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La Transfiguration du Seigneur

Nous avons entendu le miracle de la Transfiguration du Seigneur. Les circonstances dans


lesquelles il s'est produit sont solennelles : c'était la dernière année du Christ, Jésus se
préparait à monter à Jérusalem après avoir prêché en Galilée, la lutte avec les pharisiens
était déjà déclarée et implacable ; le danger de mort était clairement visible et c'est
pourquoi Jésus-Christ s'empresse de faire et de dire les choses et les paroles les plus
décisives et définitives.

La transfiguration est le seul miracle privé de Jésus-Christ réalisé devant seulement trois des
apôtres : Pierre, Jacques et Jean. Pourquoi Jésus n'est-il transfiguré que devant ces trois
apôtres ? Parce que ces trois-là devaient apprendre la leçon de la croix et rectifier leur fausse
conception du Messie. Pierre avait protesté avec véhémence contre la croix ; Jacques et Jean
avaient convoité un trône dans le futur royaume des cieux sans passer par la croix. Jésus leur
dit donc qu'ils doivent d'abord boire la coupe, c'est-à-dire subir la croix. Ils ne comprenaient
aucun des mystères centraux. Ni la croix, ni la résurrection. Jésus leur montre qu'après la
souffrance vient la gloire. La révélation de la croix avait été énorme pour les pauvres
apôtres. C'est pourquoi ils devaient être fortifiés par ce petit avant-goût de la vie glorieuse.
Mais il y a une chose qu'ils n'ont pas comprise non plus, c'est la résurrection. Jusqu'au
moment où elle s'est accomplie, car ce sont les apôtres qui n'ont pas cru les femmes quand
elles leur ont dit que Jésus était ressuscité. En somme, Jésus voulait leur montrer le chemin
de la croix et la fin de la gloire, cette dernière par ce miracle.

Jésus a été transfiguré sur une montagne. L'Évangile nous parle de trois montagnes, celle de
la transfiguration, la montagne des béatitudes et le mont Calvaire. Toutes trois ont en
commun le mystère de la croix. Le mont des béatitudes a conduit Jésus à la croix, pour
s'opposer au monde, le mont de la transfiguration a montré ce qu'il y a derrière la croix et le
mont du Calvaire où ce mystère a eu lieu. Cette montagne était isolée et élevée selon
l'évangile. Si la tradition dit que c'est le Thabor où Jésus a été transfiguré, d'autres affirment,
en se fondant notamment sur les mots "haut et loin", qu'il s'agit du mont Hermon, une
haute montagne enneigée située à la frontière entre la Syrie et Israël, dans ce qu'on appelle
le "plateau du Golan". Car le Thabor n'est ni haut ni lointain. Il se trouve au milieu de la
Galilée, entouré de villages, et il est petit.

Sur cette montagne, les apôtres ont eu une vision, car la Transfiguration n'était que cela, une
vision imaginaire. Cela ne signifie pas qu'elle a été "imaginée" par les apôtres mais que Dieu
leur montre ce miracle dans leur imagination. Dans la Bible, il y a des visions corporelles et
des visions intellectuelles. Cette vision se situe entre les deux autres. L'Évangile dit qu'ils se
sont endormis. C'est précisément le rêve qui désigne dans l'Écriture les visions imaginaires,
comme celles de saint Joseph et celles de Daniel ou d'Ézéchiel. Il s'agissait d'une vision
imaginaire et non corporelle, car ce que Pierre et les deux frères ont vu, c'est le corps du
Christ percé de lumière et plein de joie et de beauté, quelque chose qui n'était pas encore
présent dans le Christ, et ils ont aussi vu le corps d'Elie et de Moïse, qui étaient déjà morts.
De quoi Jésus, Moïse et Élie parlaient-ils ? Ils parlaient de la Passion et de la Mort de Jésus.
Luc dit qu'ils parlaient de "l'exode" qui allait avoir lieu à Jérusalem. Ce terme désigne le
départ de ce monde par la passion et la résurrection. Le terme grec Exode, saint Jérôme dans
sa version latine de la Vulgate le traduit par « excessus », qui en latin signifie sortie mais
aussi " débordement ", "excessif". C'est donc la sortie de ce monde avec cet excès ou ce
débordement d'amour que Jésus nous a montré sur la Croix.

Pourquoi ces deux-là ? Parce que Moïse représente la Loi et Elie, les prophètes. En d'autres
termes, toute la révélation de l'Ancien Testament y était présente. Dieu voulait dire par là
qu'en Christ, et en particulier dans la Passion, tout l'A.T. était accompli. C'est dans ce but que
le Seigneur avait préparé son peuple, c'est dans ce but que les prophètes avaient prêché :
pour que vienne ce Messie souffrant qui, par sa passion, ôterait tous les péchés du monde.
Aussi pour manifester à ses apôtres les vertus de ces deux hommes de Dieu, parce qu'il n'y
en avait pas d'aussi humbles que Moïse et d'aussi zélés qu'Elie ; parce que plusieurs fois ils
se sont exposés à la mort pour les lois divines ; pour consoler Pierre et les autres qui
craignaient la mort.

Pierre, après cette expérience, prend la parole et s'exclame en extase : "Seigneur, comme
nous sommes bien ici. Installons-nous ici, faisons trois tentes pour vous trois". Il est curieux
de constater qu'au chapitre 5 de l'Apocalypse, où la scène se déroule déjà au ciel, les mêmes
éléments apparaissent : la tente, les vêtements brillants. Pierre, une semaine auparavant,
avait essayé de trouver un moyen de se glorifier sans la croix. Maintenant, il imagine que la
transfiguration est un bon raccourci vers le salut. C'était la deuxième fois que Pierre essayait
de dissuader le Seigneur d'abandonner la croix. Le Seigneur qui avait traité Pierre de "Satan",
parce qu'il voulait une couronne sans croix, lui pardonne maintenant ce sentiment trop
humain, car il comprend que Pierre "ne savait pas ce qu'il disait". Magnifiquement, saint
Damase feint un dialogue avec Pierre où il lui conseille : "Pierre, il n'est pas bon que le Christ
reste là ; car s'il était resté là, il n'aurait pas pu accomplir ce qu'il t'avait promis, tu n'aurais
pas pu obtenir les clés du Royaume des cieux, et la tyrannie de la mort n'aurait pas été
abolie. Pierre, ne cherche pas le bonheur avant le temps, comme Adam a cherché la
déification ».

Une nuée enveloppe Jésus, Moïse et Élie. Dans la pensée juive, la présence de Dieu était
régulièrement associée à une nuée. C'est dans une nuée que Moïse a rencontré Dieu. C'est
dans une nuée que Dieu est venu au Tabernacle. C'est une nuée qui remplissait le Temple
que Salomon avait construit lors de sa dédicace. Et les Juifs rêvaient qu'à la venue du Messie,
la nuée de la présence de Dieu reviendrait dans le Temple. Le fait qu'une nuée soit
descendue était une façon de dire que le Messie était venu, et c'est ainsi que tout juif le
comprendrait. Mais aussi, lorsque Dieu fait apparaître une nuée, c'est pour montrer qu'il y a
des limites que l'homme n'a pas le droit de franchir.

Une voix sort de la nuée lumineuse en disant : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ".
C'est la voix du Père qui proclame la divinité de Jésus-Christ et son infini bon plaisir. Cette
voix du Père a été entendue à deux reprises : au baptême de Jésus et à sa transfiguration.
Pour que nous comprenions que ce qui commence au baptême culmine au ciel, dont le signe
est la transfiguration. Dieu a parlé par l'intermédiaire d'un ange. Lorsque Dieu a parlé à
Moïse sur le Sinaï, c'était aussi par un ange ; saint Paul l'enseigne expressément. Trois fois
Dieu a parlé, à Adam, à Moïse, à Pierre : mais ce fut la définitive, après laquelle il n'y a plus
d'autre voix.

Sainte Thérèse dit que les visions imaginaires produisent la peur, tout comme les Évangiles
disent ici : " ils ont eu une grande crainte ". Les Trois se sont tombés par terre lorsqu'ils on vu
un grand nuage brillant (l'image de la foi, qui est à la fois sombre et lumineuse) descendre
sur le Christ.

Cette vision glorieuse avait gravé dans le cœur de ces trois apôtres un souvenir indélébile :
Saint Jean y fait visiblement allusion au début de son Évangile par ces mots : " nous avons vu
sa gloire, une gloire comme celle du seul enfant du Père ". Saint Pierre y fait sommairement
référence dans sa deuxième lettre : " car nous avons été témoins oculaires de sa majesté ".
Et nous avons entendu cette voix venant du ciel lorsque nous étions avec lui sur la montagne
sainte".

En descendant de la montagne, il leur ordonna un silence absolu... Jésus voulait que cela
reste secret jusqu'à ce qu'il ne souffre et ne ressuscite pas, afin de ne pas ternir ce mystère
central. Ils ne devaient pas se laisser emporter par cet avant-goût et le prendre pour
définitif. D'ailleurs, à cause de leur incompréhension générale, ils diraient n'importe quoi.
Jésus, qui les connaissait bien, leur imposa ce silence et ils l’ont gardé fidèlement. Même
dans le cercle des apôtres.

Nous montons aujourd'hui sur cette montagne pour trouver dans ce mystère de la
Transfiguration une force face aux souffrances de nos vies. Il est nécessaire de les traverser,
mais ensuite la gloire, le ciel, la joie ultime nous attendent. La souffrance n'a de sens que si
Jésus en est le protagoniste et si le mystère de la Transfiguration est derrière elle.

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