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VIEILLISSEMENT ET INÉGALITÉS SOCIALES : LE CAS DU BRÉSIL

Guita Grin Debert, Nadya Araujo Guimarães, Helena Hirata

Caisse nationale d'assurance vieillesse | « Retraite et société »


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2020/2 N° 84 | pages 97 à 120
ISSN 1167-4687
ISBN 9782858231232
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe-2020-2-page-97.htm
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Vieillissement
et inégalités sociales :
le cas du Brésil
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Guita Grin Debert


Professeur titulaire, département d’anthropologie, Institut de philosophie
et sciences humaines, universidade Estadual de Campinas
Nadya Araujo Guimarães
Pofesseur titulaire senior, département de sociologie, universidade de São Paulo
Helena Hirata
Directrice de recherche émérite, Cresppa-équipe GTM, CNRS
Varia

résumés
abs t r a c t s
98

Debert G.G., Guimarães N.A., Hirata H., 2020, « Vieillissement et inégalités sociales :
le cas du Brésil », Retraite et société, n° 84, p. 97-120*.
Le Brésil, pays marqué par des profondes inégalités sociales, subit actuellement une tran-
sition démographique accélérée entraînant un vieillissement de sa population. L’émergence
de nouvelles inégalités constitue une première facette du phénomène. Les personnes
âgées, en particulier les plus pauvres, jouent un rôle important dans l'apport d'un revenu
à leur famille ; cela découle à la fois de leur participation au marché du travail et de l'im-
portance des droits en matière d'emploi qui ont été récemment introduits en leur faveur.
Par ailleurs, on constate que la demande de care envers les personnes âgées dépen-
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dantes se développe depuis que le nombre de femmes en emploi augmente. Les réseaux
d’entraide familiaux et de voisinage restent cependant très actifs parmi les catégories
sociales les plus modestes.
La seconde facette concerne les politiques publiques. Même si le pays compte un grand
nombre de propositions, lois, ordonnances et mesures, telles que le Statut des personnes
âgées (Estatuto do Idoso), la Politique nationale des personnes âgées (Política Nacional
do Idoso – PNI), les commissariats de police pour la protection aux personnes âgées,
etc., les disparités persistent. Lorsqu’elles sont appliquées, ces mesures bénéficient sur-
tout aux personnes âgées autonomes, les politiques pour les personnes dépendantes
restant toujours à un niveau très local. Le résultat constitue donc un véritable paradoxe :
les conquêtes les plus en phase avec les directives internationales concernant le vieillis-
sement finissent par accentuer les inégalités sociales.
Mots-clés : vieillissement ; Brésil ; inégalités sociales ; marché du travail ; politiques publiques
Ageing and social inequalities: the case of Brazil
Brazil, a country marked by deep social inequalities, is currently undergoing an accele-
rated demographic transition towards an ageing population. Older persons, especially
the poorest, play an important role in providing income for their families; this stems both
from their involvement in the labour market and from the importance of employment
rights that have recently been introduced in their favour. Furthermore, the demand for
care for dependent older people is growing as the number of women in employment
increases. However, family and neighbourhood self-help networks remain very active
among the poorest social categories.
The second facet concerns public policies. Although the country has a large number of
proposals, laws, ordinances and measures, such as the Statute of the Older Person (Estatuto
do Idoso), the National Policy for the Elderly (Política Nacional do Idoso – PNI), and
police stations for the protection of older people, etc., disparities persist. When imple-
mented, these measures mainly benefit autonomous older people, and policies for
dependent older people only exist at very local levels. The result is therefore a real para-
dox, since the progress that has been made in accordance with international policy gui-
delines on ageing end up accentuating social inequalities.
Keywords: ageing; Brazil; social inequalities; labour market; public policies

* Ce texte a été traduit du portugais.

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Vieillissement et inégalités sociales : le cas du Brésil

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L
e thème des inégalités sociales est l’un des plus discutés par les spécialistes des
sciences sociales qui ont analysé la réalité brésilienne. Et c’est à juste titre, car le
Brésil, dont les indices d’inégalités de revenu sont élevés, est pour être connu l’un
des pays les plus inégaux d’Amérique latine. Après la reprise du régime démocratique,
avec des droits accrus par une nouvelle Constitution promulguée en 1988 et presque
deux décennies de politiques publiques d’inclusion sociale, le pays a connu une baisse
significative des indicateurs d’inégalité de revenu1. En 1989, le revenu des 10 % les plus
riches était 71 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres. Or, sur un court laps de
temps, ce ratio a été réduit de moitié et, en 2014, les revenus des plus aisés représen-
taient 32 fois ceux des moins nantis. Ce mouvement, à contre-courant des tendances
internationales en matière de concentration (Piketty & Saez, 2014), a attiré l’attention
internationale sur le cas brésilien, tout en suscitant un vaste débat national sur le sujet2.

Dans cet article, nous observerons les inégalités sous l’angle particulier de ses effets
sur l’expérience du vieillissement au Brésil, pays marqué par une transition démogra-
phique rapide. Suivant une tendance qui valorise une approche socio-anthropologique
(Gootenberg & Reygadas, 2010), nous éviterons de circonscrire l’analyse à l’inégalité
des revenus en l’abordant plutôt comme un phénomène multidimensionnel, et en valo-
risant la dimension subjective de l’expérience du vieillissement. Nous porterons une
attention aux inégalités économiques, de genre, raciales et à celles liées au degré d’au-
tonomie fonctionnelle, c’est-à-dire à la capacité des individus à réaliser les activités ins-
trumentales de la vie quotidienne (AIVQ), qui déterminent le degré d’indépendance de
la personne âgée et les dilemmes du prolongement de la vie qui caractérisent les socié-
tés contemporaines (Guillemard & Mascov, 2017).

1. Cette baisse dans les indicateurs de l’inégalité de revenus semble s’inverser, notamment depuis la
rédaction de cet article. À partir de la crise économique qui s’est déclarée en 2015, et en particulier avec les
nouvelles directives de la gestion gouvernementale qui a débuté en 2019, nous avons observé un appro-
fondissement des réformes des droits du travail inauguré en 2017, une attaque aux droits consignés dans
les règles de la sécurité sociale et un démantèlement croissant des mécanismes de la politique d’assista-
nat social créés à partir de 1988 et mis en œuvre dans les années 1990 et 2000 ; ces mécanismes ont eu
un effet important de transfert de revenu avec des bénéfices nets pour les personnes âgées pauvres et pour
les personnes handicapées.
2. Pour une discussion et un bilan succinct de cette bibliographie, voir Reis (2011) et Reis, Silva &
Carvalhaes (2016), pour une étude empirique sur la trajectoire à long terme (1960-2010) des différentes
dimensions de l’inégalité au Brésil, voir Arretche (2018).

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Varia

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Nous aborderons deux facettes du vieillissement de la population au Brésil. La première


concerne la tension qui existe entre le rôle actif qu’endossent les Brésiliens âgés et leurs
besoins. En effet, ce sont des acteurs importants dans le processus d’obtention de revenus,
surtout parmi les familles les plus pauvres. Ce rôle vient non seulement de leur engagement
sur le marché du travail (conséquence de l’insuffisance ou de l’absence de pension), mais
aussi de l’importance des droits qui leur ont été octroyés récemment (comme l’extension
de la retraite aux personnes âgées en milieu rural, et les politiques de transfert continu
de revenus en faveur des personnes âgées très pauvres). Mais un tel rôle social cohabite
avec le besoin de protection qui résulte de la perte progressive d’autonomie fonction-
nelle au cours du vieillissement. Cette demande croissante de soins pour les personnes
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âgées s’inscrit dans un contexte d’intégration rapide des femmes sur le marché du tra-
vail3. La marchandisation des soins a entraîné l’émergence de nouvelles réalités parmi les
classes aux revenus les plus élevés comme les aides à domicile ou les institutions privées
à coût élevé pour un accueil permanent. Pour les plus pauvres, les réseaux familiaux et de
voisinage restent toujours essentiels4. Ainsi, les Brésiliens âgés sont en même temps pour-
voyeurs de revenu pour leur famille et personnes à charge ; leurs rôles et leurs besoins
se chevauchent et sont « en tension ». L’émergence de ces nouvelles inégalités constitue
une première facette du vieillissement brésilien qui sera analysée ici.

Une seconde facette du vieillissement a trait aux politiques publiques. Malgré les niveaux
d’inégalité considérables, il n’existe toujours pas de dispositifs tels que l’allocation per-
sonnalisée d’autonomie (APA), adoptée en France, ou le Long term care insurance, en
vigueur au Japon. Toutefois, nombreuses sont les propositions, lois, décrets et mesures
destinées aux personnes âgées, tels que le Statut des personnes âgées (Estatuto do
Idoso), la politique nationale de la personne âgée, les postes de police pour la protec-
tion des personnes âgées, le transport gratuit ou les réductions sur des événements cultu-
rels. Cependant, lorsqu’elles ont été appliquées, ces mesures ont davantage profité aux
personnes disposant d’un haut niveau d’autonomie fonctionnelle ou de peu de limita-
tions dans les AIVQ , alors que les politiques publiques sont pratiquement inexistantes
pour les personnes très dépendantes. Ainsi, les tentatives d’introduire les meilleures pra-
tiques internationalement reconnues dans les services de santé et d’aide sociale aux per-
sonnes âgées finissent paradoxalement par contribuer à reproduire les inégalités sociales.

La première partie de cet article présente quelques caractéristiques représentatives du


cas brésilien, à la lumière de données et d’analyses récentes. Nous nous concentrerons
sur les caractéristiques du processus de vieillissement de la population, mais également

3. Entre 1960 et 2010, le Brésil a expérimenté un processus accéléré d’engagement des femmes sur
le marché du travail, en se distinguant des autres pays d’Amérique latine et en égalant des pays tels
que la France, les États-Unis et le Royaume-Uni (Guimarães & Brito, 2016). Ce processus fut concomi-
tant au déclin considérable de la fécondité et aux importants progrès de la scolarisation féminine, avec
des effets sur la structure familiale et la composition des ménages (Oliveira, Vieira & Marcondes, 2018).
Ces tendances ont entraîné une remise en question du rôle traditionnel des femmes en tant qu’aidantes
exclusives, ce qui a été également signalé pour la France par une vaste production académique lors de
ces 40 dernières années : voir, entre autres, Collectif (1985), Kergoat (1984), Maruani (2000), Battagliola
(2000), Fagnani & Letablier (dir.) (2001), Maruani (2013).
4. Concernant les réseaux d’assistance et de soins aux plus pauvres dans les villes brésiliennes, voir Georges
& Garcia dos Santos (2016) et Vieira (2017). Concernant l’importance des réseaux familiaux et communau-
taires pour l’accès au travail et l’organisation de la survie, voir les résultats de la recherche comparative Brésil-
France-Japon sur l’expérience du chômage (Demazière et al., 2013) et des analyses plus détaillées au sujet
des réseaux dans le marché du travail à São Paulo (Guimarães, 2009 ; Guimarães et al., 2012).

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Vieillissement et inégalités sociales : le cas du Brésil

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sur les défis que posent la pauvreté persistante et les inégalités sociales importantes
face au vieillissement.

La seconde partie est consacrée à la tension qui existe entre le rôle économique des per-
sonnes âgées et leurs besoins de soins et de protection ; nous caractériserons leur engage-
ment sur le marché du travail et leur participation à l’obtention de revenus, à la lumière des
données du recensement et de l’Enquête nationale auprès des ménages (PNAD5). À par-
tir de cette source, nous exposerons les manières multiples (et inégales) de prodiguer des
soins aux personnes âgées qui en ont besoin. Pour ce faire, nous nous appuierons égale-
ment sur les résultats de nos enquêtes de terrain auprès de professionnels de l’aide à domi-
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cile pour les personnes âgées (cuidadoras), ainsi que sur ceux tirés de l’étude nationale par
échantillon sur les établissements de soins de longue durée pour personnes âgées (ILPI6).

Dans une troisième partie, nous examinerons quelques-unes des politiques publiques
pour personnes âgées récemment mises en œuvre au Brésil, et l’écart qui s’est créé entre
le public cible de ces politiques (personnes âgées dépendantes) et les bénéficiaires réels
(personnes autonomes, parfois de moins de 50 ans), afin de démontrer le paradoxe entre
la protection recherchée et les nouvelles voies de reproduction des inégalités. Dans la der-
nière partie, nous utiliserons les résultats présentés pour discuter des défis du vieillissement
que doit relever une société caractérisée par des inégalités durables.

Vieillir au milieu des inégalités : les défis du Brésil

Le phénomène de vieillissement de la population est constaté dans les pays les plus divers,
dans le sillage des mouvements de baisse de la fécondité et de la mortalité. Cependant,
d’un pays à l’autre, son rythme varie, aussi bien que ses conséquences et les processus qui
en sont les corrélats. Cette variation reflète, d’une part, la façon dont se forment les inéga-
lités relatives à l’accès aux besoins sociaux de base et, d’autre part, l’existence et l’ampli-
tude des politiques sociales d’inclusion, spécialement celles destinées aux personnes âgées.

Behrman, Duryea & Székely (2001), en observant des pays d’Amérique latine, ont révélé
que lorsque la part de la population âgée augmente, les inégalités peuvent croître si, par
exemple, la main-d’œuvre senior n’est pas préparée ou est sous-employée, ce qui est
le cas surtout dans les régions brésiliennes moins développées. Dans ces circonstances,
le bonus démographique généré par une baisse de pression pour créer de nouveaux
emplois peut perdre son efficacité initiale. Au Brésil, pays marqué par une transition
démographique rapide dans des conditions de profondes inégalités sociales, les défis
posés par le vieillissement sont multiples, faisant de ce pays un cas empirique intéressant
(Wong & Carvalho, 2006). Tout d’abord, et comme dans d’autres pays, la croissance de
la population âgée a été significative (tableau 1). L’indice de vieillissement brésilien (ratio
entre le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus pour 100 personnes de moins
de 15 ans) a augmenté légèrement entre 1980 et 1991, passant de 15,9 à 21, mais il a
été plus significatif durant les 10 années suivantes, jusqu'à atteindre 48,8 en 2010. On
remarque que, sur cette même période, la différence entre genres s’est approfondie éga-
lement, et que le taux observé chez les femmes (50,7) est bien plus important que chez

5. Pesquisa Nacional por Amostra de Domicílios.


6. Instituições de Longa Permanência para Idosos.

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Tableau 1 > Indicateurs de la population âgée au Brésil, selon le sexe, en 1980, 1991 et 2010 102
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Brésil : indicateurs de la population âgée, selon le sexe, (1980, 1991, 2010)

Retraite et société 84
1980 1991 2010
Hommes Femmes Total Hommes Femmes Total Hommes Femmes Total
Total de la population âgée
5,8 6,3 6,1 6,8 7,8 7,3 9,8 11,7 10,8
(%) (1)
Total de la population âgée
0,4 0,6 0,5 0,6 0,9 0,8 1,2 1,9 1,5
de 80 ans et plus (%) (1)
Indice de vieillissement* (1) 14,9 16,9 15,9 19,1 23 21 39,2 50,7 44,8
Sex-ratio des personnes
– – 89,9 – – 85,2 – – 80,1
âgées** (1)
Ratio de dépendance des
10,4 11,3 10,9 11,8 13,4 12,6 15 18,1 16,6
personnes âgées*** (1)
Population totale (valeur
59 227 647 59 775 059 119 002 706 72 487 737 74 337 738 146 825 475 93 413 115 97 342 684 190 755 799
absolue) (2)
(*) Nombre de personnes de 60 ans et plus pour 100 personnes de 15 ans et plus.
(**) Nombre d’hommes pour 100 femmes.
(***) Ratio entre le groupe d’âge économiquement dépendant (<15 et 60 et plus) et le groupe d’âge potentiellement productif (15 à 59 ans).
Sources : (1) Camarano, Kanso, Fernandes (2016), p. 65-66. (2) Recensements 1980, 1991, 2010. Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística (IBGE). In: https://brasilemsintese.ibge.gov.br/populacao/.html

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les hommes (39,2). Qui plus est, si l’on prend en compte le poids que représente cette
croissance dans la population totale, nous nous apercevons que celle-ci a pratiquement
doublé dans l’intervalle des trois derniers recensements de population ; ainsi, en 1980,
les personnes âgées de 60 ans ou plus ne représentaient que 6 % des Brésiliens, pour
passer à 11 % en 2010, augmentant ainsi deux fois plus vite que la population totale sur
cette même période7. Cela s’explique par la conjonction entre les taux élevés de fécon-
dité, toujours d’actualité dans les années 1950 et 1960, et la réduction de la mortalité,
pour tous les âges, observée à partir des années 1950 : « ce sont les baby-boomers qui
se transforment en elderly boomers » (Camarano, Kanso & Fernandes, 2016)8. Toutefois,
il convient de ne pas perdre de vue qu’étant donné la magnitude de la population brési-
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lienne, l’augmentation du nombre des personnes âgées est de l’ordre de 13 millions en
à peine 30 ans (entre 1980 et 2010), et de plus de 5 millions au cours des cinq dernières
années seulement (2012 à 2017)9. Le Brésil fait donc face à un problème de volume qui
constitue un défi supplémentaire pour la conception et la mise en œuvre de politiques
destinées à protéger et à inclure les personnes âgées.

À ce sujet, le pays constitue également un cas intéressant. En effet, avec la « redémocratisa-


tion » consécutive à la fin du régime militaire, d’importants changements institutionnels ont
été décidés dans ce domaine. La grande avancée provient de la nouvelle Constitution pro-
mulguée en 1988. En ce qui concerne les personnes âgées, elle se faisait l’écho des décisions
prises lors de l’Assemblée mondiale sur le vieillissement de 1982 à Vienne : pour la première
fois, un chapitre constitutionnel leur fut consacré. Une responsabilité tripartite entre famille,
État et société a été établie, de manière à garantir la dignité et le bien-être des personnes
âgées brésiliennes (article 230). En même temps, tout type de discrimination dans le travail
qui reposerait sur l’âge des individus a été supprimé de la loi. Des avantages spécifiques,
tels que la gratuité dans les transports publics, ont été aussi assurés constitutionnellement.

Tout au long des années 1990, différents dispositifs constitutionnels ont amplifié la pro-
tection octroyée aux personnes âgées, avec une mention spéciale pour la loi de 1994
(réglementée en 1996) qui institua la Politique nationale des personnes âgées (PNI10),
et pour la loi organique de l’assistance sociale (LOAS) de 1993. Grâce à cette dernière,
l’allocation continue (BPC11) a été créée. Elle garantit un revenu mensuel de citoyen-
neté, équivalent au salaire minimum légal, aux personnes âgées de 65 ans ou plus et aux
personnes handicapées qui se trouvent en situation de pauvreté extrême (familles avec

7. Tafner, Botelho & Erbsti (2014) estiment que le segment des personnes âgées augmentera 6,5 fois plus
vite que la population totale entre 2010 et 2030. La vitesse de la transition démographique en cours dans
des pays comme le Brésil est considérable et notablement plus rapide que celle des pays développés.
8. Les données collectées par Camarano, Kanso & Fernandes (2016) permettent de situer la dyna-
mique démographique brésilienne par rapport à d’autres pays. Ainsi, nous voyons que les taux brési-
liens de vieillissement se rapprochent de ceux présentés dans d’autres pays en voie de développement,
sur le continent américain, durant la même période 1980-2010, comme le Chili (où ils ont varié de 26,1
à 64,9), ou le Mexique (de 12,8 à 30,9). Ce groupe forme un standard clairement différent d'autres pays,
tels que le Japon où le vieillissement récent est notable (le taux est passé de 54,9 à 233,8 sur la même
période), ou l'Angleterre qui connaît une faible augmentation d'un vieillissement déjà consolidé (avec des
taux passant de 100,5 à 127,2).
9. Ce nombre indique qu’au Brésil, la tendance au vieillissement rapide après le dernier recensement
réalisé en 2010 s’est maintenue. En effet, les données officielles produites par la PNAD, enquête par échan-
tillon national représentatif, indiquent que les personnes âgées ont déjà légèrement dépassé le nombre
de 30 millions en 2017. Entre 2012 et 2017, le rythme de croissance des Brésiliens de 60 ans et plus fut
de l’ordre de 18 % : https://agenciadenoticias.ibge.gov.br/agencia-noticias/2012-agencia-de-noticias/
noticias/20980-numero-de-idosos-cresce-18-em-5-anos-e-ultrapassa-30-milhoes-em-2017
10. Política nacional do idoso.
11. Benefício de prestação continuada.

Retraite et société 84
Varia

104

un revenu moyen jusqu’à un quart du salaire minimum). Ce mécanisme de protection


sociale a concerné près de 4,5 millions de personnes en 2016 ( Jaccoud, Mesquita &
Paiva, 2017)12. Toutefois, malgré la revalorisation du salaire minimum entre 2003 et 2012,
cette allocation de la BPC ne suffit pas à faire sortir les personnes de la pauvreté car elle
est octroyée à la condition de ne pas travailler, c’est-à-dire de ne pas avoir un emploi
déclaré. Dès lors, les initiatives éventuelles pour compléter le revenu se font officieuse-
ment et supposent, évidemment, une certaine autonomie fonctionnelle.

Toute cette architecture institutionnelle fait du Brésil l’un des pays d’Amérique latine pion-
niers dans la mise en œuvre d’une politique de garantie de revenu pour les personnes
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âgées et dans la conception d’une politique de protection fortement ancrée dans les débats
internationaux. Cette architecture s’érige cependant sur les fondements d’une société iné-
galitaire et pauvre qui défient les politiques s’adressant à tous ceux qui vieillissent.

Finalement, avec la Constitution de 1988, l'individu âgé a commencé à être perçu comme
un véritable acteur politique. Cependant, lorsqu’il s’agit de prendre en charge la vieil-
lesse, c’est la famille qui est considérée comme l’institution par excellence qui fournit
les soins. Les revendications envers l’État ne signifient pas un abandon de la dimension
« familialiste » des soins13, mais il est certain que ce biais, qui s’inscrit aussi bien dans la
législation que dans la conscience collective, est un mécanisme de consolidation des ini-
quités parce qu’il existe des différences sociales marquantes en termes de ressources. En
ce sens, la prise en charge des personnes âgées aura les mêmes caractéristiques d’inéga-
lité que celles des milieux familiaux pour ce qui a trait à leurs moyens, matériels et sym-
boliques, pour faire face au vieillissement.

Entre le travail et le soin

La réflexion sociologique au sujet de la vieillesse part du postulat selon lequel il s’agit


d’une catégorie socialement construite. Une distinction est ainsi établie entre un fait
universel et naturel – c’est-à-dire le cycle biologique lié à la naissance, la croissance et
la mort – et un fait social et historique, lié à la variabilité des formes par lesquelles le
vieillissement est conçu et vécu. À partir de cette constatation, les représentations de
la vieillesse, la position sociale des personnes âgées et la considération des plus jeunes
à leur égard ont des significations particulières dans des contextes historiques, sociaux
et culturels distincts14. Par conséquent, les façons de vivre le vieillissement sont hétéro-
gènes ; elles s’appuient, entre autres, sur des différences socio-économiques, ethnico-
raciales et de genre. De tels clivages conduisent à des formes de vie et des expériences
de discrimination qui sont distinctes d’une société à l’autre, et qui varient dans le
temps au sein d’une même société. Qui plus est, il faut reconnaître que l’augmentation

12. Il faut dire qu’un cinquième des personnes âgées et handicapées brésiliennes vivaient, en 2016,
en situation de privation extrême. Comme nous l’analyserons plus tard, la BPC a obtenu des résultats
importants, particulièrement lorsqu’entra en vigueur, au Brésil, une politique de revalorisation du salaire
minimum légal. Des études économétriques montrent que l’indexation du bénéfice au salaire minimum,
dans des conditions d’appréciation continues de celui-ci, l’a placé à l’avant-plan des déterminants de la
réduction des inégalités au Brésil (Soares, 2010 ; Kerstenetzky, 2017).
13. Sur le caractère familial des politiques publiques orientées vers les soins, voir Debert (2016) ; sur le
caractère familial des politiques dans les pays de l’Europe du Sud, voir Lagomarsino (2010).
14. La bibliographie anthropologique sur le thème est vaste. Pour une vision comparative de différentes
sociétés, voir Sokolovsky (2009) ; Debert (1999) ; le périodique Anthropology & Aging, publication de l’As-
sociation for anthropology, gerontology, and the life course (AAGE), est également riche en articles sur la
diversité sociale et historique du vieillissement.

Retraite et société 84
Vieillissement et inégalités sociales : le cas du Brésil

105

de l’espérance de vie accroît le nombre de personnes à charge, avec des niveaux de


dépendance accrus. En ce sens, le passage du temps lui-même constitue un point de
repère important des attentes et des réalisations, en créant de nombreuses autres dif-
férenciations à l’intérieur du groupe des personnes âgées de 60 ans ou plus. Ceci est
particulièrement évident quand nous observons les modalités d’engagement des per-
sonnes âgées sur le marché du travail. Plusieurs études ont souligné qu’au Brésil, pour
une partie significative des personnes âgées, la retraite n’équivaut pas à une sortie du
marché du travail (Camarano, 2003 ; Wajnman, Oliveira & Oliveira, 2004 ; Camarano,
Kanso & Fernandes, 2016). Il n’existe pas de restrictions au retour des retraités sur le
marché du travail au Brésil. Par ailleurs, continuer de travailler, particulièrement pour
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les plus pauvres, peut constituer un moyen de compléter un faible montant de retraite,
qui ne suffirait pas à boucler les fins de mois.

Mais la participation au marché du travail est marquée par d’importants clivages. Le pre-
mier d’entre eux se fonde sur la différence entre les sexes tout au long du parcours de
vie, un aspect très bien documenté par Camarano, Kanso & Fernandes (2016), à l’aide
des données de la PNAD. Comme on peut le vérifier dans la figure 1, entre 1983 et 2014,
l’activité masculine a diminué tandis que celle des femmes a augmenté régulièrement,
et cela, même si les femmes sont moins actives que les hommes.

Figure 1 > Taux d’activité par âge et par sexe en 1983, 1993, 2014 (Brésil)

100 %

90 %

80 %

70 %

60 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

0%
s
9

9
4

plu
-1

-2

-3

-4

-5

-6

-7
-1

-2

-3

-4

-5

-6

-7

et
15

25

35

45

55

65

75
10

20

30

40

50

60

70

80

Âge
Hommes 1983 Hommes 1993 Hommes 2014
Femmes 1983 Femmes 1993 Femmes 2014
Source : Fundação instituto nacional de geografia e estatística (IBGE)/Pesquisa nacional por amostra de domicílios (PNAD) de 1983, 1993 et
2014. In : Camarano, Kanso et Fernandes (2016, p. 87).

Retraite et société 84
Varia

106

De plus, et c’est une autre particularité du Brésil, ce n’est que très récemment que le
droit à la retraite s’est universalisé dans le pays, lorsque la nouvelle Constitution de 1988
a commencé à porter ses fruits envers les travailleuses et les travailleurs ruraux. Les nou-
velles conditions d’accès à la retraite ont été instituées en 1992 : l’âge légal de départ
(60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes) a été réduit de 5 ans par rapport à
la retraite des travailleurs urbains, et le salaire minimum légal établi comme seuil à toute
prestation. Les répercussions les plus significatives de ces mesures ont concerné les femmes
âgées, particulièrement celles vivant en milieu rural. Camarano (2003) a observé que la
retraite représentait 58 % du budget familial à la campagne. Ainsi, cet ensemble d’ini-
tiatives a non seulement garanti un revenu minimum pour une part significative de per-
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sonnes âgées en situation de pauvreté, mais il a également changé leur rôle au sein de la
famille, en les faisant passer de personnes à charge à pourvoyeuses de revenu15. L’effet
différentiel de l’universalisation de la protection sociale sur la structure des revenus des
hommes et des femmes âgés est clairement illustré dans la figure 216.

Figure 2 > Les sources de revenus des personnes âgées par sexe en 1983, 1993,
2014 (Brésil)
100 %
3,7 2,2 6,1 5,1
11,2 8,5 0,8
0,2 18,1
90 %

80 % 27,0
32,8
70 %
44,1 53,3 32,2
51,7
60 %

50 %

40 % 52,5
49,6
30 % 36,8

44,4 40,8
20 % 38,9

10 %
13,0 11,5 15,4
0%
1983 1993 2014 1983 1993 2014
Hommes Femmes
Autre Pension Retraite Travail

Note : selon la législation brésilienne, la retraite est une prestation due à la personne assurée qui remplit des conditions formelles pour devenir
retraitée (y compris la cotisation prévue par la Sécurité sociale), tandis que la pension de décès est due aux personnes à charge, qui n’ont peut-
être jamais cotisé à la Sécurité sociale.
Source : Fundação instituto nacional de geografia e estatística (Ibge)/Pesquisa nacional por amostra de domicílios (Pnad) de 1983, 1993 et
2014. Camarano, Kanso et Fernandes (2016, p. 92).

15. Pour une discussion plus détaillée sur ces mesures et leurs effets, voir Delgado & Cardoso (2004).
16. Camarano (2003) a rapporté que l’extension de la sécurité financière avait été le facteur ayant eu
le plus d’effet sur les conditions de vie des personnes âgées pauvres au Brésil. Le poids de ces per-
sonnes a baissé de moitié (passant de 38 % à 17 %) entre 1980 et 2000 ; la diminution de l’indigence
parmi les femmes âgées a été considérable, puisqu’elle a été de 10 points (passant de 14 % à 4 %) sur
la même période. En parallèle, les personnes âgées, cheffes de famille, sont passées de 32 % à 43 %, ce
qui indique leur rôle plus important. Au Brésil, depuis le recensement de 1960, le « chef de famille » est
reconnu comme « la personne responsable pour la famille » (apporteur principal de revenu) et depuis le
recensement de 2000, le mot « chef » a été remplacé dans le questionnaire par le mot « responsable ».

Retraite et société 84
Vieillissement et inégalités sociales : le cas du Brésil

107

Un autre facteur distingue les modalités d’engagement des hommes et des femmes âgés
et concerne leur emploi du temps. La figure 3 révèle qu’entre 1983 et 1993, une pro-
portion importante de femmes de 60 ans ou plus ne fait ni partie de la population éco-
nomiquement active (PEA)17, ni partie de celle retraitée. Cette situation est dominante
dans ces années-là. Il s’agit de femmes dont l’activité principale se déroule à la maison.
Elle est consacrée au soin des membres de la famille à charge (majoritairement leurs
époux et leurs enfants) et aux tâches ménagères. Cette catégorie de femmes a fortement
diminué, passant de 59,8 % en 1983 à 33,4 % en 2014. Cette baisse suggère un chan-
gement dans la répartition des rôles au sein du ménage (qui s’étend de manière signi-
ficative durant cette période, du fait de l’extension des droits que nous avons évoquée
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précédemment) ; une partie de ce groupe commence à participer au marché du travail,
ajoutant parfois un salaire aux revenus de la retraite.

Figure 3 > Personnes âgées selon des catégories d’utilisation du temps en 1983,
1993, 2014 (Brésil)
100 % 3,5
5,3 7,2
90 %
33,4
80 % 43,2

70 % 50,7 50,8 59,8


57,1
60 %

50 %

40 % 51,4
20,2 43,8
30 % 26,6
17,8 29,5
20 %
25,5 7,8
10 % 17,5 18,0 7,2
8,8
1,9 5,8 7,5
0%
1983 1993 2014 1983 1993 2014
Hommes Femmes
Ni-Ni Retraité pur PEA pure PEA retraitée
Catégories :
PEA retraitée : personne âgée engagée sur le marché du travail (comptabilisée dans la population active) et qui reçoit une pension de retraite.
PEA pure : personne âgée engagée sur le marché du travail (comptabilisée dans la population active) et qui ne reçoit pas de pension de retraite.
Retraité pur : personne âgée qui reçoit une pension et qui n’est pas engagée sur le marché du travail.
Ni-ni : personne âgée qui n’est pas sur le marché du travail et qui ne reçoit pas de pension de retraite.
Source : Fundação instituto nacional de geografia e estatística (IBGE)/Pesquisa nacional por amostra de domicílios (PNAD) de 1983, 1993 et
2014. In : Camarano, Kanso et Fernandes (2016, p. 89).

Un autre clivage concerne la question raciale. Wajnman et al. (2004), en s’appuyant sur
des données de la PNAD pour la période comprise entre 1977 et 2002, ont observé
que les taux d’activité les plus élevés concernaient les personnes âgées et surtout les
femmes âgées noires (« noirs et métis », conformément à la classification officielle au

17. Dans la figure 3, ces femmes correspondent à la catégorie dénommée « Ni-ni », c’est-à-dire des femmes
âgées qui ne sont ni retraitées ni sur le marché du travail, donc, qui ne sont pas prises en compte par le
recensement comme faisant partie de la population active (PEA).

Retraite et société 84
Varia

108

Brésil). Mais la combinaison entre les dimensions raciales et celles de classe transparaît
également dans les résultats. Ainsi, si pour l’ensemble des actifs, les auteurs observent
que le revenu des personnes âgées est fondamental dans la composition du revenu per-
sonnel et familial, ces dynamiques se révèlent hétérogènes face à la combinaison de la
race et de la classe. Les personnes âgées appartenant aux classes les plus défavorisées
sont celles qui participent le plus au marché du travail. Cependant, avec le vieillissement
de la population, Wajnman et al. (2004) observent que les chances de rester actif sont
d’autant plus grandes que la scolarité est élevée ; elles augmentent également parmi les
résidents en milieu urbain et ceux qui ont des activités non manuelles – caractéristiques
pour lesquelles, au Brésil, les personnes âgées blanches prédominent.
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L’extension des droits retraite accordés aux travailleurs ruraux a eu un effet vertueux aussi
sur les inégalités raciales, et a permis de réduire les taux d’activité des personnes âgées
et des femmes âgées noires tout au long des années 1990, avant de se stabiliser par la
suite. Mais, avec le cycle récessif qui éclata en 2014, la présence des personnes âgées et
des retraités sur le marché du travail s’est accrue. Elle s’est révélée encore plus impor-
tante parmi les personnes âgées noires, selon les résultats de Fonseca (2016).

Le processus de vieillissement et la dépendance croissante, ainsi que la demande de soins


ont eu des effets différenciés sur les hommes et les femmes : au Brésil, comme dans d’autres
pays, on observe une plus grande longévité féminine et la tendance selon laquelle les
soins incombent aux femmes lorsque la santé de l’époux se détériore. Dans le cas bré-
silien, la littérature a attiré l’attention sur une autre caractéristique qui survient avec le
veuvage et l’avancée en âge. Il s'agit de la tendance à vivre avec un autre ménage, en tant
que personne à charge (Camarano, Kanso et Fernandes, 2016 ; Wajnman, et al., 2004).

Les conséquences du vieillissement se révèlent également dans l’hétérogénéité des


modes d’accès aux soins des personnes âgées en situation de dépendance fonction-
nelle. Ainsi, de profondes inégalités sociales marquent la réalité brésilienne, non seule-
ment lorsque les personnes âgées retraitées sont contraintes de rester sur le marché du
travail, mais aussi lorsque la dépendance rend les soins indispensables. Cependant, les
changements dans la structure familiale, liés à la fois à la baisse de la taille des ménages
et à la présence croissante des femmes sur le marché du travail (figure 1), indiquent que
l’offre d’aidants familiaux tend à se réduire alors que l’offre de soins spécialisés est pré-
caire dans le pays et que la professionnalisation des soignants pour les personnes âgées
n’est toujours pas réglementée.

Ainsi, parmi les couches les plus pauvres de la population, les réseaux familiaux et com-
munautaires restent les principales sources d’approvisionnement en soins18. Les plus
riches ont recours à des employées de maison ou des entreprises qui font l’intermédiaire
entre les familles et les travailleuses domestiques19. Face à cette situation, la mobilisation
de la famille, notamment des femmes, âgées ou jeunes, constitue une ressource de base,
aussi bien pour la prise en charge des personnes âgées que pour les soins consacrés aux

18. Concernant les réseaux familiaux et communautaires d’assistance et de soins aux plus pauvres dans
les villes brésiliennes, voir Georges & Garcia dos Santos (2016) et Vieira (2017). Pour un contrepoint sur
le thème des solidarités familiales, voir le dossier intéressant dans les Nouvelles questions féministes,
présenté par Palazzo-Crettol et al. (2018).
19. Concernant la législation sur l’employée de maison en tant qu’aide à domicile de personnes âgées,
cf. Debert, 2016.

Retraite et société 84
Vieillissement et inégalités sociales : le cas du Brésil

109

enfants. Des ethnographies récentes dans des communautés pauvres (Vieira, 2017 ou
Georges & Garcia dos Santos, 2016) montrent la force avec laquelle le circuit des « aides »
crée des relations de réciprocité entre voisins et parents, au milieu desquelles les per-
sonnes âgées en situation de dépendance fonctionnelle (comme celle d’autres dépen-
dants de soins, tels que les enfants) sont tout de même prises en charge, même si cela
reste de façon précaire et instable20.

La force du soutien de la famille et de la communauté semble être proportionnelle à


la fragilité des institutions publiques d’accueil des personnes âgées21, mais il existe une
composante symbolique à prendre en compte. Camarano & Barbosa (2016) soulignent
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que le faible nombre d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépen-
dantes (de même que le nombre réduit de personnes qui y sont accueillies) reflète la
forte stigmatisation qui entoure cette offre de soins au Brésil. L’Institut de recherche éco-
nomique appliquée (IPEA22) a mené des activités de recensement au sein de ces institu-
tions et les résultats analysés par les auteurs sont révélateurs. La répartition des prestations
selon le sexe et l’âge entre les différents types d’institutions indique une prédominance
des femmes et de la population très âgée dans les établissements privés à but lucratif
par rapport aux établissements publics et philanthropiques. La recherche d’une insti-
tution privée de longue durée résulterait du manque d’aidants familiaux ou de condi-
tions insuffisantes pour avoir des soins à domicile (même s’ils sont exercés par une aide
à domicile). Les questions d’ordre financier expliqueraient davantage la recherche d’un
hébergement en institution publique. Camarano & Barbosa (2016) concluent qu’il existe
une polarité dans ce circuit d’institutions : celles publiques et philanthropiques four-
nissent un abri aux personnes âgées pauvres ; celles privées s’occupent des personnes
âgées fragiles de classe moyenne ou aisée. Et ce sont ces dernières qui ont soutenu la
croissance de ce secteur, qui reste toutefois peu développé avec moins de 1 % des per-
sonnes âgées accueillies au moment de la recherche.

Entre les réseaux familiaux et les circuits des « aides » qui protègent les personnes âgées
les plus pauvres, et les institutions privées qui prennent soin des personnes âgées fragiles
aux revenus les plus élevés, les professionnels des soins à domicile sont de plus en plus
présents dans les grandes zones urbaines du pays et rendent service principalement aux
personnes âgées des classes moyennes et aisées. Leur nombre a augmenté régulièrement,
même pendant la dernière période de récession (figure 4). L’allongement de la durée de

20. C’est sous l’angle de la solidarité et de l’aide personnelle que se tisse également très souvent la rela-
tion avec l’action publique, telle que l’ont montré les riches travaux qualitatifs conduits à São Paulo par
Vieira (2017), Georges & Garcia dos Santos (2016), par exemple.
21. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’initiatives pertinentes dans le pays. Dans la ville de São Paulo,
la plus grande ville d’Amérique du Sud, l’exemple des centres-jour, un service sous la responsabilité de
l’administration municipale, n’a pas d’équivalent dans d’autres villes ou dans d’autres États du Brésil. Les
centres-jour accueillent les personnes âgées pendant la journée, et la nuit, elles rentrent chez elles (chez
leur proches, si elles vivent avec eux). Selon la responsable de l’un de ces centres, il y avait 16 centres-jour
dans la ville en 2017. Tous les employés s’y considèrent ainsi comme « aidants » des personnes âgées, la
dimension des soins structurant le fonctionnement du centre : « nous sommes tous des aidants. Nous nous
considérons tous comme des aidants » (entretien accordé aux auteurs le 22/11/2017). Toujours dans la ville
de São Paulo, le programme d’accompagnement de personnes âgées (PAI) est en cours. Ses 39 équipes
multi-professionnelles, existantes fin 2017, fournissaient des services en tant qu’aidants. Toutefois, dans
le cadre de cette initiative, ainsi que dans d’autres initiatives publiques, l’attention est attirée sur la dispro-
portion entre le nombre de personnes âgées potentiellement demandeuses et les ressources disponibles
pour les gérer (plus de détails dans Secrétariat municipal à la Santé, 2012, 2016 ; Paschoal, 2013).
22. Instituto de Pesquisa Econômica Aplicada.

Retraite et société 84
Varia

110

vie et les changements dans la structure familiale ont créé des nouvelles demandes de ser-
vices et le besoin de nouvelles stratégies pour gérer le vieillissement et la dépendance.

Figure 4 > Rythme de croissance de l’emploi d’aides à domicile, d’employées domestiques


et d’autres personnes occupées au Brésil entre 2012 et 2018 (année de base : 2012)
Travailleurs de soins personnels à domicile
Travailleurs des services domestiques en général 272
Autres occupés 259 261 261 257
255
241
233 234
224 226
219 213
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178
169
160
154 153 155
139 137
132 137 136
124
111 115
106 105 105 105 105 103 103 102 103
100 102 102 103 102 103 104 105 104 105 105 101 102 104 104 103 104 105 106
95 94 95 95 96 95 95 95 96 96 97 97 95 92 92 91 92 92 94 92 92 92 92
2012 1er trim.
2012 2e trim.
2012 3e trim.
2012 4e trim.
2013 1er trim.
2013 2e trim.
2013 3e trim.
2013 4e trim.
2014 1er trim.
2014 2e trim.
2014 3e trim.
2014 4e trim.
2015 1er trim.
2015 2e trim.
2015 3e trim.
2015 4e trim.
2016 1er trim.
2016 2e trim.
2016 3e trim.
2016 4e trim.
2017 1er trim.
2017 2e trim.
2017 3e trim.
2017 4e trim.
2018 1er trim.
2018 2e trim.
2018 3e trim.
2018 4e trim.
Source : Fundação Instituto Nacional de Geografia e Estatística (IBGE)/Pesquisa Nacional por Amostra de Domicílios (PNAD-Continue) de 2012
à 2018. Traitements personnels.

Toutefois, à la différence d’autres réalités, comme en France, il s’agit d’un service fourni en
dehors de tout cadre juridique. La profession d’aide à domicile manque ainsi de recon-
naissance légale, les processus de formation et de qualification ne sont pas reconnus par
l’État au travers d’un statut, et l’exercice de ce métier n’a bénéficié que très récemment
de la législation sur les travailleurs à domicile, fruit du mouvement des employées domes-
tiques et de leur action politique (Debert & Marques de Oliveira, 2016). Les intermé-
diaires prolifèrent dans ce secteur, sous la forme d’agences d’emploi ou d’entreprises
de prestation de services et de planification familiale des soins. C’est essentiellement
à ces entreprises qu’il appartient d’assurer la formation et la certification des aides à
domicile, ne fût-ce que de manière informelle. Les données que nous collectons, à par-
tir des enquêtes gouvernementales auprès des employeurs, comme le rapport annuel
d’informations sociales (RAIS) du ministère du Travail, ou des enquêtes menées auprès
des ménages (telles que la PNAD) montrent que les journées de travail sont longues, que
le niveau de rémunération est faible et qu’une part significative de ces aides à domi-
cile manque de protection, car il n’existe pas de contrats de travail formels (Guimarães
& Hirata, 2016 ; Guimarães, 2016).

En résumé, les politiques sociales destinées aux personnes âgées ont tendance à consi-
dérer la vieillesse et la retraite comme des expériences homogènes. Pourtant, au Brésil,
c’est l’hétérogénéité qui caractérise la population âgée sur le marché du travail ; elle
reflète les profondes inégalités sociales, économiques, de genre et raciales typiques de
la société brésilienne. On la retrouve dans les formes de soins à la disposition des per-
sonnes âgées, lorsqu’elles sont confrontées à une situation de dépendance. En France,

Retraite et société 84
Vieillissement et inégalités sociales : le cas du Brésil

111

comme l’a montré Florence Jany-Catrice (2016), les services à la personne ont trans-
formé de force le care en un nouveau marché. Au Brésil, la notion de vieillesse à charge
ne trouve pas d’espace d’accueil dans la construction sociale érigée autour du statut
de la personne âgée, défini seulement comme citoyen jouissant de sa pleine autonomie
fonctionnelle. Les politiques publiques constitueraient-elles des voies possibles pour
dépasser, ou du moins pour atténuer, ces inégalités sociales ainsi que celles spécifiques
aux différentes étapes du vieillissement ? Nous abordons ce sujet dans la section suivante.

Politiques publiques et reproduction des inégalités


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Au Brésil, il n’existe pas de politiques publiques pour les soins aux personnes âgées sous
la forme de celles rencontrées en France, avec l’allocation personnalisée d’autonomie
(APA) créée en 2002, ou au Japon avec le Long term care insurance (LTCI) créé en 2000,
et qui sont les principaux instruments politiques dans ces deux pays. Ils permettent de
faire évaluer l’état de la personne âgée par une équipe médico-sociale, afin d’estimer le
niveau de dépendance à l’aide d’une grille prédéfinie. L’allocation est concédée à toutes
les personnes de 60 ans ou plus en France, et de 65 ans ou plus au Japon. Dans les deux
pays, elle participe à la couverture des dépenses liées au maintien à domicile ou com-
pense partiellement les dépenses de la personne âgée lorsqu’elle est en institution. En
France, hormis les conjoints, les membres de la famille qui prennent soin de leurs parents
âgés peuvent également bénéficier de l’APA sous forme de rémunération. Au Japon, les
soins envers un proche âgé ne sont pas rémunérés, même si l’aidant est obligé de quit-
ter son emploi pour les prodiguer. Une autre grande différence entre les deux pays est
que le LTCI est financé par une cotisation sociale (hoken), obligatoire à partir de 40 ans,
pour tous les résidents du pays, y compris les étrangers. Quand une personne âgée est
évaluée comme ayant besoin d’une prise en charge, elle paie 10 % des dépenses liées
aux soins et l’État verse les 90 % restants.

Le Brésil manque de financements publics pour les soins mais aussi pour les centres d’ac-
cueil des personnes âgées. À São Paulo, l’offre en matière d’équipements de soins publics
est très nettement inférieure à la demande potentielle puisque le nombre de personnes
âgées dans la population de cette ville s’élève à 1,7 million (soit 14,7 % de la population
en 2018, selon les données de la Fondation SEADE) pour 19 660 places dans les diffé-
rents organismes publics, tels que les centres-jour, les établissements de soins de longue
durée pour les personnes âgées (ILPI), le programme d’accompagnement de personnes
âgées (PAI), les centres de coexistence, les centres d’accueil spécial, etc. (Araujo, 2018).
Cependant, il faut souligner que le Brésil a promulgué des lois, signé des traités et déve-
loppé tout un éventail de politiques et d’actions publiques pour la protection des per-
sonnes âgées qui confirment un effort remarquable dans le sens de la production d’un
nouvel acteur politique, au service de la protection sociale. Ainsi, le Brésil a adhéré au
Plan d’action international sur le vieillissement, conçu à la 1re assemblée mondiale sur le
vieillissement organisée par l’ONU en 1982, à Vienne23. Ce fut le premier document de
l’ONU concernant la question du vieillissement au niveau mondial et il peut être consi-
déré comme le point de départ d’un agenda de politiques publiques international pour
la population âgée. De même, le Brésil fut signataire du plan d’action international sur le

23. Pour plus de détails : http://www.un.org/es/globalissues/ageing/docs/vipaa.pdf

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vieillissement, résultat issu de la 2e assemblée mondiale sur le vieillissement promu par


l’ONU et tenue à Madrid en 200224.

Ces plans internationaux ont reconnu que le vieillissement représente une expérience
spécifique, non couverte par les déclarations et les traités de nature universelle. Pour cette
raison, un large débat sur les droits différenciés et les politiques de reconnaissance ont
marqué la réflexion sur les défis de l’égalité et de la démocratie. Les organismes régionaux
et les représentants des différents pays liés aux Nations Unies, en entérinant la grande
diversité du processus de vieillissement, ont élaboré des stratégies pour la mise en œuvre
du plan de Madrid en tenant compte des spécificités régionales. Les conférences sur le
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vieillissement en Amérique latine et dans les Caraïbes, dont la première fut réalisée au
Chili en 2003 et la deuxième au Brésil en 2007, en ont été des exemples et ont consti-
tué un espace privilégié pour analyser spécifiquement la situation des personnes âgées
vivant dans ces régions du monde et définir des actions qui contribueraient à améliorer
les conditions de vie de cette population, notamment en étudiant les façons de renfor-
cer la collaboration entre les gouvernements25.

La PNI de 1994 et le Statut des personnes âgées de 2003 sont des exemples importants
des avancées accomplies par le Brésil dans ce domaine sous l’impulsion des décisions et
des engagements signés lors de ces forums internationaux. La personne âgée a commencé
à jouir, en principe, de droits plus spécifiques26 en plus des droits constitutionnels de
base pour tout citoyen, tels que le droit à la vie, à la dignité humaine et à la citoyenneté.

De son côté, le Statut des personnes âgées, approuvé en 2003, après une longue période
de procédures du Congrès national, a réuni dans un vaste document juridique une série
de lois et de politiques déjà existantes, et a réglementé de nouvelles mesures qui octroient
aux personnes âgées des droits spécifiques, en couvrant les formes particulières par les-
quelles la discrimination les affecte27.

Le Brésil a également créé un conseil des Droits de l’Homme, intégré au secrétariat des
Droits de l’Homme, au départ, directement rattaché à la présidence de la République,
dans le but d’élaborer des directives pour la formulation et la mise en œuvre de la poli-
tique nationale des personnes âgées en fonction de leur statut. Pour accompagner et
évaluer l’exécution de la PNI, le Conseil national des droits personnes âgées a été mis

24. Pour plus de détails : https://www.un.org/development/desa/ageing/madrid-plan-of-action-and-its-


implementation.html
25. À propos de ces conférences, voir https://www.cepal.org/pt-br/node/35005
26. Une telle politique préconise, parmi ses principales directives, de rendre possible des formes alter-
natives de participation, d’occupation et de coexistence de la personne âgée, qui permettent le brassage
avec les autres générations ; la participation de la personne âgée, et de la société civile dans la formula-
tion des politiques à développer ; la priorisation des soins pour la personne âgée par l’intermédiaire de
sa propre famille, au détriment de la prise en charge asilaire ; la formation et le recyclage des ressources
humaines dans les domaines de la gériatrie et de la gérontologie et dans la prestation de services ; la
priorisation des soins pour la personne âgée dans les organismes publics et privés prestataires de ser-
vices lorsqu’elle est sans-abri et sans famille ; le soutien aux études et recherches sur les questions rela-
tives au vieillissement.
27. Le Statut établit que les personnes âgées doivent bénéficier d’un service préférentiel dans les orga-
nismes publics et privés ; priorité dans le traitement des procédures judiciaires et administratives ; demi-
tarif dans les activités culturelles et de loisirs ; réserve de 3 % des unités dans les programmes de logement
social ; gratuité dans les transports municipaux ; sièges réservés dans les transports collectifs ; places
réservées dans les parkings ; mesures de protection de la personne âgée qui se trouve en situation de
risque, soins gériatriques et gérontologiques.

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Vieillissement et inégalités sociales : le cas du Brésil

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en place en 2002. Les agences de lutte contre la violence à l’égard des personnes âgées
au Brésil ont constitué une initiative qui a précédé la conférence de Madrid de 2002, au
cours de laquelle la question de l’abandon, de la maltraitance et de la violence a consti-
tué l’un des thèmes du plan d’action international sur le vieillissement.

Ces formes d’action politique mettent au jour la maltraitance à l’encontre de la personne


âgée dans le pays. Plus que cela, elles posent une question théorique pertinente, à savoir
que la « transformation » de la vieillesse en problème social ne pourrait se comprendre
comme le seul résultat mécanique d’un changement démographique. Nous assumons
ici, avec Lenoir (1989), que le « problème de la personne âgée » étant une construc-
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tion sociale, sa constitution suppose un travail dans lequel interviennent des processus
sociaux qui conduisent à sa reconnaissance, à sa légitimation, à un impératif pour le pla-
cer à l’ordre du jour et à la forme de son expression sur la scène sociale.

En d’autres termes, à la dynamique structurelle, sans laquelle la question n’aurait sans


doute pas été posée, s’ajoute un travail social spécifique d’énonciation et de formula-
tion publique, c’est-à-dire une entreprise de mobilisation capable de promouvoir son
intégration dans les préoccupations conjoncturelles et de l’intégrer en tant qu’objet
de lutte politique. Tel fut le cas des initiatives institutionnelles concernant la maltrai-
tance à l’encontre de la personne âgée au Brésil. En effet, le problème du vieillisse-
ment, tel qu’il est construit, transcende le domaine des droits sociaux et de l’équité
sur le marché du travail. Il s’étend également au domaine des droits de l’homme, en
donnant lieu à une multiplicité de nouvelles initiatives et d’institutions dans les poli-
tiques publiques, qui amplifient l’éventail des mécanismes destinés à réparer d’autres
formes d’iniquités.

Parmi les expériences pionnières au Brésil destinées à combattre la violence à l’encontre


de la personne âgée, on trouve les postes de police dédiés et les groupes spécialisés
du Ministère public. À São Paulo, le groupe d’action spéciale de protection des per-
sonnes âgées (GAEPI) du Ministère public date de 1997, ce qui veut dire qu’il précède
les conclaves latino-américains. Son action ne peut être comprise que comme le fruit
des changements apportés par la Constitution de 1988, qui ont conduit à la nécessité
de doter le Ministère public d’instruments pour la défense d’intérêts méta-individuels,
c'est-à-dire des intérêts diffus et collectifs. La création du GAEPI est le fruit du pouvoir
d’un autre groupe du Ministère public, le groupe d’action de protection des personnes
âgées (GAPI) qui avait à l’origine la responsabilité de réprimer les crimes de maltraitance
subis par les personnes âgées en institutions : cliniques ou maisons de retraite. Lorsqu’il
a été mis en place, le GAPI a été surpris de constater la fréquence des mauvais traite-
ments infligés aux personnes âgées, même au sein des familles ; ses fonctions ont alors
été élargies afin de résoudre des crimes ayant lieu également dans d’autres sphères que
celles des institutions.

L’installation de postes de police pour la protection des personnes âgées en 1992 est
une initiative brésilienne pionnière, en réponse aux revendications de secteurs enga-
gés dans la lutte pour les droits des personnes âgées. Leur format s’est inspiré du suc-
cès obtenu par les postes de police de défense des femmes, également créés dans
l’État de São Paulo au milieu des années 1980. Actuellement, la plupart des États bré-
siliens en sont pourvus et rien que dans l’État de São Paulo, on en compte 18, répar-
tis entre la capitale et la province.

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Le Bureau de la défense publique joue un rôle important dans le respect des droits
énoncés dans le statut des personnes âgées. En 2009, il a lancé la campagne « Les
personnes âgées, nous les défendons ». À cette occasion, un manuel présentant leurs
droits, sous une forme accessible pour le grand public, a été diffusé dans tout le
pays. Après la 1re conférence nationale sur les droits des personnes âgées, en 2006,
le Bureau de la défense publique a donné son accord pour créer des bureaux spé-
cialisés dans la protection et la défense des personnes âgées. Cette initiative, déjà
en cours, a permis d’implanter des centres spécialisés dans une série d’États, tandis
que dans d’autres, ont été mis en place des centres intégrés d’assistance aux per-
sonnes âgées liés au Bureau de la défense publique. Ce qui ressort clairement de
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cette remarquable production d’institutions, c’est que le pays a connu un processus
de politisation de la justice vaste et cohérent, au cours duquel l’État a dû prendre
position face à des situations de violences subies par les minorités discriminées, et
parmi celles-ci, les personnes âgées. Mais, il est évident que ces institutions, dans leur
fonctionnement, en particulier celui des postes de police, ne sont destinées qu’aux
personnes qui peuvent circuler en milieu urbain sans avoir besoin de recourir à des
aidants. Évidemment, les personnes âgées malades présentant un degré de dépen-
dance élevé auront besoin d’un tiers pour signaler un cas de mauvais traitement. En
outre, les maltraitances signalées à la police et à la justice par les personnes âgées
elles-mêmes sont celles commises par des membres de leur propre famille, en parti-
culier ceux qui vivent dans le même foyer28.

Enfin, une autre difficulté, qui fait également partie de ce paradoxe complexe propre
au Brésil, est de mettre réellement en œuvre des directives pourtant légalement éta-
blies, dans le cadre de l’emploi des travailleurs vieillissants. Ainsi, les plaintes inscrites
dans les registres du Ministère public (archives des postes de police ou autres institu-
tions liées au système de justice ou au monde du travail) le sont rarement pour discrimi-
nation d’âge dans le cadre de l’activité professionnelle, c’est-à-dire des plaintes pour
violences au travail qui seraient directement liées au statut de personne âgée. En effet,
les institutions, en partant du principe que la personne âgée est en droit de ne pas tra-
vailler, laissent dans le flou les formes d’exploitation de ceux qui ne peuvent pas survivre
avec leurs seules prestations de sécurité sociale (retraite ou pension), ou leurs presta-
tions non contributives provenant de la politique d’assistance sociale (telle que le BPC),
et qui sont confrontés à des conditions de travail difficiles.

Vieillir au milieu de profondes inégalités : réflexions à partir du cas brésilien

Traiter de la vieillesse au Brésil, c’est aborder un sujet qui, jusqu’à très récemment, était
considéré comme une question propre à la sphère privée et familiale, une question de
prévoyance individuelle ou d’associations philanthropiques.

Or, le pays a été confronté en quelques décennies à une mutation démographique


conséquente – et d’une manière beaucoup plus rapide que dans les pays développés.
Le vieillissement de la population a entraîné par ricochet celui de la force de travail.
Compte tenu de la misère qui touche une partie importante des Brésiliens, beaucoup

28. À ce propos, voir Debert (1999), Machado et Queiroz (2002), Pasinato, Camarano & Machado (2004),
Debert & Marques de Oliveira (2013).

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de personnes en âge d’être retraitées, mais encore physiquement autonomes, doivent


continuer à travailler étant donné le faible montant des pensions perçues et l’irrégula-
rité de leur carrière professionnelle. Par ailleurs, le droit de toucher une retraite n’est
qu’une conquête récente (années 1990). Elle a bien sûr permis d’améliorer notablement
le quotidien de certaines personnes, en particulier celui des femmes âgées vivant dans
les zones rurales. Pourtant l’accès aux prestations de sécurité est encore loin de garantir
des conditions de vie dignes et suffisantes, même entre 2004 et 2013, période au cours
de laquelle la politique économique s’est efforcée de revaloriser le salaire minimum légal,
valeur de référence pour toutes les prestations au Brésil, contributives et non contribu-
tives. La revalorisation du salaire minimum entraîne de fait une augmentation du pou-
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voir d’achat personnel et familial.

Pour toutes ces raisons, les personnes âgées se sont maintenues sur le marché du travail
et ont acquis une place importante dans la structure familiale, qui s’est encore accentuée,
en particulier chez les personnes âgées « plus jeunes », noires et métisses, et surtout chez
les femmes, qui ont progressivement commencé à prendre la tête des ménages. Le statut
social (et toutes ses corrélations en termes de scolarité, de qualification et de modes de
vie), le genre et la race ont représenté des clivages importants qui expliquent l’énorme
hétérogénéité sociale qui imprègne la population âgée du pays. Cette conjonction de
déterminants explique pourquoi, parmi les travailleurs vieillissants, les plus « jeunes » qui
représentent la part la plus importante sont aussi les plus pauvres, les noirs, les personnes
peu instruites, les travailleurs manuels et ceux qui vivent dans les zones rurales, tandis
qu’un autre groupe social – les blancs, les plus scolarisés, les travailleurs non-manuels et
vivant en milieu urbain – continue de travailler même à des âges très avancés.

Mais maîtriser l’accompagnement des personnes qui s’installent dans des situations
de dépendance comporte des limites, notamment physiques. Jusqu’aux années 1960,
soigner les personnes dépendantes relevait de la structure familiale, car la partici-
pation des femmes au marché du travail était très faible. Jeunes ou vieilles, toutes se
consacraient à la tâche qui leur était dévolue et qui leur incombait selon le modèle
social. En outre, la plus grande longévité des femmes faisait d’elles (et c’est encore, en
grande partie, le cas) les aidantes par excellence de leurs partenaires ; quand celles-ci
n’étaient plus là ou lorsqu’elles-mêmes avaient besoin de soins, d’autres femmes,
plus jeunes, reprenaient alors ce rôle d’aidante. La croissance rapide de l’engage-
ment féminin sur le marché du travail, autre singularité brésilienne due au rythme de
ce phénomène (même comparé à des pays similaires pour leur niveau de dévelop-
pement), a considérablement réduit la disponibilité au domicile des personnes char-
gées des soins familiaux gratuits.

Au Brésil, les inégalités sociales marquent de leur empreinte la fourniture de soins aux
personnes très âgées ou qui perdent plus tôt leur autonomie fonctionnelle. Le nombre
trop faible d’institutions publiques et/ou philanthropiques pour des séjours de longue
durée, a fait de l’accueil en résidence une alternative qui existe uniquement pour les per-
sonnes très âgées issues de familles aux revenus confortables. Celles-ci peuvent ainsi rési-
der dans des institutions privées et à coût élevé. Dans la classe moyenne, où les femmes
sont déjà fortement engagées dans le travail rémunéré depuis les dernières décennies,
émerge la figure de l’aide à domicile des personnes âgées (cuidadora), exerçant une
activité reconnue mais aucunement réglementée et dont les conditions de travail et de
salaire sont généralement très précaires. Même si leur travail est différent, leur profil et

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leur qualification ne les distinguent pas des autres employées domestiques. La vitesse
à laquelle prolifèrent, dans les grandes villes, les intermédiaires qui proposent ce type
de travail – agences d’emploi ou entreprises de planification et d’orientation familiale
pour la gestion des personnes âgées à charge – attire l’attention. Pour les personnes
âgées plus pauvres qui deviennent dépendantes mais n’ont pas accès aux institutions
gratuites, les places étant limitées, et ne peuvent pas payer les services d’aidantes, les
« aides » (rémunérées ou sous forme non monétaire) et la solidarité des réseaux fami-
liaux et communautaires fournissent des solutions, instables et précaires.

Les nouvelles initiatives des pouvoirs publics dans le projet d’assistance sociale
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sont encore timides face à l’étendue des besoins. Qui plus est, avec la transforma-
tion du vieillissement en un problème social, un ensemble d’orientations et d’inter-
ventions, souvent contradictoires, a été défini et mis en œuvre par l’appareil d’État
et d’autres organisations privées. Ce mouvement, guidé par une dynamique inter-
nationale, a été responsable de la production d’une nouvelle catégorie homogé-
néisante, « la personne âgée », destinée à orienter les politiques publiques : cette
standardisation masque les disparités au sein de ce segment de la population dont
l’hétérogénéité provoque des lacunes dans la définition de politiques publiques à
destination de la vieillesse.

Penser aux politiques publiques pour la vieillesse requiert une attention spéciale envers
ce segment de la population si hétérogène. Il faut aussi reconnaître que l’augmenta-
tion de l’espérance de vie, dont nous sommes les témoins, induit une augmentation
du nombre de personnes ayant des niveaux plus faibles d’autonomie fonctionnelle.
Ceci a amené certains chercheurs à créer de nouvelles catégories pour différencier les
personnes âgées, suivant ce qu’ils perçoivent originellement et auquel ils se réfèrent
comme étant les « jeunes vieux », les « vieux vieux » et les « vieux très vieux ». Or, une
politique qui ne s’applique qu’à ceux socialement considérés comme des « jeunes
vieux », qui disposent d’autonomie pour aller danser, pratiquer des sports de com-
pétition et d’autres formes de loisirs, sans accompagnant, ni aidant, ne peut pas être
considérée comme une « politique pour la vieillesse » à proprement parler. Les actions
dirigées vers les secteurs consacrés à la dépendance élevée sont beaucoup plus coû-
teuses et dépendent de l’embauche, de l’engagement et du renouvellement permanent
de professionnels spécialement qualifiés qui savent interagir et s’organiser entre eux.

Le Brésil compte actuellement un nombre significatif de programmes orientés vers les


« jeunes vieux ». Les municipalités brésiliennes comptent pratiquement toutes des groupes
de convivialité pour personnes âgées, qui organisent des jeux de salon, de l’artisanat,
des bals, des débats, de la gymnastique et du tourisme. La plupart des universités brési-
liennes ont créé des universités pour le troisième âge. Ces activités de loisirs à prix réduit
pour les personnes âgées attirent un public disposant d’autonomie fonctionnelle et des
ressources économiques suffisantes pour les pratiquer. Ces mesures ont contribué, sans
aucun doute, à ce que les personnes âgées en bonne forme physique puissent vivre de
nos jours une expérience de vieillissement gratifiante.

Toutefois, ce succès surprenant est proportionnel à la précarité des mécanismes dont nous
disposons pour faire face à la vieillesse avancée. La perception du vieillissement, asso-
ciée au troisième âge, n’offre pas d’instruments capables de traiter les problèmes liés à la
perte des capacités cognitives et du contrôle physique et émotionnel qui stigmatisent « le

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vieux » et qui sont fondamentaux dans notre société, pour qu’un individu soit reconnu
comme un être autonome, pouvant exercer pleinement ses droits de citoyen. La prise en
charge de la dépendance a un coût économique beaucoup plus élevé et exige des pro-
fessionnels spécialement formés pour effectuer ce travail. Force est de constater que les
structures dédiées aux personnes âgées souffrant de pertes fonctionnelles importantes
– comme les abris et les ensembles résidentiels – restent rares et fonctionnent la plupart
du temps de manière précaire, en conflit avec les principes de base de la dignité humaine.

Les politiques de la vieillesse au Brésil, bien qu’inspirées des recommandations interna-


tionales, ont un public cible spécifique et contribuent au creusement des inégalités entre
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les personnes âgées elles-mêmes. Le résultat paradoxal est que les conquêtes les plus en
phase avec les directives internationales concernant le vieillissement finissent par contri-
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