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Sur l'ancien lac de Soleure

FAVRE, Alphonse

Reference
FAVRE, Alphonse. Sur l'ancien lac de Soleure. Archives des sciences physiques et
naturelles, 1883, vol. 3e période, t. 10, p. 601-605, pl. XVII

Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:108368

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ExTRAIT des Archives des sciences physiques et naturelles.
Décembre 1883, troisièm e période, t. X, p. 601.

SUR L'ANCIEN LAC DE SOLEURE


PAR

M. Alph. FAVRE UNIVERS\TË de GCN ËVE

lA B0R1\ T0 i AEot: Gt 0L0G1E


Pl. XVII. Bâtiment d'H ygiène
Quai d~ l' ~cele de MédeültMt

On trouve dans la ville de Soleure et aux environs plu-


sieurs terrasses formé es par des alluvions post-glaciaires
et par le terrain erratique 1 • •

La terrasse la plus !Jasse est à un niveau qui varie


de 431 à 434 m. an-dessus de la mer, c'est-à-dire de 4
à 7 rn. au-dessus dn niveau moyen de l'Aar ~, lequel est
à 427,5 m. Cette terrasse porte la chapelle Dreibeins-
kreuz (rive droite de la rivière), comprend le plateau de
Muttenhofe (rive gauche) qui s'étend jusqu'à Klosterplalz
et la plaine de Zuchwylerfeld. Elle est composée de haut
en bas de limon jaune, de limon bleuâtre et de gravim· à
la base. Une partie de ce terrain appartient à l'alluvion
moderne.

L Ces obsm·vatious sont en ptntie tirées dn mémoh·o de M. Je Rec·

tetu Lnng {GeologisClw Slâzze de1· Umgeb1mg von Solot1mm, 18G3), et


du discom•s qu'il a prononcé à la Sqciété ht>lvétiquc des sciences
nattu·elles (Actes 1lc cette Société 1869). E lles pt·oviennent aussi
de courses que j'ai ou le plaisil' de fai re avec ce savant, qui m'a
fo urni des renseignements et tlonné tles directions avec une parfaite
obligeance.
2
Exactement 427,43 mètres .
602 SUR L'ANCIEN LAC DE SOLEURE. 2
Une seconde terrasse s'élève d'environ 25 à 28 m.
au-dessus de l'Aar, elle porte le Spitalhof, Schongrün,
Fegetz, Feldbrunnen et Neubœuslein. Comme on pouvait
le voir il y a quelqu es années dans une carrière ouverte
près des rempart de la ville, elle était formée de terre
végétale à la sm·face, repo ant ur one couche horizon-
tale de gravi er et de gros cailloux roulés. Cette couche
avait 2 m. environ d'épai sour, y compris la ter1·e végé-
tale, elle était supportée par des lits de sable 1et de gra-
. vier, bien stratifiés et fortement inclinés dans le sens du
cours de l'Aar. La structure de ces deux systèmes de
couches ressemblait tout à fait à celle que M. Colladon 1
a observée dans le quartier des Tranchées à Genève. La
ligne de jonction de la couche horizontale avec les extré-
mités supérieures des couche inféri ellres, indique le ni-
veau supérieur d\ m ancien ba sin ou lac dans lequel se
jetait la rivière qui charriait tons ces matériaux.
D'autres terrasses sont plus élevées. On en aperçoit
des lambeaux à 'lOO ou ·160 m. au-dessus de l'Aar,
jusque sur la pente boisée du Buchrain (485 m.), ainsi
qu'an Stadtwald, à Lommiswyl, Oberdorf, Ruttenen et
Günsberg. On a obset'V é en core quelques autres terrasses
dans une position interméd iaire entre les précédentes et
celles-ci. Mais toutes les terrasses supérieures à celle indi-
quée en second lieu, sont com posées de terrain glaciaire
et de blocs erratiques et n'ont aucun rapport avec celles
qui sont formées d'alluvion post-glaciaiJ•e. Elles ont été
produites par une ou plusieurs . moraines déposées par
l'ancien glacier du Rhône, puis détruites en pat·tie par
les eaux qui descendent du .Tura.

1
Â?'chives des Sc. phys. et naturelles, 1870, t. XXXIX, p. 37.
3 SUR L'ANCIEN LAC DE SOLEURE. 603
Le niveau supérieur de J'ancien bassin de Soleure
n'est pas exactement à 25 ou 28 m. au-dessus de l'Aar,
il faut en déduire comme on a pu le voir dans la carrière
de gravier de Soleure, ~m. pour l'épaisseur de la terre
végétale et de la couche supérieure de gravier. C'est donc
23 ou 26 m. qu'il faut ajouter aux 427,5 m. indiquant
la hauteur moyenne de l'Aar à Soleure\ ce qui donne une
élévation moyenne de 1~53,5 m. pom· l'ancien niveau des
eaux.
En suivant la route de Soleure aNieder-Bipp on trouve
les quatre moraines suivantes qui toutes sont des dépôts
de l'ancien glacier du Rhône.
·1 o A un demi-kilomètre environ de Feldbrunnen (au
N. E. de Soleure), on voit une moraine connue sous le
nom de Galgenrain. Elle commence près du château de
Waldegg, et au Spiessacker elle atteint une élévation de
492 m.; en se rapprochant de l'Aar elle n'est plus qu'à
484 m. an Brestenberg et à 460 m. an Vogelisholz.
Elle semble s'arrêter sur la rive gauche de l'Aar; mais
de grands blocs de roches cristallines, entre autres de gra-
nit, trouvés dans l'Aar près de son confinent avec l'Em-
me, ainsi que des blocs plus ou moins alignés, qu'on voyait
naguère sur la rive droite de cette dernière rivière, indi-
quent que la moraine traversait la place où l'Aar coule
maintenant, s'étendait sur la rive droite de l'Emme, d'où
elle rejoignait au Diltiberg (462 m.) et au Bleichenberg
(500 m.) la moraine qui passe à pen près sur la crête du
Bucheggberg, en suivant une ligne qui arrive un peu au
nord du Lütterkofen.

1
D'après M. Lang la hauteur moyenne des eaux de l'Aar est de
431 mètres à Büren, 425 mètres à Attisholz et 419 mètres à
Wangen.
604 SUR L' ANCŒN LAC DE SOLEURE.

2° Une seconde moraine prolongement du Galgenrain


traverse la route entre Soleure et Attiswyl à un kilomè-
tre de la moraine précédente. Elle s'abaisse en se rappro-
chant de l'Aar entre Atlisholz et Flumenthal. Là elle atteint
la hauteur de /!GO à 470 m. On la retrouve sur la rive
droite de la riviflre à Schachen, à Burg, et elle rejoint la
colline de Deitingen. Cette colline, dont je ne connais pas
l'élévation, est formée de molasse recouverte de terrain.
glaciaire et. parsemée de blocs erratiques. Les traces de
cette moraine sont très vagues.
3" Une troisième moraine commence à la hauteur d'en-
viron 5'16 m. près de Dattenbüh\, au N.-0. de Wiedlis-
bach. Elle s'étend au S.cE. en s'abaissant à 462 m., et à
452 m. un peu plus loin, à l'extn\ffiité de la forêt de
Kleinhôlzli 1 • Elle a été coupée par l'Aar dont le niveau
moyen actuel est à. 4·19 m. Le côté méridional de cette
moraine s'étend de Moos à l'extrémité N.-0. du Klein-
hôlzli. L'Aar a creusé dans cet espace plusieurs amphi-
théâtres; elle y a déposé des alluvions à la hauteur de
452 m. On retrouve le prolongement de cette moraine
sur la rive droite de l'Aar un peu en amont de Breite;
0 elle s'est étendue sur le Gemsberg dont le plateau molas-
sique supérieur (494 à 507 m.) est recouvert de terrain
glaciaire, parsemé de blocs erratiqnes.
0
!1- Une qnatrième moraine commence à Ober-Bipp à
493 m., passe à Eichholz vers 4 77 m., à Reckholderhubel
à 492 m., traverse la forêt de Langwald, arrive à l' extré-
mité de cette forêt sur la rive gauche de l'Aar où elle
est encore à 493 m. La rivière est près de là, à 417 m.

1
Il est probable que l'érosion de l'Aar qui a fini par couper
·complètement les moraines, a plus ou moins abaissé les parties de
celles-ci qui étaient voisines de l'endroit où la coupure s'est faite.
5 SUR L'ANCIEN LAC DE SOLEURE. 601)
On retrouve la moraine en aval de Walliswyl (rive droite
de l'Aar); on peut la suivre à la hauteur de 478 m. dans
les bois situés au sud de ce village et aux environs de
Rôthenbach. Dans le voisinage d'Inkwyl le relief en est
faible, elle s'étend au sud, se joint à la troisième moraine
et forme une pointe à l'est, du côté de Wanzwyl et de
Nieder-Oenz, puis elle passe à Aeschi 1 à 510 m. et s'étend
au sud du côté de Heinrichswyl.
De Nieder-Oenz le terrain glaciaire non seulement se
joint, comme je l'ai déjà dit, à la moraine d'Aeschi, mais
forme au nord du lac de ce nom, au hameau de Burgaschi,
une moraine de 10 m. de hauteur. Celle-ci passe à l'est
de ce petit: bassin en formant sur ses bords deux monti-
eules dont l'un paraît composé de terrain giaciaire. Enfin
ce terrain se joint an terrain glaciaire de Seeberg et à
celui de la célèbre colline du Steinhof, élevée de 578 m.,
qui est parsemée de nombreux blocs valaisans. Il y en a
de très volumineux, comme on le sait, l'un d'eux atteint
60,000 p. cubes.
On voit nettement d'après les données ci-dessus que sur
quatre moraines indiquées, trois ont pu soutenir les eaux
de l'Aar à 4-54 m., aux environs de Soleure et en amont.
Une première (notre n° 1) élevée de 484 m. snr la
rive gauche rie l'Aar et de 500 m. sur la rive droite.
Une seconde (notre no 3), atteint 5-l 6 m. sur la rive
gauche et 507 m. sur la rire droite.
Une troisième (notre n° 4) est élevée de 493 m. sur
la rive gauche et de 478 m. sur la rive droite.
Il est infiniment probable que dans l'espace qui existe

1
La moraine d' Aeschi est d'environ 30 mètres au-dessus du lac
de ce nom.

t't
606 SUR L'ANCIEN LAC DE SOLEURE. 6
sur chaque moraine entre les deux points dont j'ai indi-
qué l'élévation, la crêle de la moraine était, à peu de
chose près, aussi élevée que ces points.
Il est très possible que la moraine de Wiedlisbach
(no 3) fut jointe à celle d'Ober-Bipp (no 4.) et que ces
deux moraines n'eu formassent qu'une seule s'étendant
à J'est de Wangen, de Breite à Güsel. L'épaisseur en
était alors de 2,300 m. environ, et présentait une grande
force de résistance à la pression des eaux du lac'.
On peut donc admettre qu'à l'époque post-glaciaire,
il existait anx environs de Soleure un lac dont la surface
était à peu près à !~53,5 ou 1.~:54 m. au-dessus du niveau
de la mer.
Mais quelle a été l'étendue de ce lac? En suivanl la base
du Jnra vers le S.-O. ce n'est qu'à Entreroches (revers
septentrional du Mauremont, an S.-O. d'Yverdon) que se
trouve la hauteur de 4 48 m. au-dessus de la mer. C'est
donc jusque-là, à ·1 00 kil. de Soleure, que ce lac devait
s'étendre, il dépassait même ce niveau de 5 m. environ
et peut-être ses eaux se sont-elles déversées pendant un
temps plus ou moins long dans la vallée de la Venoge qui
se jette dans le lac de Genève'.
Ces eaux ont relevé le niveau des lacs de Bienne,

1 On peut croire que les parties des moraines qui n'out pas été

soumises à l'érosion de l'Aar ont diminué de hauteur par suite de


l'action des agents atmosphériques.
2 Pour connaître exactement les contours de ce lac, il faut atten·

dre la publicution de qu el ques-unes des (ouilles de la ca ~te fédérale


au '/25ooo. Ou ue peut atlmcttt·e que cc lac se soit déversé par la
petite vallée qui s' étend de Berthoud à Hru.·7.ogenbuchsee, car l<>s
stations du chemin de fer qui s'y trouveu.t sout nux hauteurs sui-
vantes: Bertboud 535 m., Wynigen 530 m., Riedwyl 499 m., Her-
zogenbuchsee 46ï m.
7 SL'R L'ANCIEN LAC DE SOLEURE. 607
Neuchâtel et Moral. Elles ont envahi la vallée de la
Broye jusqu'à Payerne (45 •1 m.) et elles avaient changé
en îles, diverses collines telle que celle dn Buttenberg
au N.-E. de Bienne, sur laquelle se trouve le village de
Meinisberg, celle qui s'étend sur la rive orientale du lac
de Bienne, du Jensberg près Nidan jusqu'à Ins au sud
de ee lac; la colline de Jolimont qui est aussi au sud de
ce même lac; d'autres collines, moins importantes, tel-
les que celle de Walperswyl, de Sistelen, etc., qui sont
à l'est dn lac de Bienne. Le mont Vully sitné entre le
lac de Morat et celui de Neuchâtel formait l'extrémité
nord d'une longue presqu'île qui commençait aux environs
de Payerne. A l'ouest d'Yverdon Je coteau de Chamblon
était anssi changé en ile.
Dans la vallée de l'Emme ce lac ne s'étendait que jus-
qu'à Kriegstetten (45'1 m.). De là en se dirigeant à l'est
on ne trouve pas un seul passage par où les eaux du lac
de Soleure aient pu s'écouler.
On ne peut pas indiquer quelle était la position exacte
des issues que les eaux de ce lac pouvaient avoir. Les dé·
got·geoirs étaient évidemment aux endroits les moins éle-
vés des moraines, et ces dernières ont été détruites par
le cours de l'Aar et snnt peu à peu arrivées à leur état
actuel.
La présence du lac de Soleure confirme ce que plu-
sieurs travaux ont déjà démontré, savoir : que dans les
premiers temps de l'époqne post-glaciaire, l'eau couvrait
une beaucoup plus grande partie de la Suisse que de nos
JOurs.

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