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Kensy BIEN-AIMÉ

(décembre 2016)

Droit au logement et personnes déplacées.


Vers une compréhension du cadre de vie des personnes vivant dans
le camp d’hébergement de Delmas 33, après le séisme du 12 janvier
2010, au regard de leurs droits sociaux et de leur nouveau mode de
vie : de 2010 à 2016.

Mémoire de Licence
En vue de l’obtention du grade de licencié en Service Social
Université d’État d’Haïti

Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole,


Professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi
Page web. Courriel: jean-marie_tremblay@uqac.ca
Site web pédagogique : http://jmt-sociologue.uqac.ca/

Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales"


Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Site web: http://classiques.uqac.ca/

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque


Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/
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Jean-Marie Tremblay, sociologue


Fondateur et Président-directeur général,
LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 3

Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, sociologue,


bénévole, professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi, à partir du texte
de :

Kensy BIEN-AIMÉ

Droit au logement et personnes déplacées.


Vers une compréhension du cadre de vie des personnes vivant dans
le camp d’hébergement de Delmas 33, après le séisme du 12 janvier
2010, au regard de leurs droits sociaux et de leur nouveau mode de
vie : de 2010 à 2016.

Mémoire pour l’obtention d’une licence en travail social, sous la direction du


professeur Lefranc JOSEPH et la co-direction de Hancy PIERRE. Port-au-Prince,
Haïti : Département de Service social, Faculté des sciences humaines, Université
d’État d’Haïti, décembre 2016, 82 pp.

[Autorisation formelle accordée par l’auteur le 9 juin 2017 de diffuser ce mé-


moire, en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Courriels : Jean-Ony CÉLESTIN celestin.jeanony@gmail.com


Ricarson DORCE, Dir. Coll. Études haïtiennes : dorce87@yahoo.fr
Florence Piron, prés. Association science et bien commun :
Florence.Piron@com.ulaval.ca

Polices de caractères utilisée :


Pour le texte: Times New Roman, 14 points.
Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.

Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008


pour Macintosh.

Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5’’ x 11’’.

Édition numérique réalisée le 1er juillet 2017 à Chicoutimi,


Ville de Saguenay, Québec.
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Ce texte est diffusé en partenariat avec l’Association science


et bien commun, présidée par Madame Florence Piron, profes-
seure à l’Université Laval, et l’Université d’État d’Haïti, dans
la collection “Études haïtiennes” dirigée par Ricarson DOR-
CÉ, journaliste et doctorant à l’Université
Laval.

Merci cher Ricarson pour toutes tes dé-


marches auprès des jeunes chercheurs
haïtiens. Tes démarches nous permettent
la diffusion de leurs recherches en libre
accès à tous.

Jean-Marie Tremblay, C.Q.,


Sociologue, fondateur et p.-d.g,
Les Classiques des sciences sociales
1er juillet 2017.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 5

Rensy BIEN-AIMÉ
Droit au logement et personnes déplacées.

Mémoire pour l’obtention d’une licence en sciences anthropologiques-socio-


logiques, sous la direction du professeur joseph Ronald D’AUTRUCHE. Port-au-
Prince, Haïti : Département de sociologie-anthropologie, Faculté d’ethnologie,
Université d’État d’Haïti, juin 2013, 95 pp.
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Note pour la version numérique : la pagination correspondant à


l'édition d'origine est indiquée entre crochets dans le texte.
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[ii]

Droit au logement et personnes déplacées.

DÉDICACE

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Ce mémoire est dédié spécialement :

À ma mère Edeline DUMERJUSTE, pour son amour et son sup-


port inconditionnel.
À mon père Percial BIEN-AIMÉ, (décédé) qui m’a toujours
conseillé de donner le meilleur de moi-même dans tout ce que je fais.
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[iii]

Droit au logement et personnes déplacées.

REMERCIEMENTS

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À mes parents, particulièrement ma mère qui a toujours pris très au


sérieux mon éducation et ma formation intellectuelle.
Mes remerciements s’adressent spécialement au professeur Hancy
PIERRE, mon co-directeur de recherche, qui a toujours été disposé et
disponible à faire une lecture scientifique des différentes versions pré-
liminaires de ce travail de recherche. Ses conseils, ses supports, ses
encouragements répétitifs et son soutien inconditionnel, mais aussi
pour m’avoir procuré toutes les documentations de sa bibliothèque
privée jugées utiles au mémoire.
Aussi, dois-je remercier le professeur Lefranc JOSEPH, mon direc-
teur de recherche qui a accepté de faire les premières lectures de ce
travail et qui m’as permis d’avancer avec des commentaires perti-
nents.
Aux professeurs de la FASCH, spécialement ceux du département
de Travail Social de m’avoir donné une bonne formation académique
pendant mes quatre années d’étude.
Au professeur et Responsable du département de Travail Social,
Jérôme Paul Eddy LACOSTE pour ses encouragements tout au long
de mon parcours académique.
Au professeur Roosevelt MILLARD qui m’a accepté, pendant des
sessions d’être son Assistant. Ses conseils, son support m’ont permis
d’avancer.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 9

À mes tantes et oncles : Myriam, Myrtho, Suzette, Donald, Diala,


pour ne citer que ceux-là pour leur support inconditionnel.
Aux familles SUFFRA et AURELUS spécialement, Sony, Calos,
Fiquessage ainsi que Guency pour leur soutien.
À mes frères : Wancy, Jacky et Ricky BIEN-AIME pour leurs en-
couragements.
À Edwine DESGRANGES qui m’a toujours fait sentir sa présence
par son support complet qu’indispensable.
À mes amis et camarades de promotion : Lounès FELICIN, Jean-
Almando FRANCOIS, Samora CHALMERS, Rimsky TELISME, Pa-
trice V. CINEUS, Fréderic CHERESTAL, Johnny JEAN, Mackendy
PIERRE, Dolph DESIR, Orso A. DORELUS, Rochild JEAN, Harrios
CLERVEAUX, Jacobin J. MICHEL, Clidson CLERVIUS, Patrick
ORIVAL, Bronson BAPTISTE, Jacob ANTOINE, Arias BARTHE-
LUS, Mitchy, Milka ZAMOR, Worlgenson NOEL, Mardochée ME-
SADIEU, Michelita LAMOTHE, Samuel JEAN-BAPTISTE, Riche-
mond DACILIEN, Duffort BERNARD, Fedler FILOGENE, Wadner
VOLTAIRE, Yvenson MICHEL, Sadrack,W. JEAN, Hachley Carl
BIEN-AIME pour ne citer que ces derniers.
À mes anciens collègues de la FASCH.
À tous ceux et toutes celles qui m’ont toujours soutenu et encoura-
gé tout au long de mon parcours.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 10

[iv]

Droit au logement et personnes déplacées.

Table des matières


DÉDICACES [i]
REMERCIMENTS [iii]
LISTE DES SIGLES ET DES ACRONYMES [vi]
INTRODUCTION [7]

Chapitre I. PROBLÉMATIQUE DE L’ÉTUDE [9]

1.1. Définition du problème [9]


1.1.1. Justification du problème [12]
1.1.2. Etat de la question [13]
1.2. Question de recherche [16]
1.3. Hypothèse de recherche [17]
1.4. Objectif de la recherche [17]
1.4.1. Objectif Général [17]
1.4.2. Objectifs spécifiques [17]

Chapitre II. CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL [18]

2.1. La notion d’assistance [18]


2.2. La notion de logement [19]
2.2.1. Logement social [19]
2.2.2. Habitat [20]
2.2.3. Camp d’hébergement [21]
2.3. Du concept de représentation sociale [22]
2.4. Les politiques de logement social [24]
2.5. Flux Migratoires post-séismes [25]
2.6. Migration interne [25]
2.6.1. Théories économiques de la migration (interne) [26]
2.6.2. Théories sociologiques de la migration [27]
2.6.3. La théorie des réseaux [28]
2.6.4. Migration due à une altération de l’environnement [29]
2.7. Cadre Légal et institutionnel du logement [29]
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 11

Chapitre III. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE [32]

3.1. La recherche documentaire [32]


3.2. L’Observation [33]
3.3. Choix de la méthode [33]
3.3.1. Echantillon [33]
3.3.2. Les instruments de l’étude [34]
3.3.3. L’entretien semi-directif [34]
3.3.4. Enquête par questionnaire [35]
3.3.5. Traitement et analyse des données [35]
3.4. Mise en garde méthodologique [36]
3.4.1. Limite de la recherche [36]

Chapitre IV. CADRE EMPIRIQUE DU TRAVAIL [37]

4.1. Présentation de la zone d’étude : Delmas [37]


4.2. Présentation du Camp d’hébergement de Delmas 33 [37]
4.3. Aperçu historique de l’aide humanitaire et contexte d’émergence des Or-
ganisations humanitaire dans le monde [38]
4.4. Contexte d’émergence des organisations humanitaires en Haïti [39]
4.5. Camps d’hébergements dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince :
Entre implantations, déguerpissements et disparitions [40]
4.6. Présentation de l’Organisation Internationale pour les Migrations [42]
4.6.1. Historique de l’organisation [42]
4.6.2. L’OIM en Haïti [44]
4.7. Cadre de traitement et d’analyse des données [45]
4.7.1. Données recueillies auprès des intervenants du camp [46]
4.7.2. Données recueillies auprès du responsable du camp [50]
4.7.3. Présentation des données sociodémographiques des chefs de mé-
nage du camp [51]
4.7.4. Présentation sociographiques des ménages avant le 12 janvier
2010 [52]
4.7.5. Présentation des données sur les ménages après le 12 janvier
2010 [53]
4.8. Les différents problèmes rencontrés sur le camp [60]
4.8.1. Vulnérabilité et pauvreté en Haïti [61]
4.8.2. Pauvreté urbaine, logement et Travail Social [62]
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 12

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS [65]

BIBLIOGRAPHIE [68]

ANNEXES [v]

Grille d’entretien pour agents OIM [vi]


Grille d’entretien au responsable de camp [vii]
Questionnaire sur des personnes déplacées [viii]
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 13

[vi]

Droit au logement et personnes déplacées.

Liste des sigles et acronymes

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AMP : Aire Métropolitaine de Port-au-Prince


BNC : Banque Nationale de Crédit
BNRH : Banque Nationale de la République d’Haïti
CARE: Cooperative for Assistance and Relief Everywhere
CEPODE: Centre d’Etude en Population et Développent
COLOFE : Coopérative de Logement des Fonctionnaires et Em-
ployés
EDH : Électricité d’Haïti
EPPLS : Entreprise Publique de Promotions de Logements So-
ciaux
IDAI : Institut National de Développement Agricole et Indus-
triel
IHSI : Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique
OIM : Organisation Internationale pour les Migrations
ONA : Office National d’Assurance Vieillesse
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONL : Office Nationale de Logement
OXFAM: Oxford Famine Relief Commitee
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 14

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement


PSUGO : Programme de Scolarisation Universelle, Gratuite et
Obligatoire
SMCRS : Service Métropolitain de Collectes des Résidus Solides
UCLBP : Unité de Construction de Logements et des Bâtiments
Publics
UNCHS: United Nations Center for Human Settlements
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 15

Droit au logement et personnes déplacées.

Liste des photographies

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Photo 1. Une partie du camp ACCRA-Nord. Photo : Elodie Vialle


Photo 2. Des enfants habitant le camp ACCRA-Nord. Photo : Elodie
Vialle
Photo 3. Des Habitants du camp ACCRA. Crédit photo : Elodie
Vialle
Photo 4. Un Habitant et sa bâche au camp. Crédit photo : Elodie
Vialle
Photo 5. Vue intérieure du camp ACCRA-Nord. Crédit photo : Elodie
Vialle
Photo 6. Des enfants sur le camp. Crédit photo : Elodie Vialle

Photo 7. Des enfants habitant le camp ACCRA-Nord. Crédit photo :


Elodie Vialle
Photo 8. Le Camp ACCRA. www.google.fr
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 16

[7]

Droit au logement et personnes déplacées.

INTRODUCTION

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L’appropriation de l’espace et de l’habitat a toujours constitué l’un


des modèles essentiels de la quête de l’homme. En effet, avec la po-
pulation mondiale qui croît de jour en jour, l’espace urbain se trouve
confronté à la problématique de l’habitat ; plus précisément à la ques-
tion du logement qui affiche une augmentation de sa demande en rai-
son de l’augmentation de la population urbaine mondiale. Ainsi, ce
phénomène, après la deuxième guerre mondiale, va prendre l’ampleur
d’une crise de logement, particulièrement aiguë dans les pays dits
sous-développés. Un rapport de UNCHS (2001 cité par Choute
2016 :10), estime que 1,6 milliard de personnes dans le monde, dont
70% sont des femmes sont sans abri ; entre 30 et 70 millions d’enfants
vivent dans la rue ; 1,7 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau
potable et 3,3 milliards n’ont pas de services sanitaires. C’est sans
doute ce qui explique qu’au cours des dernières décennies, le loge-
ment a attiré l’attention de nombreux gouvernements et organismes
internationaux. En Haïti, la situation n’est pas différente. Comme le
souligne Elie Jean Renol (2012 :45), « la question du logement, dans
les années 1960, va atteindre une dimension alarmante et s’est empi-
rée avec le coup d’État de 1991 qui va porter de nombreux paysans à
abandonner le milieu rural, pour fuir la répression ». Ils s’installent
dans la zone Métropolitaine. Leurs familles les rejoignent ; la pression
sur les logements augmente dans cette zone. L’habitat urbain se dé-
grade. Ainsi, avance Hancy Pierre (2012 : 143), « l’on constate que
depuis la célébration de l’année des sans-abris en 1987, les engage-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 17

ments pris par les autorités étatiques, les besoins en logement n’ont
pas été satisfaits ». Cet état de fait peut bien témoigner de la passivité
de l’État haïtien dans sa politique de logement pour la population qui
est dans le besoin.
Par conséquent, avec la dégradation accélérée de l’environnement
et avec l’irresponsabilité de l’État haïtien sur cette question, la situa-
tion va prendre une autre tournure après le séisme du 12 janvier 2010
où pas mal de dégâts vont être causés. La situation socio-économique
des paupérisés s’est aggravée. Ce qui explique, nous dit Elie
(2014 :16) : « Le manque de logements et sa conséquence, la promis-
cuité, empoisonnent l’avenir d’une grande partie de la population ; les
conditions hygiéniques s’aggravent; beaucoup de personnes se sentent
privées d’intimité et, à cause de cela, elles vivent avec des frustra-
tions ». Ainsi, avec la dégradation des sols et une augmentation de la
population urbaine ; une macrocéphalie urbaine, une insalubrité dans
les villes et dans les zones métropolitaine de Port-au-Prince, une proli-
fération de construction anarchique et des ilots urbains dans les cam-
pagnes, autour des [8] villes, la situation est devenue plus critique au
lendemain du 12 janvier 2010. De nombreux sans abris s’entassent
dans des camps des sinistrés. La promiscuité s’installe. Pour Pierre
(2014 :157) : « En dehors des grands mouvements de luttes pour l’ac-
cès au logement, un élan est manifeste au droit d’habiter. Après le
séisme, cette revendication devient générale ». Beaucoup de familles,
victimes de cette catastrophe, se sont obligées à laisser la région mé-
tropolitaine en quête d’un endroit pouvant les abriter. Aussi, constate-
t-on qu’après le séisme, 1.3 millions d’haïtiens vont fuir leur domicile
et du même coup, sont devenus des déplacés internes sans domicile
dans leur propre pays (Fritz Pierre Joseph, 2012 :69).
Avec cette catastrophe, des camps d’hébergement vont s’implanter
partout dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince avec tous les
problèmes et manques qui peuvent exister. La situation du camp de
Delmas 33 n’est pas différente de celle des autres sinistrés du pays et
elle tend à s’empirer de jour en jour. Les personnes résidant sur ce
camp font face à des problèmes sociaux comme l’habitat, le chô-
mage, la santé, la faim, la déficience physique, etc. Malgré les divers
efforts effectués par l’État haïtien avec l’appui des bailleurs de fonds
internationaux, la situation semble rester la même entre 2010 et 2016,
voire s’empirer.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 18

Ainsi, pour réaliser cette étude, en plus de la partie introductive


constituée par la présente, ce travail comporte cinq autres parties ré-
parties comme suit :
La première partie définit le problème, présente les justifications
de l’étude, les travaux antérieurs réalisés en rapport avec la théma-
tique de recherche. Celle-ci présente également notre question de re-
cherche, nos objectifs ainsi que l’hypothèse de l’étude.
La deuxième partie traite du cadre théorico-conceptuel dans lequel
nous situons notre recherche et, fera la lumière autour des concepts
clés du travail.
La troisième partie est consacrée à la présentation du cadre métho-
dologique, lequel vise à définir la méthode de recherche, les tech-
niques utilisées pour la collecte des données et l’échantillon que nous
avons utilisé.
La quatrième partie est consacrée au cadre empirique c’est-à-dire
la présentation et l’analyse des données recueillies.
Enfin, la cinquième partie, la conclusion et les recommandations.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 19

[9]

Droit au logement et personnes déplacées.

Chapitre 1
PROBLÉMATIQUE
DE L’ÉTUDE

Le tremblement de terre, en aboutissant à la création des


camps, a rendu visible un problème épineux qui existait dé-
jà et qui n’était pas sous les feux des projecteurs […]. On ne
peut pas parler de la question des camps ou des personnes
déplacées en dehors de la problématique des quartiers popu-
laires qui ne disposent pas d’un minimum d’infrastructures.
Raquel Rolnik 1

1.1. Définition du problème

Retour à la table des matières

Avec la révolution industrielle est née « la question sociale». Ce


concept renvoyait aux problèmes liés aux contradictions sociales inhé-
rentes au système capitaliste en plein essor avec les nouvelles inven-
tions, notamment, la machine à vapeur par James Watt. Comme le
souligne Xavier Greffe (1975:21) : « La question sociale, historique-
ment, a été articulée à partir de trois problèmes : celui de la pauvreté,
celui de la propriété et celui de l’égalité des chances ». À la fin des an-
nées 1970 et au début des années 1980, la croissance du chômage et
l’apparition de nouvelles formes de pauvreté donnèrent naissance à
une nouvelle question sociale. Ce qui occasionna la crise de l’État
providence, considérant que la méthode de gestion sociale est devenue
obsolète à cause de l’augmentation accrue des besoins. Et, à partir de
1 Rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 20

l’année 1990, les problèmes sociaux qui allaient reparaitre requièrent


de nouvelle méthode. La déliquescence des systèmes d’équilibre pro-
voqua une grande crise qui remettait en cause les droits sociaux d’an-
tan comme le souligne Pierre Rosanvallon (1995:7-9 cité par Jean
Bernard Stanley K., 2013 :6). Ainsi, avec l’avancement des batailles
ouvrières, surtout dans les grands pays industrialisés comme l’Alle-
magne et l’Angleterre, va prendre naissance la politique sociale, liée à
une période historique donnée.
En effet, la politique sociale, en tant que forme de politique pu-
blique, est destinée à donner des solutions à des problèmes sociaux.
Pour la rendre effective, il faut une interrelation entre acteurs poli-
tiques et acteurs sociaux qui pourront donner une politique sociale as-
sez satisfaisante tout dépend des rapports de force. Ainsi, souligne
Greffe (1975 :22) :
[10]

La solution contemporaine de la question sociale s’organise aujour-


d’hui autour du thème de l’égalité des chances. Au-delà de la critique pas-
sive de la pauvreté et en deçà d’une remise en cause dangereuse de la pro-
priété, on fonde la politique sociale sur la nécessité d’assurer l’égalité des
chances face au système économique. En offrant aux plus défavorisés un
moyen de s’intégrer normalement à la consommation, les échecs du sys-
tème économique ne pourront plus reposer que sur l’incapacité des indivi-
dus. La provision d’éducation, de santé, de logement et la garantie d’un re-
venu minimum résolvent ainsi la question sociale […].

Donc, suivant ce bref indicateur historique effectué sur le contexte


international de naissance des politiques sociales et, en analysant les
problèmes que confrontent les gens et qui méritent des réponses ur-
gentes, la question qui nous préoccupe est celle du logement. Etant
constitué comme un champ des politiques sociales au sens assistentiel
dans l’optique d’une insertion ou réinsertion problématique, la ques-
tion du logement a été de tous temps une préoccupation majeure pour
les humains. Se loger décemment représente une question essentielle
et même un besoin fondamental de l’homme. Selon Chenet Jean-Bap-
tiste (2014 :74), le premier effort devant fournir une compréhension
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 21

fondamentale autour de la problématique du logement a été faite par


Friedrich Engels (1976) dans la question du logement où il a rappelé
que la crise du logement est indissociable des conditions de dévelop-
pement du mode de production capitaliste car, elle se trouve au cœur
de l’urbanisation comme phénomène engendré par l’industrialisation.
En effet, la crise du logement ne frappe pas seulement les pays dits
sous-développés. Elle est globale. On estime aux États-Unis, à un cer-
tain moment, que le nombre de sans abri est à 27 000, parmi lesquels,
des vétérans de guerre ; et en Europe, il y a quelque 3 millions de sans
abri et entre 15 et 18 millions de personnes mal logées (Choute,
2016 :12). Mais, il faut rappeler que dans les pays industrialisés, le
problème du logement n’est pas seulement une question de production
mais aussi d’accès. Ce qui est différent dans le cas d’Haïti. Tous n’ont
pas accès à un logement surtout après le séisme du janvier 2010.
D’abord parce que leur nombre a été réduit et qu’ils ont enchéri, en-
suite parce que beaucoup de leurs occupants potentiels, qui ont perdu
leur activité formelle ou informelle, et donc leur autonomie, ont du
mal à trouver assez d’argent pour les louer, les construire ou les re-
construire.
Le secteur du logement a été le plus endommagé lors du séisme de
janvier 2010. Joseph (2012 :7), dans ses écrits, a mentionné que près
de 105,000 résidences ont été [11] totalement détruites et plus de
208,000 endommagées. Depuis le 12 janvier 2010, l’accès à un loge-
ment décent devient de plus en plus difficile pour les individus et les
ménages. Ces dommages ont poussé à bon nombre de personnes à
vivre dans des abris provisoires dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-
Prince. Mis à part la capitale, des villes comme Léogane, Grand-
Goâve, Petit-Goâve, Miragoane et Jacmel ont été, elles aussi frappées
et depuis, le secteur du logement est devenu une priorité urgente pour
la population. On retrouve des personnes qui sont devenues des dé-
placées internes et tendent à une situation de résignation forcée, une
acceptation de leurs modes de vie infrahumain en attendant des jours
meilleurs et une prise en charge institutionnelle de leurs situations.
Ces personnes, déplacées après le tremblement de terre de janvier
2010, sont confrontées à une réalité de quasi-balkanisation au regard
de leurs modes de vie, spécialement dans les nouveaux espaces deve-
nus agglomérations, comme lieu très étendu et envahi par plusieurs
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 22

milliers de personnes confrontées à une problématique non résolue de


logement (Constant, 2011).
Ce tremblement de terre a provoqué un bouleversement dans la ré-
partition de la population au niveau de cette aire géographique de
même que dans d’autres espaces du pays. Suite à l’effondrement d’un
grand nombre de maisons dans plusieurs quartiers, de nombreux indi-
vidus, en quête de meilleures conditions environnementales, notam-
ment d’un espace plus sécurisant-face au risque de nouvelles ré-
pliques, ont pris refuge dans des camps, établis au sein ou à quelque
distance de leur quartier de résidence. D’autres, de réels sinistrés, ont
choisi de laisser leur zone de résidence, en raison de la sévérité des
dommages, pour regagner leur milieu d’origine ou s’installer dans un
autre lieu du pays ou dans un quartier de l’Aire Métropolitaine de
Port-au-Prince.
La question du logement depuis, requiert même l’attention de plus
d’un et mérite un plus grand intérêt. « Si avant le 12 janvier 2010, la
quantité et la qualité de l’habitat s’étaient révélées très probléma-
tiques, après le séisme, la situation habitationelle s’est largement dé-
gradée », (Joseph, 2012 : 7). Face à une telle situation, les gens frap-
pés par le séisme sont repartis partout dans l’Aire Métropolitaine de
Port-au-Prince en quête d’un abri provisoire pouvant les abriter.
Comme le fait remarquer Pierre (2014 : 153) :

Le parcours de ces gens n’est pas défini à l’avance. Ces derniers


cherchent surtout à jouir d’un certain bien-être, victime du système d’ex-
clusion sociale des milieux ruraux, des politiques publiques avec des man-
quements dans la perspective de classe, de genre, anthropologique ou caté-
goriel.

[12]
Alors que des promesses ont été faites par la communauté interna-
tionale après le tremblement de terre ainsi que des offres du secteur
privé, ceux-ci tardent à s’affirmer face à l’extension humanitaire dans
la gestion du logement pendant que les propositions de l’État haïtien
en guise de relocalisation de subvention du logement sont très limi-
tées, des gens vivent encore sous des tentes. Déjà six ans, on constate
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 23

l’existence de plusieurs camps dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-


Prince. Vivant sur un site d’hébergement, leur présence sur ce lieu té-
moigne de l’absence de la politique sociale de logement de l’État haï-
tien ainsi que l’aide des institutions de bienfaisance privées. Ainsi, ils
vivent sous des tentes usées et incommodes, où souvent règne la pro-
miscuité : ces personnes ne sont pas protégées contre la pluie. Leurs
souffrances sont loin d’être atténuées. Ces derniers font face à des
problèmes très graves qui méritent des interventions urgentes. Comme
toute communauté humaine, ils ont droit à une série de services so-
ciaux de base. Ainsi, de façon globale, on peut parler de situation de
misère dégradante qui empêche aux sinistrés de vivre pleinement leur
dignité.

1.1.1. Justification du problème

Le Travail Social, en tant que discipline scientifique et académique


qui cherche à promouvoir le changement social, la résolution de pro-
blèmes dans le contexte des relations humaines, la capacité et la libé-
ration des personnes, afin d'améliorer le bien-être général et aussi, qui
cherche à prévenir les inégalités d'accès aux biens et aux services ; à
faciliter l’adaptation d’individus à leur environnement et à résoudre
ou réduire certaines difficultés d’ordre social, a toute son utilité dans
une société comme la nôtre. Ainsi, avec la dégradation accélérée de
l’environnement, les bilans des catastrophes, nous estimons primor-
dial de réfléchir sur le problème du logement et la condition de vie des
personnes déplacées, vivant surtout dans des camps d’hébergement
car, le travail social et le concept même du logement et de l’habitat est
à la croisé des chemins et il y a lieu de répondre aux défis de l’heure.
La problématique du logement en Haïti est un phénomène qui de-
mande une plus large et une profonde investigation scientifique. Donc,
face à l’ampleur de la question du logement et la condition de vie des
déplacées internes, les travailleurs sociaux, dans leur action sociale et
politique se doivent de porter leurs contributions pour une améliora-
tion des conditions de vie des personnes vivant ces problèmes.
Donc, la justification de notre travail est inscrite dans les logiques
suivantes :
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 24

* Personnelle : En tant que travailleur social, ce sujet attire notre


attention surtout les conditions infrahumaines des personnes qui
sont victimes du séisme et sont obligées [13] de s’abriter dans
des abris provisoires pendant que l’État haïtien n’a pas su don-
ner à ces gens une perspective de logement pour améliorer leurs
conditions de vie. En ce sens, ce travail vise la compréhension
du mode de vie de ces personnes des années après le séisme.
* Sociale : Vu l‘ampleur de la situation et l’urgence de l’heure,
tous les secteurs intéressés à la question peuvent faire le constat
qu’aujourd’hui cette problématique retient l’attention de plus en
plus des gens et institutions.
* Académique : La portée académique se justifie par le fait que la
démarche de ce travail s’inscrive dans le cadre de l’élaboration
de notre mémoire de sortie, en vue d’obtenir le grade de licen-
cié en Travail Social.

1.1.2. État de la question

Les recherches effectuées nous ont permis de repérer quelques ou-


vrages scientifiques, des mémoires et thèses, des rapports officiels et
des revues scientifiques se rapportant à notre thématique de recherche.
Ce qui revient à dire que la problématique du logement et de l’amélio-
ration du cadre de vie des personnes nécessiteuses a déjà constitué
l’objet de recherche de certains auteurs ; ce qui nous a aidé au niveau
de la documentation et dans la réalisation de ce travail.
En effet, Gerald Holly (1999), dans une étude approfondie sur les
problèmes environnementaux de la région métropolitaine de Port-au-
Prince avance que l’habitat dans cet espace est très hétérogène. La
qualité du bâti, le type de matériaux utilisé, la surface construite, la
densité du bâti varient en fonction des groupes de revenus et de l’âge
de la construction. Ce qui fait, dans l’aire métropolitaine, une gamme
de villas va être développer : grandes, moyennes, petites, anciennes et
récentes, construites entre cour et jardin, des maisons de villes unifa-
miliales, construites en front de rues ; des appartements avec sani-
taires groupes, des petites maisons d’une ou deux ou quatre pièces
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 25

avec toitures en tôle ou en béton ; des maisons abris construites avec


des matériaux de récupération.
Alors, une urbanisation va prendre naissance. Cette dernière s’opè-
rera en dehors des normes urbanisme qui est, bien sûr, le résultat de
l’abandon de l’espace par l’État qui n’arrive pas à corriger les dérives
causées par ce phénomène. Et, conséquemment, cette situation va lais-
ser à la population d’habiter l’espace comme bon lui semble tout en
conditionnant la vocation unique de l’espace urbain haïtien en habitat
résidentiel. Tous, manifestés par la volonté d’avoir son propre chez
soi. Ce qui pousse l’auteur à signaler que cette absence de [14] l’État
dans la gestion de nos villes lui confère un rôle de spectateur en tant
que tel où sa vision n’est pas trop différente de celle du commun des
mortels en terme de prévision sur le danger qui est lié au mode d’oc-
cupation anarchique de l’espace urbain du pays.
Jacques Démézier (2008), pour sa part, dans une étude réalisée sur
la ville des Gonaïves, avance que le problème de l’occupation de l’es-
pace urbain par les populations est un problème grave dans les pays
moins avancés notamment Haïti. Plusieurs raisons peuvent être avan-
cé pour expliquer ce fait telles l’incapacité de l’État de freiner le dépé-
rissement de nos villes où, on assiste à une doublée progressive de la
population dans le milieu urbain ; l’abandon de l’espace par l’État haï-
tien et comme conséquence, la population dans les villes, va occuper
l’espace à sa guise.
L’auteur, en faisant l’analyse, part d’un constat historique sur Haïti,
où il croit que cette terre qui était habitée par les indiens pour arriver
jusqu’à la période nationale, le mode de gestion de l’espace est histo-
riquement différent et propre à chaque groupe. Et de façon spécifique,
entre la période de 1950 à 2003, le pays a connu quatre recensements
qui témoignent d’un taux d’urbanisation en dehors de toutes règles
d’urbanismes. Cette croissance de la population devient un problème
sérieux ; elle conduit à l’instauration de la pauvreté urbaine, appari-
tion des bidonvilles, détérioration du tissu urbain.
De ce fait, il démontre qu’aux Gonaïves, comme c’est le cas pour
toutes les grandes villes du pays, les habitants construisent n’importe
où et n’importe comment. À travers son mémoire, il essaie de relever
les menaces qui peuvent découler des constructions anarchiques qui
ne tiennent pas compte du type de sol. Il déploie, dans ses écrits com-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 26

ment, cette ville qui jadis obéissait aux règles de l’urbanisation pré-
sente désormais un tableau inquiétant car la quasi-totalité de l’espace
urbain est dominé par l’habitat précaire de nos jours où les trames ur-
baines n’existent que dans la ville traditionnelle. Ce chambardement
de l’habitat urbain aux Gonaïves est lié en grande partie au phéno-
mène de l’exode rural. Ainsi, le phénomène de l’habitat urbain, durant
ces trente dernières années s’intensifie à un rythme exponentiel où sa
finalité est l’apparition des bidonvilles, expression de la détérioration
du tissu urbain.
Jean Renol ELIE (2012), pour sa part, dans une étude réalisée sur
Jalousie, dans les cahiers du CEPODE, critique L’État haïtien qui, ces
dernières années, quand il s’agit de construire une maison dans un en-
droit est absent; un État qui n’est pas soucieux de la répartition de la
population sur le territoire. Ce qui conduit surtout après le séisme de
janvier de 2010 à une évolution habitationelle peu rassurante avec des
nouveaux visages ; des [15] menaces d’insécurité physique, d’insécu-
rité sanitaire et d’insécurité physiologique qui mettent en danger la vie
de la population. Les zones d’habitation ne sont pas délimitées ; les
gens détruisent des réserves forestières pour construire leurs maisons.
Pourtant, dans tous pays, l’autorisation de construire dans un espace
quelconque est donnée par la mairie de la commune ainsi que des ins-
tances concernées. Cela suppose que cette institution dispose des cri-
tères pour l’acceptation ou le rejet des demandes de construction ; les-
quels peuvent porter sur différents aspects tels la préservation d’un ca-
chet architectural, respect de la voirie pour les voisins, les usagers de
la zone, les passants, etc. Les mairies doivent développer et faire res-
pecter les plans d’aménagement urbain en indiquant selon la position
particulière de l’emplacement choisi pour élever la maison et voir si
les occupants auront accès aux services de bases (eau potable, électri-
cité, combustible, canaux d’évacuation, soins primaires de santé,
écoles pour enfants, etc.) ou dans quelles conditions, ils peuvent y
avoir accès et de surcroit, aider à la bonne tenue des villes en y réser-
vant des zones spécifiques pour certaines activités. Elles contribue-
raient ainsi à la protection de la population.
Jackson Choute(2016), dans son analyse du programme de subven-
tion au loyer de l’Organisation International pour les Migrations en
étudiant la question du logement social en Haïti après le séisme du 12
janvier 2010, essaie de cerner les caractéristiques des conditions de lo-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 27

gement au profit des personnes déplacées, telles que les caractéris-


tiques physiques, socioéconomiques, environnementales et sanitaires.
Dans son travail de recherche, il fait le point sur la crise de logement
dans le monde, tout en considérant les dispositions et les initiatives
des responsables internationaux pour répondre à cette crise. Ensuite, il
essaie de voir le lien entre ces initiatives et la réalité de logement en
Haïti en mettant l’accent sur les écarts qui existent entre les mesures
légales et institutionnelles et les disparités socio-économiques au ni-
veau de la population. En identifiant l’impact immédiat du séisme sur
les personnes, il fait une caractérisation en trois dimensions. D’abord,
humain, en ce sens que les conséquences humaines sont énormes. En-
viron 1,5 millions de personnes représentant 15% de la population na-
tionale ont été affectées directement. Dans son étude, il fait remarquer
le nombre de personnes vivant dans des abris provisoires et le nombre
abritant dans des camps d’hébergement. Ensuite, l’impact environne-
mental où, explique-t-il, le tremblement de terre a augmenté la pres-
sion sur l’environnement et les ressources naturelles qui conduisent à
une extrême vulnérabilité de la population haïtienne. Enfin, selon lui,
le séisme a fait un impact considérable sur les infrastructures. Il fait
un étalage sur le nombre d’écoles, de résidences, d’églises, d’hôpitaux
endommagés.
[16]
Plus loin, dans son analyse sur la question, Choute a pu faire re-
marquer que les conséquences du séisme sur le logement social en
Haïti sont liées structurellement à une très mauvaise gestion étatique
de la question. En plus, dit-il, cela est dû à une absence palpable de
politiques publiques en matière de logement social durant les trente
dernières années, ce qui handicape et affaiblit les institutions étatiques
qui devraient remplir la mission d’améliorer l’accès à un logement dé-
cent aux familles défavorisées.
Par ailleurs, l’on constate que la réalité n’est pas différente dans le
camp d’hébergement de Delmas 33 de celle du reste du pays où, cha-
cun, selon son bon vouloir, construit une maisonnette ou une bâche
pour habiter. Ces personnes, malgré leurs mauvaises qualités de vies,
choisissent de rester sur ce site car elles n’ont nulle part où aller en at-
tendant qu’on vienne les relocaliser. Cela fait attendre. En analysant
tous ces problèmes sociaux, il est évident que l’État haïtien devrait in-
tervenir auprès de ces personnes par l’intermédiaire des services so-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 28

ciaux de base. Ce qui conférerait le respect des droits sociaux de ces


individus. Mais, un paradoxe existe. C’est que même ces personnes,
malgré la gravité de leurs conditions de vie, elles ignorent la responsa-
bilité de l’État haïtien envers eux. Ce, par manque d’éducation et de
formation.
Vu l’ampleur de la situation, l’on se demande comment des gens
peuvent vivre dans un tel environnement malsain qui démontre en
toute évidence la mauvaise qualité de l’environnement et de l’habitat ?
Où sont passées les politiques nationales de logement de l’État haï-
tien ? Quels sont ses buts réels ? Quelles perceptions ont les gens vi-
vants dans les camps d’hébergement des institutions intervenant dans
la question de logement ? N’y a-t-il pas lieu de concevoir et mettre en
œuvre de nouvelles formes d’actions publiques et sociales devant per-
mettre de freiner la dégradation du cadre de vie de la population ?

1.2. Question de recherche

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Dans cette partie du travail, suivant ce que nous voulons recher-


cher et, après les différentes questions déjà posées, nous estimons pri-
mordiale de considérer la question suivante comme question de re-
cherche :
Quelles représentations se font les gens vivant dans les camps
d’hébergement des réponses proposées par des institutions de bienfai-
sance privées, liées à l’amélioration de leur condition de logement ?
[17]

1.3. Hypothèse de recherche

Conformément à la question fondamentale de la recherche, nous


formulons notre hypothèse comme suit : Les réponses proposées par
des institutions de bienfaisance privées améliorent les conditions de
logement des gens vivant dans les camps d’hébergement et poussent
ceux-ci à se faire une bonne représentation d’elles.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 29

1.4. Objectif de la recherche

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Pour bien aboutir à des éléments de réponse à notre question de


recherche, nous nous fixons les objectifs suivants :

1.4.1. Objectif Général

Tenant compte de la grande difficulté pour ces personnes d’avoir


accès à un logement salubre et sécurisant et d’une condition de vie ac-
ceptable, ce travail se veut être une étude pouvant nous aider à com-
prendre les représentations que se font les gens vivant dans le camp
d’hébergement et aussi, suggérer les différentes mesures que devraient
prendre l’État haïtien et les institutions de bienfaisance privées pour
une bonne prise en charge des conditions infrahumaines de ces per-
sonnes en leur offrant un meilleur et digne cadre de vie.

1.4.2 Objectifs spécifiques

 Comprendre et expliquer la relation que développent les


gens vivant dans le camp d’hébergement ainsi que leurs per-
ceptions sur le logement et sur les institutions qui inter-
viennent à leurs côtés en apportant de nouveaux éléments
analytiques.
 Identifier et mettre à la disposition des acteurs concernés des
informations sur les divers problèmes que font face ces per-
sonnes dans ce camp et proposer des pistes de solutions.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 30

[18]

Droit au logement et personnes déplacées.

Chapitre 2
CADRE THÉORIQUE
ET CONCEPTUEL

Dans ce chapitre, nous allons définir et faire une analyse des


concepts clés du travail identifiés dans notre hypothèse, puis définir
certaines théories pour pouvoir dégager les indicateurs clairs nous per-
mettant de recueillir des informations auprès des personnes déplacées
et des institutions sociales intervenant dans les camps.

2.1. La notion d’assistance

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La notion d’assistance peut être définie comme étant une aide ou


secours apporté à une personne en difficulté. En ce sens, Ezéquiel An-
der-Egg (1988 :20), ajoute que l’assistance sociale désigne un en-
semble de services fournis à une catégorie sociale ayant des pro-
blèmes qu’elle ne peut pas résoudre par elle-même. Dans cette même
ordre d’idée, Torres (1986 cité par Jean Renel Ambroise, 2015 : 13),
précise qu’elle est un principe humain qui se fonde sur l’offre de biens
et de services aux personnes dépossédées en vue de les donner le né-
cessaire pour pouvoir survivre selon les matériels et les valeurs prédo-
minantes dans une société déterminée. Plus loin, pour citer Brodiez-
Dolino (2013 : 14), l’assistance sociale est l’expression de la solidarité
de la société face aux catégories de personnes se trouvant dans une si-
tuation de vulnérabilité sociale et sanitaire. Cette solidarité peut être
exprimée par le secteur privé en prenant la forme de charité ou de phi-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 31

lanthropie, selon le pays, les époques et les matrices idéologiques


et/ou publiques existants. Donc, pour lui, la vulnérabilité sociale a
toujours été au cœur de l’assistance sociale. Il analyse le parcours de
l’assistance sociale en rapport à la pauvreté qui, selon lui, se rapporte
aux catégories de personnes qui ne travaillent pas comme les per-
sonnes à déficience physique, les paresseux, les chômeurs, etc. En
conséquence, l’assistance sociale est destinée à ces catégories de per-
sonnes dans le but de les prendre en charge.
L’assistance, lorsqu’elle est pratiquée de façon unidimensionnelle,
risque de créer une situation de dépendance chez les bénéficiaires.
Dépendance qui, selon Ander-Egg, traduit en Travail Social, la domi-
nation partielle ou totale d’un individu ou d’une communauté par une
aide dans l’accomplissement des activités de la vie physique, psy-
chique ou sociale. Dans le cadre de ce travail, nous allons surtout
mettre l’accent sur l’assistance accordée en termes de subvention aux
personnes déplacées vivant dans le camp de Delmas 33 par les institu-
tions qui interviennent au niveau du camp.
[19]

2.2. La notion de logement

Retour à la table des matières

Un logement serait, par essence, un espace construit, un milieu de


vie, un lieu où l’on habite (domicile) et un abri (espace protégé). En
effet, selon N. Haumont (1968 : 190, cité par Jean Baptiste 2014 :82),
le logement n’est pas l’habitat mais, le lien où le rapport entre se loger
et le mode d’appropriation de l’espace reste indissociable. Il est un ob-
jet utile, de première nécessité dont la valeur d’usage répond à un be-
soin biologique qui justifie sa production. Il constitue un des éléments
indispensables pour la subsistance de l’être humain, pour la produc-
tion de sa force de travail. Il favorise la santé physique et mentale et
procure à ses occupants un sentiment de sécurité psychologique ; il
leur sert de lien physique avec leur communauté et leur culture et leur
permet d’exprimer leur identité selon l’Organisation Mondiale de la
Santé. Le logement permet de créer dans un espace donné (une ville,
un quartier, un immeuble) son propre espace de vie, un espace intime.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 32

Cependant, tout le monde n’accède pas au logement de la même fa-


çon, ni ne satisfait ses besoins selon les mêmes exigences, ni les
mêmes normes ou les mêmes nécessités. Le logement, ce besoin cru-
cial peut créer des inégalités car elle varie en fonction de la situation
socio-professionnelle des groupes sociaux du secteur concerné. Toute-
fois, on doit faire remarquer que le logement n’est pas uniquement un
bien de consommation. Il joue aussi le rôle social et confère aux mé-
nages un statut et une identité. De plus, il est une composante essen-
tielle de l’habitat avec deux fonctions majeures à savoir : L’insertion,
c’est-à-dire se procurer un toit et une adresse puis, d’une promotion
économique ; ce qui permet la constitution d’un patrimoine à entrete-
nir, à valoriser et a léguer.

2.2.1. Logement social


Un logement social, c’est une maison qui se caractérise par deux
éléments : premièrement, son propriétaire est un pouvoir public ; la
gestion est confiée à une société de logement social (SLS). Le proprié-
taire ne peut être donc ni une personne, ni une entreprise. Par contre,
un logement social peut être vendu par son propriétaire. Les loge-
ments sociaux relèvent de la compétence des régions. C’est pourquoi,
les conditions diffèrent de région à région. Deuxièmement, un loge-
ment social est réservé à certaines personnes. En effet, les logements
sociaux doivent être mis à disposition des personnes et des familles
qui ont de faibles revenus, autrement dit ceux qui ont un petit salaire.
Les logements sociaux, ce sont donc toutes les maisons et les apparte-
ments qui appartiennent à l’État et ne peuvent habiter que les per-
sonnes avec de faibles revenus. Ce type d’habitation a été créé pour
permettre à ceux qui ont peu d’argent d’habiter un logement conve-
nable.
[20]

2.2.2. Habitat
L'habitat est une notion multidisciplinaire. Les géographes en-
tendent généralement les modes de regroupement humains et les urba-
nistes mettent l'accent sur l'aspect des maisons quand ils évoquent la
question d’habitat (Elie, 2012 :23). L’habitat tient compte du cadre de
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 33

vie des ménages, c'est-à-dire les services dont ils bénéficient, des ca-
rences ou des nuisances dont ils souffrent en considérant les zones
d'implantation des maisons, les modes de regroupements, les fonction
des regroupements des maisons, l’articulation entre les résidences et
les autres bâtiments, la sécurité environnementale et sanitaire, etc.
L’habitat, étant un produit socialement construit, tout comme les
autres lieux, permet de rendre compte des processus spatiaux. Pour
Granotier (1980 :85), « L’habitat ne comprend pas uniquement l’abri
familial. Il inclut les infrastructures et les services. On doit aussi lui
rattacher la formation et la recherche quand elles concernent le loge-
ment ». En tant que phénomène social, il est aussi dynamique que les
hommes qui le façonnent. Et, en tant que cadre de vie, il a toujours été
fonction de certaines pratiques socioéconomiques et d’orientations
politiques, en plus des évènements et catastrophes de divers ordres. Il
varie en fonction de nouveaux besoins de la disponibilité de l’espace.
En effet, selon Elie (2014 : 189), « la notion d’habitat peut être com-
prise comme traduisant l’insertion du logement dans un environne-
ment géographique, social et culturel ». Pour cela, il considère l’as-
pect des maisons et leurs modes de groupement, les rapports avec
l’environnement, l’accès aux services pour les habitants, la question
de l’assainissement, la vie communautaire, etc.
Pour Elie (2014 : 23-36), l’habitat peut-être urbain, rural, regroupé
ou dispersé.

* Habitat urbain : Il comprend trois catégories de logements :


a) logement familial isolé situé au centre-ville ou en ban-
lieue ; b) les logements regroupés en appartement, de plus en
plus rependus dans les centres villes ; c) les logements re-
groupés en taudis dans les bidonvilles
* Habitat rural : Elle est une unité à la fois spatiale et sociale.
Il réside dans différents types d’habitations, de cadres et de
modes de vie, de structures sociales et socioprofessionnelles
de relations, d’activités et d’intérêts des communautés pay-
sannes et rurales qui occupent les montagnes et les cam-
pagnes.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 34

* Habitat groupé : C’est un lieu de vie alternatif à la maison


individuelle et à l’habitat communautaire où habitent plu-
sieurs entités, familles ou personnes et où l’on retrouve des
espaces privatifs et des espaces collectifs
[21]
* Habitat dispersé : C’est un des deux types d’habitat humain
en milieu rural qui résulte généralement des activités agri-
coles et de la géographie. L’habitat est qualifié de dispersée,
quand la majeure partie de la population d’une zone donnée
(terroir ou village) habite soit dans des hameaux, soit dans
des fermes isolés. Par contre, dans les types d’habitat (rural-
concentré ou groupé), la population s’implante préférentiel-
lement d’un bourg principal.

Sur les conditions d'habiter, l'ONU-HABITAT met l'accent sur le


droit que l’être humain a de vivre dans un logement convenable qu'on
peut considérer comme un élément fondamental de l'habitat(vu
comme cadre de vie de l’être humain). En effet, cet organisme interna-
tional conçoit le logement convenable plus que quatre mur et un toit,
mais il doit remplir un certain nombre de conditions, comme la sécuri-
té d'occupation qui garantit aux occupants une protection juridique, il
faut qu'il y ait des services, matériels, installations et infrastructures
comme eau potable, dispositifs d’évacuation des ordures ménagères,
source d’énergie, etc. Il faut que le logement garantit la sécurité phy-
sique des occupants contre le froid, la chaleur, la pluie, le vent, et
autres risques. Il faut qu'il soit accessible, dans le sens que l'emplace-
ment doit être à proximité des services de soins de santé, d’école,
d'emploi, etc.

2.2.3. Camp d’hébergement


En Haïti, le terme camp est nouveau. Il est apparu surtout après le
séisme dévastateur du 12 janvier 2010 qui a frappé le pays. Des quali-
tatifs différents sont utilisés pour nommer le camp. Certains acteurs
emploient le substantif hébergement, d’autres utilisent celui de dépla-
cés et de réfugiés pour désigner les camps. Les appellations sont diffé-
rentes mais, la signification reste le même. Nous ferons usage de
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 35

camp d’hébergement ou camp de déplacés dans ce travail parce que


ces nominations sont utilisées dans la plupart des écrits sur le séisme
en Haïti.
D’abord, il faut rappeler qu’un camp est un regroupement des po-
pulations réfugiées en un lieu pour les protéger et leur donner de quoi
survivre le temps de pouvoir retourner d’où elles viennent. Dans les
lieux, les multiples organismes leur apportent sécurité, soin, nourri-
ture, eau et éducation (Barthold, 2014 :44). Les terrains choisis pour
créer un camp doivent répondre à un certain nombre de critères dans
un souci d’efficacité de l’assistance. Le premier concerne l’accessibi-
lité au camp. Les terrains doivent être situés à proximité des voies de
communication. Cette proximité avec la circulation permet dans l’ur-
gence l’acheminement des vivres, du matériel et de personnel humani-
taire. Le second critère [22] concerne la sécurité des personnes. Toute-
fois, on doit dire que cette façon de définir un camp correspond à la
réalité des réfugiés dans les pays qui sont prises à des guerres civiles
entre des groupes de rebelles ou avec d’autres pays. Mais, elle mérite
d’être adaptée pour qu’elle traduise la réalité des camps après le
séisme du 12 janvier 2010 en précisant que les personnes qui vivent
dans les camps en Haïti ne sont pas des refugiées. Ces personnes,
étant frappées par le séisme sont reparties à divers coins du pays et
dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince plus précisément dans
l’idée de trouver un espace pouvant les abriter le soir même ou au len-
demain de la catastrophe. A cet effet, la plupart des organismes et au-
teurs utilisent le terme de « déplacées » pour parler des personnes vi-
vant dans les camps. Dans ce cas, les personnes qui vivent dans les
camps en Haïti sont des déplacées. Un déplacé est celui qui migre à
l’intérieur de son propre pays sans franchir les frontières. Donc, sui-
vant cette démarche et dans le contexte post-séisme, un camp d’héber-
gement est défini comme un espace où l’on trouve un regroupement
de personnes déplacées qui ont perdu leur logement dans une catas-
trophe naturelle et qui vivent dans des abris provisoires (Barthold,
2014:45). Fort souvent, cet espace est créé de façon improvisée par les
victimes du séisme du 12 janvier ou aménagé par les ONG pour les
accueillir.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 36

2.3. Du concept de représentation sociale

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Le concept de représentation sociale, l’une des notions fondatrices


de la psychologie sociale mais aussi de la sociologie, est l’un des prin-
cipaux objets d’étude en sciences humaines depuis le XXe siècle.
Mais, c’est au sociologue Emile Durkheim que l’on doit sa paternité
dans la mesure où il en fixe les contours et lui reconnait le droit d’ex-
pliquer les phénomènes les plus variés dans la société selon Denise
Jodelet (2003 :81). Etant une forme de connaissance sociale, la pensée
du sens commun socialement élaborée et partagée par les membres
d’un même ensemble social ou culturel, elle désigne aussi une ma-
nière de penser, de s’approprier, d’interpréter notre réalité quotidienne
et notre rapport au monde. Donc, pour Jodelet, on reconnait générale-
ment que les représentations sociales, en tant que système d’élabora-
tion régissant notre relation au monde et aux autres, orientent et orga-
nisent les conduites et les communications sociales […], la diffusion
de connaissances, le développement intellectuel et collectif, la défini-
tion des identités personnelles et sociales, l’expression des groupes et
les transformations sociales. Selon lui, les représentations sociales
sont dynamiques et n’ont pas le caractère statique qu’on leur a parfois
attribué. Elles vivent, s’attirent, se repoussent et donnent naissance à
de nouvelles représentations (Moscovici, 1989 :102). Donc, l’on com-
prend que, pour Jodelet, si on parle des différentes façons de
[23]connaitre la réalité sociale, la psychologie définit les représenta-
tions sociales comme des modes de reconstruction sociale de la réali-
té.
Pour Jean-Marie Séca (2001 :11), la notion de représentation so-
ciale trouve une partie de sa pertinence dans cette exigence d’appro-
fondissement des liens existant entre les opinions et aussi, peut être
comprise comme étant un système de savoirs pratiques (opinions, atti-
tudes, préjugés, stéréotypes, croyances) générés en partie dans des
contextes d’interactions individuelles ou/et intergroupaux Elle peut
être marquée, sous sa forme comme dans son contenu, par la position
sociale ou idéologique de ceux qui l’utilisent. Pour l’auteur, les élé-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 37

ments qui la composent sont plus ou moins structurés, articulés et


hiérarchisés entre eux. Donc, pour lui, la représentation est sociale-
ment déterminée. Cependant, avancent Serge Moscovici, Michel-
Louis Roquette et Patrick Rateau : « Les représentations naissent et
développent dans les conversations quotidiennes et par rapport à des
circonstances culturelles et historiques», (Séca, 2001: 13). Donc, les
représentations sont inscrites dans les périodes de l’histoire et les
changements de la vie sociale et aussi, peuvent exister dans leurs liai-
sons avec les systèmes sociaux qui les engendrent.
D'un autre côté, Jean-Claude Abric (1987 :64 cité par Séca,
2001 :40), dans sa lignée, définit « la notion de représentation comme
étant le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un
individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il confronte et lui at-
tribue une signification spécifique ». Il est à signaler que l’un des ap-
ports majeurs de cet auteur est une théorisation structurale des repré-
sentations sociales qu’il perçoit comme des ensembles de hiérarchies
autour d’un noyau ou système central et d’éléments périphériques. Il
décrit les représentations sociales dans leur contextualisation discur-
sive, socio-économique et culturel. Selon lui, les représentations so-
ciales sont comme des organisations signifiantes dépendantes de fac-
teurs contingents et du contexte social et idéologique, des systèmes
d’interprétation de la réalité qui régissent les relations des individus à
leur environnement, des guides pour l’action ou des construction so-
ciocognitives, régies par leurs règles propres, permettant de précoder
le réel (Abric, 1994 :14 cité par Séca, 2001 :40). La représentation est
donc un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et
d’information se référant à un objet ou une situation. Elle est détermi-
née à la fois par le sujet lui-même (son histoire, son vécu), par le sys-
tème social dans lequel il est inséré, et par la nature des liens que le
sujet entretient avec ce système social cité par Jodelet, 1989 :188).
Plus loin, dans la lignée des travaux de Moscovici, (Abric, 1994 cité
par Faniol Duclervil, 2016 :23) propose de transposer des représenta-
tions sociales au domaine expérimental. Il fait remarquer que les élé-
ments qui [24] donnent sens à la représentation sociale sont dits
stables (opinions, stéréotypes ou préjugés) et prennent en compte la
nature de l’objet représenté, la relation de cet objet avec le sujet et le
système de valeurs et de normes. Ce qui fait, pour lui, le noyau central
est l’élément fondamental de la représentation et autour de ce noyau,
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 38

il y a des éléments dits périphériques. Ces derniers tiendraient une


place importante dans la représentation car, ce sont les informations
retenues, sélectionnées et interprétées concernant l’objet et son envi-
ronnement. Donc, pour lui, les éléments périphériques jouent un rôle
d’interface entre le noyau central et la situation réel donnant lieu à la
représentation.
L’on peut dire que, pour Abric, le concept de ‘’représentations’’ a
partie liée avec la construction de l’identité sociale et la production du
sens social, donc la production des idéologies car elle permet l’étude
de la relation des discours aux imaginaires sociaux, plus largement le
rapport entre langage et société.
En ce sens, suivant ces exposés qui concernent la théorie des repré-
sentations sociales qui démontre toute l’importance de prendre en
compte le concept pour mieux saisir les motifs des comportements des
individus et des rapports sociaux et, tenant compte de l’orientation
que nous voulons donner à notre recherche, nous choisissons l’ap-
proche de Jodelet dans la mesure où il met l’accent sur la façon dont
les individus pensent, s’approprient, interprètent leurs réalités quoti-
diennes et leurs rapports au monde ce qui va nous aider à comprendre
les représentations que se font les déplacées du camp ACRA-Nord de
Delmas 33. Ainsi, dans la démarche de notre travail de recherche, la
représentation renvoie à un ensemble d’attitudes, d’opinions, de per-
ceptions, d’informations et de prises de positions qui définissent les
comportements des personnes déplacées vivant sur le camp par rap-
port aux institutions qui interviennent au niveau du camp.

2.4. Les politiques de logement social

Retour à la table des matières

À un degré moindre que celui de l’éducation ou la santé, la déten-


tion d’un logement convenable est reconnue comme l’un des facteurs
de l’égalité des chances. Elle permet en effet, d’améliorer le rende-
ment des investissements en éducation ou en santé et de bénéficier des
occasions d’emplois. Donc, les politiques du logement social ce sont
des mesures de sécurité sociale prise par l’État visant d’assister les
ménages à faible revenu qui ne peuvent se procurer des logements de
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 39

qualité et de taille convenable à un prix abordable. Ces ménages qui


ne peuvent pas faire face à la logique du marché prônée par l’écono-
mie capitaliste constituent le plus souvent un groupe de clients com-
prenant les ainés, les handicapés, les [25] familles monoparentales, les
travailleurs pauvres, les personnes victimes de violence familiale, les
personnes déplacées après des catastrophes naturelles et les abori-
gènes (Yves Vaillancourt et Marie-Noëlle D. cité par Jean-Bernard,
2013)

2.5. Flux Migratoires post-séismes

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Un flux migratoire se réfère à un déplacement d’une population


d’un point (A) à un point (B). La presse locale et internationale in-
forme qu’une importante partie de la population a laissé l’Aire Métro-
politaine après le séisme du 12 janvier 2010. Dans le cadre de ce tra-
vail, nous parlons de flux migratoires post-séismes pour faire réfé-
rence à ces déplacements après le séisme. Ces déplacés n’ont pas pris
la même direction ni ne proviennent pas de la même commune ni ne
sont restés définitivement hors de l’AMP. Ce qui fait, qu’au lendemain
du tremblement de terre, si certains ont choisi de rester dans l’AMP
d’autres l’ont laissé pour fuir les menaces et les dégâts du séisme.

2.6 Migration interne

Les mouvements de population, appelés migration ou flux migra-


toires, correspondent aux déplacements des êtres humains qui quittent
leur pays (ou leur région) d’origine pour s’installer dans un (ou une
autre). Les migrations peuvent s’expliquer de plusieurs manières. Les
principales raisons sont d’ordre économique, politique et social. Aus-
si, en fonction de leur durée, les migrations peuvent être considérées
comme permanentes (lorsque l’émigrant s’établit dans un lieu étranger
sans intention de retourner dans son pays d’origine. Ce fut le cas de la
plupart des migrations européennes vers l’Amérique à partir du XVIe
siècle) ; elles peuvent être temporaire (c’est-à-dire suivie d’un retour,
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 40

correspond à la situation d’un émigrant par revenir vers son pays


d’origine à l’âge de la retraite, après avoir mis de côté quelques éco-
nomies. Il est à noter que ces migrations correspondent aussi à des ac-
tivités temporaires ou saisonnières) et enfin, on a les migrations pen-
dulaires, celles qui constituent un phénomène de va-et-vient quotidien,
depuis le lieu de résidence vers le lieu de travail. Ce phénomène est
fréquent à proximité des grandes villes. En fonction du lieu d’origine
et de la destination, les migrations peuvent être classées selon deux
types : les migrations intérieures sont celles qui se déroulent dans un
même pays et les migrations extérieures, celles qui correspondent au
déplacement d’une personne d’un pays à l’autre (Philippe Auzou,
2002 :250-253). Dans cette partie du travail, nous mettons surtout
l’accent sur la migration interne en Haïti parce que les personnes dé-
placées après le tremblement de terre de janvier 2010 sont considérées
comme des migrants internes à l’intérieur de leur propre pays.
[26]
En effet, après une période d’accalmie entre les années 1950 et
1960, de grands mouvements de déplacements de populations au sein
même du pays réapparaissent à partir des années 1980. La migration
interne, comme c’est dit plus haut, se définit comme un ensemble de
déplacements à l’intérieur d’un pays ayant pour effet de transférer la
résidence des personnes d’un lieu d’origine ou lieu de départ à un lieu
de destination ou lieu d’arrivée. Les lieux d’origine et de destination
sont déterminés en fonction d’un mode de découpage du territoire
(Rapport de RGPH 2003, IHSI 2009 Cité par Jean-Louis, 2012). Se-
lon Pierre (2011 :37) : « À la suite du séisme du 12 janvier 2010, 600
000 personnes ont été déplacées, ce qui a par ailleurs alerté l’opinion
publique nationale et internationale ». Les flux de population internes
en Haïti, et en particulier ceux liés à l’exode rural, sont un phénomène
historiquement étudié par des spécialistes. Des études ont montré que
depuis le milieu des années 1970, plus de 70% des personnes vivant à
Port-au-Prince sont des migrants internes selon un rapport réalisé par
le programme des nations unies pour le développement en 2004 selon
Pierre (2015 :29), reflétant l’importance de la migration dans les pays
ainsi que la nécessité en termes de gestion de ces flux par rapport à
leur lien avec le développement humain et en particulier en matière
d’accès aux services sociaux de base dans la capitale. Ainsi, les mou-
vements migratoires du milieu rural vers les grandes villes du pays et
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 41

particulièrement vers Port-au-Prince sont souvent justifiées par la dé-


gradation constante du milieu rural, le manque ou l’inexistence d’op-
portunité d’emploi, l’absence de services sociaux et par la perspective
du secteur informel florissant dans les villes. Donc, avec la marginali-
sation de la société rurale et avec l’exploitation et le transfert des res-
sources économiques de la campagne à la zone métropolitaine, va per-
mettre l’accumulation urbaine tout en mettant en exergue la centralisa-
tion extrême ; ce qui a donné lieu à la macrocéphalie des villes. C’est
dans ce contexte structurel global que Port-au-Prince et ses environs
devinrent le pôle d’attraction de tout le pays, tandis que le reste du
pays est dans l’ensemble rural.

2.6.1. Théories économiques de la migration (interne)


Parmi les théories économiques liées à la migration, figurent les
théoriciens néo-classiques [(Todaro (1969) Harris et Todaro (1970)],
la nouvelle économie de migration du travail (Stark et Taylor, 1989) et
celle de la migration familiale (Mincer, 1978). Développée initiale-
ment par Lewis (1954), puis Todaro (1969) cité par Jean-Louis.
(2012 : 10), la théorie économique néoclassique, au niveau macro, af-
firme que « les migrations internationales, comme les migrations in-
ternes, sont provoquées par les différences géographiques entre [27]
l’offre et la demande de travail ». En effet, ce modèle se concentre sur
cette différence sans oublier les coûts (Hiks, 1932). Selon l’auteur, les
économistes John R. Harris et Todaro ont formalisé et approfondi ces
idées dans l’étude de l’exode rural. Ce phénomène qui, en France, a
joué un rôle important depuis le milieu du XIXe siècle, a conduit au
dépeuplement et à l’abandon de nombreux villages et communes ru-
rale et inversement au développement à la croissance des zones ur-
baines, qui dans les pays industrialisés concentrent parfois 75% de la
population globale.
Dans les pays industrialisés, l’exode rural a surtout affecté les per-
sonnes jeunes, qui ont émigré vers les villes pour trouver un emploi
(ou un emploi bien rémunéré) et des conditions de vies plus modernes
(enseignement, loisirs, etc.). Dans certain cas, ce transfert massif des
zones rurales vers les villes a eu des effets globalement négatifs. Ce
phénomène a entrainé en effet l’apparition de grandes ceintures misé-
rables à la périphérie des villes, où les nouveaux venus mènent une
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 42

vie pénible dans un environnement marginal sans avoir accès aux ser-
vices élémentaires. Donc, selon leur modèle, ce n’est pas la différence
entre deux espaces qui amènent les gens à migrer, mais le salaire espé-
ré par le migrant potentiel, compte tenu de son profil et du cout lié au
déplacement. Plus loin, pour paraphraser Pierre (2011 :20), « Les
causes des migrations n’ont pas changé. Il s’agit de la concentration
de services sociaux et d’emplois d’une part, du mythe du bien-être et
de réalisation de soi, de l’autre ». Aussi, selon lui, l’aide humanitaire
alimente-t-elle les migrations. Ce qui fait que les populations des mi-
lieux ruraux sont attirées par des opportunités économiques et sociales
annoncée et elles sont inclinées à migrer vers la capitale contrairement
aux avis émis en faveur de déplacements massifs vers les milieux ru-
raux à tendance durable.

2.6.2. Théories sociologiques de la migration


Inspiré des conclusions des lois du géographe Ernst Georges Ra-
venstein de 1889, Lee élabore en 1966 la théorie Push-Pull qui ex-
plique l’existence de facteurs de répulsion (push) et d’attraction (pull)
qui influencent la décision de migrer (Jean-Louis, 2012 :12). Comme
facteurs répulsifs, il identifie : manque d’emplois et de possibilités,
faible niveau de vie, désertification, famine ou sècheresse, peur ou
persécution politique, soins médicaux insuffisants, perte de richesse,
catastrophes naturelles, menaces de mort, esclavage, pollution, mau-
vaises conditions de logement, peu de chances de se marier. Puis,
comme facteurs d’attraction, il énumère : possibilités d’emploi,
meilleures conditions de vie, liberté etc.
[28]
Cette théorie peut bien nous aider à comprendre les raisons qui
poussent des gens à laisser leurs zones de provenance pour venir
s’installer dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince. Dans le cas
du camp d’hébergement de Delmas 33, à part les catastrophes natu-
relles qui ont poussé les gens à migrer, il y a aussi des gens qui ont
laissé leurs villes pour venir y installer dans le simple objectif de rece-
voir des aides. Ils s’installent dans des maisons extrêmement étroites,
sans infrastructures puis faire venir leurs familles.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 43

2.6.3. La théorie des réseaux


Dans sa vie de tous les jours, un individu est confronté à des situa-
tions multiples et totalement différentes. Chacune de ces situations
suppose un comportement spécifique. En effet, la situation devient
ainsi un facteur central pour l’explication de la variation des compor-
tements. Un même individu a besoin de multiples modèles conversa-
tionnels afin de maitriser la complexité et la variété de la vie sociale
actuelle. Il doit posséder une véritable culture de communication
(comment parler, quand, dans quelle situation, etc.). Pour la théorie
des réseaux comme beaucoup d’autres, elle provient de différents au-
teurs (Massey, Alarcon, Durand et Al. cité par Jean-Louis, 2012). Elle
s’intéresse aux relations interpersonnelles liant les émigrés, les mi-
grants de retour, et leurs parents, leurs amis ou leurs compatriotes res-
tés au pays. La principale fonction du réseau est de faciliter la migra-
tion, en réduisant les coûts et les incertitudes liées à celle-ci et à l’hos-
tilité des États récepteurs. En effet, le réseau fournit des informations,
procure une aide financière, aide à trouver un travail et un logement,
socialise les nouveaux venus aux exigences du nouveau contexte.
Pour sa part, Jodelet (1989 :198), souligne que la notion de réseau
intervient de plus en plus fréquemment à côté de celles, plus an-
ciennes, de milieux sociaux ou de classes sociales. Selon lui, dans une
société complexe, un même individu se construit une multitude de ré-
seaux très divers suivant les domaines d’activités, son milieu social ne
représente pas plus qu’un facteur parmi de nombreux autres à détermi-
ner ses activités quotidiennes.
Ainsi, comme le soulignent Alrich et Mérat (2011 :101) :

Le camp fonctionne comme un village dans lequel les relations de voi-


sinage sont conséquentes et témoignent souvent un degré de solidarité as-
sez élevé- donc, dans le cadre de ce travail, nous allons voir dans quelle
mesure une telle théorie peut nous aider à comprendre les modes de fonc-
tionnement, de solidarité et d’entraide qu’entretiennent les gens dans le
camp d’hébergement entre eux dans leurs rapports de chaque jour.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 44

[29]

2.6.4. Migration due à une altération de l’environnement


Des déplacements massifs de personnes peuvent être enregistrés
suite à des catastrophes naturelles. Même s’ils n’ont pas toujours des
causes environnementales, les tremblements de terre, tsunami et inon-
dations ont privé des millions de personnes de logements et de service
de base. Dans certains cas, les dégâts sont irréversibles qui rendent les
retours impossibles (Jean-Louis, 2012). Dans le pire des cas, les sys-
tèmes d’alerte rapide et les plans d’intervention n’existent pas ou sont
inefficaces. Ce qui limite pratiquement les gouvernements dans leurs
interventions en faveur des déplacements de masse à l’intérieur ou à
l’extérieur ou pour mettre sur pied des camps ou des centres appro-
priés. Les préoccupations d’ordre logistique, telles que procurer de
l’eau potable et en assurer la distribution, peuvent représenter un
énorme défi même pour des pays développés. Selon Pierre
(2011 :26), « l’augmentation des migrations est considérée à la fois
comme causes et conséquences de la pauvreté ». Cela s’explique que
les nouveaux migrants se sont établis dans des zones marginales appe-
lées plus tard bidonvilles, dépourvues de services sociaux de bases et,
alimente les demandes d’accès au logement.

2.7. Cadre Légal et institutionnel


du logement

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Dans le cadre des politiques sociales de l’État haïtien, il a été insti-


tué depuis la loi du 21 septembre 1967 un programme d’assurance so-
ciale. Les objectifs ainsi fixés sont d’assurer une répartition équitable
de l’aide aux familles nécessiteuses, d’apporter des secours immédiats
aux victimes d’incendies, d’inondations, cyclones et autres cata-
clysmes ; de venir au secours des infortunés par des dons, des alloca-
tions et tous autres moyens ; et d’accorder des bourses aux étudiants
pauvres qui se sont distingués par leur conduite et leur intelligence.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 45

Selon Elie (2012 :48), l’État ne reste pas totalement en dehors de la


question du logement. Des unités de logements appelées « cités » ont
été construites à Port-au-Prince et dans d’autres villes. Mais elles res-
tent généralement dans un état miséreux. Toutefois, la cité militaire
construit à Port-au-Prince, sous Magloire (1950-1956) présente bonne
figure. Et celle construite aux Gonaïves durant le même période réunit
une plus faible quantité de logements. Plus loin, le 24 janvier 1964, un
décret a prôné, entres autres, la modernisation de l’habitat rural. Par
un décret du 16 novembre 1972, le gouvernement avait créé une
banque du Logement. L’État avait mis sur pied l’Office national de
Logement (ONL), devenu par la suite Entreprise Publique de Promo-
tion de Logements Sociaux (EPPLS) qui, de toutes les institutions
mises en place par le gouvernement haïtien, est le seul survivant qui
travaille dans [30] le domaine du logement social en Haïti et vise
avant tout la promotion et la qualité de la vie des catégories sociales
démunies. Des cadres de cette institution avaient fondé la Coopérative
de Logement des Fonctionnaires et Employés(COLOFE), en 1981.
Avec le décret-loi du 15 septembre 1988, la Caisse d’Assistance So-
ciale (CAS) a été également créé toujours dans le but de venir en aide
aux personnes défavorisées. Durant la période 2001-2004, quelques
unités de logement ont été construites à la saline par l’État.
Il est à noter que certaines institutions autonomes ont aussi
construit de petites unités de logement pour leurs employés ou pour
leurs clients. Nous pouvons citer le cas de l’Electricité d’Haïti(EDH),
de la Banque Nationale de la République d’Haïti (BNRH) ou de la
Banque Nationale de Crédit(BNC), de l’Office Nationale d’Assurance
Vieillesse(ONA). Le parc industriel construit par l’Institut National de
Développement Agricole et Industriel(IDAI) à Port-au-Prince, dans
les années 1960, influence aussi l’habitat dans sa zone. Toutefois, le
rappelle Elie (2012 : 48), ces initiatives restent embryonnaires ; elles
n’ont pas opéré un grand changement dans la situation générale de
l’habitat, ni dans les villes, ni dans les campagnes.
La constitution haïtienne de 1987 comporte un chapitre sur les
droits et les devoirs fondamentaux (articles 16 à 51). À travers son ar-
ticle 22, elle stipule : « L’État reconnaît le droit de tout citoyen à un
logement décent, à l’éducation, à l’alimentation et la sécurité so-
ciale ». En ce qui a trait aux besoins fondamentaux de l’homme (man-
ger, boire, se loger, se vêtir, etc.), elle les conçoit comme des respon-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 46

sabilités des pouvoirs publics. Cette constitution dispose aussi des ar-
ticles relatifs à la sécurité, mais dans son unique aspect public. Dans
son article 32, le droit à l’éducation est reconnu par l’État haïtien.
Mais, en réalité 89,49% des écoles haïtiennes sont des institutions pri-
vées. La politique sociale de l’État haïtien en matière de logements
sociaux ne correspond pas vraiment aux besoins de logement. Cela
traduit déjà le mode de rapport que l’État entretient avec les classes
des appauvris (ouvriers et paysans). Comment peut-on penser la sécu-
rité de la personne humaine sans la prémunir des revers de la nature ?
Cette préoccupation exprime que le problème de la législation haï-
tienne est crucial. Elle traduit également comment l’État haïtien passe
à côté de ses responsabilités envers les couches défavorisées.
En ce qui a trait aux droits économiques, sociaux et culturels, Haïti
a signé plusieurs traités et conventions internationales et régionaux :
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et cultu-
rels ; pacte relatif aux droits civils et politiques ; les reconventions re-
latifs aux droits de l’enfant ; traité concernant les expulsions et les
[31] déplacements liés au développement, etc. Mais, ils ne sont pas
tous ratifiés. Le plus important qui n’est pas encore ratifié est le pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
En Haïti, ces principes sont souvent violés. En effet, il est récurent
d’assister à des expulsions forcées après le séisme du 12 janvier 2010
dans certains camps de déplacés, des enfants qui traînent dans les rues
et le travail des mineurs, l’abus de pouvoir, des violences policières,
des prisonniers torturés et violés, etc. Ce sont différentes formes de
violation des droits de la personne humaine. Donc, les droits sociaux
n’existent qu’à l’état embryonnaire en Haïti, tant au niveau légal que
dans la réalité.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 47

[32]

Droit au logement et personnes déplacées.

Chapitre 3
MÉTHODOLOGIE
DE LA RECHERCHE

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Tout travail scientifique obéit à une démarche méthodologique.


Nous avons su élaborer dans le cadre de celui-ci un cadre méthodolo-
gique, lequel consiste à indiquer la procédure, la démarche à suivre ou
encore comme dirait Madeleine Grawitz (2001:351), l’ensemble des
opérations intellectuelles par lesquelles on cherche à atteindre les véri-
tés qu'on poursuit, les démontre, les vérifie. Ainsi, en vue de cerner les
différents aspects du travail, la recherche documentaire et particulière-
ment des archives des mémoires, thèses et des articles scientifiques,
ont été consultés. Aussi, de manière complémentaire, l’observation,
l’entretien, l’interview semi-dirigée, l’enquête par questionnaire sont
utilisés pour la réalisation de ce travail.

3.1. La recherche documentaire

Selon Quivy et Campendhout (1995 :188), il existe deux types de


recherches documentaires : le recueil des données statistiques et le
recueil de document de forme littéraire publiés par des institutions ou
des publications d’auteurs ou encore des mémoires et
correspondances.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 48

Les auteurs affirment que, dans le cas des données de forme


littéraire, l’attention est portée principalement sur l’authenticité des
documents et sur l’exactitude des informations qu’ils contiennent.
Pour eux, la recherche en sciences humaines se réalisent lorsqu’il est
question : 1) d ’ a na l y s e r l e s ph é no m è n es m ac r o s oc i au x ,
démographiques, sociaux-économiques ; 2 ) d ’ a n a l y s e r l e s
changements sociaux et le développement historique des phénomènes
sociaux à propos desquels il n’est pas possible de recueillir des
témoignages directs ou pour l’étude desquels les témoignages directs
sont insuffisants ; 3) d’analyser le changement dans les organisations ;
4) d’étudier les idéologies des systèmes de valeurs et de la culture
dans son sens le plus large.
D’un autre côté, Benoit Gautier (2009 :116), soutient qu’il faut
faire la distinction entre la recherche documentaire classique comme
les livres, les articles de périodiques imprimées, des autres supports
comme internet, CD, groupes de discussions. L’auteur énumère quatre
principales sources de documentation : les monographies et thèses, les
périodiques, les bases de données et index périodiques, l’internet.
[33]
Les sources primaires sont, d’après l’auteur, tout ce qui se
rapporte à la documentation officielle : bulletins, rapports officiels des
ministères et des organisations non gouvernementales. Les sources
secondaires sont constituées de l’ensemble des œuvres d’auteurs.
Ainsi, dans le cadre de ce travail, des livres, des mémoires, des thèses
et des articles traitant la question du logement, de la Migration
interne, de la Représentation sociale, de l’Aire Métropolitaine de Port-
au-Prince(AMP) et du séisme du 12 janvier 2010 ont été lus. Ce qui
nous a permis de mettre l‘emphase sur l’histoire et la réalité
institutionnelle de l’organisation international de la Migration (OIM)
qui intervient au niveau du camp.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 49

3.2. L’Observation

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Selon Gauthier (2009:312), l‘observation est un ensemble de dé-


marches impliquant la confrontation de données issues tant de l’obser-
vation directe que l’entrevue ou de l’analyse statistique, appliquée à
l’étude d’une situation délimitée. L’observation, dans le cadre d’un
travail de recherche peut-être à la fois directe et indirecte. Ainsi,
ajoutent Quivy et Campendhout (1995:174), l’observation directe est
celle ou le chercheur procède directement lui-même au recueil des in-
formations, sans s’adresser aux sujets concernés. En ce sens, elle de-
vient un guide d’observation qui est construit à partir de ces indica-
teurs et qui désigne les comportements à observer tandis que, dans
l’observation indirecte, le chercheur s’adresse au sujet pour obtenir
l’information recherchée. Donc, en répondant aux questions, le sujet
intervient dans la production de l’information. Ainsi, dans l’observa-
tion indirecte, l’instrument d’observation est soit un questionnaire soit
un guide d’entrevue. L’un et l’autre ont comme fonction de produire
ou d’enregistrer les informations requises par les hypothèses et pres-
crites par les indicateurs.

3.3. Choix de la méthode

La méthode utilisée dans le cadre de ce travail de recherche est


mixte c’est-à-dire, elle est à la fois quantitative et qualitative. Elle
nous permet de comprendre les représentations que se font les gens vi-
vant dans le camp d’hébergement de Delmas 33 des réponses propo-
sées par des institutions liées à leurs conditions de vies et de logement
ainsi que la stratégie utilisée par l’Organisation Internationale pour les
Migrations (OIM) dans le cadre de son programme de relocalisation.
Cependant, cette méthode, à partir d’un nombre restreint de répon-
dants dans un camp et des responsables de programme, ne permet pas
de faire la généralisation des résultats trouvés pour un camp à tous les
autres camps d’hébergement.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 50

[34]

3.3.1. Échantillon
Notre échantillon est composé d’abord, de façon aléatoire, d’une
cinquantaine de chefs de ménage habitant le camp Adoken de Delmas
33 sur une base de données de 449 familles recensées par l’OIM ce,
pour la recherche quantitative. Ensuite, il est composé, pour la réalisa-
tion des entretiens, de trois personnes. Deux agents de l’OIM du pro-
gramme de relocalisation et le président du camp Adoken-Nord ont
été contactés.
Les principaux critères visent à obtenir des informations de la part
de ces personnes qui vivent dans le camp depuis des années ainsi que
des responsables du programme de relocalisation. En ce qui concerne
les agents de l’OIM, la personne doit occuper un poste et travailler
pendant au moins trois mois pour l‘organisation. Puis, le président du
camp ; ce dernier est le seul représentant du camp. Nous avons choisi
de questionner les gens du camp car, à notre avis, le nombre de per-
sonnes choisi est représentatif ; ils peuvent nous donner certaines in-
formations pertinentes et aussi, avec ces acteurs, parce qu’ils sont tous
impliqués dans l’intervention, disons humanitaire, auprès des déplacés
du camp. Donc, ces critères de choix peuvent nous permettre d’obtenir
des informations auprès des intervenants ainsi que les principaux bé-
néficiaires dudit programme.

3.3.2. Les instruments de l’étude


Pour que les techniques puissent être efficaces, il faut des instru-
ments de recherche pour la collecte des données. Ainsi, servirons-
nous, pour la recherche documentaire, des fiches de lectures. Pour
l’enquête par entretien, nous utiliserons l’entretien semi-directif et
l’enquête par questionnaire, lesquels, contenant des questions précises
qui nous permettront d’atteindre nos objectifs.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 51

3.3.3. L’entretien semi-directif


Selon Quivy et Campendhout (2001: 138), l’entretien semi-directif
est le plus utilisé en recherches sociales. Il est semi-directif parce qu’il
est entièrement ouvert et canalisé par un grand nombre de questions
précises. En effet, le chercheur dispose d’une série de questions-guide,
relativement ouvertes à propos desquelles, il est impératif qu’il
conçoive une formation de la part de l’interviewé. En laissant parler
librement et ouvertement l’informateur, le chercheur s’efforcera sim-
plement de recentrer l’entretien sur les objectifs à chaque fois qu’il
s’en écarte et de reformuler les questions visées. Donc, dans le cadre
de ce travail, l’entretien semi-directif s’adressera à des informateurs-
clés susceptibles de nous fournir des informations [35] pertinentes. Ils
sont constitués du président du camp ACCRA-Nord de Delmas 33 et
de deux autres intervenants de l’Organisation Internationale pour les
Migrations.

3.3.4. Enquête par questionnaire


Pour Quivy et Campendhout (2001:200), l’enquête par
questionnaire consiste à poser à un ensemble de répondants, le plus
souvent représentatif d’une population, une série de questions
relatives à leur situation sociale, professionnelle ou familiale, à leurs
opinions, à leurs attitudes, à l’égard d’options ou d’enjeux humains et
sociaux à leurs attentes, à leur niveau de connaissance ou de
conscience d’un évènement ou d’un problème, ou encore sur tout
autre point qui intéresse le chercheur. Le questionnaire est dit
d’administration indirecte lorsque l‘enquêteur le complète lui-même à
partir des réponses qui lui sont fournies par le répondant. Donc, le
questionnaire est l’ensemble de questions couvrant tous les indicateurs
et tous les concepts impliqués dans l’hypothèse. Ainsi, pour explorer
le problème du logement et, afin d’arriver à atteindre nos objectifs,
notre guide d’interview a été construit autour de trois dimensions et
des indicateurs précis et articulé. Dans chacune des dimensions, nous
définissons des indicateurs précis. D’abord, la dimension
psychosociale qui comprend les besoins, les valeurs, les attentes et les
attitudes; ensuite, la dimension socio-économique qui comprend les
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 52

activités, le nombre et l’âge des personnes à charge, la relation avec le


logement et l’origine géographique du répondant. Enfin, la dimension
politique qui comprend l’attention et de la connaissance des
institutions intervenant au niveau du camp, la perception des gens sur
le logement et sur les institutions puis, les attentes.

3.3.5. Traitement et analyse des données


Les données recueillies auprès des chefs de ménage, du comité du
camp, et des responsables de programme de relocalisation ont été
traitées et analysées. L’analyse a été réalisée par thèm e à partir du
contenu des questionnaires et des entrevues des participants à la
recherche. Au fait, il n’existe pas de règle formelle au sens statistique
pour l’analyse qualitative et quantitative des données. Par contre,
quand les données se présentent sous forme de discours, l’analyse
peut comprendre quatre étapes: la préparation et la description du
matériel brut, la réduction des données, le choix et l’application des
modes d’analyse et [36] l’analyse transversale des situations ou des
cas étudiés (Contandriopoulos et all. In Barthold, 2014 : 54).
Les données recueillies lors des collectes des données et des
entretiens ont été enregistrées par un questionnaire et à l’aide d’une
enregistreuse électronique puis transférées sur le disque dur de notre
ordinateur. En ce qui concerne les entretiens, après les avoir bien
écoutées, nous avons procédé à la retranscription intégrale du
verbatim. C’est un travail de longue haleine où nous passons
beaucoup de temps à écouter les entrevues.

3.4. Mise en garde méthodologique

Retour à la table des matières

Les entrevues ont été effectuées, rappelons-le, en créole. Les ex-


traits utilisés dans le texte ont été traduits du créole au français mais,
compte tenu des subtilités linguistiques et sémantiques inhérentes à
toute opération de traduction, certaines expressions peuvent perdre
leurs sens ainsi que leurs références sociales.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 53

3.4.1. Limite de la recherche


Dans le cadre de ce travail, des livres, des mémoires, des thèses,
des revues scientifiques, des rapports de colloques relatifs à la
question du logement ont été consultés. Notre travail se propose de
comprendre le cadre vie des personnes déplacées vivant dans le camp
d’hébergement de Delmas 33 après le séisme du 12 janvier 2010 et la
représentation qu’elles se font des réponses institutionnelles liées à
l’amélioration de leurs conditions de logement. L’unité statistique est
la personne déplacée vivant sur le camp Adoken de Delmas 33. Faute
de moyens, nous n’avons pas pu questionner et interviewer plus de
personnes. Ce travail étant inscrit dans une démarche scientifique,
n’est pas exhaustif mais peut participer à la contribution de toute
recherche dans la question du logement dans le monde et en Haïti.
En résumé, nous avons présenté dans ce chapitre, la méthodologie
utilisée pour faire cette recherche exploratoire. Notre méthodologie a
fait état de la recherche documentaire, le choix des méthodes,
l’observation direct et indirect, la sélection de notre échantillon, les
instruments de cueillette de données à utiliser et la façon dont le
recrutement des participants a été fait et la méthode d’analyse des
données.
Le prochain chapitre est consacré à la présentation, à
l’interprétation et l’analyse des résultats de cette recherche.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 54

[37]

Droit au logement et personnes déplacées.

Chapitre 4
CADRE EMPIRIQUE
DU TRAVAIL

4.1. Présentation de la zone d’étude :


Delmas

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La commune de Delmas est bornée au Nord par les communes de


Tabarre et de Cité Soleil ; au Sud par les communes de Port-au-Prince
et de Pétion-Ville ; à l’Est par les communes de Tabarre et de Pétion-
ville et à l’Ouest par la commune de Port-au-Prince. Ancien quartier
de la commune de Port-au-Prince, Delmas fut élevé au rang de com-
mune par décret du 15 décembre 1982. Avec un climat qui varie selon
les périodes de l’année, il dispose d’un relief de Plaine. La ville offre
résidence et hospitalité à un grand nombre d’immigrant venus de part
et d’autres du reste du pays.
Selon une étude de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informa-
tique(IHSI) réalisée en 2015, la population de Delmas est estimée à
623,806 habitants. Ceci, pour une superficie évaluée à 27.74 km2 (une
densité de 8844 habitants par km2). Delmas, étant une ville quasi-tota-
lement urbanisée, elle est dotée d’une seule section communale :
Saint-Martin qui, appartenant à l’arrondissement de Port-au-Prince,
regorge de quartier résidentiels.
Cette commune de la zone métropolitaine compte pas mal d’infra-
structures : hôpitaux, des écoles, des églises, des centres commer-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 55

ciaux, des commissariats de police, des succursales de banques, des


hôtels, etc.
Les Delmassien/nes fêtent leurs saints patrons, Notre-Dame d’Al-
tagrâce et Saint-Yves, respectivement, le 21 janvier et le 17 mai.

4.2. Présentation du Camp d’hébergement


de Delmas 33

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Le camp ADOKEN se trouve à Delmas 33, presqu’en face du com-


missariat de Delmas 33. Il est divisé en deux blocs. ADOKEN- Sud ou
ACRA-Sud qui comprend neuf blocs et ADOKEN- Nord ou ACRA-
Nord, divisé en quatre blocs. Cet espace est occupé par des sinistrés
depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Dans un recense-
ment effectué par OIM en 2015, le nombre de familles logées sur le
camp était évalué aux environs de 3000 familles.
Jusqu'à la date où nous avons fait nos visites d’observation, le
camp ACRA-Nord est géré par un président qui est le seul représen-
tant du camp et travaille à titre de bénévole. Ce [38] dernier est un si-
nistré et affirme ne plus recevoir d’aide de la part des autorités éta-
tiques. D’ailleurs, il affirme que même les autorités locales ne se font
plus remarquer. Toutefois, des partenariats ont été développés avec
des ONGs internationales, Croix-Rouge Française, Caritas, Concern,
world vision, OIM etc. Ainsi des projets de kiosque et de construction
de tente en bâches et playwood ont été réalisés ; des séminaires de for-
mation sur la violence faite aux femmes, sur le secourisme, la gestion
de petit business, les risques et les désastres, le choléra, etc., ont éga-
lement été organisés à l’intention des membres du comité et de cer-
tains sinistrés. Depuis certain temps, la population de ce camp est
abandonnée à elle-même face aux graves difficultés de l’existence et
surtout face à la crise socio-économique de la société haïtienne. Les
gens n’ont pas accès aux services sociaux de base. Il n’y a pas même
un dispensaire.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 56

4.3. Aperçu historique de l’aide humanitaire


et contexte d’émergence des Organisations
humanitaire dans le monde

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L’initiative prise par les individus d’actions caritatives de solidarité


pour aider les personnes en difficultés des frontières immédiates est
antérieure au XXe siècle. Elle a représenté une idée qui s’est enracinée
progressivement dans la société occidentale avant d’être une pratique.
Elle est soutenue par la religion et la philosophie (Ryfman, 2002 :8 ci-
té par Barthold, 2014 :5). En effet, étant inconditionnelle et désintéres-
sée pour les personnes dans le besoin sans aucune distinction qui sont
partout dans le monde, l’aide humanitaire a pour composante l’aide
d’urgence et l’aide à la reconstruction. Cette aide se veut apolitique et
neutre et qui a pour objectif de fournir de l’aide aux personnes en dé-
tresse, de leur permettre de reprendre leur destin en main et de sur-
monter leur désespoir (Barthold, 2014 : 38). Cette assistance se
concrétise par l’aide d’urgence qui permet de répondre aux besoins
élémentaires des populations touchées par une crise et le support à la
reconstruction qui, elle, permet aux populations de reconstruire leur
économie. Donc, l’aide humanitaire est là pour apporter des secours
immédiats dans une situation d’urgence et, l’on peut dire qu’en ab-
sence d’un tel appui, les catastrophes naturelles et les guerres froides
feraient davantage de mort.
À rappeler que les organisations humanitaires ont pris naissance
dans un contexte de guerre, de colonisation et de démocratie (Ryfman,
2004 cité par Barthold 2014 : 5). Les conflits européens de la moitié
du XIXe siècle vont constituer une autre matrice. La guerre de Crimée
oppose les alliés franco-britanniques, venus au secours des Ottomans
et à la Russie. Et, à l’époque, Florence Nightingale, appelée la « Dame
à la lampe » organisa les premières équipes d’infirmière et posa les
fondements d’une quasi-organisation humanitaire entièrement [39]
privée. Cette organisation allait agir d’abord durant des décennies sur
le territoire américain pendant la guerre de sécession, puis en France,
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 57

lors de la guerre de 1870 et en Inde coloniale auprès des victimes des


famines.
Tout ceci pour dire que, l’aide humanitaire ne date pas d’hier. Et,
c’est à partir du XIXe siècle qu’un ensemble d’évènements va per-
mettre l’Expansion des ONGs. Avec la deuxième guerre mondiale,
deux grandes organisations ont vu le jour : Oxfam et CARE. Elles
vont avoir pour toile de fond, le thème d’aide au développement. En
effet, depuis la fin des années 1960, les actions de secours d’urgence
et d’assistance aux populations vulnérables, en détresse, sinistrées,
victimes de catastrophes naturelles ou de conflits armés, ont connu
une croissance quasi exponentielle. Pour répondre à ce développement
fulgurant, une gamme d’acteurs étendue s’est mobilisée. Certains ont
été créés spécifiquement pour la circonstance, d’autres retrouvent un
rôle qu’ils avaient plus ou moins délaissé ou qu’ils s’étaient trouvées
contraint de restreindre, d’aucuns élargissent leurs domaines d’activi-
tés (Ryfman, 1999 :7-9 cité par Barthold, 2014 :7).
L’aide humanitaire, selon Reymond et Margot, 2007 : 7 cité par
Barthold 2014: 39 comprend des domaines variés :

 Assurer la survie : couvrir aussi rapidement que possible les


besoins élémentaires des personnes afin d’assurer leur survie
(accès à l’eau potable, nourriture, médicament et soin de
sante, abris temporaire, etc.)
 Reconstruction : Reconstruire les infrastructures de base.
Ces infrastructures comprennent les structures physiques en-
dommagées.
 Réhabilitation sociale : Elle consiste à rapatrier dans la me-
sure du possible les personnes déplacées et les refugiées, et
assurer de façon durable la survie de ces personnes. Elle
consiste également à développer des programmes de forma-
tion professionnelle et scolaire pour relancer l’économie et
la progression sociale.
 Prévention : Introduire des actions préventives pour éviter le
retour d’une nouvelle situation de crise, ou pour diminuer la
vulnérabilité de la société.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 58

4.4. Contexte d’émergence


des organisations humanitaires en Haïti

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La présence des organisations humanitaires en Haïti remonte à la


décennie 1950, en réponse aux situations de pauvreté liées aux catas-
trophes naturelles (Pierre, 2011 :31). Après le passage du cyclone Ha-
zel en 1954, un programme de food for work a été implanté à Fort
Jacques. L’implantation de la fondation CARE dans le Nord s’est faite
durant la même [40] période. Cette fondation est encore présente dans
le pays. Le CRS a opéré dans les mêmes circonstances. En 1964, deux
projets ont été implantés après le passage du cyclone Cléo : le projet
de développement communautaire chrétien de Laborde et celui de Gé-
beau, à Jérémie. Celui-ci a vu le jour avec l’Eglise Méthodiste. Après
le passage du cyclone Inès en 1967, les habitants de la zone Bellevue
et de la Montagne ont bénéficié de l’encadrement du service chrétien.
Les programmes humanitaires tendent à s’installer à plus long terme
en lieu et place des projets de développement. De-là, nous dit Pierre
(2001 :31-32) « L’assistance humanitaire domine la scène nationale
durant ces dernières années. Ces programmes ont une portée spectacu-
laire, mais ils n’escomptent pas de résultats en matière d’amélioration
des conditions de vie de la population».
Donc, historiquement, les associations humanitaires sont proches
de celles dénommées organisations caritatives, le plus souvent d’ori-
gine religieuse, qui ont pour objet de donner aux plus démunies une
aide matérielle ou morale. Elles se rapprochent aussi des associations
philanthropiques animées par la volonté d’améliorer le sort de leurs
semblables et qui agissent sans rechercher du profit (Neuilly,
2008 :101 cité par Barthold, 2014).
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 59

4.5. Camps d’hébergements


dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince :
entre implantations, déguerpissements
et disparitions

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Le terme camp est nouveau en Haïti. Il est apparu comme s’est dé-
jà expliqué dans les pages précédentes, après le séisme dévastateur du
12 janvier 2010 qui a frappé le pays. Au lendemain du séisme, un phé-
nomène nouveau émerge dans le tissu urbain haïtien : les camps des
déplacés. Ils s’installent et se développent comme une nouvelle forme
de la morphologie urbaine. Les places publiques, les écoles, les es-
paces interstitiels sont investis et réaménagés. Selon Alrich et Mérat
(2011 :37), « les camps des déplacés du séisme du 12 janvier viennent
renforcer la dynamique d’étalement que connait la capitale du pays ».
Cette dernière était déjà en crise avant la catastrophe : périurbanisa-
tion et densification. Les premiers camps de déplacés comme Canaan
et Céleste ont constitué à eux seuls 13% (Alrich et Mérat, 2011:97) de
la ville initiale. Ce nouvel étalement entraine de nouveaux problèmes
environnementaux, économiques et sociaux et va conduire à la proli-
fération de l’habitat informel. Sur le territoire périurbain de la capi-
tale, s’affiche une nouvelle socio-spécialité entre les populations ini-
tiales et les populations déplacées, fondamentalement pauvres et assi-
milées à des refugiés. Dans un rapport produit par l’OIM-ACTED
(2015 :9) à l’intention des personnes déplacées, un million et demi
(1,5.000.000) de personnes soit un total de 3850 512 foyers ont fui
leurs habitations pour se réfugier dans des camps dans quelques 1342
sites de peuplement spontanées crées à la [41] suite du séisme sur
l’ensemble du pays. Plus loin, dans ce rapport, il est mentionné qu’en
juillet 2010, la première Displacement Tracking Matrix (DTM) propo-
sée par OIM annonçait un chiffre de 1,5 millions d’individus vivant
dans les sites d’hébergement. Et, en septembre 2010, ce chiffre des-
cendait à 1,35 millions de personnes déplacés internes (IDP) pour at-
teindre 810,000 individus en janvier 2011. Dans beaucoup de camps,
la surpopulation est une préoccupation importante. La superficie par
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 60

personne, l’accès aux services de santé et aux équipements sanitaires


de base ne sont pas respectés d’après les recommandations du manuel
pour la protection des déplacés internes de l’ONU (AI, 2010 : 10 cité
par Barthold, 2014 :12). Cette surpopulation et cet agencement dans
certains camps augmentent le risque pour les femmes et les enfants
d’être victime d’exploitation particulière telle la violence sexuelle.
Les personnes font face à des problèmes divers : logement, nourriture,
eau potable, assainissement, troubles psychologiques, insécurité, vio-
lences physiques et sexuelles. Le rapport de la FIDH a dénoncé la
violence dans les camps. Le Haut-Commissariat aux réfugiés de
l’ONU a recensé plus de 800 de cas de viols dans les camps des per-
sonnes déplacées en Haïti depuis 2010 (Barthold, 2014 :12). La plu-
part des camps ne bénéficient d’aucune couverture particulière de la
PNH et de la MINUSTAH.
Alors qu’il est mentionné dans la charte de l’Amnesty Internatio-
nal, adoptée par Haïti: « l’État haïtien a l’obligation de ne pas mener
des expulsions forcées et de protéger toute personne des expulsions
forcées qui pourraient être menées par des tierces personnes » ; on dé-
nombre des cas de déplacements forcés dans plusieurs sites. Certaines
fois, les gens qui expulsent les personnes vivant dans les camps se
font accompagner par des agents de la mairie de la zone en question
ou des policiers cagoulés. Selon l’organisation Internationale pour les
Migrations(OIM), jusqu’à juillet 2013, environ 16 000 familles ont été
expulsées des terrains publics ou privés qu’elles occupaient après le
séisme dévastateur du 12 janvier 2010 sans bénéficier de l’accès à des
modalités adéquates de protection juridique et une notification préa-
lable dans un délai raisonnable. Il est à rappeler que les expulsions
forcées sont une violation au droit à un logement convenable. Elles
peuvent avoir des conséquences, en particulier pour les personnes qui
vivent déjà dans la pauvreté. Pour le moment actuel, l’OIM dénombre
39 camps d’hébergements restant dans l’Aire Métropolitaine et à Léo-
gane mais, travaille, pour citer l’une des responsables du projet de re-
localisation des personnes déplacées internes au cours de la réalisation
de l’entretien, pour donner à ces personnes une meilleure condition de
vie.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 61

[42]

4.6. Présentation de l’Organisation Internationale


pour les Migrations

4.6.1. Historique de l’organisation

Retour à la table des matières

L’organisation Internationale pour les Migrations (OIM) , appelée


autrefois Comité Intergouvernemental Provisoire pour les Mouve-
ments Migratoires d’Europe (PICMME), a pris naissance dans un
contexte très particulier c’est-à-dire, du chaos et des déplacements de
personnes qu’a connus l’Europe de l’Ouest à la suite de la deuxième
guerre mondiale. Quelques années plus tard, elle est mandatée par les
gouvernements européens pour chercher des pays de réinstallation aux
quelques 11 millions de personnes déracinées par la guerre ; du coup,
elle a organisé le transport de près de 1 million de migrants durant les
années 1950.
En 1952, une succession de changements de noms lui ont valu
d’être rebaptisée Comité intergouvernemental pour les Migrations Eu-
ropéennes (CIME) puis, en 1980, Comité Intergouvernemental pour
les Migrations (CIM) et enfin, en 1989, Organisation Internationale
pour les Migrations (OIM), témoigne de l’évolution de l’organisation
qui, en l’espace d’un demi-siècle, est passée d’une agence logistique à
une institution en charge de la gestion des flux migratoires.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 62

Sa structure 2

Croissance générale de l'Organisation - Indicateurs essentiels

 Le nombre d'États Membres est passé de 67 à 165 entre


1998 et 2016, et il augmente encore
 Les dépenses totales sont passées de 242,2 millions de dol-
lars É.-U. en 1998 à quelque 1,4 milliard de dollars E.-U. en
2014
 L'OIM a des bureaux dans plus de 150 pays
 Le nombre de représentations sur le terrain1 est passé de 119
en 1998 à plus de 400 en 2014
 Le nombre de projets actifs a progressé, passant de 686 en
1998 à plus de 2 400 en 2014
 L'effectif engagé dans les opérations, qui s'élevait à quelque
1 100 personnes en 1998, totalise plus de 9 000 personnes,
presque toutes déployées sur le terrain.

[43]
Les structures de l'OIM sont fortement décentralisées, ce qui a per-
mis à l’Organisation de se doter des moyens de fournir un nombre
croissant de services toujours plus variés à la demande de ses États
Membres. Les structures hors Siège de l’OIM sont les suivantes :

 Neuf bureaux régionaux, qui formulent des stratégies et des


plans d’action régionaux et fournissent un soutien programma-
tique et administratif aux pays relevant de leur compétence. Ces
bureaux régionaux se trouvent à Dakar (Sénégal), Pretoria
(Afrique du Sud), Nairobi (Kenya), Le Caire (Egypte), San José

2 Organisation internationale pour les migrations.


Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 63

(Costa Rica), Buenos Aires (Argentine), Bangkok (Thaïlande),


Bruxelles (Belgique) et Vienne (Autriche).
 Deux bureaux spéciaux de liaison (à New York (États-Unis
d’Amérique) et Addis-Abeba (Ethiopie)), qui renforcent les re-
lations avec certains organes multilatéraux, des missions diplo-
matiques et des organisations non gouvernementales.
 Deux centres administratifs (à Panama et à Manille), qui four-
nissent au réseau de bureaux de l’OIM un soutien essentiel en
matière de technologies de l’information et de services adminis-
tratifs.
 Plus de 460 bureaux de pays et bureaux auxiliaires dans le
monde, qui analysent les questions et tendances migratoires à
l’échelle nationale, et planifient, élaborent et mettent en œuvre
des projets et des programmes pour y faire face.
 Cinq bureaux de pays à fonctions de coordination, qui sont
chargés, en outre, de veiller à ce que les réalités migratoires
d’un groupe donné de pays soient prises en considération dans
les activités programmatiques déployées dans la région. Les bu-
reaux de pays à fonctions de coordination sont situés à Canber-
ra (Australie) (pour la région Pacifique) ; Rome (Italie) (pour le
bassin méditerranéen) ; Astana (Kazakhstan) (pour l’Asie cen-
trale) ; et Georgetown (Guyana) (pour les Caraïbes). Une fonc-
tion de coordination est également assurée au Bureau régional à
Bangkok pour le groupe de pays de l’Asie du Sud.
 Quatre bureaux de pays à fonctions de mobilisation des res-
sources (à Tokyo (Japon)), à Berlin (Allemagne), à Helsinki
(Finlande) et à Washington D.C. (États Unis d’Amérique)), qui
sont chargés en outre de participer aux appels de fonds et de
donner des conseils sur les politiques, priorités et procédures re-
latives aux appels de fonds.

Financement total : En 2013, plus de 97 % des allocations budgé-


taires de l’OIM provenaient de contributions volontaires destinées à
des projets. Le reste correspond au budget administratif, financé par
les contributions assignées des États Membres. Le taux le plus bas
[44] de soutien administratif: Pour couvrir ses dépenses indirectes,
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 64

l’OIM applique au titre du soutien administratif une commission stan-


dard représentant 7% du coût total des projets. La recherche du
meilleur rapport coût efficacité est une préoccupation prioritaire de
l’Organisation lors de la mise en œuvre des projets.
L’OIM travaille dans les quatre grands domaines de la gestion et de
la migration suivants :

 Migration et développement
 Faciliter la migration
 Règlementer les migrations
 La migration forcée

4.6.2. L’OIM en Haïti


L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) est pré-
sente en Haïti depuis 1994 lorsque l’organisation a commencé à colla-
borer avec le gouvernement d’Haïti sur la gestion de la migration et
des programmes de renforcement des capacités après des années de
turbulences qui avaient causé le déplacement interne et international,
la migration forcée et le déclin économique considérable (Choute,
2016 : 90). Quelques années plus tard, l’organisation a étendu sa co-
opération pour faire face et atténuer l’effet que les catastrophes natu-
relles ont sur les sections les plus vulnérables de la population.
L’OIM intervient partout dans le monde pour répondre aux ur-
gences traduisant des dépassements et agit comme chef de file pour
l’abri d’urgence, de coordination et de gestion des camps dans des cas
de déplacement de crises par une catastrophe naturelle. Cette coopéra-
tion a inclus le traitement des conséquences de la tempête tropicale
Jeanne aux Gonaïves, et l’inondation à Fonds Verrettes, à laquelle
l’OIM a répondu à l’appel en ajoutant le drainage, le reboisement et la
gestion des bassins versants de son portefeuille de projets.
En 2010, après le tremblement de terre qui a coûté la vie à beau-
coup d’haïtiens, le personnel de l’OIM a répondu immédiatement par
la fourniture et la coordination des services de sauvetage et en parte-
nariat avec le gouvernement haïtien et la communauté humanitaire in-
ternationale dans la recherche de solutions durables à la crise de dé-
placement. (Choute, 2016 : 90)
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 65

Pendant la saison de pluies de 2010, 2011 et 2012, l’OIM a agi


comme l’agence de dernier recours dans la fourniture d’abris d’ur-
gence et des articles non alimentaires pour les [45] personnes dépla-
cées et les communautés résidant dans les camps. En Août et Octobre
2012, le pays a été frappé par la tempête tropicale Isaac et l’ouragan
Sandy. Ces deux catastrophes ont causé des glissements de terrain et
des inondations, entrainent aussi la dévastation agricole massive et de
nouveaux déplacements internes. L’on se le rappelle que l’ouragan
Sandy a entrainé 54 décès, 33 760 maisons inondées et plus de 2 949
personnes dans le refuge d’urgence sur lesquelles, 2298 n’ont pas eu
accès à des solutions de logement alternatives (Choute, 2014 :90).
Tout récemment, avec le passage du cyclone Matthew qui a ravagé le
grand Sud du pays, partout l’OIM fait des interventions.
Ces nouveaux défis aggravent les besoins humanitaires non satis-
faits des précédentes catastrophes. Donc, avec l’appui du gouverne-
ment haïtien, l’OIM a fait de son mieux pour venir en aide aux plus
nécessiteux en évacuations accompagnées, communication et sensibi-
lisation, besoins et évaluation des dégâts dans les camps et les com-
munautés. L’OIM met en œuvre en Haïti actuellement 67 projets actifs
dans les domaines suivants : gestion de données, aide aux migrants,
sante et crise migratoire, etc.

4.7. Cadre de traitement


et d’analyse des données

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Dans le cadre de ce travail de recherche, nous avons collecté des


informations auprès de deux agents de l’OIM qui, de manière complé-
mentaire, l’un l’autre, nous ont présenté l’organisation, le projet de re-
localisation et la subvention d’aide au loyer en faveur des gens vivant
dans les camps d’hébergement. Ensuite, nous avons eu des informa-
tions auprès du président du camp en ce qui concerne son rôle comme
responsable, ses rapports avec l’OIM et aussi avec les ménages sur le
camp. Enfin, nous avons interviewé une cinquantaine de chefs de mé-
nages. Comme c’était mentionné dans la démarche méthodologique,
pour collecter les données, nous avons utilisé l’entretien semi-directif
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 66

comme technique de collecte et l’analyse de contenu comme tech-


nique d’analyse et aussi, l’enquête par questionnaire pour la collecte
des données auprès des chefs de ménage.
Les entrevues effectuées sont d’une durée moyenne de trente à
quarante-cinq minutes. Les cinq (5) premières minutes de chacune
d’entre elles étaient réservées à l’établissement d’un climat propice au
dialogue et nous en avons profité pour expliquer nos intentions et éta-
blir les clauses de confidentialité telles qu’elles sont inscrites dans le
formulaire de consentement.
Ensuite, nous avons débuté l’étape question-réponse en créole et
nous avons demandé à chaque participant de se présenter et de nous
parler de son poste, de son engagement au [46] niveau de l’organisa-
tion puis, nous arrivons, dans cette logique à venir avec nos questions
qui sont dans notre grille et d’autres qui nous venaient au fil des dis-
cussions.
Toutefois, par souci de respect de la clause de confidentialité nous
avons décidé de ne pas citer les noms des personnes interviewées.
Nous utiliserons, pour les intervenants, Agent 1 et Agent 2 en lieu et
place des noms réels de nos interviewés dans la présentation et l’ana-
lyse des données.
Pour analyser ces messages, nous les avons présentés suivant les
catégories de sujet reparties dans la grille d’entrevue.

4.7.1. Données recueillies


auprès des intervenants du camp
Dans cette partie du travail, nous considérons les informations re-
cueillies auprès des deux agents de l’Organisation Internationale pour
les Migrations intervenant sur le camp d’hébergement dans le projet
de relocalisation. En effet, pour faciliter la structuration des
cueillettes, chaque sujet a été abordé de façon respective. Dans un pre-
mier temps, les intervenants nous parlent de leur identité, leur fonction
et leur poste dans l’organisation ; dans un deuxième temps, nous par-
lons de leurs actions sur le camp et, dans un troisième temps, de l’as-
sistance donnée aux gens sur le camp à savoir la subvention au loyer.
L’Organisation internationale pour les Migrations, déjà plus de six
ans, intervient dans la question de relocalisation des personnes dépla-
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cées internes. En juillet 2011, soit dix-huit mois après le tremblement


de terre, selon le rapport de suivi du déplacement de l’OIM, les popu-
lations vivant dans les camps d’hébergement étaient à peu près
595 000 et depuis, avec le soutien de la Direction de la Protection Ci-
vile(DPC), elle a entrepris de procéder à l’enregistrement des per-
sonnes déplacées afin de donner au gouvernement haïtien ainsi qu’aux
organisations internationales une base de données fiable sur les be-
soins et la situation de ces personnes. En coordination avec l’UCLBP,
organisme étatique qui est responsable de la construction de bâtiments
publics, l’OIM travaille pour donner de l’assistance aux personnes dé-
placées vivant dans les camps d’hébergement. Il est à rappeler que se-
lon Pierre:(2015 :31) : « les programmes de relocalisation des popula-
tions sont généralement des politiques publiques de l’État, au moyen
de mesures d’ordre public pour la réaffectation des espaces territo-
riaux non occupés antérieurement ou utilisés par des familles ou des
communautés ». Le séisme du 12 janvier 2010 a frappé de façon ter-
rible les infrastructures d’Haïti. La quantité de morts a été estimée à
près de 200, 000 tandis que le nombre de personnes sans abri avoisi-
nait le chiffre 1,5 million d’après les estimations de l’OIM. Ces [47]
personnes se sont réfugiées dans des camps de fortune sur les espaces
publics ouverts du pays comme les places publiques et autres terrains.
Etant divisé en plusieurs blocs, le camp Adoken de Delmas 33 fait
partie de la liste des camps que l’OIM commence à relocaliser. Ainsi,
nous dit le premier intervenant (Agent 1) :

Pour le projet de relocalisation, nous suivons la méthodologie du gou-


vernement haïtien. Cela consiste à donner un montant aux familles vivant
dans les camps afin qu’elles puissent payer un loyer pour une durée d’une
année. Pour ce faire, nous laissons le choix aux familles de chercher la
maison. Une fois trouvée, la personne se fait accompagner d’un agent de
l’Organisation Internationale pour les Migrations pour une visite de véri-
fication, laquelle consiste à vérifier si la maison répond aux normes et
critères de sécurité (risques environnementaux, le classement du statut de
MTPTC, l’accès à l’eau et aux installations sanitaires, etc.) puis après, on
vérifie le titre de propriétaire. Si ces conditions sont respectées, nous leur
donnons l’argent. Si le montant donné aux familles ne dépasse pas le prix
du loyer, elles gardent le reste.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 68

Pour bénéficier de cette assistance, la personne doit être recensée


sur le camp. Au cours des discussions que nous avons eues avec les
intervenants ainsi que le président du camp, ils nous ont fait savoir
que les recensements se font souvent le soir pour faciliter à tous et à
toutes d’être touché(e)s. Au total, 3000 familles vivent sur le camp
Adoken mais, pour le bloc ACRA-Nord, le nombre de famille vivant
est 449. À cela, nous dit le deuxième intervenant (Agent 2)

Toutes les personnes recensées sur le camp sont éligibles pour rece-
voir cette aide à conditions qu’elles ont été recensées. Mais, cela se fait
par famille. Toutes les familles ne reçoivent pas le même montant. En
fonction de sa taille et en fonction de ses besoins, une famille peut rece-
voir un montant plus élevé qu’une autre famille. Pour le programme, il se-
rait préférable aux gens de choisir une maison dans le quartier où ils ont
vécu avant le tremblement de terre.

Il est à signaler que, certaines personnes vivant dans le camp, ont


leur propre maison mais, sont venues y habiter pour pouvoir bénéfi-
cier de l’aide donnée tout en laissant affermer [48] leurs maisons à
d’autres personnes. Le premier intervenant (Agent 1) nous confie
que : « De manière informelle, nous avons entendu parler de cela sur
le camp mais, nous n’avons aucune preuve pour le vérifier ».Des dis-
positions sont prises à cet effet pour éviter de telles actions soient ré-
pétées ainsi que pour éviter de nouveaux ménages arrivent sur le site.
Le programme de relocalisation de l’OIM est divisé en plusieurs
étapes. On distribue, dans un premier temps des coupons de couleur
aux familles déplacées vivant dans les camps ; dans un deuxième
temps, des visites sont effectuées aux chefs de familles par des agents
de l’OIM pour l’enregistrement de l’ensemble de leurs membres vi-
vant avec eux sur le camp et dans un troisième temps, on fait la col-
lecte des informations. Les noms des familles bénéficiaires de la sub-
vention au loyer sont inscrits sur une base de données de l’Organisa-
tion Internationale pour les Migrations. Ce, afin d’empêcher que des
personnes qui ont déjà bénéficié du programme ne puissent en jouir de
nouveau sur un autre camp et pour limiter de cas de duplications. Dès
qu’une famille obtient la subvention, elle doit inévitablement laisser le
camp. Ainsi, nous confie le deuxième intervenant (Agent 2) :
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 69

Après avoir donné le montant aux familles bénéficiaires, des visites de


vérification surprise sont effectuées quelques semaines plus tard afin de
s’assurer que la personne habite vraiment la maison qu’elle avait reçue
de l’argent pour le loyer et aussi, que sa tente a été levée du camp.

Dégager les camps, aider les familles à retourner dans leurs quar-
tiers respectifs, leur aider à vivre mieux, ce sont là, certains objectifs
que fixe l’OIM dans un temps pas trop lointain, affirme le premier in-
tervenant (Agent 1)

Il faut dire que l’objectif premier du projet, à travers cette subvention,


c’est de donner aux familles un soulagement à leur solution de logement ;
plus louable que le fait d’habiter dans un camp d’hébergement. Donc,
nous pouvons dire que les principes de cette stratégie sont de proposer
aux personnes déplacées non seulement un logement décent mais égale-
ment de leur donner les moyens leur permettant de retrouver leur autono-
mie.

Les conditions de vie dans les camps sont très difficiles, à fortiori
sur la longue durée, principalement à cause des risques sanitaires, de
l’insécurité, de l’absence de ressources et du risque d’exclusion. « Les
programmes de relogement sont complexes à mettre en œuvre et ne
[49] répondent pas toujours aux besoins des familles déplacées »
(Pierre, 2015 :32). Les points de vue sont différents quant aux ré-
ponses données par les intervenants sur la question de la finalité de la
subvention de l’aide au loyer. Le deuxième intervenant (Agent 2) voit
cette question sur un autre angle.

Je viens ici, sur le camp, presque toutes les semaines depuis que je
travaille dans ce projet. En tant qu’humain, je pense que la situation de
ces gens mérite un traitement spécial. La situation dégénère. Elle est dé-
plorable. Selon moi, le fait de lever la personne sur le camp et le relocali-
ser ne constitue pas vraiment un acte lui permettant de retrouver son au-
tonomie parce que l’argent donné pour le loyer est seulement pour une
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 70

période d’une année. La personne bénéficie tout simplement un suivi


d’une a deux semaines après, rien. Relocaliser la personne c’est bien
mais, ce n’est pas tout.

L’organisation Internationale pour les Migrations travaille de


concert avec les membres du comité de camp. Ces derniers, vivant sur
le site, permettent à l’organisation d’identifier les problèmes auxquels
font face les gens à longueur de journée, de réaliser les recensements
et aussi, d’animer des séances de formations professionnelles pour les
jeunes au niveau du camp. Ainsi, nous confie le premier intervenant :

Nous avons une équipe qui effectue tous les jours, des visites au ni-
veau du camp. Avec les responsables du camp, nous avons une très bonne
relation. Ils nous mettent au courant sur des incidents sur le camp et,
quand la situation leur dépasse, nous faisons des interventions pour apai-
ser la situation. Mais, pour dire vrai, nous rencontrons beaucoup de diffi-
cultés. Il y a des camps qui sont très grands ; ce qui fait qu’au niveau des
recensements, nous trouvons des problèmes. Et aussi, il y a des gens qui
ne veulent pas partir.

Tel que c’est déjà mentionné ci-dessus, l’Organisation Internatio-


nale pour les Migrations travaille pour déplacer les gens des camps.
Mais, c’est avec une meilleure compréhension des personnes dépla-
cées que les stratégies d’intervention au sein des camps seront plus ef-
ficaces. Ainsi, nous confie l’un des intervenants : « Nous travaillons
pour améliorer la situation des gens vivant dans les camps, mais, je
ne pense pas qu’on va finir d’ici la fin de cette année ». Avec le pas-
sage du cyclone Matthew, l’organisation se voit dans [50] l’obligation
de gérer l’urgence et apporter de l’aide dans le grand sud du pays. Ce
qui fait qu’il y a un ralentissement au niveau du projet.

4.7.2. Données recueillies


auprès du responsable du camp
Dans cette partie, nous considérons les données recueillies auprès
du président du bloc ACRA-Nord, le seul faisant partie du comité. Au
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 71

cours de cette entrevue, il nous parle de la vie quotidienne au niveau


du camp. A rappeler qu’il n’a pas été élu par un comité du camp ni
nommé par une organisation quelconque. « Les gens vivant sur le
camp voyaient en moi un leader. Avec mon dynamisme et mes fougues,
ils m’ont désigné comme président du camp et depuis, je fais la liai-
son entre le camp et les organismes qui y interviennent, nous confie-t-
il ».
Au niveau du camp, depuis le passage du tremblement dévastateur
du 12 janvier 2010, nombreuses étaient des organisations qui ont porté
leur soutien aux familles déplacées vivant sur le camp. De ces organi-
sations, nous retenons Caritas, world vision, Save the children, Ox-
fam, Concern et la Croix-Rouge française, par la suite, OIM qui, dès
son apparition, a commencé avec le recensement sur le camp et aussi,
intervient jusqu’à date, dans le programme de relocalisation des fa-
milles déplacées.

Nous sommes sur le camp, quelques semaines après le séisme dévasta-


teur de janvier 2010. Déjà plus de six ans que nous vivons de moments
difficiles. La vie est amère ici. Pas même pour une fois, nous n’avons ja-
mais eu l’apparition d’une autorité au niveau de l’État venant nous parler
sur notre situation. Seules des ONGs interviennent au niveau du camp,
argue-t-il.

Les organisations qui interviennent au niveau du camp ont, cha-


cune d’elles, apporté leur soutien à leur manière. Outre aides, kitts,
etc., des séances de formation ont été animées en faveur des jeunes sur
le camp. « Les ONG permettent d’améliorer l’état de vulnérabilité des
gens sur le camp », avance le président du camp. En ce qui concerne
la relation que développe ce dernier avec les gens du camp, il nous
rappelle que tout va pour le mieux. Il y a une parfaite relation entre les
gens et moi.
Concernant le projet de relocalisation, le président n’a pas caché
ses mots pour féliciter l’OIM :

Je dois vous dire sincèrement que le travail qu’organise OIM est un


travail à féliciter car la plus grande difficulté que font face les gens du
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 72

[51] camp, c’est la question du logement. Ils souhaitent tous un jour quit-
ter le camp pour aller vivre un endroit meilleur que de vivre sur un camp.
L’État haïtien ne prend pas en compte nos revendications. Nous sommes
laissés pour contre, à la merci des ONGs.

À remarquer qu’au niveau du camp, les gens n’ont pas accès à des
services sociaux. Pas même un dispensaire en cas de besoin de pre-
mier soin. Les enfants n’ont pas d’espace pour se divertir. La situation
est déplorable là-bas.

4.7.3. Présentation des données sociodémographiques


des chefs de ménage du camp
Sur un total de 50 personnes interviewées, 32 soit 64% sont des
femmes et 18 soit 36% sont des hommes. En ce qui concerne les
tranches d’âges, parmi toutes les personnes interviewées, 6 soit 12%
se trouvent dans la tranche d’âge 14 à 25 ans et, 44 soit 88% ont 25
ans et plus. Pour ce qui a rapport à leurs statuts matrimoniaux, parmi
eux, 18 soit 36% sont placées, 15 soit 30% sont mariées, 11 soit 22%
sont célibataires, 3 soit 6% sont veuf (ve) et 3 soit 6% sont séparé(es).
A partir de ces données, un constat est fait : les gens sont pour la plu-
part stable dans leurs relations. Et, parmi ces personnes, 42 soit 84%
ont des enfants et 8 soit 16% n’en n’ont pas. La taille moyenne est
quasiment respectée ans ce camps c’est-à-dire, les familles ont entre 1
à 5 enfants en référence à la taille de l’IHSI sur les conditions de vie
en Haïti.
Parmi les personnes interviewées, 37 soit 74% sont chef de mé-
nage et 13 soit 26% ne le sont pas. Quant aux niveaux d’éducations de
ces 50 personnes, 3 soit 6% nous racontent qu’elles n’ont jamais fré-
quenté l’école, 13 soit 26% ont atteint le niveau primaire, 33 soit 66
%, le niveau secondaire et 1 soit 2% est universitaire. En terme de for-
mation professionnelle, parmi ces personnes, 21 soit 42% déclarent
qu’elles ont une formation professionnelle et 29 soit 58% n’en n’ont
pas. La majorité de ces personnes déclarent posséder une profession
manuelle. Aussi, parmi ces personnes, 4 soit 8% déclarent avoir un
emploi et 46 soit 92% n’en n’ont pas. Leur demander que font-elles
comme activités, 2 soit 4% déclarent qu’elles vivent par la foi, 12 soit
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 73

24% sont des débrouillardises, 17 soit 34% font du commerce pour ré-
pondre à leurs besoins, 7 soit 14% déclarent qu’elles ne font rien
comme activité, 1 soit 2% est un agent de sécurité et 2 soit 4% ne ré-
pondent pas. Et, en ce qui a trait à leur niveau économique, 13 soit
26% déclarent n’avoir pas de revenu, 18 soit 36% ont un revenu par
mois à moins de 5000gourdes, 3 soit 6% ont un revenu entre 5000 et
10000gourdes le mois et 16 soit 32% déclarent que ça varie d’un mois
à l’autre.
[52]
Il est à noter que le niveau d’instruction des membres du ménage
est un élément important qui contribue à l’amélioration des conditions
de vie de celui-ci car, il peut affecter le comportement procréateur,
l’utilisation de la contraception, le comportement en matière de santé,
le niveau de scolarisation des autres membres du ménage ainsi que les
habitudes en matière d’hygiène et de nutrition. A partir de cette étude
menée sur le camp de Delmas 33, on peut remarquer que la plupart de
personnes interviewées sont des femmes et un total de 84% de ces
personnes sont à charge d’enfant. Ces femmes, chefs de ménages, sont
pour la plupart discriminées sur le plan économique. 36% d’entre elles
n’ont pas d’emploi mais, ont des atouts en termes d’éducation Elles se
débrouillent à longueur de journée pour répondre à leurs besoins et
ceux de leurs familles.
À partir de ces données, on voit clairement que le séisme a renfor-
cé la vulnérabilité économique et sociale des gens avec un processus
de décapitalisation. En effet, avec les commentaires de Alrich et Mérat
(2011 :99), la population des camps est victime d’une triple décapitali-
sation : celle de leur patrimoine, aussi faible fut-il avant le séisme,
celle de leur capital social qui, du fait de la stigmatisation dont ils sont
victimes, risque de se réduire comme une peau de chagrin et enfin,
celle, très importante, du capital scolaire de leurs enfants, ceci ayant
de sérieuses conséquences sur la transmission intergénérationnelle de
la pauvreté. Ainsi, avec la débrouillardise qui se développe dans le
camp, cela peut, par sa massification, laisser croire qu’elle représente
une alternative sérieuse à l’assistanat car, les faits montrent cependant
que la majorité des personnes déplacées vit des dons des agences
communautaires et humanitaires.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 74

4.7.4. Présentation sociographiques


des ménages avant le 12 janvier 2010
Avant le séisme du 12 janvier 2010, 41 soit 82% des personnes in-
terviewées déclarent qu’elles habitaient dans la commune de Delmas ;
1 soit 2% habitait dans la commune de Tabarre, 1 soit 2% habitait à
poste marchand, 5 soit 10% habitaient a Gerald bataille, 1 soit 2% ha-
bitait dans la commune de Petit-Goâve et 1 soit 2% habitait à Mira-
goane. Donc, à partir de ces données, on peut remarquer la diversifica-
tion des zones de provenance de ces personnes. Ce qui importe à dire
qu’ils avaient des modes de vie différentes.
Parmi les personnes interviewées, 3 soit 6% d’entre elles déclarent
qu’elles étaient propriétaires de maison, 44 soit 88% déclarent
qu’elles étaient en location, 1 soit 2% était en colocation et 2 soit 4%
habitaient chez une proche. Sur la façon dont étaient ces maisons, 2
soit 4% déclarent que leurs maisons étaient en bois avec toiture en
tôle, 15 soit 30% déclarent [53] que leurs maisons étaient en blocs
avec toiture en tôle et 33 soit 66% déclarent que leurs maisons étaient
en blocs avec toiture en béton. De ces personnes interviewées, 31 soit
62% déclarent que le prix annuel du loyer était entre 150 00 à 30 000
gourdes, 1 soit 2% déclare qu’elle payait 10 000 gourdes l’an pour le
loyer, 6 soit 12% déclarent que le prix annuel pour le loyer était entre
30 000 à 40 000 gourdes l’an, 1 soit 2% déclare avoir payé plus de
40 000 gourdes l’an et 10 soit 20% ne répondent pas. Toutes les per-
sonnes interviewées nous déclarent qu’elles vivaient avec des autres
membres de leurs familles. Le nombre variait entre 1 à 8 personnes.
Parmi ces personnes, 45 soit 90% d’entre elles déclarent avoir eu
accès aux services sociaux de base dans leurs zones (eau potable,
école, centre de santé, électricité, etc.)
Suivant ces données, on peut constater que la plupart des familles
habitaient avant le séisme, dans la commune de Delmas et qu’elles
étaient en grande partie en location. Donc, nous pouvons constater que
les conditions dans lesquelles vivent ces personnes en plus d’être cri-
tiques, leurs posent des limites, des interdits sauf sur les services so-
ciaux de base. Autrefois, avec leur propre chez soi avec le peu de
moyen dont elles possédaient, elles subvenaient avec leurs besoins.
Sur le camp, c’est diffèrent. Elles se contentent du peu que les ONGs
leurs offrent. Ces personnes sont dépendantes de l’aide de ces ONGs.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 75

4.7.5. Présentation des données


sur les ménages après le 12 janvier 2010
Tout de suite après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, des
50 personnes interviewées sur la façon dont elles se sont arrivées sur
le camp, 8 soit 16% déclarent que le camp de Delmas 33 était l’en-
droit le plus proche de chez eux, 1 soit 2% déclare qu’elle avait besoin
d’un endroit pour s’abriter ; 27 soit 54% étaient arrivées sur le camp
suite à des conseils d’une proche qui était déjà sur le camp ; 14 soit
28% déclarent qu’elles n’avaient nulle part où aller et n’avaient pas
d’autres choix que de venir habiter sur le camp. De ces personnes, 45
soit 90% habitent sur le camp depuis 2010, 1 soit 2% est venue en
2013 et 4 soit 8% sont venues en 2014.
Parmi les personnes interviewées, 5 soit 10% ont des personnes
handicapées chez eux et 45 soit 90% n’en n’ont pas ; 15 soit 30% ont
des personnes âgées chez eux et 35 soit 70% n’en n’ont pas. Toute-
fois, il faut mentionner que les ménages ayant des handicapés ne sont
pas des chefs de ménages ou des gens qui s’occupent des revenus de
la maison. C’est en partie des membres de la famille et des proches
(cousin ou cousine) qui étaient victimes dans le tremblement de terre
dévastateur du 12 janvier 2010.
[54]
En ce qui concerne l’aide reçue au niveau du camp, 26 soit 52%
déclarent avoir reçue de l’aide, 14 soit 28% n’en reçoivent pas et 10
soit 20% ne répondent pas. De ces personnes, seulement 1 soit 2% dé-
clare avoir reçu de l’aide de L’État haïtien, 25 soit 50% déclarent
avoir reçu l’aide d’une ONG. Leur demandant quel type d’aide reçu,
14 soit 28% confient avoir reçue des produits alimentaires, 11 soit
22% reçoivent d’autres types d’aides comme des kitts etc. et 1 soit 2%
déclare avoir reçu de l’argent.
Il est à faire remarquer que les ONGs qui interviennent au niveau
du camp entre autres, dans la question du logement, n’ont pas comme
finalité de résoudre au complet les problèmes de ces familles bénéfi-
ciant de cette assistance. Celles-ci ne font qu’atténuer la situation des
gens en leur apportant des solutions immédiates. Elles supplantent
l’État en matière d’intervention sociale de telle sorte que pour remé-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 76

dier des carences. C’est en ce sens, pour citer Pierre (2011 :32), « De
nos jours, l’assistance alimentaire domine la scène nationale. Les pro-
grammes humanitaires ont une portée spectaculaire ; ils n’escomptent
pas de résultats en termes d’amélioration des conditions de vie de la
population». Ce, pour rappeler que la façon dont on a procédé surtout,
pour le programme de relocalisation, n’est pas une solution durable.
Le montant accordé comme subvention pour le loyer est seulement
pour une année. Les gens bénéficiaires de cette aide qui n’ont pas la
possibilité de continuer à payer la maison, retourneront dans la même
situation ; ils seront toujours en situation de dépendance Donc, on
peut dire que cette subvention ne fait que repousser le problème des
personnes déplacées parce que ces mesures ne peuvent pas leur per-
mettre d’être autonomes. Cette aide de la part de ces institutions étant
un palliatif par rapport aux besoins existants et exprimés. L’attentisme
peut empêcher à ces gens à s’accommoder en se résignant.
Parmi les personnes interviewées, 30 soit 60% déclarent qu’elles
connaissent au moins une institution qui intervient dans la question du
logement et 20 soit 40% n’en connaissent pas. 28 soit 56% nous dé-
clarent qu’il y a au moins une institution qui intervient au niveau du
camp, 16 soit 32% nous déclarent qu’il n’y en a pas et 6 soit 12% ne
répondent pas. Pour les institutions qui interviennent au niveau du
camp, 19 soit 36% déclarent que OIM intervient dans le service de re-
localisation, 11 soit 22% déclarent que world vision et la Croix-Rouge
française interviennent dans la distribution de kitts et aussi, font des
formations en profession manuelle pour des gens ; 3 soit 6% déclarent
que Caritas intervient dans la distribution de tentes et 17 soit 34% ne
répondent pas. À partir de ces données, on peut remarquer qu’il y a
une quantité de personnes (20 soit 40%) qui n’a aucune information
sur les institutions qui interviennent dans la question du logement au
niveau du camp. Plusieurs raisons peuvent [55] expliquer cela.
D’abord, certaines personnes pourraient ne pas être présentes lors de
ces distributions puisqu’elles s’absentent la majorité des journées pour
leurs activités personnelles. Par exemple, lors de la réalisation de
notre terrain, une personne nous a déclaré qu’elle laisse sa maison de
très tôt le matin pour aller se débrouiller au marché le plus proche de
la zone et retourne chez elle vers les sept heures du soir. Ce, presque
tous les jours de la semaine. Ensuite, il y a d’autres qui utiliseraient
les tentes non pas pour une question de logement, mais plutôt dans le
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 77

but de s’approprier, de profiter, bénéficier plus précisément des divers


produits apportés par les institutions ; ces personnes sont présentes sur
les camps à chaque fois qu’elles sont au courant que telle institution
va donner de l’aide. Enfin, on peut aussi considérer cette catégorie
comme étant celle qui ne jouisse que seulement de l’aide de ces insti-
tutions en ignorant leur réelle mission.
En termes d’évaluation des aides reçues de ces institutions, 25 soit
50% des personnes interviewées déclarent que les aides reçues leur
permettent d’améliorer leurs conditions de vies, 7 soit 14% déclarent
qu’elles ne sont pas satisfaites mais estiment que c’est une bonne idée,
8 soit 16% ne répondent pas et 10 soit 20% déclarent qu’elles n’ont
aucune idée parce qu’elles n’en n’ont jamais reçues. Leur demandant
si elles pensent que ces institutions peuvent les aider à sortir de leurs
situations actuelles et trouver leur autonomie, 26 soit 52% déclarent
que oui ; 14 soit 28% déclarent que non et 10 soit 20% ne répondent
pas. En ce qui concerne des critiques sur ces institutions, 20 soit 40%
disent oui, elles en ont, car selon eux, ces institutions font semblant de
les aider mais pourtant, c’est à leur profit ; 25 soit 50% disent que
non, elles n’ont aucune critiques à faire et 5 soit 10% ne répondent
pas. Pour les questions relatives à la perception de ces personnes des
institutions qui interviennent au niveau du camp, 32 soit 64% dé-
clarent que, d’après eux, c’est toute institution étatique ou privée ca-
pable de les aider à améliorer leurs conditions de vie ; 12 soit 24% dé-
clarent que ce sont des institutions qui profitent de la misère des gens
ayant des besoins pour maximiser leurs profits et, 6 soit 12% ne ré-
pondent pas. Il est à noter qu’à partir de ces données, nous pouvons
remarquer que la résignation des personnes déplacées vivant sur ce
camp leur pousse à considérer ces institutions comme des sauveurs ca-
pables de les retirer de leurs situations actuelles. Certes, les personnes
déplacées vivent déjà depuis plus de six(6) ans sur le camp mais,
l’aide palliative apportée par ces institutions ne peut nullement leur ai-
der à sortir de leurs conditions infrahumaines. Autrement dit, le projet
de ces institutions ne vise pas de solutions durables. Elles ne gèrent
que des choses ponctuelles. Pierre (2011 :32-33), dans une étude réali-
sée sur l’aide humanitaire, environnement et migration en Haïti dans
les cahiers du [56] CEPODE, nous montre que : « les programmes hu-
manitaires ont une portée spectaculaire et n’escomptent pas de résul-
tats en termes d’amélioration des conditions de vie de la population ».
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 78

Donc, pour le professeur, l’apport des ONGs est faible malgré les per-
ceptions nourries quant à leur importance dans la gestion des fonds
d’aide, soit 0,9% du volume total de l’aide destinée à Haïti. Ce qui
laisse à croire que les victimes de ces catastrophes ne bénéficient
qu’une faible partie des sommes allouées à l’aide humanitaire.
Parmi les personnes interviewées, 13 soit 26% déclarent que des
autorités haïtiennes ont l’habitude de venir discuter avec eux au ni-
veau du camp et, 37 soit 74% nous déclarent que non. De ces per-
sonnes, 3 soit 6% déclarent que, quand ces autorités viennent sur ce
camp, elles ne disent pas grands choses et 10 soit 20% déclarent
qu’elles viennent leur parler sur des précautions à prendre en cas de
catastrophes. Donc, quand ces autorités viennent sur ce camp elles ne
compatissent pas vraiment à la situation dans laquelle sont les gens.
Le discours qu’elles ont n’éveille aucune lueur d’espoir. Ainsi, on peut
constater le manque de responsabilité de l’État haïtien, etc. Ce dernier
n’a pas donné le ton. Les gens vivant dans les camps d’hébergement
plus précisément ceux vivant sur le camp de Delmas 33 sont abandon-
nés à leur sort puisque l’absence, l’indifférence de l’État haïtien à
leurs égards, s’identifie même à travers les besoins de base : la santé,
un logement décent, la sécurité, emploi, éducation, justice etc. Ce qui
pousse Suzy Castor (2011 cité par Barthold 2014 :107), à dire
que : « l’État haïtien est inexistant ou absent ». Son existence crée un
État par défaut qui se fait remarquer par la dispensation de l’aide in-
ternationale à Haïti. C’est un constat ! Certains objectifs et politiques
qui relèvent de l’activité étatique sont mis en place par l’action ou
l’intervention étrangère. Cette dernière, nous pouvons dire, remplit le
vide d’État en contribuant à la reproduction sociale. Tout ceci prouve
que l’État haïtien n’assume pas ses responsabilités dans la gestion de
la chose publique. Cet État est incapable de gérer des crises et de trou-
ver des solutions appropriées aux problèmes du pays. Il est incapable
de prendre certaines décisions et de répondre aux demandes sociales
de ses citoyens. Il cède sa place aux ONGs, à la communauté interna-
tionale et aux experts étrangers pour assurer l’ordre et prendre des dé-
cisions. Son absence soulève la question de la souveraineté, de la gou-
vernance et la compétence des dirigeants. Donc, pour Castor
(2011 :106 cité par Barthold 2014 :108) :
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 79

Le séisme a mis à découvert les contradictions du système économique


et social. La profonde crise qui traverse la société haïtienne depuis plu-
sieurs années devient visible avec cette catastrophe. L’absence de l’État, le
manque d’institutionnalisation, l’inefficacité de certains organismes, l’ex-
trême [57] vulnérabilité, la précarité et la dépendance dans lesquels vit le
peuple haïtien s’étalent de façon évidente.

L’absence de l’intervention de l’État au niveau du camp d’héberge-


ment de Delmas 33 peut démontrer très clairement sa faiblesse.
En ce qui concerne aux besoins prioritaires de ces personnes inter-
viewées, 31 soit 62% déclarent que, pour l’instant, leur besoin priori-
taire n’est autre qu’une condition de vie acceptable et un logement dé-
cent pour habiter et, 19 soit 36% déclarent qu’elles ont besoin d’un
travail pour pouvoir acheter tout ce dont elles ont besoin. A cela, nous
rappelle Elie (2012 :49) : « Pendant plus de deux cents ans, l’État ne
s’est pas soucié de la répartition de la population sur le territoire. Ain-
si, la dégradation accélérée de l’environnement, les bilans des catas-
trophes nous invitent à réfléchir sur l’habitat ». Le tremblement de
terre vient aggraver la situation. Ce qui pousse Joseph (2012 :7) à
dire: «En effet, si avant le 12 janvier 2010, la quantité et la qualité de
l’habitat s’étaient déjà révélées très problématiques, après le séisme,
la situation habitationelle s’est largement dégradée». La question du
logement est devenue depuis, l’un des phénomènes sociaux hautement
prioritaires pour la société haïtienne, notamment pour l’État haïtien.
Après toutes ces années passées sur ce camp, les gens semblent ne
peuvent plus continuer avec ce mode de vie. L’urgence l’oblige. Ils
veulent laisser le camp pour aller vivre dans un meilleur endroit et ont
besoin du travail. C’est leur souhait. Pour se faire, il y a tout un envi-
ronnement, des conditions économiques, des conditions sociales qui
doivent interpeller les acteurs étatiques et privés pour une bonne qua-
lité de l’habitat afin d’offrir des services aux habitants des aggloméra-
tions en s’occupant de la distribution d’eau potable, de la fourniture
d’énergie, du service de drainage, du ramassage et du traitement de ré-
sidus solides, des facilités de circulation pour les personnes, du
contrôle de la circulation des animaux, du contrôle des bruits, de
l’existence et de l’entretien d’espaces de loisirs, de la sécurité et de la
propreté des lieux publics (Elie, 2012: 63).
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 80

Parmi les personnes interviewées sur leurs attentes, 10 soit 20%


déclarent qu’elles n’imaginaient pas qu’elles feraient tout ce temps sur
ce camp ; 15 soit 30% déclarent qu’elles n’avaient pas eu trop d’at-
tentes, 22 soit 44% déclarent que leurs attentes étaient l’amélioration
de leur qualité de vie et 3 soit 6% ne répondent pas. De ces personnes,
45 soit 90% pensent que ces institutions pourraient faire mieux et 5
soit 10% ne répondent pas. Ces données témoignent, d’une part, de la
passivité de l’État haïtien et le ralentissement des institutions [58]
œuvrant dans le domaine social dans la prise en charge des personnes
déplacées vivant dans les camps d’hébergements. Pour la première ca-
tégorie, on peut remarquer comment les gens sont déçus par rapport à
ce qu’ils attendaient comme retombées. D’autre part, on a des gens
qui vivent sur le camp comme si tout allait bien. Ils n’attendaient pas
grand choses. Ils s’adaptent à leurs conditions de vie. Aussi, il y a
quelques-uns qui s’abstiennent. Ils préfèrent ne pas commenter. Pour
la dernière catégorie, soit la majorité, elle admet que leur condition de
vie devrait améliorer compte tenu des promesses faites par les autori-
tés en question à leur égard. Ils souhaitent au plus vite que possible
qu’on vienne à leurs secours afin de vivre dans un endroit salubre. La
majorité des personnes interviewées pensent que les institutions qui
interviennent au niveau du camp pourraient faire mieux. Pour, ces per-
sonnes, les actions ponctuelles de ces institutions sont inefficaces.
Donc, ces données mettent en évidence l’orientation des attentes des
personnes vivant sur le camp c’est-à-dire, ce à quoi elles aspiraient en
arrivant sur le camp.
Enfin, parmi ces personnes, 48 soit 96% déclarent qu’elles sou-
haitent quitter ce camp, 1 soit 2% veut rester, et 1 soit 2% ne répond
pas. De ces personnes, 45 soit 90% déclarent qu’elles ont besoin d’un
logement décent et d’une condition de vie acceptable pour quitter le
camp, 1 soit 2% déclare avoir besoin de l’argent pour le quitter, 2 soit
4% déclarent attendre la décision des autorités concernées avent son
départ, et 2 soit 4% ne répondent pas. Donc, suivant ces données, on
peut remarquer la volonté manifeste de la grande majorité de ces per-
sonnes pour laisser le camp. Mais, il leur faut de l’accompagnement
pour ne pas redevenir des sans-abris ; pour ne pas retourner s’installer
dans le camp ou dans un autre endroit plus malsain. De ce fait, l’État
haïtien, dans l’application de sa politique nationale de logement, doit
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 81

les accompagner ; leur donner une activité économique pour répondre


à leurs besoins afin de sortir dans l’assistance.
Suivant ces données nous qu’après le séisme du 12 janvier 2010, la
situation socio-économique des paupérisés s’est aggravée. Le loge-
ment est devenu l’un des fléaux les plus graves. Malgré les propa-
gandes du quinquennat de l’administration de Joseph M. Martelly, des
milliers de personnes vivent encore sous des tentes. Dans ces camps
d’hébergement, elles font face à de graves problèmes sociaux. Les
droits sociaux sont quasi inexistants. Elles sont donc des laissés-pour-
compte. Et à cause d’une carence organisationnelle, leurs droits ne
sont pas revendiqués malgré l’acuité de leurs conditions de vie. Leur
niveau d’éducation ne leur permet pas de connaître leurs droits. Par
exemple, selon Amnesty International, l’expulsion des sinistrés après
les catastrophes naturelles est une violation des droits de l’homme.
Tandis [59] que des résidents du camp ACRA-Nord se disent prêts à
laisser ce lieu si on le leur demande. La mairie de Delmas ne prend
pas ses responsabilités envers cette population même pour les besoins
sociaux les plus élémentaires. Les ordures qui empoisonnent le milieu
ambiant font des piles dans les périmètres du camp. Le SMCRS ne les
ramasse pas régulièrement. De ce fait, la santé de la communauté est
très précaire face aux maladies liées à l’insalubrité.
D’autres services sociaux de base sont absents. On peut constater
l’absence de centre de santé, entre autres. La population est obligée
d’acheter les soins de santé dans des hôpitaux privés. L’éducation,
elle, aussi n’est pas conçue comme service social. En effet, il y a une
école de fortune privée sur ce camp, qui fait partie du programme
PSUGO. Mais, il convient de souligner que ce programme ne s’étend
que sur quatre niveaux (1re, 2ème, 3ème, et 4ème AF). Les parents sont obli-
gés d’acheter ce service de mauvaise qualité. Car, à bien regarder
l’espace physique, si l’on enquêterait sur les infrastructures mises en
place, on pourrait classer cette école dans le lot des « écoles-bor-
lettes 3 ». Et qui pis est, il y a des enfants en âge de scolarisation non

3 Cette expression est généralement utilisée pour designer des écoles dans
lesquelles les normes éducatives mise par le Ministère de l’Education natio-
nale ne sont pas respectées, ou la qualité de l’éducation est médiocre. Pour
Pierre Raymond Dumas in Lefranc Joseph (2011-14), ce qui caractérise fon-
damentalement les écoles-borlettes, c’est que leur finalité n’est pas avant
tout de former la jeunesse mais plutôt leurs responsables se proposent
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 82

scolarisés qui vivent sur ce camp. Tous ces facteurs témoignent de


l’absence de responsabilités des autorités étatiques envers les gens dé-
favorisés, et aussi une stratégie de contrôle et de reproduction des pri-
vilèges de classe en Haïti. La nature de l’État haïtien et le mode de re-
lation qu’il entretient avec les classes appauvries se comprend explici-
tement dans la conception du PSUGO. Ce programme s’inscrit en ef-
fet dans la logique de financement des écoles privées. Ces écoles sont
d’ailleurs conçues comme des petites entreprises qui doivent générer
des profits. L’éducation, la santé et même l’électricité se sont donc
transformées en marchandises sur le camp ACRA-Nord.
Les personnes déplacées du camp ACRA-Nord connaissent des
conditions de vie infrahumaines. Toutefois, elles vivent doucement
leur misère. C’est pourquoi la nature historique des problèmes de leur
existence est perdue. Ainsi, vont-elles vers un Dieu plein de compas-
sion qui, selon ce qu’elles nous confient, apporte une solution à leurs
problèmes. Seuls Dieu, l’alcool et les stupéfiants interviennent dans la
gestion des problèmes sociaux de ces personnes. Ceux qui ne fument
et ne boivent pas vont jour et nuit à la populaire église voisine, SHA-
LOM, réputée comme le lieu de miracle où Jésus parle et fait des dons
directement aux gens. Du même coup, ils anesthésient leur existence.
Les problèmes sociaux [60] dont elles font face quotidiennement
perdent leur nature historique. Ainsi, la population vit paisiblement
dans sa misère. Leurs revendications ne sont plus portées sur le terrain
de la lutte socio-politique, mais vers un être surnaturel.
Ainsi, on voit avec le projet de relocalisation de l’Organisation In-
ternationale pour les Migrations, ces personnes semblent avoir rega-
gné l’espoir. L’espoir de retourner un jour, vivre dans un espace plus
louable que d’habiter dans une bâche usée ; que celui de vivre dans un
camp dans des conditions infrahumaines. Ces personnes, malgré la
quantité offerte (argent) par l’Organisation Internationale pour les Mi-
grations, pensent qu’avec cette aide, leur mode de vie va améliorer.
Cette subvention, pour elles, bien que ce soit pour une année à une si-
gnification, car le fait de laisser le camp et aller vivre dans sa maison,
c’est déjà un pas franchi dans la démarche de leur mieux être. Pour
elles, l’essentiel c’est d’avoir quelque part où elles se sentent bien

d’exercer une activité rentable et satisfaisant certains besoins qui se mani-


festent dans notre milieu.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 83

avec leur famille. D’où, la confirmation de notre hypothèse de re-


cherche.

4.8. Les différents problèmes


rencontrés sur le camp

Retour à la table des matières

La grande crise sociale, économique, politique et écologique que


traverse la société haïtienne ne manque pas de toucher le camp
ACRA- NORD à Delmas 33. Ainsi, de façon globale, on peut parler
de situation de misère dégradante qui empêche aux sinistrés de vivre
pleinement leur dignité. Ces derniers font face à des problèmes très
graves qui méritent des interventions urgentes. Ainsi, ils-elles vivent
sous des bâches usées et incommodes, où souvent règne la promiscui-
té, ces personnes ne sont pas protégées contre la pluie. L’un des plus
graves problèmes qui affecte la santé de la communauté est l’absence
de latrines. Les sinistrés-es font leurs besoins dans des sachets et les
jettent n’importe où. Car, d’après eux, ils n’ont pas toujours les cinq
(5) gourdes qu’il faut pour payer ce service à chaque fois que ce be-
soin physiologique se présente. Ce qui ne fait qu’aggraver le problème
d’insalubrité. Des rigoles d’eaux usées et puantes sont partout. Des
immondices, détritus, des sachets plastiques, tous ceux-ci témoignent
d’une crise écologique du milieu.
De plus, cette population n’a pas accès à l’eau potable. Le kiosque
installé par la Croix-Rouge Française ne fait que permettre la mar-
chandisation de ce service sur ce camp. Celui-ci est géré par le pré-
sident du camp. Le saut d’eau coûte cinq (5) gourdes. Sans cet argent,
on se demande ce que font les gens qui n’en ont pas.
À part de ces problèmes sociaux qui font obstacle à la jouissance
des services sociaux élémentaires, d’autres peuvent encore être recen-
sés. Les femmes connaissent des difficultés [61] particulières. La
grossesse précoce constitue un fléau qui affecte beaucoup de jeunes
malgré la précarité de leur condition socio-économique. Des cas de
viol sont parfois enregistrés. De plus, elles sont victimes de discours
sexistes, de harcèlement et de menaces. La toxicomanie et l’alcoo-
lisme sont très récurrents chez les jeunes. Lorsqu’on considère le fait
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 84

de l’absence de loisir sur ce site d’hébergement et le chômage exacer-


bé, cela n’influence-t-il pas le taux d’alcoolisme et de toxicomanie ?
Comme stratégie de survie, le secteur informel domine l’activité
économique de la population de ce camp d’hébergement, particulière-
ment les femmes. Le chômage de masse qui règne dans la société haï-
tienne affecte de façon plus grave ces populations. Ainsi, le commerce
de pap padap, de friandises, de produits alimentaires, de fritures sont
souvent l’activité de survie des personnes déplacées. Certaines inter-
viewées affirment qu’ils font parfois des petits jobs occasionnelle-
ment. Ils vivent en se solidarisant afin d’affronter collectivement leurs
difficultés. La solidarité est donc une pratique qui les permet de faire
face aux problèmes de l’existence.

4.8.1. Vulnérabilité et pauvreté en Haïti


La Banque mondiale, dans un rapport publié en 2006 in Charles
Vorbe (2011 :74), admet qu’Haïti est l’un des pays les plus vulné-
rables aux catastrophes naturelles. Son extrême vulnérabilité face à
ces évènements résulte de niveaux de pauvreté élevés, d’une infra-
structure inadaptée, d’un environnement dégradé et d’une série de
gouvernements inefficaces confrontés à de graves problèmes fiscaux.
Bien avant ce rapport, le Programme des Nations Unies pour le Déve-
loppement(PNUD) a publié un rapport en 2005, lequel fait mention du
même constat. Le rapport a mis en corrélation deux variables : vulné-
rabilité et pauvreté. Pour les auteurs de ce rapport, souligne Vorbe
(2011:74), la vulnérabilité est un processus qui se traduit d’abord par
une tendance à la détérioration des conditions qui sont à la base du
bien être individuel, ce qui conduit à l’appauvrissement ou à la pau-
périsation. Et, en envisageant la question sous l’angle des droits de
l’homme, les auteurs reconnaissent que la vulnérabilité est une situa-
tion qui tend à se détériorer dans le monde comme en Haïti en particu-
lier. Donc, ici en Haïti, on ne peut pas ne pas évoquer trois facteurs de
vulnérabilité qui ont débouché à plusieurs reprises, dans la période ré-
cente, sur des catastrophes naturelles : la crise politique, la crise éco-
nomique et la crise de l’environnement.
Plus récemment, Pierre (2015 :11), dans un rapport produit sur les
migrations, environnement et changements climatiques en Haïti pour
OIM : il est mentionné que « Haïti [62] est le pays le plus vulnérable
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 85

de la région Amérique latine et Caraïbes selon l’indice de vulnérabilité


de l’université des Nations Unies». Le pays, selon lui, fait face à
presque tous les types de changements environnementaux possibles,
qui exercent souvent un impact sur les flux migratoires. Il est un fait
que les haïtiens sont sujets à de nombreuses catastrophes dont les plus
courantes sont les inondations, les cyclones, les tempêtes et les oura-
gans ainsi que les glissements de terrain. L’on se rappelle des cyclones
Flora (1963), Inès (1966), David (1979), Gordon (1994), Jeanne
(2004), Anna et Ike (2008), Isaac (2012) et tout dernièrement Matthew
(2016) sans oublier le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui ont
produit des dégâts matériels et humains et qui sont présents dans la
mémoire collective de la population haïtienne. Par manque d’informa-
tion et par l’absence des mesures de prévention et de protection adé-
quates face aux catastrophes, les haïtiens sont de plus en plus victime
même pendant la tombée d’une journée de pluie. Aussi, le pays a l’un
des taux de déforestation les plus élevés au monde, ce qui accélère
également l’érosion des sols.
Ainsi donc, nous pouvons le remarquer et, c’est un fait. En Haïti, la
vulnérabilité est partout. Elle est dans tous les aspects de la vie cou-
rante ; elle renvoie à la définition même de l’État et en tout cas à ses
capacités élémentaires de gouvernance.

4.8.2. Pauvreté urbaine, logement et Travail Social


À la fin du XIXe siècle, le Service social a connu son institutionna-
lisation comme discipline professionnelle dans les sociétés caractéri-
sées par la transition du capitalisme libéral au capitalisme de mono-
pole ainsi que par l’émergence de l’État social. Cette période allait
surtout être marquée par le développement des politiques sociales
dans le but de faire face à la question sociale (Francis Bruno, 2005 ci-
té par Jean-Louis, 2013 :84). Quelques années plus tard, on assiste à
l’évolution du service social, accompagnée de la mutation des poli-
tiques sociales et une nouvelle définition des engagements de l’État
envers les institutions sociales. Les politiques sociales, étant une
forme de politiques publiques, définies comme l’ensemble des objec-
tifs, des décisions et des actions prises par les gouvernements pour ré-
soudre les problèmes sociaux considérées comme une priorité, consti-
tuent un processus qui se déroule en plusieurs étapes et avec leur dy-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 86

namique, dont chacune a des acteurs. Comme le souligne, Pierre


(2005) :

Les politiques sociales se posent en termes de prévention ou d'inter-


vention en situation de crise [...]. Et, dans le cas de la politique du loge-
ment, cela devient un état de mode de communication avec les classes su-
balternes grâce à des [63] programmes sociaux pour contenir ou satisfaire
les demandes en fonction des relations de force existantes.

En effet, depuis les années vingt, un processus d’urbanisation vers


les villes va commencer dans les sociétés occidentales par le transfert
de la paroisse vers les villes modernes mais, il a fallu attendre les an-
nées cinquante et plus sérieusement dans les années soixante dans les
sociétés capitalistes périphériques et plus tard, en Amérique et les ca-
raïbes avec l’accélération de la migration et le développement d’une
mauvaise industrie rurale-urbaine (Pierre, 2005). Les villes latino-
américaines sous, l’impulsion du modèle de substitution par importa-
tion dans les années 30, se voient affectées par une urbanisation anar-
chique (Pierre, 2012 :112). L’accumulation primitive de capitaux se
fait alors au détriment de la promotion des droits fondamentaux de la
classe travailleuse et, l’industrialisation naissante va avoir comme pre-
miers rebondissements la désagrégation de la paysannerie. Ce qui va
conduire à la capitale de se constituer en un lieu d’attraction des popu-
lations rurales en raison de la concentration des industries et des ser-
vices sociaux (Castells, 1976 cité par Pierre, 2012 :112).
Dans le cas d’Haïti, cette urbanisation accélérée bien qu’enclen-
chée depuis 1950 surtout au niveau de Port-au-Prince se voit sa popu-
lation accéléré sans que ce ne soit pas l’effet d’un quelconque proces-
sus d’industrialisation. Et, elle va s'accentuer à partir de 1986 avec la
chute de la dictature qui marque le début des invasions illégales des
terres avec une certaine tolérance de la part des autorités étatiques voir
encouragée en l'utilisant comme outil électoral. Selon Elie, (2012 :42)

La dégradation de l’environnement, la baisse de la production agricole,


le retour de la corvée, les excès de zèle de partisans des Duvalier, les dé-
possessions et aussi l’espoir de trouver du travail dans l’industrie d’assem-
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 87

blage (à partir de 1970), poussent des paysans à abandonner les zones ru-
rales. La volonté de certaines familles de province (urbaines surtout, mais
quelques familles rurales aussi) de faire étudier leurs enfants accentue la
pression sur l’offre de logements dans les villes et surtout dans la zone
Métropolitaine.

À cela, commence à se développer une débrouillardise populaire


pour trouver des logements. Dans toutes les proximités des lieux in-
dustriels se constituent des bidonvilles où s’est concentrée l’armée de
réserve composée d’une abondante main d’œuvre à bon marché. [64]
À part les bidonvilles qui se trouvent à proximité des lieux industriels,
il existe aussi d’autres bidonvilles ou se concentrent des gens qui
viennent à Port-au-Prince a la recherche d’un mieux-être. Avec la
mondialisation l’économie agricole d’Haïti se trouve confronter à une
concurrence déloyale, ce qui provoque la dégradation de la production
nationale.
Ce groupe est exposé à des situations de carences de services so-
ciaux de base. La pauvreté urbaine, pour paraphraser Pierre
(2012:112), « c’est le fait d’enregistrer des déficits dans la prestation
des services sociaux de base, le manque d’accès à un revenu adéquat
en vue d’acquérir le pouvoir d’achat. Ce, pour satisfaire ses besoins
essentiels ». Le développement urbain en Haïti s’est donc fondé sur
une vision définie à l’extérieur et suivant une stratégie de développe-
ment imposée. Et, à la veille du séisme du 12 janvier 2010, souligne
Elie (2012:45), on va avoir une macrocéphalie urbaine. On estime dé-
jà à 2.769. 496 (IHSI, 2015), la population de la zone métropolitaine,
soit un quart de la population totale du pays. Ce qui va conduire à une
insalubrité dans la ville et dans toute la zone métropolitaine de Port-
au-Prince accompagnée d’une prolifération de bidonvilles construits
sur des sites à risques. La question du logement va ainsi devenir l’un
des enjeux majeurs liés à l‘urbanisation où les conditions de vie en
milieu urbain, plus particulièrement dans la capitale haïtienne, sont
caractérisées par des carences dans les services sociaux de base. Le
problème du logement vu comme le manque d’un espace pour habiter,
affecte une partie importante de la population haïtienne. Il s’exprime
de manière quantitative et qualitative avec des conséquences sur l’ha-
bitat, ce qui met en exergue la situation de vulnérabilité et de précarité
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 88

sociale, économique, environnementale à laquelle fait face la popula-


tion des couches démunies.
Ainsi donc, pour paraphraser le professeur Elie, quand on parle de
logement, ce n’est pas une question qui incombe uniquement aux in-
génieurs et aux architectes. Cela veut dire, il y a tout un environne-
ment, des conditions économiques, des conditions sociales qui doivent
interpeller le sociologue ainsi que le travailleur social. Ces profession-
nels du social doivent s’intéresser sur la façon dont les gens s’orga-
nisent pour se loger et dans quel cadre ils vont socialiser leurs enfants
et quels types de relations qu’observent les gens qui habitent le même
quartier. Aussi, étant donné le niveau de formation des gens, les diffi-
cultés auxquels ils sont confrontées, les changements dans tout l’envi-
ronnement social, l’environnement physique ont une influence sur le
logement et que c’est toujours dynamique, le travailleur social doit se
mettre à la hauteur de ses taches afin d’aider aux gens de s’adapter à
leur environnement.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 89

[65]

Droit au logement et personnes déplacées.

CONCLUSION
ET RECOMMANDATIONS

Retour à la table des matières

À l’heure de la mondialisation néo-libérale, les populations hu-


maines font face à des problèmes sociaux très graves. Ces problèmes,
résultant du mode de structuration des rapports sociaux de production
capitaliste, touchent de manière ahurissante les gens des classes ap-
pauvries. C’est ce qui porte les États, particulièrement les pays riches
de l’Europe (à travers l’union européenne) et de l’Amérique (USA et
Canada) à prendre des mesures sociales pour leur venir en aide. Ces
mesures s’insèrent dans le cadre des politiques sociales, de sécurité
sociale, et en proscrivant d’un ensemble de droits sociaux visant à as-
surer le bien-être social. En Haïti, ces mesures n’existent qu’à l’état
embryonnaire. Ainsi, les classes populaires haïtiennes vivent dans des
conditions très précaires. Le séisme du 12 janvier 2010 a aggravé la
situation. Dans un rapport publié par EMMUS-V (2012 :329), il est
mentionné que les départements de l’Ouest et du Sud-Est ont été les
plus frappés directement en causant la mort de plus de 200.000 per-
sonnes selon les chiffres officiels et la destruction ou l’endommage-
ment de nombreux édifices et maisons. L’aire Métropolitaine a été le
plus durement frappée. On constate un important mouvement de po-
pulation observé à la suite de cet évènement au cours duquel beau-
coup de personnes, devenues des sans-abris, se sont réfugiées dans les
autres départements, provoquant du même coup des zones à très fortes
densité de population, une pénurie alimentaire et la cherté de la vie.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 90

On assiste également à l’installation des camps principalement dans


l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince et également dans d’autres
zones pour héberger les sans-abris. Le problème de logement est deve-
nu un fléau. Jusqu’en 2016, des milliers de personnes vivent encore
sous des tentes. Par ailleurs, ils n’ont pas accès aux autres services so-
ciaux de base.
La situation du camp ACRA-Nord à Delmas 33, n’est pas diffé-
rente de celle des autres sinistrés du pays. Et elle tend à s’empirer de
jour en jour. Les personnes résidant sur ce camp font face à des pro-
blèmes sociaux comme l’habitat, le chômage, la santé, la faim, la défi-
cience physique, etc. Ils vivent en absence des droits sociaux, sans les
mesures sociales de l’État haïtien. Leur situation témoigne de l’irres-
ponsabilité de l’État haïtien envers les gens des classes appauvries.
Donc, celles-ci doivent avoir une meilleure connaissance de leurs
droits en vue de forcer les autorités étatiques à renforcer leurs poli-
tiques sociales et le système de sécurité sociale.
[66]
Avec l’intervention de L’Organisation internationale pour les Mi-
grations qui travaille en coordination avec l’UCLBP, organisme éta-
tique qui est responsable de la construction de bâtiments publics, déjà
plus de six ans et qui intervient dans la question de relocalisation des
personnes déplacées internes et procède à l’enregistrement des per-
sonnes déplacées internes afin de donner au gouvernement haïtien ain-
si qu’aux organisations internationales une base de données fiables sur
les besoins et la situation de ces personnes puis, travaille pour donner
de l’assistance aux personnes déplacées vivant dans les camps d’hé-
bergement en subventionnant leur loyer, les gens vivant dans le camp
pensent que leurs conditions de vie peuvent améliorer avec le support
de cette institution avec la subvention de logement. La majorité
d’entre eux voit cette subvention d’un bon œil bien que c’est un pal-
liatif et que cette aide soit ponctuelle en couvrant la période non re-
nouvelable. Tout ce qu’ils veulent, c’est de se voir un jour quitter ce
camp parce que, estiment-ils, ce n’est pas possible pour que, après
plus de six ans, que l’État haïtien ne prenne pas en cause leur situa-
tion.
Ainsi, dans le cadre de ce travail, nous avions comme question de
recherche : Quelles représentations se font les gens vivant dans les
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 91

camps d’hébergement des réponses proposées par des institutions de


bienfaisance privées, liées à l’amélioration de leur condition de loge-
ment ?
Pour parvenir à une réponse appropriée à cette question nous
avions, comme c’est mentionné dans la démarche méthodologique,
passée en revue des documents, thèses et archives sur la thématique
ce, pour la recherche documentaire. Aussi, de manière complémen-
taire, l’observation, l’entretien, l’interview semi-dirigée et l’enquête
par questionnaire sont utilisés pour la réalisation de ce travail. Nous
avons utilisé la méthode mixte pour réaliser la partie empirique du tra-
vail du travail. Dans un premier temps, de façon aléatoire, une cin-
quantaine de chefs de ménage habitant le camp ACRA-Nord de Del-
mas 33 sur une base de données de 449 familles recensées par l’OIM
ont été interviewées ce, pour la recherche quantitative et, dans un
deuxième temps, pour la recherche qualitative, nous avons eu des en-
tretiens avec trois personnes. Deux agents de l’OIM du programme de
relocalisation et le président du camp ACRA-Nord ont été contactés.
Avec ces démarches, nous avons vérifié notre hypothèse qui s’intitu-
lait : Les réponses proposées par des institutions de bienfaisance pri-
vées améliorent les conditions de logement des gens vivant dans les
camps d’hébergement et poussent ceux-ci à se faire une bonne repré-
sentation d’elles.
[67]
Ainsi, nous proposons certaines recommandations qui, nous espé-
rons, pourront aider à la compréhension de la problématique du loge-
ment social en Haïti :

* L’État haïtien doit définir sa politique publique de logement


social à la mesure des demandes et aussi, avoir un contrôle
d’autorité sur les constructions à travers les municipalités.
* Définir les normes de construction nationale
* L’État haïtien doit prendre les dispositions nécessaires pour
faire respecter les normes de construction.
* L’État doit réguler le prix du loyer
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 92

* La prévention des risques à travers des campagnes de sensi-


bilisation et de formation de la population haïtienne est es-
sentielle pour diminuer ou éviter les dégâts en cas d’autres
catastrophes.
* L’État haïtien doit prendre en compte des besoins prioritaires
des personnes déplacées du camp d’hébergement de Delmas
33 dans les interventions des ONG.
* L’État haïtien doit avoir un contrôle stricte sur les modes
d’interventions des ONGs sur tout le territoire national afin
d’éviter des duplications.
* Faciliter l’accès de la population à des logements sociaux.
* Renforcer les services sociaux existants.
* La création d’un cadre favorable pour la création d’emploi
pour les professionnels.
* Sensibiliser la population sur les effets de la dégradation de
l’environnement.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 93

[68]

Droit au logement et personnes déplacées.

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Retour à la table des matières

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Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 98

[v]

Droit au logement et personnes déplacées.

Annexes
Retour à la table des matières
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 99

[vi]

UNIVERSITÉ D’ÉTAT D’HAÏTI


FACULTÉ DES SCIENCES HUMAINES
DÉPARTEMENT DE TRAVAIL SOCIAL

Grille d’entretien
pour agents OIM

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Question de recherche

Quelles représentations se font les gens vivant dans les camps


d’hébergement des réponses proposées par des institutions de bienfai-
sance privées, liées à l’amélioration de leur condition de logement ?

1. Votre fonction
2. Votre Poste
3. Présentation de l’OIM
* Son champ d’intervention
* Sa mission
* Sa vision
* Son public cible
4. Parlez-nous de votre intervention sur ce camps et dites-nous
depuis combien de temps vous intervenez.
5. Recensement de l’OIM à travers ce camp
6. Toutes les personnes recensées, reçoivent-elles des aides ou
une partie d’elles ? Si non, quel est le critère de choix de ces
personnes ?
7. Quel type d’aide donnez-vous sur ce camp ?
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 100

8. Comment évaluez-vous cette aide ?


9. Quel est votre rapport avec les membres de comité du
camp ?
10. Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 101

[vii]

UNIVERSITÉ D’ÉTAT D’HAÏTI


FACULTÉ DES SCIENCES HUMAINES
DÉPARTEMENT DE TRAVAIL SOCIAL

Grille d’entretien
au responsable du camp
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Question de recherche
Quelles représentations se font les gens vivant dans les camps
d’hébergement des réponses proposées par des institutions de bienfai-
sance privées, liées à l’amélioration de leur condition de logement ?

1. Depuis combien de temps vous assurez la gestion du camp ?


2. Comment êtes-vous devenu président ? Avez-vous été choisi
ou par vote des autres membres du comité ?
3. Présentez-nous un peu le camp
4. Toutes les personnes habitées sur le camp, sont-elles là depuis
au lendemain du 12 janvier 2010 ou elles ont été renforcées
d’années en années ?
5. Parlez-nous des institutions qui interviennent sur ce camp et,
quel type d’aide offrent-elles ?
6. Comment évaluez-vous ces aides ?
7. D’après vous, quels sont les principaux problèmes que font
face les gens sur ce camp (infrastructure - insécurité- manque
de services sociaux de base, etc..) ?
8. D’après vous, quelles seront les actions à poser pour que les
gens quittent le camp ?
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 102

[viii]

UNIVERSITÉ D’ÉTAT D’HAÏTI


FACULTÉ DES SCIENCES HUMAINES
DÉPARTEMENT DE TRAVAIL SOCIAL

Questionnaires
sur des personnes déplacées

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Question de recherche
Quelles représentations se font les gens vivant dans les camps
d’hébergement des réponses proposées par des institutions de bienfai-
sance privées, liées à l’amélioration de leur condition de logement ?
Date : …………………………..
Lieu de naissance :………………….………………
Zone de résidence actuelle :……………………..…………

Informations sociodémographiques
1) Sexe :
a) Masculin ☐ b) Féminin ☐
2) Tranche d’Age
a) 14 – 25 ans ☐ b) 25 ou plus ☐
3) Condition matrimoniale
a) Célibataire ☐
b) marié(e) ☐
c) Placé(e) ☐
d) Divorcé(e) ☐
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 103

e) Séparé(e) ☐
f) Veuf (ve) ☐
4) Avez-vous des enfants ?
a) Oui ☐ b) Non ☐
4.1 Si oui, combien ? ………

5) Quel est votre niveau d’étude ?


a) Primaire ☐
b) Secondaire ☐
c) Universitaire ☐

6) Avez-vous une formation professionnelle ?


a) Oui ☐ b) Non ☐
6.1 Si oui, laquelle ?.......................................................

7) Avez-vous un emploi ?
a) Oui ☐ b) Non ☐
7.1 Si non, vous faites quoi comme activité ?
Rep……………………………………………
[ix]
8) Quel est ton revenu économique par mois ?
a) Moins de 5000g ☐
b) 5000-10000g ☐
c) 10000-15000g ☐
d) 15000 et plus ☐
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 104

Situation avant le séisme

1- Vous-habitez où avant ?
Rep………………………………………………….……
2- C’était votre maison ou vous étiez en location ?
a) Propriété ☐ b) En location ☐ c) En colocation ☐
3- Si c’était en location, combien aviez-vous versé pour le loyer ?
Rep…………………………………………………………
4) Comment était cette maison ?
a) En bois avec toiture en tôle ☐
b) En bloc avec toiture en tôle ☐
c) En bloc avec toiture en Béton ☐
d) Autres à préciser ☐ ……………………………………
5) Avec combien de personnes viviez-vous ? …………
6) Aviez-vous accès à tous les services sociaux de base dans votre
quartier ? (Eau potable, Toilette, Centre de santé, Electricité,
Ecole, etc.)
Rep…………………………………………………………

Situation après le séisme

1)- C’est quoi votre zone de provenance ?


Rep…………………………………………………………
2) Comment avez-vous fait pour arriver sur ce camp ?
Rep…………………………………………………………
[x]
3) Vous êtes là depuis combien de temps ?
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 105

Rep…………………………………………………………
4) Avez-vous des personnes handicapées dans votre maison ?
a) Oui ☐ b) Non ☐
5) Avez-vous des personnes âgées dans votre maison ?
a) Oui ☐ b) Non ☐
6- Est-ce que vous recevez de l’aide dans ce camp ?
a) Oui ☐ b) Non ☐
6.1- Si oui, qui vous aide ?
a) L’État ☐
b) ONG ☐
c) Parents ☐
d) autres à préciser ☐ ………………………………..
6.2- Quel type d’aide ?
a) Argent ☐
b) Produits alimentaires ☐
c) Vêtements ☐
d) autres à préciser ☐ ……………………………….
7) Connaissez-vous au moins une institution qui intervient dans la
question du logement ?
a) Oui ☐ b) Non ☐
8) Y a-t-il une institution qui intervient dans ce camp ?
a) Oui ☐ b) Non ☐
8.1- Si oui, quelle institution et quel service offre-t-elle ?
Rep………………………………………………
9) Comment trouvez-vous cette aide ?
Rep…………………………………………………………
[xi]
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 106

10) Est-ce qu’il y a des autorités haïtiennes qui sont venues discu-
ter avec vous au lendemain du séisme jusqu’à date ?
10.1- Si oui, en quoi consistent ces discussions ?
Rep…………………………………………………………
11) Quels sont vos besoins prioritaires actuellement ? Vos rapports
avec le logement ?
Rep…………………………………………………………
12) Comment pouvez-vous nous expliquer votre situation actuelle-
ment ?
Rep…………………………………………………………
13) Quelles sont vos perceptions sur les institutions qui inter-
viennent dans la question du logement au niveau du camp ?
Rep…………………………………………………………
14) Pensez-vous que ces institutions peuvent vous aider à sortir
dans votre situation ?
Rep…………………………………………………………
15) Quelles sont vos attentes par rapport à ces institutions ?
Rep…………………………………………………………
16) Quels sont les services de base qui existent dans la zone où
vous habitez ? (Eau potable, Toilette, Centre de santé, Electricité,
Ecole, etc.)
Rep…………………………………………………………
17) Souhaiteriez-vous un jour quitter ce camp ?
a) Oui ☐ b) Non ☐
18.1- Si oui, quelles seront les actions à poser pour que les
gens quittent le camp ?
Rep…………………………………………………………

Je vous remercie.
Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 107

Photo 1 : Une partie du camp ACCRA-Nord.


Photo : Elodie Vialle

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Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 108

Photo 2 : Des enfants habitant le camp ACCRA-Nord.


Photo : Elodie Vialle
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Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 109

Photo 3 : Des Habitants du camp ACCRA.


Crédit photo : Elodie Vialle
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Photo 4 : Un Habitant et sa bâche au camp.


Crédit photo : Elodie Vialle
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Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 110

Photo 5 : Vue intérieure du camp ACCRA-Nord.


Crédit photo : Elodie Vialle
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Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 111

Photo 6. Des enfants sur le camp.


Crédit photo : Elodie Vialle.
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Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 112

Photo 7. Des enfants habitant le camp ACCRA-Nord.


Crédit photo : Elodie Vialle
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Kensy BIEN-AIMÉ, Droit au logement et personnes déplacées … (2016) 113

Photo 8 : Le Camp ACCRA. www.google.fr


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Fin du texte

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