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18 COURS

Dérivation des fonctions d’une variable réelle

5 Fonctions convexes
5.1 • Définition
Soit f une fonction de R dans R définie sur un intervalle I contenant au moins
deux points. On dit que f est convexe sur I si :

∀(x, y) ∈ I 2 ∀λ ∈ [0, 1] f (λx + (1 − λ)y) λf (x) + (1 − λ) f (y)

y
Interprétation graphique :
Soit M et N les points de la courbe représentative de f d’abscisses respectives
λ f(x)+(1−λ) f(y) G x et y.
N
M Soit G le barycentre du système (M , λ), (N , 1 − λ).
f (λ x+(1−λ)y) Les coordonnées de G sont (λx + (1 − λ)y , λf (x) + (1 − λ) f (y)).
P
Soit P le point de la courbe Cf d’abscisse λx + (1 − λ)y. L’ordonnée de P est
O x λ x +(1−λ ) y y x f (λx + (1 − λ)y). La définition de la convexité de f exprime donc que le point
P est situé en dessous de G (Doc. 9).
Doc. 9 Fonction convexe.
Une fonction est convexe si et seulement si tout arc de sa courbe représentative
est situé en dessous de la corde correspondante.

Exemple : la fonction valeur absolue x → |x| est convexe.


Une fonction est dite concave si son opposée est convexe. La propriété est inversée :
tout arc est au-dessus de sa corde.

APPLICATION 4
Généralisation : inégalité de Jensen
n+1
Soit f une fonction convexe sur un intervalle I . Dé-
montrer que ∀n 2 ∀(xi ) ∈ I n ∀(λi ) ∈ Rn+ : (λ1 , · · · , λn+1 ) ∈ R+n+1 tel que λi = 1.
i=1
n n n
λi = 1 ⇒ f λi xi λi f (xi )
n+1 n
i=1 i=1 i=1
f λi xi =f λi xi + λn+1 xn+1
i=1 i=1

Effectuons une récurrence sur n. Pour n = 2, on re- n


connaît la définition d’une fonction convexe (on écrit Posons Λ = λi .
λ1 + λ2 = 1 au lieu de λ2 = 1 − λ1 ) : i=1

• Si Λ = 0 : soit ξ le barycentre de
∀(x1 , x2 ) ∈ I 2 ∀(λ1 , λ2 ) ∈ R2+ λ1 + λ2 = 1
(x1 , λ1 ), · · · , (xn , λn ) ; comme I est un intervalle,
=⇒ f (λ1 x1 + λ2 x2 ) λ1 f (x1 ) + λ2 f (x2 ) ξ ∈ I.

n
Soit n un entier supérieur ou égal à 2 pour lequel λi xi = Λξ et Λ + λn+1 = 1
la propriété est vraie, et soit (x1 , · · · , xn+1 ) ∈ I n+1 et i=1

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COURS 18 Dérivation des fonctions d’une variable réelle

Alors : D’où, en définitive :


n+1 n+1 n
λi
f λi xi = f (Λξ + λn+1 xn+1 ) f λi xi Λ f (xi ) + λn+1 f (xn+1 )
i=1 Λ
i=1 i=1
Λf (ξ) + λn+1 f (xn+1 ) n+1
Or : n n λi f (xi )
λi λi
ξ= xi et =1 i=1
Λ Λ
i=1 i=1
• Si Λ = 0 , alors ∀i ∈ [[1, n]] λi = 0 et λn+1 = 1 ;
Donc, d’après l’hypothèse de récurrence :
l’inégalité est immédiate.
n
λi La récurrence est établie : la propriété est vraie pour
f (ξ) f (xi )
i=1
Λ tout n 2.

5.2 • Croissance des pentes des sécantes


dont une extrémité est fixée

Théorème 6
Soit f une fonction de R dans R définie sur un intervalle I .
f est convexe sur I si et seulement si pour tout x0 ∈ I , la fonction :
f (x) − f (x0 )
x→
x − x0
est croissante sur I \{x0 }.

Démonstration
1) Supposons f convexe sur I . Soit x0 ∈ I et x1 , x2 deux éléments de
I \{x0 }. Supposons, pour fixer les idées, que x0 < x1 < x2 . On peut poser
x1 = λx0 + (1 − λ)x2 , avec λ ∈ ]0, 1[. f étant convexe :
f (x1 ) λf (x0 ) + (1 − λ)f (x2 )
d’où :
f (x1 ) − f (x0 ) (1 − λ)( f (x2 ) − f (x0 ))
or x1 − x0 = (1 − λ)(x2 − x0 ) et x1 − x0 > 0 ; d’où :
f (x1 ) − f (x0 ) f (x2 ) − f (x0 )
x1 − x0 x2 − x0
La démonstration est pratiquement la même lorsque x1 < x0 < x2 ou x1 < x2 < x0 .
I \{x0 } → R
On en déduit que l’application f (x) − f (x0 ) est croissante.
x →
x − x0
2) Réciproquement, supposons cette application croissante pour tout x0 ∈ I .
Soit (x, y) ∈ I 2 avec x < y, et λ ∈ ]0, 1[. Posons z = λx + (1 − λ)y, d’où
x<z<y:
f (z) − f (x) f (y) − f (x)
;
z−x y−x
z−x
d’où f (z) f (x) + ( f (y) − f (x)).
y−x
z−x
Or =1−λ; d’où f (z) f (x) + (1 − λ)( f (y) − f (x)).
y−x

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Dérivation des fonctions d’une variable réelle

Et, enfin : pt f (z) λf (x) + (1 − λ)f (y)


y
Cette inégalité est évidente pour λ = 0 ou 1 ; elle est donc établie pour tout
λ ∈ [0, 1] ; par conséquent, f est convexe.

M0 Graphiquement, cette propriété signifie que la pente d’une sécante dont on fixe
une extrémité est une fonction croissante de l’autre extrémité (Doc. 10).
De même, f est concave si et seulement si cette même application est décroissante.

O x0 x1 x2 x3 x

Doc. 10 Croissance de la pente d’une 5.3 • Caractérisation des fonctions convexes dérivables
sécante.
Théorème 7
Une fonction de R dans R dérivable sur un intervalle I est convexe sur I si et
seulement si sa dérivée est croissante sur I .

Démonstration
Soit f une fonction dérivable sur un intervalle I .
1) Supposons f convexe sur I . Soit (x, y) ∈ I 2 avec x < y. Pour tout
z ∈ ]x, y[, on a :
f (z) − f (x) f (z) − f (y)
z−x z−y
f (y) − f (x)
En faisant tendre z vers x à droite , on obtient f (x) .
y−x
f (y) − f (x)
En faisant tendre z vers y à gauche, on obtient f (y) ;
y−x
f (y) − f (x)
d’où f (x) f (y).
y−x
f est donc croissante sur I .
2) Supposons f croissante sur I . Soit (x, y) ∈ I 2 tel que x < y et y = mx + p
y
l’équation de la droite joignant les points d’abscisses x et y de la courbe représen-
tative de f . Soit g la fonction définie par g(t) = f (t) − (mt + p), pour t ∈ I .
g est dérivable sur [x, y] et g (t) = f (t) − m. D’après le théorème des accrois-
sements finis, il existe c ∈ ]x, y[ tel que f (c) = m, c’est-à-dire g (c) = 0. La
g(t) fonction g étant croissante, elle est négative sur [x, c] et positive sur [c, y].
D’où les variations de g :
t x c y
O x c y t g − 0 +
Doc. 11 Croissance de la dérivée.
0 0
g

La fonction g est donc toujours négative : la courbe est en dessous de sa corde, f


est donc convexe sur I (Doc. 11).

De même, une fonction dérivable est concave sur I si et seulement si sa dérivée


est décroissante sur I .

Corollaire 7.1
Une fonction de R dans R deux fois dérivable sur un intervalle I est convexe
sur I si et seulement si sa dérivée seconde est positive sur I .

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COURS 18 Dérivation des fonctions d’une variable réelle

Démonstration
Sur l’intervalle I : f croissante ⇐⇒ f positive.

De même, cette fonction est concave sur I si et seulement si sa dérivée seconde


est négative sur I .
En un point où la dérivée seconde s’annule en changeant de signe, la courbe change
de concavité : on dit qu’il s’agit d’un point d’inflexion.

5.4 • Position par rapport à une tangente

Théorème 8
La courbe représentative d’une fonction convexe dérivable sur un intervalle I
est au-dessus de chacune de ses tangentes.

Démonstration
Soit f une fonction convexe dérivable sur I . L’équation de la tangente à sa
courbe représentative en un point x0 est y = f (x0 ) + f (x0 )(x − x0 ).
Posons h(x) = f (x) − f (x0 ) + f (x0 )(x − x0 ) .
y La fonction h est dérivable sur I et h (x) = f (x)−f (x0 ). f étant croissante
sur I , les variations de h sont données par le tableau ci-dessous :
x x0
h − 0 +
h(x)
h
0
O x0 x On en déduit que h est toujours positive : la courbe est au-dessus de sa tangente
(Doc. 12).
Doc. 12 La courbe est au dessus de sa
tangente. De même, la courbe d’une fonction concave sur I est en dessous de ses tangentes.
En un point d’inflexion, la courbe traverse sa tangente.

6 Dérivation des fonctions


de R dans C
6.1 • Définition
On peut étendre sans problème la définition de la dérivabilité au cas d’une fonction
d’une variable réelle à valeurs complexes :
Soit f une fonction de R dans C définie sur un intervalle I contenant au moins
deux points et t0 ∈ I .
f (t) − f (t0 )
On dit que f est dérivable en t0 si l’application t → admet une
t − t0
limite finie quand t tend vers t0 .
Cette limite, complexe, est alors appelée dérivée de f en t0 , et notée f (t0 ).
f (t) − f (t0 )
f (t0 ) = lim
t→t0 t − t0

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Dérivation des fonctions d’une variable réelle

Graphiquement, f (t0 ) peut être interprété comme un « vecteur-vitesse » dans le


y plan complexe. Il est tangent à la trajectoire du point f (t) en t0 (Doc. 13).
f (t) – f (t0)
t – t0 Comme nous l’avons déjà démontré pour les limites, la dérivabilité d’une fonction
f (t) à valeurs complexes est équivalente à la dérivabilité de sa partie réelle et de sa partie
imaginaire et :
f’(t0) si f (t) = x(t) + i y(t) avec (x(t), y(t)) ∈ R2 ,
f (t0) f (t) = x (t) + i y (t)
O x
On peut étendre aux fonctions de R dans C les notions de dérivabilité à droite, à
Doc. 13 Dérivée vectorielle. gauche, ainsi que toutes les opérations sur les dérivées.

APPLICATION 5
Dérivée de l’exponentielle complexe

Soit λ ∈ C . Calculer la dérivée de la fonction f de R f (t) = eat (a + i b) (cos bt + i sin bt)


dans C définie par f (t) = eλt .
= (a + i b) e(a+ib)t
2
Posons λ = a + i b, avec (a, b) ∈ R .
f (t) = e(a+ib)t = eat eibt = eat cos bt + i eat sin bt D’où (eλt ) = λ eλt .
f est donc dérivable sur R et :
f (t) = (a eat cos bt − b eat sin bt) Remarque : C’est ce qui justifie la notation introduite
+i (a eat sin bt + b eat cos bt) au chapitre Nombres complexes : cos x + i sin x = eix .

6.2 • Propriétés des fonctions dérivables complexes


La notion d’extremum local n’a plus aucun sens pour les fonctions à valeurs
complexes.
Aussi faut-il prendre garde que le théorème de Rolle et l’égalité des accroisse-
ments finis ne sont pas vérifiés par les fonctions à valeurs complexes.

Exemple : La fonction f : t → eit est continue et dérivable sur [0, 2π] et


f (0) = f (2π). Le théorème de Rolle indiquerait que f s’annule en un point de
]0, 2π[, ce qui est impossible puisque f (t) = i eit .
D’un point de vue cinématique, contrairement à un point d’un axe, un mobile
dans le plan complexe peut passer deux fois au même point sans s’arrêter.
Cependant, l’inégalité des accroissements finis est conservée, sous la forme :

Théorème 9
Soit f une fonction de R dans C , continue sur un segment [a, b] et dérivable
sur ]a, b[ (avec a < b).
f (b) − f (a)
Si ∀t ∈ ]a, b[ | f (t)| M , alors M.
b−a

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Dérivation des fonctions d’une variable réelle

Démonstration
f (b) − f (a)
Posons = r eiα avec (r, α) ∈ R+ × R et considérons la fonction g
b−a
définie par :
∀t ∈ [a, b] g(t) = f (t) e−iα
g(b) − g(a)
On a donc = r ∈ R. Posons g(t) = x(t) + i y(t) et appliquons
b−a
l’inégalité des accroissements finis à la fonction réelle x :

∀t ∈ ]a, b[ |x (t)| |g (t)| = | f (t)| M


x(b) − x(a)
D’où : M
b−a
g(b) − g(a) g(b) − g(a)
ce qui équivaut à M, puisque est réel.
b−a b−a
f (b) − f (a)
C’est-à-dire r M , soit M.
b−a

En particulier, si f est nulle sur ]a, b[, f est constante sur [a, b].

............................................................................................................
MÉTHODE
Pour montrer qu’une fonction f est dérivable en x0 , on peut :
• appliquer les opérations sur les fonctions dérivables ;
• chercher si f admet un développement limité d’ordre 1 au voisinage de x0 ;
f (x) − f (x0 )
• chercher si admet une limite finie quand x tend vers x0 (cf. exercices 2 et 5) ;
x − x0
• si f est continue en x0 et dérivable sur un voisinage de x0 privé de x0 , chercher si f admet une limite
finie en x0 .

Pour calculer une dérivée n-ième, on peut :


• essayer de conjecturer le résultat au vu des premières dérivées successives, puis le vérifier par récurrence (cf.
exercice 7 a) et b)) ;
• si la fonction se présente comme un produit, appliquer le théorème de Leibniz (cf. Application 1 et exercice 7 f)) ;
• transformer l’expression pour faciliter les dérivations successives (cf. exercice 7 c), d) et e)).

Pour trouver un extremum d’une fonction réelle dérivable sur un intervalle I , on peut :
• chercher les points de I où la dérivée s’annule, puis vérifier pour chacun d’entre eux s’il s’agit bien d’un
extremum (cf. Application 2) ;
• examiner la valeur de la fonction aux extrémités de I (où f peut présenter un extremum non local).

Pour étudier les variations d’une fonction réelle dérivable :


• on étudie le signe de sa dérivée (pour cela, on peut être amené à étudier les variations d’une fonction annexe)
(cf. exercice 8).

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Dérivation des fonctions d’une variable réelle

Pour montrer qu’une fonction f est convexe, on peut :


• appliquer la définition (ex : x → |x|) ;
• chercher si tout arc de sa représentation graphique est situé en dessous de la corde correspondante ;
• si f est dérivable, montrer que f est croissante (cf. exercice 14) ;
• si f est deux fois dérivable, montrer que f est positive.

Ne pas confondre :
• la définition de la dérivée en a :
f (x) − f (a)
lim
= f (a)
x→a x−a
on peut l’utiliser lorsque, connaissant des propriétés concernant le taux d’accroissement, on veut obtenir des
propriétés concernant la dérivée (cf. exercice 5 ) ;
• le théorème des accroissements finis :

f (b) − f (a)
∃c ∈ ]a, b[ = f (c)
b−a
on peut l’utiliser lorsque, connaissant des propriétés de la dérivée, on veut obtenir des propriétés du taux
d’accroissement (cf. exercice 11).
...................................................................................................................................................................................................

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Dérivation des fonctions d’une variable réelle

Exercice résolu
Soit f une fonction définie sur R+ , positive, bornée, deux fois dérivable, telle que f f .
1 Montrer que f est convexe.
2 Montrer que f est décroissante.
3 Montrer que f et f tendent vers 0 en +∞.
4 On considère les fonctions g et h définies sur R+ par : g(x) = f (x)ex , h(x) = (f (x) + f (x))e−x .
a) Étudier le sens de variation et le signe de h.
b) En déduire le sens de variation de g.
c) Montrer que pour tout x ∈ R+ : f (x) f (0) e−x .

Conseils Solution
1) f est positive, donc f est croissante : f est convexe.
Raisonner par l’absurde. 2) La courbe représentative de f est au dessus de sa tangente en tout
point. S’il existait un point où cette tangente avait un coefficient directeur
strictement positif, f tendrait vers +∞ en +∞, ce qui est impossible
puisqu’elle est bornée. Donc f est partout négative : f est décroissante.
Toute fonction monotone bornée a une 3) Comme f est décroissante et minorée par 0, elle a une limite positive
limite finie en +∞. en +∞. Si > 0, f > , d’où pour tout x ∈ R+ f (x) > f (0) + x ;
f tendrait vers +∞ en +∞, ce qui est exclu. Donc = 0.
De même, : f est croissante et majorée par 0, elle a une limite négative
en +∞. Si < 0, pour tout x ∈ R+ : f (x) < f (0) − x ; f tendrait
vers −∞ en +∞, ce qui est exclu ; donc = 0.
Dériver h(x). 4 a) h est dérivable et h (x) = (f (x) − f (x))e−x 0. Donc h est
croissante et comme elle tend vers 0 en +∞, elle est négative sur R+ .
Dériver g(x). b) g est dérivable et g (x) = (f (x) + f (x))ex = h(x)e2x 0 ; g est
décroissante sur R+ .
c) On en déduit que pour tout x ∈ R+ : g(x) g(0), c’est-à-dire
f (x) f (0) e−x .

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