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Printemps
Le petit Arthur ouvre la porte du pressoir, qui grince aigrement, et pénètre dans le
vaste bâtiment, éclairé par une seule lucarne.
Il a besoin d'un arrosoir, et se dirige donc vers le recoin où sont rangés les outils
de jardinage.
Soudain, frrrttt! frrrttt! il entend, derrière son dos, un étrange froufrou. Il sursaute
et se retourne vivement.
— Tiens! s'écrie-t-il. «Elle» m'a encore suivi !
— Qui? demande sa petite sœur Charlotte, qui trottine derrière lui.
— «Elle», l'hirondelle! répond Arthur. Chaque fois que je viens ici, elle entre
avec moi : c'est bizarre !
— Comme elle est mignonne! chuchote la petite Charlotte, en apercevant l'oiseau
mince et gracieux, avec ses longues ailes bleues-noires, et sa queue effilée, joliment
fourchue.

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— Bon! N'oublions pas mon arrosoir... reprend Arthur. Je veux verser de l'eau
sur le tas de sable, pour construire plus facilement des routes, où je ferai rouler mes
petites voitures.
— Oh! Oui, oui! Bonne idée! approuve Charlotte. Moi aussi !
Et elle s'empare d'un seau.
Les deux enfants sortent, oublient l'oiseau, s'amusent avec leur montagne de
sable, bâtissent, creusent, modèlent, aménagent, inventent, créent de nouveaux paysages,
et décident soudain d'aller chercher leurs petites brouettes.
Frrrttt ! Frrrttt ! La mystérieuse hirondelle se faufile à l'intérieur du pressoir, en
même temps qu'eux.
— Tu vois ! C'est encore la même ! constate Arthur.
— Oh! Cette fois, elle tient une longue herbe dans son bec, remarque Charlotte.
— C'est vrai... dit Arthur, songeur. Je me demande pourquoi...
Il saisit sa brouette, ressort, ferme la porte.
— Arthur, regarde ! lui crie sa sœur. Voilà l'hirondelle qui tourne en rond,
comme une toupie ! La pauvre ! Elle va avoir le tournis !

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En effet, l'oiseau décrit des cercles et des ovales devant la porte.
— Je comprends! Je comprends tout ! s'exclame brusquement Arthur, en lâchant
d'un coup les bras de sa brouette.
Charlotte regarde son frère, les yeux ronds d'étonnement.
— Oui, oui, tu te souviens, l'année dernière, une hirondelle avait construit son nid
dans le pressoir.
Elle pouvait y entrer facilement, à sa guise, chaque fois qu'elle le désirait, car il y
avait un grand trou dans la porte, tout un morceau de bois qui manquait...
Mais Papa a réparé la porte pendant les vacances de Noël... Je suis sûr qu'il s'agit
de la même hirondelle. Elle est revenue à l'approche du printemps.
— Oui, oui, je la reconnais ! déclare Charlotte, l'air important.
— Comme elle ne peut plus entrer dans le pressoir, continue Arthur, elle guette
les moments où nous y allons, pour s'y glisser malgré tout...
— Arthur, tu es un vrai détective ! dit Charlotte, pleine d'admiration. Mais, au
fait, il faut absolument aider cette pauvre hirondelle, il faut laisser la porte ouverte, pour
qu'elle puisse aller et venir, entrer et sortir selon sa fantaisie...
Les deux enfants bloquent la porte du pressoir avec une grosse pierre. Désormais,
elle reste entrebâillée. L'hirondelle ne rencontre plus d'obstacle : elle peut effectuer
librement ses petits voyages aller-retour ! Alors, au fil des jours, Arthur et Charlotte
assistent à la construction de son nid.
Il s'agrandit. Il s'approfondit. Il se solidifie...
Et il embellit !
L'hirondelle l'a placé au même endroit que l'année précédente, c'est-à-dire très
haut, accroché à une poutre du pressoir.
Elle a utilisé, pour le bâtir, de la paille et de la boue séchée. Puis elle
y a pondu ses œufs, les a couvés patiemment, et, un beau jour, Arthur et Charlotte
ont entendu des petits piaillements aigus et ont aperçu, pointant au bord du nid, des becs
grand ouverts !
— Un, deux, trois, quatre ! Il y en a quatre ! murmure Arthur, caché dans un coin
du pressoir, pour ne pas effrayer la couvée.
— Non ! Il y en a cinq ! corrige Charlotte, qui a des yeux perçants.
— Chut ! Ne parle pas trop fort ! gronde son frère. Tu vas faire fuir la maman
hirondelle...
Et ce n'est pas du tout le moment, car elle doit nourrir sa nombreuse famille, et
c'est un travail incessant ! Ils ont toujours faim, ces bébés hirondelles, et, comme ils ne
mangent que des insectes, leur maman passe son temps à voler à tire-d'aile, aux quatre
bouts du jardin, en rase-mottes, en piqué, en chandelle, pour happer au vol mouches,
moucherons et moustiques variés ! Puis elle revient en flèche, s'accroche, avec ses petites
pattes, sur le côté du nid et donne la becquée aux cinq oisillons...
Arthur et Charlotte sont complètement charmés d'assister à ces repas animés. Ils
ont le sentiment que c'est grâce à eux que cette jolie petite famille a vu le jour, et ils
aiment chaque matin d'avantage leur hirondelle du printemps...

7
21 mars

Les premières primevères

Ce matin, les rayons du soleil brillent plus gaiement que d'habitude. Ils chauffent les
pentes de la montagne, la neige fond, l'herbe reverdit...
Le merle des roches prend son élan et monte vers le ciel, très haut, très haut... L'air pur
glisse sur ses délicates plumes bleues et rouges. Bientôt, il se pose sur une pierre et contemple la
prairie : — Des primevères, des primevères! siffle-t-il joyeusement. Le printemps est arrivé !
Tout heureux, il va boire les gouttes de rosée, qui ornent les pétales fraîchement épanouis.

8
22 mars

Un lièvre changeant...

Hop ! Hop ! Hop ! Trois bonds, et voilà un jeune lièvre joufflu qui sort de son terrier,
caché sous les racines d'un sapin.
Comme il est comique, ce petit montagnard ! Il ne ressemble pas du tout à ses cousins des
plaines! Au lieu d'être brun, son pelage est blanc ivoire, parsemé de petites taches grises.
Regardez : il se confond avec la prairie où, par endroits, la neige qui fond laisse apparaître des
plaques de terre grisâtres. C'est pour cette raison que ce lièvre s'appelle : lièvre variable, c'est-à-
dire changeant.
(Donnons-lui rendez-vous à chaque saison : vous verrez qu'il nous réservera d'autres
surprises !)
Pour l'instant, il se promène sur la neige; pour ne pas glisser, il écarte bien les doigts de
ses pattes. Il s'arrête un instant, hume le vent tiède, agite ses oreilles bordées de noir, et soudain, à
quelques pas, aperçoit une touffe de crocus, des crocus tout neufs, bleu foncé, brillants de soleil !
Quelle aubaine, après ce long hiver interminable, où il n'avait que des morceaux d'écorce
à se mettre sous la dent !
Cric ! Croc ! Il n'en fait qu'une bouchée, notre petit gourmand !

9
23 mars

Mille fleurs !

Au début de l'après-midi, Anne est montée avec sa grand-mère sur l'al page. Elles ont
gravi le sentier pierreux et, après une demi-heure de marche, ont atteint une prairie ensoleillée.
Toute la neige a disparu !
A la place, ont surgi mille fleurs aux couleurs radieuses !
— Oh! Comme j'aimerais les cueillir ! s'écrie la petite Anne.
— Non, ce serait dommage, observe sa grand-mère. Elles se faneraient trop vite. Par
contre, je te donnerai un dessin fait par ton grand-père, en souvenir de ces fleurs.

10
24 mars

Les marmottes dorment encore...

La prairie, nouvellement fleurie, paraît déserte et silencieuse, comme assoupie.


C'est tout simplement que ses habitantes, les marmottes, dorment encore !
Elles dorment depuis l'automne, au fond de leur terrier bien chaud, pelotonnées
les unes contre les autres, dans un dortoir tapissé d'herbes douces. Pour atteindre cette
chambre, elles sont descendues tout au bout d'un long couloir d'une dizaine de mètres,
dont l'entrée est fermée par un bouchon de pierres et de terre. Aucune crainte à avoir :
elles sont parfaitement à l'abri du froid, et personne ne les dérangera...
Pendant cet interminable sommeil, nos petites marmottes ne bougent presque pas.
(Elles se lèvent juste cinq ou six fois, pour aller, dans une chambre voisine, qui leur sert
de toilettes, et puis, bien vite, se rendorment !) Durant leur longue nuit, elles respirent très
doucement, au ralenti, et maigrissent sans s'en rendre compte.
Dès que l'air sera plus chaud, les rayons du soleil plus ardents, les marmottes
sortiront de leur trou et feront de merveilleux déjeuners de fleurs !
Nous reviendrons les voir alors !

11
25 mars

Le petit sapin

Le jeune sapin s'agrippe à un rocher, au bord du torrent. Il est tout jeune ! Comme
ses aiguilles sont brillantes, lisses, vernissées, d'un vert joyeux !
L'arbuste a passé l'hiver sous une capuche de neige, dans un silence presque
triste : aucune visite, aucune surprise...
Or voilà que depuis quelques jours, une chaleur insolite a fait fondre son mantelet
blanc; des souffles tièdes caressent ses branches, et son voisin le torrent, qui se tenait très
sage, sous une jolie et fine carapace de glace, a brusquement brisé ce corset rigide, et puis
s'est mis à chanter et à bondir comme un fou !
Il tourbillonne sur les pierres, éclabousse avec malice les racines du petit sapin,
cabriole et crie à tue-tête : — Glou-Glou! Ah! La belle journée ! Vive le printemps !
C'est un spectacle fascinant.
Et puis il y a une ravissante mésange qui vient à tout moment, pour un oui, pour
un non, se percher sur la plus haute branche du jeune sapin. Commencent alors une
gracieuse partie de balançoire, et des chansons à n'en plus finir !
Que c'est amusant : une vraie fête !

12
26 mars

Un voisin très bruyant

— Tap ! Tap ! Tap ! Toc ! Toc ! Toc !


— Voilà qu'il recommence ! soupire le pinson, occupé à construire son nid, trois
branches plus bas.
— Il ne cessera donc jamais ! se plaint la bergeronnette, qui tapisse de feuilles
sèches une fente du vieux mur.
«Il», c'est le pic-vert, ce gros oiseau vert, coiffé d'une calotte de plumes rouge vif.
A l'aide de son long bec robuste, il creuse un trou dans le tronc du chêne, au fond du
jardin. C'est là qu'il a décidé d'installer sa future nichée. Alors, toc ! Toc ! Toc !
Il cogne ! Tap ! Tap ! Tap ! Il tambourine !
— Moi, je ne fais pas de bruit, proteste le pinson, et pourtant, mon nid sera
réussi!
— Moi non plus, on ne m'entend pas, renchérit la bergeronnette, et cependant, ma
maisonnette sera parfaite !
Il se fait un grand silence, tout à coup ! Le pic-vert aurait-il terminé ses travaux de
forage ?
Oui ! Mais maintenant il doit chercher son déjeuner et, pour cela, tap ! Tap ! Tap !
Il frappe à nouveau l'écorce de l'arbre, afin de déloger les insectes et les larves, qui
composent son menu ! Quel voisin bruyant !

13
27 mars

Du calme les petits pierrots !


Charlotte étudie sa leçon de géographie dans sa chambre. Mais, soudain, elle est
distraite par des cris, des babillages, des piaillements, tout un tapage sur le toit ! Elle
ouvre sa fenêtre et aperçoit, dans sa gouttière, une demi-douzaine de moineaux, les
plumes en bataille, qui s'égosillent à qui mieux mieux, se bousculent, s'agitent, se
pourchassent, s'interpellent ! On dirait qu'ils veulent tous se percher au même endroit !
« Du calme, les petits pierrots ! Il y a de la place pour tout le monde dans ma
gouttière ! »

14
28 mars

Merci Monsieur le Merle !

«Merci, Monsieur le Merle, d'avoir réveillé mon jardin ! »


Voilà ce que pense Arthur, en ouvrant sa fenêtre, ce matin.
Derrière le volet de bois, il a reconnu son joyeux sifflement, si clair, si malicieux,
qui donne envie de se lever immédiatement !
A présent, il voit l'oiseau familier sautiller sur la pelouse, devant la maison.
Comme son petit bec jaune vif brille gaiement contre son plumage noir bien lustré !
Rien de plus agréable, après le long silence de l'hiver que d'être à nouveau tiré de
son sommeil par cette petite voix moqueuse !
Tiens ! tiens ! Notre merle n'est pas seul: il est accompagné d'une gracieuse
merlette, toute de brun vêtue, qui tient, serré dans son bec, un long brin d'herbe...
— J'ai compris! J'ai compris! s'écrie Arthur. Ils vont construire leur nid...
Le jeune garçon sait que les merles utilisent des herbes et de la boue, pour bâtir, à
la fourche d'un arbre, la maison de leurs petits...
«Merci, Monsieur le Merle, de redonner vie à mon jardin ! »

15
29 mars

Dans la boîte aux lettres

Lorsque Claire arrive à la campagne, le samedi matin, savez-vous ce qu'elle fait


en premier ?
Avant même de pousser le portail, pour permettre à la voiture de ses parents
d'entrer dans le jardin, elle ouvre la boîte aux lettres. Elle aime tant recevoir du courrier,
qu'elle espère toujours apercevoir une enveloppe, en soulevant le léger couvercle de
bois... Ce jour-là, comme d'habitude, Claire s'empresse d'inspecter la boîte. Et pousse un
grand cri !
— Maman, il y a des oiseaux dans la boîte aux lettres !
Maman accourt, jette un coup d'œil et reconnaît vite, à leur petite calotte noire, à
leur habit jaune et bleu, des mésanges charbonnières.
— Eh bien, elles ont décidé d'installer leur nid ici, déclaire gaiement Maman. Il
n'est pas question de les déloger. Tu préviendras le facteur : il n'aura qu'à déposer le
courrier sur le muret. Quant à toi, si tu es discrète, tu pourras observer l'éclosion de la
nouvelle petite famille...
Que de surprises en perspective !
Claire est beaucoup plus excitée que si elle avait reçu deux douzaines de lettres !

16
30 mars

Devinette

Pourquoi le chardonneret porte-il ce nom?


— Parce qu'il a la même teinte que le chardon?
— Non ! Regardez : les chardons sont violacés, tandis que notre oiseau est paré
de couleurs brillantes : jaune, orange, rouge, fauve...
— Parce qu'il mange des chardons?
— Non, mais c'est presque la bonne réponse ! Parce qu'il recherche leurs graines
duveteuses, pour en tapisser l'intérieur de son nid, afin de le rendre parfaitement
douillet...

17
31 mars

Léger comme une plume...

Admirez cette précieuse couronne de plumes orange et noir, voyez cet élégant
manteau d'une belle teinte vert olive, et vous comprendrez aisément pourquoi ce
minuscule oiseau s'appelle : « Roitelet ».
Il est un véritable « petit roi » ! Toujours très actif, très remuant, avec une bonne
petite voix autoritaire et perçante : « Zii, zii, zii ! »
Par contre, ce qui est plus difficile à comprendre, c'est comment il réussit à
fabriquer son nid.
Avec de la mousse, il façonne une petite sacoche ronde, qu'il suspend à
une branche de sapin. Comment tient-elle ?
— Parce que le roitelet est léger, léger comme une plume ? Et que son faible
poids incline à peine le bout de la branche ?
— Oui, c'est en partie vrai. Mais il y a une autre raison, un secret même...
Pour soutenir son nid, et assurer son équilibre, le roitelet le fixe à la branche à
l'aide de toiles d'araignées.
Elle est ingénieuse, n'est-ce pas, cette invention de l'habile «petit roi » ?

18
1er avril

D'où viens-tu, petit poisson rouge ?

Posté devant le grand bocal transparent, Matthieu observe attentivement son


poisson rouge. Il ne se lasse pas de le voir tourner en rond, frôler les parois, monter à la
surface, faire quelques bulles, tourner encore, avant de replonger vers le fond, et de se
reposer sur les graviers blancs, agitant gracieusement ses nageoires translucides, sa queue
si souple...
— D'où viens-tu, petit poisson rouge? demande soudain Matthieu, en cognant
avec son doigt contre le bocal. Le poisson sursaute, mais ne répond pas, vous vous en
doutez !

19
2 avril

Coccinelle se réveille !

Le soleil de midi tape joyeusement aux carreaux de la chambre. Qu'il fait chaud,
tout à coup, dans la petite pièce où Aline joue avec ses poupées!
C'est délicieux, cette tiédeur nouvelle, cette lumière revenue ! Tellement délicieux
qu'une petite coccinelle, qui dormait dans un pli du rideau, se réveille subitement !
C'est le soleil qui la tire de son long sommeil, comme le Prince Charmant, la Belle
au Bois Dormant... Elle dormait depuis l'automne, la petite coccinelle, bien cachée dans
un creux de l'étoffe moelleuse, complètement engourdie, et tellement immobile, qu'on
aurait pu la croire morte.
Mais avec la chaleur, peu à peu, elle reprend vie : elle agite ses minuscules pattes,
remue ses antennes et, en avant, part à l'aventure, droit devant elle, petite pastille rouge
vif sur le bleu pâle du tissu !
— Oh ! Une coccinelle ! s'écrie tout à coup Aline, qui se précipite à la fenêtre.
Elle examine avec ravissement le petit insecte, sa carapace vermillon, bombée et vernie,
décorée de jolis points noirs.
— Quelle chance ! dit-elle encore. La coccinelle porte bonheur !

20
3 avril

Le cadeau du printemps

Comme par magie, la magie du printemps, le petit jardin de Laure s'est transformé
en bouquet, un merveilleux bouquet de toutes les couleurs ! Il y a quelques semaines
encore, ce n'était qu'une bande de terre brune, plate et nue.
Regardez-le, aujourd'hui : entièrement décoré d'une collection de fleurs, qui se
tiennent bien droites, et qui dressent fièrement vers le ciel leurs pétales ou leurs
clochettes !
Il y a des narcisses et des jonquilles d'un jaune très frais, des jacinthes toutes
bleues et toutes roses, des tulipes éclatantes, rouges, rosés, blanches, jaunes aussi...
Voulez-vous connaître le secret de cette apparition? A l'automne, la petite Laure,
aidée par sa maman, avait enfoui dans la terre des bulbes, c'est-à-dire des gros oignons à
fleurs. Elle avait creusé pour chacun un petit trou, l'y avait déposé et, ensuite, l'avait
recouvert d'une poignée de terre. Ces oignons ont dormi tout l'hiver, puis, au printemps,
des pousses vertes ont pointé à la surface, et puis les tiges ont grandi et les fleurs,
soudain, se sont épanouies !
Laure bat des mains devant cet extraordinaire cadeau du printemps !

21
4 avril

Mon ruban s'est envolé !

— Je ne trouve plus mon ruban vert ! s'exclame Claire.


— Cherche un peu... conseille Maman.
— Il a disparu, disparu! C'est incompréhensible !
— Voyons, voyons, calme-toi! Pourquoi te mettre dans un tel état ?
— Parce qu'il y a un mystère ! J'avais posé mon ruban sur cette table, il y a cinq
minutes et il a disparu !
— Tu te trompes peut-être... tente d'insinuer Maman. Tu crois l'avoir mis sur
cette table, et, en fait, tu l'as
laissé dans ta chambre...
— Non, non, je sais très bien : je l'ai posé ici, sous le tilleul; puis je suis partie
cinq minutes, pour prendre un livre. Quand je suis revenue, plus de ruban !
— C'est vraiment bizarre : à t'entendre, on croirait que ton ruban s'est envolé !
Maman ne pensait pas si bien dire : le ruban vert s'était bel et bien envolé !
Comment ? Dans le bec d'un petit pinson, tout simplement !

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Monsieur l'oiseau a repéré ce morceau de velours qui paraissait si doux, et il s'est
empressé de le subtiliser, non pas pour le nouer sur sa tête, mais pour en tapisser son nid.

5 avril

La surprise de « Crème à la Vanille »

Un heureux événement s'est produit hier dans la cuisine de Madame Verdurin. Sa


chatte, «Crème à la Vanille» a mis au monde trois adorables chatons !
Apprenant la nouvelle, Charlotte n'a plus qu'une idée en tête : aller leur faire
visite!
Vite, vite, elle court frapper à la porte de la maison voisine.
— Bonjour, Madame, est-ce que je peux voir les petits chats ?
— Bien sûr, ma petite Charlotte.
— Oh ! Qu'ils sont mignons ! s'exclame la petite fille toute attendrie, en
découvrant les trois nouveau-nés, qui dorment paisiblement, pelotonnés les uns contre les
autres, auprès de leur maman, dans une confortable corbeille en osier. L'un des chatons
est gris rayé; l'autre, blanc tacheté de roux et de noir, le troisième, d'un beau caramel
uni...
— Je peux les caresser ?

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— Non : leur maman aurait peur que tu veuilles leur faire du mal, elle risquerait
de te griffer... Tu les caresseras quand ils seront un peu plus grands... Et même, si ta
maman le permet, je t'en donnerai un !
— Un chaton pour moi ?! ! ! s'écrie Charlotte, qui n'en croit pas ses oreilles, mais
ce serait un rêve...

6 avril

Les fiançailles du lièvre

C'est jour de fête !


L'aube est toute rosé, et les hautes herbes de la prairie toutes brillantes de gouttes de
rosée... De jeunes pousses vertes tendres égaient les vastes champs cultivés; dans les potagers, les
bouquets de persil se multiplient, et les prés sont parsemés de pâquerettes.
C'est jour de fête !
Les arbres du petit bois ont revêtu des feuillages nouveaux, les buissons et les taillis se
couvrent de bourgeons, la brise murmure des refrains guillerets, l'air est doux, parfumé...
C'est jour de fête !
Les alouettes chantent à tue-tête, tirlili, tirlili, les coqs, dans le lointain, poussent de
joyeux cocorico ! A la cime d'un tilleul, des pigeons roucoulent tendrement...
C'est jour de fête !
C'est jour de fête, car le beau lièvre du bois des châtaigniers, et la charmante hase (l) de la
sapinière ont décidé de se fiancer! Et, pour exprimer leur joie, ils font, l'un et l'autre, les culbutes

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les plus folles et les plus rapides, les plus gracieuses et les plus fantaisistes que vous puissiez
imaginer !
(1) Hase : demoiselle lièvre.

7 avril

Je vous présente le mulot !

Le soleil s'est couché; l'ombre commence à envahir le petit bois. Dans les nids, les chants
se sont tus; les oiseaux ébouriffent leurs plumes et se préparent à dormir...
Mais tous les habitants du bois n'ont pas envie de se reposer, bien au contraire! Certains
même attendent justement que la nuit soit tombée pour mettre leur museau dehors... Le mulot, par
exemple !
Le mulot? Vous ne le connaissez pas?
Je vous le présente : regardez-le bien ! Il a de grandes oreilles arrondies, de gros yeux vifs
et brillants, comme des petites boules de verre noires, un museau allongé, orné d'une élégante
moustache; son pelage est brun, gris, ses pattes, gantées de blanc, sa queue, très longue, très
mince, et bicolore : foncée dessus, claire dessous. Bref, on dirait, en plus gros, une souris des bois
!
Dès qu'il fait sombre, il quitte son nid d'herbes sèches, sort de son terrier, et, hop ! hop !
hop ! à grands bonds s'élance sur le chemin, qui mène à la clairière.

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L'herbe sent bon, la terre est tiède sous ses pattes; hop! hop! hop! Il saute prestement,
avec grâce et légèreté...

8 avril

A la prochaine fois, Monsieur Blaireau !

Un froissement de feuilles réveille le rouge-gorge, qui dormait en boule, au creux


du buisson d'aubépines. Il sort sa tête de ses plumes et regarde autour de lui : c'est le petit
matin, déjà, et il fait presque clair dans le bois.
Le petit oiseau aperçoit alors, entre les fougères, Monsieur Blaireau qui rentre de
sa randonnée nocturne. Il trotte lourdement sur le sentier, plof, plof, et puis, tout à coup,
d'un bond puissant, disparaît dans son terrier... A la prochaine fois, Monsieur Blaireau !

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9 avril

Les écureuils emménagent...

Bonne nouvelle ! Les écureuils ont trouvés un logement tout en haut du grand
sapin. C'est un ancien nid de corneilles (1), abandonné depuis plusieurs mois. Il est très
bien situé : au bon air, au calme et au soleil !
Monsieur et Madame Écureuil ont aussitôt entrepris quelques réparations.
D'abord, ils l'ont consolidé à l'aide de branchettes, et ils lui ont donné la forme d'une
boule. Puis ils l'ont tapissé avec de fines lanières d'écorce, pour supprimer les courants
d'air; et ils ont ajouté de la mousse très douce, qui le rendra bien chaud et confortable.

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Afin d'entrer commodément dans cette nouvelle maison, Monsieur Écureuil a
laissé une ouverture, sur le côté du nid. Il a prévu également une sortie, de l'autre côté,
pour fuir rapidement en cas de danger (si, par hasard, il prenait à la belette l'envie de
venir les pourchasser jusque dans leur demeure...). Il faut toujours être bien prudent...
Voilà, tout est prêt ! Ce n'est pas uniquement pour eux que les écureuils ont
arrangé ce nid magnifique, mais, vous l'avez deviné, pour accueillir leur future famille.

(1) Corneille : oiseau du genre corbeau.

10 avril

Les lapins « bondisseurs »

Dès que la lune est apparue dans le ciel, les sept petits lapins ont quitté leur
terrier, sous les racines du vieux chêne, et ils se sont précipités, hop ! hop ! hop ! hop !
hop ! hop ! hop ! vers la prairie, toute éclairée par les rayons blancs. La hulotte les a vu
passer, tels des petits bolides.
Maintenant, ils gambadent dans l'herbe parfumée, ils font des pirouettes et des
cabrioles, et surtout, ils bondissent et rebondissent, dans tous les sens, comme des petites
balles en caoutchouc ! Ont-ils des petits ressorts sous leurs pattes ?

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11 avril

Des taupinières à la pelle !

— Oh ! Encore une taupinière ! s'exclame Matthieu, indigné. « Elle » exagère :


c'est la treizième qu'elle installe sur notre gazon ! Ne s'arrêtera-t-elle donc jamais ?
Eh non ! Car elle est infatigable, la petite taupe. Elle creuse jour et nuit, à toute
vitesse, utilisant ses larges mains comme des pelles et rejetant, avec ses pattes arrière,
toute la terre qui l'embarrasse.
Ce n'est pas pour abîmer le jardin de Matthieu qu'elle travaille ainsi, mais pour
trouver des vers de terre, car elle a toujours très, très faim !

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12 avril

Sous une feuille de laitue...

Dans le potager, les jeunes laitues prospèrent : elles s'arrondissent au soleil et


déploient avec coquetterie leurs larges feuilles d'un vert ravissant. Trois papillons
volettent légèrement au-dessus de ces paisibles légumes...
Comme tout est calme !
Calme?
En apparence seulement...
Soulevons, du bout du doigt, une feuille de laitue.

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Quelle agitation, tout à coup !
Il y a tant de monde rassemblé sous cette jolie tente :
— Il y a un jeune escargot, à la coquille jaune rayée de gris, qui étire ses cornes
en tous sens.
— Il y a une mouche bleue, fort occupée à astiquer l'une contre l'autre ses pattes
duveteuses.
— Il y a cinq fourmis, qui transportent des graines orange.
— Il y a un gros ver de terre, qui fait sa gymnastique.
— Il y a une araignée qui court, qui court, comme si elle était en retard !
— Il y a un scarabée doré qui fait des culbutes sur le sol.
— Et il y a sept pucerons verts, qui escaladent hardiment les nervures de la
feuille de laitue...
... toute une foule, vous le voyez !

13 avril

Je m'appelle campagnol

«Je m'appelle campagne/, ce qui veut dire : campagnard.


En effet, je porte un habit très simple, gris et jaune, et j'habite au milieu des
champs. J'ai creusé au moins six trous, pour rejoindre mon terrier, et d'innombrables
couloirs !
Je circule beaucoup, je cours bien et je nage à la perfection ! Par contre, je ne sais
pas très bien grimper... J'apprécie la chaleur, je déteste la pluie, j'aime les familles

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nombreuses... Je vous dis aussi que j'ai très bon appétit; mais cela, c'est une autre
histoire...»

14 avril

Le tas de pierres...

— Ce tas de pierres n'est pas très beau, déclare Papa, en montrant, au bout de la
pelouse, un amas de gros cailloux disparates.
— Je peux les enlever ! propose Matthieu.
— Ce sera trop lourd pour toi, objecte Papa.
— Non, non, je les prendrai une à une, je les mettrai dans ma brouette, et je les
transporterai au bord du chemin, crie Matthieu, enchanté à la perspective de ce remue-
ménage.
— Bon, bon, accepte Papa. D'accord pour le déménagement...

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Matthieu, aussitôt, court chercher sa brouette et se met à l'œuvre. Il la charge, ho-
hisse, ho-hisse, la coltine jusqu'à la route, revient, recommence, l'air important et satisfait.
Tout à coup, en retirant une pierre plate, il découvre... un gros crapaud brun, qui
le regarde fixement de son œil globuleux.
— Ah!... Ah!... bafouille Matthieu, complètement éberlué.
Une fois revenu de sa surprise, il court prévenir son papa, explique que le tas de
pierres est habité, qu'il faut arrêter les travaux de déblaiement... Puis il remet la pierre
plate exactement à sa place. Pour l'instant, le crapaud gardera sa maison !

15

Chut!Voilà les hérissons !

Arthur et Charlotte sont aux aguets derrière la fenêtre de la cuisine : comme


chaque soir, depuis une semaine, ils ont déposé, juste à côté de la porte, une soucoupe
remplie de lait. Ils espèrent qu'un hérisson viendra y goûter...
Leur grand cousin Pierre leur a affirmé que les hérissons étaient très friands de
lait. Il leur a dit aussi : — Avec ce tas de bois, là-bas, près du mur du verger, et ce
chèvrefeuille touffu, je suis certain que vous abritez, sans le savoir, un magnifique
hérisson dans votre jardin ! Ce charmant animal aime s'installer dans un endroit
tranquille, où il peut à la fois se cacher et trouver de bons petits insectes à croquer : tas de
feuilles ou tas de bois, broussailles ou buissons lui semblent des maisons idéales...

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Arthur et Charlotte ont écouté avec attention, et maintenant, ils attendent
patiemment...
Soudain, dans l'ombre, se dessinent une, et puis, deux petites silhouettes, rondes,
dodues et replètes : ce sont, non pas un, mais deux hérissons, qui, trottin-trottant, s'ap-
prochent de la soucoupe et commencent, sans façon, à boire le lait tout frais... Chut!
Chut! Il ne faut pas les déranger...

16 avril

Les soucis d'eau ont fleuri !

Emilie passe quelques jours de vacances chez sa grand-tante.


Jours de vacances : jours de surprises ! D'abord, la maison qu'habité Tante Rose-
Marie n'est pas ordinaire : c'est un moulin à eau, et sa grosse roue tourne encore, poussée
par le courant. Ensuite, l'aimable vieille dame entraîne chaque jour sa petite nièce dans de
longues promenades.
Aujourd'hui, Emilie longe avec elle la rivière
— Voilà le vieux saule ! Nous sommes presque arrivées! déclare
Tante Rose-Marie.
— Arrivées où? demande Emilie.

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— Au «Marais Joli», répond sa grand-tante. Regarde !
Entre les joncs et les roseaux, une petite mare tranquille miroite au soleil.
— Comme tout est calme! murmure Emilie.
— Pour l'instant, oui... Mais bientôt cet endroit sera très animé, je te l'assure!
Vois-tu ces fleurs jaunes? Ce sont des soucis d'eau. Et bien, apprends, et rappelle-toi
ceci : lorsque les soucis d'eau sont fleuris, des petits canards nouveau-nés ne tardent pas à
apparaître comme par magie, tout autour du Marais Joli.

17 avril

Sept canetons fort mignons !

Tante Rose-Marie avait raison : il s'est passé quantité d'événements, ce matin, sur
la rive du «Marais Joli»...
Mais ces événements n'ont pas eu beaucoup de témoins, quelques mouches, une
araignée et un escargot, tout au plus. Car ils se sont produits derrière un rideau de
roseaux...
C'est dans cette cachette idéale, qu'il y a un mois, environ, une belle Cane sauvage
a arrangé son nid.
Elle a choisi cette mare, et non une autre, parce qu'elle était située dans sa région
natale. Et, pour la retrouver, notre Cane a entrepris un long, long voyage... Elle n'était pas

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seule, heureusement, mais en compagnie d'un fier Canard Colvert, au magnifique
plumage d'émeraude.
Une fois trouvé cet endroit paisible, la Cane a donc préparé un confortable nid de
feuilles, puis elle y a pondu sept œufs vert pâle, qu'elle a recouverts d'herbes légères, pour
mieux les cacher; ensuite, elle les a couvés, seule, patiemment, attentivement, n'hésitant
pas, lorsqu'elle avait besoin de s'absenter, à s'arracher quelques plumes, quelques duvets,
pour donner à ses chers œufs une couverture supplémentaire. Et voilà que ce matin, tout à
coup, sept petits canetons, toc, toc, toc, avec leurs petits becs ont brisé leurs coquilles et
se sont mis à piailler à qui mieux mieux !
Sept petits canetons, jaunes et bruns, qui s'agitent, se trémoussent, veulent déjà
quitter leur nid...
— Non, non, non, mes petits mignons, dit leur sage maman, aujourd'hui, vous
restez ici !
Et, pour qu'ils ne prennent pas froid, elle étend sur eux ses douces ailes tièdes.
Bon gré, mal gré, les petits canards obéissent; mais ils ne cessent de crier, de se
bousculer, de changer de place !
Comme ils sont dégourdis déjà. ces chers mignons !

18 avril

Premiers plongeons

Le lendemain même de leur naissance, la Cane conduit ses petits au bord de la


mare. Comme ils sont comiques, ces canetons d'un jour! Ils se dandinent, plie ! ploc ! sur
leurs Marges pattes palmées et suivent leur maman à petits pas maladroits, incertains,
précautionneux.
Mais, dès qu'ils se trouvent sur la berge, alors, sans aucune hésitation, plouf ! ils
se jettent tous à l'eau ! Et, surprise des surprises, ils se mettent aussitôt à nager à la
perfection : sans leçon, sans entraînement, ils sont déjà de vrais champions !

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19 avril

Concours de saut

Flic ! Flac ! Floc !


Trois brefs clapotis troublent le calme du Marais Joli. Puis c'est à nouveau le
silence. Aucun souffle de vent : les roseaux restent immobiles et muets. . Floc ! Flac !
Flic !
Encore ces étranges petits bruits liquides! D'où viennent-ils? Il n'y a personne sur
la mare, cet après-midi, car les canards sont partis du côté de la cressonnière. ...Et Flac! et
Flic ! et Floc !... Toujours ces claquements mystérieux! Il s'y ajoute maintenant des
espèces de gloussements, rires et ricanements...

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Ah! J'ai trouvé! Ce sont les grenouilles, les petites grenouilles vertes, qui font un
concours de saut en hauteur ! Dans le recoin des nénuphars, bien à l'abri d'un rideau de
joncs, nos championnes s'exercent. D'une seule détente de leurs pattes élastiques, elles
bondissent en l'air, comme des petites balles de caoutchouc ! Et puis retombent, Floc ! au
fond de la mare... Et puis recommencent, Flac ! Et continuent, Flic !
C'est une vraie sarabande ! Elles sautent, et plongent! Flic! Flac! Floc ! Et
coassent d'amusement !
« Bré ké ké ! Bré ké ké Coax » !

20 avril

Une poule qui marche sur l'eau !

La petite Emilie est revenue au bord du Marais Joli.


Tandis que Tante Rose-Marie s'attarde près du saule, Emilie s'approche de la mare
et s'accroupit. Soudain, elle se frotte les yeux : «Je rêve, se dit-elle. Je vois une poule qui
marche sur l'eau ! » En effet, une petite poule toute noire, avec un bec rouge, court à la
surface de la mare, sur ses hautes pattes minces, sautant de nénuphar en nénuphar, si
légèrement, si rapidement, qu'on a l'illusion qu'elle marche sur l'eau...

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21 avril

Ombres chinoises

A l'aube, une légère brume d'un gris très tendre flotte sur les eaux dormantes de
l'étang. La brume est fine comme un voile, elle enveloppe les roseaux, les joncs,
s'accroche aux branches des vieux saules, traîne sur les rives humides... A cause d'elle, le
paysage paraît très mystérieux...
Soudain, sur cette grisaille, se découpent de minces silhouettes, qui bougent
comme des ombres chinoises...
Jouons à les reconnaître :

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L'une est très grande: on distingue un long, long bec, un immense cou, à demi
replié sur le dos, de hautes pattes grêles...
— C'est un héron !
— Bravo ! Vous avez trouvé ! Une autre forme se dessine entre
les roseaux, toute droite, presque rigide, avec un cou tendu à la verticale.
— Il n'y a que le butor pour se tenir ainsi !
— C'est juste !
Une troisième ombre se profile au ras de l'eau ; le cou est élancé, la tête,
couronnée d'un double plumet...
— Je sais, je sais ! C'est le grèbe huppé !
— Bien observé ! Il ne nous reste plus qu'à espérer rencontrer bientôt ces
fantômes au grand jour!

22 avril

Une grenouille en ville ...

Savez-vous ce que la petite Emilie a rapporté à son frère Arnaud, en rentrant de


chez sa grande-tante ?
— Un beau dessin du moulin ?
— Non!
— Un gros caillou de la rivière ? - Non!
— Une galette de Tante Rose-Marie?

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— Non, non et non ! Elle lui a rapporté une grenouille, vivante, bien entendu !
Une ravissante petite rainette toute verte! Pour le voyage, elle l'a mise dans un pot à
confiture. Et maintenant, il faut lui trouver un domicile. Vite, Arnaud descend de l'étagère
l'ancien bocal à poissons rouges. Comme décor, Emilie a prévu quelques graviers.
On installe Mademoiselle la Grenouille dans sa nouvelle maison. Elle ne semble
pas trop mécontente... Elle ne paraît pas intimidée non plus. La preuve : hop ! d'un bond,
elle jaillit hors du bocal... et atterrit sur l'épaule d'Arnaud !
— Pouah ! Elle est toute froide... On remet la grenouille chez elle, et l'on fixe, en
guise de toit, un buvard percé de trous.
— Voilà, ma petite rainette, dit tendrement Emilie, tu habites désormais un vrai
appartement en ville...

23 avril

Devinette

Qu'est-ce que le «miroir» d'un canard?


Non, évidemment, ce n'est pas une glace placée devant lui, pour qu'il se mire,
s'admire, prenne des poses, ou fasse des mines...
Le « miroir » d'un canard, c'est une tache colorée, faite de petites plumes irisées,
qui orne son aile. La couleur de ce « miroir » varie suivant les espèces. Regardez ce

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grand Colvert, qui prend son essor: son «miroir» est bleu-violet. Regardez cette petite
Sarcelle d'hiver, son «miroir» est vert et noir...

24 avril

Le menu des canetons

En quelques jours à peine, les canetons du « Marais joli » ont déjà beaucoup
grandi, beaucoup grossi.
Ce n'est pas étonnant, parce qu'ils ont un appétit d'ogre et qu'ils dévorent du matin
au soir.

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Je ne crois pas que vous auriez les mêmes goûts qu'eux, mais je vais tout de même
vous énumérer leurs friandises favorites :
— Les frais poissillons, péchés d'un coup de bec dans la vase du fond de la mare.
— Les plantes aquatiques, douces et juteuses, coupées en morceaux.
— Des têtards rondelets, avalés entre deux eaux...
— Parfois, oui, parfois, une exquise petite grenouille dodue, prise sur le vif !
— Des moustiques croustillants, happés au petit bonheur la chance !
— Quelques araignées légères, aspirées, mine de rien, à la surface de l'eau.
— Une libellule fameuse, interceptée en plein vol.
— Et, les jours de pluie, régal des régals, de grasses limaces et des escargots
charnus, que l'on déguste posément, sans se presser, pour faire durer le plaisir, que l'on
savoure en connaisseurs... en vrais gourmets.

25 avril

Bref dialogue

— Je suis une Sarcelle, le plus petit des canards. J'ai un sourcil très blanc et mes
ailes sont ornées de bleu. J'aime beaucoup voler: je sais battre des ailes plus rapidement
que mes cousins ; je vole vite, et je glisse, aussi légère qu'une plume, à la surface de
l'étang... J'ajoute que je raffole des sauterelles...

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— Des sauterelles ! Peuh ! Moi je préfère les œufs de grenouilles ! Au fait, je me
présente: Canard Souchet : mon bec plat me différencie et me permet de dénicher dans la
vase mes gourmandises préférées...

26 avril

Une île flottante...

Une maison qui flotte, je vous assure que cela existe ! Et je pense même que cela
doit être très confortable.

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Qui a inventé cette construction originale? Les Grèbes Huppés, ces beaux
oiseaux, coiffés d'une double aigrette. Avec des lamelles de roseaux, des joncs et des
herbes aquatiques, Monsieur et Madame Grèbe bâtissent ensemble une sorte de plate-
forme, qui se balance sur l'eau de l'étang. La femelle y pond des œufs blanc-bleuté, et
puis elle les couve, bercée par les remous légers, nichée sur son île flottante...

27 avril

Attention ! Attention !

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Le « Marais Joli » et le bel étang ovale semblent si paisibles, si tranquilles, que
l'on se croirait dans un pays de conte de fées... Mais, comme dans un pays de conte de
fées, il faut se méfier parfois des mauvais génies.
La Foulque Noire, par exemple, n'est pas du tout gracieuse. Elle a un beau
plumage lustré, certes, d'un noir d'ardoise magnifique, mais la plaque qu'elle porte sur le
front, blanche comme son bec, lui donne, je ne sais pourquoi, l'air revêche... Pour un oui,
pour un non, cette Foulque cancane, criaille, et défend à grands bruits son territoire.
Le Putois, lui, est un voisin dont il faut se garder soigneusement: figurez-vous que
ce robuste personnage au pelage brun luisant, au museau tacheté de blanc, est un
redoutable chasseur, toujours affamé, et qu'il dévore pêle-mêle petits mammifères,
poissons, grenouilles et grands oiseaux, comme nos canards...
Quant au Busard des Roseaux, qui vole en relevant très haut la pointe de ses ailes,
il est vraiment dangereux ! Lorsqu'il tournoie au-dessus de l'étang, vous pouvez être sûr
qu'il a l'intention d'enlever un caneton dans ses griffes acérées ! Alors : attention !
Attention !

28 avril

Une maman prévenante

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Les petits grèbes sont nés! Comme ils sont élégants, ces jeunes poussins, avec
leur plumage à rayures! Pour éviter qu'ils ne se fatiguent, à trop nager sur l'étang, parmi
les herbes et les plantes, leur maman, tout simplement, les prend sur son dos ! Comment ?
C'est encore plus simple ! Elle plonge au ras de la surface, ainsi ils peuvent
monter très facilement et s'installer, tout à leur aise, au milieu des plumes de son dos.
Quel confort ! Il n'y a plus qu'à se laisser mener en douceur au fil de l'eau...

29 avril

Un pêcheur infatigable

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Le gai soleil de midi couvre de paillettes étincelantes la surface de l'étang. Dans la partie
la plus sauvage, sur l'autre rive, un Héron avance d'un pas mesuré. En fait, on dirait qu'il compte
ses pas, tant il marche avec précaution, sur ses hautes pattes grêles. Il va, il vient, lentement,
pensivement. Et puis, soudain, s'arrête au bord de l'eau. Il replie posément l'une de ses longues
pattes et reste perché sur l'autre, immobile... Qu'attend-il ainsi ? Une visite ?
— Non, il en reçoit très peu : il aime la solitude...
Ou bien dort-il debout? Est-ce sa manière de faire la sieste ?
— Nullement. Il est au contraire très bien réveillé, vigilant, en alerte : il guette un
poisson !
Il attend avec une patience admirable, exemplaire. Il est capable de rester ainsi des heures
durant, debout, sans bouger...
Nous pouvons admirer à loisir son bec interminable, son long cou gracieusement replié
en S majuscule, ses amples ailes aux pointes noires ; mais nous ne resterons pas aussi longtemps
que lui, à espérer que passe un goujon ! Alors, au revoir, Monsieur Héron, et bonne pêche !

30 avril

L'assemblée du soir

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Une brise très douce agite faiblement les roseaux, la surface de l'étang est striée de
minuscules rides, les derniers rayons du couchant colorent l'horizon de rouge et d'or, le ciel, peu à
peu, s'emplit d'ombre...
Revenus de leurs expéditions, rentrés de leurs promenades, un à un, les habitants du «
Marais Joli » et de l'étang ovale se sont posés sur l'eau dormante, dans un joli bruissement de
plumes, au milieu des éclaboussures et des gerbes de gouttelettes... Chacun raconte sa journée,
colporte des nouvelles.
Ce sont des cancans à n'en plus finir... Les Grèbes sont très bavards : croassements,
gloussements, sifflements, et appels semblables à une sonnerie de trompette, rien ne manque à
leur conversation!
Les Canards Siffleurs leur donnent la réplique; au loin, le Butor solitaire, caché dans les
roseaux, pousse des cris sonores, semblables à des mugissements caverneux.
Ce soir, les commérages se prolongent plus tard qu'à l'accoutumée, parce que le grand
Canard Colvert est venu, à ['improviste, rendre visite à sa famille. Mais la lune se lève : il est
temps de mettre son bec sous l'aile, et de dormir, en rêvant à demain...

1er mai

Gai, le muguet !

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C'est aujourd'hui samedi! Au saut du lit, Arthur et Charlotte ont couru dans le bois
voisin, qui borde leur jardin.
— Par ici ! commande Arthur.
— Non, par là ! réplique sa sœur. Les deux enfants tournent en rond sous les
feuillages nouveaux, les yeux fixés au sol, comme s'ils cherchaient des escargots, ou des
champignons.
— Les voilà ! Les voici !... ...encore enveloppés dans leurs larges feuilles toutes
lisses, les premiers brins du muguet « porte-bonheur » !

2 mai

Clochettes et clochettes

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A voir, partout dans la maison, des petits bouquets de muguet, il a pris à Charlotte
l'envie de les dessiner. Lesquels choisir ?
Il y a les petits brins sauvages, cueillis dans les bois, aux clochettes minuscules,
encore à demi-fermées, d'un blanc légèrement teinté de vert pâle, et qui répandent un
parfum délicieux, où l'on retrouve toute la fraîcheur, toutes les senteurs -d'une promenade
sous les ombrages... Maman les a réunis dans un pot à confiture.
Et il y a les beaux muguets élevés
dans les serres du fleuriste, avec des tiges magnifiques, et des clochettes parfaites,
d'un blanc éclatant, aux dentelures merveilleusement régulières, mais qui n'ont aucune
odeur, comme s'ils avaient oublié de se parfumer ... Maman les a disposés dans son vase
en cristal.
Son crayon à la main, Charlotte hésite : les muguets des bois lui plaisent
davantage, avec leur petit air simple et sans façon, leurs feuilles nombreuses, souples et
protectrices. Mais les muguets de serre, d'une beauté exemplaire, paraissent plus faciles à
dessiner... Et vous, quelles clochettes représenteriez-vous sur votre feuille blanche ?

3 mai

Une ravissante ascension

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Deux coccinelles, nouvellement réveillées de leur long sommeil hivernal, ont
décidé de se dégourdir les pattes. L'une est minuscule, jaune d'or, avec six points noirs
vraiment microscopiques. L'autre est rouge vermillon, avec seulement deux points noirs
sur sa carapace. Les deux insectes ont choisi de faire de l'alpinisme ! Les voici à l'assaut
d'un brin de muguet, le plus haut du bouquet, celui qui se trouve juste au milieu du vase.
Qui sera la première? La minuscule coccinelle jaune grimpe à toute allure : ses petites
pattes s'activent, rapides, alertes, infatigables...
La coccinelle rouge monte plus lentement; parfois, elle s'arrête, pour remuer ses
antennes, et puis elle reprend son ascension...
Le brin de muguet a sept clochettes. La coccinelle jaune a atteint la cinquième ; la
coccinelle rouge n'en est qu'à la seconde.
La petite jaune continue, et puis, tout à coup, change de direction : elle tourne sur
la gauche et va se promener sur la sixième clochette.
Pendant ce temps, l'autre coccinelle continue sa course, et, quelques instants plus
tard, arrive au sommet ! Bravo : elle a gagné !

4 mai

Fais ce qu'il te plaît !

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«En avril, ne te découvre pas d'un fil ! »
« En mai, fais ce qu'il te plaît ! » Aline chante à tue-tête, comme une petite
comptine, ces vieux dictons qu'elle a entendus souvent, répétés par les grandes personnes.
« En avril, ne te découvre pas d'un fil ! »
Combien de fois cette interdiction a-t-elle résonné aux oreilles de la petite fille !
Par exemple, lorsque le ciel était gai, et que, pour aller en classe, Aline voulait se
passer de son manteau...
Alors, pour la consoler, ou lui faire prendre patience, sa maman ne manquait
jamais d'ajouter : « En mai, tu feras ce qu'il te plaira...» Or, aujourd'hui, c'est le mois de
mai. Et le soleil brille. Et notre Aline chante !
« En mai, fais ce qu'il te plaît ! » Elle chante, en choisissant une petite robe légère
de coton fleuri ! Elle chante, en descendant au jardin, mais brrr ! l'air est encore bien
frais!
Trop frais pour porter du coton...
Tant pis : en mai, fais ce qu'il te plaît ! Aline sautera avec son élastique pour se
réchauffer !

5 mai

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Bonjour, les mésanges !

Bien sûr que non, ce n'est pas le courrier que la petite Claire va chercher quatre
fois par jour, et même le dimanche ! dans la boîte aux lettres. C'est une visite qu'elle fait,
une visite à ses nouvelles petites amies, les mésanges de la pleine lune ! Elle les appelle
ainsi, car elles sont nées la nuit où la lune était toute ronde...
Claire s'en souvient très bien.
Quelle surprise alors, et quelle déception aussi: dans le nid, les cinq petits œufs
mouchetés avaient disparu : à leur place dormaient cinq oisillons vraiment très laids,
chauves, plissés, avec de gros yeux obstinément fermés.
Oh ! ils étaient attendrissants, certes, mais Claire les trouve beaucoup plus
mignons maintenant : à force de manger à longueur de journée les bons petits repas que
leur apportent leur papa et leur maman, nos petites mésanges ont grossi, grandi, leurs
yeux se sont ouverts et de charmantes petites plumes ont poussé sur tout leur corps.
Justement, Claire adore assister à leur repas : jamais elle ne se lassera de voir le
papa et la maman mésange se poser sur le bord du nid et donner la becquée à leur
remuante famille...

6 mai

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Tout un ravitaillement !

C'est bien joli de dire : « Bon appétit!» aux petites mésanges, mais il faudrait
surtout souhaiter : « Bon courage» à leurs parents... Car, pour nourrir cinq oisillons
toujours affamés, le papa et la maman mésange doivent faire des provisions du matin au
soir, à tire d'aile, vite, vite, sans répit, sans repos. A peine ont-ils apporté une petite
araignée, quelques pucerons, trois fourmis, qu'il faut repartir chercher un papillon, un ver
de terre, des mouches, une abeille, des petites graines, que sais-je encore, bref, tout un
ravitaillement !

7 mai

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Cinq bébés écureuils !

Un ! Deux ! Trois ! Quatre ! Cinq ! Cinq bébés écureuils! C'est une famille
nombreuse ! Heureusement que leurs parents, prévoyants, avaient aménagé un nid
spacieux...
Nos bébés sont nés dans un nid, mais ils ne sont pas, pour autant, sortis d'un œuf,
car ce ne sont pas des oiseaux. Ils sont nés directement, comme les petits chats et les
petits chiens, et les petites souris, et tous les autres mammifères aussi...
Vous êtes impatients de savoir à quoi ressemblent les nouveau-nés...
Hum ! Hum ! il faut l'avouer, ils ne sont pas encore très mignons : ils sont tout
petits: ils ne pèsent pas plus de dix grammes! ils sont tout nus : c'est-à-dire qu'ils n'ont
pas de fourrure, leur queue non plus. Et leurs yeux sont fermés : ils ne s'ouvriront qu'au
bout de trente jours !
Tels quels, ils paraissent attendrissants, fragiles, et leur maman les réchauffe, en
les cachant dans sa fourrure bien tiède ; elle leur donne à boire son lait ; elle veille sur
eux attentivement, tendrement... et toute seule ! En effet, Monsieur Ecureuil a déménagé
le jour de la naissance de ses petits : il est parti habiter ailleurs pour laisser plus de place à
la nouvelle petite famille !

8 mai

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Le jeu du détective

— Lorsque l'on se promène dans un bois, comment savoir si, oui ou non, l'on a
une chance d'apercevoir un écureuil ?
Charlotte a posé cette question à Pierre, son grand cousin.
— C'est très facile ! C'est comme un jeu. Viens avec moi...
Quelques minutes plus tard, les deux cousins pénètrent dans le sous-bois.
— Examine bien le sol, recommande Pierre. Comme des détectives, nous allons
chercher des traces du passage des écureuils.
— Mais, avec toutes ces herbes, c'est impossible de voir des traces de pas...
— Tu as raison : nous allons donc nous intéresser à d'autres traces. D'abord,
promenons-nous de préférence sous les sapins : ce sont des arbres qu'affectionnent nos
écureuils. Tiens, regarde... chuchote-t-il, en montrant des cônes et des pommes de pin à
demi rongés. Voilà les restes d'un bon dîner... Je parie que le « dîneur » ne doit pas être
loin...
En effet, levant le nez, les enfants aperçoivent la queue d'un magnifique écureuil,
qui grimpe à la cime d'un mélèze...
Le jeu a réussi...

57
9 mai

Festin de mariage...

La lune est au rendez-vous, une lune amicale et complice...


Le lièvre du bois des châtaigniers et sa jeune épouse dévalent joyeusement la
pente du plateau, courent à travers champs et entrent dans le plus beau potager du village,
pour y faire leur festin de mariage !
Ils choisissent un menu raffiné, carottes nouvelles, tendre laitue, persil frisé et
navets fondants... Un chien aboie ! Vite, il faut rentrer : ce n'est pas grave, ils avaient fini
de souper ... Et la lune se cache derrière un nuage complaisant !

58
10 mai

Promenade à bicyclette

Arthur et Charlotte ont la permission de faire, seuls, une promenade à bicyclette.


— Ni trop vite, ni trop loin, ni trop longtemps ! ont recommandé leurs parents.
— Promis ! Promis ! crient les enfants, ravis.
D'un commun accord, ils projettent de faire le tour du plateau, et s'engagent donc sur le
chemin de terre, qui prolonge la rue principale du village. Ils pédalent avec entrain, et s'amusent
d'entendre le vent siffler à leurs oreilles !
« Comme nous roulons vite ! » pensent les deux cyclistes...
Ils traversent deux champs de blé et longent ensuite le mystérieux bois du « hêtre pourpre
». Arthur a pris la tête de l'expédition.
— Coucou ! Coucou ! chante soudain derrière lui une voix claire.
Il se retourne vers sa sœur, au risque de perdre l'équilibre et crie :
— Que veux-tu ?
— Rien, répond Charlotte. Je n'ai rien dit...
— Ne te moque pas de moi, réplique Arthur : tu viens de crier : « Coucou », pourquoi?
— Mais je t'assure que je n'ai pas ouvert la bouche, affirme sa sœur.
— Bon, bon, n'insistons pas ! grommelle Arthur.
Maintenant, frère et sœur roulent côte à côte, en bordure des arbres.
— Coucou! Coucou! reprend la voix charmante.
— C'est toi qui me joues un tour, à présent ! dit Charlotte à son frère.
— Moi ? ! s'écrie Arthur, avec l'air si étonné, si innocent, que Charlotte est bien obligée
de le croire.
— Alors, qui nous appelle ?
— C'est vraiment bizarre, murmure Charlotte. Rentrons !
Et elle part, comme une flèche, en direction du village. Suivie de près par son frère qui,
pas plus qu'elle, n'aime les personnages invisibles...

59
11 mai

L'histoire du coucou

Le lendemain de cette promenade mouvementée, Pierre, qui est décidément très savant,
explique à ses jeunes cousins qu'ils ont entendu le coucou.
— Le coucou est un grand oiseau gris, avec une longue queue, et des pattes assez courtes.
Lorsque retentit dans les bois et les forêts son cri si clair, si distinct, l'on peut être certain que le
printemps est vraiment là! Ce chant -vous l'avez entendu hier - est tellement spécial, tellement
éclatant, qu'il a donné son nom à l'oiseau. Mais ce refrain, qui amuse les enfants, épouvante les
autres oiseaux : car il annonce un drame.
— Un drame?! s'écrie Charlotte, effrayée.
— Écoute plutôt : ce grand oiseau ne construit jamais de nid. Quand arrive l'époque de
pondre, il se met à tourner au-dessus des arbres du bois pour repérer les nids des différents
oiseaux. Mettons qu'il aperçoive un nid de mésanges dans le tronc d'un tilleul. Le coucou se pose
alors sur une branche, à côté de leur trou. Il guette leur départ et alors, vite, s'empare de trois de
leurs cinq œufs, et les laisse tomber à terre.
— Ah! Le bandit! interrompt Charlotte.
— ... à leur place, il pond le sien, un gros œuf blanc tacheté de points roux. (En fait, il a
exactement la couleur des œufs de la mésange, mais il est plus gros.) Et puis il s'envole.
Lorsqu'elles retournent chez elles, les petites mésanges remarquent aussitôt les coquilles
de leurs œufs, en miettes, au pied du tilleul, et découvrent l'énorme œuf de coucou dans leur nid !
— Les pauvres... s'apitoie Charlotte, pleine de compassion. Que fait la maman mésange?
Je parie qu'elle jette en dehors de sa maison ce gros œuf étranger !
— Attends, attends: je te raconterai la suite un autre jour...

60
12 mai

Il manque un hérisson !

— Il n'y a qu'un hérisson ce soir, chuchote Charlotte à son frère.


— L'autre est peut-être en retard, répond Arthur. Attendons...
Depuis ce premier soir, où deux hérissons vinrent goûter le lait, versé à leur intention
dans une jatte, devant la porte de la cuisine, Arthur et Charlotte sont fidèles à ce sympathique
rendez-vous nocturne.
Et chaque soir ils voient les deux silhouettes rondelettes s'approcher de la maison,
apparemment sans crainte... Les deux hérissons boivent sagement leur lait, sans en lais-
ser une seule goutte, et repartent, en poussant des petits grognements de satisfaction...
Souvent, Charlotte a eu envie de sortir, pour les voir de plus près, les toucher peut-être...
— Tu leur ferais peur et tu te piquerais, observait chaque fois son frère, plein de bon
sens.
— Le hérisson est vraiment tout seul ! répète Charlotte. J'espère que l'autre n'est pas
malade...
— Ou qu'il n'a pas été écrasé er. se promenant sur la route. Il para:: que les hérissons
aiment beaucoup flâner sur le macadam...
— Oh! non! s'écrie Charlotte, très inquiète. Tais-toi ! Tais-toi !

61
13 mai

Heureuse nouvelle !

Heureuse nouvelle: dans un petit abri, aménagé entre deux pierres disjointes du
mur du potager, Maman hérisson a donné naissance à quatre bébés plus gentils les uns
que les autres. (Ceci explique son absence, la veille, devant la jatte de lait...)
Elle avait préparé, pour les accueillir, un douillet lit de feuilles, et maintenant,
plus question d'escapades, ou de flâneries, elle veille sur ses minuscules hérissons, elle ne
cesse de contempler ces petites pelotes aux piquants mous et blancs, aux yeux fermés,
aux museaux tout nus.

62
14 mai

Après la pluie...

«Ah! Quel délice de se promener juste après la pluie !


L'herbe est humide, fraîche, glissante ; la terre, luisante et onctueuse, dégage une
odeur sucrée et appétissante ; ici et là, les toiles d'araignées, constellées de gouttelettes,
brillent comme des parures de diamants... A mon passage, les feuilles des arbustes,
parfois, projettent une douche exquise, légère, tiède. Et puis les oiseaux, qui s'étaient
cachés durant l'averse, un à un, sortent de leurs abris, secouent gracieusement leurs
plumes, et se mettent à chanter à tue-tête, offrant ainsi un concert merveilleusement gai et
joyeux !
Ah ! Oui ! Vraiment, j'aime sortir juste après la pluie !
Tout content, j'agite mes cornes en mesure, et je rampe avec une extrême facilité :
je bats même des records de vitesse, cent mètres à l'heure, vous imaginez ! La belle co-
quille, que je porte sur le dos en guise de maison, me paraît légère, légère...
Foi de limaçon et parole d'escargot, rien de plus délicieux qu'une promenade dans
un jardin mouillé par la pluie...»

63
15 mai

La randonnée du mulot

II court, il court, le mulot, le mulot du bois fleuri...


Il a passé par ici, il repassera par là!Hop-la!Hop-la-la!
A grands bonds élastiques, il saute sur le sentier tapissé de mousse, traverse
l'odorant buisson d'aubépines, dévale le talus piqueté de boutons d'or, disparaît sous les
fougères, ressurgit au milieu de la clairière, survole les racines d'un sapin, longe le
ruisseau, plonge dans un trou d'herbe, ressort, repart, court, court toujours, par ici et par
là, le mulot du bois fleuri !

64
16 mai

Suite de l'histoire du coucou

Ému par l'impatience de Charlotte, Pierre accepte de raconter la suite de l'histoire du


coucou.
— Après un instant de surprise, la petite mésange sent que ce gros œuf étranger a besoin
de ses soins, de sa chaleur, autant que les deux petits œufs qui lui restent. Alors elle ébou riffe ses
plumes et se met à le couver patiemment.
Dix jours plus tard naissent les deux petites mésanges. Mais, au lieu de pouvoir consacrer
tout son temps à les nourrir, leur maman doit continuer à couver l'autre œuf, l'œuf géant.
Quelques jours plus tard, enfin, le coucou brise sa coquille à coups de bec, et il apparaît, énorme,
avec une grosse tête, de gros yeux et une grosse voix !
Il crie ! Il a faim ! Il s'agite ! Le papa et la maman mésange partent, à tire d'aile, lui
chercher de la nourriture !
Il avale tout, comme un glouton, comme un ogre ! Il empêche les deux jeunes mésanges
d'avoir leur part de becquée : il les bouscule, il les cogne, et toujours il crie, il crie qu'il a faim !
A manger si goulûment, il grossit, ce jeune coucou ! Il grossit, et le nid devient trop petit
pour lui...

65
17 mai

Fin de l'histoire du coucou

— Alors, poursuit Pierre, le jeune coucou, à force de s'agiter, de s'étaler, de se tortiller,


jette par-dessus bord les deux petites mésanges !
— Quelle horreur! crie la petite fille, indignée. Arrête-toi ! je ne veux plus rien entendre
de cette affreuse histoire !
— Attends, attends la fin, reprend Pierre, il faut que tu comprennes, tout n'est pas si
simple... Le papa et la maman mésange continuent leurs voyages incessants pour nourrir l'énorme
coucou toujours affamé. Et ils le nourrissent ainsi jusqu'à ce qu'il puisse s'envoler à son tour,
libre, dans les bois...
— Je déteste cette histoire, et je déteste les coucous ! s'exclame Charlotte, bouleversée.
— Ne déteste pas les coucous, lui dit gravement son cousin Pierre. Sans eux, les forêts
disparaîtraient, il n'y aurait plus d'arbres, les oiseaux ne pourraient plus bâtir leurs nids et
mourraient à leur tour.
— Comment? demande Charlotte, méfiante.
— Les coucous - et eux seuls - mangent ces grosses chenilles velues, dévoreuses de
feuilles et d'écorce, et, de cette manière, sauvent la forêt.
— Ah ! dit Charlotte, rêveuse...

66
18 mai

Un grand jour!

Les trois chatons de «Crème à la Vanille» ont bien grandi. Ils sont de plus en plus
mignons, dégourdis, joueurs, gracieux.
Madame Verdurin a dit à Charlotte qu'elle pouvait venir choisir celui qu'elle
préférait...
La petite fille examine avec attendrissement les trois petites boules de fourrure et,
finalement, parce qu'il penche la tête en la regardant, désigne le chaton blanc tacheté de
roux et de noir.
— J'aimerais bien celui-là, murmure-t-elle avec un sourire.

67
19 mai

Nougat, le petit chat !

Quelle est la première chose à faire, lorsque l'on a la chance de recevoir, comme
cadeau, un petit animal ?
Lui donner un nom, bien entendu l Charlotte, en caressant le doux pelage si
joliment tacheté de son petit chat, lui a annoncé :
— Toi, tu l'appelleras Nougat \
Maman a approuvé : — Bravo \ C'est un nom qui lui va bien \
La deuxième chose à faire, c'est de préparer une maison pour le nouveau venu...
Au fond du couloir, à côté de sa chambre, Charlotte installe un véritable
appartement pour Nougat.
Il y a une chambre : une corbeille ovale, en osier, garnie de coussins et de
morceaux de tissus moelleux.
Il y a un « cabinet de toilette », c'est-à-dire une caisse emplie de sciure de bois,
dans laquelle le petit chat apprendra à faire ses besoins. De cette façon, son «
appartement » restera bien propre...
Il y a une «salle à manger», un coin où Charlotte a disposé une petite jatte, pour
qu'il boive son lait, et une écuelle, dans laquelle elle lui servira de bons petits repas...
— Voilà ton domaine, mon petit Nougat, lui dit tendrement Charlotte.

68
20 mai

Premières bêtises-

Nougat semble ravi de l'appartement que lui a arrangé Charlotte, et il a passé une
nuit apparemment délicieuse au milieu de ses coussins. Mais maintenant, bien sûr, cette
maison lui paraît trop petite, il a envie d'explorer les environs \
Par la porte entrouverte, il se faufile dans la chambre de sa maîtresse. Tiens, voilà
un objet très intéressant \ Une pantoufle bleue, en feutre, brodée au point de croix, sur la-
quelle il est très amusant de se faire les griffes...

69
21 mai

Tout le jardin palpite...

Ce matin, tout le jardin palpite... C'est un frémissement inhabituel, léger,


féerique... On dirait que des fleurs s'envolent, ou que des taches de couleur voltigent, dé-
ci, dé-là...
Que se passe-t-il ?
Est-ce un rêve ?
Non, c'est une invasion de papillons! Ils décorent le jardin de leur vol fantaisiste
et imprévisible. Je ne connais pas leur nom, mais j'aime leurs couleurs et leurs ailes, si
fines, si précieuses...
Bienvenue, les papillons !

70
22 mai

Un papillon dans la maison !

Un papillon est entré dans ma maison ! J'ai d'abord entendu le léger choc feutré
qu'il faisait, en se cognant aux carreaux du salon.
Et puis, soudain, je l'ai vu, avec ses couleurs merveilleuses, rouge, violette, brun
doré !
Quel beau visiteur !
Mais quel visiteur agité...
Il se lance contre une vitre, trompé par la mince paroi transparente : il croit
pouvoir retrouver le jardin, ses fleurs, ses parfums. Il se heurte, hélas, à l'obstacle de
verre. Tout étourdi, il repart en arrière, zigzague près du plafond, risque une nouvelle
tentative...
— Attends, attends, petit papillon, tu vas te blesser, abîmer tes ailes si fragiles,
attends, je vais t'ouvrir la fenêtre...
Vite, je tourne la poignée, je tire le battant :
— Voilà, beau papillon, tu peux t'échapper...
Mais le magnifique insecte chatoyant a entrepris une promenade virevoltante à
travers le salon. Il glisse entre les fauteuils, se pose délicatement sur un rideau, s'attarde
devant la glace, tourne gracieusement autour du lustre... Il n'a plus du tout envie de partir,
mon papillon !

71
23 mai

La coccinelle se défend...

Le soleil brille, la brise est tiède, c'est le temps rêvé pour se promener ! La
Coccinelle s'élance sur la branche d'un pommier !
Comme c'est joli de courir parmi les feuilles d'un vert si frais... Mais voilà qu'une
Mésange, soudain, barre le chemin !
La Coccinelle a peur, très peur d'être picorée! Et quand elle a peur, notre
Coccinelle, -le saviez-vous?-dégage une odeur affreuse... Tant mieux pour elle ! Et tant
pis pour la Mésange qui s'enfuit à tire d'aile, complètement dégoûtée...

72
24 mai

Premières farces...

C'est certain: le petit chat Nougat sera un grand explorateur ! Il n'habite la maison de
Charlotte que depuis quelques jours, et il n'a que des petites pattes très courtes, qui rendent très
difficile la montée des escaliers, et pourtant il entreprend de grandes expéditions !
A peine sa maîtresse a-t-elle le dos tourné, qu'il bondit, hop ! hop ! et disparaît pour une
nouvelle escapade.
— Où est Nougat? demande Charlotte, en rentrant de classe.
— Il n'est sûrement pas loin, répond sa maman, je l'ai vu passer dans le couloir il y a
trois minutes...
La petite fille entre dans sa chambre, pour y poser son cartable.

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— Quel désordre ! s'exclame-t-elle en voyant la corbeille à papiers renversée, et les
pantoufles, une fois de plus traînées au milieu de la pièce.
Elle ressort dans le couloir, appelle: «Nougat ! Nougat!». Mais, tout à coup, frappée par
une idée subite, retourne dans sa chambre : la corbeille à papiers a changé de place! Ce n'est pas
étonnant, puisque ce farceur de petit chat s'amuse à faire des roulades et des galipettes à l'in-
térieur!

25 mai

Un mystérieux froissement...

Un mystérieux froissement tire Marguerite de son sommeil. Elle se rappelle confusément


qu'elle se trouve à la campagne, chez sa cousine Sophie.
— J'ai dû rêver... se dit-elle, en se retournant sur son oreiller, pour se rendormir...
Le froissement reprend de plus belle, un peu comme du papier que l'on chiffonne...
Cette fois, Marguerite est tout à fait réveillée... Elle n'est absolument pas peureuse : elle
aimerait juste savoir d'où provient ce bruit...
Alors, elle cherche à tâtons l'olive de la lampe : clic, la lumière jaillit !
Durant quelques secondes, Marguerite ne voit rien. Puis ses yeux s'habituent à la vive
lumière.
Chuttt ! Chuttt ! Frrttt ! Frrttt ! La petite musique obsédante a repris de plus belle.

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— Ce n'est pas une souris, ce n'est pas un moustique ! Ce n'est pas un oiseau, ce n'est pas
une araignée ! Vraiment, qu'est-ce que c'est?!
Une minute plus tard, Marguerite découvre l'origine de ce froissement mystérieux: deux
papillons de nuit, gris et duveteux, valsent à l'intérieur de l'abat-jour...

26 mai

« Je me hasarde dans la forêt... »

« L'aube se lève de plus en plus tôt... Je n'ai pas encore terminé ma randonnée
nocturne, que déjà le ciel s'éclaire...
Ce matin, mes frères s'amusent encore parmi les trèfles.
Moi, j'ai envie de me hasarder dans la forêt. Je cours jusqu'aux premiers arbres :
qu'ils sont hauts, et touffus, et feuillus !
Comme il fait sombre, tout à coup, je ne vois plus le ciel... Et quel silence... C'est
cela, une forêt? Oh ! J'ai peur... Demi-tour! Je détale et je rentre dans ma prairie !»

75
27 mai

Un mastodonte !

Oui, la forêt est impressionnante, avec ses futaies immenses, cette pénombre
mystérieuse, ce silence profond, tout à fait inhabituel... On a le sentiment de pénétrer
dans un monde à part, inconnu et secret. Ce n'est pas le joyeux remue-ménage d'un petit
bois, avec ses babils d'oiseaux, le bourdonnement des insectes, les furtives glissades de
souris ou de lapins, les chuchotements familiers de la brise... C'est un calme, une solitude,
un isolement surprenants... Y a-t-il des habitants dans la forêt ? Elle paraît déserte, à la
fois rassurante et inquiétante...
Soudain, bris de branches, fracas, grognements sourds, soufflements rauques : que
se passe-t-il ? Un galop tonitruant ébranle le sol, le tapage s'amplifie...

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Et voilà qu'apparaît, massif, pesant, hirsute, le poil noir, l'œil fauve, la dent
longue, avec son cou massif et ses défenses robustes, un mastodonte de cent cinquante
kilos, le formidable sanglier !
Un instant plus tard, le silence est revenu dans la forêt : l'ouragan est passé...

28 mai

La caravane insolite

Cette nuit, les rayons de la lune pénètrent à travers les hauts feuillages des hêtres
et se glissent entre les troncs innombrables.
Tout à coup, dans la lumière argentée, surgit une caravane insolite : en tête
s'avance une Laie au long museau ; à sa suite, et à la queue leu leu, se bousculent sept
marcassins turbulents. Comme ils sont amusants, avec leur pelage rayé, roux clair et brun
doré! Comme ils sont gais, et joueurs, et farceurs, ces petits sangliers, qui se mordillent
les oreilles et crient: Uii! Uiii!! Uiiii!!!

77
29 mai

Le réveil des marcassins

Impossible de se rendormir ! Ses frères et sœurs s'agitent trop autour de lui : le


petit marcassin aurait aimé se prélasser encore un peu dans sa bauge, cette confortable
couchette, creusée au pied d'un sapin.
Mais comment sommeiller au milieu de ces cris aigus, de ces grognements
incessants, sans parler des coups de museau, cabrioles et autres soubresauts ? ! Et puis
voilà Maman Sanglier qui se lève. Cette fois, plus question de paresser. Il faut la suivre :
Un ! Deux ! Hop ! Le jeune sanglier est sur pied !

78
30 mai

Une queue rousse...

Le soleil, ce matin, étincelle sur la vaste plaine, qui se déploie devant la haute
forêt sombre.
Il y a quelque chose, ou quelqu'un, qui bouge, là-bas, à la lisière des arbres, et qui
brille dans la clarté du printemps. C'est touffu, d'une éclatante couleur rousse, d'une
merveilleuse souplesse, et traînant élégamment dans l'herbe haute... Je vois que c'est une
queue! J'ai même deviné à qui elle appartient ! Et vous ? Pas encore ?
Si je vous dis qu'il s'agit d'un animal à tête ronde, aux yeux obliques, au museau
aigu, vous trouverez ?

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Si j'ajoute que toute sa fourrure est dorée, que ses pattes sont fines, sa démarche
légère, vigilante, saurez-vous, maintenant, de qui je parle? Pas encore ! Bon. Je vais vous
donner quelques renseignements supplémentaires. Ce compère a la réputation d'être rusé
et très malin... Quant à ses goûts, ils sont variés : il croque aussi bien les souris que les
lapins, les oiseaux que les grenouilles, et il est grand amateur de fruits ! Mais ce qu'il
aime par-dessus tout, ce sont les bonnes grosses poules du poulailler ! (Lorsqu'il réussit à
en voler une...) Cette fois, vous l'avez reconnu : c'est Renard, bien sûr !

31 mai

Témérité

— Je m'ennuie dans mon terrier, et il fait si beau dehors... soupire un petit


renardeau, aux oreilles pointues. (Il est si jeune, à peine un mois, que son pelage est
encore gris, et sa queue bien courte...)
Ses deux frères somnolent sagement à l'entrée de la maison familiale. Leur
maman est partie faire les provisions. Ils sont seuls, comme souvent dans la journée.
— Tant pis pour ces dormeurs! décide le jeune téméraire. Et, à petits bonds
légers, il s'aventure sur le sentier inconnu...

80
1er juin

Fête familiale

Le retour de Maman Renard dans son terrier est toujours une véritable fête!
En arrivant, elle émet quelques gloussements particuliers, et, aussitôt, ses
renardeaux se précipitent à sa rencontre !
Ils l'accueillent avec des démonstrations de joie sans pareilles : ils sautent comme
des fous, en tous sens, se roulent par terre, bondissent à nouveau, avec une agilité stupé-
fiante.
Et puis ils se jettent sur leur maman pour téter: ils ont encore besoin de son doux
lait tiède. La Renarde reste tranquille un moment ; ensuite, elle se dégage. Parfois même,
il lui faut écarter d'un coup de patte les gourmands qui s'attardent...

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Alors commencent les jeux !
Maman Renard fait faire des roulades à ses petits en leur donnant de légers coups
de museau ; elle les mordille aussi, avait entrain et tendresse. Les renardeaux savourent
toutes ces caresses. Ils s'allongent sur le dos et réclament d'autres attentions.
Cet après-midi, la fête de famille est complète, car voici Papa Renard qui fait une
visite surprise !

2 juin

Solitude...

Il est tout seul, tout seul, dissimulé dans un fourré très épais, le petit faon
nouveau-né...
Et pourtant il n'a pas peur. Il n'est pas triste, non plus, parce que sa maman
reviendra bientôt le voir... Il ne s'ennuie pas, non plus, car il y a tant de choses à regarder
autour de lui : une fougère qui se balance, la pomme de pin piquée sur la mousse, une
chenille toute verte, qui se tortille au bout d'une feuille de ronce, et surtout cette énorme
araignée, qui ne cesse de s'agiter, entre deux rameaux de bouleau: elle monte, elle
descend, elle avance, elle recule, elle tourne en rond, en rond autour de sa toile
compliquée...

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Le faon remue délicatement sur sa couche de feuilles. Il a de longues pattes très
fines et un doux pelage tacheté de blanc.
Tiens, une averse ! Maman Biche a pris soin de cacher son petit dans un buisson
si touffu, qu'il ne sent absolument pas les gouttes de pluie, et sa litière d'herbes reste bien
sèche. Mais il entend, tout autour de lui, la chanson de l'eau, qui glisse sur les feuilles,
ruisselle contre les racines, tintinabule dans les ornières,

3 juin

La maman la plus douce ...

Les branchettes sont écartées avec précaution - c'est à peine si elles craquent un
peu - et pourtant, le petit faon s'éveille d'un seul coup. Il aperçoit alors la tête fine et char-
mante de sa maman.
Celle-ci se glisse dans la cachette feuillue et, s'allongeant près de son petit, le
nourrit de son lait...
Puis elle le lèche longuement et l'encourage à se mettre debout. Notre faon vacille
sur ses longues pattes si minces, mais il prend vite de l'assurance, trouve son équilibre et
part se promener avec sa maman.

83
4 juin

Le saut du chevreuil !

Le professeur de sciences naturelles a organisé pour ses élèves une promenade en


forêt. Il s'agit d'étudier la nature !
Il y a tout un attirail à emporter, un équipement, si vous préférez... D'abord, de
bonnes chaussures, ou même des bottes, pour affronter sans problème chemins boueux,
taillis, fondrières, tas de feuilles humides. Et puis un sac à dos contenant une carte, une
boussole -il ne faut pas se perdre - un goûter, et surtout un carnet et un crayon qui
serviront à noter observations, découvertes, trouvailles, et même, pour les plus doués, à
faire des croquis !

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Le professeur a constitué les équipes: ses explorateurs chemineront trois par trois.
Je vous présente l'un de ces groupes: Bruno, Hervé et Jean. Ils ne sont pas parmi les plus
enthousiastes, je dois l'avouer, et se demandent ce qu'ils vont voir de si extraordinaire
dans cette forêt... Soudain, juste devant eux, un jeune chevreuil bondit par-dessus le che-
min, un magnifique saut cabré, et puis disparaît, comme par enchantement... Du coup,
nos trois observateurs sont prêts à battre la forêt dans tous les sens pour assister de
nouveau à un si beau spectacle !

5 juin

Au clair de la lune...

Dans la forêt, cette nuit, le clair de lune dessine toutes sortes d'ombres fantasques,
des formes bizarres, qui apparaissent, disparaissent, au gré de la lumière et des nuages...
Mais cette puissante silhouette, là-bas, au milieu de la clairière, n'est certainement
pas une illusion : tête majestueuse couronnée de bois bien ramifiés, cou puissant, dos très
droit, membres fins, il n'y a pas à se tromper, nous sommes en présence d'un cerf... Du
reste, le voilà qui se met à bramer, à moduler des cris rauques et retentissants !

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6 juin

L'air de la campagne

L'air de la campagne semble magique au basset Bilboquet ! Depuis qu'il est


descendu de la voiture qui l'amenait de la ville, il gambade dans l'herbe, le museau levé,
frémissant, il hume le vent, les parfums, toutes ces odeurs inhabituelles, inconnues,
tellement différentes de celles qu'il a coutume de flairer...
Il comprend qu'il va faire mille découvertes ! Sa queue frétille, il ne tient pas en
place... Sa maîtresse, Caroline, l'appelle : il n'entend rien ! Il respire avec délices cet air
empli de promesses !

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7 juin

Une niche verte

Lorsqu'un chien des villes arrive à la campagne, il doit se familiariser avec un


nouveau monde... et avec ses habitants !
La maison, et le jardin, où notre ami Bilboquet a accompagné sa maîtresse, sont le
domaine d'un fox-terrier décidé et remuant, qui s'appelle Toupie. Ce terrier a commencé
par regarder de haut le basset étranger...
Bilboquet, habitué aux rencontres fréquentes et variées sur les trottoirs de sa ville,
s'est montré surpris et vexé par cet accueil réservé. Alors, il a tourné le dos et s'en est allé

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dans le jardin. Là encore, déception ! Aucune piste ne lui était connue, aucune touffe
d'herbe, aucun caillou n'était son ami... Fallait-il tourner à droite, à gauche? Ou foncer
tout droit ? Plutôt tout droit ! C'est ainsi qu'il arrive devant une petite maison en bois,
peinte en vert, juste à sa taille ; il aimerait bien entrer, mais voilà Toupie qui arrive en
aboyant : « C'est ma maison, ma niche ! » Toutefois, sa queue frétille. «Je t'invite à la
visiter, si tu veux...»
Bilboquet est enchanté. « Une maison pour soi tout seul, il faut venir à la
campagne pour voir cela

8 juin

Une énorme rencontre

Ce que préfère Bilboquet, depuis son arrivée à la campagne, c'est de pouvoir se


promener à sa guise, à son gré, à toute heure de la journée. Maintenant, il connaît les
chemins, les sentiers, les passages secrets sous la haie des troènes. Il s'aventure donc
partout sans la moindre inquiétude.

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Mais ce matin, alors qu'il trottinait le long d'une barrière blanche, est apparue
soudain, bâillant et meuglant, une énorme vache rousse ! Bilboquet s'est senti tout petit et
s'est sauvé au triple galop !

9 juin

Visite à la basse-cour !

Ils sont tous là, en rang d'oignons, piaillant, gesticulant, battant de l'aile, secouant leurs
plumes, les bruyants, les turbulents animaux de la basse-cour!
Caroline s'amuse à les regarder un à un, longuement, minutieusement, à les inspecter des
pattes au bec ! Elle ne se lasse pas de les contempler. Son amie Bérengère sourit de ce joyeux

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enthousiasme. Caroline, il est vrai, se montre toute charmée de découvrir, «en vrai», des animaux que,
jusqu'à présent, elle n'a jamais vus que sur des images !
— Oh ! Qu'ils sont mignons ! murmure-t-elle, attendrie, en suivant des yeux les petits
poussins pelucheux, qui cherchent à se cacher sous les douces plumes de leur Maman.
— Et ces petits canards, quels clowns ! s'esclaffe-t-elle, en les regardant se dandiner dé-ci,
dé-là, si comiques sur leurs petites pattes palmées.
— Cette queue, quelle merveille! répète-t-elle, fascinée par les longues plumes vertes et
bleues, luisantes, chatoyantes, que le coq agite avec fierté, tout en se pavanant devant une demi-
douzaine de poules, qui caquètent en chœur.
— Des plumes si blanches, c'est vraiment un rêve! continue notre Caroline, admirant la
parure des oies au long cou, qui se promènent à la queue leu leu...
— Et ce costume, je n'en ai jamais vu de si extravagant, un vrai déguisement, s'écrie-t-elle, en
découvrant le magnifique dindon.
Bref, la petite fille s'extasie à chaque instant devant tous les occupants de la basse-cour.
Ces compliments, ces exclamations déplaisent au basset Bilboquet : il se sent délaissé, oublié,
abandonné... En un mot, il est jaloux de tous ces mirifiques oiseaux, et il s'éloigne de sa maîtresse,
l'oreille basse...

10 juin

En suivant le «citron»...

La bonne humeur est revenue, Bilboquet galope à nouveau dans la campagne. Il


joue à suivre les papillons. A l'instant, il est entraîné par un joli petit « citron » jaune vif,
au vol plein de fantaisie...

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Mais notre basset se trouve bientôt arrêté par une clôture à claire-voie, il ne peut
plus continuer sa course avec le gracieux insecte. Il regarde entre les lattes de la clôture et
aperçoit, dans un pré, de paisibles moutons aux longues boucles laineuses. Aussitôt, il
aboie: «Wouah! Wouah ! » pour leur dire bonjour !

11 juin

Réveil en fanfare !

C'est très joli, la campagne, mais comme c'est bruyant, surtout le matin! En ville,
le basset Bilboquet a pris l'habitude de faire la grasse matinée : bercé par le ronronnement
des moteurs de voitures, il somnole dans son panier. Bien sûr, il sursaute parfois, en

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entendant un klaxon aigu ou une porte qui claque dans l'appartement, mais il se retourne
et s'assoupit de nouveau...
Ici, avec ce coq complètement fou, qui chante à tue-tête aux premières lueurs de
l'aube, impossible de se rendormir !

12 juin

« Est-ce toi, Bilboquet ? »

Puisque l'on ne peut pas somnoler le matin, autant se promener ! Oui, parce
qu'après les «Cocoricos» tonitruants du superbe coq, il y a le concert de tous les oiseaux
du voisinage, gazouillis, roucoulades et trilles à n'en plus finir... Ensuite, comme si cela

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n'était pas suffisant, il y a les aboiements de Toupie, auxquels répondent bientôt ceux de
ses amis des fermes voisines ! Bilboquet, qui a le privilège de dormir dans la maison,
jappe à son tour, pour qu'on lui ouvre la porte du jardin. Et il se précipite vaillamment de-
hors ! Ce matin, il pleut, une belle averse de printemps, qui mouille copieusement
la terre, les herbes, les feuilles... et les promeneurs ! Le basset, qui a retrouvé son ami
Toupie, est vite trempé ! Tant pis ! De l'exercice avant tout ! Il suit le fox-terrier dans un
chemin inondé, s'engage au creux d'une ornière pleine d'eau, et s'amuse énormément à
clapoter dans la boue tiède... Il s'ébroue, il se secoue, il s'éclabousse...
Bref: quand il retourne à la maison, notre basset est méconnaissable, et Caroline
s'exclame avec horreur: — Est-ce toi, Bilboquet ?

13

Derrière le grillage…

Assis sagement derrière le grillage du poulailler, le basset Bilboquet observe la


fermière qui va chercher dans la paille les œufs frais pondus. Autour d'elle, les poules
marchent à droite, à gauche, caquetant, picorant les graviers, agitant leurs petites crêtes

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rouges... Madame Lafleur plonge sa main, ici et là, dans les nids, et en ressort des petits
œufs blancs, ou jaune clair, qu'elle pose avec précaution dans son panier...
Bilboquet aimerait bien jouer à ce jeu. Mais la fermière, en partant, raccroche le
loquet...

14 juin

Les bébés lapins...

Caroline et son amie Bérengère accompagnent Madame Lafleur près des clapiers
(vous savez, ces petites cabanes grillagées, dans lesquelles vivent les lapins de ferme).

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— Ce ne doit pas être très amusant de rester toujours enfermé ! remarque
Caroline.
— Oh ! Ils ont l'habitude ! répond la fermière. Comme les canaris !
— Il n'empêche que, moi, je préférerais être un lapin de garennes!
La fermière ne l'entend pas, déjà occupée à tirer le verrou d'une première cage.
Elle apporte un régal à ses lapins: du pain sec et des carottes !
— Comme ils ont de bonnes dents ! s'émerveille Caroline. Jamais je ne pourrais
croquer une croûte aussi dure !
Dans la cage suivante, surprise, la grosse lapine grise a eu cinq petits, cinq
adorables lapinots !
— J'aimerais bien les caresser... demande Caroline.
— Surtout pas! interdit Madame Lafleur. Parce que tu leur donnerais l'odeur de ta
main et, ensuite, leur maman alarmée par ce parfum étranger, ne voudrait plus ni les
nourrir, ni s'occuper d'eux...

15 juin

Quel charivari !

95
Une voisine est venue chercher Madame Lafleur, cet après-midi, alors qu'elle
ramassait dans le poulailler les œufs de la journée. (Cette voisine a besoin d'aide pour
plier ses draps). Madame Lafleur achève sa récolte et puis, bavardant déjà, ressort de l'en-
clos en tirant la porte grillagée derrière elle, mais en oubliant de bloquer le loquet...
Les poules sont sages, elles ne remarquent pas cet oubli. Mais Bilboquet, ce
fripon, flaire tout de suite la bonne occasion... Dès que Madame Lafleur a disparu
derrière les lilas, il pousse la porte interdite et pénètre dans le domaine réservé !
Émotion chez les poulettes! Elles courent dans tous les sens, battent éperdument
des ailes, piaillent d'effroi. Le coq crie plus fort que tout le monde, naturellement !
Bilboquet, qui s'amuse énormément, aboie comme un fou et poursuit les malheureuses
volailles... Alertés par ce charivari, la fermière revient en vitesse et son mari sort de la
ferme, armé d'un balai ! Au bout de cinq minutes, ils réussissent à chasser Bilboquet du
poulailler !
— Tu mériterais que je te tire les oreilles ! gronde Madame Lafleur.

16 juin

Enfin réveillées !

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Elles ont mis le temps, mais, cette fois, les voilà vraiment réveillées, les petites
marmottes !
Dans le terrier, près du rocher biscornu, c'est un charmant remue-ménage ! Le
papa est sorti le premier, pour « goûter » la température. Il lui a d'abord fallu rouler les
pierres qui bouchaient l'entrée de sa maison. A peine dehors, il a été ébloui par la lumière,
ravi par la tiédeur de l'air et enivré par le parfum des fleurs...
— C'est le moment de vous réveiller! annonce-t-il à sa famille.

17 juin

Déjeuner sur l'herbe...

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Après tant de mois passés sous terre, à dormir, à rêver, à ronfler, nos marmottes
sont maigres, maigres à faire peur !
Imaginez : elles pesaient six, voire sept kilos en se couchant : et, en se réveillant,
elles ne pèsent plus que la moitié de ce poids ! Aussi se sentent-elles faibles, molles,
fatiguées... Pour combattre cette lassitude, un seul remède : croquer des fleurs ! C'est un
joli remède, ne trouvez-vous pas?
La famille qui habite sous le rocher biscornu observe, chaque jour, cette aimable
ordonnance. Le père,
la mère et leurs trois petits (âgés d'un an à peine) quittent leur terrier vers le milieu
de la matinée. Ils attendent que le soleil soit bien haut dans le ciel, car ils aiment la
chaleur et la lumière. Comme la prairie sent bon! C'est un vrai jardin de fleurs... Nos
marmottes respirent à fond tous ces parfums appétissants !
— Vite, vite ! Je meurs de faim ! s'écrie la jeune marmotte, qui cueille aussitôt
une campanule bleue.
— Nous aussi ! Nous aussi ! renchérissent ses deux frères, en croquant des trèfles
rosés à belles dents. Le père et la mère s'étirent dans l'herbe tiède, puis hument avec
délice l'air pur de la montagne.
— Ne vous éloignez surtout pas, recommande maman marmotte à ses enfants. Il
ne faudrait pas que l'aigle, ou même le corbeau, s'abatte sur vous par surprise, et vous
enlève dans leurs serres crochues...
Apeurées, frissonnantes, les trois petites marmottes interrompent un instant leur
festin.
— Continuez votre repas, conseille le papa, je garde l'oeil ouvert !
Les jeunes gourmands recommencent donc à grignoter d'exquis pétales sucrés,
tandis que leur papa, perché sur une .pierre, surveille les alentours.
Le déjeuner sur l'herbe continue...

18 juin

Le grand ménage du printemps

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Maintenant qu'elles ont retrouvé leur force et leur énergie, nos braves petites
marmottes doivent songer à faire un peu de ménage : il ne s'agit pas de n'importe quel
ménage, mais du grand ménage de printemps !
— Nous allons changer complètement notre litière ! annonce maman, enlever tout
le vieux foin de la maison ! Et le remplacer par de l'herbe neuve et des fleurs fraîches !
Quel programme !
Les trois petites marmottes participent de leur mieux à ce nouveau jeu!

19 juin

La tour du guet

99
Au milieu du jardin de fleurs se dresse un gros rocher gris, à reflets bleutés, aplati
sur le dessus. Il domine toute la prairie. C'est là que les marmottes viennent faire le guet.
En effet, elles se postent, l'une après l'autre, sur cet observatoire, et,
inlassablement, surveillent les environs. Elles se tiennent toutes droites, toutes raides,
parfaitement immobiles, comme des petites statues, mais rien n'échappe à leur regard
perçant !
Ni l'aigle, qui vole très haut, là-bas, près des cimes ; ni le corbeau, qui se
rapproche insidieusement, ni le renard qui surgit par surprise !
Dès qu'elles sentent la moindre menace, alors, de toutes leurs forces, elles
poussent un sifflement aigu, qui signifie :
« Alerte ! Danger ! »
Et toutes les autres petites marmottes, qui jouaient, déjeunaient, se promenaient
ou dormaient au soleil, se jettent dans leur terrier ! On dirait qu'elles plongent sous terre!
En un clin d'oeil, elles ont toutes disparu... Grâce au signal du guetteur vigilant, elles se
sont réfugiées au fond de leurs trous...

20 juin

Une cour de récréation...

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Anne est montée avec sa grand-mère près des alpages ; elles se sont arrêtées près
d'un éboulis de roches, et là, à demi cachées, ont attendu devant la prairie déserte.
Soudain, ce jardin s'est animé sous leurs yeux, des petites marmottes sont
apparues, comme par enchantement, et se sont mises à jouer, à se taquiner, avec grâce et
malice... Luttes pour rire et folles culbutes, mimiques et hochements de tête, gambades et
poursuites, on se croirait dans une cour de récréation !

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(Une grande histoire : L'hirondelle du 4 Fais ce qu'il te plaît !
printemps 5 Bonjour, les mésanges !
6 Tout un ravitaillement !
MARS 7 Cinq bébés écureuils !
21 Les premières primevères 8 Le jeu du détective
22 Un lièvre changeant... 9 Festin de mariage...
23 Mille fleurs ! 10 Promenade à bicyclette...
24 Les marmottes dorment encore... 11 L'histoire du coucou
25 Le petit sapin 12 II manque un hérisson !
26 Un voisin très bruyant 13 Heureuse nouvelle !
27 Du calme, les petits pierrots ! 14 Après la pluie...
28 Merci Monsieur le Merle ! 15 La randonnée du mulot
29 Dans la boîte aux lettres... 16 Suite de l'histoire du coucou
30 Devinette 17 Fin de l'histoire du coucou
31 Léger comme une plume... 18 Un grand jour !
19 Nougat, le petit chat !
AVRIL 20 Premières bêtises...
1 D'où viens-tu, petit poisson rouge ? 21 Tout le jardin palpite...
2 Coccinelle se réveille ! 22 Un papillon dans la maison !
3 Le cadeau du printemps 23 La coccinelle se défend...
4 Mon ruban s'est envolé ! 24 Premières farces...
5 La surprise de « Crème à la Vanille » 25 Un mystérieux froissement...
6 Les fiançailles du lièvre 26 «Je me hasarde dans la forêt... »
7 Je vous présente le mulot ! 27 Un mastodonte !
8 A la prochaine fois, Monsieur Blaireau ! 28 La caravane insolite
9 Les écureuils emménagent... 29 Le réveil des marcassins
10 Les lapins « bondisseurs » 30 Une queue rousse...
11 Des taupinières à la pelle ! 31 Témérité
12 Sous une feuille de laitue...
13 Je m'appelle « campagnol » JUIN
14 Le tas de pierres... 1 Fête familiale
15 Chut ! Voilà les hérissons ! 2 Solitude...
16 Les soucis d'eau ont fleuri ! 3 La maman la plus douce...
17 Sept canetons fort mignons ! 4 Le saut du chevreuil !
18 Premiers plongeons 5 Au clair de la lune...
19 Concours de saut 6 L'air de la campagne
20 Une poule qui marche sur l'eau ! 7 Une niche verte
21 Ombres chinoises 8 Une énorme rencontre
22 Une grenouille en ville... 9 Visite à la basse-cour !
23 Devinette 10 En suivant le «citron»...
24 Le menu des canetons 11 Réveil en fanfare !
25 Bref dialogue 12 « Est-ce toi, Bilboquet ? »
26 Une île flottante... 13 Derrière le grillage...
27 Attention ! Attention ! 14 Les bébés lapins...
28 Une maman prévenante 15 Quel charivari !
29 Un pêcheur infatigable 16 Enfin réveillées !
30 L'assemblée du soir 17 Déjeuner sur l'herbe...
18 Le grand ménage du printemps
MAI 19 La tour du guet
1 Gai, le muguet ! 20 Une cour de récréation...
2 Clochettes et clochettes
3 Une ravissante ascension SURPRISES DU PRINTEMPS

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C'est aujourd'hui que le troupeau de chèvres et de moutons se met en route, pour
gagner l'alpage, ce pâturage odorant et fleuri, situé près du sommet des montagnes.
Les clochettes tintent à toute volée dans l'air pur !
Que c'est gai, ces sonnailles, ces carillons, qui se répondent, se répercutent, en
échos vifs et joyeux ! Que c'est joli, le spectacle de cet interminable défilé de moutons,
brebis, agneaux, boucs, chèvres, chevreaux, qui piétinent, trépignent, bondissent et se
bousculent tout au long de la grande rue !
Les habitants du hameau se sont mis aux fenêtres, ou sur le pas de leurs portes,
pour voir passer la bêlante procession.
Les enfants, excités, émoustillés, courent à côté du troupeau, crient, chantent,
encouragent les bêtes par des exclamations familières, telles :
— Hardi, hardi, les amis !
— En avant, le régiment des ruminants !
Parfois, ils les caressent furtivement; parfois aussi, ils reconnaissent telle ou telle
chèvre, tel ou tel mouton et interpellent, par leur nom, sans façon :
— Bonjour, Petit-Frison !
— Bon voyage, ma Blanchette...
— A bientôt, Vieux-Chardon !

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— Bon été, Bouclette !
— Tiens, voilà Grand-Macaron !
— Et là-bas, c'est Douce-Laine, avec son agneau...
En tête du troupeau marche le berger Mathurin, qui s'appuie sur son haut bâton. A
ses côtés chemine un petit âne gris, que l'on a appelé Marmiton, parce qu'il est toujours
chargé de deux paniers en osier, remplis de provisions.
En queue gambade le chien Bon-Gardien : il a l'air tout fou, avec ses poils
ébouriffés, son allure distraite et ses cabrioles imprévues. Mais c'est un surveillant
extraordinaire !
Rien n'échappe à son regard vigilant, ni la chèvre téméraire, qui veut se risquer
sur un sentier différent, ni le mouton paresseux, qui décide de rester couché derrière un
buisson de framboises, ni l'agnelet fatigué, qui ne peut plus avancer, ni l'orage qui se
prépare, ni l'averse prête à tomber, ni la nuit qui vient, ni le vent qui se lève !
Il est irremplaçable, ce Bon-Gardien ! Je me demande ce que ferait le berger
Mathurin sans lui ?
Le troupeau a enfin quitté le village. Il suit maintenant le chemin étroit et
rocailleux qui grimpe à flanc de montagne. Un nuage de poussière se soulève à son
passage; le martèlement de tous les petits sabots, qui résonnent en cadence contre les
roches, s'éloigne peu à peu... Le grand voyage de l'été a commencé !

113
La première nuit, le troupeau se repose à l'orée d'un bois de noisetiers. Le
lendemain, c'est une nouvelle journée de plein soleil et d'escalade qui attend nos
voyageurs.
Le chien Bon-Gardien, qui galope sans arrêt de l'avant à l'arrière de la colonne,
remarque qu'un jeune chevreau a du mal à avancer : il trébuche souvent, chancelle sur ses
fines pattes, s'arrête, bêle plaintivement, se remet en route avec peine...
Par des jappements très expressifs, il signale cette difficulté au berger.
— Ah ! C'est notre jeune Flocon de Neige qui traîne... s'écrie Mathurin. Nous
allons l'aider un peu, ce débutant !
C'est en effet la première fois que le petit chevreau monte vers les alpages, et c'est
une rude excursion pour lui. Le berger l'installe donc dans l'un des paniers de l'âne Mar-
miton. Le chevreau harassé y achève sa course, confortablement couché parmi les ballots
et les balluchons.
Après trois jours de marche, apparaît enfin l'immense prairie étincelante, où nos
amis, chèvres et moutons, passeront l'été.
Quel enchantement! Des milliers de fleurs, plus fines et plus gracieuses les unes
que les autres, se mêlent aux herbes croquantes et parfumées. Un vent léger promène aux
quatre
coins de l'horizon ces senteurs délicieuses et nouvelles. La neige, sur les sommets
tout proches, garde la température fraîche, malgré les beaux rayons du soleil. A ce régime
de fleurs et de grand air, le frêle Flocon de Neige devient chaque jour plus vigoureux!...
et plus indépendant ! Il est méconnaissable : le timide chevreau, toujours réfugié dans les
pattes de sa maman s'est transformé en aventurier !
Il veut explorer tous les recoins de ce domaine; il n'hésite pas à escalader les
rochers les plus pointus pour croquer une gentiane bleue, à faire de l'équilibre sur les
racines d'un sapin, pour boire l'eau chantante d'un minuscule torrent, à s'éloigner du
troupeau, pour découvrir de nouveaux horizons...
Bref, il devient si audacieux qu'un soir, il glisse au bord d'un ravin, se raccroche à
une branche de rhododendrons et passe une nuit difficile, à moitié suspendu dans le vide !
Le chien Bon-Gardien le retrouve le lendemain, et Mathurin vient le chercher.
Flocon de Neige a eu très peur, mais il recommencera, car il aime l'aventure ! L'aventure
de l'été... Alors, vive le bel été !

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21 juin

Aubade : vive le soleil !

Le soleil se lève de plus en plus tôt chaque matin. L'été, c'est la période de l'année où les
journées sont les plus longues; dès cinq heures, le ciel s'emplit de lumière, les premiers rayons du
splendide disque d'or chassent les ombres de la nuit et illuminent la ville endormie !
Sur les toits, aussitôt, les pigeons se réveillent et saluent, par des chansons, la naissance
du jour, inlassablement, ils roucoulent en chœur :
— Vive le soleil ! Vive l'été !

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22 juin

A cause des moineaux...

Lorsque Michel arrive devant son école, la grosse pendule ronde indique clairement qu'il
a un bon quart d'heure de retard...
Il se faufile dans la classe, aussi discrètement que possible, mais la maîtresse le voit,
naturellement! Et lui demande sèchement :
— Pourquoi viens-tu si tard ?
— C'est à cause des moineaux, des moineaux qui prenaient leur bain... répond-il le plus
simplement, le plus poliment du monde.
Mais la maîtresse n'accepte pas cette explication, pourtant rigoureu-
sement exacte, et, déclare d'une voix forte, (pour dominer le fou-rire qui s'est emparé des
autres élèves) :
— Tu dis n'importe quoi, va à la porte !
Le petit Michel retourne donc dans le couloir. Comment faire comprendre qu'il a assisté à
une scène étonnante ?
Ce matin, lorsque le balayeur a ouvert un robinet et que l'eau s'est mise à couler dans le
ruisseau, une bande de moineaux, perchée dans le marronnier d'en face, s'est élancée vers ce
minuscule torrent, et chacun a piqué, dans le courant, un petit plongeon fort comique ! Et Michel
ne pouvait s'arracher à ce spectacle

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23 juin

Sérénades...

Les nuits sont douces, en été, et personne n'a vraiment envie d'aller se coucher... Les
chats, les hardis chats de gouttière, moins que les autres! Quand vient le crépuscule, ils aiment
entreprendre de périlleuses randonnées le long des toits escarpés. Ignorant le vertige, ils glissent
sur les ardoises, se faufilent entre les cheminées, sautent par-dessus les corniches, et souvent
s'arrêtent, au bord du vide, pour chanter, chanter à tue-tête, d'étranges sérénades, miauleuses,
miaulantes, un vrai concert de miaous obstinés !

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24 juin

Sept grosses carpes

Nous sommes sept grosses carpes, placides et casanières. Nous aimons la tranquillité et le
calme. Nous sommes très heureuses de rester couchées, des journées entières, dans la vase tiède,
au fond de notre grand bassin. Le jet d'eau, qui s'agite au milieu, ne nous trouble pas, nous
sentons à peine ses clapotis...
Nous ne nous ennuyons pas : nous nous amusons à observer les changements de lumière
à la surface de l'eau, les reflets dansants du soleil ou de la lune, les ronds et les bulles de gouttes
de pluie. Parfois même nous sautons, avec beaucoup de force, je dois l'avouer, pour prendre un
peu d'air. Bref, nous menons une vie bien réglée, très confortable.
Mais dès que revient l'été, fini le repos !
Ce paisible bassin ne nous appartient plus !
Il est pris d'assaut par des enfants bruyants et agités, qui viennent faire voguer leurs
bateaux !
Notre domaine est subitement sillonné par des coques pointues, qui fendent l'eau,
entraînées par des voiles gonflées de vent, ou poussées par de longs bambous !
Plus moyen de faire notre sieste en paix. Il faut se garder de ces morceaux de bois
piquants, qui passent et repassent au-dessus de nos têtes !
Parfois, il y a des collisions, qui entraînent des remous plus désagréables encore !
Parfois aussi, et c'est le pire, l'un de ces navires reste prisonnier du jet d'eau. Pour le
récupérer, son propriétaire imagine un moyen terrifiant : il plonge deux chaises de jardin dans
notre bassin et, les tirant, les poussant, sautant de l'une à l'autre, il rejoint et délivre le bateau
captif !
Imaginez quel charivari dans notre univers de vase ! C'est insupportable !
Voilà pourquoi nous, les sept grosses carpes, n'aimons pas trop les beaux jours de l'été...

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25 juin

La chanson de minuit

En été, vous l'avez déjà vu, le soleil se lève très tôt; et bien, figurez-vous qu'après avoir
brillé toute la journée, cet astre infatigable se couche très tard !
Pour cette raison, les enfants ne veulent pas aller au lit, car ils voient encore de la clarté
derrière les découpes en cœur de leurs volets. Et les oiseaux, sous les feuillages, continuent à
gazouiller à perdre haleine.
Et, dans sa belle cage, le Canari « Tout-Joli » chante ses mélodies jusqu'à minuit !

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26 juin
Au revoir les perruches !

C'est le dernier jour de classe... Les élèves ne sont pas tristes de quitter leurs livres, leurs
cahiers. Ils ne sont pas tristes non plus, il faut bien le dire, même si ce n'est pas très gentil, de
quitter leur maîtresse, Mademoiselle du Panier. Par contre, ils sont très peines à l'idée de ne plus
voir ses deux perruches bleues, Pervenche et Myosotis, qui, toute l'année, ont égayé la salle
d'études de leur bavardage assidu, le seul autorisé du reste !
— Au revoir, les perruches ! disent-ils, en défilant devant la cage.

120
27 juin
Le voyage du poisson rouge

Matthieu est invité à passer la première quinzaine des vacances d'été chez ses grands-
parents. Il est enchanté à la pensée de retrouver leur vieille demeure campagnarde, le jardin et
toutes ses cachettes, la vie au grand air et les visites des nombreux cousins. Il a préparé toutes ses
petites affaires, ses fétiches et ses automobiles miniatures...
Ses parents vont le conduire en voiture : le départ est imminent...
Mais soudain, il hurle: — Mon poisson rouge ! Il ne peut pas rester seul ! Il faut que je
l'emporte !
— Oui, dit sa Maman, mais comment?
On tient rapidement conseil. On envisage plusieurs solutions. Finalement, on décide qu'il
vaut mieux laisser « Petit Clown » dans son bocal.
Mais ce bocal, Maman l'enveloppe d'un sac en plastique, puis elle le cale dans une
bassine; et, par précaution, elle emporte une bouteille remplie d'eau, pour en remettre dans le bo-
cal, en cas de besoin. Matthieu tint fermement sur ses genoux cette «double piscine»...
Eh bien, malgré de forts clapotis, des vagues et des giclements, le voyage du petit poisson
rouge se déroule sans inondation ! Ouf!

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28 juin
Un nouveau panier pour Nougat

Une nouvelle aventure attend aujourd'hui le petit chat Nougat. Il part en voyage ! Il
accompagne sa maîtresse, la jeune Charlotte, chez sa cousine préférée, la chère Noémie...
C'est en car que s'effectuera le déplacement. Pour l'occasion, on a offert à Nougat un
panier bizarre, sorte de boîte carrée, avec une porte, qui se referme sur lui, clac!...
Ce n'est pas inconfortable, mais il n'y a pas beaucoup de place, et Nougat a l'impression
d'être oublié dans ce cageot... Alors, il miaule durant les deux heures du trajet !

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29 juin

Un passager modèle

Bilboquet a l'habitude du chemin de fer : c'est un passager modèle, qui fait


l'admiration de tous ! Il se faufile discrètement dans le couloir, se couche sans histoire
aux pieds de sa maîtresse, dort gracieusement, ronfle en sourdine, accueille sans broncher
tout nouvel arrivant dans le compartiment...
Bref, il serait parfait, s'il n'y avait pas le contrôleur. Bilboquet n'aime pas son
uniforme : dès qu'il l'aperçoit, il aboie comme un fou ! Et, pour le faire taire, Caroline
doit, elle aussi, sortir sa grosse voix !

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30 juin

La chasse aux « Becs-de-Corail »

Un autre départ : celui de la petite Marie. Direction : le bord de la mer ! Elle


emporte ses quatre poupées et toutes leurs robes d'été, ses crayons de couleurs, son beau
chapeau de paille, orné de fleurs et de rubans, que son parrain lui a rapporté d'Italie... Et,
bien entendu, ses deux oiseaux des îles, ses charmants «Becs-de-Corail».
Pour la circonstance, Maman les a mis dans une cage de voyage, moins
encombrante que leur volière habituelle. Maman coince la petite boîte grillagée entre
deux paquets, sur la plage arrière de la voiture. Et l'on démarre... Le paysage défile... Les

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heures passent. La petite Marie commence à trouver le temps long. Et une idée saugrenue
lui traverse la cervelle : « Si j'ouvrais la cage de mes oiseaux ? »
En silence, elle soulève la petite grille... L'un des «Becs-de-Corail» s'échappe et
commence à voleter à l'intérieur de la voiture.
Marie crie :
— Mon oiseau s'est envolé !
Vite, on ferme les fenêtres ! Papa arrête son automobile sur le bord de la route. Et
commence alors une chasse très malaisée...
Les quatre occupants (Papa, Maman, Marie, et sa tante Élizabeth) tentent, tour à
tour, d'attraper le fugitif. Mais il est malicieux, et agile, et hop ! à la dernière minute, s'es-
quive prestement. Et puis, il se cache, de préférence sous les rubans et derrière les fleurs
en tissu du chapeau de Marie. C'est là que, finalement, au bout d'un quart d'heure
d'extrême agitation, Tante Élizabeth le surprend, l'enferme dans sa main et le replace avec
précaution dans sa maisonnette.
Marie a eu si peur de perdre son cher petit oiseau des îles, qu'elle n'est pas prête,
je vous l'assure, de recommencer pareille sottise !

1er juillet

Le rêve d'Aliette...

En se promenant sur la jetée, Aliette rêve : « Comme ce doit être amusant de se


transformer en mouette ! D'abord, elles portent un très joli costume : pattes et bec d'un
rouge fort gai, longues ailes gris-pâle, terminées par une élégante pointe noire, sans
oublier ce charmant petit capuchon de duvet, couleur chocolat...
Ensuite, elles ont la chance d'habiter au bord de la mer, avec une vue magnifique
sur la plage, et sur les châteaux de sable, quand il y en a, sur tous ces rochers bizarres, qui

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ressemblent à des géants, et sur les vagues, sans cesse changeantes, sans cesse remuantes,
avec leurs franges d'écume. Bien sûr, elles n'ont pas une voix très mélodieuse; en fait,
elles ne savent pas chanter, elles se contentent de pousser des cris perçants, mais c'est
comique : on dirait qu'elles rient aux éclats, ou qu'elles se moquent de quelqu'un, ou
encore qu'elles nous appellent !
Surtout, elles semblent mener une vie distrayante ! Les voilà qui, subitement,
s'envolent, à grands coups d'aile, et tournent, et planent, et se croisent, et se poursuivent,
et font la course et se pourchassent, et crient à perdre le souffle ! Ce doit être un jeu, un
jeu fort mouvementé !
Maintenant, elles se posent toutes à la fois sur la digue, et se mettent à marcher en
ligne, droit devant elles, comme pour une parade ! Elles tendent leurs pattes, étirent leurs
ailes, balancent leurs têtes en cadence ! Quelle gymnastique ! Quelle énergie !
Tiens, elles repartent à nouveau, d'un seul élan, pour accueillir un bateau qui
rentre au port. Quelle agitation ! C'est ahurissant ! Elles tourbillonnent autour des mâts,
leurs cris redoublent ! »
Aliette cesse de rêver et s'exclame :
— Comme ce doit être fatigant d'être une mouette !

2 juillet

L'apparition du crabe

Une mouette solitaire et silencieuse (c'est rare, mais cela existe) marche à pas
pressé sur la plage. Soudain, juste sous son bec, apparaît un gros crabe verdâtre, avec des
yeux tout ronds, qui remuent vivement! D'où est-il sorti, ce drôle de crustacé? Il n'y a pas
de cachette sur cette plage ! Oh ! Si ! La meilleure : le sable ! Notre tourteau y était

126
enfoui, quand il lui a pris la fantaisie de dégourdir ses dix pattes. Hop ! Il vient de surgir
sans crier gare, pour le plus grand effroi de Dame Mouette, qui s'envole au plus vite...

_;r.d

3 juillet

Alerte chez les crevettes !

C'est la plus petite des crevettes grises qui, la première, donna l'alerte. Mince et
légère, elle nageait gracieusement dans l'une de ces confortables flaques tièdes, que laisse

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la mer à marée basse, lorsque soudain elle aperçut les mailles d'un filet, son armature
métallique, et son long manche de bois...
D'un coup de queue énergique, elle se projeta en arrière, et se faufila prestement
parmi les autres crevettes. Toutes comprirent immédiatement ce que signifiait l'intrusion
de ce filet : l'arrivée des enfants en vacances...

4 juillet

Un autre jardin...

Une randonnée sur la plage ne ressemble pas du tout à une marche dans le
désert... C'est plutôt comme une promenade dans un jardin, un autre jardin, différent, bien
sûr, de celui qui entoure la maison, mais débordant de surprises.

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Il n'y a pas que du sable, loin de là, car la mer, en se retirant, laisse sur la grève des
plantes très variées, de toutes les formes et de toutes les couleurs : ce sont les algues !
— Tiens ! on dirait de la salade ! s'écrie la petite Marie, en découvrant des algues
vertes, toutes plus lisses et plus luisantes les unes que les autres.
— Et celle-ci ressemblent un peu à des grappes de raisins, observe-t-elle en
ramassant, plus loin, une poignée d'algues brunes.
Naturellement, elle s'amuse à presser entre ses doigts l'un des « grains » et s'étonne de le
trouver vide, après qu'il ait éclaté avec un petit claquement sec. Sa tante Élizabeth sourit
et lui dit : — Si tu es bien sage, je te raconterai un jour l'histoire des algues...

5 juillet

D'innombrables coquillages...

En partant, la mer n'abandonne pas que des algues sur la plage. Elle dépose aussi
d'innombrables coquillages ! La première fois que la petite Marie les aperçut, ce fut un

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émerveillement absolu !
Sa tante n'essaya même pas de lui expliquer quoi que ce soit; elle la laissa admirer
ces formes originales, conques, spirales, peignes, ces coquilles lisses ou striées, ces
couleurs raffinées, jaspées, irisées, nacrées; elle la laissa emplir son seau à ras bord de ces
multiples trésors...

6 jullet

Dans le filet du pêcheur

Ils se sont tous les quatre retrouvés à midi dans le filet de Jacques, le pêcheur !
Heureux de cette rencontre, mais très inquiets, tout de même, qu'elle ait lieu dans les
mailles d'un chalut !

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Les «quatre», vous ne les connaissez pas encore. Ce sont : la sole, ce poisson si
plat que ses deux yeux sont disposés du même côté; la sardine, aux larges écailles
joliment argentées; le maquereau, avec sa queue à double pointe; et le gros Saint-Pierre
ovale, à la mine renfrognée, facile à identifier, avec sa tache noire sur son flanc gris
argent.
Comment ont-ils été pris? C'est simple ! Au lieu de se méfier, la sole paressait, à
son habitude, sur son lit de sable; la sardine jouait avec ses nombreuses cousines; le
maquereau, ce champion de vitesse, filait, insouciant, entre les vagues, et le Saint-Pierre
grognait contre un courant froid.
D'un coup de filet, ils ont tous été attrapés !
Mais, au lieu de se lamenter, le maquereau se remue, s'agite, se démène et
découvre, dans les fils, un trou béant. Il se sauve prestement, et, à sa suite, la sole, la
sardine, et le Saint-Pierre ! Jacques n'aura qu'à raccommoder son chalut...

7 juillet

Une mauvaise rencontre !

Le tourteau parcourt son domaine: bancs de sable humide, aux rides durcies par
l'air marin, quelques flaques d'eau tranquilles, une réserve d'algues, un décor de coquilles
brisées...

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La marée est basse; on entend, très loin, la rumeur des vagues. Le crabe marche
assez rapidement, utilisant ses cinq paires de pattes; les premières, regardez, sont
terminées par de grosses pinces redoutables! Rien ne résiste à ces outils puissants ! Le
tourteau s'en sert surtout pour se nourrir : il est grand amateur de poissons, de vers et de
mollusques de toutes sortes. Pour les attraper, les briser, les décortiquer, rien de plus
commode que ces pinces hérissées de dents! Alors, un conseil, pour tous ces petits
animaux ! Attention au tourteau ! Je donne le même conseil aux orteils, qui se promènent
tout nus dans le sable... Ils risquent fort d'être pinces au passage !
C'est tout du moins ce qui est arrivé à Marc, cet après-midi, lorsqu'il a frôlé notre
crabe qui s'était à demi enfoui dans le sable, le traître ! Ouille ! Ce fut une mauvaise ren-
contre !

8 juillet

« Je suis une méduse... »

«Je suis une méduse...


Je m'explique: je suis un animal qui vit dans la mer. Je ressemble à un
champignon, translucide et gélatineux. Mon ombrelle a une bordure festonnée,

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agrémentée de huit tentacules, plus ou moins longs... Pour nager, j'ai un système simple :
je contracte, puis je relâche, mon ombrelle ronde et j'avance ainsi, gracieusement, entre
deux eaux... Mais, gare à moi, car je pique, oui, je pique, c'est mon rôle de méduse, et l'on
me nomme, pour cette raison: ortie de mer... »

9 juillet

La mouette en vacances

Cette petite mouette rieuse est venue passer ses vacances dans un port de pêche,
sur l'Océan. Car figurez-vous qu'elle n'habite pas toute l'année au bord de la mer. A la
différence de la plupart de ses amies, elle préfère passer une partie de l'année en ville.

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— Comment trouve-t-elle le chemin de la ville? me demandez-vous. Ne risque-t-
elle pas de se perdre en route ?
— Non. N'ayez aucune crainte. Pour s'y rendre, elle remonte tranquillement le
cours d'une rivière, qui se jette dans l'Océan. Elle suit ses courbes et ses méandres, et
s'arrête dans les champs pour d'agréables étapes, ce qui lui donne l'occasion de faire de
bons repas d'insectes et de vers de terre. Elle arrive ainsi, par petites journées, dans la
ville de son choix, où elle s'établit pour plusieurs mois...
Maintenant que l'été est revenu, elle préfère retrouver la fraîcheur du grand large,
l'air salé de l'Océan, l'espace des vastes plages silencieuses, le charme des falaises, où il
fait si bon nicher, et la compagnie des beaux goélands...

10 juillet

Pauvre couteau !
Un couteau, savez-vous ce que c'est? C'est un coquillage tout droit, lisse, mince et
allongé. Habituellement, il nage; mais au moment où la mer descend, il s'enfonce dans le
sable. Il remonte lorsqu'il sent à nouveau la saveur de l'eau salée.

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Un couteau, donc, se reposait dans sa cachette sablonneuse, aérée par une
minuscule cheminée, quand soudain, par ce trou, il reconnaît le parfum du sel. Aussitôt, il
fait surface! Mais il est attrapé par Marc, qui l'a trompé avec trois grains de sel!

11 juillet

Marcher «en crabe»...

— Quelle démarche! Mais quelle démarche grotesque ! s'esclaffe une première


moule bleue, en regardant le gros crabe bosselé s'en aller, lourdement, gauchement,

135
lentement, pour sa promenade journalière.
— Chut ! Chut ! Il ne faut pas se moquer de lui ! rétorque une seconde moule
bleue. Il marche de travers, c'est exact. Mais, que veux-tu, c'est sa spécialité ! Il ne sait
pas marcher droit : il marche «en crabe»... Nous, ma chère, nous ne savons pas marcher
du tout; alors, moi, je le trouve plutôt alerte, notre gros voisin !

12 juillet

Les puces de mer

Armée de son seau, la petite Marie a décidé de partir à la cueillette des algues.
Elle a envie de jouer à la marchande.

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Elle s'éloigne en direction du sable mouillé. Encore luisantes d'eau de mer, une
variété de plantes s'étale au soleil : il y a vraiment l'embarras du choix !
Marie se penche pour ramasser une belle touffe de fucus, mais aussitôt elle est
assaillie par une nuée de minuscules insectes, qui sautillent dans tous le sens !
— Pouah ! Quelle horreur ! s'écrie-
t-elle, dégoûtée et craintive.
Abandonnant son seau, elle court retrouver sa maman, sur le sable sec, et lui
raconte sa mésaventure.
Sa maman la prend par la main, retourne avec elle près des algues, examine les «
bestioles » qui ont effrayé la petite Marie.
— Ce sont des puces de mer! explique-t-elle en souriant, de merveilleuses petites
ménagères, des championnes de la propreté ! Elles dévorent tout ce qui est sale, sur la
plage, tout ce qui est pourri. Grâce à elles, le sable reste propre. Elles ont beaucoup de
travail : aussi sont-elles très nombreuses... à la maison, nous les observerons avec la
loupe de bon-papa !

13 juillet

Comme une forêt...


Sous la mer, les algues ressemblent à une forêt, une forêt agitée par des courants,
parfois doux comme une brise, parfois turbulents comme une tempête, une forêt variée,
avec des buissons touffus, des branches souples et ramifiées, en lamelles, en chevelures,

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des herbes, et des fougères, une forêt égayée par des fleurs, telles les anémones, une forêt
habitée par des myriades de petits poissons aux écailles chatoyantes, par des tribus
entières de petits mollusques comiques, en un mot, une forêt enchantée...

14 juillet

Le menu de la méduse

La méduse est donc très jolie, avec son ombrelle festonnée, et ses tentacules qui
ondulent...

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La méduse est très coquette, avec ses mines étudiées, ses manières gracieuses, ses
mouvements ondoyants...
La méduse est aussi très gourmande, une gourmande raffinée...
(En secret, je vous dis où se trouve sa bouche : sous son ombrelle, mais, chut ! Ne
le répétez pas, elle ne serait peut-être pas contente...) Son menu préféré : des crevettes,
des tout petits poissons, des crabes miniatures et surtout, ah ! oui, surtout, du plancton !
Du plancton ! ? !
N'ouvrez pas des yeux ronds, je vais vous décrire cette nourriture merveilleuse...
Plancton, cela veut dire : vagabond, qui se promène... Le plancton, c'est une
nourriture qui se promène dans la mer... Une sorte de bouillon, ou de consommé, ou
encore d'infusion, invisible, complètement invisible, composé de coquillages, de
mollusques, de plantes, d'herbes et d'algues, tous microscopiques, tous exquis et forti-
fiants ! Bref, une potion magique !

15 juillet

A tous les étages du rocher...

Il n'y a pas un appartement de libre dans ce grand rocher, couvert de goémons.


Tous les étages sont occupés, et même la cave !

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C'est un crabe qui a élu domicile au sous-sol. Bourru et solitaire, il rentre et il sort
sans déranger personne; ses allées et venues sont régulières et méthodiques.
Au rez-de-chaussée habitent quelques poissons très fantaisistes, qui vont et
viennent au rythme de leurs caprices. Ils ont fait pousser sur leurs balcons des plantes
vaporeuses derrière lesquelles ils se dissimulent, comme derrière des rideaux.
Au premier et au deuxième sont installées des familles nombreuses de moules
bleues, très casanières et très bavardes.
Au troisième vivent des patelles; on les reconnaît facilement; elles portent des
chapeaux chinois et ne sortent jamais de chez elles, toujours accrochées à leurs terrasses.
Au quatrième, dans une sorte de piscine creusée sur un rebord se prélassent des
crevettes ravissantes et coquettes.
Au dernier étage résident deux mouettes élégantes, qui voyagent énormément...

16 juillet

Les trois sorcières

Je ne veux pas être méchante, mais je les appelle tout de même « sorcières » les
trois créatures, que je vais vous présenter, et si j'étais un petit crabe, un poisson, ou tout

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simplement un doigt de pied, je m'en méfierai...
La première s'appelle Rascasse. On la surnomme « scorpion de mer », ce qui n'est
pas étonnant, car sa grosse tête rougeâtre est complètement hérissée d'épines ! C'est une
vraie cuirasse, rendue plus terrible encore par des rides affreuses et d'énormes verrues !
Et sur son dos se dressent des piques venimeuses...
La seconde s'appelle Murène. Elle est très belle, longue, mince, avec une peau
marbrée de couleurs éclatantes. Mais elle est féroce ! De ses dents pointues comme des
crocs, elle mord et dévore les proies, qu'elle guette, cachée dans la fente d'un rocher...
La troisième n'est pas un poisson, c'est un mollusque, elle s'appelle Pieuvre. Elle
n'est pas méchante, mais elle n'est vraiment pas séduisante, avouez-le, avec son corps
gluant et mou, sa tête bizarre, ses yeux globuleux et cette étrange couronne de tentacules,
garnis de ventouses inquiétantes.

17 juillet

Sept petits mulets...

Sept petits mulets flânent nonchalamment entre deux eaux. Ils nagent, sans but
précis, dé-ci, dé-là, au-dessus d'un fond de sable très blanc. Leurs larges têtes plates, leur

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museau court et arrondi leur donnent l'air naïf, calme et gentil.
Comme ils voient, là-haut, la surface de la mer miroiter au soleil, ils y montent, en
trois coups de queue, et se mettent à sauter, hors de l'eau, hop ! hop ! hop ! avec la plus
grande facilité. Leurs écailles brillent dans les rayons du couchant, comme des paillettes
précieuses...
Qu'ils sont légers et agiles !
Que c'est joli, ces bonds aériens, ces apparitions étincelantes, ces petites fusées
argentées, qui jaillissent, en cadence, en silence, et disparaissent si vite, que l'on croit
avoir rêvé...
Nos sept petits mulets aiment particulièrement ce jeu.
Mais tant d'exercice leur ouvre l'appétit, alors ils plongent au fond de la mer et
vont dévorer quantité d'algues succulentes...

18 juillet

Les coquilles Saint-Jacques

C'est la première fois que les jeunes sardines rencontrent des coquilles Saint-Jacques.
Aussi dévisagent-elles sans façon ces mollusques inconnus, aux élégantes coquilles doubles. Il y

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en a une demi-douzaine, qui se reposent sur le sable.
Soudain, elles se lèvent et s'éloignent rapidement en direction de la forêt d'algues. C'est
curieux, on dirait qu'elles dansent la polka! Elles entrouvrent leur coquille, aspirent de l'eau, puis
la referment brutalement, en chassant l'eau, et ce mouvement énergique les propulse en avant !

19 juillet

Les ruses de la pieuvre

La pieuvre a terminé son déjeuner : elle a mangé des coques et deux crabes; maintenant
elle rentre chez elle, en rampant lentement sur le fond à l'aide de ses puissantes tentacules.
Elle habite dans une sorte de caverne, creusée sous un rocher.

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Elle s'engouffre dans son trou, disparaît, puis, au bout de quelques instants, ressort de sa
cachette.
Elle a choisi de nager, cette fois, à reculons selon son habitude.
Comment nage-t-elle ?
Grâce à un système très simple : elle remplit d'eau sa grosse poche, et ensuite rejette
violemment cette provision d'eau; manœuvre, qui la fait progresser facilement.
Lors de ses randonnées, si notre pieuvre est inquiétée par un ennemi, ou si elle veut
échapper à un poursuivant, elle peut employer deux ruses :
Soit elle change de couleur, ce qui trouble évidemment celui qui la pourchasse, car il ne
la reconnaît plus !
Soit, ce qui est mieux encore, elle répand autour d'elle un jet d'encre noire, qui la
dissimule complètement, et masque son odeur...
Vous voyez que cette sorcière a de vrais pouvoirs magiques !

20 juillet

L'étoile de mer

— Oh ! Tante Élizabeth ! Viens, viens vite ! crie la petite Marie, j'ai trouvé une étoile,
une étoile tout rouge !

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— Comme elle est belle ! admire Tante Élizabeth. C'est une étoile de mer. Elle bouge.
Elle est encore vivante, la mer la reprendra quand elle remontera vers la plage.
— C'est gentil, une étoile de mer ? demande la petite Marie.
— Humm... c'est difficile à dire, répond sa tante. Gentille, je ne sais pas, mais vorace,
oui ! Elle est capable de dévorer une coquille Saint-Jacques !

21 juillet

La mer se promène...
Les marées, au fait, qu'est-ce que c'est?
La promenade régulière de la mer, qui descend tout au bout de la plage, plus loin
que l'extrémité de la jetée, et puis qui remonte vers le sable sec, s'arrêtant juste à la limite

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des tentes.
Ce va-et-vient mystérieux se produit deux fois par jour.
Qui le provoque ? La Lune...
Comment ? Oh ! Il faudrait être un savant pour l'expliquer !
Par contre, voulez-vous savoir de quelle manière la petite Marie a remarqué cet
étrange phénomène ? L'après-midi même de son arrivée en vacances, elle avait construit,
avec l'aide de sa tante, un grand château de sable. Elle avait choisi, pour le bâtir, une zone
de sable mouillé (c'est le meilleur pour ce genre de construction).
Ensemble, elles avaient réussi un chef-d'œuvre, une redoutable forteresse, avec
quatre tours crénelées, des murailles épaisses, bien tassées, renforcées de coquillages, et
un donjon central, couronné d'un superbe pâté!
La petite Marie battait des mains !
— Bravo ! Bravo ! Tante Élizabeth ! Jamais je n'ai vu un château aussi beau!
Et elle restait à contempler fièrement cette magnifique citadelle...
Mais une rumeur, derrière elle, lui fit soudain tourner la tête. Elle vit que c'était la
mer qui remontait, vite, très vite... Déjà les premières vagues lui léchaient la plante des
pieds.
— Mon château ! s'écria-t-elle avec colère, attention à mon château !
Mais la mer ne l'écouta pas, naturellement, et continua d'avancer; et Tante
Élizabeth, prenant sa nièce par la main, entraîna la petite Marie vers le sable sec !
Le beau château fut bientôt complètement encerclé; il ne tarda pas à s'écrouler,
englouti par la marée...

22 juillet

Devinettes
A votre avis, combien mesure le plus petit des crabes ?
Deux ou trois millimètres, c'est-à-dire à peine plus gros qu'un grain de riz ! Il est
donc minuscule, mais c'est un vrai petit crabe, avec dix vraies petites pattes et une fine

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carapace molle ! Son nom ? Oh ! Il est très compliqué, et je ne sais pas si vous le
retiendrez ! Il s'appelle : pinnothère !
Et savez-vous où il habite ?
A l'intérieur d'une moule, ou d'une palourde : un magnifique palais, ne trouvez-
vous pas ?

23 Juillet

Gourmandise...

Je ne pense pas qu'il existe un oiseau plus gourmand que le goéland...

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Il a toujours faim !
Surtout de coquillages !
— Les coquillages sont délicieux, mais enfermés dans une coquille très dure.
Comment le goéland fait-il pour les ouvrir ?
— Simple comme bonjour ! Notre oiseau saisit le coquillage avec son bec,
s'envole très haut dans les airs, et, plof! laisse tomber sur le sol sa chère friandise !
L'enveloppe se brise aussitôt en mille miettes et...

24 Juillet

Gourmandise (bis)

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... et notre goéland n'a plus qu'à descendre en vitesse, pour déguster le mollusque,
si facilement décortiqué! (En vitesse, afin qu'un autre goéland n'ait pas le temps de le lui
voler !)
Si, par hasard, la coquille est spécialement dure, le goéland recommence sa
manoeuvre, s'efforçant, cette fois, de jeter son coquillage contre une surface très dure :
une digue en pierre, ou un toit d'ardoises.
Comme vous le voyez, le goéland est tellement gourmand qu'une seule histoire ne
suffit pas à décrire son immense appétit: il faut cette deuxième, pour dire que notre oiseau
est également amateur de poissons.
Hélas, pêcheur très maladroit, il se contente de ramasser sur la plage les poissons
morts, apportés par les marées... Il se régale... et, sans le savoir, il nettoie la plage, alors,
tant mieux !
Ce n'est pas fini ! En fait, notre goéland est tellement, tellement gourmand, que
deux histoires ne suffisent pas à raconter ses habitudes gastronomiques : il en faut trois !
Voilà donc la troisième !

25 Juillet

Gourmandise (ter)

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Après avoir dégusté du poisson, le goéland a envie d'un peu de viande ! Quittant
la côte, il s'envole en direction des champs, où il n'a aucun mal à dénicher de succulents
vers de terre !
Pour son dessert, il se rend à l'entrée du port et picore avec délices toutes les
surprises qui flottent à la surface de l'eau : miettes de biscuits, pelures de fruits, rondelles
de pain, épluchures de légumes... A gauche, à droite, avec des cris de joie, notre goéland
se sert copieusement ! Avez-vous jamais vu un tel gourmand?

26 juillet

Les mésanges ont grandi !

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Qu'elles ont grandi, les cinq petites mésanges de la pleine lune, celles qui sont
nées dans la boîte aux lettres de notre amie Claire! Elles ont même quitté le jardin : oh !
elles ne sont pas loin, puisqu'elles se sont installées de l'autre côté de la barrière, dans un
acacia aux longues branches souples.
Là, elles organisent des concours d'acrobatie. Leur numéro favori : se balancer dé-
ci, dé-là, tête en bas !
Tireli tui tui ! Que c'est joli !

27 juillet

La fée canicule

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La canicule, vous le savez, c'est une spécialité de l'été : c'est une période où le
temps devient très chaud. Le soleil brûle; ses rayons dessèchent la terre, grillent l'herbe,
roussissent les feuilles des arbres. A midi, surtout... Alors, par les prés, par les champs, et
même dans le petit bois, les animaux essaient de se mettre à l'abri...
Naturellement, les escargots se recroquevillent tout au fond de leurs coquilles, et
les vers de terre restent dans leur trou. Les fourmis se cachent sous les herbes, les
papillons somnolent à l'ombre des chèvrefeuilles, les abeilles se taisent, les bourdons font
la sieste au creux des fleurs et les oiseaux, assoupis dans les feuillages, ne chantent plus.
Et c'est du reste étrange ce grand silence, qui tombe des arbres... Le mulot rêve dans son
terrier : il n'est pas question pour lui de mettre le museau dehors avant la nuit ! Les petites
souris, engourdies par la chaleur, sommeillent sous une ombrelle de fougères...
On dirait qu'avec sa baguette magique, une fée a endormi tous les habitants du
petit bois, la fée Canicule...

28 juillet

Salon de coiffure ...

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Ces cinq écureuils joueurs, qui sautillent de branche en branche, vous ne les
reconnaissez pas? Et pourtant, vous les avez déjà vus ! Ce sont les écureuils nés au mois
de mai dans le grand sapin ! Ils ont bien changé, c'est vrai! Les voilà robustes, alertes,
dégourdis, avec un magnifique pelage lustré !
Tiens, tiens, ils se postent tous sur de grosses racines et se mettent à peigner
délicatement leur queue : on se croirait dans un salon de coiffure ... Bizarre ... Bizarre ...

29 juillet

La caravane passe...

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Une caravane passe sur le sentier de graviers blancs, passe en trottinant, hop-la,
hop-la, trottin-trottant, une caravane de jeunes hérissons tout ronds, quatre petites pelotes
d'aiguilles, qui cheminent à la queue leu leu, tressaillant au moindre bruit : une feuille qui
craque, un papillon de nuit, qui défroisse ses ailes, frères et sœurs lancés à l'aventure le
long de l'allée du jardin, et qui passent devant moi, trottin-trottant, comme une lente
caravane...

30 juillet

Un petit voisin attendrissant

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— Vous «!'». avez vu? gazouille la fauvette, en pointant son bec vers le buisson
de chèvrefeuille.
— Oui, «il» est vraiment très mignon! babille la merlette. Avec son museau tout
rond, sa petite étoile blanche sur le front, et ses grandes oreilles duveteuses...
— Et tellement sage! jase la mésange. J'habite juste en face de «lui», dans le
bouleau et je peux «le» surveiller facilement. «Il» ne bouge pas et ne fait aucun bruit ; « il
» regarde les feuilles, qui palpitent au vent, et les abeilles, qui butinent.
— Est-« il » toujours seul ? s'inquiète la merlette, attendrie.
— Non, répond la mésange. Sa maman vient le voir, le soir, et lui donne du lait...
— Ah ! Tant mieux ! « II » a l'air si gentil, je craignais qu'il ne soit abandonné ...
avoue la merlette.
— Le hibou m'a dit que c'était un levraut ! affirme la fauvette d'un ton important.
Un levraut, c'est-à-dire un bébé lièvre...
— En tout cas, c'est un voisin vraiment charmant ! chantonne la mésange. Je suis
ravie de sa compagnie.
Les trois dames-oiseaux continuent à bavarder gaiement devant le buisson de
chèvrefeuille !

31 juillet

Oui, oui, oui, je sais

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— Oui, oui, oui, je sais! répond le petit lapin, à tout bout de champ. Il est tellement pressé
de jouer, de courir, de bondir, qu'il n'écoute pas ce qu'on lui dit...
... Et pourtant, c'est parfois important ce que raconte une maman...
— Attention à la belette ! recommande-t-elle ce matin.
— Oui, oui, oui, je sais ! répond le petit lapin, en se sauvant dans le pré. Oui, oui, oui, je
sais !
Hum ! Hum ! Saura-t-il, le moment venu, reconnaître cette dangereuse ennemie? Nous
verrons...

1er août

Un vrai petit parachute !

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Non, bien sûr que non, ce n'est pas la coquetterie qui pousse les écureuils à lisser
soigneusement leur queue, à la peigner, plusieurs fois par jour, avec leurs petites pattes et leur
petite langue, à la nettoyer à fond, c'est-à-dire à la débarrasser des brindilles de pin, qui
l'alourdissent, ou de la résine poisseuse, qui colle les poils.
Non, bien sûr que non, ce n'est pas la vanité qui conduit les écureuils à faire gonfler leur
queue, à la rendre bouffante, légère, mousseuse, à l'aérer, la secouer, l'agiter comme un beau
panache ! Ni la coquetterie, ni la vanité, c'est la prudence !
Oui, oui, je dis bien : la prudence ! Je vais vous l'expliquer ; la queue d'un écureuil n'est
pas simplement un ornement, une jolie décoration, qui les rend très mignons et très gracieux, la
queue d'un écureuil, c'est un parachute !
Un vrai petit parachute, qui leur permet de sauter du haut d'un arbre sans se faire mal, de
bondir de branche en branche, et de «s'envoler», lorsqu'ils se sentent en danger... Mais, pour
fonctionner, ce parachute doit être parfaitement propre, et parfaitement gonflé...

2 août

Une voix dans la nuit...

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Il fait très chaud, cette nuit; Charlotte a laissé sa fenêtre grande ouverte, en
prenant garde d'éteindre la lumière, pour que les moustiques, ces affreux insectes-
piqueurs, n'entrent pas dans sa chambre par millions !
Elle écoute avec amusement la rumeur nocturne. Elle reconnaît le hululement
strident de la chouette et le cri flûte des grenouilles, l'aboiement rauque du chien des
voisins, le froissement sec des feuilles de catalpa, le ronronnement grognon d'un moteur,
au loin, et les craquements familiers
du grenier, au-dessus de sa tête, le frôlement feutré d'un papillon contre son abat-
jour...
Mais, tout à coup, une voix s'élève dans la nuit, une voix pure et mélodieuse, qui
égrène, les unes après les autres, comme les perles d'un collier, les notes les plus justes et
les plus ravissantes qu'elle ait jamais entendues, une voix charmeuse, qui l'enchante
complètement... C'est la voix du rossignol, mais, comme elle aime les contes de fée,
Charlotte imagine que c'est un prince charmant qui chante pour elle...

3 août

Leçon de cuisine...

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Les cinq écureuils du grand pin sont encore au travail !
Il ne s'agit pas de toilette, cette fois-ci, mais de cuisine, en quelque sorte !
Ils apprennent à éplucher correctement une pomme de pin.
Ce n'est pas si simple, surtout les premières fois...
Il faut tenir la grosse pigne bien solidement dans ses pattes, et puis, à l'aide de ses
petites dents pointues, ronger, rogner, couper, tailler les écailles, pour dénicher les savou-
reuses petites graines !

4 août

Un petit éclair vert!

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A l'ombre du laurier rosé, la cigale chante à tue-tête, à cœur-joie, infati-
gablement ! Elle chante le bel été, le ciel étincelant, le soleil si gai, le parfum des fleurs,
la douceur de l'air.
Jean, qui passe près du laurier, s'arrête un instant pour ['écouter. En fait, il
aimerait voir la petite chanteuse ; mais il a beau écarquiller les yeux, il ne la découvre
pas...
Il s'est assis sur un petit mur de pierres sèches et continue à scruter chaque feuille,
chaque branchette de l'arbuste.
Soudain, à deux pas de lui jaillit, silencieux et rapide, un petit éclair vert !
A peine a-t-il le temps de l'entra-percevoir, que cette mystérieuse apparition a
disparu entre deux pierres ! Jean guette, sans bouger ; il ne prête plus aucune attention à
la cigale. Voilà que l'étrange animal ressort de son trou ; mince, souple, couvert
d'écaillés, avec une tête pointue et une longue, longue queue, c'est un petit lézard !
Jean le reconnaît aussitôt : il en a observé sur les illustrations de son livre de
sciences naturelles. C'est la première fois qu'il en voit un «vrai», un vivant ! Quelle
chance, et quelle surprise ! Il cherchait une cigale, il a trouvé un lézard !

5 août

Le magicien et l'arrosoir

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Quel magicien, le soleil d'août ! Il illumine tout le jardin et communique à chacun
sa gaieté. Il rajeunit le pommier rabougri et fait sourire la vieille maison fatiguée. Il satine
la pelouse et transforme les fleurs en belles princesses !
Mais... mais il leur donne soif aussi ! Alors l'arrosoir doit travailler ! Travailler
sans relâche à répandre, par myriades, ses précieuses gouttelettes d'eau, à rafraîchir
inlassablement géraniums et pétunias, capucines et rosés trémières !

6 août

L'aide-jardinière

161
— Maman, Maman ! s'écrie Claire. Il y a des dizaines de coccinelles dans tes
rosiers ! Elles vont certainement manger les rosés !
— Non ! N'aie aucune crainte ! Elles vont, au contraire, me rendre un grand
service : en dévorant tous ces minuscules pucerons, que tu vois, collés sur les feuilles et
agglutinés autour des boutons. Ces pucerons font du mal à mes rosiers : ils sucent leur
sève, ce qui les affaiblit et les rend malades. Tes coccinelles sont de braves petites aides-
jardinières !

7 août

Dans le verger de Madame Verdurin

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Son petit chat Nougat sous le bras, Charlotte va faire visite à la voisine, Madame
Verdurin.
Elle la trouve dans le verger, assise à l'ombre d'un abricotier. Non loin d'elle,
Crème à la Vanille, la mère du jeune Nougat, dort au soleil, gracieusement couchée dans
l'herbe haute...
Il fait chaud ; l'air sent bon ; des papillons volètent dé-ci, dé-là, insouciants. Une
brise légère agite les feuilles des arbres et caresse les fruits aux belles couleurs. Charlotte,
la gourmande, identifie sans peine les gros-
ses pêches rondes et veloutées, à la peau rosé orangé, et les abricots, plus petits,
plus allongés, d'un jaune éclatant ! Elle reconnaît aussi les prunes, mais comme celles-ci
ne sont pas complètement mûres, elles n'ont pas encore leurs belles mines, et il est
difficile de les distinguer.
— Bonjour, Madame Verdurin, dit la petite Charlotte. Vous avez vraiment
beaucoup de fruits, comment allez-vous faire pour tous les manger?
— Ah ! Ça c'est un secret ! répond Madame Verdurin, en plissant ses yeux avec
malice, mais si tu es bien sage, je te le dirai bientôt...

8 août

Le merveilleux petit aéroplane

163
Un léger grésillement fait vibrer l'air. Arthur, qui jouait au cerceau, s'arrête,
intrigué. On dirait un bruit d'avion, mais d'un avion minuscule...
Arthur se retourne vers la haie de troènes et aperçoit alors un insecte
extraordinaire : il a une tête ronde, des yeux globuleux, un corps très allongé, d'un bleu
étincelant, et quatre ailes transparentes, avec lesquelles il fait du vol plané... C'est une
libellule, mais Arthur ne le sait pas. Pour lui, c'est un merveilleux petit aéroplane !

9 août
Retour au Marais Joli

164
Et si nous retournions voir les sept petits canards du Marais Joli? Je vous assure
qu'ils sont méconnaissables ! Ils ont tellement grossi, tellement grandi ! Ce qui est tout à
fait naturel, si vous vous rappelez les copieux repas qu'ils avalent du matin au soir...
Mais, surtout, leur plumage a changé : les voilà habillés de gris et de brun, ce qui les fait
ressembler à leur maman. Ils paraissent très élégants, ainsi vêtus !
C'est au mois de juin, à l'époque où les iris jaunes ont fleuri sur les rives de la
mare, que s'est produit ce changement de costume. Il s'est accompagné d'un changement
de nom : désormais, nos jeunes canards s'appellent : «halbrans» (ce qui veut dire : «demi-
canards»). Et il a été suivi d'un changement d'habitudes : maintenant, les sept canards ont
la permission de se promener à leur guise sur la mare. Et ils en profitent, ces jeunes
aventuriers !
Ils explorent, à leur fantaisie, tous les recoins de leur domaine, plongeant sous les
racines du vieux saule, se faufilant entre les plantes aquatiques, glissant le long des
berges fleuries, furetant, barbotant, cancanant...
Pour un oui, pour un non, ils vont
voir leurs cousins Grèbes et disputent avec eux de joyeuses parties de cache-cache
dans les joncs ! Ou bien ils font des courses de vitesse avec la Poule d'eau. Et puis,
aujourd'hui-même a eu lieu un événement remarquable : l'un des halbrans, tout à coup,
s'est envolé ! A force de tirer sur ses ailes, de les agiter en tous sens, brusquement, il a
décollé ! C'est prodigieux !
Ses frères et sœurs le regardent avec admiration et envie...
— Ce sera bientôt votre tour! assure maman Cane.

10 août

L'oiseau féerique...

165
Emilie se promène le long de la rivière, qui fait tourner le moulin de sa tante
Rose-Marie. C'est une petite rivière bavarde, qui chuchote entre les herbes, crie contre les
rochers, murmure sous les feuilles du saule, gronde dans la cascade, rit près du pont de
bois...
La petite fille s'amuse à regarder ses pirouettes et ses cabrioles, mais, subitement,
retient son souffle : elle a remarqué volant au ras de l'eau, un oiseau féerique, bleu
comme le ciel !

11 août

Martin-Pêcheur

166
Ce féerique oiseau couleur d'azur, aux plumes étincelantes, qui passe comme une
flèche au ras de l'eau, si vite qu'on aperçoit seulement un trait de lumière bleue, et dont le
cri répété sonne haut et clair sous les feuillages, cet oiseau exceptionnel s'appelle Martin-
Pêcheur. Et il porte vraiment bien son nom, car c'est un pêcheur de génie !
Il n'a pas de canne à pêche, ni d'épuisette ; mais il possède un instrument encore
plus pratique et efficace : son bec, large, puissant, robuste, dessiné spécialement pour la
pêche, et qui est une arme redoutable... Et, ce qui est beaucoup plus précieux encore, il
sait s'en servir à la perfection ! Comme un artiste ! Il se poste sur une branche de saule,
juste au-dessus de la rivière. Il se tient complètement immobile. Il guette. Il attend. Il
observe. Il surveille le fond de l'eau.
Dès qu'il voit passer un petit poisson, Plouf! Il plonge tout droit, tête première, les
ailes plaquées contre son corps, au beau milieu du courant et Clac ! Il le saisit d'un coup
avec son gros bec ! Puis il remonte à la surface, en battant des ailes, et reprend sa place
sur la branche de saule : il guette un autre petit poisson !

12 août

Les locataires de la rivière

167
La rivière qui coule si gracieusement entre les rives fleuries, sous les branchages
souples, ressemble à un ruban lisse et brillant, à un miroir uni, dans lequel se reflètent le
ciel, les nuages, les roseaux, les feuillages, les herbes...
Mais la rivière, c'est aussi tout un monde mystérieux, foisonnant, varié, le
domaine de multiples poissons d'eau douce.
Ils ont chacun leurs cachettes, leurs repaires, leurs terrains de jeux.
Ils ont chacun leurs habitudes, leurs goûts, leurs préférences.
Il y a les ravissantes truites arc-en-ciel, qui logent sous une cascade, car elles
aiment l'eau vive et les bulles.
Il y a les carpes nonchalantes, qui se prélassent dans les coins calmes.
Il y a les chevesnes à dos brun, qui montent, pour un oui, pour un non, à la
surface.
Il y a les jolies ablettes aux écailles d'argent, qui se promènent en bandes.
Il y a encore les gardons remuants et étourdis, et les petits goujons couleur de
sable, comme le fond du ruisseau où ils aiment se reposer.
Il y a aussi les perches à rayures et les tanches dorées.
Tous vivent dans la rivière comme d'aimables et alertes locataires...

13 août

Les canards volent !

168
Tous les petits canards volent à présent, les sept «halbrans» du Marais Joli.
Ah ! Les magnifiques promenades ! Ils s'en donnent à cœur joie !
C'est tellement délicieux de sentir le vent glisser le long de leurs plumes !
C'est tellement grisant de « flotter » dans l'air !
C'est tellement distrayant de découvrir des paysages nouveaux !
C'est tellement amusant de circuler dans l'espace, comme des petits pilotes !
Ah ! Vive la navigation aérienne !

14 août

Le ballet des libellules

169
Je connais des danseuses qui, pour danser, n'enfilent pas de chaussons de satin, ne
revêtent pas de tutus en tulle, ne glissent pas de fleurs dans leurs cheveux...
Je connais des danseuses qui, pour danser, n'ont pas besoin de musique, ni de
lumière, ni d'une belle salle avec un parquet ciré...
Et pourtant, elles sont aussi jolies, aussi séduisantes, aussi charmeuses que des
ballerines de l'opéra...
Ce sont les libellules !
Admirez leur costume féerique : ces ailes précieuses, plus fines que de la
mousseline ou de la gaze de soie, brillantes, transparentes, légères, légères...
Regardez ce décor d'herbes aquatiques, de myosotis, de nénuphars, aux couleurs
vives et chatoyantes, illuminés par les rayons dorés du soleil...
Voyez cette piste aérienne et miroitante, au ras de l'eau...
Et laissez-vous entraîner par le rythme de leur danse,
Une, deux ! Une, deux, trois !
Elles avancent, elles reculent, elles tournent en mesure, guidées par les
bruissements des roseaux, le murmure des feuilles de saule et les clapotis cristallins du
ruisseau...

15 août

Martin fait son nid

170
— Savez-vous comment Martin-Pêcheur construit son nid ?
Surtout, savez-vous où il le place ?
— Dans un bel arbre, orme ou saule, près de la rivière ?
— Non, pas du tout ! Il installe son nid tout au fond d'un sombre souterrain... Il
travaille plus de trois semaines à creuser un long couloir dans la berge, et puis, tout au
bout de ce couloir, il aménage une chambrette où il arrangera son nid. Eh oui, ce bel
oiseau étincelant, pour accueillir ses petits, s'enferme dans une obscure caverne !

16 août

Devinette

171
A votre avis, quel est le matelas le plus doux pour un bébé martin-pêcheur ?
A votre avis, que choisissent ces précieux oiseaux bleus pour garnir le berceau de
leur future nichée ?
A votre avis, qu'apportent ces parents attentifs dans la chambre ronde, tout au
fond du couloir secret ?
Mousse, herbes, feuilles ou plumes ? Brindilles, pailles, écorce ou duvet? Ni ceci,
ni cela... Mais de fines, fines arêtes, qui forment un coussin parfaitement délicat...

17 août

Duo...

172
A l'abri, dans sa cachette de la rive, Maman Martin-Pêcheur a pondu six œufs tout
blancs... Elle les couve avec une patience admirable.
Dehors, le soleil rit, la rivière chante, les feuilles bougent et les fleurs déploient
toutes leurs couleurs. Tandis qu'elle doit rester immobile, dans la pénombre et le silence...
Heureusement, Monsieur Martin-Pêcheur vient lui rendre visite toutes les cinq
minutes ! Il lui tient compagnie, il lui offre des petits poissons savoureux, et, en guise de
dessert, de ravissantes libellules. Il lui raconte de belles histoires distrayantes, il chante
pour elle avec entrain ! Alors, elle lui répond, elle chante à son tour, et ce sont des «duos»
charmants...
Le temps passe vite, ainsi, et, bientôt, dix-huit jours sont écoulés...
Les six petits bébés martins-pêcheurs brisent enfin leurs coquilles! Comme ils
sont laids, avec leurs piquants noirs ! Tant pis, tant mieux ! Il faut les nourrir, bien les
nourrir, pour qu'ils grandissent, pour qu'ils embellissent, pour qu'il leur pousse, comme à
leurs parents, ce merveilleux plumage soyeux, étincelant, cette féerique parure d'oiseau
bleu...

18 août

« Petits plats ! »

173
Il n'a pas son pareil, Monsieur Martin-Pêcheur, pour trouver les bons « petits plats
», qui plairont à ses oisillons ! '
Il attrape au vol des mouches grassouillettes, bleues, vertes et même grises, et il
leur arrache les ailes, afin que ses petits puissent les avaler sans difficulté... Ou bien il
capture de fameuses libellules, à qui il ôte également les ailes, puis, vite, vite, il va servir
à ses bébés martins-pêcheurs ces préparations fortifiantes !

19 août

L'histoire des anguilles

174
— Connaissez-vous l'histoire des anguilles? Non? et vous ne savez même pas ce
qu'est une anguille ?
— Bon, je vais vous l'expliquer: une anguille, c'est un poisson dont le corps
allongé ressemble à celui d'un serpent.
La vie d'une anguille est une véritable aventure ! Elle naît, avec ses sœurs, dans
l'immense forêt d'algues géantes de la Mer des Sargasses, au large des côtes de
l'Amérique du Nord. Elle paraît alors extrêmement fragile : mince comme un doigt,
transparente comme du verre, on dirait un petit ruban translucide. Et pourtant, elle quitte
l'abri de ces buissons d'algues, et s'élance à travers le gigantesque Océan Atlantique !
Quelle folle entreprise ! Elle est si petite, si menue, tant de dangers la guettent : les
poissons voraces, les remous contraires... Comment trouve-t-elle son chemin? Mystère...
Elle se laisse pousser par les courants marins et voyage ainsi pendant trois années!
Un beau jour, elle arrive sur la côte de l'Europe, se dirige vers l'embouchure d'une rivière,
qu'elle remonte hardiment, jusqu'à l'intérieur des terres.
Là, elle se nourrit copieusement, notre petite anguille: des œufs de poisson, et
même, des poissillons... Alors, elle grandit, elle s'allonge, et on l'appelle désormais :
civelle. La transformation n'est pas terminée : la civelle, peu à peu, grandit encore,
noircit, devient une longue et vigoureuse anguille, sombre et luisante, qui, la nuit, passe
de rivière en rivière en ondulant dans l'herbe humide...
Au bout de cinq ans, elle redescend la rivière, traverse à nouveau l'Océan,
retrouve la Mer des Sargasses, et pond des œufs, qui donneront naissance à de nouvelles
petites anguilles; et, à leur tour, ces minuscules voyageuses de sept centimètres entre-
prendront le même périple que leurs parents......Indéfiniment...

20 août

« Pas de deux »

175
Comme c'est beau, comme c'est touchant, ce vol parallèle, ce double éclair bleu,
cette trajectoire jumelle, cette envolée identique de Monsieur et Madame Martin-
Pêcheur!
Maintenant que leurs petits savent voler et pêcher, ils ont repris leurs promenades
ensemble, le long de la rivière, parcourant, sans jamais se quitter, leur domaine souriant...
Comme c'est beau, comme c'est touchant, ce «pas de deux» continuel, rapide et
harmonieux...

21août

Tout petit, tout léger...

176
C'est tellement pratique d'être petit, tout petit, léger, tout léger, comme le rat des
moissons !
L'on peut se cacher dans les blés, et jouer, pendant des heures, avec tous ses cousins, à
l'abri des regards indiscrets...
L'on peut escalader les bleuets, ou se suspendre, par la queue, aux épis dorés sans que les
tiges plient ou se brisent !
Mais pour réussir ces acrobaties, il faut être vraiment petit, cinq ou six centimètres, et
vraiment léger, trois ou quatre grammes !

22 août

La maison fleurie

177
Qui est plus petit que le rat des moissons ?
Plus petit, oui !
Réfléchissez...
Son bébé, naturellement... Ce microscopique nouveau-né mesure deux
centimètres et pèse un gramme ! Il est parfaitement mignon, avec sa petite frimousse
éveillée, sa douce fourrure noisette, sa longue queue agile. On dirait un joujou miniature.
La souris des moissons a des bébés à plusieurs reprises dans l'année. Chaque fois,
elle construit un nid nouveau. En été, elle le suspend entre deux épis de blé. Elle travaille
vite, mais avec beaucoup de soin. A l'aide de ses dents pointues, elle taille des feuilles en
fines lanières, puis, avec ses petites pattes adroites, elle les tresse, les faufile, les
entrelace, tissant ainsi une délicate corbeille toute ronde. Il s'agit ensuite de la tapisser.
Notre souris cueille un pétale de bouton d'or par-ci, une corolle de liseron par-là,
un ruban de bleuet, une lamelle de coquelicot, et dépose, au fond du nid, ces doux
coussins parfumés.
Maintenant la maison est bien fleurie pour accueillir les minuscules bébés.

23 août

Fleurs des champs

178
II y a, parmi les épis de blé, une grosse touffe de fleurs des champs.
Le fermier ne sera peut-être pas content de trouver ce bouquet au milieu de ses
cultures.
Mais c'est tellement joli, tellement gai, ... et tellement amusant à escalader !
Le grillon et la sauterelle ne se lassent pas de gravir tous ces fragiles sommets, qui
ont pour noms: Coquelicot, Bleuet, Marguerite ou Bouton d'Or.

24 août

L'alouette

179
Puisque l'on ne voit rien de ce qui se passe dans le champ de blé, il faut demander
à quelqu'un de bien informé de nous renseigner.
Interrogeons l'alouette !
C'est une aimable et gracieuse messagère. Elle s'éveille très tôt, chaque matin,
s'élance aussi haut qu'elle peut dans le ciel, et se met à chanter joyeusement, à plein
gosier, la gaieté du soleil levant et les merveilles de la naissance du jour.
Puis elle redescend se reposer dans les blés.
— Petite alouette, dis-nous, que se passe-t-il sous la couverture d'épis? Petite
alouette, raconte-nous, comment se portent les bébés du rat des moissons, ceux qui
viennent juste de naître ?
L'alouette secoue ses plumes grises, ornées de dessins bruns, et répond, avec un
gazouillis très doux, très harmonieux :
— Pour l'instant, ces petits ratons n'ont que trois jours ! Ils tournent et tournent en
rond, dans leur petit nid tout rond... Ils se roulent en boule sur les pétales de fleurs. Ils
goûtent le lait de leur maman et ils dorment. Dans quelques jours, je vous donnerai d'au-
tres nouvelles. Tireli, li, li !

25 août

Coup de tonnerre !

180
Un soleil de plomb pèse sur la campagne. Les champs sont écrasés par Ja chaleur.
Aucun souffle ne circule dans les bois. Les feuilles des arbres restent immobiles, et les
brins d'herbe, dans les prairies, également...
Un grand silence s'est abattu sur les vallons et les collines environnantes. On
dirait que tous les habitants sont devenus muets : finis les chants d'oiseaux sous les bran-
chages, terminés les bavardages des insectes au-dessus des taillis !
Non seulement les habitants des bois se taisent, mais ils se cachent aussi: ils sont
même devenus invisibles !
Ils ont disparu, les lapins qui faisaient leurs cabrioles dans le trèfle ! Ils se sont
volatilisés, les écureuils qui jouaient aux acrobates entre les sapins ! Il est introuvable, le
jeune faon, qui, il y a quelques minutes encore, gambadait dans la clairière... Une étrange
inquiétude s'est emparée de tous les animaux... Ils sont mal à l'aise, troublés, craintifs.
Le ciel s'assombrit; il prend une teinte menaçante, gris acier, dure et métallique.
Soudain, le soleil disparaît derrière un nuage noir. Un éclair aveuglant déchire l'horizon,
tandis que retentit un formidable coup de tonnerre !

26 août

Orage sur le champ de blé

181
L'orage se déchaîne sur le champ de blé. Un vent furieux courbe brutalement les
épis, puis les relève en sursaut, et les plaque à nouveau sur le sol !
Les éclairs illuminent le ciel noir, le tonnerre gronde terriblement... Les pauvres
petits rats des moissons se recroquevillent dans leurs nids, ou se serrent les uns contre les
autres, au pied des tiges. L'alouette leur tient compagnie. Deux belles cailles, réfugiées
avec eux, caquètent sagement:
— Il faut laisser passer l'orage !

27 août

Orage dans les bois

182
Le bois est touffu, bien gardé par ses arbres, et pourtant l'orage a réussi à y
pénétrer ! La foudre vient de casser net une branche du grand hêtre ! Elle s'est brisée avec
un craquement sinistre, puis est tombée lourdement sur un bouquet de fougères.
Le mulot, qui s'y était caché, a manqué d'être écrasé ! Il bondit de côté ; son petit
cœur bat très fort ; il n'ose plus bouger... Tout grince, tout gronde, tout trépide autour de
lui. Et voilà maintenant que la grêle s'en mêle ! Des cailloux de glace dégringolent du
ciel!
Il relève bravement sa moustache et fait trois petits sauts pour s'aplatir sous une
racine.
Non loin de là, surpris par l'averse, les lapins, désorientés, regrettent leur terrier.
Mais, comment le rejoindre ? Aveuglés par les éclairs, à demi assommés par les grêlons,
affolés par le vacarme, ils courent à droite, à gauche, sans trouver leur chemin.
Pelotonnés dans leur nid, en haut du sapin, deux écureuils tremblent comme des
feuilles, enroulés dans leur queue...
Le pic-vert s'est arrêté de travailler: du fond de son trou, il assiste, désolé, à la
colère de l'orage...

28

Orage à la montagne

183
C'est à la montagne que l'orage prend sa voix la plus terrible ! Les roulements du
tonnerre résonnent de rocher en rocher, ricochent de sommet en sommet, répercutés indé-
finiment par le puissant écho...
Il y a longtemps que toutes les petites marmottes se sont terrées au fond de leurs
galeries!
Le jeune chevreau, Flocon de Neige, aimerait bien, lui aussi, pouvoir se cacher
sous terre! Ce bruit tonitruant le panique! Il se presse contre sa maman : il n'a plus aucune
envie de courir l'aventure !

29 août

184
L'arc-cn-ciel !

L'averse, peu à peu, s'est calmée. Le ciel s'éclaircit. Les grondements du tonnerre
s'éloignent, s'apaisent, se taisent... Il monte des champs une mystérieuse vapeur d'eau.
Partout on entend des gouttelettes, qui tintinabulent...
La première, l'alouette quitte sa cachette, et, secouant ses plumes mouillées,
s'envole, à tire d'aile, tireli, tireli li li, vers le ciel si joliment lavé par la pluie ! Et tandis
qu'elle chante : « Tireli li li : l'orage est fini ! » un arc-en-ciel resplendissant s'arrondit au-
dessus des champs !

30 août

185
Ce que dit le hibou ...

Cette nuit, il fait beaucoup plus frais dans les bosquets du petit bois.
Et, pour se réchauffer, le jeune faon s'en va, avec son ami chevreuil, galoper par
les chemins creux, pleins d'ombres, ou sur la clairière toute blanche des rayons de lune.
Les lapins ont entamé une ronde interminable, hop ! hop ! hop ! Ils bondissent, ils
sautent, à la queue leu leu, en cercles successifs, tour à tour très petits et très grands.
Le mulot sautille furtivement sur la mousse, étonné de la trouver toute humide et
élastique.
Les écureuils, eux, sont montés se coucher dans leur nid après un excellent dîner
de champignons. Oui, des douzaines de champignons ont surgi, comme par
enchantement, après la pluie...
Le hibou, le sage hibou, qui, justement, n'est pas né de la dernière pluie, a
remarqué tous ces signes... Alors, de sa voix profonde et so-nore, il a lancé à travers tout
le bois, et, au-delà du bois, à travers la campagne, ses Hou...Hou...Hou... graves et
mélancoliques, il a proclamé son avertissement: «Attention, attention, c'est la fin de
l'été...»

31 août
Secrets d'abeilles...

186
Le long du mur du potager, l'on dirait que le massif de bleuets parle...
Oui, je vous assure qu'il s'en échappe un véritable murmure. On l'entend du bout
de l'allée ! Approchons-nous. Il faut élucider ce mystère... Voici les jolies fleurs, d'un
bleu intense, aux pétales si finement découpées...
Et voilà pourquoi on a l'impression qu'elles bavardent : des centaines d'abeilles
butinent leur pollen, et tout en butinant, elles bourdonnent entre elles, des secrets
d'abeilles...

1er septembre

A Dans la ruche...

187
Les abeilles ont leurs secrets, mais j'en connais quelques-uns. D'abord, je sais où
elles habitent : dans le tronc du vieux châtaignier. Je les vois entrer et sortir,
incessamment, par un trou étroit, creusé dans l'écorce.
C'est là que leur reine a décidé d'installer sa ruche.
Oui, vous avez bien entendu : leur reine ! Quel titre magnifique ! Comme dans un
conte de fées !
C'est une abeille plus grande que les autres, qui commande et se fait servir. Elle a
un rôle très important à jouer : c'est elle, et elle seule qui pondra tous les petits œufs, qui
donneront naissance à de nouvelles abeilles. (Et elle en pond mille à deux mille par jour!)
Elle a donc droit à beaucoup d'égards et de petits soins !
Toutes les autres abeilles sont des ouvrières, qui travaillent sans arrêt du matin au
soir.
A l'intérieur de la ruche, chacune a une tâche bien particulière.
A l'entrée il y a les gardiennes, qui empêchent les étrangers, ou les ennemis, de
pénétrer dans la ruche. Elles sont très vigilantes, prêtes à piquer, chasser, pourchasser les
intrus ou les voleurs de miel !

2 septembre

Vingt mille travailleuses

188
Imaginons que nous sommes l'une des petites abeilles de cette ruche. Nous avons
réussi à franchir la frontière de l'entrée. Les gardiennes ont reconnu, à notre odeur, que
nous étions des habitantes de cette ruche. (Toutes les abeilles d'une même ruche ont le
même parfum...) Nous entrons...
Quelle activité à l'intérieur! (Une ruche contient vingt à trente mille ouvrières,
mais, sauf pour dormir, elles ne s'y trouvent jamais toutes à la fois...)
— Il y a celles qui, avec leur cire, construisent les alvéoles, ces merveilleuses
petites cellules, qui s'emboîtent les unes dans les autres, et qui servent, soit d'armoires
pour le miel, soit de chambrettes pour les bébés-abeilles.
— Il y a celles qui nettoient soigneusement ces alvéoles.
— Il y a celles qui apportent à la reine ses repas de gelée royale...
— Il y a celles qui servent de nourrices aux petites larves.
— Il y a celles qui rangent les provisions, apportées par les «abeilles-
butineuses»...
— Et il y a celles qui aèrent la ruche, en agitant leurs ailes, comme des petits
ventilateurs!

3 septembre

« Abeille-butineuse »

189
« Abeille-butineuse » : quel métier ravissant! Du matin au soir, elle vole de fleur
en fleur, choisissant les plus fraîches, les plus odorantes, respirant avec délice leurs
parfums tièdes, subtils et sucrés. Elle récolte délicatement leur pollen, cette poudre légère
et savoureuse, qui sert à fabriquer le miel, et le dépose dans les «corbeilles» de ses pattes.
Elle aspire leur nectar, ce liquide doux comme un sirop et le garde dans une petite poche
spéciale. Quand ses paniers et sa poche débordent, elle rentre à la ruche, se décharge, et
repart.

4 septembre
Des fleurs extraordinaires !

190
Ce matin, la petite abeille butineuse est si joyeuse de voler dans la lumière blonde
du soleil, de sentir les chauds rayons caresser ses jolies ailes fines, qu'elle s'aventure
beaucoup plus loin que d'habitude, au-delà de la prairie.
Et c'est ainsi qu'elle découvre, derrière une haie de charmes, tout un champ de
tournesols !
Elle est éblouie par ces fleurs resplendissantes, si grandes, si majestueuses, dont
les pétales d'or dansent comme des petites flammes tout autour de leur coeur de velours.
Aussitôt, elle se met à butiner avec un entrain et une bonne humeur renouvelés.
Elle se sent si heureuse d'avoir rencontré ces fleurs extraordinaires, tellement grisée par
leur chaud parfum épicé, qu'elle veut annoncer à toutes les autres petites abeilles cette
nouvelle étonnante, qu'elle veut leur communiquer, au plus vite, cette adresse précieuse,
afin qu'elles aussi puissent venir faire ici leurs provisions de pollen et de nectar.
— Comment, mais comment pourra-t-elle parler à ses sœurs ?
— C'est très simple, et très spectaculaire : elle va danser...

5 septembre
La danse des abeilles

191
Le langage des abeilles, c'est la danse !
Regardez : la petite abeille butineuse, rentrée à la ruche, dépose ses provisions
dans une alvéole de cire, et puis se met à danser, sur le rayon. Elle dessine des ronds, des
huit, à droite, et à gauche ; elle frétille, elle se trémousse, elle se tortille...
Les autres butineuses l'observent et comprennent immédiatement qu'elle a trouvé
des fleurs nouvelles, très parfumées, à cinq cents mètres au nord de la ruche. Cette danse
originale les a parfaitement renseignées !

6 septembre

Le champ moissonné...

192
— Ouille! Que c'est piquant! s'exclame le lièvre, surpris, après quelques bonds sur
le champ moissonné.
Les immenses machines ont coupé tout le blé, ne laissant que les tiges rases,
rêches et rigides, que l'on appelle le chaume.
« Et puis, ce n'est pas amusant de galoper devant tout le monde! On peut me voir,
repérer mon itinéraire... C'est même dangereux ! » se dit le lièvre, en agitant
craintivement ses longues oreilles...
Quel dommage que le champ ait été moissonné !

7 septembre

Changement de tenue

193
Les nuits fraîchissent, les jours raccourcissent, des bourrasques de vent secouent
les sapins.
Le berger Mathurin a senti qu'il était temps de reconduire son troupeau de
moutons dans la vallée. Il a donc entrepris ce voyage hier. Il avance par petites étapes.
Pourquoi se presser ?
Ses bêtes profiteront, au passage, des coins d'herbes inattendues, des prairies
encore garnies de fleurs sucrées.
Cet après-midi, ils se sont arrêtés non loin d'un torrent.
Le chien Bon-Gardien, indulgent, laisse les moutons se disperser à leur guise le
long des buissons de framboisiers.
Le chevreau Flocon de Neige en profite pour explorer un sentier, qui descend
entre de jeunes sapins. Il se retrouve, nez à nez, avec un animal, qu'il ne connaît pas :
museau rond, oreilles droites, visage joufflu, c'est le lièvre des montagnes. Nous, nous le
connaissons déjà, nous l'avons rencontré au printemps! Mais son pelage, alors, était
tacheté de blanc...
En été, il est tout brun, de la tête aux pattes ! Comme il est farceur, ce lièvre, à
changer de tenue à chaque saison !

8 septembre

Cueillette

194
Les corbeilles attendent dans l'herbe, l'échelle est appuyée au tronc d'un arbre : la
cueillette des fruits a commencé dans le verger de Madame Verdurin.
L'aimable villageoise, juchée sur le troisième barreau de son perchoir, détache,
puis passe, l'une après l'autre, à Charlotte, de magnifiques prunes dorées.
Et la petite fille pose les beaux fruits, tiédis par le soleil, bien en ordre au fond des
paniers...

9 septembre

La toilette des fruits

195
Charlotte ne sait toujours pas ce que la brave Madame Verdurin va faire avec
toute sa cueillette. Le secret continue...
Ce qu'elle sait, par contre, c'est qu'aujourd'hui, elle va l'aider à faire la toilette de
ses fruits! Elle a pris son plus grand tablier et s'est présentée, pleine d'ardeur, mais surtout
piquée par une vive curiosité, à la porte de la cuisine.
— Ah ! Te voilà ! s'écrie Madame Verdurin avec bonhomie. Tu tombes bien! Tu
vas donner un bain aux reines-claudes !
— Un bain ? ! répète Charlotte, incrédule.
— Mais oui, c'est très facile, avec de l'eau fraîche, dans l'évier !
— Bon, bon, dit la petite fille, docile. Baigner des prunes, après tout, pourquoi
pas ?
Elle remplit d'eau la cuve de grès rosé, et puis verse, avec précaution, dans cette
«baignoire», le contenu de plusieurs corbeilles de reines-claudes.
— Remue délicatement les fruits, sans les abîmer, recommande encore Madame
Verdurin.
Alors, à la surface de l'eau, montent des brindilles, des feuilles mortes, des brins
d'herbes, des tiges, des mouches, des pucerons, des moustiques...
C'est vrai que, sans en avoir l'air, elles avaient besoin d'un bon bain, ces fameuses
reines-claudes !
Ensuite, toujours sous les directives de l'alerte Madame Verdurin, Charlotte sort
les prunes de l'eau, les laisse reposer quelques minutes dans un égouttoir émaillé, puis les
étale, sur un gros torchon déployé au milieu de la table de cuisine.
Là, les appétissantes reines-claudes, mûres et craquelées à souhait, vont sécher, en
douceur, dans un chaud rayon de soleil...

10 septembre

Jour de confitures !

196
Jour de confitures, chez Madame Verdurin !
Jour d'activités magiques !
Jour de parfums dans toute la maison ! La délicieuse odeur des reines-claudes, qui
cuisent, avec du sucre, dans la magnifique bassine de cuivre, se répand, comme une
promesse, à travers chaque pièce de la ferme !
Jour de fête, où Madame Verdurin révèle son secret : ce qu'elle fait des fruits de
son jardin? Elle les métamorphose, telle une fée, en d'exquises confitures !

11 septembre

Nouvelles brèves

197
Que devient notre ami, le petit Chat Nougat?
Il a grandi, il a pris des forces en se promenant au soleil, le chaud soleil de l'été, sa
fourrure brille comme de la soie, son caractère est toujours charmant : espiègle, gai,
joueur... surtout joueur ! Sa distraction favorite : sauter après les papillons !
Il bondit, court, gambade, cabriole comme un acrobate !
— Ah ! Oui, vraiment, tu pourrais danser dans un cirque ! lui dit souvent
Charlotte avec admiration.

12 septembre

L'escapade de « Bec-de-Corail »

198
Les deux « Becs-de-Corail » ont passé leurs vacances dans une très jolie cage
rococo, finement ouvragée, peinte en vert pomme.
Très souvent, la porte-fenêtre du salon restait grande ouverte, laissant entrer les
rayons du soleil, les parfums des fleurs du jardin, et les chants de tous ses oiseaux, qui
s'ébattaient dans les bosquets et sous les buissons...
Les deux petits oiseaux des îles paraissent très gais dans leur belle volière. Ils
gazouillent du matin au soir, picorent avec appétit leurs grai-
nes et leurs biscuits, et sautent d'un barreau sur l'autre avec entrain...
Monsieur « Bec-de-Corail » est plus agité, plus remuant, Madame «Bec-de-
Corail», plus nonchalante, plus tranquille...
Tante Elizabeth fait leur toilette chaque matin: elle change le sable du fond de la
cage, remplit d'eau fraîche le flacon de verre, ajoute des graines dans les mangeoires. Les
deux petits oiseaux, habitués à ses gestes mesurés, à sa voix douce, restent toujours très
sages durant toutes ces manipulations... Toujours, jusqu'à ce matin, où Monsieur « Bec-
de-Corail », pris de folie, a profité de l'instant où Tante Elizabeth entrouvrait la porte de
la cage et glissait un gâteau sec, pour s'échapper prestement ! Avant qu'elle ait eu le
temps de comprendre ce qui se passait le minuscule oiseau exotique s'était enfui !
Attiré par tous les babillages du dehors, il s'est élancé, par la porte-fenêtre, dans le
vaste jardin ensoleillé... Comme le monde lui paraît vaste ! Il doit battre fort ses toutes
petites ailes, pour parcourir de si grandes distances !
A l'intérieur de la cage, Madame «Bec-de-Corail» pousse des cris plaintifs.
Son compagnon reviendra-t-il ?

13 septembre

Mésaventure...

199
Hélas, l'escapade du petit oiseau des îles se transforme vite en triste mé-
saventure...
Dehors, il y a trop de lumière : ses petits yeux sont éblouis par le soleil ; et trop de
bruit ! Et puis les autres oiseaux paraissent gigantesques, et fort désagréables...
Monsieur «Bec-de-Corail», qui vient de se poser quelques secondes sur la
pelouse, est immédiatement poursuivi par un gros merle tout noir, armé d'un long bec
tout jaune !
Il lui échappe en se cachant sous une touffe de pâquerettes...

14 septembre

Cauchemar !

200
Notre aventurier passa la première nuit dans un massif de dahlias. Habitué à la
tiédeur de la maison, et à la compagnie de Madame « Bec-de-Corail», il eut froid, il eut
peur, il s'ennuya...
Et il eut faim, car il ne trouva rien à picorer. Il était tellement accoutumé à trouver
ses petites mangeoires bien remplies de graines variées, croquantes et savoureuses, qu'il
ne savait pas choisir tout seul sa nourriture. Le lendemain, il se réveilla complètement
engourdi...
Il but quelques gouttes de rosée, essaya de manger de l'herbe, mais y renonça
rapidement, car c'était trop amer...
Il voleta dé-ci, dé-là, mais se heurta à une bande de moineaux ricaneurs, qui se
moquèrent de lui, de sa petite taille, de son masque cramoisi, et lui donnèrent de bons
coups de bec !
Il perdit toutes les plumes de sa tête dans la bataille...
Avec beaucoup d'efforts, il parvint à se réfugier dans une gouttière de la maison,
s'y recroquevilla, sans oser remuer. Mais, au milieu de la nuit, il faillit être dévoré par un
chat tout gris!

15 septembre

Tout est bien qui finit bien...

201
Pendant ce temps, dans sa jolie volière, Madame «Bec-de-Corail» appelle son
mari à grands cris.
Au petit matin, il entend la petite voix affolée, se laisse guider par les pépiements
familiers, et, battant des ailes tant pis que mal, retrouve le chemin du salon...
Tante Elizabeth a pris soin de laisser la porte-fenêtre grande ouverte. Dès qu'elle
aperçoit le fugitif, elle entrebâille la porte de la cage, et Monsieur «Bec-de-Corail» rentre
chez lui : tout est bien qui finit bien !

16 septembre

La chasse aux mouches...

202
Et la petite grenouille verte, la gracieuse rainette, qu'Emilie a rapportée à son
frère, qu'est-elle devenue depuis le mois d'avril? Comment s'est-elle habituée à vivre en
ville ? Aime-t-elle ce séjour dans un bocal de verre ?
Apparemment, oui...
Elle escalade gaiement sa petite échelle de bois, elle saute en l'air, pour un oui,
pour un non, comme une balle de caoutchouc, elle est alerte, active, remuante... Celui qui
semble un peu las, et fatigué, par contre, c'est le jeune Arnaud ! Il aime beau-
coup sa petite grenouille, mais il trouve qu'elle est trop difficile pour ses repas:
figurez-vous qu'elle ne mange que des mouches vivantes !
Bien sûr, si elle était en liberté, elle les attraperait elle-même, elle pourrait même
varier son menu, en y ajoutant des moustiques, des araignées d'eau, des éphémères... et
autres insectes. Mais là, dans cette étrange maison transparente, elle est obligée de se
contenter de ce que lui offre Arnaud. Et Arnaud, lui, est obligé de s'en aller, chaque jour,
à la chasse aux mouches !
Dès qu'il entend : bzzz, bzzz, il se met aux aguets, repère sa proie, tente de la saisir
au vol, ou de lui tendre un piège, dans les rideaux, sur une vitre, derrière un coussin...
Lorsqu'il a la chance de capturer sa mouche, il la garde dans sa main fermée, et, vite, vite,
soulevant le buvard percé de trous, qui sert de couvercle au bocal, il la libère avec
précaution. Au même instant, la grenouille déplie ses longues pattes, s'élance d'un bond,-
et happe au vol l'insecte qui bourdonne ! Mais elle a encore faim, notre rainette... Alors, il
faut attraper une autre mouche, et ainsi de suite, tous les jours de la semaine.
Si bien qu'Arnaud a décidé, à la veille de rentrer en classe, de remettre dans son
étang Mademoiselle la Grenouille !

17 septembre

Le plus beau plongeon du monde !

203
Voici Arnaud, avec sa sœur Emilie. au bord du Marais Joli, parmi les roseaux en
fleurs !
La rainette les a accompagnés,., dans un pot à confitures !
Arnaud place ce récipient dans l'herbe, ôte la fine étoffe, qui le ferme, et alors,
quelques minutes plus tare, assiste au plus beau plongeon du monde !
D'un bond étourdissant, sa grenouille a retrouvé la mare aux nénuphars, son
domaine enchanté...
Tant mieux ! Ah ! Tant mieux pour elle!

18 septembre

Colchiques dans les prés

204
Méfions-nous de ces fleurettes de couleur rosé-mauve, qui décorent les prés humides au
mois de septembre... Prenons garde à ces petites colchiques, d'abord, parce qu'elles sont
vénéneuses, c'est-à-dire qu'elles contiennent du poison...
Et, ensuite, parce qu'elles annoncent la fin de l'été ! Lorsque l'on aperçoit leurs minces
pétales lilas, il faut se préparer à rencontrer l'automne... Les enfants, eux, le savent bien, qui
chantent ce refrain :
Colchiques dans les prés : C'est la fin de l'été!

19 septembre

Conciliabules

205
— Il y en a sûrement mille ! s'écrie Charlotte, les yeux ronds de surprise.
— Non, il n'y en pas plus de cent ! corrige son frère Arthur.
— Cent, si tu veux, reprend Charlotte, conciliante. Mais je me demande ce qu'elles
fabriquent, perchées sur les fils télégraphiques ? ! Elles seraient plus confortables, posées sur une
belle branche d'arbre toute ronde !
— Cela, tu n'en sais rien, ma petite Charlotte ! se moque Arthur.
Charlotte se tait, vexée...
Depuis quelques jours, en effet, nos hirondelles si familières se rassemblent, par troupes
entières, sur les minces fils noirs...
Et elles entament d'interminables conversations, tiennent de mystérieux conciliabules,
hochent leurs têtes, agitent leurs queues fourchues...
— Moi, je sais ce qu'elles se racontent, affirme Madame Verdurin, interrogée par
Charlotte. Elles font des plans de voyage... Parce qu'elles vont bientôt nous quitter. Elles vont
retourner dans les pays chauds, pour y passer l'hiver... Alors elles discutent de la date du départ,
de l'itinéraire à suivre, des étapes, de tous les détails de leur expédition !

20 septembre

« Équinoxe »

206
Sur la plage, c'est l'époque des grandes marées et des tempêtes d'équi-noxe. (On appelle
équinoxe le moment de l'année où le jour à la même longueur que la nuit. Il y a l'équinoxe de
printemps et, comme maintenant, l'équinoxe d'automne). Le soleil et la lune, alors, unissent leurs
efforts pour que la mer monte le plus haut possible sur la plage ! Elle balaie tout sur son passage,
emporte le dernier château de sable des vacances, et se brise en grondant contre la digue, où
mouettes et goélands crient : — Au revoir, au revoir l'été !

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Une grande histoire : Le grand voyage de 5 Le magicien et l'arrosoir
l'été. 6 L'aide-jardinière
7 Dans le verger de Madame Verdurin
JUIN 8 Le merveilleux petit aéroplane
21 Aubade : vive le soleil ! 9 Retour au Marais Joli
22 A cause des moineaux... 10 L'oiseau féerique...
23 Sérénades... 11 Martin-Pêcheur
24 Sept grosses carpes ! 12 Les locataires de la rivière
25 La chanson de minuit 13 Les canards volent !
26 Au revoir, les perruches ! 14 Le ballet des libellules
27 Le voyage du poisson rouge 15 Martin fait son nid
28 Un nouveau panier pour Nougat 16 Devinette
29 Un passager modèle 17 Duo...
30 La chasse aux « Becs-de-Corail » 18 « Petits plats !»
19 L'histoire des anguilles
JUILLET 20 « Pas de deux »
1 Le rêve d'Aliette... 21 Tout petit, tout léger...
2 L'apparition du crabe 22 La maison fleurie
3 Alerte chez les crevettes ! 23 Fleurs des champs
4 Un autre jardin... 24 L'alouette
5 D'innombrables coquillages.. 25 Coup de tonnerre !
6 Dans le filet du pêcheur 26 Orage sur le champ de blé
7 Une mauvaise rencontre ! 27 Orage dans les bois
8 «Je suis une méduse... » 28 Orage à la montagne
9 La mouette en vacances 29 L'arc-en-ciel !
10 Pauvre couteau ! 30 Ce que dit le hibou...
11 Marcher «en crabe»... 31 Secrets d'abeilles...
12 Les puces de mer
13 Comme une forêt... SEPTEMBRE
14 Le menu de la méduse 1 Dans la ruche...
15 A tous les étages du rocher.. 2 Vingt mille travailleuses
16 Les trois sorcières 3 « Abeille-butineuse »
17 Sept petits mulets... 4 Des fleurs extraordinaires !
18 Les coquilles Saint-Jacques 5 La danse des abeilles
19 Les ruses de la pieuvre 6 Le champ moissonné...
20 L'étoile de mer 7 Changement de tenue
21 La mer se promène... 8 Cueillette
22 Devinettes 9 La toilette des fruits
23 Gourmandise... 10 Jour de confitures !
24 Gourmandise (bis) 11 Nouvelles brèves
25 Gourmandise (ter) 12 L'escapade de « Bec-de-Corail »
26 Les mésanges ont grandi ! 13 Mésaventure...
27 La fée canicule 14 Cauchemar!
28 Salon de coiffure... 15 Tout est bien qui finit bien...
29 La caravane passe... 16 La chasse aux mouches...
30 Un petit voisin attendrissant 17 Le plus beau plongeon du monde !
31 Oui, oui, oui, je sais ! 18 Colchiques dans les prés
19 Conciliabules
AOÛT 20 «Équinoxe»
1 Un vrai petit parachute
2 Une voix dans la nuit... SURPRISES DE L'ÉTÉ
3 Leçon de cuisine...
4 Un petit éclair vert !

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217
Par une douce après-midi d'automne, Mademoiselle Rosé arriva dans la maison de
campagne des parents de son fiancé.
C'était une demeure ancienne, cou verte en partie d'une vigne vierge, qui à cette
saison, se paraît de couleurs féeriques, vermeilles et mordorées...
C'était une demeure accueillante, avec de larges portes-fenêtres, qui laissaient
entrer la lumière, le soleil, les chants d'oiseaux, les parfums du jardin... et les invités !
C'était une demeure poétique, avec de vieux meubles patines, des rideaux de
cretonne aux teintes délicates et, partout, des bouquets de fleurs et de feuillages.
On avait préparé, pour Mademoiselle Rosé, la jolie chambre d'amis du premier
étage, celle qui était située dans la tour ronde, et éclairée par trois fenêtres.
Isabelle, sa future belle-sœur, une petite fille de onze ans, l'avait arrangée avec
grand soin. Elle avait choisi, dans le jardin, les dahlias les plus gais, les avait disposés
dans une belle cruche en faïence vernissée, puis avait posé ce radieux bouquet sur la
commode de chêne.

218
Dans une corbeille d'osier, elle avait mis, sur un lit de feuilles de vignes, trois
pommes luisantes, une poire rebondie, quelques noix et une magnifique grappe de raisins
noirs. Elle n'avait pas oublié, non plus, d'étendre, sur la table de nuit, un napperon de
dentelle, d'apporter un plateau avec une carafe d'eau fraîche, de glisser des sachets de
lavande dans l'armoire et d'étaler quelques beaux livres sur la table...
Mademoiselle Rosé se montra enchantée par toutes ces attentions et adressa à
Isabelle son plus gracieux sourire !
Lorsque vint l'heure de se coucher, l'aimable demoiselle se glissa dans le lit
ancien, sous l'édredon à fleurettes, et, juste avant de s'endormir, posa sur le napperon de
la table de nuit sa merveilleuse bague de fiançailles en pierres précieuses...
Le lendemain matin, dès son réveil, elle tendit la main pour reprendre sa bague,
mais elle ne se trouvait plus sur le napperon !
Mademoiselle Rosé bondit de son lit, se frotta les yeux, examina la table de nuit :
sa bague de fiançailles avait disparu !

219
«Elle est peut-être tombée par terre...» se dit la jeune fille, complètement
bouleversée.
Aussitôt, la voilà qui cherche fébrilement à genoux sur le plancher son bijou si
précieux. Rien.
Elle regarde sous le lit, elle soulève la carpette. Rien ! Rien ! Elle se relève.
— Ce n'est pas possible, murmure-t-elle, ma bague ne s'est pas envolée toute seule !
Elle explore à nouveau toute sa jolie chambre, écarte les rideaux, scrute chaque fente du
plancher, inspecte le sol sous l'armoire et sous la commode.
La bague reste introuvable !
Mademoiselle Rosé s'habille à la hâte, court prévenir son fiancé. Bientôt, toute la
maisonnée est au courant de la mystérieuse disparition! Chacun fouille minutieusement la
chambre d'amis. Chacun arrive à la même conclusion : la bague s'est volatilisée.
— Je vous assure, ma chère Rosé, qu'il n'y a pas de fantôme dans cette maison ! affirme
le père du fiancé.
— C'est incroyable, balbutie la mère du fiancé. Quant au fiancé et à sa sœur Isabelle, ils
se regardent, l'air consterné...
C'est alors que Mademoiselle Rosé, de sa voix charmante, déclare :
— C'est certainement une souris qui l'a prise !
— Une souris?! crie toute la famille en chœur. Une souris ? ! ? Quelle drôle d'idée !
— Lorsque j'étais toute petite, reprend Mademoiselle Rosé, j'ai lu une histoire très
amusante: deux souris sortaient, la nuit, de leur trou, et venaient «emprunter» les objets qui leur
plaisaient...
Toute la famille prend Mademoiselle Rosé pour une fantaisiste, mais, afin de lui être
agréable, fait semblant de la croire.
Or il se trouve qu'elle avait raison ! Voilà ce qui s'était passé.
Une petite souris qui était sortie, comme tous les soirs, pour faire sa promenade, et ses
provisions, dans la chambre d'amis, aperçut, sur la table de nuit, un bel objet étincelant. Elle s'en
empara, et le rapporta, vite, vite, dans son nid !
D'habitude, les souricettes chargées du ravitaillement choisissent des friandises, pour leur
garde-manger, ou des morceaux d'étoffe, pour leur matelas ; mais il leur arrive aussi d'être tentées
par un petit article insolite et brillant: bouton, épingle, chaînette, anneau...
A force de chercher, la famille du fiancé trouva un trou, dans une plinthe, derrière la
commode.
Le père du fiancé accepta de démolir un morceau du mur. L'on découvrit ainsi une longue
galerie, et, au fond de la galerie, un charmant nid de souris, bien tenu, bien garni, au milieu
duquel scintillait de mille feux la précieuse bague de fiançailles de Mademoiselle Rosé !

220
21 septembre

Un choc sur la tête !

Aline jette un coup d'ceil à sa montre et presse le pas : si elle veut arriver à l'heure
en classe, il ne faut plus traîner... Pour aller plus vite, elle coupe par le jardin public,
qu'elle traverse à grandes enjambées. Soudain, toc ! Elle reçoit un projectile sur le crâne !
A ce léger choc, elle sursaute, s'alarme, mais bientôt s'esclaffe :
— Un marron! Le premier marron de la saison! Cette fois, l'automne est bel et
bien arrivé!

221
22 septembre

Le cartable trop plein

— Bonsoir, Maman! crie joyeusement Matthieu en rentrant de classe.


— Bonsoir, bonsoir, répond sa maman, sans lever la tête, car elle termine un
point délicat de son ouvrage de couture. As-tu eu une bonne journée ? Savais-tu tes
leçons ? Le professeur de mathématiques t'a-t-il appelé au tableau? Aimerais-tu goûter? Il
y a justement du gâteau aux...
A cet instant, Madame Plume, qui a enfin mis de côté ciseaux et aiguilles, pousse
un cri d'effroi :
— Matthieu ! Ton cartable ! Comme il est rempli ! Comme il doit être lourd !
Avais-tu vraiment besoin de tous ces livres? Tu dois être épuisé d'avoir fait tout ce trajet
avec un tel chargement sur le dos !
Le cartable de Matthieu semble, en effet, sur le point d'éclater ! Mais ce qui est
étrange, c'est qu'il est boursoufflé, bosselé, cabossé : il y a vraiment des livres aux formes
bizarres à l'intérieur de ce sac...
Matthieu éclate de rire : — Mon cartable ne pèse rien! dit-il. Il l'ouvre, et laisse
s'échapper une magnifique récolte de marrons, la plupart avec leur volumineuse
enveloppe piquante !

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Un vrai tableau !

Un coup de vent a secoué les arbres de l'avenue ; une averse légère est ensuite
tombée sur la ville...
Et voilà que les trottoirs, en quelques minutes, sont devenus de vrais tableaux,
merveilleux à regarder... Les grandes feuilles des marronniers, si harmonieusement
composées de sept palmes dentelées, brillent de toutes leurs couleurs, jaunes, dorées,
fauves, sur le gris perle de la pierre, étincelante de pluie...
En fait, les trottoirs sont si jolis, que Claire n'ose plus marcher : elle a peur de les
abîmer !

223
24 septembre

Interrogatoire

— Un marron: qu'est-ce que c'est?


— Un marron, c'est le fruit du marronnier. Son vrai nom est du reste : «marron d'Inde».
— Un fruit?! Mais on dirait un morceau de bois...
— C'est exact: il est entouré d'une écorce de bois brillante, mais, à l'intérieur, il y a une
matière farineuse ...
— Peut-on la manger ?
— Non ! certainement pas !
— Mais alors, je ne comprends pas: à Noël, l'on déguste, avec la dinde, une savoureuse
purée de marrons ! L'on reçoit parfois, enveloppés dans de beaux papiers dorés, d'exquis
marrons glacés ! Et l'on achète des marrons grillés, dans les rues! Qu'est-ce que c'est? Du
poison?!
— Non ! Bien sûr que non ! Ce sont de vrais et délicieux marrons. On les appelle : «
marrons », mais, en réalité, ce sont les fruits du châtaignier !
Résumons-nous: les «marrons d'Inde», que l'on ramasse dans la rue en sortant de classe,
ne sont pas comestibles. Les châtaignes, qui proviennent des châtaigniers, et que l'on
nomme : « marrons », servent, à préparer de fameuses gourmandises !

224
25 septembre

La forteresse de feuilles

Le vent a soufflé toute la nuit en bourrasques.


Le lendemain, le jardin est jonché de feuilles... Il y en a partout : sur les allées, sur
le gazon, sur la pelouse, sur le perron !
C'est très joli, ce tapis mordoré, cette légère couverture froufroutante ; mais
Maman préfère avoir son jardin bien en ordre...
— S'il vous plaît, mes petits gentils, voulez-vous ramasser les feuilles? demande-
t-elle à Arthur et à Charlotte. Les «petits gentils» n'ont pas très envie d'interrompre leur
jeu de ballon, mais... mais... mais ils veulent quand même faire plaisir à leur maman.
Alors, ils s'arment de râteaux et commencent à ratisser les feuilles.
— Oh ! J'ai une idée ! s'écrie soudain Arthur.. Avec toutes ces feuilles,
construisons un château fort !
Hop! Hop! A grands coups de fourche, il détruit la montagne de feuilles, et puis,
avec le râteau, rac! rac ! il façonne une muraille circulaire, dans laquelle il laisse une ou-
verture. Encore des feuilles, la muraille grandit ! Une heure plus tard, le jardin est
parfaitement propre, et les deux enfants sont postés, comme des sentinelles, au milieu
d'une forteresse de feuilles !

225
26 septembre

Les canards perdent leurs plumes

Chaque matin, le soleil se lève un peu plus tard. Ses rayons deviennent moins chauds. Il y
a un petit vent frisquet, qui siffle dans les roseaux et ondule la surface du Marais Joli. Les fleurs
de nénuphars commencent à se faner doucement. Les feuilles des arbres, dans la campagne
environnante, imperceptiblement, jaunissent... Depuis quelques jours, les sept canards halbrans se
sentent bizarres: ils sont inquiets, fatigués et tout tristes...
Ils manquent complètement d'entrain. Une jolie libellule vient-elle à passer près d'eux, ils
n'ont même pas la force de tendre le bec, pour la saisir au vol.
Une grenouille étourdie se risque-t-elle dans leurs parages, ils n'ont plus envie de la
poursuivre...
Cet après-midi, pourtant, le plus joueur d'entre eux décide, pour se changer les idées,
d'aller faire une promenade du côté du moulin. Mais, horreur, il a beau battre ses ailes, il ne
s'envole pas ! Il n'a plus assez de force pour s'élever dans les airs...
Pire, il constate, en agitant désespérément ses ailes, que ses plumes tombent, par touffes,
les unes après les autres !
C'est affreux !
Ses frères et sœurs, les autres halbrans, se trouvent dans le même état...
Effrayés, honteux, ils se cachent tous derrière la barrière de roseaux, au milieu des herbes
aquatiques...
C'est là que leur maman les retrouve. Aussitôt, elle les réconforte, en leur expliquant ce
qui leur arrive :
— Chaque année, dit-elle, les canards sauvages perdent leurs plumes. Moi, la première...
Mais rassurez-vous, elles repoussent bien vite, brillantes, vigoureuses, et elles vous
permettront de partir en voyage vers les pays de soleil !

226
27 septembre

D'étranges craquements... !

Le petit levraut, né cet été dans le buisson de chèvrefeuilles, est devenu un charmant
lièvre, avec de longues pattes, de grandes oreilles et une jolie fourrure brune, très pratique pour se
cacher...
Il habite sous un sapin, à la lisière de la forêt, mais il s'aventure souvent dans les champs
voisins. Il connaît parfaitement son domaine, ses odeurs, ses bruits... Depuis une semaine,
cependant, il s'est produit un grand changement dans sa foré: familière : d'étranges craquements y
résonnent, qui l'alarment beaucoup...

227
28 septembre

Mascarade...

— Quel est cet Arlequin, qui se promène, trottin-trottant, dans mon jardin ?
— Quel est ce personnage, haut comme trois pommes, qui longe l'allée du
potager, vêtu d'une cape de toutes les couleurs ?
— C'est notre ami le hérisson, celui qui venait lapper du lait, ce printemps : il
rentre d'une promenade nocturne dans le verger. Les feuilles de poirier et de prunier, en
tombant, se sont accrochées à ses piquants et lui ont fait ce manteau original, léger, et très
élégant...

228
29

Le brouillard amical

Les craquements, dans la forêt, continuent d'inquiéter le jeune lièvre. Il sursaute,


pour un oui, pour un non.
— Quel est, derrière lui, ce bruissement léger ?
— Une feuille morte, qui tombe sur d'autres feuilles mortes...
— Et ce craquement insolite ?
— Une pomme de pin, qui roule et rebondit sur le sentier...
— Ce grincement aigre ?
— Une branche que le vent d'automne taquine...
— Et ce martellement régulier ?
— Des glands, qui chutent en cascade...
Oui, toutes ces rumeurs mystérieuses peuvent être expliquées. Mais elles mettent
le lièvre très mal à l'aise...
Par contre, une nouveauté le console de toutes ces craintes : c'est le brouillard.
Comme il aime ces longues écharpes blanches, qui enveloppent mystérieusement la
campagne : il peut galoper par les prés, par les champs, sans être vu, sans être reconnu ! Il
lui suffit, pour se guider, de flairer ses anciennes pistes. Grâce à cette brume amicale, et
complice, notre lièvre peut rendre visite aux potagers même en plein jour...

229
30 septembre

L’assemblée des huppes

La troisième branche du grand chêne sert de lieu de rendez-vous à toutes les


huppes du petit bois.
Quelle assemblée élégante : ces dames déploient, comme des éventails, leurs
jolies huppes aux plumes noires et blanches.
Quelle assemblée bruyante : toutes gazouillent à la fois ! Ce sont des «Houp!
Houp!» à n'en plus finir...
Quelle assemblée importante : elles discutent la date de leur prochain départ pour
l'Afrique...

230
1er octobre

Les noisettes

De délicieuses surprises sont apparues dans les bois, comme autant de petits
trésors, des friandises particulièrement savoureuses, des noisettes à la chair délicate !
Maman Ecureuil, la première, les a repérées sous leurs petites feuilles rondes et dentelées.
Elle les a aussitôt montrées à ses petits. Ils n'en avaient encore jamais vu, ils n'en avaient
encore jamais croqué...
Ce fut un régal sans pareil !
— Doue ! Doue ! Doue ! Vive les noisettes! crient les petits gourmands dans leur
langage d'écureuil.

231
2 octobre

Le panier-surprise

Jeudi après-midi, Madame Plume a décidé d'aller faire visite à sa tante Marie-
Thérèse, une aimable vieille dame, aux yeux bleu-pervenche...
Elle emmène ses enfants, Matthieu et Marine. Ils sont toujours ravis de se rendre
chez leur grande-tante, parce qu'elle est très gaie, qu'elle leur pose des questions
amusantes, qu'elle leur offre un bon goûter et qu'elle a un joli jardin en terrasse.
Pendant que leur maman bavarde avec sa tante à l'ombre d'un palmier, Matthieu et
Marine explorent le jardin.
Ils ne se lassent pas de dévaler l'escalier bordé de plantes grasses, de regarder
l'immense cactus, qui ressemble à une étoile, de courir sous les oliviers, d'aller tremper

232
leurs doigts dans l'eau fraîche de la citerne, de rêver sous la tonnelle, garnie par une vigne
généreuse.
A cette saison, les grappes sont mûres, les raisins, exquis : sucrés, juteux, tiédis
par le soleil...
Au moment du départ, — comme c'est gentil ! Tante Marie-Thérèse leur offre un
panier rempli de raisins dorés et bleu-noir, qu'elle avait cueillis pour eux, à l'avance et en
secret ... Quelle bonne surprise !

3 octobre

Une cure de raisin !

Il n'a pas besoin de faire de visite, n: de prendre un panier, Monsieur le Blaireau,


pour déguster les raisins, qu'il aime tant !
Il sort des bois, s'engage résolument au milieu des vignes, et là se met à dévorer,
engloutir, ingurgiter des grappes et des grappes !
Il n'est pas très délicat : je dirais même que c'est un glouton.
Il fait une véritable cure de raisin. Il en avale autant qu'il peut.
Puis, il rentre dans son terrier e: dort tout son soûl...

233
4 octobre

Les poires du clair de lune

Quelle aubaine ! Le vent, le grand vent fou d'automne, a soufflé toute la journée.
Il ne s'est calmé qu'à l'approche de la nuit.
Dans le verger, les poires se sont balancées toute la journée, elles aussi, au gré des
bourrasques.
Tant et si bien que nombre d'entre elles se sont détachées de leurs branches et sont
tombées dans l'herbe...
Quelle aubaine pour les hérissons ! Ils festoient, ce soir, au clair de lune, et c'est
un festin de poires !

234
5 octobre

Pommes, pommes, pommes

Le pommier est un arbre charmant, qui a, je vous le certifie, de nombreux amis.


Surtout lorsque ses branches biscornues se couvrent de pommes brillantes !
Il reçoit la visite des oiseaux, des bandes de petits gourmands, qui, après avoir bien
babillé, bien gazouillé, picorent sans façon les beaux fruits charnus ! Et pic ! Et pic ! Et
Colegram !
Les petits becs sont au travail ; comme autant de petits ciseaux, ils découpent la chair
douce, rafraîchissante et sucrée.
La nuit, ce sont d'autres visiteurs, qui viennent rôder sous son feuillage, des mulots,
des hérissons, des petites souris.

235
Ils tournent dans l'herbe, autour du tronc, lentement, comme s'ils cherchaient quelque
chose...
Bien sûr, ils cherchent quelque chose : ils cherchent des pommes, ces connaisseurs !
Dès qu'ils en trouvent une, ou deux, à demi-enfouies sous une touffe de luzerne ou de
trèfle, ils se mettent à les croquer sans cérémonie :
Et cric ! Et crac ! Et croc ! Menues, pointues, leurs quenottes percent, piquent et
taillent des morceaux gros comme des dés à coudre.
Quant aux enfants, ils viennent à toute heure du jour et de la nuit, et se servent
hardiment.
Ils mordent à belles dents dans les pommes rebondies, ou bien, d'une forte pression
de la main, ils détachent de beaux quartiers humides. Et ils chantent à tue-tête :
Pommes de reinette et pommes d'api,
D'api, d'api rouge,
Pommes de reinette et pommes d'api,
D'api, d'api vert!
Non, il n'est jamais seul, le pommier du bout du jardin !
Toujours égayé de chants et de chansons, toujours entouré de rondes et de farandoles!

6 octobre

Le départ des hirondelles

— C'est triste de voir leur maison vide, toute vide... murmure Charlotte, en sortant du
pressoir.
— C'est surtout dommage, parce qu'elles l'avaient si bien réparée, consolidée, agrandie...
remarque Arthur, qui a l'esprit pratique.
— Au fait, reprend Charlotte, je me demande bien pourquoi elles nous ont quittés ?! Et
où sont-elles parties ? Reviendront-elles l'année prochaine ?
Arthur hoche la tête :
— Si elles reviennent, comment retrouveront-elles leur chemin? Elles n'ont pas de carte,
ni de boussole, ni même de petits cailloux, comme le «Petit Poucet»...

236
— Mais je veux revoir les hirondelles ! proteste Charlotte. Et surtout les nôtres, qui
étaient si mignonnes...
Allons trouver Madame Verdurin : elle connaît tant d'histoires, elle connaît peut-être celle
des hirondelles.
L'aimable voisine accueille les deux enfants avec sa gentillesse coutu-mière, et tente de
répondre au flot de questions dont elle est assaillie.
— Les hirondelles partent en automne, parce qu'elles ne trouvent plus de nourriture.
Elles ne mangent que des insectes aériens, c'est-à-dire des insectes qui volent. Or, à l'approche de
l'hiver, ceux-ci disparaissent. Alors, pour ne pas mourir de faim, les hirondelles doivent émigrer,
ce qui veut dire : changer de pays. Elles s'envolent donc vers le sud ! Vous les avez vues, ces
jours-ci, rassemblées sur les fils télégraphiques, préparant leur voyage. Je me demande si elles y
sont encore ?
— Non, dit Charlotte. Il n'y a plus personne, aujourd'hui.
— Sortons ! propose Madame Verdurin. Les fils, en effet, sont désertés. Et les
sifflements se sont tus...
Mais soudain, Madame Verdurin montre le ciel: — Regardez, justement, tout un vol qui
passe ! Les voilà qui partent « pour de bon » !

7 octobre

L'immense voyage...

Charlotte a encore beaucoup de questions à poser: elle revient donc, le lendemain,


chez Madame Verdurin.
— Oui, ma petite Charlotte, les hirondelles font un immense voyage. Regarde,
dit-elle, en lui montrant un vieil atlas : elles traversent la mer Méditerranée, survolent le
désert du Sahara, et descendent jusqu'au centre de l'Afrique.
— Oui, ma petite Charlotte, les hirondelles reviendront au printemps. J'ignore
comment elles retrouvent leur route, mais je te promets qu'elles reviendront !

237
8 octobre

Les costumes neufs !

Emerveillement sur l'étang : les canards du Marais-Joli ont revêtu leurs nouveaux
plumages !
Oubliées, les fatigues !
Envolée, la tristesse !
Les voilà tout à la joie de lisser ces jolies plumes neuves, d'admirer ces parures
brillantes !
Quatre canettes portent la même robe que leur maman, d'un brun délicat et raffiné.

238
Et trois canards ont un costume identique à celui de leur papa, avec un éblouissant
col d'émeraude!

9 octobre

« Les remplaçants »

Les plages ont été délaissées, à regret, par les enfants rieurs et bruyants. Comme
des moineaux, ils se sont tous envolés d'un seul élan, et le même jour ! Les petits
pêcheurs de crevettes, les constructeurs de châteaux de sable, les collectionneurs de co-
quillages, les amateurs de baignades, les chercheurs de crabes et de moules, tous ont
disparu, par une sorte d'enchantement, le matin de la rentrée des classes...

239
Mais ne croyez pas que les plages soient, pour autant, devenues désertes ou
silencieuses. Tous les petits «vacanciers» de l'été, ont été remplacés par des compagnies
d'oiseaux, venus passer l'hiver dans ces régions ni trop froides, ni trop chaudes, dont le
climat leur convient. Descendus des pays nordiques, ils ont choisi ces côtes aux
températures moins rudes pour séjourner durant l'automne et l'hiver.
Il y a les pluviers, au plumage jaune doré, au cri flûte ; les tourne-pierres, qui ne
cessent de soulever cailloux et galets, pour découvrir des vers ou des crustacés ; les
huîtriers, mangeurs d'huîtres et les courlis, au long bec arqué, au chant si doux... Grâce à
eux, les plages sont aussi animées qu'au plus beau de l'été !

10 octobre

En bateau !

Les hirondelles volent depuis plusieurs jours au-dessus des campagnes décorées
aux couleurs de l'automne. Elles ont hâte d'atteindre les pays du soleil !
Aujourd'hui, elles ont navigué au-dessus de la mer étincelante, aux reflets bleus,
verts et violets. Que vont-elles faire, ce soir, si elles sont fatiguées ?
Se poser, le plus simplement du monde, sur le pont d'un bateau !

240
11 octobre

Flèche géante

Quelle est cette flèche géante dans le ciel du matin ?


Que signifie ce dessin mystérieux contre les nuages pâles ?
Que représente ce signe dans l'espace?
C'est un vol de canards sauvages, en partance pour les pays chauds...
Plusieurs douzaines de colverts se sont posés, sur le vaste étang paisible qui prolonge,
par-delà les roseaux, le Marais Joli.

241
Ils y font étape, emplissant les parages de leurs clameurs, claquements d'ailes,
cancanements.
Les sept canards, nés au bord du Marais, sont attirés par cette joyeuse agitation.
Ils se mêlent aux nouveaux venus, nagent en leur compagnie, s'envolent au-dessus des
joncs à leur suite, partagent avec eux les dernières limaces et les touffes de cresson...
Et puis ce matin, voilà que les voyageurs, d'un seul élan, se sont élevés dans le ciel. Celui
qui volait le mieux s'est mis à leur tête.
Alors, trois canards du Marais Joli se sont envolés dans leur sillage, se sont envolés pour
cet irrésistible voyage vers l'inconnu...

12 octobre

« Je suis un castor ! »

« Je suis vêtu d'un manteau de fourrure brune de la meilleure qualité : épaisse,


chaude et imperméable.
Je suis assez gros, et, d'ailleurs, je pèse lourd.
Mes yeux sont tout petits. J'ai des narines et des oreilles très, très pratiques : si je
plonge dans l'eau, elles peuvent se fermer...

242
Je dois l'avouer tout de suite : j'aime énormément nager, et je passe une grande
partie de mes journées dans la rivière.
Je possède une paire de palmes: mes pattes de derrière ; et une sorte
de gouvernail : ma queue toute plate et très vigoureuse.
Bref, je suis parfaitement équipé pour la plongée et les déplacements en rivière...
Mes pattes de devant sont très adroites, de véritables petites mains, qui me
permettent de saisir des objets très petits, et aussi de peigner ma fourrure.
J'ai encore un outil fort efficace : mes dents ! Elles sont tellement solides que je
peux, grâce à elles, abattre des arbres et couper des branches, comme un bûcheron !
Maintenant, c'est certain, vous l'avez deviné : je suis un castor ! »

13 octobre

Une hutte imprenable

Personne, je le vois bien, ne pourra pénétrer dans la maison de la famille castor.


Savez-vous pourquoi ?
Parce que l'entrée se trouve sous l'eau ! Oui, sous l'eau !
Pour aller chez lui, le castor doit d'abord plonger au fond de la rivière, puis se
glisser dans un long couloir, qui monte vers l'intérieur de sa cabane.

243
Il s'arrête, quelques instants, dans le vestiaire, pour secouer et sécher sa fourrure
humide, et puis, finalement, se dirige vers la chambre.

14 octobre

Des travaux formidables !

La chambre du castor, pièce principale de la hutte, est très confortable. Le sol,


bien sec, est recouvert d'une litière toujours propre, composée de copeaux de bois, de
lamelles d'écorce, de roseaux et d'herbes.
Une haute cheminée assure l'aération. Toute la famille castor, le père, la mère, un
jeune de l'année précédente et deux bébés, vivent commodément, et surtout, parfaitement

244
à l'abri, dans cette solide cabane. Or, cette maison, c'est notre castor qui l'a entièrement
construite. C'est lui aussi qui a bâti le formidable barrage qui s'élève d'une berge à l'autre
de la rivière. Formé de branchages entrecroisés et de boue séchée, il protège la hutte en
retenant l'eau.
Ainsi, même en période de sécheresse, l'entrée de sa maison reste cachée sous
l'eau.
Pour effectuer toutes ces constructions, le castor abat des arbres, bouleaux et
peupliers, coupent des morceaux de branches, des bûches, des pieux... Toutes ces pièces
de bois sont très lourdes à transporter. Alors le castor creuse des canaux pour les faire
flotter, et les pousser ainsi, sans trop d'effort, jusqu'à l'un ou l'autre de ses chantiers. C'est
un travailleur infatigable et ingénieux !

15 octobre

A belles dents !

Des travaux aussi gigantesques ouvrent l'appétit, vous l'imaginez sans difficulté...
Alors nos travailleurs déploient la même énergie pour se nourrir que pour
construire !
A belles dents, ils croquent des écorces de saules, de peupliers ou de bouleaux. A
ce plat de résistance, ils ajoutent de la verdure : herbes aquatiques, racines de nénuphars,

245
feuilles de saules, fleurs, et, pour le dessert, des fruits : pêches ou poires, suivant la
saison...

16 octobre

Les marmottes préparent leur lit !

Comment une petite marmotte fait-elle son lit ?


Avec des draps, des couvertures?
Non ! Non !
Avec une couette, un oreiller ?
Non plus ! Non plus !

246
Une petite marmotte fait son lit avec du foin ! Oui, je vous l'assure, et elle s'en
trouve fort bien !
Aux derniers beaux jours, elle ramasse des brins d'herbe, les transporte entre ses
dents, les met à sécher sur des pierres plates et descend le foin ainsi obtenu au fond de
son terrier.

17 octobre

Changement de décor...

L'air est très frais, mais la promenade réchauffe, d'autant plus que le sentier
grimpe à pic !
Anne et sa grand-mère montent ensemble au jardin des marmottes.
Parvenues là-haut, elles se cachent derrière un gros rocher et, tout en reprenant
leur souffle, regardent autour d'elles.

247
— Je ne reconnais rien... murmure la petite Anne, désappointée. Le décor a
changé : il n'y a plus de fleurs. L'herbe est pâle. Il n'y a que du gris dans le ciel... Et les
montagnes ont l'air triste, avec ces morceaux de brouillard, accrochés à leurs aiguilles !
— Nous sommes en automne... répond doucement sa grand-mère.
— Et les marmottes? Où sont les marmottes? demande la petite fille, déçue.
— Elles sont sûrement dans leurs terriers, occupées à préparer leurs matelas,
explique la vieille dame.
— Leurs matelas? s'étonne Anne.
— Oui, en secouant, tournant, retournant, tapotant les épais tas de foin, qu'elles
ont descendus chez elles, les marmottes se fabriquent d'excellents matelas ! Et elles en
ont vraiment besoin, puisqu'elles vont dormir tout l'hiver !

18 octobre

Les marmottes ferment leur porte !

Cette fois, les braves petites marmottes ferment leur porte.


C'est décidé : elles s'endorment pour de bon !
Les familles, les amis, se sont dit « au revoir ! », et chacun est rentré chez soi, par
un long couloir étroit.
Maintenant, il faut bien fermer la porte. Alors les marmottes bouchent l'entrée de
leur terrier avec de grosses pierres, de la terre et des cailloux, qu'elles sortent d'une petite

248
« carrière » creusée spécialement pour cet usage.
Personne ne pourra plus entrer !

19 octobre

« Bonne et longue nuit ! »

Et maintenant que tous les travaux sont terminés, les marmottes, enfin, peuvent se
mettre au lit !
Le père, la mère et leurs trois enfants se pelotonnent les uns contre les autres,
enfoncés jusqu'au cou dans le foin tiède et parfumé...
Il n'y a pas beaucoup de place, car elles sont toutes fort grasses, nos marmottes.

249
Tant mieux : ainsi elles n'auront pas besoin de manger cet hiver. Et, n'ayant ni
faim, ni soif, elles pourront dormir tranquilles !

20 octobre

Les écureuils font leurs provisions !

Malgré les averses fréquentes et les brouillards humides, maigre le vent aigre et les nuits
froides, les jeunes écureuils continuent à vagabonder avec entrain dans tous les recoins du bois.
Cependant, depuis plusieurs jours, un jeu nouveau s'est ajouté à leur long répertoire de
distractions.
Ils font leurs provisions !
Et c'est très amusant !

250
Bien sûr, les jeunes écureuils, nés de la dernière pluie, ou plutôt du dernier printemps,
ignoraient tout de cette coutume. Mais ils ont vu leur papa, leur maman, leurs cousins, s'occuper
activement de ravitaillement, alors, tout naturellement, ils les ont imités. Avec zèle, astuce, et
bonne humeur !
«Faire des provisions» est devenu leur souci principal, leur meilleure distraction, leur jeu
favori !
C'est à celui qui récoltera les noisettes les plus grosses, la pomme de pin la plus fraîche,
les faînes les plus jolies, les glands les plus croquants, les champignons les mieux chapeautés !
Ces provisions succulentes, il faut ensuite les mettre à l'abri, dans des petits «garde-
manger». Nos écureuils trouvent donc toutes sortes de cachettes : au creux d'un tronc d'arbre, sous
les racines d'un sapin, dans un vieux nid abandonné, parfois même, sous la terre, dans un petit
trou creusé spécialement à cet effet.
Au fil des jours, les réserves se constituent, les armoires à provisions se remplissent,
l'hiver se prépare.
Hélas, il y a un petit problème: il est très difficile de se rappeler l'emplacement de toutes
ces cachettes...
Espérons pourtant que, les mauvais jours venus, nos écureuils sauront les retrouver !

21 octobre

Pluie d'or dans la forêt

— Quelle magnifique journée! s'extasie Maman en voyant son jardin inondé d'une
lumière blonde, très douce. C'est un temps idéal pour une promenade en forêt. Nous partirons tout
de suite après le déjeuner...
Au début de l'après-midi, la petite Claire et sa maman prennent le chemin de terre, qui
conduit à la forêt. De chaque côté, dans les champs, de grosses cailles se sauvent à leur approche,
et les alouettes s'élèvent tout droit, dans le ciel, pour chanter à tue-tête:
Tireli, tireli li li !

251
Mais, dès que Claire et sa maman pénètrent dans la forêt, un silence impressionnant les y
accueille, seulement troublé par le léger froissement, le subtil chuchotement des feuilles, qui
tombent, les unes sur les autres, lentement, très lentement...
Autour d'elles, c'est comme une pluie d'or, majestueuse et continue... Les feuilles
tournoient au ralenti et, lorsqu'elles passent dans un rayon de soleil, elles se couvrent de paillettes
d'or!
Claire, émerveillée, ramasse les plus belles pour faire un bouquet !

22 octobre

Cache-cache sous les fougères !

Les fougères, dans la forêt, sont devenues complètement rousses. Leurs feuilles minces,
si finement découpées, ont pris des teintes brunes et vieil or; elles se sont un peu desséchées, et,
en s'agitant souplement, bruissent avec des chuchotements mystérieux, et des petits bruits de
papier froissé...
Cette musique insolite amuse fort deux lapins, qui jouent à cache-cache entre leurs hautes
palmes.

252
Frrrttt ! L'un saute de côté, et se dissimule derrière l'écran dentelé. L'autre le cherche,
aperçoit un petit bout de sa queue blanche, bondit entre deux plantes ! Bravo ! Il l'a trouvé !
C'est à lui de se cacher, maintenant ! Il se faufile sous une touffe très épaisse, se
recroqueville à l'abri d'une haute fougère et attend...
Le sol est jonché de feuilles rousses et dorées. Soudain, le petit lapin aperçoit quelque
chose qui remue sous ce tapis. L'instant d'après, un animal au nez pointu bondit dans sa direc-
tion ! C'est la belette ! Il ne l'avait pas vu venir, à cause de sa fourrure, de la même couleur que
les feuilles...
Il n'a que le temps de se sauver, vite, vite, vers son terrier ! Et son ami, de son côté, détale
à toutes pattes !

23 octobre

Décoration...

— Je vais décorer ma chambre ! annonce Claire, les yeux brillants de plaisir, mais
sans donner plus de détail. A quatre heures, elle convoque sa maman, pour faire admirer
son chef-d'œuvre.
Comme par magie, l'automne est entré dans sa chambre ! Elle a composé un
bouquet avec les immenses feuilles du marronnier. Sur un grand morceau de papier à

253
dessin, elle a collé, pêle-mêle, des feuilles de chêne, de peuplier, de hêtre, d'érable et de
saule. Et sur son étagère, elle a disposé une collection de marrons !

24 octobre

Flottille d'automne

Des bourrasques de pluie interdisent les jeux de plein air. Arthur et Charlotte se
désolent un peu, derrière les vitres. Ils avaient projeté une promenade à bicyclette, une
partie de ballon et un concours passionnant : celui qui grimperait le plus vite en haut du
grand sapin ! Leur maman avait promis de les chronométrer... Maintenant, tout ce beau
programme est annulé par le mauvais temps... Que faire ?
— Pourquoi ne pas construire des petits bateaux ?

254
— Des petits bateaux ?
Arthur et Charlotte regardent leur maman avec l'air très étonné.
— Est-ce parce qu'il pleut, que tu penses à des bateaux ?
— Non, pas du tout, c'est parce que je vois ce compotier rempli de noix, au
milieu de la table.
Arthur et Charlotte comprennent de moins en moins...
Alors, avec un sourire très gai, leur maman leur montre comment construire un
charmant petit navire, à l'aide d'une demi-coque de noix, d'une allumette fixée par une
goutte de cire chaude, et d'un morceau de papier pour la voile...
A la fin de l'après-midi, une flottille navigue sur la table de la cuisine...

25 octobre

Vent fou et cerf-volant !

«Vive le vent, vive le vent, vive le vent d'automne, qui emporte, qui supporte, qui
transporte mon cerf-volant ! »
Matthieu galope à travers champ, dévidant la ficelle de son magnifique engin,
criant : — Plus haut, plus haut, monte plus haut, mon beau cerf-volant, tu peux grimper,
si tu as du courage, tu peux grimper par-dessus les nuages !

255
26 octobre

Le cygne

Majestueux, harmonieux, radieux, le jeune cygne glisse lentement sur les eaux
tranquilles du lac. Quel changement ! Quelle métamorphose depuis le printemps !
Le jeune poussin grisâtre et malgracieux, aux gros yeux globuleux, à l'allure
maladroite, s'est transformé en un merveilleux oiseau blanc, au long cou souple, au
plumage de rêve, que les canards admirent de loin, avec timidité et respect, à demi-caches
dans les roseaux...

256
27 octobre

La gazette de la poule d'eau

Hop ! Hop ! Hop ! La poule d'eau court à la surface de l'étang, pressée, pressée,
vole de nénuphar en nénuphar, légère, légère...
Elle se hâte vers la cressonnière. Elle a rendez-vous avec les grenouilles, pour leur
donner les dernières nouvelles, leur raconter les derniers potins de l'étang.
Elle contourne les rochers couverts de mousse, se faufile entre les hautes herbes,
et pénètre dans la petite baie emplie d'ombres vertes, où pousse le cresson. Les

257
grenouilles sommeillaient dans la vase. Elles se réveillent instantanément à l'arrivée de la
petite messagère.
— Alors, alors, quoi de neuf? coassent-elles avec impatience.
— D'abord, nous avons eu la visite d'un écureuil ! Il voulait prendre un raccourci,
pour aller cueillir des noisettes, de l'autre côté de l'étang. Alors, plouf ! Il a plongé et
nagé, nagé, nagé jusqu'à la rive opposée! Là, il s'est secoué, a peigné sa queue, a exécuté
mille pirouettes pour se sécher. Nous avons tous ri, nous les porte-plumes !
— Ensuite? demandent les grenouilles.
— Ensuite, trois jeunes colverts sont partis, des sarcelles sont arrivées, et patati,
et patata...

28 octobre

Le grand rassemblement...

Par dizaines, par centaines, les foulques noirs se sont rassemblées sur le lac :
regardons-les dormir, les unes à côté des autres, petites taches noires dans l'eau grise...
Elles sont bercées par le léger roulis des vagues ; ensemble, elles oscillent, à
droite, à gauche; ensemble, elles sont ballottées, en avant, en arrière... Comme elles n'ont
pas bon caractère, les autres canards se tiennent à l'écart et les laissent dormir sans
engager la moindre conversation. Ils savent qu'elles partiront d'ici deux ou trois jours...

258
29 octobre

Le blaireau et les noix

Bien sûr, le blaireau fait penser à un petit ours : il est robuste, musclé et lourdaud!
Et ses façons manquent souvent de finesse. Par exemple, il aime s'asseoir devant son
terrier pour gratter avec ses ongles, grrrttt! grrrttt! son épaisse fourrure, qui crisse alors
comme du foin. Parfois même, il se renverse sur le dos et pétrit à pleines pattes son gros
ventre obèse !

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Pourtant, lorsqu'il croque des noix : il les décortique délicatement à l'aide de ses
dents, et, savoure élégamment leur chair blanche...

30 octobre

Affolement !

Quel affolement dans le sous-bois ! Le jeune écureuil ne retrouve plus ses garde-
manger! Il ne sait plus où il a caché ses provisions ! Comme s'il avait perdu la mémoire !
C'est une vraie petite catastrophe! Il les avait si bien garnis, de noisettes et de
champignons, de glands, de faînes et de fruits ! Tout ce qu'il fallait, pour continuer,
durant l'hiver, à déguster de bons petits repas fins !
Il cherche sous les racines du sapin : point de noisettes !

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Il cherche au pied du chèvrefeuille : pas l'ombre d'un champignon !
Il cherche sous la grosse pierre fendue : aucune trace de glands !
Il cherche entre les mottes de terre : pas la moindre faîne !
Il cherche au fond d'un tunnel de mousse : pas la plus petite myrtille !
Alors, il se fâche, il trépigne, et. frémissant de colère, il hurle :
— Douk ! Douk ! Douk ! Sa maman le réconforte :
— Ces provisions, tu les retrouveras sans doute plus tard... Mais. en attendant, tu
peux toujours en faire d'autres ! Si ce n'est pas toi qui les déniches, elles serviront à l'un
de tes cousins, et c'est très bien !

3l octobre

L'épouvantable épouvantai! !

Le brouillard est impénétrable au lever du jour. Le jeune lièvre a beau écarquiller


les yeux, il ne voit que du coton blanc ! Il tend ses oreilles, mais les sons lui parviennent
déformés, étouffés, enrobés de coton, eux aussi, et très difficiles à identifier. Il a quand
même envie d'aller faire un tour dans le potager de Madame Verdurin...
Mais une silhouette fantastique lui barre le passage ! Epouvanté, le lièvre détale !
A cause du brouillard, il n'a pas reconnu l'épouvantai! familier, devant lequel il passe
chaque matin...

261
1er novembre

Un restant de soleil...

Dans le verger clos de murs, le soleil d'automne tiédit les belles «louises-bonnes»,
qui pendent paisiblement aux branches des poiriers.
Bien sûr, ses rayons n'ont plus la force, ni l'éclat qu'ils montraient en plein été...
Mais ils suffisent à mûrir en douceur, à la bonne heure, ces poires au joli prénom.

262
Les guêpes le savent bien : elles sont venues les premières, avant vous, avant moi,
goûter les fruits délicieux.

2 novembre

Une maison de bois

II n'y a plus de concombres dans le potager : le jardinier les a tous cueillis!


Il n'y a plus de pucerons dans le potager : le froid de la nuit leur a ôté la vie...
S'il n'y a plus de pucerons, que vont manger les petites coccinelles pour leur
déjeuner ?

263
Rien. Rien. Rien du tout !
Elles n'aiment que les pucerons !
Mais alors, elles ne vont pas mourir de faim, au moins ? !
Non. Non. Trois fois non !
Puisqu'elles ne trouvent plus rien pour se nourrir, les coccinelles vont aller se
coucher. Elles dormiront tout l'hiver... Engourdies, immobiles, elles perdront l'envie de
dîner !
C'est l'exercice qui leur ouvre l'appétit : la course à six pattes sur les branches de
rosiers, ou les envolées pardessus les haies ! Il ne s'agit plus de galoper, désormais, mais
plutôt, bien sagement, bien tranquillement, d'hiberner. Pour cela, il faut trouver une bon-
ne cachette.
La coccinelle jaune d'or, à six points noirs, a choisi une solide maison de bois :
elle s'est glissée, par une fente, sous l'écorce du tilleul !

3 novembre

Une maison d'étoffe

La coccinelle rouge vermillon, à deux points noirs, a élu domicile sous le galon
bleu, qui garnit les rideaux de cretonne du salon.
Elle passera l'hiver dans une douce maison d'étoffe...

264
La jeune Isabelle a assisté à son installation: elle l'a vue essayer plusieurs festons,
entrer, ressortir, disparaître à nouveau, ressurgir plus loin, et, finalement, se blottir sous
une confortable torsade de fils bleu clair et bleu foncé...

Fleurs d'automne

Laure saute d'un pied sur l'autre et frappe ses mains en cadence !
Pour qui, cette danse ?
Pour qui, ces applaudissements ?

265
Pour les fleurs de son petit jardin !
En dépit des pluies et des brouillards, des aubes tardives, des nuits trop fraîches et
du soleil hésitant, son petit massif est encore très joliment garni. Il y a des dahlias
pompons, tout jaunes. Il y a des dahlias géants, rouges, éclatants. Et une nuée de petites
étoiles mauves : les asters !

5 novembre

Double «bonsoir»...

Là-haut, dans la montagne, les petites abeilles dorées ont fini de travailler.
Tout l'été, elles ont butiné les milliers de fleurs minuscules, qui parsemaient
l'alpage de petites taches multicolores.

266
Tout l'été, elles ont fabriqué le meilleur miel que l'on puisse goûter, sucré, lisse,
parfumé.
Et à la fin de l'été, elles ont vécu une aventure terrifiante. Par une belle après-
midi, il se produisit, dans leur ruche, un bouleversement épouvantable : une partie des
rayons fut détruite, patatras ! et une énorme quantité de miel volée ! Comment ? Par qui ?
Par l'ours brun, qui, après avoir tourné plusieurs fois autour de l'arbre, tout à coup
se redressa et plongea sa patte dans la fissure du tronc ! Bien vite chassé par les abeilles-
gardiennes, qui n'hésitèrent pas à lui piquer le museau, il eut néanmoins le temps de
dérober beaucoup de rayons, qu'il avala d'un coup, sans même les déguster, le glouton, le
brigand !
Dès qu'elles eurent mis le voleur en fuite, les braves abeilles réparèrent de leur
mieux les dégâts et reconstituèrent leurs réserves de miel...
Maintenant que l'hiver approche, que les fleurs se font plus rares, et les journées
plus courtes, elles vont s'endormir au creux de leur arbre. Elles ont bien mérité ce repos !
Bonsoir, petites abeilles des montagnes ! Quant à nos amies, les abeilles du châtaignier,
que nous avons vu, durant toutes les vacances, voleter, ici et là, dans le jardin, le long des
haies, avec leurs petits paniers débordant de pollen, elles vont s'assoupir, elles aussi, bien
au chaud, bien à l'abri, tout au fond de leur ruche. Bonsoir, petites abeilles du jardin !

6 novembre

Des rideaux de pluie

Soudain, on eut l'impression que tous les nuages, qui encombraient le ciel,
crevaient d'un seul coup ! Ce fut une averse brutale, à la fois bruyante, violente, et
implacable !

267
Des rideaux de pluie s'abattirent sur le bois, éclaboussant les dernières feuilles
encore suspendues aux branches, ruisselant sur l'écorce des troncs, aspergeant les taillis,
trempant l'herbe, inondant les sentiers et les chemins. Un vrai, déluge !
Avec un grondement sourd et continu, qui retentissait sous les arbres,
accompagné ici et là de gargouillis sonores, clapotis et clapotements, et de bruits de
cascade ou de torrents...
Maître Renard, surpris dans sa promenade par ces trombes d'eau, mécontent de
cette furieuse avalanche de pluie, s'arrêta net, regarda rapidement à droite et à gauche,
avisa, derrière une souche, une grosse pierre, s'avançant au-dessus d'un fossé herbu, et,
hop ! hop ! hop ! en trois bonds légers, s'y réfugia.
Bien à l'abri sous cette espèce de caverne, et puisqu'il n'avait rien de mieux à faire,
il s'endormit profondément...

7 novembre

« Au secours ! Au secours ! »

Par une belle après-midi ensoleillée, le renard met la tête hors de son terrier.
Remuant son long museau, pointu et moustachu, il hume l'air autour de lui. Ses yeux
obliques, jaune clair, luisent malicieusement. Il grogne une ou deux fois, et puis, hop, sort

268
de sa maison. Sa promenade est commencée. Il trotte sur le sentier de cailloux blancs,
sous les arbres à demi dépouillés de leurs feuillages, et débouche, à l'orée du bois, devant
un pré immense.
— Au secours ! Au secours ! s'écrie une petite souris, reconnaissant le nez aigu et
la longue queue rousse de Maître Renard. Au secours ! couine-t-elle, en se jetant dans un
trou.
Un peu déçu de voir lui échapper cette petite proie appétissante, le renard poursuit
sa randonnée.
— Au secours ! Au secours ! hurle une perdrix, en sortant d'une touffe de
bruyère. Au secours ! cacabe-t-elle en s'envolant.
Dépité, notre renard fait volte-face et retourne dans le bois.
— Au secours ! Au secours ! gémit un lièvre en l'apercevant. Au secours ! halète-
t-il, et il détale à toutes pattes. Le renard, aussitôt, se lance à sa poursuite. Qui gagnera la
course, à votre avis?

8 novembre

Déménagements
Aimez-vous déménager ? Aimez-vous changer de maison, pour un oui, pour un
non? Aimez-vous les nouveaux décors, les nouvelles installations? Vous ne savez pas...
Vous réfléchirez à la question. Bon.

269
Le renard, lui, le sait très bien : II a le goût des déménagements. C'est un
fantaisiste. Et aussi un personnage prudent. Il déteste donner son adresse. Si l'on
découvre son terrier, il en change ! Pour cette raison, le grand renard roux va s'installer,
au rez-de-chaussée de la maison du blaireau.

9 novembre

Le grillage réparé

Maître Renard a faim !


Il est revenu bredouille de sa tournée de chasse.

270
Est-ce la lune qui l'a rendu trop visible ?
Les souris, mulots et autres campagnols ont-ils été prévenus par le cri de la
hulotte ?
Ou bien a-t-il eu de la malchance ?
Difficile à dire...
Toujours est-il qu'il n'a rien trouvé à se mettre sous la dent, ce qui le fâche
beaucoup.
Il n'est pas gros mangeur, mais tout de même !
Il pousse une sorte de jappement, et part en courant en direction du village. Il
connaît là-bas un poulailler merveilleusement bien habité par des poules toutes plus
dodues les unes que les autres. Et il y a un trou dans le grillage, qui entoure la basse-cour!
A cette heure-ci, le chien doit dormir au fond de sa niche...
Maître Renard rêve, songe, savoure déjà sa volaille...
Mais, mais, arrivé devant le grillage, il découvre qu'il a été réparé : adieu, dîner !

10 novembre

Comme une partie de ballon

Bing ! Bang !

271
La boîte en fer blanc ricoche contre un caillou, saute en arrière, rebondit au milieu
du chemin. Les trois renardeaux examinent l'objet insolite avec un intérêt curieux. Ils
viennent juste de le découvrir, sous un taillis touffu. Ils ont beaucoup hésité à le toucher.
Puis, le plus téméraire d'entre eux a donné un coup de museau dans la boîte. Bing ! Bang!
Le bruit de ferraille les a enchantés. Et maintenant, ils entament une vraie partie
de ballon !

11 novembre

Des « fleurs d'or »

272
Emilie ne se lasse pas d'admirer les pots de fleurs, que le marchand aligne sur le
trottoir. Ce sont des fleurs magiques, avec une infinité de pétales légers et gracieux,
véritable superposition de languettes étroites et recourbées, qui forment des boules
magnifiques. Ce sont des fleurs de rêve, aux couleurs éclatantes : jaune, rosé foncé,
pourpre, vieil or...
— Comment s'appellent-elles ? demande poliment Emilie.
— Ce sont des chrysanthèmes ! répond le fleuriste, un nom grec qui signifie : «
fleurs d'or » !

12 novembre

Un pic-vert silencieux

273
Figurez-vous que j'ai rencontré un pic-vert silencieux !
Vous ne voulez pas me croire.
Vous êtes certain qu'un pic-vert est toujours un voisin bruyant, qu'il fait autant de
bruit qu'un marteau-piqueur, que c'est un gêneur, un trouble-fête, un radoteur, un
ennuyeux, qui répète la même chanson du matin au soir, tap-tap-tap et tap-tap-tap, un
empêcheur de faire la sieste !
Et bien moi, j'ai vu un pic-vert silencieux ! Je l'ai aperçu, par ma fenêtre, à côté du
massif de lilas.
Je l'ai immédiatement reconnu à sa grosse calotte toute rouge, à son ample
manteau de plumes vertes, à son bec droit et puissant.
Il se promenait lentement parmi les touffes d'herbe, s'arrêtant ici et là pour frapper
le sol énergiquement, en mesure, en cadence, avec la régularité d'une machine bien
réglée. Ce mouvement de balancier ne m'a pas étonnée : il est le geste ordinaire des pic-
verts.
Ce qui était vraiment inhabituel, c'est le profond silence, qui accompagnait ce
martellement.
Ma fenêtre était grande ouverte : je voyais l'oiseau faire : tap-tap-tap, mais je
n'entendais aucun bruit...

13 novembre

Des trous insolites ...

274
Un coup de téléphone m'arracha à ce spectacle. Puis j'oubliai le bel oiseau vert...
Ce matin, je suis passée à côté du massif de lilas: il y avait une large plaque de
mousse, très douce sous mes chaussures... Soudain, je remarque des trous mystérieux,
une centaine au moins, sur le velours lisse de la mousse. Au même instant, je me rappelle
le pic-vert de la veille et je comprends que c'est lui l'auteur de ces trous ; que la mousse a
étouffé le bruit de son bec, et qu'il les a creusés pour dénicher des vers de terre !

14 novembre

275
Une dame de compagnie

A qui appartient ce cri bref et sonore, ce jacassement bruyant et ininterrompu ?


A qui appartiennent ce plumage noir et blanc, cette queue longue et bleutée ?
A qui? Mais à Madame la Pie, naturellement, à cette fameuse bavarde, restée dans
nos jardins pour nous tenir compagnie.
Comme elle n'est pas difficile en matière de nourriture, qu'elle avale aussi bien
des graines que des insectes, des plantes que des larves, des jeunes pousses que des
limaces, elle n'est pas obligée, comme tant d'autres oiseaux, de partir à l'étranger pour
trouver, même en hiver, les aliments qui lui conviennent.
Elle demeure avec nous.
Elle emplit nos arbres, nos buissons de conversations variées.
Mais l'on dit, Madame la Pie, que vous dérobez volontiers les petits objets
brillants : dé, bague, ciseaux, épingle, bracelet... Il faut donc nous méfier de vous...
Votre gaîté, nous l'aimons !
Votre compagnie, nous l'apprécions. Mais nous tenons aussi à nos petits trésors...
Alors, attention!

15 novembre

276
La cueillette des pommes

Madame Verdurin profite du beau temps sec pour récolter toutes ses pommes.
Bien sûr, Arthur et Charlotte ont proposé leur aide et, sans même demander la
permission, le petit chat Nougat les a suivis dans le verger...
Il est d'humeur polissonne. Et il faut souvent le rappeler à l'ordre.
Il a commencé par faire de l'escalade sur les barreaux de l'échelle double, et
Madame Verdurin, qui redescendait, a failli marcher sur sa queue ! Et tomber à la
renverse par la même occasion...
Ensuite, il a sauté sur la pile de clayettes vides, qui attendaient de recevoir leur
chargement de fruits...
Et la pile s'est effondrée, et il s'est senti fort mortifié de se retrouver, à plat ventre
dans l'herbe, un cageot en travers de la tête !
Pour finir, il est allé bouder au fond du jardin, quand il a compris que plus
personne ne s'intéressait à lui...
Et il a vu, de loin, Arthur qui tirait son chariot, surchargé de cageots de pommes,
en direction du pressoir...

16

277
Le sommeil des pommes

Dans le fruitier, Arthur et Charlotte sont venus ce matin, sous la conduite de


Madame Verdurin, inspecter toutes les pommes cueillies la veille.
— Comme cela sent bon ! s'exclame Charlotte, en retroussant son nez avec
gourmandise.
En effet, un discret parfum, doux et sucré, emplit déjà la grande pièce sombre et
fraîche, où se trouve rangée toute la récolte.
— Mais je ne vois pas très clair ! proteste la petite fille. (En effet, le jour ne filtre
que par une étroite lucarne.) Peut-on allumer ?
— Non, recommande Madame Verdurin. Les pommes se portent mieux dans la
pénombre. C'est ainsi qu'elles se garderont le plus longtemps. Vois-tu, elles se reposent.
Elles dorment, en quelque sorte. Ces plateaux, à claire-voie, que l'on appelle clayettes,
leur font des lits très commodes, des lits superposés.
Nous viendrons de temps en temps, pas trop souvent, retourner les pommes, les
changer de côté, et regarder si aucune ne s'abîme. Car les maladies sont contagieuses : si
un fruit se tache, ou moisit, bientôt tous ceux du même plateau se gâtent, eux aussi. Nous
viendrons aussi, au fil de l'année choisir les plus belles pommes pour nos desserts...

17 novembre

278
Un catalogue de desserts

En classe, après avoir expliqué comment poussaient les pommes, et montré, à


l'aide de jolis dessins au tableau, de quelle manière elles se développaient, à partir d'une
fleur, la maîtresse se retourne vers ses élèves et demande à la cantonade :
— Savez-vous ce que l'on peut faire avec des pommes ?
Aussitôt, les doigts se lèvent, les uns après les autres, les yeux brillent, les écoliers
semblent avoir beaucoup d'idées sur la question, beaucoup plus, en tout cas, que pendant
le cours de mathématiques...
— Bien, bien ! Chacun à son tour ! dit la maîtresse.
Et les réponses, alors, se succèdent :
— de la tarte !
— de la compote !
— de la confiture et des pâtes de fruits !
— du jus de pomme !
— du cidre !
— des pommes au four !
— de la tarte Tatin !
— des beignets et des chaussons ! (On croirait entendre la lecture d'un catalogue
de desserts !)
La maîtresse ne peut s'empêcher de sourire en découvrant la science de ses élèves
en matière de cuisine...

18 novembre

279
La couette du hérisson

Trottin-trottant, dans le jardin, frissonnant sous ses piquants, le hérisson songe


qu'il est grand temps de se préparer une bonne couette pour les mauvais jours...
Il commence à ramasser des feuilles sèches. Il les transporte, entre ses dents,
jusqu'à sa maison, sous le tas de bois.
Il fait plusieurs voyages, trottin-trottant, empile, pêle-mêle, feuilles de hêtre, de
bouleaux, herbes sèches et tiges de fleurs, et ensuite se roule sur ce tas pour lui donner
une forme ronde et accueillante.

19 novembre

280
Le soleil a changé de place !

Matthieu est vraiment surpris : d'abord le soleil est en retard, et ensuite, il a


changé de place! Cet été, quand il tirait ses rideaux, à huit heures du matin, il voyait la
belle figure éclatante de son ami juste au-dessus du marronnier rosé. Et maintenant,
quand il regarde par la fenêtre à huit heures, il n'y a personne.
Il part en classe sans avoir échangé de sourire avec son compagnon des beaux
jours...
Le dimanche, s'il se lève plus tard, il peut, bien sûr, saluer le soleil. Mais, ce qui
est vraiment bizarre, c'est qu'il ne se trouve plus au même endroit. Il passe, désormais, au-
dessus de la haie de noisetiers ! Et puis, il paraît tout pâle, tout timide soudain...
Pour un oui, pour un non, il se cache derrière une nuée de brouillard, une brume
blanche ou une écharpe de grisaille...
Pour un oui, pour un non, il boude, plusieurs jours de suite, derrière un écran de
nuages, un rideau de pluie... Et ses rayons ne donnent plus de chaleur...
Matthieu s'étonne, s'inquiète, s'attriste. Sa maman lui explique :
— C'est le soleil d'automne...

20 novembre

281
Qui s'y frotte s y pique !

Le hérisson trouve que son lit n'est pas encore suffisamment confortable. Pour
mieux le rembourrer, il continue donc d'apporter des feuilles sèches dans sa maison.
C'est au cours de l'un de ces voyages qu'il tombe nez à nez avec le chien de la
ferme. Ni une, ni deux, il se met aussitôt en boule !
Déconcerté, le chien tourne autour de cette pelote hérissée de piquants. Il
comprend vite qu'il ne peut approcher cette espèce de cactus et repart vers la ferme sans
demander son reste...

21 novembre

282
Champignons à la douzaine

Avec la pluie et l'humidité, par douzaine, les champignons sont apparus dans les
bois. Quelles petites plantes bizarres ! Elles n'ont ni racine, ni tige, ni feuilles !
Par contre, leurs formes sont extraordinairement variées ! Souvent, c'est un pied,
coiffé d'un joli chapeau. Souvent aussi, la forme est encore plus fantaisiste : trompette,
huître ou balle.
Quelques champignons sont délicieux. La plupart ont très mauvais goût. Et
certains sont vénéneux, c'est-à-dire remplis d'un poison mortel...

22 novembre

283
Hérisson contre vipère !

Cette fois, ce n'est pas le chien de ferme, que le hérisson a rencontré en trottinant
le long des allées du jardin. C'est, je vous le donne en dix, je vous le donne en cent,
c'est... la vipère ! Ce serpent, qui a si mauvaise réputation...
Bien sûr, le hérisson ne craint pas trop les morsures de la vipère, car il est
immunisé contre son venin, c'est-à-dire que le poison de la vipère ne peut pas lui faire de
mal... Mais tout de même, chaque fois qu'il se trouve en face de cette vieille ennemie, il
se sent d'humeur batailleuse.
Abandonnant sa promenade, délaissant sa cueillette, il se prépare au combat.
D'abord, il s'arme : il abaisse sur son front une visière de piquants et protège son côté,
exposé aux attaques du serpent, par un bouclier de piques.
Devant ce guerrier casqué, armé, décidé, la vipère s'éloigne en rampant. Cela vaut
mieux pour elle, car le hérisson est le plus fort. S'il la saisit par la tête, et la secoue
énergiquement, il peut lui briser la colonne vertébrale !
Alors, Madame Vipère, attention au hérisson ! Et, si vous m'en croyez, passez
votre chemin, quand vous croisez cette pelote d'épingles !

23 novembre

284
Des nuits douces...

Toutes les nuits d'automne ne sont pas froides. Certaines sont encore assez
douces. Et les hérissons en profitent pour aller festoyer dans les jardins, dans les
potagers!
C'est l'embarras du choix ! D'abord une pomme, pour s'ouvrir l'appétit Puis
quelques prunes sauvages, les dernières... Ensuite, tout un plat de champignons, ronds ou
tarabiscotés Et puis des glands et des faînes, qu: craquent joyeusement sous la dent...
Un vrai festin, une nuit douce...

24 novembre

285
Les visiteurs de l'aube

Arnaud s'est éveillé à l'aube. Venu passer la fin de semaine dans le moulin de sa
grand-tante Rose-Marie, il a hâte de commencer la journée, de sortir dans le jardin,
d'explorer les alentours !
Il ouvre ses volets avec précaution, pour n'éveiller personne. Une brume
mystérieuse enveloppe le jardin.
A travers ses voiles blancs, Arnaud aperçoit la rivière, qui coule rapidement sur
les cailloux, et, au-delà, le verger, où quelques pommiers sauvages, presque
complètement dépouillés de leurs feuilles, portent encore quelques fruits.
Les arbres émergent un à un du brouillard, comme des personnages étranges; on
dirait qu'ils marchent, et qu'ils agitent leurs bras...
Quel spectacle insolite pour le petit citadin !
Et puis, il a aussi le parfum de la terre humide, et le beau silence profond qui
l'enchantent....
Quelques craquements attirent soudain le regard d'Arnaud vers la droite : une
biche et son faon viennent d'apparaître derrière la haie. Ils s'approchent d'un pommier,
cueillent chacun une pomme, la croquent tranquillement, et puis repartent vers le bois,
disparaissant dans la brume...
Arnaud se demande s'il n'a pas rêvé...

25 novembre

286
Le premier sommeil du hérisson

Après quelques jours de vent, la température a brusquement baissé. Le gros


thermomètre, accroché à la cabane à outils, indique huit degrés.
Notre ami le hérisson a regagné sa maison sous le tas de bois. Il s'est enfoncé dans
sa couette de feuilles, s'est tourné, retourné, secoué, mis en boule, déplié, replié, pour
trouver la bonne position. Il a soufflé, reniflé, grogné, soufflé encore :
— Fou, fou, fou... Et puis s'est tu... Et, tout doucement, s'est assoupi. Il dort, à
moitié roulé, laissant voir sa tête et ses pattes, les piquants aplatis.
Tant que la température reste aux alentours de huit degrés, le hérisson dort d'un
demi-sommeil. Il entend encore les bruits venus de l'extérieur; et, d'ailleurs, ces bruits le
dérangent : il sursaute dans son sommeil, remue sur sa couette, se secoue un peu, puis se
roule d'un autre côté.
Ces bruits sont très divers : l'aboiement du chien de la ferme, le crissement des
dents du râteau sur les graviers, le grincement de la roue de la brouette, la chute d'une
bûche, sur le tas de bois. Bref, lors de son premier sommeil, notre hérisson a du mal à
dormir tranquille !

26 novembre

287
Les citrouilles du potager

Tout au fond du potager, parmi des grandes feuilles découpées, des tiges
rampantes, de jolies fleurs jaune orangé et de fines vrilles emberlificotées, s'arrondissent
d'énormes plantes rouge orange : ce sont les citrouilles !
Ces énormes cucurbites, que la fée a transformées en carrosse pour sa filleule
Cendrillon!
Ces succulents légumes, qui permettent de préparer des tartes exquises pour
certaines fêtes traditionnelles, comme Thanksgiving, aux États-Unis !

27 novembre

288
Les chasseurs !

Il y a toujours cette brume, le matin, qui recouvre les champs d'un léger manteau
blanc... Ici et là émergent un taillis, une haie, un bosquet.
Le lièvre, au sortir de son gîte, hume l'air humide. Il reconnaît plusieurs odeurs
familières : les fumées de feux de bois du village voisin, le parfum des champignons dans
la forêt, la senteur de la terre fraîchement labourée...
Dressant ses longues oreilles, il écoute aussi les bruits qui l'entourent. Là-bas,
c'est le moteur du tracteur de la ferme, qui ronfle sourdement. Ce grincement, c'est la
roue du moulin à eau. Ces carillons lointains montent de la vallée. Et cet aboiement
rauque, toujours le même, c'est celui du grand chien jaune qui garde, hélas, le meilleur
potager des environs !
Bon. Ayant identifié tous les signes habituels, le lièvre s'élance, à travers champs,
droit devant lui ! Soudain, deux détonations brutales déchirent l'air. Et des aboiements
inconnus retentissent à l'extrémité du champ !
Le lièvre ignore quel est ce tintamarre, mais, d'instinct, il flaire un grand danger et
détale à toutes pattes...

28 novembre

289
Le lièvre-musicien

Le lièvre s'immobilise à l'entrée de son gîte. Il se redresse de toute sa hauteur et


puis entame une étrange gymnastique : avec ses pattes de devant, il frappe son estomac,
une, deux ! Une, deux ! Comme s'il battait du tambour !
Dans le taillis voisin, des rouges-gorges observent le spectacle avec amusement.
— Voilà notre lièvre qui recommence ses mimiques ! gazouillent-ils
malicieusement. Ils ont l'habitude; en effet, chaque fois qu'il rentre chez lui, le lièvre joue
ce petit air de tambour à sa façon !

29 novembre

290
Ruse

A nouveau, le lièvre a entendu les terribles aboiements inconnus ! Mais, cette fois,
puisque le temps était clair, et qu'aucune trace de brouillard ne masquait le paysage, il a
vu le redoutable chien de chasse, lancé à sa poursuite, avec ses gros yeux terribles, sa
langue pendante, et ses pattes géantes, qui le rendaient si rapide, si rapide !
Pour lui échapper, un seul moyen : la ruse ! Au moment d'être attrapé, le lièvre
fait un bond formidable, et repart dans l'autre sens !
Sauvé...

30 novembre

291
Aussi rapides que des lièvres !

— Mon pneu est dégonflé ! constate Charlotte.


— Eh bien, prends ta pompe et regonfle-le ! s'exclame Arthur. Ce n'est pas
compliqué !
— S'il te plaît, aide-moi ! demande sa sœur.
— Bon, bon, accepte Arthur, l'air faussement grognon. Car, en fait, il aime
beaucoup la mécanique. Et il est enchanté, chaque fois qu'il peut dévisser un boulon,
donner un coup de marteau ou se saisir d'une pince ! Toujours est-il que cinq minutes
plus tard, les deux bicyclettes sont prêtes et que les enfants pédalent vivement sur la
petite route goudronnée, qui s'allonge entre deux champs labourés.
L'air frais rosit leurs joues et chante à leurs oreilles.
— Oh ! Regarde ! Un lièvre ! s'écrie soudain Charlotte.
— Où? demande Arthur. Je ne vois rien. Tu rêves, ma pauvre fille...
— Si, si, si, je t'assure, là, à droite, au sommet du sillon ! Regarde ! Oh ! Il y en a
même deux ! C'est merveilleux !
Charlotte trépigne d'excitation. Elle est descendue de bicyclette pour mieux
regarder. Arthur aussi.
Il plisse les yeux et, enfin, aperçoit les lièvres, qui courent légèrement à la surface
des labours. Leur pelage brun les fait se confondre avec la terre. C'est pour cette raison
qu'on ne les distingue pas à première vue.
— J'en vois trois ! hurle Arthur.
— Magnifique ! Magnifique ! crie Charlotte en battant des mains. Faisons la
course avec eux !
Hop ! Elle enfourche à nouveau sa bicyclette et pédale, pédale, tant qu'elle peut !
Arthur aussi !
Au retour de leur promenade, Arthur fanfaronne :
— Nous avons été aussi rapides que des lièvres !
— Enfin,... presque aussi rapides... corrige sa sœur, plus modeste.

1er décembre

292
Farine ou sucre ?

Cette tête ronde et joufflue, ce museau rebondi, ces oreilles droites et courtes, et
ces beaux yeux bruns, vous les reconnaissez : ce sont ceux du lièvre variable !
Pour le reste, il a bien changé, cette alerte montagnarde ! Son pelage brun est
maintenant entièrement saupoudré de blanc !
S'est-il roulé dans la farine ?
Ou a-t-il pris une douche de sucre en poudre ?
Ni ceci. Ni cela.
Ses poils ont, tout simplement, blanchi au cours de l'automne...

2 décembre

293
L'arrivée des saumons

II y a, ces jours-ci, des remous tout à fait inhabituels dans le joyeux petit torrent
de la montagne.
Gerbes d'eau, éclaboussures, vaguelettes et tourbillons !
Et parfois, le temps d'un éclair, l'apparition d'un immense poisson argenté à la
queue fourchue ! D'un bond prodigieux, il saute un barrage de rochers et disparaît, plus
haut, dans les flots bouillonnants ! C'est un saumon, qui rentre de voyage.
C'est un adulte qui revient dans le torrent où il est né, après un immense périple de
plusieurs années !
Imaginez cette aventure : encore tout jeune, notre poisson s'est élancé droit devant
lui, dévalant, avec son torrent, des pentes abruptes, roulant dans les cascades, évitant les
rochers, franchissant les rapides et puis nageant vigoureusement le long d'une paisible
rivière, jusqu'à la mer...
Là, il a découvert l'eau salée, les courants puissants, une nourriture exquise,
crabes et crevettes, et il s'est promené, par des routes secrètes, à travers tout l'océan...

3 décembre

294
A travers mes jumelles...

La paroi de la montagne est complètement abrupte. C'est un rocher gris bleuté, qui
descend à pic vers un lac sauvage. Ici et là, quelques éboulis de cailloux...
Soudain, au sommet de la paroi, j'aperçois des points qui bougent. Je saisis mes
jumelles et je découvre une famille de chamois, qui se promènent tranquillement tout là-
haut... Comment ne glissent-ils pas dans le vide ? N'ont-ils pas le vertige? Je l'ignore...
Mais le spectacle que je contemple, à travers mes jumelles, est un vrai numéro
d'acrobatie!

4 décembre

295
L'amateur de betteraves

II est gros. Il est lourd. Il a le poil rude et la silhouette massive. Sa voix est rauque
et gutturale. C'est un personnage farouche et impressionnant... et, en même temps, un
gourmet aux goûts choisis et raffinés.
Et quand arrive l'automne, son plus grand plaisir est d'aller dans les champs
déguster des betteraves, de bonnes betteraves bien sucrées.
Hélas pour le fermier, il en avale d'énormes quantités, cet insatiable sanglier !

5 décembre

296
Le cerf pourchassé...

Claire fait, une dernière fois, le tour du jardin, en poussant ses poupées dans un
petit landau d'osier, qui cahote sur les mottes de terre, les touffes d'herbes, les taupinières.
Peu importent les sursauts ! Les poupées doivent prendre l'air. Il n'est que quatre
heures de l'après-midi, mais le ciel, déjà, s'assombrit. L'on sent que la nuit est toute
proche; et qu'il sera bien agréable de rentrer à la maison, savourer la tiédeur du feu, et la
lumière des lampes...
Soudain, derrière la petite Claire, la terre tremble, le sol vibre, l'air résonne d'une
galopade éperdue et puissante ! Elle entend, au même instant, les bruits d'une respiration
rapide et saccadée : soufflements, reniflements, halètements ...Elle se retourne et voit
passer, à deux mètres d'elle, juste de l'autre côté de la barrière, en trombe, à toute allure,
comme un bolide, un cerf magnifique, qui fuit désespérément!
Il fuit dans un tintamarre sonore de sabots, qui s'entrechoquent, il fuit dans un
tourbillon de poussière, d'herbes arrachées et de terre qui vole...
Claire demeure pétrifiée sur place. A côté de cet animal immense, elle se sent plus
petite qu'une fourmi. A ce moment, venues du bois voisin, claquent trois détonations
sèches et crépitantes.
«Les chasseurs...» pense aussitôt la petite fille. Cependant, le cerf ralentit. Il paraît
hésiter. Il semble vouloir sauter dans le jardin... Mais il bifurque soudainement et repart
vers la droite, en direction de la forêt. Il franchit la route d'un seul bond et fonce vers les
grands arbres dénudés.
— Bravo ! crie tout haut la petite Claire. Là-bas, les chasseurs ne t'attraperont
pas!

6 décembre

297
Le terrier du renard

II ne nous a pas encore montré sa maison, le renard à belle queue rousse...


Il habite pourtant un terrier magnifique ! Ce n'est pas lui qui l'a creusé, mais le
blaireau !
Le renard est, en quelque sorte, le locataire du blaireau. Il occupe l'un des
appartements de sa vaste demeure. Le blaireau, en effet, s'est aménagé une très grande
habitation. Il l'a creusée, sous une souche de chêne, couverte de myrtilles. Il a prévu qua-
tre ouvertures : portes d'entrée et portes de sortie.
A l'intérieur, il a agencé plusieurs étages de galeries, qui communiquent entre
elles par des puits.
Les chambres, qu'il se réserve, sont larges, spacieuses, hautes de plafond. Celles
qu'il prête au renard ont également de bonnes dimensions. Elles sont situées près de la
surface. Voyons un peu : il y a un observatoire, d'où le renard peut examiner les environs.
Il y a une réserve, où il cache ses provisions et ses rapines ; et un « donjon », sorte de
pièce circulaire, où il loge avec sa famille. Pour ne pas se gêner, renard et blaireau
quittent leur maison à des heures différentes... N'est-ce pas une bonne cohabitation ?

7 décembre

298
Redoux...

Après quelques journées très fraîches, et quelques nuits carrément froides, la


température est remontée. Le vent s'est calmé, les nuages se sont éloignés, il fait doux,
étonnamment doux...
L'hiver est tout proche, mais on ne le dirait pas.
Au creux de sa maison, du fond de son demi-sommeil, et à travers l'épaisseur de
son édredon de feuilles, notre ami le hérisson a perçu ce changement. Il s'éveille
complètement, remue son petit museau, renifle l'air, constate sa tiédeur, grogne une ou
deux fois, se secoue et se dit :
— Je ne peux pas rester au lit par un temps pareil !
Il repousse sa couverture, sort de son abri et s'en va, trottin-trottant, sur le
chemin...
Comme c'est bon de déplier ses pattes, d'étirer ses piquants, de respirer les bonnes
odeurs du jardin ! Il se sent de si belle humeur qu'il n'hésite pas à escalader le mur du
potager, un bon exercice ! Et, pour redescendre, savez-vous ce qu'il fait ? Sans façon,
sans appréhension, il se met en boule, et se laisse rouler jusqu'en bas, comme un petit
ballon !
Un, deux, trois ! Le tour est joué !

8 décembre

299
Comme avec une balle...

Le pauvre campagnol en tremble encore!


Il vient de lui arriver une mésaventure effrayante.
Il trottait le long d'un sillon, lorsque le renard, soudain, a surgi derrière lui et, d'un
bon coup de museau, l'a envoyé voltiger dans les airs !
Le malheureux campagnol s'attendait à être croqué... Non.
Le renard a joué avec lui, comme avec une balle, et puis, lassé, s'en est allé...
Oh ! la, la, quelle histoire !

9 décembre

300
Le « radeau-garde-manger »

L'hiver approche... Les castors le sentent. Ils savent qu'ils doivent faire des
provisions, préparer un garde-manger pour les mauvais jours...
Alors, ces grands travailleurs travaillent deux fois plus encore ! Ils partent, chaque
nuit, couper des branches d'arbres sur les berges de la rivière.
Des branches de saule et des branches de peuplier, des branches de bouleau et des
branches d'aune.
Ensuite, ils tirent tous ces branchages le long de sentiers spéciaux, toujours les
mêmes, qui servent de glissières, puis ils les font flotter sur leurs canaux et les amènent
ainsi juste devant leur cabane.
Alors commence un travail fort minutieux. Les castors attachent ensemble toutes
ces branches croquantes aux écorces savoureuses, pour n'en perdre aucune, et faire un
véritable « radeau-garde-manger ! » Ils les croisent, les lient et les entrelacent, très
solidement.
Ce n'est pas une mince affaire ! Nos amis se donnent beaucoup de mal. Que
d'efforts ! Leurs queues se dressent vers le ciel, claquent à la surface de l'eau, se
redressent ! Enfin, voilà le radeau ficelé ! Le « garde-manger flottant » est prêt pour
l'hiver !

10 décembre

301
L'amateur de choux !

Ce petit castor-là est un original ! Oh ! Il est travailleur, et actif, comme les


autres!
Il abat des arbres, débite des bûches, coupe des branches, fait flotter le bois, aide à
construire barrage et cabane, prépare ses provisions, nage et plonge...
Mais parfois, en plein jour, au lieu de dormir dans sa chambre, comme les autres,
il sort de chez lui, et court dans les potagers voisins pour ronger des choux !
Oui! Des choux! Il les aime pardessus tout !

11 décembre

302
Un saumon plus grand que les autres !

Il est vraiment très impressionnant, ce saumon qui vient de remonter dans sa


rivière natale. La nourriture qu'il a consommée au cours de ses voyages, lui a permis de
grandir et de prendre du poids; elle l'a rendu robuste et puissant. Toutes ces crevettes
exquises, tous ces petits crabes croustillants l'ont magnifiquement fortifié ! Mais l'eau de
mer a décoloré ses écailles: de bleues, elles sont devenues grises. Et sa mâchoire s'est
déformée: la voilà toute crochue, vous le voyez !

12 décembre

303
Un projet familial...

De jeunes saumons souples, minces et bleutés tournent lentement autour du


voyageur. Ils examinent avec curiosité ce poisson de leur famille, qui ne leur ressemble
guère. Ils le côtoient avec une certaine méfiance...
Ils se rendent compte qu'il est très différent d'eux. Il est énorme. Sa couleur est
délavée. Sa bouche a la forme d'un crochet. Mais ces particularités ne suffisent pas à
expliquer cette dissemblance. C'est plutôt son comportement, qui est bizarre.
Ce saumon est comme un étranger dans sa propre rivière... Il a sans doute vécu
trop longtemps ailleurs... Il a pris d'autres habitudes, d'autres manières ; il a développé
d'autres goûts. Par exemple, depuis qu'il a rejoint sa rivière, il ne mange plus rien,
absolument plus rien ! Alors, pourquoi est-il revenu? Pourquoi n'est-il pas resté dans son
océan, à naviguer entre les courants chauds et les algues phosphorescentes ?
Il est revenu... pour avoir une famille ! Pour donner naissance à de nouveaux
petits saumons, à l'endroit précis où lui-même est né, il y a plusieurs années. Voilà la
raison de son retour !

13 décembre

304
Le périlleux voyage de retour

Ce voyage de retour est, pour le saumon, une aventure extraordinairement


périlleuse, risquée, et harrassante !
Quittant l'océan, notre poisson pénètre dans l'estuaire du fleuve. Il y reste
quelques jours, pour se réhabituer à l'eau douce. Puis il commence la remontée de la
rivière. Il doit éviter les filets des pêcheurs, franchir des barrages redoutables, sauter, d'un
prodigieux coup de queue, des cascades vertigineuses, et, toujours, nager, nager, avec
persévérance, obstination, courage !

14 décembre

305
Flap! Flap! Flap!

Flap ! Flap ! Flap ! La queue du petit castor bat l'eau en mesure, tandis qu'il nage
le long de la berge.
Une queue ovale, de couleur brunâtre, en partie velue, en partie couverte
d'écaillés. Une queue merveilleusement utile, qui rend de nombreux services. D'abord,
elle sert de balancier, ou de contrepoids; c'est-à-dire que le castor, lorsqu'il exécute
certains travaux, peut prendre solidement appui sur elle, ou bien la relever très haut, pour
garder son équilibre.
Par exemple, quand il prépare son «radeau-garde-manger», le castor dresse, rabat,
redresse, rabat encore sa queue, pour se maintenir à la surface de l'eau... C'est
extrêmement pratique!
Ensuite, cette queue fonctionne comme un gouvernail. Lorsque notre castor nage,
rien de plus commode : un coup de queue à droite, un coup de queue à gauche, il vire,
tourne, zigzague, change de cap à volonté !
Enfin, cette queue est un signal d'alarme fort efficace. Dès qu'il se sent en danger,
flap ! flap ! flap ! le castor plonge sous l'eau en levant sa queue, puis la baisse
énergiquement ce qui déclenche à la fois un grand bruit et une grande éclaboussure !

15 décembre

306
L'entretien de la hutte

La hutte des castors est une maison très sûre, très confortable et très robuste.
Mais il faut l'entretenir, c'est-à-dire la surveiller, en vérifiant sa solidité, en
dépistant les fuites, en examinant chaque paroi ; et puis la réparer dès que cela est
nécessaire.
Aussi nos castors consacrent-ils beaucoup de temps à garder leur cabane en bon
état.
Surtout à cette saison, juste avant l'hiver.
Ils veulent consolider leur habitation, pour qu'elle résiste au froid persistant, au
mauvais temps, aux pluies violentes, aux tempêtes bouleversantes, à la neige qui pénètre,
à la glace qui coupe...
Alors ils apportent de nouvelles branches et les entassent, bien en ordre, sur le
dôme; puis ils prennent des paquets de vase, les transportent sous leur menton, les
appliquent sur les branchages avec leurs pattes de devant, les tassent, les pressent et les
compriment avec force et énergie.
Cette vase, en séchant, se solidifie comme du ciment, un ciment très très dur, qui
résistera aux intempéries, au froid, à l'hiver.

16 décembre

307
Premiers flocons...

Perchée tout en haut de son peuplier favori, la corneille croasse à tous les vents...
Un cri grinçant, discordant, qui écor-che les oreilles...
Elle croasse inlassablement :
— L'hiver approche ! L'hiver approche ! Prenez garde ! Prenez garde !
Elle a raison, cette corneille, car, depuis une heure, tourbillonnent, dans le ciel
gris, des milliers de flocons de neige, petits, serrés, pressés, les premiers, les premiers de
l'année !

17 décembre

308
La poursuite...

Une nouvelle fois, le renard a surpris le lièvre, qui sortait de son gîte, et il s'est
lancé aussitôt à sa poursuite !
Aujourd'hui, coûte que coûte, il veut attraper cet individu à longues oreilles, qui a
réussi à lui échapper, la dernière fois qu'il l'a rencontré...
Il se jette donc derrière lui, au creux d'un profond sillon de terre, durcie par le
froid, sur laquelle pointent les petites pousses vertes du blé d'hiver.
Le lièvre a rabattu ses oreilles sur son dos et bondit éperdument. Hop ! Ses
longues pattes fourrées se détendent comme des ressorts puissants.
Il galope à perdre haleine !
Il entend, derrière lui, le souffle du renard...
Comment lui échapper ?
Il saute de côté, change de sillon, repart en sens inverse, toujours plus vite,
toujours plus loin !
L'air glacé glisse sur son museau et gèle ses narines.
A ses trousses, le renard semble voler; sa queue touffue flotte dans l'air.
C'est un éclair fauve sur les traces du lièvre !
Les deux ennemis courent ainsi pendant plusieurs heures...
Parfois, le lièvre prend de l'avance,
mais le renard le rattrape ! Parfois le renard est sur le point de mettre la patte sur
le lièvre, mais, dans un sursaut désespéré, le lièvre réussit à lui échapper...
Alors le renard imagine une ruse : délaissant un instant la course, il appelle un
compère, qui se poste sur le passage du lièvre. Lui-même continue à poursuivre le
malheureux en aboyant, pour le chasser dans la direction de son complice !
Qui va gagner ? Qui va gagner ?

18 décembre

309
Repos

Le lièvre a changé de gîte. Il s'est réfugié sous un buisson de cornouiller, à l'orée


de la clairière. Il ne bouge pas de toute la journée. Il se repose. Il rêve. Il écoute...
Il se remet de la course folle de la veille. Il a bien failli être pris par le deuxième
renard ! Heureusement que ses oreilles magiques, à la dernière seconde, l'ont averti de la
présence du traître !
Il a pu, d'un écart, lui échapper, le distancer, brouiller sa piste et disparaître, dans
cette cachette nouvelle !

19 décembre

310
Deux gymnastes!

Les deux renards ont été fort dépités de ne pas pouvoir attraper leur lièvre !
L'avoir à portée de griffe, et le laisser échapper, quelle guigne, quelle malchance,
quelle calamité!
Ils ont crié de colère ! Ils ont grogné, jappé, glapi... Puis s'en sont retournés dans
la forêt...
Il fait froid. Le vent gémit dans les branches noires. Le ciel est d'un gris de plomb,
comme chargé de neige, ou de glace. Et, du reste, au hasard d'une bourrasque, il tombe
une sorte de grésil, minuscules épingles gelées
et coupantes et qui cinglent le museau. Nos deux renards grimpent sur une
hauteur, suivent une crête escarpée, agiles, légers, rapides, redescendent sans bruit une
pente assez raide, et pénètrent sous une haute futaie. Des troncs d'arbres abattus gisent de
tout leur long sur l'épais tapis de feuilles mortes. Avec une souplesse surprenante, et une
adresse admirable, les deux compères sautent sur les troncs étroits et jouent à se
poursuivre. On dirait deux gymnastes, qui s'exercent à la poutre...

20 décembre

311
Toupie croit rêver...

Dans sa confortable niche de bois, dont la vive couleur verte donne une note de
gaîté au jardin dénudé et pâli, le fox-terrier Toupie somnole paisiblement.
Il a fait un bon déjeuner, une soupe chaude, qui l'a réchauffé, rassasié, ré-
conforté...
Lorsqu'il ouvre un œil, une demi-heure plus tard, il croit rêver : tout est blanc
autour de lui...
Durant son petit somme, la neige s'est mise à tomber, discrète, silencieuse, mais
tenace...

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Une grande histoire: Provisions d'automne. 4 Fleurs d'automne
5 Double «bonsoir»...
SEPTEMBRE 6 Des rideaux de pluie
21 Un choc sur la tête ! 7 « Au secours ! Au secours ! »
22 Le cartable trop plein 8 Déménagements
23 Un vrai tableau ! 9 Le grillage réparé
24 Interrogatoire 10 Comme une partie de ballon
25 La forteresse de feuilles 11 Des « fleurs d'or »
26 Les canards perdent leurs plumes 12 Un pic-vert silencieux
27 D'étranges craquements... ! 13 Des trous insolites...
28 Mascarade... 14 Une dame de compagnie
29 Le brouillard amical 15 La cueillette des pommes
30 L'assemblée des huppes 16 Le sommeil des pommes
17 Un catalogue de desserts
OCTOBRE 18 La couette du hérisson
1 Les noisettes 19 Le soleil a changé de place !
2 Le panier-surprise 20 Qui s'y frotte s'y pique !
3 Une cure de raisin ! 21 Champignons à la douzaine
4 Les poires du clair de lune 22 Hérisson contre vipère !
5 Pommes, pommes, pommes ! 23 Des nuits douces...
6 Le départ des hirondelles 24 Les visiteurs de l'aube
7 L'immense voyage... 25 Le premier sommeil du hérisson
8 Les costumes neufs ! 26 Les citrouilles du potager
9 « Les remplaçants » 27 Les chasseurs !
10 En bateau ! 28 Le lièvre-musicien
11 La flèche géante 29 Ruse...
12 « Je suis un castor ! » 30 Aussi rapides que des lièvres !
13 Une hutte imprenable
14 Des travaux formidables ! DÉCEMBRE
15 A belles dents ! 1 Farine ou sucre ?
16 Les marmottes préparent leur lit ! 2 L'arrivée des saumons
17 Changement de décor... 3 A travers mes jumelles...
18 Les marmottes ferment leur porte ! 4 L'amateur de betteraves
19 « Bonne et longue nuit ! » 5 Le cerf pourchassé...
20 Les écureuils font leurs provisions ! 6 Le terrier du renard
21 Pluie d'or dans la forêt 7 Redoux...
22 Cache-cache sous les fougères ! 8 Comme avec une balle...
23 Décoration... 9 Le « radeau-garde-manger »
24 Flottille d'automne 10 L'amateur de choux !
25 Vent fou et cerf-volant ! 11 Un saumon plus grand que les autres !
26 Le cygne 12 Un projet familial...
27 La gazette de la poule d'eau 13 Le périlleux voyage de retour
28 Le grand rassemblement... 14 Flap!Flap!Flap!
29 Le blaireau et les noix 15 L'entretien de la hutte
30 Affolement! 16 Premiers flocons...
31 L'épouvantable épouvantail ! 17 La poursuite...
18 Repos
NOVEMBRE 19 Deux gymnastes !
1 Un restant de soleil... 20 Toupie croit rêver...
2 Une maison de bois
3 Une maison d'étoffe SURPRISES DE L'AUTOMNE

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Hiver

Monsieur et Madame des Jardins ont beaucoup de chance : des amis très
attentionnés leur ont prêté une maison à la campagne.
Je dois vous dire que Monsieur et Madame des Jardins, en dépit de leur nom très
champêtre, sont de vrais citadins, qu'ils habitent au milieu d'une ville et que leur seul
espace vert est un balcon étroit, où quatre petits pots de géranium tiennent à grand peine !
Leurs deux enfants sont enchantés à l'idée de découvrir un nouveau domaine !
Tous ont préparé avec un entrain contagieux leur premier départ aux champs !
La brave voiture de Monsieur des Jardins a emporté la famille au complet, des
dizaines de paquets aux formes les plus bizarres et les plus biscornues, ainsi que le
volumineux accordéon et la belle guitare blonde, dans son étui de bois ! (Monsieur des
Jardins est musicien à ses heures ; dans le silence de la campagne, et surtout en l'absence
de voisins, il pourra, en toute liberté, sans timidité, s'adonner à son art!)

323
L'installation dans cette charmante maison ancienne a été, naturellement, marquée
de surprises, bonnes et moins bonnes... Je passe sur les moins bonnes, à savoir les
araignées, qui refusent de quitter les lieux et tissent, jour après jour, de nouvelles toiles ;
les papillons de nuit, qui emplissent l'obscurité de chuchotements inquiétants ; l'escalier,
qui craque toute la nuit, dès que les lumières sont éteintes, comme si un fantôme
s'amusait à monter et à descendre les étages, en choisissant exprès les marches qui
grincent...
Les bonnes surprises, par contre, sont multiples et merveilleuses ! Le calme,
l'espace et la poésie de cette vaste demeure, si accueillante et si chaleureuse, avec ses
bons meubles de l'ancien temps, ses vastes lits propices aux rêves, sa cuisine immense,
qui encourage la gourmandise...
Et puis, il y a le jardin ! Et, au-delà du jardin, le parc ! Et, au-delà du parc,
la forêt ! Que de promenades en perspective !
— J'aimerais apprendre le nom de toutes les fleurs des champs ! s'exclame la
petite Pauline.

324
— Et moi, je veux construire une vraie cabane ! déclare le jeune Olivier.
— Ah ! Je planterai des rosiers ! imagine avec plaisir Madame des Jardins.
— Quant à moi, je jouerai de la guitare à la belle étoile ! se réjouit son mari.
Toutefois, il faut attendre un peu pour mettre ces projets à exécution. car c'est
encore l'hiver...
En dépit du froid, et de la neige parfois, la famille des Jardins s'efforce de venir
toutes les semaines, sinon toutes les quinzaines. Monsieur des Jardins entretient de
joyeux feux de bois dans la cheminée, Madame des Jardins coud des rideaux neufs, les
enfants montent à bicyclette, explorent le parc et le bois attenant...
Ce samedi, ils sont arrivés dans leur maison par un temps glacial, sous un blizzard
qui coupe le souffle. A la promenade, toute la famille a préféré un après-midi de lecture
et de musique devant le feu, qui fait mille pirouettes. Le soir, au moment de se coucher,
Madame des Jardins ouvre le tiroir de sa commode, pour prendre un lainage
supplémentaire.
Son regard est irrésistiblement attiré par quelque chose d'insolite dans un coin de
son tiroir : un petit tas de noix et de glands, plus une châtaigne à demi rongée !
« Comme c'est bizarre ! » se dit-elle, en prenant machinalement un chandail. A
peine a-t-elle déplié son tricot, qu'elle pousse un cri de surprise et d'horreur : un grand
trou s'ouvre au beau milieu de son chandail ; et qui plus est, le même trou se répète dans
le dos !
— Ai-je la berlue ! s'écrie-t-elle. Que signifie cette plaisanterie ? ! C'est grotesque
! Ridicule ! Absurde ! Qui m'a joué ce tour ?
Ses cris attirent le reste de la famille. Tous constatent le mystérieux méfait. C'est
la petite Pauline qui remarque, de sa voix tranquille :
— Tous les tricots de Maman sont troués : on dirait que l'on a creusé un petit
tunnel dans la pile ! Un coup d'œil dans le tiroir : Madame des Jardins doit se rendre à
l'évidence ! Cette fois, elle est franchement mécontente !
— Ce n'est pas possible ! répète-t-elle, éberluée et fâchée à la fois. Mais qui, qui
a pu bien faire cela ?! Je ne comprends pas...
La famille cherche, suppute, suppose, soupçonne, donne sa langue au chat...
Leurs amis, le lendemain matin, donnent l'explication de ce mystère :
— C'est certainement un petit loir qui est venu dormir dans votre tiroir. Il a
apporté ses provisions. Il s'est creusé un nid douillet. Tout était prêt pour un bon sommeil
sans histoires... Mais il a été dérangé par votre arrivée, hier soir...
— Un petit loir, qu'est-ce que c'est? demande Pauline.
— Une sorte d'écureuil, tout rond, bien fourré, avec une longue queue touffue.
— Un loir dans mon tiroir ! Quelle histoire ! Quelle histoire ! Quelle histoire !
murmure Madame des Jardins, perplexe. Il aurait quand même pu choisir de passer l'hiver
ailleurs !

325
21 décembre

Dans la forêt de sapins...

Les bûcherons sont entrés ce matin dans la forêt de sapins. Ils ont examiné un à
un les jeunes arbres ; et, ceux qui n'étaient ni trop grands ni trop touffus, ils les ont
marqués au tronc d'une croix blanche.
Puis ils sont allés chercher leurs scies et se sont mis à couper, l'un après l'autre, les
sapins choisis. Les grincements plaintifs de leurs machines ont retenti toute l'après-midi...
Le soir, les bûcherons ont chargé les sapins abattus sur un grand camion, et ils sont
repartis...

326
22 décembre
Sur les marchés des villes

Sur les marchés des villes, depuis quelques jours, sont apparus des sapins de
toutes les tailles et de toutes les formes.
Et les mamans et les enfants, et les douces grands-mères, et les papas très forts, et
les grands frères et les petites sœurs, tous tournent autour de ces arbres sympathiques,
venus des forêts lointaines, avec leur parfum de résine, leur couleur joyeuse, leurs
branches toujours garnies.
Chacun rêve, et songe et réfléchit... C'est tellement important de choisir son arbre
de Noël !
C'est lui qui sera le roi de la fête, qui attirera tous les regards !
Les enfants souhaitent avoir le plus grand...
— J'aimerais qu'il monte jusqu'au plafond ! crie une petite fille à boucles blondes.
Les mamans, elles, pensent que leurs appartements ne sont pas assez vastes pour
accueillir des géants !
Les grands-mères préfèrent les tout petits sapins, qu'elles posent sur une table,
comme un bibelot...
Les papas et les grands frères emportent sous leurs bras les modèles choisis,
momentanément liés, ficelés, empaquetés, comme d'immenses bouquets de fleurs...

327
23 décembre

On dérange les souris...

Frrrttt ! Frrrttt ! Frrrttt ! Elles ont fui, les trois petites souris, qui trottinaient au
milieu du grenier dans la douce poussière, parmi les boîtes et les cartons, au milieu des
chaises bancales, des portraits vieillots et des étoffes défraîchies.
Elles ont fui parce que la porte vient de s'ouvrir brusquement et que deux enfants
sont apparus sur le seuil !
— Tu vois, dit Charlotte à son frère : les décorations de Noël sont rangées dans ce
carton jaune ! Peux-tu le chercher, s'il te plaît ; moi, j'ai peur des souris...

328
24 décembre

Il manque du houx !

Dans le moulin de Tante Rose-Marie, les préparatifs de Noël sont déjà très
avancés. Emilie et Arnaud ont aidée de toute leur imagination et de toute leur fantaisie.
Et de toutes leurs acrobaties aussi ! Ils ont décoré le salon avec des branchages de
sapin, qu'ils ont fixés au-dessus des portes, des fenêtres, le long de la corniche du
plafond...
Emilie a trouvé dans le sac à ouvrage de sa grand-tante une collection de rubans
chatoyants et elle les a noués en beaux nœuds souples aux extrémités des branches de
sapin.
Le résultat est très, très gai! Le sapin, lui aussi, est prêt, au beau milieu de la
pièce, avec toutes ses guirlandes, toutes ses étoiles...
— C'est magnifique, mes enfants ! admire Tante Rose-Marie. Mais il manque
quelque chose, quelque chose de très important... Il manque du houx ! Mettez vos
manteaux: nous allons en chercher dans le bois. C'est le cadeau de la nature pour la fête
de Noël!
Le soir, de rutilants bouquets, aux feuilles luisantes, aux fruits rouge vif,
illuminent le salon du moulin !

329
25 décembre

Ce qu'a vu la coccinelle...

Une chaleur inhabituelle se répand dans le grand salon, monte doucement vers le
plafond...
Tout en haut des rideaux de cretonne fleurie, dissimulée entre deux plis, une
coccinelle, doucement, s'éveille de son sommeil hivernal. Cette tiédeur insolite la tire de
son engourdissement. Elle croit que c'est le printemps...
Elle fait trois pas sur l'étoffe et regarde autour d'elle. Un spectacle magique s'offre
à ses yeux. Une grande fête se déroule dans cette pièce d'ordinaire fermée jusqu'à
Pâques...
Un feu très gai crépite dans l'immense cheminée de pierre. Partout scintillent des
lumières, partout brillent des bougies.
Dans un coin se dresse un majestueux sapin, paré de boules étincelantes, de
rubans de satin, de fils d'or et d'argent...
Toute une famille en beaux habits bavarde joyeusement auprès de l'arbre
merveilleux.
Alors la coccinelle déplie ses ailes, prend son essor, s'envole et va se poser sur la
main d'une belle jeune fille souriante.
— Vous voyez, ma petite Rosé, dit une voix bienveillante, voici un porte-bonheur
pour vous !

330
26 décembre

Un cochon d'Inde

Pour Noël, Arthur a reçu... devinez, devinez !


Non, vous ne devinerez pas, il a reçu un cochon d'Inde !
A côté de son soulier, il y avait une grosse caisse en bois blanc. Arthur s'est
approché, intrigué, et a découvert, sur une litière de paille, le plus rond, le plus mignon, le
plus polisson des cochons d'Inde ! Il avait un pelage jaune, blanc et noir, des yeux malins,
un minois fripon. Il paraissait très vif et dégourdi. Arthur est resté muet de surprise
devant ce cadeau inattendu.

331
27 décembre

Deux canaris

Des gazouillis insolites fusent derrière la porte du salon.


En hiver, dans un moulin, ce n'est pas courant...
Qui chante ainsi d'une voix si menue, si jolie, d'une voix de flûte ou de
mandoline?
Ouvrons la porte : oh ! dans une grande cage rectangulaire volètent deux
ravissants canaris !
L'un est tout jaune, l'autre, d'un bel orangé brillant.
Tante Rose-Marie les a offerts, le jour de Noël, à sa petite nièce Emilie. Avoir un
oiseau, un oiseau à elle, c'était le rêve de la petite fille... Jamais elle n'aurait cru qu'il se
réaliserait aussi rapidement. Et puis, elle a deux oiseaux, un mâle et une femelle !
— Ils pourront chanter en duo ! a dit en souriant Tante Rose-Marie.
— Peut-être aussi auront-ils des petits?
Emilie a été complètement émerveillée. Depuis, elle ne cesse de regarder ses
chers petits oiseaux, ainsi que leur belle maison si pratique.
Elle a déjà trouvé des noms pour ses canaris : « Jonquille », pour Madame, et «
Crocus », pour Monsieur. Emilie espère que sa maman accueillera avec plaisir ces
nouveaux venus...

332
28 décembre
Un labrador

Un petit jappement aigu et joyeux réveille Anne.


Elle se retourne sur son oreiller, dans la petite chambre en bois du chalet de sa
grand-mère. La voix insiste : « Wouah ! Wouah ! » La fillette se réveille tout à fait et se
rappelle, d'un seul coup, que depuis le jour de Noël, elle a un charmant petit compagnon,
un jeune chien de deux mois, présent de sa grand-mère, un petit labrador tout noir, avec
de bons yeux affectueux et confiants, un pelage doux comme de la soie et un caractère en
or !

333
29 décembre

Une tortue

C'est une tortue que Matthieu a reçue, comme cadeau, le matin de Noël. Il avait
déjà un poisson rouge. Il a été absolument ravi d'agrandir ainsi sa ménagerie ! Il l'a
immédiatement appelée : « Perpétue ».
Pourquoi? Il n'en sait trop rien... Mais il tient à ce nom.
Il est fasciné par les dessins géométriques de la carapace. Il est attendri chaque
fois que Perpétue sort sa petite tête plate. Il admire sa rapidité :
— Je ne pourrais jamais courir aussi vite, avec une maison sur le dos !

334
30 décembre

Le hamster

La douce Claire est si contente, si contente... Figurez-vous que, depuis le 25


décembre, elle a un nouvel ami !
Oh ! Il est tout petit, tout petit, mais il occupe déjà une grande place dans son
cœur !
C'est un minuscule hamster !
Il a un joli pelage doré, les dents pointues et piquantes, des pattes de devant
terminées par de vraies petites mains à quatre doigts. Ce hamster, Claire l'a appelé : «
Bonbon » !
En même temps que cet animal miniature, elle a reçu une très jolie cage bleu pâle.
Parce que, même s'il a l'air d'un mignon petit personnage, il est capable de faire
des dégâts terribles dans une maison ! Et il vaut mieux ne pas le laisser se promener tout
seul... Avec ses petites quenottes aussi piquantes que des vrilles, il peut percer, grignoter,
déchirer, déchiqueter tout ce qu'il trouve sur son passage : pantoufles, livres, tapis,
rideaux, coussins...
Alors, méfiance ! Méfiance !
Bonbon habite donc une élégante et vaste cage, que nous visiterons, je vous le
promets, un autre jour...

335
31 décembre

Au pied d'un chêne...

Emmitouflés dans d'épais manteaux, munis de bonnets, d'écharpes et de moufles,


Pierre, Arthur et Charlotte sont partis dans les bois.
Quelle idée bizarre !
Se promener par ce froid?! Que vont-ils faire dans les bois ? Avec un panier, par-
dessus le marché ! Suivons-les, tout simplement !
Les trois enfants marchent le nez en l'air. Ils gardent les yeux fixés sur la cime des
arbres.
Tout à coup, ils s'arrêtent au pied d'un chêne ! Pierre commence à y grimper ! De
plus en plus bizarre !

336
1er janvier

Au gui, Tan neuf !

« Au gui, l'an neuf ! Au gui, l'an neuf ! Bonne année, Bonne année ! »
Les enfants dansent, sautent, chantent et s'embrassent sous l'énorme boule de gui,
suspendue dans l'entrée de la maison! Les parents sourient parce que la tradition est respectée.
L'on commence l'année nouvelle sous le signe des vœux et de la gaieté, de la famille et de
l'amitié...
Hier après-midi, Pierre a réussi à grimper aux branches du grand chêne, qui se dresse
majestueusement au milieu du bois. Là, il n'a eu que l'embarras du choix pour cueillir une boule
de gui. En effet, l'arbre magnifique est envahi par cette plante « parasite», qui a la réputation de
porter bonheur, mais qui affaiblit les arbres, sur lesquels elle se développe en se nourrissant de
leur sève.
Pierre a détaché une boule particulièrement volumineuse et l'a lancée à Charlotte. La
petite fille Ta rattrapée, comme un ballon, et l'a mise dans son panier, en prenant garde de ne pas
toucher les petits fruits blancs, car elle sait qu'ils contiennent un poison violent... Et les trois cou -
sins sont rentrés chez eux, avec leur chargement de porte-bonheur !

337
2 janvier

Fruits de fête !

Dans le jardin, tout dort... Le verger, lui, semble pratiquement mort. Groseilliers et
framboisiers ne sont plus que des arbrisseaux desséchés, des petits buissons, hérissés de baguettes
noircies et cassantes. Quant aux pauvres fraisiers, ils ont l'air complètement ratatinés, avec un
reste de feuilles flétries, à demi pourries... Et on a l'impression que plus jamais de leur vie les
arbres fruitiers ne porteront de fruits, ou même de verdure... Sur la table des fêtes, Maman a
disposé des confitures, souvenirs de l'été, et de jolies pommes, qu'elle est allée choisir dans la
resserre.
Elle a également empilé sur un compotier en verre turquoise, des fruits de fête, venus
d'ailleurs, de très loin, dans du coton, du papier de soie, comme des trésors très précieux, dans des
avions, des trains rapides, comme des personnages très importants et très pressés...
Il y a un ananas rutilant, couronné d'un panache de feuilles vertes, des oranges et des
mandarines dorées, des kiwis, à chair de jade, et une noix de coco toute chevelue, qui fait rire tout
le monde !

338
3 janvier

Des fleurs venues du ciel !

Maman a reçu un bouquet de rêve... Des fleurs venues du ciel, certainement...


Elles sont arrivées dans un joli panier fermé, capitonné de papier plissé, froissé, tuyauté.
(Je crois bien qu'elles avaient pris l'avion !)
Il y avait du mimosa, si gai, si jaune, tout duveteux ; des oeillets dentelés, blancs, liserés
d'orangé ; et des rosés couleur de mandarine, lisses, douces, parfumées, parfaites, belles comme le
jour !
Un vrai bouquet de rêve !

339
4 janvier
Le monde à l'envers !

Connaissez-vous l'histoire des hémisphères ?


Non ? Elle n'est pas compliquée du tout. Elle est même très simple et amusante.
Hémi : cela veut dire : moitié.
Sphère : cela signifie : boule ronde.
Un hémisphère, c'est la moitié d'une sphère, la moitié d'une boule ronde.
La terre, vous le savez, est une énorme boule. Elle est donc composée de deux
hémisphères :
l'hémisphère Nord
l'hémisphère Sud.
Par exemple, l'Italie, la France, l'Angleterre et les Etats-Unis se trouvent dans
l'hémisphère Nord. Par exemple aussi, le Brésil, l'Argentine, l'Australie, sont situés dans
l'hémisphère Sud.
La grande différence entre ces deux hémisphères, c'est que les saisons y sont inversées !
Quand c'est l'hiver dans l'hémisphère Nord, c'est l'été dans l'hémisphère Sud !
Tout est à l'envers !
Nous fêtons le Nouvel An au coin de notre feu. D'autres le fêtent en pique-niquant à
l'ombre d'un parasol !

340
5 janvier

Voilà la neige !

Toute l'après-midi, le ciel était d'un gris étrange, d'un gris plein d'histoires et d'arrière-
pensées, comme s'il préparait une surprise, une nouveauté, je ne sais quelle extravagance...
Et puis, tout à coup, à l'heure du goûter, il a livré son secret : il a laissé échapper quelques
flocons de neige...
Depuis, il déverse par milliers, par millions, les minuscules grains de poudre blanche, qui
tourbillonnent en silence...

341
6 janvier

Une fève pour la galette

Une fève, qu'est-ce que c'est? C'est la graine d'une plante, que l'on peut manger,
crue ou cuite, fraîche ou conservée, aujourd'hui, ou l'an prochain ... Mais une fève, qu'est-
ce que c'est encore ?
C'est une petite figurine, que l'on glisse dans la galette des Rois : celui qui la
trouvera aura droit à la couronne !
Autrefois, l'on mettait simplement une graine dans la pâte prête à cuire.
Maintenant, l'on cache un petit sujet ; poupée, trèfle, étoile, lune ...

342
7 janvier

Noir et blanc...

La neige a recouvert tout le jardin. Comme c'est beau, ce manteau épais, parfait,
d'un blanc éblouissant, qui s'étend sur la pelouse, l'allée, les massifs !
Comme c'est magique, ce liseré immaculé, qui suit chaque branche, chaque
rameau, chaque courbe des arbustes, chaque arabesque du chèvrefeuille !
Maman, hier, avait cuit plusieurs galettes. Il en reste aujourd'hui. Arthur et
Charlotte, pour leur goûter, en dégustent une bonne part ! Ils sont attablés dans la cuisine,
émerveillés par la blancheur du jardin, par cet éclat qui rayonne jusqu'à l'intérieur de la
maison.
— Oh ! Regarde ! s'écrie soudain Charlotte.
Sur la neige, un merle sautille frileusement, tout noir, contre le blanc scintillant de
la neige.
— Il s'aventure vraiment très près de la maison, observe Arthur.
— Il a peut-être faim, suggère Charlotte.
— Oui, tu as sans doute raison, dit son frère. Donnons-lui de la galette ! Aussitôt
les enfants émiettent une belle part de gâteau sur le seuil de la cuisine. Et l'oiseau vient
picorer avidement cette friandise inattendue...

343
8 janvier

Les mésanges s'enhardissent...

Chaque jour, les mésanges s'approchent un peu plus de la maison. Elles


s'enhardissent, viennent se poser sur l'appui de fenêtre, regardent à travers le carreau de la
cuisine.
Claire les contemple avec ravissement et inquiétude...
Ravissement, parce qu'elles les voit de très près et les trouve vraiment toutes
mignonnes !
Inquiétude, parce qu'elle craint qu'elles n'aient très froid, et peut-être aussi, très
faim...
— Il faut que je les aide ! décide la généreuse petite fille.

344
9 janvier

La queue de la pie !

Charlotte est enrhumée... Au lieu d'aller en classe, elle doit rester dans sa
chambre, se reposer, boire des tisanes, prendre son mal en patience...
Son chat Nougat lui tient compagnie. Il est de plus en plus gentil et affectueux, ce
brave minet...
Lui, il est tout à fait charmé de rester à l'intérieur de la maison, bien au chaud,
bien à l'abri, et surtout, de ne pas se mouiller les pattes !
Cette neige ne lui dit rien qui vaille !
Dès qu'elle se sent un peu mieux, Charlotte sort de son lit et va contempler la
blancheur magique. Elle demeure, pendant de longues minutes, le nez collé à la fenêtre...
C'est ainsi qu'elle aperçoit la pie, la grosse pie agitée, qui court dans le jardin. Sa longue
queue traîne sur la neige poudreuse et y laisse des traces légères, régulières, très
particulières, en forme d'éventail... C'est très joli, très précis, mais très indiscret aussi :
— Ah ! Madame la Pie, tout le monde saura que vous êtes passée par ici!

345
10 janvier

De l'aide pour les oiseaux du jardin !

Claire a consulté sa maman. Toutes deux ont bien réfléchi à la façon dont elles
pourraient aider les mésanges... Non seulement les mésanges, mais aussi les autres petits
oiseaux restés dans le jardin...
A la cave, Maman a retrouvé une petite maison en bois, qui a la forme d'un
minuscule chalet de montagne, avec un toit en pente et une petite ouverture ronde, pour
se faufiler à l'intérieur.
Chez le grainetier du village voisin, la maman et sa petite fille ont acheté des
branches de millet, du riz et un beau morceau de saindoux, fourré de grosses graines de
tournesol.
Munies de tous ces trésors, Claire et sa maman sont allées dans le jardin choisir la
meilleure place pour les installer.
Elles ont fixé la maisonnette sur une grosse branche de marronnier; le millet et le
saindoux, elles les ont accrochés plus bas, à une branche d'acacia; et le riz, elles l'ont
éparpillé sur la neige, mêlé à des miettes de pain sec.
Les mésanges et leurs amis se sont régalés. Ce fut un vrai plaisir de voir tous ces
petits oiseaux, qui passent l'hiver dans le jardin, picorer à qui mieux mieux ses provisions
si bien choisies !

346
11 janvier
Les écureuils ne dorment pas

Depuis que le bois a revêtu son épais manteau blanc, les écureuils somnolent dans leur
nid, tout en haut du sapin. Roulés en boule dans leur queue, ils essaient de se protéger du froid. Ils
se serrent les uns contre les autres. Ils écoutent le beau silence de la forêt. Mais ils ne s'endorment
pas complètement.
Ils ne se comportent pas du tout comme les marmottes.
Loin de là !
Et ils continuent d'avoir faim, les pauvres ! Bien sûr, puisqu'ils ne font presque plus
d'exercice, leur appétit diminue... Mais, tout de même, leur petit estomac les tiraille !
Alors, chaque matin, très tôt, ils descendent de leur nid, pour aller grignoter quelque
chose. Comme ils sortent de fort bonne heure, personne ne les voit. Et, pour cette raison, on a cru,
pendant longtemps, que les écureuils dormaient tout l'hiver, sans se réveiller !
Ce matin, donc, l'écureuil roux glisse le long du tronc à l'écorce gelée, sau tille sur la
neige, où il laisse des petites traces en étoile, et bondit silencieusement sous les taillis...
Il ne dérange personne...

347
12

La cachette retrouvée

II a été prévoyant, le petit écureuil. Et il a fait des provisions. Beaucoup de provisions ! Il


a consacré, à ce ravitaillement, une bonne partie de l'automne. Il a donc, à sa disposition,
plusieurs garde-manger bien garnis.
Oui, oui, c'est très joli ! Le seul problème, c'est qu'il a oublié où se trouvaient ces fameux
« garde-manger »...
Que voulez-vous, il est un peu étourdi, ce cher écureuil. Et il ne sait plus où il a caché ses
réserves...
Alors il cherche... A tâtons, à l'aveuglette, au petit bonheur la chance ! Sous les feuilles,
entre les racines, dans la terre...
Parfois il trouve, parfois il ne trouve rien!
Rien du tout, comme aujourd'hui !
Le cri perçant du geai interrompt soudain ses recherches.
— Ah ! Ne me dérange pas ! bougonne le petit écureuil. Ce n'est pas le moment...

348
Le cri moqueur continue. L'écureuil est curieux, il fait trois petits bonds pour apercevoir
l'oiseau. Ce faisant, il remarque une racine de châtaignier, creuse, et déniche deux noisettes, un
gland et trois champignons ! Tout un déjeuner !
— Merci, Monsieur le Geai !

13 janvier

Les petits amis du jardin

J'ai oublié de vous les présenter, mes petits amis du jardin, ceux qui sont restés
chez moi, malgré l'hiver, malgré la neige, ceux qui continuent à chantonner bravement,
malgré le froid et le ciel gris...
Certains, vous les avez déjà aperçus, d'autres, vous les découvrez peut-être
aujourd'hui, petits et grands, farouches ou familiers, bruns, rouges, jaunes, gris, les voici :
le moineau et le chardonneret, le pinson et le rouge-gorge, la grive et le roitelet et toutes
les mésanges !

349
14 janvier

Un froid de hérisson !

Le froid est devenu très vif. La neige a cessé de tomber. Le ciel s'est éclairci.
La nuit, les étoiles brillent comme des diamants et il gèle très dur. Des glaçons
translucides pendent au bord des toits, des plaques de glace craquent, ici et là, sous les
pas.
Le chien Toupie se recroqueville tout au fond de sa niche; on lui a donné une
double ration de paille bien sèche, pour qu'il ne souffre pas du froid dans sa maisonnette.
Ce froid très piquant a brusquement réveillé le hérisson, qui dormait d'un demi-
sommeil, sous son tas de bois au fond du jardin.
Il se déplie, s'étire, flaire le vent glacial et décide... de partir se promener !

350
Il fait pourtant une température à ne pas mettre le museau dehors !
Quelle folie d'aller trottiner sur la neige durcie !
Il a perdu la tête, ce pauvre hérisson...
Et bien, justement non !
Il a au contraire senti que pour ne pas geler, il avait besoin de prendre de
l'exercice !
Alors, en avant marche, une, deux, une, deux, il trotte courageusement !

15 janvier

Une écorce amère !

Avec ce froid et cette neige, le potager, évidemment, ne peut plus servir de


restaurant !
Finis les bons déjeuners de carottes assaisonnés de persil !
Terminés, les soupers de navets humectés de rosée...
Il n'y a plus aucun légume à se mettre sous la dent !
Et pourtant, le lièvre a faim !
Alors il se résigne à ronger l'écorce des arbres, saules ou noisetiers, parfois des
acacias ou des pommiers.
Mais cette écorce est amère, hélas !

351
16 janvier

Comme un patineur

A cause de ces maigres menus d'hiver, le lièvre se sent tout faible. \. passe de
longues heures à dormir, et à rêver, au creux de son gîte, un simple trou sous la neige...
Mais parfois, lorsque le soleil fait une timide apparition, il lui prend la fantaisie de se
promener dans son domaine et il part en courant, droit devant lui.
A midi, l'étang gelé étincelait entre les ajoncs. Le lièvre s'est élancé sur la glace
lisse et il a couru, à toute allure sans tomber, sans déraper, sans hésiter, comme un vrai
patineur...

352
17 janvier

Un bain forcé !

Ces jours-ci, le hérisson se promène hardiment le long des fossés, il trotte à droite,
il trotte à gauche, il monte les talus, il glisse dans les ornières, il roule, il se relève... Dans
la neige, on peut voir ses traces, qui zigzaguent ici et là. Notre hérisson lutte contre le
froid en faisant beaucoup d'exercice.
Ce soir, un bruit insolite le dérange dans sa promenade. Il change son parcours,
descend vers une mare gelée et s'aventure sur la glace... Hélas, à cet endroit, elle est
extrêmement mince.
Et, d'un seul coup, elle craque !

353
Plouf! Le malheureux hérisson coule dans l'eau glacée !
Quel plongeon !
Heureusement qu'il sait nager, le pauvre ! Aussitôt, agitant ses petites pattes, se
démenant, se contorsionnant de mille façons, il réussit à rejoindre le bord de la mare.
Mais il n'est pas encore tiré d'affaire ! Il faut se hisser sur la berge, maintenant ! Il n'a pas
de prise. Les herbes, lourdes de neige, glissent ou se déchirent. Et les morceaux de glace
brisés dérivent chaque fois qu'il veut s'appuyer sur eux.
Il réussit finalement à s'accrocher à une racine et à grimper sur la terre ferme... Il
était temps!

18 janvier

Prisonnier de l'hiver...

Quelques canards sont restés sur les rives du Marais Joli. Ils mènent une v -: un
peu ralentie, sans bruit et sans tapage.
Bien sûr, ils regrettent la joyeuse animation de l'été, et toutes les visites qu'ils ont
reçues, cet automne, lors des grands départs des oiseaux migra teurs vers le sud... Un
jeune colvert s€ montre particulièrement mélanco/ que. Il a hâte de partir en voyage, le:
aussi. Il n'était pas assez vigoureux, en octobre, pour suivre les autres. I s'en ira l'année
prochaine... En attendant, l'hiver lui semble interminable

354
19 janvier

Prisonnier de la glace...

Pour tromper son ennui, le jeune canard colvert s'en va nager, seul, de l'autre côté
de la barrière de roseaux.
L'étang est, en partie, pris par la glace. Il reste quelques passages libres, que les
canards entretiennent, en les utilisant souvent.
Il s'éloigne, l'imprudent. Il est fatigué de voir toujours le même paysage. Il essaie
de découvrir de nouveaux horizons...
Il nage, il nage, sans s'arrêter; il n'a jamais été aussi loin; ce vieux saule, là-bas, il
ne le connaît pas; et cette barque en bois, amarrée à un ponton, c'est la première fois qu'il

355
la remarque !
En fait, il n'a plus aucun repère; le voilà, comme il le souhaitait, complètement
dépaysé...
Mais déjà la nuit tombe; le froid devient plus mordant. Notre petit colvert se sent,
brusquement, très fatigué. Il met sa tête sous l'aile et s'endort, l'insouciant, en plein vent !
Quand il s'éveille, le lendemain, il ne peut plus bouger : une ceinture rigide s'est
formée autour de lui. Il est prisonnier de la glace !

20 janvier

Un bon coup de bâton !

Une chaumière se cache derrière un rideau de peupliers, à l'extrémité de l'étang.


Des volutes de fumée sortent en tourbillonnant de la cheminée et se perdent dans
le ciel pâle. C'est le seul signe de vie, dans ce paysage blanc et désolé. Un silence hostile
pèse sur les alentours...
Le jeune colvert, prisonnier de la glace, n'essaie même plus de remuer. Avec son
bec, avec ses pattes, il a tenté de briser le dur corset, mais ses efforts sont restés vains.
L'oiseau s'est épuisé pour rien. Alors, il a abandonné la bataille et se laisse, peu à
peu, engourdir par le froid...
Un bruit sec claque tout à coup dans l'air gelé: c'est la porte de la chaumière !

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Un homme et un enfant s'engagent sur le chemin qui longe l'étang.
— Oh ! Le pauvre canard ! hurle le petit garçon. Il est pris par la glace ! Sauvons-
le ! Sauvons-le!
Le grand-père saisit un gros bâton, donne quelques bons coups sur la glace, tire sa
barque, saute, s'approche du malheureux colvert, brise encore quelques morceaux de
glace, attrape le canard, revient au ponton et déclare : — Nous allons le réchauffer à la
maison !

21 janvier

Le hérisson dort pour de bon !

Après son bain forcé dans la mare gelée, et quelques escapades nocturnes par un
clair de lune glacial, le hérisson a décidé qu'il était temps. pour lui, de retrouver sa
maison du tas de bois et son matelas de feuilles Cette fois, il va dormir, dormir pour de
bon!
Plus de demi-mesure, de sommeil interrompu, de réveil en sursaut ! Le hérisson
va dormir sérieusement ! Il se roule en boule, hérisse ses piquants, se refroidit lentement
et s'endort, d'un sommeil de plomb, jusqu'au printemps !

357
22 janvier

Le nid du saumon

Là-haut, dans son torrent joyeux, le grand saumon se repose des fatigues de
l'immense voyage, qu'il vient d'effectuer.>.
Il reste longtemps, immobile, sur son lit de graviers blancs; l'eau vive et limpide
glisse autour de lui; mille bulles légères, aériennes, translucides, tourbillonnent au-dessus
de sa tête. Les rayons du soleil, filtrés par le courant, dansent entre deux eaux.
Le magnifique poisson reprend ses forces. Il a également changé de costume : le
voilà revêtu de son habit de mariage ! Le dos, gris très sombre, le ventre, pourpre, et de
jolies pastilles rosés sur les flancs, avec, parfois, des zig-zags rouges sur la tête. Une belle

358
tenue de fête ! Sa compagne a choisi un coin du torrent particulièrement sablonneux, et
elle y a creusé, avec sa queue, une coupe large, et peu profonde.
Là, dans cette douce cuvette, Madame Saumon pond ses œufs, Monsieur Saumon
s'approche, pour les fertiliser, puis, d'un rapide mouvement de queue, il les recouvre d'une
couche de sable protectrice. Une famille saumon se prépare...

23 janvier

Un troupeau de diables !

Ses ailes complètement déployées, l'aigle des montagnes plane majestueusement


au-dessus d'un vide immense. Il tournoie avec lenteur près des sommets. Tout en bas, et
comme appartenant à un autre monde, s'étale la vallée minuscule...
Soudain, au détour d'une crête jaillit un troupeau de bouquetins ! Sautant à pieds
joints de rochers en rochers, courant, se cabrant, secouant leurs cornes immenses, dres-
sant leurs têtes noires aux yeux jaunes, sifflant à pleins naseaux, ils ressemblent à un
troupeau de diables !

359
24 janvier

La caverne mystérieuse

Dans un recoin sauvage et solitaire de la montagne, quelques grosses pierres


indiquent l'entrée d'une caverne.
De vieilles souches crevassées, des troncs d'arbres abattus, une masse de
branchages emmêlés en rendent l'accès très difficile.
Les taillis, les mottes de terre, les tas de feuilles, les multiples brindilles se
laissent deviner sous l'épaisse couche de neige.
Cette caverne est-elle habitée ?
Qui peut bien habiter là ?

360
25 janvier

Les ours !

Si l'on pouvait jeter un coup d'œil à intérieur de cette mystérieuse caverne, voici
ce qu'on verrait : une belle et ronde maman ourse, qui somnole sur un épais matelas de
branchages, tapissés de mousse.
Elle est énorme, avec une tête imposante, un museau pointu, des oreilles
arrondies, une brillante fourrure brun doré.
A côté d'elle, dans un berceau d'herbes sèches et de bruyères, reposent deux tout
petits oursons nouveau-nés, un brun et un roux. Ils sont nés dans cette grotte, il y a à
peine quinze jours. Figurez-vous qu'ils ne sont pas plus gros que des rats ! Ce sont
vraiment des oursons-miniature !

361
Ils ne voient pas encore clair et sont couverts de petits poils bleuâtres. Ils ne
pèsent pas plus de trois cents grammes! Des oursons en peluche!
Leur maman veille sur eux attentivement; elle les réchauffe, et les nourrit de son
lait.
Elle ne les quitte que pour de brèves sorties, juste le temps d'aller boire.
Elle-même ne mange pas, parce que c'est l'hiver, et qu'elle ne trouve plus ni les
plantes, ni les racines, ni les champignons, ni les insectes, ni les fruits qui constituent ses
repas...
Elle se sent donc très fatiguée, et
elle attend avec hâte la fonte des neiges.
Parfois, lorsqu'elle a vraiment trop faim, elle descend une pente, en roulant la
neige devant elle, dans l'espoir de découvrir quelques faînes.
Elle est impatiente de montrer à ses deux oursons toutes les surprises de la forêt,
de leur faire goûter toutes les gourmandises qu'elle recèle...
— Ah ! Vivement le printemps ! se dit-elle en bâillant...

26 janvier

Sur le carrelage...

A l'intérieur de la chaumière, devant '.€ bon feu de bois, le petit canard colvert
s'est, peu à peu, réchauffé.
Il tend ses ailes, étire ses pattes hausse son cou. Encore tout abasourdi, il essaie de
marcher sur le carrelage, le carrelage rouge et blanc. ; étrange, si nouveau ! Oh ! C'est dur
Ça glisse ! Ça dérape! Ce n'est pas amusant du tout ! L'oiseau se sent complètement
maladroit... Il essaie ce voler, mais se cogne contre le mur... î commence à regretter
l'étang gelé.

362
27 janvier

Des joues comme des valises !

Le petit hamster de Claire est un personnage très maniaque, qui a une habitude
fort bizarre! Figurez-vous qu'il range tout ce qu'il trouve dans... ses joues ! Oui, je vous le
certifie ! Il les utilise comme des valises, ou des sacs à provisions, ou même des
armoires!
La première fois que Claire l'a vu agir de la sorte, elle a tout simplement cru qu'il
était fou ! Elle lui avait donné un gros morceau de carotte, pour qu'il le grignote à son
aise, en prenant son temps, en faisant durer le plaisir...

363
Au lieu de cela, le petit « Bonbon » (c'est son nom, vous vous rappelez) s'est jeté
sur la carotte, l'a saisie dans ses petites mains et l'a mise toute entière, oui, toute entière,
dans sa bouche !
Et, pour être certain qu'elle y entre complètement, il l'a poussée avec ses doigts !
Sa joue s'est distendue, déformée, démesurément agrandie... Claire a eu très peur
pour lui ! Elle a cru qu'il allait étouffer, s'étrangler, périr...
A sa grande surprise, elle l'a vu ensuite gambader vers le fond de sa cage, et
ressortir sa carotte sans aucun mal... « Bonbon » prend ses joues pour des valises !

28 janvier

Une symphonie !

Crocus et Jonquille, les canaris de la jeune Emilie, sont venus habiter la grande
ville.
Leur cage est installée sur une table, juste devant la fenêtre. L'étroit balcon citadin
est orné d'une élégante balustrade en fer forgé, sur laquelle, sans façon, des moineaux
effrontés viennent, chaque jour, se percher. Et ils crient, et ils piaillent et ils s'égosillent
en chœur ! Alors, derrière la vitre, les canaris leur répondent par des trilles et des roulades
étourdissantes ! C'est une vraie symphonie !

364
29 janvier

Des habitudes de tortue...

La tortue Perpétue, elle aussi, vit dans un appartement. Elle y a très vite pris ses
habitudes.
Le matin, fuyant l'aspirateur, elle se réfugie sous un radiateur.
A midi, elle court faire quelques glissades sur le carrelage de la cuisine ; et elle
croque, au passage, trois feuilles de salade.
A l'heure du goûter, le soleil dessine une tache ronde sur le parquet du salon : elle
y prend position.

365
Et le soir, elle joue à cache-cache entre les franges du tapis, avec son ami
Matthieu.

30 janvier

Au service de Potiron !

Arthur a beaucoup de travail. Non, ce n'est pas de la grammaire, ni du calcul.


C'est de la cuisine ! Oh ! De la cuisine très simple : il s'agit juste de préparer les repas de
son cochon d'Inde. Mais ce petit Potiron (Potiron, c'est son nom !) est un fameux gour-
mand!
Il lui faut de la salade bien lavée et des herbes très choisies ; des carottes et des
navets bien croquants ; des croûtons de pain tout secs ; des pommes de terre cuites ; des

366
quartiers de pomme fraîche ; des flocons d'avoine, dans une soucoupe ; et, bien sûr, un
bol d'eau claire pour se désaltérer.
Toute cette liste demande beaucoup de préparation ! Et Arthur n'a pas
d'expérience...
En plus de la cuisine, il a trois autres devoirs à remplir.
D'abord nettoyer la caisse de Potiron, et refaire soigneusement son lit de paille.
Ensuite, veiller à ce que ce petit personnage remuant ne se trouve jamais dans les
courants d'air, car il s'enrhume très facilement. Et pour finir, éviter que le chat de
Charlotte ne vienne lui rendre visite, car le prenant pour une grosse souris, il risquerait de
le griffer !
C'est beaucoup de travail !

31 janvier

Robinson le guetteur

Robinson attend sa petite maîtresse derrière le carreau de l'entrée. Malgré ses


petites pattes — il est encore tout jeune —, en s'y reprenant à plusieurs fois, il réussit à se
hisser sur la banquette, placée devant la fenêtre.
Là, il écarte le rideau avec son museau et plonge son regard dehors. Le jardin, le
chemin, la forêt de sapins, la montagne, en face, sont ensevelis sous la neige... Soudain

367
apparaît, au détour du sentier, la petite silhouette encapuchonnée ! Le labrador saute,
jappe, remue la queue ! Quelle fête, le retour d'Anne !

1er février

Le saumon repart en voyage

Après avoir accompli, avec Madame Saumon, toutes les cérémonies du mariage,
et une fois terminés les préparatifs nécessaires à la venue au monde d'une nouvelle
famille de jeunes poissons, Monsieur Saumon se sent extrêmement fatigué. Il est
tellement épuisé qu'il a de la peine à nager.

368
En fait, il aimerait s'échouer sur la rive, sans plus jamais remuer une seule de ses
nageoires !
Cependant, le goût des voyages lui donne un dernier sursaut d'énergie. Il se traîne
au milieu du torrent, là où l'eau est la plus profonde, et il se lais-
se porter par le courant, au fil de la rivière...
Ainsi, sans bouger, sans faire le moindre effort, il descend jusqu'à l'océan, poussé
par les remous et les mouvements de l'eau.
Durant ce parcours nonchalant, le saumon change à nouveau de costume : il
retrouve les écailles argentées de sa jeunesse.
Il ressemble beaucoup au poisson qu'il était lors de sa première descente vers la
mer...
Le voilà prêt pour une nouvelle aventure !

2 février

Le mangeur de miel

Maman ourse passe l'hiver dans une caverne bien aménagée, avec ses deux
oursons nouveau-nés.

369
Mais où se trouve Papa ours, pendant ce temps ? Et pourquoi n'habite-t-il pas avec
sa famille? Il n'habite pas avec sa famille parce qu'il aime être seul. C'est un solitaire.
Juste avant l'hiver, il se met à chercher un grotte, un refuge, un gîte. pour se retirer
durant la mauvaise saison.
Dès qu'il l'a trouvé, il entreprend un véritable travail de tapissier : i. apporte des
branchages, de la mousse, des herbes, pour le rendre confortable et chaud.
Il ne s'y installe pas immédiatement et continue à se promener dans ses domaines.
Mais, dès la première neige, il se terre dans sa cachette : il ne veut surtout pas que l'on
découvre ses traces !
Et il dort tout l'hiver...
L'on raconte que le 2 février, jour de la Chandeleur, il se réveille, et sort de sa
retraite pour «voir» le temps qu'il fait.
Hélas, l'hiver est encore là ! Il retourne donc se coucher...
Ce n'est pas encore demain qu'il pourra manger du miel !

3 février

Le lièvre invisible ...

370
Suivons ces petites traces régulières sur la neige poudreuse... Elles nous
conduisent dans un bois très accidenté, avec des rochers, des talus, des pentes abruptes,
des barrages de racines. Et elles nous mènent directement à leur propriétaire, un beau
lièvre, qui se repose, gîté contre une pierre. A moins de se trouver, nez à nez, avec lui, il
doit être très difficile à observer, car il est vêtu d'un manteau tout blanc, et il se confond,
à merveille, avec le paysage : avec son habit d'hiver, le lièvre variable est devenu le lièvre
invisible...

4 février

Un géant!

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C'est un véritable géant, cet élan des forêts nordiques, avec sa tête énorme, ses
bois très larges et richement ramifiés, ses pattes solides, son pelage touffu et hirsute ! Lui
aussi attend impatiemment la fin de l'hiver ! Pour plusieurs raisons.
D'abord, pour pouvoir, à nouveau, nager à sa guise ! Cet animal massif aime
beaucoup nager : il traverse de grands lacs, il n'hésite pas à rejoindre des îles, il se baigne
dans la mer. Il plonge aussi, à la perfection.
Mais l'hiver, la plupart de ces points d'eau sont pris par les glaces. Or l'éan déteste
les glaces : s'il glisse, il ne peut plus se relever ! Alors il se réfugie dans les hauteurs,
abandonnant les plaines et les confortables marécages...
L'élan attend aussi le printemps pour retrouver la nourriture qui lui convient, c'est-
à-dire des feuilles, des rameaux, des buissons, des lanières d'écorce, de saule et de
bouleau, en particulier, des herbes aquatiques, des bruyères. Pour l'instant, quand il a trop
faim, il doit se résigner à manger des aiguilles de pin... Et puis, il va bientôt perdre ses
bois, et ce n'est qu'au printemps qu'ils repousseront, immenses et majestueux !

5 février

Les rennes

372
Comme ils sont étonnants, les bois des rennes, d'abord ronds, puis aplatis, et
arqués en avant ! Madame Renne, elle aussi, a droit à cette imposante parure !
Hélas, en hiver, ces ornements tombent ; ils ne repousseront qu'au mois d'avril...
Comme elle est épaisse, la toison du renne ! Surtout celle qu'il porte en hiver: c'est
une robe gris clair, très touffue, faite de poils durs, longs et ondulés, qui permet de
supporter des températures de moins cinquante degrés !

6 février

Menu d'hiver...

373
Notre renne s'est donc vêtu d'un bon manteau remarquablement chaud. pour
affronter le froid glacial du grand Nord.
Mais que va-t-il manger ?
Ce n'est pas à cette saison, avec cette neige, qu'il trouvera les bons champignons,
dont il est si friand, n: les petites baies sauvages, juteuses et parfumées, qu'il dévore aux
beaux jours...
Non, il se contente de lichens mi-algues, mi-champignons, qu'il déniche, en
grattant la neige avec ses sabots tranchants.

7 février

Une couverture de neige...

374
Comment se protéger du froid, lorsque la température atteint cinquante degrés en-
dessous du zéro ?
C'est un problème pour notre ami l'élan.
Bien sûr, il a un vêtement d'hiver, c'est-à-dire un pelage plus serré et plus épais
que durant le reste de l'année. Mais cet habit n'est pas aussi isolant que celui de son
cousin, le renne.
Alors l'élan utilise souvent ,une couverture.
Une couverture ?
Oui, une couverture de neige !
Non, ce n'est pas une plaisanterie : écoutez plutôt !
Notre géant s'installe parmi des buissons, replie ses pattes, et se laisse, peu à peu,
recouvrir par la neige.
Sous cette légère couverture blanche, il conserve sa propre chaleur et peut se
reposer sans geler. Car il a besoin d'immobilité : il est tellement fatigué par la rigueur du
climat, affaibli par la rareté et la pauvreté de la nourriture, amaigri par son jeûne forcé !
Lorsqu'il a repris quelques forces, il secoue cette couverture de neige, et fait une courte
promenade, piétinant toujours les mêmes sentiers neigeux et tournant en rond dans une
sorte de «cour» imaginaire...

8 février

Les « coulées » du lièvre

375
Au moindre rayon de soleil, le lièvre quitte son gîte et part se promener, en
bondissant légèrement, sur la neige brillante.
Il a ses habitudes, il emprunte toujours les mêmes chemins pour traverser les
haies, les lisières des champs, si bien qu'à force de passer et de repasser aux mêmes
endroits, il creuse, dans la neige poudreuse, des sortes de tranchées, des « coulées », que
l'on reconnaît facilement, et qui sont ses avenues, ou ses boulevards...

9 février

Les cris bizarres du renard

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Voici venue l'époque où le renard cherche à se marier...
C'est l'époque où il est le plus bruyant. Est-ce pour se faire remarquer ? Est-ce pour que
les dames renard l'entendent? Est-ce parce qu'il est très agité? Je ne sais pas bien répondre à ces
questions.
Ce que je sais, c'est que durant les nuits du mois de février, dans les campagnes, l'on
entend des cris bizarres, les cris du renard \ C'est une sorte d'aboiement rapide et rauque, suivi
d'un glapissement aigu, et aigre...
Parfois ce sont des plaintes étranglées, des gémissements miaulants, ou des cris rappelant
ceux de la hulotte.
Ces clameurs un peu sinistres résonnent au loin dans la nuit d'hiver.
Et les chiens des fermes, alertés par ce tapage inhabituel, répondent de toute leur force, en
aboyant vigoureusement.
Quand le renard s'approche des habitations, les aboiements redoublent. Alors le renard
pousse de véritables cris de fureur et de rage, suivis de plaintes déchirantes. Oui, ce sont des cris
bizarres...

10 février

Les castors ont le sens du confort

377
Notre vieille connaissance, le castor, passe un hiver extrêmement confortable.
Comme il a été très prévoyant, il ne souffre pas du froid, ni de la faim.
La température, dans sa hutte, reste fort agréable, car la toiture est isolante. Et la neige,
qui la recouvre, sert de couverture supplémentaire. Il fait donc plus chaud en hiver qu'en été dans
la maison des castors, ce qui est tout à fait souhaitable l
Pour se nourrir, c'est très simple : ils n'ont qu'à se servir sur leur «radeau-garde-manger»,
et ronger, suivant leur caprice, une branche de saule ou de peuplier.
Ils ont également entassé des provisions sous l'eau, à l'entrée de leur cabane, et trouvent
ainsi des repas tout prêts et abondants.
Lorsque leur rivière gèle, les castors ne sortent plus. Soit ils se reposent dans leur hutte,
soit ils vont nager sous la glace, bien à l'abri du froid, et du gel.
Lorsqu'ils veulent reprendre leur souffle, ils rentrent dans leur maison, ou bien ils
montent respirer à des trous percés dans l'épaisseur de la glace...
C'est une organisation vraiment admirable \

11 février

378
De prudents montagnards

Les chamois sont de hardis grimpeurs : ils escaladent sans effort les rochers les plus
abrupts ! Ils sont aussi de prodigieux sauteurs : ils franchissent, d'un seul bond, les torrents
bouillonnants, ou les coulées de glace. Mais, avant tout, ils sont de prudents montagnards. Ils ne
s'aventurent jamais à l'aveuglette. Et ils pensent toujours au reste du troupeau. S'il faut gravir une
falaise escarpée, ils montent un à un, afin que les pierres, qui s'éboulent à leur passage, ne
blessent pas les suivants...

12 février

« Il faut aider les chamois »

379
L'hiver a été rude. Là-haut, près des sommets, le troupeau de chamois a beaucoup de
peine à se nourrir. Et la vieille grand-mère, très sage et très expérimentée, qui conduit le groupe,
ne sait plus très bien dans quelle direction grimper, pour découvrir, sous la neige, quelques
lichens à ronger, quelques plaques d'herbes à brouter...
Ces chamois forment une troupe assez nombreuse : il y a les mamans, les petits et les
jeunes de moins de trois ans. (Les papas vivent de leur côté, seuls ou à plusieurs, suivant leur
fantaisie).
Ce n'est pas tellement le froid, qui affaiblit nos chamois, mais la faim. Alors, comme il
est devenu presque impossible de trouver quelque chose à manger, la vieille grand-mère chamois
décide de descendre vers la vallée. Elle prend la tête du troupeau pour le conduire en bas, dans la
forêt, à la limite des habitations. C'est un enfant qui, le premier, a aperçu les gracieux animaux,
aux jolies cornes courbes.
— Ils ont faim : il faut les aider ! ont déclaré les villageois. Nous allons leur porter des
bottes de foin !

13 février

380
De vrais baromètres...

Dans une autre vallée, c'est une violente tempête de neige, qui a poussé les chamois à
quitter les sommets pour se réfugier dans une forêt en contrebas. Ils sont descendus deux jours
avant la tempête...
— Deux jours avant, pourquoi ?
— Parce qu'ils sont très sensibles, et qu'ils peuvent prévoir, à l'avance, le mauvais temps.
Comme de vrais baromètres! Ils cheminent avant la tourmente ; restent à l'abri des arbres tant que
les bourrasques font rage, puis remontent vers les hauteurs, dès que la tempête s'apaise...

14 février

381
Un cerf en hiver...

Le magnifique cerf à belle ramure passe l'hiver dans la forêt. Il n'a pas trop de
peine à se nourrir, car il a, très simplement, changé de régime. Il a adopté un régime
d'hiver, c'est-à-dire qu'il se contente d'écorces d'arbres, de boules de gui, de ronces, de
bruyères et des quelques petites plantes, qui poussent encore auprès des sources.
Il attendra le printemps pour savourer à nouveau les bourgeons juteux, l'herbe
tendre et les bons légumes croquants !
Par contre, durant cette période d'hiver, plus exactement au mois de février, il
arrive au cerf une curieuse mésaventure : imaginez qu'il perd ses bois ! Oui, tous ses
bois ! Cette somptueuse parure, un beau jour, tombe...
Mais il ne faut pas s'inquiéter, car ces bois repousseront dès le mois de mai : ils
repousseront avec une branche supplémentaire, et recouverts d'une peau très fine, le
«velours», qui partira en été. C'est à l'automne qu'ils seront les plus beaux.
Et savez-vous qu'en comptant leurs branches, on connaît l'âge du cerf? Autant de
branches, autant d'années... Et ces branches, je vous le dis en secret, s'appellent des
«andouillers ».

15 février

382
Portrait de famille

Et que deviennent, pendant cette froide saison, les douces biches et leurs petits
faons, nés au printemps ?
Ils restent groupés dans les sous-bois, à l'abri du vent et des grosses chutes de
neige.
Les biches ont revêtu un manteau d'hiver ; leur pelage, qui était de couleur fauve
et d'aspect soyeux, devient beaucoup plus épais et plus gris.
Les petits faons, eux, ont perdu, depuis le mois d'août, les petites taches blanches,
qui parsemaient leur dos. Et maintenant, apprenons quelques noms.
— Les jeunes mâles, qui ont juste un an, s'appellent : «hères »
— Les jeunes mâles, qui ont entre un an et trois ans, s'appellent : « daguets»,
parce qu'ils portent, sur la tête leurs premiers bois, deux petites pointes plus ou moins
longues, les «dagues», qui, elles, tomberont au mois de mai.
— Le troupeau de cerfs s'appelle : « harde ».
Voici donc la famille au complet, et, comme dans chaque famille, chacun porte un
nom. Répétons-les ensemble : le cerf, la biche, le faon, le hère et le daguet.
Bravo !

16 février

383
Un hiver doré...
Alors que nos cheminées, nos toits et nos balcons sont recouverts d'un léger
coussin de neige, où se trouvent, où se trouvent nos hirondelles ? Au soleil, au riant soleil
d'Afrique.' Certaines de nos voyageuses sont même descendues jusqu'à la pointe de ce
continent, au Cap de Bonne Espérance, à six mille kilomètres de chez nous ! Pendant que
nous grelottons, elles savourent la chaleur lumineuse, et aussi les multiples petits insectes
variés, qui volètent autour des plantes tropicales: elles passent un hiver doré !

17 février

384
Au bord d'un lac ensoleillé...

Au bord d'un lac ensoleillé, perchées sur leurs hautes pattes rouges, se promènent,
à pas lents, d'élégantes cigognes.
Vous les connaissez, ces grands oiseaux aux longs becs pointus, d'un rouge vif
très brillant, ces oiseaux aux immenses ailes blanches, terminées par des plumes noires,
ces oiseaux qui n'ont presque pas de voix, mais qui pourtant, se font entendre, en claquant
fort, fort, fort leurs becs solides, ces oiseaux, enfin, qui ont la jolie réputation d'apporter
le bonheur ! Vous savez qu'elles habitent en Europe, l'Allemagne, le Danemark, les Pays-
Bas et dans l'est de la France, la belle région d'Alsace.
Vous savez aussi que ces oiseaux construisent leurs nids en haut des cheminées...
Par ailleurs, vous avez souvent entendu dire :
« Les cigognes arrivent ! »
« Les cigognes partent ! »
Mais, où vont-elles? D'où viennent-elles? En avez-vous une idée? Et quels sont
ces mystérieux voyages? Nous allons, ensemble, le découvrir...
Dès le mois d'août, nos cigognes partent pour l'Afrique tropicale, là où le climat
sera bien chaud, au bord
d'un grand lac marécageux et peu profond, dans lequel elles pourront dénicher la
nourriture, qui leur convient : grenouilles, petits serpents, poissons, scarabées d'eau...
Pour arriver à ce lac, elles prennent toujours la même route, dans le ciel. Regardez sur
une carte : l'Espagne, le détroit de Gibraltar, l'Afrique du Nord, l'Afrique occidentale...
Comment le sait-on? En mettant des bagues aux jeunes cigognes, et en les suivant
tout au long de leur parcours. Ces grands oiseaux hivernent donc à cinq mille kilomètres
de leur nid...

18 février

385
Les cigognes repartent !

Au mois de février, les cigognes quittent leur grand lac ensoleillé et repartent vers
le nord, pour retrouver leur nid de l'année précédente, exactement le même nid !
Regardez-les s'envoler : leurs belles ailes blanches, une fois déployées, sont très
larges; elles ont plus de deux mètres d'envergure, c'est-à-dire, plus de deux mètres de la
pointe d'une aile à la pointe de l'autre. Alors, pour décoller, pour soulever cette masse de
plumes, nos cigognes doivent prendre de l'élan. C'est pourquoi elles sautillent avant de
s'élever dans l'air !

386
19 février

Un volcan fatigue...

Voler pendant autant de kilomètres, cela doit être très fatigant !


Eh bien, non ! Car les cigognes ont mis au point un système très ingénieux pour
voler. Elles utilisent les courants chauds.
Après avoir sautillé, hop ! hop ! hop ! elles décollent, et l'air chaud les enlève très
haut.
Alors nos voyageuses étendent leurs ailes, bien droites, bien droites, et se laissent,
tout simplement, porter par ce coussin d'air chaud. Il leur suffit de donner un petit coup
d'aile par-ci, par-là, pour garder leur direction.
Très haut dans le ciel, les cigognes naviguent comme des planeurs, tranquilles,
silencieuses et presque immobiles...
Elles survolent le lac, les marécages, de larges fleuves paisibles, la savane couleur
safran...
Quel voyage distrayant !
Mais, à l'approche du soir l'air fraîchit et il ne peut plus soutenir les cigognes.
Alors elles redescendent lentement à terre, pour passer la nuit sous des palmiers
en éventail, au bord de rivières sinueuses, aux clapotis doux comme des berceuses...

387
20 février

L’étape
Parfois les cigognes restent plusieurs jours au même endroit : elles font étape, une
étape agréable et reposante, dans une grande ville d'Afrique du Nord, Marrakech. Elles en
profitent pour visiter les environs.
Elles s'arrêtent au bord d'un fleuve, et demeurent immobiles, à guetter les petits
poissons. Puis elles se promènent en claquant leur bec, au milieu des palmiers, croquant
un lézard par-ci, une souris par-là, savourant quelques insectes aux couleurs chatoyantes.
Bref, elles profitent de chaque surprise de cette bonne étape !

388
21 février

Rencontre...

Deux cigognes, plus curieuses que les autres, se sont éloignées de la bande pour
s'aventurer, à leur guise, au milieu des champs.
Juchées sur leurs minces pattes vermillon, elles parcourent lentement les sillons, s'arrêtant
à chaque instant pour picorer, à coups de bec rapides, un insecte croquant ou un savoureux
escargot.
Derrière un arbre, un large eucalyptus, aux longues feuilles odorantes, elles rencontrent
un petit âne tout gris et un immense chameau bossu.
Nos cigognes s'arrêtent, rejettent leur tête en arrière et, tout en claquetant, examinent à
loisir les nouveaux venus.
Le petit âne tranquille, aux bons yeux humides et l'immense chameau, à l'épaisse
fourrure, couleur de sable clair, tirent ensemble un rudimentaire soc de charrue en bois, que
conduit un paysan, enveloppé dans son burnous, ce grand manteau de laine rayée, agrémenté
d'une capuche.
Alors, pour s'amuser, les deux cigognes décident de suivre ce trio disparate et cocasse. En
prime, elles saisissent d'un bec gourmand, les vers de terre qui jaillissent des mottes remuées !

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22 février

L'étape définitive

Quelques cigognes, parmi celles qui font étape à Marrakech, et qui doivent
retourner en Alsace avec leurs sœurs, ont brusquement résolu d'interrompre leur voyage
et de rester définitivement dans cette ville si accueillante.
Elles craignent de ne pas trouver, là-bas, là-haut, dans leur province lointaine,
toutes les exquises nourritures, qui abondent dans ces parages ensoleillés : sauterelles et
grillons, têtards et grenouilles, poissons variés, petits serpents et lézards à foison.
Et puis, ici, il y a tellement d'animation, de gaîté, d'entrain ! En effet, une joyeuse
colonie de cigognes niche sur place. Elles pondent, couvent, élèvent leurs petits
cigogneaux sous le riant soleil d'Afrique du Nord. Alors qu'en Alsace, il faut bien
l'avouer, c'est un peu triste, un peu monotone, d'être le seule couple de cigognes d'un vil-
lage...
Nos cigognes ont donc choisi de rester. Elles entreprennent immédiatement de
construire leurs nids. Pour l'emplacement, elles sélectionnent les créneaux les plus élevés
des remparts : elles aiment que leurs nids soient haut perchés, afin de pouvoir s'envoler
facilement...

390
23 février

En bonne compagnie.

Les cigognes ne sont pas les seules à apprécier la douce étape de l'Afrique du
Nord. D'autres voyageurs ont découvert cette excellente adresse et s'en servent
régulièrement : les hérons cendrés, les spatules blanches, au long bec plat, les petits ibis
falcinelle, dont le plumage étincelle de reflets bronze et pourpre.
Il y a également des oiseaux qui habitent en permanence cette belle contrée
lumineuse: les agiles petits hérons pique-boeuf, et les majestueux ibis sacrés, noirs et
blancs.

391
24 février

Des oiseaux roses !


Avez-vous déjà vu des oiseaux rosés ? Non, il ne s'agit pas d'un conte de fées !
Oui, je vous assure qu'ils existent et que vous pouvez les rencontrer ! Ecoutez
bien, je vais vous faire leur portrait, afin que vous puissiez les reconnaître, le moment
venu. Un long, long cou, souple et flexible, incliné gracieusement vers le bas, un bec à la
fois décoratif et pratique : décoratif, parce qu'il est bicolore, rouge et noir, et très joliment
recourbé ; pratique, parce qu'il est muni, à l'intérieur, d'une petite passoire, qui permet à
l'oiseau de filtrer sa nourriture. De hautes pattes, fines, d'une ravissante couleur rose vif.
Un plumage délicat, rosé pâle, et des ailes immenses, aux reflets de feu... Dans
l'Antiquité, cet oiseau merveilleux portait un nom qui signifiait : « aile rouge ».
Lorsqu'il vole, le flamant rosé étend son cou et ses pattes et donne des battements
d'ailes très rapides. Les flamants se déplacent en bandes immenses et c'est alors un

392
spectacle fascinant et inoubliable, car ils emplissent le ciel de leurs couleurs raffinées,
légères et frémissantes...
Ah ! Je souhaite que vous ayez la chance de rencontrer un jour ces oiseaux
féeriques !

25 février

A l'abri des roseaux...

C'est à l'abri des roseaux, au bord des marécages et des étangs peu profonds, que
vivent les flamants rosés ; le vert tendre et bleuté de l'eau, des plantes et des herbes fait
ressortir à merveille le rosé délicat de leurs plumes. Ils déambulent avec grâce dans leur
domaine, renversant leur tête en avant et traînant leur bec dans la vase tiède, pour récolter
larves, petits mollusques et crustacés.
En ce mois de février, certains flamants se trouvent en Afrique, d'autres sont
restés en Camargue où ils passent toute l'année.

393
26 février

Les « nordistes »

Et le jeune colvert, qui avait été recueilli par un paysan et son petit-fils, qu'est-il
devenu ?
Ses deux sauveteurs l'ont gardé quelques jours dans leur chaumière et puis l'ont
reconduit sur les rives du Marais-Joli, mieux protégées que celles du vaste étang. Quel
plaisir de se trouver à nouveau libre ! Le petit rescapé a nagé en tous sens, comme un fou,
parmi les autres canards, ceux qui sont descendus du grand Nord pour hiverner dans un
climat moins rude, des « nordistes » comme le canard pilet ou le fuligule morillon.

394
27 février

Inséparables !

La charmante rivière, au bord de laquelle habite Martin-Pêcheur, est couverte


d'une écharpe de glace toute brillante : elle est devenue une rivière immobile !
Et les berges paraissent endormies sous leur couverture de neige. Plus aucune
herbe qui remue, plus aucune plante qui palpite, plus aucun rameau qui se balance : tout
est figé, cristallisé par le gel...
Seul mouvement au milieu de cette torpeur blanche, le vol rapide du mar-tin-
pêcheur! Malgré le froid, malgré l'hiver, il est resté, avec sa compagne, au cœur de son
domaine enchanté...

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On les aperçoit parfois, comme deux éclairs bleus, qui passent au ras de la
glace, ou qui se perchent ensemble sur une branche d'aulne, ou qui se postent, l'un à côté
de l'autre, sur un rocher encapuchonné de neige, ou qui s'agrippent, au même instant, à la
pente de la berge. Monsieur et Madame Martin-Pêcheur ne se quittent jamais. Ils ne
peuvent pas vivre séparés...
Maintenant que leur rivière est gelée, ils se campent, côte à côte, sur ce miroir
glissant et, toc ! toc ! toc ! à coups de bec répétés, tentent de briser la glace. Comme leurs
becs sont très robustes, ils y parviennent assez aisément et peuvent ainsi pêcher le
poisson de leur déjeuner ! Car, sous sa carapace étincelante, la rivière continue à couler
vivement! Après leur repas, nos oiseaux reprennent leurs promenades parallèles...
C'est ainsi qu'ils passent la mauvaise saison, attendant, d'un même espoir, le
retour du printemps...
Les Martins-Pêcheurs s'aiment tellement que si l'un tombe malade, l'autre
essaie, par tous les moyens, de le soigner. Si ses efforts restent vains, et que son
compagnon meurt, alors, il va se cacher dans Un coin solitaire, ne mange plus, ne vole
plus, pleure à petits cris tristes, jusqu'à ce qu'il meure à son tour...

28 février

Par ma fenêtre...

Par ma fenêtre, la fenêtre de ma chambre, j'ai aperçu, en regardant en biais dans


l'appartement du rez-de-chaussée, (ce n'est pas très discret, je le sais, mais je n'ai pas pu
m'en empêcher...) j'ai aperçu, derrière la vitre, dans une très haute et très vaste cage, j'ai
aperçu, imaginez ma surprise, et mon étonnement, j'ai aperçu, perché sur une grosse
branche de bambou, j'ai aperçu, oui, j'ai aperçu dans mon immeuble, au milieu de la ville,
en plein hiver, j'ai aperçu, cette fois, je vous le dis, j'ai aperçu un perroquet ! Un
PERROQUET ! Le plus joli perroquet, que vous puissiez imaginer, vêtu de plumes gris

396
perle, avec une éblouissante queue rouge vif et un bec bien crochu, très noir et très
luisant!
J'ai ouvert mon livre des oiseaux, et j'ai vu qu'il s'agissait d'un Perroquet
d'Afrique, que l'on appelle Jaco, et qui vit dans la forêt équatoriale. (Le pauvre, il ne doit
pas avoir chaud chez nous !) J'étais si émerveillée, que je l'ai regardé pendant une heure,
au lieu d'apprendre ma leçon de grammaire !

29 février

Le chêne musical

Dans le petit bois, qui longe le jardin de Claire, s'élève un chêne très spécial.
Bien sûr, comme tous les autres chênes, il a un tronc solide, strié de minces
sillons, des branches puissantes, agrémentées de multiples rameaux et des petites feuilles
délicatement festonnées. Mais voilà, à la différence de tous les autres chênes, celui-ci est
un chêne musical !
Je vous l'assure : écoutez-le ! Il chante, il gazouille, il babille, il hulule, il jacasse,
jour et nuit, et tout au long de l'année !

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Naturellement, vous avez compris pourquoi s'envole de ses feuillages ce concert
perpétuel : parce que ce chêne est habité, à chaque étage, par des chanteurs amateurs !
Ici, les mésanges charbonnières, au babil pointu ; là, bien caché, le geai au cri
perçant ; plus haut, un couple de tourterelles, au doux ramage ; à la cime, une pie
bruyante ; au creux d'une branche, le pic épeiche, qui tient la batterie ; et dans un trou du
tronc, le hibou à la belle voix grave, qui module : « Hou houhou ! » dans le noir du soir...

1er mars

Devinette piquante

Devinez qui est le pire adversaire de l'élan ! Devinez ce que redoute, pardessus
tout, ce bon géant aux bois puissants.
Devinez ce qui lui fait peur, lorsqu'il se promène dans les forêts d'aulnes et de
bouleaux, ou qu'il se baigne dans les marais tièdes...
Vous ne le savez pas? Eh bien je vais vous le dire : ce sont les moustiques ! Les
minuscules moustiques ! Qui le piquent, dix fois, cent fois, mille fois ! Et le rendent
complètement fou d'impatience et de douleur, le pauvre élan !

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2 mars

Devinette alarmante

Devinez, si vous le pouvez, le nom du principal ennemi du hérisson...


— Le putois, ce cousin de la belette, aux dents bien pointues?
— Non, ce n'est pas le putois.
— La hulotte, cet oiseau de nuit très vorace, qui hulule: «kouitt! kouitt ! kouitt ! »
— Non, ce n'est pas la hulotte.
— Le hibou grand-duc, ce dévoreur de hérissons, qui crie : houhou-hou, toute la
nuit ?

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— Non, ce n'est pas le hibou grand-duc.
— Les amateurs de hérisson, peut-
être ? Qui l'attrapent pour le manger, et le font cuire dans la terre glaise, où ses
piquants restent pris ?
— Non, ce ne sont pas les amateurs de hérisson.
— Alors, je donne ma langue au chat !
— Ce sont les automobiles !
Nos petits amis aiment se promener sur les routes, car le macadam tiède paraît
très doux sous leurs pattes ; ils s'attardent, ils traînent, ravis de piétiner ce tapis insolite...
Quand survient une voiture, ils se mettent en boule, comme devant tout danger. Mais ce
réflexe, cette fois, leur est néfaste ! Ils feraient mieux de se sauver...

3 mars

Devinette astucieuse

Devinez, comment le renard pêche les grenouilles? Ce n'est pas compliqué, mais
il fallait y penser!
Notre compère s'assied tranquillement au bord de la mare, ou de la rivière choisie,
et laisse pendre, mine de rien, dans l'eau claire, son épaisse queue rousse.
Les grenouilles, ces étourdies, ces frivoles, ces têtes en l'air, attirées par la belle
couleur rougeoyante, s'accrochent à sa fourrure... Le renard, alors, remonte prestement sa
queue et croque ces imprudentes victimes de sa ruse !

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4 mars

Devinette phénoménale

Devinez quelle distance peut parcourir, en volant, notre amie la petite coccinelle ?
— La distance d'une fleur à une autre : du bleuet à l'iris, dans la plate-bande,
devant la maison?
— Non. Beaucoup plus !
— Alors, la distance de l'iris au massif de lilas, qui s'épanouit au milieu de la
pelouse ?

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— Non. Beaucoup plus !
— Alors, la distance du massif de lilas au chèvrefeuille, qui orne le portail?
— Non. Beaucoup plus !
— Alors, la distance du chèvrefeuille au grand tilleul du fond du jardin ?
— Non. Beaucoup plus !
— Alors, du tilleul jusqu'à la forêt, de l'autre côté du champ de blé ?
— Non. Beaucoup plus !
— Alors, j'abandonne: je ne sais plus quoi imaginer !
— La petite coccinelle peut traverser la Manche en volant ! Venir d'Angleterre en
France ! Une bonne cinquantaine de kilomètres !
Elle ne traverse pas seule, bien entendu, mais avec ses sœurs, amies ou cousines...
— Quel prodige ! Pour un insecte aussi minuscule, c'est un voyage phénoménal !

5 mars

Devinette terrifiante

Devinez ce qui épouvante le plus le flamant rosé, ce gracieux oiseau si mince et si


décoratif?
— L'orage? La tempête? Les pluies torrentielles? Le noir de la nuit ? La neige ?
Le gel ? La canicule ? Les scorpions ? Les taureaux ? Les papillons ? Les chauves-souris?
Les araignées? Les voyages? Les nouvelles figures ? Les souris ? Que sais-je ?

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— Rien de tout ceci, rien de tout cela! Ce qui épouvante le flamant rosé, ce sont
les avions !
— Les avions?! Il a donc peur d'être écrasé?
— Nullement. Il est terrifié par le bruit que font les moteurs... Dès qu'il entend
leur grondement, il se sauve n'importe où, pris d'une folle panique... Madame Flamant
rosé aussi! Bouleversée par leur vrombissement, elle n'hésite pas à abandonner son œuf
ou son petit ! Elle quitte précipitamment le nid, ce monticule circulaire, qu'elle a construit
avec de la boue, qui s'élève au-dessus de l'eau et au sommet duquel elle a creusé une sorte
d'assiette, pour y pondre son bel œuf blanc.
Il s'ensuit, vous l'imaginez facilement, une grande confusion, et beaucoup de
malheurs...

6 mars

Dialogue de mulots

— Où passer l'hiver, mon cher frère? a demandé, il y a trois mois déjà, le mulot à
longue queue au mulot à queue courte (courte, parce qu'elle a été raccourcie par un bon
coup de dent de Maître Renard!).

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— Moi, je reste dans mon terrier ! a répondu le mulot à queue courte. Mon
appartement me convient tout à fait. Le blaireau, qui habite au sous-sol, ne me dérange
pas du tout. D'ailleurs, il dort beaucoup en hiver. Il ne sort que de temps en temps, pour
aller boire de l'eau. Quant à moi, j'ai de bonnes réserves de glands : rien ne me forcera à
me hasarder dehors !
— Pour ma part, a déclaré le mulot à longue queue, je préfère retourner, comme
l'an passé, dans la maison du garde-forestier. Il y fera bien chaud. Et je connais son
garde-manger, toujours garni de toutes sortes de bonnes petites choses à grignoter... Le
chien paraît grognon et renfrogné mais, au fond, c'est un pacifique, qui ne prendra pas la
peine de courir après moi ! Et il n'y a pas de chat!
Après ce dialogue, les deux mulots se sont donc séparés pour hiverner, chacun de
leur côté...
Et aujourd'hui ? Ils se portent très bien, tous deux, merci !

7 mars

Dans le grenier...

Je suis très inquiète, soudain : je me demande où la minuscule souris des


moissons et sa minuscule famille ont bien pu passer l'hiver... Je les ai un peu oubliés, ces
acrobates-miniature : alertes souricettes, légères comme des plumes, ratons polissons, à

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peine plus longs que mon pouce... Que sont-ils devenus, quand leur champ a été fauché?
Où se sont-ils réfugiés?
J'espère qu'ils vont bien, qu'ils ne sont pas enrhumés, qu'ils n'ont pas trop faim...
C'est l'araignée du grenier, qui m'a renseignée, et rassurée :
— Ne vous faites aucun souci, m'a-t-elle dit, cessant pour une seconde de tisser sa
toile, les souris des moissons habitent ici depuis la fin de l'automne. Elles sont arrivées, à
la queue leu leu, ces trotte-menu, par une nuit de pluie, avec leurs petites moustaches
humides. Elles se sont arrangé un charmant logis, derrière une clayette d'oignons : elles
ont déniché, je ne sais comment, des bouts de papier et des morceaux de chiffon, qui leur
font de très doux oreillers. Et pour leurs estomacs, c'est l'embarras du choix : elles n'ont
qu'à piocher dans les gros sacs de grains du fermier !

8 mars

Et dans le poulailler...
Madame Poule rousse m'a déclaré: — Si vous cherchez des souris des moissons,
il y a plusieurs familles, qui ont emménagé chez nous, dans le poulailler! Dès les
premiers froids, elles se sont faufilées, ni vu, ni connu, sous nos bottes de paille. Depuis,
elles partagent nos repas, elles dansent, elles courent, elles attendent, comme nous, de

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pouvoir prendre l'air à nouveau... Parfois, elles nous taquinent, alors nous montrons notre
bec et nous caquetons :
— Attention : nous sommes ici chez nous, après tout !

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Des magasins d'hiver...

Le campagnol, ce robuste campagnard, s'est parfaitement préparé pour la


mauvaise saison. Aucune crainte à avoir, il ne sera pas pris au dépourvu...
Il a rempli, à ras bords, ses magasins d'hiver : oui, des magasins ! Vous vous
souvenez qu'il habite un terrier au milieu des champs, avec plusieurs entrées, plusieurs
galeries, et plusieurs chambres. Eh bien, certaines de ces galeries conduisent à des pièces

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spéciales, appelées: «magasins», où il range ses récoltes. Dès l'automne, ce gros rat
prévoyant y a en-
tassé des racines de plantes sauvages, des bulbes (oignons), des tubercules
(racines rondes comme des pommes de terre) et des rhizomes (tiges souterraines).
Ces provisions s'ajoutent à celles faites pendant l'été : plantes et grains, ainsi que
les épis, glanés après la moisson.
Notre campagnol, par ailleurs, a apporté, dans sa chambre de repos, des herbes,
qu'il a finement, finement coupées, pour en tapisser son nid. Car, dès janvier, en
compagnie de Madame Campagnol, il projette d'agrandir sa famille déjà nombreuse : en
l'espace de quelques mois, naîtront une trentaine de nouveaux bébés !

10 mars

Travail, travail...

Il ne faut surtout pas croire que l'hiver empêche la taupe de travailler! Rien ne
l'arrête, cette infatigable fabricante de taupinières !
Au matin, Matthieu voit, sur la neige, des petites montagnes de terre brune,
fraîchement remuée... Et puis, en ce début du mois de mars, la taupe achève de

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confectionner son nid, une chambre ronde, garnie d'herbes sèches et de feuilles, et
desservie par deux galeries. C'est là que viendront au monde les futurs fabricants de tau-
pinière !

11 mars

L'herbe s'éveille !

Dans le jardin de Claire, la neige a disparu depuis plusieurs semaines, à la grande


tristesse de la petite fille, qui appréciait énormément cette délicate couverture blanche,
posée sur le gazon et la prairie.

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L'herbe, après ce long sommeil, avait l'air endormi : la pauvre était affaissée,
pâlie, molle et décolorée... Mais voilà qu'elle s'éveille : de jeunes pousses, d'un vert
énergique, pointent, ici et là, et des pâquerettes haussent effrontément leurs corolles
printanières !

12 mars

La « Reine-Fourmi »

Après le gel hivernal, qui durcissait la terre comme de la pierre, après cette longue
immobilité forcée, le gazon, peu à peu, s'anime. L'herbe verdit, se dégourdit, s'enhardit.

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Des insectes affairés, occupés, pressés, se faufilent à nouveau entre les brins
menus, courant de toutes leurs petites pattes à tous leurs multiples petits rendez-vous ! Et,
parmi eux, la fourmi noire, qui galope peut-être même plus vite que tout le monde, qui se
hâte, qui se dépêche, qui fonce droit devant elle, sans un coup d'ceil pour les tiges neuves,
emperlées de rosée i Elle a sans doute mille choses à faire, cette travailleuse ! Il ne faut
pas la déranger, ni la retarder, ni encore moins mettre un obstacle à sa course !
Un fétu de paille, placé en travers de son itinéraire, l'agace prodigieusement :
aussitôt, elle agite ses antennes, le contourne, ou l'escalade, au choix, et puis reprend sa
course folle...
Au fait, voulez-vous que je vous dise deux ou trois secrets que je sais sur elle ? Et
sur ses sœurs ?
Je sais qu'il y a des «reines-fourmis » : elles sont très grosses et elles ont des ailes.
Ces reines se marient un jour, avec un monsieur-fourmi, qui, lui aussi, porte une
paire d'ailes. Pour leur mariage, ils s'envolent, tous deux, très haut, dans le ciel, en
compagnie de milliers d'autres couples ! Après le mariage, les « reines » arrachent leurs
ailes et partent sous la terre, pour fonder une colonie !
Quant aux messieurs-fourmis, je sais qu'ils meurent après leur vol nuptial : leur
vie est vite finie ! La reine, elle, vivra une vingtaine d'années. Elle commence par pondre
des œufs, qui donneront naissance aux premières ouvrières de sa colonie.

13 mars

Une minutieuse programmation !

Puisqu'elle était seule, la « reine-fourmi» s'est occupée elle-même des œufs, puis
des larves et des cocons, aidant les nouvelles fourmis à naître. Mais ensuite, au fur et à

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mesure que le nombre des ouvrières augmentait, cette grande «reine», s'est fait servir,
choyer, nourrir, entourer... Elle a une cour attentive et dévouée...
Les ouvrières, elles, travaillent sans arrêt : il y a les gardiennes, les nettoyeuses,
les nourrices, les récolteuses, toutes merveilleusement organisées ! Toutes
minutieusement programmées...

14 mars

Le sel magique

Les courants, les remous et le fil de l'eau ont poussé, sans heurt et sans dommage,
le grand saumon exténué jusqu'à l'embouchure de sa rivière natale.

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Là, dans le large estuaire, le poisson argenté a retrouvé la saveur incomparable de
la mer, son sel magique !
Il redécouvre ses nourritures préférées : les crabes et les crevettes. Son appétit
revient peu à peu. Il reprend des forces. Il recouvre sa vigueur, son énergie, sa curiosité.
Le voilà tenté à nouveau par l'aventure, impatient de s'élancer au fond de l'immense
océan !
Il va parcourir, une nouvelle fois, ces étranges avenues sous-marines, où nul ne
peut le suivre, ces longs itinéraires inconnus, parmi les tourbillons et les ressacs, les
vagues et les lames, au-dessus des gouffres sombres, au cœur des forêts d'algues...
Il restera sans doute, dans ces profondeurs ultramarines, pour le reste de ses
jours...
Ou peut-être reviendra-t-il à sa rivière natale? Qui sait? Qui sait? Certains
saumons accomplissent cet étonnant voyage de retour trois fois au cours de leur vie...

15 mars

Quand surgissent les bourgeons...

Quand surgissent les bourgeons, les premiers bourgeons, tout frais, frêles et
fragiles, minuscules granulations vert pâle, vert tendre, sur les rameaux secs et

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apparemment morts des buissons, l'on sent que la vie renaît, que la nature s'éveille, que le
printemps approche...
L'alouette, la première, clame cette bonne nouvelle !
Et l'escargot, qui est resté calfeutré tout l'hiver au fin fond de sa coquille, a décidé
de faire sa première sortie sur les berges de la rivière...

16 mars

Réveille-matin

Ce n'est pas le « bip-bip-bip » futuriste de ma pendule, qui m'a éveillé ce matin, ni


le petit cri bref, furtif, répété, auquel le merle du marronnier d'en face m'a habitué, mais

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une vraie mélodie, très gaie et très bien chantée, qui s'allonge et se prolonge... Il se
surpasse, mon merle, aujourd'hui ! Je regarde le calendrier : 16 mars ! C'est un peu tôt,
pour cette aubade printanière ! Mais le merle des villes, je le sais, est toujours en avance
sur ses cousins de la campagne !

17 mars

Les giboulées de mars !

Les moineaux du square ne savent plus où donner de la tête : le ciel leur joue
mauvais tour sur mauvais tour !

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D'abord, il leur a déversé sur le dos une averse magistrale, et cela, sans crier gare,
sans prendre la peine d'envoyer d'abord quelques gouttelettes annonciatrices, bref, sans
les prévenir !
Ensuite, alors qu'ils se réfugiaient en toute hâte, sous le couvert d'un massif de
buis, le ciel les a nargués, en dévoilant d'un seul coup le plus beau, le plus chaud, le plus
éclatant de tous les soleils ! Secouant leurs
plumes encore trempées, et piaillant de dépit, ils rcssortent dans l'allée et font
quelques pas sautilles.
Comme c'est agréable, cette chaleur subite et inespérée : nos moineaux
commencent à gazouiller gaiement, quand le ciel devient soudain tout noir, d'un noir très
méchant, et, tout aussi soudainement, les bombarde de morceaux de glace, de grêlons
gros comme des œufs de pigeon, qui martèlent bruyamment le macadam de la rue, ding!
ding ! dong!
Une vieille pie, réfugiée sous l'auvent d'une fenêtre, jacasse d'un air entendu : —
Ah ! Ce sont les giboulées, les giboulées de mars !

18 mars

Le marronnier précoce

Le merle est en avance, son marronnier aussi !

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Je le connais bien, cet arbre : il est le premier, chaque année, à se couvrir de
feuilles !
Avant même que le printemps soit là, il revêt sa jolie parure neuve, toute fraîche
et toute gracieuse.
Cependant les autres marronniers de l'avenue sont encore complètement nus, ou
bien, juste décorés de bourgeons prometteurs, de ces gros bourgeons luisants de sève, sur
le point d'éclater et de libérer leur éventail de feuilles...

19 mars

Quand passent les cigognes...

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Quand passent les cigognes, ce sont toujours et partout les mêmes exclamations
de surprise, les mêmes cris de joie, les mêmes chants de bienvenue !
Toujours et partout, ces grands oiseaux porte-bonheur rencontrent un accueil
enthousiaste!
Les enfants les désignent du doigt, comme des prodiges.
Les parents sourient, en hochant la tête.
Les grands-parents s'attendrissent et se rappellent les printemps passés, les retours
d'autrefois, tous ces souvenirs aimés, doux et précieux...
Cependant, les cigognes continuent leur route, obstinément. Il n'est pas question
de s'arrêter en chemin, si ce n'est pour de brèves étapes. Elles doivent absolument
rejoindre leur nid de l'année dernière ! Quand les courants chauds disparaissent au profit
des courants d'air froid, ou bien que soufflent les vents contraires, nos cigognes, pour
voler, doivent battre bien fort leurs ailes frangées de noir. C'est très fatigant, mais il faut
arriver en Alsace ! C'est, depuis l'Afrique, leur but unique !

20 mars

Le retour au village natal

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Elles ont volé encore toute une journée, nos intrépides voyageuses, laissant de
côté une forêt immense, suivant le cours d'un fleuve étincelant, le Rhin, et survolant
quantité de villages souriants, avec de hautes maisons aux toits pointus, des clochers
carillonnants, des places fleuries, des fontaines et des tilleuls...
Certaines cigognes se sont arrêtées en route, parce qu'elles étaient arrivées chez
elles.
Le soir, il ne reste plus que deux cigognes.
Quelques coups d'aile à droite, quelques coups d'aile à gauche, et, puis, dans le
creux d'un vallon, elles découvrent enfin « leur » village !
Elles descendent en tournoyant, toutes leurs plumes déployées, et leurs longs becs
rouges pointés vers le sol.
Elles reconnaissent immédiatement leur nid, perché sur la cheminée d'une maison
rosé à tourelle. Tandis qu'elles se posent en claquetant, tous les enfants du village, alertés,
sortent dans les rues et chantent en chœur :
— Les cigognes sont de retour !

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Une grande histoire : L'hiver dans un tiroir ! 4 Un géant !
5 Les rennes
DÉCEMBRE 6 Menu d'hiver...
21 Dans la forêt de sapins... 7 Une couverture de neige...
22 Sur les marchés des villes 8 Les « coulées » du lièvre
23 On dérange les souris... 9 Les cris bizarres du renard
24 II manque du houx ! 10 Les castors ont le sens du confort
25 Ce qu'a vu la coccinelle... 11 De prudents montagnards
26 Un cochon d'Inde 12 « II faut aider les chamois »
27 Deux canaris 13 De vrais baromètres...
28 Un labrador 14 Un cerf en hiver...
29 Une tortue 15 Portrait de famille
30 Le hamster 16 Un hiver doré...
31 Au pied d'un chêne... 17 Au bord d'un lac ensoleillé...
18 Les cigognes repartent !
JANVIER 19 Un vol sans fatigue...
1 Au gui, l'an neuf ! 20 L'étape
2 Fruits de fête ! 21 Rencontre...
3 Des fleurs venues du ciel ! 22 L'étape définitive
4 Le monde à l'envers ! 23 En bonne compagnie...
5 Voilà la neige ! 24 Des oiseaux rosés !
6 Une fève pour la galette 25 A l'abri des roseaux...
7 Noir et blanc... 26 Les « nordistes »
8 Les mésanges s'enhardissent... 27 Inséparables!
9 La queue de la pie ! 28 Par ma fenêtre...
10 De l'aide pour les oiseaux du jardin ! 29 Le chêne musical
11 Les écureuils ne dorment pas
12 La cachette retrouvée MARS
13 Les petits amis du jardin 1 Devinette piquante
14 Un froid de hérisson ! 2 Devinette alarmante
15 Une écorce amère ! 3 Devinette astucieuse
16 Comme un patineur 4 Devinette phénoménale
17 Un bain forcé ! 5 Devinette terrifiante
18 Prisonnier de l'hiver... 6 Dialogue de mulots
19 Prisonnier de la glace... 7 Dans le grenier...
20 Un bon coup de bâton ! 8 Et dans le poulailler...
21 Le hérisson dort pour de bon ! 9 Des magasins d'hiver...
22 Le nid du saumon 10 Travail, travail...
23 Un troupeau de diables ! 11 L'herbe s'éveille !
24 La caverne mystérieuse 12 La « Reine-Fourmi »
25 Les ours ! 13 Une minutieuse programmation !
26 Sur le carrelage... 14 Le sel magique !
27 Des joues comme des valises ! 15 Quand surgissent les bourgeons.
28 Une symphonie ! 16 Réveille-matin
29 Des habitudes de tortue.. 17 Les giboulées de mars !
30 Au service de Potiron ! 18 Le marronnier précoce
31 Robinson le guetteur 19 Quand passent les cigognes...
20 Le retour au village natal
FÉVRIER
1 Le saumon repart en voyage SURPRISES DE L'HIVER
2 Le mangeur de miel
3 Le lièvre invisible...

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