrestres, de difficultés d’accès et de cherté des réseau mondial du tourisme. Enfin, sans doute l’inté-
transports aériens et fluvio-maritimes, synonymes de gration doit-elle également passer par une politique ac-
marginalisation spatiale et de destin précaire. Sans tive de décentralisation des ressources financières et des
véritable arrière-pays, ces petites villes du littoral sud ressources humaines, permettant aussi d’accompagner
présentent ainsi une structure urbaine lacunaire, due la mutation du tissu urbain de ces villes dont le bas
à une économie atone et/ou mono-industrielle qui niveau d’équipements ne peut garantir leur devenir.
les rend dépendantes de l’État-nourricier. Elles sont
Ainsi, entre 1973 et 2013, alors qu’au niveau natio-
toutes aujourd’hui confrontées au défi de leur déve-
nal la population urbaine enregistrait une croissance
loppement qui passe, sans doute, par une meilleure
démographique de +109 %, Gamba ne progressait que
intégration spatio-économique nationale.
de +39 %, Mayumba de +53 %, Kango +65 %, Port-
De ce point de vue, la logique rentière de l’État n’a Gentil +70 %, et même Libreville que de +92 %. Com-
pas autorisé le développement d’une économie et d’une parée aux évolutions de la majorité des villes intérieures,
industrie basées sur l’exploitation de ressources inté- Franceville avec +245  %, Oyem +173  %, Moanda
gratives nationales. L’intégration des villes littorales du +173 %, ou encore Bitam +271 %, cette tendance per-
sud au système urbain gabonais apparaît donc à présent met de souligner cette crise de croissance à laquelle
comme un véritable enjeu pour l’avenir de ces territoires les villes du littoral sont aujourd’hui majoritairement

192
Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon

confrontées. Elles sont en tout cas en « perte de vitesse » 2014), annexant les bas-fonds (voir le chapitre 12 du
d’un point de vue démographique, puisque les villes présent ouvrage), les zones humides périphériques et
littorales du Gabon après avoir concentrées 72 % de s’étalant le long des berges de l’estuaire du Komo jusqu’à
la population urbaine totale du pays en 1993, n’en présenter aujourd’hui une façade littorale urbaine de
regroupent en 2013 que 68 %. Comparée à la crois- plus de 30  kilomètres, du Port à Bois d’Owendo au
sance des populations urbaines des villes de l’intérieur sud, à la Sablière au nord. Confrontée à une réelle crise
sur cette même période (+143 %), celle des villes du urbaine, tant cette croissance fut rapide et les outils
littoral n’a finalement atteint que + 96 %. pour la contenir et la maîtriser sans commune mesure,
la capitale gabonaise est une parfaite illustration des
Le littoral reste pourtant très attractif, et impacts qu’une pareille concentration humaine non
les pressions anthropiques y sont croissantes équipée et non planifiée de plus de 800 000 habitants
peut produire sur l’environnement fragile d’un littoral
Les pressions qui s’exercent sur les espaces litto- (voir les chapitres 9, 10, 11 et 12 du présent ouvrage).
raux n’en demeurent pas moins d’une réelle ampleur
et en augmentation forte et continue. En vingt ans Cette situation est d’autant plus préoccupante que
(de 1993 à 2013), la population des territoires litto- les évolutions à venir risquent à nouveau d’être por-
raux a pratiquement doublé, passant de 600  000 à tées par une augmentation encore soutenue de la po-
1  100  000  habitants. La pression démographique y pulation urbaine de Libreville. Son pouvoir d’attrac-
a ainsi augmenté de près de 500 000 nouveaux rési- tion sans égal ne semble pas en effet devoir s’affaiblir
dents, alors que celle des territoires intérieurs n’en a dans les années à venir, même si les pôles structurants
enregistré qu’à peine plus de 300 000 supplémentaires de l’intérieur témoignent aujourd’hui d’une certaine
sur un territoire pourtant cinq fois plus grand. vitalité qu’il faut bien entendu ramener à leur échelle
de capitale provinciale modeste, souvent isolée au mi-
Les deux principales agglomérations littorales, Libre- lieu d’un territoire faiblement peuplé. Si les tendances
ville et Port-Gentil, ont bien entendu absorbé l’essentiel d’évolution enregistrées dans les deux dernières dé-
de cette croissance, avec une progression de 387 500 ha- cennies se poursuivaient, l’agglomération capitale
bitants pour la première et de 55 400 pour la seconde, pourrait compter plus d’un million d’habitants en
concentrant donc à elles seules 88 % de ce nouvel ap- 2023, et celle de Port-Gentil 160 000. Elles resteront
port de population littorale entre 1993 et 2013. sans aucun doute les points d’ancrages privilégiés des
Un tel accroissement démographique a bien évidem- populations gabonaises sur les côtes atlantiques, illus-
trant pour longtemps encore l’attraction qu’exercent
ment eu des conséquences multiples, d’autant qu’il s’est
ces espaces de développement à l’échelle du pays.
accompagné d’un essor des activités économiques et,
d’un point de vue spatial, d’une extension urbaine sans
précédent. Dans toutes les villes côtières, l’étalement s’est Conclusion
fait au détriment d’espaces littoraux fragiles d’un point Les territoires littoraux du Gabon sont à l’image de
de vue environnemental. À Libreville, l’agglomération tous les littoraux du monde, marqués par des proces-
s’est étendue dans toutes les directions (Nguema Rano, sus croissants de concentration humaine associée à une

193
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

mondialisation dont l’espace d’intégration privilégié étant concentrées, il est en effet plus aisé de les maî-
demeure l’espace maritime. L’originalité du pays est triser, même si leur intensité ne facilite pas la tâche.
toutefois réelle, tant le modèle de concentration dé- Le réseau urbain y étant très nettement hiérarchisé, il
mographique sur la seule ville capitale est exceptionnel. est ainsi plus facile d’y développer une politique d’or-
Libreville semble en effet régner sans partage sur un ganisation.
pays où les vides occupent une place dominante. Sur
Il n’en demeure que la maîtrise de ce développement
l’ensemble du territoire national, la nature encore très
urbain représente l’un des défis majeurs du Gabon de
présente y a imposé un semis de peuplement original,
demain, et que dans ce domaine, beaucoup reste en-
où s’égrènent le long des principaux axes de commu-
core à faire.
nication les villages comme autant d’éléments fleuris
d’une guirlande. Ces « linéaments de peuplement » sont
par ailleurs connectés à un réseau de petites villes fa- Références
vorisées par la reconnaissance administrative ou la ri-
chesse du sous-sol, au point de faire du Gabon l’un des Allogho-Nkoghe F., 2006. Politiques de la ville et
pays les plus urbanisés au monde. logiques d’acteurs. À la recherche d’alternatives d’aména-
gement pour les quartiers informels de Libreville, Thèse
De ces villes pourtant au nombre très limité, c’est en- de doctorat Géographie et Aménagement, Université
core sur le littoral que la seconde concentration urbaine Paul-Valéry, Montpellier, 560 p.
du pays se localise. Comparée à Libreville, Port-Gentil
peut paraître petite par sa population, mais pourtant Allogho-Nkoghe F. (dir.), 2013. Libreville, la
son poids est réel sur le plan économique. L’exploitation ville et sa région 50 ans après Guy Lasserre : Enjeux
du pétrole en a définitivement fait une autre vitrine du et perspectives d’une ville en mutation, Paris, Éditions
Gabon, favorisée également par sa position aux débou- Connaissances et Savoirs, 340 p.
chés de l’Ogooué. Ce fleuve qui a toujours permis aux Banque Mondiale, 2014. Indicateurs du dévelop-
influences maritimes de se porter loin vers l’intérieur, pement dans le Monde [URL : http://databank.ban-
jusqu’à Lambaréné, sépare en fait deux grandes par- quemondiale.org/data].
ties du littoral gabonais. Au sud, des territoires encore
Bouquerel J., 1970. Le Gabon, PUF, Paris, Édi-
largement isolés, peu peuplés où les villes sont petites,
tions Que sais-je, 128 p.
et au nord le Gabon « lumineux », celui de ce triangle
urbain Libreville/Port-Gentil/Lambaréné qui regroupe DGSEE (Direction Générale de la Statistique
60 % de la population nationale sur seulement 11 % de et des Études Économiques), 1993. Principaux résul-
son territoire (fig. 5). tats - Recensement Général de la Population et de l’Habi-
tat, Ministère de la Planification et de l’Aménagement
Sans doute est-ce là la plus grande originalité du
du territoire, République gabonaise, Libreville, 96 p.
peuplement des régions littorales du Gabon. L’occupa-
tion humaine y est marquée par de grands contrastes Djéki J., 1985. L’évolution récente de Libreville (Ga-
et cette distribution doit être perçue comme un atout bon), Thèse de doctorat de 3e cycle de géographie,
favorable à sa gestion. Les pressions anthropiques y Montpellier, 250 p.

194
Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon

Djéki J., 2003. Politiques urbaines et dynamiques Ondamba Ombanda F., 2004. Urbanisation, Atlas
spatiales au Gabon, le cas de Port-Gentil, Thèse de doc- de l’Afrique, Gabon, Paris, Les Éditions Jeune Afrique,
torat, Université Laval, Canada, 401 p. pp. 28-29.
Gravier J.-F., 1958. Paris et le désert français, Édi- PNUD, 2013. Étude diagnostique pour l’élaboration
tions Flammarion, Paris, 317 p. d’une stratégie nationale d’habitat et de développement
urbain au Gabon, ONU-Habitat, Nairobi, 142 p.
Insee et SOeS, 2010. L’Observatoire du littoral. Dé-
mographie et économie, MEDDE, Paris, 22 p. Pottier P. et Kouassi P. A. (dir.), 2008. Géogra-
phie du littoral de Côte d’Ivoire, éléments de réflexion
Koumba J. P., 2009. De villes champignons à villes pour une politique de gestion intégrée, Saint-Nazaire,
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Les Annales de l’UOB, n°14, Revue Scientifique de com/read/002797242bd3e9f6af01e].
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www.edipug.org]. Pourtier R., 1986. Le Gabon : organisation de l’es-
pace et formation de l’État, Thèse d’État, Paris I, 565 p.
Koumba J. P., 2011. L’équation du développement
des villes industrielles du Gabon, Travaux & Documents, Pourtier R., 1989. Le Gabon (tome 2) : État et dé-
n° 31, Revue scientifique de l’UMR 6590 CNRS, Nantes, veloppement, Paris, Éditions l’Harmattan, 335 p.
pp. 79-87 [URL : http://eso.cnrs.fr/spip.php?article612]. Ropivia M.-L. et Djéki J., 1995. Atlas de la forma-
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pace gabonais, revue Mappemonde, n°2-1995, Gip- nistratives des origines à nos jours, Libreville, Cergep/
Reclus, Montpellier, pp. 42-45. ACCT, 63 p.
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d’aménagement du territoire national. In Loungou Une géographie du sous-peuplement, République du
S. (dir.), Les enjeux et défis du Gabon au XXIe siècle, Congo, République gabonaise, Thèse d’État, 2 tomes,
réflexions critiques et prospectives des géographes, Paris, Paris - La Haye, Mouton, 1102 p.
Éditions Connaissances et Savoirs, pp. 79-100. SDAU, République gabonaise, 2011. Révision du
Nguema V. M., 2005. L’agriculture du Gabon, entre Schéma Directeur d’Aménagement Urbain de Libreville
colonisation et ajustements structurels (1960-2000), Pa- (SDAU) : diagnostic urbain, BNETD, Libreville 91 p.
ris, Éditions Karthala, 304 p. SDNI, République gabonaise, 2012. Schéma
Nguema Rano M., 2014. Croissance et aménage- Directeur National d’Infrastructures, Agence Natio-
ment de l’agglomération librevilloise. Pistes pour une nale des Grands Travaux, Bechtel et Living Group,
gestion de la ville de demain, in Loungou S. (dir.), Londres, 196 p.
Les enjeux et défis du Gabon au XXIe siècle, réflexions
critiques et prospectives des géographes, Paris, Éditions
Connaissances et Savoirs, pp. 101-129.

195
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon
Patrick POTTIER
Géographe, Université de Nantes
Michel MBADINGA
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville
Clet Mesmin EDOU EBOLO
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville
Pamela ROUSSELOT-LORIDAN
Géographe, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Christian JOHNSON-OGOULA
Spécialiste tourisme, Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN), Libreville

Avec plus de 950 kilomètres de côtes, une faune


riche et diversifiée, une flore luxuriante, des paysages
d’une Afrique tropicale authentique et des traditions
culturelles originales, le Gabon reste un pays aux
multiples atouts et potentialités touristiques. Les dif-
férents parcs nationaux qui s’égrènent sur la façade
atlantique sont renommés pour leurs magnifiques
paysages, une végétation littorale de mangrove et de
marais maritimes et une grande diversité faunistique.
Ils présentent de ce point de vue de réelles opportuni-
tés de développement pour le pays.
D’autant que le contexte socio-économique y est fa-
vorable, avec une population sans cesse grandissante
et surtout un accroissement des concentrations démo-
graphiques et économiques, l’évolution de l’espérance
de vie et la nette amélioration du temps de loisir, mais
aussi la demande internationale. Le Gabon pourrait à
travers le développement de ce secteur d'activité per-
mettre qu'il devienne un levier pour son économie, Photo 1 - Plage de la Pointe
mais également un atout dans la diversification de Denis, face à l’agglomération de
du modèle touristique à retenir pour les décennies à Libreville
celle-ci.
venir est plus que jamais d’actualité. Les opérateurs (ph. P. Pottier, 2012)
Pourtant, avec un flux de touristes internationaux privés comme les autorités nationales qui ont pris La beauté naturelle des côtes
très modeste, une capacité hôtelière à améliorer et conscience semble-t-il de ce réel potentiel de dévelop- du Gabon représente un atout
favorable au développement
une contribution limitée au PIB, le tourisme demeure pement, comme des enjeux qui s’y rattachent, ont vi- touristique balnéaire.
aujourd’hui une activité marginale et contrainte par siblement investi ce secteur prometteur sans toutefois
de nombreuses difficultés. Dans ce contexte, le choix en dessiner avec clarté tous les contours.

197
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Le Gabon, un pays à découvrir En dehors des principales concentrations urbaines


de Libreville et Port-Gentil sur la côte, de Lambaré-
Le Gabon affiche les couleurs de son drapeau dans
né vers l’intérieur du bassin sédimentaire et dans une
la réalité de ses paysages. Le pays est en effet vert et
moindre mesure des petites villes littorales (Cocobeach,
bleu, de végétation et d’eau, avec un patrimoine natu-
Omboué, Gamba et Mayumba), les faibles densités
rel encore largement vierge et remarquable, une flore
humaines ont favorisé une préservation exceptionnelle
d’une richesse exceptionnelle et une faune où domi-
de la nature dans les régions côtières du Gabon. Les
nent certaines des grandes espèces emblématiques de
formations végétales présentent une mosaïque de forêts
l’Afrique tropicale.
diverses, forêt humide à okoumé (à l’image de la Mon-
Le pays offre également dah, aux portes de Libreville, qui s’offre aux visiteurs
à ses visiteurs un littoral comme une découverte de la forêt tropicale - photo 2),
immense où sur près de forêt inondable, forêt marécageuse et forêt de man-
900 kilomètres de façade grove. Dans le bassin côtier plus que dans le reste du
maritime alternent des pays, ces forêts partagent l’espace avec les savanes her-
plages de sable fin bordées beuses, nombreuses et importantes en surface, offrant
de cocotiers (photo 1), de de vastes perspectives visuelles qui tranchent avec la
larges estuaires à man- compacité forestière. Bien entendu, les formations des
groves, des lagunes et des milieux humides, marais, lagunes, plaines inondées et
lacs intérieurs, ou encore complexe deltaïque très présents dans les régions cô-
des marais à palétuviers. tières complètent enfin cette mosaïque paysagère (voir
L’espace marin n’est pas le chapitre 1 du présent ouvrage).
en reste, avec une réelle
diversité biologique et Toutes ces formations végétales constituent des mi-
notamment quelques es- lieux propices à la découverte de la nature, d’autant
pèces rares. qu’elles abritent une faune elle-même remarquable
(voir chapitre 2 du présent ouvrage). Les grands mam-
Photo 2 - Forêt de la Mondah mifères sont les plus emblématiques. Les éléphants
(ph. P. Pottier, 2012) Un potentiel touristique remarquable, tout d’abord, sont nombreux et peuvent être obser-
Cette forêt située à quelques mais encore largement sous-exploité
kilomètres au nord de Libreville a
vés y compris à proximité des villes et villages, même
été classée en 1951. Elle illustre Les régions littorales du Gabon sont ainsi à l’image si bien entendu les forêts ou les savanes des régions
bien le potentiel touristique du de l’ensemble du pays. Elles offrent des paysages d’une littorales constituent leur habitat privilégié. À leurs
Gabon, car elle est ouverte au
public qui peut ainsi découvrir une
beauté naturelle reconnue et d’une richesse écosysté- côtés, les primates dont le gorille, le chimpanzé ou
forêt ombrophile sempervirente mique remarquable. Il s’agit là d’une originalité du encore le mandrill sont également abondants. Tout
à okoumé, à seulement quelques potentiel touristique qui est très orienté vers l’obser- comme les buffles et les potamochères qui sont très
kilomètres de Libreville.
vation de cette nature, même si certains sites sont souvent visibles en troupeaux dans les savanes y
plus destinés aux activités récréatives de type culturel, compris côtières, ou encore les céphalophes et les
ludique ou sportif. panthères. Dans les milieux humides, lacs, lagunes,

198
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

plaines marécageuses, mangroves et forêts inondées plus remarquables qui côtoient les côtes
ou marécageuses qui constituent une forte originalité gabonaises, il y a la tortue luth. Le pays
de ces régions littorales, les richesses de la nature sont est devenu l’un des tout premiers sanc-
également au rendez-vous. Les espèces présentes les tuaires au monde pour cette espèce me-
plus remarquables sont l’hippopotame et le crocodile, nacée qui vient pondre sur les plages de
en nombre, ou encore de façon plus confidentielle Pongara, aux portes de Libreville, jusqu’à
et exceptionnelle le lamantin qui est, à l’échelle du celles de Mayumba au sud du pays.
monde, rare, menacé et protégé.
En mer, enfin, les cétacés offrent un
De ce point de vue, le Gabon est déjà une référence spectacle naturel d’une grande majesté,
pour les touristes à la recherche du contact rappro- rorqual, baleines (photo 4), cachalots et
ché de cette faune africaine presque mythique (fig. 1). dauphins peuplant généreusement les
D’autant que cet inventaire pourrait être sans limites, eaux gabonaises. D’autres espèces emblé-
tant la diversité est grande pour toutes les espèces du matiques sont également présentes et ob-
règne animal, arachnides, insectes (dont les papillons), servables, telles que le requin, la raie manta
reptiles, oiseaux1… ou le mérou, alors que certaines, le mar-
lin, le barracuda, le vivaneau, le tarpon et
À l’approche des côtes, sur les sables des longues Figure 1 - Extrait du guide touristique Le
autre capitaine ou le pompaneau offrent
plages qui s’étendent à perte de vue, certains de ces Petit Futé, (2016)
d’importantes opportunités pour la pêche
mammifères terrestres viennent même au contact de Les principaux guides touristiques insistent
sportive, pour laquelle le Gabon s’affiche tous sur la richesse faunistique du Gabon,
l’eau (photo 3), ce qui offre des spectacles naturels
de plus en plus comme une destination de au point de l’afficher en couverture,
tout à fait exceptionnels que les professionnels de la comme un véritable « produit d’appel ».
choix.
promotion touristique tentent de mettre en valeur.
Ainsi, les représentations des éléphants, buffles et
hippopotames déambulant sur les plages sont deve-
Photo 3 - Éléphant observé au
nues comme des symboles de cette nature gabonaise contact des plages du parc naturel
omniprésente qui occupe jusqu’aux territoires les de Loango
plus improbables. Sur ces plages également, les rep- (ph. J. Bergère, 2014)
tiles terrestres des eaux saumâtres et fluviales, dont les Cette image d’une grande faune
exceptionnelle (éléphants, buffles,
crocodiles du Nil, vont à l’encontre de leurs congé- hippopotames…) venant jusqu’aux
nères marins. Parmi l'une de ces espèces marines les plages et même quelques fois jusqu’à
la mer pour s’y baigner est largement
utilisée par les professionnels du
tourisme au Gabon. Elle illustre de
1. La très grande biodiversité rencontrée dans les parcs naturels du fait non seulement la forte présence
Gabon et notamment dans les régions littorales est magnifiquement de ces animaux emblématiques, mais
traitée par Vande weghe, dans une série d’ouvrages qui leur est consa- également la continuité de la nature
crée et qui offre autant à l’analyse qu’à la curiosité, des inventaires sauvage de l’intérieur des terres
floristiques et faunistiques abondamment illustrés (Vande weghe, jusqu’à la mer.
2011, 2012, 2013).

199
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Tous ces éléments ou, au-delà du Cap Lopez, à des sites où un ancrage
qu’offre la nature urbain plus modeste souvent associé à un site lagu-
représentent autant naire (Omboué, Iguéla, Setté Cama et Mayumba) a
de gisements pour permis d’organiser l’accès et la logistique des pratiques
le tourisme à desti- touristiques (fig. 2).
nation des régions
Il faut souligner que cette nature sauvage est pré-
littorales du Gabon.
sente pratiquement partout dans les régions littorales,
Cependant, le fait
comme dans le reste du pays, mais que les conditions
remarquable qui
d’accès et de structures d’accueil font bien souvent
prédomine est que
défaut.
de nombreux sites
pourtant à très fort D’autres sites, moins orientés vers l’observation de la
potentiel demeurent nature sauvage que vers les activités récréatives de type
encore totalement à ludique, sportif ou culturel, complètent ces gisements
Photo 4 - Rorqual ou « baleine » à l’écart des pratiques à potentialité touristique et de loisirs de proximité.
bosse dans les eaux proches de
Port-Gentil et de l’offre touristique. Cette offre apparaît en effet Les belles plages de la côte gabonaise offrent tout
(ph. J. Bergère, 2014) concentrée sur quelques sites aménagés, à partir des- d’abord des paysages d’une grande qualité et d’un
Fréquentant les eaux peu pro- quels l’accès à cette nature sauvage est certes facilité, réel potentiel touristique balnéaire (photo 5). Leur
fondes du plateau continental, mais également contraint. Il s’agit notamment des sec- localisation au contact des deux principaux centres
ces mégaptères sont faciles à
observer de juin à septembre.
teurs où une ville est présente (Libreville, Port-Gentil) urbains du pays est bien entendu un atout pour leur
mise en valeur à destination des activités ludiques de
proximité et de temps limité (à la journée ou pour
le week-end), mais le potentiel pour des usages plus
destinés au tourisme, notamment international, est
Photo 5 - Plage gabonaise également évident. Il y a là un gisement exceptionnel
du parc de Pongara, dans que les guides touristiques ne manquent pas de sou-
la périphérie de Libreville,
s’offrant comme une
ligner2, mais que les structures adaptées à ce modèle
invitation à la détente.
(ph. P. Pottier, 2012) 2. Dans le guide du Jaguar Le Gabon aujourd’hui (2014), après
Disposées sur l’essentiel une photo consacrée «… aux îlots de végétation luxuriante… », la
des côtes du Gabon, les seconde image est celle de la Pointe Denis, qui offre «…des eaux
plages sont souvent de calmes et transparentes… ». Dans le guide Le Petit Futé (2016), les
grande qualité et offrent un trois premières photos offrent au lecteur une image des éléphants dans
potentiel de développement
le parc national du Loango, une autre d’une jeune maman gabonaise
touristique encore large-
ment à explorer.
avec son enfant dans les bras, et une troisième qui sous l’intitulé « Vue
aérienne du pays », représente un paysage littoral vu d’avion, avec
plage, eaux turquoises, végétation variée et luxuriante aux débouchés
d’une zone humide.

200
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

GUINÉE ÉQUATORIALE
Site touristique Cocobeach
Type de formation végétale
Observation d’espèce animale Akanda
forêt dense humide
éléphant de terre ferme
LIBREVILLE
Ntoum forêt marécageuse
baleine à bosse
Kango
dauphin forêt de mangroves
tortue marine Pongara savane des cordons
buffle littoraux actuels
savane des anciens cordons
hippopotame Réserve de de la plaine littorale
Wonga Wongué
gorille jachère, plantations
Port- et forêt dégradée
concentration ornithologique Gentil

Ogoo Lambaréné
réseau hydrographique
Site naturel particulier principal

plage remarquable, site de baignade


parc national
cirque
Akanda
nom du parc
national
Activité de détente Omboué
réserve Wonga Wongué
nautisme Iguéla Loango
limite du bassin
pêche au gros sédimentaire côtier
(de la plage ou au large)
limite d’État
pêche de la carpe du Gabon
promenade en pirogue
Setté-Cama
golf OCÉAN Gamba

Curiosité touristique culturelle ATLANTIQUE Moukalaba-


Doudou
(historique, botanique, musée...)
© IGARUN, Université de Nantes

groupée
isolée Mayumba
artisanat régional

CONGO
Sources : guides et sites touristiques N 0 50 100 km Mayumba CONGO
P. POTTIER, S. CHARRIER

Figure 2 - Attractions touristiques et de loisirs de proximité dans les régions littorales du Gabon
201
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

de pratique n’ont pas la lagune Nkomi où la mission Sainte-Anne (1887) est


encore véritablement renommée pour avoir été dessinée par Eiffel. À Lam-
investi. baréné, bien entendu, l’hôpital du docteur Schweit-
La mer offre égale- zer est un incontournable des circuits touristiques et
ment des opportunités permet d’organiser un ensemble de circuits qui va de
certes plus limitées, la ville jusqu’aux lacs accessibles par le fleuve Ogooué
mais réelles, aux sports (Onangué, Ezanga, Oguémoué, Evaro…).
nautiques. À partir des Enfin, à Libreville sans doute plus facilement que
deux centres urbains, dans les régions, les cultures locales sont présentées,
Photo 6 - Catamaran club de
Port-Gentil Port-Gentil (photo 6) notamment au musée des Arts et Traditions du Gabon
(ph. J. Bergère, 2014) plus que Libreville toutefois, les amateurs de régates et ou lors d’événements comme la Fêtes des cultures, et
Les sports nautiques sont prati- de surf peuvent trouver des sites et des structures favo- les produits artisanaux sont accessibles dans quelques
qués au Gabon, tout spécialement rables à leur passion. Dans un tout autre domaine, les marchés ou étales qui leur sont dédiés.
à Port-Gentil où le Club Nautique
organise régulièrement des
amateurs de golf peuvent s’exercer dans un environ-
nement propice. À l’image des gisements touristiques de la nature,
régates.
ceux plus particulièrement destinés aux activités lu-
Enfin, dans le do- diques, sportives et culturelles sont encore souvent
maine culturel, les ré- confidentiels et souffrent d’un déficit de promotion
gions littorales du Ga- et d’équipement. Pour les sites d’observation de la
bon offrent également nature toutefois, une originalité gabonaise est à re-
des sites aussi divers lever, celle des parcs nationaux et des réserves qui
dans leur centre d’in- constituent des portes d’entrée privilégiées de ce tou-
térêt touristique que risme de découverte.
dans leur qualité esthé-
tique. Les plus anciens Un potentiel touristique particulièrement
sont les sites des ves- valorisé dans le cadre des parcs nationaux
tiges archéologiques de et réserves
l’âge de la pierre récent
(8  000 - 3  000  BP) et Outre le fait que dans l’ensemble de ces régions
Photo 7 - La mission Ngomo, en
aval de Lambaréné du néolithique (3 000 - littorales, la très grande majorité du territoire de-
(ph. P. Pottier, 2014) 2 000 BP), notamment autour de Libreville, de Kango meure très faiblement peuplée en dehors des secteurs
Cette mission protestante et sur les côtes du parc de Loango (Oslisly, cité par urbanisés, et donc se trouve de fait dans une situa-
construite en 1898 fait partie des Vande weghe, 2013). D’autres sites d’intérêt touris- tion de protection vis-à-vis des pressions anthro-
sites touristiques culturels à visi-
ter au Gabon. Accessible de Lam-
tique culturel sont associés aux anciennes missions qui piques, le Gabon présente une autre originalité qui
baréné en pirogue sur l’Ogooué, émergent sur les bords de l’Ogooué, comme à Ngomo vient renforcer la préservation de ses sites naturels à
la mission Ngomo paraît surgir de (1898) à la sortie de Lambaréné (photo 7), ou de ceux fort potentiel touristique. Sur une surface couvrant
nulle part, enveloppée dans son
écrin de verdure tropicale.
des lagunes du Sud comme au village d’Odimba, sur en effet plus de 25 500 km² des 48 000 du bassin

202
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

sédimentaire littoral gabonais  (partie  terrestre), soit


53 % de son étendue, des mesures de classement per-
mettent de protéger encore un peu plus ces espaces
remarquables (voir chapitre 14 du présent ouvrage).
Cette proportion est exceptionnelle par son ampleur
et unique à l’échelle des régions littorales du golfe de
Guinée.
Du Nord au Sud, ces aires protégées qui ont été
mises en place pour leurs richesses faunistiques et vé-
gétales, comptent :
- à proximité de Libreville : un ensemble formé par
le parc national d’Akanda, qui est particulièrement
apprécié des ornithologistes qui peuvent y découvrir
de nombreuses espèces communes et rares ; la forêt
classée de la Mondah et l’Arboretum Raponda Walker
offrant des parcours de découverte et de formation des
richesses de la flore tropicale locale ; et le parc national
de Pongara qui renferme de magnifiques plages où les
Photo 8 - Tourisme dans le parc
savanes flirtent avec les forêts et où la ponte des tor- de Loango
tues luth demeure un spectacle très apprécié des tou- gorille, chimpanzé, hippopotame…). Cette région (ph. J. Bergère, 2014)
ristes. Ces espaces de conservation et de protection de très peu peuplée présente l’avantage d’être accessible à Ce parc national est particuliè-
la nature sont très accessibles à partir de Libreville, et partir de Libreville comme de Port-Gentil et de Lam- rement apprécié pour sa nature
peuvent ainsi se visiter en une journée. Leurs écosys- baréné, par piste et surtout par bateau ; et les contacts faciles qu’offre la
grande faune sauvage.
tèmes sont remarquables et offrent une grande diver- - plus au sud cette fois : l’ensemble formé par le parc
sité, notamment avec les forêts de mangrove très pré- national de Loango (photo 8), à 180 kilomètres de
sentes dans la baie de la Mondah et l’estuaire du Komo, Port-Gentil ; la partie côtière de celui de Moukala-Dou-
jusqu’aux plus proches périphéries de Libreville ; dou ; les domaines de chasse d’Iguéla, de Setté Cama et
- à quelques kilomètres vers le Sud, entre Libre- de Ngové-Ndogo ; ainsi que la réserve de la plaine de
ville et Port-Gentil, la réserve de Wonga-Wongué qui l’Ouanga3. Les attraits touristiques y sont multiples, les
présente sur plus de 4 200 km² (à elle seule, presque savanes, les lagunes et l’océan y concentrant à nouveau
10 % en superficie de l’ensemble des régions littorales cette richesse faunistique dont le Gabon est l’image,
du bassin sédimentaire côtier du Gabon) des paysages
remarquables avec une forte présence des savanes 3. Les réserves des Monts Doudou et le domaine de chasse de Mon-
herbeuses et une faune comptant toutes les grandes kalaba jouxtent ces aires protégées littorales, mais n’en font pas partie
espèces emblématiques du Gabon (éléphant, buffle, puisque situées en dehors du bassin sédimentaire côtier.

203
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

que ce soit pour les es- À la fin de l’année 2014, cette démarche d’aires pro-
pèces de la forêt ou celles tégées a connu un nouveau développement avec un
des milieux maritimes, projet très ambitieux, consacré cette fois aux espaces
dont les baleines à bosse ; maritimes du pays. Ces derniers ont certes déjà fait
l’objet de mesures de protection dès 2002, dans le
- enfin, à l’extrémité mé-
cadre de la création des parcs nationaux d’Akanda, de
ridionale du pays, le parc
Pongara et surtout de Mayumba, qui intègrent tous
national de Mayumba
une surface plus ou moins importante du plan d’eau
qui fut le premier parc
maritime4, mais l’annonce du classement à venir de
marin du Gabon est
23 % de la ZEE (Zone économique exclusive) du Ga-
l’un des premiers sites
bon en aires marines protégées est d’une toute autre
au monde pour la ponte
ampleur (voir le chapitre 14 du présent ouvrage). Ce
des tortues luth. Sa partie
classement annoncé par le président Bongo lors du
terrestre est limitée à une
6e Congrès mondial des parcs naturels de Sydney en
fine bande côtière.
novembre 2014, représenterait en effet en surface un
Ces territoires de pré- territoire de protection plus étendu que celui des es-
servation des milieux paces classés terrestres, tous types confondus.
naturels sont non seu-
Cette nouvelle étape dans la conservation de la na-
Photo 9 - Centre d’information lement remarquables
ture au Gabon illustre de façon évidente l’attention
sur les Tortues Marines de par leur étendue, mais également par leur mode de
Pongara portée par les autorités nationales à cette question,
gestion pour l’essentiel encadré par l’Agence natio-
(ph. P. Pottier, 2013) dont le développement touristique ne pourra que bé-
nale des parcs nationaux (ANPN), ainsi que par la
Cet écomusée créé par l’ONG néficier dans les décennies à venir. Le chemin à par-
gabonaise Aventure sans fron- volonté résolue de sauvegarde d’un patrimoine natu-
courir reste toutefois encore long dans la direction
tière (ASF) offre une information rel exceptionnel que cette politique nationale laisse
complète aux visiteurs du site de d’un secteur économique réellement porteur de dé-
apparaître. L’activité touristique peut y être encadrée
ponte du parc de Pongara. veloppement, tant les retards accumulés comme les
plus efficacement et promue dans un esprit de décou-
difficultés rencontrées sont nombreux.
verte, de compréhension et donc de respect de l’envi-
ronnement. Compte-tenu du déficit en voies d’accès
et des difficultés de déplacement dans ces régions lit- Tourisme et loisirs de proximité,
torales, les installations et activités touristiques y sont entre confidentialité et concentration
de fait localisées sur certains sites précis, le plus sou- Les activités récréatives concernent au Gabon deux
vent en contact avec l’ANPN. Les parcs offrent ainsi sphères qu’il convient de distinguer. Il s’agit d’un côté
des structures d’hébergement bien équipées, souvent des pratiques liées au tourisme réel, avec à la fois une
sous la forme d’écolodges, ainsi que des écomusées
comme celui des tortues marines à Pongara (photo 9), 4. Le parc national de Mayumba est même essentiellement marin,
qui permettent aux visiteurs d’être guidés dans leur n’englobant dans sa partie terrestre qu’une bande de plage d’un kilo-
découverte de la nature. mètre de profondeur.

204
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

rupture spatiale et temporelle (activités de détente hors et même 3 % en chiffre Nombre de touristes
du lieu d’habitation, impliquant un déplacement ou d’affaire6 (UNWTO, internationaux en 2009
voyage, et un séjour d’au moins deux jours qui néces- 2015). Les premières Cameroun 569 000
site un hébergement dans des lieux en dehors du lieu destinations africaines Angola 425 000
habituel de résidence), et d’un autre côté des loisirs de n’arrivent ainsi qu’en 27e République du Congo 194 000
proximité à la journée ou demi-journée (n’incluant pas et 28e position des pays
Gabon 151 000
de nuit sur place et aussi dénommé excursionniste). destinataires, avec pour
Ces derniers sont le plus souvent pratiqués à partir des le Maroc un peu plus de République démocratique du Congo 81 000
principales concentrations urbaines et en particulier à 10 millions de visiteurs République Centrafricaine 54 000
destination des plages du littoral gabonais. Même si et pour l’Afrique du Sud, Sao Tomé et Principe 8 000
ces deux grands types de pratique peuvent se déployer juste un peu moins. Pour Guinée Équatoriale ?
dans des lieux communs et avec des équipements par- le Gabon, les derniers
tagés, ils correspondent pourtant à des modes d’appro- chiffres connus faisaient Tableau 1 - Arrivées de touristes
internationaux dans les pays de la
priation de l’espace différents, ainsi qu’à des encadre- état en 2009 de 151 014  touristes internationaux, sous-région
ments sectoriels spécifiques. Le premier est caractérisé dont 96 431 arrivés par voie aérienne, 37 346 par voie Sources : OMT, CST Gabon
par une réelle confidentialité, alors que le second est maritime et fluviale et 17 237 par voie routière (CST,
souvent synonyme de concentration. 2011). Depuis, le pays brille malheureusement par son
absence au sein des statistiques mondiales du tourisme,
Le secteur du tourisme au Gabon si bien qu’aucun chiffre n’a été publié et que la ligne
reste encore très embryonnaire réservée au Gabon dans les tableaux de l’Organisation
Bien que les chiffres soient particulièrement diffi- Mondiale du Tourisme (OMT) reste vide !
ciles à obtenir5, il est une évidence pour tous que le En se référent aux seules données ainsi disponibles
Gabon ne fait pas partie des principales destinations de 2009, le Gabon au regard des chiffres de l’OMT
du tourisme international. Sous bien des aspects, le se plaçait au 29e rang des 42 pays africains dont les
pays ne semble pas encore sorti de la phase prétouris- statistiques avaient été publiées en 2009. Dans la
tique décrite il y a 15 ans déjà par J. Rieucau (2001). sous-région, la République démocratique du Congo,
À l’échelle mondiale, c’est le continent africain tout la République Centrafricaine et Sao Tomé-et-Principe
entier qui occupe une place encore modeste au sein du faisaient moins bien, en l’absence des données pour la
tourisme international, avec 55 millions d’arrivées, soit Guinée Équatoriale (tab. 1).
seulement 5 % de ce marché en nombre de visiteurs De ce point de vu purement quantitatif, le Gabon
apparaît donc comme une destination touristique
5. Malgré la dotation d’un Compte satellite du tourisme (CST) lui embryonnaire. Il faut dire que le pays se situe bien
permettant d’obtenir des statistiques fiables sur l’activité, le manque de loin des principaux foyers émetteurs, tout autant
données reste d’actualité. Le premier et unique rapport rendu public par
cette entité l’a été en juillet 2011. Depuis, même les informations les plus
essentielles et notamment relayées par l’OMT, comme le nombre d’arri- 6. En superficie, le continent africain représente 20 % des terres
vées aux aéroports internationaux, ne sont plus connues pour le Gabon. émergées du monde et 16 % de sa population (ONU, 2014).

205
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

25 % Autres que des promotions vi- L’originalité du Gabon est plus grande au regard
sibles du tourisme en des motifs de la visite (fig. 4). Les loisirs-vacances
Afrique. Les princi- n’y représentent en effet que 12,6 % des arrivées,
2 % Néerlandais 38 % Français
paux pays récepteurs loin derrière les motifs professionnels qui affichent
2 % Belges à plus d’un million de 67,4 % et à peine devant les motifs familiaux avec
2 % Philippins 9,4 % (CST, 2011). Le touriste international au
visiteurs en Afrique
2 % Ivoiriens subsaharienne étaient Gabon est donc avant tout un touriste d’affaires
3 % Américains en effet en 2013 (au niveau mondial, cette part n’est que de 14 % -
3 % Sénégalais (OMT) l’Afrique du UNWTO, 2015), reléguant bien loin les visiteurs
Sud (9,5 millions d’ar- motivés par la détente et la découverte du pays qui
7 % Gabonais 9 % Camerounais rivées), le Mozambique ne représentent qu’une faible proportion, comparée
7 % Anglais à celles enregistrées au niveau mondial (53 %) et
(1,88 million), le Zimba-
Figure 3 - Arrivées aériennes au bwe (1,83 million), le Kenya dans d’autres pays africains comme par exemple à
Gabon du tourisme récepteur (1,4 million), l’Ouganda (1,2 million), Madagascar (63 % des arrivées) ou encore au Séné-
des dix premières nationalités
la Namibie (1.17 million), et enfin la Tanzanie et le gal (51 %), voire en Côte d'Ivoire (20 %).
en 2009
Source : CST, 2011
Sénégal (tous deux à 1,06 million). Cette particularité d’un tourisme international
Sur le plan des principales caractéristiques de la fré- d’origine professionnelle est confirmée par la durée
quentation touristique au Gabon, l’originalité ne vient des séjours qui est très élevée au Gabon avec une
pas tant de l’origine géographique des visiteurs que du moyenne de 41 jours (cette même durée moyenne
motif du déplacement. En effet, certes la France est est de 7,2 jours en Europe, 17 à Madagascar - UN,
de loin le premier pays fournisseur avec 38 % 2016). Par type d’hébergement, il apparaît ainsi net-
Autres des arrivées (fig. 3), mais cette situation tement que les séjours professionnels sont d’une du-
est observée partout dans les pays rée importante (fig. 5) et qu’il s’agit probablement
Famille 11 % africains de l’ancienne tutelle co- pour l’essentiel de voyageur effectuant des missions
9% loniale française (47 % des en- liées à leur travail avec hébergement dans une struc-
trées à Madagascar, 43 % au ture autonome (maison ou appartement de société,
Loisirs
13 % Sénégal…). Comme pour location d’appartement). Si bien que pour l’en-
Vacances semble des nuitées des touristes arrivés par la voie
67 % l’ensemble des origines des
flux touristiques vers le aérienne, l’hôtellerie n’en a capturées que 35 %, tout
continent africain, c’est en juste au dessus des locations (privées ou en logement
Affaires fait la faiblesse des foyers de fonction) qui en ont comptabilisées 32 %.
Conférences
d’émission nord-américain Ce flux de visiteurs génère bien entendu des ri-
Figure 4 - Motif de la visite au
et asiatique qui apparaît net- chesses par les dépenses qui sont effectuées pendant
Gabon en 2009 tement, au-delà de la modestie éga- les séjours sur place, mais aussi par les emplois qui
Source : CST, 2011 lement affichée des autres origines européennes en dépendent. La contribution de l’activité touris-
en dehors de la France. tique au PIB du Gabon serait estimée à environ 3 %,

206
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

avec des recettes évaluées en 2009 à 275 milliards Durée moyenne


de séjour
de francs CFA (CST, 2011)7. Du point de vue des (en nb de jours)
dépenses du tourisme international dans le pays, les 120
dépenses hôtelières ont représentées en 2009 une
part de 48 %, ce qui n’est pas très élevé comparé par 100
exemple aux 53,7 % du Sénégal.
80
Mais surtout, cette faiblesse du tourisme interna-
Durée moyenne de séjour (tous types confondus) : 41 jours
tional est confirmée à l’analyse du poids que repré- 60
sente en proportion le tourisme interne, c’est-à-dire
celui des touristes résidents au Gabon et qui voya- 40
gent au moins deux jours dans le pays pour y décou-
vrir les principaux sites remarquables et notamment 20
passer au moins une nuit en dehors de leur logement
quotidien. Sur un volume total de dépenses touris- 0 Type
d’hébergement

so me ou

tre

m ion

ille

ion

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tiques de 702 milliard de francs CFA, le tourisme

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international n’en représentait en effet en 2009 que

ap M

ap M
ap
275 milliards, alors que le tourisme interne contri-
buait pour 427 milliard (CST, 2011). En occupation
Figure 5 - Durée moyenne du
des structures hôtelières, le tourisme international séjour au Gabon en 2009 par type
n’a représenté que 2,8 millions de nuitées en 2009, Gentil, venant renforcer sur certains sites des fréquen- d’hébergement
alors que le tourisme interne en a représenté 8,4 mil- tations encore plus limitées dans le temps, celles des Source : CST, 2011
lions, c’est-à-dire trois fois plus ! loisirs de proximité, à la journée ou la demi-journée.
Ces résultats soulignent de façon évidente les ca-
ractéristiques d’une clientèle touristique composée La concentration des fréquentations
pour beaucoup d’expatriés et de ménages gabonais de de proximité autour de quelques sites
classe moyenne ou supérieure. Ces groupes émetteurs
Pendant les fins de semaines ou les congés scolaires
du tourisme interne génèrent des séjours de courte
notamment, les plages des grandes villes du Gabon
durée, le plus souvent de week-end ou tout au plus
enregistrent des affluences quelques fois importantes.
de quelques jours et à destination des principaux gise-
Le loisir balnéaire est en effet en plein développe-
ments touristiques du Gabon (fig. 2), venant s’ajouter
ment au Gabon, même s’il reste concentré sur cer-
aux déplacements liés aux cérémonies et aux visites
tains secteurs.
familiales. Ils se développent pour l’essentiel à partir
des deux grandes villes du Gabon, Libreville et Port- En particulier à partir de l’agglomération librevilloise,
les plages du lycée Mba (photo 10), de la Sablière et
d’une moindre mesure car un peu plus éloignées de
7. Environ 302 millions de dollars US. la Pointe Denis (photo 11), d’Akouango ou du Cap

207
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

800 000 habitants, soit 45 % de la population natio-


nale (voir le chapitre 7 du présent ouvrage), mais égale-
ment avec l’accroissement des revenus et l’évolution des
modes de vies qui favorisent le développement des loi-
sirs. La jeunesse de Libreville comme les classes moyenne
et supérieure de la société, constituent ainsi une clientèle
fournie à destination des plages de la capitale.
Ces sites de fin de semaine ou de congés courts sont
également fréquentés à la journée par les expatriés et
les touristes venus pour raison professionnelle, dont
nous avons vu qu’ils étaient particulièrement nom-
breux au Gabon. Les gisements de ces loisirs de proxi-
mité sont alors plus variés, intégrant quelques curio-
sités architecturales dans la ville, les forêts classées et
Photo 10 - Fréquentation de la
plage Léon Mba.
les parcs nationaux (Akanda, Pongara) à proximité de
(ph. Z. Menie Ovono, 2015) Estérias sont prisées. On voit déjà s’y développer une Libreville ou encore quelques pratiques plus sportives
Baignade, jeux de plage, détente fréquentation qui génère de vrais espaces de loisirs comme le golf, la pêche au large ou l’observation en
ou encore promenade attirent un (photo 12), avec ses équipements de restauration, ses mer des baleines et dauphins. Des destinations un peu
public quelque fois nombreux sur
les plages de Libreville.
animations, et parfois ses embouteillages… plus distantes comme Cocobeach ou les Monts de
Cristal, Kango et le fond de l’estuaire du Komo, mais
Ces fréquentations se développent avec l’accrois-
également Nyonié vers le Sud sont toujours accessibles
sement du poids démographique de Libreville,
pour la journée à partir de Libreville. Les mêmes types
dont l’agglomération atteint aujourd’hui plus de
d’activités sont également présents à Port-Gentil où
résident de nombreux expatriés employés dans les
industries pétrolière et forestière, ainsi que d’autres
étrangers de passage professionnel et de séjour plus ou
Photo 11 - Fréquentation dominicale à moins long. Les loisirs de proximité accessibles pour
la Pointe Denis la journée comptent ainsi de belles plages (photo 13),
(ph. P. Pottier, 2012) mais aussi de nombreux équipements permettant les
Face à Libreville, après la traversée de sports nautiques (voile, surf, jet-ski notamment). Des
l’estuaire du Komo en à peine 20 mi-
nutes, les visiteurs peuvent profiter destinations un peu plus éloignées sont également
des atouts du site, pour se consacrer possibles pour un aller-retour dans la journée, sortie
à la détente et la promenade, à la
baignade, aux sports nautiques ou
en mer pour l’observation des baleines et dauphins,
encore à la pêche à la ligne. visites en pirogues du delta de l’Ogooué, soit vers le
nord de la ville en direction de la Pointe Fétiche, soit
vers le sud à destination d’Ozouri.

208
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

La concentration des populations dans ces deux plus


grandes villes coïncide à une centralisation des activités
et des pratiques de loisirs de proximité et de tourisme
Photo 12 - Fréquentation à la
dans les régions littorales du Gabon. Libreville et Port- sablière
Gentil regroupent en effet 940 000 des 1 800 000 ha- (ph. P. Pottier, 2012)
bitants du pays, soit 52 % de sa population totale (voir La plage de la Sablière est souvent
chapitre 7 du présent ouvrage), et représentent pour très animée, avec des événements
marketing, des petits cafés-restau-
l’essentiel des touristes internationaux les portes d’en- rants, et une voie juste en retrait
trée du pays et bien souvent leur lieu d’hébergement de la plage où il est bien souvent
principal. Pour ces raisons, les structures d’accueil tou- difficile de trouver à se stationner,
voire se croiser !
ristique sont elles aussi fortement concentrées, même
si certaines sont également isolées pour offrir le contact
recherché de la nature sauvage.

L’offre d’hébergement, elle aussi


entre polarisation et dispersion
Les 320 établissements hôteliers recensés en 2009
dans le cadre du Compte satellite du tourisme (CST,
2011) offraient 5 161 chambres. Même s’il n’est mal-
heureusement pas possible de disposer aujourd’hui de
précisions géographiques pour analyser dans le détail la
répartition de ces équipements, ni même de données
plus récentes et ainsi actualisées, les traits marquants de
cette offre d’hébergement sont pour l’essentiel connus et
validés à la lecture des principaux guides et sites touris-
tiques8. Dans les régions littorales, encore plus que dans
le reste du pays, c’est en effet dans les principales villes
que se concentre l’essentiel des équipements, alors qu’en
dehors, les implantations sont beaucoup plus modestes
en importance et souvent isolées géographiquement.

8. Il s’agit notamment des guides du Jaguar Le Gabon aujourd’hui


(2014) et du Petit Futé (2016), ainsi que du site http://carnets- Photo 13 - La plage SOGARA à Port-Gentil
devoyages.jeanlou.fr qui est remarquable par sa qualité et ses nombreuses (ph. J. Bergère, 2014)
informations, le très utile http://www.parcsgabon.org et les incontour- Cette belle plage est très appréciée, car elle offre un espace de détente et
nables http://www.gabon-services.com et http://www.voyagegabon.fr. d’animation de qualité à proximité immédiate de Port-Gentil.

209
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

aéroport
GUINÉE ÉQUATORIALE
liaison maritime touristique
Cocobeach
Libreville apparaît dans ce domaine comme dans
réseau routier principal
bien d’autres le lieu des principales concentrations et
parc national Akanda le pôle majeur d’attraction. Au titre de porte d’entrée
N
Akanda nom du parc national du pays, la ville fut tout d’abord la première à propo-
LIBREVILLE ser un hébergement touristique de type international,
réserve présidentielle 0 25 50 km
Pointe
Denis
avec une hôtellerie de grand standing qui se dévelop-
bassin sédimentaire côtier
Pongara
pa au début des années 1970 (Okoumé Palace ouvert
réseau hydrographique
principal
en 1972, puis Dialogue, Rapontchombo, Duwé…).
limite d’État
La capitale gabonaise est depuis restée la seule ville
du pays à pouvoir accueillir les grands événements
Port-Gentil Réserve de Lambaréné internationaux, comme récemment en 2012 la Coupe
Wonga Wongué
d’Afrique des Nations pour laquelle l’offre hôtelière
s’est encore étoffée de plusieurs implantations (Le No-
é
mad, résidence hôtelière du Phare, l’Onomo, l’Étoile
Og oou d’Or…). Elle concentre ainsi les plus grands établis-
sements du pays en termes de capacité, 330 chambres
OCÉAN au Radisson Blu Okoumé Palace, 256 au Méridien
ATLANTIQUE Re-Ndama, 140 au Park Inn by Radisson, 118 à
Omboué l’Onomo, sans aucune concurrence même de Port-
Iguéla Gentil. La capitale regroupe ainsi 50 % de l’offre glo-
Loango bale de l’ensemble des hébergements hôteliers du pays
Ville à forte offre d'hébergement (République gabonaise, 2014).
(nb estimé de chambres en 2015)
2 500 Aux alentours de l’agglomération elle-même, c’est
en fait l’ensemble de la région accessible à la journée
Setté-Cama
ou pour le week-end qui concentre une offre d’hé-
Moukalaba- bergement touristique plus variée (fig. 6). Les capaci-
© IGARUN, Université de Nantes

Doudou
Gamba tés d’accueil y sont beaucoup plus modestes, souvent
400
230 entre 10 et 20 chambres par établissement, les acti-
vités plus directement destinées à la découverte de la
nature ou aux plaisirs de la mer (baignade, sports nau-
Mayumba
tiques…), et les formes architecturales plus intégrées
Structure d'hébergement de plus faible capacité située (sous forme de bungalows - photo 14).
en dehors d'une ville principale (en nb de ch.)
Mayumba
Au-delà de cette concentration librevilloise, les deux
20 à 40
autres villes principales du bassin sédimentaire gabo-
10 à 19
Sources : guides et sites touristiques principaux, CONGO
Ministère en charge du tourisme nais, Port-Gentil sur la côte et Lambaréné sur les rives
P. POTTIER, S. CHARRIER
- de 10 de l’Ogooué, confirment que l’offre d’hébergement
Figure 6 - Offre d’hébergement dans les régions littorales du Gabon en 2015
210
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

hôtelier a besoin de cet ancrage urbain. Les deux elle révèle une partie
villes polarisent en effet les équipements, certes à une importante de la pro-
moindre échelle que dans la capitale, mais elles sont blématique du dévelop-
d’une part des lieux de destination, et d’autre part pement touristique au
de départ vers d’autres sites touristiques ou d’héber- Gabon. Elle est en effet
gements plus isolés aux alentours. Avec des profils non seulement liée au
différents, Port-Gentil attire plus pour des raisons modèle du tourisme in-
professionnelles et Lambaréné pour son patrimoine ternational qui semble
et sa région des lacs. Les capacités d’accueil y sont à aujourd’hui caractériser
un niveau plus modeste qu’à Libreville, avec à peine le mieux le Gabon et sa
400 chambres dans la ville côtière et un peu plus de promotion marketing,
200 dans la ville intérieure. tout en soulignant éga-
lement ses limites…
En dehors de ces sites urbains, l’offre d’hébergement
est extrêmement dispersée, les équipements très mo- Photo 14 - L’hôtel La Baie des

destes et souvent isolés (fig. 6). Cette offre ponctuelle La question du développement tortues Luth

est avant tout destinée au tourisme de découverte, touristique au Gabon (ph. J. Bergère, 2013)
Cet établissement, situé à la
essentiellement vers la nature. Il s’agit de structures Le tourisme au Gabon affiche donc une particula- Pointe Wingombé dans le parc
le plus souvent modestes en capacité d’hébergement, rité au regard de l’importance de la clientèle issue des national de Pongara, est face à
Libreville sur l’autre rive du Komo.
quelques fois des structures légères de campement voyages professionnels, en même temps qu’une réelle Sa disposition sous forme de
sous tente, dont la destination est avant tout d’être contradiction entre d’un côté un potentiel reconnu bungalows et son architecture
au contact d’un environnement sauvage exceptionnel. en terme de gisements touristiques, et d’un autre particulièrement soignée en font
un lieu renommé et de standing.
De ce point de vue, l’offre d’hébergement hôtelier en une activité encore très peu développée, voire même
dehors des centres urbains témoigne d’une forme de
tourisme souvent intégrée. Elle correspond ainsi plus
directement aux produits touristiques de la découverte
de l’Afrique sauvage, avec tout ce qui l’accompagne
du point de vue des représentations, d’autant que ces
Photo 15 - L’hôtel Gavilo sur la
sites ponctuels sont le plus souvent bien ancrés dans lagune d’Iguéla
leur environnement et associés à des activités de na- (ph. J. Bergère, 2014)
ture (photo 15). Cet établissement constitué de
quelques bungalows et d’une
L’offre d’hébergement hôtelier n’est qu’une forme salle commune de restauration
parmi d’autres de l’offre d’hébergement touristique est renommé pour sa situation
isolée et ses activités d’excursion,
au Gabon, qui, rappelons-le, ne représente que 35 % de découverte, de pêche et de
des nuitées du tourisme international des arrivées à ballade à pied ou en pirogue.
l’aéroport, c’est-à-dire d’une clientèle pourtant a priori
captive. Mais elle est cependant très représentative, car

211
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

Éléments prioritaires à faire évoluer


selon les passagers aériens
Visa nombre important de sites, avec des houles fréquentes,
Accueil conditions sanitaires liées au climat et à la présence de
Route nombreux insectes…) ; (2) les coûts élevés des trans-
Formation ports aériens pour se rendre au Gabon ; (3) les pro-
Information blèmes communs à de nombreux sites liés à l’absence
Hébergement de moyens logistiques et de sécurité ; (4) l’insuffisance
Ponctualité
des infrastructures de transport et les lacunes des ser-
Prix
vices correspondants ; (5) l’inadéquation du niveau et
Police
de la nature des compétences professionnelles par rap-
Accès à l’information
port aux besoins ; (6) la faiblesse du potentiel d’inter-
0 100 200 300 400 500 600 700 800
vention du secteur privé ; (7) l’inexistence d’une poli-
Nb de réponses
tique rationnelle de gestion du patrimoine hôtelier de
l’État ; (8) les carences graves constatées dans le fonc-
Figure 7 - Les dix plus importantes tionnement même de l’Administration national du
priorités et remarques exprimées
par les passagers aériens
« endormie ». Sous bien des aspects, cette activité pro- tourisme ; ou encore, (9) l’absence de positionnement
internationaux à l’aéroport de metteuse est en fait largement à réorganiser, en même des produits touristiques gabonais sur les marchés.
Libreville pour améliorer les
temps qu’elle doit permettre l’émergence d’un véri-
conditions de séjour au Gabon
(juillet à décembre 2009) table modèle touristique gabonais. Cette longue liste révèle en fait que le tourisme
est un sujet de préoccupation relativement récent
Source : CST 2011
au Gabon, et qu’il reste encore beaucoup à faire
La gestion encore incertaine d’une activité
pour l’ériger en véritable outil de développement.
touristique à réorganiser
Concernant le tourisme international, en dehors du
Le constat des difficultés auxquelles l’activité touris- tourisme professionnel qui arrive pratiquement par
tique au Gabon est confrontée a déjà été fait à plusieurs « obligation », la destination est encore confidentielle,
reprises (BAD, 2011 - WCS, 2011 - PSGE, 2012 - car peu promotionnée auprès des clientèles poten-
SDNI, 2012). Le Compte satellite du tourisme a même tielles des grands pays émetteurs. D’autres destina-
permis en 2011 de l’exprimer par la voix des touristes tions « nature » en Afrique semblent ainsi plus pré-
eux-mêmes, avec les résultats d’une enquête directe sentes sur ce marché, comme le Kenya, la Tanzanie,
effectuée à l’aéroport international Léon Mba de Li- la Namibie, ou l’Afrique du Sud bien entendu, mais
breville (2 028 questionnaires, CST 2011). Ainsi, les également des pays comme Madagascar qui a enre-
difficultés pour obtenir le visa, l’accueil, les routes, la gistré en 2013 près de 200 000 entrées. Le Gabon n’a
formation et l’information furent cités le plus souvent donc pas encore réussi à atteindre le seuil critique de
et à un niveau important comme étant les priorités pour transition pour s’engager dans une nouvelle phase de
améliorer les conditions de séjour au Gabon (fig. 7). développement de ce tourisme international.
Au-delà, les autorités comme les experts ont égale- Fort heureusement pour les professionnels du sec-
ment souligné : (1) les contraintes liées aux conditions teur, ce tourisme international bénéficie toutefois
naturelles (forte pluviosité, dangers de baignade sur un d’un apport plus conséquent de touristes d’affaires.

212
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

Cette clientèle est plus directement destinées aux deux


grandes villes, Libreville pour les événements régionaux
et internationaux, Port-Gentil pour les séjours des per-
sonnels employés dans les industries du bois et du pé-
trole. Elle n’en demeure pas moins importante pour les
apports à l’économie nationale, avec des dépenses d’hé-
bergement notamment (hôtel, mais pas seulement).
Tout comme l’est également la clientèle du tourisme
interne, constituée des classes moyennes gabonaises et
des expatriés étrangers résidents, qui représentent une
part importante de la demande de services et d’équipe-
ments touristiques. À tel point que sur quelques sites,
ils contribuent à accentuer les pressions humaines qui
s’exercent sur les milieux littoraux fragiles et viennent
ainsi s’ajouter à celles des loisirs de proximité.

La prise en compte nécessaire des effets


perturbateurs du développement des loisirs Photo 16 - Les problèmes
environnementaux des plages de
autour des villes délicats et qui s’ajoutent à ceux déposés par la ville, Libreville
ou ramenés par la mer (photo 16). Cette situation ex- (ph. P. Pottier, 2014)
Comme l’a si bien souligné Bignoumba (2005), « De- trême n’est pas observée partout où se développe au- Sur cette plage de Libreville,
puis une décennie, on assiste sur la plupart des plages de jourd’hui la fréquentation balnéaire des côtes dans la ce couple romantique peut
Libreville, à l’essor d’une activité balnéaire effervescente… région de Libreville ou de Port-Gentil. Il n’en demeure contempler l’horizon et espérer
En quelques années, ce qui n’était qu’un loisir occasion- qu’elle doit rester un sujet d’attention premier pour les
en l’avenir. Pourtant, l’environ-
nement n’est pas idyllique… Les
nel pour adolescents a pris les allures d’un phénomène de collectivités et les services de l’État, au risque sinon de déchets au premier plan sont
société tant par l’affluence que par l’implication de toutes voir se dégrader des espaces sensibles et remarquables autant déposés par les usagers
que par la mer, mais aussi par les
les classes d’âge et catégories socioprofessionnelles ». Ces du littoral. ruissellements qui déversent ainsi
fréquentations n’ont certes pas de communes mesures sur la plage les détritus qui ont
avec celles de bien des fronts de mer les plus denses au Plus largement, l’accès aux plages des grandes villes échappé aux services de collecte.
monde, mais il n’en demeure que les pressions anthro- littorales du Gabon par les touristes ou les citadins en L’affichage semble privilégier la
responsabilité citoyenne (à droite
piques qui s’y développent sont de plus en plus impor- recherche de détente est aussi conditionné à la qua- sur l'affiche " notre seul espoir de
tantes et commencent à avoir des impacts négatifs sur lité sanitaire des eaux de baignade. Malheureusement, préserver notre environnement,

l’ensemble de ces espaces limités en surface. les derniers constats dans ce domaine restent négatifs c'est vous ").
(voir chapitre 11 du présent ouvrage). Il devient donc
Ces fréquentations engendrent tout d’abord des nui- essentiel que les services de l'État prennent la mesure
sances. Par les encombrements (photo 12), mais aussi du danger qui guette les espaces balnéaires de Libre-
par les déchets qui sont déposés par les occupants in- ville en agissant avec fermeté pour leur protection.

213
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

La valorisation des territoires Vers l’émergence d’un modèle touristique


littoraux balnéaires à proxi- gabonais ?
mité des grandes villes pro- Face à ces obstacles et ces difficultés que rencontre
voque également des convoi- le développement touristique au Gabon, il apparaît
tises. L’espace public côtier clairement qu’un modèle est depuis quelques années
est en effet parfois approprié en construction.
de façon illégale, par des per-
sonnes ou organismes privés Le développement touristique est tout d’abord posé
(photo 17). Sur un plan plus aujourd’hui comme un des objectifs importants pour
général, c’est la question de l’avenir du pays et sa diversification économique. Plu-
l’urbanisation des littoraux sieurs documents officiels font référence aux grandes
urbains et de l’appropriation orientations envisagées pour faire rapidement du tou-
illégale du domaine public risme un secteur économique qui compte au Gabon.
maritime qui pourrait se Tout d’abord, le Plan stratégique Gabon Émergent
poser (Sur la route du litto- (PSGE, 2012) a ainsi reconnu comme objectif stra-
Photo 17 - Tentative
d’appropriation du domaine public ral, 2011), d’autant plus que tégique 16, qu’il convenait de « positionner le Gabon
sur les plages de la périphérie de les processus inquiétants d’érosion des littoraux et de comme une destination de référence en matière touris-
Libreville
(ph. P. Pottier, 2012)
submersion pourraient s’accentuer. tique durable », autour de deux actions :
Ici à Pointe Denis, l’affichage Ces questions liées aux pressions anthropiques qui - l’action 118, « Élaboration du plan opérationnel tou-
semble revendiquer la propriété
d’un espace public (la photo
s’exercent sur les espaces littoraux à proximité des risme 2012-2016 » qui s’articule lui-même autour de 5
est prise sur la plage, dos à la villes doivent être prises au sérieux par les autorités. objectifs : « (1) développer une image mondiale de qua-
mer), sans que les autorités ne Il est en effet encore temps pour cela, car ces pres- lité autour du Gabon Vert ; (2) renforcer les compétences
semblent s’y opposer.
sions n’ont pas encore atteint un niveau nécessitant en ingénierie touristique et marketing ; (3) développer
des moyens de contrôle et de gestion hors de portée. significativement les investissements en réceptifs d’hé-
bergement de qualité ; (4) accroître la promotion de la
Que ce soit pour le développement du tourisme destination Gabon sur les principaux marchés émetteurs
international, du tourisme interne ou des loisirs de de tourisme d’affaires et d’écotourisme ; (5) développer
proximité, il apparaît aujourd’hui évident que le Ga- l’accès au Gabon au meilleur coût à travers une offre aé-
bon est à la croisée des chemins. Son territoire est suf- rienne compétitive et le renforcement des services d’ac-
fisamment vaste pour garantir à l’avenir la protection cueil » (PSGE, 2012) ;
d’une nature exceptionnelle. Se posent alors les ques-
tions d’une protection efficace des territoires subissant - l’action 119, Formation aux métiers du tourisme et de
à proximité des villes des pressions importantes et en la restauration.
forte progression. Au-delà, se pose bien évidemment Le Schéma directeur national d’infrastructures
la question du modèle de développement touristique (SDNI, 2012) a rappelé quant à lui l’attachement du
que souhaite promouvoir le Gabon. pays à : « (1) la mise en valeur du réseau des 13 parcs

214
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

nationaux ; (2) la mise en place opérationnel d’un cadre Au-delà, se pose


institutionnel, juridique et réglementaire attractif pour également la question
attirer des investissements… ; (3) la création de circuits d’un modèle de déve-
touristiques intégrés ; (4) et la formation des éco-gardes. » loppement touristique
qui apparaît à la lec-
Mais c'est surtout le projet Vision pour la Gabon
ture des projets bien
(WCS, 2011) qui a posé les bases d’un programme
souvent en dehors des
très ambitieux et, sous bien des aspects, « idyllique » du
problématiques de dé-
tourisme de nature pour le Gabon futur. Tous les dé-
veloppement local et
tails d’un programme visant à faire du Gabon « la pre-
d’intégration des po-
mière destination mondiale pour le tourisme lié à la forêt
pulations locales. La
tropicale africaine » y sont détaillés avec une iconogra-
nature y apparaît sanc-
phie d’une qualité exceptionnelle (fig. 8). Trois phases
tuarisée et l’homme
de développement opérationnel y sont détaillées, avec
un peu en dehors des Figure 8 - Extrait du projet Vision
une attention portée à sept domaines qui nécessitent pour le Gabon : le tourisme,
géosystèmes… les parcs nationaux et le
un développement approfondi  : (1)  les parcs natio- développement durable du
naux modèles ; (2) la réforme des politiques ; (3) le Alors, comment donner un nouvel élan à cette XXIe siècle (WCS, 2011)
secteur des services ; (4) l’infrastructure ; (5) le renfor- activité économique pourtant si prometteuse ? Sans Le document qui est particuliè-
cement des capacités ; (6) le marketing global ; et (7) doute en rappelant effectivement dans les salons in- rement soigné propose une vue
stratégique et opérationnelle du
les investissements et partenaires. ternationaux et auprès des clientèles cibles (amoureux développement touristique au
de la nature, de l’Afrique, de la pêche…) les atouts Gabon très fouillée. Il s’appuie sur
Les actions programmées ont-elles pu suivre les in-
incontestables du pays. De gros efforts marketing des représentations qui peuvent
tentions déclarées ? Il semble en dépit de ce qui a déjà toutefois laisser un peu perplexe…
été mis en place qu'il reste encore beaucoup à faire pour
attirer les touristes en nombre suffisant pour rentabili-
ser les investissements en dehors du pôle de Libreville. Photo 18 - Structure d’hébergement
Certes, l’État gabonais a œuvré à l’investissement dans touristique à l’abandon
les infrastructures de transport (SDNI, 2012), institué (ph. P. Pottier, 2013)

des facilités administratives et des exonérations fiscales Ici dans la région des lacs proche de Lam-
baréné, le Lodge Evaro est envahi par la
pour les entreprises intervenant dans le tourisme (loi végétation et abandonné, alors que l’établis-
004/200), accompagné des partenariats avec des grands sement était mentionné dans le projet Vision
groupes hôteliers pour développer l’offre d’hébergement pour le Gabon comme exemplaire, « bien
situé au milieu d’une végétation luxuriante
(Radisson Blu, Wali Hotels Resorts, Carlson Rezidor entourée d’eau [...] un site de villégiature
Hotel group, Marriott, Aman Resorts…). Toutefois, les tropicale ». Cet exemple n’est pas unique et
exemples de structures d’hébergement touristique lais- peut être observé aux portes de Libreville,
par exemple à la Pointe Denis avec l’abandon
sées à l’abandon et visibles dans le pays posent évidem- des structures d’accueil de Gabon environne-
ment la question de la fiabilité d’un développement qui ment (voir chapitre 10 du présent ouvrage).
pour l’instant peine à trouver son élan (photo 18).

215
Interactions nature-société
Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales

sont à entreprendre dans ce domaine. Sans doute Conclusion


en pesant également pour favoriser la réduction des
Dans les régions littorales peut-être plus encore que
coûts de visa et de transport pour faire de la destina-
dans l’intérieur du pays, le Gabon offre une nature
tion Gabon une destination plus adaptée au budget
remarquable, autant par sa diversité que par ses ca-
touristique « moyen ». Y compris auprès de nouveaux
ractères exceptionnels. Il faut souligner qu’en dehors
pays émergents qui connaissent aujourd’hui de forte
de la proximité immédiate des principales villes lit-
croissance (Asie bien entendu, mais également Europe
torales, ces espaces d’une grande richesse sont encore
centrale, Moyen-Orient, Afrique et Amérique latine).
aujourd’hui d’un accès difficile.
Sans doute également, en mettant à niveau autant les
structures d’hébergement, les personnels formés aux Toute la complexité du développement du tourisme
métiers de ce secteur d’activité que les infrastructures dans le pays dépend peut-être finalement de cette
indispensables aux déplacements et à l’accès aux sites équation qui doit mettre en jeu conservation et valori-
les plus remarquables. sation, au-delà d’une fréquentation qui pour l’instant
n’est qu’embryonnaire et de portée économique limi-
Mais il convient également de ne pas oublier que le
tée. Le Gabon a en effet encore des difficultés pour
potentiel touristique est déjà en partie présent. Que
atteindre le seuil critique de transition et ainsi sortir
ce soit par les gabonais qui voient leurs modes de vie
d’une phase prétouristique. Il faut souligner que pour
évoluer et leur pouvoir d’achat augmenter ; ou encore
cela, le pays doit non seulement affirmer un modèle
les nombreux expatriés, résidents étrangers qui ont un
novateur de tourisme de nature, encore largement à
emploi au Gabon et disposent de temps libre et de
structurer, équiper et promotionner, mais également
moyens pour visiter le pays ; mais aussi les visiteurs in-
trouver les bonnes réponses à une demande touris-
ternationaux dont le séjour au Gabon constitue déjà
tique très particulière, représentée par une clientèle
une plus-value en termes d'activités économiques,
d’affaires et de séjour professionnel, comme de rési-
que ce soit par des conférences, des séminaires, des
dents déjà sur place et porteurs d’un tourisme interne
sommets régionaux et internationaux. Ces opportuni-
prometteur.
tés de développement touristique à travers les voyages
d'affaires, que la mondialisation va sans doute encore La géographie du Gabon et tout particulièrement
accentuer, est incontestablement un sujet d'avenir. des régions littorales offrent sur cette voie de nom-
breux atouts. Il reste donc à les valoriser au mieux,
Le choix du modèle de développement touristique
dans un esprit d’intégration économique et sociale
gabonais est sans doute à trouver dans cette pluralité
qui demeure de façon évidente un enjeu important
des produits offerts, tant la variété de la demande qui
pour l’avenir de ce développement.
s’exprime est grande. Sans, bien entendu, renier le ca-
ractère particulier d’une offre de nature bien ciblée
sur le monde tropical africain et sa conservation au-
jourd’hui rare à l’échelle du monde. Cette image, sans
être exclusive, doit devenir l’une des représentations
les plus reconnues de l’attrait du pays.

216
Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon

Références SDNI, République gabonaise, 2012. Schéma Directeur


National d’Infrastructures, Agence Nationale des Grands
BAD (groupe de la Banque Africaine de déve-
Travaux, Bechtel et Living Group, Londres, 196 p.
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Ditengou Mboumi [URL : http://littoral-gabon.e-
Bignoumba, G.-S., 2005. Les gabonais et la mer :
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des usages des bords de mer à l’émergence d’une
public-maritime.html].
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ville, Annales de l’Université Omar Bongo, Libreville, UNWTO, 2015. Tourism Highlights, Organisa-
n° 11, pp. 98-111. tion mondiale du tourisme, Nations Unies, édition
2015, 16 p. [URL : http://www.e-unwto.org/doi/
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jourd’hui, Les éditions du Jaguar, Saint-Étienne, et mangroves, série Les parcs nationaux du Gabon,
2014, 272 p. ANPN-WCS, Libreville, 2e édition, 272 p.

Petit Futé, 2016. Gabon, Sao Tomé et Principe, Pe- Vande weghe J.-P., 2012. Moukalaba-Doudou,
tit Futé, Les nouvelles éditions de l’Université, Paris, série Les parcs nationaux du Gabon, ANPN-WSC,
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République gabonaise, 2014. Le Gabon compte au XXIe siècle, 2e édition, 316 p. [URL : http://www.
plusieurs structures hôtelières, Ministère des mines et gabon-services.com/l-actualite/actualites/17199/la-
de l’industrie [URL : http://www.mines.gouv.ga/379- vision-pour-le-gabon-des-parcs-nationaux].
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le-gabon-compte-plusieurs-structures-hotelieres]. Références webographiques
http://carnetsdevoyages.jeanlou.fr
Rieucau J., 2001. Biodiversité et écotourisme
dans les pays du centre du golfe de Guinée, Les Ca- http://www.gabon-services.com
hiers d’Outre-Mer, n° 216, octobre-décembre 2001, http://www.parcsgabon.org
pp. 417-452 [URL : http://com.revues.org/2310]. http://www.voyagegabon.fr

217
Thématique 2 - Compréhension des risques, aménagement
et problématiques de gestion durable
des territoires littoraux

Partie 3 - Risques naturels et anthropiques découlant des usages

219
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville
Jean-Bernard MOMBO
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville
Vivino Max Thierry MOUYALOU
Océanographe, CNDIO-CENAREST, Libreville
Paul FATTAL
Géographe, Université de Nantes

À l’échelle de la planète, les plages sableuses qui


représentent environ 34 % du linéaire côtier sont
pour près de 70 à 80 % en érosion (Hardisty, 1994,
in Certain, 2002 ; Pilkey et Hume, 2001 ; Paskoff,
2004). Cette tendance risque d’ailleurs de s’aggraver
dans le futur, dans un contexte général d’élévation
du niveau de la mer et de pression anthropique.
Comme le souligne Paskoff (1985), le linéaire côtier
de nombreux pays est en phase de repli. De même,
l’Afrique de l’Ouest et du Centre n’échappent pas à
cette érosion et elle est considérée comme un pro-
blème environnemental transfrontalier de premier
ordre, au centre des préoccupations du projet régio-
nal « Grand Écosystème Marin du Courant de Guinée »
(ONUDI) qui regroupe seize pays, de la Guinée
Bissau à l’Angola y comprises les îles Sao Tomé et
Principe.
L’ensemble du littoral gabonais, et plus particuliè-
rement celui de Libreville, n’échappe pas non plus
Photo 1 - Protection du
à cette réalité érosive. Et en l’absence de statistiques un enjeu majeur pour l’avenir du Gabon. Le territoire Boulevard de bord de mer à
à l’échelle de tout le pays, certains indicateurs per- témoin d’étude est le littoral de Libreville, du Port- Libreville
(ph. J.-B. Mombo, 2016)
mettent néanmoins de mettre en évidence le carac- Môle au lieu-dit La Sablière (fig. 1). Ce front de mer Face au risque d’effondrement
tère unidirectionnel de la mobilité du trait de côte qui a une plage urbaine où s’affrontent les caractéristiques provoqué par les attaques de
peut représenter une menace pour le développement du milieu et la dynamique fluvio-marine (photo 1). la mer qui peut submerger
des activités socio-économiques situées sur la côte. Dans un contexte de grande pression anthropique et
ce littoral aux altitudes très
faibles (moins d’un mètre au
En effet, en proie à l’érosion côtière contemporaine de conflits d’usages, réfléchir sur la stabilité du trait de dessus du niveau de la mer),
des enrochements ont été
et face à l’impact des aménagements sur le littoral, la côte est ici d’une importance capitale pour l’ensemble réalisés.
maîtrise des variations du trait de côte est aujourd’hui des côtes du pays.

221
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Dans un premier temps, est étudié le cas spécifique La genèse de la mise en place de cet estuaire remon-
de ce trait de côte librevillois, secteur original où se terait à la grande régression marine pré-Holocène de
confrontent nature et pression anthropique. Puis, dans l’Ogolien (25 000 - 22 000 à 18 000 - 16 000 ans BP),
un second temps, sont analysées les politiques publiques période durant laquelle les fleuves côtiers ont creusé
mises en œuvre pour lutter contre l’érosion côtière. Et, de profondes vallées incisées (Giresse, 1969 ; Giresse
enfin, sont envisagées les perspectives d’aménagement et Moguedet, 1977 ; Peyrot, Clist et Oslisly, 1990 ;
des côtes gabonaises. Clist, 1995), avec une baisse du niveau marin entre
-100 et -120 m et « l’exondation d’immenses surfaces

© IGARUN, Université de Nantes


La Sablière
Le trait de côte actuellement submergées » (Cornen et al., 1977).
Littoral à de Libreville du La transgression holocène (14 000 ans et
fortes houles Port-Môle à la 5  000  ans  BP), qui correspond au zéro actuel ou à
Littoral à faibles
Sablière : une + l m du maximum nouakchottien, est quant à elle
houles résiduelles confrontation marquée par une remontée du niveau marin ennoyant
entre nature en rias des basses vallées creusées lors de la régression
LIBREVILLE
et société ogolienne. Corrélativement et jusqu’aux temps actuels,
Port-Môle la sédimentation d’origine fluviale et marine participe
Le contexte au colmatage et à la mise en place de grands marais à
Littoral à très faibles
houles résiduelles morphologique mangrove, sur les rives des vallées ennoyées des trois
L’estuaire du Komo, grands estuaires-rias du Rio Mouni, de la Mondah et
dont les profondeurs du Komo (Lebigre, 1990). La légère régression tafo-
lienne (autour de 3 000 ans BP ; niveau marin à - l m)
varient entre 0 et
marque la fin de la transgression holocène au Gabon.
-20   m, est d’origine
N
partiellement tecto- Dans un contexte climatique subactuel, ont enfin
SO nique. Il se présente lieu la mise en place des cordons littoraux parallèles,
0 2 4 km
comme un fossé une reprise de l’érosion de l’Estuaire du Komo et une
Sources : bathymétrie SHOM (carte n°7383),
modifié d’après Rabenkogo et Koumba Mabert (2011) B. KOUMBA MABERT, S. CHARRIER d’effondrement dans sédimentation côtière plus abondante et même exclu-
zone directement soumise aux houles du large point de réfraction de la houle lequel les vases se sont sivement vaseuse.
haut-fond faisant déferler la houle point de diffraction de la houle accumulées (jusqu’à Le secteur d’étude, qui se situe sur la rive droite
houle comprise au large entre N175° et N225° une quarantaine de de l’estuaire du Komo, s’étend entre le Cap Santa
vent dominant du Sud-Ouest
houle diffractée en entrant dans l’estuaire
SO
mètres dans certains Clara, limite nord-ouest de la baie d’Akouango, avec
du Komo
secteurs) durant le au centre le front de mer urbanisé de Libreville, et la
Figure 1 - Les houles à l’entrée de Quaternaire sur des formations sédimentaires (calcaires, Pointe Owendo au sud-est. La partie nord du littoral
l’estuaire du Komo grès et marnes du Turonien à Sénonien). Le principal étudié, située à la périphérie de Libreville, est consti-
faciès est d’ailleurs le calcaire de Sibang (Turonien) ob- tuée d’une série de trois cordons littoraux sableux. Ces
servable sur l’ensemble du littoral de Libreville. cordons, qui prennent appui au niveau du lycée Léon

222
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

N
NNW 25 % NNE
Mba, sont disposés parallèlement au rivage. Entre ces septembre (Bonnefille, 1964). En revanche, NW 20
NE
derniers s’insèrent d’étroits couloirs marécageux à vé- elles s’attenuent fortement dans l’estuaire 15

gétation semi-aquatique et des portions localisées de du Komo, donnant une agitation rési- WNW 10 ENE

mangrove. Les deux cordons les plus en retrait de la duelle de 0,25 à 0,5 m, avec une période 5

côte s’étendent du lycée Léon Mba jusqu’aux pointe- W E


réduite aux abords du Port d’Owendo. À
ments rocheux sénoniens du Cap Santa Clara. Larges ces houles résiduelles s’ajoutent les cla-
de 100 à 150 m et de 8 à 15 m de commandement, WSW ESE
pots dus aux coups de vent du sud-est et
ils sont légèrement dissymétriques et présentent des de l’est, qui peuvent engendrer une agi-
SW SE
caractéristiques sédimentologiques et stratigraphiques tation pouvant atteindre 1 m au milieu de
typiques de formations dunaires (Peyrot, 1990). Posés l’estuaire, avec des périodes de 4 secondes, et SSW
S
SSE

sur un substrat calcaro-gréseux turonien, ce sont des s’atténuant sur le rivage (fig. 1). Figure 2 - Les directions des
paléo-cordons qui résultent des fluctuations clima- vents (%) à Libreville de septembre
tiques de la fin du Pléistocène et de l’Holocène. Le La marée est de type semi-diurne (2,4 m en vives- 2006 à octobre 2010

troisième cordon, l’actuel, est aujourd’hui discontinu. eaux et 0,6 m en mortes-eaux), à fortes inégalités Source : DHI, 2010 (données de

Large d’une dizaine de mètres, il s’étend de l’épi de se traduisant par des écarts d’amplitudes atteignant prévision archivées sur le site www.
windguru.cz)
l’ancien hôtel Dialogue jusqu’au Cap Santa Clara. 0,60 m au cours de deux marées successives.
Malheureusement, ces cordons, dont les plus an- Le régime des vents au Gabon est soumis au rythme
ciens disposent d'une valeur patrimoniale, ont été lar- des saisons climatiques avec, en saison sèche (juin,
gement entamés du fait de l’intense activité extractive juillet et août), des vents dominants de secteurs
N
et de l’urbanisation galopante dans ce secteur côtier, sud à sud-ouest, voire une prédominance NNW 32 m/s NNE
où fleurissent des résidences d’un haut à très haut marquée pour le sud. La vitesse est com- 24
NW NE
standing. Lorsqu’ils subsistent, ils sont tronçonnés çà prise entre 4 et 6 m/s pendant la journée, 18
et là par les exutoires de rivières, dont les plus impor- et de 3 m/s pendant la nuit. En saison WNW 12 ENE
tantes sont celles de Gué-Gué et d’Otendé. de pluie, prédominent deux régimes. Des 6
vents dominants de secteur sud-ouest W E
Des conditions météo-océaniques atténuées (octobre) et de vitesse comprise entre 3
et 4 m/s pendant la journée et calmes la
La côte atlantique du Gabon est sous l’influence de nuit, et des vents de tornades de secteur
WSW ESE
la grande houle allogène (le Kaléma) d’origine sud- nord-est à sud-est (février, mars et avril)
ouest ou sud - sud-ouest et générée à partir des vents dont les vitesses sont de l’ordre de 15 m/s
SW SE
et des tempêtes d’ouest (les Roaring Forties de l’océan SSW SSE
avec des pointes sud-est qui peuvent atteindre S
austral). Les trains d’ondes de houle abordent la côte
20 m/s (Bonnefille, 1964).
nord du Gabon suivant deux origines dominantes : Figure 3 - Rose des vitesses
maximales des vents (m/s) à
ouest - nord-ouest et sud-ouest. Les houles, de période Pour le secteur de Libreville, les vents sont Libreville
de 10 à 12 secondes, sont inférieures ou égales à 4 m majoritairement en provenance du Sud-Ouest Source : d’après Mombo (1991) à
et sont fortes en saison sèche, c’est-à-dire de mai à (fig. 2 et 3). partir de données de 1968

223
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Nzogobeyok
Plus généralement, Libreville est soumise aux brises
Cap de terre et de mer avec des forces variant entre 2 et 4

L10
Si m

1
Mombalikito ba Premier sur l’échelle de Beaufort (entre 6 et 28 km/h). En sai-
Campement
son de pluie, dominent les vents calmes, parfois asso-
Cap ciés à des vents relativement forts qui accompagnent
Santa Clara
les orages. Les vitesses maximums sont de nord-est
(33 %) ou d’est, au moment des orages ou de grains

La
Avorbam

Sa
Angondjé

bli
(Saint-Vil, 1977).

ère
BA
IE
D’
A
Okala Un courant de dérive littorale entravé
KO
UA
Cité des Ailes Sur la rive droite de l’estuaire, les sédiments migrent
NG du nord-ouest au sud-est, de la Baie d’Akouango vers
O Cité ASECNA
Aéroport la Pointe Owendo (fig. 4). Cette dérive résulte du
international phénomène de diffraction des houles contournant
Léon-Mba
Bathymétrie l’obstacle de la Pointe Pongara, et de la réfraction des
(en m) vagues épousant quasiment les isobathes parallèles au
0
5
N trait de côte du littoral de Libreville.
10
0 1 2 km Sources : bathymétrie SHOM, INC Gabon En se basant sur des données bien que fragmen-
15
© IGARUN, Université de Nantes modifié d’après MOMBE NGUEMA (2000), S. CHARRIER taires, le transit sédimentaire est évalué selon les
Transit littoral engendré paléo-cordon site d’extraction de aéroport
auteurs entre 41 000 m3/an (Bonnefille, 1964) et
dunaire sable (sablière)
par les houles de secteurs : 60  000 m3/an (BECAT, 1995 ; estimation faite à
forêt réseau routier
sud-ouest zone urbanisée
principal
partir des statistiques de houles issues des observa-
marais tions du BCEOM, de 1965 et 1967). En effet, les ta-
ouest nord-ouest
roche affleurante
ouest sud-ouest à basse mer bleaux 1a et 1b, ci-après, montrent un transit littoral
réseau hydrographique
de 36 553 m3 engendré par la houle du sud-ouest et
principal 23 004 m3 pour la houle d’ouest-nord-ouest, soit un
Figure 4 - Le transit littoral transit total de 59 557 m3.
nord-ouest/sud-est sur la
rive droite de l’estuaire du En effet, l’essentiel des tempêtes a lieu lors des Dans l’estuaire, de la Baie d’Akouango à Owendo,
Komo changements de saisons. Les vitesses de vents au sol la dérive orientée vers le Sud-Est est bloquée par
sont faibles et régulières, à l’exclusion des grains qui l’implantation de l’épi de l’ex-hôtel Dialogue, ce qui
peuvent être violents mais de courte durée. Toutes les a eu pour conséquence de favoriser l’engraissement
vitesses exceptionnelles de plus de 7 m/s caractérisent de la plage du lycée Léon Mba et corrélativement le
le début de tornades caractéristiques entre février et démaigrissement, voire la disparition des plages sa-
avril, au moment de la grande saison de pluie. bleuses des quartiers Batterie IV et Louis vers le Sud.

224
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

0<H<0,4 0,4<H<0,8 0,8<H<1,2 1,2<H<1,6 1,6<H<2 2<H<2,4 2,4<H<2,8 2,8<H<3,2


H
0,2 0,6 1 1,4 1,8 2,2 2,6 3

T 6,4 7,2 8 8,8 9,6 10,4 11,2 12


Des plages en érosion H²T 0,256 2,592 8 17,248 31,104 50,336 75,712 108

Les sédiments présents dans l’estuaire sont essen- f(α)*kg/c 0,442 0,442 0,442 0,442 0,442 0,442 0,442 0,442
tiellement constitués d’éléments vaseux mélangés en α= 15°

proportion variable à des sables fins (Lafond, 1967 ; Q=H²T. f(α)*kg/c 0,113.10-3 1,146.10-3 3,536.10-3 7,6.10-3 13,74.10-3 22,24.10-3 33,46.10-3 47,73.10-3
Brossard et Mignot, 1990). En effet, la proportion de t% 0,8 0,4 0,28 0,13 0,02 0,02 0,02 0,01
sable y est inférieure à 10 % dans la zone d’Owendo
t (sec) :
et peut par contre atteindre les 90 % à la sortie de 0,3784.106 1,892.106 1,324.106 0,615.106 0,284.106 0,095.106 0,095,106 0,047.106
((365*24)/100)*
l’estuaire, au voisinage de la Pointe Pongara sur la rive 3600* t%
gauche du Komo (fig. 5). Volume (m³) :
43 2 168 4 682 4 674 3 902 2 113 3 179 2 243
Q* t (sec)
Sur la rive droite de l’estuaire, situé entre le Cap
V m³ = 23 004 (V m³ : volume des sédiments transportés en m³)
Santa Clara et la Pointe Owendo, l’estran est princi-
palement sableux avec une décroissance granulomé- Tableau 1a - Transit littoral de 23 004 m3 le long de la côte de
Libreville engendré par la houle d’ouest - nord-ouest
trique observée de Libreville (0,28 mm) à Owendo
(0,082 mm) ; alors que dans l’entrée de l’estuaire, le
sable peut avoir des diamètres de 1 mm. H
0<H<0,4 0,4<H<0,8 0,8<H<1,2 1,2<H<1,6 1,6<H<2 2<H<2,4 2,4<H<2,8 2,8<H<3,2
0,2-0,24 0,6-0,72 1-1,2 1,4-1,68 1,8-2,16 2,2-2,64 2,6-3,12 3-3,6
Sur le segment de littoral étudié, l’érosion côtière
T 6,48 7,44 8,4 9,36 10,32 11,28 12,24 13,2
est caractérisée par la présence d’une microfalaise
gréseuse vive (entre la Pointe des Bretons et l’épi de H²T 0,373 3,856 12,096 26,41 48,14 78,61 119,14 171,07

l’ex-hôtel Dialogue), des éboulements de sols, l’appa- f(α)*kg/c 0,152 0,152 0,152 0,152 0,152 0,152 0,152 0,152
rition du système racinaire des cocotiers (Cocos nuci- α= 15°

fera) et des badamiers (Terminalia catappa) et, aussi, Q=H²T. f(α)*kg/c 0,056.10-3 0,586.10-3 1,838.10-3 4,014.10-3 7,317.10-3 11,94.10-3 18,10.10-3 26.10-3
le déchaussement et l’effondrement des fondations t% 0,8 0,4 0,28 0,13 0,06 0,02 0,02 0,01
du bâti de proximité (photos 2, 3 et 4).
t (sec) :
Selon Lebigre (1983) et Mombé-Nguema (2000), ((365*24)/100)* 1,2614.106 2,628.106 4,415.106 2,049.106 0,946.106 0,315.106 0,315,106 0,157.106
l’évolution de ce littoral principalement sableux af- 3600* t%
Volume (m³) :
fecte particulièrement le secteur côtier du nord de Q* t (sec)
70 1 540 8 114 8 225 7 000 3 761 3 761 4 082
Libreville depuis 1930. Trois périodes dans l’évolu-
V m³ = 36 553 (V m³ : volume des sédiments transportés en m³)
tion de cette côte se dégagent avec :
Remarque : H=1,2 du fait de l’approche du rivage Tableau 1b - Transit littoral de 36 553 m3 le long de la côte
- de 1930 à 1959, une phase d’engraissement des de Libreville engendré par la houle du sud-ouest
plages ; à La Sablière, le trait de côte est à environ V m³= ∑ Q* t (sec) = ∑ H²T. f(α). Kgt/c
Source : Mombé Nguema J. (2000), d’après données
5 m par rapport au trait de côte actuel ; BECAT (1995)
avec :
- de 1959 à 1990, un faible démaigrissement des H : hauteur de la houle en m c : cambrure de la houle (H/L)
T : période associée à H en seconde Q : la somme des transits littoraux
plages ; le trait de côte recul sur 1,5 m en moyenne f(α) : obliquité de la houle K : coefficient de transport du sédiment choisi égal
sur tout le littoral ; t : durée de la houle en seconde à 1,8.10-6.D-1/2(mm) pour 0,10<D50<0,30

225
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

spectaculaire et le plus alarmant marqué par la perte


Cap Nature des sédiments
Santa Clara
de sédiments sableux et de surface, soit une moyenne
sable grossier
Ba (T>90 %) annuelle extrême d’environ 3 m (Manfoumbi, 2016).
ie
OCÉAN d Mont Bouët sable intermédiaire Hormis les secteurs artificialisés avec des enrochements
(126 m)
divers et relativement stabilisés (de l’ex-hôtel Dialogue
’Ak

ATLANTIQUE (10%<T<90%)
ou

Mont Baudin
an

101 m
LIBREVILLE (126 m) vase à la Pointe des Bretons, etc. ; photos 5 et 6), la côte
go

(T<10 %)
nord de Libreville connaît une alternance de phases de
T = teneur en sédiments de diamètre
supérieur à 80 µm recul et d’avancée, de 1 m en moyenne annuelle, tout
127 m réseau hydrographique
au long des 25 dernières années (1990-2015).
i

Pointe principal
Ik o

Pongara Owendo
Ces deux dernières décennies marquent un tournant
point culminant
é
dans l’évolution de la côte. Les causes sont, d’une part,
an
Punta Mina la forte activité humaine enregistrée sur le littoral nord
M’ V

olié
Étaméyon
Île Conniquet
Rog 108 m
de Libreville avec l’extraction anarchique du sable de
o plages et l’effet pervers des ouvrages de protection ina-
Donguila ang
Île Perroquet daptés et, d’autre part, l’érosion contemporaine.
Ass
EST
UAI
RE D
U KOMO Cette érosion est aggravée par les actions humaines
qui, depuis l’époque coloniale, se manifestent par des

© IGARUN, Université de Nantes


Bathymétrie Agou prélèvements de sable de plages (Bonnefille, 1964,
Gongoué

ma
(en m)
Igom

0
etc.), des constructions, le démantèlement des paléo-
biné

5
N
dunes bordières ou les sablières du Nord (fig. 6 et 7),
Re m

10 o des aménagements portuaires ; le tout avec destruction


b

20
0 5 10 km
Nzamaligué
Sources : bathymétrie SHOM du couvert végétal. La densification de l’urbanisation,
30 modifié d’après L. R. LAFOND (1967), S. CHARRIER les activités urbaines et touristiques et l’extraction in-
Figure 5 - Variation de la teneur tense du sable des plages exacerbent l’érosion côtière.
en éléments sableux de diamètre Les prélèvements volumineux et anarchiques de sable
supérieur à 80 microns dans les - de 1990 à 2000, une phase de fort démaigrisse- de plage sont fortement développés sur la côte de
sédiments de l’estuaire du Komo
ment des plages et un recul du talus côtier ; le trait Libreville, depuis les années 1960 jusqu’à nos jours.
de côte recule sur une moyenne de 2,5 m par an, en Néfaste à l’environnement côtier, cette activité s’est
valeurs extrêmes des sites critiques, entre la Pointe poursuivie malgré l’Arrêté du Ministère des Mines
des Normands et La Sablière. n° 019/MMHERH/DGMG/DMC du 30 octobre 1990
La phase actuelle de l’évolution du trait de côte est interdisant l’extraction du sable et l’exploitation des
caractérisée par une accélération de la vitesse du recul carrières situées en bordure de la mer.
dès l’an 2000. La mer gagne plus de 1 m par an en Les conséquences sur le littoral se traduisent par
moyenne. Du Cap Santa Clara à La Sablière, dans une intensification de l’énergie destructrice des vagues
la Baie d’Akouango, s’observe le recul côtier le plus sur le rivage, le démaigrissement des plages sableuses

226
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

et l’affleurement de la roche-mère sous-jacente. Les épis et brise-lames


processus érosifs s’accélèrent, d’ou un déséquilibre des dont sont connues
profils de plage et, surtout, un net recul et même, très les conséquences
localisée, l’augmentation de la vitesse de recul du trait sur le trait de côte.
de côte non artificialisé (fig. 8). Généralisé sur l’en- Seul le littoral situé
semble du linéaire côtier, le recul du trait de côte a été entre l’épi de l’ex-
en moyenne de 0,78 m/an de 1988 à 2014. Ainsi, en hôtel Dialogue et
considérant que le rythme d’évolution reste le même le Cap Santa Clara
que pour les 26 dernières années, une projection est est moins aménagé.
faite pour les 26 autres années jusqu’en 20401. Mais aujourd’hui,
Un littoral compartimenté par l’homme
il n’échappe plus à
l’urbanisation galo-
Photo 2 - Le Boulevard du bord de mer entre l’hôtel Radisson
Depuis la création de Libreville, l’évolution urbaine pante depuis les Blu (ex-Intercontinental) et le Pont Gué-Gué au fond
s’est opérée de façon linéaire le long du littoral. Cette années 1980. La zone dite de La Sa- (ph. J.-B. Mombo, 2016)
tendance se poursuit encore de nos jours, même si blière est devenue un quartier de très Ici apparaissent, de la gauche vers la droite, le haut de
l’on observe quelques nouvelles extensions urbaines haut standing situé dans la banlieue plage sableuse, une ligne d’arbres (badamiers et cocotiers),
le trottoir et le Boulevard du bord de mer. À marées hautes
vers l’intérieur. En effet, depuis les années 1800, le nord de Libreville. Plus récemment, de vives-eaux, les vagues submergent cette principale voie
littoral de la Pointe Owendo à l’épi de l’ex-hôtel Dia- depuis 2010, a été érigée la nouvelle de circulation, qui est à une cinquantaine de cm au-dessus
logue a connu d’importants aménagements qui se sont du niveau de la laisse des hautes mers.

poursuivis au 19e siècle, à l’instar de la jetée édifiée au


droit de l’actuel palais présidentiel. Ces aménagements
ont été poursuivis au 20e siècle comme par exemple
la construction de l’actuel Port-Môle de Libreville,
mis en service en 1954 (Bonnefille, 1964 ; Ceillier et
Mbot, 2002). Ces aménagements, ainsi que les infras-
tructures routières et hôtelières du bord de mer, ont
figé cette portion du littoral (photos 1 à 5).
Pour parer à cette situation érosive, le littoral est aus-
si tronçonné d’ouvrages de défenses côtières comme
les perrés en enrochements ou en maçonnerie, les

1. Simulation effectuée dans ArcGis©, par la création d’une zone Photo 3 - Éboulement du sol et arbre Photo 4 - Micro falaise d’environ 2 mètres de
tampon permettant de générer la position du trait de côte en 2040 déchaussé en front de mer haut au haut estran et enrochement à sa base
(fig. 8). Une zone tampon de 21 m a été créée à partir du trait de côte (ph. J.-B. Mombo, 2016) (ph. J.-B. Mombo, 2015)
2014 ; soit 0,78 m (recul moyen du trait de côte entre 1988 et 2014)
En arrière-plan, cocotiers, badamiers, arbustes et herbacés divers bordent le trottoir du Boulevard
× 26 (nombre d’années) = 20,28 m arrondis à 21 m. de bord de mer, entre l’épi de l’ex-hôtel Dialogue et le Port-Môle à Libreville.

227
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

commune d’Akanda. Le trait de côte, ANNÉES OUVRAGES PORTUAIRES ET ROUTIERS RÉALISÉS


le cordon littoral, les paléo-cordons 1849 1ère jetée ou rampe, face au Plateau
ainsi que les dépressions inondables Existence du Wharf (du port de chalandage)* de la Marine situé
1850 à 1950
inter-cordons tendent à disparaître. face au Plateau

1870 Construction d’une double jetée en latérite et maçonnerie


La stabilisation du trait Ouverture d’une piste reliant le quartier Louis au quartier Glass,
de côte et les politiques sous le Commandant Clément, appelée en :

publiques : un écheveau 1875 : Route de Louis


1905 : Allée / Avenue des Cocotiers, Boulevard littoral
difficile à démêler 1875 à 1960
1910 : Route de Glass
1926-1960 : Boulevard maritime
1960 à nos jours : Boulevard de la République, puis
Le contexte historique de Boulevard de l’Indépendance
l’érosion côtière : le millefeuille La double jetée est remodelée avec une voie ferrée pour une
Photo 5 - Platier rocheux et des aménagements 1927 à 1930 Decauville plus une grue dès 1887, qui sera en service jusqu’en
enrochement au haut estran au 1954
sud de l’épi de l’ex-hôtel Dialogue En face du quartier dit « Le Plateau », 1954
Mise en service du Port-Môle actuel (ancien Quai de Batelage
(ph. J.-B. Mombo, 2016) colonial**) de Libreville
situé actuellement entre la rue allant à
Montagne Sainte et celle du Trésor Pu- * devant l’actuelle Présidence de la République
** Bonnefille R. (1964)
blic, sont localisés les premiers ouvrages
Source : J.-B. Mombo d’après données de Bonnefille (1964), et Ceillier et
portuaires dont une « jetée ou rampe en Mbot (2002)
bois » qui date de 1849 (tab.  2). Elle Tableau 2 - Les principaux ouvrages portuaires et routiers aménagés sous
« nécessita un entretien constant en raison la colonisation française entre les quartiers Louis et Glass
des assauts de la mer » dès l’époque colo-
niale (Bonnefille, 1964). Libreville est connue (Bonnefille, 1964). De même,
l’érosion côtière et l’ensablement des environs de
Le littoral, de la Pointe Owendo à
l’actuel Port-Môle de Libreville sont aussi identifiés
l’épi de l’ex-hôtel Dialogue, a lui aussi
(Bonnefille, 1964 ; Ceillier et Mbot, 2002).
connu d’importants aménagements
et ce depuis la seconde moitié des an- Dans la première moitié du 20e siècle, les premières
nées 1800. Il s’agit des jetées qui ont estimations sur la sédimentation sableuse ont été
été édifiées au droit de l’actuel palais faites, au droit et à l’abri de la Pointe des Bretons,
Photo 6 - Estran rocheux à microformes
en creux
présidentiel. devant la sortie de la rivière Awondo débouchant au
(ph. J.-B. Mombo, 2016) Pont Deemin (photo 7). Bonnefille (1964) note que
Les problématiques érosives de ce
L’estran est limité à gauche par une micro- 200  000  m³ se seraient déposés en 7 ans, avec une
littoral, ainsi que celle des transits,
falaise stabilisée par des enrochements moyenne de 28 000 m³/an.
(calcaire, blocs de la stone line), derrière sont pour partie identifiées dès la fin
laquelle passe le Boulevard du bord de mer. du 19e siècle et poursuivies au début Ces phénomènes d’engraissement historiques et
À droite s’étend l’estran mixte sableux
par endroits et surtout à dalle rocheuse
du 20e siècle. Ainsi, la question du très localisés sont marginaux au regard de l’érosion
affleurante. transport nord-sud du sable devant côtière, qui est une préoccupation majeure au Gabon

228
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

5 cordon littoral marais


paléo-cordon
10 cours d’eau

5
18 B dunaire
17 13
depuis le 19 siècle. En effet, en Juin 1937, l’Admi-
e carrière de
sable
nistrateur en chef des colonies de l’Afrique Équa- 13 10
piste
toriale Française (AEF), Servel A., Administrateur- 18 5 isohypse
Maire de Libreville (Territoire du Gabon), prend la 5 10 16 point coté
10
« Décision municipale interdisant d’enlever et de débiter 5 (altitude en m)
6
les billes de bois sur le rivage de la mer devant Libre- A
ville », « …entre le Pont Pira et le Pont d’Arambo », « vu
la nécessité de défendre le rivage de Libreville contre les BAI
E D
10

’AK 16
érosions causées par la mer ». De même, dans l’étude N
O UA
5

géomorphologique et archéologique du gisement NG 16

10
O
des « Sablières » de Libreville, Peyrot et al. (1990) 0 0,5 1 km

écrivaient « […] qu’en 1989, il ne reste plus rien de ce © IGARUN, Université de Nantes d’après PEYROT B., CLIST B., OSLISLY R. (1990), S. CHARRIER
dispositif dunaire totalement exploité en carrière ». En
effet, depuis des décennies, les sablières de la zone Figure 6 - Les sablières des
nord de Libreville sont au centre de tous les appétits paléo-dunes bordières du littoral
de l’estuaire du Gabon, secteur
économiques et au cœur d’un conflit récurrent entre nord de Libreville
les pouvoirs publics, les opérateurs économiques et
la société civile (ONG environnementales et popula-
tions autochtones Benga et Sekiani). A B
NE
Plus proche de nous, en 2011, du fait d’une exploi- SW

tation autorisée devenue exacerbée et incontrôlée du


15 m marais
sable des plages au nord de Libreville, le Gouverne- marais accumulation sableuse
ment a fini par réagir en décidant d’interdire l’acti- 10 m (forêt inondée)
paléodune
éolienne
vité et la délivrance d’autorisations d’exploitation aux 5m
tourbe
opérateurs économiques, en s’appuyant sur l’Arrêté 0m cordon littoral
ires crétacés
lca
marnes et ca 0 100 200 m
du 2 novembre 2005 du Ministère des Mines relatif à
la protection du trait de côte. d’après LEBIGRE J. M. (1990) et J. M., PEYROT B., CLIST B., OSLISLY R., (1990) - S. CHARRIER

Figure 7 - Coupe au droit de La


Les acteurs ayant en charge la lutte Sablière
Libreville sont : l’État avec le Ministère des Infras-
contre l’érosion côtière
tructures, des Travaux Publics et de l’Aménagement
Au Gabon, la lutte contre l’érosion côtière relève du Territoire, et le Ministère en charge de la Marine
de la compétence de plusieurs acteurs institutionnels, Marchande et des Équipements Portuaires, ainsi que
mais aussi privés, dont les intérêts peuvent parfois d’autres acteurs que sont les sociétés privées et les
être divergents. Les acteurs intervenants dans la lutte particuliers. L’étude du jeu des acteurs impliqués est
contre l’érosion côtière au Gabon et sur le littoral de révélatrice d’une situation chaotique.

229
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Akouango Village L’État et les ministères ou structures associées


- 3,35 m/an (1988-2014)
autrefois et l’ANGTI (Agence Nationale des Grands
- 3,2 m/an - 3,12 m/an Travaux d’Infrastructures) aujourd’hui
(2000-2014) (1988-2014)
Évolution du trait De prime abord, « le traitement du recul de la ligne
de côte (par année)
La Sablière de côte, tout comme les autres travaux d’aménage-
Cap Santa 1988 zone de recul projetée
Clara ment, obéit à une logique décisionnelle dont l’État reste
1990 entre 2014 et 2040
+ 1,4 m/an (avec un recul moyen de 0,78 m/an)
l’initiateur et le pilier central et qui débouche sur la
(1990-2014) 2000
signature des contrats de marché après appels d’offres ou
2014
0 0,5 1 km consultations restreintes » (Weyat, 2009). La gestion de
2040
+ 4 m/an
l’érosion côtière obéit à une logique descendante qui
BA (1990-2000) va de l’État jusqu’aux entreprises privées qui effec-
IE Aéroport international
tuent les travaux de protection côtière, dans laquelle
D’ Léon-Mba (Libreville)
A se distinguent deux périodes.
- 2,72 m/an
KO

(1988-2014) Jusqu’en 2009, les études techniques et les travaux


UA

sont effectués par le Ministère en charge des Infras-


NG

tructures et des Travaux Publics (Décret n°001194/


PR/MTPEC du 30 Juillet 1985), et le Ministère en
O

charge de la Marine Marchande et des Équipements


N 0 250 500 m Portuaires. Le processus de prise de décision est
- 5 m/an conditionné par toutes les démarches imposées par
(2000-2014)
les budgets, la logistique, etc., mis à la disposition du
0 1 2 km
Ministère des Travaux Publics en charge de la protec-
tion du littoral. Le schéma des démarches décision-
Estuaire nelles des pouvoirs publics pour lutter contre l’érosion
Traitements effectués à partir d'images Landsat du Komo en République gabonaise distingue deux cas  : celui
Port-Môle (Libreville) des grands travaux et celui de l’entretien des défenses
F. MANFOUMBI, S. CHARRIER

Figure 8 - Évolution du trait de côte de la Baie d’Akouango au Port-Môle de Libreville de 1988 à 2040
côtières (Mombé-Nguema, 2000 ; Weyat, 2009).
Le suivi de l’évolution du trait de côte, de la Baie d’Akouango au Port-Môle, a été fait sur les images Landsat - Dans le cas des grands travaux, le Gouvernement
(1988, 1990, 2000 et 2014). La ligne de référence choisie est la limite de la végétation du haut de plage, et
celle des ouvrages de protection côtière. Ainsi, l’extraction des différents traits de côte s’est faite sur la
et l’Assemblée nationale donnent leur accord. Le
base d’une classification d’image sous Envi® 4.4. Les classes choisies ont été la végétation, le bâti, le sable Ministère en charge des Infrastructures et des Tra-
de plage et l’eau. Les limites des contours végétation-sable et ouvrage de protection-sable constituent les vaux Publics échange avec le Gouvernement. Le
traits de côte pour chacune des années retenues.
Ministère de la Planification, ou du Budget, élabore
le budget et l’inscrit dans le chapitre protection du lit-
toral. Au centre du processus, le Ministère en charge
des Infrastructures et des Travaux Publics réalise le

230
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

constat d’érosion, propose la protection côtière, La Direction


confectionne le budget d’investissement, le présente Générale des
à la conférence budgétaire et le soumet à l’appro- Équipements Ad-
bation du Parlement et, enfin, lance deux appels ministratifs et de
d’offres pour études et pour exécution des travaux la Construction
de protection. En aval, se trouvent les bureaux a pour attribu-
d’études et les entreprises de génie civil (SOBEA, tions  : la Gestion
COLAS, DRAGAGES, SATOM-VIBEC, etc.). de la partie rive-
Ainsi, s’établit la chaîne descendante de la décision raine du domaine
gouvernementale à la réalisation des travaux par les public maritime et
entreprises privées. fluvial, le Service
des Travaux Mari-
- Dans le cas de l’entretien des ouvrages de dé- times et Fluviaux,
fense côtière, des signatures de passations de mar- le Suivi de l’exé-
chés publics ont lieu entre, d’une part, le Ministère cution des travaux
en charge des Travaux Publics, qui contacte les en- de construction,
treprises et, d’autre part, l’entreprise de génie civil d’aménagement et
adjudicataire du marché d’exécution des travaux. d’entretien des dé- Photo 7 - La Pointe des
Bretons au fond, vue de la
Ainsi, et aussi, la réalisation des ouvrages de protec- fenses côtières et, enfin, le Contrôle de la conformité plage du quartier Louis
tion côtière est hiérarchisée et aboutit à l’exécution technique des ouvrages de défense côtière. Cela rejoint (Collection P. et G., ph. F.
Guillod)
des travaux par les entreprises privées, après réponse aussi, en partie, ce que fait l’Office des Ports et La microfalaise gréseuse, au
aux appels d’offres. Rades du Gabon (OPRAG). En effet établissement premier plan (Pointe Louis), et
La réalisation des ouvrages de défense côtière est public, l’OPRAG (Ministère en charge de la Marine les baobabs et cocotiers, en
arrière plan (Pointe des Bre-
supervisée par l’État, le maître d’ouvrage. Celui-ci Marchande) participe aussi à la protection des zones tons), apparaissent nettement
délègue au Ministère des Travaux Publics les Études portuaires et à la gestion de l’érosion côtière pour sur cette vieille carte postale

et travaux de construction des défenses côtières. Les les segments faisant partie intégrante du domaine de la colonie Gabon.

études préalables (conception et construction des ou- portuaire. Sa Direction Technique est chargée de la
vrages de défense des côtes, élaboration des Termes de construction des défenses côtières sur les sites et les
référence, de l’offre technique des dossiers de consul- environnements portuaires menacés par l’érosion,
tation pour travaux d’aménagement et de construc- notamment au Port-Môle de Libreville.
tion, et du Contrôle technique des études et concep- Enfin, depuis 2010, un nouvel acteur étatique
tion) sont réalisées par la Direction Générale des est entré en jeu : il s’agit de l’Agence Nationale des
Études et de la Programmation. Enfin, le contrôle Grands Travaux (ANGT), devenue en 2015 Agence
revient à la Direction Générale de l’Équipement et Nationale des Grands Travaux d’Infrastructures
la Construction, en charge des Équipements et de (ANGTI). Aujourd’hui, l’ANGTI a quasiment toutes
l’Assainissement. les attributions du Ministère des Travaux Publics en

231
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

matière spécifique de traitement du recul de la ligne De cette scène d’acteurs étatiques et particuliers, il
de côte, tout comme les autres travaux d’aménage- ressort des actions de lutte contre l’érosion au cas par
ment. Cette agence est aussi l’initiatrice et la pièce cas, sans une véritable concertation et coordination
maîtresse dans la signature des contrats de marché pour l’ensemble du littoral gabonais.
après appels d’offres.
Une politique globale déficiente
Les opérateurs privés et les particuliers de lutte contre l’érosion côtière
Total-Gabon est un des opérateurs économiques De prime abord, le Gabon n’a pas de politique
privés qui participe à la lutte contre l’érosion côtière d’aménagement de sa zone côtière. La gestion ou une
et ce particulièrement au Cap Lopez. Ainsi, la stabili- approche intégrée des littoraux semble totalement ab-
sation de la route du Cap Lopez et des installations du sente, et ce en dépit du Plan National d’Action pour
terminal pétrolier de l’Île Mandji constitue une lutte l’Environnement (PNAE, 2001).
de tous les instants, sur une zone côtière particuliè-
rement instable et en perpétuelle évolution (Menie Face à l’érosion côtière, la politique de défense
Ovono, 2010). adoptée est celle d’une stricte réponse aux « agressions »
naturelles, au « coup par coup », bien souvent sous la
En dehors de la société Total-Gabon qui investit des pression des événements et des acteurs.
moyens conséquents, il existe bien d’autres structures
qui œuvrent dans la lutte contre l’érosion. Ainsi, si- L’absence d’un cadre juridique spécifique
tuée aussi sur l’île Mandji, la Société Gabonaise de à la protection du littoral
Raffinage (SOGARA) lutte aussi contre cette menace,
car son unité de production et son quartier résidentiel Parmi les actions susceptibles de favoriser l’érosion,
situés à proximité de la côte sont régulièrement me- il y a les prélèvements des sables côtiers et l’occupa-
nacés par la mer. tion anarchique du littoral préjudiciables à la stabilité
du trait de côte au Gabon. Ainsi, la simple et stricte
À Libreville, les sociétés privées (le complexe por- application des cadres juridiques réglementant l’activité
tuaire privé Michel Marine, la Compagnie Gabonaise d’extraction des matériaux sableux et une urbanisation
des Travaux et des Études (C.G.T.E.), et la société maîtrisée apporteraient sans conteste une amélioration
ANTARES), entre autres, situées au sud de Libreville, notable. En effet, se référer au Code minier, au Code
du fait de leurs infrastructures construites en bordure de l’Environnement ou encore au Décret réglementant
de mer, font aussi appel à des entreprises locales de les études d’impact sur l’environnement, permet de
travaux publics pour qu’elles implantent des défenses comprendre que les cadres existent. À titre d’exemple,
côtières. en 1964 une clause interdit les prélèvements de sable
Enfin, les derniers acteurs actifs sur le littoral sont de plage au sud de la Pointe Pandinou, pour protéger
les personnes physiques établies en bordure de mer. Libreville contre l’érosion côtière (Bonnefille, 1964).
Celles-ci mènent localement une lutte pour protéger De même, l’Arrêté ministériel n° 00019/MMHERH/
leurs biens souvent situés trop près de la ligne de rivage. DGMG/DMC du 30 octobre 1990 portant interdiction

232
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

des exploitations des carrières situées en bordure de la niveau de la marée haute. En zone côtière gabonaise,
mer précise en son Article 1 que « sont formellement in- les règles d’urbanisme fixent cette bande à 50 mètres
terdites, toutes les exploitations des matériaux de carrières à partir de la bordure du rivage déclarée inconstruc-
situés à 350 m de la bordure de mer sur toute l’étendue tible et le décret n° 00440/PR/MFDE du 21/09/1967
du littoral ». Pourtant, il faudra attendre la crise envi- la précise pour la zone nord de Libreville.
ronnementale due à l’extraction anarchique des sables Ainsi, l’aménagement hôtelier et touristique du
aux conséquences désastreuses dans la Baie d’Akouan- trait de côte de la plage du Lycée Léon Mba, la plus
go, pour qu’émerge enfin une réaction virulente de la fréquentée le week-end au Gabon, est un cas patent
société civile (ONG, scientifiques de la mer et des lit- d’occupation illégale du Domaine Public Mari-
toraux, populations locales) qui a attiré l’attention de time. Cette implantation, non réglementaire et hors
l’opinion nationale sur cette situation scandaleuse. Et normes urbanistiques, n’a pas fait l’objet d’une étude
ce n’est qu’en 2011 que le Gouvernement, conscient d’impact environnemental.
des dérives, a réactivé l’Arrêté du 2 Novembre 2005 du
Ministère des Mines susmentionné. Le chevauchement des compétences
Ces atermoiements historiques entre autorisations Le chevauchement et la confusion dans les compé-
et interdictions d’exploitation des sables marins ou tences administratives et institutionnelles reflètent l’ab-
côtiers révèlent une contradiction des politiques de sence d’une politique cohérente et globale de protection
protection des milieux naturels. de la côte gabonaise. Cette situation est à l’origine d’un
En matière d’urbanisme, la loi n° 14/63 du 8 mai émiettement des moyens, alors que la lutte contre l’éro-
1963 fixe la composition du domaine de l’État et sion côtière nécessite, au contraire, une action concertée.
les règles de gestion et d’aliénation. Son article 104 Pourtant, il existe des dispositions réglementaires qui
porte sur la création d’une réserve domaniale dite vont dans ce sens. En effet, si le décret n ° 001194/PR/
des 100 mètres partant depuis le trait des plus hautes MTPEC du 30 juillet 1985 confie la responsabilité de la
marées. Le Décret n° 00440/PR/MEDE du 21 sep- protection des côtes contre l’érosion côtière au Ministère
tembre 1967 porte création d’une zone de servitude à en charge des Travaux Publics, dans la réalité, il existe une
certaine confusion dans la répartition des attributions.
Libreville, équivalant aux « 100 m » inconstructibles,
En effet, les institutions impliquées sont le Ministère en
ce qui en fait un domaine privé de l’État. Le per-
charge de l’Environnement (actuel Ministère de la Pro-
mis de construire (Loi n° 3/81 du 8 juin 1981 fixant
tection de l’environnement et des Ressources naturelles,
le cadre de la réglementation et de l’urbanisme…)
de la Forêt et de la Mer ; à travers la loi n° 007/ 2014
n’est délivré que dans le domaine public de l’État. Le
du 1er août 2014 relative à la protection de l’environ-
domaine privé est protégé, inconstructible.
nement dite Code de l’environnement), dont l’action
Dans la réalité des faits, l’occupation des terres du est orientée vers le contrôle, le suivi et l’application des
bord de mer et le long des berges des cours d’eau mesures visant à préserver l’environnement dans sa glo-
ne respecte pas cette zone inconstructible (non aedi- balité ; le Ministère en charge de la Marine Marchande
ficandi) comprise entre 30 et 70 mètres, depuis le (à travers le décret n° 1807/85 du 13 novembre 1985),

233
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

qui a l’attribution de la gestion du domaine public mari- Pour illustrer cette inertie, voire l’absence de pro-
time intégrant le trait de côte et qui précise que cette grammes, le cas du Port-Môle au pont Gué-Gué est
gestion doit se faire en collaboration avec le Ministère en révélateur. Au cours de la décennie 1990, la dotation
charge de l’Environnement ; le Ministère en charge de budgétaire initiale prévue pour mettre en œuvre la
l’Aménagement du Territoire et le Ministère en charge protection du littoral de Libreville était de 7,8 mil-
des Mines et Carrières, à qui incombe la délivrance des liards de francs CFA, étalés sur trois ans. Or entre
autorisations pour l’exploitation des granulats marins 1996 et 1998, une première tranche de 200 millions
sur la côte. Enfin, il faut aussi et maintenant prendre en est débloquée, avec attribution du marché d’exécution
compte l’implication de l’Agence Nationale des Grands des travaux à l’entreprise SOBEA-Gabon. Il s’avère
Travaux d’Infrastructures. que les travaux n’ont pas été exécutés dans les temps
Le constat général révèle que les impartis, car la dotation accordée à la protection cô-
départements ministériels de l’État tière avait entre-temps été transférée sur d’autres ac-
travaillent de façon cloisonnée, tions qualifiées comme plus urgentes. Ce n’est qu’en
pouvant engendrer des problèmes 1998, qu’un nouveau montant de 500 millions de
voire des initiatives redondantes. francs CFA est débloqué, dédié au financement des
En outre, l’existence de plusieurs travaux de réparations du perré maçonné du Boule-
textes réglementaires, comportant vard de l’Indépendance. Enfin, en 1999, une dernière
les mêmes attributions dévolues à dotation de 1,25 milliard de francs CFA, inscrite dans
plusieurs institutions, est source de la loi de finances au chapitre de la protection du lit-
conflits de compétences. Enfin, le toral, devait être échelonnée sur trois ans. Malheureu-
non respect des textes existants (lois, sement, cela n’a pas abouti et l’argent a été affecté à
décrets et arrêtés) laisse souvent libre d’autres dépenses jugées plus urgentes.
Photo 8 - L’épi en blocs calcaires cours à la mise en œuvre de projets Ainsi, se pose clairement la question de la réelle
de la Pointe des Bretons en 2008
ou d’initiatives, aux conséquences environnemen- volonté des pouvoirs publics à traiter la question de
(ph. V. M. T. Mouyalou, 2008)
tales mal appréciées. l’érosion côtière (Mombé-Nguema, 2000). En effet,
A l’heure actuelle, cet épi a
disparu à cause de la dégradation toutes les actions menées jusqu’à ce jour pour lutter
Le manque de suivi et de concrétisation
par les actions marines. contre l’érosion côtière n’ont donc jamais fait l’objet
des projets de protection du littoral
d’une réelle planification. Elles sont isolées, menées
Hormis les études réalisées en 1995 par le bureau au coup par coup et expliquent pour partie les diffi-
d’études BECAT pour la protection du littoral de Li- cultés rencontrées et surtout les erreurs commises en
breville, du Port-Môle au pont de Gué-Gué, de mul- matière de lutte contre l’érosion côtière, qui nécessite
tiples projets initiés ultérieurement n’ont jamais vu le au contraire une action concertée dans le temps avec
jour. Les causes profondes de ce manque de suivi sont l’ensemble des acteurs. Ces déficits sont aussi dus à
dues à un relatif désintérêt des pouvoirs publics sur ces un faisceau d’éléments, comme le manque d’infor-
questions et, ce, en dépit des déclarations médiatiques mations scientifiques, un manque de recours aux
faites pour lutter contre la dégradation du littoral. techniques de génie côtier, une méconnaissance de

234
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

la dynamique côtière et une sous estimation ou une


ignorance des impacts anthropiques dans l’espace et INEFFICACITÉ DES MOYENS ACTUELS
le temps. DE LUTTE CONTRE L’ÉROSION CÔTIÈRE

Le mauvais choix des matériaux et le manque


d’entretien des ouvrages de protection
Pour illustrer ces déficits évoqués précédemment,
des erreurs d’appréciations peuvent être commises Insuffisance qualitative et quantitative
Politique inadaptée
de données collectées de façon continue
quant au choix des matériaux utilisés pour la construc-
tion d’ouvrages. En effet, les blocs latéritiques ou
calcaires utilisés comme épis sont solubles dans l’eau
de mer et, donc, non recommandés pour ce genre
d’opération (Aso-Fitou, 2008). Ce mauvais usage
entraîne donc la dégradation continue des ouvrages,
datant des années 1970, qui depuis n’ont jamais été Absence d’institutions clairement définies pour le suivi de l’érosion
réhabilités (photo 8). À ce jour, il n’existe toujours
pas de programme d’entretien de ces ouvrages.
En conclusion, l’une des principales lacunes dans la
lutte contre l’érosion côtière est l’absence d’une poli- Le chevauchement des compétences
tique cohérente et clairement définie pour faire face Le manque de suivi et de concrétisation des projets de protection du littoral
aux problèmes. En effet, il y a un réel manque de vo- Des réactions au coup par coup
lonté politique de s’attaquer aux causes profondes de Le mauvais choix des matériaux et le manque d’entretien des ouvrages de protection
l’érosion littorale. Et cela est confirmé par l’absence V. M. T. MOUYALOU
d’un cadre réglementaire spécifique au milieu littoral, Figure 9 - Analyse des
lacunes et de leurs
qui devrait faire partie intégrante d’un schéma plus et aux usages (Bonnefille, 1964 ; Mombé-Nguema, conséquences sur la lutte
global, ou d’une stratégie de protection de l’environ- 2000 ; ADIE-PRGIE, 2001 ; Sallah Ole, 2006 ; Ré- contre l’érosion côtière au
nement marin et côtier national (fig. 9). publique gabonaise, 2007 ; Aso-Fitou, 2008 ; Weyat, Gabon

2009 ; Menie Ovono, 2010 ; Mounganga, 2013). Or, (Réalisation d’après données
L’ensemble des opérations menées à ce jour ne des politiques publiques)
il nous semble que le Gabon a besoin d’une Loi litto-
consiste donc qu’à régler les problèmes localement et
ral qui pourrait répondre partiellement aux initiatives
au coup par coup, là où certaines infrastructures sont
manquées, ou totalement aux futurs aménagements
menacées.
projetés sur la zone côtière. De même, à l’instar de
La synthèse des travaux antérieurs, relatifs à l’analyse ce qui se fait dans bien d’autres pays, des schémas
des politiques publiques et à la gestion des risques litto- directeurs d’aménagements et d’utilisation de la
raux ou aux aménagements planifiés, montre qu’il faut mer peuvent ou doivent être proposés, et ce dans un
intégrer la question de l’érosion aux aménagements contexte global d’élévation du niveau de la mer.

235
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Les perspectives pour


les côtes gabonaises

La protection en « dur » :
limites et opportunités
La construction sur le littoral de Libreville, au
cours des années 1960, du perré en maçonnerie
du Boulevard de l’Indépendance et, au début des
années 70, l’implantation des épis en enrochement
latéritiques et calcaires ont été des actions inscrites
dans le cadre des travaux de protection côtière de
Libreville Nord (Mombé-Nguema, 2000). Or, nous
avons montré que dans leur majorité, ces ouvrages
n’ont pas atteint les objectifs escomptés, et ils
a - Situation 1968, avant l’implantation de l’épi de l’ex-hôtel Dialogue (ph. IGN.68.AE.376/60)
peuvent pour certains engendrer des effets négatifs
et amplifier l’érosion. C’est le cas pour l’épi de l’ex-
hôtel Dialogue, qui a littéralement bloqué le transit
sédimentaire en aval de l’ouvrage (photo 9).
Pour autant, peut-on définitivement éliminer ce
mode de protection qui, lorsque les enjeux (patri-
moniaux, socio-économiques, etc.) sont à préserver,
a l’avantage de fixer le trait de côte ? À l’évidence
non dans le contexte urbain dense de Libreville, où
il n’est pas possible de délocaliser les biens et ser-
vices. Le trait de côte est stabilisé, et il offre une
opportunité d’aménagement en promenade entre
le Port-Môle jusqu’à l’épi de l’ex-hôtel Dialogue. À
l’instar des épis et autres ouvrages de protection ins-
tallés sur les plages de Libreville, l’étude de la mise
b - Situation 1990, après l’implantation de l’épi de l’ex-hôtel Dialogue (ph. IGN.1990GAB/157/180) en place de brises-lames immergés mérite une étude
approfondie au nord de la « Plage du remorqueur » à
Photo 9 - Aperçu de l’évolution La Sablière (Baie d’Akouango), car l’orientation de
d’une section du littoral de
Libreville au niveau de l’ex-hôtel ce secteur côtier l’expose aux résultantes des houles
Dialogue de 1968 à 1990 de secteur sud-ouest en provenance de l’entrée de
l’estuaire.

236
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

Les méthodes douces de stabilisation les effets « d’arrachement » de la nappe de retrait (back
L’utilisation des techniques douces pour la protec- wash ; Vesterby, 1994, cité par Fattal et Walker, 2008).
tion côtière est une alternative aux méthodes de pro- Par contre, cette technique nécessite avant implanta-
tection « dure ». Elles méritent d’être étudiées attenti- tion une expertise approfondie des concepteurs.
vement dans des secteurs où la nature domine. La technologie de l’épi souple (Stabiplage®)
Le rechargement de plage Cette méthode, vendue par ses concepteurs comme
Mis en œuvre depuis longtemps en Amérique du douce, consiste à remplir un géotextile de sédiments.
Nord, le rechargement de plage consiste à apporter Les propriétés de souplesse et de perméabilité de la réa-
des sédiments, légèrement plus grossiers que ceux en lisation permettent de ne pas « faire barrage » au sable,
place, sur une plage qui serait en érosion. Ce moyen comme le ferait une digue, mais plutôt de gérer les flux
nécessite toutefois un entretien régulier et des re- de sédiments. En effet, la porosité et la souplesse, mais
chargements complémentaires (Paskoff, 2004). On aussi la cohésion de l’ensemble, font que l’ouvrage ré-
note par ailleurs que l’élargissement de la plage est siste sans se casser, ne s’enfonce pas (système d’ancrage
un facteur d’attractivité pour le tourisme. Aussi, la profond) et évite les effets de « succion » par les houles.
plage du lycée Léon Mba pourrait bénéficier de cette L’implantation des ouvrages peut se faire, perpendicu-
technique, ce qui aurait pour conséquence de péren- lairement ou parallèlement au trait de côte, selon les ca-
niser les activités de loisirs et de plein-air (Mouyalou, ractéristiques du site. Leur efficacité reste cependant à
2012 ; Mouyalou, 2014). prouver, car à ce jour, les suivis scientifiques présentent
des conclusions mitigées (Cariolet et al., 2008).
Drainage de plage : procédés Ecoplage®
Enfin, il existe d’autres méthodes douces qui peu-
Il existe d’autres méthodes de lutte contre l’érosion, vent être mises en œuvre sur des portions du littoral,
comme le drainage de plage, procédé développé par comme celles agissant cette fois sur les usagers des
l’Institut Géotechnique Danois (Vesterby, 1987, cité plages, par exemple par l’installation de ganivelles qui,
par Couton et Levoy, 2004). Ce procédé date du début d’une part, consiste à capter les sédiments soumis à la
des années 1980 et consiste à implanter un drain enfoui déflation éolienne et, d’autre part, permet de canali-
dans la plage. Ce dernier (ou plusieurs) favorise l’infil- ser le flux des touristes qui piétinent généralement de
tration de la lame du jet de rive (uprush) dans une plage manière anarchique les massifs dunaires, participant
dessaturée (Duncan, 1964  ; Waddell, 1976 ; Turner, ainsi à leur déstabilisation.
1993, cité par Couton et Levoy, 2004). Concrètement,
les drains gravitaires installés parallèlement au trait de
L’opportunité d’un littoral
côte créent un cône de dépression qui rabat la nappe
à faible densité humaine
plus profondément sous la plage. L’eau présente dans
le drain s’écoule par gravité vers un puits de pompage, Bien que notre analyse relative à la stabilisation du
via un collecteur. Cette alternative au rechargement trait de côte se soit focalisée exclusivement sur le litto-
permet de garder le sédiment sur la plage, en limitant ral nord de Libreville, il n’en demeure pas moins que

237
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

les éléments de perspectives d’avenir doivent nécessai- « pulsations » avec des phases érosives et des phases
rement être abordés suivant une approche locale par d’accalmies, voire de cicatrisation, et ce à condition
cellule sédimentaire, et à l’échelle de l’ensemble du que l’homme n’intervienne pas en procédant à des
pays pour les politiques publiques. Il n’est pas néces- prélèvements intempestifs de sédiments.
saire de revenir sur les lacunes et difficultés rencon-
En effet une attention toute particulière doit être
trées dans le cadre de la lutte contre l’érosion côtière,
portée à la réalisation, dans les normes, des études
mais plutôt continuer à fournir des éléments pour
d’impacts environnementales (EIE) et, ce, pour tout
améliorer la gestion de l’érosion côtière au Gabon.
projet portant sur le milieu côtier. En effet, eu égard à
Dans son ensemble, le Gabon connaît une très la clarté des dispositions du Décret 539 réglementant
faible pression humaine, avec une population à peine les études d’impact sur l’environnement en République
supérieure à 1,8 million d’habitants (Recensement gabonaise, certains projets dits prioritaires semblent
Général de la Population et du Logement, 2013), sur souvent être menés en faisant fi du cadre de procédure
267 667 km², avec un taux de croissance de 2,5 % de la réalisation des EIE. Une telle situation nécessite
et une densité parmi les plus faibles au monde avec d’être revisitée, afin de repositionner les études d’im-
6,7 hab./km² (voir le chapitre 7 du présent ouvrage). pacts comme de véritables outils d’aide à la décision
La très faible occupation humaine sur le littoral en applicables à tous projets même ceux dits prioritaires.
dehors des concentrations urbaines de Libreville et
Avec les autorités compétentes, la participation des
Port-Gentil (Mounganga, 2013) est une « chance »
opérateurs économiques et de la société civile ainsi que
pour le Gabon et un atout pour le choix des réponses
la mise à contribution des techniciens et scientifiques
à proposer contre l’érosion côtière. En zone urbaine,
de la mer et du littoral, pourra être impulsée une ges-
compte tenu de « l’artificialisation » du trait de côte, il
tion durable ou intégrée et participative de l’ensemble
est nécessaire d’entretenir des espaces de loisirs et de
de la zone côtière gabonaise en profitant de cette avan-
jouissance sur des tronçons du littoral qui sont encore
tage de nature encore intacte. Cette approche glo-
relativement sauvegardés. Ce choix sociétal doit être
bale avec des solutions durables appelle à des actions
assumé par les politiques. Mais parmi les moyens de
spécifiques à mener : élaboration d’une loi du type
lutte contre l’érosion côtière, le respect d’une bande
« loi Littoral », dont les grands principes prennent en
suffisamment large, non-constructible, tenant compte
compte les aspects d’aménagement et d’urbanisation
des pulsations de reculs et des perspectives d’élévation
en zone côtière, création d’une institution de tutelle,
du niveau de la mer, permettrait de conserver une part
planification des initiatives ou interventions. En défi-
de « nature » non négligeable sur ce littoral.
nitive, tous ces éléments d’analyse doivent être mis
Ailleurs, le recul stratégique peut-être une alter- au cœur d’une réflexion pour des perspectives allant
native aux habitations les « pieds dans l’eau », qui dans le sens de la mise en place d’un schéma directeur
sont à terme vouées à la disparition. En somme, la de la mer et du littoral. En effet, tout l’enjeu est donc
majorité du littoral gabonais est faiblement impacté d’anticiper l’évolution du trait de côte en faisant des
par cette urbanisation, et on peut s’en réjouir. Il est choix d’aménagement adaptés, conformément à un
en effet préférable de laisser le littoral soumis à ses cadre réglementaire et institutionnel adéquat.

238
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

Conclusion Références
L’érosion côtière est un phénomène visible sur l’en- ADIE-PRGIE, 2000. Étude de faisabilité pour la mise
semble du littoral gabonais. Toutefois, une disparité en place d’un Observatoire de La Zone Côtière en Afrique
géographique du phénomène a été mise en évidence. centrale. Le cas du Gabon, Association pour le Dévelop-
Ce phénomène d’origine naturelle et anthropique pement de l’Information Environnementale/Programme
représente une menace pour des nombreuses activi- Régional de Gestion de l’Information Environnementale
tés socio-économiques et pour l’intégrité territoriale. dans le Bassin du Congo, Coordination Nationale du
Gabon, Rapport (Mombo J.-B. et al.), 100 p. et annexes.
Cependant, au Gabon, aucune politique concer- Aso-Fitou M., 2008. Les techniques d’adaptation
tée n’a encore été entreprise pour lutter efficacement face à l’érosion côtière à Libreville, CNAM France,
contre ce phénomène. Les lacunes, qui prévalent INTECHMER, Cherbourg, Diplôme de Technicien
dans le cadre de la lutte contre l’érosion côtière, Sup. Mer. GREH, Libreville, rapport de stage, 49 p.
montrent que les problèmes de l’environnement cô-
tier et marin ne constituent pas une préoccupation BECAT, 1995. Protection du littoral de Libreville
de premier plan pour les acteurs publics. Les moyens du Port-Môle au pont Gué-Gué, Rapport hydrosédi-
mentaire, APD, 37 p.
de protection alloués pour faire face à ce phénomène
sont le reflet d’une politique de l’immobilisme. Avec Bonnefille R., 1964. Étude de la protection du
la problématique du réchauffement climatique, la rivage à Libreville, E.D.F., Bulletin du Centre de Re-
vulnérabilité du littoral face à l’érosion côtière sera cherche et d’Essais de Chatou, France, HJIEI, t. 341,
davantage aggravée. Or, « […] l’art de la prévention, DHM, Rapport, 12 p.
sérieusement menée, conduit à éviter les catastrophes » Brossard C. et Migniot C., 1990. Diagnostic des
(Vié Le Sage, 1989). causes d’envasement et propositions pour les dragages
d’entretien, OPRAG, Libreville, Rapport de mission,
À cet effet, il est nécessaire de rechercher des so- 10-16 mars 1990, 134 p.
lutions appropriées devant permettre de définir un
plan d’action pour une gestion cohérente et durable Cariolet J.-M., Suanez S., Carol F. et Magne R.,
de l’érosion côtière. Une telle démarche impose le
couplage d’une série d’actions, comme l’améliora-
®
2008. Évaluation de la technique Stabiplage mise en
place sur deux plages du Finistère : les Sables Blancs à
tion du cadre réglementaire et institutionnel relatif Plobannalec-Lesconil-Loctudy et Boutrouilles à Ker-
à la lutte contre l’érosion côtière ; la mise en place louan, Xe Journées Nationales Génie Côtier-Génie Civil,
14-16 octobre 2008, Sophia Antipolis, pp. 201-210.
des programmes de recherches sur les dynamiques
des zones côtières, tout en intégrant les aspects so- Ceillier P. et Mbot J.-E., 2002. À Libreville, c’était
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239
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

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240
Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon :
l’exemple du littoral Nord de Libreville

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241
Chapitre 10 - Le littoral de Pongara : dynamique côtière et
aménagement touristique
Brice Didier KOUMBA MABERT
Géographe, CNDIO-CENAREST, Libreville
Nicaise RABENKOGO
Géomorphologue, CNDIO-CENAREST, Libreville
Propice ANGO MOUGOUBA
Ingénieur électro mécanicien, CNDIO-CENAREST, Libreville

La problématique de l’érosion côtière a déjà fait Pongara : un territoire protégé


l’objet de quelques études sur le littoral du Gabon Le parc national de Pongara, créé autour de la Pointe
(Mombo, 1991 ; Mombé-Nguema, 2000 ; Peyrot, Denis, est séparé de Libreville par un estuaire d’envi-
2004 ; Menie Ovono, 2010). Les travaux du Centre ron 14 kilomètres de large. Il constitue un ensemble de
National des Données et de l’Information Océano- milieux diversifiés représentant une grande partie de
graphiques (CNDIO) indiquent des reculs du trait de la biodiversité du Gabon. Le site apparaît largement
côte allant jusqu’à 10 m/an dans la Baie d’Akouango ouvert sur l’océan Atlantique et est bordé par un cor-
et à la Pointe Denis et de 4 m/an au Cap Lopez à don de sable fin, couvert à multiples endroits par une
Port-Gentil. Ce phénomène est à l’origine de la des- savane sur son sommet. Ces plages au sable fin consti-
truction des infrastructures, notamment des routes tuent une zone d’importance mondiale pour la repro- Cap
et des ouvrages de protection de la côte, des habitats duction des tortues marines dont l’espèce la plus repré-
Santa Clara

(destruction des maisons) et de la perte de la biodiver- sentative et la plus emblématique reste la tortue luth.
OCÉAN
ATLANTIQUE
LIBREVILLE
sité à travers la destruction des mangroves et des sites À la limite entre le monde terrestre et le monde marin, Pointe Owendo
de ponte des tortues marines. sur la façade occidentale et l’intérieur du parc national
Denis
Est
uai
À la Pointe Denis (fig. 1), la menace est d’autant de Pongara, s’étalent des mangroves pittoresques. Punta Mina re d
u Ko
mo
plus préoccupante qu’elle a une incidence sur la nidi-
fication des tortues marines, sur les aménagements Historique à la création du parc national N

touristiques et sur les habitations secondaires de haut de Pongara 0 10 20 km


standing installées le long du littoral. Cette préoc- Dans le mouvement de conservation au niveau de
cupation se manifeste également à travers les efforts Pointe Denis, les ONG ont joué un rôle important parc national de Pongara
entrepris par les différents usagers dans la recherche dans l’avancée du discours ayant conduit à la création
de solutions contre l’érosion côtière. La Pointe De- du parc national de Pongara. En 1997, Écosystèmes
nis présente la forme d’une flèche littorale, séparant Forestiers d’Afrique Centrale (ECOFAC), avec le Figure 1 - Localisation de la
Pointe Denis entre l’estuaire
l’estuaire du Komo de la rivière Rogolié sur près de soutien financier de l’Union Européenne, organisa à du Komo et l’océan Atlantique
4 kilomètres de long et sur une largeur variant de la Pointe Pongara un atelier régional pour la conser-
50  mètres à près de 400 mètres selon les endroits. vation des tortues marines. Cette première rencontre
Le relief de la Pointe Denis ne dépasse pas 6 mètres permit la participation du Gabon, du Congo, de la
d’altitude. Il oscille entre 1 et 3 mètres vers le Sud au Guinée Équatoriale, de Sao Tomé et Principe, du Ca-
niveau de la pointe, et de 4 à 6 mètres vers le Nord au meroun et se conclut par la mise sur pied d’un groupe
niveau de la base, vers Pongara. de recherche organisé en réseau, nommé Protection

243
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

des Tortues Marines d’Afrique Centrale (PROTO- Les mangroves de la rive gauche
MAC). Cet atelier a été l’occasion de confronter di- de l’estuaire du Komo
verses actions et initiatives de protection des tortues Sur le plan international, la rive gauche de l’es-
marines dans le golfe de Guinée : le projet GEF (Glo-
tuaire du Komo sur laquelle est située Pointe Denis
bal Environment Facility)/UICN (Union Internatio-
constitue un échantillon important de l’écorégion
nale pour la Conservation de la Nature), de Conkoua-
des mangroves d’Afrique centrale qui s’étendent de
ti au Congo, le programme ECOFAC dans l’île de
manière discontinue sur 1,6 à 1,7 millions d’hec-
Sao Tomé, l’action de l’ONG espagnole Amigos del
tares du Ghana à l’Angola, jusqu’à 19°18’ S au sud
Coto de Doñana en Guinée Équatoriale, enfin les ef-
(Vande weghe, 2011). Ces mangroves représentent
forts de l’ONG gabonaise ASF (Aventures Sans Fron-
environ 4 % de l’ensemble de cette écorégion, dont
tières). Une méthodologie commune fut appliquée au
près de 30 % sont situés en zones protégées (Soun-
suivi des tortues marines dans le golfe de Guinée, afin
guet, 2005).
de collecter des informations fiables et comparables
(Rieucau, 2001). Les différences de salinité des eaux influencent la
répartition des mangroves dans cette partie du terri-
PROTOMAC s’est ainsi consacré à la réalisation toire gabonais (Lebigre, 1983 ; Vande weghe, 2011).
d’une étude portant sur l’évaluation préliminaire du La partie occidentale, notamment entre les rivières
statut de 5 espèces de tortues marines présentes en Gongoué et Denis, est plutôt sous influence marine
Afrique centrale. La présence effective des tortues avec beaucoup de mangroves basses et de tannes,
marines à Pongara fut ainsi confirmée avec des taux tandis que la partie orientale est au contraire forte-
de nidifications proche du millier sur la période 2001- ment influencée par les eaux douces et les apports
2002 (Vande weghe, 2011). Sur la base de ces diffé- sédimentaires du Komo, de la Bokoué, du Remboué
rents travaux et avec l’aide de la Wildlife Conservation et de la Mbilagone. Dans cette partie, la mangrove
Society (WCS) et le World Wide Fund (WWF), l’ini- est très dense et peut atteindre jusqu’à 30 mètres de
tiative de conservation a abouti le 30 août 2002. C’est haut. Les tannes se développent vers l’intérieur des
à l’occasion du Sommet de la Terre à Johannesburg terres sur des espaces totalement dénudés. Ils nais-
que le Président du Gabon a annoncé la création de sent là où le manque de circulation d’eau et l’évapo-
13 parcs nationaux, et en décembre de la même année ration concentrent les sels minéraux.
les décrets officialisant cette création et délimitant ces
nouveaux parcs ont été publiés. Ainsi, le parc national La flore ne compte que six espèces ligneuses : les
de Pongara fut créé sous le décret n°618/PR/MEFE- trois palétuviers rouges Rhizophora mangle, Rhi-
PEPN du 30 août 2002 portant classement des parcs zophora racemosa et Rhizophora harrisonii de la fa-
nationaux. À sa création, ce parc a d’abord été sous la mille des Rhizophoracées - le dernier ne serait même
tutelle du Conseil National des Parcs Nationaux avant qu’un hybride entre les deux premiers -, le grand
d’être placé sous la responsabilité de l’Agence Natio- palétuvier blanc Avicennia nitida de la famille des
nale des Parcs Nationaux (ANPN). Il constitue un Avicenniacées et les deux petits palétuviers blancs
domaine protégé de 93 000 hectares. Conocarpus erectus et Laguncularia racemosa de la

244
Chapitre 10 - Le littoral de la Pointe Denis : dynamique côtière et aménagement touristique

famille des Combrétacées. Les Rhizophora sont les (Cyncerus caffer nanus), l’hippopotame (Hippopo-
essences les plus communes qui se reconnaissent par tamus amphibius) et l’éléphant de forêt (Loxodonta
leurs longues racines-échasses arquées et leurs racines africana cyclotis). Mais la tortue marine reste l’espèce
pendantes accrochées aux arbres. caractéristique de la Pointe Denis et du parc national
de Pongara.
Ces espèces peuvent atteindre 10 à 40 mètres de
haut. Rhizophora mangle se développe généralement En effet, après les côtes d’Amérique latine, le litto-
en front de mer dans les mangroves les plus marines. ral gabonais constitue une zone importante de ponte
Quant à Rhizophora racemosa, il se rencontre dans les pour les tortues marines. Des sept espèces de tortues
eaux saumâtres. Enfin, Rhizophora harrisonii occupe marines qui existent dans le monde, cinq sont ren-
une place intermédiaire. Le grand palétuvier blanc contrées au Gabon. Il s’agit de la tortue luth (Der-
Avicennia se développe par contre en arrière des mochelys coriacea), la tortue olivâtre (Lepidochelys
Rhizophora et dépend moins de l’eau salée. Il peut olivacea), la tortue verte (Chelonia mydas), la tor-
atteindre 30 mètres de haut. Les deux combrétacées, tue imbriquée (Eretmochelys imbricatta) et la tortue
Conocarpus erectus et Laguncularia racemosa, sont de caouanne (Carette caretta). De toutes ces espèces, la
petits arbres qui dépassent rarement 5 à 6 mètres de tortue luth est la plus grande des tortues marines et
haut. Entre la mangrove et la forêt de terre ferme, la plus répandue sur les côtes gabonaises. Mais les
on rencontre des palmeraies à faux-dattier Phoenix travaux des ONG gabonaises, Aventures Sans Fron-
reclinata et des palmeraies à raphia. En dehors de tières (ASF) et Gabon Environnement notamment,
ces essences, on trouve également dans la mangrove ainsi que le programme PROTOMAC ont permis
des essences herbacées comme la grande fougère de révéler que le site de Pongara abrite des popula-
Acrostichum aureum ou les épiphytes, notamment la tions importantes de tortues même si son érection en
fougère Microsorium punctatum ou Phymatodes sco- parc tenait, à l’origine, plus à la préservation de po-
lopendra. pulation de mangroves qu’à ces espèces marines. Les
pontes s’étalent d’octobre à avril et la saison la plus
À l’origine de la création du parc national de active s’étend de mi-décembre à fin février.
Pongara, l’enjeu essentiel était avant tout la protec-
tion de l’écosystème de mangrove ; mais à l’heure ac- La Pointe Denis : site de tourisme
tuelle, la conservation des tortues marines concentre et de résidence
l’essentiel des activités de protection dans ce parc.
Les données du recensement général de la popu-
lation et de l’habitat de 20031 donnaient à la Pointe
Une faune dominée par la présence
Denis environ 416 habitants. Ce village regroupe en
des tortues marines
réalité plusieurs petits villages alignés entre la Pointe
La faune à Pongara est très riche malgré la proxi- Wingombé du côté de l’océan Atlantique et Assiga
mité de la Capitale. On retrouve aussi bien en sa-
vane, en forêt, que sur les différentes plages, des 1. Les résultats du récent recensement de 2013 ne sont pas encore
espèces emblématiques telles que le buffle de forêt publiés dans le détail.

245
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Pointe Structures touristiques


Pongara
OCÉAN village de vacances
Petit Codjo

s
ATLANTIQUE case de passage

ue
o Découverte, des ONG locales, avaient mis en place

rt
t Olando village en construction
d es N'Tchuwa
des structures afin de favoriser l’écotourisme. Les
ie (ex-Maringa) village en projet
Ba bungalows réalisés dans les plus belles essences locales
résidence du
Roi du Maroc avaient été parfaitement intégrés à l’environnement
La Baie
Pointe des Tortues urbanisation
Assala
Coco Lodge continue (photo 1). Dotés d’un meilleur confort, ils permet-
Wingombé
Denis taient à ceux qui rêvent de découvrir une flore et
" Pointe Points d’intérêts
une faune reconnues pour leur richesse de passer un
, Denis
"" Le Rogolié
tortues marines
séjour dans des conditions idéales. L’architecture sur
phare
Casanova
Camp
De Gaulle tombe royale
pilotis permettait d’embrasser la beauté des paysages
d’un seul regard : le calme des mangroves, la beauté

Ro
Pointe ol
ié Assiga

g
Ngombé village de l’océan et le mystère de la grande forêt équatoriale.
parc national
" Pointe La qualité des essences utilisées offraient des intérieurs
Assiga

Es
Ogolo

tu
Aman forêt aux couleurs chaudes et variées.

air
Resort

e
Toutes les réalisations de Gabon Environnement et

du
savane herbeuse

Ko
mangrove de Gabon Découverte étaient parfaitement intégrées

mo
N
lagune dans l’environnement. En plus de ce volet touris-
plage 0 1 2 km tique, Gabon Environnement avaient entrepris des
Sources : INC, Agence nationale des parcs nationaux du Gabon B. KOUMBA MABERT, S. CHARRIER
inventaires des espèces animales et végétales peuplant
le parc national de Pongara. Courant 2006, une mis-
Figure 2 - Le site de la Pointe Denis (2016) sion cofinancée par L’Union Européenne et Gabon
Environnement avait entrepris l’inventaire des élé-
village, dans la rivière Rogolié (fig. 2).
phants, gorilles, chimpanzés et mandrills. Les résul-
Le site est aujourd’hui un lieu privi-
tats de cette mission s’étaient révélés très intéressants.
légié pour le tourisme et abrite sur
Il avait été démontré que les populations d’éléphants
la flèche littorale une anthropisation
étaient beaucoup plus importantes que prévues. Lors
continue en front de mer sur au moins
des missions d’inventaires des baleines, les écotou-
3 kilomètres. Ces aménagements par-
ristes accompagnaient les scientifiques. Ils appré-
ticipent à la vie et à l’animation du
hendaient ainsi l’impérieuse nécessité de protéger le
village les fins de semaines.
patrimoine de l’humanité indispensable à la survie
de toute espèce. Mais aujourd’hui, cette structure qui
Des aménagements touristiques intégrait à la fois la conservation, le développement
adaptés à l’environnement écotouristique et la science n’existe plus. Elle a laissé
La Pointe Denis a toujours été un la place à d’autres villages de vacances qui ont vu le
lieu de tourisme le week-end, surtout jour assez rapidement, mais qui ne pratiquent pas le
Photo 1 - Installations de Gabon
Environnement au cœur de la mangrove pour les classes aisées. En 2006 déjà, concept développé par Gabon Environnement et Ga-
(ph. B. Koumba Mabert, 2013) Gabon Environnement et Gabon bon Découverte.

246
Chapitre 10 - Le littoral de la Pointe Denis : dynamique côtière et aménagement touristique

À côté de ces structures, il y avait également la Ma- qu’à l’estuaire du Komo. Pour
ringa (actuellement Olando N’Tchuwa), un village de protéger ces installations, les
vacances situé en face de Libreville, au niveau de la responsables ont entrepris de
Pointe Pongara. C’est à l’heure actuelle le plus ancien lutter contre l’érosion qui se
des sites touristiques situés à la Pointe Denis, assez mo- manifeste de plus en plus.
deste et vieillissant. Les architectes ont aussi utilisé des
matériaux locaux comme le bois. Les bâtiments sont Enfin, s’agissant de ces vil-
scindés en deux avec d’un côté le restaurant dont la vue lages de vacances, on peut
donne sur l’estuaire du Komo et les chambres d’autre également noter la présence
part, orientées plutôt vers l’intérieur de la Pointe. de Pongara Lodge, situé entre
la Pointe Pongara et la Pointe
Quatre kilomètres plus loin, au sud-ouest d’Olando Kinguerié et le Rogolié, en
N’Tchuwa, la Baie des Tortues (photo 2), un autre vil- arrière du site d’Assala Lodge. Photo 2 - La baie des Tortues avec
sa piscine en forme de tortue
lage de vacances en pleine expansion, n’a pas fini de (ph. La Baie des Tortues, 2015)
se développer. Cette structure offre actuellement une Un village de vacances est en construction actuelle-
Au premier plan et à l’arrière
vingtaine de lits et propose un certain nombre de loisirs ment sur le site de l’ancien Camp de Gaulle, récupéré plan, sont également visibles les
parmi lesquels le ski nautique, le kayak, le canoë, la na- après le départ de l’armée française de la Pointe Denis. ouvrages de protection contre
l’érosion.
tation et les randonnées en 4x4 et à pieds. La structure Un autre est en projet autour du phare de Gombé, mais
vient de mettre à la disposition de ses clients une piscine ce dernier fait l’objet de la contestation des populations
en forme de tortue. Là aussi, les architectes utilisent des locales qui y voient une menace sur la valeur spirituelle
matériaux locaux comme le bois et les couvertures en et le sacré de la Pointe Denis.
chaume (palme de palmier raphia).
Au total, ces villages de va-
Au sud-est d’Olando N’Tchuwa, à environ deux cances ne sont accessibles qu’à
kilomètres, on retrouve Assala Lodge, qui a abrité le une clientèle bourgeoise et
pendant africain de Top Chef, Star Chef, une émis- expatriée (prix entre 100  000
sion de téléréalité qui réunit des chefs africains à la et 400 000 francs CFA le week-
recherche d’une étoile. Comme les autres structures, end). Ce type de clientèle est at-
elle est également faite en matériaux locaux. tiré par le confort et le calme. À
Beaucoup plus au sud, à l’intérieur de la rivière Rogo- côté des installations hôtelières,
lié, se trouve Assiga Village (photo 3), un autre village des cases de passage sont desti-
de vacances encore plus luxueux qui allie modernisme nées aux budgets plus modestes,
et traditionalisme. Les architectes ont opté pour un avec des nuitées oscillant entre
mélange de matériaux locaux et de briques en ciment. 15 000 et 22 000 francs CFA.
On peut y retrouver à la fois du bois, mais également Il s’agit respectivement de Coco
du parpaing, de la tôle ondulée et de la paille. Cette situé au village des pêcheurs et
Photo 3 - Assiga Village
structure donne accès aussi bien à la rivière Rogolié Petit Codjo derrière la Maringa. (ph., B. Koumba Mabert, 2013)

247
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

ments alignés entre la Pointe Wingombé du côté de


l’océan Atlantique et Assiga village, dans la rivière
Ogolié. Historiquement, cette partie du Gabon est
à l’origine peuplée par la communauté Mpongwe2
avec la prédominance du plus ancien de ses clans,
les Ndiwa, dans le peuplement de l’Estuaire entre
les XVe et XIXe siècles. Mais ces derniers trouvèrent
les peuples pygmées, Akoa, en arrivant à la mer, no-
tamment au voisinage du village Denis. Aux termes
de leurs migrations, les Mpongwe d’abord, clan après
clan à la suite des Ndiwa, puis les Séki, les Kélé, les
Benga, les Fang investirent la région et rentrèrent en
relation avec les marins, les négriers, les marchands,
les hommes de sciences ou de Dieu. La fin de l’hé-
gémonie Ndiwa dans l’Arongo Mbé Ndiwa3, actuel
estuaire du Komo du fait des guerres vers 1700, laissa
place aux nouveaux clans comme les Agulamba, les
Aguekaza et les Assiga qui donnèrent le nom à l’actuel
village Assiga au niveau de la Pointe Denis (Merlet,
1990). Cette partie du littoral gabonais joua un rôle
actif dans la traite des noirs jusqu’au règne d’Ant-
Photo 4 - Pointe Denis choué Kowé Rapontchombo, le futur Roi Denis
(ph. P. Pottier, 2013)
En plus de ces équipements, le site de la Pointe (Patterson, 1975). Ce Roi fut à l’origine de la cession
Le site est aussi aujourd’hui un du territoire de la Pointe Denis à la France par le
lieu privilégié pour le tourisme et Denis a été largement colonisé par de nombreuses
abrite sur la flèche littorale une résidences secondaires sur bord de mer et bord de canal du Commandant Bouet-Willaumez qui avait
urbanisation continue en front de l’estuaire. Ces résidences sont construites dans un pour mission d’abolir l’esclavage sur toutes les côtes
mer sur au moins 3 kilomètres.
style architectural qui s’intègre très bien au paysage du golfe de Guinée. Ce dernier conçut alors en 1838
(photo 4), mis à part la résidence construite par le la politique des points d’appui au commerce et de
Président Omar Bongo. Les résidences secondaires relâche pour la flotte (Raponda Walker, 1960).
sont alignées parallèlement à la plage, sur un linéaire Le 29 février 1951, alors que tous les habitants de
continue de près de 3 kilomètres. la Pointe Denis ainsi que les membres de la famille
royale pleuraient le décès de la Princesse Marie Anne
Un lieu de résidence secondaire chargé d’histoire
Mise à part la portion d’urbanisation continue du 2. L’ethnie la plus ancienne de l’estuaire du Komo, la première des
côté de la rive estuarienne, la Pointe Denis est un gros peuples Omyéné arrivés à la mer.
village dispersé qui regroupe plusieurs petits campe- 3. Le grand fleuve en myéné, ancienne appellation du Komo.

248
Chapitre 10 - Le littoral de la pointe Denis : dynamique côtière et aménagement touristique

Ankombie Rapontchombo (3e enfant du 2e Roi, Félix Les problèmes d’érosion côtière
Denis Marie Adande Rapontchombo et petite fille du comme menace aux différents enjeux
Roi Denis), une des petites filles de l’illustre dispa-
rue venait de mettre au monde une fille. La décision Les différentes habitations et autres formes d’amé-
fut prise que le nouveau né porterait le même nom nagements touristiques sont sous l’emprise du phéno-
que la défunte Princesse. Cette dernière, Marie Anne mène d’érosion et contribuent parfois à son accéléra-
Ankombie Rapontchombo, devint donc en 1991 la tion. Cette situation est une menace non négligeable
Princesse et demeure jusqu’à présent, conservateur du pour la biodiversité marine, principalement les tortues
patrimoine culturel de la famille royale. marines qui nidifient sur les plages de la Pointe Denis.
Ce rappel historique renseigne sur le fait que la Les questions environnementales à la Pointe
Pointe Denis, avant d’être un lieu de résidence secon- Denis et dans le parc national de Pongara
daire pour les classes aisées est avant tout un village
chargé d’histoire. Par sa proximité avec la capitale Libreville, le parc
national de Pongara a été pendant longtemps l’objet
Ce village a vu l’implantation rapide d’hôtels et d’importants impacts d’origine anthropique. Les vil-
autres restaurants pour soutenir la mise en place d’un lages, les résidences secondaires et les campements
tourisme de nature. Au-delà, la plupart des habitations présents à la Pointe Denis et dans ses environs, mais
situées entre la Pointe Denis et la Pointe Wingombé aussi la forte demande en viande de brousse de Libre-
sont de type secondaire et appartiennent en majorité ville ont été à l’origine de ces impacts. En mai 2013,
à des occidentaux, particulièrement des européens, les équipes de surveillance et de protection du parc
mais aussi des libanais et des personnalités gabonaises4 national de Pongara conduites par son conservateur
résidant à Libreville, et même au Roi Mohammed VI ont permis l’arrestation du commanditaire de l’un des
du Maroc. Sur les bords de la rivière Denis, il existe réseaux de trafic de gibier les plus actifs dans la pro-
un petit village occupé en grande partie par la com- vince de l’Estuaire et exerçant à l’intérieur du parc.
munauté ghanéenne. La plupart des autochtones ont
Ce réseau de chasseurs permettait d’assurer l’appro-
migré sur Libreville, laissant ainsi, pendant très long-
visionnement régulier d’étales aux marchés de Mont
temps, le village à la communauté ouest-africaine, no-
Bouët et d’Oloumi du côté de Libreville (ANPN,
tamment des pêcheurs. Mais aujourd’hui, avec la mise
2013). Outre les pressions exercées sur la viande de
en place du parc et le développement d’une forme de
brousse, la mangrove et les tortues marines ont égale-
spéculation foncière, le village voit progressivement le
ment souffert des activités humaines.
retour de ses fils dont certains ont d’ailleurs investi
dans des villages de vacances (Assiga village). Le développement accéléré des résidences secon-
daires, mais surtout des villages de vacances à la Pointe
Denis sont également source d’impacts, notamment
4. Le Président de la République possède également une résidence
secondaire à la Pointe Denis. On peut également noter la construction
sur les cordons littoraux et sur le trait de côte, accélé-
d’un palais présidentiel dont les travaux sont arrêtés depuis la mort de rant ainsi les problèmes d’érosion côtière. Au-delà de
l’ancien Président Omar Bongo. l’utilisation anarchique des quads pourtant interdit

249
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

sur certains secteurs, on peut par ailleurs observer la houle provient des secteurs sud ; près de 60 % du
les tentatives de protection de portions de plages par temps la houle provient des secteurs sud et ouest et
des rechargements inappropriés (façade estuarienne) dépasse 1 mètre de hauteur observée au large, et près
ou par la mise en place d’épis sans véritable prise en de 50 % du temps la houle provient du seul secteur
compte du comportement hydrosédimentaire le long sud et dépasse 1 mètre de hauteur observée au large.
du rivage (baie des tortues). Ces différents aménage- À l’entrée de l’estuaire du Komo, les bancs de la
ments favorisent l’accélération de l’érosion des plages, Mouche et de Pongara forment des barres de sable
dégradant ainsi les sites de nidification des tortues orientées vers le Nord et immergées à -1 m et -2 m
marines. de profondeur. Ces bancs jouent un rôle de digue
Enfin, les activités forestières exercées pendant long- sous-marine immergée en faisant déferler la houle
temps sur la rive gauche de l’estuaire du Komo conti- en provenance de l’océan. Ainsi, les houles à l’arrière
nuent à être la source de l’échouage de nombreuses de ces bancs sont fortement atténuées, entraînant
billes de bois sur les plages de la Pointe Denis. Pikes- une agitation plutôt faible à l’intérieur. La vitesse du
ley et al. (2013) ont analysé des données de survols courant est plus élevée en surface des zones les plus
aériens (2003, 2007 et 2011) pour déterminer dans le profondes, notamment dans les chenaux. Autour de
temps la persistance et l’étendue spatiale de billes de la Pointe Pongara, les vitesses oscillent entre 0,32
bois échouées en y intégrant les données spatiales sur et 0,72 m/s jusqu’à des profondeurs de 30 mètres.
la nidification. Ils ont ainsi déterminé le potentiel de Toutes ces conditions apportent des modifications
danger et estimé qu’entre 1,6 % et 4,4 % des tortues sur les rivages entre la Pointe Wingombé et la Pointe
luth pourraient être piégés sur le site. Denis.
En effet, en abordant les rivages sableux avec une in-
Les agents météo-marins et leurs impacts cidence oblique, les houles ont une forte capacité éro-
Le cordon littoral de la Pointe Denis est une for- sive en déferlant. Elles redressent le profil des plages
mation sédimentaire de sables marins et de vases du et creusent de petites falaises croulantes de 2 mètres
Komo mise en place il y a 500 ans (Rabenkogo et al., de haut, générant un recul du trait de côte de 10
2013). Les sables et vases sont disposés en couches à 15 mètres par an. Peyrot (2004) estime qu’entre
horizontales en alternance. Sur le plan géologique, 1960 et 1980, le tracé du rivage de la Pointe Pongara
s’est modifié en se rétrécissant de 300 mètres dans sa
cette formation sédimentaire est très sensible aux
largeur, celui de la baie des tortues de 75 mètres et
courants marins et aux vagues qui mobilisent facile-
celui de la flèche terminale de la pointe en se dépla-
ment et sans cesse les sables et vases. L’action méca-
çant de 250 mètres vers le Sud-Est. Ces tendances
nique de la mer fragilise la Pointe Denis.
sont confirmées par les travaux du CNDIO qui
D’après SOGREAH (2011), les conditions de houle ont enregistré en moyenne 120 mètres de recul du
au large de l’estuaire du Komo donnent les valeurs trait de côte à Pongara entre 1991 et 2012, soit une
suivantes : près de 90 % du temps la houle provient vitesse moyenne de l’ordre de 6 mètres par an sur
des secteurs sud et sud-ouest ; près de 70 % du temps l’ensemble du linéaire (Pointe Wingombé - Pointe

250
Chapitre 10 - Le littoral de la Pointe Denis : dynamique côtière et aménagement touristique

Pongara) entre 1991 et 2012. Cependant, ce recul Évolution du littoral Marquage des tortues Pointe Pongara
peut atteindre des vitesses allant jusqu’à 10 mètres érosion de Pongara en 2007 -40 m
par an par endroit, notamment au droit de la base de Espèce de tortue
accrétion -215 m
l’ONG Aventures Sans Frontières. La vitesse de recul luth Station 5
du trait de côte est en augmentation, elle était de Évolution du trait de côte olivâtre Camp ASF
mesurée par secteur entre +56 m
10 mètres par an avant 2008, et de près de 12 mètres 1991 et 2012 (en mètre)
par an entre 2008 et 2012. À côté de cela, on observe -215 m recul maximal
Camp ANPN
tout de même des zones d’engraissement ponctuel, Olando
+56 m avancée maximale
notamment entre la Pointe Pongara et l’ancien hôtel

es
Station 7 N'Tchuwa
(ex-Maringa)

u
Maringa avec des gains de l’ordre de 2,8 mètres par

rt
to
an (fig. 3). Le recul du trait de côte à Pongara entraîne

es
un démaigrissement des plages et affecte les sites de

d
OCÉAN ie
ponte des tortues marines. Les plages disponibles par a
ATLANTIQUE B
exemple pour la ponte en 2007 ont totalement dis- Station 6
paru en 2012 (fig. 3).
station d’observation
Les observations faites du côté de la façade atlan- dune artificielle
tique sont perceptibles du côté de la façade estua- Pointe Wingombé Station 4 village de vacances
rienne (fig. 4). Sur ce secteur, on enregistre des reculs +45 m -100 m
camp
allant jusqu’à 8  mètres, par endroit entre 2007 et
Station 2
2011. Mais on note tout de même des secteurs d’en- Station 1
Station 3
N
0 250 500 m
La Baie
graissement dont le plus important (plus de 40 mètres Sources : INC, CNDIO des Tortues B. KOUMBA MABERT, S. CHARRIER
de gain sur la même période) se situe à l’extrémité de
la flèche. Cet engraissement est favorisé par la dyna- Figure 3 - Évolution des plages
mique exercée, à la fois par la chasse de la rivière Ogo- de Pongara de 1991 à 2012
5 mètres du trait de côte. Les responsables de cette et impacts écologiques de
lié et le transit sédimentaire le long de la rive gauche structure ont érigé deux épis qui malheureusement l’érosion côtière à Pongara
de l’estuaire du Komo. C’est dans ce secteur que se accélèrent davantage le recul du trait de côte. Ces der- Les marquages effectués sur
trouve véritablement le village de la Pointe Denis et niers ont initié des actions pour tenter de lutter contre les tortues marines en 2007
sont entièrement comprises
l’essentiel des résidences secondaires. le recul du trait de côte (photo 6). dans la zone affectée par
l’érosion côtière.
L’érosion côtière est un phénomène qui inquiète
Tentatives de protection du littoral de Pongara
véritablement les populations de la Pointe Denis,
mais surtout les propriétaires des villages de vacances. Le contexte de changement climatique lié au réchauf-
À très court terme, le village de vacances la Baie des fement actuel de la planète se caractérise par des phéno-
Tortues est très menacé, car ses installations se situent mènes naturels exceptionnels de plus en plus fréquents,
au niveau de la ligne de rivage. Les fondations de la engendrant des catastrophes de grandes ampleurs. De
piscine nouvellement mise en service sont à moins de nos jours, ces phénomènes qui affectent le monde dans

251
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Évolution du littoral
érosion
+6 m
accrétion
son ensemble s’accom- L’aménagement d’ouvrages sur l’estran a pour but de
Évolution du trait de côte pagnent sur les littoraux fixer le trait de côte, cependant il modifie le profil de
-8 m mesurée par secteur
(en mètre) de la submersion et de plage. Pour lutter contre ce phénomène d’érosion, les
Assiga -8 m recul maximal l’érosion des terres basses. ONG et certains propriétaires n’hésitent pas à prendre
village -7 m Selon un modèle réalisé
+40 m avancée maximale des initiatives. Ceci est visible à la fois sur les façades
par le GREH5 à partir atlantiques et estuariennes. Du côté de l’océan, les
d’observations de terrain,
ES

ONG locales ont érigé il y a quelques années une


TU

+4 m village de
d’images satellites et des dune artificielle à plus de 50 mètres du trait de côte et
AIR

vacances
estimations du GIEC, devant protéger le site de ponte des tortues marines
E DU

l’augmentation du niveau dans la baie des tortues. Aujourd’hui, cette dune arti-
KO
Lagu

de la mer accélère la sub- ficielle se confond par endroit avec le trait de côte et
MO

+3 m
mersion des côtes basses a complètement disparu à d’autres endroits. Par ail-
du Gabon (Rabenkogo,
ne

leurs, toujours dans le même sens, la Baie des tortues


2012) et favorise le phé- a érigé des formes d’épis avec des blocs de pierres,
Ro

-7 m nomène d’érosion côtière. délimitant ainsi la plage située devant la structure.


go

-8 m
Les populations riveraines Malheureusement les effets escomptés tardent à voir
lié

n’ont pas d’autres solu- le jour, bien au contraire, le phénomène s’aggrave da-
tions que l'adaptation ou vantage, accélérant le recul du trait de côte, menaçant
la délocalisation. ainsi les différentes installations (photo 6).
Pour la Pointe Denis,
l’adaptation consisterait La mise en place des épis par les propriétaires du vil-
N à lutter contre l’érosion lage vacances n’a pas pris en compte le comportement
des plages et la submer- hydrosédimentaire local et la morphologie même de
Pointe Ogolo la plage. Les épis tels que construits bloquent la dérive
0 100 200 m +40 m sion par l’engraissement
du cordon littoral et si littorale sud-ouest/nord-est et les sédiments ne fran-
Sources : INC, CNDIO, Google Earth (2007) B. KOUMBA MABERT, S. CHARRIER
possible l’aménagement chissent pas normalement les blocs rocheux, entraî-
Figure 4 - Évolution des plages de la d’ouvrages de protection nant ainsi une crise sédimentaire sur la portion de
Pointe Denis entre 2007 et 2011
sur l’estran (photo  5). L’engraissement vise à élever plage au droit de la Baie des tortues. Ces derniers ont
N
le cordon à une altitude supérieure à 3 mètres, d’une également entrepris de régulariser cette plage avec un
part, et à fixer le trait de côte sinon à l’avancer dans petit engin en prenant le sable sur d’autres portions
la mer sans modifier le profil de plage, d’autre part. de plage.
Du côté de la façade estuarienne, les techniques uti-
lisées sont bien différentes de celles employées côté
5. Le GREH (Gestion des Risques et des Espaces Humides) est un
laboratoire du Département des Sciences Marines de l’Institut des Re-
océan. En effet, les propriétaires des résidences secon-
cherches en Sciences Humaines, un des cinq instituts du Centre Na- daires et de villages de vacances ont utilisé à la fois le
tional de la Recherche Scientifique et Technologique (CENAREST). rechargement et les casiers de sables. Le CNDIO qui

252
Chapitre 10 - Le littoral de la Pointe Denis : dynamique côtière et aménagement touristique

suit régulièrement l’évolution du littoral au niveau de


la Pointe Denis avait envisagé une approche globale
de traitement du phénomène d’érosion, malheureu-
sement, le propriétaire d’une résidence secondaire
n’a cherché qu’à recharger la plage devant ses instal-
lations. Comme cela a été démontré par plusieurs Photo 5 - Pointe Denis
auteurs (Paskoff, 1985  ; Regnault, 1999), il n’a fait (ph. P. Pottier, 2013)
que déplacer le problème, sinon l’accélérer chez les Les résidences construites sur la plage
voisins. Une autre opération a été initiée par le pro- de la Pointe Denis doivent être proté-
gées de l’érosion par des ouvrages de
priétaire d’Assiga village, cette dernière a consisté à protection.
installer des casiers de sables sur la plage.
Une évaluation de ces dispositifs n’a pas encore été
effectuée, même si l’observation des photographies
aériennes montre des engraissements ponctuels et
localisés.
En définitive, la mise en œuvre de l’adaptation
nécessite au préalable de réaliser des études scienti-
fiques et techniques pour comprendre le fonctionne-
ment du cordon littoral, de la rivière Rogolié et de la
dynamique des eaux et sédiments de l’estuaire et de la
partie océanique. Ces études devront permettre éga-
lement d’évaluer les volumes et qualités du gisement
de sables mobilisés. Parallèlement, d’autres actions
devraient être menées, notamment l’étude actuelle-
ment en préparation à l’Agence National des Parcs
Nationaux (ANPN) portant sur la maîtrise du foncier
à la Pointe Denis. L’étude qui est au niveau de l’appel
d’offre envisage :
• l’identification des titres fonciers existants du
site ainsi que la liste des demandes de titres fonciers
en cours et les points GPS correspondants (recherche
auprès de l’Agence Nationale de l’Urbanisme, des Tra-
vaux Topographiques et du Cadastre (ANUTTC) et Photo 6 - Manifestation de l’érosion à
le Laboratoire Système d’Information Géographique l’arrière de l’épi dans la baie des tortues
(SIG) de l’ANPN) ; (ph. CNDIO, 2015)

253
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

• le recensement des hôtels, des maisons et cabanons nombre de sites littoraux gabonais, non seulement
de week-end et des cabanes (construction en planches dans sa manifestation, mais aussi dans les formes
et tôles), ainsi que des bâtiments annexes (garages à d’aménagement sur ces environnements dynamiques
quad, magasins, cabanes à groupe électrogène, etc.) ; et sensibles.
• le relevé des points géographiques, à l’aide d’un
GPS différentiel à haute précision du type de ceux uti-
lisés par les services cadastraux, des maisons et bâti- Références
ments annexes, des bornes cadastrales, des servitudes, ANPN, 2013. Pongara, un réseau de trafic de gi-
des pistes de quads, pistes pour piétons, et tout autre bier démantelé, Langoue, La lettre d’information de
élément d’installation humaine et ; l’Agence Nationale des Parcs Nationaux, n° 7, p. 17.
• le repérage des zones à risque (érosion, rupture Lebigre J.-M., 1983. Les mangroves des rias du
de flèches, etc.). littoral gabonais : essai de cartographie typologique,
Bois et Forêt des tropiques, n° 199, pp. 3-28.
Conclusion Menie Ovono Z., 2010. Évolution de la flèche
La proximité de la Pointe Denis à la capitale du Mandji de l’Holocène à l’actuel. Analyse et cartographie
Gabon a favorisé le développement de résidences du risque côtier, Thèse de doctorat de Géographie,
secondaires et autres villages vacances sur un site Université de Nantes, 300 p.
où a été créé un parc national riche en biodiversité, Merlet A., 1990. Le Pays des trois estuaires : 1471-
à la fois terrestre et marine. Ces différents enjeux 1900  : quatre siècles de relations extérieures dans les
font face au phénomène d’érosion qui dégrade les estuaires du Mouni, de la Mondah et du Gabon, Libre-
plages et entraîne un recul du trait côtier. La mani- ville, Découverte du Gabon, Centre culturel français
festation de l’érosion côtière constitue une véritable Saint-Exupéry, 351 p.
menace des différentes installations touristiques entre
la Pointe Wingombé et la Pointe Denis qui abrite le Mombé-Nguema J., 2000. Traitement de l’éro-
village de même nom et sur la nidification des tortues sion marine sur la côte septentrionale du Gabon, de
marines. Les initiatives de luttes, encore non concer- l’embouchure de l’Ogooué à l’estuaire du Mouni, Thèse
tées, restent à l’heure actuelle sans effets positifs. Au de doctorat de Géographie, Université de Nantes,
regard des résultats de suivi de cette partie du littoral 619 p.
gabonais, il est plus que souhaitable d’envisager une Mombo J.-B., 1991. La côte à rias du Gabon septen-
action globale et intégrée en même temps que la prise trional de Komo au Rio Mouni. Cadre physique et mor-
en compte de l’environnement littoral local dans les phologie littorale, Thèse de doctorat de Géographie,
formes d’aménagement initiées à la Pointe Denis. Université de Bordeaux III, 311 p.
La situation de l’érosion côtière à la Pointe Denis, Paskoff R., 1985. Les littoraux. Impact des aména-
à quelques minutes de Libreville, est révélatrice des gements sur leur évolution, Paris, Masson, Coll. géo-
formes de vulnérabilités rencontrées sur un certain graphie, 187 p.

254
Chapitre 10 - Le littoral de la Pointe Denis : dynamique côtière et aménagement touristique

Patterson K. D., 1975. The Northem Gabon coast SOGREAH, 2011. Extension du port d’Owendo,
to 1878, Oxford, Clarendon Press, 167 p. participation à l’étude d’impact environnementale - mi-
lieu physique, Rapport de phase I, Établissement de
Peyrot B., 2004. Espaces tropicaux natures et risques
l’état initial, TEREA, 40 p.
en Afrique centrale ; menaces nouvelles ou récurrence ?
Une réflexion, des exemples. In David G. (dir.), Espaces Sounguet G.-P., 2005. Aménagement et conser-
tropicaux et risque, du local au global, Actes des Xe Jour- vation de la forêt de Pongara, Rapport final, Projet
nées de géographie tropicale, Coll. CEDETE, Orléans, n°6AF259A, ASF, Libreville, 42 p.
PUO, pp. 95-104. Vande weghe J.-P., 2011. Akanda et Pongara, plages
Pikesley S. K., Agambouec P. D., Augowet Bon- et mangroves, série Les parcs nationaux du Gabon,
gunod E., Boussamba F., 2013. Here today, here ANPN-WCS, Libreville, 2e édition, 272 p.
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n° 162, pp. 127-132.
Rabenkogo N., 2012. Aménagement de Libre-
ville et érosion côtière : un problème d’adaptation
de l’homme face au réchauffement climatique. In
Mayama A. (dir.), Repenser la relation Homme-milieu
en Afrique, Actes de la 3e journée philosophique et
sociale, Paris, L’Harmattan, pp. 27-51.
Rabenkogo N., Faure E., Koumba Mabert B. D.,
Ango Mougouba P. et Indjele Adouboua L.-G.,
2013. La Pointe Denis : adaptation des populations et
aménagements aux changements climatiques actuels,
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Raponda Walker A., 1960. Notes d’histoire du Ga-
bon, Mémoires de l’Institut d’Études Centrafricaine de Braz-
zaville, n° 9, Montpellier, Imprimerie Charités, 159 p.
Regnault H., 1999. Les littoraux, Coll .Géogra-
phie, Synthèse, Paris, A. Colin, 95 p.
Rieucau J., 2001. Biodiversité et écotourisme
dans les pays du centre du golfe de Guinée, Les Ca-
hiers d’Outre-Mer, n° 216, octobre-décembre 2001,
pp. 417-452 [URL : http://com.revues.org/2310].

255
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain
de Libreville
Alain MOUBÉLÉ
Géographe de la santé, IRSH-CENAREST, Libreville
Auguste Paulin MBONDA
Chimiste - Biologiste, IRSH-CENAREST, Libreville

Libreville vue en « Grand » peut être considérée Cet ambitieux


comme un vaste chantier dont le cadre institutionnel programme vient
a été garanti par deux documents d’aménagement ur- ainsi combler le dé-
bain : le Schéma Directeur National d’Infrastructures ficit de planification
(SDNI) établi en 2012 par l’Agence National des Grands urbaine longtemps
Travaux (ANGT) et le Schéma Directeur d’Aména- décrié à Libreville.
gement et d’Urbanisme (SDAU) révisé en 2011. Le En effet, les équi-
« Grand Libreville » constitue ainsi l’une des priorités pements d’enver-
actuelles du gouvernement gabonais. Cela se traduit gure que compte
par l’ampleur des projets dans des domaines aussi variés la ville aujourd’hui
que les transports, l’accès aux services de base, le loge- sont essentielle-
ment, la création d’espaces verts, de loisirs, le tourisme, ment le fruit des
etc., au bénéfice du littoral estuarien. Au total, 114 pro- investissements des
jets devraient être réalisés d’ici 2020, pour un montant années 1970-1980.
de 14 790 milliards de francs CFA, soit 24  milliards Privée d’une réelle
de dollars US (à hauteur de 1 230 à 2 460 milliards de politique urbaine,
francs CFA, soit 2 à 4 milliards de dollars investis an- Libreville s’est déve- Photo 1 - L’environnement littoral
nuellement, pour 40 % par l’État gabonais, et 60 % par loppée de manière anarchique. Des contraintes natu- dans l’estuaire du Komo subit
d’importantes dégradations en
des investisseurs étrangers) selon l’ANGT (TDG-Rép. relles ont rendu difficile l’établissement d’un plan raison de l’évidente carence
Française, 2014). Certains de ces projets ont déjà vu le d’urbanisation régulier, Libreville présentant une des équipements urbains de
jour. La Zone Économique Spéciale (ZES) de Nkok, morphologie dominée par des collines alternées de l’agglomération de Libreville, ici
devant l’hôpital Jeanne Ebori à
en cours de déploiement, devra en l’occurrence hisser la bas-fonds marécageux : 21 bassins versants, de diffé- Libreville
capitale gabonaise au premier rang des modèles urbains rentes tailles, y ont été dénombrés. Faute d’assainis- (ph. CENAREST, 2011)
de diversification industrielle et de compétitivité éco- sement, le ruissellement naturel des eaux pluviales et
nomique dans la sous-région. Le réaménagement prévu domestiques dans les rivières reste la forme courante
du Champ Triomphal et la construction d’un nouveau du drainage des effluents urbains vers les zones basses,
Port-Môle, présentés comme la nouvelle « vitrine archi- notamment celles de l’estuaire du Komo (photo  1).
tecturale » de la ville, constituent d’autres projets phares Par conséquent, les premiers citadins, ou les plus aisés,
du « Grand Libreville ». Le développement du quartier ont d’abord occupé les plateaux et les crêtes de col-
d’Angondjé, en périphérie nord, prévoit la construc- line du littoral. Les vallées et les plaines inondables
tion de 50 000 logements, des écoles, des centres médi- n’ont été progressivement occupées qu’après, par
caux, des établissements de commerce, etc. les populations nouvelles ou déplacées, quelquefois

257
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

sans aménagement des ordures ménagères sur les artères de la ville, ca-
préalable (voir à ce nalisations bouchées par les déchets solides, pollution
sujet le chapitre 12 des eaux de surface et des nappes phréatiques par des
du présent ouvrage). produits chimiques d’origine industrielle. Mais les or-
« L’absence de contrôle dures ménagères et les eaux usées constituent le point
foncier à Libreville est d’achoppement le plus marquant entre les populations
à l’origine du déve- et les autorités à Libreville. Ces problèmes, malgré une
loppement des quar- certaine volonté à les résorber, ne trouvent pas tou-
tiers sous-intégrés » jours de solutions adéquates et pérennes compte tenu
(TDG - Rép. Fran- de la croissance urbaine rapide. Toutefois, il a été mis
çaise, 2014). Ce phé- en place une certaine organisation pour le traitement
nomène qui touche des ordures ménagères et l’assainissement des eaux
plus de la moitié de usées à Libreville.
la population urbaine
se caractérise par le Démographie et croissance urbaine
faible accès aux équi-
Photo 2 - L’urbanisation des pements et services de Les aspects démographiques sont parmi les plus dé-
bas-fonds base, l’utilisation de matériaux de construction pré- terminants dans le processus d’urbanisation de Libre-
(ph. A. Moubélé, 2014)
caires, l’absence de titres fonciers, la densité de popu- ville. En effet, avec un rythme de croissance annuelle
Bâti anarchique ayant colonisé
lation (plus de 150 habitants à l’hectare), et la varié- d’environ 10 %, la capitale gabonaise connaît un ac-
les bas-fonds, ici dans la vallée du
Gué-Gué à Libreville. té des catégories sociales. Les effets conjugués de la croissement démographique prodigieux : 30 000 ha-
poussée démographique et du développement urbain bitants au début des indépendances, 200 000 habi-
anarchique constituent à ce jour les principales causes tants dans les années 1980, 400 000 habitants une
de la dégradation de l’environnement et des services décennie plus tard et un peu plus de 800 000 à ce
urbains. Le présent chapitre tente d’analyser les im- jour, soit près de la moitié de la population du Ga-
pacts environnementaux de la croissance urbaine de bon (voir à ce sujet le chapitre 7 du présent ouvrage).
Libreville et propose quelques mesures d’atténuation Cette explosion démographique, qui s’accompagne
de ces problèmes. d’un étalement spatial diffus et permanent, engendre
des problèmes environnementaux sans précédent
Les problèmes environnementaux liés (Moubélé, 2014).
au développement urbain à Libreville Sur le plan spatial, Libreville est structurée en deux
Au regard des activités liées à leurs fonctions, les grands ensembles d’habitat. Le premier concerne les
villes sont généralement confrontées aux problèmes « implantations planifiées des zones d’habitat sous-in-
d’insalubrité et de pollution. Le littoral estuarien tégrées », où l’on distingue des zones pavillonnaires
n’échappe pas à ce phénomène qui porte atteinte à comme celle s’étendant au nord de la Sablière en sui-
l’environnement urbain de Libreville : amoncellement vant le littoral jusqu’au pont Nomba. Il existe d’autres

258
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

formes d’habitat pavillonnaire ou résidentiel à l’inté- Pollution des eaux de surface


rieur de la ville. C’est le cas des citées résidentielles du littoral gabonais
avec ou sans immeubles : Batterie IV, Haut de Gué-
Le Centre National Anti-Pollu-
Gué, Angondjé, Bikélé, Owendo, etc. Le deuxième
tion (CNAP), structure publique
grand type d’habitat est constitué des quartiers sous-
à caractère administratif et scienti-
intégrés denses (Petit-Paris, 245 hab./ha ; Cocotiers,
fique sous tutelle du Ministère en
360 hab./ha) ou moyennement denses (derrière la
charge de l’environnement, a initié
Prison, 100 hab./ha) d’une part, et des quartiers péri-
deux études de suivi de la qualité des
phériques sous-peuplés (Madébé, 2007).
eaux le long du littoral de l’estuaire
En général, l’occupation du sol se fait de manière du Komo : la première a été menée
anarchique : « fréquemment en retrait d’une façade en 1993 et la seconde en 1998.
de premières maisons correctement agencées le long de Dans la décennie qui suivit, aucune
la voie urbaine, se prolongeant sur les fortes pentes et autre étude à notre connaissance
même dans les bas-fonds inondables » (Madébé, 2007), ne s’était intéressée à la question.
comme l’illustre la photo 2. La croissance démogra- C’est pourquoi le Centre National
phique et la densification des espaces ont intensifié des Données et de l’Information
l’action anthropique dans les quartiers sous-intégrés Océanographiques (CNDIO) de
de l’agglomération de Libreville, qui présente désor- l’Institut de Recherche en Sciences
mais un paysage contrasté : une architecture moderne Humaines (IRSH) a initié un pro-
ordonnée sur une trame urbaine planifiée et assainie gramme de suivi de la qualité des
d’une part, et d’autre part, la ville dégradée représen- eaux littorales à Libreville et Owen-
tée par des vallées inondées, habitations totalement do entre 2011 et 2013. Les données Photo 3 - PVC servant
ou partiellement inaccessibles aux véhicules, paysage utilisées ici, pour évaluer la qualité des eaux litto- d’évacuation des excreta
(ph. A. Moubélé, 2014)
coloré de poussière sur des artères non bitumées, bas- rales sur une période d’environ 20 ans, sont donc
Dans la vallée du Gué-Gué à
sins versants obstrués par les déchets solides, cours celles obtenues par le CNAP (1993 et 1998) et le Libreville, rejets des eaux usées
d’eau pollués par des excréments jetés dans la nature CNDIO (2011, 2012 et 2013). Le choix d’utiliser et des excreta directement dans
parfois depuis les habitations à partir de tuyaux PVC les données de 1993 et 1998 est dû au fait que les la nature à proximité des habita-
tions. Une partie s’infiltre alors
(photo 3), amoncellement de carcasses de véhicules, prélèvements des échantillons d’eau et les analyses se qu’une autre est transportée par
appareils électroménagers et autres ordures ménagères sont faits sur un grand nombre de sites et de para- les ruissellements.
sur des trottoirs, etc. La stratégie retenue par le der- mètres. En revanche, si les données collectées par le
nier SDAU est désormais celle d’un développement CNDIO ont l’avantage d’être plus récentes, elles ne
linéaire vers l’Est en direction de la future « ville nou- concernent qu’un nombre limité de paramètres rele-
velle » de Ntoum, et la création de pôles de croissance vés à Libreville et Owendo. L’analyse diachronique
(port minéralier de Santa Clara, hub aéroportuaire, de l’ensemble de ces données permettra d’avoir une
centre biotechnologique...), permettant de répartir de idée sur l’évolution de la qualité des eaux littorales
façon plus harmonieuse l’extension urbaine à terme. du domaine estuarien gabonais.

259
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Paramètres organiques, rieures aux valeurs trouvées dans le flot, à l’exception


bactériologiques et des sites de Batavéa et Awondo où c’est la situation
chimiques de la qualité inverse qui était observée (tab. 1).
des eaux en 1993 et
Baie Akanda Les valeurs de MO variaient de 62 mg/L à Oloumi
d’A
ko 16
ua en 1998
à 20 mg/L à Awondo dans la phase du jusant. Dans
ng

Les analyses des para- la phase de flot, la plus forte valeur a été à nouveau
o

15
14
mètres organiques, bacté- trouvée dans le site d’Oloumi avec 50 mg/L et la plus
Points de prélèvement
13 riologiques et chimiques petite valeur dans le site de Gué-Gué avec 25 mg/L.
1 - Port à bois 12
2 - Port d’Owendo 11 effectuées en 1993 et en Il n’existe pas de norme de rejet de la MO dans les
10 LIBREVILLE
3 - Centre de pêche 9 8
1998 ont été réalisées par eaux. Toutefois, 8 des 16 sites présentaient des va-
4 - Lowé
7
le Centre National Anti- leurs supérieures à la moyenne de MO calculée dans
5 - Oloumi
6 - Libeco (Glass)
6
5
Pollution (CNAP). le jusant qui était de 44,25 mg/L. Il s’agit des sites
7 - Batavéa de Port d’Owendo (46 mg/L), Lowé (46  mg/L),
© IGARUN, Université de Nantes

ES 4 Données chimiques
8 - Arambo TU Oloumi (62  mg/L), Libeco-Glass (47 mg/L), Ar-
AIR
9 - Port-Môle Owendo et bactériologiques chives Nationales (52 mg/L), Dialogue (51 mg/L),
ED

10 - Awondo obtenues à Libreville et


U

3 Tropicana (54 mg/L) et Sablière (53 mg/L). Dans le


KO

11 - Archives Nationales 1 Owendo en 1993


MO

12 - Hôtel Dialogue 2 flot, la tendance était également la même. En effet, 8


13 - Gué-Gué En 1993, le CNAP avait des 16 sites présentaient également des valeurs supé-
14 - Hôtel Tropicana Sources : CNAP,
15 - Hôtel Gamba
N
réalisé des prélèvements
images satellites Earthstar rieures à la moyenne (37 mg/L). Ce sont les sites du
Geographics - CNES/Airbus DS
16 - Sablière 0 5 km des échantillons d’eau et Port à bois (44 mg/L), Port d’Owendo (42 mg/L),
S. CHARRIER, B. KOUMBA MABERT
effectué des analyses phy- Lowé (44  mg/L), Oloumi (50 mg/L), Libeco-Glass
Figure 1 - Situation des points sico-chimiques et bacté- (40 mg/L), Batavéa (38 mg/L), Port-Môle (40 mg/L)
de mesure et de prélèvement
(CNAP, 1993) riologiques sur la rive droite du Komo, plus précisé- et Dialogue (45  mg/L). D’une manière générale, il
ment dans les communes de Libreville et d’Owendo. avait été observé que c’est pendant le jusant, c’est-
Le CNAP avait ainsi identifié 16 points susceptibles à-dire lorsque les marées sont descendantes, que les
de subir des dégradations par les rejets d’eaux usées concentrations en polluants étaient les plus élevées
domestiques et industrielles le long des communes de avec quelques exceptions (tab.  1) pour lesquelles les
Libreville et d’Owendo (fig. 1). Les paramètres orga- concentrations de matières organiques présentaient
niques sont la matière organique (MO) et la demande de plus faibles écarts entre le jusant et le flot.
chimique en oxygène (DCO)1. Les valeurs de MO dé- Les teneurs de la demande chimique en oxygène
terminées dans le jusant étaient pour la plupart supé- (DCO) variaient de 210 mg/L au site des Archives
Nationales à 1905 mg/L au Port à bois pendant la
1. La MO est la matière produite par tous les êtres vivants et le pa- période de jusant, soit une variation entre les deux
ramètre DCO est un paramètre qui traduit la consommation d’oxy-
gène nécessaire pour la dégradation par voie chimique des composés de plus de 9 fois (tab. 1). Dans le flot, les teneurs de
organiques. La DCO traduit l’influence probable des eaux usées sur DCO variaient de 112 mg/L à Batavéa à 895 mg/L
les cours d’eau du milieu récepteur (Mpelet, 2012). au site d’Oloumi, soit une variation de plus de 8 fois

260
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

entre ces deux sites. La valeur admissible par le Code Matières Matières en
Ammoniaque
DCO
de l’environnement gabonais pour les rejets des eaux Sites de organiques
(mg/L)
suspension
(mg/L)
(mg/L) (mg/L)
usées dans la nature est de 250 mg/L. En prenant en prélèvement
Jusant Flot Jusant Flot Jusant Flot Jusant Flot
compte les périodes de jusant et de flot, il en ressort
1 - Port à bois 44 44 1 905 374 1,5 0,2 0 0
que tous les sites présentaient de fortes valeurs de
DCO, illustrant ainsi un début de dégradation de la 2 - Port d’Owendo 46 42 645 225 1 1 0 0
qualité de leurs eaux alors même que cette dégrada- 3 - Centre de pêche 40 34 937 400 1 0,2 0 0
tion pouvait être masquée par l’hydrodynamisme qui 4 - Lowé 46 44 1 152 384 0,5 0,2 0 0
joue un rôle de dilution de la matière organique. Une
5 - Oloumi 62 50 292 895 0,3 0,1 0 0
forte valeur de la DCO est due à l’oxydation de la
6 - Libeco (Glass) 47 40 399 864 1 0,5 0 0
matière minérale, à savoir les nutriments (nitrates, ni-
trites, ammoniaque, phosphates et silice). Ceux-ci en- 7 - Batavéa 36 38 307 112 0,3 1 Traces 0
traînent une diminution de l’oxygène dans l’eau, l’hy- 8 - Arambo 36 27 430 256 0 0,1 0 0
poxie et l’eutrophisation. Cette hypothèse se confirme 9 - Port-Môle 42 40 384 526 0,1 0,3 0 0
par l’absence totale ou presque de l’ammoniaque dans 10 - Awondo 20 33 449 240 0,9 0,2 0 0
les eaux de ces sites. Ce qui peut laisser penser que
11 - Archives Nationales 52 36 210 320 0,5 0,1 0 0
l’ammoniaque a été totalement oxydée ou consom-
mée par les bactéries. Cette dernière hypothèse doit 12 - Hôtel Dialogue 51 45 314 192 0,5 0,5 0 0
être confirmée par l’analyse d’autres paramètres, no- 13 - Gué-Gué 44 25 270 416 0,3 0,1 0 0
tamment bactériologiques. 14 - Hôtel Tropicana 54 30 399 384 0,3 0,1 0 0

Le fait qu’il existe des différences entre les valeurs de 15 - Hôtel Gamba 35 33 359 352 0,6 1,7 0 0
MO et de DCO obtenues dans le jusant et le flot peut 16 - Sablière 53 31 285 352 1 0,1 0 0
suggérer que la marée joue un rôle de dilution de ces Moyenne 44,25 37 405,71 393,25 0,6125 0,4 / /
paramètres. De plus, les eaux des sites ayant des va-
leurs supérieures aux moyennes et aux valeurs admis- Normes gabonaises 250 mg/L < 20 mg/L 0,05 mg/L

sibles par le Code de l’environnement peuvent être


définies comme étant les eaux présentant une forte Tableau 1 - La qualité chimique
ou un début de dégradation par la matière organique. des eaux de surface de Libreville
dire, au regard de ces données, que les eaux de la rive et d’Owendo (rive droite)
Les matières en suspension (MES) sont les débris droite du littoral de Libreville et d’Owendo n’étaient Source : CNAP, mai 1993. Les
végétaux et animaux, les sables et autres sédiments pas dégradées par les MES. points de relevé sont localisés
sur la figure 1.
présents dans les eaux de surface. Ces MES peuvent
Données bactériologiques obtenues à Libreville et
transporter des polluants de tout genre. Les résul-
Owendo en 1993
tats d’analyse des MES dans le jusant et dans le flot
montrent que pour tous les sites étudiés, les résultats Les analyses des paramètres biologiques ont été
étaient tous inférieurs à la valeur admissible par le effectuées en 1993. L’analyse a constitué à la déter-
Code de l’environnement gabonais. Nous pouvons mination de quatre groupes de bactéries, à savoir, les

261
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Sites de Coliformes Streptocoques Staphylocoques Clostridium en milieu anaérobie, c’est-à-dire en l’absence d’oxy-
prélèvement
totaux fécaux pathogènes (+ pour présence) gène. Les Coliformes totaux dosés dans les eaux des
(/100 mL) (/100 mL) (/25 mL) (/25 mL)
16 sites choisis le long de la rive droite du littoral de
1 - Port à bois INC 36 0 +
Libreville et d’Owendo montraient des valeurs toutes
2 - Port d’Owendo 576 0 0 + supérieures à la valeur admissible par le Code de l’en-
3 - Centre de pêche 1 188 108 0 + vironnement, à savoir 50 Coliformes totaux/100 mL,
4 - Lowé 324 36 INC + à l’exception du site de Libeco-Glass qui présentait
5 - Oloumi 10 760 0 INC +
une valeur inférieure à la valeur admissible dans les
eaux, avec 36 Coliformes/100 mL. À l’opposé, neuf
6 - Libeco (Glass) 36 108 INC +
des sites de prélèvement des eaux présentaient des
7 - Batavéa INC 72 INC 0 quantités innombrables, c’est-à-dire, largement supé-
8 - Arambo 5 220 0 0 + rieures à la valeur la plus élevée lors des analyses, soit
9 - Port-Môle INC 504 0 + 10 760  Coliformes totaux/100 mL trouvées au site
INC 11 840
d’Oloumi, et donc plus de 215 fois supérieures à la
10 - Awondo 0 +
limite admissible.
11 - Archives Nationales INC 144 0 +

12 - Hôtel Dialogue INC 5 580 0 +


Les teneurs en Streptocoques fécaux dont la valeur
admissible par le Code de l’environnement est de
13 - Gué-Gué INC 0 0 +
20  Streptocoques fécaux/100 mL, étaient absentes
14 - Hôtel Tropicana INC 396 297 + dans les sites du Port d’Owendo, d’Oloumi, d’Aram-
15 - Hôtel Gamba INC 1 620 0 + bo, de Gué-Gué et de la Sablière. Dans les autres
16 - Sablière 396 0 0 + sites, les valeurs obtenues étaient toutes supérieures à
la valeur admissible dans les eaux de rejet. Les plus
Normes gabonaises 50/100 mL 20/100 mL Absence totale Absence totale
fortes teneurs ont été enregistrées à Awondo, Dialogue
INC = germes incomptables car trop nombreux, soit > à la numération la plus élevée et Hôtel Gamba avec des teneurs de 11 840 Strep-
Tableau 2 - La qualité
bactériologique des eaux de
tocoques fécaux/100 mL, 5 580 Streptocoques fé-
surface de Libreville et d’Owendo caux/100 mL et 1 620 Streptocoques fécaux/100 mL.
(rive droite) Coliformes totaux, les Streptocoques fécaux, les Sta-
Les Staphylocoques pathogènes et Clostridium sont
Les points de relevé sont localisés phylocoques pathogènes et le Clostridium. Les résul-
sur la figure 1. les bactéries les plus dangereuses en raison de leur ca-
tats des analyses biologiques sont présentés dans le
Source : CNAP, mai 1993 ractère évidemment pathogène pour l’homme. Elles
tableau 2 y compris leurs valeurs admissibles par le
doivent en conséquence être absentes dans les eaux
Code de l’environnement gabonais.
de baignade ou dans les eaux de rejet. Malgré cela, les
Les Coliformes totaux, les Streptocoques fécaux, les Clostridium étaient présentes dans toutes les eaux des
Staphylocoques et le Clostridium sont pour la plu- sites analysés, à l’exception des eaux du site Batavéa.
part d’origine humaine. C’est-à-dire que ces bacté- Les Staphylocoques pathogènes n’étaient présents que
ries se trouvent dans les intestins des animaux et des dans les eaux de la Lowé, d’Oloumi, de Libeco-Glass
hommes. Ces bactéries se développent généralement et de Batavéa où ils présentaient un nombre de germes

262
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

trop important pour être comptabilisés et supérieurs Staphylocoques Streptocoques Clostridium Coliformes
Nb� Matières
à la numérotation la plus élevée, ainsi que dans les Stations pathogènes fécaux sulfito- E. Coli totaux
d’échantillons organiques
(/25 mL) (/100 mL) réducteurs (/100 mL)
eaux de la plage du Tropicana avec une teneur de 297
Staphylocoques pathogènes/25 mL. Littoral de
1 352 42 203 143 56 0 Infini
Libreville
En regroupant l’ensemble des données obtenues Littoral de
163 48 1 002 386 76 0 Infini
sur tous les sites d’analyse bactériologique, nous Port-Gentil
déduisons que les eaux des plages du littoral de Li- Komo
8 / 515 / 0 0 904
breville et d’Owendo présentaient déjà en 1993 des (Kango)

signes très avancées de dégradation ou de pollution Normes


/ /
Absence
20/100 mL
Absence
100/100 mL 50/100 mL
gabonaises totale totale
par les bactéries.
Infini : trop élevé pour être comptabilisé, valeur largement supérieure à la plus forte valeur obtenue
Données bactériologiques obtenues à Libreville et
Tableau 3 - Données
Port-Gentil en 1998 bactériologiques des eaux de
Pour les Coliformes totaux, les concentrations surface du littoral gabonais
Des analyses bactériologiques et de matière orga-
étaient innombrables dans les deux villes. Par ailleurs, Source : CNAP, 1998
nique complémentaires ont été réalisées dans les eaux
toujours pour ces deux villes, les valeurs obtenues pour
de surface à Libreville, Port-Gentil et dans le fleuve
ces 4 paramètres bactériologiques étaient toutes supé-
Komo à Kango par le CNAP en 1998. Ces analyses rieures à leurs valeurs respectives admises par le Code
ont consisté à la détermination de cinq bactéries ou de l’environnement. Dans le fleuve Komo à Kango,
groupe de bactéries et de la matière organique (tab. 3). seules les Streptocoques pathogènes et les Coliformes
L’objectif était de réaliser un état des lieux de la qua- totaux ont été détectés avec des teneurs respective-
lité des eaux sur l’ensemble du littoral du Gabon. ment de 515 Staphylocoques pathogènes/25  mL et
Les concentrations de matière organique présen- 904 Coliformes totaux/100 mL.
taient des niveaux similaires dans les eaux littorales Ainsi, les analyses des données obtenues pendant
de Libreville et de Port-Gentil. Les Staphylocoques l’année 1998 montraient la présence de 4 des 5 bac-
pathogènes, Streptocoques fécaux et Clostridium téries dosées dans les eaux de surface des plages du
sulfito-réducteurs étaient également présentes dans littoral de Libreville et de Port-Gentil, à l’exception
les eaux littorales des deux grandes villes du pays, d’Escherichia Coli (E. Coli). Pour les quatre sites dont
dont les concentrations étaient toutes supérieures aux le seuil de pollution (Code de l’environnement gabo-
valeurs admissibles par le Code de l’environnement nais) était largement dépassé (tab. 3), il apparaissait
gabonais. La bactérie Escherichia Coli (E. Coli) était nettement que la qualité bactériologique des eaux lit-
absente dans les eaux du Komo à Kango et n’a pas torales de Libreville et de Port-Gentil comme des eaux
été analysée dans les eaux littorales de Libreville et de du fleuve Komo à Kango était très mauvaise. La ville
Port-Gentil. Les coliformes totaux étaient présents de Kango présentait toutefois les plus faibles valeurs
dans toutes les eaux analysées et supérieures à leurs des éléments détectés, sans doute en raison du faible
valeurs supérieures admissibles. nombre d’échantillons analysés, mais surtout de la

263
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

faible population que possé- des eaux de plage résulte dans cette agglomération
Mesures des :
dait cette petite ville compa- du rejet des eaux usées domestiques sans traitement
eaux de rejets urbains,
1
domestiques et industriels rativement aux deux autres préalable, ainsi que de l’absence d’un système de col-
Baie Akanda eaux estuariennes agglomérations, Libreville et lecte de déchets solides et liquides. Depuis cette année
2
d’A
ko
ua
(milieu marin) Port-Gentil. Ces deux der- 1993, la population de Libreville ayant pratiquement
nières regroupaient en effet doublé, passant de 419 596 habitants en 1993 à plus
ng
o

presque 50 % de la popula- de 807 000 habitants en 2013, alors qu’aucune me-


tion gabonaise en 1998 et sure n’a été prise pour notamment réduire les rejets et
3
Points de prélèvement présentaient les plus fortes limiter leur niveau de pollution, il est fort probable
1 - Otendé
4
LIBREVILLE concentrations des éléments que la dégradation chimique des eaux de surface de
2 - Sablière 5 analysés, illustrant ainsi l’im- l’agglomération librevilloise n’a fait que s’accentuer.
3 - Gué-Gué
4 - Awondo
6 pact des pressions humaines De plus, les résultats obtenus entre 1993 et 1998 met-
7
5 - Arambo sur la qualité des eaux de taient en lumière l’impact des rejets des eaux domes-
surface du littoral gabonais
© IGARUN, Université de Nantes

6 - Batavéa ES
TU 8 tiques sur la qualité des eaux des plages. La commune
7 - Marché Oloumi AIR
Owendo dans les secteurs les plus for- de Libreville concentrait en effet déjà une très forte
8 - Lowé
ED

tement urbanisés. densité de population dont la construction des habi-


U

9 - Sobraga (brasserie) 9
KO

13 tations se faisait de la manière la plus anarchique, sans


MO

10 - Comilog (stockage
de manganèse)
10
11 12
Qui plus est, depuis cette
11 - Sgepp (produits date, les villes de Libreville un système de collecte et de récupération des eaux
pétroliers) N
Sources : CNDIO - GREH,
images satellites Earthstar et de Port-Gentil ont vu leur usées. À cela s’ajoutait le problème de collecte des dé-
12 - CIM Gabon (cimenterie)
13 - Port à bois 0 5 km
Geographics - CNES/Airbus DS
population grossir de plus de chets ménagers et industriels qui dégradaient la quali-
S. CHARRIER, B. KOUMBA MABERT
400 000 habitants, passant té des eaux des plages. Depuis 1993, dans ce domaine
Figure 2 - Situation des points de ainsi de 498 821 habitants comme dans le précédent, la population de l’agglo-
prélèvement des eaux littorales
en 1993 à 941 727 habitants en 2013, soit une aug- mération a crû de 92 % alors que les équipements ur-
(CNDIO, 2011 à 2013)
mentation de plus de 88 % sans qu’aucune mesure bains n’ont guère progressé. Les latrines ne sont pas
d’assainissement et de construction d’infrastructures connectées à un réseau public, mais plus souvent à des
de traitement de déchets et d’épuration des eaux usées structures individuelles. La construction anarchique
ne soit prise. L’absence d’infrastructures et l’augmen- et le phénomène récurrent des inondations n’ont pas
tation de la population sont autant de facteurs qui aidé la situation de la qualité des eaux à s’améliorer.
contribuent donc depuis des décennies à la dégrada- Les quartiers sous intégrés et à forte concentration
tion des eaux littorales du Gabon. humaine présentent particulièrement des niveaux de
dégradation élevés, étant entendu que toutes les eaux
L’interprétation diachronique des données obtenues
rejoignent les canalisations sans traitement préalable
en 1993 et celles obtenues en 1998 par le CNAP sur
avant de se déverser dans la mer.
l’ensemble du littoral du Gabon montre que la qua-
lité physico-chimiques et bactériologiques des eaux Depuis ces dernières données, déjà anciennes, cela ne
de toutes les plages de la rive droite de Libreville et fait donc aucun doute que la qualité des eaux ne s’est
d’Owendo était fortement altérée. La dégradation pas améliorée, et que bien au contraire, la situation n’a

264
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

probablement fait qu’empirer. Au regard de l’attrait Komo), et trois autres sites dans les eaux estuariennes
démographique exercé par Libreville et Port-Gentil, (prélèvements effectués dans des milieux considérés
sans pour autant que l’évolution des infrastructures comme marins).
urbaines suive la même tendance, et de l’installation
le plus souvent anarchique de ces nouvelles popula- La conductivité
tions, les dégradations environnementales liées au dé- La conductivité des eaux des rejets urbains, domestiques
veloppement urbain n’ont pu être maîtrisées. et industriels
Paramètres physico-chimiques des eaux littorales La conductivité des eaux des rejets urbains domes-
de 2011 à 2013 tiques et industriels a été mesurée sur dix sites le long
Plusieurs paramètres permettent de caractériser l’état du littoral de Libreville et d’Owendo entre 2011 et
des eaux de rejet, de ruissellement et des estuaires. Il 2013 (fig. 3).
s’agit par exemple des paramètres physiques, à savoir Pendant cette période de mesure, la conductivité Figure 3 - Variations spatio-
la turbidité (c’est le fait que l’eau soit trouble et laisse a un comportement très variable et apparaît dans temporelles des moyennes de
difficilement passer la lumière) et la conductivité (en- la très grande majorité des résultats supérieure à la conductivité de 2011 à 2013
(10 sites d’eau de rejets urbains)
semble des sels et ions dissous dans l’eau) et des pa- norme de rejet pour les eaux usées fixée par le Code
Les points de relevé sont localisés
ramètres chimiques tels que le pH 2 (c’est le caractère de l’environnement gabonais à 700 µS/cm (fig. 3). sur la figure 2.
acide ou basique d’une eau), ainsi que des niveaux Source : CNDIO, 2011 à 2013
observés d’autres indicateurs de pollution comme
Conductivité
l’azote, les métaux ou encore la demande chimique en (µS/cm) 2011 2012 2013
oxygène (DCO3). 100 000

L’analyse des paramètres physico-chimiques obtenus


par le CNDIO entre 2011 et 2013 éclaire ainsi sur 10 000
l’évolution de la qualité des eaux littorales de Libreville Norme fixée par le Code de
l’environnement gabonais
et d’Owendo. Ici ont été retenus les deux paramètres
physico-chimiques de la conductivité et du pH. Les 1 000
700 µS/cm
mesures ont concerné deux types d’eau de surface
(fig. 2), avec d’un côté dix sites portant sur des eaux 100
de rejets urbains, domestiques et industriels (prélève-
ments effectués dans les principaux exutoires du réseau
d’écoulement des eaux de la ville de Libreville, légère- 10
ment en amont de leur évacuation dans les eaux du
1
2. pH : potentiel hydrogène.
é

re

bo

éa

ga

pp

n
um
nd

nd

bo
liè

ra
av
-G

ge
te

lo
wo

Ga
ab

ob
ra

at

-S
-O
O

3. Elle mesure la totalité de la matière organique de l’eau (biodé-


-B
-A
-S

-A

-S

IM
-G

11
1-

-C
6
5
2

9
4
3

gradable ou non).

12
265
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

environnement assez bien conservé avec une forêt à


mangrove encore présente et peu dégradée. Le niveau
légèrement supérieur de la conductivité au site de la
Sablière peut s’expliquer par la déforestation consta-
tée depuis 2012 notamment (photo 4) et l’extraction
de sable en amont de la rivière, ce qui a augmenté le
débit et favorisé le transport d’un nombre plus im-
portant de particules. La déforestation entraîne ainsi
l’augmentation de la matière organique dans l’eau et
fait augmenter la conductivité. Les valeurs observées
à la Sablière et à Otendé restent toutefois inférieures
aux normes de rejet gabonaises (700 µS/cm), car elles
sont pour l’instant moins impactées par le développe-
ment urbain. Dans cette commune d’Akanda en effet,
le développement résidentiel comme celui des activi-
tés industrielles est encore très modéré.
Pour les sites un peu plus au sud situés sur la com-
mune de Libreville entre Gué-Gué et Oloumi, les
Photo 4 - Dégradation de la forêt
à mangrove dans la zone de la
teneurs de la conductivité pendant l’année 2011 affi-
Sablière Les résultats affichent même des niveaux extrême- chent une étendue de 1 262,06 µS/cm au site d’Aram-
(ph. CNDIO, 2012) ment élevés (au-delà de 10 000 µS/cm) qui sont de bo à 12 081,68 µS/cm au site d’Oloumi. En 2012 par
Cet ancien secteur de mangrove plus en plus fréquents ; 1 en 2011, 2 en 2012 et 4 en contre, la conductivité moyenne va de 4 367,2 µS/cm
dans la périphérie nord de Libre- 2013. Par ailleurs, l’étendue entre les niveaux les plus au site de Batavéa à 10 594,8 µS/cm au site d’Oloumi.
ville a pratiquement disparu sous
les assauts de l’agriculture, des
faibles et les plus élevés est également importante En 2013, elle enregistre un écart important pour être
comblements et d’une décharge et en progression, avec 11 967,58 µS/cm en 2011 comprise entre 2 514,35 µS/cm au site d’Oloumi et
sauvage. entre Otendé (114,1 µS/cm) et Oloumi (12 081,68), 22 189,75 µS/cm au site d’Arambo. On remarque que
puis 13 301,26 µS/cm d’écart en 2012 entre Otendé dans les sites de Gué-Gué à Arambo, la conductivité
(75,40 µS/cm) et Sobraga (13 376,66 µS/cm), pour augmente pendant la période de 2011 à 2013, tandis
atteindre enfin 22 003,59 µS/cm en 2013, entre le qu’elle est variable au site de Batavéa avec une forte
point de mesure bas à la Sablière (186,13 µS/cm) et valeur obtenue pendant l’année 2011, puis une réduc-
le plus haut à Arambo (21 189,75 µS/cm). tion. Sur le site d’Oloumi, la conductivité décroît éga-
Pendant la période de mesure allant de 2011 à lement de l’année 2011 à 2013. Toutefois, pendant les
2013, les faibles valeurs de la conductivité ont été trois années de mesure, toutes les données obtenues
observées dans les deux sites d’Otendé et de la Sa- dans l’ensemble des sites de la ville de Libreville pré-
blière (commune d’Akanda). Ces faibles niveaux sentent des valeurs supérieures à 700 µS/cm, niveau
s’expliquent au site d’Otendé par la présence d’un guide du Code de l’environnement gabonais.

266
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

Les eaux de la commune de Libreville connaissent tion comme l’ont montré les
en fait une forte dégradation due aux rejets des eaux différents résultats obtenus
usées en provenance des habitations et la présence pendant les deux années de
des ordures ménagères qui se retrouvent dans les ca- mesure. Tout comme pour
nalisations. Ces eaux usées entraînent ainsi une aug- les eaux de la commune de
mentation de la conductivité qui atteint des propor- Libreville, celles d’Owendo
tions inquiétantes avec des valeurs pouvant être de présentent de fortes dégra-
30 fois supérieures à la norme, comme par exemple dations dues à une absence
à Arambo en 2013 où la conductivité atteint près de criante de traitement des eaux
23 000 µS/cm. usées urbaines et industrielles,
Les eaux d’Oloumi peuvent être considérées comme autant qu’à l’absence d’un sys-
étant polluées au regard des déversements quotidiens tème de collecte des déchets.
des eaux usées dans ce canal, de la couleur apparente Les sociétés à l’exemple de
de l’eau qui vire vers le vert et qui démontre une forte Sobraga, CIM Gabon et de
eutrophisation (photo 5). L’eutrophisation entraîne Sgepp présentent dans la zone
une consommation d’oxygène avec une forte concen- portuaire ne procèdent ainsi Photo 5 - Dépôt des déchets
ménagers dans le canal du
tration de demande chimique en oxygène (DCO). À à aucun traitement de leurs marché d’Oloumi
cela s’ajoutent les déchets plastiques, les ordures mé- rejets avant leur déversement (ph. CNDIO, 2012)
nagères et les tas d’immondices visibles dans le canal dans les eaux littorales. Cette boue grise et verdâtre
qu’on observe le long du canal
et sur son bord. Ce canal ne reçoit pas seulement les La conductivité des eaux estuariennes (eaux marines) sur la rivière Ogombié à Libreville
effluents liquides et solides du marché d’Oloumi, est un mélange de déchets
mais il réceptionne également les eaux mélangées Les variations spatiales et temporelles des moyennes plastiques, d’ordures ménagères
de conductivité mesurées dans les eaux de l’estuaire et de diverses immondices lié
d’huiles usagées en provenance de la station-service aux déversements quotidiens des
qui le jouxte. au niveau d’Owendo ont porté sur 3 sites ayant fait eaux usées, des effluents liquides
l’objet de mesures pendant deux années en 2012 et et solides du marché d’Oloumi
Dans la commune portuaire d’Owendo, les me- 2013 pour le Port à bois et Comilog, et trois années notamment, mélangés aux huiles
sures n’ont été effectuées que pendant les années de 2011 à 2013 pour le site de la Lowé (fig. 4).
usagées en provenance d’une
station service située à proximité.
2012 et 2013 et dans les sites de Sobraga, CIM
Gabon et Sgepp. La valeur moyenne de la conduc- La conductivité des eaux estuariennes au niveau du
tivité oscille en 2012 entre 179 µS/cm à Sgepp et site de la Lowé est presque identique pour les deux pre-
13 376,66 µS/cm à Sobraga, alors que pendant l’an- mières années de mesure, avec des valeurs moyennes
née 2013 elle se situe entre 1 017,26 µS/cm à Sgepp de 41 305,53 µS/cm et 41 167,25 µS/cm, respecti-
et 14 247,16 µS/cm à CIM Gabon. À l’exception du vement en 2011 et 2012. Puis, la conductivité aug-
site Sgepp en 2012, toutes les valeurs de conductivité mente pendant l’année 2013 pour atteindre la valeur
sont supérieures à la valeur limite supérieure donnée de 44 380,25 µS/cm. La conductivité moyenne pour
par le Code de l’environnement. Les eaux des rejets l’ensemble des trois années d’étude s’établit quant à
industriels d’Owendo présentent une forte dégrada- elle à 42 284,34 µS/cm. Sur le site de Port à bois,

267
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

2011 2012 2013

Conductivité Gamme de référence des eaux marines saines


(µS/cm) (sans rejets) de l’embouchure du Komo la tendance est quasiment la même pour les valeurs mesurées
d’après des relevés du CENAREST en 2012 et 2013. La conductivité y varie de 40 700 µS/ cm en
45 000
2012 à 39 991,8 µS/cm en 2013. En revanche, pour le site de
40 000 41 000
Figure 4 - Variations spatio-
la Comilog, les valeurs de conductivité sont plus faibles que
35 000 34 000 temporelles des moyennes de celles mesurées à la Lowé et au Port à bois, ne dépassant pas
30 000
conductivité de 2011 à 2013
(3 sites estuariens)
30 000 µS/cm pour les deux années de mesure.
25 000 Les points de relevé sont localisés Dans l’estuaire du Komo, la conductivité des eaux marines de
20 000 sur la figure 2. l’embouchure de l’estuaire épargnées par les rejets s’établie dans
15 000
Source : CNDIO, 2011 à 2013 une gamme de référence comprise entre 34 000 à 41 000 µS/cm
10 000
(relevés CENAREST, 2011-2013). Le niveau de conductivité
enregistré à la Lowé et au Port à bois est dû aux rejets des eaux
5 000
usées et des déchets qui proviennent du marché situé sous le
0 pont de la Lowé, ainsi qu’aux eaux usées qui sont transportées
par la rivière en provenance de la décharge de Mindoubé (située
é

is

g
ilo
ow

bo

om
-L

en amont de la Lowé). La diminution de la conductivité au site


-C
8

or
-P

13

de la Comilog, qui a des valeurs inférieures à 30 000 µS/cm


10

pour les deux années de mesure, est due aux rejets des drèches
et du minerai de manganèse déversés sur les plages de Comilog
(photo 6). En effet, selon Bakalowicz (1974), la conductivité
d’une eau dépend de la nature des ions et de leur association
géochimique. Le minerai de manganèse masque l’impact des
rejets des eaux usées contenant de la drèche et « impose » ainsi la
conductivité au niveau des eaux de la Comilog. Les eaux usées
contiennent des sels minéraux qui minéralisent les eaux (Mey-
beck, 1986) et font augmenter la conductivité. Tandis que la
nature métallique du manganèse la fait baisser.
Le pH

Le pH des eaux de rejets urbains, domestiques et industriels


Les valeurs moyennes de pH obtenues également pendant
la période allant de 2011 à 20134 oscillent entre 7,01 obtenue
à Otendé dans la commune d’Akanda et 12,34 obtenue à la
Photo 6 - Pollution industrielle et portuaire à Owendo sur les rives du Komo
(ph. CNDIO, 2012)
Déversement d’un mélange de drèche provenant de la Sobraga et du minerai brut 4. Les sites d’Otendé, de Sobraga, de CIM Gabon et de Sgepp n’ont fait l’objet
de manganèse de Comilog. de mesure de pH que pendant les années 2012 et 2013

268
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

Sobraga (fig. 5). D’Otendé à Oloumi, on observe de pH de l’eau


2011 2012 2013
faibles variations annuelles à l’intérieur d’un même 14
site.
12
À Akanda, le site d’Otendé présente des valeurs de
pH neutres, c’est-à-dire égales à 7 pendant les deux 10
pH neutre
années de mesure avec des valeurs moyennes de 7,05
en 2012 et 7,01 en 2013. À la Sablière, les valeurs 8
de pH sont inférieures à 7 au cours des années 2011 7

et 2013, avec des valeurs de 6,97 et 6,76 respective- 6

ment. En revanche en 2012, le pH à la Sablière était


4
de 7,39. Les eaux dans la commune d’Akanda sont
neutres à légèrement acides à l’exception du site de 2
la Sablière en 2012 qui présente la plus forte valeur
moyenne du pH et qui est légèrement basique. La 0
valeur élevée de pH en 2012 peut s’expliquer par la

bo

éa

ga

pp

n
um
re
nd

nd

bo
ra
av
-G

ge
liè
te

lo
wo

Ga
ob
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at

ab

-S
très forte demande de sable qui s’est faite le long du

-O
-O

-B
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-A

-S

IM
-G
-S

11
7
1

-C
6
5

9
4
2

3
littoral de Libreville en raison de la construction des

12
infrastructures sportives gourmandes en matériaux Figure 5 - Variations spatio-
de construction, lors de la Coupe d’Afrique des Na- Dans la commune portuaire d’Owendo, au site de temporelles des moyennes de PH
entre 2011 et 2013
tions (CAN) organisée conjointement par le Gabon la Sobraga, les valeurs de pH varient de 7,1 (Sgepp en
2012) à 12,34 (Sobraga en 2012). Ces fortes valeurs Les points de relevé sont locali-
et la Guinée. Après l’année 2012, l’extraction de sés sur la figure 2.
sable s’est déportée plus au nord de Libreville, ce qui de pH au point de la Sobraga sont dues aux rejets des Source : CNDIO, 2011 à 2013
a probablement fait baisser à nouveau le pH pendant eaux usées industrielles qui proviennent des usines de la
l’année 2013 à la Sablière. société de brasserie du Gabon (Sobraga). Les eaux de la
cimenterie du Gabon (CIM Gabon) sont quant à elles
Pour les sites de mesure situés dans la ville de Libre- très basiques avec des valeurs supérieures à 10 pour les
ville (de Gué-Gué à Oloumi), les valeurs du pH sont deux années de mesure. Ces fortes valeurs de pH sont
élevées par rapport à celles obtenues à Akanda. Elles dues à la nature des produits déversés dans les eaux de
oscillent entre 7,15 (Oloumi en 2011) à 8,05 (Ba- rejet de la cimenterie, dont l’utilisation de matériaux
tavéa en 2012). Ces niveaux sont généralement ren- à base de calcaire qui font augmenter le pH des eaux.
contrées dans les estuaires (Aminot et Kérouel, 2004)
dont les eaux se mélangent avec celles non traitées Le pH des eaux estuariennes
des rejets urbains domestiques et industriels. Ainsi, Le pH des eaux estuariennes à la hauteur de la
les résultats obtenus à Libreville reflètent l’impact dû commune d’Owendo varie à l’intérieur d’un même
aux rejets des eaux usées déversées à partir des canali- site, d’un site à un autre et d’une année à l’autre pen-
sations vers les eaux des plages de Libreville. dant les années 2011 à 2013 (fig. 6). Pour les sites à

269
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

2011 2012 2013

pH de l’eau Normes indiquées par Owendo de Port à bois (PAB) et de zones littorales d’Akanda, Libreville et Owendo. Les
Aminot et Kérouel (2004)
10 la Compagnie Minière de l’Ogooué eaux de ces trois communes ont présenté un caractère
9 (Comilog), les valeurs moyennes de dégradé pendant les trois années de mesure. Chaque
8,3
8 8
pH sont toutes supérieures à 7. Dans zone possède sa propre cause de dégradation des eaux
7 les eaux des plages de la Comilog, le littorales. Dans la commune d’Akanda, il s’agit prin-
6 pH oscille entre 7,44 (2012) et 9,67 cipalement de la dégradation de la forêt à mangrove
5 (2013). Ces valeurs sont en dehors et l’extraction de sable, toutes choses contribuant à
4 des normes comprises entre 8 et 8.3 modifier la chimie des eaux dans cette zone. À Libre-
3 indiquées par Aminot et Kérouel ville, les paramètres des eaux littorales connaissent
2 (2004) pour les eaux marines, ainsi une forte détérioration due aux rejets des eaux usées
1 que celles des eaux estuariennes pro- et des déchets ménagers en provenance des habita-
0 posées par Morris et al. (1982). tions. Ces paramètres sont fortement dégradés là où
é

is

g
ilo

les bassins versants ont une forte densité de popula-


ow

bo

Ces valeurs au dessus des normes,


om
-L

-C
8

or

trouvées sur le site de la Comilog tion. À Owendo, par contre, les paramètres physico-
-P

13
10

s’expliquent par les forts rejets des chimiques des eaux sont dégradés en raison de la forte
Figure 6 - Variations spatio-temporelles des
moyennes de pH des eaux marines à Owendo drèches et du minerai de manganèse activité industrielle qui s’y déroule.
entre 2011 et 2013 (3 sites estuariens) sur les plages (photos 6 et 7).
Les points de relevé sont localisés sur la
Analyse d’indicateurs de pollution
figure 2. Les paramètres physico-chimiques
Les prélèvements des échantillons d’eau ont été ef-
Source : CNDIO, 2011 à 2013 ont ainsi permis de subdiviser le lit-
fectués pendant les mois de mai, juillet et août 2012 le
toral de Libreville en trois zones : les
long du littoral d’Akanda à Owendo (tab. 4). Les ana-
lyses ont été réalisées pour un grand nombre de para-
mètres de pollution des eaux, parmi lesquels les nutri-
ments (nitrates, nitrites, ammonium, phosphates),
un paramètre de pollution organique (DCO), et les
métaux (manganèse, baryum, arsenic).
Photo 7 - Pollution des eaux marines dans le
secteur portuaire d’Owendo
Les nutriments
(ph. CNDIO, 2012)
Entre le site de la Sobraga et celui de la Les valeurs des concentrations des nutriments
Comilog la couleur noirâtre des eaux est la
conséquence des déversements du manga-
obtenues dans l’ensemble des sites de prélève-
nèse brut lors des transvasements entre ment sont toutes inférieures à leurs normes res-
les wagon-trains et les bateaux accostés pectives. Toutefois, on observe que les valeurs des
en mer.
concentrations de nitrates obtenues sur les points
de la Sablière (2,16  mg/L), Awondo (2,29 mg/L),
Arambo (2,56 mg/L), Port à bois(2,5 mg/L), Sgepp
(2,96  mg/L), CIM Gabon (2,5  mg/L), Sobraga

270
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

(3,04 mg/L) et Comilog (3,02 mg/L) Nitrates Ammonium Nitrites Phosphates DCO Manganèse Baryum Arsenic
sont supérieures à la valeur moyenne (NO3- , mg/L) (NH4+, mg/L) (NO2- , mg/L) (PO43-, mg/L) (mg/L) (Mn, μg/L) (Ba, mg/L) (As, mg/L)
de cet élément pour l’ensemble des
1 - Otendé (Akanda) na na nd na na na na na
sites. Les concentrations de l’ammo-
2 - Sablière (Akanda) 2,16 nd nd < 0,8 17 na na na
nium à Port à bois, à Sobraga et à
3 - Gué-Gué (Akanda) 0,56 nd nd < 0,8 119 na na na
Comilog sont également élevées, avec
des valeurs de 4,8  mg/L, 9,2  mg/L, 4 - Awondo (Libreville) 2,29 nd nd < 0,8 114 na na na

respectivement. Le phosphate ne pré- 5 - Arambo (Libreville) 2,56 nd nd 1,2 157 na na na

sente une forte valeur (8,52 mg/L) 6 - Batavéa (Libreville) 0,23 nd nd 3 135,5 na na na
qu’au point Comilog, alors que pour 7 - Oloumi (Libreville) 1,21 nd nd < 0,8 102 na na na
l’élément nitrite, les valeurs sont très 8 - Lowé (Libreville) 0,23 nd nd < 0,8 200 na na na
faibles sur l’ensemble des sites. Ces 9 - Port à bois (Owendo) 2,5 5,4 < 0,01 < 0,8 316 20,94 < 0,01 <0,02
résultats suggèrent que les eaux litto- 10 - SGEPP (Owendo) 2,96 0,1 < 0,01 < 0,8 2,5 12,85 22,35 8,58
rales connaissent des apports en nutri- 11 - CIM Gabon (Owendo) 2,5 1,8 1,4 < 0,8 19 210,7 50,64 27,18
ments. Ces nutriments proviennent 12 - Sobraga (Owendo) 3,04 4,8 0,1 < 0,8 131 0,03 86,46 8,99
des sels contenus dans les eaux usées. 13 - Comilog (Owendo) 3,02 9,2 < 0,01 8,52 459 144 34,07 17,58
Les fortes concentrations de nutri-
ments sont observées dans les eaux Moyenne 1,93 4,26 0,3 4,24 147,7 77,7 48,38 12,47
provenant des quartiers fortement Médiane 2,40 4,80 0,75 3,00 125,00 20,94 42,36 13,29
peuplés. De plus, les eaux drainées Normes 20 15 0,2 10 < 40* 50 0,10 0,05
par les canalisations présentent tout 2,56 4,03 0,56 3,58 87,43 1367,30 16,40 7,13
Écart moyen à la norme
le long du littoral traversent des zones
Écart moyen 0,921 2,648 0,650 2,853 90,222 79,717 20,170 6,798
de champs maraîchers. C’est le cas
par exemple des sites tels qu’Awondo NB : na = non analysé / nd = non détecté.
Les métaux ont été analysés dans les échantillons d’eau prélevés uniquement dans la commune industrialo-portuaire d’Owendo en 2012.
et Arambo. Les propriétaires de ces * Les valeurs de DCO < 40 = pas de pollution ; 40< DCO<120 = pollution décelable ; 120<DCO<250 = pollution importante et DCO>250 = pollution très importante
champs de maraîchères utilisent des (source : Code de l’Environnement gabonais).

engrais et pesticides qui pourraient Tableau 4 - Résultats d’analyse de


quelques éléments de pollution
entraîner une augmentation de ces (16/05 ; 27/07 ; 29/08 et
nutriments dans l’eau. Cela n’est vrai les rejets d’eau usées domestiques et industrielles et aux rejets de 28/12/2012)
que pour les sites de Libreville, la forte drèche observés à Sobraga et Comilog. Au site de Sgepp, la forte Les points de relevé sont localisés
sur la figure 2.
valeur de nitrate observée à la Sablière valeur de nitrate pourrait être due au lessivage des sols.
Source : DESMAR
étant due à la dégradation de la ma-
La DCO
tière organique végétale. En revanche,
les fortes valeurs observées à Owendo, La demande chimique en oxygène (DCO) analysée sur les diffé-
plus précisément aux sites Port à bois, rents sites varie de 17 mg/L à la Sablière à 459 mg/L au site indus-
Sobraga et Comilog s’expliquent par triel de la Comilog. On remarque que les concentrations de DCO

271
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

augmentent du Nord au Sud, c’est-à-dire d’Akanda à Le manganèse a des concentrations supérieures à


Owendo avec quelques exceptions. L’analyse des nu- la norme sur les sites de CIM Gabon, Comilog avec
triments et de la DCO montre une augmentation de des valeurs de 210,7 et 144 µg/L, soit quasiment des
l’eutrophisation due aux rejets des eaux usées domes- concentrations de 3 à 4 fois supérieures à la norme qui
tiques et industrielles et confirme les interprétations est fixée par le Code de l’environnement à 50 µg/L.
des résultats des nutriments et des paramètres physico- Le Mn présent à Comilog provient indubitablement
chimiques. En effet, les résultats obtenus confirment de l’activité de stockage et au transit du minerai de
que les eaux littorales d’Akanda à Owendo subissent manganèse au port minéralier de Comilog dont les
une forte dégradation chimique et organique. Ce déversements sont remarquables sur les plages de la
constat avait déjà été fait par Ella Ondo (2004) à par- Comilog (photo 7). La forte concentration de Mn
tir des données du CNAP relevées ponctuellement en dans les eaux de CIM Gabon (la cimenterie du Ga-
1993 et 1998. Les fortes valeurs de DCO ont été obte- bon) pourrait provenir soit du sol où sont extraits les
nues sur les sites de Batavéa (135,5 mg/L), Oloumi matériaux pour la fabrication du ciment, soit par le
(102 mg/L), Lowé (200 mg/L), Port à bois (316 mg/L), dépôt de cet élément par les vents. Sachant toutefois
Sobraga (131 mg/L) et la plus grande valeur a été obte- que l’activité de stockage et de transit du minerai de
nue à Comilog (459  mg/L). Ces valeurs sont toutes manganèse se font depuis des décennies sur le site
supérieures à la norme de la charge organique admis- d’Owendo. Sur les autres points, le Mn présente des
sible dans les eaux de rejet qui est fixée à 40 mg/L. Au faibles valeurs jusqu’à 0,03 µg/L à la Sobraga. Les va-
regard des normes édictées par le Code de l’environ- leurs de 12,85 µg/L à Sgepp et de 20,94 µg/L au port
nement gabonais, les eaux des sites d’Oloumi, Lowé, à bois peuvent s’expliquer d’une part par la présence
Port à bois, Sobraga et Comilog connaissent un degré d’un fond géochimique de Mn dans la zone d’Owen-
do, ou par les déversements accidentels lors du trans-
de pollution très important. Le couplage des données
vasement du minerai pour ce qui est du Port à bois.
de nutriments et de DCO montre que toutes ces eaux
connaissent une forte dégradation due aux rejets des En effet, le Port à bois est un second site de trans-
eaux usées domestiques et industrielles contenant de vasement du manganèse en provenance de Ndjolé
fortes concentrations en matières organiques, à l’ex- dans le Moyen Ogooué, tandis que celui transvasé par
ception des eaux de Sgepp et de CIM Gabon. Comilog provient de Moanda dans le Haut Ogooué.
Pourtant, les concentrations de Mn à Port à bois sont
Les métaux très faibles par rapport aux concentrations à la Comi-
Les métaux ont été analysés uniquement dans la log. Cela peut s’expliquer par le fait que l’activité de
zone d’Owendo en raison de la forte activité indus- stockage et de transvasement du minerai à Comilog
trielle qui s’y passe. Les analyses ont consisté à recher- date d’au moins 50 ans, tandis que l’activité à Port à
cher dans les eaux un certain nombre de métaux, à bois est plus récente.
savoir le manganèse (Mn), le baryum (Ba) et l’arsenic Le baryum (Ba) est présent dans toutes les eaux
(As) qui ont été retenus pour l’interprétation de la des sites de mesure, à l’exception du site du Port à
qualité des eaux sur le littoral d’Owendo (tab. 4). bois. Les concentrations du Ba vont jusqu’à 800 fois

272
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

supérieures à la norme autorisée par la loi gabonaise la commune de Libreville connaissent une très forte
(Code de l’environnement). Les concentrations de Ba dégradation causée par les rejets d’eau usées et les dé-
à la Sobraga et à CIM Gabon sont respectivement de chets ménagers. À Owendo, c’est particulièrement
86,46 µg/L et 50,64 µg/L, soit des valeurs de plus de l’activité industrielle qui est tout logiquement mise en
500 à 800 fois supérieures à la norme. À l’exception du cause. Les entreprises présentes dans la zone industria-
site du Port à bois, tous les autres sites présentent des lo-portuaire ne possèdent pas de système de gestion
fortes concentrations en Ba. Cela signifie que les eaux des effluents liquides et des déchets solides.
de ces sites sont fortement polluées. Les concentra-
tions de l’arsenic (As) semblent suivre celles du Ba. En Les problèmes de gestion
effet, à l’exception du site du Port à bois, les concen- des ordures ménagères et
trations de l’As sont toutes supérieures à la valeur fixée d’assainissement des eaux usées
par le Code de l’environnement (0,05 mg/L). La plus
forte valeur de l’As a été trouvée dans les eaux de la Les ordures ménagères et les eaux usées sont des
cimenterie du Gabon (CIM Gabon) avec une valeur problèmes inhérents à toute ville en pleine croissance.
de 27,18 mg/L. Ce qui pourrait suggérer une même Ils constituent souvent le point d’achoppement entre
origine pour les éléments Ba et As, soit par une asso- les populations et les autorités. À Libreville, ce sont
ciation possible au minerai de manganèse, soit par un des problèmes auxquels on a du mal à trouver des so-
lien au fond géochimique des sols d’Owendo. lutions adéquates. Cependant, une certaine organisa-
La composition chimique et organique des eaux tion est mise en place pour le traitement des ordures
littorales d’Akanda, Libreville et d’Owendo présente ménagères et l’assainissement des eaux usées.
donc de forts signes de dégradation dont les éléments Le décret n° 0541 du 15 juillet 2005 réglemente le
les plus préoccupants sont les valeurs bactériologiques traitement des déchets. Celui-ci répond aux exigences
et les pollutions de types industrielles. Cette dégra- techniques du Code de l’environnement datant du
dation déjà constatée en 1993 semble s’accélérer avec 26 août 1993 (Loi n°16/93). Les déchets produits
l’augmentation de la population qui a quasiment dou- par les ménages de Libreville et par les activités éco-
blé depuis cette période (RGPH, 2003). Les données nomiques ont été gérés par l’opérateur économique
physico-chimiques et organiques relevées entre 2011 SOVOG (Société de Valorisation des Ordures du
et 2013 montrent que la situation ne s’est pas amélio- Gabon) jusqu’à 2012, et actuellement par CLEAN
rée, d’autant que la population a augmenté alors même AFRICA dont le travail consiste à collecter et à trai-
que la mise en place véritable d’un plan d’occupation ter les déchets de l’agglomération de Libreville. Face
des sols (POS) qui éviterait les rejets d’eau usée direc- à l’ampleur du problème, CLEAN AFRICA s’est
tement dans l’environnement a connu des difficultés. attaché les services d’un sous-traitant, AVERDA,
À cela s’ajoute le problème lié à la collecte des ordures. qui semble disposer d’une réelle expertise en gestion
La dégradation de la qualité des eaux à Akanda des déchets urbains. Depuis son arrivée, AVERDA
pourrait être due à la dégradation de la mangrove et s’efforce de changer l’image de « ville-poubelle » que
surtout l’extraction de sable. Les eaux de plage dans les librevillois se faisaient de leur citée. En effet, en

273
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

en décharge et à leur destruction, soit par incinéra-


tion, soit par enfouissement. Cette unique décharge
publique, saturée depuis 1996 d’après les autorités
municipales et les riverains, continue aujourd’hui à
servir une ville qui contient près de 45 % de la popu-
lation gabonaise (soit un peu plus de 800 000 âmes)
et qui produit 600 tonnes de déchets par jour5.
Aussi, à Libreville, la problématique de la gestion de
déchets solides provient de l’inaccessibilité des zones
sous-intégrées (voies d’accès très dégradées, sous-quar-
tiers sans voirie, habitat spontané et désorganisé), des
difficultés de collecte (absence de lieux de collecte),
d’évacuation, de tri et de traitement de ces déchets. À
cela s’ajoute le problème de la cogestion des ordures
dans cette métropole régionale, entre l’État et la mairie
de Libreville, qui a souvent été une source de conflits
de compétences, notamment depuis l’avènement de
la démocratie en 1990 (les partisans de l’opposition
et la société civile soulignent qu’il s’agit de problèmes
politiques, voire de leadership, avec pour conséquence
l’attribution des budgets non-conséquents aux arron-
Photo 8 - Décharge de
Mindoumbé (Libreville) dissements gérés par l’opposition ou à l’ensemble de
(ph. A. Moublélé, 2016) la commune).
moins de trois mois de sa présence sur le terrain, on
La convention signée en octobre
2012, entre l’État et la SOVOG,
constate que les bacs à ordures sont régulièrement Quant aux eaux usées dans la commune de Libre-
devenue CLEAN AFRICA, pré- vidés, les caniveaux sont curés et les espaces verts va- ville, cette problématique reste prégnante. En effet,
voyait la réalisation d’un Centre lorisés. Pourtant, cette apparente bouffée d’oxygène le problème demeure insoluble notamment dans les
d’enfouissement technique (CET)
avec traitement par stérilisation
ne résout pas le problème des conditions d’élimi- quartiers sous-intégrés de la périphérie urbaine, voire
et méthanisation des ordures nation des déchets collectés. En principe, d’après le ceux qui couronnent le centre-ville. Les eaux usées
ménagères. Deux sites avaient décret sus-cité, la décharge de Mindoubé, située à
été indiqués pour décongestion-
ner l’actuelle décharge arrivée à
la périphérie sud-est de la ville - créée en 1970 - ne 5. Le PNUD-ONU HABITAT, dans son étude publiée en 2013,
saturation : Melen après les rails doit recevoir qu’une seule catégorie de déchets, celle fustige à ce titre la gestion des ordures dans la capitale gabonaise, sou-
(en périphérie est) et Akournam des ordures ménagères. Mais, dans un contexte de lignant le « grand déficit en service de ramassage des ordures…»,
(vers Owendo). Mais l’État n’ayant
collecte a priori non-sélective, toutes les catégories alors que «...Moins d’un quart des ménages en disposent, soit un
pas honoré ses engagements, tiers de la population de Libreville et seulement 3 % en zone ru-
Mindoubé continue, malgré son de déchets (ménagers et industriels) s’y retrouvent rale. La majorité des ménages (64 %) jette ses ordures dans la na-
trop plein, à recevoir et à traiter rendant ainsi leur traitement difficile (photo 8). Ce ture, ce qui pose un véritable problème de santé publique et de
par enfouissement et incinération
les déchets du « Grand Libreville ».
pseudo-traitement se résume finalement à leur mise gestion de l’environnement…».

274
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

dont il est question sont des eaux de ruissellement, des eaux


utilisées par les industries urbaines (notamment les brasseries,
garages, services de lavage de voiture, pompes funèbres, scieries, Photo 9 - Canal d’évacuation à
etc.), des eaux ménagères et des lixiviats (eaux polluées suintant ciel ouvert
(ph. N. Rabenkogo, 2015)
des ordures). Le constat révèle que les eaux usées de la com-
Dans ce canal d’évacuation
mune de Libreville ne sont ni traitées, ni maîtrisées par les ser- des eaux usées et pluviales
vices municipaux compétents ou des sociétés privées. Celles-ci non séparées, prise derrière
empruntent des égouts qui débouchent le plus souvent dans la l’hôtel de ville, les détritus
ce sont accumulés, dont les
mer ou un réseau très insuffisant de canalisation, souvent à ciel bouteilles plastiques flottant à
ouvert (photo 9) et souffrant de défaillances énormes : sous-di- la surface.
mensionnement des canaux de collecte des eaux usées ; curage
irrégulier favorisant la formation d’embâcles permanents ; exu-
toires du réseau de canalisation débouchant sur la mer et favo-
risant la pollution des plages et des eaux de mer (photo 10) ; ou
encore, absence de station de traitement des eaux usées.
En définitive, la question des ordures ménagères et des eaux
usées est loin d’être traitée. Les ordures jonchent le sol, obs-
truent les rues, les canaux d’évacuation des eaux de ruisselle-
ment et les chenaux de cours d’eau. La conséquence de ces
manquements est l’insalubrité permanente et les inondations
incessantes des zones basses de la ville (plages, fonds de val-
lées, routes, espaces commerciaux ou industriels situés sur des
surfaces planes…).

Impacts sanitaires des dégradations


environnementales du littoral estuarien
librevillois
Il est aujourd’hui difficile d’établir une relation de causes à
effets directe entre l’action des polluants environnementaux et
l’état de santé des populations à Libreville. Mais il est évident
que l’accroissement brutal et anarchique des villes modifie les
équilibres écologiques et participe, directement ou indirec-
tement, à la formation des pathocénoses6 urbaines. Celles-ci se
Photo 10 - Exutoire des eaux usées sur la plage de Libreville
(ph. CENAREST, 2011)
6. La pathocénose est définie comme l’ensemble des états pathologiques pré- En face du lycée Léon Mba, exutoire déversant directement sur la plage et
sents au sein d’une population déterminée à un moment donné. dans l’estuaire du Komo les eaux usées des quartiers alentours.

275
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

développent en effet dans des conditions d’absence ou


de mauvaise qualité de l’eau, de pollution associée au
manque d’assainissement et, plus généralement, dans
des conditions de vie précaires caractéristiques des
quartiers sous-intégrés. Le tableau épidémiologique qui
y est associé paraît d’autant plus ambigu qu’on assiste
à un cumul des pathologies anciennes, ré-émergentes,
nouvelles ou inhabituelles. Mais le caractère parcellaire
des données disponibles ne permet de cerner qu’une
Photo 12 - Affection mycosique de partie de la morbidité urbaine, celle qui est diagnosti-
la peau
(ph. A. Moubélé, 2015)
quée par le système public de soins du littoral estuarien.
Photo 11 - Dépigmentation du visage
(ph. A. Moubélé, 2015) Affection mycosique de la peau :
Dépigmentation du visage dont la forme la plus connue est le vitiligo. résultat d’une prolifération Persistance des maladies infectieuses
anormale de champignons (encore
L’apparition des tâches roses est due à la destruction des mélano-
appelés levures) présents sur la
et parasitaires
cytes (cellules de la peau qui produisent la mélanine). Les causes
peau. Ils prennent un caractère
sont d’origine génétique, auto-immune et/ou environnementale, par
endémique en milieu tropical chaud
Au Gabon, les maladies infectieuses et parasitaires
exposition solaire (pour les peaux blanches) ou par contact répété de
la peau avec des produits chimiques utilisés dans la cosmétique (pour et humide dans des conditions ont toujours été la principale raison du recours aux
les peaux noires). d’hygiène défaillante. soins en milieu hospitalier. La plupart de ces maladies
trouvent leur source dans la dégradation de l’environ-
nement. En effet, les affections mycosiques du visage
(photo 11), de la peau ou épidermophytie (photo 12),
des orteils (photo 13) et du cuir chevelu (photo 14)
sont causées par des champignons minuscules, micro-
organismes transmissibles à l’homme dans des condi-
tions d’hygiène approximative. On les trouve dans la
nature et ils prolifèrent dans le sol, l’atmosphère et sur
les matières organiques en décomposition. Leur déve-
loppement est accéléré par la chaleur et la sudation en
milieu tropical humide (Gentilini, 1993).
En progression régulière depuis une douzaine d’an-
nées, ces maladies occupent le premier rang des affec-
Photo 13 - Eczéma chez une
adolescente tions diagnostiquées par le système public de soins au
(ph. A. Moubélé, 2015) Gabon : 28 % en 1999 et 31 % en 20127. Au niveau
Eczéma chez une adolescente : l’into-
lérance aux allergènes de l’environ-
nement et la prédisposition familiale
7. Données du Ministère de la Santé recueillies en 1999 et 2012
Photo 14 - Mycose du cuir chevelu chez un nourisson respectivement à la Direction de l’Informatique et des Statistiques
en constituent les causes majeures.
(ph. A. Moubélé, 2015) (DIS) et à la Cellule d’Observation en Santé Publique (COSP).
Mycose du cuir chevelu chez un nourrisson causée généralement
par des agressions locales telles que le pH acide du cuir chevelu,
276 l’utilisation abusive de produits cosmétiques ou l’excès de sudation
dû au port régulier de bonnets de bébé en milieu chaud et humide.
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

Année 1999 Année 2012


local, les affections virales et parasitaires (23 % en 2012
N° Groupes pathologiques Morbidité (%) Mortalité (%) Morbidité (%) Mortalité (%)
contre 27  % en 1999) et les affections respiratoires
(14 % en 2012 contre 13 % en 1999) s’établissent I. Maladies infectieuses et parasitaires 27 41 23 18

comme les groupes pathologiques les plus importants N. Maladies de la nutrition, des glandes et du métabolisme 2 0 1 4
dans l’ensemble des troubles morbides du littoral estua- H. Maladies du sang 2 11 2 4
rien (tab. 5). D. Maladies de l’appareil digestif 5 6 5 8

Les pathologies d’origine virale et parasitaire sont


8 9 V. Affections cardio-vasculaires 2 3 4 6
transmises par des vecteurs (rats d’égout, mouches et R. Maladies de l’appareil respiratoire 13 35 14 8
moustiques) dont le développement est tributaire des M. Maladies mentales 0 0 0 0
mauvaises conditions d’hygiène et des dégradations en- S. Maladies du système nerveux et des sens 5 0 2 22
vironnementales. La mouche domestique par exemple
U. Maladies de l’appareil uro-génital 7 3 4 3
renferme des milliers de bactéries, principalement
L. Maladies de l’appareil locomoteur 9 0 3
transportées sur les poils des pattes ou avalées et vo-
mies. En déposant ces germes sur des aliments ou dans E. Traumatismes et intoxications 3 1 3 5

des boissons destinés à la consommation humaine, ce T. Maladies de la peau 0 0 6


vecteur de diffusion contribue ainsi à répandre les ma- Q. Affections ophtamologiques 7 0
ladies virales et parasitaires dans les espaces urbanisés. C. Pathologies ORL 13 0 2 3
Certaines maladies virales ou bactériennes sont direc- E. Pathologies stomatologiques et maxillo-faciales 5 0
tement liées à la promiscuité (tuberculose en associa-
G. Affections gynécologiques 0 0 4 5
tion avec le sida, grippe, méningite...).
P. Maladies périnatales 0 0 1 9
Les pathologies associées à l’appareil respiratoire Y. États morbides mal définis 11 0 13 6
constituent le deuxième grand groupe de maladies
Total Libreville Owendo 100 % 100 % 100 % 100 %
qui altèrent la santé des populations du littoral estua-
rien, avec une morbidité de 13 % en 1999 et 14 % Tableau 5 - Profil épidémiologique
en 2012 (tab. 5). Il s’agit bien souvent des infections du littoral estuarien du Gabon en
1999 et 2012
respiratoires aiguës, des grippes, des angines, et des
Auteur : A. Moubélé
bronchites. Ces affections « cosmopolites » ont poussé monde (OMS, 2002), la plupart du temps à la suite
Sources : DIS (1999) et COSP
30 603 habitants du littoral estuarien vers les services d’une infection respiratoire aiguë ou chronique. Il (2012) / Ministère de la santé
de soins de santé publics au cours de l’année 2012. est à noter, toutefois, une évolution de la prise en
Elles sont principalement causées par les polluants de charge de ces pathologies virales et parasitaires d’une
l’air (externe et domestique). En effet, la pollution part et de l’appareil respiratoire d’autre part. Les pre-
tue près d’un million d’enfants chaque année dans le mières étaient en effet « responsables » de 41 % des dé-
cès hospitaliers à Libreville-Owendo en 1999, contre
18 % en 2012. Les secondes semblent avoir subi, elles
8. Fièvre hémorragique à virus Ebola, chikungunya, etc. aussi, une meilleure prise en charge avec seulement
9. Paludisme, diarrhées, dermatoses, etc. 8 % des décès en 2012 contre 35 % en 1999 (tab. 5).

277
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Ces améliorations substantielles résulteraient de la se fait en ingérant les aliments et l’eau souillés par les
mise en service du CHUL d’Angondjé qui s’occupe déjections des sujets infectés. Comme l’évacuation
désormais mieux des tumeurs malignes, y compris des excreta se fait pour une bonne part dans des cours
celles des poumons. d’eau (photo 2), le risque infectieux y est fortement
Dans ce groupe hétéroclite des pathologies infec- élevé.
tieuses et parasitaires, le paludisme apparaît incon-
testablement comme la première charge morbide Étonnante progression des maladies
des populations du littoral estuarien : 68 % de cardio-vasculaires
l’ensemble des 49 824 cas enregistrés au sein de ce Pour comprendre l’évolution des maladies, un mo-
groupe de maladies en 201210. Les diarrhées aiguës dèle de transition épidémiologique a été proposé par
et gastro-entérites (16 %) et l’infection au VIH Sida des géographes (Omran, 1971 ; Picheral, 1976). Il dé-
(4 %)11 y occupent également une place importante crit le passage, dans le temps, d’une mortalité dominée
au sein du groupe. Les varicelles (1002 cas annuels),
par les maladies infectieuses et parasitaires à une mor-
les dysenteries (634 cas) et les fièvres typhoïdes
talité dominée par les maladies chroniques et dégé-
(576 cas) sont aussi, malgré leur faible prévalence
nératives. Au Gabon, particulièrement dans le littoral
en 2012, le lot des populations du littoral estuarien
estuarien de Libreville, les mutations socio-spatiales
du Gabon.
et leurs conséquences environnementales semblent
L’étiologie des fièvres typhoïdes et des diarrhées avoir brouillé ce modèle. Car, aux affections virales
aiguës bactériennes, dont nous venons de souligner et parasitaires classiques se sont greffées des maladies
la fréquence à Libreville, a été fortement corrélée de civilisations ou « sociopathies » qui caractérisaient
aux courbes pluviométriques de la ville (Okome- naguère les pays industrialisés du Nord. En effet,
Nkoumou et al., 2000), confirmant ainsi le rôle joué « le diabète, l’obésité, les cancers et les traumatismes, les
par l’eau dans la dissémination des salmonelles et la maladies cardiovasculaires avec les ravages des accidents
contamination des eaux littorales. Une hygiène fécale vasculaires cérébraux dus à l’hypertension artérielle, et
insuffisante, des eaux rarement potables expliquent la la cardite rhumatismale », dont une étude présentait
fréquence des typhoïdes dans les quartiers sous-inté- déjà il y a douze ans le caractère fulgurant (Kombila,
grés. La transmission en dehors du contact humain 2004), font aujourd’hui partie des pathologies les plus
mortifères du littoral estuarien gabonais. La nosologie
10. Le paludisme confirmé par le test de la goutte épaisse ne repré- de ces maladies est abordée ici encore sous l’angle des
sente que 8 % ; la majorité des patients (60 %) ont donc été traités grandes familles pathologiques.
sur la base des symptômes palustres et enregistrés comme ayant eu un
« palu présomptif ». En effet, avec un taux de 22 %, le groupe des ma-
ladies du système nerveux et des sens occupe la deu-
11. Cette donnée doit être largement sous-estimée en milieu hos-
pitalier, car le PLIST-VIH/Sida estime à 63 000 le nombre de per-
xième place, derrière celui des maladies infectieuses
sonnes vivant à Libreville-Owendo avec le VIH en 2012 ; sachant et parasitaires, en termes de mortalité hospitalière du
que 2 000 en meurent chaque année. littoral estuarien en 2012 (tab. 5). À l’intérieur de ce

278
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

groupe, les accidents vasculaires cérébraux (34 %) et les « civilisation », résultent de la dégradation généralisée
toxoplasmoses cérébrales (28 %) apparaissent comme de notre milieu de vie. L’environnement compte ain-
étant les plus mortels. Les causes sont à rechercher si parmi les facteurs le plus souvent à l’origine de la
dans les changements des modes de vie occasionnés qualité de la santé et du bien-être social.
par l’urbanisation rapide de Libreville, notamment la
sédentarité professionnelle et le stress. L’exposition aux Nouvelle jeunesse de vielles endémies et
polluants, à long terme, serait un facteur de risque de émergence de pathologies atypiques
cancer chez les adultes et de bronchite chronique ou
d’asthme chez les enfants et augmenterait considéra- Les statistiques du Ministère de la santé publique
blement la prévalence des maladies cardiovasculaires. présentent 28 574 cas d’états morbides mal définis
dans le littoral estuarien du Gabon en 2012. Avec
La distribution statistique de la morbidité hospi- 5 014 cas de « fièvres sans autres indications », ces mani-
talière liée aux affections cardio-vasculaires ne révèle festations symptomatiques d’origine inconnue vien-
pas de profondes différences avec la prévalence asso- nent en tête, soient 18 % des pathologies atypiques
ciée à la plupart des grands groupes pathologiques. ou non identifiées par le système public de soins. La
Mais par leur fréquence (4 % de morbidité en 2012) fréquence des « fièvres sans autres indications » est telle
et leur gravité (6 % des décès hospitaliers), la place qu’on se demande si celles-ci constituent de simples
de ces maladies prend de plus en plus d’importance symptômes ou une pathologie nouvelle ? Certains
dans le système socio-pathogène du littoral estua-
membres du corps médical redoutent en effet les pré-
rien gabonais. Les cardiopathies et affections vascu-
misses d’une pathologie émergente qui n’aurait pas
laires occupent donc le sixième rang (sur dix-huit)
encore dit son nom. Cette forte fréquence des fièvres
des groupes pathologiques notifiés par le système de
d’origine inconnue et d’états morbides mal définis
soins officiel. Les cardiopathies hypertensives sont de
peut aussi bien être interprétée comme le signe d’une
loin les plus fréquentes (5 184 cas en 2012) et aussi
les plus mortifères (35 %) au sein du groupe. La fré- insuffisance dans l’enregistrement des causes de mor-
quence liée au diabète prend, elle aussi, des propor- bidité et d’une sous-qualification des personnels pa-
tions inquiétantes dans le littoral estuarien. Alors que ramédicaux.
son taux n’atteignait à peine que 14 % en 1999, il bat Toutefois, la tendance à la croissance des taux de
aujourd’hui le record de 80 % de morbidité hospita- morbidité hospitalière des états morbides mal défi-
lière au sein du groupe des maladies métaboliques. nis est constante : 11 % en 1999 et 13 % en 2012.
La prévalence du diabète est estimée à 7 % à Libre- La mortalité hospitalière qui y est associée (5,5 %)
ville, qui compterait actuellement plus de 6 000 dia- talonne celle des affections cardio-vasculaires (6,2 %)
bétiques (FAABO, 2012)12. Ces maladies, dites de et donne la mesure de la gravité du problème. Face
à ces « maux étranges » - qui n’ont souvent pour seuls
12. 2e Symposium international sur le diabète en Afrique, organisé
signes cliniques apparents que les syncopes, délires,
les 1er et 2 juin 2012 à Libreville par la Fondation Albertine Amissa convulsions, étouffements et asthénie générale - les
Bongo Ondimba. patients ou leurs parents, parfois avec la complicité

279
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

bienveillante des praticiens, n’ont d’autre choix que en milieu urbain dépend donc, pour beaucoup, de la
d’emprunter des itinéraires thérapeutiques hasar- capacité des villes à leur procurer un environnement
deux : prêtes exorcistes, églises évangéliques du réveil, salubre et paisible.
marabouts musulmans, temples bwouitistes et autres
charlatans « Ngangas-Missoko ». Mesures de réduction
Entre temps, les flambées épidémiques des fièvres des impacts urbains
hémorragiques à virus Ebola et du chikungunya, Après avoir identifié les impacts environnementaux
extrêmement contagieuses, développent leur viru- et restitué leur contexte dans le développement urbain
lence dans des conditions d’insalubrité et d’exiguïté du littoral estuarien gabonais, il convient à présent de
caractéristiques des quartiers sous intégrés. L’épidé- mettre en oeuvre des mesures d’atténuation afin de
mie du sida continue de faire des ravages dans une garantir un environnement urbain viable. Quelques
population où 40 % des citadins ignorent encore unes de ces mesures sont ici proposées.
leur statut sérologique. Dans le sillage du sida, la
tuberculose, particulièrement en raison de son lien Améliorer la qualité des eaux dans
étroit avec l’infection à VIH, connaît une recrudes- les zones humides
cence à Libreville.
La préservation de la qualité des eaux nécessite
Les pathologies associées à des comportements que soit connus les éléments mis en cause dans la
à risque feraient plus de 100 victimes mensuelles dégradation de ces eaux et des zones humides. La
en moyenne à Libreville. Les accidents de la route zone d’Akanda connaît une dégradation de la forêt
(5 144 cas, dont plus de la moitié dans la seule ville de à mangrove pour la construction de nouvelles infras-
Libreville en 2012) et les assassinats (42 cas d’homi- tructures et d’habitations. Cette destruction remet en
cides avec ablation en 2009 et 62 cas en 2011) sont suspension les boues et les particules qui dégradent la
devenus un véritable problème de santé publique qualité des eaux dans la zone d’Akanda et plus parti-
(Ebang Ondo, 2010). culièrement dans la rivière Sablière. La préservation
Difficile, dans cet univers de croisement de la de la qualité de l’eau dans ce secteur du littoral gabo-
biomédecine, basée sur un savoir rationnel, et de la nais passe donc nécessairement par la préservation de
médecine africaine construite autour des savoirs éso- la forêt à mangrove.
tériques (Tonda et Gruénais, 2000) d’affronter serei- Dans la zone de Libreville, les eaux littorales
nement la « nouvelle jeunesse des vielles endémies [ou] connaissent une forte dégradation liée aux rejets des
l’émergence de nouvelles épidémies » (Salem, Cadot et eaux usées domestiques et des ordures ménagères. À
Fournet, 2000). C’est ce climat, confusément délé- Owendo, cette pollution est due essentiellement aux
tère, qui pousse beaucoup de patients désespérés à rejets industriels issus des sociétés de brasserie et de
des « errances thérapeutiques » dont les conséquences cimenterie, ainsi que des déversements accidentels du
sont bien sûr immesurées, mais inévitablement dé- minerai de manganèse par la Compagnie Minière de
sastreuses. La qualité de vie des populations vivant l’Ogooué (Comilog).

280
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

L’amélioration de la qualité des eaux littorales néces- Une meilleure gestion des problèmes posés passe
site dans cette partie du littoral la mise en œuvre d’un par des actions synergiques entre l’État, les munici-
ensemble de mesures, dont celle d’un système de col- palités, les entreprises, les populations et les organisa-
lecte et d’épuration des eaux usées. Parmi les stratégies tions non gouvernementales (ONG). À cela s’ajoute
mises en place par l’État gabonais, figure une batterie une coopération entre les mairies, entre elles et les pays
de mesures réglementaires, parmi lesquelles, les ordon- du Nord, via par exemple l’Agence Internationale des
nances n° 24/83/PR du 18 avril 1983 sur la surveil- Mairies Francophones (AIMF). La prise en compte
lance et la planification de l’urbanisme, notamment des mesures réglementaires et des schémas directeurs
le Schéma Directeur Urbain (SDU) et la création de d’aménagement et les implications de toutes les parties
la Brigade Spéciale d’Urbanisme et de Construction concernées par la gestion des eaux usées, des déchets et
(BSUC), dont la mission est de veiller au suivi et à l’ap- l’urbanisation de la ville sont autant de réponses effi-
plication des normes de construction et de sensibiliser caces à la résorption des problèmes de la pollution des
les populations aux procédures de construction en mi- plages par la mise en place d’une ou plusieurs stations
lieu urbain. En 1997, les autorités gabonaises ont mis d’épuration, de la maîtrise de l’occupation des sols,
en place le Plan National d’Action Environnementale d’un système de collecte, de transport et d’incinéra-
(PNAE), qui devait garantir la préservation de l’envi- tion ou de recyclage des déchets. Afin de se confor-
ronnement dans tous les domaines. Enfin, l’année 2011 mer à la réglementation environnementale en vigueur,
fut marquée par la mise en place du Schéma Directeur les unités industrielles devraient disposer de systèmes
d’épuration des eaux usées générées par leurs activités.
d’Aménagement Urbain (SDAU) de Libreville, dont
Les déversements accidentels de manganèse pourraient
les objectifs étaient notamment une meilleure occupa-
être stoppés en mettant en place des systèmes de digues
tion des sols tenant compte de l’augmentation de la po-
et de collecte des débris de manganèse déversés acci-
pulation, l’assainissement des eaux usées domestiques dentellement lors du stockage et du transvasement.
et industrielles, une gestion optimale des déchets ainsi
qu’une réduction des risques d’inondation. Par ailleurs,
Protéger les forêts intra-urbaines13
l’Agence Française de Développement (AFD) a financé
un projet d’aménagement des cinq bassins versants de La forêt est un élément naturel complexe, fragile,
Libreville. Cela comprenait la construction, la restaura- cependant très important dans la biosphère. C’est
tion et l’entretien des canalisations. Toutes ces mesures un maillon important du système bioclimatique.
se sont avérées infructueuses, si bien que la probléma- En effet, alors qu’elle dépend du climat, la biosphère
tique des rejets des eaux usées dans les plages des com- végétale (forêt) est en même temps un bon intégra-
munes de l’agglomération de Libreville n’est toujours teur climatique. Elle contribue à la reconstitution du
pas résolue. En dépit de la création de plusieurs sociétés passé climatique d’un milieu. Mais, la forêt est aussi
d’État, gérées par les municipalités, les questions d’as-
sainissement des eaux et de gestion des déchets urbains 13. Les paragraphes qui suivent ont été rédigés avec le concours
tardent à trouver véritablement des réponses idoines, d’Emmanuel-Nances BINGONO MEBA à qui nous adressons nos
surtout dans des quartiers sous-intégrés. sincères remerciements.

281
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

hétérogènes (peuplement inéquien). Les essences pro-


viennent de l’intérieur du Gabon. Toutefois, il existe
Akanda quelques espèces venant de l’Afrique de l’Ouest comme
Forêt classée les Framirés (Terminaliaivorensis), ou d’Asie comme les
de Sibang Tecks (Tectonia grandis). Les principales familles ren-
contrées sont : les Annonaceae, Apocynaceae, Bom-

ES
TU
LIBREVILLE bacaceae, Ceasalpiniaceae, Clusiaceae, Combretaceae,

AI
RE
Euphorbiaceae, Irvingiaceae, Meliaceae, Moraceae,

DU
KO
Myristicaceae, Ochnaceae, Papilionaceae, Rubia-

MO
Owendo ceae, Rutaceae, Sapotaceae, Sterculiaceae. Un total de
Forêt classée
de Sibang 196 espèces avait été introduit jusqu’en 1953.
Sources : CNAP,
images satellites Earthstar N
0 5 km Cette forêt intra-urbaine est un véritable musée
Geographics - CNES/Airbus DS
d’arbres vivants, unique en son genre au Gabon. Elle
présente quelques intérêts dont les plus importants
Figure 7 - La Forêt Classée
(Arboretum) de Sibang à
sont d’ordre :
Libreville - biologique par la conservation d’un échantillon de
N Elle contribue, comme les autres la biodiversité : flore plantée entre 1932 et 1953, flore
forêts de Libreville, à la régulation
0 100 200 m thermique de la ville. spontanée (arbres, arbustes, herbacées), véritable her-
bier national ; faune (refuge d’oiseaux, petits mammi-
Source : DigitalGlobe © 2016
fères, reptiles, insectes, batraciens) ;
- médical : la pharmacopée et la médecine tradition-
nelle constituent les principales activités de l’Arbore-
un agent actif du cycle hydrique et modifie aussi le tum aujourd’hui (l’institut IPHAMETRA en assure la
bilan radiatif. Son rôle de régulateur climatique est, gestion sous la tutelle du CENAREST) ;
de ce point de vue, reconnu. Ainsi, les îlots de forêts - climatique : cette forêt avec celle du Palais de la
intra-urbaines de Libreville qui jouissent des mêmes Démocratie régulent le microclimat de Libreville ;
vertus atténuent le réchauffement climatique dans la
ville de Libreville. La Forêt Classée de Sibang (FCS) - écotouristique : nombreuses curiosités naturelles
y demeure la plus accessible, étant ouverte au public. (écosystèmes forestiers, marécages, phénomènes
d’anastomose, etc.) ou artificielles (arbres à cadenas),
L’Arboretum de Sibang (fig. 7) couvre une superfi- randonnée pédestre ;
cie de 16 hectares subdivisée en plusieurs parcelles. Ces
- culturel : chaque arbre a une histoire, lieu de rites
dernières sont séparées par des allées de 3 mètres de
secrets ;
largeur. La distance à parcourir pour visiter l’ensemble
du site est de 7 kilomètres. Sa végétation est une forêt - alimentaire : plus de 26 plantes à fruits ou feuilles
secondaire sempervirente composée de feuillus assez comestibles répertoriées.

282
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

Aujourd’hui, bien que relativement dégradée, la fo- de facteurs susceptibles


rêt classée de Sibang ainsi que les autres îlots de forêt d’affecter la santé des in-
de la ville doivent être conservés. En effet, ils jouent dividus. Il est important
un rôle prépondérant dans la réduction des tempéra- d’agir sur l’ensemble
tures dues à l’effet de serre et l’albedo des espaces ur- de ces aspects, si l’on
bains fortement minéralisés, perturbant sensiblement veut réduire les impacts
le microclimat urbain. Sur ce, des mesures de protec- sanitaires de l’environ-
tion de l’Arboretum de Sibang doivent être prises par nement urbain notam-
les autorités de tutelle. Au regard de son intérêt envi- ment par la prévention
ronnemental, ce sanctuaire naturel classé mérite plus des maladies. Il y a des
d’attention de la part des autorités gouvernementales déterminants sur les-
et municipales, car il est aujourd’hui victime de beau-
quels l’action préventive
coup de maux dus à l’action de l’homme. De ceux-ci,
est évidemment limitée :
les plus récurrents sont : la déforestation périphérique
entraînant la perte de sa superficie, l’intrusion perma- ce sont par exemples des
nente des chiens et chats errants, le prélèvement des facteurs endogènes tels Photo 15 - Hôpital de Nkembo,
spécialisé dans les endémies
essences médicinales ou comestibles, le déversement que le patrimoine génétique, l’âge, le sexe, etc. Ces tropicales
des déchets ménagers par les riverains, l’érosion par les constances biologiques et physiologiques ne peuvent (ph. A. Moubélé, 2014)

eaux de ruissellement, les pratiques rituelles, la pêche, être réglées que par une hygiène de vie saine. En de-
la chasse et le prélèvement du bois de chauffe. Tout hors des déterminants exogènes (individuels ou col-
ceci est favorisé par l’absence de gardes forestiers et lectifs), la qualité du dispositif de soins mis en place
surtout le manque de barrière hermétique sur le pour- pour répondre aux besoins de santé (photo 15) joue
tour de l’aire classée de Sibang. bien évidement un rôle sur la morbidité et la mor-
talité urbaines. En effet, l’organisation des soins, les
Atténuer la charge morbide des populations conditions de recours aux prestataires (professionnels,
dans l’agglomération de Libreville institutions, etc.), la densité et la qualité des services
sont autant de facteurs propres au système de santé,
Les déterminants de la santé sont multiples et va-
en mesure d’alleger la charge morbide des populations
riés14. Les habitudes ou modes de vie, les conditions
urbaines (Moubélé, 2014).
de l’environnement (physique, biologique et social),
les conditions matérielles d’existence (revenus, niveau Agir sur les déterminants de la santé dans un contexte
d’instruction, réseaux relationnels, etc.) sont autant urbain, c’est travailler entre autres sur des mécanismes
politiques, économiques, sociaux et culturels suscep-
tibles de réduire les inégalités en matière d’accès au
14. L’ouvrage de Roué-Le Gall et al. (2014) donne des illustrations
parfaites de la complexité des liens entre les différents déterminants de
système de santé. En principe, tous les services de la
la santé. Le lecteur qui voudrait approfondir cette question, pourrait santé publique devraient être accessibles à tout ci-
utilement s’y référer. toyen vivant en ville, sans discrimination. Toutefois,

283
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

l’accès aux soins de santé à Libreville reste, dans une de la santé et le bien-être des populations. Les deux
très large mesure, lié aux revenus et à l’appartenance concepts ont été élaborés à la fin des années 1980,
sociale des individus, même si la couverture maladie l’un dans le cadre de la Commission Mondiale pour
universelle proposée par la Caisse Nationale d’Assu- l’Environnement et le Développement de l’ONU
rance Maladie et de Garantie Sociale (CNAMGS) (WCED), dite Commission Brundtland et l’autre
offre la possibilité aujourd’hui à un grand nombre de dans le cadre du programme « villes-santé »15, pour
gabonais économiquement faibles de bénéficier de montrer que la santé est à la fois un objectif et un
la gratuité (ou presque) de soins dans des établisse- levier du développement durable16. Dans ce cadre, la
ments publics ou privés conventionnés. Cette belle justice sociale, la santé et la solidarité constituent (au
initiative des dirigeants gabonais semble déjà souffrir, même titre que l’équilibre écologique) un enjeu du
malheureusement, de quelques dysfonctionnements développement durable. Ainsi, la protection de la san-
dus aux comportements déviants de certains presta- té et la prévention des maladies ne peuvent être obte-
taires de soins. Ces derniers en effet, compte tenu des nues sans actions en faveur de la qualité des milieux
lourdeurs administratives dans le paiement des actes de vie : en agissant pour le développement durable,
par la CNAMGS, préfèrent du liquide au détriment on contribue à améliorer la santé et la qualité de vie
des cartes d’assurés. À Libreville, certains médecins (la des personnes vivant en ville. Réciproquement, agir
majorité des spécialistes surtout) travaillent simulta- en faveur de la santé, c’est également œuvrer pour le
nément (de façon illégale) pour l’État et à titre privé. développement durable. L’action sanitaire passe inévi-
Ils ont donc souvent tendance à « bâcler » pernicieuse- tablement par une intervention globale sur les condi-
ment le service public pour pousser les patients vers tions de vie et l’environnement physique et social.
leurs propres cabinets, en se servant parfois des équi- Promouvoir la santé implique de réduire l’existence
pements payés par le contribuable. Or, le système de des risques et facteurs pouvant l’affecter.
soins de santé gabonais, pour être performant, devra Il faut avant tout prendre des mesures réglemen-
apporter la preuve qu’il contribue non seulement à taires et promouvoir des actions incitatives et/ou dis-
améliorer la santé des populations, mais aussi à les suasives : législation protectrice de l’environnement vi-
prémunir contre le coût financier de la maladie. sant les industries (taxes aux « pollueurs »), diminution
de la circulation automobile individuelle au profit des
Un développement durable pour transports en commun ou du vélo, pots catalytiques,
une santé durable
La notion de développement durable fait référence
15. Roué-Le Gall et al., op. cit. Ce guide est le résultat d’un tra-
à l’exigence de répondre aux besoins du présent sans vail d’expertise et de recherche initié et accompagné par la Direction
compromettre la possibilité, pour les générations à Générale de la Santé en collaboration avec l’École des Hautes Études
venir, de pouvoir répondre à leurs propres besoins. en Santé Publique de Rennes.
L’idée d’urbaniser sans porter atteinte à la santé 16. Le développement durable implique l’amélioration de la santé
donne, quant à elle, la perspective d’un aménagement des populations, et réciproquement, l’état de santé des populations est
de l’espace urbain qui tienne compte de la promotion une condition importante du développement.

284
Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

essence sans plomb, tri et traitement des ordures, sta- les études d’impact environnemental prendront en
tions d’épuration, espaces verts, politique d’habitat, compte le volet sanitaire à Libreville et au Gabon en
code de citoyenneté urbaine, etc. Le Schéma Direc- général.
teur d’Aménagement et d’Urbanisme devrait promou-
voir des aménagements destinés à réduire les polluants Conclusion
(de l’air, des sols et de l’eau y compris toutes les autres L’urbanisation agit sur l’environnement urbain en
substances nocives que l’on peut retrouver dans les ma- premier lieu par le sol qu’elle consomme pour ériger
tériaux de construction par exemple) et les nuisances des logements, des routes, des bâtiments administra-
(le bruit, les ondes électromagnétiques, etc.). Ces tifs, des unités de production, etc. Le développement
aménagements devraient par ailleurs contribuer à ré- urbain attaque l’environnement en second lieu par la
duire les inégalités de santé entre les différents groupes modification du « climat » de la ville, créant ainsi un
socio-économiques, en termes d’accès à un cadre de îlot de chaleur urbain. En effet, l’étalement urbain par-
vie agréable. La citoyenneté urbaine implique aussi ticipe au réchauffement climatique par le phénomène
des comportements ou des styles de vie sains : activité d’artificialisation minérale des sols. Les revêtements
physique régulière, alimentation saine, etc. Être acteur urbains favorisent le ruissellement des eaux, posent des
du changement de l’environnement socio-spatial en problèmes d’érosion des sols et gênent le rechargement
milieu urbain dans le contexte du développement du- des nappes phréatiques, conduisant parfois à des inon-
rable, c’est militer pour l’extension et la préservation dations. Plus délicate est l’estimation des conséquences
d’espaces de vie agréables, favorables à la santé et au de l’étalement urbain de Libreville sur la biodiversité.
bien-être. Il est incontestable que la fragmentation des espaces
La promotion de l’évaluation environnementale naturels et agricoles par le bâti et les nouvelles infras-
en tant que mécanisme de développement durable tructures s’avère préjudiciable aux déplacements et à la
doit s’imposer aujourd’hui à Libreville. La pratique reproduction de la faune. Ce recul progressif des zones
est pourtant loin d’être encore généralisée, malgré agricoles par rapport aux centres urbains dégrade évi-
un cadre réglementaire incitatif et l’intégration sys- demment l’empreinte écologique des zones urbaines
tématique dans les grands projets de développement et ne favorise pas la mise en place de boucles alimen-
d’études préalables d’impact environnemental. Ces taires locales destinées à diminuer le bilan carbone
études ne prennent malheureusement pas en compte des activités liées à l’alimentation des populations.
les aspects sanitaires, sans doute en raison d’une ap- L’environnement urbain de Libreville se dégrade aussi
préhension jusqu’à présent limitée chez les décideurs par les conditions de vie précaires des populations :
de l’impact des politiques sectorielles (notamment promiscuité, insalubrité de l’habitat, pollution de tout
environnementales) sur l’état de santé des popula- genre. L’absence de système d’égouts, l’insuffisance
tions. Et lorsqu’il advient que certaines évaluations des adductions d’eau et du système de ramassage et
environnementales considèrent les aspects de santé, de traitement des ordures, dans une agglomération
c’est toujours de manière parcellaire et limitée. Il est aujourd’hui de plus de 800  000  habitants, la proli-
donc nécessaire et urgent de s’assurer qu’à l’avenir, fération des nuisibles (rongeurs, insectes, bactéries...)

285
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

qui en résulte, les émissions incontrôlées d’oxyde Ebang Ondo J. E., 2010. Manifeste contre les crimes
de carbone et de dioxyde d’azote, les files d’attentes rituels au Gabon, ALCR, Paris, L’Harmattan, 137 p.
pour diverses formalités inhérentes à la vie citadine,
Ella Ondo T., 2004. Les estuaires du Gabon et du
etc. sont autant d’éléments à l’origine d’un environ-
Cameroun : étude de géographie portuaire dans la lo-
nement urbain globalement délétère. Cette réflexion
met plus globalement en lumière la problématique du gique du développement durable, Thèse de doctorat de
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Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville

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287
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon
Zéphirin MENIE OVONO
Géomorphologue, École Normale Supérieure (ENS), Libreville
Marie Thérèse ITONGO
Géomorphologue, Université Omar Bongo, Libreville
Jean Aurélien MOUKANA LEBONGUI
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville

Les villes du littoral du Gabon sont victimes chaque manifestations des inondations dans
année des inondations. Les derniers événements enre- les villes littorales (Mounganga, 2013).
gistrés remontent à novembre 2015 (photos 1 et 2), Plusieurs facteurs aussi bien physiques
lorsqu’en l’espace de quelques heures de nombreuses qu’humains participent alors à l’organi-
familles ont vu leurs logements engloutis par l’eau de sation du risque et justifient les dispa-
pluie. La fréquence et l’intensité de ce phénomène rités géographiques interurbaines de sa
crée une psychose au sein des populations durant disposition et de son traitement.
la saison des pluies, notamment dans les deux villes
Dans ce contexte d’exacerbation du
principales Libreville et Port-Gentil où se concentrent
risque avec une intensification de la
les situations les plus critiques.
vulnérabilité des populations urbaines,
Cette situation de crise pose un problème d’insé- une analyse de cette situation est propo-
curité des populations et interpelle la responsabi- sée à travers les situations extrêmes que
lité des pouvoirs publics. Une enquête effectuée par rencontrent les deux villes principales
la DGBE1 en 2005 a révélé que pour la période de du pays, Libreville, capitale politique et
2002 à 2005, plus d’un millier de sinistrés et des décès administrative, première concentration
par noyade ou causés par les effets collatéraux de ces urbaine du pays, et Port-Gentil, capitale
inondations (éboulements de terrain, électrocution) économique et deuxième grande ville
ont été enregistrés pour la seule ville de Libreville. Ce du Gabon. Dans les autres villes côtières
rapport établit le coût financier des indemnisations impactées, la manifestation des inonda-
à 112 777 500 de francs CFA (DGBE, 2005), pour tions est lente et fait toujours suite à
cette seule période. une longue période pluvieuse. À Coco-
La propension du risque dépend de la quantité de beach, seul le « camp des pêcheurs » situé
pluie tombée, de la physiographie du milieu et du sur la rive gauche de la baie s’inonde en
manque d’équipements mis en place pour réguler permanence du fait de sa morphologie
le ruissellement des eaux de pluie. Les submersions typique d’un marais maritime. À Om- Photos 1 et 2 - Inondation à Libreville
(ph. Z. Menie Ovono, 2015)
marines et l’ennoiement des terres basses lors des boué, Gamba et Mayumba, seul l’effet
Le bas-fond du quartier Belle Peinture le 12 no-
épisodes pluvieux constituent ainsi les principales combiné de l’affleurement de la nappe vembre 2015 (haut) et le 29 novembre 2015 (bas).
phréatique et des facteurs naturels et an­ La hauteur maximale des inondations ne dépasse
thropiques induit les inondations. Elles pas en générale la hauteur du plafond des habita-
tions et dépend aussi de la situation des construc-
1. DGBE : Direction Générale du Budget et de l’Économie. sont notables dans les zones basses. tions par rapport au talweg du bassin versant.

289
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

0 5 km
Des villes à l’origine inondables

Des sites initiaux d’implantation


des villes littorales contraints dès le départ
Les villes du littoral du Gabon ont été édifiées dans
un espace paralique à la croisée des eaux continentales
et océaniques. L’histoire de la traite des noirs et ensuite
de la colonisation puis de l’indépendance nous apprend
qu’elles se sont édifiées dans cet environnement humide
(Lasserre, 1958).
L’implantation des comptoirs commerciaux au XIXe
siècle le long de la côte gabonaise, qui deviendront par
la suite les villes actuelles, s’est faite en toute conscience
de la nature d’un milieu inondable présageant ainsi une
cohabitation permanente avec l’eau. Cette obstination à
s’implanter dans ce milieu très humide va aiguiller les po-
litiques d’aménagement urbain des villes anciennes. Le
plan au 1/43 000e de Libreville en 1888 dans Libreville et
Source : U.S. National Geospatial-Intelligence Agency,
sa région (Gabon-AEF) (Lasserre, 1958) illustre parfaite-
Sheet NA 32-15 Libreville, Gabon ; Equatorial Guinea, 1975 ment cette prise de conscience.
Figure 1 - Le site initial de Libreville, dans un espace paralique à la croisée des eaux Pour se prémunir des inondations, l’occupation humaine
continentales et océaniques s’est faite sur les collines et les sommets des interfluves.
Ici, sur cet extrait de carte de 1975, la présence de ces zones basses humides est bien visible, L’embryon de Libreville dit Fort d’Aumale s’est ainsi déployé
comme autant d’obstacles offerts à l’extension urbaine qui se produisit ensuite.
à partir du lieu-dit la Jetée et la plage du débarquement du
Plateau (photo 3), se déployant ainsi à travers la montagne
dite Sainte.
L’organisation spatiale de la ville ne permettait pas de
Photo 3 - Vue ancienne du bord de la structurer en deux entités, comme il était de coutume
mer de Libreville (entre l’Église et dans les villes coloniales de l’Afrique Équatoriale Fran-
le Gouvernement)
(collection S.H.O., G. P. phot.)
çaise (AEF). On observait une « ville blanche » et autour
Les habitations sont construites
les « quartiers indigènes », séparés par une zone tampon
en hauteur à l’abri de l’action édifiée (Lasserre, 1958). À Libreville, ce ne fût pas le cas
des vagues. puisque le relief du site, jalonné de vallées inondables
entre de nombreux interfluves et de marais à mangrove
des rivières Awondo, Arambo, Batavéa, n’a pas permis une

290
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

telle occupation de l’espace urbain. Cette réalité de milieu


fortement humide n’offrait qu’un choix unique des instal-
lations sur des terres hautes à l’abri des inondations et des
moustiques vecteurs du paludisme (fig. 1). Il sera donc
défini dans ces villes anciennes des zones non aedificandi
(Assongmo, 2003).
À Port-Gentil, le site et les raisons économiques ont
influencé le choix de l’installation actuelle de la ville le
long de la rive gauche de la baie. Le Cap Lopez, deuxième
comptoir français du Gabon, est ceinturé par un vaste ma-
rais à mangrove qui ne facilite pas son extension vers le sud
de l’île (fig. 2). La seule possibilité est celle offerte par la
partie médiane de la flèche plane sableuse. L’ancienne ville
s’y développa alors à l’abri des attaques des facteurs mé-
téo-marins de provenance sud (houles, courants, vents).
Certes, la ville était située à un emplacement stratégique
pour les échanges commerciaux avec l’hinterland via les
nombreux exutoires des distributaires du delta marin de
l’Ogooué. Elle a cependant souffert de la topographie
plane et de la faible profondeur de la nappe aquifère, qui
ont ainsi complexifié le processus d’urbanisation. L’eau
est présente au sein et autour de l’île à tel point que les
terres exondées ont été prises d’assaut par les populations
en quête de terrains constructibles.
En arrière-plan du cœur de la ville, se sont pourtant dé-
veloppés des campements dans des zones marécageuses in-
salubres, empreintes d’humidité permanente. Ici, comme N
à Libreville, il ressort que la problématique du danger des
inondations liée à des sites initiaux où l’eau était très pré-
0 10 20 30 km
sente (fig. 1 et 2), constituait à l’origine des installations une
préoccupation majeure pour les fondateurs des comptoirs
et qui deviendront par la suite les villes actuelles. Malheu- Figure 2 - Extrait de la carte topographique au 1/50 000e de l’île Mandji (IGN, 1988)
reusement, si le principe de précaution a longtemps orienté L’île Mandji est une flèche littorale du delta marin de l’Ogooué dont les traits caractéristiques sont un
les choix des zones viables à l’urbanisation, ce dernier n’a relief faible, un paysage marqué par une présence forte de l’eau (matérialisée par la couleur bleue domi-
nante de la carte),et de vastes marais à mangroves et des plaines inondables qui s’étendent autour de la
pas résisté aux extensions urbaines contemporaines. tache urbaine de Port-Gentil.

291
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

qui étaient jusque-là interdites de construction par des


Population (Nb d'habitants,
Libreville et Port-Gentil 941 727 plans directeurs d’occupation des sols. Le croisement
1 000 000 (2013) Inondation
900 000
cumulés) des occupations anarchiques avec la concentration
5 (Nb d'événements
800 000 catastrophiques relevés de fortes densités humaines dans ces espaces à fortes
700 000 4
dans la presse contraintes a ainsi engendré le risque inondation.
à Libreville et Port-Gentil)
600 000 Les toutes premières inondations sont enregistrées
3
500 000 à l’automne 1984 avec par la suite l’avenue d’un évé-
400 000
2 nement exceptionnel en 1988 (Loubamono, 1988).
300 000
Sources : quotidien d’information
À la suite d’une pluviométrie excessive pendant le
200 000 1 générale « L’Union », DGSEE (1992), mois d’octobre de cette année 1988, Port-Gentil,
17 000 RGPH (1950 à 2003), RGPL (2013),
100 000
(1950) observations sur site Libreville, Lambaréné et bien d’autres villes situées le
0 0 (Z. MENIE OVONO, automne 2015)
long de la vallée du fleuve Ogooué vont connaître un
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2015 « déluge » qui restera gravé dans la mémoire collective
Années 1996
des gabonais tellement l’ampleur des dégâts fut im-
Figure 3 - Mise en évidence de la portante (Loubamono, 1988). Un état de catastrophe
corrélation entre la croissance
démographique et la fréquence Le développement des villes et naturel fut décrété pour la première fois par les autori-
annuelle des événements
l’augmentation des inondations (1960-2016) tés, conséquence d’une prise de conscience populaire
exceptionnels d’inondations
relayés par le quotidien gabonais
de la naissance d’un danger réel. L’accroissement des
de l’information « l’Union » Les plans d’urbanisation planifiés des villes litto- implantations anarchiques va ensuite s’amplifier en
Le dénombrement des inonda- rales de 1939 (Lasserre, 1958) jusqu’en 1960, année fréquence et en intensité jusqu’à nos jours (fig. 3).
tions couvre deux grandes villes de l’indépendance du Gabon, ont respecté le schéma
du pays : Libreville et Port-Gentil. d’occupation fidèle à l’esprit du plan de 1888. Mais
Il convient de préciser que le Un contexte physique global
décompte des événements ne le développement des villes va ensuite buter sur des prédisposé aux inondations
concerne que ceux ayant causés contraintes physiographiques supplémentaires ne fa-
des dégâts socio-économiques vorisant pas une urbanisation géométrique et harmo- Les inondations sont le résultat d’une conjonction
importants et présentés dans la
rubrique Faits divers du quotidien nieuse. Le plan traditionnel en damier des villes colo- de facteurs naturels divers : prédispositions morpholo-
« l’Union ». niales fut alors abandonné au profit d’une occupation giques et hydrographiques, précipitations exception-
anarchique des espaces urbains et ce au mépris de la nelles et/ou cumul de fortes précipitations, apports
réalité d’un milieu propice aux inondations. simultanés d’affluents de régimes habituellement dif-
férents, ou encore pédologie propice.
Le « boom pétrolier » des années 1970 a entretenu un
flux massif de populations à Libreville et à Port-Gentil
Des prédispositions morphologiques et
(voir le chapitre 7 du présent ouvrage), cette polari-
hydrographiques d’une région paralique
sation des migrations vers ces villes générant alors de
nouvelles formes d’occupation des espaces urbains. Les Le pays côtier était une basse pénéplaine, fini-ter-
pressions foncières résultantes ont contraint les citadins tiaire, à lambeaux de cuirasses (Mombo, 1994). Il
les moins nantis à s’installer dans les zones inondables est aujourd’hui un ensemble complexe de collines à

292
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

versants convexes, de bas plateaux démantelés et de dépressions Cocobeach


marécageuses, à altitude oscillant entre 0 et 300 mètres (plateaux
sur sables et grès de Ndombo, plateaux de la région des Cirques de
Wonga-Wongué, plaine maritime de l’arrière-pays lagunaire - voir LIBREVILLE Ntoum
le chapitre 3 du présent ouvrage). Partout, la présence du réseau Kango
hydrographique y est remarquable et par conséquent l’eau très sou- K om o
vent omniprésente (fig. 4). OCÉAN
ATLANTIQUE
Cette morphologie dans la partie nord du pays est caractéristique
des côtes à rias, estuaires et baies. Vasières, mangroves et forêts inon-
dées y occupent de vastes surfaces, au sein d’un système terre-mer Lambaréné
fait de pénétrations subtiles, de zones basses naturellement submer-
Port-Gentil
sibles et de mouvements quotidiens des marées vers l’intérieur des
terres2. L’estuaire du Mouni, la baie de la Mondah, puis l’estuaire Og o o é

u
du Komo y représentent autant de milieux humides à la fois remar- Lac Onangué
Lac Anengué
quables par leur étendue et leur profondeur.

© IGARUN, Université de Nantes, LETG-Nantes, Géolittomer


Lagune
réseau hydrographique
Nkomi
Plus au sud, de Port-Gentil à Omboué, l’Ogooué, principal fleuve principal
Omboué
du pays est intercalé entre la baie du Cap Lopez au nord et la lagune eau marine

du Fernan Vaz (ou Nkomi) au sud. On y distingue un étroit bourrelet Lagune


zone humide
de berge3 raccordé à une terrasse basse. La région de l’île Mandji (Port- Iguéla bassin sédimentaire
côtier
Gentil) est une importante discontinuité morphosédimentaire sur la principales villes
côte du Gabon, entre les estuaires, baies du Nord et les grandes unités Lagune
Ndogo
quaternaires du complexe laguno-maritime du Sud. Dans cette partie
du littoral gabonais, l’interface terre-mer se présente sous la forme
d’un delta original, tant par son ampleur4, que par sa complexité. Gamba Source : Gabon, carte
Cette dernière est principalement due à la présence d’un vaste cordon touristique (IGN, INC, 1984)
N
Z. MENIE OVONO

2. Selon J.-M. Lebigre (1983), « Le domaine de l’influence de la marée est parti-
culièrement important dans l’estuaire du Gabon : celui-ci se fait sentir jusqu’au dé- 0 50 100 km Mayumba Lagune
barcadère d’Andock Foula, sur la Mbèi, à 120 km en amont de la Pointe Pangara». Banio

3. Ce bourrelet formé d’éléments fins (argiles, limons, et sables quartzitiques fins et


grossiers dans le cas particulier des bourrelets de l’Ogooué), borde l’Ogooué et les princi-
paux chenaux le reliant aux lacs .
4. Selon J.-M. Lebigre (1983), « Le delta de l’Ogoué est de 5 100 km² environ si Figure 4 - Contexte hydrogéomorphologique d’une région littorale paralique
l’on considère comme faisant partie toute la région des lacs en aval de Lambaréné. La présence d’un réseau hydrographique dense, comme l’illustre les multiples
Seuls en Afrique le dépassent en superficie les deltas du Niger (19 000 km²) et du segmentations du bassin sédimentaire et l’empreinte forte de l’océan Atlantique de
Nil (12 000 km²)». Cocobeach à Mayumba, témoigne d’un milieu très humide disposé aux inondations.

293
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

sableux qui a contrarié la formation du delta. Comme À Libreville, l’estuaire achemine les eaux du bassin
dans la partie nord du littoral, c’est l’imbrication des versant du Komo qui couvre un territoire d’environ
eaux et des terres qui étonne ici, et qui illustre la difficul- 5 000 km². Long de 230 kilomètres, le fleuve est le
té pour les villes de trouver des sites sains et stabilisés5. troisième du Gabon. Son cours principal couvre une
Plus au sud encore, de Gamba à Mayumba, se dé- superficie d’environ 3 200 km², qui vient s’ajouter
veloppe le littoral méridional à grandes lagunes. Cet aux 1 800 km² drainés par la Mbèi, son affluent le
environnement lagunaire est marqué par d’anciens plus important. Tous deux descendent vers l’océan les
cordons littoraux sableux successifs ou d’anciennes eaux notamment récoltées sur les versants des Monts
bandes d’accrétion parallèles au rivage. Y alternent des de Cristal.
rides hautes d’à peine 3 mètres, couvertes de savanes Vers le Sud, entre Port-Gentil et Omboué, l’Ogooué
distantes de 50 à 100 mètres, et des sillons forestiers draine 215 000 km² dont 22 000 km² hors du ter-
inondés et marécageux (Lebigre, 1983). ritoire national. Principal fleuve du pays, il parcourt
Comme pour les sections nord et centre du littoral environ 1 200 kilomètres dont 1 000 au Gabon. Les
gabonais, cette configuration n’est pas plus propice deltas marin et intérieur de l’Ogooué, y compris la
aux implantations humaines, car également associée région des lacs, couvrent environ 5 000 km², alors que
aux risques naturels. le long du cours inférieur du fleuve, se rejoignent dans
les bassins côtiers les lacs les plus grands et les plus
Dans tous ces compartiments côtiers du Gabon,
importants (1 200 km²).
l’eau occupe une place centrale. L’un des traits les plus
frappants du milieu naturel y est en effet la forte den- Port-Gentil et Libreville sont des villes marquées
sité du réseau hydrographique et l’important drainage par ce contact d’un exutoire hydrographique majeur,
qui s’y effectue (fig. 4). dont l’extension dans leur cours le plus aval s’accom-
La presque totalité de la façade littorale où sont pagne d’importantes zones basses humides où se mé-
assises Cocobeach, Libreville, Port-Gentil, Omboué, langent les eaux continentales et océaniques.
Gamba et Mayumba est caractérisée par un ensemble Ces prédispositions morphologiques et hydrogra-
dense de fleuves et cours d’eau, marécages, lacs et la- phiques sont d’autant plus importantes qu’elles vien-
gunes qui occupent presque sans discontinuité les ré- nent s’ajouter à d’autres facteurs naturels favorables au
gions littorales. Les sites des deux principales villes du déclenchement des inondations, parmi lesquels figure
pays sont non seulement marqués par le contact très bien entendu le régime équatorial des précipitations.
présent avec ces éléments du réseau hydrographique,
mais également par leur position aux débouchés d’im- Une pluviométrie abondante et
portants bassins versants.
quasi permanente

5. « La ville de Port-Gentil, sur l’île Mandji, est située sur un


L’inondation est la conséquence du débordement d’un
ensemble d’environ vingt-cinq cordons séparés par presque autant cours d’eau qui sort de son lit. Associée à une crue,
de dépressions » (Richard et Léonard, 1993). l’inondation au Gabon n’est qu’une manifestation qui

294
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

00
3500

20
se produit assez régulièrement chaque année. Certains cours d’eau
inondent régulièrement leur plaine à chaque crue, ou presque, au
moins en certaines parties de leurs cours. 3 500
N Ntoum
Ces débordements qui épousent le rythme des précipitations 6 LIBREVILLE
Libreville 2 mois
Kango
(fig.   5) sont devenus à partir de la décennie 1980 un phénomène
notable récurrent à Libreville. Les années 1984 (3 775,1 mm), 1988 0 50 100 km Komo

(3  983,1  mm), 1989 (2  588,1  mm), 1990 (2  901,6  mm), 1992
(2 640, 4 mm), 1994 (2 330,7 mm), 1996 (3 337,7 mm) et 2000 2 500
(3 345,5 mm) ont toutes été marquées par des inondations qui, pro-
gressivement et en fonction du rythme et de la croissance de l’implan- 3 mois Lambaréné
tation humaine dans un milieu déjà prédisposé, induisent les effets Port-Gentil

dommageables sur la société et son environnement. Ogo


oué

Le littoral gabonais est dépendant de l’anticyclone de Sainte-Hé-


lène, de la ceinture des basses pressions équatoriales et des dépressions
thermiques continentales. La proximité de l’océan Atlantique fait
Omboué
que les conditions pluviométriques sont en partie contrôlées par les
températures de surface marine (TSM). Ces dernières, selon Maloba modifié d’après Livre Blanc de l’Ogooué
Maritime (1983), Z. MENIE OVONO (2010)
Makanga (2004), demeurent un facteur primordial dans la répartition Précipitations (en mm)
des précipitations du littoral d’Afrique équatoriale atlantique. Ainsi, > 3 500 25
00

l’année se partage en deux saisons hydrologiques : une saison d’abon- 4 mois


2 500 à 3 500
dance allant de mi-septembre à décembre, une première période de
2 000 à 2 500
répit entre janvier et février, dite petite saison sèche, une seconde sai- Gamba
son des fortes pluies de mars à juin, une longue période de faibles < 2 000 4 mois
précipitations ou grande saison sèche, de juin à mi-septembre.
La proportion cumulée des précipitations des mois de septembre, station météorologique
octobre, novembre (la grande saison des pluies) atteint 37 % du total Mayumba

0
00
annuel contre 33 % pour la petite saison de pluie qui s’étale de mars limite des zones de diminution

2
saisonnière des pluies
à mai. La petite saison sèche (décembre à février) recueille 26 % des
précipitations totales annuelles alors que les hauteurs d’eau de la n mois durée moyenne de la saison sèche
Ndindi
grande saison sèche (juin à août) atteignent à peine 4 % (Maloba limite du bassin sédimentaire côtier
Makanga, 2007).
Figure 5 - Répartition spatiale des précipitations annuelles sur le littoral du Gabon
On retient une pluviométrie abondante (2500 mm en moyenne mensuelle de pluie
précipitée) et régulière pendant 9 mois sur 12 que compte une année. Les saisons
6. Les précipitations de la région côtière vont décroissantes du Nord vers le Sud : Coco-
dites « sèches » ne sont pas sans pluie, mais le volume de précipitation y baisse.
beach 3 170 mm en moyenne par an, Libreville 2 840 mm, Port-Gentil 2 051 mm, alors Une telle situation entretient en permanence la saturation des nappes souter-
que Mayumba ne récolte que 1 800 mm. raines et les contraint à un affleurement en surface.

295
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Pendant la grande saison des pluies, le mois de Dans l’ensemble de la région physiographique, l’ana-
novembre est marqué par le record des précipitations logie et les corrélations sont nettes entre milieux géolo-
du pays (430,9 mm en moyenne7) (Maloba Makanga, giques et distribution des types de sols (Itongo, 2011).
2004). C’est pendant cet intervalle, redouté des popu- Le contexte géologique est grossièrement caracté-
lations des quartiers sous-intégrés, que se manifestent risé par des faciès littoraux, fluvio-lacustres, lacustres,
les inondations. Toutefois, la petite saison de pluie continentaux et fluvio-marins surmontés de forma-
(mars-mai) s’accompagne également de fortes pluies tions de couverture argileuses, limoneuses et sableuses.
qui s’ajoutent à une nappe souterraine déjà saturée
au cours des saisons précédentes. Cette période de Les sols ferralitiques (fig. 6), localement des podzols
l’année fait également l’objet de la survenance de phé- humo-ferrugineux que l’on retrouve indifféremment
nomènes hydroclimatiques de grande ampleur : les dans le bassin côtier, sont constitués en majorité de
inondations du 16 avril 19968 en sont l’illustration. matériaux sablo-argileux (60 % de sables et 40 %
d’argiles), « des alluvions argilo-limoneuses d’épaisseur
Les variations saisonnières de l’écoulement des variable, de l’ordre de plusieurs mètres, recouvrant des
cours d’eau reflètent celles des précipitations, mais tourbes anciennes » (Chatelin, 1968). Ils sont localisés
avec un léger décalage dû au rôle d’éponge joué par le sur les sommets et versants des collines.
sol qui absorbe une bonne quantité des eaux, surtout
au début des périodes pluvieuses. Les dépressions ou sillons intermédiaires inondables
ont des sols à forte hydromorphie, ou noirs tourbeux.
Ces conditions climatiques et météorologiques sont Y sont abondants des dépôts alluviaux récents et des
d’autant plus importantes dans la compréhension des sols d’apports minéraux et organiques, à l’exutoire des
facteurs naturels du déclenchement des inondations, cours d’eau débouchant dans les lagunes. Ils subissent
qu’elles se trouvent renforcées par d’autres éléments l’influence de la nappe phréatique subaffleurante qui
du contexte environnemental dont celui de la nature accroît ainsi leur saturation en eau. Leur texture sablo-
des sols de cette zone côtière. argileuse, argilo-sableuse et limoneuse leur confère
une relative perméabilité.
Des sols favorables aux
conditions d’inondations Cette dernière caractéristique favorise la formation
des sols hydromorphes où poussent les mangroves
Le substrat, la géomorphologie et le climat sont les et la manifestation des inondations. Ces conditions
principaux facteurs qui impriment leurs caractéristiques texturales des sols, en limitant l’infiltration normale,
aux sols du littoral et permettent leur diversification. accélèrent le ruissellement. De fait, il se produit un
engorgement préalable et une saturation durable des
7. Données de la météorologie nationale. horizons supérieurs lors des pluies intenses et prolon-
gées, d’autant plus que la réduction du couvert vé­gétal,
8. 1996 représente une année exceptionnelle non seulement à cause
de la hauteur de la lame d’eau précipitée (3 337,7 mm) depuis 1988
à la suite de la déforestation, a accentué le lessivage.
(3 983,1mm), mais aussi à cause de la période de la manifestation Les sédiments ainsi mobilisés sont transportés vers les
des inondations dommageables. cours d’eaux qui voient leur niveau de base rehaussé

296
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon
Cocobeach Cocobeach

LIBREVILLE Ntoum LIBREVILLE Ntoum


Kango Kango
par l’augmentation de la charge solide. Ces processus
modifient les conditions hydrodynamiques des cours
d’eau et accentuent donc le risque d’inondation.
Lambaréné Lambaréné
Les disparités interurbaines
Port-Gentil Port-Gentil
de la nature des inondations

© IGARUN, Université de Nantes, LETG-Nantes, Géolittomer


Le risque d’inondation se concentre particulière-
ment dans les deux grandes agglomérations du littoral
gabonais où il se distingue par une spécificité géo- Omboué Omboué
graphique des facteurs contributeurs et par une vul-
nérabilité amplifiée par de fortes densités humaines
dans des zones prédisposées. Ainsi, sont observées des
diversités de propension et de gestion du risque, à
travers les agglomérations fortement impactées par le
phénomène naturel. Dans ces deux villes, les inonda- Gamba Gamba

tions sont le résultat d’une conjonction de divers fac-


N
teurs spécifiques, aussi bien naturels qu’anthropiques.
Mayumba Mayumba
À Libreville
0 50 100 km
Située sur la rive gauche de l’embouchure du Komo,
Libreville est la première ville du Gabon de par son Typologie des sols
étendue estimée9 à environ 200 km² et occupée par psammitique de nappe tropical
Hydromorphie des sols
un peu plus de 800 000 habitants, soit une densité psammitique localement lessivé
d’environ 4 000 habitants au km². Une telle concen- faible psammitique peu évolué
Ferrallitiques
tration humaine dans un espace paralique génère for- moyenne podzol humo-ferrugineux
cément des déséquilibres sur un environnement déjà forte typique
sensible aux phénomènes naturels. varié

ville principale peu évolus, organique d’origine


Typologie des inondations à Libreville Minéraux alluviale
bruts peu évolué, lithique
On observe trois types d’inondations qui se réalisent Source : Pédologie du Gabon (Martin, 1981)

pendant les saisons des pluies. Il s’agit des crues des plaines Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER Tourbeux tourbeux d’apport modaux
alluviales du réseau hydrographique urbain (fig. 9), du
Figure 6 - Hydromorphie du littoral du Gabon
La présence forte de l’eau détermine la nature des sols qui couvrent la lithologie du littoral du Gabon.
9. Estimation réalisée par Z. Menie Ovono (2016) par calcul de La forte humidité contribue au lessivage des sols à dominante ferralitique, facteur d’une érosion
la surface de la tache urbaine de Libreville dans ArcGis© (données intense dont les alluvions et les colluvions abondent les talwegs des rivières qui pendant les crues
INC, 2015). saisonnières inondent les plaines alluviales et les zones basses.

297
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

remplissage des bassins naturels de rétention d’eaux


Photo 4 - Inondation d’un bassin naturel (photo 4), et du débordement des collecteurs du réseau
de rétention d’eau en date du 12 novembre
2015 au quartier Belle Peinture
de drainage par temps de pluie (photo 5).
(ph. Z. Menie Ovono, novembre 2015)
Des prédispositions physiographiques et
La scène se déroule à la source de la
rivière Ogombié dont le lit mineur est hydrogéomorphologiques aux inondations
traversé par la voix express Owendo/
aéroport Léon Mba via une buse. L’un des L’environnement physique de Libreville constitue
deux exutoires est actuellement bouché une mosaïque de collines et de vallées. Une topogra-
par les déchets ménagers ne facilitant plus
l’écoulement de l’eau vers l’aval.
phie de plaine littorale dont la moyenne altimétrique
oscille entre le zéro du niveau de la mer et 126 m qui
est le point culminant du Mont Bouet (fig. 7).
L’essentiel des points altimétriques hauts se situent
sur un alignement des buttes témoins de la formation
calcaire cénozoïque dite de « Sibang ». La morpholo-
Photo 5 - Débordement des collecteurs de
gie actuelle est dominée par de larges vallées maréca-
drainage des eaux de pluie geuses séparées par les collines.
(ph. G. Mounomby, 29 décembre 2015)
Les conduites des eaux pluviales vers la mer
Cet ensemble orographique formé des Monts Bouet,
sont bouchées et parfois obsolètes. À chaque Baudin, Nkol-Ngoum, Bisségué, orienté nord-ouest/
grosse averse, l’eau sort de ces conduites et sud-est, constitue le « château d'eau » naturel et la ligne
inonde les rues. Ici, au feu rouge de la Prési-
dence de la République gabonaise.
de partage est/ouest de l’ensemble des bassins versants
Librevillois (fig. 7).
Cet alignement topographique constitue la source
du réseau hydrographique et oriente le sens du ruis-
sellement à travers un gradient de pentes faibles de 10
à 2 % (Mombo, 2007). La prédominance d’un habitat
dense provoque un ralentissement du ruissellement
vers les exutoires et justifie le prolongement de la durée
Photo 6 - Habitations construites sur des inondations urbaines à chaque épisode pluvieux.
le bas-fond du bassin de l’Ogombié à la
hauteur du quartier Belle Peinture et
colonisées par de la jacinthe sauvage La quasi-absence de canalisations pour
(ph. Z. Menie Ovono, novembre 2015) un réseau dendritique très dense
Cette ancienne surface d’aplanissement est entaillée
par un réseau hydrographique dense (fig. 7) constitué
de 21 bassins versants aux dimensions variées (Mom-
bo, 2011). Les circuits naturels de drainage des eaux

298
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

ont été largement modifiés par les aménagements humains au AKANDA


0 2 4 6 km
point de voir la plupart occupés par les habitations ou bien obs-
35
trués complètement par une végétation hygrophile marquée par Mikolongo

Li k o
une forte colonisation de la jacinthe sauvage (photo 6).

ub
ouk
Source : MNT généré par interpolation
Les eaux de pluies sont drainées naturellement par un réseau

ou

oué
des points cotés de la carte topographique

og
Nk
hydrographique de 108 kilomètres dont 2 seulement de la ri- de Livreville (IGN, 2005)

vière Batavéa sont aménagés (Itongo, 2011).


Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER
i
Les collecteurs d’eau érigés le long des voiries ne jouent que Ts
in

très partiellement leur rôle premier, car ils sont quotidienne-


ment bondés d’ordures ménagères. Pendant les épisodes de
forte pluviométrie, plusieurs routes sont inondées occasion- 126
nant des perturbations du trafic urbain. Altitude Gué Gué Mt Bouet
(en m)
Des inondations fréquentes au rythme de
100
la pluviométrie annuelle Olowindjandja 101
90 Nkol
L’automne et le printemps sont accompagnées de fortes pluies 80 LIBREVILLE Ogoum
Awondo
à l’origine des inondations comme l’illustre la figure 8. On re- 70 Arambo
trouve l’allure caractéristique du climat équatorial bimodal 60 104

matérialisé ici par un histogramme des moyennes mensuelles 50 Bisségué


Bisségué

EST
Mbatavéa 79
cumulées de la pluviométrie pendant une année. 40

UA
30 Bizango
Bizango

IRE
À titre d’illustration, l’année 1996 particulièrement touchée 20
Ogombié

par les inondations à Libreville fut marquée par des séquences

DU
10
pluvieuses exceptionnelles, avec une augmentation notable des

KO
0

M
précipitations moyennes annuelles (3 337,7 mm). Alors que les

O
Lowé
mois de janvier (391 mm), février (439 mm) et mars (630 mm)
Ig
avaient été très pluvieux, celui d’avril avec un total de 349 mm10

ouw
Indongui
et quatorze jours de pluie consécutifs acheva la mise en place d’un 126 point culminant

ie
OWENDO
contexte météorologique favorable aux inondations. Les cumuls (en m)
des mois de janvier, février, mars et ceux des jours pluvieux du réseau hydrographique
mois d’avril ont entraîné la saturation d’un sol sablo-argileux et Lowé nom de rivière
calcaire imperméable. Ils ont alimenté les eaux de ruissellement
limite de la zone urbaine de Libreville (2005)

10. Du 3 au 16 avril, Libreville a enregistré 297,8 mm sur un total de 349 mm Figure 7 - Le contexte hydrogéomorphologique de Libreville
recueillis pendant tout le mois d’avril : 29,1 mm le 3 avril, 71,1 mm le 10 avril, Le relief organisé autour d’un axe principal de points hauts de direction NO-SE oriente les sens du
44,6 mm le 13 avril et 90,5 mm tombés pendant 11 h 53’ le 16 Avril. ruissellement à travers l’espace urbain.

299
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

en occupait 714 hectares, 3 900 en 1981, 14 700 en


Moyenne annuelle cumulée* : 2 887 mm 2005 pour s’étendre aujourd’hui en 2016 sur environ
20 000 hectares.
Hauteur de pluie À partir de 1970, Libreville a connu un étalement
(mm) petite saison des pluies grande saison des pluies spatial sans précédent impulsé par une croissance dé-
500 mographique rapide à raison de 17 000 nouveaux ré-
sidents par année de 1970 à 2013 (voir le chapitre 7
400
du présent ouvrage). Cette urbanisation au départ
concentrée sur des zones élevées a été guidée par la
physiographie du site et resta fidèle à l’esprit du plan
300
d’urbanisation de 1939 (Lasserre, 1958). L’occupation
humaine se développa prioritairement sur les sommets
200 des interfluves et se diffusa le long des versants à pente
faible. Mais depuis les années 1980, l’apport démo-
100 graphique exceptionnel qu’a enregistré la capitale et la
crise économique qui a suivi à partir de 1983 et qui
0 vit se développer les quartiers spontanés sous-intégrés,
jan fév mars avril mai juin juil août sept oct nov déc les forêts hydrophiles des plaines alluviales urbaines, les
marais à mangroves et les plaines marécageuses, dont
Figure 8 - Pluviométrie
annuelle moyenne de Libreville le rôle régulateur d’inondations était avéré, ont été pris
caractéristique d’un climat et influencé le régime des cours d’eau engorgés d’allu- d’assaut. Le rapport du SDAU (2011) révèle une crois-
équatorial à 4 saisons : 2 saisons
de pluies et 2 saisons sèches
vions, de colluvions et d’ordures ménagères, dans un sance urbaine de 1960 à 2011 orientée suivant deux
Source : moyenne effectuée à
milieu déficitaire en matière de réseau d’assainissement. axes. D’abord linéaire le long de la rive droite du Komo
partir des mesures de la Direction dont les extrémités sont occupées par les communes
Ces processus cumulés contribuent alors à l’ex-
de la Météorologie Nationale du actuelles d’Akanda et d’Owendo, ensuite l’axe médian
Gabon sur la période 1950-2000 haussement progressif des chenaux des rivières et des
dont l’extension vers le continent a vu naître à la porte
plaines alluviales. La surface topographique rehaus-
de la capitale la commune de Bikélé.
sée, les crues lentes progressent par ailleurs par paliers
(talwegs, fonds de vallées, plaines…) et débordent de Le croisement des différentes phases d’extension
leur lit. Le taux d’imperméabilisation des sols à Li- urbaine sur la base du plan de 1888, de la carte topo-
breville varie de 0,45 à 0,70 % (PNAE, 2001). graphique de l’INC de 2005 et de la configuration
actuelle révèle une croissance rapide qui dans son
Une croissance non maîtrisée de l’urbanisation redéploiement s’est étendue aux bas-fonds à l’origine
des zones basses inondables. inondables (fig. 9).
Alors qu’en 1929, Libreville ne représentait que La répartition actuelle des inondations touche
350 hectares regroupés en une mosaïque semi-urbaine et également les quartiers résidentiels où les collecteurs
semi-rurale (Mombo, 2011), en 1964 l’agglomération des eaux de pluie ont été sous-dimensionnés au point

300
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

10
5

10
5m m 5m m

m
2001 2015

10 m

10 m
5m

5m
5m

5m
2m

2m
2m
2m

2m 2m

0m
0m

5m 5m

n gui
gui
on o

EST

Ind
Ind

U
10 m

AIR
10 m

ED
15 m 15 m

UK
OM
« Shanghai » « Shanghai »

O
Usine à Usine à
poissons poissons
EST
UAI

BARRACUDA BARRACUDA
RE
DU

15 m 15 m
KO
MO

10
10

m
m

5m
5m

zone basse inondée


N
bâti

réseau viaire Sources : prises de vues IGN (2001),


orthophotos INC (2015)
0 100 200 300 m
rivière Z. MENIE OVONO

2
2

m
m

0m
0m

Figure 9 - Comparaison de l’occupation des zones basses inondables du quartier Barracuda entre 2001 et 2015
En 2001 (à gauche), le processus d’urbanisation encore peu dense est dans sa phase d’amorce, sans réseaux d’assainissement.
À ce stade de colonisation de ces zones inondables, l’impact des inondations est encore faible.
En 2015 (à droite), on observe une densification récente de l’occupation du sol à l’origine de l’îlot sous-intégré dit « Shanghai » à l’image de la ville asiatique
construite sur l’eau. Nous avons là un exemple d’une urbanisation croissante non maîtrisée des zones basses de Libreville. L’absence des voix d’accès par des
engins roulants à ces îlots d’habitations est composée par des passerelles de fortune (voir médaillon) érigées comme l’unique forme d’adaptation à un risque réel.

301
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

qu’ils ne jouent plus pleinement jusqu’en 1958 s’est construite le long de la rive
leur rôle initial. Certains quartiers droite de la baie du Cap Lopez. Elle se limitait au
comme la Sablière, au nord de Li- centre-ville actuel dit quartier « littoral ». L’extension
breville, ont déjà fait les frais d’une urbaine continua ensuite de façon soutenue lors de
inondation spectaculaire de la voi- la période faste dite du « boom pétrolier » des années
rie et de plusieurs villas dans la nuit 1980. Cette deuxième phase de l’extension urbaine
du 15 au 16  mai 2014. Celle-ci a s’est faite suivant trois axes : vers la Pointe Clairette
été particulièrement commentée, avec la construction de la zone portuaire et la station
puisque ce quartier est celui de la balnéaire de Nengabembé ; puis par l’étalement vers
résidence présidentielle Villa Maro- l’Ouest avec les quartiers mixtes (Grand Village, Ba-
caine (Gabonreview, 2014). Le déni lise, Sindara, Prison Centrale…) ensuite réorientés
de l’application des règles d’urba- vers le Sud en raison de la présence importante de
nisme et la non prise en compte de terrains inondables ; enfin pour la phase actuelle par
Photo 7 - Inondation par la physiographie du milieu par les l’extension de la tache urbaine sur les zones définies
affleurement de la nappe aquifère
au CES (Collège d’Enseignement populations justifient les inondations actuelles dans inondables par le « plan Philippin » de 1978, créant
Secondaire) de Bac aviation, ville ces quartiers pourtant dotés de collecteurs des eaux de ainsi deux grands quartiers populaires (Bac aviation
de Port-Gentil
(ph. Z. Menie Ovono, 2011)
ruissellement. D’après Gabonreview (2014), l’aména- et Océan). L’étalement de la tache urbaine a joint
gement non concerté du trait de côte et les remblais la Station de pompage du pétrole de Ntchengué. Il
mal réalisés pour la stabilisation des sols des lotisse- est de toute évidence que l’installation initiale de
ments constituent les deux principales causes de ces la ville sur des terres plus élevées du Cap Lopez et
inondations. par la suite sa délocalisation le long du front de mer
de la baie de Port-Gentil ont été des choix straté-
À Port-Gentil giques en prévision des éventuelles inondations
urbaines. La pression foncière impulsée par les dé-
Deuxième grande ville du lit- veloppements économiques et démographiques des
toral et capitale économique, années 1970 aura ensuite engendré une occupation
elle compte 134 632 habitants non maîtrisée des espaces connus à l’avance comme
(RGPL, 2013) avec une étendue étant inondables et inappropriés à la construction
spatiale de 50 km² (Menie Ovo- d'habitations.
no, 2010). Port-Gentil se situe à
la limite d’extension vers l’océan Typologie des inondations locales
Atlantique du delta marin de
La physiographie du site met en évidence deux
l’Ogooué.
types d’inondations : l’affleurement systématique
La croissance urbaine s’est de la nappe souterraine après la pluie (photo 7) et la
Photo 8 - Submersion marine de
Nengabembé
faite aussi en trois phases dis- submersion marine pendant les temps de forts orages
(ph. J. Bergère, décembre 2014) tinctes (fig. 11). La ville coloniale (photo 8).

302
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

Nengabembé
Pte Clairette
Inondations par remontée de la nappe phréatique

Ba
ÎLE MANDJI Port
Port-Gentil s’est développée sur une presqu’île plane

ie
de
(fig. 10) dont la morphogénèse est une conséquence de la

Po
dérive littorale de provenance sud et par un apport sédi- Lycée technique

rt-G
mentaire de l’Ogooué à son embouchure d’Ozouri. Chantier naval

ent
il
Le train de ces cordons forme une alternance de crêtes et PORT-GENTIL

rt
opo
de sillons inondés ou inondables pendant les pluies régu- N Mairie

Aér
lières dans la sous-région. Constituée majoritairement de Gouvernorat
sable, la structure pédologique favorise une infiltration à Pte Akosso
N
100 % des eaux pluviales et une remontée systématique

Ba
Base

ca
d’une nappe aquifère située à moins d’un mètre par rap- navale

via
port au niveau du sol. Il n’existe quasiment pas de ruissel-

t
0 1 2 3 km

ion
lement des eaux de pluie, la seule évacuation est faite par Quartier
Village
Océan des pêcheurs
un réseau de canalisation dont les exutoires sont reliés à la Altitude
Quartier
Sud
baie de Port-Gentil et qui couvre partiellement l’étendue (en m)
actuelle de la ville (fig. 10).
7 Pte Iguiri
Inondations par hausse du niveau de la mer

OC
6

ÉA
NA
5
Le relief plat avec un maximum altitudinal à 8 mètres est

TLA
accessible aux intrusions de la marée semi-diurne avec un 4

NT
marnage moyen de 2,5 mètres. Cette variation relative 3

IQU
inonde de vastes marais à mangrove et autres espaces 2

E
humides au sein de la ville. Les lagunes qui segmentent 1
ce trait de côte constituent des entrées naturelles des 0
eaux océaniques à l’intérieur des terres basses. Pendant
les périodes de forte tempête, le flux excède les limites N
réseau de canalisations (évacuation des eaux) Ntchengué
habituelles et inonde plusieurs lotissements situés en zone
inondable (photo 9). Les gisants de plus de 2,5 mètres de centre-ville
hauteur viennent s’échouer sur l’arrière des plages inondant limite de la zone urbaine de Port-Gentil (2015)
Source : MNT généré par interpolation à partir
du relevé topographique ELF Gabon (1990)
ainsi le front de mer de Port-Gentil (Menie Ovono, 2010). Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER

L’analyse de ce phénomène à l’échelle de l’île Mandji par Figure 10 - Contexte hydrogéomorphologique de Port-Gentil
Acciona Ingeniera (2011), partant des calculs mathématiques Le relief plan de la flèche littorale Mandji constitue le facteur principal contributeur des inonda-
de modèles de données météorologiques, a abouti à une pré- tions sur l’ensemble de la flèche. Une vulnérabilité réelle est très élevée par le croisement de
plusieurs aléas (la montée du niveau marin, la présence d’une nappe souterraine située à moins
diction de l’évolution du niveau marin jusqu’à l’an 2100. d’un mètre du niveau du sol, la nature des sols à composante principale sableuse).

303
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Pour une surcote de Dans la prévision d’une extension sud-ouest de


2,5 mètres lors des la tache urbaine, il fut défini des zones inondables
vagues des tempêtes, proscrites à l’urbanisation. Ces zones non aedificandi
la propagation de reprises dans la carte IGN de 1988 sont consignées
l’onde de la marée sera dans la figure 11. La ville ne couvrait que 24 km² à
nécessairement beau- cette époque, la prédisposition de cette partie de la
coup plus importante flèche sableuse aux inondations constitua un obstacle
à cause de l’absence à l’extension de la ville vers l’Ouest. À cette même
d’obstacles. Ainsi, en période, le réseau des canalisations couvrait l’étendue
partant de l’hypothèse de la tache urbaine et jouait pleinement son rôle de
Photo 9 - Submersion marine d’un
terrain en cours d’aménagement
moyenne qui prévoit collecteur et de régulateur d’inondation. Malheureu-
destiné à la future zone franche un accroissement de près de 10 cm de la sement, la troisième phase d’extension de la ville enta-
de Port-Gentil hauteur d’eau tous les 25 ans, les terres mée par la suite s’est faite sans respect des dispositions
(ph. J. Bergère, 2014)
situées à moins de 3,5 mètres seront du plan d’aménagement des terrains inondables et en
Les remblaiements des par-
celles dédiées aux occupations
inondées. De fait, les projections basées l’absence d’une politique de traitement des eaux plu-
humaines doivent tenir compte sur une hypothèse moyenne indiquent viales. Les nouvelles implantations réalisées sont donc
de la profondeur de la nappe d'une part une élévation du niveau de actuellement les plus vulnérables aux inondations
souterraine, de la nature des sols
et du niveau marin afin d’anticiper la mer de l’ordre 20  cm à l’horizon et leurs populations sont victimes des problèmes de
sur les inondations futures. 2050 et 50 cm en 2100. D’autre part, santé publique, d’autant qu’en l’absence d’un système
les inondations consécutives à cette de ramassage des ordures ménagères, celles-ci sont
hausse du niveau marin vont amplifier déversées dans le réseau urbain de canalisation. Entre
la salinisation des eaux douces à la fois 1990 et 2011, l’étendue spatiale de la ville a presque
dans les aquifères et dans les dépressions doublé, couvrant actuellement une superficie de plus
inondées. Les faits ainsi présentés pré- de 50 km² (fig. 11).
sagent une vulnérabilité encore accrue
de Port-Gentil aux inondations. Les incivilités des citoyens et l’abandon des autori-
tés urbaines à la mise en application du « plan Philip-
Une croissance rapide de la ville pin » constituent autant d’éléments qui ont contribué
au mépris du « plan Philippin » à une urbanisation anarchique des zones inondables.
L’évidence d’un environnement L’inadaptation de l’habitat dans ces zones en lien
inondable et d’une extension rapide avec le statut socio-économique des populations, tout
Photo 10 - Constructions non
de la ville entre 1958 et 1990 ont comme le manque d’assainissement des parcelles ac-
conformes dans les bas-fonds du contraint les autorités locales à mettre tuelles, amplifient la vulnérabilité des populations et
bassin amont de l’Ogombié en place un plan d’urbanisation à par- des biens aux inondations. Des initiatives diverses
(ph. Z. Menie Ovono, 2016)
tir de 1978, dit « plan Philippin » du sont envisagées par des acteurs publics et privés dans
Un habitat non structuré contribue à la
vulnérabilité des habitants. nom de ses concepteurs. l’optique d’apporter des solutions durables.

304
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

Un projet d’assainissement de la ville est ainsi d’ac- Nengabembé


tualité. Il est cofinancé par l’AFD11 en partenariat Pte Clairette
avec Total Gabon et l’ONG les Toilettes du Monde,
à hauteur de 55 millions d’euros. Ce projet se décline ÎLE MANDJI
en trois volets : la réhabilitation du réseau de drai-
nage des eaux de ruissellement et son extension sur
un parcours de 20 km à travers les zones inondables ; Lycée technique
la construction de 1 000 latrines voie sèche de type Chantier naval

t
por
ECOSAN dans les quartiers sous-intégrés et la réali- PORT-GENTIL

o
Aér
sation d’une station de traitement de déchets de fosses Mairie
septiques. Gouvernorat

Ba
N

ca
Facteurs amplificateurs

Baie
via
de la vulnérabilité aux inondations

tio

de
0 1 2 3 km

n
En dehors des facteurs généraux contributeurs de la Quartier

Port
Village
Océan Quartier des pêcheurs
formation des inondations, l’homme, par un certain

OC
Sud

-Gen
nombre d’actes posés sur l’environnement, a amplifié

ÉA
Évolution de l’étalement urbain de

N
l’agglomération de Port-Gentil

til
l’intensité du risque inondation.

AT
LA
1958 (4,5 km2)

NT
Pte Iguiri
Constructions anarchiques,

IQU
1988 (24 km2)
habitats inadaptés aux zones inondables

E
2015 (50 km2)
L’habitat inadapté aux zones inondables constitue
un facteur principal amplificateur des impacts des zones inondables extraites du
inondations, surtout dans ces quartiers sous-intégrés « plan Philippin » de 1978
où les populations particulièrement démunies pra-
réseau de canalisations (évacuation des eaux)
tiquent majoritairement ce mode de construction
moins onéreux (photo 10). Le niveau de vulnérabilité centre-ville
de l’habitat face aux inondations dépend du type des Sources : photographies aériennes IGN (AEF, 1958), IGN (1988), Ntchengué
matériaux utilisés et de la nature de son implantation. INC orthophotos (2013), Google Earth (2015)
Les maisons de plain-pied en bois sont les plus tou- Z. MENIE OVONO, S. CHARRIER
chées, suivi des maisons à soubassement directement
implantées à ras le sol. Les moins vulnérables sont les Figure 11 - Dynamique de la tache urbaine de 1958 à aujourd’hui : discrimination des zones
inondables définies par le « plan Philippin » de 1978
habitats modernes à soubassement sur pilotis.
L’extension actuelle se déploie sur la région la plus élevée de la ville paradoxalement en
proie aux inondations actuelles. Cela s’explique par la morphologie de cette zone qui consti-
tue un train de cordons littoraux dont les sillons situés entre les deux crêtes successives
11. Agence Française de Développement. retiennent l’eau et empêchent son ruissellement.

305
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Incivilités et obstruction des cours d’eaux du réseau existant limite le rendement attendu de
tels ouvrages. Une grande partie du réseau hydrogra-
La gestion conventionnelle des déchets ménagers
phique urbain ne bénéficie pas encore des aménage-
semble ne pas intégrer les mœurs et les comporte-
ments (photo 12).
ments des habitants des quartiers sous-intégrés pri-
vés du système de collecte des ordures ménagères. Les efforts d’extension de ces ouvrages à l’ensemble
L’enclavement de certains quartiers fait que 65 % des des bassins versants urbains restent encore insuf-
ménages sont hors de portée des services urbains de fisants. En outre, les villes du littoral ne disposent
ramassage de déchets (Ndjeli, 2011). aujourd’hui d’aucun système d’assainissement adapté
et performant. Les ouvrages, lorsqu’ils existent, sont
Cette situation amène les soit à l’abandon, soit peu entretenus ou obstrués par
populations à jeter les ordures les déchets solides et/ou les constructions spontanées.
dans les rivières proches de leurs Les eaux de ruissellement s’écoulent naturellement
domiciles (photo 11), favorisant vers les points bas. Toutes ces villes côtières ne dis-
ainsi pendant les épisodes plu- posent pas non plus de réseaux collectifs d’évacuation
vieux la formation d’embâcles et de traitement des eaux usées. Les particuliers usent
d’immondices et autres bou- des fosses septiques avec puisards et latrines. Par
chons bloquant le ruissellement contre, les stations de traitement autonomes existent
des eaux de surface et la régula- dans les hôtels haut de gamme. Ces différents proces-
sus provoquent forcément un impact certain sur le
tion du trop-plein des lits amé-
système d’écoulement des eaux et donc sur l’intensité
nagés (voir le chapitre 11 du
des inondations. Cette situation est similaire dans
présent ouvrage).
Photo 11 - Obstruction du lit de
toutes les villes littorales, cependant les impacts sur
l’Awondo à Libreville par des les populations sont à géométrie variable. Les villes
ordures ménagères Insuffisance des ouvrages et absence les plus peuplées sont les plus vulnérables.
(ph. O. Léa, 2011) d’entretien du réseau hydrographique
Leur accumulation conduit à Pour faire face à ces manquements, l’État gabonais
la formation des embâcles La volonté de l’État à lutter contre les inonda- avec le soutien de l’AFD et des partenaires privés se
d’immondices, source d’inonda- tions est bien réelle. La réalité d’un réseau hydrogra- mobilise pour un traitement durable en amont du
tion des rivages immédiats des
rivières. phique urbain vaste et dense ne rend pas efficace les phénomène. Des réalisations voient le jour et d’autres
ouvrages déjà implantés. Le constat actuel montre sont sur le point de se mettre en place.
que les quartiers résidentiels issus de la dernière
phase de croissance urbaine telle que la Sablière et À Libreville par exemple, l’AFD finance l’améliora-
le centre de Libreville, pourtant dotés de collecteurs tion du système d’évacuation des eaux dans les 4 bas-
des eaux de ruissellement, connaissent ces derniers sins versants centraux de la ville (AFD, 2013).
temps des inondations dont la cause évidente est À Port-Gentil, un projet d’assainissement financé
l’obstruction des exutoires mal aménagés le long du par l’AFD à hauteur de 55 millions d’euros via un
trait de côte (photo 11). Aussi, l’absence d’entretien prêt à l’État gabonais est prévu très prochainement

306
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

(Jeune Afrique, septembre 2014). Ce projet concerne Hygiène et santé publique


concrètement l’extension du réseau actuel de collecte Les villes littorales ne disposent pas
des eaux de ruissellement de 20 km de linéaire. Il est d’un dispositif normé de traitement
également prévu, avec le concours de Total Gabon des déchets et des eaux usées (voir le
et de l’association Toilettes du monde, la construc- chapitre 11 du présent ouvrage). Les
tion des stations de traitement des déchets des fosses capacités de stockage des déchetteries
septiques et mille toilettes sèches dans les quartiers à ciel ouvert de Mindoumbé (Libre-
sous-intégrés. ville) et de Ntchengué (Port-Gentil)
connaissent actuellement des limites
Les impacts des inondations face à l'augmentation continue des
Les inondations causent des dégâts importants au ordures. Plus encore, dépourvues
sein des deux métropoles gabonaises. Le préjudice d’équipements modernes de traite-
(matériel, humain) varie suivant le poids démogra- ment et d’incinération des déchets,
phique de l’agglomération, de la valeur des enjeux et Libreville (807 095 habitants en
de leur emprise spatiale. De ce fait, Libreville enre- 2013) et Port-Gentil (134 632 habi-
gistre plus de victimes par rapport à Port-Gentil, où tants en 2013) apparaissent même
les impacts sont minimisés par le réseau de canalisa- de ce point de vue comme des villes
Photo 12 - Lit principal non
tion qui couvre une grande partie de la ville et la met sous-équipées et bien éloignées des aménagé de l’Ogombié proche
conditions nécessaires à un dévelop- de l’agence BICIG de la zone
hors de portée des inondations. industrielle d’Oloumi à Libreville
pement durable.
(ph. Z. Menie Ovono, 2016)
Perte et dévalorisation
des biens immobiliers
Pendant les saisons de forte pluviométrie (fig. 8),
les habitants des zones inondées ont les pieds dans
l’eau. Cette situation va perdurer le temps de la
décrue qui parfois peut prendre plusieurs jours en
fonction de la clémence de la météorologie. Les Photo 13 - Maison abandonnée
par son propriétaire à la suite
habitants sont contraints d’abandonner leurs mai- d'inondations répétitives dans le
sons pour un hébergement momentané chez des secteur de Belle Peinture
proches. La durée de l’évacuation des lieux dépend (ph. Z. Menie Ovono, 2016)

de l’importance des dégâts. Elle peut être provisoire,


mais aussi quelquefois définitive avec un abandon
du logement (photo 13). L’immobilier perd dans ce
cas de sa valeur et les propriétaires ne peuvent plus
recouvrer leur investissement.

307
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Faute d’un réseau d’as- paralysie d’un trafic automobile déjà saturé en même
sainissement nécessaire temps qu’elle provoque des gênes importantes dans
aux villes littorales, les la vie quotidienne des populations. Elle illustre par
populations ont recours ailleurs un déficit évident de moyens et d’ambitions
aux latrines creusées en ar- dans le domaine de la gestion urbaine.
rière-plan des habitations.
Ces puisards traditionnels Adaptation aux inondations
sont remplis par les eaux
à chaque inondation et La stratégie d’adaptation aux inondations à Libreville
débordent, si bien qu’il et Port-Gentil (Acciona Ingeniera, 2011) est mise en
est de coutume de voir la exécution par les victimes, l’action gouvernementale
matière fécale humaine avec des partenaires du développement à l’exemple
traîner autour des habitats de l’AFD et des associations. Il n’existe donc pas une
avec des nuisances olfac- stratégie globale de traitement du risque à l’échelle de
tives prononcées. l’ensemble des villes du littoral du Gabon. Quelques
initiatives voient le jour, mais celles-ci restent tout de
Photo 14 - Une rue inondée à même minimes vu l’ampleur des dégâts causés aussi
Port-Gentil Cet environnement justifie la prolifération actuelle des bien à Libreville qu’à Port-Gentil.
(ph. J Bergère, 2014)
maladies hydriques dans les villes côtières posant ainsi
L’absence de collecteurs de ruis-
un problème de santé et d’hygiène publique (Mombo et Face à la pression foncière et pour des raisons éco-
sellement des eaux de pluie de
part et d’autre de la route est à Edou, 2007). Quelques statistiques partielles du minis- nomiques, les habitants des quartiers sous-intégrés
l’origine de la situation observée. tère de la santé entre 1996 et 2001 à Libreville, revisi- prennent des initiatives visant à développer la rési-
tées par Mombo (2007), confirment bien une recrudes- lience face à la montée en intensité de l’aléa. Ainsi,
cence du paludisme, des parasitoses intestinales et des on peut observer des constructions sur pilotis et des
maladies diarrhéiques pendant cette période. Deux ten- passerelles (photos 15 et 16) pour permettre la circu-
dances se dégagent : une hausse de 16 % de paludéens lation des biens et des personnes pendant les périodes
avec 4 % de cas de parasitoses intestinales ; et une hausse de forte pluviométrie et même le reste de l’année. La
de 52 % des maladies diarrhéiques. D’autres maladies portée de telles actions reste tout de même limitée à
infectieuses et parasitaires opportunistes se développent l’échelle du champ d’inondation, sans résoudre le pro-
également dans les environnements de forte humidité blème au fond et dans son entièreté.
(voir le chapitre 11 du présent ouvrage).
Prise de conscience des politiques
Paralysie du trafic urbain
L’État dans sa mission a commencé à assainir certains
L’insuffisance des caniveaux de la voirie et l’absence quartiers à fort enjeux en construisant des canalisations
d’entretien du réseau existant ont pour conséquence (photo 17) le long de certains bassins versants à Libre-
l’inondation récurrente d’une partie importante de la ville et Port-Gentil. Cependant, l’offre actuelle est loin
voirie urbaine (photo 14). Cette situation entraîne la de couvrir l’ensemble du réseau hydrographique urbain.

308
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

La prévention des risques sur le littoral gabonais est d’une


responsabilité sans équivoque dans la constitution, en son
article premier alinéa 8, qui dispose que « l’État, selon ses pos-
sibilités, garantit à tous […] protection de la santé, la sécurité
sociale, un environnement naturel préservé […] ». La gestion
des inondations est accompagnée de projets d’aménagements
des bassins versants en application des mesures structurelles et
réglementaires.
Les mesures structurelles prises par l’État ont permis d’insti-
tuer une politique d’aide aux personnes victimes de calamités
naturelles. Le Ministère des Affaires Sociales et du Bien-Être,
régi par le décret n° 1113/PR/MSSBE du 9 août 1982, fut créé.
En janvier 2006, l’État a mis en place le Ministère de Préven-
tion et de Gestion des Calamités Naturelles. L’année suivante,
il a renforcé cette entité en y adjoignant la Protection Civile.
En janvier 2008, la section Prévention et Gestion des Calamités
Naturelles a été rattachée au Ministère de l’Environnement, de
la Protection de la Nature, du Développement Durable, de la Photos 15 et 16 - Passerelles desservant la zone inondée de Belle Peinture 
Prévention et de la Gestion des Calamités Naturelles. En 2009, (ph. Z Menie Ovono, 2016)
les nouvelles réformes institutionnelles et administratives ont Structures : modernes à gauche, de fortunes à droite.
permis de rattacher la Direction Générale de la Prévention des
Risques au Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de
l’Immigration et de la Centralisation, sous le décret n° 0858/
PR/PM du 02 décembre 2009.
Le dispositif remonte aux années 1980, période pendant
laquelle les inondations sont devenues un risque majeur pour
la société et l’environnement. Ainsi, il a été mis en place une Photo 17 - Aménagement du
batterie de textes législatifs soutenus par des documents tech- réseau hydrographique de
Libreville
niques. Elle vise à soutenir les politiques d’aide aux victimes (ph. Z. Menie Ovono, 2016)
des inondations, à élaborer un cadre juridique adéquat pour Ici, le canal de Batavéa.
la prévention des catastrophes naturelles et à mettre à dispo-
sition des décideurs des schémas directeurs d’aménagements
urbains. Parmi lesquels :
- le décret n° 00248/PR.MI.Cab/PC du 15 janvier 1972 porte
création du Service National de la Protection Civil ;

309
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

- le décret n° 00249/PR_DN du 16 février 1972, et de sensibilisation des populations quant aux dan-
prévoyant l’intervention des forces de défense natio- gers qu’elles courent en s’installant dans les zones à
nal en faveur des populations civiles ; risques. À ce cadre stratégique, s’ajoute le Plan Natio-
nal d’Actions pour l’Environnement (PNAE), élaboré
- la loi n° 03/65 du 05 juin 1965 et la loi 03/81 du
depuis juin 1997. Au niveau de la mise en œuvre de
08 juin 1981 qui fixent les règles d’occupation du
cette politique, des moyens législatifs et réglementaires
sol pour les villes de plus de trois mille (3 000) habi-
ont été adoptés. Les documents de projection de déve-
tants ;
loppement planifié et concerté, tels l’établissement du
- la loi n° 3/85 du 27 juin 1985, fixant le régime juri- Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme
dique des réquisitions civiles de biens et des services ; (SDAU, 2011) et le Schéma National d’Aménage-
ment et de Développement du Territoire (SNADT)
- l’ordonnance 24/83/PR du 18 avril 1993 sur la
sont établis, mais ne sont ni adoptés, encore moins en
surveillance et la planification de l’urbanisme ;
voie d’application. Le « plan Philippin » de Port-Gentil
- la loi n°  7/2012 portant ratification de l’ordon- de 1988, le Plan National d’Actions pour l’Environ-
nance n° 6/2012 du 13 février 2012 fixant les règles nement (PNAE) de 1998 et le SDAU de Libreville de
générales relatives à l’urbanisation ; 2011 sont autant de documents clefs qui ont accompa-
- la loi 16/93 du 23 août 1993 relative à la protec- gné le dispositif de lutte contre les inondations. Malgré
tion et à l’amélioration de l’environnement, à la mise la persistance des inondations particulièrement dans ces
en œuvre d’une politique de planification et d’amé- deux grandes villes, l’État ne se dérobe pas à sa mission
nagement du territoire qui tient compte de la lutte et de protection des citoyens. Depuis 2012, une approche
la prévention contre les nuisances par l’établissement globale de gestion concertée des inondations est en
des Plans d’Exposition aux Risques (PER) ; phase d’expérimentation à travers le PSGE12. Il consiste
à élaborer des documents d’aide à la décision (tel que
- la loi n° 21/2004 du 2 février 2005 relative à ces le rapport de la situation des terres affectées (PNAT13)
Plan d’Exposition aux Risques. qui intègre dans ces différentes couches d’informations
géographiques la donnée relative aux risques naturels
La politique de planification et d’aménagement du et industriels), à exécuter des travaux d’aménagements
territoire privilégie la lutte et la prévention contre les et le suivi des bassins versants urbains par l’U.C.E.T14,
nuisances par l’établissement des Plans de Prévention
de Risques (PPR). Les Plans de Prévention des Risques
d’Inondation (PPRI) quant à eux visent à préserver 12. Plan Stratégique Gabon Émergent, élaboré en 2012 avec une
les vies humaines et à réduire le coût des dommages vision à l’horizon 2025.
qu’entraînerait une inondation (la collectivité nationale 13. Plan National d'Affectation des Terres, élaboré en 2015.
assure une solidarité financière). Ces plans prévoient
14. U.C.E.T : Unité de Coordination de l’Étude et des Travaux
l’établissement d’une cartographie qui détermine des du Ministère des travaux publics et de l’aménagement du territoire en
zones d’aléas et de vulnérabilité pour localiser le risque. charge de réaliser les études, le suivi et la réalisation de l’assainisse-
À ces textes s’ajouteraient les campagnes d’information ment de Libreville et Port-Gentil.

310
Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

et autorise l’État à contracter des dettes auprès des or- La réponse régalienne semble lente et insuffisante
ganismes comme l’AFD pour le financement des dits pour endiguer ce phénomène. Une stratégie de ges-
projets. tion globale est à mettre en place dont la mission
principale serait d’observer les îlots d’inondations
Conclusion et de proposer des solutions définitives d’assainisse-
ment des zones menacées. Une planification durable
Les populations côtières du Gabon ont longtemps intégrant l’ensemble des couches de traitement de ce
vécu en bonne harmonie avec une forte présence de risque est sans aucun doute à envisager dans le court
l’eau, caractéristique de cette région paralique du bas- et moyen terme.
sin sédimentaire. Les villes littorales du Gabon sont
en effet inondées depuis la nuit des temps. Les oppor- Une nouvelle approche de lutte contre les risques
tunités économiques qu’offraient ces régions côtières d’inondation pourrait s’effectuer dans le cadre d’un
et les paysages paradisiaques qu’elles hébergent ont observatoire central à Libreville et des sous-cellules
de contrôle dans chaque ville. Cet observatoire in-
toutefois attiré les populations de l’hinterland et de
clurait les systèmes d’information géographiques
l’extérieur du pays en nombre depuis quelques décen-
dynamiques, utiliserait des images satellitaires pour
nies, provoquant de fortes concentrations humaines à
l’observation en temps réel des zones inondables pré-
l’origine de pressions foncières exacerbées. Les popu-
cartographiées dans chaque ville. Il permettrait ainsi
lations les moins nanties à la recherche de terres habi-
de fournir les détails sur les types de risque, évaluerait
tables et le manque de contrôle de ces installations par
les coûts financiers dans le cas des catastrophes natu-
un État le plus souvent absent, ont finalement créé un
relles et travaillerait à la mise en place des systèmes de
risque majeur dans les deux principales villes du pays,
prévention automatiques. Une implication de toute la
Libreville et Port-Gentil. Au fil des années, les condi-
classe universitaire, politique et des structures privées
tions physiques des sites s’ajoutant aux incivilités des
est nécessaire pour que cet observatoire soit efficace.
citadins ont ainsi et de façon inéluctable amplifié la
vulnérabilité à l’aléa d’inondation.
Les victimes sont nombreuses chaque année et le
préjudice financier se chiffre à des centaines de mil-
lions de francs CFA. Face à cette situation, la société
s’organise pour s’adapter à ce risque, mais les efforts
restent maigres face à l’ampleur des impacts occa-
sionnés.
L’inquiétude est fort grandissante dans un contexte
de changement climatique mondial avec une exacer-
bation annoncée dans le rapport dédié à la stratégie
nationale d’adaptation du littoral gabonais face aux
changements climatiques (Acciona Ingeniera, 2011).

311
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

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Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon

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313
Thématique 2 - Compréhension des risques, aménagement
et problématiques de gestion durable
des territoires littoraux

Partie 4 - Développement durable et gouvernance


dans la gestion intégrée du littoral

315
Chapitre 13 - Les nouveaux outils de réorganisation au service
d’une pêche artisanale durable et organisée au Gabon
Guy-Serge BIGNOUMBA
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville
Jean-Bernard MAMBANI
Géographe, École Normale Supérieure, Libreville

L’Administration des pêches gabonaise est non durables. Or l’enjeu est d’accroître les rende-
confrontée à trois contraintes majeures : données ments tout en s’assurant d’une disponibilité pérenne
statistiques non fiables et irrégulières, faibles capa- des ressources.
cités à se déployer sur le terrain, non-respect de la
réglementation par les pêcheurs. Ces maux consti- Des prises limitées,
tuent des obstacles de taille à une bonne gestion des des moyens techniques 100 %
pêcheries. Or, un des impératifs de l’Administration obsolescents, des
est la gestion rationnelle des ressources, avec pour ressources humaines
objectif une utilisation durable de celles-ci. Dans le 80 %
insuffisantes
cas du Gabon, cet objectif ne peut être atteint que
par une organisation du secteur sous-tendu, notam- La pêche artisanale est
60 %
ment, par une modernisation des infrastructures supérieure à la pêche in-
ainsi que l’adoption de nouveaux outils de gestion dustrielle dans les captures
qui garantissent l’implication des pêcheurs dans la marines nationales. Sur la 40 %

gouvernance du secteur. Les Comités de Gestion des période 2007-2014, elle


Pêcheries (CGP) et les Centres Communautaires de y contribue pour près de
20 %
Pêche (CCP) s’inscrivent dans ce cadre participatif. 72 % en moyenne (fig. 1).
Ces outils témoignent de la volonté de l’État à dis- De 2007 à 2014, la pêche
0%
poser de structures d’appui, de modernisation et de artisanale a débarqué en 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
suivi des activités de pêche, en vue de leur développe- moyenne 16 3991 tonnes
par an contre 5 675 tonnes Pêche artisanale Pêche industrielle
ment durable et de leur intégration au système littoral
national. pour la pêche industrielle. Figure 1 - Contributions
L’évolution de la produc- des pêches artisanales

État des lieux des pêcheries artisanales : tion artisanale sur la même période est fluctuante. et industrielles aux
captures marines
entre accroissement des captures et Elle se situe dans une fourchette allant de 21  298 nationales (2007-2014)
exploitation durable des ressources à 4 185 tonnes avec des variations d’une année à Source : DGPA, 2015
l’autre. Le niveau le plus bas, enregistré en 2013,
La pêche artisanale maritime est celle pratiquée
dans la zone des trois milles marins. Elle se caractérise
principalement par un faible volume de captures, des 1. La moyenne est de 17 715 tonnes si l’on fait abstraction de
moyens techniques limités et des pratiques de pêche l’année 2013, qui enregistre étonnement 4 185 tonnes.

317
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Captures
(en miliers de tonnes) apparaît davantage comme une derniers occupent une position dominante en raison
25 anomalie statistique que comme de la désaffection du secteur des pêches maritimes
une réalité factuelle avérée, car par les populations autochtones, fort peu rompues à
20 aucun élément ne permet d’expli- la pêche faute de tradition maritime. Le nombre de
quer une telle chute (fig. 2). pêcheurs est en baisse constante au cours des dernières
15 années. Il est passé de 4 298 en 2003 à 1 772 en 2012.
C’est une pêche qui fait usage de
Cette baisse fait suite à la destruction des villages3 de
10 moyens techniques rudimentaires,
pêcheurs intervenue en 2007 à Owendo, au sud de
reposant notamment sur divers
5 Libreville. Il faut aussi y voir la conséquence des res-
filets et lignes que l’on déploie
trictions administratives quant à l’entrée sur le terri-
manuellement. Les pêcheurs sont
0 toire national d’une certaine catégorie de travailleurs,
ainsi soumis à d’harassantes ma-
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 parmi lesquels se trouvent les pêcheurs (Nyinguéma
nœuvres manuelles à bord de leurs
Ndong, 2015). De fait, le renouvellement des effectifs
Figure 2 - Évolution des captures embarcations qui sont au nombre
marines artisanales de 2007 à dans le secteur devient problématique.
2014 de 763 au total en 2014 (DGPA, 2015). Ces embarca-
Source : DGPA, 2015 tions sont pour l’essentiel faites de pirogues motorisées
à 80 %. Leur petite taille alliée à l’absence d’équipe- Le non-respect de la réglementation
ments de navigation les contraint à évoluer près des en matière de pêche
côtes. Elles sont d’une autonomie limitée, qui réduit Le non-respect de la réglementation constitue l’une
de fait leur rayon d’action et par conséquent le rende- des infractions les plus courantes dans la pêche artisanale,
ment des pêcheurs (voir à ce sujet parmi lesquelles l’emploi d’engins de pêche prohibés
le chapitre 5 du présent ouvrage). tels que les monofilaments, filets non biodégradables et
En 2014, on dénombre par conséquent pêchant durant plusieurs années même
1  772  pêcheurs dont 13 % de lorsqu’ils ont été abandonnés dans l’eau (photo 1).
femmes (DGPA, 2015). Le gros Il est à noter également la fréquentation des zones de
des effectifs, soit 75 %, se trouve pêche non autorisées, la non immatriculation des piro-
dans la province de l’Estuaire, es- gues, l’inobservance du repos biologique, la pêche de
sentiellement à Libreville et à Co- juvéniles, etc. Si l’incivisme des pêcheurs peut être dé-
cobeach. L’immense majorité des noncé, il apparaît que l’Administration ne se donne pas
pêcheurs sont d’origine ouest-afri- toujours les moyens de diffuser l’information auprès
caine. Ils représentent entre 75 % des professionnels, notamment par des campagnes de
(Albert, 2005) et 90 % (Ovono sensibilisation. Quand bien même elle y sacrifierait, les
Edzang, 2013)2 des effectifs. Ces actions menées sont non seulement épisodiques pour
Photo 1 - Monofilaments dans un
village de pêcheurs à Cocobeach 2. D’après une source de la DGPA de janvier 2003. Quelle que soit 3. Cette opération s’est soldée notamment par le rapatriement dans
(ph. G.-S. Bignoumba, 2012) les sources, la faible présence des gabonais dans la pêche maritime est leur pays d’origine de centaines de pêcheurs. Il n’a pas été possible
indéniable, comme il est loisible de le constater sur le terrain. d’obtenir les chiffres de ce rapatriement.

318
Chapitre 13 - Les nouveaux outils de réorganisation au service d’une pêche artisanale
durable et organisée au Gabon

manquer d’efficacité, mais également en bute aux diffi- globale. La durabilité des ressources doit être considé-
cultés de communication avec les pêcheurs anglophones rée à la fois sous l’angle des prélèvements de la ressource
qui constituent une bonne partie des effectifs ; d’où (poissons, crustacés, mollusques) sur l’hydrosphère,
l’impérieuse nécessité d’adapter les outils de communi- mais aussi par rapport aux attaques portées sur l’envi-
cation au contexte local. L’indiscipline des pêcheurs in- ronnement dans lequel évolue cette ressource. La dura-
duit une exploitation anarchique des ressources. Ce qui bilité des pêches repose sur le respect d’un minimum de
constitue une menace sur leur durabilité, d’autant que principes de rationalité dans l’utilisation des ressources
l’environnement dans lequel se meuvent ces ressources et la participation de toutes les parties prenantes à leur
est soumis à de fortes dégradations anthropiques. système de gestion. Si la responsabilité de l’Adminis-
tration constitue un acquis, il reste que les pêcheurs
La dégradation de l’écosystème littoral doivent y être pleinement associés, notamment dans le
cadre des Comités de Gestion des Pêcheries (CGP) et
L’écosystème littoral subit diverses dégradations de la des Centres Communautaires de Pêche (CCP).
part des pêcheurs. Celles-ci s’exercent essentiellement
sur la mangrove, qui constitue un milieu de vie et de Les Comités de Gestion des Pêcheries
reproduction des ressources. La mangrove, qui couvre comme outil d’une meilleure
près de 1 % du territoire national et 5 % des régions gouvernance des pêches artisanales
littorales du Gabon, joue un rôle capital dans la repro- maritimes au Gabon
duction et la croissance des espèces halieutiques. Cet
ensemble biogéographique, riche d’une abondante La mise en place des Comi-
biodiversité, a fait l’objet de quelques études spéci- tés de Gestion des Pêcheries
fiques de référence quoique anciennes (Lebigre et al., au Gabon est le résultat d’une
1984 et 1990 ; Lebigre 1990) et d’une contribution double aspiration. Il s’agit,
plus récente (Ondo Assoumou, 2006). d’une part, de s’arrimer à une
approche nouvelle et partagée
Aussi, les pêcheurs exploitent-ils la mangrove de la gestion des ressources
comme combustible pour la fumaison du poisson halieutiques et, d’autre part,
ou en tant que matériau de construction de leurs ha- de s’inscrire dans le sillon
bitations. Des surfaces entières sont ainsi dévastées d’un projet de développe-
(photo 2), alors même que ces pratiques perturbent ment dédié à la pêche artisa-
la chaîne de reproduction biologique dont dépend la nale au Gabon.
biomasse halieutique.
Qu’il s’agisse du non-respect de la réglementation en La gestion partagée ou Photo 2 - Destruction de la
cogestion des pêcheries mangrove par les pêcheurs
matière de pêche ou de la destruction des mangroves, artisans près de Cocobeach
le constat s’impose d’une exploitation non durable des Il n’est pas aisé de donner une définition unanime sur (ph. G.-S. Bignoumba, 2012)
ressources (voir Encadré page suivante). Il convient au le concept de cogestion des pêcheries, tant les approches
demeurant d’aborder cette problématique de façon sont nombreuses. L’on peut cependant s’accorder sur le

319
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

La gestion rationnelle des ressources halieutiques


au Gabon : mode d’emploi

Durant des décennies, voire des siècles, l’huma- rationnelle des ressources halieutiques. Cette ré-
nité a vécu sur l’idée erronée selon laquelle les res- solution appelle, notamment, une évaluation des
sources halieutiques étaient inépuisables. Certes, stocks, la surveillance et le respect de la réglemen-
cela reste possible, mais à la condition de s’imposer tation du secteur ainsi que la sensibilisation des
une utilisation rationnelle des ressources, c’est-à- acteurs de la filière. La sensibilisation est un volet
dire un emploi raisonné de celles-ci par une opti- déterminant de la gestion des ressources halieu-
misation des ponctions exercées sur l’hydrosphère. tiques. Elle incline à une approche préventive de
En pratique, cela signifie un ajustement de l’effort l’utilisation des ressources en plaçant les pêcheurs
de pêche au potentiel disponible pour s’assurer d’un face à leurs responsabilités, car ils sont les véri-
développement durable de l’activité halieutique. tables garants de la pérennité de la pêche. Au-delà
de la sensibilisation des acteurs, l’implication des
Pour l’heure, le Gabon apparaît en pratique
pêcheurs à la surveillance des pêcheries apparaît
éloigné des principes d’une gestion rationnelle des
fondamentale. C’est le sens à donner à la mise en
ressources. Le pays est confronté à plusieurs actes
place des Comités de Gestion des pêcheries, grou-
de nature à compromettre une bonne gestion des
pements de pêcheurs artisans, associés à l’Admi-
ressources : pêche à l’intérieur des zones prohibées
nistration dans l’application et l’observance de
comme les embouchures, estuaires et baies ; non-
la réglementation régissant l’exploitation des res-
respect des normes relatives aux poids et à la taille
sources halieutiques.
des captures ; non-respect des périodes de repos bio-
logique, etc. En somme, la stratégie de développement du-
rable du secteur halieutique au Gabon renvoie
Le cadre réglementaire disponible, à savoir la à une approche holistique qui intègre quatre vo-
Loi n° 015/2005 (République gabonaise, 2005) lets : une durabilité environnementale par une
du 8 août 2005 portant Code des Pêches et de meilleure connaissance des ressources halieutiques
l’Aquaculture au Gabon contient un arsenal juri- en vue de leur utilisation à long terme, une du-
dique propre à garantir une bonne utilisation des rabilité institutionnelle grâce à un cadre régle-
ressources, notamment en son titre 2 qui traite « De mentaire incitatif, une durabilité économique
la gestion durable des ressources halieutiques ». par une meilleure valorisation économique des
La mise en place d’une commission interminis- ressources, une durabilité sociale par l’amélio-
térielle Gabon bleu confirme la détermination de ration du bien-être des acteurs et l’adoption de
l’Administration gabonaise à oeuvrer à une gestion meilleures pratiques de pêche.

320
Chapitre 13 - Les nouveaux outils de réorganisation au service d’une pêche artisanale
durable et organisée au Gabon

fait qu’il s’agit d’« un système qui encourage le partage de halieutiques, depuis la conception jusqu’à la mise en
pouvoir et de responsabilité, entre le gouvernement et les œuvre de ces stratégies. La cogestion est donc un enga-
utilisateurs locaux, dans la gestion de la ressource » (GIR- gement moral qui établit un partenariat entre l’État et
MaC, 2007, p. 1). Selon Sen et Nielsen (cité par GIR- les pêcheurs dans le sens d’une gestion rationnelle, gage
MaC, 2007), le processus de cogestion se décline en d’une utilisation durable des ressources halieutiques.
cinq catégories. La première est directive. Elle appelle On peut considérer que le comportement des pê-
à un échange entre le gouvernement et les pêcheurs, cheurs détermine les résultats d’une politique de ges-
le premier informant les seconds des mesures qu’elle tion des pêcheries. Si l’Administration assume des
entend prendre. La deuxième catégorie est consulta- prérogatives régaliennes en matière de conception,
tive, le gouvernement consulte les pêcheurs bien que la d’élaboration, de mise en œuvre, de suivi et de contrôle
décision finale lui incombe. La troisième catégorie est de ladite politique, les pêcheurs pour leur part inter-
coopérative, le gouvernement et les pêcheurs traitant viennent non seulement sur chacun de ces volets, mais
d’égal à égal dans la prise de décisions. La quatrième surtout sur celui relatif à la capture. Gérer la ressource
catégorie est conseillère, le gouvernement se conten- revient donc à gérer la capture, autrement dit le com-
tant d’avaliser les décisions des pêcheurs. Quant à la portement des pêcheurs. Ce comportement détermine
cinquième, elle est informative. Ici, les pêcheurs ont la qualité de l’acte de capture, qui doit être respectueux
toute latitude pour décider tout en informant le gou- ou non des principes d’un bon usage des ressources. Il
vernement. s’agit donc d’apprendre aux pêcheurs à capturer, c’est-
Le principe d’une cogestion répond à un impératif à-dire leur inculquer des comportements de capture
d’efficacité dans la gestion des ressources halieutiques. responsables vis-à-vis des ressources auxquelles ils ont
Cet impératif repose sur le principe d’une coresponsa- accès. La gestion des ressources est donc en réalité une
bilité qui appelle une pleine collaboration des pêcheurs gestion des comportements. Toute initiative des pou-
avec l’Administration. La problématique est simple. voirs publics de gérer les ressources est vouée à l’échec
Si de tout temps, les pouvoirs publics ont su légiférer si celle-ci ne peut s’assurer de l’adhésion entière des pê-
par un appareillage juridique plus ou moins pertinent cheurs. Cette adhésion peut être obtenue dans le cadre
et contraignant dans la gestion des ressources, il est un des Comités de Gestion des Pêcheries (CGP).
constat récurrent que ces règles ne sont pas toujours res-
pectées de tous. Les mesures mises en place s’en trouvent Les Comités de Gestion des Pêcheries ou
bien souvent bafouées, soit que les pêcheurs n’en sai- la responsabilisation des pêcheurs
sissent pas le bien fondé, soit que certaines prescriptions La mise en place des Comités de Gestion des Pêche-
sont si difficiles d’application ou pas applicables du tout ries (CGP) au Gabon s’inscrit dans le prolongement
qu’elles s’avèrent inefficaces. Il arrive aussi que l’Admi- de la démarche PMDP4 initiée par la FAO, et où il est
nistration soit peu outillée ou mal préparée à faire appli- explicitement appelé à la mise en place d’organes de
quer ses propres mesures sur le terrain. De là est née la
nécessité d’associer les pêcheurs à toutes les stratégies à
même de favoriser une utilisation durable des ressources 4. Programme pour les Moyens d’Existence dans la Pêche.

321
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

concertation et de gestion participative des pêcheries Les CGP s’intègrent dans un système d’acteurs
(Djock, 2007). Le PMDP vise à amener les pêcheurs ayant partie liée avec la pêche artisanale. Ce système
à prendre leurs responsabilités pour l’assomption de repose sur une structure fonctionnelle verticale, où les
leurs propres moyens d’existence. Ces moyens d’exis- CGP se trouvent à l’interface de l’Administration et
tence, tirés principalement de la pêche, ne peuvent des communautés de pêcheurs (fig. 3).
Administration véritablement contribuer au bien-être des commu-
L’Administration des pêches a été restructurée à la
des pêches nautés de pêcheurs que s’ils s’inscrivent dans la durée,
suite d’un Conseil des Ministres tenu le 10 octobre
ce qui suppose une approche pérenne dans l’utilisa-
2014, par la mise en place de deux entités administra-
tion des ressources halieutiques.
tives sensées être complémentaires. Il s’agit de la tradi-
Les premiers CGP installés l’ont été à titre expé- tionnelle Direction Générale des Pêches et de l’Aqua-
rimental, avec en perspective l’idée d’étendre le culture (DGPA), chargée désormais de la conception
Comité de Gestion concept à d’autres sites. Les premiers concernent et du suivi de la mise en œuvre de la politique du Gou-
des Pêcheries vingt villages pilotes répartis sur l’ensemble du ter- vernement en matière de pêche et d’aquaculture. Elle a
(CGP)
ritoire national et retenus sur la base de leur acces- été renforcée par la création de quatre directions tech-
sibilité, leur poids démographique et l’importance niques que sont la Direction des pêches maritimes, la
de l’activité de pêche. Après leur mise en place en Direction des pêches continentales et de l’aquaculture,
2012, chaque CGP a bénéficié en 2013 d’un pro- la Direction des évaluations et des aménagements, la
Association gramme de formation délivré par des fonctionnaires Direction de la qualité et des industries de transforma-
de pêcheurs de l’Administration des pêches. Le but de cette for- tion des produits halieutiques. En parallèle, a été créée
mation était de fournir aux pêcheurs un ensemble l’Agence Nationale des Pêches et de l’Aquaculture
d’outils de gouvernance propres à assurer un fonc- (ANPA) chargée de mettre en œuvre la politique du
tionnement efficient de leurs organisations. Le pre- Gouvernement en matière de pêche et d’aquaculture.
mier acte de cette formation a consisté dans le dia- Autrement dit, les moyens d’intervention opération-
gnostic du cadre organisationnel des communautés nelle lui sont confiés tandis que la DGPA demeure
Communauté de pêcheurs. Il s’agissait avant tout de faire un état dans un rôle de suivi de la conformité des actions de
de pêcheurs
des lieux permettant d’appréhender les atouts et fai- l’ANPA à la politique gouvernementale en matière de
blesses de la communauté par rapport aux exigences pêche et d’aquaculture. Cette restructuration de l’Ad-
de gestion d’un CGP. Par la suite, le groupe était ministration des pêches n’est pas sans conséquences
Figure 3 - Les CGP dans le instruit sur le Code des pêches et de l’aquaculture en sur l’utilité de la DGPA qui se voit dépouillée de ses
système de gestion des pêcheries
République gabonaise5, la protection de l’environne- prérogatives techniques traditionnelles. Par ailleurs,
ment, la formation des pêcheurs à la diversification il est difficile de ne pas s’interroger sur les risques
de leurs moyens d’existence, à leur autonomisation, de conflits de compétences auxquels pourraient être
autopromotion, etc. confrontées ces deux entités administratives.
Les CGP ont pour missions principales d’assurer
l’implication des communautés de pêcheurs dans le
5. Code des pêches et de l’aquaculture au Gabon (Loi n°015/2005) dispositif de surveillance des activités halieutiques et la

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Chapitre 13 - Les nouveaux outils de réorganisation au service d’une pêche artisanale
durable et organisée au Gabon

protection de l’environnement pour garantir une ex- exécutif élu démocratiquement sous la supervision de
ploitation durable des ressources halieutiques. Ils doi- l’Administration des pêches. Les membres du bureau
vent également aider les pêcheurs dans la gestion de sont issus des différentes associations de pêcheurs
leurs projets communautaires et le développement des existantes dans la contrée. Le bureau fonctionne sur
activités alternatives à la pêche, associer les pêcheurs la base d’un statut et d’un règlement intérieur adoptés
à toutes les parties prenantes à la gestion durable des par la communauté à partir de modèles fournis par
ressources halieutiques et de l’environnement, servir l’Administration. Le suivi et l’encadrement technique
d’interface entre les pêcheurs et l’Administration. des CGP sont assurés par l’Administration des pêches
Le rôle des pêcheurs dans la gestion des pêcheries qui tient à leur bon fonctionnement au vu de l’impor-
est important. Ce rôle est consacré par le Code des tance des missions qui leur sont confiées.
Pêches et de l’Aquaculture en République gabonaise, L’apparition des CGP a été accueillie avec enthou-
en son article 10 relatif à la « Promotion des activités du siasme par les pêcheurs. Le fait de les associer à l’Ad-
secteur de la pêche et de l’aquaculture ». Cet article en ministration est perçu par tous comme une marque
appelle à « l’établissement de mécanismes institutionnels de reconnaissance et une forme de valorisation de
encourageant la participation des pêcheurs à l’aménage- l’expertise des pêcheurs par les pouvoirs publics qui
ment des ressources selon des modalités appropriées ». établissent par là-même leurs compétences en matière
Les pêcheurs sont particulièrement sollicités pour de gouvernance des pêches. Les pêcheurs migrants,
la surveillance des pêches en qualité d’enquêteur ou en particulier, y voient une manière de légitimer leur
d’informateur. À ce titre, ils sont chargés de la col- présence au Gabon dans un contexte général d’auto-
lecte des données sur les captures au sein de leur marginalisation des communautés de pêcheurs, dont
débarcadère. Ces données sont ensuite transmises à bon nombre vit en situation irrégulière. Enfin, les pê-
l’agent enquêteur commis par l’Administration des cheurs apprécient à leur juste valeur les responsabilités
pêches qui fournit les fiches servant à la collecte de ces qui leur sont confiées. Elles leur permettent d’agir di-
données. Ainsi, le pêcheur informateur peut-il sup- rectement sur la surveillance des pêches artisanales et
pléer l’Administration dans la surveillance des zones de dénoncer par eux-mêmes les méfaits dont ils sont
de pêche, et le relevé des infractions. Les infractions quotidiennement les témoins oculaires, comme par
alors relevées sont communiquées au CGP ou à l’Ad- exemple le chalutage le long des côtes, la fréquenta-
ministration. En aucune manière le pêcheur ne doit tion des zones de pêche artisanale par les navires de
prendre contact avec l’auteur présumé de l’infraction. pêche industrielle, l’utilisation par les pêcheurs arti-
Une prime de 10 % du montant de l’amende payée sans des engins de pêche prohibés, etc.
est reversée au CGP dont dépend le pêcheur ayant
Le fonctionnement des CGP astreint en principe à
constaté l’infraction. Sur la somme reversée, 10 %
la production d’un rapport d’activités portant sur la
sont ristournés au pêcheur.
collecte des données de pêche ; le suivi, contrôle et sur-
La mise en place des CGP est le résultat d’un long veillance des pêches ; la gestion des conflits, etc. Mais le
processus de consultation locale. L’organisation s’arti- constat fait sur le terrain révèle la difficulté à s’acquitter
cule autour d’une assemblée générale et d’un bureau de cette tâche en dépit des formations dispensées. De

323
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

l’avis de nombreux pêcheurs, Le Centre d’appui à la pêche artisanale


cette situation est due au fait de Libreville (CAPAL) : les objectifs initiaux
que les mesures d’encourage- Bâti sur une superficie de plus de 100 hectares,
ment financières prévues ne le Centre d’appui à la pêche artisanale de Libreville
sont pas encore effectives. Il (CAPAL) est un don de la coopération japonaise à
s’agit là d’une interpellation l’État gabonais d’une valeur de 6 milliards de francs
des pêcheurs à l’adresse de CFA (un peu plus de 9 millions d’euros). Inauguré en
l’Administration, laquelle doit 2011, il a été construit pour répondre aux attentes,
tout mettre en œuvre pour forts légitimes, des pouvoirs publics, des pêcheurs,
faciliter le fonctionnement des des consommateurs, en somme, de tous les usagers du
structures d’appui à la pêche secteur de la pêche artisanale (photos 3, 4 et 5).
comme le sont les centres
communautaires de pêche. Ces attentes, au demeurant multiformes, se décli-
naient comme suit : augmentation des prélèvements
Les centres des ressources halieutiques ; mise sur le marché local
Photo 3 - Vue partielle du CAPAL
communautaires des espèces pélagiques de bonne taille ; collecte et
(ph. J.-B. Mambani, 2015)
de pêche traitement des informations relatives à la pêche arti-
sanale ; création d’un lieu de production et de vente
Dans le contexte d’une éco- des glaçons aux usagers ; stockage et commercialisa-
nomie ouverte, qui vise l’auto- tion des poissons. Dans cette perspective, le CAPAL
suffisance alimentaire, l’aména- était doté d’instruments de déclaration de captures,
gement du Centre d’appui à la de contrôle qualité et de certification. De plus, après
pêche artisanale de Libreville, à chaque campagne de pêche, les agents du CAPAL se
l’instar de ceux de Lambaréné devaient de procéder à la vérification de divers docu-
(2005), Omboué, Port-Gen- ments auprès des pécheurs : fiche d’enquête, ordre
til (2002) et Owendo (1984) de versement de la taxe de production, quittance du
répond à une demande sociale trésor, tickets de contrôle de la qualité et certificat
qui vise à accroître l’approvi- sanitaire. Le traitement des informations collectées,
sionnement local en poisson l’amélioration de la mobilité des pêcheurs, l’accrois-
frais6 et autres produits de la sement des taux de prélèvements de poissons, sont
mer. L’atteinte de cet objectif, autant d’atouts qui devraient permettre le développe-
au demeurant prioritaire, passe ment des activités connexes au secteur de la pêche et
nécessairement par une réorga- la création de deux cent emplois directs et de six cent
nisation du secteur de la pêche. emplois indirects. La mise en application de ce dis-
Photo 4 - Exemple de pêcheurs se
tenant devant leur embarcation
positif réglementaire au sein du CAPAL participait
sur un appontement 6. http://www.gaboneco.com/nou- d’une réponse apportée par la DGPA, eu égard aux
(ph. J.-B. Mambani, 2015) velles_africaines_23593.html insuffisances relevées au centre communautaire de

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Chapitre 13 - Les nouveaux outils de réorganisation au service d’une pêche artisanale
durable et organisée au Gabon

pêche d’Owendo (photos 6 et 7), devenu depuis peu


inopérant, voire très vétuste, et ce malgré quelques
aménagements partiels financés par le gouvernement
japonais en 2003. Ce centre est aujourd’hui presqu’à Photo 5 - Vue des compartiments
l’abandon. Une partie de ses structures abrite désor- aménagés pour le rangement
mais la flottille de la Brigade de Gendarmerie nau- des matériaux de pêche, ici des
moteurs hors-bords
tique. Au débarcadère, seule subsiste une poignée de (ph. J.-B. Mambani, 2015)
pêcheurs avec moins de dix pirogues, qui attendent
de régulariser leurs situations administratives auprès
des services de la Documentation (titre de séjour), et
de la DGPA (autorisation de pêche).

Le CAPAL : contraintes liées au site,


à la situation et les services offerts Cependant, pour permettre aux
Construit au sud-ouest de l’agglomération Libre- embarcations d’accoster et de débar-
villoise, le centre d’appui à la pêche artisanale est quer leurs produits, le CAPAL dis-
situé sur un espace fragile qui a nécessité des amé- pose d’un appontement qui se ter-
nagements appropriés7 (fig. 4). Ces aménagements mine par un quai pouvant accueillir
ont tenu compte de la nature des matériaux qui for- au moins six pirogues à la fois. Ce
ment le substrat du site (notamment les sédiments quai est équipé d’une station d’es-
charriés par le Komo), de l’érosion différentielle en- sence qui sert au ravitaillement des
gendrée par les courants marins, les effets de houle pirogues en carburant8 (photo 9).
et de l’érosion pluviale. Aussi, la stabilité de ce site
repose-t-elle sur l’édification des brises lames et la 8. Les ventes de carburant de la station
construction des digues fortifiées selon le procédé de d’essence Petro Gabon oscillent entre 700 et
l’enrochement (photo 8). 800 litres par jour.
Photo 6 - Vue partielle du centre
communautaire de pêche d’Owendo
(ph. J.-B. Mambani, 2015)
7. Le Centre d’appui à la pêche artisanale de Libreville a été
construit sur une zone encore inoccupée du littoral sud. Il couvre une
superficie de plus 100 hectares. C’est un espace moderne doté d’équi-
pements structurants, essentiellement dédié au développement de la
pêche artisanale. Il dispose d’un ponton pouvant abriter plusieurs pi-
rogues et d’un quai surplombé par une station d’essence. Il est actuel- Photo 7 - Pirogues de pécheurs
lement le seul site véritablement aménagé qui permet le regroupement qui attendent désespérément de
des pêcheurs disséminés le long du littoral. À sa création, il devait reprendre la mer
être un complément au Centre communautaire de pêche artisanale (ph. J.-B. Mambani, 2015)
d’Owendo, qui fort malheureusement, a presque cessé toute activité.

325
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Sablière

agglomération de En outre, le CAPAL dispose d’une pondeuse de gla-


Okala Libreville-Owendo çons (photo 10) d’une capacité journalière de trois
limite d’arrondissement tonnes, de chambres froides pour le stockage et la
de Libreville
conservation du poisson et des espaces aménagés pour
Aéro

Louis quartier de Libreville


la vente du poisson aux tarifs arrêtés par le centre, soit
port

réseau routier principal 2 000 à 3 000 francs CFA/kg en 2015.


Léon
Mba

Le CAPAL : un outil au service du développe-


Aéroport ment de la pêche artisanale ?
Ambowè
Vo i e Expre Charbonnages
ss Si le rôle que devrait jouer le centre de pêche arti-
Cité de la Nzeng Ayong sanale de Libreville est connu des autorités publiques
Démocratie et des partenaires au développement, en revanche,
ha
l il l’est moins de la communauté des pêcheurs qui
Louis omp
EST

tri PK5 continue d’exercer leurs activités en marge de tout


Jeanne Ebori Bd
cadre légal (Pourtier, 2010), débarquant ainsi leurs
UA

PK12 RN 1
Montagne
captures dans des débarcadères de fortune (photos
IRE

Port-Môle Sainte
Bd d

11, 12, et 13). Ces prises sont, par la suite, ventilées


DU

e
l’ind

end Awendjé sur le site par des commerçantes peu respectueuses


ép

a
KO

de la mercuriale en vigueur. Ces pratiques illégales


nce
M

CAPAL impactent le développement des centres de pêche


O

Lalala
Lalala Mindounbé (communautaires et artisanaux) qui peinent, dès
lors, à regrouper les pêcheurs et ce malgré la présence
Centre de pêche artisanale Pont Nomba
de Libreville (CAPAL) d’acheteurs. En effet, 80 % des pêcheurs opérant à
Centre communautaire de pêche
Commune Libreville ne disposent ni de permis de pêche, ni
d'Owendo
artisanale d'Owendo (CCPA) CCPA de titres de séjour. Les statistiques rendent compte
débarcadère de fortune, toléré de cette réalité. En 2014, la Direction Générale des
par les pouvoirs publics Pêches a délivré quatre-vingt-quatre autorisations de
Port
présence de sociétés de pêche d'Owendo pêche. Seule une vingtaine de pêcheurs l’ont renou-
industrielle
velée en 2015. Ce qui est dérisoire au regard de la
village de pêcheurs migrants population de pêcheurs que le CAPAL pourrait éven-
port N 0 2 4 km
tuellement accueillir, soit deux cents.
J.-B. MAMBANI, S. CHARRIER
Toutefois, si aucune disposition contraignante n’est
Figure 4 - Plan de localisation des centres de pêche artisanale de Libreville et Owendo, ainsi que des lieux de
prise à l’endroit des pêcheurs exerçant dans l’illéga-
débarquement des produits de la mer sur le secteur urbain de la capitale gabonaise lité, notamment la régularisation massive de leurs
Cette figure a bénéficié des apports en information contenus dans la carte extraite de la thèse d’Aline-Joëlle situations administratives, il sera difficile de les ame-
Lembé. Lesquelles informations ont fait l’objet d’une actualisation (Lembé, 2014). ner à fréquenter les centres de pêches artisanales. En

326
Chapitre 13 - Les nouveaux outils de réorganisation au service d’une pêche artisanale
durable et organisée au Gabon

effet, le CAPAL ne peut accueillir que les pêcheurs9 déten-


teurs de documents administratifs valides. C’est seulement
à ce prix que la déclinaison par la DGPA d’une politique
pragmatique, des orientations stratégiques, structurelles et
fonctionnelles permettrait au CAPAL et à ses usagers (pê-
cheurs, commerçantes, etc.) d’atteindre leurs objectifs res-
pectifs, en devenant un pôle de développement économique
performant, remplissant la mission d’outil au service d’une
pêche durable.

Conclusion
Dans son fonctionnement actuel, le centre d’appui à la
pêche artisanale de Libreville ne remplit que très partielle-
ment les missions qui lui ont été assignées par l’Administra-
tion. Ceci pourrait changer si les pêcheurs venaient à régulari-
ser leurs situations administratives respectives (carte de séjour, Photo 8 - Le ponton mène au quai et donne accès aux embarcations et au débarquement
autorisation de pêche). Ils pourraient ainsi sortir de l’illégalité des produits halieutiques. Sont également visibles les digues construites selon le procédé
d’enrochement
et, éventuellement, rejoindre le CAPAL afin de bénéficier de (ph. J.-B. Mambani, 2015)
l’encadrement nécessaire à l’exercice de leur profession.
Quant aux CGP, leur installation a suscité un réel engoue-
ment auprès des pêcheurs qui en ont perçu le bien-fondé. Ces
derniers y voient une opportunité d’échanges et de coopéra-
tion avec l’Administration et les autres parties prenantes sur
les réalités de la pêche maritime artisanale. Il ne faut cepen-
dant pas perdre de vue que les pêcheurs seront d’autant plus
enclins à épauler l’Administration dans la gestion des pêche-
ries que celle-ci donnera des gages d’une prise en compte de
leurs préoccupations, concernant notamment le coût élevé
du carburant, les difficultés d’accès aux crédits, l’autorisation
de pêcher, etc.

9. D’après nos enquêtes de terrain, 98 % des pêcheurs exerçants dans le sec- Photos 9 et 10 - À gauche, un quai surplombé d’une station d’essence qui sert au ravitaillement
teur sud de Libreville sont des étrangers en situation irrégulière. Ils ne disposent des embarcations des pêcheurs. À droite, on aperçoit une pondeuse de glaçons.
pas de titres de séjour et par conséquent, ils ne peuvent pas solliciter une auto- (ph. J.-B. Mambani, 2015)
risation de pêche.

327
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Toutefois, en dépit des difficultés relevées, les CGP et le


CAPAL illustrent bien la volonté de l’État d’assister le sec-
teur des pêches maritimes artisanales pour l’accompagner
sur la voie de la durabilité. Ces nouveaux outils tentent
ainsi non seulement de favoriser la modernisation et un
meilleur suivi/encadrement des activités de pêche, mais
également d’y associer la communauté des pêcheurs, sans
doute à même de relever le défi. Ces deux démarches sont
essentielles à l’intégration de la filière pêche toute entière
dans l’économie nationale et au développement du pays.
C’est vrai pour l’appui technique et l’encadrement matériel
au service des professionnels, mais surtout pour avancer sur
le chemin d’une gestion plus rationnelle de la ressource,
qui représente un enjeu majeur pour les décennies à venir.
Elles placent aussi la communauté des pêcheurs au centre
de cette logique d’intégration, et c’est un point à souligner,
tant il apparaît incontournable afin de reconnaître et de
responsabiliser toute la profession. Il convient également
de sensibiliser les communautés de pêcheurs à la surpêche,
Photo 11 - Pêcheurs tirant leur seine de plage à la Sablière
à l’intérêt de règles partagées pour éviter les conflits, mais
(ph. J.-B. Mambani, 2015)
également à l’utilité d’outils performants qui assistent la
pratique, tout comme à l’accompagnement au crédit. En-
fin, sans doute l’instauration d’un dialogue renforcé entre
les acteurs sera-t-il nécessaire dans l’avenir, en même temps
qu’une position nécessairement autoritaire de l’État, seule
susceptible de garantir les équilibres écologiques tout au-
tant que l’intégration sociale et professionnelle des com-
munautés de ce secteur des pêches maritimes.

Photo 12 - Vente de poissons à la sauvette Photo 13 - Écailleurs de poissons exerçant au


devant l’hôpital Jeanne Ebori débarcadère de fortune de l’hôpital Jeanne Ebori
(ph. J.-B. Mambani, 2015) (ph. J.-B. Mambani, 2015)

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Chapitre 13 - Les nouveaux outils de réorganisation au service d’une pêche artisanale
durable et organisée au Gabon

Références République gabonaise, 2005. Loi n° 015/2005,


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Nantes, IGARUN, 401 p.

329
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de
la biodiversité au Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins
Brice Didier KOUMBA MABERT
Géographe, CNDIO-CENAREST, Libreville
Charles TCHOBA
Géographe, CNDIO-CENAREST, Libreville
Magloir-Désiré MOUNGANGA
Géographe, CNDIO-CENAREST, Libreville

Les aires protégées ont constitué l’un des outils pri- des paysages spectacu-
vilégiés de conservation de la biodiversité de l’Afrique laires susceptibles d’atti-
Équatoriale Française (AEF), au point d’être un fait rer des touristes.
marquant de l’histoire coloniale. Au Gabon, la création
L’historique des aires
et la délimitation de multiples aires protégées pendant
protégées doit permettre
l’époque coloniale s’est inscrite dans cette logique. Sta-
à présent de produire
tion expérimentale forestière, réserves forestières, ré-
un véritable diagnos-
serves totales de faune, réserves partielles, domaines de
tic des parcs nationaux
chasse sont aujourd’hui autant d’outils de conservation
littoraux et marins du
de la biodiversité hérités de la colonisation.
Gabon. Sur la base
Force est de constater toutefois dans le cas particu- d’enjeux multiples, il
lier du Gabon, que la prise en compte du milieu litto- apparaît alors nécessaire
ral et marin dans la conservation de cette biodiversité que soient redéfinis ici
a été tardive et demeure donc relativement récente. Il a les outils de conserva-
fallu attendre 2002, à la faveur de la création du réseau tion de la biodiversité
des parcs nationaux, pour y voir émerger de nouveaux marine. L’Agence Natio-
outils de conservation de la biodiversité : les parcs na- nale des Parcs Natio- Photo 1 - L’une des entrées du
tionaux littoraux. Au nord-est, et proche de Libreville, naux (ANPN) ambitionne d’élargir son réseau d’aires parc national de Mayumba
le parc national d’Akanda borde la baie de la Mondah protégées en créant de nouveaux parcs marins dont (ph. B. D. Koumba Mabert, 2006)
et la baie de Corisco. Sur la rive gauche de l’estuaire la majorité côtoierait les installations pétrolières. Créé en 2002, ce parc d’une
superficie proche de 970 km²
du Komo, en face de Libreville et sa façade atlantique, L’objectif final de ces outils est de protéger l’immense est essentiellement maritime, ne
se trouve le parc national de Pongara. À l’extrémité biodiversité marine. Toutefois, la question qui se pose possédant sur un kilomètre de
sud du Gabon, de Mayumba à la frontière du Congo, reste celle de la juxtaposition de ces dispositifs avec les largeur qu’une fine bande de terre
sur le lido de la lagune Banio.
le parc national de Mayumba (photo 1) se présente activités pétrolières et halieutiques. Le décret n° 0579/
comme une langue de sable. Tandis que le parc natio- PR/MPE du 30 novembre 2015 par exemple, fixant
nal de Loango, situé entre les lagunes Nkomi et Ndo- les modalités et conditions d’exercice de la pêche ne
go, est le bijou naturel de toute la côte ouest-africaine fait pas mention d'une gestion durable dans les Aires
(fig. 1). Tous ces parcs ont la particularité de protéger Marines Protégées (AMP).

331
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

CAMEROUN Les outils de conservation de la


biodiversité de l’époque coloniale
Minkébé au début du XXIe siècle
GUINÉE CONGO
Oyem Les aires protégées au Gabon :
ÉQUATORIALE un héritage colonial
Selon l’Union Internationale pour la Conservation
Monts de de la Nature (UICN), une aire protégée est définie
Akanda Cristal Makokou Mwagné comme « une portion de terre, de milieu aquatique ou
Ivindo de milieu marin, géographiquement délimitée, vouée
LIBREVILLE
spécialement à la protection et au maintien de la di-
Lopé versité biologique, aux ressources naturelles et culturelles
Pongara associées ; pour ces fins, cet espace géographique doit être
légalement désigné, réglementé et administré par des
Port-Gentil Lambarené moyens efficaces, juridiques ou autres » (UICN, 1994).
Une aire protégée vise d’abord la conservation des

© IGARUN, Université de Nantes


Waka Koulamoutou
espèces et de leur variabilité génétique, ainsi que le
Monts maintien des processus naturels et des écosystèmes qui
Birougou Franceville entretiennent la vie et ses diverses expressions. Toute
Mouila Plateaux
Loango Batéké activité ayant cours sur le territoire ou sur une portion
de territoire d’une aire protégée ne doit pas altérer le
Moukalaba- caractère biologique de celle-ci. En cas de conflit, la
Doudou
conservation de la nature est prioritaire.
Tchibanga Le Code gabonais de l’environnement dispose
N depuis 1993 que « toute portion du territoire national
OCÉAN CONGO
constituée en zone de terrain ou d’eau et présentant un
ATLANTIQUE
0 50 100 km intérêt particulier du point de vue écologique, archéo-
logique, scientifique, esthétique, culturel ou socio-éco-
Mayumba Source : Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN) du Gabon nomique, peut être délimitée et érigée en aire protégée,
B. KOUMBA MABERT, S. CHARRIER de sorte que soit préservée son intégrité. La création et
la délimitation des aires protégées font l’objet de textes
Parcs nationaux en 2016 réseau hydrographique
littoraux principal
limite de province législatifs (art. 27). Ces aires réglementées peuvent se pré-
}
Loango nom du parc
chef-lieu de limite du bassin senter sous diverses formes, notamment :
terrestres Waka national
province sédimentaire côtier
- de parcs nationaux, parcs naturels, réserves naturelles,
Figure 1 - Le réseau des parcs nationaux du Gabon tels que définis aux articles 32 à 40 de la loi n° 1/82 ;

332
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

- de monuments naturels et sites, fermes de culture CAMEROUN


marine, stations piscicoles, parcs marins, stations de re-
cherche scientifique, réserves de la biosphère constituées OCÉAN
d'associations végétales, de formes de relief, d’espèces de ATLANTIQUE
GUINÉE Oyem CONGO
plantes et d’animaux rares ou en voie de disparition,
ÉQUATORIALE
par la conservation desquelles il est possible de main-
tenir l’intégrité des beautés naturelles ou de préserver
l’espèce (art. 28). En vue de protéger les aires et d’en
sauvegarder l’intégrité, il est interdit d’entreprendre des Mondah Makokou
activités qui peuvent mener à la dégradation ou à la LIBREVILLE
modification de l’aspect initial du paysage, de la struc- Sibang
ture de la faune et de la flore, ou de l’équilibre écolo- Lopé-Okanda
gique, sauf autorisation exceptionnelle de l’organisme Wonga-Wongué
légalement compétent (art. 29) ».
Port-Gentil Lambarené
Le Gabon a vu démarrer le processus de création
d’aires protégées en 1934, alors que le pays était en-

© IGARUN, Université de Nantes


Koulamoutou
core sous administration de l’AEF. En 1960, lorsque
le Gabon acquiert son indépendance, il hérite d’un
patrimoine d’aires protégées constitué par (fig. 2) : Ndendé Franceville
Ngové- Mouila
- la station expérimentale forestière de Sibang Ndogo Mont
(31 mars 1934) ; Fouari

- la réserve forestière de la Mondah (16 février 1951) ; Petit Loango


Nyanga
- la réserve de la Lopé-Okanda (26 septembre 1946) ; nord
Aires protégées en 1960
- la réserve totale de faune et le domaine de chasse
Tchibanga Statut des aires
de Ndendé ;
réserve totale de faune
- la réserve totale de faune du Mont Fouari ; réseau hydrographique
réserve de faune
principal
- la réserve totale de faune de Nyanga Nord (tous chef-lieu de province réserve forestière
datant du 8 février 1956) ; N station forestière expérimentale
limite de province CONGO
- le domaine de chasse de Ngové-Ndogo ; limite du bassin réserve présidentielle
sédimentaire côtier
- la réserve du Petit-Loango ; 0 50 100 km domaine de chasse

- la réserve totale de faune du Petit Bam-Bam ; Source : Ministère des eaux et forêts et du reboisement (1998) B. KOUMBA MABERT, S. CHARRIER

- les deux réserves partielles de Wonga-Wongué et Figure 2 - Le réseau d’aires protégées en 1960
du Grand Bam-Bam (datant du 16 février 1956).

333
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Avant l’indépendance, les réserves constituent ainsi Après l’indépendance du pays, le processus de créa-
les principaux outils de conservation de la biodiversi- tion d’aires protégées s’est poursuivi. Ainsi, en 1962,
té. L’importance spatiale du littoral dans ce dispositif fut créée l’aire d’exploitation rationnelle de faune de
est manifeste à travers la création d’un domaine de la Moukalaba-Dougoua, suivie cinq ans plus tard, en
chasse, d’une forêt classée et d’une réserve de faune. 1967, du domaine de chasse du Mont Kouri. Enfin,
en 1970, le pays crée la réserve d’Ipassa, avant d’inter-
Les premières réserves de faune avaient en effet été
rompre les mises en place d’aires protégées pendant
créées sur la base de la réglementation sur la chasse par
longtemps (Sournia, 1990). Il faut attendre près de 27
les décrets du 27 mars 1944 et du 18 novembre 1947. ans pour à nouveau voir la création d’une réserve. C’est
À l’origine, celles-ci étaient constituées des réserves en 1998, six ans après le Sommet de Rio (1992), qu’est
cynégétiques dans lesquelles la chasse était interdite, érigée l’aire protégée des Monts Doudou, suivie en 2000
jouxtant des domaines de chasse où la « grande chasse » de l’aire protégée de Minkébé. Soulignons que pendant
(ou chasse sportive) était organisée. La réglementation cette période, le littoral n’est nullement invoqué.
les distinguait alors sous l’appellation plus concrète de
« réserve totale de faune » et « réserve partielle de faune »
La problématique du statut juridique
(les domaines de chasse). Mais elles n’avaient pas le ca-
des aires protégées au Gabon avant 2002
ractère d’intangibilité reconnu aux réserves naturelles
intégrales et aux parcs nationaux. Ainsi, la réserve n’as- La réglementation coloniale sur la biodiversité est
surait que la protection des animaux, potentiel cyné- caractérisée par le modèle conversationniste tradition-
gétique, et non celle de l’écosystème, c’est-à-dire des nel des « zones protégées ». C’est ce modèle qui a ins-
habitats et de l’ensemble des espèces animales et végé- piré les décideurs politiques du Gabon indépendant.
tales. C’est légalement que des concessions forestières En témoigne l’arsenal législatif régissant les activités
et des concessions minières furent alors attribuées au d’exploitation forestière ainsi que l’utilisation des res-
sein de celles-ci. Cette définition des réserves de faune sources naturelles en République gabonaise.
fut toutefois profondément modifiée dans le sens d’une
plus large et plus complète protection par la loi n° 1/82 La loi n° 1/82 : un bréviaire de la politique
du 22 juillet 1982 d’orientation en matière des Eaux environnementale du Gabon
et Forêts. La définition adoptée par ladite loi dispo- La loi n° 1/82 du 22 juillet est dite Loi d’orientation
sait que « la réserve de faune est un périmètre dans lequel en matière des Eaux et Forêts. Elle est longtemps restée
la flore et la faune bénéficient d’une protection absolue » « la bible de la politique nationale en matière d’environ-
et interdisait « toute forme d’exploitation susceptible de nement dans une optique clairement développementaliste »
modifier l’environnement et ses ressources ». À partir de (Rossatanga Rignaut, 1999). Le Gabon a trouvé au
1982, toute nouvelle concession forestière ou minière moment de son indépendance une situation foncière
dans une réserve devenait illégale, sauf s’il était procédé caractérisée par la coexistence d’une propriété cou-
préalablement au déclassement de la zone protégée ; tumière et d’une tenure fondée sur le droit écrit. De
déclassement uniquement autorisé « pour cause d’utilité plus, la législation française avait traduit les concepts
publique ». fonciers de l’époque en déclarant forêt protégée « tout

334
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

espace ne faisant pas l’objet d’un titre écrit ni de cultures. maniales classées (décret n° 000192/PR/MEFCR, art. 5)
Ainsi, dans le contexte d’une agriculture itinérante, la forêt à l’exception du ramassage du bois mort gisant par terre
protégée avait des frontières sans cesse mouvantes. Le défri- (id., art. 5). La chasse coutumière est également libre pour
chement d’un terrain l’en faisait sortir, son abandon l’y les villageois vivant traditionnellement sans détention
ramenait »(UICN, 1998). d’un permis ou d’une licence de chasse (art. 54, décret
art. 5), ainsi que pour les membres de la communauté du
Après son accession à l’indépendance, le Gabon a
village vivant traditionnellement (décret n° 000192/PR/
maintenu et perpétué le droit coutumier, malgré la pro-
MEFCR, art. 1). La chasse au moyen de drogues et d’ap-
mulgation successive de législations foncières et fores-
pâts empoisonnés (même si certains sont traditionnels) est
tières. Cependant, même s’il est préconisé une volonté
interdite (loi n° 1/82, art. 52) ».
de prendre en compte les intérêts locaux par la législa-
tion gabonaise, les droits fonciers coutumiers ne consti- La loi n° 16/93 : la prise en compte
tuent pas une propriété au sens de la loi. Ils s’exercent des préoccupations environnementales
sur le domaine privé de l’État et font l’objet d’une régle-
mentation particulière par décret (1987). Il s’agit princi- Contrairement à la loi n° 1/82, la loi n° 16/93 du
palement de la loi n° 1/82 du 22/07/1982 et de l’ordon- 26 août 1993 relative à la protection et à l’amélioration
nance n° 000184/PR/MEF-CR., le décret n° 000192/ de l’environnement, dite Code de l’environnement,
PR/MECCR du 04/03/1987 réglementant l’exercice constitue le premier texte à intégrer la préoccupation
des droits d’usages coutumiers. L’article 22 de la loi ga- environnementale dans sa globalité. Cette loi a « pour
rantit les droits coutumiers en prévoyant que « l’exploi- objet de déterminer les principes généraux qui doivent
tation des forêts situées aux alentours immédiats des villages fonder la politique nationale en matière de protection et
est réservée en priorité aux villageois ». L’article 6 du décret d’amélioration de l’environnement. Il tend notamment à :
précise que « ces droits peuvent s’exercer même à l’intérieur - la préservation et l’utilisation durable des ressources
des terres avec permis forestiers sans que l’exploitant puisse naturelles ;
demander une quelconque contrepartie ». - la lutte contre les pollutions et nuisances ;
En résumé, selon la loi n° 1/82, « les forêts protégées font - l’amélioration et la protection du cadre de vie ;
partie du domaine privé de l’État. Elles peuvent être alié- - la promotion de nouvelles valeurs et d’activités généra-
nées, c’est-à-dire mises en valeur comme à l’époque coloniale, trices de revenus, liées à la protection de l’environnement ;
et sont principalement le lieu d’élection des droits d’usages
coutumiers. Les permis d’exploitation y sont attribués sous - l’harmonisation du développement avec la sauvegarde
réserve des droits des tiers (art. 6). Les villageois conservent du milieu naturel (art. 1) ».
pour leur subsistance le libre exercice de leurs droits coutu-
La loi n° 16/2001 du 31 décembre 2001, portant
miers sur tout le domaine forestier, y compris dans les forêts
Code forestier en République gabonaise
protégées à condition que ces droits soient exercés de telle
sorte que la pérennité de l’exploitation soit garantie (art. 3, Au fond, « le Code forestier correspond à une actuali-
et décret n° 000192/MECCR). En revanche, l’exercice des sation de la loi n° 1/82 devenue inadaptée aux normes
droits d’usages coutumiers est interdit dans les forêts do- actuelles de gestion du secteur forestier qui sont conformes

335
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

à l’évolution de la réglementation internationale. Il gérées par elles-mêmes dans le but d’engager le partage
constitue la première étape vers un aménagement et une des droits, devoirs et bénéfices issus de l’exploitation de ces
gestion durable des forêts gabonaises afin d’en tirer des forêts (loi n° 16/2001) ».
avantages pérennes plutôt que des profits à court terme. On le voit, d’une part la loi n° 16/2001 apporte au
Le domaine forestier, c’est-à-dire l’ensemble des forêts gouvernement des instruments juridiques lui permet-
réparties sur le territoire, comprend un domaine fores- tant de mieux orienter sa politique en la matière, de
tier permanent de l’État et un domaine forestier rural l’autre, en s’appuyant sur le concept d’aménagement
(art.  5). Le domaine forestier permanent de l’État est et de gestion durable, celle-ci vise à réconcilier le déve-
constitué, selon les conditions fixées par voie réglemen- loppement forestier et la conservation de la biodiver-
taire, des forêts domaniales classées et des forêts doma- sité qui est l’une des raisons d’être des parcs natio-
niales productives enregistrées (art. 6). Ces forêts sont naux. Aujourd’hui, les parcs nationaux se trouvent
affectées à la production, à la protection et constituent donc au cœur des démarches de conservation et d’uti-
l’habitat de la faune sauvage. Les forêts domaniales lisation durable de la biodiversité forestière au Gabon
classées sont celles qui présentent un intérêt de préserva- (Tchoba, 2005).
tion (art. 7). Font parties des forêts domaniales classées
(art. 8) : Les nouveaux outils de conservation
de la biodiversité au Gabon :
- les forêts de protection ;
le réseau des parcs nationaux
- les forêts récréatives ;
- les jardins botaniques et zoologiques ; Le parc national : définition et objectifs
- les arboretums ; de gestion
- les aires protégées ; Définition
- les forêts à usages didactique et scientifique ; Selon l’UICN, le parc national est une aire proté-
- les périmètres de reboisement ; gée, administrée principalement dans le but de préser-
- les forêts productives particulièrement sensibles ou li- ver les écosystèmes, éventuellement ouverte au public.
mitrophes du domaine forestier rural. Autrement dit, c’est un territoire à l’intérieur duquel
la faune et la flore sont intégralement protégées. « Le
Le domaine forestier rural est constitué des terres et parc national est une catégorie d’aire protégée qui com-
forêts dont la jouissance est réservée aux communautés prend une zone naturelle, terrestre ou marine, désignée :
villageoises, selon les modalités déterminées par voie ré-
glementaire (art. 12). C’est à l’intérieur de celui-ci qu’il - pour protéger l’intégrité écologique dans un ou plu-
est réservé de part et d’autre des voies de communication sieurs écosystèmes pour le bien des générations actuelles
classées, une bande continue d’environ 5 kilomètres à et futures ;
l’intérieur de laquelle il peut être créé des forêts commu- - pour exclure toute exploitation ou occupation in-
nautaires. Celles-ci sont affectées aux populations locales, compatible avec les objectifs de la désignation ;

336
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

- pour offrir des possibilités de visites, à des fins scientifiques, éducatives,


GUINÉE ÉQUATORIALE
spirituelles, récréatives ou touristiques, tout en respectant le milieu naturel
Cocobeach
et la culture des communautés locales » (UICN, 1994).
Dans ses efforts de conservation, sur ordonnance, le Gabon a créé Cap
Esterias Akanda
le 30 août 2002 treize parcs nationaux. Ces derniers représentent Ntoum
N

2  837  128 hectares, soit plus de 10,6 % de la superficie totale du LIBREVILLE


territoire. Cette décision s’intègre dans un long processus de prise de 0 50 100 km

conscience du patrimoine naturel des États de l’Afrique centrale, de


Pongara
mise en œuvre de conventions internationales et de l’application de
la loi n° 16/2001 portant code forestier, promulguée le 31 décembre
2001. Au total, le Gabon dispose en 2014 d’un réseau constitué de Cap Lopez
Lambaréné
treize parcs nationaux, de deux réserves de faune, de six domaines
de chasse et deux arboreta, représentant plus de 15 % du territoire Port-Gentil
national (MEEDD, 2012). Au congrès international des parcs natio-
naux tenu à Caracas en 1992, un objectif de 10 % par biome avait GABON
été fixé pour l’an 2000. L'objectif est atteint au Gabon, en ce qui
concerne la partie terrestre (12 % en moyenne), mais pas pour la
partie maritime. Omboué
Loango
Les régions littorales gabonaises, délimitées par un bassin sédimen-
taire de près de 48 000 km² sont l’objet d’une attention particulière et OCÉAN
Moukalaba-
renferment également un certain nombre d’aires protégées. En effet, ATLANTIQUE
Doudou
environ 53 % de cet ensemble sont couverts par les aires protégées,
dont 6,9 % du bassin sédimentaire côtier en catégorie II de l’UICN
(fig. 3 et tab. 1).
Aires protégées en 2016 Gamba Tchibanga
Les parcs nationaux d’Akanda, de Pongara et de Mayumba dis- parc national du Gabon
posent, pour leur part, de parties à la fois terrestres et marines. Les
réserve ou domaine de chasse
parties marines représentent respectivement environ 153, 225 et Mayumba
909  km². En rapport avec la Zone économique exclusive, ce sont aire marine
Ma
yu
seulement 0,67 % de cet espace qui sont effectivement érigés en aires site Ramsar mb
a Ndindi
marines protégées. Le domaine marin pourrait voir augmenter consi-
© IGARUN, Université de Nantes

dérablement sa contribution à la conservation, car l’ANPN se pro- limite du bassin sédimentaire ville principale CONGO
pose de créer de nouveaux parcs marins sur l’ensemble de l’espace côtier
réseau hydrographique limite d’État
maritime gabonais. La matérialisation de cette politique ferait du
Gabon l’un des premiers pays de conservation du milieu marin en Source : Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN) du Gabon B. KOUMBA MABERT, S. CHARRIER
Afrique centrale.
Figure 3 - Les aires protégées dans le bassin sédimentaire côtier

337
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Surface en km² Catégorie


Nom de la zone géographique dans le BSC Type Gestionnaire
totale (marine)
(UICN)
- protéger des régions naturelles et des paysages d’im-
Akanda 385 (153) Parc national II ANPN
Pongara 705 (225) Parc national II ANPN
portance nationale et internationale, pour leur utilisa-
Mayumba 63 (909) Parc national II ANPN tion à des fins scientifiques, éducatrices, spirituelles, ré-
Réserve de Wonga Wongué 5 000 Réserve IV ANPN créatives ou touristiques ;
Arboretum Raponda Walker 67 Réserve III ANPN
Domaine de Chasse d'Iguéla 1 800 Réserve IV MPE - perpétuer, dans des conditions aussi naturelles que
Loango 1 552 Parc national II ANPN possible, des exemples récréatifs de régions physiogra-
Réserve de faune de Ouanga 200 Réserve IV MPE phiques, de communautés biologiques, de ressources gé-
Domaine de chasse de Setté Cama 2 000 Réserve IV MPE
Domaine de Chasse de Ngov-Ndogo 2 500 Réserve IV MPE nétiques et d’espèces, tout en garantissant une stabilité et
Moukalaba - Doudou 618 Parc national II ANPN une diversité écologique ;
Ogooué intérieur (hors zone précitée) 10 682 Site Ramsar IV DGEPN
- limiter le nombre de visiteurs, afin que l’aire reste
Bassin sédimentaire côtier (BSC) 48 000
dans un état naturel ou quasi naturel ;
ZEE 191 944
Total des aires marines protégées (AMP) 1 287 - éliminer et, ultérieurement, prévenir toute forme
Total des réserves (dont les sites Ramsar) 22 249 d’exploitation ou d’occupation incompatible avec les ob-
Total des Parcs Nationaux (PN, hors AMP) 3 323
Total des aires protégées (AP, hors AMP) 25 572 ANPN : Agence Nationale des Parcs Nationaux jectifs du statut de conservation ; garantir le respect des
MPE : Ministère de la Protection de l’Environnement et éléments écologiques, géomorphologiques, sacrés ou esthé-
Part de la ZEE en AMP 0,67 %
des ressources naturelles, de la forêt et de la mer tiques justifiant le statut ;
Part des PN dans les AP 13 % (ex-Ministère des Eaux et Forêts)
Part du BSC en PN 6,9 % - tenir compte des besoins des populations locales, y
DGEPN : Direction Générale de l’Environnement
Part du BSC en réserves et Ramsar 46,4 %
et de la Protection de la Nature
compris l’utilisation des ressources aux fins de subsistance,
Part du bassin sédimentaire côtier
dans la mesure où ceux-ci n’ont aucune incidence néga-
53,3 %
en aires protégées tive sur les autres objectifs de gestion. » (UICN, 1994).
Outre cette vocation première de protéger, le
Tableau 1 - Caractéristiques des
En Afrique centrale, les efforts de conservation se parc national lorsqu’il est bien mis en valeur peut
aires protégées dans le bassin
sédimentaire côtier sont focalisés sur les forêts et la grande faune terrestre. contribuer à la bonne santé de l’économie locale par
Source : Agence Nationale des Le domaine marin n’a pas toujours reçu l’attention des aménagements de l’espace, le développement
Parcs Nationaux (ANPN)
nécessaire pour sa protection, malgré la création des d’activités et d’emplois, la création d’une image de
deux parcs marins de Conkouati-Douli au Congo et marque propice à un tourisme respectueux de l’envi-
de Mayumba au Gabon qui ont, entre autres, pour ronnement.
vocation d’être gérés comme une grande aire marine La loi n° 7/2014 du 1er août 2014 relative à la pro-
protégée transfrontalière (OFAC, 2015). Des discus- tection de l’environnement en République gabo-
sions sont suffisamment avancées entre les respon- naise dispose en son article 63 que « l’État s’assure de
sables de ces différentes aires protégées. la protection du littoral dans sa partie terrestre et dans
sa partie marine. À ce titre, il élabore des politiques
Les objectifs de gestion du parc national
publiques de maintien et de développement dans la
« Les objectifs de gestion poursuivis par un parc natio- zone littorale des activités économiques, agricoles, syl-
nal sont les suivants : vicoles, industrielles, artisanales et touristiques ».

338
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

Surface en km²
Importance internationale des sites Particularités
terrestre (marine)

Akanda 385 (153) - Paysages des mangroves et des côtes basses de la baie de la
Le tableau 2 rend ainsi compte des prin- - Parc identifié comme site critique par Mondah et de la baie de Corisco remarquables (photo 2).
cipales attractions touristiques des parcs na- l’UICN. - Plus grandes concentrations d’oiseaux migrateurs du Gabon
- Répond aux critères Ramsar sur les (photo 3).
tionaux littoraux gabonais (voir également zones d’importance internationale pour - Les herbages marins de la baie de Corisco constituent des zones
le chapitre 8 du présent ouvrage), dont les les oiseaux migrateurs. d’alimentation de très grande importance pour les tortues
objectifs de gestion sont partagés par un fais- marines venant d’aussi loin que le Brésil.
ceau d’acteurs, au nombre desquels les orga- - La baie de la Mondah et la baie de Corisco représentent des sites
d’une grande richesse en poissons.
nisations non gouvernementales (ONG).
Mayumba 63 (909) - Premier site mondial pour la ponte des tortues-luths.
- Premier site au monde pour la - Possibilité d’organiser un tourisme d’observation des baleines.
nidification des tortues-luths, proposé - Grandes potentialités pour la pêche sportive, en particulier à
comme site du patrimoine mondial. l’embouchure de la lagune Banio.
- Site idéal pour le tourisme balnéaire sur les plages désertes.
- L’étroite bande de terre s’étendant entre la lagune Banio et
l’océan permet l’observation des grands mammifères dans une
végétation particulière.

Pongara 705 (225) - La Pointe Denis est le lieu de tourisme de plage et de repos de
- Reconnu comme site critique UICN. week-end le plus fréquenté du pays.
- Répond aux critères Ramsar. - La région contient parmi les plus grandes surfaces de mangroves
du Gabon, sur la rive gauche de l’estuaire du Komo.
- Une multitude de paysages côtiers, comprenant mangroves,
forêts et savanes littorales, caractérise ce site.
- Malgré sa proximité de Libreville et sa fréquentation, la région est
encore riche en grande faune, notamment buffles et éléphants.
Photo 2 - Paysage de mangrove dans la baie de la Mondah
(ph. ONG Ibonga, 2012) Loango 1 552 - Très beaux panoramas pour l’écotourisme avec éléphants,
- Auparavant réserve de faune, Loango buffles, hippopotames, gorilles et panthères marchant sur le sable
est reconnu comme site critique UICN et blanc de la plage, un spectacle unique au monde.
site Ramsar. - Plus grande concentration et variété de baleines et de dauphins
- Proposé comme site du patrimoine du continent après l’Afrique du Sud, dont l’observation est facile, y
mondial de l’UNESCO. compris les baleines à bosse et les orques.
- Plus de 100 km de côtes inhabitées. C’est le plus bel exemple sur
la côte ouest de l’Afrique d’une juxtaposition des écosystèmes
forestiers, de savanes, de marais, de lagunes et marins.
- Internationalement reconnu comme le meilleur site pour les
amateurs de pêche aux tarpons de taille record et de nombreuses
autres espèces de haute mer.

Moukalaba-Doudou 757 - Situé en milieu forestier et côtier.


- Inscrit sur la liste du patrimoine - Variété de paysages : forêts humides de montagne, savanes, lacs,
mondial de l’UNESCO. rivières et papyraies.
- Possède une des plus fortes densités de primates du Gabon.
- Grande diversité d’espèces d’oiseaux.
Photo 3 - Pélicans colonisant les bancs sablo-
vaseux dans la baie de la Mondah - Embouchure du fleuve Nyanga.
(ph. ONG Ibonga, 2012)
Tableau 2 - Principales caractéristiques des parcs nationaux littoraux du Gabon
Source : National Geographic Society, Wildlife Conservation Society, 2002
339
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Le rôle des acteurs non étatiques dans marines protégées ; 12 % des terres émergées sont clas-
la création des parcs nationaux sées en plus de 100 000 aires protégées dans le monde,
alors que la mer qui recouvre 70 % de la surface du
Les organismes non gouvernementaux internatio-
globe ne compte cependant en 2013 que 7 722 aires
naux se sont fortement intéressés à la protection des
marines protégées, soit 3 % des océans. L’UICN révèle
écosystèmes terrestres en Afrique intertropicale humide
dans le même temps que près 80 % des aires marines
(Rieucau, 2001). Dans le cas du Gabon, les ONG de
protégées ne disposent pas de moyens humains et
protection de l’environnement ont joué un rôle impor-
matériels suffisants pour mettre en œuvre de réelles
tant dans la création des parcs nationaux. Il s’agit là du
mesures de gestion et de conservation, c’est à dire la ré-
résultat de plusieurs années de travaux et de recherche
glementation des activités, la réduction des pollutions,
du gouvernement gabonais avec l’appui de partenaires
la surveillance, l’accueil et l’information du public. Sur
internationaux au nombre desquels l’Union Interna- les 7 722 aires marines protégées, seules 2 200 béné-
tionale pour la Conservation de la Nature (UICN), le ficient d’un statut de protection forte où les prélève-
World Wildlife Fund for Nature (WWF) et la Wildlife ments sont interdits (Lefebvre, 2005). Dans la sous-ré-
Conservation Society (WCS). En effet, à travers des son- gion, le programme ECOFAC (Écosystèmes Forestiers
dages botaniques sur l’ensemble du territoire gabonais, d’Afrique Centrale) a mis sur pied en 1997 un plan
c’est l’UICN qui la première aura permis en 1990 la clas- régional pour la conservation des tortues marines qui
sification documentée de l’ensemble des aires actuelles est alors devenu l’animal emblématique de la conserva-
au Gabon. Rappelons que l’UICN est une organisation tion des écosystèmes marins du golfe de Guinée.
non gouvernementale internationale, chargée statutaire-
ment de présenter le bilan de l’état de conservation de Au Gabon, ce n’est qu’à partir de 2001, donc un an
l’ensemble des biens naturels de l’humanité. La première avant la création du réseau des parcs nationaux, que
initiative de l’UICN a été révisée et complétée en 1999 transparaît l’idée de création d’aires marines protégées
par la Direction Générale des Eaux et Forêts avec l’ap- (White, 2001). C’est en effet au cours du « colloque sur
pui du WWF et du WCS. L’initiative s’est déroulée sur l’avenir du secteur forêt et environnement au Gabon »,
18 mois et a permis de localiser en qualité et quantité la tenu à Paris en 2001, qu’un schéma du réseau d’aires
diversité biologique du Gabon à travers des inventaires protégées (parcs et réserves) est proposé le long de la
de biodiversité (faune et flore) et des études socio-éco- façade maritime (fig. 4). L’ébauche du réseau présentée
nomiques sur l’ensemble du pays (CNPN, 2003). Le montre nettement, au-delà de la volonté du pays de
milieu littoral et marin n’a pas été en reste. maîtriser complètement son territoire à travers une dis-
position des aires protégées qui couvrent l’intégralité
de ce dernier, que l’État gabonais se rend compte de la
La prise en compte du milieu littoral et marin
nécessité de se tourner désormais vers la mer. Pour la
dans la conservation de la biodiversité
première fois, s’y trouve évoqué le concept de réserve
Le congrès mondial des parcs et aires protégées marine. Le schéma propose en effet trois réserves ma-
de Durban en 2003 avait révélé la disparité entre le rines qui s’étendent du Nord au Sud du pays : la pre-
nombre d’aires protégées terrestres et le nombre d’aires mière au large de Cocobeach, autour de l’île Mbanié ;

340
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

la deuxième au large de la réserve du Petit Loango et


du domaine de chasse d’Iguéla et la troisième le long CAMEROUN
du littoral de Mayumba. Cette dernière s’étend jusqu’à OCÉAN Minkébé
la frontière avec le Congo. Outre ces réserves marines, ATLANTIQUE
il y a également la présence de parcs nationaux litto- GUINÉE Oyem
CONGO
raux, notamment ceux d’Akanda au nord de Libreville, ÉQUATORIALE
Pongara sur la rive gauche de l’estuaire du Komo et un
dernier couvrant le delta de l’Ogooué, autour de l’exu- Île Mont Seni
toire du fleuve principal du Gabon. Mbanié Mbé
Makokou Lodié-Louyé
Les aires protégées étant des espaces d’exception, Akanda
Langoué-
institués par décret, elles relèvent de grandes catégories LIBREVILLE Ivindo
établies par l’UICN (1994) et régulièrement révisées.
En ce qui concerne les zones humides et littorales, Lopé
Pongara
huit catégories ont été définies par Dugan (1992)  :
réserves scientifiques ou naturelles intégrales  ; parcs
Port-Gentil Lambarené
nationaux ; monuments naturels ou éléments naturels

© IGARUN, Université de Nantes


marquants ; réserves naturelles dirigées ou sanctuaires
Koulamoutou
de faune ; paysages protégés ; réserves de ressources
naturelles ; régions biologiques naturelles ou réserves Delta de Iboundji Mont
l’Ogooué Milondo
anthropologiques et, enfin ; régions naturelles aména- Franceville
Iguéla Petit
gées à des fins d’utilisation multiple ou zone de ges- Loango Mouila Plateaux
Batéké
tion des ressources naturelles. Le Gabon, pour sa part,
Monts Doudou Birougou
a retenu le statut de parc national. Moukalaba Ngengué
Iguéla
Contrairement à la proposition du réseau d’aires Loango
protégées faite durant le colloque de 2001 à Paris, seul Projet de parcs
Gamba Tchibanga
le parc national de Mayumba a été finalement retenu nationaux en 2001
entièrement comme parc marin. réserve marine réseau hydrographique
principal
Iguéla est resté plutôt terrestre et l’idée de création Mayumba
N parc national chef-lieu de province
de la réserve marine autour de l’île Mbanié n’a pas
réserve de la
eu de suite escomptée. Pour cette dernière, le litige Biosphère
limite de province
Mayumba CONGO
frontalier actuel entre le Gabon et la Guinée Équato- 0 50 100 km
sanctuaire limite du bassin
riale, ou « le contentieux maritime équato guinéo-gabo- sédimentaire côtier
nais » (Rieucau, 2001 - voir également le chapitre 6 du
Sources : Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN) du Gabon B. KOUMBA MABERT, S. CHARRIER
présent ouvrage), lié aux retombées économiques de
l’exploitation pétrolière dans la baie de Corisco (îles Figure 4 - Première ébauche du réseau de parcs nationaux au Gabon

341
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Mbanié, Cocotiers et Conga), a certainement participé au fait que cet espace ne soit
pas érigé en réserve marine. Finalement, le parc national d’Akanda, créé dans cette
partie nord du pays, dispose tout de même d’un prolongement en mer. Au total, les
surfaces marines protégées représentent près de 1 287 kilomètres carrés de l’ensemble
des parcs nationaux littoraux.
Suite à une vaste expédition des fonds marins débutée en 2012 qui avait mis en
collaboration la National Geographic Society, WCS et la Fondation Wait Expédi-
tion, le Président de la République a annoncé le 14 novembre 2014 la création d’un
réseau d’aires marines protégées lors du Congrès mondial des parcs tenu en Australie.
Ce réseau devrait occuper à terme près de 23 % de la Zone économique exclusive
du pays, où seront aussi délimitées des zones de pêche communautaire, de pêche
industrielle et des zones d’exclusion pour la protection des infrastructures pétrolières.
Photo 4 - Installation d’exploitation pétrolière sur une plage du
complexe d’aires protégées de Gamba L’aventure dénommée « Mégatransect marin Gabon 2012 » avait amené des chercheurs
(ph. Partenariat Tortues Marines du Gabon - MTCA, 2012) nationaux et internationaux à explorer les fonds du territoire maritime du Gabon, de
Le contraste entre l’aspect industriel lourd de cette installation Mayumba au Cap Estérias. L’expédition avait permis de recueillir des informations
et le trait de côte avec sa fragilité naturelle est ici saisissant, ces sur la richesse des ressources maritimes du Gabon, mais aussi pour identifier les prin-
installations représentant de façon évidente des risques non seu-
lement d’accélération de l’érosion, mais également de pollution cipaux périls qui en menacent la pérennité (OFAC, 2015).
par les hydrocarbures.

Les contraintes de gestion des parcs nationaux littoraux


Les parcs nationaux littoraux du Gabon se trouvent dans un environnement
particulièrement difficile. Ils sont en effet soumis à un certain nombre de pres-
sions avec, notamment, la charge humaine et la pression exercée par les activités
minières, forestières et halieutiques.
Ces contraintes isolent les parcs localisés au nord de l’Île Mandji où la pression
humaine est beaucoup plus manifeste de ceux situés au sud, caractérisés par une
domination nette des activités industrielles (photo 4). Tout comme les aires pro-
tégées terrestres, celles présentes le long du littoral gabonais sont à cheval sur des
concessions forestières, minières, pétrolières et des zones de pêche, d’où la nécessité
de matérialiser les limites et de clarifier le statut de toutes les aires protégées.
Ceci est d’autant plus important que la mangrove du littoral nord gabonais su-
Photo 5 - L’Île Nendé dans le parc national d’Akanda bit des pressions considérables liées à l’extension urbaine, à son utilisation par les
(ph. K. Ndong, ANPN, 2012) pécheurs pour des besoins domestiques, d’installation de fumoirs et d’agrandisse-
L’ensemble du territoire de ce petit îlot est complètement occupé ment des débarcadères. C’est le cas, notamment, sur l’Île Nendé, dans la baie de la
par la communauté de pêcheurs qui en a ainsi détruit le milieu Mondah (photo 5).
naturel original.

342
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

Zonages de protection
GUINÉE ÉQUATORIALE
parc national (PN) du Gabon
La destruction de la mangrove a pour conséquences
la disparition progressive des palétuviers et le ralen- Cocobeach réserve Wonga Wongué
Cap
tissement de la régénérescence des ressources halieu- Esterias PN de Conkouati-Douli (Congo)
Akanda
tiques, principalement la reproduction des poissons, Cap Santa PN marin de Conkouati-Douli (Congo)
Clara
mollusques, crabes, crevettes, etc. Par décision du LIBREVILLE
Denis Donguila parc transfrontalier Mayumba-Conkouati
Conseil des ministres en date du 5 juillet 2013, a été Pongara
paysage Gamba-Mayumba-Conkouati
créée une nouvelle commune dénommée Akanda, au Nyonié
nord de Libreville. Cette commune est le fruit de la zone d’écodéveloppement
forte pression exercée par l’étalement urbain de la ville Activités pétrolières et forestières
de Libreville. La création de cette ville fait craindre Wonga Wongué champ pétrolier
l’émergence de conflits divers en réponse à la pres-
Cap Lopez
Lambaréné
Port- zone de recherche et
sion éventuelle que cette dernière exercera sur le parc Gentil d’exploitation (ZRE) pétrolière
concession forestière
national d’Akanda et l’Arboretum Raponda Walker. Ozori
Le conflit le plus évident sera certainement celui de GABON
zone interdite à la pêche (ZIP)
la compétence dans la gestion du territoire commun Ntchangouanongo
Zones de pêche
partagé par l’autorité municipale et l’Agence Natio- Omboué au chalut
nale des Parcs Nationaux.
à la ligne
Au sud de l’Île Mandji, un regard sur les plans ca- Ntchongorové
lacustre
dastraux permet de se rendre compte de la juxtaposi- Loango
tion des territoires d’exploitation forestière, pétrolière ville
et des pêcheries avec les différents parcs nationaux Setté
Cama Moukalaba- village
(fig. 5). Cette superposition lourde de contradictions Doudou
limite d’État
est sans doute à l’origine des échouages fréquents des Gamba réseau hydrographique
Tchibanga
baleines constatés au Gabon (photo 6) et du phéno- Moungangara limite du bassin sédimentaire côtier
mène de pollution des plages par les hydrocarbures.
OCÉAN Panga
Au niveau national, les mines et le bois constituent ATLANTIQUE Mayumba
le socle de l’économie avec respectivement 75 % et
© IGARUN, Université de Nantes

Tiya
15 % de participation aux recettes d’exportation (Bi- Ma
yu CONGO
gnoumba, 1998). Cette forte dépendance et la pri- mb
a
Conkouati-Douli

mauté de l’exploitation des ressources indispensables N


à l’économie (reconnue dans la loi sur les parcs natio-
20
naux) restent une contrainte importante dans la ges- 0m

tion des parcs nationaux. Le parc national de Mou- 0 50 100 km

kalaba-Doudou fait d’ailleurs l’objet de convoitises Sources : Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN) du Gabon B. KOUMBA MABERT, S. CHARRIER
pour l’exploitation de gisements de fer et de barytine
(ANPN, 2011). Le plan de situation élaboré laisse Figure 5 - Enjeux et contraintes autour des parcs nationaux du littoral du Gabon

343
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

craindre le déclas- du Gabon détruisait environ cinq tonnes d’ivoire


sement de la partie (photo 7), soit tout le stock provenant de saisies sur
est et sud-est de ce le territoire national.
parc, même si la loi Si cette action peut être envisagée comme un mes-
sur les parcs stipule sage fort à l’endroit du marché illégal d’ivoire, un
qu’« une zone d’éten- renforcement de la législation et une surveillance
due similaire repré- beaucoup plus accrue permettraient de mieux gérer le
sentative du même problème de braconnage. Au-delà de ce phénomène, il
écosystème et du est à noter également l’épineux problème des conflits
même niveau biolo- homme-faune. La conservation entraîne aussi une
gique » soit intégrée forme de surabondance des espèces fauniques, provo-
au parc en compen- quant de facto une menace, non seulement sur les acti-
sation. Il est donc vités des populations locales (les champs des popula-
envisagé la possibi- tions sont fréquemment détruits par les éléphants),
lité d’un rezonage mais également un danger sur la vie des populations
de ce parc. de certaines villes. Il n’est en effet pas rare de croiser
Photo 6 - Baleine à bosse en
décomposition observée dans des éléphants autour des habitations et de l’aéroport
l’estuaire du Komo Outre ces contraintes liées aux différentes activités de Gamba. Le président de la République gabonaise
(ph. ANPN, 2013) économiques, le problème de tueries des éléphants a participé fin avril 2016 au Sommet du Giant’s Club
Sans doute victime de la présence dans les parcs nationaux persistent. La lutte contre sur les problèmes de braconnage et ceux de la coha-
des activités industrielles et mari-
times dans les eaux gabonaises,
le braconnage constitue l’un des défis majeurs qui bitation homme-faune tenu sur le plateau de Laikipia
ce rorqual vient s’ajouter à ceux se posent à la conservation. Malgré la fermeture de au Kenya. Ce qui traduit une véritable préoccupa-
régulièrement échoués sur les la grande chasse, mais aussi la protection intégrale tion de cette situation au plus haut sommet de l’État.
côtes du pays.
dont bénéficie la grande faune (les éléphants, les Cette préoccupation sera matérialisée, à terme, par
buffles et les hippopotames), on assiste toujours au l’implémentation d’un plan national de gestion de ce
massacre des éléphants. Cela démontre le laxisme conflit par l’ANPN et le Ministère de la Protection de
dont font montre les autorités administratives et l’Environnement et des Ressources Naturelles, de la
judiciaires locales quant à l’application des dispo- Forêt et de la mer. Il est prévu dans la phase pilote de
sitions légales et réglementaires relatives à la vente ce plan, la mise en place de clôtures électriques dans
des munitions de gros calibre. En avril 2011, le per- les secteurs où les raids des pachydermes sont les plus
sonnel des parcs avaient repéré près de 27 carcasses fréquents. Ce qui va, bien évidemment soulager les
d’éléphants dans les savanes de la réserve de Wonga populations qui commençaient à ne pas comprendre
Wongué jouxtant le parc national de Pongara. Les que dans les tribunaux, lorsqu’un animal était tué,
braconniers avaient tué des éléphants, puis utilisé la justice donnait raison à la faune, mais lorsqu’un
des tronçonneuses pour extraire l’ivoire (ANPN, homme était victime d’un pachyderme, cela rentrait
2012b). En juin 2012, le Président de la République simplement dans les livres de statistiques.

344
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

La redéfinition des outils de du Complexe et de


conservation de la biodiversité marine leur terroir ; le clas-
sement de nouvelles
Une nécessaire redéfinition des zonages aires protégées  ; la
prise en compte
Le besoin de conservation de la biodiversité marine,
des activités écono-
les impératifs de développement du pays et la prise en
miques et l’exten-
compte des aires de répartition des ressources marines
sion du parc natio-
militent pour une re-délimitation, sinon une extension
nal de Loango sur sa
des parcs nationaux. Cette quête d’une meilleure ges-
façade maritime.
tion et la nécessité de préserver les acquis en termes de
conservation, mais aussi d’éviter les conflits entre les dif-
La création
férentes parties, l’Administration par l’intermédiaire de
d’un parc
l’ANPN et du Ministère en charge des Eaux et Forêts,
transfrontalier Photo 7 - Destruction d’ivoire
a permis d'engager un processus participatif de réattri-
Mayumba-Conkouati le 27 juin 2012 à Libreville en
bution des terres prenant en compte tous les intérêts présence du Président de la
République et des représentants
(conservation, droits d’usages coutumiers, activités éco- Les parcs nationaux de Mayumba au Gabon et de des organismes de protection de
nomiques, développement urbain) en jeu, notamment Conkouati au Congo font partie d’un vaste paysage la nature
autour des parcs nationaux de Moukalaba-Doudou et « Gamba-Mayumba-Conkouati » (fig. 5). Situé le long (ph. ANPN, K. Ndong, 2012)
de Loango. Le schéma préconisé à cet effet comporte de la côte atlantique des Républiques du Congo et du
en substance la reconfiguration des espaces protégés ; la Gabon, ce paysage couvre plus de 50 000 km², dont
reconnaissance des terroirs des villageois localisés dans et un cinquième est marin. Il comprend dix aires pro-
autour des aires proposées ; les propositions de certaines tégées, dont les Parcs nationaux suivants : Conkoua-
zones à classer en aires protégées ; les activités écono- ti-Douli, situé en République du Congo, et Loango,
miques présentes et futures (mines, pétrole, pêche et ex- Moukalaba-Doudou et Mayumba situés en Répu-
ploitation forestière) ; la réduction des conflits hommes/ blique du Gabon. Le paysage est à la conjonction de
faune, notamment la destruction des plantations par les trois écorégions : la forêt équatoriale atlantique, les
éléphants. Ce schéma a donc été soumis à l’approbation mosaïques savane-forêt congolaises de l’Ouest et les
des parties concernées, c’est-à-dire les collectivités et les mangroves guinéo-congolaises, d’où la présence d'une
communautés locales, la société civile, les ONG natio- flore et d'une faune d’une diversité exceptionnelle. Le
nales et internationales ainsi que les opérateurs éco- site abrite plusieurs espèces emblématiques telles que
nomiques. Après discussions et explications, facilitées l’éléphant de forêt, le gorille, l’hippopotame, le croco-
par la forte implication de la délégation de l’ANPN au dile du Nil, la baleine à bosse et les tortues marines. Le
cours des séances plénières, un schéma consensuel de la développement d’industries extractives dans le paysage
nouvelle configuration du Complexe d’aires protégées reste une menace directe pour les écosystèmes, compte
de Gamba s’est finalement dégagé. Il comporte comme tenu du nombre important de permis d’exploration et
axes prioritaires  : la localisation de tous les villages d’exploitation pétrolière déjà en cours dans les parcs

345
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

nationaux de Mayumba et de Conkouati-Douli. Tout cette partie estuarienne. Aussi, la Pointe Denis est le
ce contexte a fait naître l’idée de la création d’un Parc lieu de tourisme de plage et de repos le week-end le
transfrontalier de Mayumba-Conkouati (PTMC) plus fréquenté du pays. Au-delà de ces aspects, ce sont
par la signature d’un accord entre les gouvernements les tortues marines qui font l’essentiel de l’activité de
congolais et gabonais en novembre 2010. ce parc. En effet, cette ressource marine a permis la
mise en place d’un partenariat qui réunit les ONG et
La mise en place de ce parc transfrontalier parti-
les instituts de recherche. En 2005, grâce au support
cipe surtout à la conservation des tortues marines qui
du Fond pour la conservation des tortues marines, il
font de cette partie de l’Afrique la deuxième région
a été créé le Partenariat Tortues Marines du Gabon
au monde pour la nidification de la tortue luth, après (MTCA), un réseau qui rassemble tous les projets de
Yalimapo en Guyane française (Billes et al., 2000). conservation des tortues marines au Gabon. Jusqu’à
Notons que les liens biogéographiques comme les un passé récent, les efforts étaient fragmentés et freinés
courants de Benguela et le contre-courant de Guinée, par le manque de coordination et des fonds limités.
les échanges biologiques avec la migration des espèces Maintenant, grâce au MTCA, les priorités en matière
ainsi que la dynamique sociale et économique avec la de recherche et de conservation des tortues marines
pêche artisanale et industrielle, obligeaient à s’inscrire au niveau national ont pu être identifiées et discutées.
dans une véritable dynamique régionale. Le but à long terme est d’agir pour la conservation de
Au-delà de ces éléments, cette écorégion qui abrite la population de tortues au Gabon et d’améliorer la
diverses activités, à la fois contradictoires et complémen- compréhension sur son statut, sa biologie et les me-
taires, offre le spectacle d’une multifonctionnalité géné- naces qui pèsent sur elle.
ratrice de conflits d’usage. En effet, lors de la création Les partenaires qui composent Tortues Marines
du parc national de Mayumba par exemple, les pêcheurs du Gabon sont : Aventures Sans Frontières (ASF)  ;
artisanaux locaux installés dans la ville de Mayumba se Gabon Environnement ; Ibonga ; Protection des
sont vu chassés des pêcheries dans lesquelles ils ont tou- Tortues Marines d’Afrique Centrale (PROTO-
jours exercé leurs activités. Alors que ces derniers ont été MAC) ; la Wildlife Conservation Society (WCS) ; le
éloignés de ces zones de pêche, les pêcheurs industriels il- World Wildlife Fund (WWF) et le Centre National
licites continuent de tirer leurs chaluts impunément sous des Données et de l’Information Océanographiques
le regard impuissant des autorités locales et de l’ANPN, (CNDIO) qui a en charge la gestion de la base de
ne disposant pas de moyens adéquats pour assurer plei- données des tortues. Ce partenariat travaille aussi
nement la gestion du territoire du parc national. avec les acteurs locaux et le gouvernement, car les
efforts doivent être conjugués à ceux des communau-
Une extension du réseau d’AMP : le prolongement
tés, mais également soutenus par les autorités pour
en mer du parc national de Pongara
être un succès. Les objectifs de conservation de cette
Les limites du parc de Pongara se sont plutôt orien- espèce concernent donc la protection des sites de ponte
tées vers la rive gauche de l’estuaire du Komo en raison (les plages). Les limites actuelles du parc national de
des plus grandes surfaces de mangrove que compte Pongara n’ont véritablement pris en compte que la

346
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

Oyem
GUINÉE
Principe ÉQUATORIALE
partie terrestre du milieu couvrant essentiellement
Minkébé
l’écosystème de mangroves  ; une extension en mer Akanda Cocobeach Monts de
permettrait de mieux couvrir l’ensemble du milieu, Banié Frigo Cristal
à la fois terrestre et marin. La mise en place du pro- Akanda
Sao Tomé Ivindo
LIBREVILLE
gramme Gabon bleu participe à cette idée (voir le Kango
chapitre 17 du présent ouvrage) Pongara Lopé
Pongara
En effet, ce programme piloté au niveau du Secré-
tariat du Gouvernement s’appuie sur la Zone écono- Lambarené
mique exclusive qui représente 72 % de la superficie Port-Gentil
terrestre du pays. Il a pour mission de préserver les Waka Koulamoutou
Parc Industriel
écosystèmes marins, de sécuriser la pêche, les trans- de Octopus
ports maritimes et les champs pétroliers. Il permettra Monts
à terme de créer un réseau de parcs nationaux marins, Birougou
Mouila
en droite ligne du « message d’Ajaccio » qui est une ré- Loango
affirmation de l’engagement pris par les pays à réali-
Moukalaba-
ser l’objectif fixé à Nagoya au Japon en 2010. Il s’agit Mont Loango Doudou
de constituer à échéance 2020 un réseau complet et Marin
cohérent d’aires marines protégées gérées efficace- Gamba Tchibanga
ment et couvrant 10 % des océans. À l’heure actuelle, Terminal
3 % des océans sont couverts par les aires marines
© IGARUN, Université de Nantes

de Gamba CONGO
protégées. L’initiative de l’Institut Waitt, de la Na- Moukalaba Mayumba
OCÉAN Mayumba
tional Geographic Society et de la Wildlife Conser- ATLANTIQUE M
vation Society, en collaboration avec l’ANPN et le ay
um
CNDIO, de lancer une exploration des fonds marins ba
du Gabon a permis de sillonner les côtes gabonaises parc marin en projet dans
le programme Gabon bleu
pendant le mois d’octobre 2012. L’objectif visé était
Loango nom du parc marin en projet
d’étudier les possibilités d’extension du réseau d’aires Mayumba Deep
protégées marines qui existent actuellement et d’y parc nationalRÉP.
actuelDÉM.
RÉP. DÉM.
DU CONGO
DU CONGO
créer les conditions favorables à une gestion côtière N Waka nom du parc national
qui assure la productivité et la stabilité dans ces éco- ville principale
systèmes importants pour le bien-être des popula- 0 50 100 km
réseau hydrographique
tions. Lors des récents travaux du congrès décennal limite de ZEE du Gabon
sur les parcs naturels, à Sydney en Australie (12 au Bathymétrie (en m)
autre limite de ZEE
19 novembre 2014), le président de la République limite d’État
4 000 3 000 2 000 1 000 200 0
du Gabon a annoncé le classement d’un réseau de
parcs marins couvrant 23 % de la Zone économique Sources : ANPN du Gabon, programme Gabon Bleu (2013), bathymétrie SHOM modifié d’après F. P. NDONG ONDO, 2013, S. CHARRIER

Figure 6 - Réseau d’aires marines protégées en création


347
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

exclusive, y compris une extension du parc national - un volet scientifique qui concerne des études sur
de Mayumba (fig. 6). Cependant, des zones de pêche la biodiversité autour des plateformes pétrolières, la
communautaire et industrielle ainsi que des zones revue des programmes de type « Rig to Reef » prati-
d’exclusion visant à protéger l’infrastructure pétro- qués dans le monde, la collaboration aux programmes
lière seront délimitées. La superficie des parcs marins d’étude des populations de cétacés et de tortues, un
ainsi créés serait de 5 998 400 ha, soit près du double support au programme Gabon bleu pour l’établisse-
des espaces occupés par les aires protégées terrestres, ment de zones d’exclusion et la mise en place d’un
qui couvrent 3 617 038 ha dont 2 467 131 pour les observatoire statistique sur la pêche et le prix du pois-
parcs nationaux et 1 149 907 pour les autres espaces son sur les marchés ;
classés. - un volet réglementaire axé sur les études et les pro-
positions pour l’évolution de la réglementation sur le
L’émergence de l’idée de parcs démantèlement des installations pétrolières en fin de
marins pétroliers pour la gestion vie et les propositions pour le renforcement de la défi-
de la biodiversité marine nition de zones d’exclusion autour des installations
pétrolières ;
L’exploration des fonds marins du Gabon, de
Mayumba à l’île Mbanié, avait permis aux scienti- - enfin, un volet sécurité et surveillance aérienne des
fiques nationaux et internationaux, appuyés par le parcs pour améliorer la lutte contre le braconnage. Il
navire de recherche de l’Institut Waitt, de travailler s’agit non seulement de la surveillance aérienne du
de concert pendant près de trois semaines. Les infor- parc national de Mayumba et des zones de production
mations et les données scientifiques collectées permet- pétrolière, mais aussi de l’amélioration des moyens de
tront d’améliorer la connaissance sur les écosystèmes lutte contre la pêche illégale et les intrusions ; ainsi
marins du Gabon (ANPN, 2012c). Cette information que de l’amélioration de la protection des personnes
est destinée à faciliter la mise en place des mécanismes et des installations pétrolières.
à même de pérenniser la capacité des eaux côtières Ce type de dispositif fait penser aux objectifs des
gabonaises et à fournir des ressources halieutiques né- Aires marines protégées (AMP) qui sont considérées
cessaires à la consommation des générations actuelles comme des outils de gestion qui influent sur la dyna-
et à venir. Cette expédition s’est étendue aux forêts de mique de la surpêche (Chaboud et Galetti, 2007). En
mangrove, aux estuaires ainsi qu’aux embouchures. À effet, en janvier 2013, un communiqué du ministère
la suite de cette campagne, l’ANPN et la compagnie en charge de la pêche avait indiqué que « dans le cadre
pétrolière PERENCO ont lancé en janvier 2014 un du programme « Gabon bleu », une suspension tempo-
partenariat de coopération technique et financière raire de la délivrance des licences et des autorisations de
d’une valeur de 850 millions de francs CFA sur une pêche était en vigueur aux fins de repréciser les condi-
période de trois ans, visant à accroitre la sécurité et tions et les critères d’accès aux ressources halieutiques
la protection de l’environnement du parc national de ainsi que de repréciser les zones affectées aux activités
Mayumba. Ce partenariat est essentiellement axé sur de pêche ». Ceci est consécutif à la difficile applica-
trois volets : tion des textes sur la pêche au Gabon qui affectent

348
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

les zones de pêche en fonction de la nationalité. Le récent décret sur la pêche n’a pas pris en compte
Les navires gabonais peuvent ainsi pêcher jusqu’à ces différents aspects, la loi sur les parcs encore moins.
3 milles nautiques des côtes et les pavillons étrangers Cette dernière mérite, de facto, d’être révisée, avec
jusqu’à  6  milles. Mais ces derniers transgressaient l’introduction de mécanismes et autres règles qui
quotidiennement ces dispositions, amenant ainsi les encadreraient la matérialisation de ces nouvelles aires
pêcheurs artisanaux à se rabattre sur les mangroves, marines protégées juxtaposées et superposées aux dif-
c’est-à-dire les nurseries des côtes gabonaises. férentes activités.
Le processus de normalisation de l’exploitation ra-
tionnelle des ressources halieutiques se poursuit et la Des outils incontournables à renforcer
pratique d’une pêche scientifique devrait aboutir à
La réglementation
une meilleure gestion de ces ressources et donc de la
biodiversité marine. La réglementation doit dans certains cas être com-
Des propositions d’extension et de création d’Aires plétée pour une meilleure prise en compte des enjeux
marines protégées, il est à noter quelques incongrui- environnementaux. La mise en œuvre d’un outil
tés. La loi sur les parcs nationaux et la définition concerté comme la charte peut également venir com-
même de l’outil parc national proscrivent toute acti- pléter et renforcer le corpus réglementaire existant,
vité, autre que de recherche et récréative à l’intérieur en permettant d’adapter les modes d’usage du milieu
des parcs. Ladite loi propose, du fait des activités littoral et marin par la diffusion et la mise en œuvre
économiques, des possibilités de déclassement. Est- concertée de bonnes pratiques et, lorsque c’est néces-
il nécessaire de mettre sous cloche toute une bande saire, la mise en place de politiques de restauration
dans le prolongement du parc national de Mayumba des milieux.
jusqu’à la limite de la Zone économique exclusive La formule de la charte est née en France à partir
du Gabon  ? Cette question mérite d’être posée. La d’une réforme engagée en 2006. La charte vise à of-
réponse est sans doute négative, sinon, pourquoi ne frir aux acteurs du territoire des parcs nationaux les
pas l’avoir proposé pour l’ensemble du littoral gabo- moyens de renforcer à la fois :
nais, entendu que les tortues marines qui colonisent
les plages de Mayumba se retrouvent aussi à Loango, •  l’efficacité des anciennes « zones périphériques »,
à Gamba et à Pongara ? Cette proposition a certai- pour favoriser autour du cœur un développement
nement une dimension géopolitique centrée autour durable, qui profite de sa protection ;
de la gestion des frontières marines entre le Gabon et •  la légitimité et l’appropriation de la politique de
le Congo et la problématique de l’extension des pla- protection des anciennes « zones centrales ».
teaux continentaux des deux pays. Les arguments en-
vironnementalistes proposeraient finalement la même La charte est ainsi conçue pour offrir aux acteurs
extension du parc de Conkouati, car avec Mayumba, du territoire un cadre contractuel concerté, qui
ces deux aires protégées sont engagées dans la création renforce leur implication et leur donne les moyens
d’une aire transfrontalière. d’harmoniser les différentes politiques publiques sur

349
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

le territoire. Elle est soumise à évaluation, dans une Gabon (ANPN, 2012a). Ce CCGL comprend quatre
périodicité qui favorise l’évolutivité et la réactivité plateformes : l’Administration et les collectivités lo-
de la politique qui concerne le territoire du parc cales, la société civile, le secteur privé et les commu-
national. La charte détermine la politique pour le nautés locales. Moukalaba-Doudou a suivi le 3 août
parc national. C’est un projet commun à long terme 2012 avec l’installation de son CCGL. À Pongara,
et prospectif pour le territoire du parc national sur le contentieux engagé par le Collectif des Peuples
lequel s’engagent les communes, l’établissement pu- Autochtones de la Pointe Denis, en désaccord avec
blic du parc national et l’État. la mise en place de l’aire protégée, doit être à l’ori-
La charte porte un projet commun pour les aires gine de l’absence de ce dispositif de gestion des parcs
protégées. Or, d’autres projets, souvent préexistants, nationaux.
visent tout ou partie de ces mêmes territoires. La Outre ces aspects directement liés aux parcs natio-
nouvelle municipalité d’Akanda a justement prévu naux, la notion de littoral apparaît pour la première
plusieurs projets sur son territoire, mais l’existence fois dans la loi, notamment la loi n° 007/2014 rela-
des aires protégées limite leur matérialisation. La tive à la protection de l’environnement en Répu-
charte permettrait de chercher à combiner la synergie blique gabonaise. L’article 63 qui lui est consacré
des projets en cours. stipule clairement que l’État s’assure de la protection
Le groupe de travail « Aires marines protégées - Gre- du littoral dans sa partie terrestre et dans sa partie
nelle Mer » proposait déjà en 2011, dans un rapport marine. Cette prise en compte du littoral dans la loi
sur la stratégie nationale pour la création et la gestion devrait permettre d’encadrer davantage les politiques
des aires marines protégées que : « la réglementation en matière de gestion durable de la biodiversité.
mise en place devait faciliter une gestion adaptative per- S’il est communément admis que les réglementa-
mettant de s’adapter avec souplesse à l’émergence de nou- tions les plus applicables sont aussi celles qui sont
veaux enjeux, en prévoyant la possibilité de changements les mieux comprises et acceptées, au moins par une
des périmètres, en mobilisant les différents niveaux de majorité au sein des parties concernées, il n’en de-
réglementation disponibles, nationaux ou locaux et meure pas moins que le déploiement de moyens de
en prévoyant, si nécessaire, des phases expérimentales » contrôle et de surveillance au sein des aires protégées
(MEDDTL, 2011). est une condition sine qua non au respect des régle-
Le Comité Consultatif de Gestion Local (CCGL), mentations qui y sont en vigueur.
mis en place en application des articles 18 et 45 de la
La surveillance
loi n° 003/2007, relative aux parcs nationaux, est aussi
un outil qui facilite la concertation régulière et soute- Pour l’ANPN, « la mise en place des outils de surveil-
nue entre l’ANPN et les différents acteurs concernés lance et de protection de chaque parc suppose une série
par la gestion d’un parc. Dans ce sens, le parc natio- d’activités : élaboration du plan de gestion de chaque parc
nal de Mayumba a mis en place le 20 avril 2012 son national ; élaboration d’une stratégie de surveillance  ;
CCGL, le premier du réseau des parcs nationaux du acquisition d’équipements ; création d’infrastructures

350
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

(pistes, sentiers layons, postes) ; formation des gardes, À côté de tout cela, une unité de gendarmerie a été
information sur la législation et la réglementation en introduite au sein de l’ANPN, pour soutenir le travail
vigueur, suivi du contentieux ; et pour certains parcs, des écogardes et combattre efficacement les attaques à
notamment marins, les actions de prévention et de lutte bras armés orchestrées par des braconniers qui vien-
contre les pollutions » (ANPN, 2010). Les travaux en nent des pays frontaliers.
vue de la réalisation des plans de gestion des parcs
nationaux ont été initiés pour Moukalaba-Doudou Conclusion
et validés pour Pongara.
Au Gabon, l’idée de conservation de la biodiver-
« La recherche d’une vision plus globale de la conser- sité à travers les parcs nationaux littoraux et marins
vation des parcs s’inscrit aussi dans un cadre supranatio- est relativement récente, par comparaison aux ou-
nal, celui de régions écologiques à l’échelle de l’Afrique tils de conservation traditionnels de la biodiversité
centrale » (CNPN, 2005). Des coopérations trans- forestière, hérités de la colonisation. Cette prise de
frontalières sont en cours, pour étendre le réseau de conscience, bien que tardive, vise à protéger le littoral
corridors biologiques aux pays limitrophes. C’est gabonais ainsi que le milieu marin. Elle nécessite par
le cas, notamment de la Tri-nationale Dja-Odza- conséquent la prise en compte et le renforcement de
la-Minkebe (TRIDOM) et du parc transfrontalier quelques paramètres pour une meilleure gestion de
Mayumba-Conkouati dans lesquelles le Gabon est ces parcs nationaux littoraux et marins : la redéfini-
engagé. tion de zonage, la réglementation et la mise en place
La surveillance et la protection des aires protégées des outils de surveillance et de protection de chaque
sont assurées par les écogardes, qui sont considérés parc. Et ce d’autant plus que le littoral gabonais, long
comme les « soldats » des Parcs nationaux. L’Agence de plus de 950 kilomètres, abrite la majorité de la
Gabonaise d’Études et d’Observations Spatiales population, des infrastructures diverses (de commu-
(AGEOS) s’est engagée pleinement dans cet objec- nication, portuaires, minières, d’extraction pétrolière
tif de protection en mettant à contribution ses com- et de la pêche), et des activités économiques du pays.
pétences dans le cadre de la surveillance à travers Le secteur côtier nord du Gabon a tout particulière-
l’observation par les images satellites. Ce mode de ment vu le développement des principales activités
surveillance est un outil plus que performant, no- du pays, parmi lesquelles l’exploitation pétrolière et
tamment dans le cadre de la détection des pollutions forestière, la pêche maritime, le tourisme, les activités
par les hydrocarbures, ou encore de la localisation industrielles et portuaires.
des navires de pêches illégaux qui violent les limites La politique des parcs nationaux littoraux et ma-
des parcs, mais aussi de possibles déforestations. Mis rins est pleine d’enjeux pour l’avenir. Cette initiative
en place assez récemment, le programme Gabon bleu comporte des apports non négligeables pour le déve-
est également un outil efficace, à travers le suivi des loppement durable, notamment la préservation de la
activités de pêche par l’utilisation de dispositifs per- nature, la protection des ressources halieutiques, le
mettant d’apprécier l’effort de pêche dans l’espace développement de l’écotourisme, le développement
maritime gabonais. des activités connexes, la réduction de la pauvreté, etc.

351
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

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352
Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au
Gabon : les parcs nationaux littoraux et marins

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rable et démocratie participative : l’exemple des ONG
environnementales gabonaises, Thèse de Géographie
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l’Adour, 383 p.

353
Chapitre 15 - Les nouveaux outils de la production pétrolière au Gabon
au service de l’accession du pays au stade de l’émergence ?
Jonathan NDOUTOUME NGOME
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville

L’économie gabonaise dépend largement du pétrole. rendus possibles par


L’exploitation des ressources pétrolières se fait à partir le cours élevé du ba-
du bassin sédimentaire à 30 % en zone onshore et à ril, mais elle a ensuite
70 % en offshore. Sur les 253 507 km² du domaine pé- poursuivi sa chute
trolier gabonais, environ 51,5 % de la surface attribuée pour atteindre à peine
est ouverte à l’exploration en 2015. Toutefois, depuis 10 millions de tonnes
1997, le Gabon enregistre une dégradation des perfor- en 2015 (MDDEPIP,
mances du secteur pétrolier, à cause de deux facteurs 2016), soit environ
aux effets croisés. II s’agit d’une part de la chute de la 228  000  barils/jour
production suite à l’épuisement des principales réserves contre 371  000  barils/
connues, et, d’autre part, de l’extrême instabilité des jour en 1997. Cette
cours du pétrole. Il faut relever que les principes de la baisse de la production
protection de l’environnement à travers la transition a inévitablement en-
énergétique vers les énergies renouvelables, confirmés traîné celle des recettes
par la COP21 (2015), ne sont pas de nature à faire sortir sur la période 2002-
le Gabon de ses difficultés actuelles. Les conséquences 2010 (9 milliards, puis
de cette baisse des cours du pétrole sont évidentes sur 5,1  milliards de dol-
la loi de finance, notamment la part réservée à l’inves- lars selon les estima-
tissement subissant des coupes drastiques au point où il tions de PFC Energy), Photo 1 - Plateforme dans la
est difficile pour les pouvoirs publics d’entreprendre ou mais également sur la période 2011-2016. La part
baie de Port-Gentil, en attente
d’être remorquée vers son site
de parachever les grands travaux de développement du de la production des hydrocarbures dans les recettes d’exploitation un peu plus vers le
pays. Elles pourraient également l’être pour l’économie de l’État qui a longtemps été de 60 % a enregistré sud du Gabon
et le développement de toutes les régions littorales du un mouvement à la baisse pour atteindre 44 % du
(ph. J. Bergère, 2014)

Gabon, le pétrole étant associé au bassin sédimentaire PIB en 2013, 83 % des recettes d’exportation et
côtier. La ville de Port-Gentil, centre organisationnel 53 % des recettes budgétaires selon le trésor français
de cette exploitation pétrolière, notamment offshore (MFCP, 2014)2.
(photo 1), aurait alors beaucoup à perdre.
La production pétrolière gabonaise qui avait atteint
le pic de 18,45 millions de tonnes en 1997, a enregis- 2. Une situation qu’a confirmé récemment le gouvernement gabo-
tré depuis lors une baisse régulière d’environ 5 % par nais qui estime que la baisse du prix du baril du pétrole s’est traduit
an. À partir de 2006, elle s’était stabilisée grâce aux par une importante baisse des recettes pétrolières d’environ 250 mil-
liards de francs CFA sur les 600 milliards de francs CFA prévus dans
investissements réalisés sur les champs marginaux1 la loi de finance 2016, provoquant une baisse de croissance de 4.6 %
à 3.1 %, dans un contexte de prix du baril passé de 42 dollars dans les
1. Il s’agit de champs constitués d’anciens gisements exploités et prévisions de la loi de finance à une moyenne de 30 dollars (L’Union,
abandonnés par les grandes compagnies. vendredi 18 mars 2016).

355
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Production de pétrole brut


(en millions de tonnes)
20
18,45
18 La chute de la pro- davantage parti de ses ressources naturelles et plus
duction (fig. 1) est particulièrement des hydrocarbures, notamment le
16 liée à l’épuisement des pétrole et le gaz ? L’hypothèse la plus plausible semble
14
grands champs arrivés être la nécessité de se doter d’un cadre juridique et
au stade de maturité. fiscal attractif en s’alignant sur les meilleures pratiques
12 Ces premiers gise- sous-régionales ou internationales et les nouveaux ou-
10,01 ments offshore mis en tils de la production des hydrocarbures3. Mais pour
10
exploitation qui ont permettre à l’État de tirer meilleur parti des ressources
8
produit pendant plu- pétrolières et gazières, sans doute convient-il aussi de
sieurs années arrivent s’orienter tout d’abord vers les options stratégiques
95

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01

03

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07

09

11

13

15
à présent progressive- nécessaires à une optimisation de la production des
19

19

19

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20

20

20

20

20

20

Figure 1 - La production 20 ment dans une phase hydrocarbures au Gabon.


pétrolière au Gabon de 1995 d’épuisement, tandis qu’aucune découverte notable
à 2015
Source : MDDEPIP, 2016,
qui permettrait une relance sérieuse de la production Présentation des options stratégiques
Direction Générale des
n’a été faite depuis quelques décennies. D’où l’inten- indispensables à une optimisation de la
Hydrocarbures - DGH sification de la recherche dans le domaine de l’offshore production des hydrocarbures au Gabon
en plus grande profondeur (voir chapitre 5 du présent
ouvrage), au-delà de 300 mètres d’eau voire même en Dans un contexte international qui contraint certes
ultra profond (au-delà de 1 500 mètres), dont les pers- fortement le marché mondial des hydrocarbures, la
pectives, quoiqu’incertaines, semblent prometteuses. stratégie pétrolière d’un pays producteur dépend aussi
d’un ensemble d’éléments sur lesquels il est possible
À son accession au pouvoir le 17 octobre 2009, Ali d’agir à l’échelle d’un État souverain comme le Gabon.
Bongo Ondimba s’est fixé comme objectif principal
de faire du Gabon un pays émergent en s’appuyant sur
quatre piliers : le Gabon vert, le Gabon industriel, le Stimuler la recherche et l’optimisation
Gabon des services et le Gabon bleu (en référence à la de la production par la promotion du
large ouverture du pays à l’océan Atlantique sur plus de domaine pétrolier libre
950 kilomètres de côtes à partir desquelles est exploité le L’augmentation du taux d’occupation du domaine
pétrole gabonais - voir chapitre 17 du présent ouvrage). pétrolier est le corollaire d’une intensification des ac-
Le pétrole constitue donc une richesse fondamen- tivités de recherche d’hydrocarbures. Cette situation
tale, mais aussi une richesse aléatoire. D’une part,
la production varie en fonction de l’épuisement des 3. Compte tenu du caractère polysémique de la valeur marchande
nappes connues et des nouvelles découvertes. D’autre de la production pétrolière et gazière (la part du brut qui revient à
part, les cours du pétrole et du gaz varient en fonction l’État, les recettes publiques issues de l’activité pétrolière, le montant
des devises générées par les exportations de pétrole brut), nous enten-
de la conjoncture géopolitique internationale. Dans dons par ressource d’hydrocarbure l’ensemble des quantités produites
ces conditions, quels sont les moyens par lesquels le et la valeur marchande issue de l’activité d’exploitation des hydrocar-
Gabon pourrait-il devenir un pays émergent en tirant bures, aussi bien en amont qu’en aval.

356
Chapitre 15 - Les nouveaux outils de la production pétrolière au Gabon au service de
l’accession du pays au stade de l’émergence ?

augmenterait donc la probabilité de nouvelles décou- l’exploration, pour une surface encore libre d’envi-
vertes, avec pour conséquence l’augmentation des ré- ron 120 200 km², représentant plus de 57 % du do-
serves. Ces réserves, estimées aujourd’hui à 2 milliards maine pétrolier gabonais offshore.
de barils (OPEP, 2016), font déjà du Gabon le pre- Avec les espoirs suscités ces dernières années par la
mier pays de la Communauté Économique et Moné- reconnaissance des similitudes géologiques de part
taire des États d’Afrique Centrale (CEMAC) pour ce et d’autre de l’Atlantique, entre les côtes du Brésil et
potentiel de production, et le 7e à l’échelle du conti- celles du golfe de Guinée et notamment du Gabon, les
nent africain (voir le chapitre 5 du présent ouvrage). surfaces attribuées ont progressé. De 109 729 km² en
Le Gabon se trouve en effet en tête dans l’espace de 2010 à 130 544 km² en 2015 (Direction Générale des
la CEMAC, devant le Congo, le Tchad et la Guinée Hydrocarbures), elles auraient ainsi gagné 20 815 km²
Équatoriale avec respectivement 1,6 milliard de barils, en 5 ans, représentant une expansion de +19 % du do-
1,5 et 1,1. L’estimation de la durée de vie des réserves maine attribué, notamment en offshore (fig. 2).
est par ailleurs de 40 ans, ce qui explique que le sec-
teur de l’or noir enregistre actuellement, en plus d’une
Affirmer la nécessité
réforme de son cadre juridique, des extensions terri-
d’une meilleure couverture du secteur aval
toriales de l’exploration et de l’exploitation pétrolière,
de la côte vers le large. Le contexte actuel de l’aval
L’activité des premiers champs terrestres à partir Au Gabon, le secteur de la raffinerie est confronté
des années 1950, puis des champs offshore à partir à des difficultés réelles par rapport aux besoins de la
des décennies 1960 et 1970 (voir chapitre 5 du pré- consommation nationale, très au-dessus de la pro-
sent ouvrage) a pu jusque-là se développer grâce aux duction actuelle de la Société gabonaise de raffinage
réserves relativement abondantes du bassin sédimen- (SOGARA)4 qui est de 21 000 barils/jour. Pour le ga-
taire côtier. Mais après la période euphorique des soil et le butane, qui sont les produits à forte demande
années 1970, marquées par une hausse continue de intérieure, le Ministère gabonais reconnaît également
la production et au cours desquelles les découvertes la nécessité d’avoir recours aux importations pour
de gisements sont allées de pair avec d’importantes 50 % de la consommation nationale du premier, et
rentrées financières, les premiers champs pétroliers 70 % pour le second.
onshore et offshore sont entrés dans une phase de
Le niveau de performance d’une raffinerie se mesu-
déplétion, alors qu’aucune découverte majeure n’a
rant par des indicateurs portant sur son outil de produc-
été réalisée ces quinze dernières années. À cet effet, le tion (taux de disponibilité, tonnage de brut traité, taux
Gouvernement de la République mène à présent une d’utilisation, etc.), à la SOGARA, ces indicateurs sont
campagne de promotion du bassin sédimentaire ga- par ailleurs très en deçà des normes de la profession,
bonais sur les rencontres internationales consacrées
aux questions pétrolières. Pour montrer la dimen-
sion des espoirs suscités, il faut rappeler qu’il reste 4. La SOGARA est la seule raffinerie du Gabon. Elle fut construite
plus de 42 blocs pétroliers offshore à attribuer pour au début des années 1960.

357
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

En définitive, la moins bonne qualité des


2010 2015
produits et les contre-performances de l’outil
de production ne permettant plus de tirer un
GUINÉE ÉQUATORIALE
meilleur parti de l’activité de raffinage, en com-
paraison avec des structures modernes, l’État
bloc d’exploitation a défini d’autres objectifs pour le raffinage au
LIBREVILLE
nouveau bloc attribué Gabon, dans la perspective aussi de la conquête
entre 2010 et 2015 des marchés des pays émergents. Les efforts
bloc redevenu libre pourraient être orientés vers la réhabilitation
entre 2010 et 2015
Port-Gentil de l’outil de production de la SOGARA et la
bloc libre construction d’une nouvelle raffinerie.
Omboué
limite de la Réhabilitation de l’outil de production
ZEE du Gabon
de la SOGARA
limite d’État
La SOGARA est une société anonyme dont
Gamba
le capital est réparti entre Total (43,84 %),
Mayumba
l’État gabonais (25 %), Portofino Asserts Cor-
poration (16,99 %), Petro Gabon (11,67 %) et
CONGO
le groupe italien ENI International (2,50 %).
OCÉAN OCÉAN Sa production annuelle a atteint un sommet de
ATLANTIQUE ATLANTIQUE
926 000 tonnes en 2011.
La rénovation pour une redynamisation de
©
Sources : Ministère
des mines,du pétrole et
cet outil de production commande une mise à
IG
AR
UN des hydrocarbures du Gabon niveau des installations actuelles d’une part, et
,U (domaine pétrolier au 30 décembre
N
ni
ve
rs
ité
Bathymétrie (en m) 2010 et au15 juin 2015), l’acquisition d’une autre raffinerie d’autre part.
de
Na
nt
bathymétrie SHOM La première option présente cependant l’in-
es
0 50 100 km 4 000 3 000 2 000 1 000 200 100 50 0 S. CHARRIER convénient de ne disposer que de la source de
l’importation pour approvisionner le marché
Figure 2 - Progression national pendant les travaux.
des attributions de blocs
avec pour conséquence une baisse de la production. Aussi, la
dans le domaine pétrolier Construction d’une nouvelle raffinerie
gabonais offshore entre présence d’un niveau élevé de soufre dans le gasoil est un autre
2010 et 2015 obstacle pour la compétitivité de ce carburant au niveau du Le ministère du pétrole et des hydrocar-
marché mondial. Les exigences de l’Association des Raffineurs bures du Gabon semble pencher plus favora-
Africains (ARA) imposent en effet un taux de soufre inférieur blement sur cette seconde option qui offrirait
ou égal à 50 ppm (partie par million), tandis que le gasoil ainsi les « meilleures garanties de survie de l’ac-
raffiné par la SOGARA en contient 1 200 ppm. tivité du raffinage au Gabon… en considérant

358
Chapitre 15 - Les nouveaux outils de la production pétrolière au Gabon au service de
l’accession du pays au stade de l’émergence ?

un accroissement annuel de 10 % du marché national seulement liés au marché phy- Prix du baril de Décote moyenne
pétrole brut (Brent) des bruts gabonais
en produits pétroliers, la construction d’une nouvelle sique, mais également à une ra- (dollars US) (dollars US)
raffinerie serait en mesure de satisfaire ce marché en tionalité strictement financière, 135 -1

pleine croissance et celui à l’exportation. Une nouvelle le prix du Brent daté a varié de 115 -2
raffinerie aurait l’avantage d’avoir en son sein, les der- plus 110 dollars par baril, avant
95 -3
nières avancées technologiques en la matière ». la conjoncture actuelle, alors
que la variation de la décote des 75 -4
À la suite, en janvier 2012, de la signature d’une
bruts gabonais se situe autour 55 -5
lettre d’intention avec SK Energy (un conglomérat
de 7 dollars par baril.
comprenant Samsung) pour la construction d’une 35 -6

autre raffinerie à Port-Gentil dans la province de Ces variations combinées 15 -7


l’Ogooué Maritime, tous les espoirs reposent à présent ont conduit le gouvernement

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sur une issue heureuse des négociations entre le gou- à procéder à des révisions suc-

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vernement gabonais et le gouvernement sud-coréen cessives des différentes lois de
pour la construction de la nouvelle raffinerie, dont la finances. Sur l’année 2008
Prix du baril de
capacité de raffinage de pétrole brut serait de l’ordre par exemple, l’État a adopté pétrole brut (Brent) Taux de change
de 50 000 barils jour, au dessus des 21 000 barils/jour trois lois de finances rectifica- (dollars US) (francs CFA / dollar US)
135
traités actuellement par la SOGARA. tives pour prendre en compte 760
l’évolution du cours du brut 115 710
La fixation des prix et celui du dollar. Les consé- 660
95
Dans l’option de l’exportation, le pétrole brut pro- quences néfastes de ce phéno- 610
75
duit au Gabon est vendu sur une base spot, c’est-à-dire mène sont notamment la dif- 560
des échanges de gré à gré, par les sociétés pétrolières ficulté de programmation des 55
510
opératrices ou leurs filiales de trading, ainsi que par dépenses et le non-respect des 35 460
les traders de l’État. Le prix est déterminé par une for- engagements financiers.
15 410
mule standard qui comprend le brut de référence, en Dans ce contexte, le Gou-

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général le Brent, et une décote négociée entre l’ache- vernement reste préoccupé

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teur et le vendeur, traduisant la différence de qualité par la maîtrise de la valeur des hydrocarbures. Il pour- Figures 3 et 4 - La production
pétrolière gabonaise
entre le brut gabonais et le marqueur, le coût du trans- suit des efforts visant une optimisation du prix absolu confrontée à la volatilité des
port et la formule de pricing utilisée. des bruts gabonais et une meilleure gestion de la vola- cours du Brent et du taux de
change du dollar US
La très forte volatilité du Brent et de la décote tilité du prix du brut et du taux de change par des
Source : Direction Générale
moyenne des pétroles bruts gabonais, ainsi que du taux instruments de couverture. des Hydrocarbures (Ministère
gabonais du Pétrole et des
de change francs CFA / dollar US au cours des dix der- Le mécanisme de fixation des prix fiscaux, appelé Hydrocarbures)
nières années (fig. 3 et 4) sont des handicaps. En effet, Prix de Cession Officiel des bruts gabonais, institué
sur un marché devenu hautement spéculatif, les fac- par le protocole d’accord signé le 30 décembre 1991
teurs déterminants de l’offre et la demande étant non entre le Gouvernement et les sociétés et qui a créé la

359
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Commission technique paritaire des prix du pétrole et Davantage miser sur le gaz naturel au Gabon
de détermination des prix des bruts gabonais, permet L’utilisation actuelle du gaz naturel se fait prin-
un lissage des variations du prix à l’intervalle du mois. cipalement autour de la SEEG, SOGARA, CO-
Cependant, le Gouvernement entend revisiter ce RAWOOD (ex CFG) et la SOBRAGA. Au regard du
texte à présent ancien afin d’apporter d’une part plus nouvel intérêt suscité par la politique d’émergence,
de transparence dans les échanges d’informations de nouvelles perspectives s’offrent au Gabon pour dé-
entre l’Administration et l’État, relativement aux sormais valoriser son gaz naturel.
prix réalisés sur les marchés, et d’autre part, pour une Tout gaz produit et non essentiel pour les besoins
meilleure maîtrise des opérations de trading. opérationnels doit être réinjecté en attendant la mise
S’agissant de la gestion de la volatilité des cours du en place d’un réseau de collecte pour sa valorisation.
brut et du dollar US, hormis le fait que des paramètres Un cadre légal et réglementaire doit être mis en place
économiques intégrés dans un contrat de partage per- avec une politique incitative, permettant l’explora-
mettent d’assurer un revenu minimal à l’État, quel que tion aussi bien dans les zones conventionnelles déjà
soit la conjoncture pétrolière, le Gouvernement devra matures que dans les zones non conventionnelles,
également examiner en fonction des stratégies de dé- avec pour objectif la recherche du gaz naturel au
veloppement du pays, les possibilités d’utilisation des même titre que du pétrole brut.
instruments de couverture (futures, swaps et options). Un plan directeur doit être mis en place pour une
Dans ce cadre, ces instruments s’appliqueront à la to- meilleure utilisation de la ressource gazière. Néan-
talité ou une partie de la production de l’État. moins, ayant déjà identifié les quantités de gaz natu-
rel disponible, le Gouvernement gabonais a choisi
Réduire les gaz naturels torchés pour trois projets pour sa valorisation : la fourniture du
une production plus rationnelle et durable gaz naturel aux centrales thermiques ; la construction
d’une usine pétrochimique ; et la construction d’une
Lors de la production pétrolière, le gaz dissous qui
usine non conventionnelle de gaz naturel liquéfié.
est extrait de ce dernier a pendant longtemps été
considéré comme déchet et brûlé en torchère, ce qui
constituait (et encore aujourd’hui à moindre échelle), Amélioration de l’environnement
un gaspillage de ressources énergétiques non renou- institutionnel, juridique et fiscal
velables et une pollution inutile. Depuis quelques La filière de la production des hydrocarbures n’est pas
années à l’échelle mondiale, une partie de ce gaz tor- seulement dépendante d’un contexte international qui
ché est réinjectée dans certains gisements de pétrole, détermine en grande partie les prix ou de contraintes
contribuant ainsi à maintenir la pression du réservoir techniques d’exploitation qui conditionneraient les
et par conséquent à maximiser l’extraction du pétrole. performances de l’exploitation. Elle dépend également
Au Gabon, à la suite d’un décret signé en 2010, il est d’un contexte organisationnel, institutionnel, juri-
désormais interdit de torcher du gaz naturel pendant dique et fiscal, que l’État doit déterminer pour établir
l’exploitation des hydrocarbures. les règles partenariales de cette exploitation.

360
Chapitre 15 - Les nouveaux outils de la production pétrolière au Gabon au service de
l’accession du pays au stade de l’émergence ?

Institutions et promotion de la gouvernance croissance relativement plus rapide au cours de la der-


dans le secteur extractif nière décennie. Leurs performances se situaient trois dé-
Le lien entre la qualité des institutions et le niveau ciles plus hauts pour ce qui est des capacités de l’État et
de développement n’est plus à démontrer. C’est pour- son aptitude à préserver un cadre réglementaire adapté ».
quoi le Gabon a adhéré le 14 mai 2004 à la déclaration Afin de mettre en veille la qualité des institutions
de principes de l’Initiative pour la Transparence dans les dans les pays dotés en ressources naturelles, les ins-
Industries Extractives (principes EITI). À travers cette titutions financières internationales ont ainsi mis en
adhésion, le Gabon avait opté pour le principe de œuvre l’EITI, comme le référentiel que doivent suivre
transparence des paiements et recettes issus des indus- les pays pétroliers et miniers.
tries de pétrole, de gaz et des mines. Un engagement
que le gouvernement gabonais n’a pu tenir, si bien L’adhésion du Gabon au programme EITI
que le 27 février 2013, le conseil d’administration de et son évaluation
l’EITI a décidé de la radiation du Gabon pour non- En sollicitant sa réintégration à l’EITI, le Gabon
respect des règles de l’organisation. après en avoir été radié en 2013 souhaite désormais
souscrire à l’ambition de cette initiative qui porte sur
Rappel du rôle de la qualité des Institutions
l’optimisation des revenus issus de l’exploitation des
dans les économies rentières
ressources naturelles, afin d’obtenir plus de croissance
Il y a une certaine imbrication entre le fonction- indispensable au développement et à la réduction de
nement des institutions et le développement écono- la pauvreté. Autrement dit, le Gabon a opté pour la
mique et social dans les pays pourvus en ressources promotion de la transparence et de la responsabilité
extractives. Le fonctionnement des institutions est partagée (État, sociétés opérant dans le secteur des
donc déterminant pour éviter la malédiction des res- industries extractives, et société civile) en matière de
sources naturelles dont nombre de pays africains en paiements des recettes issues de l’exploitation des res-
donne malheureusement la démonstration (Gelb et sources naturelles, ce qui ne peut qu’aller dans le bon
Grasmann, 2009). Elles ont un impact négatif sur la sens collectif.
croissance économique dans les pays où la qualité des
Il s’en suit aujourd’hui que le Gabon a pu améliorer
institutions est faible.
la qualité de ses systèmes d’informations comptables
Gelb et Tunner (2007) ont ainsi montré que « cer- et financières afin d’avoir des données pertinentes et
tains pays africains exportateurs de pétrole ayant un PIB des éléments de comparabilité fiables. L’adhésion à
par habitant de 979 dollars obtenaient en moyenne des l’EITI a également permis une plus grande collabo-
résultats situant vers le décile inférieur des indicateurs ration entre les différents départements ministériels
de gouvernance, pour ce qui est de la qualité de leurs assurant la tutelle technique et financière du secteur
institutions. Or, par comparaison, d’autres pays africains extractif, pour allier les insuffisances (rapports non
non pétroliers à faible revenu et affichant un PIB par crédibles) qui ont d’abord causé la radiation du Ga-
habitant de 300 dollars seulement avaient connu une bon de cette initiative.

361
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Se doter d’un cadre juridique et fiscal attractif non-discrimination dont bénéficient les sociétés pétro-
en s’alignant sur les meilleures pratiques lières ou encore du fait que la réglementation fiscale
régionales et internationales soit essentiellement contractuelle. La primauté des
conventions découle des clauses de stabilisation du ré-
Actuellement, la grande préoccupation du Gabon gime juridique et fiscal contenues dans les conventions.
est de savoir comment attirer ou stabiliser l’investisse- Ainsi, les aménagements du droit national n’affectent
ment privé dans le secteur des hydrocarbures ? les conventions que dans le sens d’une amélioration des
Dans la phase actuelle relative à l’ouverture des mar- charges et des produits des sociétés pétrolières, ou limi-
chés où la surenchère sur les avantages fiscaux et doua- tent cette dernière dans un statu quo parfait.
niers est souvent élevée au rang de politique d’attrac- Cette disposition sur la stabilité du régime juridique
tion des opérateurs économiques, la stabilité politique, et fiscal vise à rassurer l’investisseur sur le long terme,
la bonne gouvernance, une bonne administration et l’exploitation pétrolière étant une activité capitalistique
une justice indépendante sont autant d’éléments de et en perpétuelle mutation. Le principe de non-discri-
nature à créer un environnement attrayant pour l’in- mination dont bénéficient les sociétés fait que, lorsque
vestisseur. La fiscalité n’est qu’un maillon de la chaîne. l'une d’elles estime plus avantageuse telle clause dans la
Sans être déterminant au point d’emporter à elle seule convention d’une autre société, elle est fondée à rejeter
la décision, la fiscalité, entendue dans le sens de pres- l’application d’une nouvelle disposition législative. Par
sion fiscale, peut être considérée comme un facteur ca- ailleurs, la réglementation fiscale est essentiellement
pable d’attraction de nouveaux investisseurs. contractuelle, en ce sens que les textes de loi applicables
en la matière renvoient aux contrats ou aux Conventions
Sa refondation doit passer par quelques actions es-
d’Établissement, selon le cas. En l’état, ce dispositif légis-
sentielles, dont la modernisation de l’environnement latif n’encadre pas suffisamment la liberté des parties, le
institutionnel, à travers un cadre juridique et fiscal principe du « tout négociable » a été admis et appliqué.
attractif s’alignant sur les meilleures pratiques sous
régionales ou internationales, ainsi que sur le renfor- C’est à ce titre qu’un nouvel environnement institu-
cement des capacités humaines. tionnel est proposé. Ce dernier s’articule autour de quatre
instruments : (1) la Loi portant Code des Hydrocarbures
Moderniser l’environnement institutionnel doit établir les principes généraux devant gouverner
L’évolution générale de la technologie pétrolière les activités amont et aval ; (2) un décret instituant
conduit nécessairement à une adaptation du cadre les modèles de contrat et comportant les clauses d’ad-
juridique et fiscal, le régime applicable aux activités hésion, pour lesquelles aucune négociation ne sera
d’hydrocarbures doit être clair, durable et d’une mise désormais possible ; (3) les dispositions particulières
des contrats de partage de production doivent être né-
en œuvre aisée.
gociées au cas par cas dans le cadre défini par les lois
Le dispositif législatif actuel présente de nombreuses et les décrets ; (4) les textes réglementaires d’applica-
faiblesses à l’image de la primauté des Conventions tion doivent venir compléter le dispositif susvisé sur
d’Établissement sur le droit national, du principe de les points techniques et de procédure.

362
Chapitre 15 - Les nouveaux outils de la production pétrolière au Gabon au service de
l’accession du pays au stade de l’émergence ?

Ainsi, ce dispositif donnerait une vision claire et de la loi n° 023/2013 du 07 janvier 2014 susvisée,
complète de la réglementation applicable au secteur cette ordonnance détermine les règles, principes
amont et aval en République gabonaise. et objectifs de la politique nationale des hydrocar-
bures et a pour objet : (1) de définir les droits et les
Le nouveau Code des Hydrocarbures
obligations des personnes exerçant dans le domaine
Le nouveau Code des Hydrocarbures a pour am- des hydrocarbures ; (2) de fixer le cadre institution-
bition, en cohérence avec l’évolution et le contexte nel du secteur des hydrocarbures ; (3) de définir le
historique de la législation en vigueur en République régime juridique, fiscal, douanier, de change et de
gabonaise, de proposer des axes d’amélioration afin contributions des activités d’hydrocarbures ; (4) de
notamment de : (1) valoriser et promouvoir le do- promouvoir le secteur à travers la création d’un tissu
maine minier ; (2) mettre en place un cadre juridique industriel national et le renforcement des capacités
et fiscal attractif et compétitif ; (3) encadrer et clari- nationales.
fier les dispositifs réglementaires et contractuels ; (4) Cette ordonnance est généralement gouvernée par
améliorer la transparence de l’État, mais également les deux principes de non-rétroactivité de la loi et
des contracteurs ; (5) augmenter le contenu national ; de l’application immédiate du nouveau Code des
et, (6) contrôler et sanctionner le non-respect des dis- Hydrocarbures. La non-rétroactivité de la loi nou-
positions législatives et les stipulations contractuelles. velle permet de préserver les droits des personnes
C’est à ce titre que le nouveau Code des Hydro- des bouleversements législatifs qui remettraient en
carbures offre l’opportunité de mettre en place un cause les actes ou les faits passés en conformité avec
cadre propice à l’épanouissement de cette évolution, la législation antérieure. La non-rétroactivité de la
en permettant une stratégie d’attribution, de négocia- loi garantit ainsi la sécurité juridique et repose sur
tion et de renégociation contractuelle qui maintient la théorie dite des droits acquis selon laquelle la
et améliore les recettes de l’État (ring-fence). Il répond validité des droits existants au moment de l’entrée
à un besoin d’encouragement et de réglementation en vigueur de la loi nouvelle ne peut être remise en
des activités d’évaluation technique, d’exploration, cause. Les conventions conclues et les titres miniers
d’exploitation, de stockage et de transport jusqu’au institués avant sa promulgation restent donc en vi-
point d’enlèvement des hydrocarbures, s’agissant de gueur jusqu’à leur date d’expiration.
l’amont, et à un besoin d’encadrement et d’harmoni- Ce dispositif doit permettre la renégociation des
sation des activités d’importation, de raffinage et de contrats et conventions passées et l’introduction
transformation d’hydrocarbures ainsi que des activités progressive du nouveau régime, tout en préservant
d’importation, d’exportation, de stockage, de trans- les droits des contracteurs, pour une transition
port, et de distribution de produits pétroliers, de pro- souple. Le nouveau Code des hydrocarbures s’ins-
duits gaziers et de leurs dérivés, s’agissant de l’aval. pire des meilleures pratiques internationales en s’ap-
L’application de la Loi dans le temps fait partie des puyant sur une conception prospective, dynamique
grands axes développés dans le nouveau Code des et moderne des travaux de prospection et de déve-
Hydrocarbures. Prise en application des dispositions loppement des réserves en hydrocarbures.

363
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Le nouveau Code des Hydrocarbures entend donc Par ailleurs, l’appropriation des techniques modernes
optimiser les recettes de l’État en ce sens qu’il prévoit par les agents de l’Administration constitue une pierre
non seulement le maintien des règles de partage tra- angulaire sans laquelle l’édifice de la modernisation
ditionnelles, l’adoption d’un taux plancher de 55 % et de l’optimisation de la ressource en hydrocarbure
applicable sur la première tranche de profit oil reve- serait vain. Il est donc important que l’Administration
nant à l’État, mais également l’introduction de la pos- gabonaise soit en mesure non seulement de répondre
sibilité d’un nouveau partage basé sur la rentabilité. efficacement aux challenges technologiques requis par
Ce nouveau mode de répartition du profit oil permet l’industrie pétrolière, mais également de souscrire et
d’accroître les recettes de l’État tout en garantissant d’adhérer aux bonnes pratiques de l’industrie (metering,
une rentabilité à l’opérateur. modèle géophysique, techniques de forage...). L’Admi-
nistration gabonaise aura bien entendu compris l’intérêt
D’autre part, toujours dans cette optique d’une opti- à se conformer aux standards techniques internationaux.
misation des recettes de l’État, la nouvelle loi permet
l’introduction de l’imposition des gains spéculatifs sur Tous ces éléments concourent en fait à la reconnais-
cession directe ou indirecte de titres miniers. Par ce sance des responsabilités de l’ensemble des acteurs de
mécanisme fiscal, l’État serait en droit de prélever une la filière. La démarche a récemment été engagée, no-
fraction des gains financiers réalisés par les investisseurs tamment dans le cadre de la protection nécessaire des
directs ou indirects, au titre d’opérations spéculatives environnements marins face aux risques de pollution.
qui ont pour sous-jacent le domaine minier gabonais. La loi n° 011/2014 du 28 août 2014 portant régle-
mentation du secteur des Hydrocarbures en République
Les gains résultant de cessions directes de tels droits gabonaise a ainsi engagé les opérateurs pétroliers dont
seraient en outre soumis à l’impôt sur les sociétés au les activités sont susceptibles de détériorer la qualité
taux de 35 % payable en numéraire. du milieu marin à protéger l’environnement dans le
périmètre de leurs activités d’exploration, d’extraction
Le renforcement des capacités humaines et de transport des hydrocarbures. Pour obtenir leurs
Des ressources humaines compétentes qualifiées et contrats d’exploitation, il leur est exigé de maintenir
en quantité suffisante peuvent être des vecteurs d’at- des stocks adéquats d’équipements et de matériels et
tractivité sectorielle et d’optimisation de la ressource d’avoir des plans d’urgence en cas de pollution, plans
pétrolière. Les agents de l’Administration doivent qui présentent les actions nécessaires pour minimiser
ainsi être gérés suivant les « best practices », afin de ré- les impacts sur l’environnement marin et littoral en
pondre aux défis de la performance et de l’efficacité. cas de pollution résultant des déversements d’hydro-
C’est dans ce cadre que s’est institué un partenariat carbures découlant de leurs opérations.
public-privé visant à mettre en place des structures Ces prédispositions font partie des exigences nou-
de formations adéquates au profit notamment des velles du gouvernement gabonais. Elles vont sans au-
agents. L’Institut du Pétrole et du Gaz a pour voca- cun doute dans le sens d’une plus grande organisation
tion de devenir un pôle d’excellence de formation de de la filière hydrocarbure et d’une meilleure reconnais-
la sous-région de l’Afrique centrale. sance de l’ensemble de ses acteurs.

364
Chapitre 15 - Les nouveaux outils de la production pétrolière au Gabon au service de
l’accession du pays au stade de l’émergence ?

Conclusion Références
Avec une production honorable d’hydrocarbures Gelb A. et Grasmann S., 2009. Déjouer la malé-
d’un peu plus de dix millions de tonnes par an, le Ga- diction pétrolière, Afrique contemporaine, 2009/1 ,
bon demeure un pays très intéressant pour les investis- n° 229, pp. 87-135.
seurs de ce secteur. De plus, la volonté de l’État de faire Gelb A. et Turner G., 2007. Confronting the Re-
en sorte que le Gabon tire meilleur parti des ressources source Curse : Lessons of Experience for African Oil
issues de ses hydrocarbures, en favorisant l’extension Producers, pp. 36-75. In Desker B., Herbst J. et Spi-
de l’exploration et de l’exploitation du littoral jusqu’au cer M. (dir. pub.), Globalization and Economic Suc-
large des côtes du pays avec la valorisation de son pla- cess : Policy Lessons for Developing Countries, Johannes-
teau continental, doit être accompagnée de la pro- burg, The Brenthurst Foundation, 551 p.
motion d’une gouvernance rigoureuse dans le secteur
extractif, de la modernisation de son environnement MDDEPIP, 2016. Tableaux de bord économique,
institutionnel, et de l’amélioration de son cadre juri- 1981 à 2013, Ministère du Développement durable,
dique et fiscal en s’alignant sur les meilleures pratiques de l’Économie, de la Promotion des investissements et
internationales. de la prospective, République du Gabon [URL : http://
À cela, le Gabon devra avoir une meilleure maîtrise www.economie.gouv.ga/940-park-douane/943-ta-
de sa chaîne de production d’hydrocarbures qui néces- bleau-de-bord-economique].
site le renforcement des capacités humaines et tech- MFCP, 2014. Le secteur pétrolier au Gabon 2014,
niques, une meilleure couverture du secteur aval ainsi Ministère des Finances et des Comptes publics, Répu-
que la valorisation et la monétisation du gaz naturel. blique Française [URL : http://www.tresor.economie.
Il doit veiller à la prise en compte de l’ensemble des gouv.fr/10211_le-secteur-petrolier-au-gabon-2013].
intervenants d’un secteur riche de plus d’une vingtaine
OPEP, 2016. Annual statistical bulletin, OPEP
d’opérateurs. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs
publics s’attellent à mettre en place des mesures inci- Vienne, 128 p. [URL : http://www.opec.org/opec_
tatives qui intéressent de plus en plus les majors in- web/static_files_project/media/downloads/publica-
ternationaux des hydrocarbures, notamment celles qui tions/ASB2016.pdf ].
disposent d’une capacité technologique capable d’af-
fronter le milieu marin dont les espoirs de découvertes
nouvelles reposent sur les similitudes entre les bassins
géologiques côtiers gabonais et brésiliens.
Ces perspectives d’expansion doivent permettre
aussi d’inscrire de façon plus efficace la filière hydro-
carbure gabonaise dans une démarche d’intégration,
dans des régions littorales si fragiles sur le plan envi-
ronnemental et si convoitées par des acteurs de plus
en plus nombreux.

365
Chapitre 16 - Le Gabon et sa mer : mise en œuvre de la Convention
des Nations Unies sur le Droit de la Mer pour une extension des droits
souverains sur le plateau continental
Guy ROSSATANGA-RIGNAULT*
Juriste-politiste, Université Omar Bongo, Libreville

Pendant longtemps, le Gabon indépendant a don- Projet Gabon bleu s’inscrivant dans le cadre du Plan
né l’image d’un pays qui semblait tourner le dos à Stratégique Gabon Émergent (PSGE, 2012) élaboré à
sa mer. Qu’il s’agisse d’activités balnéaires, de pêche la suite de l’accession à la présidence de la République
(Bignoumba, 2007) ou d’hydrocarbures, la mer était d’Ali Bongo Ondimba dont l’ambition est de hisser le
plus la « chose » des « autres » que des gabonais, alors Gabon au rang des pays émergents dans les décennies
même qu’une part importante de la richesse nationale à venir.
vient de la mer et que l’essentiel des exportations et des Ayant signé et ratifié la Convention des Nations
importations passent par la mer. On s’était peu à peu Unies sur le Droit de la Mer1 (Convention de Mon-
éloigné du Gabon originel, celui du Roi Denis Rapon- tego Bay ou CMB, 1982), le Gabon s’y conforme
tchombo (Mbokolo, 1976), dont les habitants étaient et la met progressivement en œuvre depuis quelques
des navigateurs aguerris et dont les chefs avaient tôt années. C’est dans ce cadre que le gouvernement ga-
compris l’intérêt du contrôle de leurs espaces marins. bonais a pris le décret n° 9/84 du 12 juillet 1984 insti-
tuant une Zone économique exclusive de 200 milles
Pourtant, depuis quelques années, une prise de marins. Une décennie plus tard, le Gabon se confor-
conscience progressive s’opère tant dans la société mera à la CMB en adaptant la largeur de sa mer ter-
qu’au niveau de l’État. Les gabonais fréquentent de ritoriale aux normes prévues par la CMB (12 milles
plus en plus les littoraux proches ou éloignés des marins), abrogeant ainsi définitivement le décret de
grands centres urbains comme l’a montré Bignoumba 1973 fixant les eaux territoriales à 100 milles marins.
(2005). Et, l’État lui-même redécouvre cette mer qui
figure pourtant en bonne place dans ses armoiries Depuis 2007, le Gabon a choisi d’exécuter la faculté
comme sur son drapeau. pour les États-parties d’étendre leur plateau continen-
tal (PC) prévue par l’article 76 de la CMB. C’est à
Cette prise en compte de l’espace marin national l’exposé de cette question que vont être consacrées
(Bignoumba, 1999), qui était jusqu’alors relativement les lignes qui suivent. Pour la bonne méthode, elles
informelle, commence à prendre forme par le biais du s’ouvriront par le nécessaire exposé de quelques géné-
ralités sur le plateau continental, avant l’examen par-
ticulier du projet d’extension du PC gabonais.
*
L’auteur de la présente contribution est, par ailleurs, Secrétaire
Général Adjoint de la Présidence de la République gabonaise dont il
a dirigé sept ans durant le Département Juridique. Secrétaire Per-
manent de la Commission Nationale sur le Différend Gabon/Guinée 1. En 1958, s’est tenue à Genève (Suisse), la première Conférence
Équatoriale, il a dirigé le projet d’extension du plateau continental des Nations Unies sur le Droit de la Mer (UNCLOS 1). Puis est venue
du Gabon et préside depuis un an le Conseil National de la Mer du UNCLOS 2, toujours à Genève, en 1960. La troisième conférence du
Gabon. Toutefois le contenu de cet article n’engage que son auteur. genre, pleine d’innovations, débutera en 1973 à Montego Bay, Jamaïque.

367
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Généralités sur le plateau continental la largeur de ces eaux en les assimilant à la portée
d’un canon avant que l’italien Ferdinand Galiami
Empruntée aux sciences de la terre (géographie, géo-
vienne définir la portée du canon en question : trois
logie), le plateau continental est une notion neuve en
droit international, même si le désir de contrôle des es- milles marins. Mais, entre Grotius (1583-1645) et la
paces marins est aussi vieux que l’État. Et, c’est ce désir Convention de Montego Bay (1982) consacrant la
qui a donné naissance aux différentes subdivisions de notion juridique de plateau continental, des siècles se
la mer dont la dernière est le plateau continental. En sont écoulés, même si c’est au sortir de la deuxième
effet, dès que les États ont commencé à réaliser l’in- guerre mondiale que la notion entre véritablement
térêt commercial, stratégique et économique (pêche, dans la pratique des États par le biais d’un certain
hydrocarbures, ressources minérales diverses, etc.) de nombre de déclarations unilatérales, dont celle du
la mer, la question s’est posée de savoir jusqu’où allait président américain Harry Truman (28 septembre
la mer d’un pays, jusqu’où un État pouvait exercer des 1945)  : « Le plateau continental doit être considéré
droits (souverains ou non). La doctrine se chargera comme le prolongement de la masse terrestre de l’État
donc d’élaborer les théories permettant de répondre, riverain… Les ressources que contient le plateau conti-
plus ou moins précisément, à cette question. nental forment souvent une extension vers la mer d’un
gîte ou d’un dépôt situé sur son territoire… Les res-
Le premier de cordée fut Grotius2 (père du droit sources du sous-sol et du lit de la mer du plateau conti-
des gens, aujourd’hui droit international public), qui
nental recouvert par la haute mer, mais contigu à la
posa le caractère international et ouvert de la mer
côte des USA appartiennent aux USA et sont soumis à
dans son célèbre Mare Liberum (De la liberté des mers)
de 1609. Cette avancée théorique primordiale n’en sa juridiction et à son contrôle… ».
n’avait pas moins une forte justification idéologique : D’autres États suivront : Cuba, Mexique (1945),
casser le monopole des grandes nations maritimes Argentine (1946), Chili, Pérou, Équateur (1947),
(précisément l’Angleterre) au profit de la Hollande. Costa Rica (1948), Iran, Arabie Saoudite, Barhein,
Toutefois, la liberté proclamée par Grotius concer- Koweit, Qatar (1949) et Brésil (1950). Ce premier
nait ce qu’on peut appeler la haute mer, car il n’en mouvement, relativement anarchique, ne pouvait
affirmait pas moins les droits de l’État côtier sur « sa constituer la norme, surtout au regard de la radica-
mer ». À cet égard, il posera le principe selon lequel la lité impériale de certaines déclarations comme celle
largeur des eaux d’un État côtier dépend de sa capa- des U.S.A. L’heure de la codification avait plus que
cité à y exercer son contrôle. jamais sonné. D’où la convocation de la conférence
À la suite de Grotius, Cornelius van Bynkershoek, de Genève qui devait aboutir à la convention (mort-
un autre juriste néerlandais, viendra (notamment née) sur le plateau continental.
dans De Dominio Maris Dissertatio, 1702) préciser Adoptée en 1958, la Convention de Genève sur le
plateau continental le définissait ainsi : « le lit de la mer
2. De son vrai nom Huig de Groot, avocat protestant hollandais (1583- et le sous-sol des régions sous-marines adjacentes aux côtes,
1645). mais situées en dehors de la mer territoriale, jusqu’à une

368
Chapitre 16 - Le Gabon et sa mer : mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur
le Droit de la Mer pour une extension des droits souverains sur le plateau continental

profondeur de 200 m ou, au-delà de cette limite, jusqu’au Les autres espaces marins de l’État
Eaux internationales
point où la profondeur des eaux surjacentes permet l’ex-
ploitation des ressources naturelles desdites régions ». Les eaux intérieures
Plateau continental étendu
La Convention de Genève aurait peut-être pu pros- L’article 67 de la CMB définit les eaux (350 milles maximum)

intérieures comme « les eaux immédiatement


pérer si le dernier maillon de la définition n’avait pas
adjacentes au territoire de l’État riverain et qui
existé (« ou, au-delà de cette limite, jusqu’au point où
sont globalement situées en deçà des lignes de
la profondeur des eaux surjacentes permet l’exploitation
base de la mer territoriale » (fig. 2). C’est dans Zone économique exclusive (ZEE)
des ressources naturelles desdites régions »). En effet, faire cet espace que l’État exerce la plénitude de sa (200 milles)
dépendre la largeur du plateau continental des capaci- souveraineté (au même niveau que sur terre).
tés techniques d’exploitation signifiait d’abord qu’en
fonction des moyens des États, les possibilités d’exten- La mer territoriale Zone contiguë
sion ne seraient pas les mêmes, les plus puissants au- (12 milles)
Aux termes des articles 3 et suivants de la
raient forcément l’avantage. Elle signifiait aussi qu’on Mer territoriale
CMB « tout État a le droit de fixer la largeur de (12 milles)
s’embarquerait dans une extension sans fin dès lors sa mer territoriale, cette largeur ne dépasse pas
que les progrès techniques le permettraient. Une telle 12 milles marins mesurés à partir de lignes de Eaux intérieures
instabilité structurelle n’était guère acceptable. base établies conformément à la Convention » Ligne de base
(moyenne des eaux à marée basse)
Cette définition se révélant aussi restrictive que lacu- (article 3). La limite extérieure de la mer ter- Terre
naire, peu de pays signeront finalement cette conven- ritoriale « est constituée par la ligne dont chaque
tion. La construction de la notion de plateau conti- point est à une distance égale à la largeur de la G. ROSSATANGA-RIGNAULT, S. CHARRIER
nentale restait à faire. La jurisprudence s’y exerça dans mer territoriale du point le plus proche de la
Figure 1 - Zonage des espaces
un célèbre arrêt de la Cour internationale de Justice ligne de base » (article 4), cette dernière étant marins de l’État en s’éloignant
(affaire du plateau continental de la Mer du Nord) normalement « la laisse de basse mer le long de la côte, telle de la côte

affirmant que « Le droit de l’État riverain sur son plateau qu’elle est indiquée sur les cartes marines à grande échelle
continental a pour fondement la souveraineté qu’il exerce reconnues officiellement par l’État côtier » (article 5). La
sur le territoire dont le plateau continental est le prolon- mer territoriale constitue un espace de souveraineté à
gement naturel sous la mer ». Il faudra néanmoins at- peine moins fort que les eaux intérieures.
tendre 1982 pour voir véritablement consacré et défini Zone contiguë
le plateau continental dans la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer signé dans la petite station Contiguë à la mer territoriale de l’État, la zone conti-
balnéaire jamaïquaine de Montego Bay. guë « ne peut s’étendre au-delà de 24 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de
Avant d’explorer les profondeurs du plateau continen- la mer territoriale » (article 33 CMB). À partir de la zone
tal dans la Convention de Montego Bay (la CMB), il est contiguë, les compétences de l’État commencent à se
utile de rappeler brièvement les autres espaces marins de dégrader, même s’il peut y exercer « le contrôle nécessaire
l’État en s’éloignant progressivement de la côte (fig. 1). en vue de :

369
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

6° 7° 8° 9° 10° 11°
2° N
a) prévenir les infractions à ses lois et règlements douaniers, fis-
Bathymétrie Île de caux, sanitaires ou d’immigration sur son territoire ou dans sa
(en m) Principe GUINÉE mer territoriale ;
0
ÉQUATORIALE
SAO TOMÉ- b) réprimer les infractions à ces mêmes lois et règlements com-
30 ET-PRINCIPE A mises sur son territoire ou dans sa mer territoriale ».
200 Île Mbanié B Cocobeach
1° N

1 000
Île de C Conçue comme sas de sécurité avant la mer territoriale, la
Sao Tomé Cap Estérias
2 000 D Libreville zone contiguë a été consacrée par la Conférence de codification
Pointe Ngombé
3 000 de La Haye de 1930 avec pour objectif de dissuader les États
4 000
0° d’étendre outre mesure leur mer territoriale.
E La Zone économique exclusive (ZEE)
Île de Cap Lopez
Annobon Port-Gentil GABON La CMB ne définit pas la largeur de la ZEE, mais elle fixe la
1° S
(Guinée Éq.) limite à ne pas dépasser : « 200 milles marins des lignes de base à
partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale » (ar-
ticle 57). Il s’agit d’une « zone située au-delà de la mer territoriale
et adjacente à celle-ci, soumise au régime juridique particulier établi
2° S
par la présente convention, en vertu duquel les droits et la juridiction
de l’État côtier et les droits et libertés des autres États sont gouvernés
© IGARUN, Université de Nantes
eaux intérieures du Gabon par les dispositions pertinentes de la Convention » (article 55).
ligne de base du Gabon
3° S Concrètement, L’État dispose dans sa ZEE des droits souve-
limite d’État
rains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et
Mayumba
Source : décret n° 2066/PR/MHCUCDM du 4 décembre 1992
de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biolo-
N
(Division du Droit de la Mer, ONU), bathymétrie SHOM 0 50 100 km giques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins
S. CHARRIER CONGO
4° S et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activi-
Figure 2 - Les lignes de base du Gabon conformément au décret n° 2066/PR/MHCUCDM du tés tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des
4 décembre 1992 (Division du Droit de la Mer, ONU) fins économiques, telles que la production d’énergie à partir de
Point A : Cocobeach (point astro) - latitude : 1°00’02’’ N, longitude : 9°34’58’’ E l’eau, des courants et des vents. Il y exerce sa juridiction en ce
Point B : Mbanié - latitude : 0°48’39’’ N, longitude : 9°22’50’’ E qui concerne la mise en place et l’utilisation d’îles artificielles,
Point C : Cap Estérias (Pointe Megombié) - latitude : 0°35’19’’ N, longitude : 9°19’01’’ E d’installations et d’ouvrages, la recherche scientifique marine,
Point D : Pointe Ngombé (phare Pointe Denis) - latitude : 0°18’35’’ N, longitude : 9°18’19’’ E la protection et la préservation du milieu marin. Fruit d’une
Point E : Cap Lopez - latitude : 0°37’54’’ S, longitude : 8°42’13’’ E longue évolution, la ZEE est apparue comme une victoire3
Du Cap Lopez à la frontière avec le Congo, la mer territoriale est mesurée à partir de la laisse de des pays du tiers-Monde désireux d’étendre leur juridiction
basse mer le long de la côte.

3. Malgré l’opposition des grandes puissances maritimes (USA, France,


Grande-Bretagne).

370
Chapitre 16 - Le Gabon et sa mer : mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur
le Droit de la Mer pour une extension des droits souverains sur le plateau continental

au-delà des limites d’alors de la mer territoriale dans continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de
la CMB4. La dégradation de la souveraineté de l’État base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer
entamée dans la zone contiguë est plus manifeste dans territoriale, lorsque le rebord externe de la marge conti-
la ZEE où l’État côtier n’est plus souverain mais dispose nentale se trouve à une distance inférieure.
seulement de droits souverains. Ces droits souverains 2. Le plateau continental ne s’étend pas au-delà des li-
consistent, pour l’essentiel, à fixer et assurer l’applica- mites prévues aux paragraphes 4 à 6.
tion des règles relatives à l’exploration, l’exploitation,
3. La marge continentale est le prolongement immergé de
la conservation et la gestion des ressources naturelles
la masse terrestre de l’État côtier ; elle est constituée par les
existant dans la masse aquatique, dans les fonds marins
fonds marins correspondant au plateau, au talus et au glacis
et en sous-sol. Cette souveraineté dégradée, équilibre
ainsi que leur sous-sol. Elle ne comprend ni les grands fonds
entre la juridiction de l’État côtier et les droits des
des océans, avec leurs dorsales océaniques, ni leur sous-sol ».
autres États, implique les libertés de navigation et de
survol pour les autres États. À la suite de ce qui précède, l’article 76 donne, sur 7
autres paragraphes, un luxe de précisions sur ce qu’est et
Le plateau continental dans la CMB sur ce que n’est pas le PC dont on retiendra ce qui suit :
Dans une approche plus géographique que juridique - c’est à l’État côtier qu’il revient de définir le rebord
(et surtout fort complexe), la Convention de Montego externe de la marge continentale lorsqu’elle s’étend au-
Bay (article 76) donne la définition suivante du plateau delà des 200 milles marins des lignes de base, à condi-
continental (PC)5 : tion de ne pas dépasser les 350 milles marins au-delà
des lignes de base à partir desquelles est mesurée la lar-
« 1. Le plateau continental d’un État côtier comprend les geur de la mer territoriale ou une distance n’excédant
fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, pas 100 milles marins de l’isobathe de 2 500 mètres6;
sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire - c’est aussi à l’État côtier de communiquer les in-
terrestre de cet État jusqu’au rebord externe de la marge formations sur les limites de son plateau continental,
lorsque celui-ci s’étend au-delà de 200 milles marins
4. Toutefois, si cette zone est consacrée par la CMB, elle apparaît des lignes de base à partir desquelles est mesurée la lar-
en réalité beaucoup plus tôt à la suite de l’action de certains États. En geur de la mer territoriale, à la Commission des Limites
effet, dès 1947, deux États d’Amérique du Sud (Chili, Perou) allaient du Plateau Continental de l’ONU.
étendre leur mer territoriale à 200 milles nautiques (Déclaration de
Santiago du Chili). Neuf autres États de ce continent suivront le Comme on peut s’en rendre compte, le PC est défini
mouvement en 1970 (Déclaration de Montevideo). En Europe, c’est « négativement » par une limite à ne pas dépasser (350
l’Islande qui commencera par étendre ses droits de pêche exclusive à
50 milles nautiques au grand désarroi de la Grande-Bretagne et de
milles marins) plutôt que par une largeur précise. On
la République Fédérale d’Allemagne qui saisiront la Cour Internatio- rappellera que l’un des points d’achoppement qui a
nale de Justice, laquelle donnera tort à l’Islande. En réponse aux arrêts
de la CIJ (1974), l’Islande ira encore plus loin en passant de 50 à 200
milles nautiques en 1975. 6. Lorsqu’il apparaît que le rebord externe de la marge continen-
tale est situé au-delà des 200 milles ; l’État peut étendre son plateau
5. voir page suivante. continental jusqu’à 350 milles maximum.

371
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

5 . «  (4a) Aux fins de la Convention, l’État côtier définit le rebord externe de longtemps retardé l’adoption de la Convention de
la marge continentale, lorsque celle-ci s’étend au-delà de 200 milles marins des Montego Bay a été la question de la largeur du PC ; les
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, par : États n’arrivant pas à s’accorder sur une largeur, certains
i. Une ligne tracée conformément au paragraphe 7 par référence aux points ayant même tendance à ne pas envisager une limite...
fixes extrêmes où l’épaisseur des roches sédimentaires est égale au centième au
moins de la distance entre le point considéré et le pied du talus continental ; ou C’est donc pour éviter ce qui a causé la perte de la
ii. Une ligne tracée conformément au paragraphe 7 par référence à des points Convention de Genève sur le PC que la « solution mi-
fixes situés à 60 milles marins au plus du pied du talus continental. racle » a été trouvée dans l’article 76 de la CMB : tous
(4b) Sauf preuve du contraire, le pied du talus continental coïncide avec la les États côtiers auront automatiquement droit, lorsque
rupture de pente la plus marquée à la base du talus. la nature elle-même le permet, à un PC juridique de
(5) Les points fixes qui définissent la ligne marquant, sur les fonds marins, la 200 milles marins7 (correspondant en fait à la ZEE).
limite extérieure du plateau continental, tracée conformément au paragraphe
4, lettre a), i) et ii), sont situés soit à une distance n’excédant pas 350 milles
S’agissant du régime juridique, on retiendra que
marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer l’État côtier dispose sur le plateau continental de droits
territoriale, soit à une distance n’excédant pas 100 milles marins de l’isobathe de souverains sans pour autant exercer de souveraineté. La
2 500 mètres, qui est la ligne reliant les points de 2 500 mètres de profondeur. souveraineté est la puissance absolue et exclusive exer-
(6) Nonobstant le paragraphe 5, sur une dorsale sous-marine, la limite exté- cée sur tout et sur tous par le souverain qu’est ici l’État.
rieure du plateau continental ne dépasse pas une ligne tracée à 350 milles marins On peut l’illustrer par le dicton « charbonnier est maître
des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale. chez lui ». Lorsque cette puissance n’est plus exclusive et
Le présent paragraphe ne s’applique pas aux hauts-fonds qui constituent des élé-
ments naturels de la marge continentale, tels que les plateaux, seuils, crêtes, bancs ne s’exerce plus sur tout, on parle de droits souverains.
ou éperons qu’elle comporte. De fait, s’agissant du plateau continental, les droits de
(7) L’État côtier fixe la limite extérieure de son plateau continental, quand ce l’État8 portent pour l’essentiel sur les ressources natu-
plateau s’étend au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles relles9 de cet espace comme le montre l’article 77 de la
est mesurée la largeur de la mer territoriale, en reliant par des droites d’une lon- CMB :
gueur n’excédant pas 60 milles marins des points fixes définis par des coordonnées
en longitude et en latitude. « 1. L’État côtier exerce des droits souverains sur le pla-
(8) L’État côtier communique des informations sur les limites de son plateau teau continental aux fins de son exploration et de l’exploi-
continental, lorsque celui-ci s’étend au-delà de 200 milles marins des lignes de tation de ses ressources naturelles.
base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, à la Commis-
sion des Limites du Plateau Continental constituée en vertu de l’annexe II sur la
base d’une représentation géographique équitable. La Commission adresse aux
7. Certains États sont géographiquement défavorisés par la nature. Leur
États côtiers des recommandations sur les questions concernant la fixation des li-
plateau continental géographique est si étroit qu’il n’atteint pas les 200 milles
mites extérieures de leur plateau continental. Les limites fixées par un État côtier
marins. En accordant à tous la même largeur, le système instauré par la CMB
sur la base de ces recommandations sont définitives et de caractère obligatoire.
leur est donc favorable. D’autres, dont les côtes font face à celles d’autres États
(9) L’État côtier remet au Secrétaire général de l’Organisation des Nations peuvent même ne pas en bénéficier.
Unies les cartes et renseignements pertinents, y compris les données géodésiques,
qui indiquent de façon permanente la limite extérieure de son plateau continen- 8. « Ces droits sont indépendants de l’occupation effective ou fictive, aussi bien
tal. Le Secrétaire général donne à ces documents la publicité voulue. que de toute proclamation expresse ».
(10) Le présent article ne préjuge pas de la question de la délimitation du 9. Ressources minérales et autres ressources non biologiques des fonds marins
plateau continental entre des États dont les côtes sont adjacentes ou se font face  ». et de leur sous-sol, organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires.

372
Chapitre 16 - Le Gabon et sa mer : mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur
le Droit de la Mer pour une extension des droits souverains sur le plateau continental

2. Les droits visés au paragraphe 1 sont exclusifs en ce marin de l’État quand bien même, comme on l’a vu
sens que si l’État côtier n’explore pas le plateau continental plus haut, l’État ne dispose sur le plateau continental
ou n’en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut en- étendu que de droits souverains. Concrètement d’une
treprendre de telles activités sans son consentement exprès ». largeur de ZEE de 250 milles marins (370 km), on
Les droits souverains de l’État côtier ne sauraient peut passer à 350 milles (648 km). Or, même une
nuire aux droits et libertés des autres États sur les eaux extension de quelques dizaines de milles offre des
surjacentes ou l’espace aérien au-dessus de ces eaux. milliers de kilomètres carrés supplémentaire à l’État.
Ainsi, tous les autres États disposent de la liberté de Un supplément d’espace sur lequel l’État côtier peut
navigation autant que du droit de poser des câbles ou escompter des bénéfices importants, en tous cas des
des pipelines sur le plateau continental (dont le tracé perspectives intéressantes en matière d’exploitation
doit néanmoins être agréé par l’État côtier). de ressources telles que : hydrocarbures, ressources
halieutiques et autres organismes vivants, métaux
Afin de bénéficier de ces droits souverains, il revient divers (argent, zinc, or, cobalt, platine, etc...), hydro-
à chaque État qui estime que sa marge continentale gène naturel, terres rares etc...
s’étend au-delà de 200 milles marins d’en apporter
la démonstration : c’est le processus de demande Au-delà de l’intérêt économique, sur le plan straté-
d’extension de la limite extérieure du plateau conti- gique, l’extension offre une projection stratégique im-
nental  ; une opération complexe (techniquement, portante, le plateau continental étendu constituant de
scientifiquement et juridiquement) et coûteuse10 fait un sas supplémentaire avant la mer territoriale. De
parce que mobilisant une expertise et surtout une même, si la CMB affirme clairement que l’extension ne
logistique relativement lourde en matière bathymé- vaut pas délimitation, il reste qu’elle peut grandement
trique, sismique etc. Quel est l’intérêt pour l’État y contribuer le moment venu.
d’étendre son plateau continental ? Le plus évident Concrètement, un projet d’extension du plateau
est, bien entendu, celui de l’accroissement de l’espace continental revient à constituer un dossier technique
et juridique à soumettre à l’examen de la Commission
des Limites du Plateau Continental de l’ONU, qui
10. À titre de comparaison, alors que la France avait prévu un budget statue sur la demande d’extension avant de la rendre
moyen de 2,5 millions d’euros (1 640 000 000 francs CFA) par an pour
son projet d’extension, le Danemark consacrait annuellement 40 millions
opposable, le cas échéant, à tous les États-membres.
d’euros (26 240 000 000 francs CFA). Quant au projet gabonais, il a
coûté 2 000 000 000 de francs CFA (3 048 781 d’euros). Bien entendu, L’extension du plateau
le coût définitif dépend surtout de la surface à couvrir. Ainsi, la surface continental gabonais
concernée au Gabon n’est pas comparable à celle de la France qui sera
probablement, à la fin de son processus d’extension, la première puissance Ayant signé la CMB en 1982, le Gabon ne la rati-
mondiale dans la matière car, outre la France métropolitaine, elle dispose fiera que seize ans plus tard (le 10 avril 1998), quatre
d’un plateau continental dans quasiment tous les continents et océans (en
Amérique du Nord avec Saint-Pierrre et Miquelon, en Amérique du Sud ans après son entrée en vigueur. Il faudra encore plus
avec les Antilles, dans le Pacifique avec la Polynésie et la Nouvelle Calédo- de temps pour que le gouvernement se convainque de
nie, dans l’Océan Indien avec la Réunion et Mayotte etc…). la nécessité de l’extension du plateau continental et

373
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

de l’urgence de la mise en place d’un projet dédié11. d’administrations13, le Comité n’avait pas vocation
C’est donc le 20 octobre 2007 que le Conseil des Mi- à réaliser le projet, sa mission étant plutôt de « su-
nistres a décidé la mise en place d’un projet d’exten- perviser la formulation, la mise en œuvre, le suivi et
sion du plateau continental national avant que ne soit l’évaluation du projet d’extension du plateau conti-
signé, le 14 février 2008, le décret 184/PR/MAEC- nental gabonais au-delà des 200 milles ».
FIR portant création, attributions et fonctionnement
Dans ce cadre, il lui revenait de :
du Comité National du Projet d’Extension du Plateau
Continental, en abrégé GabEx-PC (Gabon Extension • définir les objectifs et les priorités du projet ;
du Plateau Continental). • procéder à l’évaluation des ressources humaines, ma-
Constitué en mars 2008, GabEX-PC démarrera térielles et financières nécessaires à l’exécution du projet ;
ses travaux en lançant l’appel d’offres international • formuler les stratégies pour la mobilisation des
en vue de la sélection du groupe12 devant assister ressources ;
le Comité dans la réalisation du projet. En effet,
composé de représentants d’un certain nombre • valider les options stratégiques ;
• approuver les programmes et les budgets ;
• contrôler l’exécution des études et travaux ;
11. Il faut bien dire que peu d’États avaient conscience de cette néces-
sité. Ainsi, par exemple, après avoir ratifié la CMB en 1996, ce n’est
• finaliser le dossier à présenter à la Commission
qu’en 2003 que la France a mis en place le projet EXTRAPLAC (Exten- des Limites du Plateau Continental de l’Organisa-
sion Raisonnée du Plateau Continental). Pour mémoire, à la fin 2013, tion des Nations Unies.
une soixantaine d’États avaient déposé une soumission en vue de l’exten-
sion de leur plateau continental. Sur ce total, on compte 12 États afri- Concrètement, le projet s’est déroulé en trois
cains (Ghana, Afrique du Sud, Kenya, Maurice, Nigeria, Côte d’Ivoire, grandes phases : l’étude préliminaire, l’étude in situ et
Namibie, Mozambique, Madagascar, Gabon, Tanzanie et Angola) sur l’élaboration du dossier juridique.
une trentaine disposant d’une façade maritime. Sur les 11 États que
compte le golfe de Guinée géographique (de la Côte d’Ivoire à l’Angola) L’étude préliminaire (desktop study) a consisté à
seuls 4 ont bouclé leur projet d’extension et déposé une soumission (Côte rechercher, inventorier et analyser toutes les données
d’Ivoire, Ghana, Nigeria et Gabon). Et dans l’espace CEMAC-CEE, le
Gabon est le seul pays à avoir déposé et soutenu sa soumission.
existantes nécessaires à la constitution du dossier pré-
liminaire. Dans ce cadre, le Comité a examiné les tra-
12. En fait de groupe, ce sont deux groupes qui, finalement, assiste- vaux scientifiques traitant de la zone envisagée autant
ront le Comité. En effet, au moment du dépouillement des offres de la
demi dizaine de candidatures, aucun groupe n’obtiendra le minimum
que d’autres données existantes (cartes marines, profils
de note exigé dans chacune des composantes de l’offre (technique et
scientifico-juridique). Face à cet appel d’offres infructueux, et plutôt
que d’en lancer un nouveau, le choix fut fait de retenir le premier de 13. Président : le représentant de la Présidence de la République. Secré-
chaque composante et d’ensuite demander aux deux récipiendaires taire Exécutif : le représentant du Ministère Affaires Étrangères. Membres :
de se constituer en pool. Ce qu’acceptèrent le groupe norvégien DOF Primature (services du Premier Ministre) et ministères suivants : Mines et
SUBSEA (composante technique) et la firme anglaise Maritime Zone Pétrole, Finances, Défense nationale, Intérieur, Environnement, Recherche
Solutions Limited (composante scientifico-juridique). scientifique, Eaux et Pêche, Marine marchande, Cadastre.

374
Chapitre 16 - Le Gabon et sa mer : mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur
le Droit de la Mer pour une extension des droits souverains sur le plateau continental

5° O 0° 5° E 10° E

BÉNIN
sismiques...). C’est sur la base de ces premiers élé- TOGO
NIGÉRIA
ments que le Comité a pu, en juin 2009, présenter CÔTE D’IVOIRE GHANA
sa Soumission Préliminaire aux Nations Unies. LIBÉRIA
5° N CAMEROUN
Au cours de la deuxième phase, étude in situ, il
s’agissait de vérifier sur le terrain (campagnes en Zone d’intérêt commun
Extension du plateau continental Nigéria / Sao Tomé-
mer) les hypothèses émises dans la Soumission pré- revendiquée par le Ghana et-Principe
liminaire et, surtout, d’en apporter la démonstra- Principe GUINÉE
tion scientifique. Pour ce faire, il fallait acquérir des SAO TOMÉ-
ÉQUATORIALE
Extension du plateau continental
données complémentaires (géologiques, bathymé- revendiquée par le Bénin, le Ghana, Sao Tomé- ET-PRINCIPE Île Mbanié
triques, sismiques…) et en assurer l’interprétation. 0°
Extension du plateau continental BASSIN et-Principe, le Nigéria et le Togo Sao Tomé Eaux contestées entre
revendiquée par la Côte d’Ivoire GUINÉEN le Gabon et la Guinée équatoriale
Quant à la dernière phase, elle revenait à élaborer Bathymétrie GABON
le dossier (des milliers de données numériques et de (en m) Île d’Annobón
0 (GUINÉE ÉQ.)
pages de documents) de la soumission définitive à
200
présenter à la Commission des Limites du Plateau 1 000 Extension du plateau continental Zone d’intérêt commun
CONGO
Continental. Ce dossier conçu selon une procédure 2 000
revendiquée par la Guinée équatoriale Angola - Congo a
5° S

ind
précise vise à exposer le plus clairement les bases RÉP. DÉM.

Cab
3 000 Extension du plateau continental correspondant DU CONGO
sur lesquelles la République gabonaise fonde sa 4 000 à la soumission présentée par le Gabon à l’ONU
demande d’extension et détermine ses limites en se 5 000
fondant sur l’article 76 de la CMB. Extension du plateau continental
Eaux contestées entre
revendiquée par le Gabon et l’Angola
extension revendiquée par plusieurs états l’Angola et la RDC
Le 10 avril 2012, le Président du Comité GabEx-
PC et l’Ambassadeur du Gabon aux Nations Unies extension revendiquée par un seul état
10° S
ont procédé au dépôt officiel de la soumission d’ex- eaux contestées Extension du plateau continental
revendiquée par l’Angola
tension du plateau continental du Gabon à la Divi- eaux archipélagiques
sion du Droit de la Mer de l’ONU à New York.
zone commune d’exploitation
BASSIN
Conformément aux règles de procédure en la ma-
limite de la Zone économique exclusive (ZEE)
tière, la synthèse de la soumission gabonaise a été mise
à la disposition de tous les États-Parties et publiée sur limite de la ZEE ayant fait l’objet ANGOLAIS ANGOLA
15° S d’un accord bilatéral
le site de la Commission des Limites14 (fig. 3).
© IGARUN, Université de Nantes

limite d’équidistance virtuelle


Deux mois plus tard, les Nations Unies ont reçu une N
limite d’État
note verbale de l’Angola, datée du 7 juin 2012, par
}
gisement de pétrole
en exploitation

laquelle ce pays émettait des réserves sur la limite sud gisement de gaz 0 200 400 km
État côtier Extension du plateau NAMIBIE
de l’extension gabonaise au regard de traités signés par continental revendiquée
Sources : Oceans and Laws of the Sea (www.un.org/Depts/los/clcs_new/clcs_home.htm)
l’Angola avec d’autres États (sans du reste les citer). 20° S modifié d’après D. ORTOLLAND et J.P. PIRAT (2010), R. DENHEZ (2014)
par la Namibie
S. CHARRIER

Figure 3 - Projections d’extension du plateau continental dans le golfe de


14. http://www.un.org/Depts/los/clcs_new/clcs_home.htm Guinée et zones de revendication en litige

375
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Le 30 janvier 2013, une délégation ad hoc 15 a assuré


la présentation et la soutenance publique de la soumis-
sion gabonaise devant la Commission des Limites du
Plateau Continental des Nations Unies à New York. À
cette occasion, après une brève présentation du Gabon,
État côtier Secrétaire général la délégation exprimera sa perplexité par rapport à la
des Nations Unies
Soumission Considération/réaction note verbale de l’Angola, État avec lequel il n’a aucun
par la communauté
internationale
différend frontalier d’autant qu’il ne partage aucune
Acte juridique
définissant la frontière terrestre avec ce pays dont il est séparé par un
limite extérieure
du plateau continental autre État, le Congo Brazzaville16. Après l’examen d’un

limite extérieure limite extérieure


du plateau continental du plateau continental Publication des limites extérieures 15. Outre Mme Marianne Odette BIBALOU, Ambassadeur, Représen-
≤ 200 milles marin > 200 milles marin du plateau contiental considéré
comme définitives et de tant Permanent Adjoint du Gabon à l’ONU et Mme Annette ONANGA,
Oui Non caractère obligatoire Conseiller Juridique de la Mission gabonaise à l’ONU, la délégation était
ainsi composée :
Soumission
nouvelle ou Oui - Dr Guy ROSSATANGA-RIGNAULT (Professeur de droit public et
révisée science politique à l’Université de Libreville-UOB, Conseiller Spécial du Pré-
sident de la République gabonaise, Chef du Département des Affaires Juri-
diques à la Présidence et Président du Comité National du Projet d’Extension
du Plateau Continental de la République gabonaise) ;
Non CLPC - M. Bernard BEKALE MEVIANE (Juriste, Directeur Général du Droit
Recommandations Séance plénière de la Mer au Ministère des Affaires Etrangères du Gabon, Secrétaire Exécutif
favorables de la CLPC
Source :
du Projet d’Extension du Plateau Continental de la République gabonaise) ;
http://www.institut-ocean.org - M. Pierre MAGANGA (Juriste, ancien Directeur Général du Droit
Sous-commission
modifié d’après P. N. COELHO, 2013 de la Mer, Assistant Technique du Président du Comité National du Projet
S. CHARRIER d’Extension du Plateau Continental de la République gabonaise) ;
- Roger SICKOUT MAVOUNGOU (Géophysicien, Conseiller du Pré-
sident de la République, Assistant Technique du Président du Comité National
Figure 4 - Brève description de la procédure devant la CLPC, depuis la présentation de la
demande par l’État côtier jusqu’à la publication des limites extérieures du plateau continental
du Projet d’Extension du Plateau Continental de la République gabonaise) ;
extrait de P. N. COELHO, Qu’est-ce que la Commission des Limites du Plateau Continental ? - Dr Lindsay PARSON (Géologue, Manager de Maritime Zone Solutions
(http://www.institut-ocean.org/images/articles/documents/1374481593.pdf) Limited, Royaume Uni, Conseiller Technique du Comité National du Projet
d’Extension du Plateau Continental de la République gabonaise) ;
- Dr Rosemary EDWARDS (Géophysicienne, Membre de Maritime Zone
Solutions Limited, Royaume Uni, Conseiller Technique du Comité National
du Projet d’Extension du Plateau Continental de la République gabonaise).
16. Signalons d’ailleurs que la République Démocratique du Congo émet-
tra à son tour, le 30 août 2013, une note verbale contestant le contenu de la
note verbale angolaise. En décembre 2013, l’Angola a déposé sa soumission
définitive. On y trouve la confirmation de sa note verbale de 2012. En effet,

376
Chapitre 16 - Le Gabon et sa mer : mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur
le Droit de la Mer pour une extension des droits souverains sur le plateau continental

certain nombre de questions juridiques et techniques, en faveur d’une telle démarche paraissent évidents à
les composants techniques de la soumission (portant plus d’un titre. Le plateau continental étendu signifie
sur un gain de près de 41 000 km2 s’ajoutant à une surtout l’ouverture de nouveaux espaces à la prospec-
ZEE de près de 200 000 km2 pour un territoire ter- tion et l’exploitation de richesses, dont tous les États
restre de 266 667 km2) seront présentés avant que la ont besoin pour conforter leur développement. Cette
délégation ne soit soumise aux observations et ques- opportunité semble par ailleurs d’une portée toute par-
tions des membres de la Commission. ticulière dans cette région du golfe de Guinée, où les
ressources sous-marines abondantes semblent de plus
Normalement, les prochaines étapes du proces-
en plus accessibles, compte tenu de capacités tech-
sus devraient, en abrégé, être les suivantes (fig. 4) :
niques de plus en plus performantes.
annonce par la Commission des Limites du Plateau
Continental de la date du début d’examen de la sou- Mais plus encore, cette quête d’une nouvelle ex-
mission par la Sous-Commission Technique ad hoc ; tension territoriale vers l’océan doit-elle apparaître
annonce par la Commission de la date prévisionnelle comme le symbole d’une nouvelle recherche pour le
de délibération ; recommandations favorables de la Gabon d’une maritimité qui reste encore à construire
Commission ; publication par le Secrétariat Général véritablement. Les voies ouvertes pour cheminer dans
de l’ONU des limites définitives. cette direction semblent se multiplier, avec notam-
On notera que, eu égard à l’état d’engorgement des ment l’ambitieux programme Gabon bleu dont la
soumissions devant la Commission17, les délais d’examen première matérialisation est la création par le décret
et de décision de la Commission sont relativement longs n° 0312 du 25 septembre 2014 du Conseil Natio-
(entre 5 et 15 ans). Cette situation est due à deux facteurs nal de de la Mer18 (voir le chapitre 17 du présent
principaux. D’une part, le caractère non permanent de ouvrage), ou encore la création récente d’un réseau
la Commission et, d’autre part, le fait que la plupart des de parcs marins sur une superficie couvrant 23 % des
États intéressés ont commencé à se présenter devant la eaux territoriales et de la ZEE du Gabon.
Commission tardivement et au même moment.

Conclusion 18. Composé de trois organes (le Comité Stratégique, présidé par le chef
de l’État ; le Comité Technique, présidé par un représentant de la Présidence
Cette quête d’un nouveau front pionnier de droits de la République et le Secrétariat Permanent), il s’agit d’un organe « d’appui
souverains maritimes n’est pas spécifique au Gabon. De à la conception et la coordination de la politique de la mer » (article 1er)
nombreux autres États s’y sont engagés et les arguments « chargé de concevoir et coordonner l’action gouvernementale en matière de :
- délimitation, d’aménagement et de sécurité du domaine mari-
la limite nord de l’extension angolaise chevauche la limite sud du Gabon. time, fluvial et lagunaire du Gabon ;
Au-delà de la gêne occasionnée au Gabon (avec un espace désormais dis- - d’aménagement et de protection de l’environnement marin, flu-
puté de 8 720 km2, soit 766 km2 dans la Zone économique exclusive et vial et lagunaire ;
7 954 km2 sur le Plateau Continental), la limite angolaise au nord signifie - de gestion durable et optimale des ressources halieutiques, pétro-
la quasi-négation d’extension pour les deux Congo. lières et minières ;
17. Sur la Commission, on lira avec profit Jarmache (2008) et Jares (2009). - de transport et commerce maritime, fluvial et lagunaire » (article 2).

377
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

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378
Chapitre 16 - Le Gabon et sa mer : mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur
le Droit de la Mer pour une extension des droits souverains sur le plateau continental

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379
Chapitre 17 - Enjeux du littoral gabonais et politique nationale de la mer
Guy ROSSATANGA-RIGNAULT
Juriste-politiste, Université Omar Bongo, Libreville
Guy-Serge BIGNOUMBA
Géographe, Université Omar Bongo, Libreville

Situé sur la façade occidentale de l’Afrique, le Gabon démersales et semi-pélagiques pour 220 000 tonnes, de
dispose d’une longue façade maritime qui s’étend sur pélagiques pour 237 000 tonnes et de thonidés pour
950 kilomètres de côtes. Il jouit d’une bande littorale 550 000 tonnes. Leur exploitation s’organise autour
d’épaisseur variable, mais suffisamment étendue pour d’un secteur artisanal symbolisé par la pirogue mo-
receler une diversité de ressources naturelles plus ou noxyle et d’un secteur industriel confronté à de mul-
moins abondantes, depuis celles halieutiques et plus tiples carences, notamment au plan infrastructurel (voir
globalement faunistiques et floristiques, portuaires, tou- le chapitre 5 du présent ouvrage). La pêche maritime
ristiques ou encore pétrolières. Ces ressources révèlent a débarqué 25 103 tonnes en 2014, soit 7 027 tonnes
divers niveaux de valorisation qui restent fonction de pour la pêche industrielle et 18 076 pour celle artisanale
leur importance socio-économique pour l’essentiel. (DGPA, 2015). C’est dire que les ressources halieu-
Certaines ont atteint un stade d’exploitation indus- tiques sont exploitées en-deçà de leur potentiel, d’où la
trielles lorsque d’autres attendent d’être véritablement pénurie de poisson observée sur le marché national et
valorisées. Dans tous les cas, elles suscitent plusieurs en- des importations massives pour pallier cette situation.
jeux, qui gravitent autour de leur valorisation optimale, On note, par ailleurs, une répartition inégale de l’acti-
de la sécurisation du patrimoine et du territoire marin, vité halieutique sur l’ensemble du littoral. Libreville et
de la planification de l’occupation du littoral. ses environs en constituent le pôle principal. Les débar-
quements et la consommation y sont, de loin, supé-
Les enjeux du littoral gabonais rieurs aux niveaux enregistrés à Port-Gentil et surtout à
Mayumba, autres villes maritimes du pays.
L’exploitation des ressources littorales gabonaises sou-
lève trois enjeux majeurs : la valorisation optimale des Le tourisme littoral est une activité en devenir tant
ressources naturelles, la sécurisation du patrimoine ma- elle se trouve encore au stade des balbutiements (voir
rin, et la planification de l’occupation spatiale du littoral. le chapitre 8 du présent ouvrage). Le potentiel est
pourtant remarquable. Il se présente sous la forme
La valorisation efficiente d’une flore diversifiée, faite de forêts, savanes et man-
des ressources littorales groves ainsi que d’une extraordinaire richesse faunis-
tique constituée d’éléphants (Loxodonta africana),
Le littoral du Gabon recèle une diversité de res- hippopotames (Hippopotamus amphibius), panthères
sources naturelles, autour desquelles gravitent quatre (Panthera pardus), baleines à bosse (Megaptera no-
principales activités : la pêche, le tourisme, l’activité vaeangliae), etc. L’ensemble se prêterait à un tourisme
portuaire et l’industrie pétrolière. de vision fort couru de nos jours par une clientèle
La pêche repose sur des ressources dont le potentiel internationale avide de nature. Si l’activité balnéaire
biologique est estimé à 1 007 000 tonnes (Ministère connaît un fort succès à Libreville et Port-Gentil dans
de l’Économie forestière, 2004), constitué de ressources une moindre mesure (Bignoumba, 2005), les autres

381
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

formes de tourisme, comme par exemple la pêche des années 1950, avec la mise en exploitation des
sportive du tarpon (Megalops atlanticus) ou du bar- premiers champs pétrolifères au large de Port-Gentil
racuda (Sphyraena afra) à Setté Cama, dans le parc dans la province de l’Ogooué Maritime. Cette der-
national de Loango, vaste de 1 550 km2, demandent nière demeure à ce jour le principal pôle d’exploita-
à être réellement promues. Elles nécessitent pour cela tion pétrolière malgré quelques exploitations au large
que soit mises en place des structures d’accueil appro- de Mayumba dans la province de la Nyanga (voir
priées et des moyens de transport accessibles au plus le chapitre 5 du présent ouvrage). Le Gabon est le
grand nombre pour sortir du cliché qui fait du tou- cinquième producteur de pétrole africain au sud du
risme un loisir de riches. Sahara derrière le Nigeria, l’Angola, la Guinée Équa-
toriale et le Congo. L’épuisement des gisements et
L’activité portuaire se concentre à Libreville et
la baisse du prix du baril depuis 2014 ont plongé le
Port-Gentil. La première, capitale administrative du
pays dans une situation financière délicate. Celle-ci
Gabon, est la principale porte d’entrée et de sortie
relance, plus qu’hier, le débat sur la nécessaire diver-
des importations et exportations du pays. Durant
sification économique du pays qui doit se libérer de
l’époque coloniale, le Port-môle, situé non loin du
l’impérialisme pétrolier. Ceci n’empêche cependant
centre-ville, constituait l’unique infrastructure de
pas l’action de l’État à intensifier la recherche pétro-
cette nature. Il connaîtra plusieurs agrandissements
lière dans les domaines de l’offshore profond, voire
en 1962, 1969, 1970 et 1971. En 1974, le port en eau
très profond. En cas de succès, ces opérations permet-
profonde d’Owendo, vaste ensemble polyfonctionnel
traient de relancer une industrie pétrolière au creux
situé à 15 kilomètres au sud de Libreville, est mis en
de la vague et une économie nationale dont l’essentiel
service et vient supplanter le port-môle. Il bénéficie des recettes budgétaires de l’État et des exportations
d’une situation favorable qui facilite l’écoulement de dépendent du pétrole.
la marchandise sur le principal marché national. En
revanche, son site constitue une véritable contrainte. Toutefois, au regard des difficultés actuelles de l’in-
Situé en plein estuaire du Gabon, le port souffre de dustrie pétrolière, il est clair que les perspectives de
l’envasement dû au charriage des matériaux prove- l’économie des régions atlantiques gabonaises doivent
nant des rivières qui y débouchent ; ce qui nécessite davantage s’orienter vers des ressources renouvelables
de fréquentes opérations de dragage et occasionne sous-exploitées à ce jour, tout en tenant compte de la
des coûts d’entretien onéreux. Quant à Port-Gentil, sécurisation des milieux littoraux.
il constitue une zone industrialo-portuaire traitant en
principal des activités pétrolières, et secondairement L’enjeu de sécurisation
celles liées au bois, à la pêche industrielle, à la chimie,
La sécurisation du littoral gabonais se pose à deux
à la pétrochimie, à l’entreposage, etc.
niveaux. Elle postule tout d’abord un impératif de
Les ressources pétrolières ont permis au Gabon de précaution dans l’exploitation des ressources pour
connaître, des décennies durant, une réelle opulence en garantir la pérennité. Elle suppose ensuite la lutte
financière. L’industrie pétrolière remonte au tout début contre toutes les formes d’activités illicites.

382
Chapitre 17 - Enjeux du littoral gabonais et politique nationale de la mer

Le littoral est une zone extrêmement riche en res- capacités d’autoreproduction des ressources au risque
sources de toutes natures. Ces ressources suscitent de les mettre en péril. Au-delà de l’attention à porter
auprès des usagers potentiels, appétits, convoitises, aux modalités d’exploitation des ressources littorales,
voire concurrences et compétitions pour se les appro- la création de parcs marins, qui consacre 23 % de
prier sinon s’en assurer le contrôle. C’est en cela que le la Zone économique exclusive (ZEE) du Gabon, sur
littoral apparaît comme l’une des zones les plus attrac- décision du Président de la République, répond à une
tives du globe terrestre. À l’échelle du monde, on es- réelle volonté de conservation des ressources biolo-
time que 60 % de la population vit aujourd’hui dans giques marines (voir chapitre 15 du présent ouvrage).
la grande zone côtière et qu’à l’horizon 2035, ce sont
Quant à la sécurisation du patrimoine marin, elle
75 % de cette population mondiale qui s’y concen-
treront (WWF/IUCN). À celle du Gabon, le dernier appelle la protection de l’intégrité du territoire natio-
recensement de la population de 2013 a permis de nal en le mettant à l’abri des activités illicites de toute
confirmer également cette concentration de la popu- nature. Elles peuvent aller de l’immigration clandes-
lation et des activités dans les régions littorales, qui tine aux trafics humains, à la pêche illégale jusqu’à la
regroupent 61 % des habitants du pays sur 18 % de piraterie (Faure et al., 2016). Ces activités concernent
son territoire (voir le chapitre 7 du présent ouvrage). également la pollution marine qui constitue l’une des
De cette forte attractivité du littoral, peut en découler menaces les plus courantes pesant sur la biodiversité
une surexploitation ou surutilisation des ressources. marine. Quoi qu’il en soit, la sécurisation du territoire
maritime du Gabon reste problématique en raison de
En l’absence de toute précaution, autrement dit la porosité des frontières maritimes du pays. Cette
d’une stratégie d’exploitation rationnelle des res- défaillance est symbolisée par le phénomène bien
sources, on court le risque de leur extinction ou de connu des « dos mouillés », ces migrants clandestins
leur épuisement, ce qui serait de nature à remettre qui gagnent la terre ferme à la nage et dont la presse
en cause la pérennité des ressources et conséquem- nationale s’en fait régulièrement l’écho.
ment de leur exploitation. Ici est posé un enjeu de
sécurisation des activités économiques en lien avec L’enjeu de planification
les ressources en exploitation. Il y a donc lieu d’ins-
crire celle-ci dans une démarche de durabilité, c’est- Les convoitises dont le littoral peut faire l’objet
à-dire intégrer les contraintes environnementales appellent une attention particulière sur ses formes
dans l’exploitation de ces ressources. L’objectif vise d’occupation. Le littoral est une zone naturelle-
une utilisation rationnelle des ressources naturelles ment conflictogène en raison de la diversité, voire
qui doit tenir compte du respect de certains seuils de l’abondance des ressources, de la multiplicité des
au-delà desquels l’intégrité du stock peut s’en trouver usagers aux intérêts parfois divergents. Il existe deux
menacée. Toute exploitation « minière » des ressources grandes familles d’usagers : les exploitants, divers par
doit donc être proscrite. C’est le cas par exemple des leurs activités, et les pouvoirs publics et autres orga-
ressources halieutiques pour lesquelles l’effort de nismes de régulation de l’utilisation des ressources
pêche exercé sur les stocks ne doit pas dépasser les littorales. À partir de là, l’exercice consiste à faire en

383
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

sorte de préserver les intérêts de l’une ou l’autre fa- En effet, l’Action 32 du PSGE (« Maîtrise de l’espace ma-
mille. Il s’agit en fait d’œuvrer à une gestion intégrée ritime ») engage l’État à définir une politique ambitieuse
du littoral. de la mer1 incluant la maîtrise de l’espace maritime en
matière de sécurité globale adressant tous les facteurs de
L’exploitation des ressources littorales appelle en effet
risques (sécurité de navigation avec le développement de
une approche holistique ou globale de la zone côtière,
la piraterie, sécurité environnementale et prévention des
qui constitue un socio-écosystème où se rencontrent les
risques associés à l’exploitation pétrolière, gazière, voire
hommes et leurs activités dans une relation dialectique.
minière, la protection des écosystèmes humides en zones
C’est un géosystème où ses différentes composantes lagunaires et des aires marines protégées).
sont en inter-relation les unes avec les autres, d’où la
nécessité de les faire cohabiter de façon harmonieuse, Toutefois, la réalisation d’une telle ambition sup-
c’est-à-dire intégrée. Il s’agit d’intégration spatiale et pose que soit levé un certain nombre d’hypothèques
fonctionnelle, pour faire en sorte que le développement tenant à la diversité des services de l’État opérant en
d’une ou plusieurs activités ne s’opère pas au détriment mer, à la faiblesse des moyens des uns et des autres et
des autres. Dans cette perspective, le zonage peut se à leurs féodalités et atavismes. En effet, et c’est bien
révéler être une approche pertinente. Une réglementa- connu, « rien n’est plus difficile que de faire collaborer
tion la plus rigoureuse apparaît également nécessaire, les services de deux ministères, et même les services d’un
le tout étant de se doter d’un outil spécialement dédié. même ministère » (Pisani, 1956).
Dans le cas du Gabon, le Conseil National de la Mer C’est pour lever ces hypothèques qu’a été créé, par
apparaît être l’organe le plus indiqué à cette fin. le décret n° 312/PR du 25 septembre 2014, le Conseil
National de la Mer (CNM).
Le Conseil National de la Mer comme
instrument d’une politique de la mer Missions du Conseil National de la Mer
au Gabon
Conçu comme « organe de conception, de planifica-
Longtemps négligé, l’espace marin du Gabon fait tion et de coordination de la politique de la mer », le
l’objet depuis quelques années d’une prise en compte CNM est notamment chargé de « concevoir et coordon-
de plus en plus conséquente de sa réalité par l’État. De ner l’action gouvernementale en matière de :
fait, au début de la décennie 2000, l’État gabonais a
commencé à orienter sa politique maritime dans une - délimitation , aménagement et sécurité du domaine
triple perspective : la sauvegarde de la souveraineté ma- maritime, fluvial et lagunaire du Gabon ;
ritime nationale, la sécurisation de son espace marin et - aménagement et protection de l’environnement ma-
la mise en œuvre des différents instruments internatio- rin, fluvial et lagunaire ;
naux relatifs à la mer et à son environnement.
1. Ladite politique nationale de la mer a vocation à s’intégrer dans
Ce mouvement a ensuite été formalisé à partir de 2009 une perspective régionale (le golfe de Guinée) qui s'appuie sur les prin-
dans le Plan Stratégique Gabon Émergent (PSGE, 2012) cipes de résolution pacifique des différends, de sécurité commune et de
dont le « Gabon bleu » est une composante essentielle. mutualisation des moyens.

384
Chapitre 17 - Enjeux du littoral gabonais et politique nationale de la mer

- gestion durable et optimale des ressources halieu- des différents départements ministériels concernés3,
tiques, pétrolières et minières ; formule des avis et recommandations soumis à la
- de transport et commerce maritime, fluvial et lagunaire ». décision du Comité Stratégique. Il sert de cadre de
résolution des différends pouvant intervenir entre les
De même, le CNM est consulté sur toute question différentes administrations concernées par la mer et
touchant à la mer. prépare, en cas d’urgence (pollution, répression d’ac-
À cet égard, il est nécessaire de bien préciser que tivités illicites...), les décisions des administrations
le CNM ne se présente pas comme une organisation concernées.
supplémentaire de mille-feuille administratif gabo- Enfin, le Secrétariat Permanent assure la perma-
nais. Il s’agit, en réalité, d’un centre d’harmonisation nence et la coordination des activités du CNM.
des politiques publiques de la mer tant au niveau de
la conception qu’au niveau de l’exécution. Autrement Moins de deux ans après sa création, on peut affir-
dit, le CNM n’a pas vocation à se substituer à l’une mer que le CNM a largement justifié son existence
ou l’autre des administrations et encore moins à l’en- en permettant aux différentes administrations d'agir
semble. Il est plutôt un juge de paix et un catalyseur ensemble en mutualisant les intelligences comme
de l’action collective, chaque administration restant les moyens. De même, c’est dans son cadre qu’est
totalement compétente dans son domaine. en train de s’élaborer la Stratégie Maritime Intégrée
(SMI) du Gabon.
Organisation du Conseil National de la Mer
Le CNM se compose d’un Comité Stratégique, d’un 3. Outre le Président (représentant la Présidence de la Répu-
Comité Technique et d’un Secrétariat Permanent. blique), le Comité Technique du CNM compre nd les responsables
suivant : le Chef d’État-Major de la Marine Nationale, le Comman-
Instance d’orientation et de décision, le Comité dant en Chef de la Gendarmerie Nationale, le Directeur Général de
Stratégique réunit, autour du Président de la Répu- la Documentation et de l’Immigration, le Président du Comité Na-
blique, le Premier ministre et l’ensemble des chefs de tional du Projet d’Extension du Plateau Continental, le Secrétaire
départements ministériels concernés par la mer2. Permanent de la Commission Nationale des Frontières, le Directeur
Général du Droit de la Mer, le Directeur Général de la Marine Mar-
Chargé d’assurer l’étude de toutes les questions chande, le Directeur Général de la Douane, le Secrétaire Exécutif de
liées à la politique nationale de la mer, le Comité l’Agence Nationale des Parcs Nationaux, le Directeur Général de
Technique, qui regroupe les acteurs opérationnels l’Agence Gabonaise d’Études et d’Observations Spatiales, le Direc-
teur Général des Pêches et de l’Aquaculture, le Directeur Général des
Écosystèmes Aquatiques, le Directeur Général de l’Environnement,
le Directeur Général du Tourisme, le Directeur Général de l’Amé-
nagement du Territoire, le Directeur Général du Cadastre, le Direc-
2. Affaires Étrangères, Administration du Territoire, Défense natio- teur Général des Impôts, le Directeur Général des Hydrocarbures, le
nale, Marine Marchande, Douane, Pêche, Pétrole, Mines, Environ- Directeur Général des Mines, le Directeur Général de l’Office des
nement, Parcs nationaux, Aménagement du territoire, Infrastructures Ports et Rades du Gabon, le Directeur Général du Conseil Gabo-
portuaires, Domaines, Cadastre, Tourisme, Recherche scientifique, nais des Chargeurs, un Représentant de l’Industrie halieutique et un
Travaux publics. Représentant de l’Industrie pétrolière.

385
Compréhension des risques, aménagement et gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

La Stratégie Maritime Intégrée du Gabon - renforcement de la recherche scientifique marine


Conçu comme document de planification straté- en partenariat avec les centres existants (nationaux,
gique, la Stratégie Maritime Intégrée du Gabon (qui régionaux ou internationaux) ;
devrait bientôt être approuvée au plus haut niveau de S’agissant de l’Économie Maritime, la Stratégie Ma-
l’Exécutif ) vise fondamentalement à définir les grands ritime Intégrée s’articule autour des axes suivants:
objectifs stratégiques de la politique en mer de l’État
- re-création d’un pavillon national ;
en matière de Gouvernance, Formation et Recherche
Scientifique, Économie, Sécurité et Défense dont les - transformation progressive de la ressource halieu-
grandes lignes suivent. tique au Gabon ;
- suivi de l’évolution des primes d’assurance, taxes à
S’agissant de la Gouvernance Maritime, la Stratégie l’importation et de la mercuriale ;
Maritime Intégrée se décline ainsi qu’il suit : - meilleure négociation avec l’Union Européenne
- institution d’un cadre de gouvernance du type sur les accords de pêche ;
Préfectures Maritimes dont le nombre et la localisa- - mise en place d’un fonds maritime pour asseoir le
tion restent à préciser ; développement du secteur ;
- prise en compte des questions maritimes au sein - amélioration de la contribution du secteur hydro-
des assemblées délibératives et consultatives (CES, carbures à l’économie nationale ;
Sénat, Assemblée Nationale), notamment par la mise - construction d’infrastructures portuaires consé-
en place de Groupes ; quentes et concurrentielles par rapport aux autres
- institution de Conseils Maritimes de Zone (Es- ports de la sous-région ;
tuaire - Ogooué Maritime - Nyanga) ; - mise en perspective de l’exploitation des ressources
- institution d’une juridiction maritime ; des fonds marins (nodules polymétalliques : manga-
- intégration progressive dans l’ordre interne du nèse, cuivre, nickel et cobalt).
droit international de la mer ;
S’agissant de la Sécurité Maritime, la Stratégie Mari-
- sauvegarde juridique de l’espace marin national time Intégrée impose l’exécution des actions suivantes :
(différends territoriaux et frontières maritimes) ;
- entretien des chenaux de navigation ;
- renforcement de la Coopération Internationale
(OMAOC, OMI, CEEAC, Partenaires Stratégiques). - institution des Plans Nationaux de Sauvetage Ma-
ritime ;
S’agissant de la Formation Maritime et de la Recherche - mise en œuvre de la protection de l’environne-
Scientifique, la Stratégie Maritime Intégrée se donne ment marin (plan de lutte contre le déversement des
les objectifs suivants : hydrocarbures et autres produits toxiques) ;
- création d’un centre d’études et de formation sur - sauvegarde de l’océan, des mammifères marins et
les questions maritimes ; des pêcheries ;

386
Chapitre 17 - Enjeux du littoral gabonais et politique nationale de la mer

- protection des littoraux, notamment contre les société gabonaise. C’est à l’aune de cette considéra-
effets des changements climatiques. tion générale qu’il faut envisager la politique maritime
du Gabon pour les prochaines décennies.
Enfin, et s’agissant de la Défense Maritime, la Straté-
gie Maritime Intégrée se décline ainsi qu’il suit :
- défense du Gabon contre les actes d’agression par Références
voie marine ; Bignoumba, G.-S., 2005. Les gabonais et la mer : des
- prévention des actes terroristes, criminels ou hostiles ; usages des bords de mer à l’émergence d’une culture ma-
ritime à travers l’activité balnéaire à Libreville, Annales de
- protection des droits aux ressources nationales l’Université Omar Bongo, Libreville, n° 11, pp. 98-111.
dans la mer et les fonds marins ;
DGPA, 2015. Rapport d’analyse statistique 2014, 51 p.
- création du Centre de Contrôle de la Situation
Maritime Nationale ; Faure F. E., Njambou L. E. et Madoungou Ndjeunda
- renforcement de la souveraineté et de l’intégrité G. M., 2016. La piraterie et les activités maritimes dans
du territoire national. le golfe de Guinée. État des lieux, menaces et stratégies
de lutte. In Le Gabon aujourd’hui  : des questions et
Comme on peut s’en rendre compte, l’entreprise des réponses sur la vie sociale, économique, politique et
d’appropriation progressive de sa mer par le Gabon administrative, Madébé G. B. (dir), Libreville, Éd.
est bel et bien engagée. Il reste à espérer qu’elle ne Oudjat, pp. 477-510.
connaisse de freins afin de permettre à un pays qui Ministère de l’Économie forestière, des Eaux, de
en a les atouts de devenir une référence en matière de la Pêche, chargé de l’Environnement et de la pro-
gestion des espaces marins. tection de la Nature, 2004. Second rapport national
sur la diversité biologique, 57 p.
Conclusion
Pisani, E., 1956. Administration de gestion, admi-
Le Conseil National de la Mer permettra au Ga- nistration de mission, Revue française de science poli-
bon de rentrer dans sa maritimité. Plus qu’une réalité tique, 6e année, n° 2, pp. 315-330.
physiographique, la mer devra devenir un réel enjeu
économique, autant que sociétal. Elle doit en effet PSGE, République gabonaise, 2012. Plan Straté-
aider à la diversification économique et des sources gique Gabon Émergent, Vision 2025 et orientations stra-
de la croissance du pays en même temps qu’elle doit tégiques 2011-2016, République gabonaise, Libreville,
marier les gabonais avec leur mer dans une organisa- 149 p. [URL : http://www.aninf.ga/telechargements/
tion territoriale de la terre et de la mer véritablement PLAN%20STRATEGIQUE%20GABON%20
intégrée, dans une perspective de durabilité. La mer EMERGENT.pdf ].
doit être considérée comme le continuum naturel et WWF/IUCN, Creating a Sea Change, 64 p. [URL :
stratégique de la terre pour faire en sorte que l’espace http://www.iucn.org/sites/dev/files/import/down-
maritime prenne véritablement sa place au sein de la loads/seachang_1.pdf ].

387
Les régions littorales du gabon
Conclusion

389
Conclusion
Patrick POTTIER
Géographe, Université de Nantes
Zéphirin MENIE OVONO
Géomorphologue, École Normale Supérieure (ENS), Libreville

À l’issue de ce parcours empruntant aussi bien l’essor économique du pays, pour lequel ces territoires
les pistes difficiles de la découverte d’une longue ont été fortement sollicités (chapitres 1, 5, 14 et 15
plage isolée du Sud, que les voies encombrées d’un du présent ouvrage). Alors que la présence du pétrole
dimanche de baignade à la Sablière, quelle image est en effet liée au bassin sédimentaire côtier et que
aurait un jeune gabonais de ces territoires littoraux son exploitation est pour 70 % en offshore, l’exploi-
qui lui sont aujourd’hui remis par ses aînés ? Celle de tation du bois est quant à elle la plus ancienne dans
ces navires marchands qui disparaissent avec la ligne les régions côtières, où les premières zones d’attribu-
d’horizon, emportant une partie des ressources du tion ont longtemps été concentrées. Ces deux indus-
pays pour revenir avec les biens de consommation de tries, bien que contribuant a une part essentielle de
la modernité, comme un trait d’union avec la mon- la richesse nationale, n’en demeurent pas moins des
dialisation ? Celle de cette eau d’un océan parfois sujets de préoccupation sur le plan environnemental.
agité qui emporte par endroit les routes et les habi- Dans des milieux aussi sensibles que ceux des espaces
tations, et dans d’autres s’engouffre dans les quartiers maritimes, des estrans et des zones humides côtières,
inondés d’un développement urbain non maîtrisé ? les risques de pollutions par les hydrocarbures sont
Ou encore celle de mangroves touffues, de ces longues en effet réels. Les événements accidentels récurrents
étendues de sable ou de ces miroirs lagunaires qu’une de ces dernières années, en particuliers dans le Sud
faune sauvage exceptionnelle a déjà colonisés pour en et à Mayumba l’attestent. Ils pourraient malheureu-
faire des milieux de vie où l’on aimerait que l’homme sement augmenter avec le développement annoncé de
puisse rester discret ? l’exploitation pétrolière en offshore profond ou en-
core l’utilisation de plus en plus dense du plan d’eau
Peut-être ce jeune gabonais serait-il aussi étonné,
océanique par les transports maritimes et la pêche.
comme nous le sommes, à la lecture des pages qui pré-
Sur le plan des écosystèmes forestiers mis à mal par
cèdent, de ce décalage si souvent révélé, parfois de fa-
l’exploitation des bois, les risques pèsent en particulier
çon appuyée, entre d’un côté la richesse de ces régions
sur les habitats d’une faune remarquable sous bien des
littorales et d’un autre côté le manque d’attention,
aspects. Cette faune à terre comme en mer constitue
de moyens voire la négligence dont elles sont l’objet.
une autre ressource essentielle du Gabon (chapitres
Chacune des analyses proposées dans cet ouvrage
2, 8, 13 et 14). Elle est remarquable par sa grande di-
porte la question de cette défiance à l’encontre d’un
versité qui intègre par ailleurs des espèces majeures et
développement du littoral qui, s’il n’était pas maîtrisé,
emblématiques. Ce capital écologique contribue non
pourrait alors aboutir à de nombreux déséquilibres.
seulement à la constitution d’un « patrimoine vert »
Les ressources qui font la richesse des régions litto- mondialement reconnu, mais également au dévelop-
rales du Gabon sont avant tout naturelles. Elles sont pement d’une activité touristique dont c’est la prin-
géologiques et forestières pour les plus symboliques de cipale attraction. Dans ce domaine également, cette

391
Les régions littorales du gabon

ressource doit être protégée, car elle subit la prédation pression croissante n’a pas été suivie des équipements
des hommes, de façon indirecte par les dégradations nécessaires et encadrée par des politiques suffisantes,
environnementales, ou directe par des prélèvements si bien que les villes côtières sont confrontées à une
non maîtrisés (pêche illicite, braconnage…). réelle crise urbaine alors qu’elles représentent 96 %
de l’ensemble de la population des régions littorales.
La présence humaine sur les littoraux peut aussi
Libreville, la capitale, est une parfaite illustration à
être sous bien des aspects une autre forme de richesse,
la fois du déficit d’équipements (absence de système
comme d’inquiétudes. Au Gabon, l’émergence de
d’égouts, insuffisance des adductions d’eau et du
grandes villes côtières à l’échelle de la mondialisation
système de ramassage et de traitement des ordures,
est un atout. Libreville peut ainsi rayonner au niveau
pas d’usine d’incinération…), mais aussi des impacts
intérieur comme international par son offre de ser-
qu’une pareille concentration humaine non équipée
vices, ainsi que ses équipements et les événements qui
et non planifiée de plus de 800 000 habitants peut
y sont organisés. Le regroupement d’une population
produire sur l’environnement fragile d’un littoral et
jeune est aussi facteur de dynamisme, celle des élites et
sur la santé de ses populations (chapitres 1, 7, 11 et
d’écosystèmes spécialisés comme ceux des secteurs fo-
12). Sans doute handicapées par cette crise de crois-
restiers et des hydrocarbures à Port-Gentil représente
sance, les villes littorales sont ainsi aujourd’hui en
également un atout pour les investisseurs. Enfin, le
«perte de vitesse » d’un point de vue démographique,
développement urbain est aussi source de rencontres,
car après avoir concentré 72 % de la population ur-
de prospérité et au Gabon peut-être encore plus qu’ail-
baine totale du pays en 1993, elles n’en regroupent
leurs de cosmopolitisme (chapitre introductif ). Pour-
en 2013 que 68 %. Comparée à la croissance des
tant, ce développement des sociétés humaines sur les
populations urbaines des villes de l’intérieur sur cette
littoraux ne peut se faire sans régulation et maîtrise
période (+143 %), celle des villes du littoral n’a fina-
des pressions qu’elles provoquent, même si l’ampleur
lement atteint que +96 %.
des évolutions opérées dans les espaces côtiers du Ga-
bon ne facilite pas la tâche (chapitres 2, 4, 5, 7, 9, 10, Au-delà de ces problématiques plus spécifiquement
11 et 12). En vingt ans seulement, de 1993 à 2013, la urbaines, se pose également aujourd’hui la question
population des territoires littoraux a en effet pratique- de l’hyper concentration des hommes et des activités
ment doublé, passant de 600 000 à 1 100 000 habi- sur une très faible proportion du territoire, des équi-
tants. La pression démographique y a ainsi augmenté libres régionaux et des perspectives de planification et
de près de 500 000 nouveaux résidents, alors que celle de développement de ces régions côtières. La façade
des territoires intérieurs n’en a enregistré qu’à peine océanique n’offre pas en effet un aspect uniforme,
plus de 300 000 supplémentaires sur un territoire mais de grandes disparités, si bien que même sur le
pourtant 5 fois supérieur. Depuis l’indépendance, la littoral, le Gabon est aussi le pays du vide. Le sud de
population du pays a été multipliée par 4 (soit une Port-Gentil, à partir de l’émissaire principal du delta
augmentation de 300 %), la population des deux de l’Ogooué à Ozouri est encore très faiblement peu-
principales villes du littoral, Libreville et Port-Gentil plé, presque vide d’hommes entre les quelques prin-
par 18 (soit une augmentation de 1 700 %). Cette cipales villes côtières très modestes du point de vue

392
Conclusion

démographique et enclavées, presque coupées du reste Ensuite, en prenant conscience que l’eau est un dé-
du pays. Le tiers nord du bassin sédimentaire côtier, nominateur commun essentiel de ces territoires litto-
formant un triangle entre les villes de Port-Gentil, Li- raux, ainsi qu’un vecteur d’intégration de l’ensemble
breville/Cocobeach et Lambaréné, correspond quant de ce géosystème complexe. Elle l’est, bien entendu,
à lui à la façade littorale « convoitée » du Gabon, avec par la présence de l’océan, cette immensité si redou-
1,07 million d’habitants en 2013, soit 60 % de la tée des gabonais et pourtant promise à leur avenir. La
population totale du pays sur seulement 11 % de son mer gabonaise bénéficie d’apports continentaux en
territoire. C’est dans ce secteur de plus forte pression sels nutritifs qui favorisent une production primaire
démographique que les impacts du développement très élevée. C’est un milieu riche et propice à la vie
anthropique sur la nature sont les plus conséquents. (chapitres 1 et 2), mais aussi un territoire rempli de
Pour notre jeune gabonais ainsi face à ces nombreux multiples usages (chapitre 5) qui laissent apparaître
défis et aux questions de son avenir, comment faire en des concurrences pour s’accaparer ces espaces et des
sorte que le littoral devienne alors un accélérateur de conflits pour en tirer des rentes. S’y posent alors des
développement, plutôt que de nouveaux déséquilibres ? questions de sécurisation des activités économiques et
de surveillance en lien avec les ressources en exploita-
Tout d’abord, en renforçant l’intérêt presque nais- tion, nécessitant une approche durable d’intégration
sant pour ces questions littorales, dont on perçoit des contraintes environnementales dans l’exploitation
aujourd’hui toute l’importance. Alors qu’auparavant de ces ressources.
la « géopolitique gabonaise » était essentiellement conti-
nentale, le contrôle des espaces maritimes devient Les zones de contacts entre cette mer et les terres
désormais le théâtre d’enjeux stratégiques, et dès lors émergées offrent également des richesses remar-
la mer induit une dimension géostratégique et de quables déterminées par une forte présence de l’eau,
souveraineté (chapitres 5, 6, 15, 16 et 17). Avec la sous forme notamment de zones humides, de forêts
demande en cours d’extension des droits souverains à mangrove et de forêts inondées, de milieux estua-
sur le plateau continental, la zone maritime gabonaise riens, deltaïques et lagunaires. La qualité de ces eaux
pourrait devenir presqu’aussi vaste que son territoire est capitale non seulement pour le maintien de ces
continental, en ajoutant 41 000 km² de droits souve- écosystèmes malheureusement impactés par endroits
rains maritimes aux 191 944 km² de l’actuelle ZEE par les extensions urbaines (chapitre 1 et 11), mais
pour ainsi former un ensemble de 233 000 km², également pour les conditions sanitaires de vie des
presque l’équivalent des 266 667 km² de superficie populations, y compris l’accès à la baignade promise
terrestre du pays. Sur cette partie continentale, les au développement touristique. L’eau de la façade
régions littorales continuent d’attirer, tout comme le maritime gabonaise peut par ailleurs être source de
trait de côte lui-même vers lequel les citadins et les risques majeurs, d’érosion des côtes aussi bien que
touristes se dirigent pour les loisirs et la baignade. Il de submersion et d’inondations des zones basses. La
faut maintenir cette curiosité et cet intérêt pour ces configuration particulière des côtes, pour l’essentiel
territoires, car ils regroupent aujourd’hui de façon évi- basses, fait que dans tous les compartiments des ri-
dente l’essentiel des centres de gravité du pays (fig. 1). vages maritimes du Gabon, l’eau occupe une place

393
Les régions littorales du gabon

Bitam centrale et que les aménagements y sont


souvent confrontés à une nature difficile
GUINÉE Oyem (chapitres 3, 4, 9, 10 et 12). La situation
ÉQUATORIALE à la Pointe Denis, à quelques minutes de
Libreville, est révélatrice de la vulnérabilité
Makokou
rencontrée sur un certain nombre de sites
Bassin littoraux gabonais, non seulement dans sa
LIBREVILLE sédimentaire manifestation liée à l’érosion qui est favori-
côtier sée par une topographie oscillant entre 1 et
3 mètres vers le sud, et 4 à 6 mètres vers le
nord, mais aussi dans les formes d’aménage-
Port-Gentil ment sur ces environnements dynamiques
Lambaréné
et sensibles. La presque totalité de la façade

© IGARUN, Université de Nantes


Koulamoutou littorale est par ailleurs arrosée par un en-
Moanda
semble dense de fleuves et cours d’eau, lacs et
Franceville lagunes, qui occupent presque sans disconti-
nuité les espaces côtiers. Les villes qui y sont
Mouila
installées sont non seulement marquées par
le contact très présent avec ces éléments du
réseau hydrographique, mais également par
leur position aux débouchés d’importants
bassins versants. Les deux villes principales,
© IGARUN, Université de Nantes
N
Libreville et Port-Gentil, souffrent ainsi de
Tchibanga sites peu favorables à l’implantation urbaine,
0 50 100 km
Mayumba
CONGO au contact d’un exutoire hydrographique
Sources : P. Cinzano et al., 2001 (http://www.lightpollution.it),
majeur dont l’extension dans leur cour le
D. Lorenz, Light Pollution Atlas 2006 plus aval s’accompagne d’importantes zones
(https://djlorenz.github.io/astronomy/lp2006/)
S. CHARRIER S. CHARRIER basses humides où se mélangent les eaux
continentales et océaniques (chapitre 12).
ciel peu ciel ciel très ciel fortement
ciel très sombre ciel sombre
lumineux lumineux lumineux lumineux Plus vers l’intérieur, c’est encore cette pré-
sence partagée entre la terre et l’eau qui
0,01 0,06 0,11 0,19 0,33 0,58 1 1,73 3 5,2 9 15,59
étonne, avec des pénétrations profondes
ratio entre la clarté articielle du ciel et la clarté naturelle de référence des eaux marines et une densité du réseau
hydrographique. Ainsi, dans l’estuaire du
Figure 1 - Clarté artificielle du ciel nocturne du Gabon (calculée en 2006 par D. Lorenz selon la méthode de
Cinzano et al., 2001)
Komo, dont l’embouchure atteint plus de 17
Prenant comme critère l’un des signes les plus visibles de l’anthropocène (une altération de la nature
kilomètres, la marée se fait sentir à 120 kilo-
fonction de la densité de la population et des activités humaines), cette carte constitue une très belle
illustration de l’importance des régions littorales à l’échelle du Gabon, associant les territoires maritimes
394 aux territoires terrestres du bassin sédimentaire côtier.
Conclusion

mètres en amont de la Pointe Pongara. L’Ogooué, en place et qui ont abouti au classement de 53 % des
long de 1 200 kilomètres et dont le delta s’étend sur 48 000 km² des régions littorales en aires protégées, ce
5 100  km², présente une autre configuration, avec qui est d’autant plus remarquable que l’engagement a
une pénétration plus diffuse des eaux marines qui été pris par ailleurs de classer 23 % de la ZEE en aires
parcourent toutefois 60 kilomètres vers l’intérieur marines. Ce classement n’est toutefois pas sans poser
des terres depuis son contact principal avec l’océan à des questions importantes de contenu réglementaire,
Ozouri. Surtout, l’Ogooué représente un axe majeur d’équilibre entre d’un côté une protection des milieux
de pénétration des influences océaniques vers l’inté- naturels nécessaire à la conservation des biotopes et,
rieur des terres continentales, dans la partie la plus d’un autre côté, le maintien et l’intégration des activi-
profonde du bassin sédimentaire côtier qui s’étend tés humaines notamment traditionnelles, dans le sens
alors en son centre sur plus de 150 kilomètres, jusqu’à d’un véritable engagement écologique. Ces questions
Lambaréné. Dans cette partie plus reculée du bassin doivent être au cœur de la durabilité du développe-
sédimentaire côtier, l’eau tient à nouveau une place ment des régions littorales du Gabon, qui ne pourra
essentielle, par la présence de nombreux marécages et se faire sans des modes de gouvernance élargis et des
de vastes lacs vestiges de paléorégions marines. Pour outils concertés (chapitres 13, 14 et 15).
cette région où l’absence de route est compensée par
Avec Gabon bleu et la mise en place du Conseil Na-
un réseau hydrographique très dense, l’eau est non
tional de la Mer, il semble par ailleurs à présent acquis
seulement un lien géographique capital, mais égale-
que le Gabon est en train de prendre conscience de
ment l’élément central d’écosystèmes fragiles. Ces
l’intérêt de son espace maritime (chapitre 17). La
derniers sont malheureusement déjà en partie désé-
démarche est importante, dans un territoire océa-
quilibrés par les pressions anthropiques, notamment
nique sous droits souverains qui est aujourd’hui en
dans la région de Lambaréné.
déficit de sécurité et de surveillance. D’autant que les
L’eau constitue donc un élément essentiel de la na- convoitises extérieures augmentent sans cesse, et que
ture littorale du Gabon. Elle doit être appréhendée l’exploitation des ressources nationales océaniques
comme un fil conducteur et structurant de l’ensemble est largement aux mains de grandes multinationales,
des régions côtières et à ce titre protégée, mais aussi voire de pays étrangers. De ce point de vue, le Gabon
maîtrisée. Une véritable politique de gestion intégrée pourrait sinon voir lui échapper une partie impor-
des zones côtières ne pourra se mettre en place dans tante de ses ressources maritimes.
les années à venir sans cette reconnaissance.
Au-delà de la mise en place de cette stratégie mari-
Enfin, c’est en poursuivant les actions déjà enga- time intégrée, se pose toutefois la question d’une dé-
gées, dont certaines sont fortes et même symboliques marche élargie à l’ensemble des questions littorales par
d’une attention nouvelle pour les questions maritimes un « volet terre », susceptible de poser les grands enjeux
et littorales au Gabon, que les défis pour un dévelop- et principes de l’aménagement et de la planification
pement durable de ces régions océanes pourront être du littoral au Gabon. Il s’agirait d’élaborer cette fois
relevés. Tout d’abord en poursuivant le développe- une politique nationale de la mer et des littoraux, plus
ment des outils de préservation de la nature déjà mis à même de résoudre les problèmes transversaux de

395
Les régions littorales du gabon

cette interface terre-mer par une approche globale de


l’ensemble des régions littorales : espaces maritimes ;
trait de côte/rivages ; et espaces rétro-littoraux (hin-
terland) réunis. La mise en valeur du littoral du Ga-
bon ne pourra faire l’économie d’une telle réflexion
(chapitre 17), les formes et les outils de la démarche
étant encore à choisir, soit dans l’élaboration d’une loi
Littoral, soit dans la mise en place de schémas régio-
naux de développement littoral et de gestion intégrée,
associant à la fois les espaces maritimes et terrestres.
Cet ouvrage contient également de multiples pro-
positions ou voies à explorer pour accompagner les
générations actuelles vers une gestion raisonnée des
littoraux gabonais. Au-delà de notre objectif de départ
à présent atteint d’y assembler la majorité des connais-
sances acquises de ces espaces sensibles, aujourd’hui
confrontés à des forçages ou pressions autant natu-
relles qu’anthropiques, cet apport est pour nous une
réelle satisfaction. Il nous reste alors à espérer que les
générations futures, celles des enfants pas encore nés,
pourront reconnaître ce chemin parcouru et apprécier
l’engagement de tous les pouvoirs et les niveaux de
la société pour faire de ces régions littorales des terri-
toires d’équilibre entre l’homme et la nature, devenus
alors vitrine du Gabon.

396
Table des sigles

AGEOS Agence Gabonaise d'Études et d’Observations Spatiales


AIMF Agence Internationale des Mairies Francophones
AMP Aire Marine Protégée
ANGT Agence Nationale des Grands Travaux
ANPA Agence Nationale des Pêches et de l’Aquaculture
ANPN Agence Nationale des Parcs Nationaux
ANUTTC Agence Nationale de l'Urbanisme, des Travaux Topographiques et du Cadastre
AEF Afrique Équatoriale Française
AFD Agence Française de Développement
ANGTI Agence Nationale des Grands Travaux d’Infrastructures
AOF Afrique Occidentale Française
ARA Association des Raffineurs Africains
ASF Aventures Sans Frontières
BAD Banque Africaine de Développement
BCEOM Bureau Central d'Études pour les Équipements d'Outre-Mer
BCLME Benguela Current Large Maine Ecosysteme
BP Before Present
BSUC Brigade Spéciale d’Urbanisme et de Construction
CAN Coupe d’Afrique des Nations
CAPAL Centre d’Appui à la Pêche Artisanale de Libreville
CCAEF Compagnie Commerciale d’Afrique Équatoriale Française
CCGL Comité Consultatif de Gestion Local
CCP Centre Communautaire de Pêche
CCPA Centre Communautaire de Pêche Artisanale d’Owendo
CEEAC Communauté Économique des États de l' Afrique Centrale
CEMCG Grand Écosystème Marin du Courant de Guinée
CEMAC Communauté Économique et Monétaire des États de l'Afrique Centrale
CES Courant Équatorial Sud
CFAO Compagnie Française d’Afrique Occidentale
CFG Compagnie Forestière du Gabon
CGP Comité de Gestion des Pêcheries
CGTE Compagnie Gabonaise des Travaux et Étude
CIJ Cour Internationale de Justice
CLPC Commission des Limites du Plateau continental
CMB Convention de Montego Bay
CMS Convention sur les espèces migratrices
CNAMGS Caisse Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale

399
Les régions littorales du gabon

CNAP Centre National Anti-Pollution


CNDIO Centre National des Données et de l’Information Océanographiques
CNI Compagnie de Navigation Intérieure
CNM Conseil National de la Mer
CNPN Conseil National des Parcs Nationaux
CNUDM Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer
COAEM Société Ouest Africaine d’Entreprise Maritime
COMILOG COmpagnie MInière de L’OGooué
CPUE Catch per unit effort
CST Compte Satellite du Tourisme
DGBE Direction Générale du Budget et de l’Économie
DGH Direction Générale des Hydrocarbures
DGPA Direction Générale des Pêches et de l’Aquaculture
DGEPF Direction Générale de l'Économie et de la Politique Fiscale
ECOFAC ECOsystèmes Forestiers d’Afrique Centrale
EIE Elaboration des Etudes d’Impact
EITI Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives
EXTRAPLAC EXTension RAisonnée du PLAteau Continental
FAO Food and Agriculture Organization
GCLME Guinea Current Large Marine Ecosystem
GEF Global Environnement Facility
GIEC Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat
GPS Global Positioning System
GRAINE Gabon des Réalisations Agricoles et des Initiatives des Nationaux Engagés
GREH Gestion des Risques et des Espaces Humides
INC Institut National de Cartographie
IRSH Institut de Recherche en Sciences Humaines
IUCN International Union for the Conservation of Nature
JDZ Join Development Zone
MTCA Partenariat Tortues Marines du Gabon
OMAOC Organisation Maritime de l'Afrique de l'Ouest et du Centre
OMI Organisation Maritime Internationale
OMT Organisation Mondiale du Tourisme
ONG Organisation non gouvernementale
OPEP Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole
OPRAG Office des Ports et Rades du Gabon
OUA Organisation de l’Union Africaine
PC Plateau Continental

400
Table des sigles

PFE Projet Forêt et Environnement


PMDP Programme pour les Moyens d’Existence dans la Pêche
PNAE Plan National d’Action pour l’Environnement
PNAT Plan National d’Affectation des Terres
PPR Plan de Prévention des Risques
PPRI Plan de Prévention des Risques d’Inondation
PROTOMAC PROtection des Tortues Marines en Afrique Centrale
PSGE Plan Stratégique Gabon Émergent
PSPA Projet d’appui au Secteur des Pêches et de l’Aquaculture
PTMC Parc Transfrontalier de Mayumba-Conkouati
RAPAC Réseau des aires protégées d'Afrique Centrale
RGPL Recensement Général de la Population et des Logements
SDAU Schéma Directeur d’Aménagement Urbain
SDNI Schéma Directeur National d’Infrastructures
SDU Schéma Directeur Urbain
SDN Société Des Nations
SEEG Société d'Énergie et d'Eau du Gabon
SHOM Service Hydrographique et Océanographique de la Marine
SIG Système d'Information Géographique
SMI Stratégie Maritime Intégrée
SNADT Schéma National d'Aménagement et de Développement du Territoire
SOBRAGA Société de BRasserie du GAbon
SOGARA SOciété Gabonaise de Raffinage
SOVOG Société de Valorisation des Ordures du Gabon
SPAEF Société des Pétroles d’Afrique Équatoriale Française
TRIDOM TRI-National Dja-Odzala-Minkébé
UCET Unité de Coordination de l’Étude et des Travaux
UDEAC Union Douanière et Économique de l’Afrique Centrale
UE Union Européenne
UICN Union Internationale pour Conservation de la Nature
UNEP United Nations Environment Programme
UNWTO United Nations World Tourism Organization
WCS Wildlife Conservation Society
WCWRF West Coast Whale Research Foundation
WWF World Wildlife Fund
ZEE Zone économique exclusive
ZES Zone Économique Spéciale

401
Liste des figures

Introduction générale�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������17
Figure 1 - Topographie du Gabon���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������20
Figure 2 - Configuration schématique de la côte gabonaise à la transgression holocène, il y a 5 000 ans (d’après Vande
weghe, 2013)����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 21
Figure 3 - Les territoires terrestre et maritime du Gabon���������������������������������������������������������������������������������������������������������������22
Figure 4 - Les rivages des littoraux du Gabon, trait de côte, estuariens, deltaïques et lagunaires�������������������������������������������������23

Chapitre introductif - Peuple autochtone et migrants ouest-africains à Port-Gentil, nomenclature et


représentations du littoral atlantique�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������27
Figure 1 - Nomenclature de la côte ouest-africaine dans l’historiographie européenne au XVIe siècle�������������������������������������������28
Figure 2 - Nomenclature et représentation de la côte ouest-africaine par les Orungu�������������������������������������������������������������������29
Figure 3 - Ports et escales maritimes d’émigration vers Port-Gentil de 1900 à 1960��������������������������������������������������������������������30
Figure 4 - Implantations des pêcheurs ouest-africains à Port-Gentil�����������������������������������������������������������������������������������������������32

Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais�������������������������������������������������������������������������������������41


Figure 1 - Coupe transversale représentant la zonation végétale dans un marais à mangroves à Okala au nord de Libreville����42
Figure 2 - Coupe transversale dans un marais à mangroves à Ikoy-Komo à l’est de la commune d’Owendo�������������������������������43
Figure 3 - Les principaux secteurs de mangroves au Gabon������������������������������������������������������������������������������������������������������������44
Figure 4 - Coupe paysagère schématique de la forêt-savane des cordons sableux à Port-Gentil�������������������������������������������������48
Figure 5 - Les formations végétales des régions littorales du Gabon����������������������������������������������������������������������������������������������50

Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise����������������������������������������������������������������������59


Figures 1 et 2 - Courants marins dans le golfe de Guinée en janvier et en juillet�������������������������������������������������������������������������������61
Figure 3 - Pontes de tortue luth de 2004 à 2007 (à partir des comptages effectués par Gabon Environnement)���������������������� 73

Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon��������������������������������������������������������������������������������������85


Figure 1 - La bathymétrie au droit des côtes du Gabon���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������86
Figure 2 - Les îles de la Baie de Corisco����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������88
Figure 3 - Le réseau d’entailles du plateau continental gabonais�����������������������������������������������������������������������������������������������������89
Figure 4 - Le canyon sous-marin du Cap Lopez���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������90
Figure 5 - L’ensemble insulaire du golfe de Guinée�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������91
Figure 6 - Les grands ensembles orographiques du Gabon côtier���������������������������������������������������������������������������������������������������92
Figure 7 - Coupe géologique de la Pointe Ngombé aux Monts de Cristal������������������������������������������������������������������������������������������93
Figure 8 - La région de la cuesta des grès de Ndombo���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������94
Figure 9 - Esquisse du profil d’ouest en est de la région de Wonga Wongué����������������������������������������������������������������������������������95
Figure 10 - Carte géologique du bassin sédimentaire côtier du Gabon���������������������������������������������������������������������������������������������96

403
Les régions littorales du gabon

Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon����������������������������������������������������������� 105


Figure 1 - Schéma structural du bassin sédimentaire côtier gabonais du Dévonien au Miocène��������������������������������������������������� 106
Figure 2 - Bathymétrie de la plateforme continentale du Gabon�����������������������������������������������������������������������������������������������������107
Figure 3 - Vue en perspective du canyon du Cap Lopez������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 108
Figure 4 - Vue du littoral à rias du Gabon����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 109
Figure 5 - La baie de la Mondah��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 110
Figure 6 - L’estuaire du Gabon����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 110
Figure 7 - Vue satellitaire du littoral deltaïque����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 111
Figure 8 - Le littoral méridional à grandes lagunes : exemple de la lagune de N’komi������������������������������������������������������������������� 112
Figure 9 - Typologie des côtes gabonaises (sur la base des critères topographiques et géologiques)���������������������������������������� 114
Figure 10 - Image panchromatique du delta marin de l’Ogooué�������������������������������������������������������������������������������������������������������117
Figure 11 - Géomorphologie et dynamique globale du trait de côte������������������������������������������������������������������������������������������������� 119
Figure 12 - L’Île Mandji et son environnement�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������122
Figure 13 - Cocobeach et sa région. Environnement et érosion côtière le long du rivage�������������������������������������������������������������� 124

Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime����������������������������������������������������� 131


Figure 1 - Évolution des mises à terres marines et contribution des pêches artisanales et industrielles du Gabon, de 2003 à 2014���132
Figure 2 - Évolution du nombre de pêcheurs et de pirogues au Gabon, de 2003 à 2014��������������������������������������������������������������133
Figure 3 - Les navires selon les quatre types d’armement de la flotte de pêche industrielle gabonaise en 2010���������������������� 135
Figure 4 - Évolution du nombre d’armements et de navires de pêche industrielle gabonais, de 2003 à 2012��������������������������� 135
Figure 5 - Pêche illicite de pays tiers������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 136
Figure 6 - Zones de pêche maritime au Gabon���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������137
Figure 7 - Commerce international des produits de pêche au Gabon de 2006 à 2009���������������������������������������������������������������� 140
Figure 8 - Géographie des migrations à destination du Gabon������������������������������������������������������������������������������������������������������� 142
Figure 9 - Points d’entrée des migrants maritimes illégaux����������������������������������������������������������������������������������������������������������� 144
Figure 10 - Les transports maritimes au Gabon������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 146
Figure 11 - Illustration des restrictions d’usage de l’espace maritime dans le secteur pétrolier offshore����������������������������������� 149
Figure 12 - Les liaisons Libreville - Port-Gentil et le projet de désenclavement de l’île Mandji������������������������������������������������������� 151
Figure 13 - Les grands secteurs de navigation maritime dans la mer gabonaise�������������������������������������������������������������������������� 152
Figure 14 - Extension de l’exploitation pétrolière au Gabon������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 154
Figure 15 - Les dix plus importantes réserves estimées de pétrole en Afrique (2016)����������������������������������������������������������������� 155
Figure 16 - Production de pétrole au Gabon de 1965 à 2015����������������������������������������������������������������������������������������������������������� 155
Figure 17 - Attribution du domaine pétrolier du Gabon au 15 juin 2015������������������������������������������������������������������������������������������ 156
Figure 18 - Cartographie pétrolière au large de Mayumba, illustration d’une activité bien présente������������������������������������������� 158
Figure 19 - Pollution par hydrocarbure des côtes de Mayumba en février 2007�������������������������������������������������������������������������� 159
Figure 20 - Pollution par hydrocarbures des côtes de Mayumba en novembre 2011������������������������������������������������������������������� 160

404
Liste des figures

Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié������������������������������������������� 165


Figure 1 - Localisation de l’Île Mbanié������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 166
Figure 2 - Carte hollandaise du Cap Formose à l’île de Corisco (extrait)�����������������������������������������������������������������������������������������167
Figure 3 - Modification du tracé de la frontière au méridien 9° est de Paris (au long de la rivière Kyé)������������������������������������������171
Figure 4 - « Une » du quotidien gabonais L’Union (20 septembre 1974) annonçant la fin du différend suite à la signature de la
convention frontalière������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������172
Figure 5 - Lignes frontières de la Convention de 1974 et du décret-loi équato-guinéen de 1999��������������������������������������������������174

Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon��������������������������������������������������������������������������������� 181


Figure 1 - Classement des 20 nations ayant les plus faibles densités nationales de population en 2014 dans le monde����������� 182
Figure 2 - Répartition de la population du Gabon par département en 2013��������������������������������������������������������������������������������� 183
Figure 3 - Densité de population du Gabon par département en 2013������������������������������������������������������������������������������������������� 184
Figure 4 - Évolution de la population de Libreville de 1950 à 2013������������������������������������������������������������������������������������������������� 185
Figure 5 - Répartition de la population des villes et des villages au Gabon������������������������������������������������������������������������������������ 186
Figure 6 - Le bassin sédimentaire côtier, oublié des infrastructures de déplacement������������������������������������������������������������������ 189
Figure 7 - Flux migratoires à destination de Libreville et Port-Gentil en 1993������������������������������������������������������������������������������� 190

Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon�������������������������������������������������������������� 197


Figure 1 - Extrait du guide touristique Le Petit Futé, (2016)������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 199
Figure 2 - Attractions touristiques et de loisirs de proximité dans les régions littorales du Gabon��������������������������������������������� 201
Figure 3 - Arrivées aériennes au Gabon du tourisme récepteur des dix premières nationalités en 2009���������������������������������� 206
Figure 4 - Motif de la visite au Gabon en 2009������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 206
Figure 5 - Durée moyenne du séjour au Gabon en 2009 par type d’hébergement�����������������������������������������������������������������������207
Figure 6 - Offre d’hébergement dans les régions littorales du Gabon en 2015����������������������������������������������������������������������������� 210
Figure 7 - Les dix plus importantes priorités et remarques exprimées par les passagers aériens internationaux à l’aéroport de
Libreville pour améliorer les conditions de séjour au Gabon (juillet à décembre 2009)����������������������������������������������������������������212
Figure 8 - Extrait du projet Vision pour le Gabon : le tourisme, les parcs nationaux et le développement durable du XXIe siècle
(WCS, 2011)���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������215

Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon : l’exemple du littoral Nord de
Libreville������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������221
Figure 1 - Les houles à l’entrée de l’estuaire du Komo���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������222
Figure 2 - Les directions des vents (%) à Libreville de septembre 2006 à octobre 2010������������������������������������������������������������223
Figure 3 - Rose des vitesses maximales des vents (m/s) à Libreville��������������������������������������������������������������������������������������������223
Figure 4 - Le transit littoral nord-ouest/sud-est sur la rive droite de l’estuaire du Komo�������������������������������������������������������������224
Figure 5 - Variation de la teneur en éléments sableux de diamètre supérieur à 80 microns dans les sédiments de l’estuaire du Komo���226

405
Les régions littorales du gabon

Figure 6 - Les sablières des paléo-dunes bordières du littoral de l’estuaire du Gabon, secteur nord de Libreville���������������������229
Figure 7 - Coupe au droit de La Sablière�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������229
Figure 8 - Évolution du trait de côte de la Baie d’Akouango au Port-Môle de Libreville de 1988 à 2040������������������������������������ 230
Figure 9 - Analyse des lacunes et de leurs conséquences sur la lutte contre l’érosion côtière au Gabon�����������������������������������235

Chapitre 10 - Le littoral de Pongara : dynamique côtière et aménagement touristique���������������������������������� 243


Figure 1 - Localisation de la Pointe Denis entre l’estuaire du Komo et l’océan Atlantique�������������������������������������������������������������243
Figure 2 - Le site de la Pointe Denis (2016)������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 246
Figure 3 - Évolution des plages de Pongara de 1991 à 2012 et impacts écologiques de l’érosion côtière à Pongara������������������ 251
Figure 4 - Évolution des plages de la Pointe Denis entre 2007 et 2011������������������������������������������������������������������������������������������252

Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville�����������������������������������257


Figure 1 - Situation des points de mesure et de prélèvement (CNAP, 1993)���������������������������������������������������������������������������������� 260
Figure 2 - Situation des points de prélèvement des eaux littorales (CNDIO, 2011 à 2013)����������������������������������������������������������� 264
Figure 3 - Variations spatio-temporelles des moyennes de conductivité de 2011 à 2013 (10 sites d’eau de rejets urbains)����� 265
Figure 4 - Variations spatio-temporelles des moyennes de conductivité de 2011 à 2013 (3 sites estuariens)��������������������������� 268
Figure 5 - Variations spatio-temporelles des moyennes de PH entre 2011 et 2013��������������������������������������������������������������������� 269
Figure 6 - Variations spatio-temporelles des moyennes de pH des eaux marines à Owendo entre 2011 et 2013 (3 sites estuariens)���� 270
Figure 7 - La Forêt Classée (Arboretum) de Sibang à Libreville����������������������������������������������������������������������������������������������������� 282

Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon�������������������������������������������������������������������������������������� 289


Figure 1 - Le site initial de Libreville, dans un espace paralique à la croisée des eaux continentales et océaniques������������������� 290
Figure 2 - Extrait de la carte topographique au 1/50 000e de l’île Mandji (IGN, 1988)������������������������������������������������������������������� 291
Figure 3 - Mise en évidence de la corrélation entre la croissance démographique et la fréquence annuelle des événements
exceptionnels d’inondations relayés par le quotidien gabonais de l’information « l’Union »����������������������������������������������������������292
Figure 4 - Contexte hydrogéomorphologique d’une région littorale paralique������������������������������������������������������������������������������293
Figure 5 - Répartition spatiale des précipitations annuelles sur le littoral du Gabon������������������������������������������������������������������� 295
Figure 6 - Hydromorphie du littoral du Gabon���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������297
Figure 7 - Le contexte hydrogéomorphologique de Libreville�������������������������������������������������������������������������������������������������������� 299
Figure 8 - Pluviométrie annuelle moyenne de Libreville caractéristique d’un climat équatorial à 4 saisons : 2 saisons de pluies
et 2 saisons sèches�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 300
Figure 9 - Comparaison de l’occupation des zones basses inondables du quartier Barracuda entre 2001 et 2015�������������������� 301
Figure 10 - Contexte hydrogéomorphologique de Port-Gentil������������������������������������������������������������������������������������������������������� 303
Figure 11 - Dynamique de la tache urbaine de 1958 à aujourd’hui : discrimination des zones inondables définies par le « plan
Philippin » de 1978���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 305

406
Liste des figures

Chapitre 13 - Les nouveaux outils de réorganisation au service d’une pêche artisanale durable et organisée
au Gabon�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������317
Figure 1 - Contributions des pêches artisanales et industrielles aux captures marines nationales (2007-2014)�������������������������317
Figure 2 - Évolution des captures marines artisanales de 2007 à 2014���������������������������������������������������������������������������������������� 318
Figure 3 - Les CGP dans le système de gestion des pêcheries�������������������������������������������������������������������������������������������������������322
Figure 4 - Plan de localisation des centres de pêche artisanale de Libreville et Owendo, ainsi que des lieux de débarquement des
produits de la mer sur le secteur urbain de la capitale gabonaise�������������������������������������������������������������������������������������������������326

Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au Gabon : les parcs


nationaux littoraux et marins����������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 331
Figure 1 - Le réseau des parcs nationaux du Gabon������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������332
Figure 2 - Le réseau d’aires protégées en 1960������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������333
Figure 3 - Les aires protégées dans le bassin sédimentaire côtier�������������������������������������������������������������������������������������������������337
Figure 4 - Première ébauche du réseau de parcs nationaux au Gabon������������������������������������������������������������������������������������������ 341
Figure 5 - Enjeux et contraintes autour des parcs nationaux du littoral du Gabon�����������������������������������������������������������������������343
Figure 6 - Réseau d’aires marines protégées en création��������������������������������������������������������������������������������������������������������������347

Chapitre 15 - Les nouveaux outils de la production pétrolière au Gabon au service de l’accession du pays au
stade de l’émergence ?���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 355
Figure 1 - La production pétrolière au Gabon de 1995 à 2015�������������������������������������������������������������������������������������������������������� 356
Figure 2 - Progression des attributions de blocs dans le domaine pétrolier gabonais offshore entre 2010 et 2015����������������� 358
Figures 3 et 4 - La production pétrolière gabonaise confrontée à la volatilité des cours du Brent et du taux de change du dollar US��� 359

Chapitre 16 - Le Gabon et sa mer : mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer
pour une extension des droits souverains sur le plateau continental�������������������������������������������������������������367
Figure 1 - Zonage des espaces marins de l’État en s’éloignant de la côte������������������������������������������������������������������������������������� 369
Figure 2 - Les lignes de base du Gabon conformément au décret n° 2066/PR/MHCUCDM du 4 décembre 1992 (Division du Droit
de la Mer, ONU)����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������370
Figure 3 - Projections d’extension du plateau continental dans le golfe de Guinée et zones de revendication en litige��������������375
Figure 4 - Brève description de la procédure devant la CLPC, depuis la présentation de la demande par l’État côtier jusqu’à la
publication des limites extérieures du plateau continental�������������������������������������������������������������������������������������������������������������376

Conclusion��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 391
Figure 1 - Clarté artificielle du ciel nocturne du Gabon (calculée en 2006 par D. Lorenz selon la méthode de Cinzano et al., 2001)�� 394

407
Table des matières

Préface������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������11
Jacques Guillaume

Introduction générale�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������17
Patrick POTTIER, Zéphirin MENIE OVONO
Les régions littorales du Gabon�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 19
Présentation du plan�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 22

Chapitre introductif - Peuple autochtone et migrants ouest-africains à Port-Gentil, nomenclature et


représentations du littoral atlantique�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������27
Marc-Louis ROPIVIA
D’une icône milicienne à la désignation autochtone de la Sénégambie et du golfe de Guinée���������������������� 27
Ghorè ou la Sénégambie���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 27
Oronga ou le golfe de Guinée supérieur������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 28
Ethnographie et représentations des Orungu du golfe de Guinée septentrional��������������������������������������������� 30
Aduy����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 31
Amina������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 32
Popo�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 33
Léghossi�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 34
Kalaba����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 34
Loango ou le littoral méridional du golfe de Guinée��������������������������������������������������������������������������������������������� 35
Conclusion�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 36

Thématique 1 - Les interactions nature/société dans les territoires littoraux


Partie 1 - Mobilité des espaces et des milieux naturels côtiers

Chapitre 1 - Les paysages végétaux du littoral gabonais�������������������������������������������������������������������������������������41


Emmanuel ONDO ASSOUMOU
Diversité des paysages végétaux des régions littorales gabonaises������������������������������������������������������������������� 42
Les végétations ligneuses�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 42
Les végétations herbacées du bassin côtier������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 47
Paysages de mosaïques ligneux-herbacées des cordons littoraux����������������������������������������������������������������������������������������������� 49

409
Les régions littorales du gabon

La mosaïque des formations végétales du bassin sédimentaire côtier du Gabon��������������������������������������������������������������������� 50


De la mangrove urbaine à la « mangrovicide » dans les villes littorales du Gabon������������������������������������������ 51
Conclusion�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 54

Chapitre 2 - Diversité et richesse de la faune littorale gabonaise����������������������������������������������������������������������59


Sylvie Brizard ZONGO, Brice Didier KOUMBA MABERT
Les grands écosystèmes marins et le bassin du Congo comme facteurs déterminants de la richesse
faunistique au Gabon������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 59
Les grands écosystèmes marins autour du Gabon������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 60
L’influence du bassin du Congo���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 62
La faune caractéristique du littoral gabonais�������������������������������������������������������������������������������������������������������� 63
Faune des zones humides côtières���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 64
Faune marine caractéristique de la région��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 68
Les programmes de protection de la biodiversité littorale et marine���������������������������������������������������������������� 70
Les grands programmes et stratégies de conservation������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 71
Des stratégies de conservation aux effets discutables������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 75
Conclusion�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 79

Chapitre 3 - Les reliefs des régions littorales du Gabon��������������������������������������������������������������������������������������85


Jean-Bernard MOMBO
La morphologie des fonds sous-marins du précontinent gabonais�������������������������������������������������������������������� 85
La morphologie du plateau continental ou de la plateforme continentale��������������������������������������������������������������������������������� 85
Morphologie du talus continental et grands fonds marins������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 91
L’orographie : les reliefs des régions littorales continentales������������������������������������������������������������������������������ 92
Le plateau des grès de Ndombo et ses environs����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 93
Le plateau de Wonga Wongué ou des Bam-Bam et le « Plateau des Mille Vaches »������������������������������������������������������������������ 94
Le môle ou chaînon cristallin (horst) de Lambaréné-Chinchoua��������������������������������������������������������������������������������������������������� 95
La plaine côtière du delta de l’Ogooué et de la région des grands lacs���������������������������������������������������������������������������������������� 97
La région lagunaire méridionale��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 98
Conclusion ������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 99

Chapitre 4 - Géomorphologie et dynamique du trait de côte au Gabon����������������������������������������������������������� 105


Zéphirin MENIE OVONO
Géomorphologie du trait de côte���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 105

410
Table des matières

Les formes héritées de la mise en place du bassin sédimentaire côtier������������������������������������������������������������������������������������105


La morphologie du plateau continental et son influence sur le tracé du rivage�����������������������������������������������������������������������106
Les variations eustatiques pendant le quaternaire et leurs conséquences sur le tracé actuel du rivage�����������������������������108
Compartimentation des côtes gabonaises�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������109
Typologie des côtes gabonaises������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 114
Côtes rocheuses basses ou à falaises (ou petites falaises <15 mètres)��������������������������������������������������������������������������������������115
Les côtes mixtes : plages sableuses à beach-rocks ou à petites falaises argileuses (<10 mètres)�����������������������������������������116
Côtes basses à marais à mangrove ou à cordons sableux�����������������������������������������������������������������������������������������������������������116
Côtes artificialisées ou protégées�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������117
Descriptions des dynamiques des côtes gabonaises������������������������������������������������������������������������������������������� 117
Les facteurs de la mobilit����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������118
La cinématique du trait de côte��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������119
Les sociétés littorales face à l’érosion : exemples de Port-Gentil et Cocobeach��������������������������������������������� 122
La flèche « Mandji »�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������123
Cocobeach��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������123
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 125

Thématique 1 - Les interactions nature/société dans les territoires littoraux


Partie 2 - Pressions anthropiques croissantes et recompositions territoriales sur les littoraux du Gabon

Chapitre 5 - La mer convoitée, usages et occupation de l’espace maritime����������������������������������������������������� 131


Guy-Serge BIGNOUMBA, Serge LOUNGOU, Patrick POTTIER, François Edgard FAURE, Jonathan NDOUTOUME NGOME
Les pêches maritimes au Gabon : une faible emprise spatiale ou un secteur d’activités désaffecté���������� 131
Une pêche artisanale dominante�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������133
Un secteur industriel en déclin���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������134
De l’insuffisance des infrastructures industrielles à la modernisation des installations artisanales�������������������������������������138
Un espace de commercialisation étriqué����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������140
La mer côtière, un espace de mobilité clandestine��������������������������������������������������������������������������������������������� 141
Les flux socio-économiques��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������141
Les flux migratoires����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������142
Routes des transports maritimes et accès portuaires���������������������������������������������������������������������������������������� 146
Les routes maritimes, une forte emprise des activités pétrolières et offshore������������������������������������������������������������������������147
Le cabotage maritime, une activité indispensable pour les villes portuaires����������������������������������������������������������������������������148
Le transport des passagers, l’autre activité maritime qui compte����������������������������������������������������������������������������������������������150

411
Les régions littorales du gabon

« De l’or noir au fond du grand bleu » : l’enjeu des hydrocarbures dans la mer gabonaise��������������������������� 153
L’exploitation pétrolière en mer : aspects géographiques�����������������������������������������������������������������������������������������������������������153
Les contraintes et les risques imposés en mer par l’exploitation pétrolière�����������������������������������������������������������������������������157
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 160

Chapitre 6 - La sauvegarde de la souveraineté maritime nationale : l’île Mbanié������������������������������������������� 165


Guy ROSSATANGA-RIGNAULT, Patrice MOUNDOUNGA MOUITY
Brève histoire du « contesté insulaire » Gabon/Guinée Équatoriale���������������������������������������������������������������� 165
Les termes du différend������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 173
Le fondement du différend���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������173
La conception équato-guinéenne du différend������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������176
La conception gabonaise du différend��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������177
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 178

Chapitre 7 - L’urbanisation à l’assaut du littoral du Gabon��������������������������������������������������������������������������������� 181


Patrick POTTIER, Fidèle-Marcellin ALLOGHO-NKOGHE, Jean-Pamphile KOUMBA, Nicole NTSAME ONDO
Le Gabon, « pays presque vide, aux villes bien remplies … »����������������������������������������������������������������������������� 181
La Gabon à l’échelle du monde est un pays peu peuplé��������������������������������������������������������������������������������������������������������������182
La population gabonaise est très inégalement répartie���������������������������������������������������������������������������������������������������������������183
Libreville et « les autres »��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������184
Les villes du littoral du Gabon��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 187
L’émergence des villes littorales gabonaises����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������187
Les deux faces du littoral habité du Gabon������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������189
Les villes du littoral du Gabon, mythe ou réalité ?����������������������������������������������������������������������������������������������� 191
Un réseau urbain face à une réelle crise de croissance����������������������������������������������������������������������������������������������������������������191
Le littoral reste pourtant très attractif, et les pressions anthropiques y sont croissantes������������������������������������������������������193
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 193

Chapitre 8 - Tourisme et loisirs de proximité sur les côtes du Gabon�������������������������������������������������������������� 197


Patrick POTTIER, Michel MBADINGA, Clet Mesmin EDOU EBOLO, Pamela ROUSSELOT-LORIDAN, Christian JOHNSON-OGOULA
Le Gabon, un pays à découvrir�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 198
Un potentiel touristique remarquable, mais encore largement sous-exploit������������������������������������������������������������������������198
Un potentiel touristique particulièrement valorisé dans le cadre des parcs nationaux et réserves�������������������������������������202
Tourisme et loisirs de proximité, entre confidentialité et concentration�������������������������������������������������������� 204
Le secteur du tourisme au Gabon reste encore très embryonnaire������������������������������������������������������������������������������������������205

412
Table des matières

La concentration des fréquentations de proximité autour de quelques sites��������������������������������������������������������������������������207


L’offre d’hébergement, elle aussi entre polarisation et dispersion ��������������������������������������������������������������������������������������������209
La question du développement touristique au Gabon���������������������������������������������������������������������������������������� 211
La gestion encore incertaine d’une activité touristique à réorganiser����������������������������������������������������������������������������������������212
La prise en compte nécessaire des effets perturbateurs du développement des loisirs autour des villes��������������������������213
Vers l’émergence d’un modèle touristique gabonais ?������������������������������������������������������������������������������������������������������������������214
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 216

Thématique 2 - Compréhension des risques, aménagement et problématiques


de gestion durable des territoires littoraux
Partie 3 - Les risques naturels et anthropiques découlant des usages

Chapitre 9 - Stabiliser le trait de côte, un enjeu majeur pour le Gabon : l’exemple du littoral Nord de
Libreville����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 221
Jean-Bernard MOMBO, Vivino Max Thierry MOUYALOU, Paul FATTAL
Le trait de côte de Libreville du Port-Môle à la Sablière : une confrontation entre nature et société�������� 222
Le contexte morphologique��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������222
Des conditions météo-océaniques atténuées��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������223
Un courant de dérive littorale entravé���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������224
Des plages en érosion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������225
Un littoral compartimenté par l’homme������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������227
La stabilisation du trait de côte et les politiques publiques : un écheveau difficile à démêler�������������������� 228
Le contexte historique de l’érosion côtière : le millefeuille des aménagements����������������������������������������������������������������������228
Les acteurs ayant en charge la lutte contre l’érosion côtière�������������������������������������������������������������������������������������������������������229
Les opérateurs privés et les particuliers������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������232
Une politique globale déficiente de lutte contre l’érosion côtière�����������������������������������������������������������������������������������������������232
Les perspectives pour les côtes gabonaises���������������������������������������������������������������������������������������������������������� 236
La protection en « dur » : limites et opportunités���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������236
Les méthodes douces de stabilisation���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������237
L’opportunité d’un littoral à faible densité humaine���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������237
Conclusion ����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 239

Chapitre 10 - Le littoral de Pongara : dynamique côtière et aménagement touristique���������������������������������� 243


Brice Didier KOUMBA MABERT, Nicaise RABENKOGO, Propice ANGO MOUGOUBA
Pongara : un territoire protégé������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 243

413
Les régions littorales du gabon

Historique à la création du parc national de Pongara�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������243


Les mangroves de la rive gauche de l’estuaire du Komo��������������������������������������������������������������������������������������������������������������244
Une faune dominée par la présence des tortues marines ����������������������������������������������������������������������������������������������������������245
La Pointe Denis : site de tourisme et de résidence���������������������������������������������������������������������������������������������� 245
Des aménagements touristiques adaptés à l’environnement�����������������������������������������������������������������������������������������������������246
Un lieu de résidence secondaire chargé d’histoire������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������248
Les problèmes d’érosion côtière comme menace aux différents enjeux��������������������������������������������������������� 249
Les questions environnementales à la Pointe Denis et dans le parc national de Pongara�����������������������������������������������������249
Les agents météo-marins et leurs impacts�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������250
Tentatives de protection du littoral de Pongara�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������251
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 254

Chapitre 11 - Les impacts environnementaux du développement urbain de Libreville�����������������������������������257


Alain MOUBÉLÉ, Auguste Paulin MBONDA
Les problèmes environnementaux liés au développement urbain à Libreville���������������������������������������������� 258
Démographie et croissance urbaine������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������258
Pollution des eaux de surface du littoral gabonais������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������259
Les problèmes de gestion des ordures ménagères et d’assainissement des eaux usées������������������������������������������������������273
Impacts sanitaires des dégradations environnementales du littoral estuarien librevillois������������������������� 275
Persistance des maladies infectieuses et parasitaires������������������������������������������������������������������������������������������������������������������276
Étonnante progression des maladies cardio-vasculaires�������������������������������������������������������������������������������������������������������������278
Nouvelle jeunesse de vielles endémies et émergence de pathologies atypiques��������������������������������������������������������������������279
Mesures de réduction des impacts urbains���������������������������������������������������������������������������������������������������������� 280
Améliorer la qualité des eaux dans les zones humides����������������������������������������������������������������������������������������������������������������280
Protéger les forêts intra-urbaines����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������281
Atténuer la charge morbide des populations dans l’agglomération de Libreville��������������������������������������������������������������������283
Un développement durable pour une santé durable�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������284
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 285

Chapitre 12 - Les villes inondées du littoral du Gabon�������������������������������������������������������������������������������������� 289


Zéphirin MENIE OVONO, Marie Thérèse ITONGO, Jean Aurélien MOUKANA LEBONGUI
Des villes à l’origine inondables������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 290
Des sites initiaux d’implantation des villes littorales contraints dès le départ��������������������������������������������������������������������������290
Le développement des villes et l’augmentation des inondations (1960-2016)��������������������������������������������������������������������������292
Un contexte physique global prédisposé aux inondations��������������������������������������������������������������������������������� 292

414
Table des matières

Des prédispositions morphologiques et hydrographiques d’une région paralique�����������������������������������������������������������������292


Une pluviométrie abondante et quasi permanente����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������294
Des sols favorables aux conditions d’inondations�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������296
Les disparités interurbaines de la nature des inondations�������������������������������������������������������������������������������� 297
À Libreville��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������297
À Port-Gentil�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������302
Facteurs amplificateurs de la vulnérabilité aux inondations���������������������������������������������������������������������������� 305
Constructions anarchiques, habitats inadaptés aux zones inondables�������������������������������������������������������������������������������������305
Incivilités et obstruction des cours d’eaux���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������306
Insuffisance des ouvrages et absence d’entretien du réseau hydrographique������������������������������������������������������������������������306
Les impacts des inondations����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 307
Perte et dévalorisation des biens immobiliers�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������307
Hygiène et santé publique�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������307
Paralysie du trafic urbain�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������308
Adaptation aux inondations��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������308
Prise de conscience des politiques���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������308
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 311

Thématique 2 - Compréhension des risques, aménagement et problématiques


de gestion durable des territoires littoraux
Partie 4 - Développement durable et gouvernance dans la gestion intégrée du littoral

Chapitre 13 - Les nouveaux outils de réorganisation au service d’une pêche artisanale durable et organisée
au Gabon�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������317
Guy-Serge BIGNOUMBA, Jean-Bernard MAMBANI
État des lieux des pêcheries artisanales : entre accroissement des captures et exploitation durable des
ressources������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 317
Des prises limitées, des moyens techniques obsolescents, des ressources humaines insuffisantes�����������������������������������317
Le non-respect de la réglementation en matière de pêche���������������������������������������������������������������������������������������������������������318
La dégradation de l’écosystème littoral�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������319
Les Comités de Gestion des Pêcheries comme outil d’une meilleure gouvernance des pêches artisanales
maritimes au Gabon������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 319
La gestion partagée ou cogestion des pêcheries���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������319
Les Comités de Gestion des Pêcheries ou la responsabilisation des pêcheurs������������������������������������������������������������������������321

415
Les régions littorales du gabon

Les centres communautaires de pêche����������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 324


Le Centre d’appui à la pêche artisanale de Libreville (CAPAL) : les objectifs initiaux����������������������������������������������������������������324
Le CAPAL : contraintes liées au site, à la situation et les services offerts�����������������������������������������������������������������������������������325
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 327

Chapitre 14 - L’émergence de nouveaux outils de conservation de la biodiversité au Gabon : les parcs


nationaux littoraux et marins����������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 331
Brice Didier KOUMBA MABERT, Charles TCHOBA, Magloir-Désiré MOUNGANGA
Les outils de conservation de la biodiversité de l’époque coloniale au début du XXIe siècle������������������������ 332
Les aires protégées au Gabon : un héritage colonial��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������332
La problématique du statut juridique des aires protégées au Gabon avant 2002�������������������������������������������������������������������334
Les nouveaux outils de conservation de la biodiversité au Gabon : le réseau des parcs nationaux������������ 336
Le parc national : définition et objectifs de gestion�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������336
Le rôle des acteurs non étatiques dans la création des parcs nationaux����������������������������������������������������������������������������������340
La prise en compte du milieu littoral et marin dans la conservation de la biodiversit���������������������������������������������������������340
Les contraintes de gestion des parcs nationaux littoraux������������������������������������������������������������������������������������������������������������342
La redéfinition des outils de conservation de la biodiversité marine��������������������������������������������������������������� 345
Une nécessaire redéfinition des zonages����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������345
L’émergence de l’idée de parcs marins pétroliers pour la gestion de la biodiversité marine�������������������������������������������������348
Des outils incontournables à renforcer�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������349
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 351

Chapitre 15 - Les nouveaux outils de la production pétrolière au Gabon au service de l’accession du pays au
stade de l’émergence ?���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 355
Jonathan NDOUTOUME NGOME
Présentation des options stratégiques indispensables à une optimisation de la production des
hydrocarbures au Gabon����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 356
Stimuler la recherche et l’optimisation de la production par la promotion du domaine pétrolier libre�������������������������������356
Affirmer la nécessité d’une meilleure couverture du secteur aval����������������������������������������������������������������������������������������������357
Réduire les gaz naturels torchés pour une production plus rationnelle et durable�����������������������������������������������������������������360
Davantage miser sur le gaz naturel au Gabon�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������360
Amélioration de l’environnement institutionnel, juridique et fiscal���������������������������������������������������������������� 360
Institutions et promotion de la gouvernance dans le secteur extractif��������������������������������������������������������������������������������������361
Se doter d’un cadre juridique et fiscal attractif en s’alignant sur les meilleures pratiques régionales et internationales�362
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 365

416
Table des matières

Chapitre 16 - Le Gabon et sa mer : mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer
pour une extension des droits souverains sur le plateau continental�������������������������������������������������������������367
Guy ROSSATANGA-RIGNAULT
Généralités sur le plateau continental������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 368
Les autres espaces marins de l’État��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������369
Le plateau continental dans la CMB�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������371
L’extension du plateau continental gabonais������������������������������������������������������������������������������������������������������� 373
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 377

Chapitre 17 - Enjeux du littoral gabonais et politique nationale de la mer������������������������������������������������������ 381


Guy ROSSATANGA-RIGNAULT, Guy-Serge BIGNOUMBA
Les enjeux du littoral gabonais������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 381
La valorisation efficiente des ressources littorales������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������381
L’enjeu de sécurisation�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������382
L’enjeu de planification�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������383
Le Conseil National de la Mer comme instrument d’une politique de la mer au Gabon������������������������������� 384
Missions du Conseil National de la Mer�������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������384
Organisation du Conseil National de la Mer�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������385
La Stratégie Maritime Intégrée du Gabon���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������386
Conclusion������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 387

Conclusion��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 391
Patrick POTTIER, Zéphirin MENIE OVONO

Table des sigles ..................................................................................................................................................... 399

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