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Avant l’écriture
Les linguistes remontent le temps
La grande famille indo-européenne
De l’Oural à l’Extrême-Orient
La colonisation du Pacifique
Les langues d’Afrique
Le puzzle américain
Présentation
L’antiquité gréco-romaine
Le grec ancien
Le latin et les autres langues d’Italie antique
Les langues de l’Europe médiévale
Les langues romanes
Les langues celtiques insulaires
Les langues germaniques
Les langues slaves, baltes et finno-ougriennes
Le grec, des byzantins aux ottomans
Le rayonnement de l’Inde
L’Inde ancienne et médiévale
Le tibétain
L’influence indienne en Asie du Sud-Est
Présentation
L’Europe occidentale
L’anglais et les langues celtiques
Les langues scandinaves
L’allemand moderne
Le néerlandais, les Pays-bas et la Belgique
Au contact du français et de l’allemand
Français et langues de France
L’italien et ses dialectes
Langues et dialectes des Alpes
Les langues de la péninsule ibérique
Le basque
Bibliographie sélective
Avant-propos
Une histoire des langues vous invite, sans négliger les classiques
(l’hébreu, le grec, le latin, le sanskrit, etc.), à partir à la
découverte du javanais, du persan, du breton, du yiddish, du
swahili, du quechua… ou des pidgins mélanésiens.
Première partie. Avant
l’écriture
Avant l’écriture
– Il y a 15 000 ans au plus tard, des humains venant d’Asie
pénètrent dans le nord-ouest du continent américain.
– Il y a 12 000 à 11 000 ans apparaissent l’agriculture et
l’élevage, au Proche-Orient pour commencer.
De l’Oural à l’Extrême-Orient
La famille ouralienne
Le proto-ouralien semble avoir pris forme dans le sud de l’Oural
et alentour. À quelle époque ? Les spécialistes en débattent, de
même qu’ils se demandent s’il s’est scindé en deux branches
(samoyède et finno-ougrienne, comme on l’a longtemps pensé)
ou davantage. Il est sûr, en tout cas, que la famille compte neuf
éléments clairement identifiés : samoyède, khanty, mansi,
hongrois, permien, mari, mordve, fennique et same. Il y a deux
mille ans, sa répartition géographique était à peu près la même
qu’aujourd’hui, le hongrois mis à part.
Au III e siècle av. J.-C., les ancêtres des Coréens fondent dans la
péninsule les « Trois Royaumes » : le Koguryo au nord, le
Paekche au sud-ouest et le Silla au sud-est. Tous trois ont pour
langue officielle écrite le chinois, à l’imitation des Chinois
installés au centre de la péninsule depuis le siècle précédent. Au
VII e siècle, le Silla conquiert les deux autres royaumes et unifie
le pays. C’est alors que les Coréens commencent à utiliser les
caractères chinois pour transcrire leur propre langue, en
élaborant un système ad hoc fort complexe (voir p. 255). De
cette langue, dite « coréen ancien », descend le coréen
moderne, mais d’où provenait-elle ? On considère en général
qu’elle était commune aux Trois Royaumes dès avant
l’unification. Mais, selon une autre thèse, le Silla aurait imposé
sa langue dans le Koguryo et le Paekche après l’unification, aux
dépens de langues qui lui étaient apparentées… à moins que ce
ne fût au japonais !
À l’époque des Han (voir la carte p. 21), les langues qui
prévalent en Asie du Sud-Est continentale relèvent de la famille
aujourd’hui nommée « austro-asiatique ». Parmi elles figurent
deux langues non tonales, reconnues comme apparentées dès
le début du XIXe siècle : le khmer (langue du Cambodge) et le
môn (aujourd’hui en usage dans le sud-est de la Birmanie).
Par ailleurs, on découvre au milieu du siècle que certaines
langues parlées dans le centre-est de l’Inde diffèrent des
langues dravidiennes voisines, et on les qualifie de « munda ».
Divers linguistes observent ensuite des similitudes entre, d’un
côté, les langues môn-khmères et les langues munda et, de
l’autre, les langues môn-khmères et le vietnamien. On leur
objecte toutefois que les locuteurs de langues munda ne sont
pas de la même « race », puisqu’ils ont la peau très foncée
comme les populations d’Inde du Sud. Quant au vietnamien,
n’est-ce pas une langue tonale, à la différence du khmer et du
môn ? Les parentés finissent néanmoins par être reconnues : la
validité de la famille austro-asiatique ne fait plus de doute
aujourd’hui. Cette famille semble avoir eu pour berceau le
bassin du Mékong au III e millénaire av. J.-C. Plus tard, des
migrations l’ont diffusée vers l’ouest jusqu’en Inde et vers le
sud jusque dans la péninsule malaise (où des langues austro-
asiatiques demeurent en usage dans la jungle).
Les linguistes européens ont alors déjà relevé que les langues
parlées dans ces archipels, à Madagascar, en Micronésie et en
Polynésie étaient apparentées : on les qualifie de « malayo-
polynésiennes ». Leurs locuteurs ont en commun un type
physique « malais », auquel peuvent se rattacher tant les
Malgaches que les Tahitiens, ce qui conforte les idées de
l’époque quant aux liens entre langue et « race ». Pourtant, de
nombreux Mélanésiens parlent eux aussi des langues malayo-
polynésiennes alors qu’ils sont perçus comme de « race noire ».
Pourquoi ? La découverte des langues papoues, peu avant 1900,
relance le débat. Il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle
pour que les avancées conjuguées de la linguistique, de
l’archéologie et de la génétique des populations permettent de
retracer les migrations de l’Asie à l’Australie et, au-delà, dans
toutes les îles du Pacifique. Ces travaux confirment aussi que
les langues malayo-polynésiennes s’apparentent aux langues
autochtones de Taiwan, l’ensemble constituant une grande
famille, dite « austronésienne ».
Toujours est-il que des êtres humains se sont tôt dispersés sur
Sahul et au-delà, dans les archipels situés à l’est de la Nouvelle-
Guinée : ils ont gagné la Nouvelle-Bretagne et la Nouvelle-
Irlande, puis atteint les îles Salomon il y a près de 30 000 ans,
sans s’aventurer plus loin. Vers la fin de la période glaciaire, le
niveau des océans est remonté, de sorte qu’un bras de mer a
isolé la Tasmanie il y a 12 000 ans environ et que les
Tasmaniens ont dès lors vécu totalement à l’écart.
Le « continent de Sahul »
Ce n’est pas tout. Après avoir pris pied au Cap en 1652, dans
l’extrême sud du continent, les Hollandais sont en effet entrés
en contact avec des populations différentes des autres Africains.
Ils les ont nommées Bosjesmannen, littéralement « hommes des
bosquets », appellation francisée en « Bochimans », et
Hottentotten (« Hottentots »), littéralement « hott et tott », en
raison de leur curieuse façon de parler. Les langues des uns et
des autres forment un ensemble très particulier, caractérisé par
des consonnes « claquantes » qualifiées de « clics ». Bien
étudiées dans les années 1920, elles sont dès lors qualifiées de
« khoïsan » (de Khoïkhoï, nom sous lequel les Hottentots se
désignent eux-mêmes, et San, nom qu’ils donnent aux
Bochimans). Greenberg les rassemble en un seul
« embranchement », ce qui sera vivement contesté.
Le puzzle américain
Quoi qu’il en soit, ces immigrants se sont vite éparpillés sur tout
le continent, comme le confirme la paléogénétique. Cela
expliquerait le « puzzle » linguistique : les ancêtres des
Amérindiens auraient tôt formé de nombreuses communautés
régionales ou locales demeurées ensuite assez stables, chacune
caractérisée par une petite famille de langues évoluant à l’écart
des autres.
La paléogénétique confirme aussi qu’une deuxième vague de
migrants est arrivée de Sibérie il y a 5 000 ans environ : telle
serait l’origine des langues na-dené. À l’appui de cette thèse,
Edward Vajda a montré en 2008 que ces langues s’apparentaient
aux langues ienisseïennes de Sibérie (voir p. 35), ce qui
confirmerait leur spécificité. Il y a environ 5 000 ans aussi,
d’autres populations, venues de Sibérie, se sont répandues dans
toute la région arctique américaine : on qualifiait naguère leurs
cultures de « paléo-eskimos », mais on ignore quelles langues
elles parlaient.
Dissymétrie nord-américaine
Thomas Jefferson (1743-1826), troisième président des États-
Unis (1801-1809), s’intéressait beaucoup aux Indiens
d’Amérique et à leurs langues : il s’étonnait (déjà !) de leur
extrême diversité et en concluait que leurs origines devaient
être très anciennes. Il a cependant fallu attendre l’expansion
des États-Unis vers l’Ouest, au XIXe siècle, pour que les
informations s’accumulent et qu’une classification des langues
amérindiennes soit sérieusement entreprise au début du siècle
suivant.
Notes du chapitre
[1] ↑ Merritt RUHLEN, L’Origine des langues. Sur les traces de la langue mère (trad. de
l’américain par Pierre Bancel), Gallimard, Paris, 2007 (nouv. éd.).
[2] ↑ David W. ANTHONY, The Horse, the Wheel, and Language. How Bronze-Age
Riders From the Eurasian Steppes Shaped the Modern World, Princeton University
Press, Princeton, 2007.
[4] ↑ Des langues baltes relèvent aujourd’hui le lituanien et le letton, mais non
l’estonien, qui est une langue finnoise.
[5] ↑ Les Hadza, aujourd’hui au nombre d’un millier, sont des chasseurs-
cueilleurs vivant au bord du lac Eyasi en Tanzanie. Leur langue, dotée de clics,
était naguère considérée comme khoïsan, mais elle ne s’apparente en fait à aucune
autre. Il se peut néanmoins que les Hadza et les San aient en commun de lointains
ancêtres.
S’y ajoute une troisième famille qui, bien que d’aspect non
« alphabétique », présente un caractère alphabétique dans son
principe : les voyelles n’y sont pas figurées sous la forme de
lettres distinctes, mais sous celle d’appendices attachés aux
consonnes. C’est le système d’écriture indien, apparu dans des
circonstances obscures quelques siècles avant notre ère.
Les débuts de l’écriture au
Proche-Orient
Il est vrai que les tablettes trouvées à Uruk sont en majorité des
documents de comptabilité et de gestion, traitant de répartition
de cheptel, de stockage de denrées, de distribution de rations
alimentaires, etc. On en a longtemps déduit que l’écriture
sumérienne serait apparue en réponse aux besoins engendrés
par la complexité de la vie urbaine naissante. Certains
assyriologues sont d’un autre avis : à leurs yeux, les documents
comptables ne font qu’utiliser une invention dont les objectifs
premiers étaient « intellectuels ». Le mystère persiste.
Du sumérien à l’akkadien
Vers 2400 av. J.-C., les scribes ont abandonné le stylet. Ils appuient dans
l’argile fraîche l’extrémité d’un roseau taillé en biseau : l’écriture
cunéiforme est née.
L’Épopée de Gilgamesh
En 1872, l’Anglais George Smith (1840-1876) rend publique
sa traduction d’une tablette découverte en 1853 dans la
bibliothèque d’Assurbanipal, à Ninive, et étonne le monde :
le récit du Déluge et de l’Arche y figure tel que narré dans
la Bible, quasiment point par point.
La tablette fait partie d’une collection constituant une
œuvre plus vaste : la désormais célèbre Épopée de
Gilgamesh. Sa version « standard », rédigée en médio-
babylonien vers la fin du II e millénaire, se répartit sur
douze tablettes dont il existe divers exemplaires, en plus
ou moins bon état. Au total, les deux tiers du texte nous
sont parvenus. La plus ancienne version connue de
l’épopée, rédigée en paléo-babylonien, date du XVIIIe siècle,
mais seules quelques tablettes ont survécu. Chef-d’œuvre
de la littérature mésopotamienne, elle s’inspire de cinq
poèmes en sumérien datant de la fin du III e millénaire,
relatant les hauts faits d’un roi d’Uruk.
hittite (voir p. 23). Les plus nombreux ont trait à des rituels,
d’autres à la vie publique : traités, décrets, annales,
correspondance officielle. La langue hittite s’est éteinte au
XII e siècle, peu après l’effondrement de l’empire. En revanche, le
L’égyptien ancien
Les noms figurant dans les deux derniers cartouches se terminent par
/s/. En tête de mot, Champollion reconnaît, d’une part, un soleil,
nommé ré en copte ; d’autre part, un ibis, symbolisant le dieu égyptien
Thot. Il devine que le signe en milieu de mot se lit /m/ et qu’il s’agit de
deux pharaons : Ramsès (ou Ramessès) et Thoutmès. Il apparaîtra plus
tard que le signe en question se lit /ms/ et non /m/.
Pour réduire les ambiguïtés, les Égyptiens ont très tôt attribué à
certains signes le rôle de déterminatifs : destinés à éclairer le
sens d’autres signes, ils ne sont pas prononcés à la lecture. Ils
sont souvent employés de façon redondante, ce qui peut
dérouter les non-initiés, mais guidait jadis des lecteurs ayant
l’égyptien pour langue naturelle…
S’il est difficile d’en dire plus avec certitude, c’est en raison du
peu de documents disponibles : quelques dizaines d’inscriptions
succinctes, le plus souvent sous la forme de graffitis.
La quête commence en 1905 avec la découverte d’inscriptions
inhabituelles dans d’anciennes mines de turquoise du Sinaï,
jadis exploitées par les Égyptiens. L’égyptologue britannique
Alan Henderson Gardiner (1879-1963) étudie ces inscriptions
(dites « proto-sinaïtiques ») et déclare en 1916 avoir identifié le
nom de la déesse cananéenne Ba’alat. Il en conclut que des
travailleurs de langue sémitique employés par les Égyptiens ont
transcrit des mots de leur propre langue en s’inspirant de
l’écriture égyptienne.
Hébreux ou Juifs ?
Les Hébreux forment une population de langue sémitique
qui apparaît dans le pays de Canaan vers la fin du
II e millénaire av. J.-C. (Leur nom dérive de l’hébreu
biblique Ivri, d’origine obscure.) Ils sont alors répartis en
douze tribus dites collectivement « enfants d’Israël »,
réputées descendre des fils de Jacob. (Yisra’el signifie « Que
Dieu règne », autre nom donné à Jacob.) Après la mort de
Salomon, Israël désigne l’un des deux royaumes formés
par les Hébreux, l’autre étant celui de Juda (Yehoudah en
hébreu), avec pour capitale Jérusalem.
Dans l’usage français, ceux que l’on nommait « Hébreux »
sont nommés « Juifs » à partir de l’Exil à Babylone. Le
terme vient du latin Judaeus désignant un habitant de
Judée (Ioudaia en grec), région correspondant à l’ancien
royaume de Juda. Les usages anglais (Hebrews, Jews) et
allemand (Hebräer, Juden) équivalent à l’usage français. En
revanche, il n’existe qu’un seul mot en italien (Ebrei).
C’est alors que les rabbis (« docteurs de la Loi »), héritiers des
Pharisiens, entreprennent de préciser et de délimiter la religion
des Juifs : ainsi prend forme le judaïsme tel qu’il se perpétue
aujourd’hui. En pratique, ils compilent et complètent ce que
l’on nommait la Torah « orale », l’ensemble des commentaires
de la Torah écrite accumulés et transmis au fil des générations.
Le fruit de ce travail, la Mishna, constitue un vaste recueil de
soixante-trois « traités » répartis en six « ordres », parachevé
vers l’an 200 par Juda Ha-Nassi, le « Rabbi » par excellence. La
Mishna est rédigée en hébreu rabbinique (ou mishnaïque), qui
correspond à la langue parlée en Judée à l’époque romaine et
diffère de l’hébreu biblique. L’hébreu recule néanmoins,
inexorablement, et c’est en araméen que sera écrite la Gémara,
ensemble de commentaires de la Mishna. En fait, on distingue
deux Gémara : l’une, rédigée en Palestine au IVe siècle ; l’autre,
consignée en Mésopotamie au milieu du I er millénaire. Mishna
et Gémara constituent le Talmud (« étude »), livre le plus
important du judaïsme après la Bible elle-même.
Quand la rédaction du Talmud s’achève, l’hébreu est désormais
réservé à la religion et au savoir. Les Juifs de la diaspora ne le
parlent plus depuis longtemps et, même en Palestine, son usage
s’éteint. Alors débute la période de l’hébreu dit « médiéval », qui
se prolongera jusqu’au XIXe siècle (voir p. 435).
Notes du chapitre
[2] ↑ Du latin cippus, un cippe est une petite stèle portant une inscription votive
ou funéraire. Melqart est un dieu d’origine phénicienne.
[3] ↑ Les querelles théologiques qui divisent la chrétienté au V e siècle portent sur
le rapport de la divinité et de l’humanité en Jésus-Christ. Nestorius (v. 381-451)
professe que Jésus-Christ est constitué par une dualité de personnes : la personne
divine et une personne humaine, Jésus, ce que nient les tenants du monophysisme.
Le concile de Chalcédoine rejette la doctrine de Nestorius et le monophysisme, en
affirmant que Jésus-Christ, à la fois vrai Dieu et homme véritable, est néanmoins
une seule personne en deux natures.
L’antiquité gréco-romaine
av. J.-C., après quoi l’histoire des Grecs et de leur langue est bien
connue jusqu’à nos jours. La période antérieure était en
revanche demeurée celle des mythes avant que l’archéologie, à
partir de la fin du XIXe siècle, n’apporte des éclaircissements. La
découverte la plus étonnante date du début des années 1950,
époque à laquelle furent déchiffrés des textes en grec
antérieurs de plusieurs siècles à l’apparition de l’alphabet.
– Autant que l’on puisse en juger, les Grecs, venus du nord, ont
pénétré dans ce qui allait devenir la Grèce vers 2000 av. J.-C.,
leurs ancêtres ayant vécu dans les Balkans au III e millénaire.
On ne sait à peu près rien des peuples installés dans la
péninsule avant l’arrivée des Grecs, si ce n’est que ces derniers
les nommaient les Pélasges.
Deux voyelles ont été ajoutées plus tard (au VIe siècle avant
notre ère à Milet) : êta, prononcée /ê/ long, issue de la lettre
phénicienne hêt ; oméga (o méga = « o grand ») prononcée /ô/
long, dérivée d’omicron, semble-t-il. La voyelle upsilon (u psilon
= « u simple »), prononcée en grec ancien comme le français
/ou/, dérive de la consonne grecque digamma, qui était
prononcée comme l’anglais /w/. Cette consonne, issue du
caractère phénicien wâw, a disparu de l’alphabet grec au cours
de la période archaïque. Les Grecs ont par ailleurs créé trois
consonnes pour noter des sons n’existant pas en phénicien : phi
(/p/ aspiré), khi (/k/ aspiré) et psi (/ps/).
Quand l’alphabet ainsi établi s’est propagé parmi les Grecs, des
erreurs ont été commises, du moins au début, ce qui aurait
engendré des variantes régionales : archaïque (Crète et îles
voisines), orientales (Asie mineure, Cyclades, Attique, Corinthe)
et occidentales (Eubée, Béotie, Thessalie, Péloponnèse). Les
diverses variétés d’alphabet s’écrivaient de droite à gauche
(comme le phénicien) ou de gauche à droite ou encore en
boustrophédon, les lignes se lisant de gauche à droite puis de
droite à gauche (à la manière des sillons tracés dans un champ
par un bœuf tirant la charrue). En 403/402, Athènes a
officiellement adopté l’alphabet en usage à Milet, ensuite
devenu le « standard » dans l’ensemble du monde grec.
L’écriture de gauche à droite prévalait alors déjà depuis quelque
temps.
ABCDEFGHIKLMNOPQRSTVX
Les populations soumises par les Romains signent avec eux des
traités et deviennent ainsi des « alliés » (socii). Dans les faits, il
s’agit de « traités de protectorat », car les alliés, s’ils conservent
une certaine autonomie locale, doivent verser à Rome un tribut
et lui fournir des contingents militaires. Les Romains, par
ailleurs, se font attribuer des terres par les alliés et y implantent
des colons, romains ou latins. Une telle organisation instaure et
perpétue une inégalité de droits entre, d’un côté, les Romains et
les Latins, de l’autre, les peuples soumis. Il en résulte des
tensions qui tournent à l’insurrection en 91 av. J.-C., dans les
Apennins. Face à l’intransigeance de Rome, plusieurs peuples
d’Italie centrale et méridionale constituent une confédération
et proclament leur indépendance. Ainsi éclate la « guerre
sociale », extrêmement meurtrière, que Rome remporte en 88.
Les insurgés obtiennent néanmoins satisfaction : tous les
Italiens libres résidant au sud du Pô accèdent à la citoyenneté
romaine. (Il en ira de même des habitants de la Gaule cisalpine
au nord du Pô en 49 av. J.-C.) La dissémination de colonies
romaines et latines et l’incorporation de troupes alliées dans
l’armée romaine contribuent à la propagation du latin dans la
péninsule. On ignore dans quelles conditions et à quel rythme
le latin s’est substitué aux autres langues. Quoi qu’il en soit, à la
fin du Ier siècle apr. J.-C., toute la population d’Italie (ou
presque) est de langue latine.
À l’issue de la deuxième guerre punique (218-201), les Romains
sont maîtres de l’est et du sud de l’Espagne, conquis sur les
Carthaginois. C’est la première étape de leur expansion hors
d’Italie. Au IIe siècle av. J.-C., ils acquièrent l’intérieur de
l’Espagne, le sud de la Gaule (assurant la liaison entre l’Italie et
l’Espagne), l’Afrique (comme les Romains nomment la région
de Carthage, détruite en 146), la Grèce et l’ouest de l’Asie
mineure. Au Ier siècle av. J.-C., ils y ajoutent la Gaule dans son
ensemble et la Numidie (conquises par César) ainsi que divers
pays d’Orient, dont l’Égypte. Lorsque la République se mue en
Empire (à l’avènement d’Auguste, en 27 av. J.-C.), Rome domine
déjà l’ensemble du bassin méditerranéen. Parmi les conquêtes
ultérieures figurent la Bretagne (actuelle Angleterre), la
Mauritanie (à l’ouest de la Numidie) et la Thrace. La Dacie
(correspondant au cœur de l’actuelle Roumanie), conquise au
début du IIe siècle apr. J.-C., sera abandonnée en 271 en raison
de sa vulnérabilité aux attaques des Barbares.
L’italien, cependant, n’est pas encore né, alors que le français et,
plus encore, le castillan sont déjà des langues à caractère
« national ». Que manque-t-il à la langue de Dante ? Purement
littéraire, elle ne se double pas d’une langue parlée commune,
si ce n’est à Florence et alentour ; de surcroît, elle ne dispose
pas de l’appui d’une puissante monarchie. En conséquence,
chacun des principaux « dialectes » (le lombard à Milan, le
génois, le vénitien, le napolitain, etc.) cumule dans sa région les
fonctions de langue parlée et de langue écrite ordinaire, voire
de langue littéraire. La question d’une langue commune
(« questione della lingua ») sera débattue par les élites italiennes
jusqu’au XIXe siècle (voir p. 340).
Les parlers sardes restent plus proches du latin que les autres
parlers romans : on les qualifie parfois d’« archaïques ». Les plus
anciens textes connus remontent à la seconde moitié du
XI e siècle. De nature juridique, ils sont rédigés dans la forme
écrite de l’un ou l’autre des deux groupes de dialectes existant
encore aujourd’hui : campidanien, dans la moitié sud de l’île, et
logoudorien, dans le centre nord. Une littérature en langue
sarde ne verra toutefois le jour qu’au XVIe siècle.
Wulfila est né vers 310 chez les Wisigoths, qui avaient capturé
ses parents, originaires d’Anatolie. Le gotique est sa langue
maternelle. Son nom signifie « petit loup ». Il séjourne dans
l’Empire romain et y apprend le grec. Ordonné évêque, il
retourne auprès des Wisigoths pour les évangéliser, puis
s’installe en 348 avec ses ouailles à Nicopolis ad Istrum, dans la
province romaine de Mésie (nord de l’actuelle Bulgarie). Il y
traduit le Nouveau Testament en gotique, après avoir créé à cet
effet un alphabet inspiré de l’alphabet grec. Wulfila meurt en
383, non sans avoir formé des disciples qui évangéliseront à
leur tour les Ostrogoths et d’autres Germains de l’Est, dont les
Vandales. Alors surgissent les Huns, venus des steppes d’Asie
centrale. Refoulés vers l’ouest, les Germains de l’Est pénètrent
dans l’Empire romain et vont loin : les Vandales jusqu’en
Afrique du Nord, les Wisigoths en Espagne, les Ostrogoths en
Italie… Ils ne pourront toutefois éviter la romanisation, de sorte
que la langue gotique s’éteindra en Italie à la fin du VIe siècle et
en Espagne au siècle suivant.
C’est en voisins – si l’on peut dire – que les Germains de l’Ouest
pénètrent dans l’Empire romain. Au Ve siècle, certains d’entre
eux entreprennent la conquête de la future Angleterre. Sur le
continent, les Francs s’imposent lors du règne de Clovis (481-
511), d’autant que sa conversion au christianisme lui assure le
soutien de l’Église. La puissance des Francs culmine sous
Charlemagne (768-814), dont l’empire inclut à la fois des
populations romanes et tous les Germains de l’Ouest, hormis
ceux d’Angleterre. L’Empire carolingien se scinde au IXe siècle :
tandis qu’à l’ouest les Francs romanisés mettent en place le
royaume qui deviendra la France, à l’est se constitue un
royaume germanique. Un Saxon (et non un Franc), Henri
l’Oiseleur, en est élu roi en 919 après l’extinction de la dynastie
carolingienne. Son fils Otton se fait couronner empereur par le
pape en 962 : ainsi naît le futur « Saint-Empire romain
germanique ».
Les Vikings norvégiens prennent pied sur les îles Shetland, alors
faiblement peuplées, au début du VIIIe siècle. D’autres
expéditions les conduisent ensuite vers des terres celtes : les
Orcades, les Hébrides, l’île de Man et les côtes de l’Irlande. Les
Norvégiens atteignent par ailleurs des terres inhabitées : les îles
Féroé vers 800, puis l’Islande quelque soixante ans plus tard.
Les Danois concentrent leur attention sur l’Angleterre, qu’ils
envahissent pour partie au IXe siècle, et sur le nord-ouest de la
France, où ils s’organisent en un duché de Normandie au début
du Xe siècle. À l’est de la Baltique, les Scandinaves, connus sous
le nom de « Varègues », suivent le cours des fleuves et
atteignent la mer Noire. Ils jouent un rôle important dans la
naissance du Rous, premier État slave de l’Est (voir p. 172).
Le bulgare
Siméon (893-927), fils de Boris I er, règne sur le « premier Empire
bulgare ». Avec pour capitale Preslav, celui-ci s’étend jusqu’à
l’actuelle Albanie, puis s’effondre au début du XIe siècle sous les
coups des Byzantins, qui l’annexent. Deux siècles plus tard
prend forme le « second Empire bulgare », avec pour capitale
Tarnovo. L’histoire de l’Église bulgare reflète les vicissitudes
politiques : en 919, elle se proclame « autocéphale », menée par
un patriarche ; quand les Byzantins conquièrent le pays, ils
suppriment le patriarcat et installent un haut clergé grec ; le
« second Empire bulgare » rétablit ensuite le patriarcat…
Le serbe
Le croate
Les textes les plus anciens, datant du XIe siècle, sont des
inscriptions sur pierre. La plus célèbre, découverte sur l’île de
Krk, est rédigée en glagolitique et mêle du tchakavien à du
vieux slave. Les premiers textes en vieux croate proprement
dit apparaissent vers la fin du XIIIe siècle. Les plus notables sont
le Cadastre d’Istrie et le Statut de Vinodol (sur la côte en face de
Krk), l’un et l’autre en tchakavien. Le chtokavien se manifeste à
l’écrit un siècle plus tard, avec un livre de prière croate rédigé à
Dubrovnik. Il s’ensuit un début d’essor littéraire (poèmes,
mystères) aux XIVe et XVe siècles. Le kaïkavien sera mis par écrit
dans la seconde moitié du XVIe siècle. La langue croate, fondée
sur le chtokavien, s’affirme à la même époque : le premier
dictionnaire paraît en 1595, la première grammaire en 1604.
C’est la langue de la renaissance littéraire à Dubrovnik au
XVII e siècle.
Le slovène
Le tchèque et le slovaque
Le polonais
Les Polanes (Polanie en polonais), un peuple slave, vivaient
dans le bassin de la Warta (actuelle région de Poznań). En 966,
leur prince Mieszko se rallie au christianisme romain, puis
agrandit son domaine. Son fils Bolesław Chrobry (« le Vaillant »)
lui succède en 992 et poursuit sa politique : en l’an mille, il
obtient la création, à Gniezno, d’un archevêché relevant
directement de Rome, ce qui l’affranchit de la tutelle du clergé
germanique ; en 1025, il se fait couronner roi. Telles sont les
origines du royaume de Pologne.
– Dans les années 1220, les Polonais font appel à des Allemands,
les chevaliers de l’ordre Teutonique, pour soumettre et
convertir les Borusses.
Notes du chapitre
[1] ↑ Michel BANNIARD, Du latin aux langues romanes, Armand Colin, Paris, 2005
(nouv. éd.).
[4] ↑ Avant le XV e siècle, les voyelles se prononçaient (à peu près) comme en bas
latin et comme dans la majorité des langues européennes actuelles. Le grand
changement vocalique porte sur les voyelles longues, dont beaucoup sont
devenues des diphtongues.
Zarathushtra et l’avestique
La transcription du berbère
L’arménien et le géorgien
Le géorgien
Les premières indications relatives aux ancêtres des Géorgiens
remontent aux VIIe-VIe siècles av. J.-C. Deux royaumes se
consolident ensuite : à l’ouest, la Colchide, où sont installées des
colonies grecques ; à l’est, l’Ibérie. La tradition veut que, vers
330, sainte Nino, captive originaire de Cappadoce, ait converti
au christianisme le prince Mirian, qui régnait sur l’Ibérie. Il est
en tout cas certain qu’au milieu du IVe siècle les élites
géorgiennes ont adopté le christianisme. Au VIIIe siècle, les
Géorgiens subissent les attaques des Arabes et, plus tard, des
Turcs. La dynastie des Bagratides, qu’illustre le roi David IV le
Bâtisseur, redresse la situation au tournant des XIe et XIIe siècles.
Le règne de la reine Tamar (1184-1213) laisse ensuite le
souvenir d’un « âge d’or ». L’irruption des Mongols y met fin en
1238. Au XVIe siècle, deux Empires se partagent la Géorgie : les
Ottomans annexent l’ouest du pays, tandis que l’est échoit aux
Séfévides. Cette situation perdure jusqu’à ce que les Géorgiens,
vers la fin du XVIIIe siècle, sollicitent l’appui des Russes (voir
p. 462).
Le mandchou
Le Ramayana aurait été mis en forme vers 300 apr. J.-C. après
quelques siècles de tradition orale. Il raconte l’histoire, riche en
aventures, de Rama et de Sita et annonce la littérature raffinée
qui suivra. Toutefois, ce n’est pas seulement une histoire : le
Ramayana regorge de significations historiques, morales,
ritualistes, religieuses, philosophiques… Son succès se mesure
aux innombrables traductions et adaptations dont il a fait
l’objet : en tamoul et en kannara (XIIe siècle), en bengali
(XIVe siècle), en avadhi, en marathi et en malayalam
(XVIe siècle), etc., mais aussi en javanais (dès le Xe siècle), en
balinais, etc.
Dans les années 1520, Babur, roi turc de Kaboul, se lance à son
tour à la conquête de l’Inde du Nord. Telle est l’origine de la
dynastie musulmane dite « moghole », Babur ayant été perçu
comme mongol. L’Empire moghol s’affirme dans la seconde
moitié du XVIe siècle sous Akbar, puis atteint son expansion
maximale sous Aurangzeb au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles.
Il décline ensuite et se rétracte, tandis qu’émergent de
nouveaux pouvoirs politiques : la Confédération sikhe, les
nababs d’Aoudh et du Bengale, la Confédération marathe (dont
les chefs sont hindouistes), etc. Puis les Britanniques entreront
en scène.
Le tibétain
Les Môn
Les Khmers
À la lignée des Shang se substitue vers 1045 celle des Zhou qui,
elle aussi, règne sur la plaine du fleuve Jaune. Les inscriptions
sur des vases rituels de bronze caractérisent cette nouvelle
période. Longues de quelques caractères à plusieurs centaines,
elles sont de facture plus déliée que celle des inscriptions sur os
et semblent s’inspirer de techniques d’écriture au pinceau qui
auraient déjà été en usage. La période dite « les Printemps et les
Automnes » (Chunqiu) (770-476) tire son nom d’une chronique
rédigée au temps de Confucius (voir p. 248). Les Chinois sont
alors organisés en une douzaine de principautés dont certaines,
y compris le domaine résiduel des Zhou, forment le Zhongguo
(« pays central »), réputé conservatoire des traditions chinoises.
(C’est aujourd’hui encore le nom usuel de la Chine.) La période
dite « des Royaumes combattants » (Zhanguo) (475-221)
correspond aux débuts de l’âge du fer : des guerres opposent
alors durablement plusieurs États dont le Qin, qui sera à
l’origine de l’Empire chinois. L’usage de l’écriture se diffuse
dans la société à cette époque, comme en témoignent les textes
sur bambou ou sur soie qui sont parvenus jusqu’à nous.
L’écriture chinoise
Pour lever les ambiguïtés, les devins des Shang introduisent des
éléments graphiques secondaires spécifiant soit la signification,
soit la prononciation. Reprenons l’exemple du mot prononcé
ma. Pour spécifier qu’il s’agit de la signification « mère » (et non
« cheval »), on adjoint au caractère d’origine un signifiant
« femme ». Cet élément – qui est lui-même un caractère quand
il est isolé – n’est pas prononcé : c’est un « déterminatif
sémantique ».
À l’inverse, dans le cas du caractère signifiant « bouche » (kou)
ou « appeler » (ming), on adjoint, pour spécifier qu’il s’agit de la
seconde prononciation (et donc du second sens), un caractère
lui aussi prononcé ming, mais qui, en situation isolée, signifie
« faire briller ». Ce caractère joue ainsi le rôle de « déterminatif
phonétique ». En résumé, chaque caractère composé comporte
deux éléments : l’un se réfère (de façon plus ou moins
approximative) au sens, l’autre (de façon plus ou moins
approximative) à la prononciation.
Un système ouvert
Le japonais
En 111 av. J.-C., l’empire des Han annexe le pays des Viêt. Il
s’ensuit des révoltes, dont celle des sœurs Trung : à la tête d’une
armée composée principalement de femmes (selon la
tradition), elles résistent aux Chinois de 39 à 43, puis se
suicident… Ensuite se forme une élite de lettrés de culture
chinoise, mais la masse de la population échappe à la sinisation.
La chute de la dynastie chinoise des Tang offre aux Viêt
l’occasion de s’affranchir : en 939, ils fondent un royaume
indépendant qui prendra plus tard le nom de Dai Viêt (« Grand
Viêt »). Il est gouverné de façon centralisée, sur le modèle
chinois, avec une bureaucratie de lettrés. Le Dai Viêt s’étend
ensuite vers le sud en refoulant les Chams (voir p. 238) : il
atteint les dimensions de l’actuel Vietnam au XVIIIe siècle.
[1] ↑ Le no, alliant la poésie à la danse et à la musique, fait alterner les dialogues
en prose avec des récitations lyriques confiées à un chœur.
L’écriture maya et les autres
systèmes méso-américains
Écrire en glyphes
Les éléments iconiques figurant dans les codex ont chacun une
signification précise, en général fixée par une convention. En
d’autres termes, ce ne sont pas de simples pictogrammes, mais
des idéogrammes représentant des actions ou des concepts. De
surcroît, leur disposition dans la page, obéissant à des règles
complexes, est elle-même porteuse de sens. S’agit-il pour autant
d’écriture ? Dès le lendemain de la conquête, les Espagnols se
sont posé la question. Le franciscain Bernardino de Sahagun
(1500-1590) lui-même – en son temps le meilleur connaisseur
de la culture méso-américaine – emploie tantôt le mot escritura
tantôt pintura. Le débat se poursuit aujourd’hui entre linguistes.
Du reste, l’écriture au sens strict n’est pas absente des codex :
des glyphes y précisent des dates et des noms de personnes et
de lieux.
Pour former des phrases, puis des textes, les signes sont parfois
écrits à la suite, par exemple sur de petits objets, mais dans les
inscriptions monumentales leur disposition obéit à des
conventions très particulières. Ils sont alors placés dans des
« blocs » à peu près carrés, à raison de un ou plusieurs par bloc,
tandis que les blocs eux-mêmes sont disposés en doubles
colonnes, la lecture s’effectuant de gauche à droite et de haut en
bas (voir l’illustration).
Qu’en est-il des quelque six mille autres langues en usage ? Peu
écrites et peu enseignées, il s’agit avant tout de langues parlées,
véhicules de cultures fondées sur la mémoire et le récit. Leur
avenir paraît souvent sombre, bien qu’il soit difficile d’estimer
combien sont effectivement menacées de disparition et à quelle
échéance.
Le dictionnaire du Dr Johnson
La résistance du gallois
L’allemand moderne
Gutenberg (v. 1400-1468), né à Mayence, invente l’imprimerie à
caractères métalliques mobiles dans les années 1440 alors qu’il
vit à Strasbourg, puis retourne à Mayence et y imprime sa
célèbre Bible, achevée en 1455. Il imprime aussi des milliers
d’indulgences, dont la « vente » indignera Luther soixante ans
plus tard… La Bible de Gutenberg et les indulgences sont
rédigées en latin, comme le seront encore longtemps la
majorité des textes imprimés. Il est vrai qu’à cette époque la
langue allemande n’est pas fixée : elle s’écrit de façon très
différente selon les régions, ce qui reflète à la fois la diversité
des dialectes (voir p. 150) et la division politique du Saint-
Empire.
De Luther à Goethe
Martin Luther (1483-1546) est né à Eisleben, aux confins de la
Saxe et de la Thuringe. Après avoir étudié à l’université d’Erfurt,
il se fait moine augustin, puis devient en 1513 professeur de
théologie à l’université de Wittenberg, dans le nord de la Saxe.
Indigné par la vente des indulgences, il placarde ses « 95
thèses » sur la porte de l’église de Wittenberg en 1517 et engage
ainsi la Réforme. Rédigées en latin, les thèses sont bientôt
traduites en allemand, imprimées et largement diffusées. En
1521-1522, Luther traduit lui-même le Nouveau Testament, à
partir du grec. Pour traduire l’Ancien Testament, il s’entoure de
collaborateurs : le travail s’achève en 1534, mais Luther
peaufinera le texte jusqu’à la fin de sa vie.
Plattdeutsch et Hochdeutsch
« Bas allemand » et « haut allemand » désignent deux
groupes de dialectes, les adjectifs se référant au relief : les
dialectes bas allemands sont parlés dans les plaines du nord
de l’Allemagne, les dialectes hauts allemands au sud,
jusqu’aux Alpes (voir la carte).
Le rayonnement de l’allemand
Le frison
Le flamand de France
Sous Louis XIV, la France a annexé une partie de l’ancien
comté de Flandre dont, au sud, Lille et Douai, de dialecte
picard, et, au nord, le pays de Dunkerque et d’Hazebrouck,
de dialecte flamand occidental.
Au contact du français et de
l’allemand
L’Alsace et la Lorraine
Trilinguisme au Luxembourg
L’ancien duché de Luxembourg chevauchait la limite des
parlers romans et germaniques (voir la carte). Possession des
ducs de Bourgogne à partir du milieu du XVe siècle, il forme
l’une des « XVII Provinces » de Charles Quint (voir p. 306) et
relève ensuite des Pays-Bas espagnols, puis autrichiens. La
France révolutionnaire l’annexe en 1795 et en fait le
département des Forêts. En 1815, le Luxembourg est érigé en
un grand-duché sur lequel règne Guillaume I er d’Orange-
Nassau, roi des Pays-Bas. Quand la Belgique devient
indépendante, en 1830, les Luxembourgeois aspirent à en faire
partie, comme les y incitent quatre siècles d’histoire commune,
mais Guillaume I er s’y oppose. Un partage règle la question en
1839 : l’ouest devient la province belge de Luxembourg, tandis
que l’est, dont la ville de Luxembourg, demeure grand-duché,
sous la houlette de Guillaume I er. La ligne de partage
correspond à peu près à la limite linguistique. La Belgique
obtient toutefois la ville d’Arlon, de dialecte germanique.
L’union personnelle avec les Pays-Bas prend fin en 1890 : une
autre branche des Orange-Nassau règne ensuite sur le grand-
duché, désormais indépendant.
La Communauté germanophone de
Belgique
En 1919, l’Allemagne a dû céder à la Belgique les cantons
d’Eupen, Malmédy et Saint-Vith, dont la population était
pourtant en grande majorité de langue allemande. Les lois
linguistiques de 1962-1963 (voir p. 312) ont accordé à
l’allemand le statut de troisième langue officielle du
royaume. En 1993, les neuf communes concernées, toutes
situées à la frontière de l’Allemagne, ont formé la
Communauté germanophone de Belgique
(Deutschsprachige Gemeinschaft Belgiens), dotée de larges
compétences en matière de culture, d’enseignement, etc.
La population s’élève à 75 000 personnes environ, dont
quelque 60 000 de langue maternelle allemande.
Le francoprovençal ou arpitan
Vers 1870, le linguiste italien Graziado Isaia Ascoli identifie
un groupe de dialectes distincts de ceux d’oïl et d’oc et le
nomme « franco-provençal » (voir p. 140), aujourd’hui écrit
sans trait d’union.
L’occitan
La francophonie
- la France ;
Maghreb (3)
Autres (3)
Le Tyrol du Sud
L’hégémonie du castillan
Castillan ou espagnol ?
Au Moyen Âge, l’appellation castellano (« castillan ») était la
seule en usage. Español (« espagnol ») et castellano
deviennent interchangeables au XVIe siècle après l’union
des deux Couronnes (Castille et Aragon) formant le
royaume d’Espagne. Il en va de même en Amérique à
l’époque coloniale.
La résistance du catalan
Quand la couronne d’Aragon s’unit à celle de Castille en 1479,
elle inclut le royaume d’Aragon au sens strict (capitale :
Saragosse), le comté de Barcelone, autrement dit la Catalogne (y
compris le Roussillon au nord des Pyrénées), le royaume de
Valence et les îles Baléares. Le catalan est alors en usage en
Catalogne et aux Baléares, dans le royaume de Valence
(conjointement avec le castillan) et dans l’est de l’Aragon.
L’aragonais et l’asturien
Le galicien
Bien que le royaume de Galice relève de la couronne de Castille
à partir du XIIIe siècle, il conserve sa personnalité. La langue
galicienne donne alors naissance à une remarquable poésie
lyrique (voir p. 138). Vers la fin du XVe siècle, le castillan
s’impose néanmoins dans les documents juridiques et l’usage
écrit du galicien ne cesse dès lors de décliner. Si l’ensemble de
la population continue de parler ses dialectes, les élites urbaines
leur préfèrent le castillan et c’est en castillan que les amoureux
de la Galice célébreront son histoire et sa culture… Le
bénédictin Martín Sarmiento (1695-1772) mène les premières
études approfondies de la langue galicienne. Au XIXe siècle, la
« Résurgence » (Rexurdimento) a notamment pour chantre le
poète Eduardo Pondal (1835-1917), fasciné par les « racines
celtiques » de la culture galicienne. Les nombreux Galiciens
émigrés en Amérique conservent par ailleurs l’usage de leurs
dialectes et entretiennent la flamme. L’Académie royale
galicienne, fondée en 1906, se met en veilleuse quand, dès 1936,
le régime franquiste bannit le galicien des écrits et de l’usage
public.
Le judéo-espagnol
Le portugais et la lusophonie
Le basque
La renaissance du bertsolarisme
Le bertsolari improvise (sur un thème imposé) et chante
devant un public un bertso, composé de vers rimés répartis
en strophes. Exercice très difficile requérant une grande
maîtrise de la langue et la complicité du public, le
bertsolarisme n’était plus guère pratiqué à l’époque
franquiste. Il a depuis lors retrouvé du lustre, y compris
auprès des jeunes générations. De grands championnats
ont lieu tous les quatre ans en présence de milliers de
personnes. Ceux de 2009 et 2017 furent remportés par une
femme, Maialen Lujanbio Zugasti, née en 1976 en
Guipuscoa.
Notes du chapitre
[1] ↑ Le titre en latin désignait les notes qu’Eva avait dissimulées en lieu sûr à
partir de 1935. L’ouvrage a été traduit en français : LTI. La langue du III e Reich,
Albin Michel, Paris, 1996.
[3] ↑ Les ducs de Bourgogne se succèdent de père en fils : Philippe le Hardi (duc
de 1363 à 1404), Jean sans Peur (1404-1419), Philippe le Bon (1419-1467) et Charles le
Téméraire (1467-1477). À la mort de ce dernier, le roi de France Louis XI récupère le
duché de Bourgogne proprement dit (capitale : Dijon), mais non les possessions des
ducs situées au nord du son royaume.
[4] ↑ Sont soulignés les noms des membres chez lesquels le français est la langue
officielle ou l’une des langues officielles.
Le finnois
L’estonien et le letton
Le lituanien
Le polonais
La Pologne reconstituée
Le yiddish
Yiddish ou hébreu ?
Le crépuscule du yiddish
Le tchèque et le slovaque
Le slovaque s’émancipe
Alors que les dialectes slovaques ne diffèrent guère des
dialectes tchèques, l’histoire a séparé les deux peuples : les
Slovaques relèvent non pas du royaume de Bohême, mais du
royaume de Hongrie (voir p. 169). De nombreux Slovaques se
rallient néanmoins au mouvement hussite, puis à la Réforme.
Ils adoptent comme langue écrite le tchèque et se réfèrent à la
Bible de Kralice. Pour contrebalancer l’influence tchèque,
l’Église catholique promeut aux XVIIe et XVIIIe siècles une langue
slovaque écrite, dite « slovaque jésuite », qui n’est que du
tchèque modifié. Une traduction de la Bible paraît dans les
années 1750. Un prêtre catholique, Anton Bernolák (1762-1813),
remet ensuite l’ouvrage sur le métier et élabore une langue
écrite fondée sur le dialecte slovaque occidental, proche du
tchèque. Certains écrivains prônent alors une fusion des deux
langues écrites, mais les Tchèques s’y refusent. Le protestant
Ludovit Stur (1815-1856) vise au contraire l’émergence d’une
nation slovaque distincte. Dans les années 1830-1840, il établit
une langue écrite fondée sur les dialectes slovaques centraux.
Un compromis débouche en 1852 sur un « slovaque révisé »,
qui reste la langue littéraire contemporaine. Après 1867, les
Slovaques sont confrontés à la « magyarisation » voulue par les
autorités de Budapest (voir plus loin).
Le hongrois
Le renouveau de la langue
Le « diktat » de Trianon
Le roumain
La Bessarabie
Délimitée à l’ouest par le Prut, à l’est par le Dniestr, la
Bessarabie tire son nom de la dynastie valaque des Basarab
(XIVe siècle). Les Ottomans en prennent possession au
XVI e siècle,
puis doivent la céder à la Russie en 1812. Entre
les deux guerres mondiales, elle fait partie de la « Grande
Roumanie ».
La question moldave
Séparés des autres Slaves par les Hongrois et les Roumains, les
Slaves du Sud peuplent de façon continue un territoire long de
1 200 kilomètres, s’étirant des Alpes à la mer Noire. Les
linguistes répartissent leurs nombreux dialectes en trois
groupes : slovène, serbo-croate et bulgaro-macédonien. Les
langues aujourd’hui officielles ont émergé au cours d’une
histoire souvent tourmentée, marquée pour finir par la guerre
en Yougoslavie (1991-1995). On en compte sept : le slovène, les
quatre langues issues de l’ensemble serbo-croate (croate,
bosnien, serbe et monténégrin), le macédonien et le bulgare. La
géographie incite à y adjoindre l’albanais, bien que ce ne soit
pas une langue slave.
Le slovène
Intégrés au Saint-Empire romain germanique dès son origine
au Xe siècle (voir p. 166), sujets catholiques des Habsbourg
jusqu’en 1918, les Slovènes ont parfois été qualifiés de « Slaves
autrichiens ». La Réforme a néanmoins joué un rôle
linguistique essentiel en Slovénie. Le premier ouvrage imprimé
en slovène date de 1550 : c’est le Catéchisme (luthérien) de
Primož Trubar (1508-1586). En 1584 paraît une traduction de la
Bible due à Jurij Dalmatin (1547-1589). La même année, Adam
Bohorič (v. 1520-1598) publie une grammaire et met au point
une orthographe. La Contre-Réforme interrompt brutalement
cet essor : les livres sont brûlés, les protestants persécutés. Les
dialectes slovènes parlés demeurent ensuite très vivants, mais
dans les écrits s’imposent l’allemand ou, dans la région de
Trieste, l’italien.
– La question des Serbes est plus compliquée car, en 1815, ils se
répartissent entre l’Empire ottoman et l’empire des Habsbourg.
Du côté ottoman, ils peuplent la Serbie proprement dite, au sud
de Belgrade, et, pour partie, la Bosnie-Herzégovine. Chez les
Habsbourg, ils sont surtout présents dans le sud de la Hongrie
(actuelle Voïvodine, au nord de Belgrade) ou installés en tant
que colons militaires en Croatie-Slavonie et en Dalmatie, à
proximité de la Bosnie. L’année 1878 marque un tournant :
alors que les Serbes de l’Empire ottoman (et leurs cousins les
Monténégrins) obtiennent leur indépendance, l’Autriche-
Hongrie occupe la Bosnie-Herzégovine.
Le bulgare moderne
En 1762, le moine Païssi (1722-1773) de Hilandar (un monastère
du mont Athos) achève son Histoire des Slaves bulgares. Il y
exhorte ses compatriotes – alors soumis à une double
domination – à cultiver leur propre langue et à retrouver leur
fierté nationale. Les Turcs ottomans les ont soumis dès la fin du
XIVe siècle, ont décimé ou absorbé leurs élites et colonisé
diverses régions du pays, réduisant les Bulgares à un peuple de
paysans déconsidérés. De surcroît, les Ottomans ont supprimé
le patriarcat orthodoxe bulgare de Tarnovo et placé ses fidèles
sous l’autorité du patriarche grec de Constantinople, de sorte
que le clergé s’est peu à peu hellénisé. Païssi rejette l’hellénisme
et, s’adressant « comme un simple Bulgare à des Bulgares »,
leur rappelle la gloire de la Bulgarie médiévale. Son ouvrage
demeure à l’état de manuscrit jusqu’en 1844, mais les copistes
le diffusent très tôt : on y voit rétrospectivement le coup
d’envoi de la « renaissance bulgare ».
L’albanais
Le poète Naim Frashëri (1846-1900) incarne le mieux la
« renaissance nationale » (Rilindja Kombëtare) albanaise. Né
dans une famille musulmane du sud du pays, où il côtoie des
Grecs, il s’initie très tôt au turc, au persan et à l’arabe, puis
devient un fonctionnaire ottoman, en poste à Istanbul à partir
de 1882. Après un premier essai poétique en persan, il écrit en
turc, en grec et, bien sûr, en albanais. Son œuvre la plus célèbre
en cette langue s’intitule Bagëti e Bujqësi (« Élevage et
agriculture », 1886), à la fois hymne passionné à la beauté de la
campagne albanaise et appel à la liberté de la nation. On lui doit
aussi L’Histoire de Skanderbeg (1898), héros de la résistance aux
Ottomans au XVe siècle.
Le russe en URSS
Il ne faut pas se leurrer : cet édifice n’était pas perçu par les
dirigeants soviétiques comme une fin en soi. Lénine et ses
successeurs y voyaient une étape destinée à « réconcilier » les
nationalismes (autrement dit : à les désamorcer) en vue de
déboucher sur une fusion des peuples au sein d’une société
socialiste. En pratique, cela signifiait qu’à terme les peuples
fusionnés emploieraient une langue commune, le russe, tandis
que les autres langues deviendraient de simples éléments du
patrimoine culturel. La priorité à l’épanouissement des langues
non russes n’a qu’un temps, du reste. Dans les années 1930, les
écoles enseignant exclusivement en russe se multiplient, tandis
que l’usage du russe est promu dans tous les domaines. Les
systèmes d’écriture, les grammaires et les lexiques des langues
non russes sont autant que possible « harmonisés » avec le
russe. Là où il était en usage, l’alphabet latin fait place à
l’alphabet cyrillique. En 1938, l’apprentissage du russe devient
obligatoire dans toutes les écoles. En bref, le processus censé
conduire à la fusion s’accélère.
Un assouplissement fait suite à la mort de Staline. Puis Nikita
Khrouchtchev relance le mouvement. À partir de 1958, le
principe du « volontariat » permet aux parents de préférer
l’école russe à celle en langue « nationale ». On exerce de fortes
pressions sur les écrivains non russes pour qu’ils publient en
russe, afin de hâter l’acculturation. Les idéologues décrivent
une « convergence » des cultures qui conduira les citoyens à se
considérer comme des « Soviétiques » plutôt que de telle ou
telle « nationalité ». Une rengaine populaire illustre cette idée :
Moï adress nie dom, nie ulitza, moï adress, Sovietski Soyouz
(« Mon adresse, ce n’est pas une maison, ce n’est pas une rue,
mon adresse c’est l’Union soviétique »).
L’ukrainien
L’Ukraine indépendante
Le biélorusse
Le romani
[1] ↑ Peu de temps, car les Russes ne tardent pas à le chasser. En 1738, il devient
duc de Lorraine à titre viager. À sa mort, le duché échoit à la France (voir p. 316).
[4] ↑ Le nom de « Rom » n’a aucun rapport avec celui des Romains ou des
Roumains. Il s’apparente à « Dom », désignant en indo-aryen une caste spécialisée
dans certains métiers : fabrication d’outils, travaux agricoles saisonniers, etc.
L’arabe, l’hébreu et les langues
d’Éthiopie
La fragmentation du Proche-Orient au
e
XX siècle
Le hassaniya de Mauritanie et du
Sahara occidental
L’écriture du berbère
Dans l’Antiquité, la langue libyque, ancêtre du berbère,
employait un alphabet de 22 consonnes dérivé de l’écriture
punique (voir p. 91). Les principales inscriptions connues
remontent au IIe siècle av. J.-C. Abandonné à la fin de l’époque
romaine, cet alphabet s’est perpétué chez les Touareg sous le
nom de tifinagh, dans des circonstances mal connues. On
l’utilisait traditionnellement pour rédiger des textes brefs :
inscriptions sur des objets, déclarations d’amour, épitaphes…
Du condominium à la partition
En 1899, le Soudan passe sous le régime du « condominium
anglo-égyptien ». Un gouverneur général britannique y exerce
le pouvoir en s’appuyant sur une armée et une administration
surtout composées d’Égyptiens. L’essor de la culture du coton, à
l’est de Khartoum, engendre une relative prospérité. Dans le
sud, les nouvelles autorités favorisent l’activité des missions
chrétiennes.
La reviviscence de l’hébreu
L’hébreu parlé, qui avait survécu en Palestine (voir p. 94),
s’éteint vers le milieu du I er millénaire. Il retrouve la fonction
de langue maternelle à l’extrême fin du XIXe siècle, à l’initiative
de colons installés en Palestine, avant de se muer en hébreu
moderne, aujourd’hui langue des Israéliens. Entre-temps,
l’hébreu écrit (et lu à haute voix) est demeuré la langue sacrée
et liturgique de tous les Juifs, à l’échelle de la diaspora.
Eliezer Yitzhak Perlman, dit plus tard Ben Yehuda, naît en 1858
à Luzhki, près de Polotsk (dans le nord de l’actuelle Biélorussie).
Il a pour langue maternelle le yiddish. Tôt initié à l’hébreu et à
l’araméen, il fréquente l’école talmudique de Polotsk, puis
poursuit ses études, en langue russe, au lycée de Dvinsk
(aujourd’hui Daugavpils, en Lettonie). Il séjourne ensuite à
Paris, en tant qu’étudiant à la Sorbonne. C’est là qu’il forge ses
convictions. Il prône le retour des Juifs au pays de leurs
ancêtres. Il est par ailleurs convaincu que leur langue
commune ne peut être que l’hébreu, non seulement écrit, mais
parlé, ce qui n’est plus le cas depuis une quinzaine de siècles.
Djibouti
Le somali
Notes du chapitre
[5] ↑ On ne doit pas confondre le tigré, langue parlée dans l’ouest de l’Érythrée, et
le Tigré, région d’Éthiopie où l’on parle le tigrigna.
Les langues turques, iraniennes
et du Caucase
L’ère postsoviétique
Le baloutche
La question kurde
Un peuple divisé
L’hégémonie russe
La querelle ourdou/hindi
« Vivisection » de l’Inde
Le maldivien
Le birman et la Birmanie
Les Britanniques conquièrent d’abord Rangoon et la Basse-
Birmanie. En 1885, ils s’emparent de Mandalay et annexent la
Haute-Birmanie : le dernier roi, Thibaw Min, part en exil en
Inde. Les Britanniques remettent alors en cause l’hégémonie de
l’élite birmane bouddhiste, de plusieurs façons. En rattachant la
Birmanie à l’empire des Indes, ils favorisent l’afflux de plus
d’un demi-million d’Indiens, bientôt omniprésents dans le
commerce et les services. Ils décident d’administrer à part les
populations non birmanes des régions périphériques, rendues
autonomes de fait. Ils instaurent enfin un régime de neutralité
religieuse qui ouvre la Birmanie aux missions chrétiennes, tôt
actives chez les Chin, les Kachin et les Karen.
Du siamois au thaï
Le lao et le Laos
Les origines du Laos remontent à la fondation du royaume de
Lan Xang au XIVe siècle. Au début du XVIIIe siècle, il se scinde en
deux royaumes, Luang Prabang et Vientiane, qui tombent
ensuite sous la coupe du Siam. Les Français interviennent dans
les années 1890, font du Laos un protectorat et l’incorporent à
l’Union indochinoise (voir ci-dessous). Le Laos accède à
l’indépendance à l’issue de la guerre d’Indochine.
Le khmer et le Cambodge
Jadis puissant, le royaume du Cambodge s’affaiblit à tel point
qu’au XVIIIe siècle ses voisins, les Siamois et les Vietnamiens,
entreprennent de le dépecer. La conquête de la Cochinchine par
les Français, dans les années 1860, change la donne. Dès 1863, la
France offre son protectorat au roi Norodom, qui signe aussitôt
un traité. Le royaume du Cambodge sera ensuite incorporé à
l’Union indochinoise (voir ci-dessous). Sous le régime du
protectorat, une petite élite se forme, éduquée en khmer et en
français. Elle se préoccupe de la modernisation de la langue
khmère et notamment de son vocabulaire : certains
préconisent d’adopter des mots français, tels quels, tandis que
d’autres veulent préserver la pureté de la langue. C’est le cas
d’un moine bouddhiste de haut rang, Chuon Nath (1883-1969),
qui appelle à former de nouveaux mots à partir du sanskrit et
du pali, conformément à la tradition. Son point de vue
l’emporte. En 1915, le roi le charge de diriger l’élaboration d’un
dictionnaire du khmer, publié en 1938. Le premier journal
khmer paraît en 1936.
Le Vietnam
Insulinde et Indonésie
Le nom d’« Insulinde » naît sous la plume du Néerlandais
Eduard Douwes Dekker (1820-1887) dans son roman Max
Havelaar, paru en 1860 sous le pseudonyme Multatuli. Tiré
du latin insula (« île »), « Insulinde » y désigne un royaume
imaginaire. Auparavant fonctionnaire à Java, Dekker
dénonce dans son ouvrage l’exploitation des paysans
javanais par le régime colonial, ce qui fait grand bruit. Le
géographe français Élisée Reclus (1830-1905) applique
ensuite le nom d’« Insulinde » aux archipels d’Asie du Sud-
Est. Éclipsé par celui d’« Indonésie », il disparaît de l’usage
au milieu du XXe siècle.
Le malais de Malaisie
L’indépendance de la Malaisie
Le sultanat de Brunei
À la différence du Sarawak et du Sabah, le sultanat de Brunei a
choisi en 1963 de rester à l’écart de la Malaysia, puis a accédé à
l’indépendance vingt ans plus tard. Avant l’arrivée des
Britanniques, en 1888, deux langues principales s’y côtoyaient :
le malais « classique », langue de la cour, jouant un rôle officiel,
et le malais de Brunei (différent de celui de la péninsule
malaise), langue maternelle de la population autochtone et
langue véhiculaire des minorités chinoise et autres. Les langues
officielles du Brunei (415 000 habitants) sont aujourd’hui le
malais de Malaisie (bahasa malaysia) et l’anglais. Ce
bilinguisme a créé une situation paradoxale : le malais de
Brunei, langue de loin la plus usitée, demeure absent de l’école,
du moins en principe.
Singapour
Notes du chapitre
[1] ↑ Né près de Calcutta, Roy est à la fois un réformateur religieux et un
journaliste. Il connaît parfaitement l’anglais, écrit en bengali et demeurera célèbre
en tant que « passeur » de l’Inde traditionnelle à l’Inde moderne.
La modernisation du chinois
Un demi-siècle de réformes
La politique linguistique de la
République populaire
Quand, après 1949, le régime communiste réexamine la
question linguistique, il a le choix entre deux options : s’en
tenir au système guoyu/baihua promu par le régime précédent
ou procéder à une réforme radicale en transcrivant en alphabet
latin la langue de tous les jours, autrement dit le putonghua
(« langue commune »). Les partisans de la continuité
l’emportent en 1955 : on conserve les sinogrammes et ce que
l’on nomme désormais le putonghua ne diffère pas, en pratique,
du guoyu. Quant au pinyin, transcription phonétique en
caractères latins adoptée en 1958, c’est d’abord un outil
pédagogique pour l’enseignement primaire, substitué au zhuyin
fuhao. (Le pinyin est ensuite devenu la norme internationale de
transcription du chinois en alphabet latin, y compris à Taiwan
depuis 2009.)
Taiwan
La population de Taiwan se compose de Han (98 %) et de divers
groupes autochtones parlant des langues austronésiennes (voir
plus loin). Les Han se répartissent en bencheng ren (« gens de la
province [de Taiwan] ») et waisheng ren (« gens de l’extérieur »).
Les premiers descendent de Chinois de dialectes hokkiens
immigrés dans l’île à partir du XVIIe siècle (70 % de la
population) ou de Chinois de dialectes hakkas arrivés à partir
du XIXe siècle (15 %). Les seconds (12 %), pour la plupart de
dialecte mandarin, descendent des nationalistes (militaires,
fonctionnaires, etc.et leurs familles) repliés dans l’île en 1949
sous la conduite de Tchang Kaï-chek.
Les dialectes du chinois et les autres langues de Chine
Au XIXe siècle, le hokkien est la langue dominante. Après
l’annexion de Taiwan par le Japon, en 1895, le japonais s’impose
comme langue du pouvoir colonial, tandis que le hokkien
demeure la langue usuelle. Après 1949, en revanche, le
gouvernement nationaliste a vigoureusement promu
l’enseignement de la langue nationale (guoyu) et son usage dans
tous les domaines. Il s’ensuit qu’aujourd’hui la grande majorité
de la population s’exprime soit en guoyu soit en dialecte, selon
les circonstances. Le guoyu de Taiwan ne diffère guère du
putonghua du continent. À l’écrit, en revanche, les autorités de
Taiwan ont toujours refusé d’adopter les caractères simplifiés
élaborés en République populaire dans les années 1950-1960.
La disparition du mandchou
L’italique signale les langues qui, jadis parlées par les « nationalités »,
sont aujourd’hui quasiment éteintes.
Le tibétain
La modernisation du japonais
L’ouverture de la Corée
Le coréen aujourd’hui
Dans le Nord, il est décidé dès 1949 que tous les textes seront
rédigés exclusivement en hangul, les hanja étant bannis. (Ils
sont néanmoins enseignés au titre de la « culture générale »).
Dans le Sud, en revanche, la question des hanja est l’objet de
controverses, certains les percevant comme faisant partie
intégrante du patrimoine culturel national, tandis que d’autres
voient dans leur laborieux apprentissage une perte de temps.
En pratique, seul le hangul est utilisé à l’école primaire. Dans le
secondaire, les hanja font l’objet d’un enseignement spécifique,
à l’issue duquel les jeunes sont censés en maîtriser 1 700 à
1 800. D’une façon plus générale, l’usage des hanja dépend du
contexte. Ils demeurent nombreux dans les textes juridiques,
les ouvrages académiques ou la presse de qualité. En revanche,
leur usage décline dans la littérature générale et, a fortiori, dans
les ouvrages de grande diffusion et la presse populaire.
Notes du chapitre
[1] ↑ Cinq étoiles jaunes, dont une grande symbolisant le parti communiste et
quatre petites symbolisant les classes sociales mentionnées par Mao dans De la
dictature de la démocratie populaire : travailleurs prolétaires, paysans, petite
bourgeoisie, capitalistes patriotes.
Les langues d’Océanie
L’Australie
Quatre archipels ont connu aux XIXe et XXe siècle une forte
immigration : la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie, les
îles Fidji et les îles Hawaii. Dans les deux premiers cas, ce fut
surtout une immigration d’origine européenne ; dans les deux
autres, d’origine asiatique.
Le maori
Le fidjien
L’hawaiien
Le bilinguisme au quotidien
Le tahitien
Notes du chapitre
Un monde à part
Le monde bantou
Le « français tirailleur »
Le premier régiment de tirailleurs africains fut créé au
Sénégal en 1857 à l’instigation du général Louis Faidherbe
(1818-1889), alors gouverneur. L’appellation « tirailleurs
sénégalais » subsiste ensuite, bien que le recrutement
s’effectue principalement au Soudan français (actuel Mali).
Dans son ouvrage La Force noire (1910), le général Charles
Mangin (1866-1925) souligne la grande valeur militaire des
tirailleurs, qui pourraient combattre en Europe. Ils sont
effectivement engagés dès 1914 sur les fronts de la
Première Guerre mondiale, mais leur méconnaissance du
français soulève des difficultés.
Les créoles
Le Liberia
Du Sénégal au Tchad
Le Sénégal
Le périple débute au Sénégal, doyenne des colonies françaises
d’Afrique. Elle avait naguère pour capitale Saint-Louis, fondée
en 1659. À la fin du XIXe siècle, quatre communes (Saint-Louis,
l’île de Gorée, Rufisque et Dakar) sont dotées d’un statut
particulier : leurs habitants jouissent de la citoyenneté
française. Les autres Sénégalais sont des « nationaux français de
statut local », autrement dit des indigènes, tel Léopold Sédar
Senghor, fils d’un aristocrate sérère. Il entame des études
supérieures à Paris en 1928, obtient en 1932 la citoyenneté
française et réussit en 1935 le concours d’agrégation de
grammaire, le premier Africain dans ce cas. En 1939, il est
néanmoins enrôlé dans un régiment d’infanterie coloniale où
persiste l’emploi du « français tirailleur » (voir p. 557).
La Guinée
Le Mali
Le Burkina Faso
Le Tchad
La République du Tchad a pour cœur l’ancien État musulman
du Kanem (voir p. 549). Elle associe deux ensembles très
différents de populations : dans le Nord, en grande partie
désertique, vivent des peuples nomades (Toubous, etc.) ; dans le
Sud, pays de savane, les descendants des victimes des raids
esclavagistes musulmans. À l’époque coloniale, les Français
maintiennent les nomades sous administration militaire, en
particulier dans les régions du Tibesti, du Borkou et de l’Ennedi,
proches de la Libye. Dans le Sud, ils encouragent les missions
chrétiennes.
La Côte d’Ivoire
Le Ghana
Le Togo et le Bénin
Le yorouba
L’igbo
Le haoussa
C’est le cas au sud du califat lui-même, dans les régions que les
Nigérians nomment la Middle Belt (« Ceinture centrale » ou
« Zone du milieu »), mosaïque de populations de langues très
diverses. Venus du Sud, des missionnaires anglicans s’y initient
au haoussa et, dès 1848, le transcrivent en caractères latins
(écriture dite « boko », de book). La première grammaire date de
1862, le premier dictionnaire de 1876. Quand, en 1897, Londres
charge Frederick Lugard (1858-1945) d’étendre la souveraineté
britannique vers le nord, califat compris, il recrute des
tirailleurs parmi les populations de la Middle Belt hostiles aux
musulmans (et à leurs razzias esclavagistes), mais qui ont le
haoussa pour lingua franca.
Après la conquête, Lugard continue de s’appuyer sur la langue
haoussa, omniprésente, non sans promouvoir l’écriture boko,
réputée « neutre », aux dépens de l’écriture adjami. Les
premiers écrits suivis en prose remontent aux années 1930. Les
autorités coloniales s’efforcent alors d’instaurer un système
d’enseignement moderne. Le premier journal en haoussa paraît
en 1939 : Gaskiya ta fi Kwabo (« La Vérité vaut plus qu’un
penny »). Il a pour rédacteur en chef Abubakar Imam (1911-
1981), dont les écrits serviront de référence stylistique aux
prosateurs ultérieurs… et aux prosatrices, telle la romancière
Bilkisu Funtuwa (née en 1962), dont les Littattafan Soyayya
(« romans d’amour »), très populaires, ont pour cadre des
milieux musulmans polygames et fortunés.
L’anglais et le pidgin
Le Cameroun
Le navigateur portugais Fernando Pó entre en 1472 dans
l’estuaire du Wouri (coulant à Douala) et le nomme Rio dos
Camaroes (« rivière des Crevettes »), d’où l’anglais Cameroons,
l’allemand Kamerun et le français Cameroun. Un pidgin nourri
de vocabulaire portugais se développe, puis s’anglicise à
l’époque de la traite (XVIIe-XVIIIe siècles) comme dans la Cross
River (voir p. 575).
L’écriture bamoum
Ibrahim Njoya (v. 1860-1933), roi des Bamoums, aurait eu,
dit-on, quelque 600 femmes et 177 enfants… Ayant tôt
établi de bonnes relations avec les Allemands, il s’intéresse
à leurs usages et notamment à l’écriture.
L’histoire veut que dans un rêve, vers 1895, lui soit venue
l’idée de transcrire la langue bamoum en signes
pictographiques correspondant chacun à un objet ou une
action. Il en résulte un système comptant plus de 500
signes, dont beaucoup proposés par ses sujets. Njoya le
révise et le restreint au fil des ans. Quand il arrive à
maturité vers 1918, le système compte 70 signes environ,
en majorité syllabiques. Njoya fait alors fondre des
caractères d’imprimerie en cuivre.
La Guinée équatoriale
L’Afrique centrale
Le tshiluba et le swahili
L’Afrique orientale
« Quand on joue de la flûte à Zanzibar, l’Afrique se met à
danser » (dicton arabe). Le sultan d’Oman Said ibn Sultan (1797-
1856) en semble convaincu : en 1840, il y transfère sa capitale,
auparavant située à Mascate. Il règne alors à la fois sur Oman,
sur les îles de Zanzibar et de Pemba et sur toute la côte s’étirant
du pays somali aux confins du Mozambique portugais. En 1861,
l’ensemble se scinde en deux sultanats distincts : Oman et
Zanzibar.
Le Soudan du Sud
La question linguistique
Le Rwanda et le Burundi
Les Comores
Du monde swahili relèvent les quatre îles de l’archipel des
Comores : Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte. Des
Africains y ont pris pied avant l’an mille, autant que l’on puisse
en juger, puis des Chirazi, population métissée musulmane de
langue swahili (voir plus haut). Une aristocratie d’origine arabe
s’y est jointe au XVIe siècle et l’islam a gagné l’ensemble de
l’archipel. Toute la population s’exprime aujourd’hui en
comorien (komoro, une variété de swahili), réparti en quatre
dialectes, un par île.
L’Afrique australe
L’Angola
En 1507, les Portugais ont pris pied sur une petite île au large de
la côte orientale de l’Afrique, l’ont nommée Mozambique (du
nom d’un marchand arabe, Mussa Bin Bique, qui les y avait
précédés), puis se sont installés en divers points du littoral. La
colonie ainsi formée s’étend vers le sud jusqu’à la frontière du
Natal, devenu britannique en 1843. En 1852, les Boers fondent la
République du Transvaal, où l’on découvre de l’or en 1886 (voir
p. 606). Le président Paul Kruger (1825-1904) lance la
construction d’une ligne de chemin de fer reliant Pretoria à
l’océan, en territoire portugais. Inaugurée en 1895, celle-ci
aboutit au port de Lourenço Marques. Dès 1898, les Portugais y
transfèrent la capitale de leur colonie, délaissant l’île de
Mozambique.
Le Malawi
La Zambie
Le Zimbabwe
Le shona (langue maternelle de 70 % des 17 millions de
Zimbabwéens) et le ndebele (20 %) dominent, le premier dans
le nord et l’est, autour de Harare (ex-Salisbury), la capitale, le
second dans le sud-ouest, autour de Bulawayo. L’anglais
demeure la langue officielle. La dictature exercée par Robert
Mugabe, au pouvoir depuis l’indépendance en 1980, a pris fin
en 2017.
Le Botswana
Devenu protectorat britannique en 1885 à l’initiative de Cecil
Rhodes, le Bechuanaland reste à l’écart de l’Union sud-africaine
créée en 1910, puis accède à l’indépendance en 1966 sous le
nom de Botswana, « pays des Tswana », qui se nomment eux-
mêmes Batswana (au pluriel) ou Motswana (au singulier) et
parlent le setswana, « langue des Tswana ». En fait, les Tswana
sont aujourd’hui moins nombreux au Botswana (1,7 million,
près de 80 % de la population) qu’en Afrique du Sud, où ils sont
plus de 4 millions. Une partie d’entre eux y ont vécu, de 1971 à
1994, dans un « bantoustan » nommé Bophuthatswana (« pays
des Tswana rassemblés »).
La Namibie
L’Afrique du Sud
Le Lesotho et l’Eswatini
Madagascar
L’échec de la « malgachisation »
Notes du chapitre
[1] ↑ Elikia M’BOKOLO, Afrique noire. Histoire et civilisations (2 vol.), Hatier, Paris,
1992 et 1995.
[9] ↑ Forgé dans les années 1980, le nom d’« Ambazonie » dériverait d’Ambas ou
Ambozes, nom local de l’estuaire du Wouri.
[11] ↑ Sous ce régime, le pays a porté le nom de Zaïre, dérivé – via le portugais –
de nzere désignant le fleuve en kikongo.
Les langues des Amériques
L’Amérique hispanique
La Nouvelle-Espagne
L’Amérique centrale
La Colombie et le Venezuela
Le Chili
Le Chili étire sur 4 300 kilomètres quatre zones climatiques :
désertique au nord, méditerranéenne puis océanique (forêts et
prairies) au centre, froide au sud. Quand les Espagnols sont
arrivés, seules quelques tribus habitaient les zones nord et sud.
Dans le centre vivaient les Mapuches, au nombre de 700 000 à
900 000 selon l’historien chilien José Bengoa. Excellents
guerriers, ils avaient résisté aux armées incas dans la seconde
moitié du XVe siècle.
L’Argentine et l’Uruguay
Le Brésil moderne
En 1822, le Brésil devient un empire indépendant sur lequel
règnent Pierre I er, fils du roi du Portugal, puis son fils Pierre II.
Lors du premier recensement, en 1872, le pays compte
10 millions d’habitants, dont 40 % de Blancs, 40 % de mulâtres
et métis et 20 % de Noirs, les esclaves étant au nombre de
1,5 million environ. Il faut attendre 1888 pour que le Congrès
vote enfin l’abolition de l’esclavage. La république est
proclamée l’année suivante.
Les Caraïbes
La période coloniale
Le débat est loin d’être clos. Quoi qu’il en soit, il est sûr qu’à
partir de la seconde moitié du XVIIe siècle des créoles prennent
forme dans les îles, avec pour langues sources celles des
premiers groupes de colons européens. Quand certaines îles
changent de mains, les créoles initiaux restent souvent en
place : c’est le cas à Sainte-Lucie, possession française jusqu’à la
fin du XVIIIe siècle, britannique ensuite. Au début du XIXe siècle,
de l’ordre d’un million de personnes connaissent une seule
langue : un créole. (Les actuels locuteurs de langues créoles,
plus de 15 millions de personnes, sont pour la plupart leurs
descendants directs.) Dans chaque île se côtoient une langue
européenne, employée par la minorité dirigeante, et un créole,
langue (orale) de la majorité de la population. Les créoles sont
alors perçus comme des parlers abâtardis et incorrects, y
compris par leurs propres locuteurs, comme le note l’auteur
d’Atipa.
Les Bahamas
Le papiamento
Dans les années 1630, les Hollandais ont pris possession des îles
Curaçao, Aruba et Bonaire (au large du Venezuela), qui
comptent aujourd’hui 290 000 habitants, dont les quatre
cinquièmes d’origine africaine. Ils ont pour langue maternelle
et usuelle le papiamento, un créole dont les origines demeurent
débattues. Selon l’hypothèse la plus plausible, cette langue
remonterait à la seconde moitié du XVIIe siècle, quand seraient
arrivés dans les îles des négociants juifs lusophones (et leurs
esclaves) liés à des intérêts hollandais, comme de nombreux
Juifs réfugiés aux Provinces-Unies après leur expulsion du
Portugal. Le « jargon » ainsi issu du portugais aurait subi
l’influence de l’espagnol, du néerlandais et même de la langue
arawak des indigènes. Quoi qu’il en soit, le papiamento fut assez
tôt transcrit, le plus ancien document connu étant une lettre
personnelle datée de 1775.
Les États-Unis
Vers 1700, on compte près de 300 000 Blancs dans les colonies
anglaises d’Amérique du Nord, dont 90 000 en Nouvelle-
Angleterre, 100 000 environ dans les colonies centrales et
autant dans le Sud, où vivent aussi quelque 10 000 esclaves
africains. Parmi les Blancs figurent une dizaine de milliers de
Hollandais, qui s’étaient installés dans la vallée de l’Hudson et
avaient fondé en 1653 la Nouvelle-Amsterdam, rebaptisée
New York après l’annexion de la colonie par les Anglais en 1664.
Tous les autres Blancs (ou presque) sont originaires
d’Angleterre. Dès la fin du XVIIe siècle, l’anglais domine partout.
Au XVIIIe siècle, l’immigration est pour l’essentiel d’origine
britannique, allemande ou africaine. Parmi les Britanniques
figurent de nombreux Irlandais de l’Ulster (dits Scotch Irish),
protestants de langue anglaise. Les Allemands s’installent
surtout en Pennsylvanie. Les Africains sont des esclaves, pour la
plupart présents dans les colonies du Sud. (Près de 350 000 y
sont débarqués au XVIIIe siècle.) Lors du premier recensement
conduit aux États-Unis, en 1790, on compte 3 930 000 habitants,
dont 63 % d’origine britannique, 19 % de Noirs, 7 % d’Allemands
et 11 % d’autres origines. La langue anglaise demeure donc
hégémonique, d’autant que les Noirs l’ont adoptée peu à peu.
L’African-American English
L’« anglais afro-américain » (African-American English, naguère
Black English) recouvre diverses variétés d’anglais. Elles sont
nées dans le Sud, mais les linguistes ne s’accordent pas sur leurs
origines. Certains les cherchent dans des dialectes britanniques
du XVIIIe siècle, d’autres dans un créole qui se serait « dé-
créolisé » en se rapprochant de l’anglais standard et dont le
gullah (voir ci-dessous) conserverait le souvenir.
La langue allemande
En dépit des efforts déployés par les « Cinq tribus », les autorités
de Washington décident de transférer les Indiens vers le
« Territoire indien » institué en 1828 (actuel Oklahoma).
Presque tous ceux du Sud-Est y sont expulsés dans les années
1830, dans des conditions dramatiques le long de la « Piste des
larmes » (Trail of tears). Il en va de même des Indiens de la
région de l’Ohio. Dans les territoires pris au Mexique, les
Indiens connaissent des sorts contrastés. En Californie, la Ruée
vers l’or (1849) et ses suites tournent au désastre : les Indiens
sont réduits en esclavage, massacrés, affamés… Leur nombre
passe de 85 000 environ en 1852 à 15 000 en 1890. En revanche,
les Indiens du Nouveau-Mexique (Arizona compris) ne
subissent pas l’assaut des colons, peu nombreux avant le
XXe siècle. Quant à la soumission des Indiens des Grandes
Plaines, elle a lieu entre 1870 et 1890. Pour les réduire à merci,
les autorités encouragent le massacre systématique des bisons,
leur principale ressource. (Le nombre de bisons passe de plus
de 10 millions à la fin des années 1860 à quelques centaines
quinze ans plus tard.) Vers 1880, presque tous les Indiens vivent
dans des réserves. En 1900, on ne compte plus que 237 000
Indiens aux États-Unis, soit 0,3 % de la population (76 millions).
Le Canada
L’expansion de la Confédération
Les deux tiers des quelque 450 000 métis vivent dans l’Ouest.
Moins d’un millier parlent encore le mitchif, langue mixte
associant des verbes cris à des noms français. Elle est
probablement née au début du XIXe siècle chez des métis
chasseurs de bisons.
Notes du chapitre
[2] ↑ Par exemple, en plaçant au centre de son drapeau un aigle perché sur un
cactus serrant dans son bec un serpent, symbole aztèque par excellence.
[3] ↑ Carthagène deviendra, au siècle suivant, le principal lieu de transit des
esclaves africains destinés à l’Amérique du Sud espagnole.
[4] ↑ Les Jivaros étaient célèbres en tant que « réducteurs de têtes ». Ils se
nomment eux-mêmes Shuars et considèrent l’appellation « Jivaros » comme
péjorative.
Avant l’écriture
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Encyclopédies