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Le terme de rencontre désigne ici les arrangements que filles et garçons mettent en
place pour se retrouver soit seuls, soit dans un groupe. L’objectif est clair pour les deux
partenaires : il s’agit de se retrouver en couple pour entreprendre des relations à caractère
hétérosexuel.
Zani (1993) a systématiquement relevé dans les résultats de recherche les multiples
fonctions que divers auteurs attribuent à ces expériences nouvelles de rencontre avec
l’autre sexe :
Projeter une rencontre avec une personne de l’autre sexe est une tâche ardue à tout
âge, mais il s’agit d’une aventure périlleuse lorsqu’on a 12,13 ou 14 ans. Il faut aborder
l’autre, proposer une rencontre, faire connaître ses intentions sinon ses sentiments, poser
des gestes affectueux, toutes choses qui ne font guère partie du répertoire des habiletés
sociales des adolescents. Il faut également anticiper le refus possible. Pour de nombreux
adolescents, envisager une telle rencontre constitue une source d’anxiété paralysante.
Certains obstacles personnels, comme une image corporelle négative, de l’insécurité
sociale, un manque d’habiletés interpersonnelles ou une sensibilité excessive au rejet,
feront que certains adolescents vont simplement repousser toute forme de rencontre avec
un partenaire de l’autre sexe.
Garçons et filles diffèrent également dans leurs attitudes à l’égard des activités
sexuelles : les garçons ont des attentes sexuelles plus précoces et ils perçoivent les
rencontres amoureuses comme le lieu de réalisation des pulsions sexuelles. Les filles
estiment que la sexualité, l’amour et l’engagement émotionnel ne peuvent être séparés.
Le fait de subir des pressions indues pour s’adonner à des relations sexuelles est souvent
cité par les filles comme source de tension dans le couple (Knox et Wilson, 1983).
TABLEAU 1. Émergence des besoins sociaux de la petite enfance à l'âge adulte et figures centrales
pouvant répondre à ces besoins
Le fait d’être engagé dans une relation de couple offre plusieurs sources de
satisfaction, particulièrement dans le cas des filles (Zani, 1993). Divers bénéfices
personnels et sociaux sont associés aux relations hétérosexuelles : être l’objet des
attentions du partenaire, inspirer le respect à ses pairs, acquérir un statut social supérieur,
gagner de l’assurance en matière de séduction. Au-delà de ces gains sociaux, il faut se
demander si le fait d’être engagé dans une relation amoureuse entraîne des effets
bénéfiques sur le développement personnel et social des adolescents. Si de multiples
études démontrent clairement qu’il existe un lien entre la qualité des liens parentaux ou
des liens d’amitié et l’adaptation personnelle des adolescents, tel n’est pas le cas des
relations amoureuses. Il semble même que l’engagement dans une relation amoureuse
intense et sélective entraîne chez les adolescents une série d’effets négatifs en ce qui
regarde l’adaptation psychologique, la construction de l’identité et les capacités
d’actualisation de soi (Samet et Kelly, 1987).
On a mentionné plus haut que les filles qui connaissent des problèmes de
dépression au terme de la puberté sont bien plus nombreuses que les garçons
(Braconnier et al, 1995). La plupart des auteurs relient cette augmentation des troubles
dépressifs à la détérioration de l’image corporelle des filles au terme des transformations
pubertaires. Sans nier ce fait, Joyner et Udry (2001) estiment que l’engagement dans des
relations amoureuses constitue un autre facteur qui expliquerait l’accroissement du taux
de dépression chez les filles. Ils ont pu observer que les adolescentes qui sont engagées
dans des relations amoureuses développent plus de symptômes de dépression que celles
qui ne s’engagent pas dans ce type de relations. Les engagements amoureux
entraîneraient ainsi chez les adolescentes une forme de « vulnérabilité » émotionnelle qui
augmente les risques de dépression. On a signalé plus haut les grandes divergences entre
filles et garçons dans la façon de s’investir dans les relations amoureuses : les attentes
des filles sont plus élevées et leur engagement affectif plus intense. Sans doute faut-il y
voir une explication de la vulnérabilité émotionnelle des filles engagées dans des relations
amoureuses, car ces divergences créent de multiples sources d’insatisfaction, sinon des
ruptures et des peines d’amour.
On sait, par exemple, que les comportements sexuels des adolescents qui vivent
dans les sociétés occidentales ont beaucoup évolué au cours de la seconde moitié
du XXe siècle. Les quelques résultats d’enquête dont on dispose indiquent que, au cours
des années 1950, une minorité d’adolescents avaient connu une expérience
hétérosexuelle complète. Kinsey et ses collaborateurs (1948, 1953) rapportent des
chiffres de 10 % de garçons et 3 % de filles ayant connu au moins une expérience sexuelle
à 16 ans. La plupart des enquêtes récentes fournissent des pourcentages beaucoup plus
élevés et indiquent qu’au terme des études secondaires, vers 17 ans, près de 50 % des
adolescents et des adolescentes ont eu, au moins une fois, une expérience sexuelle
complète. Ces chiffres grimpent à plus de 80 % à 19-20 ans (King et al., 1988). En même
temps, on constate une précocité croissante des premières expériences sexuelles : chez
les adolescents qui ont eu des expériences sexuelles, la moyenne d’âge de la première
relation sexuelle est de 15,5 chez les garçons, de 16 ans chez les filles. L’évolution des
mœurs sexuelles dans toutes les sociétés occidentales et l’accès généralisé aux moyens
contraceptifs ont rapproché la sexualité de l’éveil pubertaire. Les relations sexuelles font
désormais partie de ce qu’on peut appeler les réalités normatives de l’adolescence,
autrement dit la majorité des individus, garçons et filles, ont eu au moins une expérience
sexuelle au terme de l’adolescence. L’évolution des valeurs et des attitudes à l’égard de
la sexualité est tout aussi frappante que le changement des comportements. La morale
sexuelle des adolescents occidentaux est dictée aujourd’hui par des considérations
personnelles, plutôt que par des normes sociales ou religieuses (Coleman et Hendry,
1990). La plupart des adolescents contemporains considèrent que sexualité et relations
amoureuses sont intimement reliées et pratiquement tous acquiescent à la proposition
suivante : « Deux jeunes qui s’aiment ont le droit d’avoir des relations sexuelles, même
s’ils ne projettent pas de vivre ensemble plus tard. » Les relations sexuelles sont
considérées comme acceptables et naturelles dans le cadre d’une relation amoureuse. La
virginité, qui fut l’objet d’une véritable sacralisation par les générations précédentes, est
une autre dimension qui a considérablement perdu de sa valeur aux yeux des adolescents
contemporains (Coleman et Hendry, 1990). Les adolescents engagés dans une relation de
couple sont susceptibles d’être initiés plus tôt à la sexualité. C’est au sein des couples
que prennent place les premiers gestes sexuels et l’engagement émotionnel dans le
couple s’accompagne d’un recours à la sexualité de plus en plus fréquent. Le registre des
gestes sexuels considérés comme acceptables augmente au fur et à mesure que les
partenaires s’engagent émotionnellement. Les adolescents qui ont des relations
amoureuses précoces et qui développent une relation durable ont également des relations
sexuelles plus précoces, ils auront plus de partenaires sexuels au cours de l’adolescence
et seront plus actifs sexuellement au terme de l’adolescence (Thomton, 1990).