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L’ Évolution des châteaux et des techniques

de siège au Japon entre les XIIème et


XVIIème siècles

Du château de montagne au Jokamachi

02.11.2015 Romain Caba


Introduction

On trouve dans le paysage japonais contemporain très peu de châteaux ou de vestiges de l’histoire an-
cienne du pays. Seules un vingtaine de Tenshu (donjons) conservés à travers le pays, ainsi que de partiellement
conservés travaux de maçonnerie relatent vraiment l’histoire du Japon. Pourtant il en fût tout autrement durant
le Moyen-Age japonais qui a vu fleurir par centaines, voire par milliers ces forteresses, de tailles, de formes et
de rôle variés.

Le Japon en effet à connu une très longue et très mouvementée période féodale. Ce féodalisme s’est
manifesté à partir du VIIIè siècle par l’apparition de château qui sont un symbole, une représentation du pou-
voir qui connaîtra son apogée entre le XVI et XVIIè siècle. Cependant, les fortifications militaires ne sont bien
entendu pas une idée qui apparaît au début du moyen-âge. De nombreuses sources, comme le Nihon Shoki
(chroniques Japonaises) nous renseignent sur les rudiments de fortifications dans le Japon ancien, tels les inaki,
protections rudimentaires faites de bottes de riz, ou encore les chashi, ouvrages de terre esquissant les prémices
d’un bastion. Des « châteaux » sont aussi évoqués, mais la dimension mythologique qui leur est associée ne
nous permet pas de savoir réellement quel était la sophistication de ces ouvrages.

Il faut attendre le XIIème siècle et voir le pouvoir central se désagréger pour assister à une évolution de
la typologie militaire. A cette époque en effet, l’Empereur centralisant le pouvoir (modèle politique calqué sur
la Chine) perd de plus en plus son autorité face aux seigneurs de guerre locaux qui émergent. Là où la recrute-
ment se faisait par conscription, on assiste désormais à une sorte de mercenariat où les services de groupes
armés (menés par des samurai) sont loués par les plus fortunés seigneurs. C’est un premier pas vers une priva-
tisation des forces armées, forces qu’il faut désormais pouvoir loger, ce qui donne lieu à l’apparition de Buke Ya-
shiki, ensembles fortifiés de palissades regroupant les quartiers des soldats, des temples shintoistes ainsi que la
résidence du seigneur matérialisé par les premiers châteaux construits dans les montagnes : les Yamashiro (ou
Sanjô). Il s’agissait essentiellement de se protéger des troubles politiques et des guerres civiles frappant le pays
(Guerre de Gepei, guerre de Nambokucho, guerre d’Onin). Ces Yamashiro vont avoir une importance décisive
dans le développement de la poliorcétique (la technique du siège) jusqu’au XVème siècle (L’empereur Go Daigo
se réfugiera dans des temples monastiques qui seront rapidement transformés en forteresses de montagne (litt :
Yama (montagne) Shiro (château) ).

Jusqu’au XVIème siècle, ces modèles évoluent peu, sauf dans leur dimensions, tandis que le pouvoir
central n’est toujours pas rétabli, et il faudra attendre l’apparition des Daimyo, représentant un pouvoir plus fort
dans leurs provinces pour que des châteaux soient édifiés, non plus en montagne, mais en plaine, afin de défen-
dre la province. Ces mêmes daimyo seront les premiers à recruter des armées qui ne sont plus des mercenaires.
Ces armées atteignent parfois vers la fin du XVIème siècle, plus de 20 000 hommes qu’il faut loger, ce qui va
induire l’apparition de villes-chateaux, dont les plus grandes prendrons même la dénomination de Jokamachi.
C’est à ce moment l’apogée de l’âge des châteaux japonais puisque peu après, avec l’accession à un pouvoir cen-
tralisé de la dynastie Tokugawa, un édit très important nommé le Ikkoku Ichijo no Rei (1615) interdira à tout
Daimyo de posséder plus d’un château. Suite à cela, des centaines de tenshu et chateaux vont être démantelés
entièrement, ce qui explique, entre autres facteurs, le peu de vestiges qu’il nous reste aujourd’hui.

A la lueur de ces événements, il apparaît clairement que les chateaux japonais ont joué un rôle essen-
tiel dans les politiques internes du japon, mais aussi dans les rapports de force ainsi que dans les techniques
guerrières qui ont été soumises à une évolution rapide dans un pays qui ne connaît pas la guerre de siège avant
le XIII ou XIVème siècle. Après avoir vu l’évolution des typologies de châteaux, il est donc intéressant de se
demander quelle formes ont pris ces châteaux, et comment l’architecture de ces bâtiment a t’elle influencé le
déroulement des batailles et guerres médiévales japonaises ?

Pour ce faire, nous allons adopter une progression chronologique en étudiant en premier lieu les Yam-
shiro, et les tâtonnements des guerres de siège qu’ils ont engendrés. Par la suite, nous verrons comment, en
évoluant vers une typologie de châteaux de plaine, ceux ci ont modifiés, à la fois les techniques guerrières et
l’architecture du lieu, avant de s’interesser dans une étude de cas de la ville d’Edo sous l’ère Tokugawa, au prin-
cipe du Jokamachi, ville-chateau prenant place dans un contexte urbain et un contexte d’extrème centralisation
du pouvoir.

Documents:

Classification des châteaux


Les Yamashiro et techniques de siège:La Bataille d’Akasaka (1331)
Les premiers Tenshu
Un Chateau japonais à la fin du XVIIè siècle
Deux élévations de Tenshu
Effet de l’apparition des armes à feu sur les techniques de construction
des châteaux
Siège du chateau de Takamatsu
La ville-château
De la ville-château au tokamachi

Description du château d’Edo par un européen


Représentation d’Edo à la fin du XVIIème siècle

Annexes

Première page: Photo du château de Himeji -2009


Classification des châteaux
1. Sanjô

C’est le château de montagne, dressé sur un sommet et originellement utilisé comme fortin auxiliaire
plutôt que comme une place forte principale. Il était important que son site soit caché des sommets voisins afin
que l’ennemi ne puisse observer les activités à l’intérieur des murs. Si une telle disposition ne pouvait pas être
trouvée, les constructeurs sélectionnaient alors un site dominant et relié d’une colline à l’autre. Des obstacles
naturels tels que des falaises, un terrain rocailleux et des bois jouaient le rôle de défenses avancées. D’autre part,
ce type de château était peu vulnérable aux tremblements de terre, lesquels sont généralement plus destructifs
dans les régions de plaine. Cependant, à ces nombreux avantages en temps de guerre, correspondaient des
inconvénients, par exemple, le fait d’être très difficilement accessible aux citoyens du fief. Par ailleurs, l’approvi-
sionnement en eau du site nécessitait le creusement de puits profonds, ce qui n’était pas toujours chose aisée.

2. Hirajô

C’est le château de plaine. D’abord résidence du daïmyô, il devint plus tard le siège du gouvernement
régional. Il jouissait d’une accessibilité facile pour les sujets du seigneur. Cependant, il était plus difficile à
défendre que le château de montagne, car il offrait moins de protection naturelle, bien que des rivières et des
marécages aient été souvent utilisés pour améliorer son système défensif composé de fossés et de levées de
terre. De plus, seule une observation limitée du territoire environnant était possible, si bien que la progres-
sion d’un ennemi n’était pas toujours bien visible. Ces châteaux, édifiés sur des terrains bas afin de tirer parti
d’un marais ou d’une rivière pour leurs défenses, voyaient parfois ces éléments naturels se retourner contre
eux. L’ennemi pouvait, par exemple, détourner le cour d’une rivière proche et ainsi s’en servir pour inonder le
château. Enfin, à l’image de nos sièges du moyen-âge, l’assiégeant construisait parfois des tours de siège qui lui
permettaient tout à la fois d’observer les activités des habitants du château et de les harceler. Afin de pouvoir
défendre le château avec le moins possible d’hommes, on favorisait un site circulaire qui offrait à l’assaillant une
surface d’attaque réduite.

3. Hirasanjô

Le troisième type de château est une combinaison des deux premiers. Il est appelé hirasanjô. Il possé-
dait la plupart des avantages et des défauts des deux autres types. C’est le modèle le plus souvent construit
après qu’Hideyoshi ait ordonné le démantèlement des châteaux secondaires dans le territoire d’un daimyô. Ce
nouveau type était construit sur une petite colline au milieu d’une plaine ou sur une montagne basse dominant
les alentours. La tour principale était placée au sommet de la dite colline, entourée par les quartiers intérieurs
du château. Plus bas, sur les contreforts et dans la plaine, se tenaient les défenses extérieures.
Le hirasanjô, aboutissement du château japonais, possède donc les caractéristiques des deux autres types de
châteaux que sont le sanjô et le hirajô. Imitant le château de plaine dans le choix de sa localisation, rompant
avec la politique d’isolement du sanjô édifié au sommet d’une montagne inaccessible, il est bâti soit sur une
croupe, soit sur un contrefort montagneux précisément à l’endroit où celui-ci rejoint la plaine, ou bien encore
sur un mont isolé dans la plaine. Cette éminence joue le rôle de motte. Dans le château de plaine, cette hauteur
naturelle est remplacée par une base élevée en pierre sur laquelle est construit le donjon.
Du château de plaine est conservée une enceinte circulaire élevée sur la plaine même. Mais les enceintes in-
térieures ont des formes très différentes à cause de la colline qui, lors de l’édification du château, est arasée
en gradins formant des terrasses qui ne communiquent entre elles que par des rampes ou des escaliers. Ces
différents niveaux s’étagent pour aboutir à une dernière plate-forme occupant le sommet de la colline : c’est là
qu’est édifié le donjon, dressé sur une base de pierre comme le hirajô.

Christian Kessler , Le Chateau et sa ville au Japon, Sudestasie, 1995


Les Yamashiro et techniques de siège
La Bataille d’Akasaka (1331)
Quand l’armée eut passé la rivière Ishi, ils contemplèrent le château. Assurément, c’était un bastion d’élaboration
hâtive ! Le fossé n’était pas un vrai fossé et il n’y avait qu’un unique mur de bois, enduit de boue. Par ailleurs, la taille du
château ne dépassait guère les 100 ou 200 mètres de pourtour, avec uniquement une vingtaine ou une trentaine de tours
à l’intérieur, préparée elles aussi à la hâte. Ceux qui le voyaient pensaient : « ah, quel pitoyable spectacle nous présente
l’ennemi ! Même si nous devions prendre ce château avec une seule main, nous le prendrions ! […]
Par nature, [Kusonoki] Masashige était un homme qui « planifiait dans sa tente pour vaincre des ennemis encore distants
de 100 lieues ». Par conséquent, il garda 200 valeureux archers à l’intérieur du château et donna 300 cavaliers à son frère
Shichirô et à Wada Goro Masato à l’extérieur, dans les montagnes.
Cependant, les attaquants, très audacieusement, se précipitèrent ensemble vers les bords du fossé de tous les côtés, résolus
à faire tomber le château en un unique assaut. Alors, depuis le sommet des tours, et depuis les fenêtres, les archers tirèrent
avec ardeur, les pointes de leurs flèches alignées ensembles, abattant plus de mille hommes en un instant. Extrêmement
impressionnés, les guerriers occidentaux s’écrièrent : « Non, non ! Au vu de la défense de ce château, il ne tombera jamais
en un ou deux jours. Prenons le temps de réfléchir avant de s’y risquer à nouveau ».[...]

Ils ne cherchèrent pas à attaquer le château à nouveau rapidement, mais se regroupèrent et prirent une décision
disant : « restons à distance en cet endroit, et menés par des hommes connaissant la province, nous couperons les arbres
des montagnes, nous brûlerons les maisons, et nous protégerons ainsi des guerriers de réserve qui attendent de nous
tomber dessus. Ainsi nous attaquerons le château l’esprit tranquille. »
Cependant, le château d’Akasaka ne peu pas être attaqué à la légère à l’est où des champs de riz terrassés s’étendent haut
dans la montagne. Mais sur les trois côtés où le terrain était plat, il n’y vais qu’un simple fossé et un mur. Enfin, les at-
taquants atteignirent le mur de tous côtés et commencèrent à le gravir le cœur rempli d’excitation. Mais à ce moment,
les hommes du château coupèrent les cordes qui supportaient le mur, toutes en même temps, car le mur était un double
mur, construit pour laisser la partie extérieur [en terre] s’effondrer. Plus de mille attaquants furent écrasés par un poids
tel qu’ils ne pouvaient guère bouger que leurs yeux pour observer les défenseurs leur jeter des troncs et des rochers. En
ce jour de bataille, plus de 700 hommes furent tués. Bien que l’ennemi ne soit pas plus de 4 ou 500 personnes enfermés
dans un château, d’à peine 500 mètres de circonfrence, en terrain plat, les armées des 8 provinces orientales ne purent les
attaquer et levèrent, avec honte, un siège à distance. […]

[La troisième fois], tous descendirent dans les eaux du fossés, et accrochèrent les murs avec des grapins afin de
les faire tomber. Mais quand les murs furent sur le point de céder, ceux à l’intérieur du château prirent des louches avec
des manches de 3 ou 6 mètres et déversèrent de l’eau bouillante sur les assaillants. L’eau chaude passait à travers les trous
des heaumes, et brûlaient leurs corps si gravement qu’ils fuyaient en panique, et jetaient leur bouclier et leurs grappins.
Bien que personne ne fut tué ce jour là, il y eu 2 à 300 soldats qui ne pouvaient plus se lever à cause de leur brûlures aux
pieds et au mains, ou qui étaient alités à cause d’une grande faiblesse.

Ainsi était il qu’à chaque fois que les assaillant mettaient au point une nouvelle technique, les assiégés se défen-
daient eux aussi avec d’ingénieux stratagèmes. Une consultation des attaquants conclut : « A partir de maintenant, lais-
sons les simplement s’affamer, car nous ne pouvons rien fire d’autre ». Ils s’abstinrent complètement de mener bataille, et
construisirent uniquement des tours dans leur camp, alignèrent les obstacles et se préparèrent à l’attente. [...]

Bientôt, les guerriers du château commencèrent à être las, car il n’y avait aucun diversion pour eux. Et leur nour-
riture était insuffisante car le château avait été construit et approvisionné à la hâte par Kusonoki. La bataille et le siège
avaient commencé depuis vingt jours et les provisions étaient épuisées, la nourriture elle, manquait depuis 5 jours déjà.
Alors, Masashige parla a ses hommes, disant : « Dans de nombreuses batailles nous avons été supérieurs à nos ennemis,
dont les morts ne se comptent plus, mais ces pertes ne sont rien face à une si grande armée ? De plus, la nourriture est
épuisée et aucun guerrier ne viendra nous délivrer. »

Source: Auteurs inconnus, The Taiheiki, trad par Helen Craig McCullough, Morningside Heights, New York, 1959
Le Taïheiki est un récit sur 50 années de guerres (1318-1368) réigé sur 40 rouleaux et issus probablement d’auteurs variés et
inconnus. C’est une très important source d’information dont il faut cependant garder à l’esprit que comme tout récit épique
japonais, une certaine tendance à l’exagération est d’usage. On remarquera ainsi que les chiffres employés dans ce texte ne
sont pas toujours cohérents entre eux. L’oeuvre est cependant considérée comme précise.
On rappelera que le siège d’Akasaka a lieu lors de l’exil de l’Empereur Go Daigo, Kusonoki étant un de ses lieutenant.
Les premiers Tenshu

Dessin du Tenshu de Kakegawa, in Japanese Castles (1540-1640), Stephen Turnbull

Les Daimyo étaient tenus de conserver les documents relatifs à l’édification de leurs chateau. Ce document apparait dans
le recueil des plans détaillés du château. La clarté du document est telle qu’elle a servit de support à la reconstruction au
XXème siècle du château. Ce dessin peut donc être daté de 1621 approximativement, date de reconstruction du château
sous les Tokugawa.
Il s’agit manifestement ici d’un petit Tenshu, bâti pour un seigneur bien moins puissant que le Shogun.
Un château japonais au XVIIè siècle

Source: Engelbert Kaempfer, Histoire naturelle, civile et ecclésiastique de l’Empire du Japon, P. Goss et J. Naulme, La
Haye, 1729, Tome 2, p130 Trad. en français sur la version anglaise par Jean-Gaspar Scheuchzer

Ce document recoupe les observation de Engelbert Kaempfer, un medecin et voyageur allemand qui a passé deux ans au
japon (1691-1693) où il a même l’occasion de rencontrer le Shogun par deux fois. Ces descriptions sont les plus détaillées
dont nous disposions pour cette époque. Pour le Japon, c’est une ère de paix, Engelbert, n’est donc que peu confronté à des
conflits internes et ce n’est pas l’aspect militaire qui est mis en avant.
Christian Kessler , Le Chateau et sa ville au Japon, Sudestasie, 1995
Cese châteaux sont datés du milieu du XVIè siècle
Ces deux documents donnent un aperçu de l’aspect architectural des Tenshu et mettent en avant la sophistica-
tion de tels bâtiments qui sont, à proprement parler, un empilement de plusieurs bâtiments les uns sur les autres,
comme autant d’étapes qui indiquent la puissance de son propriétaire.
Effet de l’apparition des armes à feu sur les techniques de
construction des chateaux

L’usage des armes à feu, et la réponse importante des tactiques défensives ont conduits à révolutionner
la construction des châteaux. Avant que les fortifications ne soient influencées par les armes à feu, les châteaux
était bâtis en terre et leurs murs, qui n’étaient guère plus haut que 3ou 4 mètres avaient des meurtrières à travers
lesquelles les flèches étaient tirées. Mais dès 1549, Ashikaga Yoshiteru, qui se faisait construire un château près de
Kyoto, ordonna que des pierres soient lacées entre les douves et le mur comme « protection contre les pistolets »

L’érection du château d’Azuchi en 1576 marque la première grande avancée dans l’architecture militaire
du XVIème siècle. Azuchi était située sur le lac Biwa, à un point stratégique des lignes de communication des
adversaires les plus puissants de Nobunaga. Le lieu choisi pour la forteresse était un promontoire, s’élevant
quelques 200 mètres au dessus du lac. Sur les cotés qui n’étaient pas bordé par le lac, de profondes douves
furent creusées. Les murs de pierre encerclant le château était d’une centaine de mètres de long et 25 mètres de
haut. A l’intérieur des murs, il y avait une tour centrale qui mesurait près de 40 mètres de longueur par 30 de
largeur et 30 de hauteur. Des artisans chinois étaient importés pour couvrir la structure de tuiles. A l’intérieur
du mur externe, il y avait quatre citadelles distinctes, l’une imbriquée dans l’autre. Les murs et douves séparant
les citadelles étaient irréguliers pour tromper les attaquants.

Par conséquent, Azuchi différa des autres châteaux grâce aux éléments suivant  : (1) des proportions
massives, (2) L’usage de la pierre comme matériau prépondérant, (3) l’érection d’une très haute tour centrale,
(4) l’irrégularité de la forteresse et (5) la localisation du château dans une plaine plutôt que dans une montagne
densément végétalisée. Les deux premières particularités étaient supposés apporter une protection contre des
armes plus destructrices, et les trois dernières étaient liées au changement d’échelle des méthodes guerrières. Les
tours et la localisation du château dans une plaine ouverte, permettaient une meilleure visibilité pour l’usage des
armes à feu, et l’adoption de citadelles internes donnèrent au défenseurs l’opportunité de s’appuyer sur le soutien
de ces armes derrière des position fortifiées, même après que l’ennemi ai pénétré les murs extérieurs du château.

De nombreux châteaux furent bâtis au Japon après qu’Azuchi fut construit, mais aucun ne surpassa la
forteresse de Nobunaga avant la construction du château d’Osaka en 1586. L’emprise de ce château mesurait plus
de deux kilomètres de long et 1,5 de large. Il s’élevait sur un remblai et était ceint par de profondes eaux courantes
sur les cotés nord et est. A l’ouest, des niveaux ouverts s’étendaient jusqu’à la mer. Les murs étaient épais de 6 à
7 mètres et étaient fait de pierres de granit massives qui pouvaient atteindre les dimensions astronomiques de 3
par 12 mètres. Les pierres étaient très soigneusement assemblées entre elles, rendant l’usage de mortier superflu.
Une douve de 7 mètres de fond entourant chaque citadelle, de telle façon que 3 douves devaient être franchies
avant d’arriver au centre de la forteresse. La tour de 8 étages, les portes et le toit de ces bâtiments étaient tous
couverts de plaques de métal. La pierre était utilisée dans l’essentielle des fondations.
La Grande taille et force du château d’Osaka était probablement le résultat en partie aussi d’une volonté de
démonstration de pouvoir de Hideyoshi, mais l’adoption récente de l’artillerie de siège en était indubitablement
un facteur essentiel.

Delmer M. Brown , The Far Eastern Quarterly, Vol. 7, No. 3, May, 1948, pp. 236-253

Avec l’arrivée des européens en Asie et au Japon, l’arme à feu apparait, cependant, elle ne se démocratise pas au Japon, l’ar-
tisanat local ne parvenant pas à reproduire avec qualité les pièces européennes. Pendant longtemps, la possession d’arme à
feu restera l’apannage des seigneurs les plus riches, et en premier rang le Shogun, seuls capables de se permettre l’acquisition
auprès de marchands étrangers de telles armes. Cela suffit cependant pour remettre en cause l’architecture traditionelle du
château de bois et de terre, extrèmement vulnérable face à, ne serait-ce qu’un seul canon.
Siège du château de Takamatsu par Hideyoshi (1582)

Estampe de l’époque d’Edo représentant le château de Takamatsu submergé par les eaux, Tokyo Metropolitan Bibliothèque centrale

Le siège de Takamatsu représente une phase particulièrement intéréssante de l’histoire militaire japonaise. Vers la fin du XVIème siècle en effet, les chateaux de plaine se
sont démocratisés,, et ceux ci étaient généralement des places très forts, dont certaines considérées comme imprenables. Les Japonais, très impatients par nature, et donc
peu habitués aux long sièges durent innover et trouver des methodes originales pour venir à bout des assiégés (les Mori) qui ne tiendrais surement de longs mois face
à une attaque rangée. Prenant avantage du terrain, Hideyoshi décida de construire une immense Digue autour du château puis fit détourner la rivière proche de telle
sorte que le château fut petit à petit innondé. Voyant l’eau monter et toute tentative pour détruire la digue ayant échouée, les Mori se rendirent queleques jours plus tard.
On peut aussi constater la présence de tours de siège, servant à l’observation du château, mais aussi comme plateforme de tir pour les régiments d’arquebusiers que pos-
sédait Hideyoshi.
La ville-Château

Christian Kessler , Le Chateau et sa ville au Japon, Sudestasie, 1995

Ce document permet de constater l’importance des défenses d’un château au début du XVIIème siècle. Il est important de
remarquer la grande surface occupée par les différentes enceintes comparativement aux dimensions du château (Le Tenshu)
en lui même.
Ce sont véritablement de gigantesques complexes qui ont vu le jour au Japon. Afin de rentabiliser l’espace, toutes les enceintes
se virent occupées, essentiellement par des militaires, et très peu de commercants ou de civils. Cette occupation apportait
aussi une défense supplémentaire au château qui était rendu très difficile d’accès à tout assiégeant.
De la ville-Château au jokamachi

Christian Kessler , Le Chateau et sa ville au Japon, Sudestasie, 1995

Ce document est en quelques sortes, l’évolution du document précédent, puisqu’on y retrouve la forteresse (cette fois de Sas-
ayama) prenant place dans un contexte urbain. C’est un chef d’oeuvre de l’art militaire japonais, et les Tokugawa donnèrent
beaucoup d’importance à la ville, à tel point qu’elle devint un centre politique. En centralisant le pouvoir, les shoguns ont
favorisé le développement d’une ville (plan orthogonal à la mode chinoise) tout autour du chateau, qui s’en vit encore mieux
protégé des ennemis.
Cette évolution permet l’apparition de Jokamachi, avec une typologie de hâteau Hirasanjô (peu différents des Hirajo comme
vu dans le premier document, mais situés sur une butte)
L’importance du complexe est notable, comparativement au château de Maruoka (ci contre) car les deux chateaux font sen-
siblement les mêmes dimensions.
Description du château d’Edo par un européen

Ce document est une nouvelle fois tiré des observation de Kaempfer. Il décrit cette fois sont voyage à Edo et s’attarde un long
moment sur la description de la ville qui l’a impressionné, et essentiellement du château.
Il s’agit bien évidemment de la demeure du Shogun, et non de l’Empereur que notre auteur semble confondre tout au long
du texte.

Il s’agit d’une des descriptions les plus précises dont nous disposions du chateau de l’époque, puisqu’il s’attarde sur de nom-
breux détails de construction et détails ornementaux.
Le château d’Edo est à l’époque le plus vaste et le plus grand chateau de tout le Japon, puiqu’il s’agit du château du Shogun
lui même. Les château est bien témoin de la puissance du pouvoir central à cette époque (1729) où le Shogun ne redoute plus
d’ennemis, ni à l’interieur, ni à l’exterieur. Il faut donc voir une partie de l’architecture décrite comme une manifestation de
la puissance du Shogun, et non comme des réponses militaires.
Source: Engelbert Kaempfer, Histoire naturelle, civile et ecclésiastique de l’Empire du Japon, P. Goss et J.
Naulme, La Haye, 1729, Tome 2, p230-232
Trad. en français sur la version anglaise par Jean-Gaspar Scheuchzer
Représentation du château d’Edo à la fin du XVIème siècle

Chateau d’Edo, jeu de six paravents, 17ème siècle.

Ce document permet de distinguer clairement l’ampleur du chateau d’Edo. Il est aisé d’y repérer le Tenshu, ainsi que les trois enceintes des grands chateaux japonais. La disposition des
murs, douves et accès à la ville y sont très clairement représentés même s’il s’agit ici d’une vue artistique (paravent).
On remarque dans cet exemple de Jokomachi, par ailleurs, que le château fait déjà partie d’un tissu urbain assez dense et développé. On notera aussi la remarquable ampleur du châ-
teau face à la ville, une nouvelle fois affirmation du pouvoir central.
Annexes
Deux textes de cet ensemble documentaire sont des textes en langue anglaise dont il n’existe, à ma connaissance,
aucune traduction. J’ai donc pris sur moi de les traduire en français. Cependant, cette traduction n’a rien d’officiel, c’est
pourquoi il m’est nécéssaire d’ajouter ici les textes originaux qui seront inévitablement plus fidèles que ma modeste tran-
scription. Les deux textes en question sont: “l’effet des armes à feu sur la construction des chateaux”, et “la Bataille du
Chateau d’Akasaka”

Effects of firearms upon castle construction


The use of firearms and the resultant emphasis upon defensive tactics operated to revolutionize castle
construction. Before fortifications were influenced by firearms castles were built of earth, and their walls,
which generally were no higher than ten feet. had loopholes through which arrows were shot.” But as early
as 1549 Ashikaga Yoshiteru, who was building a castle near Kyoto, ordered that stones be placed between the
moat and the wall “as protection against guns.”.

The erection of the Azuchi Castle in 1576 marks the first great advance in sixteenth-century military
architecture. Azuchi was located on lake Biwa at a strategic point on the lines of communication of Nobu-
naga’s most powerful adversaries. The site chosen for the fortress was a promontory rising six hundred feet
above the lake. On the sides that were not bounded by the lake, deep moats were cut. The stone wall enclos-
ing the castle was “several” thousand feet long and seventy feet high. Within the walls was a central tower.
which was about 120 feet long, 102 feet wide, and 96 feet high. Chinese artisans were imported to cover the
structures with tile. Within the outer wall there were four distinct citadels, one within another. The walls and
moats separating the citadels were irregular, to confuse the attacker.

Consequently, Azuchi differed from earlier castles because of the following features: (1) massive pro-
portions, (2) the use of stone as the prevailing building material, (3) the erection of a high central tower, (4)
the irregularly formed inner citadels, and (5) the location of the castle on a plain, rather than in densely vege-
tated mountains. The first two features were meant to provide protection against the more destructive weap-
ons, and the last three were related to the shift to long-range warfare. The towers and the location of the castle
upon the open plains afforded better visibility for the use of guns.” and the adoption of inner citadels gave the
defenders an opportunity to rely upon the use of gunfire behind fortified positions, even after the enemy had
broken through the outer walls of the castle.

Many castles were built in Japan after Azuchi was completed. but none surpassed Nobunaga’s fortress
until the Osaka Castle was constructed in 1586. The grounds of this castle measured a mile and one.half long
and a mile wide. It stood on elevated ground and was girded by deep running water on the north and east
sides. On the west, open level ground extended to the sea. The walls were from 18 to 21 feet thick and were
made of huge. granite stones that in some cases were 10 feet wide and 40 feet long. The stones were hued
carefully together, making the use of mortar unneces-sary. A moat 20 feet deep surrounded each citadel, so
that 3 moats were crossed before reaching the center of the fortress. The 8-storied tower, the gates and the
roofs of the buildings were all covered with sheets of iron. Stone was used in most of the substructure. The
greater size and Strenght of the Osaka Castle may have resulted, in part from Hideyoshi’s ostentatious display
of power, but the recent adoption of artillery in siege warfare was undoubtedly a contributing factor.
The Battle of Akasaka Castle

When these had passed beyond the Ishi River, they beheld the castle. Surely this was a stronghold
of hasty devising! The ditch was not a proper ditch, and there was but a single wooden wall, plastered over
with mud. Likewise in size the castle was not more than one hundred or two hundred yards around, with but
twenty or thirty towers within, made ready in haste. Of those who saw it, not one but thought: “Ah, what a
pitiable spectacle the enemy presents! Even if we were to hold this castle in one hand and throw, we would be
able to throw it![...]
Now by nature Masashige was a man who would “scheme in his tent to defeat an enemy a thousand
leagues distant”. Wherefore had he kept two hundred mighty archers within the castle, and had given three
hundred riders to his brother Shichirô and Wada Gorô Masato outside in the mountains.
Yet the attackers, all unwitting, rushed forward together to the banks of the ditch on the four sides, resolved
to bring down the castle in a single assault. Then from tower tops and windows the archers shot furiously
with arrowheads aligned together, smiting more than a thousand men in an instant. And greatly amazed, the
eastern warriors said: “No, no! From the look of things at this castle, it will never fall in a day or two. Let us
take time before going against it.[...]

They did not seek to attack the castle again quickly, but consulted ‘together and made a resolution,
saying: “Let us remain awhile in this place, that led by men acquainted with the homeprovinces we may cut
down trees on the mountains, burn houses, and guard thereby against warriors waiting in reserve to fall upon
us. Then may we attack the castle with tranquil spirits.”
Now Akasaka castle might not be attacked easily on the east, terraced rice fields extended far up the moun-
tainside. But on three sides the land was flat; likewise there was but a single ditch and wall. At last the attack-
ers laid hold of the wall on the four sides to climb over it, filled with excitement. But thereupon men within
the castle cut the ropes supporting that wall, all at the same time, for it was a double wall, built to let the
outside fall down. More than a thousand of the attackers became as though crushed by a weight, so that only
their eves moved as the defenders threw down logs and boulders onto them. And in this day’s fighting more
than seven hundred of them were slain. Although the enemy were no more than four or five hundred per-
sons shut up in a flatland castle not five hundredyards around, the hosts of the eight eastern provinces would
not attack them, but shamefully laid down a siege from a distance!’ […]

[The third time], all went down into the water of the ditch, laid hold upon the wall with grapnels, and
pulled at it. But when the wall was about to fall, those within the castle took ladles with handles ten or twenty
feet long, dipped up boiling water, and poured it onto them. The hot water passed through the holes in their
helmet tops, ran down from the edges of their shoulder-guards, and burned their bodies so grievously that
they fled panic-stricken, throwing down their shields and grapnels. Although no man of them was slain,
there were as many as two or three hundred persons who could not stand up from the burns on their hands
and feet, or who lay down with sick bodies.

So it was that whenever the attackers advanced with new devisings, those within the castle defended
against them with changed stratagems. Wherefore in consultation together the attackers said, From this time
on, let us starve them, for we can do no other.” They forbore utterly to do battle, but only built towers in their
camps, lined up obstacles, and laid down a siege.

Soon the warriors in the castle grew weary of spirit, since there was no diversion for them. Nor was
their food sufficient, since the battle having begun Kusunoki had built the castle in haste. The battle having
begun and the siege commenced, within twenty days the stores were eaten up; nor did food remain for more
than four or five days. Then Masashige spoke a word to his men, saying: “In divers battles of late have we
overreached the foe, whose slain are beyond counting, but these things are as nothing in the eyes of so might-
ly a host. Moreover, the astle’s food is eaten up, and no other warriors will come to deliver us.
L’ Évolution des châteaux et des techniques de siège au Japon entre les XIIème et XVIIème siècles

02.11.2015 Romain Caba

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