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L’amour est un sentiment, voire une valeur universelle qui anime les êtres humains.
Avant l’amour du prochain, il y a l’amour du conjoint, celui avec lequel on voudrait vivre.
C’est ce qu’on appelle l’amour passion. Il est frappant de remarquer que le discours qui
accompagne ce sentiment est très souvent parsemé de pessimisme. A considérer la langue par
exemple, on dirait qu’il s’agit d’une disgrâce. En effet, l’expression « tomber amoureux »
apparente l’amour à une maladie : « tomber malade ». En anglais « fall in love » garde
également l’idée de la chute. En arabe l’expression « waqaa fil hob : » وﻗﻊ ﻓﻲ اﻟﺤﺐ,
littéralement « tomber dans l’amour » rime avec « waqaa fil fakh » وﻗﻊ ﻓﻲ اﻟﻔﺦqui signifie
« tomber dans le piège ». Eh bien, c’est entre maladie et piège. Pourquoi donc un sentiment
censé être noble et élévateur se trouve traité en des termes se rapportant à la déchéance ? La
mythologie nous est ici d’un grand secours. Effectivement, le dieu Cupidon avait des arcs qui
visaient les célibataires. Dès qu’il en apercevait un, il lui tirait un arc sur le cœur et le
célibataire tombait « amoureux ». C’est à mon sens une explication possible de l’expression.
Les langues témoignent donc d’un imaginaire collectif qui conçoit l’amour comme une
malédiction.
La littérature, elle non plus, ne gratifie l’amour d’aucun beau discours. « Les
commencement ont des charmes inexprimables » certes comme le dit Molière, mais « il n’y a
pas d’amour heureux » selon Aragon. On n’attendrait pas de Kafka autre chose que ceci :
« l’amour est que tu sois pour moi le couteau avec lequel je fouille en moi ». Et Proust n’a
jamais été court qu’en définissant l’amour : « j’appelle ici amour une torture réciproque ». Le
paradoxe de la littérature est de pouvoir trouver les fleurs du mal. C’est en parlant des amours
impossibles, lugubres et contrariées que la littérature a produit des textes alléchants. « On ne
fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments » disait André Gide. Du côté de la
littérature arabe, on n’aurait jamais connu Qayss et sa poésie s’il avait épousé Layla. Ce
couple est devenu mythique justement parce qu’il incarne l’amour impossible.