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PARISSE Eva / HIST-B2 /eva.parisse@ulb.

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HAAR-B-245 : Travaux dirigés, XIXe siècle / M. Sébastien Clerbois / LAMBEAUX,


Jozef(jef) ,1852-1908, La folle chanson, 1902. Saint Gilles/ville , square Marguerite ,avenue
Palmerston.

Année académique 2022-2023 / Premier quadrimestre


Table des matières
Introduction............................................................................................................................ 3
Analyse de la Folle chanson de Jef Lambeaux........................................................................3
Conclusion...............................................................................................................................7
Bibliographie...........................................................................................................................8
Bibliographie générale........................................................................................................8
Bibliographie spécialisé.......................................................................................................8
Table des illustrations............................................................................................................. 9
Introduction

Le 16 juillet 1902, à la demande de la ville de Bruxelles, est placée sur le Square Marguerite à St Gilles
une sculpture en bronze nommée « la Folle Chanson ». Cette œuvre, de Jef Lambeaux , représente
une nymphe jouant de la castagnette qui murmure à un vieux satyre qui lui sourit tout en repoussant
un jeune congénère. Cette sculpture est très souvent évoquée dans des ouvrages traitant de Jef
Lambeaux comme par exemple, « L’amant de la matière » ou encore « La passion du faune ».
Toutefois, aucun travaux d’analyse ne lui a été complètement dédié.
Je vais donc m’efforcer de le faire tout au long de ce travail.

Analyse de la Folle chanson de Jef Lambeaux

Au 19ième siècle , Bruxelles voit ses frontières s’étendre . Cette extension est provoquée par un exode
rurale conséquent en cause, la révolution industrielle en plein essor en cette période.
Ces nouveaux quartiers encore vierge de tout influence , vont être le théâtre privilégié de la rivalité
qui fait rage en Belgique au 19 ième siècle entre le gouvernement à tendance catholique qui soutient
Leopold II et la villes de Bruxelles et ses communes, majoritairement libérales.
Ils vont ainsi s’adonner à une véritable course aux grands travaux afin d’affirmer leur autorité sur ces
nouveaux territoires, donnant lieu à une vague de statuaire publique.
C’est dans ce contexte politique particulier qu’aura lieu la commande de la Folle chanson de Jef
Lambeaux à la suite de l’extension de la commune de Saint gilles . Ce groupe va connaitre une
première version en 1884 , présenté par l’artiste au Salon de Bruxelles. Elle va être jugée trop osée et
sera vivement critiquée. Pourtant, le 10 juin 1898, le conseil communal de Bruxelles, après une visite
de l’atelier souhaitera l’acquérir (S.Clerbois,C.Pirson,M.Wautelet,A.Thibaut,2008,pp.22,33-34). Si la
commande va bien avoir lieu le 24 juin 1898, la statue ne fit pas l’unanimité pour autant, les
membres catholique du conseil la jugeant trop provoquante voir pornographique .
Ainsi La Folle chanson sera le cœur d’un conflit interne à l’image de celui qui a eu lieu entre le
gouvernement et la ville de Bruxelles. Les avis sont donc très partagés par rapport à ce groupe
comme le montre ces extraits de journaux : Le Patriote (tendance catholique), il s’adresse
directement au bourgmestre de Bruxelles , « Monsieur Buls exposeriez-vous ces choses- là sous le
regard de vos petites nièces ? »(Derom,2000,pp118-119); Le soir(tendance libérale), le 17 juin 1898,
« il est presque que certains que la ville fera l’acquisition proposée. En cédant devant les
imaginations et les préventions de certains de ces membres, l’assemblée commettrait ce que l’on
peut appeler une gaffe .» La ville de Bruxelles étant majoritairement libérale malgré les tensions le
contrat sera signé le 4 juillet 1898 pour un montant de 25000 Fr, la statue sera posée sur un socle
préexistant en pierre et devait originellement trôner au square Ambiorix. Le modèle grandeur
exécution achevée à la mi-octobre, arrivera aux atelier du fondeur Petermann, dirigeant de la
fonderie national des bronzes, à la fin mars 1901. La conception du bronze prendra du retard ainsi le
4 mars 1902, Lambeaux demandera au bourgmestre un allongement du délais , ce qu’il va lui
accorder.(Derom,2000,pp118-119)En juin 1901, malgré cela, un essaie aura lieu au square Ambiorix
avec un plâtre. Celui-ci sera déplacé ensuite au square Marguerite , place beaucoup moins passante ,
à la demande de la ville de Bruxelles surement sous la pressions des conflits internes comme le
suppose le journal le soir dans sa revue du 28/06/1901. La version en bronze, quant à elle sera
placée le 16 juillet 1902 au square Marguerite . Le journal le soir du 2/10/1901, fait également
mention de décoration en bronze qui aurait dû originellement orner le socle de la statue qui ne se
retrouve aucunement sur les photos récentes comme anciennes de l’œuvre . On pourrait donc
supposer que le projet fut annulé pour les mêmes raisons que pour son changement de lieu afin de la
rendre moins voyante dans l’espace publique.
Comme indiqué précédemment , La Folle chanson est passée par plusieurs stades de conception .
Tout d’abord , la version du salon bruxellois en 1884. Ensuite une en plâtre en 1901 exposée sur le
square Ambiorix puis Marguerite .
LAMBEAUX,Jef(1852-1908),La folle chanson, 1901,Plâtre.
Saint-Gilles, Square Ambiorix.
Puis finalement, une 3e version en bronze exposée le 16 juillet
1902.

LAMBEAUX,Jef(1852-1908), La folle chanson , 1902, Bronze, Saint


Gilles, Square Marguerite

Ce Bronze sera confectionné grâce à la technique de la cire perdue .


La compagnie national des bronze est l’une des seules sur le
territoire belge à utiliser cette technique qui est beaucoup moins fréquente que la fonte au sable au
19 siècle .(M.Wautelet,2010,pp59-70) En effet, si les bronzes à la cire sont souvent utilisés dans
l’antiquité et pendant la renaissance , ils vont être remplacés par d’autres techniques de fonte,
jusqu’à la fin du 19 siècle, partout en Europe sauf en Italie. Elle a un intérêt surtout artistique par
rapport à la fonte au sable. Ainsi malgré que les deux permettent une reproduction fidèle de l’œuvre
d’origine, celle à la cire donne au bronze une spontanéité souvent perdue avec celle au sable. En
revanche, niveau praticité technique , le fondeur se retrouve soumis au passage de l’artiste qui bien
souvent va vouloir retouché le modèle en cire, ce qui est un désavantage certain car de nombreuses
œuvres vont se retrouver à attendre plusieurs mois l’arrivée de leur sculpteur. Le temps d’attente
entre l’arrivée de la folle chanson en atelier et sa fonte en bronze peut surement s’expliquer par ce
fait.(C.Arminjon,1998,pp78-79 )( M.Wautelet ,2010,pp59-70)Le journal , Courrier de l’Escaut fait
également mention d’une miniature de La Folle chanson dans son numéro du 21/04/1911.
Cette statue, La Folle chanson, l’artiste en aurait eu l’idée lors d’un rêve où-il eu la vision de la beauté
féminine symbolisée par une puissante jeune femme et de la laideur sous les traits d’un vieillard.
(Derom,2000,pp118-119)
Jef Lambeaux, décidera de représenter ces deux allégories par un sujet mythologique, la nymphe et
le satyre. Le choix des sujets n’est pas anodin et est le résultat d’une double influence. Tout d’abord,
il va être le fruit de son époque pour qui l’antiquité est vue comme la perfection artistique à
atteindre. Ensuite, il va également être influencé par ses expériences et ses voyages. En effets,
Lambeaux ira en Italie en 1882 grâce à une bourse de l’académie des Beaux Art d’Anvers ainsi qu’en
France de 1878 à 1881(A.Eylenbosch,1990,pp35 ) où il sera marqué par les œuvres de Jules Dalou qui
va également s’inspirer de sujets mythologiques comme avec le triomphe de silène et qui traitera ces
sujets dans son groupe la Nymphe et le Faune . (Derom,2000,pp118-119)

DALOU Jules (1838-1902), Le Triomphe de Silène,1885, bronze, Paris, jardin


du Luxembourg.

DALOU Jules (1838-1902), Nymphe et faune ,dit le Baiser, 1890-1894, Plâtre


patine, petit palais : musée des beaux-arts de la ville de Paris
Si les sujets exploités dans la folle chanson n’ont rien d’inhabituelle pour
l’époque la manière de les représenter divergent grandement de celle de la
plupart des sculptures publiques du 19 ième siècle surtout en matière de nu
féminin. En effet, Jef Lambeaux s’écarte des canons antiques, ainsi les formes sont voluptueuses et
les proportions inharmoniques.
Ces nus féminins sont d’ailleurs l’un des sujets de prédilection de cet artiste , elles sont tantôt
symbole de la femme mère et à d’autre moment, elles prennent les traits de puissantes séductrices
comme c’est le cas dans la folle chanson.( S.Clerbois,C. Pirson,M.Wautelet,A.Thibaut,2008,pp21-23)
L’utilisation des courbes et des spirales dans ces œuvres, ne sont pas sans rappeler celles de Jordaens
, dont Lambeaux sera amené à sculpter un buste en bronze en 1877 et Rubens, tous les deux peintres
anversois du 17ième siècle. (A.Eylenbosch,1990,pp21-41)
Si ce style de sculpture s’éloigne du néoclassicisme, style majoritaire des sculptures publiques du 17
siècle, elle s’inscrit parfaitement dans l’éclectisme qui va régir le monde des arts à cette période.
Ainsi l’artiste, avec son goût du grivois et du pittoresque et son utilisation du mouvement, est
clairement un sculpteur de style Néobaroque
flamand.(S.Clerbois,C.Pirson,M.Wautelet,A.Thibaut,2008,pp36-40)Marguerite Devigne, définira, dans
l’ouvrage la sculpture belge de 1830-1930, le Néo baroque comme « un art avec peu de mesure, il
est prolixe, parfois vulgaires, il aime la couleur et le pittoresque facile, mais il est resplendissant de
force, de joie violente et de hardiesse, un élan irrésistible l’entraine et l’exalte. Il ne s’agit plus ici
d’école ni de recherches patientes et volontaires ».( A.Eylenbosch,1990,pp13-16) Ce style va séduire
les élites politiques françaises du deuxième empire à la troisième république, qui sont à la recherche
d’un style accessible et direct mais aussi ostentatoire. C’est également à cette période que Jef
Lambeaux effectuera son voyage à Paris.
La deuxième grande inspiration de Lambeaux est l’art Flamand. Cet art vierge de tout influence
extérieure va séduire la jeune Belgique du 19 ième siècle en recherche identitaire culturellement et
politiquement. C’est d’ailleurs à ce moment que va apparaître l’appellation d’artiste flamand pour
désigner des artistes belges du 15ième jusqu’au 17ièmesiècle.
(S.Clerbois,C.Pirson,M.Wautelet,A.Thibaut,2008,pp36-40)Dont font partie Rubens, Van Eyck ou
encore Jordaens et Wiez, qui prônera également pour un retour du baroque. (G. van Oest, 1930)
Jef Lambeaux, quand à lui, si il va s’inspire de ces artistes , il est bien plus l’héritier de son mentor,
Guillaume Geefs, qui prêche pour un romantisme teinte de Baroque.
(S.Clerbois,C.Pirson,M.Wautelet,A.Thibaut,2008,)
La folle chanson est une ronde- bosse et une statue publique, ce genre comme vu précédemment est
très marqué par le néoclassicisme bien plus que tout les autres arts du 19 ième siècle. En cause, les prix
des matériaux, qui rend l’artiste beaucoup plus soumis à la vision du commanditaire.
Jef Lambeaux, n’est pas exempt de cette contrainte ainsi, la folle chanson est porteuse d’un message
dans ce cas politique émanant du commanditaire, la ville de Bruxelles . Cette entité a pour objectif la
mise en valeur du cœur historique et du patrimoine culturelle de ces communes ainsi elle va
favoriser ces artistes lors de projets de construction ou de rénovation. C’est d’ailleurs le cas de la
Folle chansons où le sculpteur, Jef Lambeaux , est un résident de la commune. (S.Clerbois,2022)

Conclusion

Pour conclure, la Folle Chanson de Jef Lambeaux , est une ronde-bosse et une sculpture publique de
style néo-baroque flamand. Elle va être un sujet de discordes parmi ces contemporains. Elle sera
même déplacée à cause des conflits internes qu’elle va provoquer au conseil communal.
Maintenant si le style va surprendre, c’est surtout parce qu’elle s’écarte du néoclassicisme,
majoritaire à cette époque dans la statuaire publique.

Bibliographie

Bibliographie générale

Publications scientifiques
1.Ouvrages
C.ARMINJON, L’art du métal: vocabulaire technique, Paris, Caisse nationale des monuments historiques
et des sites, 1998
J-P,BREUILLE, Dictionnaire de la sculpture: la sculpture occidentale du Moyen Age à nos jours, Paris,
Larousse, 1992
J.VAN LENNEP,C.LECLERQ, Les sculptures de Bruxelles, galerie Patrick derom ,2000, pp 118-119.
P.POIRIER ,la peinture belge d’autrefois, Bruxelles, la renaissance du livre, 1830-1930,pp.41-46, 168-
172.
2. Contributions
Histoire de la peinture et la sculpture en Belgique ,par un groupe de collaborateur , 1830-
1930,Bruxelles et Paris, G. van Oest, 1930.
3.Articles scientifiques
M.WAUTELET, « La sculpture en bronze entre art et technique : la réhabilitation de la cire perdue en

Belgique au XIXe siècle », Histoire de l’art, 67,1, 2010,pp.59–70. [en ligne]:


<https://doi.org/10.3406/hista.2010.3334 (consulté le 23/11/22 à 16h30)
S.CLERBOIS, « La sculpture publique bruxelloise au 19e siècle: Ville, pouvoir, idéologie », ULB,2022.
4. Catalogues d’exposition
J.LENNEP, Catalogue de la sculpture: artistes nés entre 1750 et 1882, Brussels, Musées royaux des
beaux-arts de Belgique, 1992.

Bibliographie spécialisé

Publications scientifiques
Ouvrages :
A.EYLENBOSCH, jef Lambeaux 1852-1908 ou les passions d’un faune, les rencontres Saint-Gilloises,1990.

S.CLERBOIS,C. PIRSON,M.WAUTELET,A.THIBAUT ,Jef Lambeaux, l’amant de la matière , Les rencontres


Saint-Gilloises,2008.
Sources.
Sources publiées :
Journal, Courier de l’Escaut,21/04/1911,JB449 ,KBR,Belgica Press
Journal ,le soir,17/06/1898,JB838,KBR,Belgica Press
Journal,le soir , 28/06/1901,JB838,KBR, Belgica Press
Journal, le soir,2/10/1901,JB838,KBR,Belgica Press

Table des illustrations

(Fig.1)
LAMBEAUX,Jef(1852-1908),La folle chanson, 1901,Plâtre. Saint-Gilles, Square Ambiorix
Site : https://monument.heritage.brussels/fr/buildings/18421
(fig.2)
LAMBEAUX,Jef(1852-1908), La folle chanson , 1902, Bronze, Saint Gilles, Square Marguerite
Site : https://monument.heritage.brussels/fr/buildings/18421
(fig.3)
DALOU Jules (1838-1902), Le Triomphe de Silène,1885, bronze, Paris, jardin du Luxembourg.
Site : https://e-monumen.net/patrimoine-monumental/silene-paris-6e-arr/
(fig4)
DALOU Jules (1838-1902), Nymphe et faune ,dit le Baiser, 1890-1894, Plâtre patine, petit palais :
musée des beaux-arts de la ville de Paris
Site : https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/petit-palais/oeuvres/nymphe-et-faune-dit-le-
baiser#infos-principales

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