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Jérôme Gaye Titaÿna Kauffmann

jerome.gaye@unil.ch titayna.kauffmann@unil.ch
Dossier de recherche 15 janvier 2020

INITIATIVE FÉDÉRALE POUR LA « PROTECTION CONTRE


LA SEXUALISATION À L’ÉCOLE MATERNELLE ET À

L’ÉCOLE PRIMAIRE »

Introduction [Jérome]...................................................................................................................2
I. À l’origine de l’initiative [Jérome]..............................................................................................3
II. Description du contenu de l’initiative [Jérome]...........................................................................3
III. Les enjeux de l’éducation sexuelle [Titaÿna]................................................................................4
IV. Les débats sous la coupole fédérale [Titaÿna].............................................................................6
Conclusion – Un comité d’initiative toujours actif [Jérome].......................................................9

Sources..............................................................................................................................................11
Bibliographie....................................................................................................................................12

COURS-SÉMINAIRE AUTOMNE 2019 : « GENRE, DROIT ET JUSTICE »

ELÉONORE LÉPINARD, MARTA ROCA I ESCODA, GINA WIRZ-SUÁREZ


INTRODUCTION [JÉROME ]

Dès le commencement du féminisme en tant que mouvement social, l’un des objectifs premiers était de «
contester la construction structurelle, mais aussi normative de la séparation privé/public »1. Dans cette
perspective, les cours d’éducation et de prévention sexuelles dispensés par l’école publique occupent une
place de choix notamment en raison du lien qui peut être fait avec des questions de genre (avortement,
grossesse non désirée, etc.). Cependant cette idée n’a pas fait l’unanimité et a suscité de vifs débats. En effet
tout est parti de Bâle où des parents se sont manifestés à la suite de l’instauration de cours d’éducation
sexuelle au moyen de « sex box » pédagogique à l’école maternelle. Ces parents ne sont pas les seuls à être
dans cette mouvance puisqu’après des élus fédéraux les ont rejoints à tel point qu’ils forment un comité pour
lancer une initiative populaire de protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire.
C’est donc en revenant sur cette initiative et les débats parlementaires qui ont suivis que se portera notre
étude.

Selon l’OMS, la santé sexuelle se définit comme suit : « La santé sexuelle est un état de bien-être
physique, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle requiert une approche positive et
respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences
sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libre de toute coercition, discrimination ou violence »2.
Concernant l’éducation sexuelle, Katheleen Boucher la définit comme suit : « Dans notre réflexion, nous
optons pour une définition large de l’éducation sexuelle, entendue comme des interventions, formelles ou
informelles, en vue soit, plus globalement, de la formation intégrale des personnes, soit, plus précisément, du
développement de connaissances, d'habiletés ou d’attitudes, dans le domaine de la sexualité humaine,
considérée sous ses multiples dimensions : affectives, cognitives, physiques, comportementales, sociales et
spirituelles. »3

Notre travail peut être scindé en deux parties. Dans la première partie, il sera question d’abord de
présenter l’initiative, donc l’origine et le contenu de l’initiative suivi des aspects de l’accès à l’éducation
sexuelle et la situation en suisse. Ensuite dans la deuxième partie, nous évoquerons de nos sources qui
serviront pour l’analyse finale. Soit la position du CF, du Parlement et le comité étant toujours actif sous la
forme d’une association, on vous présentera son journal. Cette initiative vise donc à supprimer l’éducation
sexuelle obligatoire à l’école et pour nous il s’agira de comprendre quels furent les débats et les arguments
utilisés par le comité d’initiative autour de la question de l’éducation sexuelle à l’école en Suisse en nous
intéressant particulièrement à comment la “théorie du genre” est invoquée pour lutter contre ces mêmes
cours de prévention.

1
Marta Roca I Escoda, Anne-Françoise Praz, Eléonore Lépinard, « Luttes féministes autour de la morale sexuelle », Nouvelles
Questions Féministes, 2016/1, vol. 35, p. 6
2 https://www.who.int/topics/sexual_health/fr/, consulté le 30 novembre 2019
3 Kathleen Boucher, « “Faites la prévention, mais pas l’amour !” : des regards féministes sur la recherche et
l’intervention en éducation sexuelle », Recherches féministes, vol. 16, n°1, 2003, p. 112

2/12
I. À L ’ OR IG IN E DE L ’ INITIATIVE [J ÉROME ]

L’initiative a été lancée après que certains médias avaient affirmé ́ qu’il pourrait être mis en place un cours
d’éducation sexuelle obligatoire à l’école maternelle et à l’école primaire, au moment où était mis à la
disposition des enseignants bâlois des coffrets d’information dits « sex-box »1. Les auteurs de cette initiative
sont en majorité́ des parents bâlois qui se sont regroupés en un « comité ́ de parents » ainsi que d’anciens ou
d’actuels parlementaires issus pour la plupart de l’UDC, du PDC et du PEV2.
Un comité́ interparti hétéroclite s’est donc chargé de déposer l’initiative populaire. Mais il important de
savoir que c’est la seconde fois que l’initiative populaire « Protection contre la sexualisation à l’école
maternelle et à l’école primaire » est déposée. En effet, peu après le lancement de la première collecte de
signatures, il a été révélé en effet qu’un membre du comité ́ en charge de l’initiative avait été
condamné pour agression sexuelle sur un enfant, ce qui l’a amené ́ , ainsi qu’une autre personne faisant
également partie du comité́ d’initiative, à démissionner. Comme il est interdit de modifier non seulement le
texte d’une initiative, mais aussi la composition du comité ́ d’initiative, les auteurs ont préféré́ déposer
l’initiative avec une seule signature de façon à hâter son échec et à pouvoir en lancer une seconde avec cette
fois un comité́ différent3.

L’initiative populaire « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire » vise
ainsi à mettre l’éducation sexuelle sous la responsabilité exclusive des parents. Elle fut déposée le 17
décembre 2013 avec 110 000 signatures authentifiées4.

Dans un souci de mieux saisir cette initiative, nous allons explorer le contenu pour voir vraiment quelles
dispositions les initiateurs comptent prendre.

II. D E S CR I PT I O N DU CO N T E N U DE L ’ INITIATIVE [J ÉR OME ]

La constitution est modifiée comme suit :

Art. 11, al. 3 à 7 (nouveaux) :

3) L’éducation sexuelle est l’affaire des parents.

4) Un cours destiné à la prévention des abus sexuels envers les enfants peut être dispensé à partir de l’école
maternelle. Ce cours n’aborde pas l’éducation sexuelle.

5) Un cours facultatif d’éducation sexuelle peut être dispensé par le maître de classe aux enfants et aux
jeunes âgés de neuf ans révolus.

1 Message du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école
primaire », 28 novembre 2014 , p. 692
2
Ibid., p. 691
3
Ibid., p. 693
4 Initiative de protection

3/12
6) Un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains
peut être dispensé par l’enseignant de biologie aux enfants et aux jeunes âgés de douze ans révolus.

7) Les enfants et les jeunes ne peuvent être contraints de suivre un cours d’éducation sexuelle qui dépasserait
ce cadre.

En guise de commentaire, L’initiative vise à préciser l’art. 11 Cst. (Intitulé « Protection des enfants et des
jeunes » et dépendant du chapitre relatif aux droits fondamentaux) par quatre alinéas, soit les al. 3 à 7, qui
prévoient des restrictions à l’organisation de cours d’éducation sexuelle à l’école
maternelle et à l’école primaire. Il s’agit donc de compléter l’art 11 de façon à prévoir la possibilité́ de
dispenser, d’une part, un cours de prévention des abus sexuels aux enfants à partir de l’école maternelle, mais
sans aborder l’éducation sexuelle, d’autre part, un cours facultatif d’éducation sexuelle aux enfants et aux
jeunes âgés de neuf ans révolus, enfin, un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la
reproduction et le développement humains aux enfants et aux jeunes âges de douze ans révolus. La
participation à un cours d’éducation sexuelle qui dépasserait ce cadre serait facultative. L’initiative
entraînerait une interdiction générale de dispenser un cours d’éducation
sexuelle obligatoire avant l’âge de la majorité ́ 1. L’art. 11 Cst. garantit d’ores et déjà̀ la protection de
l’intégrité́ des enfants et des jeunes et l’encouragement de leur développement, et les cantons mettent en
œuvre dans le cadre des plans d’études les obligations qui en découlent.

III. L ES ENJEUX DE L ’ ÉDUCATION SE XU EL LE [T ITAŸ NA ]

Après de nombreuses années de luttes féministes, la « “question sexuelle”, qui émerge pour la première
fois dans l’espace public autour de 1900, n’a cessé de résonner dans le débat politique »2. Désormais les
cours d’éducation et de prévention sexuelles sont porteurs de ces combats menés par les féministes depuis le
début du XXe siècle. En effet, on retrouve traditionnellement en Amérique du Nord et en Europe l’idée que
la “question sexuelle” doit passer par l’éducation via des outils de communications3. Cela concerne
notamment les notions de consentement, de compréhension de son propre corps et de ses propres organes
reproductifs, des maladies sexuellement transmissibles, etc. Cette liste non exhaustive comporte également
des dimensions genrées, spécialement lorsqu’on aborde la question de la grossesse. En effet, les jeunes
femmes sont généralement au centre de ces cours d’éducation sexuelle, ce qui est « attribuable au fait que
l’adolescence est marquée par l’arrivée de la capacité de reproduction, dont l’impact est particulièrement
notable chez les filles »4. Cependant, derrière les grandes campagnes de santé publique ou d’éducation
sexuelle5 – même si

1 Message du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école
primaire », 28 novembre 2014 , p. 696-697
2 Marta Roca I Escoda, Anne-Françoise Praz, Eléonore Lépinard, « Luttes féministes autour de la morale sexuelle », op. cit., p. 7

3 Luc Berlivet, Une biopolitique de l’éducation pour la santé : La fabrique des campagnes de préventions, trouvé dans Didier Fassin

& Dominique Memmi (dir.), Le gouvernement des corps, Paris : Editions de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, 2004, p. 1
4 Kathleen Boucher, « “Faites la prévention, mais pas l’amour !”… », op. cit., p. 121
5 Les différentes dénominations peuvent variées.

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les dénominations varient – développées au 19e siècle dans tout l'hémisphère nord on retrouve comme
explication non seulement « l’extension de l’exigence de protection étatique caractéristique des Welfare
States nouvellement institués, mais également en raison de ces “maladies de civilisation” dans la croissance
rapide des dépenses de santé, perçue (en Grande-Bretagne tout d’abord, puis sur le continent) menaçant la
stabilité économique de ces pays »1.

En effet, en Suisse également, le développement de cours d’éducation sexuelle s’est fait en parallèle avec
l’épidémie du VIH/sida. Dès lors, « lorsque le sida a été identifié comme une épidémie en Suisse,
l’obligation d’informer a dû être appliquée au niveau cantonal, influençant de manière décisive la
généralisation de l’éducation sexuelle ou l’introduction de cours de prévention VIH/sida dans les cantons »2.
De manière générale, l’accent est avant tout mis sur l’aspect préventif et à ce titre « divers motifs qui relèvent
de conflits de valeurs et de l’urgence sociale créée par les “problèmes sociaux” liés à la sexualité, dont la
découverte du sida, peuvent expliquer la préséance actuelle du
courant préventif de la santé sexuelle ».3 Pourtant, la Suisse ne s’est pas dotée d’une politique
fédérale en la matière et l’éducation publique reste de la compétence des différents cantons. Ce système
fédéraliste entraîne une certaine disparité entre les différentes entités fédérées qui composent la Suisse. On
peut distinguer deux types de modèles, celui de la Suisse romande et du Tessin d’un côté, puis celui de la
Suisse alémanique.

Sans entrer dans le détail des différences entre ces deux systèmes, on peut estimer qu’on a d’un côté un
modèle romand et tessinois qui fait appel à des intervenants extérieurs pour dispenser les cours d'éducation
sexuelle à l’école au moyen d’heures spécialement dédiées à ce sujet et de l’autre on retrouve le modèle
alémanique qui intègre lui le programme d’éducation sexuelle au sein des différents cours suivis par les
élèves et dispensés par leurs enseignants. À ce titre, « les différences culturelles et linguistiques sont
particulièrement promues et préservées »4. Dès lors, dans le modèle romand on constate que le «
professionnalisme et la garantie de la confidentialité sont des principes importants de cette approche,
empruntée à la culture médicale plus qu’à l’éducation, marquant clairement que l’intimité se discute en
dehors du cadre normal et quotidien de l’école avec des personnes formées expressément au domaine »5.
Dans le cas alémanique, le système repose essentiellement sur les enseignants qui intègrent à leurs cours du
contenu portant sur l’éducation sexuelle. Les différences entre les deux modèles peuvent s’expliquer par le
fait que « contrairement à la Suisse romande qui s’est appuyée sur une tradition de l’éducation sexuelle pour
implémenter ce nouveau risque, c’est le VIH qui a favorisé l’essor de l’éducation sexuelle en Suisse
alémanique »6.
On voit donc comment le manque de politique fédérale sur la question de l’éducation sexuelle débouche
sur des disparités cantonales. Cependant, ces différences entre les différentes zones

1 Luc Berlivet, Une biopolitique de l’éducation pour la santé …, op. cit., p. 6-7
2 Caroline Jacot-Descombes, « Education sexuelle et mise en en oeuvre locale : e fficacité des modèles retenus en Suisse au regard du
droit international », Contribution pour le colloque “Régulation des sexualités en Europe”, mars 2009, p. 1
3 Kathleen Boucher, « “Faites la prévention, mais pas l’amour !”… », op. cit., p. 144

4 Caroline Jacot-Descombes, « Education sexuelle et mise en en oeuvre locale…, op. cit., p.1

5 Ibid., p. 2
6 Ibid., p. 6

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linguistiques sur cette question tendent à se réduire ces dernières années. En effet, « à partir des années 2000
l’éducation sexuelle en Suisse alémanique est enseignée de plus en plus selon une conception plus large –
autant biologique que sociale – et prend ainsi une signification similaire à celle enseignée dans le modèle
externe [romand] »1. C’est dans cet effort d’amélioration des pratiques d’éducations sexuelles que le canton
de Bâle-Ville avait envisagé d’utiliser la fameuse sex-box qui mit le feu aux poudres à plusieurs polémiques
sur l’éducation sexuelle en suisse-alémanique et qui débouchent sur l’initiative “Protection contre la
sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire”. Au regard de ces différents éléments, il s’agira donc
ici pour nous de comprendre quels furent les débats et les arguments utilisés par le comité d’initiative –
aujourd’hui constitué en association toujours active – autour de la question de l’éducation sexuelle à l’école
en Suisse.

IV. L ES DÉBATS SOUS LA CO U P O L E FÉDÉR A L E [T ITAŸ NA ]

A. P OSI TI ON DU C ONSEIL FÉDÉR A L

Selon l’art. 141 de la Loi sur le Parlement, le Conseil fédéral a pour obligation de produire un message
accompagnant tout projet d’acte de loi pour présenter à l’Assemblée fédérale le texte législatif prévu, le
replacer dans son contexte, en faire une analyse juridique et finalement émettre un avis sur la proposition de
modification de la loi2. Concernant l’initiative analysée ici, le 28 novembre 2014 le Conseil fédéral a émis
son message en recommandant de la soumettre au vote du peuple et des cantons tout en leur recommandant
de la rejeter en arguant dès le départ que le système actuel de cours d’éducation sexuelle contribue à «
protéger les enfants et les jeunes contre les violences sexuelles, les infections sexuellement transmissibles et
les grossesses non désirées : c’est dire leur importance et la nécessité de les assurer selon des principes
cohérents »3. Le Conseil fédéral se positionne donc résolument contre l’adoption de cette initiative en
adoptant une position assez ferme dans le reste de son message. Il insiste non seulement sur le conflit que
cette initiative pourrait créer quant à la subsidiarité des tâches au sein de l’État fédéral suisse – l’éducation
relevant d’une compétence cantonale – que sur les dangers que cette initiative pourrait présenter pour le bien-
être des enfants.

Le Conseil fédéral défend également le système actuel présenté précédemment, en arguant qu’il permet
de protéger les enfants et les jeunes contre les violences sexuelles, les infections sexuellement transmissibles
et les grossesses non désirées4. On peut résumer la position du Conseil fédéral autour de plusieurs arguments
principaux mis en avant par le gouvernement suisse :

❖ Premièrement, le Conseil fédéral interprète l’initiative comme contraire au droit international puisque
cette dernière propose de modifier l’art. 11 de la Constitution suisse – au sein du

1 Ibid., p. 6
2 Loi sur le le Parlement (LParl) ; RS 171.10, consulté le 10 décembre 2019 sur https://www.admin.ch/opc/fr/classified-
compilation/20010664/index.html#a141
3 Message du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école

primaire », 28 novembre 2014, p. 684


4 Ibid., p. 700

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Chapitre 2 régissant les droits fondamentaux – alors que celui-ci est la transposition des dispositions
internationales qui régissent le bien-être de l’enfant, en particulier de la Convention relative aux droits
de l’enfant datant de 19891. Cette modification entrerait également en conflit avec d’autres traités
d’action préventive contre les abus sexuels sur les enfants et contre les maladies sexuellement
transmissibles, en particulier le sida/VIH.

❖ Deuxièmement, l’initiative porte atteinte à l’autonomie des cantons 2, le domaine de l’éducation relevant
de la compétence des cantons et non pas d’une compétence cantonale. En ce sens, l’initiative porterait
atteinte au fédéralisme tel qu’il est conçu en Suisse.

❖ Troisièmement, le Conseil fédéral avance que contrairement à ce qui est annoncé par les initiants, le
projet de loi n’aurait aucun impact sur le droit des parents à éduquer leurs enfants, car c’est d’or et déjà
le cas dans le système actuel où l’école ne vient qu’en complément de l’éducation fournie par les
parents en matière d’éducation sexuelle3.

❖ Le quatrième point mis en avant par le Conseil fédéral est que l’initiative porte « atteinte à la mise en
oeuvre du mandat public de formation » 4. En effet, comme l’initiative implique implicitement
l’interdiction de cours obligatoire avant l’âge de 18 ans, elle contrevient à la mission de formation du
service public, notamment en matière « d’égalité de bien-être des enfants »5.

❖ Finalement, le dernier point abordé touche à la question de l’atteinte à l’efficacité de la prévention, que
ce soit vis-à-vis des violences sexuelles envers les enfants ou encore concernant le VIH/sida et d’autres
maladies sexuellement transmissibles6.

On voit donc ici comment les arguments du Conseil fédéral se focalisent principalement sur la question de
la protection des enfants face aux violences sexuelles. À ce titre, le gouvernement suisse cite une étude
publiée par Optimus Suisse7 qui a démontré que les auteurs d’abus sexuels élaborent sciemment des stratégies
afin de réunir des conditions favorables pour perpétrer ces abus et que l’ignorance en matière de sexualité en
fait partie, au sens où elle crée des conditions favorables pour les auteurs d’abus sexuels8. De plus, le Conseil
fédéral rappelle également que la majorité des abus sont perpétrés par des membres du cercle proche de
l’enfant ou par des jeunes du même âge.

B. L ES DÉFEN SEUR S DE L ’ INITI ATIVE AU P AR LEM EN T FÉDÉRA L

À la suite de ce message du Conseil fédéral, des débats au Parlement fédéral ont eu lieu afin de
déterminer s’il fallait recommander au peuple et aux cantons d’accepter ou non cette initiative. Les

1 Ibid., p. 695
2 Ibid., p. 702
3 Ibid., p. 702
4 Ibid., p. 702

5 Ibid., p. 702

6 Ibid., p. 703

7 Observatoire de la maltraitance envers les enfants


8 Message du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école

primaire », 28 novembre 2014 , p. 703

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deux chambres ont voté en juin 2015 de ne pas recommander l’adoption du projet de modification
constitutionnelle. Quelques jours plus tard, le comité d’initiative a décidé de retirer son texte et s’est ensuite
constitué en association toujours active aujourd’hui comme nous le verrons ci-dessous. Lors de ces débats,
de manière générale, on retrouve chez les opposants de l’initiative des arguments allant dans le même sens
que ceux mis en avant par le Conseil fédéral. Ainsi, il s’agira ici de nous pencher sur les arguments émis par
les défenseurs de l’initiative. Afin de synthétiser ces arguments, nous les avons dégager six arguments
différents qui reviennent à différentes reprises au sein des débats parlementaires.

❖ Le premier argument que nous avons identifié consiste à dire que certains programmes actuels
d’éducation sexuelle promeuvent une éducation sexuelle idéologiquement marquée et – en tant que
second argument reconstitué ici – que cela entraînerait une sexualisation des enfants dès leur plus jeune
âge. À ce titre, Felix Müri, élu UDC de Lucerne, déclare que « depuis des années, l’Office fédéral de la
santé publique encourage l’éducation sexuelle idéologique dans les domaines de la “prévention” et de la
“santé sexuelle” qui exige une influence sexualisée dès la maternelle » 1. Martina Geissbühler,
également issue de l’UDC et élue à Berne, vient appuyer ces propos en avançant que « l’objectif de
l’initiative populaire est d’empêcher la sexualisation précoce obligatoire à l’âge préscolaire […] »2.

❖ Le troisième argument que nous avons identifié est similaire des deux premiers puisqu’il met en avant
le fait que le droit international serait également influencé par cette même idéologie dénoncée dans les
premiers arguments. Ici encore, Felix Müri dénonce la Convention des Nations-Unies relative aux droits
de l’enfant et des publications de l’OMS en déclarant que « les fondements psychologiques et sociaux
de ces documents sont cependant fortement remis en question, même par des experts » 3. Ici encore, cela
s’accompagne de l’idée que le système actuel entraînerait une forme de sexualisation des enfants
puisque pour Felix Müri la dénonciation du droit international sur ce sujet doit se faire, car il serait «
essentiel de prévoir toute l’influence sur le comportement sexuel des enfants et tout éducation sexuelle
douteuse dès la naissance »4.

❖ En quatrième point, les initiants mettre en avant le fait que l’éducation sexuelle devrait relever de la
stricte compétence des parents. En effet, pour Erich Von Siebenthal, élu UDC à Berne, l’initiative
permettrait de renforcer la famille puisque « dans les cas où les parents ne sont pas en mesure de
s’acquitter de cette tâche importante, elle leur donne également la possibilité de la déléguer à l’État dès
l’âge de neuf ans. Par conséquent, un oui à l’initiative est aussi un oui à la famille » 5.

1 Bulletin Officiel, Conseil National, Session de printemps 2015, Quatrième séance, « Protection contre la sexualisation à l’école
maternelle et à l’école primaire », 4 mars 2015, p. 4, traduction personnelle
2 Ibid., p. 16, traduction personnelle

3 Ibid., p. 4, traduction personnelle

4 Ibid., p. 4, traduction personnelle


5 Ibid., p. 28, traduction personnelle

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❖ Finalement, et pour répondre aux attaques faites contre l’initiative ainsi qu’au message du Conseil
fédéral, les défenseurs de l’initiative avancent deux arguments fréquemment associés, soit le fait que
non seulement l’initiative n’interdit par de faire de la prévention sexuelle, mais également que
l’éducation sexuelle avant l’âge de neuf ans est inutile et dangereuse. À ce titre, Sylvia Flückiger-Bäni,
élue UDC en Argovie, déclare que « tout simplement, une éducation sexuelle précoce n’apporte rien,
mais plutôt des préjudices. Les jeunes enfants sont faciles à influencer et à manipuler. L’éducation
sexuelle n’est pas nécessaire avant l’âge de dix ans […], l’éducation préventive par l’éducation sexuelle
ne peut pas entrer dans le monde des enfants et ne fait que blesser leur sentiment de honte » 1.

On voit donc comment pour les défenseurs de cette initiative il existerait un vaste projet d’éducation
idéologiquement marquée, imposée par le haut, avec l’idée d’une “théorie du genre” qui serait en train de se
répandre comme un danger pour les enfants. On constate également que les défenseurs de l’initiative peinent
à expliquer comment des cours de prévention sexuelle pourrait se tenir sans aborder la question d’éducation
sexuelle puisque ceci rendrait par exemple impossible de nommer les parties génitales ou de parler de
reproduction sexuelle. Les défenseurs de cette initiative ne se prononcent pas non plus sur le fait que la
majorité des agressions sexuelles sur les enfants sont perpétrées par des individus proches de l’enfant,
majoritairement du cercle familial et que des études ont démontrés que les enfants ayant le moins de
connaissance sur la sexualité constituent des cibles privilégiées pour les agresseurs. Rappelons que le comité
d’initiant a dû se dissoudre une première fois afin de pouvoir retirer du comité un homme ayant été
condamné pour agression sexuelle sur un enfant. Les initiants ont donc finalement décidé de retirer leur
initiative, mais ont cependant continué de mener des actions sur ce sujet, notamment en se constituant
comme association toujours active aujourd’hui.

CONCLUSION – UN CO M I T É D’INITIATIVE TO U J O U R S ACT I F [JÉROME ]

Le comité affirme aussi être soutenu par une majorité de l'électorat. En effet le lancement de l'initiative
aurait permis de sensibiliser la population. D'où un changement de stratégie : «au lieu de rechercher une
décision à court terme dans les urnes, il vaut mieux rassembler les forces dans une campagne à long terme ».
Le comité se transforme en « association Initiative de protection », qui observera la manière dont évoluera
l’éducation sexuelle en Suisse2 ». Celle-ci agira pour empêcher les abus, en lançant des initiatives et des
référendums si nécessaire.

Après la constitution en association, l’initiative publie chaque trimestre un numéro d’Initiative protection
- Actualités. Cette publication de revue a pour but d’informer ses membres et sympathisants sur les derniers
développements autour du thème de la « protection contre la

1 Ibid., p. 15, traduction personnelle


2 Le Temps, https://www.letemps.ch/suisse/suisses-ne-voteront-leducation-sexuelle-lecole , consulté le 13 décembre

9/12
sexualisation des enfants et des jeunes ». Dans « Initiative de protection – Actualité », des experts de renom la
possibilité d’exposer leur point de vue et ainsi de toucher plus de 35 000 foyers1.

En plus de cela, des projets de collectes de fonds sont aussi en train d’être menés. L'Association Initiative
de protection dépend totalement de dons pour pouvoir exercer son activité et remplir sa fonction de
protection. Ceci en vue de faire en sorte que la sexualisation de la société ne concerne pas déjà les enfants en
plus bas âge.

Ce qui fait de l’association un organe toujours actif, c’est que des efforts en matière de conseils aux
parents et pour la protection des enfants et adolescents. Elle se met aussi à la disposition de toutes les
personnes que ça soit des parents ou écoliers qui ont des cas à signaler afin de les clarifier de manière
objective et correcte. Comme dernier argument, l’association pense à créer un groupe d’experts avec des
psychiatres, psychologues qui mettent en question des projets visant à introduire une sexualisation précoce
dès l’école maternelle même dans des crèches2.

Ainsi les dispositions prises par l’association semblent porter leurs fruits puisque dans un communiqué, le
comité précise avoir atteint de nombreux résultats positifs. Bâle-Ville aurait reculé. Le Centre de
compétences « Éducation sexuelle à l’école », à la Haute école pédagogique de Lucerne, a été fermé. Le plan
d’études alémanique (Lehrplan 21) ne prévoit pas d'unité d'éducation sexuelle avant la dixième année
scolaire3.

1 Initiative de protection, https://initiative-de-protection.ch/qui-nous-sommes/ , consulté le 10 janvier


2 Ibid

3 Ibid

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SOURCES

Bulletin Officiel, Conseil des Etats, Session d’été 2015, Première séance, « Protection contre la
sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire », 1 juin 2015

Bulletin Officiel, Conseil National, Session de printemps 2015, Quatrième séance, « Protection contre la
sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire », 4 mars 2015

Chancellerie fédérale suisse, Examen préliminaire initiative fédérale « Protection contre la sexualisation à
l’école maternelle et à l’école primaire », 2 juin 2012

Conseil des Etats, Communiqué de presse « Rejet sans appel de l’initiative populaire », 1 mai 2015,
trouvé en ligne : https://www.parlament.ch/press-releases/Pages/2015/mm- wbk-s-2015-05-
01.aspx, consulté le 12 novembre 2019

Conseil National, Arrêté fédéral relatif à l’initiative populaire « Protection contre la Protection contre la
sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire », 19 juin 2015

Conseil National, Communiqué de presse « La commission de l’éducation rejette l’initiative concernant


la protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire », 16 janvier
2015, trouvé en ligne : https://www.parlament.ch/press-releases/ Pages/2015/mm-wbk-n-
2015-01-16.aspx, consulté le 12 novembre 2019

Loi sur le le Parlement (LParl) ; RS 171.10, consulté le 10 décembre 2019 sur https://
www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20010664/index.html#a141

Message du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire « Protection contre la sexualisation à l’école
maternelle et à l’école primaire », 28 novembre 2014

Publication des départements et des offices de la Confédération, Aboutissement, Initiative populaire


fédérale « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire », 30
janvier 2014

Rapport initiative du gouvernement suisse sur la mise en oeuvre de la convention relative aux droits de
l’enfant, Berne, 1er novembre 2000, 189 p.

Initiative de protection, https://initiative-de-protection.ch/qui-nous-sommes/ , consulté le 10 janvier

Le Temps, https://www.letemps.ch/suisse/suisses-ne-voteront-leducation-sexuelle-lecole , consulté le 13


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BIBLIOGRAPHIE

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