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Recherche et Applications en Marketing, vol. 27, n° 3/2012

NOTE DE RECHERCHE

Contribution à la conceptualisation
de l’expérience de consommation :
émergence des dimensions de l’expérience
au travers de récits de vie

Claire Roederer
Maître de conférences
EM Strasbourg - Université de Strasbourg
HuManiS (Humans and Management in Society) EA 1347
EM Strasbourg - Université de Strasbourg

RÉSUMÉ

La notion d’expérience de consommation souffre encore d’un déficit de conceptualisation. Cette recherche tente d’y
remédier, par une approche inductive, fondée sur l’analyse de récits de vie. Les résultats permettent d’identifier quatre dimensions
de l’expérience. Une dimension « praxéologique » traitant du sujet agissant, une dimension « hédonico-sensorielle » liée à une
lecture sensible et à une évaluation thymique du contexte, une dimension « rhétorique » attachée au sens de l’expérience et enfin
une dimension « rapport au temps » de l’expérience. Ces dimensions contribuent à une meilleure conceptualisation de l’expé-
rience vécue par son souvenir et donc potentiellement à une proximité plus grande avec le client. Elles peuvent être envisagées
comme des leviers d’action pour établir ou restaurer l’avantage concurrentiel commercial d’une offre d’expérience.

Mots clés : Comportement du consommateur, expérience de consommation, marketing expérientiel, dimensions de l’expé-
rience, récits de vie.

L’auteur tient à remercier vivement les quatre lecteurs de RAM pour leurs commentaires et suggestions qui ont aidé à améliorer les premières ver-
sions de cet article, ainsi que le professeur Marc Filser pour ses conseils et encouragements.
Elle peut être contactée à l’adresse électronique suivante :
claire.roederer@em-strasbourg.eu
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INTRODUCTION contextes, de dégager « un plus petit dénominateur


commun » à toute expérience, alors, ces dimensions
peuvent contribuer à une compréhension affinée du
vécu et procurer des leviers pour positionner une
offre et délivrer ou coproduire plus de valeur avec le
L’approche expérientielle, initiée par les travaux
consommateur/client.
fondateurs d’Holbrook et Hirschman (1982), s’at-
Cette recherche se place dans un contexte de
tache à comprendre les mécanismes à l’œuvre chez
découverte et non de justification (Bergadaà et
l’individu, lorsqu’il consomme. Elle envisage un
Nyeck, 1992). De nature exploratoire, elle s’appuie
sujet plus incarné que celui figuré dans les modèles
sur une analyse approfondie de récits de vie
dits de traitement d’information, en quête de plaisirs,
(Bertaux, 2005 ; Sanséau, 2005) portant sur des
d’émotions et de sensations que les expériences de
situations de consommation contrastées. En nous
consommation peuvent lui procurer. Cette lecture du
concentrant sur l’étude du contenu de l’expérience,
comportement du consommateur a généré une pers-
nous abordons un sujet sur lequel existe une littéra-
pective managériale incitant l’entreprise à reconsidérer
son offre pour produire de l’expérience (Schmitt, ture abondante, d’une façon qui n’a pas été souvent
1999, 2003 ; Hetzel, 2002 ; La Salle et Britton, développée. La contribution de notre recherche
2003). Elle a aussi encouragé l’idée que la démarche réside dans l’identification de quatre dimensions
expérientielle, centrée sur le client, constituait un acontextuelles qui contribuent à une meilleure
rempart contre la banalisation de l’offre commer- conceptualisation de l’expérience.
ciale, pensée strictement en termes de produits et de Nous analysons d’abord comment la notion d’ex-
services en permettant de co-créer de la valeur avec un périence de consommation s’est constituée dans la
client désormais envisagé comme collaboratif et littérature, afin de repérer les caractéristiques qui lui
créatif (Prahalad et Ramaswamy, 2004 ; Vargo et ont été associées. Puis, nous conduisons une analyse
Lusch, 2004 ; Leroy, 2008 ; Cova et Cova, 2009). de contenu thématique de type sémantique, permet-
Cependant, bien que la perspective expérientielle tant d’identifier quatre dimensions de l’expérience.
ait inspiré des travaux académiques et des stratégies Dans une dernière partie, nous abordons les perspec-
d’entreprises, la notion même d’expérience de tives conceptuelles et managériales des résultats et
consommation souffre encore d’un déficit de concep- leurs limites.
tualisation, que cette recherche vise à combler (Carù et
Cova, 2003 ; Filser, 2002, 2008a). La littérature aca-
démique sur l’expérience s’est, en effet, focalisée sur La conceptualisation de l’expérience
les antécédents et la recherche de l’expérience ainsi dans la littérature
que sur la mesure de ses conséquences par la satis-
faction et la valeur (Oliver, 1999 ; Aurier et alii, Holbrook et Hirschman (1982) définissent l’expé-
2004, Filser, 2008a, Mencarelli, 2008). Peu d’efforts rience comme un état subjectif de conscience,
ont porté sur la conceptualisation du contenu même accompagné de significations symboliques, de
de l’expérience (Benavent et Evrard, 2002 ; Filser, réponses hédonistes et de critères esthétiques. La
2002). Filser (2008a) souligne que, vingt-cinq ans définition de l’expérience de consommation, aujour-
après les travaux des pionniers de l’expérientiel, l’in- d’hui stabilisée, correspond aux conséquences posi-
terrogation majeure, qui consiste à savoir ce qu’est tives ou négatives retirées de l’usage d’un bien ou
une expérience de consommation, subsiste. Une d’un service, génératrices de sens pour le sujet qui la
meilleure conceptualisation de l’expérience de vit (Filser, 2002). Elle peut être envisagée comme un
consommation revêt pourtant des enjeux tant théo- processus (Arnould, Price et Zinkhan, 2002) qui
riques que managériaux. En effet, si l’expérience est recouvre la « totalité du vécu » (Bénavent et Evrard,
strictement contingente au contexte et au sujet qui la 2002), voire dans certains cas, l’épreuve dont l’indi-
vit, son idiosyncrasie condamne toute velléité de vidu conservera la marque sa vie durant.
l’orchestrer et discrédite par-là même les stratégies En comportement du consommateur, le terme
de production d’expérience. Si, au contraire, il désigne un vécu personnel chargé d’émotions. En
s’avère possible, au-delà de l’hétérogénéité des marketing, il est employé par les pionniers de l’expé-
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rientiel (Pine et Gilmore, 1999) pour définir une nou- périence. Un réseau d’interactions entre la pensée du
velle catégorie d’offre orchestrée par l’entreprise, consommateur (Thought), ses émotions (Emotions),
supposée remplacer les produits et les services et son activité (actions et réactions) et la valeur qu’il
donner naissance à une économie de l’expérience. attribue à l’interaction se substitue au flux linéaire du
Cette polysémie explique que l’expérience ait pu être modèle de 1982. La valeur y est comprise comme un
qualifiée de concept-valise (Carù et Cova, 2003). élément constitutif de l’expérience et pas seulement
Pour comprendre comment la notion d’expé- une de ses conséquences. La place de la valeur dans le
rience s’est structurée dans la littérature, nous abor- modèle TEAV reconnaît la nature duale de l’expé-
dons dans la partie qui suit le modèle PAD (Pleasure- rience, à la fois processus vécu et résultat dont on se
Arousal-Dominance) (Mehrabian et Russel, 1974) et souvient. La typologie des valeurs de consommation
les modèles expérientiels (Holbrook et Hirschman, d’Holbrook (1999), articulée entre consommation
1982 ; Hirschman et Holbrook, 1986). orientée vers soi ou vers les autres, intrinsèque et
extrinsèque, active ou réactive, enrichit la compré-
hension des sources de valeurs de l’expérience.
Le modèle PAD (Pleasure-Arousal-Dominance). Enfin, Filser (2008b) réconcilie les modèles de prise de
décision et les modèles expérientiels en proposant la
Les travaux en psychologie de l’environnement séquence « décision – expérience – valeur ».
de Mehrabian et Russel (1974) clarifient les interac- Les trois modèles abordés associent plaisir et
tions de l’individu avec son environnement, en identi- sens à l’expérience. Le modèle PAD traite des
fiant trois réponses émotionnelles de base : le plaisir réponses émotionnelles et comportementales résul-
(pleasure), l’éveil ou l’excitation (arousal), et le tant des interactions sujet-environnement, mais ne les
degré de contrôle ou de liberté ressenti par rapport à relie pas à la notion d’expérience. Les modèles expé-
l’environnement (dominance). Ces réponses combi- rientiels clarifient les activités psychiques mobilisées
nées entre elles permettent de décrire n’importe quel pendant l’expérience, mais n’identifient pas ce que
état émotionnel, qui peut ensuite entraîner des com- ces activités produisent car ils ne proposent pas
portements d’approche ou d’évitement. Le modèle explicitement de dimensions de l’expérience de
PAD mobilise le plaisir et les sensations (arousal) consommation.
qui seront associés à l’expérience, dans le modèle
d’Holbrook et Hirschman (1982).
L’expérience comme interaction Personne-Objet-
Situation
Le modèle expérientiel CABS
(Cognition-Affect-Behavior-Satisfaction) Dans cette recherche, nous proposons de définir
l’expérience de consommation comme une interac-
Holbrook et Hirschman (1982) renouvellent les tion « Personne x Objet x Situation » (Punj et
variables explicatives du comportement du consom- Stewart, 1983), génératrice de sens pour le sujet qui la
mateur et soulignent que les sujets recherchent des vit (Filser 2002). Cette définition permet d’englober un
expériences pour le plaisir, l’amusement et les sensa- large prisme de réalités. Ainsi, l’expérience extrême
tions qu’elles recèlent. Ils conservent l’enchaînement (peak experience) (Maslow, 1964), l’expérience opti-
cognition-affect-behavior-satisfaction (C.A.B.S) des male (dite de flow) (Csikzentmihalyi, 1990, 1997),
modèles dits de traitement d’information et associent à l’expérience instrumentale ou autotélique (Holt,
l’expérience, un caractère hédonique auparavant 1995) quelle qu’en soit l’intensité, sont des interac-
négligé (Hirschman et Holbrook, 1982). tions « personne – objet – situation », générant du
sens pour les sujets qui les vivent, aux contextes,
enjeux, motivations, déroulements et résultats
Le modèle TEAV (Thought-Emotion-Activity-Value) contrastés (cf. Encadré 1). Carù et Cova (2007) identi-
fient trois catégories d’interactions P.O.S : (1) les
Le modèle TEAV (Hirschman et Holbrook, 1986) expériences pilotées par le consommateur (consu-
introduit la valeur comme élément constitutif de l’ex- mer-driven experiences), qui se déroulent dans des
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Encadré 1. – Clarification du vocabulaire autour de l’expérience

Dans la littérature en sciences de gestion, le vocabulaire associé à l’expérience, sous forme d’adjectifs
(expérience hédonique, extraordinaire, autotélique, instrumentale) ou de compléments du nom (expérience du
consommateur, expérience de magasinage...) sert des objectifs différents.
Il permet, selon les cas, de préciser le contexte de l’expérience, son intensité, son but ou le rôle qu’y joue le
consommateur. Ce vocabulaire évolue au fil des travaux du courant expérientiel.
Qualifier le contexte : Carù et Cova (2006), s’appuyant sur les travaux en sociologie de la consommation
d’Edgell et alii (1997), désignent par le terme d’expériences de consommateur, les expériences de consom-
mation marchandes, afin de les distinguer des expériences de citoyen, de famille, d’amitié, qui se déroulent en
dehors du marché.
Le terme d’expérience de magasinage (shopping experience) désigne, quant à lui, des expériences de
consommation qui se déroulent dans des lieux de vente ou de consommation (magasins, centres commer-
ciaux) voire des lieux conçus pour y délivrer des services (les servicescapes au sens de Bitner (1992)) et
concerne donc exclusivement la sphère marchande.
L’exemple d’un repas pris dans un restaurant présente la superposition d’une expérience de consommation (du
repas) et d’une expérience de magasinage (consommation du lieu).
Qualifier l’intensité : Au-delà des termes qui précisent le contexte de l’expérience, on rencontre également
des termes qui servent à qualifier l’intensité de l’interaction voire son caractère d’exception dans la vie du
sujet. À ses débuts, le courant expérientiel a beaucoup mis en avant, le caractère extraordinaire de l’expé-
rience, des travaux plus récents s’intéressent à son caractère ordinaire.
– expérience extraordinaire (Arnould et Price, 1993)
– ordinaire voire infraordinaire (Badot et Filser, 2007)
– les peak experiences (Maslow, 1964), de nature mystique, sont décrites comme des moments marqués par
des sensations de bonheur intense, d’émerveillement, accompagnés d’une prise de conscience de l’existence
d’une vérité supérieure.
– les expériences optimales (dites de flow) (Csikszentmihalyi, 1990, 1997). Les expériences aboutissant à un
état de flow impliquent la réalisation de tâches accessibles pour l’individu mais exigeant de sa part une apti-
tude particulière. L’individu, concentré sur sa tâche, poursuit un but clairement identifié. La préoccupation
de soi disparaît et la perception de la durée en est altérée. La navigation sur Internet conduit certains
sujets à l’état de flow (Novak, Hoffman et Yung, 2000).
Préciser le but de l’expérience
– une expérience est dite instrumentale, lorsqu’elle est entreprise pour atteindre un but extérieur à elle-
même, et autotélique, lorsqu’elle est entreprise pour elle-même (Holt, 1995)
– une expérience est dite hédonique lorsque son but est la recherche du plaisir (Hirschman et Holbrook, 1982)
Souligner le rôle du consommateur : D’autres qualificatifs, plus récents, précisent le rôle du consommateur
ou de l’entreprise dans le pilotage de l’expérience (Carù et Cova, 2007) ou sur la « production » de l’expé-
rience. On rencontre ainsi des expériences pilotées par le consommateur ou l’entreprise, ou encore co-
créées, co-construites, co-produites. L’idée est ici, de clarifier les rôles respectifs du consommateur et/ou de
l’entreprise dans la production de l’expérience. Ces termes renvoient au consommateur collaboratif et créatif
identifié comme figure émergente du nouveau consommateur (Cova et Cova, 2009).
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environnements non contrôlés par l’entreprise et lais- raconte une expérience de consommation. Elle cor-
sent au consommateur un degré d’autonomie impor- respond à une approche émique de l’induction, centrée
tant ; (2) les expériences pilotées par les entreprises sur les significations que les acteurs attribuent aux
(company-driven experiences), dans lesquelles les événements et à leurs propres actions (Bergadaà et
consommateurs sont immergés dans des contextes Nyeck, 1992).
hyperréels, thématisés contrôlés par l’entreprise ; La capacité de se rappeler volontairement un sou-
(3) les expériences co-pilotées par l’entreprise et le venir (anamnèse) est indispensable pour en
consommateur (co-driven experiences). L’entreprise construire un récit. Les travaux sur la réminiscence
fournit les conditions de l’expérience, sous la forme éclairent ce qui est à l’œuvre chez un sujet en train de
d’une plateforme expérientielle, le consommateur se souvenir (Webster et Haight, 2002). Wong et Watt
façonne son expérience à partir des éléments proposés (1991) identifient six types de réminiscence (intégra-
et de sa participation active. tive, instrumentale, transmissive, narrative, escapiste
Le modèle P.O.S permet d’étendre le territoire de ou obsessionnelle) qui permettent à un sujet d’acti-
l’expérience à l’ordinaire voire à l’infraordinaire ver, de différentes manières, ses souvenirs.
(Badot et Filser, 2007), de placer cette recherche Pour raconter une expérience, le sujet accomplit
dans une perspective renouvelée par rapport aux pre- un effort de réminiscence et de réflexivité, afin d’en
miers travaux du courant expérientiel. D’esprit inter- activer le souvenir, qu’il façonne ensuite en un récit
actionniste, elle correspond à une remise à plat de la intelligible. Recourir au souvenir comme clé d’accès à
notion, nécessaire compte tenu des objectifs de cette l’expérience d’autrui, implique par conséquent une
recherche. forte dépendance à « la parole de l’autre ». Pour res-
pecter la globalité de cette parole, nous nous intéres-
serons tant à la forme des récits de vie qu’à leur
contenu.

MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Collecte des données

Notre protocole repose sur le recueil de vingt


récits de vie oraux d’expériences. Afin de découvrir ce
Positionnement de la recherche que pouvaient avoir en commun des récits particu-
liers, nous nous sommes assurés d’un bon degré de
Notre objectif poursuit une visée compréhensive. variété et de contraste : (1) dans la constitution pro-
Nous cherchons à mieux conceptualiser, dans une gressive de l’échantillon en variant les profils des
approche inductive, l’expérience de consommation, répondants ; (2) dans la nature des expériences
c’est-à-dire à définir, à partir de données empiriques, racontées, en variant les situations de consommation
les qualités essentielles de cet objet (Bergadaà et (cf. Annexes A1 à A3).
Nyeck, 1992). L’échantillon présente une forte diversité de cas
Notre stratégie d’accès au réel fait appel à la afin d’atteindre une représentativité qualitative et non
méthode des récits de vie, issue du champ de la statistique. Il a été constitué de proche en proche et
sociologie. Bertaux (2005, p. 36) rappelle : « qu’il y a reste de convenance. Les récits, recueillis en face à
du récit de vie dès lors qu’un sujet raconte à une face chez les informants, ont été enregistrés et
autre personne, chercheur ou pas, un épisode quel- retranscrits pour procéder à leur analyse. Vingt récits
conque de son expérience vécue ». Le récit de vie se de vie, d’une durée de quarante minutes à deux
différencie de l’histoire de vie dans la mesure où il ne heures, ont permis d’atteindre un seuil de saturation
reflète pas nécessairement des faits, mais les inter- sémantique (Mucchielli, 1991).
prétations que les acteurs en livrent (Bertaux, 2005 ; Compte tenu des objectifs de cette recherche, le
Özçağlar-Toulouse, 2009 ; Pineau et Le Grand, corpus n’a pas été restreint à des récits d’expériences
1993). Notre recherche s’attache à comprendre le concernant des biens expérientiels, au sens de
sens que le sujet projette sur le monde, lorsqu’il Kwortnik et Ross (2007), c’est-à-dire plaisants,
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signifiants, mémorables. Les informants, libres de confirmabilité, équivalents aux critères de validité
raconter l’expérience de leur choix (cf. Annexe A3), interne, externe, fiabilité et objectivité dans l’ap-
n’ont pas toujours associé l’expérience à un vécu proche positiviste (Lincoln et Guba, 1985 ;
extraordinaire ou plaisant, et ne se sont pas canton- Hirschman, 1986).
nés à la consommation marchande. Plus de deux tiers Pour établir la crédibilité, nous avons présenté et
des récits reclassés a posteriori en fonction de la recueilli l’avis de la moitié des informants de notre
typologie d’Edgell, Hetherington et Warde (1997), échantillon initial sur l’authenticité de l’interpréta-
portent sur des « expériences de consommateur », tion proposée. Cette étape a permis de conforter le
c’est-à-dire des expériences de consommation mar- caractère crédible des résultats.
chande (cf. Encadré 1), les autres récits concernent Pour nous assurer du caractère transférable de
des expériences non marchandes (cf. Annexe A2). De nos résultats, nous avons conduit une analyse post-
même, les expériences de type « consumer-driven », hoc, en recueillant trois nouveaux récits1 et en
c’est-à-dire pilotées par le consommateur, après construisant une interprétation comparative sur la
reclassement a posteriori en fonction de la typologie base des catégories trouvées lors de la première
de Carù et Cova (2007), apparaissent largement phase d’analyse. Cette étape a permis d’établir le
représentées (cf. Annexe A2), ce qui semble indiquer caractère transférable des dimensions de l’expé-
que les répondants ont privilégié des expériences rience.
dans lesquelles ils jouaient un rôle actif. Pour le critère de fiabilité, et bien que n’ayant pas
retenu le double codage comme option méthodolo-
gique de départ (Point et Voynnet Fourboul, 2006),
nous avons sollicité, a posteriori, l’interprétation
d’un chercheur sur deux récits du corpus
(Hirschman, 1986). Les consistances interprétatives
ANALYSE DES DONNÉES
recueillies, nous permettent de considérer le critère
de fiabilité comme satisfait.
Enfin, pour établir le critère de confirmabilité,
nous avons présenté nos notes de terrain et journaux
Analyse de contenu thématique de type sémantique méthodologiques, à deux auditeurs extérieurs à
l’étude, afin qu’ils les mettent en perspective avec
Nous avons recherché ce qu’avaient en commun nos conclusions (Hirschman, 1986). Ces différents
les thèmes abordés dans des récits portant sur des retours ont permis d’identifier certains biais (par
situations de consommation très contrastées. Fondée exemple celui lié au fait que les expériences « consu-
sur le passage de codes descriptifs, à des codes inter- mer driven » étaient très présentes dans le corpus),
prétatifs (Miles et Huberman, 2007) regroupés en mais n’ont pas infirmé les conclusions.
catégories, cette étape a nécessité de nombreux
allers-retours entre les données et les catégories
émergentes. Le passage des codes aux catégories,
lors de la théorisation, relève du codage à visée théo-
rique (Point et Voynnet-Fourboul, 2006), qui prend sa L’ANALYSE DES RÉSULTATS
source dans la grounded theory (Glaser et Strauss,
1967). Ce travail nous a permis d’induire quatre
dimensions (cf. Tableau 1), et de suggérer l’idée d’un
système expérientiel, combinant ces dimensions.
Les dimensions de l’expérience

Estimation de la validité des résultats Quatre dimensions ressortent de l’analyse théma-


tique de contenu (cf. Tableau 1), elles correspondent à
Nous avons soumis nos résultats aux critères de : 1. Les contextes retenus portaient sur la pratique de la moto, la
(1) crédibilité ; (2) transférabilité ; (3) fiabilité ; (4) chasse et une visite en famille dans un Marché de Noël.
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des thèmes structurant les récits d’expérience, quel La dimension « hédonico-sensorielle » :


que soit le contexte expérientiel considéré. une lecture sensible du vécu

La seconde dimension identifiée a été qualifiée


La dimension « praxéologique » : d’« hédonico-sensorielle ». Hédonique pour renvoyer à
le sujet agissant la polarité plaisir - déplaisir associée à l’expérience
rapportée, et sensorielle, car le plaisir est décrit le
Dans chacun des récits de vie analysés, le sujet plus souvent au travers d’une lecture sensible du
raconte ce qu’il a fait pendant l’expérience, et com- contexte expérientiel.
ment il a réagi à ce qui « lui a été fait ». L’action, « Le bruit...les lumières, la fumée...que cela fasse
qu’elle soit instrumentale, hédonique, banale ou hau- de plus en plus de bruit ça on adore » – (récit 8). « Au
tement signifiante, qu’elle implique des éléments fil des semaines, j’ai vu arriver des légumes bizarres
physiques du contexte ou d’autres personnes, est pré- dans les paniers de l’association. Ils avaient des
sente dans l’ensemble des récits. formes biscornues, ils étaient pleins de terre et fran-
La première dimension de l’expérience qui res- chement ils me dégoûtaient un peu. Je ne savais pas
sort de l’analyse est la dimension « praxéologique ». quoi en faire et ils pourrissaient vite. » – (récit 20).
L’action, comportement intentionnel de l’individu Les récits étudiés contiennent tous une évaluation
sur son environnement, est l’objet de la praxéologie. thymique (Hébert, 2007) de l’épisode vécu articulée
La dimension « praxéologique » rend compte des autour de polarités euphorique/ dysphorique, positif/
actions conduites lors d’une expérience de consom- négatif ou plaisir/déplaisir. La polarité plaisir/déplaisir
mation. Cette dimension recouvre les manières de a pu être identifiée comme formant le noyau central
faire, parfois ritualisées, qui caractérisent certaines des représentations de l’expérience (Roederer,
pratiques de consommation. « J’ai une idée assez 2012a). L’expression du plaisir semble devoir passer,
précise de ce que je veux exactement...puis évidem- dans la plupart des récits, par le prisme de la sensoria-
ment ensuite je change de mot clé..enfin parfois je lité pour être restituée dans un récit. On retrouve ici le
descends deux trois pages après..je descends deux lien entre expérience et consommation hédonique
trois pages dans la recherche là je trouverai un établi depuis les débuts du courant expérientiel
article un peu plus proche, donc je modifierai mes (Hirschman et Holbrook, 1982). Cette dimension
mots clés [...] » (récit 7) « Il faut que cela reste un pourrait être approfondie par une approche des émo-
certain cérémonial ensuite il y a les petits caque- tions (Ekman, 1982,1992 ; Derbaix et Filser, 2011)
lons...il y a les petites fourchettes...il y a tout un céré- qui permettrait de préciser la nature des émotions
monial autour de l’escargot... » (récit 16). activées pendant l’expérience. La dimension « hédo-
Les intitulés des deux premières formes des récits nico-sensorielle » suggère que la polarité plaisir –
identifiées, reflètent la centralité de la dimension déplaisir constitue une manière synthétique et en partie
« praxéologique » dans l’expérience (« descriptions socialement codifiée que le sujet utilise pour raconter
d’activités », « rituels décryptés »), mais la dimen- une expérience. La dimension est présente dans les
sion « praxéologique » se retrouve également dans trois formes de récits repérées dans le corpus.
les récits de type « épisodes bouleversants ». Tous les
récits de vie étudiés dans cette recherche mettent en
scène soit des actions sur des objets (object actions), La dimension « rhétorique » :
soit des actions interpersonnelles (interpersonal la production de sens
actions) au sens de Holt (1995) et parfois les deux.
Les interactions entre personnes sont très centrales La troisième dimension repérable concerne le
dans certains récits (2, 8, 16, 20), et totalement sens de l’expérience, ou si l’on veut, le sens du récit
absentes d’autres entretiens (3, 4, 5, 7). qui en est fait. La « rhétorique » désigne l’art de per-
suader par le discours, l’art d’agir par la parole
(Douay-Soublin, 2006). La dimension « rhétorique »
de l’expérience concerne le discours symbolique pré-
sent dans les récits, dans une certaine mesure au ser-
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vice du récit, et contribuant à exprimer l’identité du Le « rapport au temps » de l’expérience


narrateur.
Cette dimension apparaît duale, puisqu’elle se Belk (1975) identifie le temps comme variable
manifeste sous la forme de différents signes dont un situationnelle, au même titre que l’environnement
objet, un lieu ou une pratique peuvent être porteurs, physique, social, la définition des rôles ou les états
mais aussi sous la forme du sens global de l’histoire propres à l’individu. Le temps est un des inputs du
que raconte l’expérience. On peut en effet repérer consommateur dans l’expérience (Holbrook et
dans les récits, des éléments qui possèdent une forte Hirschman, 1982). Becker (1976) a montré l’impor-
valeur de signe, ainsi le thé Mariage Frères, « ...déjà tance de la ressource temps dans l’approche de la
c’est un bon thé, je l’achète à Paris, chez Mariage consommation des ménages et sa prise en compte
Frères.. je suis très épicurien et je m’embête pas... » dans la maximisation de l’utilité recherchée par le
(récit 6) ou l’automobile « Si tu prends le cadre fami- consommateur. Macar (1981) souligne la variabilité
lial au départ [...]. Leur ascension sociale est liée à la du temps « vécu » et identifie comme facteurs d’insta-
voiture...enfin c’est le symbole de ça. » (récit 9). bilité de l’expérience temporelle, les variables motiva-
Ces objets sont les vecteurs d’une partie de la tionnelles et attentionnelles.
dimension « rhétorique » liée aux caractéristiques Le corpus étudié présente une bonne variété dans
d’un contexte expérientiel donné. Cependant, il le rapport au temps de l’expérience. Plusieurs récits
existe une autre facette de la dimension « rhétorique » présentent l’expérience comme une façon d’occuper
construite au fil du récit, portant sur le sens plus son temps, de « le tuer ». « Comme je fais beaucoup
général que le sujet attribue à l’expérience rapportée et de route, j’écoute de grands classiques et je ne vois
qui peut souvent se résumer par une métaphore. pas le temps passer. » (récit 14) ou l’intensifier
Ainsi, si l’on considère le récit 1 qui porte sur un « Parce que jouer en réseau, c’était comme une
déjeuner dans un restaurant Tiger Wok, les flammes drogue... ça s’appelait Counter Strike...et...on avait
et les wokers sont porteurs de la dimension « rhéto- vraiment tout le temps envie de jouer [...] et on arrivait
rique » incorporée aux éléments du contexte (ici, le
pas à s’arrêter on était plongés dedans, on oubliait
mode de cuisson des aliments et le rôle du personnel
tout. » (récit 11).
en contact avec les clients constituent des signes
Le temps n’y est pas abordé comme une res-
d’altérité, marquant une différence par rapport aux
source mais plutôt comme un problème à résoudre
restaurants « traditionnels »). Ils vont contribuer à la
puisqu’il s’agit pour le sujet de s’occuper, voire de
dimension « rhétorique » construite au fil du récit,
combattre l’ennui.
qui correspond ici à la métaphore du voyage exo-
L’expérience devient alors un moyen de « ne pas
tique. « Quand je déjeune là-bas, je sais pas... c’est
voir le temps passer ». À titre d’exemple, l’état rap-
peut être le décor, ce que l’on mange, ou les gars qui
porté dans le récit sur le jeu en ligne (récit 11), rappelle
font cuire dans leurs grands woks, mais j’ai l’impres-
l’état de flow, identifié par Csikszentmihalyi (1990,
sion de voyager en Asie...c’est relaxant. » – (récit 1).
1997) c’est-à-dire une activité que le sujet maîtrise et
Au-delà de ces exemples, la dimension « rhéto-
qui l’absorbe au point de lui faire perdre ses repères
rique » de l’expérience est présente dans l’ensemble
spatio-temporels. Dans cet exemple, un des bénéfices
des récits, précisément parce que ce sont des récits.
de l’expérience réside précisément dans cet « oubli
Pour certains récits factuels de la catégorie « descrip-
du temps ».
tions d’activités », le sens de l’histoire tient parfois à la
D’autres récits abordent la question du temps
fonctionnalité d’un élément du contexte (récit 7), ou au
plaisir retiré d’une lecture (récits 3 et 4). Pour sous l’angle du contrôle que le sujet exerce ou sur la
d’autres récits du type « épisodes bouleversants » ou « durée qu’il subit. L’attente mal supportée (récit 19)
rituels décryptés », le sens est plus complexe, il est illustre ce point. « J’étais déjà venue la veille et l’on
souvent lié au rapport au temps de l’expérience, que m’avait dit de revenir le lendemain matin [...] et là, il a
nous avons identifié comme quatrième dimension de fallu attendre ...comme si on n’avait que cela à faire ».
l’expérience. Le temps de l’expérience est, dans ce cas, envisagé
comme une ressource rare, que le sujet n’entend pas
gaspiller. La place dans la file « d’attente » devient
un enjeu de pouvoir symbolique. Enfin, d’autres
04-Roederer 28/11/12 11:58 Page 89

Contribution à la conceptualisation de l’expérience de consommation 89

Tableau 1. – Analyse de contenu thématique des récits de vie

Catégories Description
Dimension praxéologique Éléments du discours concernant les actions et les
activités
- actions sur objet consommé ou interaction avec
objet consommé
- interactions avec autres personnes présentes pen-
dant l’expérience
Dimension hédonico-sensorielle Éléments du discours concernant les aspects phy-
siques et sensoriels du contexte expérientiel, que ce
soit dans des polarités positives ou négatives
– plaisir
– déplaisir associé à l’expérience
Dimension rhétorique Eléments du discours liés au sens attribué à l’expé-
rience, concernant :
– la valeur symbolique d’un élément du contexte
(produit consommé, lieu de consommation, compa-
gnons ...)
– le sens plus global de l’histoire que « raconte »
l’expérience, l’expérience comme métaphore
Le rapport au temps de l’expérience Eléments du discours portant sur le thème du temps -
– le temps durée
– le temps rythme
– le temps ressource à contrôler

récits envisagent le temps comme un rythme à pacifier. contrôler la durée de l’expérience. La perception du
Le temps de l’expérience y est présenté comme un temps de l’expérience comme moyen d’agir sur un
moyen de ralentir le quotidien jugé trop rapide et rythme qui dépasse le sujet, relève plus de la dimen-
intense. « [...] la buveuse de thé, elle n’est pas forcé- sion « rhétorique » de l’expérience, dans sa compo-
ment jeune non c’est quelqu’un que ça doit prendre sante construite, telle que nous l’avons définie précé-
plutôt à l’âge de la maturité, quand on ne court pas demment. Cependant le rapport au temps est, dans
trop non plus puisque c’est un moment d’arrêt... » l’ensemble des cas, un élément constitutif du sens du
(récit 5). récit qui est fait de l’expérience.
Le sujet consacre donc le temps de l’expérience,
pour agir symboliquement sur un rythme plus général
au travers d’une pratique (récit 2) ou la consomma-
tion d’un produit (récit 5).
Selon les récits, le temps de l’expérience est pré- DISCUSSION ET IMPLICATIONS
senté : (1) comme une durée creuse à combler ; (2)
comme une durée-ressource à contrôler ; (3) comme
une durée ressource investie pour suspendre ou ralentir
symboliquement le rythme du temps. Les deux pre- Cette recherche est la première, à notre connais-
mières perceptions du temps vont contribuer à enri- sance, à proposer des dimensions acontextuelles de
chir la dimension « praxéologique » de l’expérience, l’expérience de consommation : une dimension
puisque le sujet va agir pour occuper le temps ou « praxéologique » traitant du sujet agissant, une
04-Roederer 28/11/12 11:58 Page 90

90 Claire Roederer

dimension « hédonico-sensorielle » liée à une lecture une typologie des consommateurs en fonction de la
sensible et à une évaluation thymique du contexte manière dont ces derniers réagissent à une expé-
(Hébert, 2007), une dimension « rhétorique » atta- rience de marque. Les consommateurs « hédonistes »
chée au sens de l’expérience et enfin une dimension sont plus réceptifs aux stimulations sensorielles, les
« rapport au temps » de l’expérience. L’intérêt des consommateurs « orientés vers l’action » sont plus
résultats réside, en partie, dans l’effort de décontex- sensibles aux dimensions comportementales de l’ex-
tualisation qui a guidé la recherche du « plus petit périence. Les consommateurs « holistiques » vont
dénominateur commun » à toute expérience. être réceptifs à l’ensemble des dimensions d’une
expérience de la marque (sensorielle, dirigées vers
l’action, sollicitant la réflexion), tandis que les
Liens avec les modèles expérientiels antérieurs consommateurs « inner directed » vont particulière-
ment faire attention aux processus internes se dérou-
Nos résultats indiquent que si chaque expérience lant pendant l’expérience (sensations, émotions, pen-
est contingente au contexte, il est cependant possible sées). Enfin, les consommateurs « utilitaires » sont
d’envisager des dimensions, structurant le souvenir moins sensibles aux stimuli de l’expérience de
de l’expérience que le sujet se construit. Par rapport marque proposée. Mise en parallèle avec les dimen-
aux modèles abordés dans notre revue de la littéra- sions de l’expérience identifiées dans notre
ture, les dimensions de l’expérience catégorisent ce recherche, cette typologie suggère l’idée d’un sys-
que le sujet vit pendant l’expérience lorsqu’il mobilise tème expérientiel, formé des relations entre les quatre
une activité psychique pour interagir avec les élé- dimensions, et activé, pendant l’expérience, par le
ments d’un contexte (Mehrabian et Russel, 1974). sujet en fonction de ses caractéristiques propres et du
Ces dimensions sont accessibles parce qu’elles per- contexte expérientiel, puis recomposé lorsqu’il
durent dans le souvenir de l’expérience, dont elles raconte l’expérience. Le processus de construction
structurent les récits que l’on peut en recueillir. Ces du souvenir par la mise en récit de l’expérience, per-
dimensions complètent la lecture du système de met de comprendre ce mécanisme. À partir d’un
réponse du consommateur (Intervening Response vécu et de la forme de réminiscence qu’il adopte,
System) (Holbrook et Hirschman, 1982) et des inter- chaque sujet construirait un système expérientiel,
actions TEAV (Hirschman et Holbrook, 1986). Ces structuré autour des dimensions de l’expérience. Il
deux modèles décrivent, en effet, le mécanisme qui est possible que la forme de réminiscence (Wong et
aboutit à activer les dimensions de l’expérience iden- Watt, 1991) adoptée par le sujet puisse être considérée
tifiées dans cette recherche. comme une trace du système expérientiel mis en
œuvre. Ainsi la réminiscence intégrative qui sert à
nourrir un sentiment de valeur de soi et la cohérence
Vers un système expérientiel ? par rapport au passé, et la réminiscence transmissive
qui vise à transmettre un héritage culturel ou person-
L’analyse de récits montre que les dimensions nel, semblent liées à la dimension rhétorique de l’ex-
identifiées entretiennent des relations entre elles. périence. La réminiscence instrumentale mettant en
Ainsi, les interactions avec d’autres personnes peu- avant les activités orientées vers des buts, semble
vent-elles nourrir la dimension rhétorique d’une plus proche de la dimension praxéologique.
expérience et la dimension hédonico-sensorielle. Le Mais, l’idée de système expérientiel et son lien
rapport au temps peut à la fois générer du sens, du hypothétique avec la forme de réminiscence ne font
plaisir, ou engager le sujet dans l’action quand, par qu’émerger de l’analyse et devraient être confirmés
exemple, le temps est envisagé comme une ressource à par des recherches ultérieures.
contrôler. Il semble qu’une expérience corresponde à
une sorte de dialogue entre le plaisir, le sens, l’action et
le temps, et dans des polarités positives ou négatives. Implications
Les travaux de Zarantonello et Schmitt (2010) ren-
forcent l’idée d’un système expérientiel qui émerge L’identification des quatre dimensions ouvre des
de notre recherche. En effet, ces auteurs proposent perspectives tant théoriques que managériales. Sur
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Contribution à la conceptualisation de l’expérience de consommation 91

un plan théorique, les résultats permettent de proposer stratégies expérientielles (Roederer, 2012). Elles
une conceptualisation de l’expérience de consomma- peuvent s’envisager comme des leviers, à considérer
tion comme une interaction P.O.S (Punj et Stewart, séparément ou ensemble et à hiérarchiser selon les
1983) aboutissant à un ensemble de résultats, dont contextes considérés, pour développer ou restaurer
son souvenir. L’approche de l’expérience par le sou- un avantage concurrentiel (Trinquecoste, 1997,
venir permet une disjonction entre les résultats de 1999). Les expériences, lorsqu’elles sont coproduites
l’expérience tels que la valeur ou la satisfaction et la par le consommateur et l’entreprise, développent un
construction mentale sous laquelle l’expérience per- degré d’unicité qui les abrite en partie du processus
dure dans l’esprit du consommateur. de banalisation menaçant l’offre commerciale, pen-
D’un point de vue managérial, ces résultats peu- sée traditionnellement en termes de produits et/ou
vent être mis à profit dans les deux types de straté- services (Prahalad et Ramaswamy, 2004 ; Vargo et
gies expérientielles envisageables par l’entreprise : Lusch, 2004).
(1) la stratégie de création d’une offre d’expérience ;
(2) la stratégie de différenciation par l’expérience
(Filser, 2002). Perspectives et limites
Les dimensions de l’expérience peuvent être utili-
sées pour scénariser des scripts expérientiels équili- Les résultats de cette recherche ne sont pas
brés et enrichir le sens d’une expérience. Elles peuvent exempts de limites. L’échantillon de convenance, et
aussi être considérées, une à une, pour renouveler le la composition du corpus de récits constituent des
positionnement d’une offre en investissant sur une limites méthodologiques. Au lieu de laisser les infor-
dimension plus particulière de l’expérience. mants raconter l’expérience de leur choix, nous
Au-delà de la dimension hédonico-sensorielle, aurions pu border le corpus en recherchant a priori
très investie par les pionniers de l’expérientiel, les des expériences correspondant aux typologies exis-
dimensions praxéologique et rhétorique ouvrent de tantes (Holbrook, 1999 ; Carù et Cova, 2007 ; Pine et
nombreuses possibilités de créer des offres d’expé- Gilmore, 1999). L’option retenue, si elle s’explique
rience différenciées. par un souci de mise à plat de la définition de l’expé-
À titre illustratif, lorsque le musée Zadkine à rience, sans préjuger de son intensité ou de son
Paris propose une nuit blanche, pendant laquelle les caractère hédonique, constitue une limite. Par
visiteurs sont invités à pédaler pour produire l’élec- ailleurs, la capture de la phénoménologie de l’expé-
tricité nécessaire à une mise en lumière inédite des rience par le récit, constitue à la fois un choix métho-
œuvres, on est en présence d’une stratégie de créa- dologique et une limite. Le fait de demander à un
tion d’une offre d’expérience à part entière. Cette sujet un effort analytique de déconstruction d’un tout
stratégie investit la dimension praxéologique de l’ex- holiste, l’expérience, pour le reconstruire sous la
périence, en faisant participer les visiteurs, et la forme d’un récit, implique forcément qu’une part de
dimension rhétorique, en les rendant co-créateurs l’expérience échappe à l’analyse. De plus le choix
d’un happening, donc un peu artistes eux-mêmes. méthodologique des récits de vie, peut aussi amener à
Cette offre renouvelle la manière de « consommer » un se demander si la dimension rhétorique identifiée
musée, en la rendant unique puisque co-construite n’est pas un artefact du mode d’accès au réel retenu.
par la participation de chaque visiteur. Pour lever cette limite, il conviendrait, dans une
La distinction qu’ont pu établir Merle, Chandon étape ultérieure, de mesurer cette dimension par une
et Roux (2008) entre la valeur du produit et la valeur autre approche méthodologique, par exemple un outil
du co-design, confirme que la dimension « praxéolo- déclaratif. Cette triangulation des méthodes permet-
gique » qui renvoie au caractère consumer-driven trait de renforcer la validité externe des résultats.
(Carù et Cova, 2007) de l’expérience, permet d’éla- Les limites énoncées constituent des pistes de
borer des nouveaux schémas d’offre plus valorisés recherche pour l’avenir. Nous entrevoyons cinq pers-
par le consommateur. pectives pour prolonger le travail entrepris. Ces voies
Les exemples pourraient être multipliés, mais de recherche concernent : (1) la conceptualisation de
l’idée principale est de souligner que les dimensions de l’expérience dans sa composante collective ; (2) la
l’expérience constituent une grille de pilotage des capture du temps réel de l’expérience ; (3) la
04-Roederer 28/11/12 11:58 Page 92

92 Claire Roederer

construction d’une échelle de mesure des dimensions Csikszentmihlyi M. (1997), Finding flow: the psychology
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94 Claire Roederer

ANNEXES

A1. – PROFILS DES INFORMANTS ET CORPUS D’EXPÉRIENCES

Récit Corpus de récits Bref descriptif de l’expérience Sexe Age Activité

1 Déjeuner au Tiger Wok Un repas pris dans un restaurant F 43 mère au foyer


exotique et du voyage imaginaire
qu ’il provoqu e
2 Se promener en forêt Une promenade, en forêt, avec des F 40 architecte
amis, pour se ressourcer au rythme
de la marche
3 Lire un Harry Potter La lecture du best-seller Harry F 14 collégienne
Potter, par une lectrice passionnée,
le soir dans sa chambre
4 Lire Les dix petits nègres La lecture du roman policier H 15 collégien
d’Agatha Christie, par un lecte ur
occasionnel
5 Boire du thé La dégustation du thé, chargé de F 70 retraitée de
significations, comme un moyen de l'enseignement
ralentir le temps
6 Boire du thé à deux La dégu station d’une tasse de thé, H 50 huissier de justice
comme un moment de complicité
d’un couple
7 Rechercher des Une recherche efficace H 18 étudiant
informations sur Internet d’inform ation s dans le cadre du
travail scolaire
8 Faire sauter des pétards Un temps fort entre copains, dont la H 15 collégien
au jour de l’An préparation fait autant plaisir que le
fête elle-même
9 Partager son automobile Une autre façon de consommer H 42 responsable d'une
l’autom obile au sein d’un e association
association, sans posséder le
véhicule
10 Aller chez le coiffeur Un moment ordinaire, instrumental F 50 médecin
et sensoriel
11 Jouer en ligne à Counter Le jeu en ligne et son côté addictif H 17 lycéen
Strike

12 Faire du « lèche-vitrine » Le « lèche vitrine », pour passer le H 17 lycéen


à la Fnac te m ps entre deux cours et s’inform er
13 Assister à un concert Les ém otion s et pensées d’un F 50 enseignante
spectateur pendant un concert de
musique classique
14 Ecouter de la musique Le vécu d’un autom obiliste amate ur H 50 dentiste
dans la voiture de musique classique

15 Entretenir une tombe L’épreuve liée à des soucis F 70 retraitée


administratifs autour de l’entretien
d’une tombe
16 Manger des escargots à Un rituel familial autour de la F 60 écrivain
la Toussaint dégu station d’un plat

17 Manger un gâteau La dégu station, très sensorielle, d’un H 15 collégien


d'anniversaire au vin gâte au d’ann iversaire
rouge
18 Préparer un gâteau La confection d’un gâte au F 45 mère au foyer
d’ann iversaire d’ann iversaire pour un enfant

19 Louer des raquettes au Le vécu d’un Gentil Mem bre au Club F 45 commerciale
Club Med Med et les interactions houleuses
entre GM et GO
20 S'abonner au panier de La consommation de légumes F 44 employée
légumes bio dérou tants pour l’inform ante administrative
04-Roederer 28/11/12 11:58 Page 95

Contribution à la conceptualisation de l’expérience de consommation 95

A 2. – RÉCITS DE VIE SELON LES TYPOLOGIES D’EDGELL, HETHERINGTON ET WARDE (1997)


ET DE CARÙ ET COVA (2007)

Récit Corpus de récits Expérience de Expérience Expérience Expérience Typologie Carù


consommateur de citoyen de famille d’amitié et Cova (2007)

1 Déjeuner au Tiger Wok X Company-driven

2 Se promener en forêt X X Consumer-driven

3 Lire un Harry Potter X Consumer-driven

4 Lire Les dix petits nègres X Consumer-driven

5 Boire du thé X Consumer-driven

6 Boire du thé à deux X Consumer-driven

7 Rechercher des informations sur X Co-driven


Internet
8 Faire sauter des pétards au jour de X Consumer-driven
l’An
9 Partager son automobile X Co-driven

10 Aller chez le coiffeur X Company-driven

11 Jouer en ligne à Counter Strike X Consumer-driven

12 Faire du « lèche-vitrine » à la X Consumer-driven


Fnac
13 Assister à un concert X Company-driven

14 Ecouter de la musique dans la X Consumer-driven


voiture
15 Entretenir une tombe X Co-driven

16 Manger des escargots à la X Consumer-driven


Toussaint
17 Manger un gâteau d'anniversaire X X Consumer-driven
au vin rouge
18 Préparer un gâte au d’ann iver
saire X Consumer-driven

19 Louer des raquettes au Club Med X Company-driven

20 S'abonner au panier de légumes X Co-driven


bio
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96 Claire Roederer

A 3. – MODALITÉS DE RECUEIL DES RÉCITS DE VIE

Lors d’une phase pilote, au cours de laquelle il a été demandé aux personnes interviewées de raconter spontanément
une expérience de consommation de leur choix, nous avions pu constater que l’expression même d’ « expérience de
consommation » n’était pas forcément comprise ou bien était volontiers associée à des expériences d’achat, ce qui
pouvait s’avérer réducteur. De ce fait, la formulation d’ouverture du discours a été prévue selon les étapes,
décrites ci-dessous.
A) Formulation d’ouverture « Pouvez-vous me raconter une expérience de consommation récente ? »
B) Relance dans le cas où l’informant ne voit pas ce que l’on entend par expérience de consommation : « Par expé-
rience de consommation, on veut parler ici de situations de consommation d’un produit, d’un lieu, ou même d’un
moment particulier, dont vous vous souvenez pour une raison ou une autre.»
Dans le cas où l’informant demandait un exemple, nous donnions les exemples suivants : visite dans un parc à
thème, assister à un cours, faire ses courses, dîner au restaurant avec des amis.
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