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Rhétorique

1. La comparaison :

 Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique (1961) :

C’est l’établissement d’un rapport d’analogie entre deux objets ou deux réalités, grâce à un
outil de comparaison (comme, tel, ainsi que, tel que, pareil à, semblable à, sembler,
ressembler, etc.) :
X (comparé)  Y (comparant)
(analogie approximative)

- Le comparé est la « partie de la comparaison qui constitue l’objet dont on parle et auquel
s’applique le comparant » ;
- Le comparant est la « partie de la comparaison qui fait image ».

Exemples :

- « La Croix monte et s'étend sur nous comme un abri! »

- « Si ton cœur, gémissant du poids de notre vie,


Se traîne et se débat comme un aigle blessé (…) »

- « Du haut de nos pensers vois les cités serviles


Comme les rocs fatals de l’esclavage humain. »

- « Les grands bois et les champs sont de vastes asiles,


Libres comme la mer autour des sombres îles. »

- « Espérances roulant comme roulent les neiges »

- « Si ton âme enchaînée, ainsi que l’est mon âme »

2. La métaphore :

 Dubois et al., Dictionnaire de linguistique (1973) :

« En grammaire traditionnelle, la métaphore consiste dans l’emploi d’un mot concret
pour exprimer une notion abstraite, en l’absence de tout élément introduisant
formellement une comparaison ; par extension, la métaphore est l’emploi de tout terme
auquel on en substitue un autre qui lui est assimilé après la suppression des mots
introduisant la comparaison (comme, par exemple) : à l’origine, il brûle d’amour
contenait une métaphore du premier type, et cette femme est une perle une du second.
Quand elle introduit plusieurs rapprochements successifs, la métaphore est filée ou
suivie, comme dans cette femme tend les filets de ses charmes pour chasser le gibier des
naïfs ; au contraire, elle est heurtée ou brisée quand elle rapproche des notions
incompatibles, comme dans le char de l’Etat navigue sur un volcan.
La métaphore joue un grand rôle dans la création lexicale ; beaucoup de sens figurés
ne sont que des métaphores usées. »
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 Groupe Mu, Rhétorique de la poésie (1977) :

Selon le Groupe Mu, la métaphore « est un trope complexe joignant, sur le mode 
ou , deux synecdoques complémentaires (Sg et Sp)fonctionnant de façon inverse, et
déterminant une intersection (I) qui est soit copossession de sèmes (mode ), soit
copossession de parties (mode ) :

D ------------------> (I) ------------------> A


Sg Sp

(D = terme de départ ; A = terme d’arrivée)

Exemples :

- « Ne mènerons-nous plus ce troupeau faible et morne »

- « L’Homme sera toujours un nageur incertain


Dans les ondes du temps qui se mesure et passe. »

- « Poésie ! ô trésor ! perle de la pensée ! »

- « Le jour n’est pas levé ………………………….


…………………………………………………
Les peuples tout enfants à peine se découvrent
Par-dessus les buissons nés pendant leur sommeil »

- « La montagne est ton temple et le bois sa coupole »

- «  Tout homme a vu le mur qui borne son esprit. »

- « Mais je vais la quitter, cette indigente terre,


N’ayant que soulevé ce manteau de misère
Qui l’entoure à grands plis, drap lugubre et fatal
Que d’un bout tient le Doute et de l’autre le Mal. »

- « Qu’importe oubli, morsure, injustice insensée,


Glaces et tourbillon de notre traversée ? »

- « Cet arbre est le plus beau de la terre promise,


C’est votre phare à tous, Penseurs laborieux !
Voguez sans jamais craindre ou les flots ou la brise
Pour tout trésor scellé du cachet précieux.
L’or pur doit surnager, et sa gloire est certaine. 
Dites en souriant, comme ce Capitaine :
"Qu'il aborde, si c'est la volonté des Dieux!" »

- « Sur nos fronts où le germe est jeté par le sort,


Répandons le savoir en fécondes ondées; »
3. La synecdoque :
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 Emile Littré, Dictionnaire de la langue française (1874):

« Figure par laquelle on prend le genre pour l’espèce, ou l’espèce pour le genre, le tout
pour la partie, ou la partie pour le tout. Exemples : une voile pour un navire ; les flots
pour la mer ; l’airain pour les canons.
" La synecdoque est une espèce de métonymie par laquelle on donne une signification
particulière à un mot qui, dans le sens propre, a une signification plus générale."
"Dans la métonymie, je prends un nom pour un autre, au lieu que dans la synecdoque, je
prends le plus pour le moins, ou le moins pour le plus." (Dumarsais, Trop. II, 4) »

 Dubois et al., Dictionnaire de linguistique:

« Quand un locuteur, intentionnellement, notamment pour des raisons littéraires, ou une


communauté linguistique, inconsciemment, assignent à un mot un contenu plus étendu
que son contenu ordinaire, il y a synecdoque : voile pour navire (la partie pour le tout), le
cochon pour l’espèce porcine (le particulier pour le général). Il y a aussi synecdoque
quand, par un procédé inverse, on prend le tout pour la partie : la France pour l’équipe
de France. »

 Groupe Mu, Rhétorique de la poésie :

Selon le groupe Mu, la synecdoque est un trope simple engendré, dans la matrice
tropique profonde, par l’une des deux opérations simples permettant la production de
toute figure (adjonction ou suppression) sur le mode référentiel () ou conceptuel ().

 

A Sg  Sp 

S Sp  Sg 

- Sg  : synecdoque généralisante référentielle («Comme dessert, je prendrai la


tarte»).
- Sp  : synecdoque particularisante référentielle (lame pour couteau).
- Sp  : synecdoque particularisante conceptuelle (lardoire pour couteau).
- Sg  : synecdoque généralisante conceptuelle (mortel pour homme).

 Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique :

« Figure qui opère dans un ensemble extensif en nommant l’un des termes d’un rapport
d’inclusion pour exprimer l’autre.
La synecdoque est essentiellement quantitative, la métonymie qualitative.
En termes classiques, on disait que la synecdoque exprimait le moins pour le plus ou,
inversement, le plus pour le moins ; la partie pour le tout ou le tout pour la partie ; l’espèce
pour le genre ou le genre pour l’espèce ; le singulier pour le pluriel ou le pluriel pour le
singulier. »
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Exemples :

- « Une lutte éternelle en tout temps, en tout lieu


Se livre sur la terre, en présence de Dieu,
Entre la bonté d’Homme et la ruse de Femme »

- « (…) la bonté de l’Homme est forte, et sa douceur


Ecrase, en l’absolvant, l’être faible et menteur. »

- « Toujours ce compagnon dont le cœur n’est pas sûr »

- "Un esclave a besoin d'un marteau, non d'un livre »

4. Antonomase du nom propre :

 Fontanier, Les Figures du discours (1830) :

Pour Fontanier, il s’agit d’une synecdoque d’individu qui consiste à prendre


- « un nom commun pour un nom propre » (le Troyen pour Enée) ; »
- « un nom propre pour un nom commun » (un Virgile pour un grand poète) ; »
- « un nom propre pour un autre nom propre » (Alexandre pour Louis XIV) ; »
- « un nom commun, tant pour le nom propre de l’individu, que pour le nom commun de
l’espèce à laquelle il appartient véritablement (un Epicurien pour un homme qui ne
songe qu’au plaisir)

 Emile Littré, Dictionnaire de la langue française :

« Sorte de synecdoque qui consiste à prendre un nom commun pour un nom propre, ou un
nom propre pour un nom commun. »

 Dubois et al., Dictionnaire de linguistique :

L’antonomase est une figure de style par laquelle, pour désigner une personne, on utilise
un nom commun à la place d’un nom propre, ou inversement, un nom propre à la place d’un
nom commun ; tel comploteur romanesque et tourmenté sera ainsi un Lorenzaccio (nom
propre employé à la place d’un nom commun).
L’antonomase est également un phénomène d’évolution linguistique : en français, renard
est l’ancien nom propre du « goupil » Renard.

Exemples :

- « Et, plus ou moins, la Femme est toujours Dalila »

- « La Femme aura Gomorrhe et l’Homme Sodome »

- « Ce Sisyphe éternel est beau, seul, tout meurtri »


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5. La métonymie :

 Fontanier, Les Figures du discours :

« Les Tropes par correspondance consistent dans la désignation d’un objet par le nom d’un
autre objet qui fait comme lui un tout absolument à part, mais qui lui doit ou à qui il doit lui-
même plus ou moins, ou pour son existence, ou pour sa manière d’être. On les appelle
métonymies, c’est-à-dire, changements de noms, ou noms pour d’autres noms.
On peut distinguer les métonymies : - de la Cause pour l’Effet ; - de l’Instrument pour la
Cause active ou morale ; - de l’Effet pour la Cause ; - du Contenant pour le Contenu ; - du
Lieu de la Chose pour la Chose même ; - du Signe pour la Chose signifiée ; - du Physique
pour le Moral ; - du Maître ou Patron de la Chose pour la Chose même ; - Enfin, de la Chose
pour le Maître ou le Patron. » (p. 79)

 Emile Littré, Dictionnaire de la langue française :

« Terme de rhétorique. Figure par laquelle on met un mot à la place d’un autre dont il fait
entendre la signification. En ce sens général la métonymie serait un nom commun à tous les
tropes ; mais on le restreint aux usages suivants : 1° la cause pour l’effet ; 2° l’effet pour la
cause ; 3° le contenant pour le contenu ; 4° le nom du lieu où une chose se fait pour la chose
elle-même ; 5° le signe pour la chose signifiée ; 6° le nom abstrait pour le concret ; 7° les
parties du corps regardées comme le siège des sentiments ou des passions, pour ces passions
et ces sentiments ; 9° l’antécédent pour le conséquent. »

 Dubois et al., Dictionnaire de linguistique :

« D’une manière générale, conformément à l’étymologie, la métonymie est un simple


transfert de dénomination. Le mot est réservé toutefois pour désigner le phénomène
linguistique par lequel une notion est désignée par un terme autre que celui qu’il faudrait, les
deux notions étant liées par une relation de cause à effet (la récolte peut désigner le produit de
la cueillette et non pas seulement l’action de cueillir elle-même), par une relation de matière à
objet ou de contenant à contenu (boire un verre), par une relation de la partie pour le tout
(une voile à l’horizon). »

 Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique :

« Figure par laquelle un mot, sans changer de forme ni perdre son sens premier, acquiert,
dans l’élargissement ou le rétrécissement de sa compréhension, un signifié nouveau grâce
auquel il se substitue à un terme propre »
La compréhension est la « somme des caractères suffisants à la définition de la réalité qu’il
[le mot] représente »
« Plus est sommaire la définition d’un terme, plus elle est générale, et plus elle a
d’extension : elle se rapporte alors à un grand nombre d’êtres ou de choses.
Le terme le plus général possible, l’être, a une extension infinie ; l’individu a une
extension égale à 1 »
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 Groupe Mu, Rhétorique de la poésie :

La métonymie est, comme la métaphore, « un trope complexe dont le mécanisme ne


diffère que peu de celui de la métaphore : alors que celle-ci se fonde sur une intersection, la
relation entre les deux termes de la métonymie se fait via un ensemble (I) les englobant tous
deux et dont ils sont, l’un et l’autre, la synecdoque .»

(D)
(I)

(A)

Exemples :

- « Du haut de nos pensées vois les cités serviles »

- « […] ce globe incomplet / Dont le gémissement sans repos m’appelait »

- « Dans le caveau des miens plongeant mes pas nocturnes […]»

6. Paradoxisme :

 Fontanier, Les Figures du discours :

« le Paradoxisme, qui revient à ce qu’on appelle communément Alliance de mots, est un
artifice de langage par lequel des idées et des mots, ordinairement opposés et contradictoires
entre eux, se trouvent rapprochés et combinés de manière que : tout en semblant se combattre
et s’exclure réciproquement, ils frappent l’intelligence par le plus étonnant accord, et
produisent le sens le plus vrai, comme le plus profond et le plus énergique […]

- Et monté sur le faîte, il aspire à descendre.(Corneille, Cinna)


- Rétablit son honneur à force d’infamie.(Boileau) »

 B. Meyer, « Les pseudo-contradictions. Autour du paradoxe » (1982) :

« [Cette figure] combine deux termes opposés et semble affirmer et nier le même prédicat
à propos d’un seul objet, contradiction qui, à l’examen, se révèle illusoire. Elle se définit par
quatre traits constitutifs :

- T1 : dualité de termes ;


- T2 : opposition de ces termes ;
- T3 : structure syntaxique de contradiction ;
- T4 : réductibilité sémantique de la contradiction.
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Nous la nommerons, avec la tradition, paradoxisme. Ses quatre traits sont liés entre eux
par un lien de présupposition régressive : T4 présuppose T3 qui présuppose T2 qui
présuppose T1. »

- Pour réparer des ans l’irréparable outrage. (Racine)


- Et par timidité lui déclara la guerre. (Voltaire, Henriade)
- J’entends : la Vanité me déclare à genoux
Qu’un père malheureux n’est pas digne de vous. (Le Glorieux) 

Exemples :

- « C’est afin que tu sois son juge et son esclave


Et règne sur sa vie en vivant sous sa loi. »

- « On me dit une mère et je suis une tombe. »

7. Antithèse :

 Fontanier, Les Figures du discours :

« L’Antithèse oppose deux objets l’un à l’autre, en les considérant sous un rapport
commun, ou un objet à lui-même, en le considérant sous deux rapports contraires
1. Deux objets l’un à l’autre :

"Le riche et l’indigent, l’imprudent et le sage,


Sujets à même loi, subissent même sort."

2. Un objet à lui-même :

"Vicieux, pénitent, courtisan, solitaire,


Il prit, quitta, reprit la cuirasse et la haire" »

 Dubois et al., Dictionnaire de linguistique :

« L’antithèse est un mode d’expression consistant à opposer dans le même énoncé deux
mots, de sens opposé ; ex. : Et monté sur le faîte il aspire à descendre (Corneille, Cinna). Il y
a antithèse entre monté et descendre. »

 B. Meyer, « Les pseudo-contradictions. Autour du paradoxe »:

« Une opposition de termes non structurés en contradiction est une antithèse qui se définit
par T1 [dualité de termes] et T2 [opposition de ces termes] :

Le ciel est noir, la terre est blanche

La compréhension de l’antithèse est plus restreinte que celle du paradoxisme : un


paradoxisme contient une antithèse mais toute antithèse n’est pas un paradoxisme. »
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8. Antilogie :

 B. Meyer, « Les pseudo-contradictions. Autour du paradoxe » :

« Une contradiction qui ne peut se réduire est une antilogie, qui se définit par T1 [dualité
de termes], T2 [opposition de ces termes], T3 [structure syntaxique de contradiction] et –T4
[réductibilité sémantique de la contradiction] : Même si c’est vrai, c’est faux ! »

 
9. Oxymore et alliance de mots :

 B. Meyer, « Les pseudo-contradictions. Autour du paradoxe »:

« On réservera […] le nom d’oxymore ou oxymoron à ce sous-type particulier de


paradoxisme, remarquable par sa concision, qui oppose l’adjectif au nom voisin auquel il se
rapporte (ou, plus rarement, l’adverbe à l’adjectif ou au verbe qu’il modifie) » comme dans
les exemples suivants :
- Cette obscure clarté qui tombe des étoiles.
- Il la hait amoureusement.
- Après son mariage, il continua de mener la vie: c’était un marié célibataire
- Et dérober au jour une flamme si noire.

« Par contre, on aura intérêt à distinguer, à notre avis, et ce, malgré la confusion habituelle,
l’oxymore tel que nous venons de le définir et l’alliance de mots, qui, utilisant le même
moule syntaxique (Adj + N ou Adv + Adj), rapprochent des mots d’une manière surprenante,
mais qui n’est pas forcément l’opposition :

La caravane emplumée (des oiseaux)

Tout oxymore est une alliance de mots, mais toute alliance de mots n’est pas un oxymore. »

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