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12/06/2020 Saint Augustin - L’Afrique et sa diversité vues par saint Augustin - Ausonius Éditions

Ausonius
Éditions
Saint Augustin | Serge Lancel, Stéphanie Guédon, Louis Maurin

L’Afrique et sa
diversité vues par
saint Augustin
Claude Lepelley
p. 29-43

Texte intégral
1 La pensée philosophique et théologique de saint Augustin
pouvait atteindre un très haut niveau d’abstraction.
Cependant, on doit constater que sa tournure d’esprit
l’amenait à illustrer cette pensée par des exemples vécus, des
faits de vie concrets. Il se révèle un observateur attentif du
monde qui l’entoure, sensible aux realia ; c’est très net dans
sa prédication, où il cherche à faire comprendre à ses fidèles
des notions théologiques complexes grâce à des images
concrètes, des métaphores inspirées par la vie quotidienne.
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J’ai pu ainsi glaner dans son œuvre de multiples


informations sur la vie des cités de l’Afrique romaine de son
temps1. Il est donc légitime de scruter les écrits d’Augustin
pour y déceler des témoignages sur l’Afrique qui ne soient
pas des lieux communs, cette Afrique où il a toujours vécu, à
l’exception des quatre années passées en Italie de 383 à 3872.
2 On peut relever dans ces écrits des évocations contrastées de
régions très différentes : il n’y a pas une Afrique d’Augustin,
mais plusieurs. C’est ce que je me propose d’analyser. Bien
entendu, je pense ici à la distinction chère à Christian
Courtois des “deux Afriques”, l’Afrique romanisée et
l’Afrique tribale3.
3 Commençons par une réflexion sur Carthage, qu’on lit dans
le e livre des Confessions et dont Azedine Beschaouch a
souligné l’intérêt au congrès augustinien d’Alger en 20014.
Ce livre X est, pour une large part, consacré à la mémoire. Le
chapitre 21 porte sur le souvenir du bonheur. Augustin
demande si ce souvenir est comparable à celui de la joie
éprouvée par celui qui. pour la première fois, découvre
Carthage (il est vrai, pour dire aussitôt que la vraie beata
vita ne peut être sensorielle, comme le furent cette
expérience et son souvenir). Carthage, et non Rome :
Augustin n’a donc pas éprouvé, en découvrant à la trentaine
la capitale de l’Empire, un éblouissement égal à celui qu’il
avait ressenti en arrivant dans la métropole de l’Afrique à
l’âge de 16 ans, Carthage où il séjourna douze années,
comme étudiant, puis comme professeur5. Augustin est un
homme de l’Africa, l’Afrique proconsulaire, le pays des “très
splendides cités”, qui était “tel un jardin de délices pour le
monde entier”, selon les termes de l’évêque de Carthage
Quodvultdeus, quand il déplorait les malheurs du temps de
l’invasion vandale6. Le pays d’Augustin, la Numidie
d’Hippone, jusqu’à Madaure, appartenait, comme le nord de
l’actuelle Tunisie, à ce monde privilégié, et d’ailleurs elle
resta au Bas-Empire rattachée administrativement à la
province d’Afrique proconsulaire7. Durant son épiscopat,
Augustin emprunta très souvent les routes qui menaient vers
Carthage, où il se rendait pour un concile ou des
prédications, par Sicca Veneria ou par Balla Regia, par
Membressa8. Il connaissait assez mal le reste de l’Afrique – à
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l’exception de la région de Constantine, l’ancienne


confédération cirtéenne. On ne connaît avec certitude qu’un
seul voyage qu’il fit en Numidie du Sud (vers 421), sur le
limes, à Tubunae (Tobna), et un autre dans la lointaine
Césarée de Maurétanie, où il dut régler un conflit
ecclésiastique complexe. Son univers habituel était le nord-
est de l’actuel Maghreb, soit la région la plus profondément
romanisée. Cependant, il constatait que, dans sa Numidie
d’Hippone, les paysans parlaient la punica lingua, dans
laquelle il faut bien reconnaître le néo-punique. Je
n’évoquerai pas ici cette question, traitée ailleurs9.
Remarquons simplement que jamais Augustin ne qualifie
ces paysans punicophones de barbares ; on peut constater
grâce aux inscriptions et aux écrits d’Augustin qu’ils
n’appartenaient pas à des tribus, mais simplement à des
villages (appelés d’ordinaire castella, sans que cette
dénomination impliquât l’existence de fortifications)
rattachés aux cités. Comme l’a écrit très justement Serge
Lancel, Augustin “reconnaissait la langue punique en tant
que vecteur principal d’une identité, sinon d’une
‘conscience’, africaine10”. Le grammairien païen Maxime de
Madaure, qui avait été le professeur du jeune Augustin, se
moquait dans une lettre des noms puniques, donc selon lui
barbares, de martyrs chrétiens (ainsi Namphamo)11.
Augustin lui répondit par un vibrant éloge d’une civilisation
punique qu’il ne connaissait, en fait, que par les auteurs
latins classiques – Virgile pour la reine Didon, Tite Live pour
Hannibal. “À quel point, répondait Augustin, as-tu pu
t’oublier toi-même, toi un Africain écrivant à des Africains,
alors que vous vivons l’un et l’autre en Afrique, pour penser
devoir tourner en dérision des noms puniques !...
Assurément, tu regrettes d’être né là où demeure vivace le
berceau de cette langue12”. Un bon nombre d’années plus
tard, un autre adversaire d’Augustin, le pélagien italien
Julien d’Eclane, devait l’appeler “le Punique”, ou le
“discutailleur (disputator) punique” : "Qu’y a-t-il de plus
monstrueux que ce que raconte le Punique13 ?” Augustin lui
répondait : “Ne vas pas, parce que tu es né en Apulie
[aujourd’hui les Pouilles] penser l’emporter par ta race sur
ces Puniques que tu n’es pas capable de vaincre par
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l’esprit14”. On peut donc dire qu’existait chez Augustin une


vive conscience de son africanité. Il a, d’autre part, participé
à Carthage à une série de conciles où, autour de l’évêque
Aurelius, on défendit fermement l’autonomie de l’Église
d’Afrique, face aux prétentions déjà centralisatrices du siège
apostolique romain15. Toutefois, cet état d’esprit ne l’amena
pas à mettre en cause son adhésion à la communis patria
romaine : il était un Romano-Africain, et l’on doit constater
que, pour lui, l’Afrique était romano-punique. Mais il
connaissait fort mal l’autre Afrique, l’Afrique libyque, c’est à
dire paléo-berbère. En voici un exemple, bien proche
géographiquement : dans la zone montagneuse, forestière et
peu peuplée de La Cheffia, à mi-chemin entre Hippone et
l’actuelle frontière tunisienne, ont été découvertes d’assez
nombreuses inscriptions libyques, révélant la présence d’un
isolat autochtone. Certaines de ces inscriptions sont
bilingues (latino-libyques) et datent assurément de l’époque
impériale romaine. Ceci a amené Gabriel Camps à revenir,
avec beaucoup de nuances, à la théorie de Courtois, selon
laquelle la punica lingua parlée selon Augustin par les
paysans de la région d’Hippone pourrait être du libyque16.
L’admiration que nous vouons à notre savant ami disparu ne
nous dissuade pas de dire qu’il s’agissait bel et bien de
punique ; mais il reste que, non loin de là vers l’Est (et
assurément dans d’autres secteurs de la région), le libyque
demeurait vivant, mais qu’Augustin paraît l’avoir ignoré.
Cette méconnaissance était évidemment plus grande encore
pour des populations lointaines du Sud ou de l’ouest
maurétanien. Dans son œuvre immense, on ne trouve qu’une
seule et vague allusion au libyque, soit le paléo-berbère, la
langue ancestrale de l’Afrique, perdue dans le livre XVI (6, 2)
de la Cité de Dieu : “Nous connaissons en Afrique de
nombreuses nations barbares qui n’ont qu’une seule et
même langue”. On a noté le qualificatif de barbare (in Africa
barbaras gentes in una lingua plurimas novimus),
qu’Augustin n’utilise jamais pour désigner les punicophones.
4 Nous nous proposons cependant d’examiner quelques textes
augustiniens qui évoquent cette “Afrique inconnue”, pour
reprendre la formule de Courtois. Le premier, qui concerne
les Gétules et la Gétulie, a un grand intérêt, mais nous
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verrons qu’en fait, contrairement à ce que j’avais cru


naguère, sa signification est uniquement géographique et
non ethnique, et qu’il ne concerne donc pas “l’Afrique
inconnue”.
Augustin, Enarratio in psalmum CXLVIII, 10, sermo ad
plebem habitus Hipponi Regio, CCL 40, p. 2172-2173.
(p. 2172) – Si Deus plueret, numquid plueret in mare ?
Qualis, inquiunt, providentia ! Getulia sitit et mare
compluitur....
“Si c’était Dieu qui faisait pleuvoir, est-ce qu’il pleuvrait dans
la mer ? Qu’est-ce donc, disent-ils, que cette Providence ? La
Gétulie a soif, et la mer est arrosée par la pluie !”
(p. 2173) – Et quare, inquit, pisci pluit, et mihi aliquando
non pluit ? Ut cogites te in regione esse deserti et in
peregrinatione vitae.... Quomodo autem distribuit propria
regionum ? Ecce, quia de Getulia locuti sumus, pluit hic
prope omni anno, et omni anno dat frumentum ; servari
hoc frumentum non potest, cito corrumpitur, quia omni
anno datur. Ibi, quia raro, et multum datur et diu servatur.
Sed forte putas quia ibi deserit Deus homines, aut non ibi
secundum iucunditatem suam laudant et glorificant
Deum ? Apprehende inde Getulum, pone inter istas arbores
amoenas : fugire hinc vult, et redire ad nudam Getuliam.
“Et pourquoi, dit-on, pleut-il pour le poisson, et que pour
moi, quelquefois, il ne pleut pas ? C’est pour que tu penses
que tu es dans la région du désert, et dans le voyage d’exil de
la vie... Comment (Dieu) répartit-il donc les biens propres à
chacune des régions ? Mais puisque nous parlons de la
Gétulie : ici, il (Dieu) fait pleuvoir presque toute l’année, et il
donne le blé toute l’année. Ce blé ne peut pas être conservé,
il est vite pourri, car il est donné toute l’année. Là-bas,
comme c’est rarement, il est donné en abondance et il se
conserve longtemps. Mais penses-tu par hasard que Dieu
aurait abandonné les hommes de là-bas, ou que là-bas ils ne
louent pas Dieu et ne le glorifient pas dans la joie ? Prends
là-bas un Gétule, mets le au milieu de ces arbres agréables :
il veut d’enfuir d’ici et retourner dans la Gétulie dénudée”.

5 J’ai naguère commenté ce passage de l’enarratio sur le


psaume 148, et je juge aujourd’hui ce commentaire
contestable. Voici ce que j’écrivais en 197917 : “Augustin
évoque le Gétule, c’est à dire le Saharien. S’il est capturé et
installé au milieu des arbres, dans une campagne fertile, il
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veut fuir et retourner dans sa Gétulie désolée.... Augustin


oublie de dire qu’il est légitime de préférer la liberté dans le
Sahara à l’esclavage dans le Nord". Dans un contexte de
guerre, le verbe apprehendere peut, de fait, signifier se saisir
de quelqu’un, le capturer. J’avais donc compris “capture un
Gétule” (et réduis le en esclavage), installe le au milieu de ces
arbres agréables ; il veut s’enfuir d’ici.... J’ai aussi qualifié
ces Gétules de “nomades irréductibles”18, imaginant donc
qu’ils venaient des steppes présahariennes. Celte
interprétation m’était suggérée par la lettre d’Augustin à
Hesychius de Salone (Ep. 199), sur laquelle nous
reviendrons, où il évoque les barbares africains restés païens
“que l’on ramène captifs et que les Romains joignent à leurs
esclaves19". De même, l’Expositio totius mundi mentionne
l’exportation d’esclaves de Maurétanie20. En fait, cette
interprétation n’était pas fondée pour le présent texte, en
premier lieu parce qu’Augustin y évoque d’abord les riches
récoltes de blé faites en Gétulie, ce qui exclut les steppes
présahariennes21. D’autre part, apprehendere a souvent un
sens banal : prends, au sens de "prends par exemple” (ici,
“imagine un Gétule”), et n’implique pas nécessairement la
violence, la contrainte. Il faut comprendre que le Gétule
installé pour une raison quelconque dans la région
d’Hippone, donc dans le Tell, n’apprécie nullement le
charme de ce paysage vallonné et boisé, il préfère son pays
natal, plat et sans arbres, et cette préférence révèle que Dieu
répartit ses dons entre chaque région dans toute leur
diversité : en Gétulie, les récoltes sont plus rares, mais elles
sont abondantes, et les habitants, eux aussi, rendent grâce à
Dieu, J’avais été poussé dans ma mauvaise interprétation
par le commentaire rapide que Stéphane Gsell avait donné
de ce texte22 : il traduit “Pluit hic prope omni anno” par “Ici,
il pleut (Dieu fait pleuvoir) chaque année” ; il prend donc
omni au sens de “chaque”, en oubliant le mot prope,
“presque”, qui impliquerait dans cette interprétation qu’il est
des années où il ne pleut pas du tout à Hippone, ce qui est
aberrant. Omnis a ici le sens de l’ensemble, la totalité, soit
“durant l’ensemble de l’année, toute l’année23” (cf Cicéron,
Or. 11. Pro Sulla, 17, eo tempore omni, “pendant tout ce
temps-là”). Dans la suite du texte, Gsell comprend qu’en
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Gétulie, on ne récolte le blé que certaines années fastes, alors


que raro renvoie à omni anno, et signifie rarement dans
l’année.
6 Ainsi, quand Augustin évoque ici la Gétulie, il ne pense ni au
Sahara, ni aux steppes pré-sahariennes, ni à des populations
de pasteurs nomades : il évoque la région des Hautes
Plaines, qu’il oppose au Tell, la zone septentrionale bien
arrosée, montagneuse et boisée. Le sermon, selon son titre, a
été donné à Hippone (senno ad plebem, habitus Hipponi
Regio). Or, au sud de la région d’Hippone, dans ce que nous
nommons le Constantinois algérien, les hautes plaines ne
sont pas steppiques, comme elles le sont dans l’Algérois et
l’Oranie, ce sont de riches terres à blé, grâce à une pluviosité,
certes moins forte que dans le Tell, mais suffisante pour la
céréaliculture. Un excellent exemple de cette définition
géographique se lit dans l’Apologie d’Apulée (XIV), quand il
déclare que sa patrie, Madaure, est située exactement sur les
confins de la Numidie et de la Gétulie (De patria mea vero,
quam eam sitam Numidiae et Gaetuliae in ipso confinio....
ostendistis). De fait, quand on vient du Nord, donc
d’Hippone, on découvre le vaste horizon des hautes plaines
en arrivant à Madaure (à une centaine de kilomètres au sud
d’Annaba/Bône), ville d’ailleurs située à la limite du vaste
territoire attribué au peuple libyen des Musulames.
7 Un autre texte d’Augustin, un passage du sermon 46, énonce
à propos de la même région des considérations comparables,
tout en révélant le caractère parfois peu rigoureux de son
vocabulaire géographique.
Augustin, sermon 46, 16, 39, éd. C. Lumbot, CCL. 41. p. 567-
568.
Auctor totius huius mali Numida haereticus fuit. In
Numidia unde ventum est cum tanto malo, muscarium vix
invenitur, in cupsonibus habitant. Quomodo mons
umbrosus in Numidia ? Dic mihi ergo. Noli huc usque
recitare : Deus ab Africo24, exigo sequentia : et Sanctus de
monte umbroso. Sed ostende mihi pariem Donati a
Numidia de monte umbroso venire. Invenis nuda omnia,
pingues tamen campos, sed frumentarios, non olivetis
fertiles, non ceteris nemoribus amoenos. Unde ergo mons
umbrosus in Numidiae partibus, unde hoc scandalum

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venit ?
“L’instigateur de tout ce mal (le donatisme) fut un hérétique
numide. En Numidie, d’où est venu un si grand mal, on a
peine à trouver des ombelles25, elles se trouvent dans des
cupsones (?26). Comment une montagne ombragée serait-
elle en Numidie ? Dis le moi donc ! Ne récite pas seulement
jusqu’à ‘Dieu vient du vent d’Afrique’, j’exige ce qui suit : ‘et
le Saint de la montagne ombragée’. Mais montre-moi
(comment) le parti de Donat, venu de Numidie, vient ‘de la
montagne ombragée’ ! Tu trouves des étendues dénudées,
des champs, riches, certes, mais céréaliers, infertiles pour les
oliviers, défavorables aux autres arbres. Où se trouve donc,
dans les régions de la Numidie, la montagne ombragée d’où
est venu ce scandale ?”

8 Dans le sermon 46, Augustin critique l’interprétation


donatiste d’un passage du prophète Habacuc (3, 3) traduit
(fallacieusement d’ailleurs) dans la Vetus Latina. “Dieu vient
du vent d’Afrique, et le Saint de la montagne ombragée”
(Deus ab Africo venit, et sanctus de monte umbroso).
Jérôme, dans la Vulgate, traduit : Deus ab austro venit,
“Dieu vient du Sud”27. Les donatistes voyaient dans la
mauvaise traduction de la Vetus Latina la preuve que
l’Afrique était la nouvelle Terre Sainte. Pour Augustin, cette
interprétation était fallacieuse, non pour des questions
d’erreur de traduction, mais parce que la Numidie, d’où le
donatisme était sorti, ne pouvait être appelée “une montagne
ombragée”, car on n’aurait trouvé dans cette région que des
plaines dénuées d’arbres, propices seulement à la
céréaliculture. Il pensait assurément à la région d’où serait
originaire (c’est d’ailleurs controversé) l’hérésiarque Donat,
Casae Nigrae, en un lieu indéterminé de la Numidie du
Sud28. Or la Numidie allait jusqu’à la mer, et elle comptait
dans sa partie nord bien des montagnes ombragées, surtout
si l’on incluait la Numidie proconsulaire où se trouvait
Hippone. Dans le sud, l’Aurès, qui est couvert de forêts, peut
à juste titre être appelé un mons umbrosus. L’exégèse
d’Augustin était donc aussi contestable que celle de ses
adversaires donatistes ; mais on doit surtout noter qu’il
réduit ici la Numidia à la région dénudée des hautes plaines,
qu’il appelle Getulia dans l’en. in ps. CXLVIII. L’artifice de la

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rhétorique et la polémique religieuse suscitent des


approximations et des déformations dont il faut tenir
compte, mais qui coexistent pourtant dans d’autres textes
d’Augustin avec l’observation attentive et concrète du monde
environnant L’interprétation donnée ici de ces textes
augustiniens confirme ce que Gsell avait déjà montré : “Les
Anciens, écrivait-il, désignaient par le nom de Gétulie une
zone intérieure située entre les régions voisines du littoral et
le Sahara : les plaines méridionales du centre du
Constantinois appartiennent à la Gétulie29”. Ceci a été
définitivement démontré par Jehan Desanges. Dès 1962,
dans son Catalogue des tribus africaines, il ne donnait pas
d’entrée, de notice, “Gétules”, car cette catégorie écrivait-il,
“fait partie des entités ethno-politiques larges et plus ou
moins vagues30”. Dans le commentaire de son édition de
Pline l’Ancien. Histoire Naturelle, V, 1, il note que les termes
de Gétules et de Gétulie sont imprécis et ne désignent pas un
ensemble ethnique cohérent, car on trouve des Gétules de
l’Atlantique à la Grande Syrte31. Osons dire que c’est une
catégorie fourre-tout. Gsell voyait dans les Gétules les
populations restées en marge (et au sud) des royaumes
numides masaesyle et massyle, dont les souverains ne
pouvaient espérer qu’une allégeance vague (quand ces
“Gétules” ne s’entendaient pas contre ces rois avec les
Romains, Marius ou César). Gabriel Camps suivait Saliuste
et Strabon en insistant sur le genre de vie particulier des
Gétules au sens d’habitants des steppes, ainsi leur habitat
sommaire (mapalia)32. Mais la Numidie méridionale s’était
lentement urbanisée et municipalisée à partir de l’époque
antonine et, au temps de saint Augustin, les termes de
Getulia/Getulus ne se référaient plus à un mode de vie
particulier ni à une spécificité ethnique.
9 Une remarque : ces deux textes augustiniens manifestent
une notable permanence climatique, pour la différence de
pluviosité entre le Tell et les Hautes Plaines du
Constantinois (et aussi les Hautes Plaines tunisiennes).
Autre permanence, pour le paysage : l’absence d’arbres (ou
leur rareté) dans lesdites plaines, qui ne correspond donc
pas à un déboisement ultérieur, médiéval ou moderne.
Cependant, l’exploration archéologique a révélé dans ces
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régions une grande extension à l’époque romaine de la


culture de l’olivier : en Tunisie dans la région de Sbeitla et de
Kasserine, comme le révèle la prospection archéologique
dirigée par Bruce Hitchner33, en Algérie jusqu’au sud de
Theveste (Tébessa) et dans presque l’ensemble des plaines
du Constantinois, comme l’a constaté Henriette Camps-
Fabrer34. On prend ici Augustin en flagrant délit d’ignorance
– ou plutôt de déformation polémique et rhétorique de la
réalité, l’amenant à affirmer contre les donatistes qu’il n’y
avait pas d’arbres en Numidie. La mention de plusieurs
récoltes de céréales par an dans la région d’Hippone est plus
intéressante, ainsi que celle du danger de pourrissement de
la récolte dans les silos, car elles font allusion à des faits que
les auditeurs du sermon pouvaient constater. Il s’agit
probablement de récoltes successives de blé d’hiver et de blé
de printemps (mais l’existence de récoltes de céréales et de
pluies presque tout au long de l’année était évidemment une
exagération rhétorique).
10 C’est un tout autre univers que nous devons aborder à
propos de ceux qu’Augustin appelle Afri barbari, les
barbares africains. Il les connaissait mal : dans sa lettre à
Hesychius de Salone (ep. 199, datable de 418), il dit qu’on
peut recueillir des informations sur eux par ceux qui avaient
été capturés dans leurs contrées lointaines et étaient
devenus esclaves des Romains. Voyons le contexte de cette
lettre. En 418, Hesychius avait écrit à Augustin que les
invasions barbares (dont sa contrée balkanique souffrait tout
particulièrement) annonçaient l’imminence de la fin du
monde. Était d’autre part accomplie, selon lui, la prophétie
scripturaire selon laquelle le jugement dernier adviendrait
quand tous les peuples seraient évangélisés. Toujours hostile
au millénarisme, Augustin répondait que de nombreux
peuples dans le monde n’avaient encore pas reçu l’annonce
de l’Évangile, et il prenait l’exemple africain qui nous retient
ici.
Augustin, lettre 199, à Hesychius de Salone. 13, 46, CSEL,
57. p. 284-285.
Sunt enim apus nos, id est in Africa, barbarae
innumerabiles gentes, in quibus nondum esse praedicatum
evangelium, ex his qui ducuntur inde captivi et Romanorum
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servitiis iam miscentur, cotidie nobis addiscere in promptu


est. Pauci tamen anni sunt, ex quo quidam eorum rarissimi
atque paucissimi, qui pacati romanis finibus adhaerent, ita
ut non habeant reges suos, et super eis praefecti a Romano
constituantur imperio, et illi ipsi eorum praefecti Christiani
esse coeperunt. Interiores autem, qui sub nulla sunt
potestate romana, prorsus nec religione Christiana, in
suorum aliquibus detinentur, neque ullo modo recte dici
potest istos ad promissionem Dei non perlinere.
“Il existe chez nous, c’est à dire en Afrique, d’innombrables
peuples barbares chez qui l’Évangile n’a jamais été prêché ;
auprès de ceux que l’on ramène captifs et que les Romains
joignent à leurs esclaves, il nous est facile de l’apprendre
quotidiennement. Depuis quelques années cependant,
certains d’entre eux, très rares et très peu nombreux, qui,
pacifiés, se rattachent au territoire romain, de sorte qu’ils ne
possèdent plus de rois, mais que des préfets ont été institués
pour les régir par l’empire romain, ont commencé à devenir
chrétiens avec leurs préfets eux-mêmes. Mais ceux qui
résident plus vers l’intérieur, qui ne sont nullement soumis à
la puissance romaine et qui ne sont absolument pas de
religion chrétienne, s’arrêtent à quelques religions des
leurs35, sans que l’on puisse dire en aucune manière qu’ils
n’appartiennent pas à la promesse de Dieu”.

11 Ce texte est riche d’enseignements36. Il nous apprend l’usage


de razzier des barbares dans les zones tribales extérieures au
territoire impérial pour en faire des esclaves en pays romain,
et ceci jusqu’à Hippone, puisque c’est de ces esclaves
qu’Augustin avait obtenu des informations sur la situation
religieuse dans leurs régions. Celte pratique devait
assurément contribuer à aigrir beaucoup les rapports entre
ces tribus et l’Empire. On apprend d’autre part que la
domination romaine avait connu récemment une modeste
extension dans ces zones de confins par l’admission dans
l’Empire de quelques tribus. On peut penser à des opérations
comparables à celles que le futur comte d’Afrique Boniface,
alors simple tribun militaire, devait mener avec succès vers
416-417 en Numidie du Sud, probablement depuis la région
de Tubunae (Tobna), aux confins de la Maurétanie
Césarienne, selon la lettre 220 d’Augustin37. Les préfets qui
remplaçaient les rois de ces tribus soumises n’étaient plus,

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comme sous le Haut-Empire, des officiers romains, mais des


notables tribaux investis de cette fonction par l’autorité
impériale38. Est particulièrement remarquable le fait que la
christianisation apparaît ici limitée au territoire contrôlé par
Rome, et que l’église d’Afrique ne semble pas avoir cherché à
envoyer des missionnaires au-delà du limes. Constatons
cependant que le christianisme se maintint et assurément se
développa dans des zones abandonnées par l’Empire au
e
siècle, ainsi à Volubilis, en Tingitane. Mais pour
l’essentiel, demeurait valable en Afrique l’axiome d’Optat de
Milev, “ce n’est pas l’État (res publica) qui est dans l’Église,
c’est l’Église qui est dans l’État, c’est à dire l’empire
romain39”.
12 Les relations avec les “barbares africains” pouvaient être
pacifiques : on le voit dans la lettre adressée à Augustin dans
les années 395/399 par un certain Publicola40, propriétaire
de terres dans le pays des Arzuges, soit le Sud tunisien
actuel, la région située au sud des chotts Fejej et Jerid, et
probablement, au nord de ces chotts, vers Tozeur et Netta.
Lettre de Publicola à saint Augustin, parmi les lettres
d’Augustin, ep. 46, 1, CSEL. 34. 2, p. 123.
In Arzugibus, ut audivi, decurioni qui limiti praeest vel
tribuno solent iurare barbari, iurantes per daemones suos.
Qui ad deducendas bastagas pacti fuerint, vel aliqui ad
servandas fruges ipsas, singuli possessores ve ! conductores
solent ad custodiendas fruges suscipere quasi iam fideles,
epistulam decurione mittente, vel singuli transeuntes,
quibus necesse est per ipsos transire.
“Chez les Arzuges, à ce que j’ai entendu dire, les barbares
ont la coutume de prêter serment au décurion qui
commande la frontière (limes) ou au tribun, et ils jurent par
leurs démons. Ceux qui concluent des engagements pour
accomplir des transports de bagages (bastagae), ou bien les
propriétaires ou les fermiers, pour protéger leurs récoltes,
ont l’habitude de les accueillir comme des gens de confiance
pour assurer la garde de leurs récoltes, le décurion ayant
envoyé une lettre. Les voyageurs qui doivent traverser le
pays en les prenant pour guides font de même”.

13 Ce texte rapporte que des barbares se présentaient à la


frontière, où ils étaient contrôlés par un tribun militaire (ou
un décurion de cavalerie), et qu’ils étaient autorisés, pour
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gagner quelque argent, à accomplir divers travaux en


territoire romain. J’ai donné ailleurs de ce document
important un commentaire détaillé que je ne fais que
résumer ici41. La migration évoquée par Publicola est
assurément la transhumance annuelle de ces tribus nomades
venues des steppes présahariennes, à la limite du grand erg
oriental, transhumance qui paraît être réglée par la coutume
et se dérouler pacifiquement. Contrairement à ce qu’on dit
des commentateurs modernes, les Arzuges sont les habitants
de la région du Jerid, donc d’un territoire romain, et non les
barbares transhumants42. Mais là aussi apparaît clairement
la non christianisation des peuples extérieurs au limes
(même s’ils transhumaient en territoire romain) : pieux
chrétien, Publicola exposait à Augustin les scrupules qu’il
éprouvait à employer sur ses terres ces barbares restés
fidèles au paganisme et à ses rites.
14 Avec la lettre adressée par Augustin en 426 ou 427 au comte
d’Afrique Boniface, on aborde l’un de ces conflits violents qui
opposaient périodiquement les autorités impériales et les
populations des zones romanisées aux tribus de l’ouest
maurétanien.
Augustin, lettre 220, 7, au comte d’Afrique Boniface, CSEL,
57, p. 436.
Quid autem dicam de vastatione Africae quam faciunt Afri
barbari resistente nullo, dum tu talis tuis necessitatibus
occuparis nec aliquid ordinas unde ista calamitas
avertatur ? Quis autem crederet, quis autem timeret
Bonifatio domesticorum et Africae comite in Africa
constituto, cum tanto magno exercitu et potestate, qui
tribunus cum paucis foederatis omnes ipsas gentes
expugnando et terrendo pacaverat, nunc tamtum fuisse
barbaros ausuros, tantum progressuros, tantum
vastaturos, tanta rapturos, tanta loca quae plena populis
fuerant, deserta facturos ? Qui non dicebant
quandocumque comitivam sumeres potestatem, Afros
barbaros non solum domitos, sed etiam tributarios futuros
Romanae rei publicae ? Et nunc quam in contrarium versa
sit spes hominum, vides nec diutus hinc tecum loquendum
est, quia plus ea tu potes cogitare quam nos dicere.
“Que dirai-je alors de la dévastation de l’Afrique, accomplie
par les barbares africains sans que personne de résiste, alors
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que toi, homme éminent, tu es accaparé par tes impérieuses


nécessités, et tu n’ordonnes rien qui pourrait détourner cette
calamité ? Qui aurait cru, qui aurait craint qu’alors que
Boniface était établi en Afrique comme comte des
domestiques43 et d’Afrique, avec une si grande armée, une si
grande puissance, lui qui, quand il était tribun, avec un petit
nombre de fédérés, avait pacifié ces mêmes tribus en les
combattant et en les frappant de terreur, qui donc aurait cru
que les barbares auraient eu tant d’audace, se seraient tant
avancés, auraient tant dévasté, auraient tant pillé, auraient
rendu déserts tant de lieux qui avaient été densément
peuplés ? Qui ne disait pas, quand tu as assumé l’autorité
comtale, que les barbares africains ne seraient pas seulement
domptés, mais qu’ils deviendraient des tributaires de
l’empire romain ? Et maintenant tu vois qu’a été renversée
l’espérance des gens : inutile d’en parler ici plus longtemps,
car tu en as toi-même encore davantage conscience que
nous, nous ne pouvons le dire”.

15 Les graves événements auxquels Augustin fait allusion ici ne


sont pas connus par d’autres documents. On peut les dater
d’environ 42744. La lettre évoque en effet le conflit opposant
alors Boniface, comte d’Afrique depuis 423 ou 424, à la cour
de Ravenne : à la suite des intrigues du maître de la Milice
Aétius, l’impératrice Galla Placidia avait ordonné la
destitution et le rappel du comte d’Afrique. Boniface ayant
refusé d’obtempérer, il était considéré comme rebelle.
Réhabilité ensuite, il était en poste au moment de l’invasion
vandale du printemps 429, à laquelle il fut incapable de
s’opposer45. Accaparé par son conflit personnel avec la cour.
Boniface avait négligé la situation africaine et n’avait pas
réprimé l’invasion d’Afri barbari relatée ici par Augustin. Il
s’agissait très probablement d’une incursion de tribus
maurétaniennes ayant pénétré en Numidie, par la trouée du
Hodna ou la région de Tobna (c’est ce que suppose Yves
Modéran). Les conflits avec les tribus étaient récurrents en
Maurétanie ; la gravité particulière des événements évoqués
ici était liée au fait qu’étaient envahies des régions
d’ordinaire à l’abri de ces troubles, assurément en Numidie,
ce qui n’était pas arrivé depuis la grande insurrection
maurétanienne des années 253-26046. L’allusion, au début
du texte, aux succès antérieurs de Boniface, alors simple
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tribun militaire, sur des tribus qu’il avait vaincues et


pacifiées, se rapporte à des événements datables vers 416-
417. La lettre d’Augustin à Hésychius de Salone, datable de 4
1 847, fait allusion aux mêmes événements48. La visite que
firent à Boniface Augustin et Alypius à Tubunae (Tobna) en
Numidie du Sud49, près du limes, permet de penser que ces
succès avaient eu pour théâtre ces confins de la Maurétanie
Christian Courtois parlait de deux Afriques, en pensant à
l’opposition entre les régions romanisées et les autres.
L’opposition se constate d’abord entre la Maurétanie
Césarienne et les autres provinces. Augustin a écrit dans une
lettre que “la Maurétanie Césarienne, qui est plus proche de
l’Occident que du Midi, ne veut pas même être appelée
Afrique50”, ce qui suppose un sentiment identitaire
maurétanien, s’opposant à l’Africa (laquelle incluait la
Numidie). L’auteur de l’Expositio totius mundi, qui véhicule
beaucoup d’idées reçues, affirme que "les hommes qui
l’habitent [la Maurétanie] ont une vie et des mœurs de
barbares, bien qu’ils soient soumis aux Romains51”. Le fait
que des tribus berbères étaient incluses dans les parties
montagneuses de la province romaine (et surveillées par les
soldats de ces limites intérieurs que révèle la Notitia
Dignitatum)52, tout en gardant leurs structures et leurs
genre de vie coutumier paraissait, vu de l’Est et surtout de
Carthage, étranger et aberrant. Une évolution sémantique
constatable aux e et e siècles révèle ce lien établi dans les
esprits entre la Maurétanie et le monde barbare : le mot
Maurus désignait tout habitant de la Maurétanie, quel que
fût sa langue ou son mode de vie. Or, il allait être employé
pour désigner tout Berbère non romanisé, y compris dans les
provinces orientales (ainsi, à l’époque byzantine, pour
désigner les envahisseurs venus des régions syrtiques, donc
géographiquement à l’opposé de la Maurétanie, ou encore
les Aurasiens). On peut constater que jamais Augustin
n’emploie ce mot dans ce sens53.
16 Un document révèle clairement cette opposition entre l’Est
et l’Ouest de l’Afrique, et il manifeste même ce que
j’appellerai un certain snobisme carthaginois. Il s’agit, non
d’un écrit d’Augustin, mais d’une intervention de l’évêque
Aurelius de Carthage au concile général d’Afrique de 397,
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auquel d’ailleurs Augustin participa. Étaient présents deux


évêques nommés Honoratus et Urbanus, délégués de la
province de Maurétanie Sitifienne, qui semblent être
intervenus au nom de la Césarienne autant que de la
Sitifienne. Ils demandèrent que le primat de Carthage fil une
visite pastorale dans la province de Maurétanie, cette
formule désignant assurément à la fois la Sitifienne et la
Césarienne.
Registri ecclesiae Carthaginiensis excerpta – Concile de
Carthage de 397 –, ed. C. Munier, CCI. 149, p. 189.
De visitandis provinciis
Canon LII - Honoratus et Urbanus dixerunt : Et illud nobis
mandatum est, ut quia constitutum est in concilio
Hipponensi singulas debere provincias tempore concilii
visitandas esse, dignemini etiam, quod hoc anno secundum
ordinem distulistis, vel alio anno Mauretaniam provinciam
visitare.
Aurelius episcopus dixit : Tunc de provincia Mauretaniae,
propterea quod in finibus Africae posita sit, nihil statuimus,
siquidem vicinae sunt barbarico. Sed praestet Deus ut ex
abundanti non pollicitentes, venire possimus ad vestram
provinciam. Cogitare enim debetis, fratres, quia hoc sibi et
Tripolitani et Arzugitani fratres poterant exigere, si ratio
pateretur.
“Honoratus et Urbanus ont dit : Nous avons été mandatés
aussi pour ceci : puisqu’il a été établi au concile d’Hippone
que les diverses provinces doivent être visitées au temps du
concile, daignez aussi, ce que cette année, selon l’ordre du
jour, vous avez différé, visiter si vous le voulez une autre
année la province de Maurétanie.
L’évêque Aurelius a dit : Pour l’heure, nous ne décidons rien
quant à la province de Maurétanie, car elle est située aux
confins de l’Afrique, puisque ces confins sont voisins du
monde barbare. Mais, sans promettre avec excès, puisse
Dieu nous accorder de pouvoir venir jusqu’à votre province.
En effet, frères, vous devez, penser que, si une raison se
présentait, les frères Tripolitains et Arzuges pourraient
exiger cela également pour eux”.

17 La réponse d’Aurelius est une fin de non-recevoir à peine


déguisée. Son style maladroit révèle l’embarras (et aussi le
fait que le texte est la simple transcription de la sténographie

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des débats). L’évêque de Carthage n’a nulle envie de faire ce


long voyage, et il exprime très clairement le lien établi dans
les esprits entre la Maurétanie et le barbaricum, le monde
barbare, auquel il associe d’ailleurs le pays des Arzuges et la
Tripolitaine. Le primat d’Afrique semble peu se soucier de
ces contrées jugées exotiques ; c’est ce que j’ai appelé le
snobisme carthaginois. Son refus, à peine courtois, d’y faire
une visite pastorale (refus qui a dû humilier les deux évêques
maurétaniens) révèle aussi l’absence de tout projet
d’évangélisation des Afri barbini, ces habitants de ce
barbaricum si proche de la province maurétanienne, dont
Augustin disait pourtant “qu’ils n’étaient pas étrangers à la
promesse de Dieu”. C’était là une faiblesse évidente de
l’Église d’Afrique, qui devait avoir, dans la suite des temps,
des conséquences désastreuses pour la survie même de cette
église54.
18 Pour conclure, disons que ces textes révèlent bien l’existence
des deux Afriques chères à Christian Courtois, mais que bien
des nuances doivent être apportées à sa vision des choses.
Pour Augustin et ses contemporains, deux blocs
s’opposaient. À l’Est, les provinces de Proconsulaire, de
Byzacène et de Numidie constituaient la véritable Afrique
romaine, l’authentique Africa (qui allait devenir l’Ifriqiia),
s’étendant de la mer au Sahara. Son particularisme dans
l’Empire était évident ; ainsi on pouvait considérer comme
peu romanisés les paysans punicophones vivant dans leurs
castella, soit des bourgs semi-autonomes ; pourtant, ils
étaient intégrés dans le système commun, politique,
municipal (ils relevaient d’une cité), juridique (ils ne
possédaient pas de ius gentis). Il en était ainsi, on l’a vu,
pour les habitants des Hautes Plaines de la Numidie,
qu’Augustin s’obstinait pourtant à appeler Gétules. On ne
connaît pas parmi eux de structures tribales, bien qu’il y en
ait probablement existé dans le sud de la Byzacène et de la
Numidie, en tout cas au sud de l’Aurès. La transposition par
Courtois de la situation maurétanienne dans ces provinces
de l’Est ne doit pas être retenue. En revanche, en Maurétanie
Césarienne (et en Tingitane évidemment), la romanisation
se limitait à des secteurs limités, entourés par un monde
tribal qui lui restait étranger, ce dont Augustin et Aurelius
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avaient une claire conscience. L’autorité romaine ne


s’exerçait que sur le Tell, et les Hautes Plaines restaient
extérieures à l’Empire : le barbaricum était donc toujours
proche, comme le constatait Aurelius de Carthage. On peut
cependant observer que ces îlots de romanité pouvaient être
solides et durables : les inscriptions révèlent l’usage du latin,
le christianisme et, probablement, une structure de type
e
municipal, à Volubilis ou à Altava jusqu’au siècle, au
temps de la conquête arabe. La Notitia de 484 n’énumère
pas moins de 123 sièges épiscopaux en Maurétanie
Césarienne, et 44 pour la petite Maurétanie Sitifìenne55. Il ne
faut donc pas confondre la réalité avec la vision entachée de
préjugés et d’idées reçues qu’on avait à Carthage ou à
Hippone d’une Maurétanie presque entièrement barbare. Il
reste que les invasions “maures” du VIe siècle (dont celle de
tribus syrtiques restées païennes, qui allaient se convertir à
e
l’Islam dès le siècle et participer à la conquête arabe)
allaient manifester que la sécurité dans laquelle avaient vécu
les habitants des riches provinces de l’Est était précaire,
davantage même qu’Augustin ne l’avait pensé, et que le
faible souci, de la part des évêques, de la christianisation de
ces peuples extérieurs avait eu de graves conséquences.

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S P., 1991. Vues nouvelles sur l’insurrection


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Notes
1. L C, 1979 et 1981 (Cités, I et II), passim.
2. Cf. B P., 1967, p. 77-152 ; L S., 1999, p. 91-187.
3. C C., 1955, en particulier p. 65-91.
4. Conf., X. 21 : “Numquid ita ut meminit Carthaginem qui vidit ? Non :
vita enim beata non videtur oculis, quia non est corpus”. Cf. B
A., 2003, p. 307.
5. Moins l’année où il fut professeur dans sa ville natale de Thagaste,
entre la fin de ses études à Carthage et sa nomination comme rhéteur
dans la métropole, soit probablement en 373-374.
6. Quodvultdeus, Sermo II de tempore barbarico, V, 4, CCL, 60, p. 476-
477 : “Ubi est Africa, quae toto mundo fuit velul hortus deliciarum, ubi
lot regiones, ubi tantae splendidissimae civitates ?”.
7. Et non à la province de Numidie, dont la frontière passait un peu à
l’ouest d’Hippone. Toutefois, du point de vue ecclésiastique, la région
appartenait à la Numidie, non à la Proconsulaire, la frontière entre les
deux provinces ecclésiastiques correspondant à peu près à l’actuelle
frontière algéro-tunisienne.
8. Cf. P O., 1969, principalement p. 215-283.
https://books.openedition.org/ausonius/8088 23/28
12/06/2020 Saint Augustin - L’Afrique et sa diversité vues par saint Augustin - Ausonius Éditions

9. Je fais le point sur cette question linguistique dans L C., 2005.


10. L S., 2003, p. 55.
11. Lettre de Maxime de Madaure, dans Aug., Lettres, 16, CSEL 34, 1,
p. 37-39.
12. Lettre, 17, CSEL 34, 1, p. 41 : “Neque enim usque adeo teipsum
oblivisci potuisses, ut homo Afer scribens Afris, cum simus utrique in
Africa constituti, Punica nomina exagitanda existimares.... Paeniteat te
certe ibi natum, ubi huius linguae cunabula recalent’’.
13. Cité dans Augustin, Contra lulianum opus imperfectum, VI, 18
(“quid enim tam prodigiale quam quod Poenus eloquitur ?”). Sur cette
polémique, voir W D., 2003, p. 75-82.
14. Aug., Contra lulianum opus imp., VI, 18.
15. L C., 2001, p. 415-431.
16. C G., 1990-1992, p. 33-49, qui constate que c’est dans la région
d’Hippone que fut retrouvé le plus grand nombre des inscriptions
libyques.
17. L C., 1979 (Cirés, 1), p. 46. n. 76. Mon interprétation de 1979
a été justement critiquée par M Y.. 2003, p. 461.
18. Ibidem, p. 133, n. 77.
19. Infra, p. 35-36.
20. Expositio totius mundi et gentium, LX. éd. J. Rougé, SC 124. p. 200
“Quae provincia vestem et mancipia negociatur...”. Cet écrit anonyme a
été rédigé vers 360.
21. Dans l’enarratio sur le psaume 149 (CCL 40. p. 2180, Augustin dit
même qu’en Gétulie, on récolte 60 ou 100 épis par grain semé, alors
qu’en Numidie (c’est à dire au nord des Hautes Plaines), on ne récolte
que dix pour un).
22. G St., 1920, p. 24.
23. Plus précisément, “presque toute l’année” (prope omne anno) :
Augustin n’oublie pas la sécheresse de l’été méditerranéen.
24. Africus est un substantif, qui désigne le vent du Sud, celui qui vient
d’Afrique (le siroco).
25. Le muscarium est une plante terminée par une fleur en ombelle qui
pouvait servir de chasse-mouche, d’où le nom.
26. On ignore ce que signifie ce mot, qui est un hapax.
27. Auster peut signifier le Sud, et aussi le vent du Sud. Ce passage
d’Habacuc est très obscur dans l’original hébreux, où on lit : “Dieu vient
du Témân, et le Saint du mont Parân”, soit deux toponymes désignant
des lieux du pays d’Edom, au sud de la Judée, sans nul rapport avec
l’Afrique.

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28. Au temps d’Augustin, certains donatistes niaient l’identité de


l’évêque Donatus de Casae Nigrae et de l’éponyme de leur schisme ; cf.
M A. et alii. 1982, p. 492-303. L’emplacement de ces “Cases
Noires” serait à chercher du côté du massif des Némencha (cf. L S.,
1991, p. 137).
29. G St., 1927, p. 110.
30. D J., 1962, p. 10.
31. D J„ 1980, p. 342-346.
32. C G., I960, p. 156. G. Camps se fondait sur les témoignages de
Salluste (Jugurtha, XVIII) et de Strabon (XVII). Voir les critiques de
D J., 1980, p. 343.
33. H R. B. 1988 et 1989.
34. C -F H., 1953. Voir en particulier les deux cartes h. t.
35. Il faut comprendre qu’ils gardent les cultes traditionnels de leurs
divers peuples, de leurs gentes : ils sont des gentiles au sens chrétien du
terme, c’est à dire des païens.
36. Voir le commentaire donné par M Y.. 2003. p. 464-467.
37. Voir infra, p. 38-39.
38. Cf. L C., 2001, p. 305-317 (La préfecture de tribu dans
l’Afrique du Bas-Empire). Cette publication reprend celle parue dans les
Mélanges William Seston (Paris, 1974, p. 285-295), en la développant et
en l’amendant substantiellement.
39. Optat de Milev, Contra Parmenianum Donatistam, III. 3, CSEL, 26,
p. 74 (ecclesia est in re publica, id est imperium romanum). Comme le
remarque Yves Modérait (M Y.. 2003, p. 518, cf. p. 516-523),
"dans cette logique, il fallait donc laisser l’Empire intégrer les barbares
avant d’espérer les convertir, ce qui rendait inutile tout projet
missionnaire indépendant”.
40. Parmi les lettres d’Augustt in. ep. 46, CSEL 34, 2, p. 123-129.
Contrairement à ce qui a été parfois écrit, ce personnage n’était qu’un
simple notable africain propriétaire foncier, et non un Valerius Publicola,
membre de l’illustre gens patricienne romaine. En effet, Augustin, dans
sa réponse (ep. 47) n’utilise pas le strict protocole épistolaire qu’il
respecte quand il écrit à un sénateur de haut rang (cf. L C., 2002,
p. 85-86).
41. L C„ 2002, p. 81-96.
42. Sur les Arzuges et l’Arzugitana, voir D J.. 1989, p. 950-952 ;
M Y., 2003, p. 364-373. C C., 1955, p. 93-95 pensait à
tort que les barbares transhumants étaient Les Arzuges. On constate que
durant le temps de leur séjour sur le territoire impérial, les barbares
n’accomplissaient pas de travaux agricoles : ils gardaient les récoltes, ils

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transportaient des marchandises, ils servaient de guides à des


voyageurs : ces pasteurs nomades ignoraient l’agriculture.
43. Les domestici (protectores domestici) étaient une troupe d’élite
constituant la garde impériale ; le rang devint aussi une dignité accordée
à des militaires servant dans les diverses unités. Le titre de comes
domesticorum conférait le niveau des plus haut dignitaires du
consistoire impérial : il révèle la faveur dont Boniface fut l’objet avant sa
disgrâce.
44. Sur ces événements, voir M Y., 2003, p. 392-396.
45. Sur la carrière de Boniface, voir PLRE, 2, Bonifatius 3, p. 237-240.
Voir aussi M . A. et alii, 1982, p. 152-155.
46. Sur cette insurrection et l’invasion de la Numidie par les révoltés
maurétaniens, voir S P. 1991.
47. Aug., Lettre 199 ; cf. supra p. 35-36.
48. Une autre mention des succès initiaux de Boniface se trouve dans un
fragment d’Olympiodore, Histoire, fr. 42 (dans B . . R. C„ The
Fragmentary Classicising Historians of the Later Roman Empire, II,
1983, Liverpool, p. 206-207. Cf. M Y, 2003, p. 394.
49. Visite évoquée dans la lettre 220 d’Augustin, § 12 (CSEL 57, p. 440),
que P O., 1969, p. 366-369, date de 421.
50. Aug., Lettre 93, 8, 24, CSEL.34, 2, p.469 : “Mauretania tamen
Caesariensis, occidentalis quam meridianae parti vicinior, quando nec
Africam se vult dici...”
51. Expositio totius mundi et gentium, 60. éd. Rouge, SC 124, p. 200 :
“Hommes qui inhabitant barbarorum vitam et mores habent, tamen
Romanis subditi”.
52. Sur ce limes intérieur de la Maurétanie, voir L D., 1999,
p. 221-239.
53. M Y., 2003. p. 446, n. 5. Sur la lente émergence du nouveau
sens du mot, cf. ibidem, p. 449-434. Déjà Ammien Marcellin (Histoires,
XXVI. 4. 5) nommait Mauricae gentes des populations berbères de la
Tripolitaine.
54. Au môme concile de 397, les deux mêmes évêques maurétaniens
demandèrent que les ordinations épiscopales fussent accomplies par
douze évêques. Aurelius répondit de se limiter à l’usage traditionnel
exigeant trois évêques au moins. Il ajouta qu’il était impossible de réunir
tant d’évêques en Tripolitaine, ou il n’en existait que cinq, et que cette
province, tout comme l’Arzugie, comptait dans sa population des
barbaricae gentes (canon 49, Concilia Africae, éd. C. Munier, op. cit.,
p. 187-188) : c’était donc, pour un Carthaginois, une “autre Afrique”, tout
comme la Maurétanie.

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55. “Registre des provinces et des cités d’Afrique”, dans Victor de Vita,
Histoire de la persécution vandale en Afrique, éd. S. Lancel, CUF, Paris,
2002, p. 264-271.

Auteur

Claude Lepelley

UMR 7113, Maison de


l’Archéologie et de l’Ethnologie
René Ginouvès.
Du même auteur

Frontières et limites
géographiques de l'Afrique du
Nord antique, Éditions de la
Sorbonne, 1999
Thugga au e siècle : la défense
de la “liberté” in Dougga
(Thugga). Études
épigraphiques, Ausonius
Éditions, 1997
Évergétisme et épigraphie dans
l'Antiquité tardive : les
provinces de langue latine in
Actes du Xe congrès
international d’épigraphie
grecque et latine, Éditions de la
Sorbonne, 1997
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Référence électronique du chapitre


LEPELLEY, Claude. L’Afrique et sa diversité vues par saint Augustin
In : Saint Augustin : La Numidie et la société de son temps [en ligne].
Pessac : Ausonius Éditions, 2005 (généré le 12 juin 2020). Disponible
sur Internet : <http://books.openedition.org/ausonius/8088>. ISBN :
9782356132970. DOI : https://doi.org/10.4000/books.ausonius.8088.

Référence électronique du livre


LANCEL, Serge (dir.) ; GUÉDON, Stéphanie (dir.) ; et MAURIN, Louis
(dir.). Saint Augustin : La Numidie et la société de son temps. Nouvelle
édition [en ligne]. Pessac : Ausonius Éditions, 2005 (généré le 12 juin
2020). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/ausonius/8022>. ISBN :
9782356132970. DOI : https://doi.org/10.4000/books.ausonius.8022.
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La Numidie et la société de son temps

Ce livre est cité par


Bouton-Touboulic, Anne-Isabelle. (2005) Saint Augustin. DOI:
10.4000/books.ausonius.8115
Lepelley, Claude. (2005) Saint Augustin. DOI:
10.4000/books.ausonius.8088
Rossi, Alessandro. (2013) Muscae Moriturae Donatistae
Circumvolant. DOI: 10.4000/books.ledizioni.159
Picard-Mawji, Zohra. (2013) Le passage de Célestius à Carthage :
un moment clé du pélagianisme. Cahiers « Mondes anciens ».
DOI: 10.4000/mondesanciens.1003

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