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M a r i e CI. B E R D U C O U
Préface de
J.P. SODINI
MASSON
Paris, Milan, Barcelone, Mexico
1990
MASSON
Paris, Milan, Barcelone, Mexico
1990
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Préface
Illustrations des chapitres II, III, IV, V, VI, VII, VIII, et X de Michel
SYMPHORIEN, dessinateur.
TABLE DES MATIÈRES
Un parcours à risque 38
Avant la fouille (39). Le dégagement (39). Le prélèvement (40). Le tamisage
(40). Le lavage (41). Le séchage (41). Le marquage (41). Conditionnement,
stockage sur le terrain (42). Le transport (43).
Prévoir pour conserver 43
Organisation (43). Identification (44). Les analyses (45). Consolidation (45).
Qu'est-ce qu'un bon prélèvement ? (47).
Les matériaux 50
L'os (50). La céramique et le verre (54). Le métal (60). Le bois (63). Les tissus
(67). Le cuir (69). Le lignite (69). Les charbons de bois (72). L'ambre (73).
Coquillages et coquilles (74). Les perles (76).
Q u ' e s t - c e q u e le v e r r e ? 121
F a c t e u r s i n f l u e n ç a n t la d u r a b i l i t é d ' u n v e r r e 130
C o n s o l i d a t i o n , r e m o n t a g e et collage (144).
E t les l a c u n e s ? 152
M é t h o d e s d e c o m b l e m e n t ( 1 5 3 ) . . . . D e l ' a s p e c t d e s c o m b l e m e n t s ( 158). A l t e r n a t i -
ves a u c o m b l e m e n t des lacunes (160).
Le long t e r m e 161
Conclusion 162
Le métal 164
La corrosion 170
L a s u r f a c e o r i g i n e l l e (185). C o r r o s i o n et s u r f a c e o r i g i n e l l e (186). L a l o c a l i s a t i o n
d e la s u r f a c e o r i g i n e l l e (187). S u r f a c e o r i g i n e l l e et n i v e a u o r i g i n e l (189).
E x a m e n et d i a g n o s t i c 190
E n t r e l a f o u i l l e e t le t r a i t e m e n t ( 1 9 0 ) . L e s o b j e c t i f s d u t r a i t e m e n t (191). Les
m o y e n s d ' e x a m e n (192). L ' e x a m e n des objets (194). Le c h o i x des t r a i t e m e n t s
(195).
L ' i n s t a b i l i t é d e s o b j e t s m é t a l l i q u e s (209). S t a b i l i s a t i o n et m é t a l a r c h é o l o g i q u e
(210). L a stabilisation d e s alliages ferreux (214). L a stabilisation des alliages
c u i v r e u x (215). L a s t a b i l i s a t i o n d u p l o m b et d e ses alliages (217). L a p r o t e c t i o n
(217). L e s t o c k a g e a p r è s t r a i t e m e n t (220). �
Conclusion 221
CHAPITRE VI. — Les matériaux organiques (S. DE LA BAUME) 222
La dépose 272
Principes techniques (272). Etude de l'infrastructure révélée par la dépose (274).
Documentation parallèle à la dépose (276). Adaptation des techniques de dépose
à l'état des pavements (277).
La conservation des mosaïques après la dépose 279
Transfert sur un nouveau support remplaçant le mortier antique (280). Les
traitements de surface (284).
La conservation des mosaïques in situ 293
Dégradations des mosaïques in situ (294). Mesures techniques liées à la
conservation des mosaïques in situ (296).
CHAPITRE VIII. — Les enduits peints antiques (L. KROUGLY, R. NUNES PEDROSO) . 305
Technologie et altération 302
Constitution des mortiers et différentes techniques picturales (306). Principaux
types d'altérations (308).
La fouille des enduits peints 311
Les enduits fragmentaires isolés (311). Les enduits en plaques cohérentes (313).
Les enduits peints en place lors de la fouille (316).
Dialogue 419
ANNEXE 421
BIBLIOGRAPHIE 437
Nous présentons ici le fruit d'un travail d'équipe, dont le projet est né il y a près
de trois ans, autour d'un petit groupe : Marie Berducou, Régis Bertholon, Denis
Guillemard, Sylvia de La Baume et Caroline Relier. Le cercle s'est ensuite agrandi
au fur et à mesure que se précisait le contenu du manuel dont nous avions décidé
d'entreprendre la rédaction.
Nous avons essayé de lui conférer une certaine unité, dans l'esprit, dans
l'organisation de chaque chapitre et par la rédaction des annexes, tout en laissant
chacun aborder son sujet avec sa propre sensibilité et la marque de son expérience
personnelle.
Nature du matériau, rappels technologiques, mécanismes d'altération, grandes
étapes des traitements de conservation-restauration : autant de thèmes, abordés
dans chaque chapitre et qui auraient pu être rédigés par autant de spécialistes,
archéologues, chercheurs de laboratoire, ingénieurs, historiens des techniques,
conservateurs-restaurateurs..., faisant de ce livre une mosaïque de contributions
pointues. Par souci de pédagogie, nous avons opté pour une présentation plus
synthétique et plus pratique des diverses notions qui interviennent dans la
conservation des vestiges archéologiques. Ce parti-pris renvoie à l'état actuel de
notre domaine et à la culture pluridisciplinaire qu'il exige désormais. Les raccourcis
fréquents, peut-être les approximations, qui émaillent certains développements en
sont le corollaire obligé. Les spécialistes des questions ainsi schématisées à l'extrême
par les « généralistes » un peu particuliers que nous sommes, voudront bien nous
le pardonner.
Effort d'unification encore, toute la bibliographie des ouvrages cités a été
regroupée et homogénéisée en fin de volume (Sylvia de La Baume, Marie Berducou).
Les aide-mémoire, rassemblés dans la première annexe, ont été rédigés « en fin
de parcours » (Martine Bailly, Marie Berducou, Françoise Chavigner, Denis
Guillemard), dans l'espoir de faciliter la lecture du livre et de pallier quelques-uns
des problèmes apparus au vu de l'ensemble achevé : quelques notions utilisées par
tous, expliquées par aucun ; d'autres exposées dix fois ou presque... Ils ne constituent
donc pas un livret après le livre ( !), un exposé exhaustif de quelques « notions de
base », mais un complément organique à ce livre. Le lecteur trouvera dans la
deuxième annexe (D. Guillemard) une liste indicative des principaux produits et
équipements cités par les uns et les autres et des distributeurs ou fabricants auprès
desquels se les procurer. Enfin, comment imaginer un manuel de conservation-
restauration sans des illustrations nombreuses, homogènes et de qualité ? Nous
avons eu la chance de faire équipe avec un dessinateur de talent, Michel Symphorien,
et cet ouvrage — qui est aussi le sien — doit beaucoup à son travail et à ses trésors
de patience.
Nous espérons ainsi être utiles à ceux que notre domaine d'activité, la
conservation-restauration des vestiges archéologiques, intéresse.
La rédaction d'un ouvrage collectif, qui n'est pas ici comme on l'a vu une
collection d'articles écrits isolément, n'est certes pas une entreprise facile.
Sans doute ne s'y lancerait-on pas sans une bonne dose de candeur et quelques
solides encouragements.
Les premiers sont venus de Jean-Pierre Sodini, et le soutien de son amitié ne
nous a jamais fait défaut, jusqu'à l'achèvement de ce travail dont il nous a fait
l'honneur d'écrire la préface.
Chaque fois que nous avons sollicité son aide et ses conseils, Claude Volfovsky
nous les a accordés avec une grande gentillesse et ils nous ont toujours été précieux.
La disponibilité qu'il nous a réservée en plusieurs occasions était aussi un très bel
encouragement à poursuivre.
Notre « quartier général » a souvent été l'unité d'archéologie de la ville de
Saint-Denis : Olivier Meyer nous y a ouvert ses locaux, sa bibliothèque et sa
documentation photographique. Nicole Meyer a bien voulu rédiger le chapitre qui
conclut ce livre, mais elle a aussi mis son expérience du dialogue avec les
restaurateurs, sa connaissance des objets et des dossiers les concernant, les
informations réunies au fil des années consacrées à la gestion du mobilier issu d'un
grand chantier de fouilles urbaines, au service de tous ceux d'entre nous qui ont
fait appel à elle pour illustrer leurs chapitres ou en discuter certains aspects.
Très tôt, le groupement scientifique du C.N.R.S. « Terrain et théorie en
archéologie » nous a accordé son soutien scientifique et son concours matériel.
Nous voulons en remercier ici son directeur, Jean-Louis Huot, pour sa confiance
et son appui, ainsi qu'Alain Schnapp pour l'intérêt qu'il a sans cesse porté à
l'avancement de notre travail.
Ce livre enfin n'aurait pas vu le jour sans l'aide financière que la DIST a apportée
à sa rédaction ; à l'appui matériel de cet organisme se sont ajoutées l'écoute
attentive et les suggestions avisées de Ginette Gablot, qui y était notre interlocuteur
principal, toujours soucieuse de nous voir surmonter les difficultés que nous
rencontrions à tel ou tel moment de notre entreprise.
De nombreux collègues et amis, des archéologues, des conservateurs, nous ont
apporté leur concours à des titres divers : relectures, corrections, critiques et
suggestions, illustrations. Nous voulons particulièrement exprimer notre reconnais-
sance pour leur aide à Marguerite Bobritchev, Bertrand Boutheroüe-Desmarais,
Raymond Brulet, Quitterie Cazes, Anne Cieres, Pascale Chantriaux, Jean Clottes,
Marie-Claude Depassiot, Martine Garcia, Jean-Pierre Giraud, Gaël de Guichen,
Michel Janowski, Catherine Kelberine, Louis Le Floc'h, Jean-Luc Massy, Yves
Menez, Hervé Oursel, Silvia Païn, André Rapin, Luc Robbiola, François Roseau,
Christian Servelle.
Merci aussi aux étudiants de la Maîtrise de Conservation-Restauration des Biens
culturels de l'Université de Paris 1 qui ont participé à la réalisation de la
documentation photographique, particulièrement Marie-Pierre Asquier, Nathalie
Delattre, Monique Drieux et Paul Mardikian.
Marie BERDUCOU
Le 28 juin 1989
CHAPITRE I
Introduction
à la conservation
archéologique
M a r i e BERDUCOU
Première partie :
AUTOUR DE LA CONSERVATION
DES BIENS CULTURELS
Biens culturels... Vous avez dit biens culturels? Comme c'est bizarre... J'ai
entendu conservation !
Il est vrai que l'expression biens culturels n'est apparue que pour désigner
commodément une série de choses, malaisées à définir de façon limitative ou
précise, mais qu'on se souciait de conserver. Il n'y a pas de textes qui parlent de
biens culturels dans l'absolu. Partout où on les rencontre — quand bien même la
définition en varie — c'est qu'il est question de leur conservation.
Qu'est-ce que conserver ?
La conservation, c'est l'ensemble des moyens qui, intervenant sur l'objet ou sur
son environnement, cherchent à en prolonger l'existence le plus longtemps possible :
le premier but de la conservation est d'assurer la pérennité des biens culturels. Les
moyens mis en œuvre dans ce but ne doivent en aucun cas affecter la nature de
ces biens, ni celle des matériaux qui les constituent, ni celle de la ou des significations
que ces matériaux véhiculent : la conservation respecte l'intégrité des objets.
Agissant ainsi, la conservation apporte son concours technique à un projet
global : la constitution d'un patrimoine utile, c'est-à-dire étudiable, présentable ou
archivable selon les cas, mais toujours présentant une certaine accessibilité.
Le fait de réserver un traitement particulier à certaines productions humaines,
du présent ou du passé, dans le but de leur conférer une forme de permanence est
un comportement très ancien (Alain Schnapp cite dans un article récent (A.
Schnapp, 1987, p. 59 et 60) un très beau texte concernant Nabonide, roi de
Babylone au vie siècle avant notre ère, qui rechercha quasi archéologiquement et
reconstruisit à l'antique le temple de l'Ebabbar, fondé par un de ses lointains et
prestigieux prédécesseurs, le roi Hammurapi, quelques douze siècles plus tôt...). Mais
entretenir la permanence d'une fonction (fonction d'usage, fonction symbolique ou
autre) n'est pas de la conservation au sens actuel du mot. La conservation suppose
une prise de conscience de la matérialité des objets auxquels on s'intéresse et de sa
double conséquence : leur caractère irremplaçable et leur vulnérabilité physique à
l'épreuve du temps. Le trait le plus moderne de cette conception se trouve dans la
notion d'intégrité. Respecter l'intégrité d'un objet, c'est lui reconnaître une manière
d'intangibilité ; ne pas porter atteinte à la matière originelle dont il est fait ;
s'appliquer à une perception aussi peu sélective que possible de toutes ses parties,
tous ses caractères, toutes ses interprétations possibles ; le laisser indemne de toute
intervention qui limiterait définitivement les possibilités ultérieures de le comprendre
et de le traiter autrement. Quelles exigences redoutables ! Les anéantissements
auxquels ont conduit, dans un passé encore récent, les opérations de « conservation »
qui ne se souciaient pas de ce principe d'intégrité (reconstructions et réfections
massives au détriment des parties originelles parfois sacrifiées ou irrémédiablement
transformées) sont sans doute responsables de ce nouvel état d'esprit. Deux des
grands textes qui en illustrent bien l'affirmation progressive, la Charte d'Athènes
(1931) et la Charte de Venise (1964), ont été rédigés par une majorité d'architectes
à propos des principes à appliquer aux monuments historiques, précisément
objets (et peut-être parfois victimes) au siècle précédent de vives polémiques et
d'appréciations extrêmes (Monuments Historiques, 1977). Mais les évolutions que
nous évoquions plus haut, comme celle de la recherche archéologique, ne sont pas
non plus étrangères à la vigueur actuelle du concept de « l'intégrité » des biens
culturels. Nous savons qu'un objet archéologique livre aujourd'hui bien plus
d'informations qu'hier et c'est en interrogeant sa matière que certaines de celles
qui y étaient recelées, insoupçonnables encore il y a peu, sont devenues accessibles.
Le caractère culturel de ces objets a changé et s'est complexifié ; il dépasse leur
forme apparente et leur valeur de témoignage. Leur matière même n'est plus la
simple expression de leur authenticité, elle est dans sa structure, dans sa composition
physico-chimique, la source potentielle de nouveaux enseignements.
Bien sûr, assurer à la fois la pérennité et l'intégrité d'un objet peut relever du
défi impossible. Pour le stabiliser, ralentir les processus de son altération, il est
parfois inévitable de modifier ses matériaux constitutifs. C'est ce qu'implique, par
exemple, la quasi-totalité des traitements de consolidation par imprégnation que
nous verrons évoquer à presque tous les chapitres qui suivent et dont nous savons
pourtant d'ores et déjà qu'ils contrarient certaines possibilités d'analyse ou de
datation. A fortiori, comment garantir que nos interventions, qui se fondent
nécessairement sur l'état actuel de nos connaissances, ne compromettront aucune
des investigations futures que nous sommes encore incapables d'imaginer !
C'est évidemment impossible. Mais la répartie est toute simple : que pourra-t-on
étudier demain d'un objet qui aurait disparu ? ! La matière vieillit, inéluctablement,
et se transforme. Nous ne pouvons que ralentir ces phénomènes, en agissant sur
les conditions dans lesquelles elle est placée (c'est la conservation préventive) et
sur la matière elle-même quand c'est nécessaire (ce sont les traitements de
consolidation et de stabilisation), tout en sacrifiant le moins possible son intégrité.
C'est un premier compromis.
Il y en a d'autres... La majeure partie des objets que nous nous proposons de
conserver a déjà vieilli : ils sont altérés, parfois méconnaissables ou incompréhensi-
bles. Telle peinture murale est partiellement dissimulée par les concrétions, tel
vitrail opacifié par les produits de sa corrosion, tel objet métallique n'a pratiquement
plus de forme identifiable... Où est leur « intégrité » ?
Leur état actuel amalgame (parfois sans beaucoup de discernement, hélas !) la
peinture, le vitrail, l'objet métallique, c'est-à-dire ce qui en subsiste ou en témoigne,
et les produits de leur transformation au cours du temps, produits issus des
interactions qui se sont établies avec le milieu dans lequel ils ont vécu jusqu'alors.
Pour déchiffrer cet amalgame et simplement reconnaître un objet très altéré,
comme l'archéologie nous en livre souvent, une recherche minutieuse de ce qui
rend compte de l'objet initial, et qui doit être différencié de ce qui le masque, est
nécessaire. C'est par cette recherche, parfois difficile, que l'objet devient véritable-
ment accessible. Elle se conclut dans une opération fréquente — mais jamais banale
— qu'on appelle en général le nettoyage : l'élimination de tout ou partie des
produits d'altération. Lors du nettoyage, on dégage (presqu'au sens archéologique
du mot) ce qui est à conserver : la compréhension de l'objet qui s'élabore à cette
étape du travail s'établit peu ou prou définitivement, et détermine la lecture qui en
sera désormais possible. Il faut à tout moment évaluer ce qui est éliminé et qui
pourtant témoigne, sinon de l'objet initial, au moins toujours d'une partie de son
histoire : celle de son vieillissement.
Le problème se complique peut-être encore davantage lorsqu'un bien culturel
nous parvient transformé par des interventions antérieures qui se sont dégradées,
lui nuisent ou justement le travestissent, en nous en imposant une lecture estimée
aujourd'hui discutable : il faut alors juger d'une « dé-restauration » éventuelle...
On prend ainsi la mesure de l'immense difficulté qu'il y a, dans la pratique, à
respecter rigoureusement l'intégrité d'un objet, alors même que cet objet est parfois
à découvrir ou à redécouvrir, non pas dans son état originel (disparu) mais par
l'interprétation de l'état actuel de ce qui en subsiste, et ce souvent au prix de l'abandon
d'une partie des traces de son histoire matérielle. Ce sacrifice est aussi un compromis,
entre la nécessité d'accéder à l'objet qu'on conserve et le désir de ne rien perdre de
ce qui le concerne ou des informations qu'il véhicule, même indirectement.
On déduira facilement de ce qui précède que la conservation des biens culturels
nécessite à la fois une approche pluridisciplinaire et le contraire d'un état d'esprit
dogmatique. Toute intervention est un cas d'espèce, que doit précéder une étude
aussi complète que possible de l'objet en cause : nature de ses matériaux constitutifs,
des informations, messages ou valeurs dont il est porteur, du contexte dans lequel
il convient de le situer ; appréciation de son état d'altération, des causes probables
de cette altération et pronostic de son évolution possible... Avant d'être une série
de gestes techniques sur la matière, la conservation est d'abord une recherche
critique de l'objet et de ses caractéristiques propres (Mora et al., 1977, p. 1). La
somme des transformations qu'il a subies au cours de son histoire influence bien
sûr ce qui peut en être compris : il y a donc une relation dialectique entre l'étude
préalable qui guide les interventions de conservation et les éléments d'identification
et d'interprétation que celle-ci fournit à son tour. L'intervention technique elle-même
(ce -qu'on enlève, ce qui se trouve modifié et éventuellement ce qu'on ajoute) est
en fin de parcours l'expression concrète du jugement critique qui s'est ainsi constitué
au cours du travail.
Rappelons en effet une dernière fois à quel point l'intervention technique sur un
bien culturel est un acte grave, où se jouent à la fois sa compréhension immédiate
et ses chances de survie. C'est un moment rare et périlleux, qui fournit l'occasion
d'un examen approfondi et d'une relation intime avec la matière originelle qui le
constitue : cette matière parfois gravement altérée par le temps, mais qui détient
seule malgré tout la forme qu'elle a incarnée et les clés pour l'interpréter. Une
intervention inconsidérée peut faire perdre des pans entiers de cette interprétation,
amputer définitivement l'objet d'une part des informations, du message dont il
était porteur et nous en livrer une version appauvrie ou falsifiée. Elle peut aussi
compromettre l'avenir de ce qui subsiste de l'objet, en usant de procédés qui
affaiblissent la résistance mécanique ou chimique des matériaux originaux ou les
juxtaposent à des produits susceptibles de leur nuire. On ne peut jamais considérer
une intervention de conservation-restauration comme un épisode anodin de l'histoire
d'un bien culturel.
C'est pourquoi nous voulons souligner ici l'importance des quelques règles
fondamentales qui cherchent à établir la nécessité de ces interventions, à en limiter
l'ampleur et à les inscrire dans un cadre méthodologique d'ensemble. Leur enjeu est,
entre autres, de dégager les priorités nécessaires à la sauvegarde de l'ensemble de
nos collections. Ce peut être contraire à la débauche actuelle de nouveaux
moyens techniques et de nouveaux produits mis constamment à la disposition des
conservateurs-restaurateurs. Ce peut être contraire à la multiplication et à la
banalisation des demandes de traitements, engendrées par la mise à disposition du
public d'un nombre croissant d'objets, alors même que les moyens manquent pour
en assurer l'exposition, le stockage et le transport dans des conditions adaptées.
Pourtant l'urgence est bien à la conservation préventive et à l'application d'une
démarche rigoureuse et méthodique dans les opérations de conservation-restauration.
Nous proposons ici une formulation (parmi d'autres possibles) des principes
auxquels cette démarche doit, nous semble-t-il, se conformer.
Examen diagnostique
Il est impossible de raisonner une intervention de conservation-restauration sur
un objet sans en connaître les matériaux constitutifs, évaluer leur degré d'altération,
comprendre les causes probables des altérations qu'on observe et apprécier les
risques encourus par l'objet en l'absence de tout traitement. Un projet de traitement
ne s'élabore pas sur la seule analyse de l'état matériel d'un objet mais aussi sur
celle de sa spécificité culturelle, ce qui suppose la recherche des informations
historiques, archéologiques, ethnologiques, etc. qui peuvent en éclairer la compré-
hension. En somme, toute intervention commence par un examen diagnostique de
l'objet et de sa signification culturelle.
Dès le premier examen et jusqu'à la fin de l'intervention, tout ce qui est fait, tout
ce qui est observé au cours du travail doit être consigné dans un dossier, incluant les
informations technologiques relevées et l'appréciation de l'état de conservation,
comprenant dessins, photographies et compte-rendu des éventuels prélèvements ou
analyses effectués. Ce dossier comporte obligatoirement les objectifs du traitement,
la justification des choix opérés, la mention claire des produits et des procédés
utilisés, l'indication des mesures de conservation, de surveillance et d'entretien
recommandées. Il est inséparable de l'objet et communiqué à la personne qui en a
la responsabilité juridique.
Intervention minimum
Il faut agir avec des méthodes et des produits éprouvés, dont on peut évaluer
l'impact, immédiat et à long terme, sur les matériaux constitutifs originaux de
l'objet. Comme cet impact est rarement nul et qu'il est aussi rarement totalement
prévisible, il faut établir la nécessité de chaque intervention et en mesurer le degré,
pour intervenir finalement le moins possible, en justifiant notamment toute addition
aux matériaux originaux et en s'attachant à respecter leur intégralité.
Conservation p r é v e n t i v e
Toute intervention doit être menée en tenant compte des conditions de conservation
dans lesquelles sera placé l'objet après traitement. La mise en œuvre de conditions
adaptées de conservation préventive permet de diminuer le degré d'intervention
directe sur l'objet et de prolonger l'efficacité de la plupart des traitements. C'est
un objectif prioritaire : adapter l'environnement à l'objet, plutôt que tenter le
contraire. Cependant lorsque l'objet doit retourner dans des conditions très
défavorables, auxquelles il est impossible de le soustraire, le traitement doit être
conçu pour lui permettre d'y résister le mieux possible, et ceci peut primer sur
toute autre considération.
Les traitements qui modifient ce qui subsiste d'un objet et qui ne pourront être
ultérieurement décelés que par la documentation annexe, et non par l'examen de
l'objet lui-même, doivent être évités ou dûment justifiés s'ils semblent s'imposer.
Les interventions qui cherchent à mettre en valeur l'objet, à en rendre la lecture
compréhensible ou à en révéler les qualités esthétiques (réintégration, restitution)
ne doivent pas en falsifier la réalité, en gommant toute trace de son histoire
matérielle. C'est la difficile question du degré de discrétion plus ou moins élevé
qu'il convient de donner à ces « reprises ». De la restitution « archéologique », qui
suggère les contours d'une forme perdue ou très lacunaire, à la réintégration
« illusionniste » des manques, tous les partis pris sont techniquement possibles : ils
doivent être justifiés au cas par cas, et laisser toujours, au minimum, une
documentation précise de l'état de l'objet avant intervention et une possibilité de
discerner sur l'objet lui-même les parties refaites, sans confusion possible avec les
parties originelles (si ce n'est par le seul examen visuel, au moins par des méthodes
de mise en œuvre simple et sans danger pour l'objet).
Autant qu'il est possible, toute intervention doit ètre réversible, ce qui signifie,
au sens strict, que tout ce qui a été fait doit pouvoir être défait, sans que l'objet en
soit aucunement affecté. Dans la pratique, on pourrait dire : tout ce qui a été
apporté au cours d'un traitement doit pouvoir être enlevé par des moyens inoffensifs
pour l'objet et sans que celui-ci ait été modifié en rien par rapport à l'état antérieur
au traitement.... Garantir la possibilité de ce parfait retour en arrière n'est pas
toujours réalisable, mais il faut toujours en avoir le souci.
Cette réversibilité parfaite est une condition absolument impérative lors de toute
opération qui n'est pas indispensable à la conservation d'un objet mais est dictée
par la volonté de sa mise en valeur, car elle se fonde inévitablement sur une
appréciation esthétique et historique susceptible d'évoluer.
Dans toutes les autres circonstances, la réversibilité souhaitable des interventions
reste un objectif prioritaire, mais il est licite d'y renoncer lorsque la sauvegarde de
l'objet est en cause :
— la réversibilité durable des produits employés est alors un critère majeur de
choix entre les différentes méthodes utilisables, mais il faut savoir qu'elle ne suffit
pas toujours à garantir la réversibilité parfaite de l'intervention (dans tous ses
effets) ;
— si la réversibilité des produits ne peut être assurée complètement, il faut
au moins que le traitement n'empêche pas toute autre forme d'intervention
ultérieurement possible ou nécessaire, en bloquant définitivement la situation ;
— quand même cela semble impossible à obtenir, et qu'il est néanmoins nécessaire
d'agir pour sauver un objet de la destruction, on doit réunir le maximum
d'assurances quant à la durabilité de l'intervention effectuée et à la stabilité des
produits employés : faute d'autre solution, la longue durée d'efficacité du traitement
entrepris se substitue à son impossible réversibilité.
Les matériaux qui sont placés au contact direct des matériaux originaux constitutifs
de l'objet doivent être compatibles avec eux, sur les plans mécanique, chimique,
physique et éventuellement optique. Cela vaut pour les produits et matériaux utilisés
brièvement sur un objet à une étape du traitement (solvants, désinfectants, etc.).
Cela vaut évidemment pour les matériaux qui restent durablement associés à l'objet
(adhésifs, consolidants, revêtements protecteurs, supports, constituants des parties
restituées, etc.). Dans ce cas, les matériaux introduits et les matériaux originaux
devront vieillir ensemble et harmonieusement, sans que le comportement des
seconds nuise à aucun moment aux premiers, ce qui suppose le choix de matériaux
adaptés aux caractéristiques de l'objet à traiter et la connaissance de leurs modes
respectifs de vieillissement. De ce point de vue, il est illusoire de penser que l'emploi
de matériaux similaires aux matériaux originaux suffise à garantir la compatibilité
durable et polyvalente dont il est ici question (sans parler des problèmes de
« lisibilité » que leur emploi peut soulever).
Deuxième partie :
LA CONSERVATION EN A R C H E O L O G I E
Il y a bien longtemps que l'archéologie n'est plus une chasse au trésor... Bien
que l'idée en soit peut-être encore trop répandue, les archéologues ne retournent
pas le sol en quête d'antiquités et de beaux objets. Ils s'intéressent à tous les indices
matériels, objets et traces, laissés par des hommes disparus, sur et sous notre sol
actuel (et aussi dans le lit des rivières, au fond des lacs et des mers peu profondes...).
Ces documents archéologiques vont de l'empreinte du sillon agricole au monument
historique, en passant par l'objet au sens traditionnel du mot et en incluant les
combinaisons, les situations relatives de ces témoignages les uns par rapport aux
autres. C'est sur cet ensemble de « trouvailles » au sens large (Moberg, 1976,
chap. 7) que travaille l'archéologue. Les objets produits par l'homme, matériaux
et structures fabriqués ou aménagés par lui, ne constituent donc qu'une des
catégories de données archéologiquement utilisables. C'est entendu.
Cette catégorie — évidemment plus ou moins importante selon les lieux, les
époques et la problématique propre à chaque recherche archéologique — représente
néanmoins un moyen d'accès privilégié à la connaissance du passé.
L'étude typologique des séries d'objets a depuis longtemps permis de caractériser
des groupes humains, d'élaborer des chronologies, de repérer d'éventuelles commu-
nications d'un groupe à un autre et d'en établir les itinéraires. Plus récemment,
l'étude des techniques anciennes dont ces objets témoignent, parce qu'ils en étaient
les outils et/ou les produits, a connu un nouvel essor. Peut-être aperçoit-t-on mieux
la richesse des processus sociaux dans lesquels ces techniques sont impliquées et
dont elles pourraient rendre compte (Cleuziou, 1987). En tout cas aujourd'hui, les
objets archéologiques interrogés par les investigations archéométriques, éclairés
par les enquêtes d'archéo-ethnologie et d'archéologie expérimentale, sont potentiel-
lement porteurs de tant d'informations que leur étude exhaustive n'est pas loin de
friser l'utopie. Mais ces objets, contrairement à d'autres sources archéologiques,
ont aussi la vertu de se prêter à des études successives...Nous y voilà : on peut les
conserver ! ! !
C'est en effet à ces objets, au sens courant du terme — faudrait-il dire
« artefact » ? — mais en incluant les restes immobiliers, que les techniques de la
conservation-restauration s'appliquent, ainsi qu'à tous les vestiges matériels (restes
humains et animaux, macro-restes végétaux, etc.) qui demandent des traitements
appropriés pour être conservés. Arrêtons nous un instant sur ce que ces documents
représentent, à la lumière de la suite impressionnante des soustractions qui affectent
et caractérisent les sources de l'archéologie (mentionnées depuis longtemps comme
une des contingences essentielles de cette discipline. On en trouve par exemple deux
représentations schématiques dans Moberg, 1976, p. 62 ; Cleuziou, Demoule, 1980,
p. 94, et une longue évocation dans Galley, 1986, chap. 6) :
(1) une partie seulement des activités humaines laisse des traces matérielles (les
autres n'en laissent pas)
(2) une partie seulement de ces traces traverse le temps (les autres disparaissent)
(3) une partie seulement de ces traces qui ont perduré est portée à notre connaissance
(les autres sont encore à découvrir, ou peut-être définitivement inaccessibles)
Vue sous l'angle de ces réductions successives, la part de ces indices livrés à
l'archéologie (à la suite d'un enchaînement de circonstances qui globalement lui
échappent), est à la fois bien ténue, par rapport à l'ensemble perdu auquel ils se
rattachent, et du même coup bien importante. On comprend dès lors la place
particulière que prennent dans la reflexion théorique des archéologues, les derniers
effets de soustraction directement imputables à leur recherche :
(4) une partie seulement de ces traces retrouvées survivent matériellement à
leur découverte (données « matérielles »), les autres (données « immatérielles »)
disparaissent du fait même de la fouille.
(5) l'ensemble des traces retrouvées et observables (données matérielles et immaté-
rielles) ne sont, en pratique sinon en théorie, pas exploitables dans toutes leurs
virtualités.
Les archéologues semblent gérer assez diversement cette réalité contraignante :
le caractère très partiel des sources qu'ils étudient et les difficultés d'interprétation
imposées par cette sorte d'échantillonnage aléatoire dont procèdent malgré eux leurs
trouvailles (soustractions (1), (2), (3)). Que peut-on raisonnablement reconstituer du
passé à partir de ces sources tronquées, par quelles méthodes, et avec quelle marge
de certitude ?
L'archéologie a son histoire, ses courants de pensée et des problématiques qui
varient selon les époques et les sociétés disparues sur lesquelles elle enquête. Le
panorama des « clés » explicatives dont elle use (ou qu'elle essaie de se forger) s'est
considérablement enrichi et clarifié ces trois dernières décennies, à la faveur de débats
théoriques contradictoires, qui ont mis à nu les divers systèmes d'interprétation à
l'œuvre dans les travaux archéologiques (nous serions bien en peine de donner ici
une sélection bibliographique représentative, mais il nous semble possible de
s'orienter à partir de Schnapp, 1980, particulièrement les contributions de L. S.
Klejn et de K. A. Moberg, et de Gardin, 1979, particulièrement chap. IV.3 : les
constructions interprétatives). Comme tous ceux de la petite forêt des sciences
humaines, «l'arbre vert de l'archéologie théorique» (Klejn, 1980, p. 291) a
manifestement bien des branches — jeunes ou moins jeunes —, peut-être même
plusieurs troncs... Mais où qu'ils soient perchés ( !), c'est-à-dire quelle que soit leur
manière de convertir les traces du passé en savoir sur le passé, les archéologues
doivent tous affronter, face à des sources qu'ils savent bien ne pas être inépuisables,
le caractère destructif et éventuellement sélectif de leur recherche elle même
(soustractions (4) et (5)).
Les uns y répondent en tendant à l' exhaustivité et à l' objectivité dans la collecte
et l'enregistrement de toutes les données, matérielles et « immatérielles », d'une
fouille ; les autres cherchent à établir les règles d'une sorte d'échantillonnage
pertinent, qui retiendrait dès la fouille les données suffisantes et nécessaires à la
résolution du problème posé. Ici deux séquences, le rassemblement des données
puis l'application d'une ou plusieurs grilles interprétatives ; là un mouvement de
va et vient dès le terrain entre ce que l'on est venu chercher et ce que les vestiges
donnent justement à « investiguer ». Ces deux approches, ici schématisées à
l'extrême, peuvent en pratique donner naissance à des stratégies très nuancées.
Discuter de leurs intérêts et limites respectives n'est pas de notre ressort, ni d'ailleurs
de notre compétence, mais leurs conséquences sur la conservation des objets valent
d'être examinées un moment.
Le caractère inévitablement destructif de la fouille concerne surtout les données
immatérielles, mais son caractère sélectif embrasse aussi les trouvailles dont la
stricte matérialité pourrait être conservée, et qui sont écartées de la collecte
archéologique. Pourtant le débat qui concerne l'enregistrement des données
fugacement observables (objectif ou déjà interprétatif, exhaustif ou nécessairement
sélectif) ne peut se transposer tel quel aux données matérielles puisqu'elles sont
justement pour la plupart conservables au moins « a minima » (nous y reviendrons)
par des moyens assez simples. Leur disparition éventuelle n'est donc pas intrinsèque-
ment inéluctable, elle est seulement le résultat d'une décision. Les procédures de
tri et de rejet physique appliquées aux « objets » lors de la fouille doivent évidemment
en tenir compte, même si leur collecte ne peut se concevoir indépendamment des
choix effectués pour l'enregistrement de l'ensemble des informations archéologiques.
« On peut toujours continuer à observer les qualités visibles ou invisibles d'un
objet, mais il n'est plus qu'un échantillon d'une structure dissoute. » (Moberg,
1976, p. 61). Collecter un objet suppose donc un minimum d'enregistrement
concernant ses relations avec l'ensemble fouillé et sans lequel l'objet perd une part
indéterminable de sa signification éventuelle (même s'il ne devient pas rien du tout).
Par conséquent, si une optique sélective s'impose, pour éviter l'accumulation
d'observations inutiles, il est sûrement difficile d'en extraire les seules données
matérielles, ou de leur adapter un régime particulier. Malgré tout, si la paralysie
guette l'archéologue soucieux d'observer et de noter le plus grand nombre possible
d'informations (beaucoup d'entre eux semblent le penser), l'encombrement créé
par les objets est-il d'ordre aussi cérébral ? On a parfois l'impression qu'il menace
pourtant davantage les dépôts de fouille et les réserves de musées que les
raisonnements archéologiques. L'argument manque peut-être de noblesse pour être
ouvertement employé (je jette parce que je n'ai ni la place, ni les moyens de
garder !), on lui préfère des assertions mieux motivées (je jette parce que je n'en ai
pas ou plus l'usage...). L'élimination dès le chantier de fouilles de certains des
documents rencontrés n'est pas une pratique nouvelle, loin de là : ce sont les modes
de sélection et leur justification qui changent, dessinant ainsi les contours mouvants
de « la place de l'objet en archéologie ». Mais les efforts consentis aujourd'hui
pour rationaliser et expliciter ces choix ne devraient pas servir à contourner
l'évidence, c'est-à-dire l'autre terme de l'alternative : la conservation de ce qui peut
l'être. Pourquoi l'abandon des objets exhumés qui ne seraient pas pertinents dans
telle ou telle perspective de recherche serait-il le corollaire obligé du caractère
scientifique de cette perspective et de la sélection qu'elle implique dans l'étude ?
L'existence silencieuse de réserves de vestiges, matériellement préservés mais
exclus de l'étude ou partiellement étudiés, émettrait-elle des ondes parasites au
raisonnement scientifique ? Que dire des « vieilles collections », fruits de démarches
qui n'étaient sans doute pas particulièrement visionnaires et dont l'étude renouvelée
se révèle pourtant féconde ?
On nous pardonnera — je l'espère — cette mise en garde dans une introduction
à la conservation archéologique : jeter pourrait si facilement devenir à la mode...
Quoi qu'il en soit, les choix effectués délibérément sur le chantier aboutissent à
retenir un nombre plus ou moins important de données matérielles, de natures très
variées, et conservables : en quelque sorte le produit matériel de la fouille. Tous
les éléments n'en sont pas nécessairement étudiés et ceux qui le sont, pas sous tous
les angles possibles. Incontestablement, dans les pays industrialisés où s'accélère le
rythme des découvertes effectuées dans le cadre de fouilles de sauvetage, l'abondance
des documents exhumés vient à poser problème. Leur étude comme leur conserva-
tion exigent de la place, du personnel qualifié, des moyens financiers. Il n'y a sans
doute pas toujours lieu de garder religieusement tout ce qui a été mis de côté dans
la hâte du chantier. Mais le conditionnement adapté des trouvailles, mesure
minimale de conservation, permet de différer quelque temps les choix, de les
effectuer dans le calme et après qu'une vue d'ensemble se soit instaurée. Différents
degrés de nettoyage, différents traitements de stabilisation peuvent être alors
envisagés pour tout ce qui est à conserver. Cette fois, les tris intellectuels qui
s'opèrent sont en grande partie réversibles, à condition cependant d'avoir conscience
d'une ultime soustraction, celle qui nous intéresse ici au premier chef, mais qui a
beaucoup moins d'impact théorique que les précédentes sur la démarche archéologi-
que elle-même :
(6) une partie seulement de ces traces retrouvées, observées, et qui survivent à la
fouille (données « matérielles ») se conserve spontanément (les autres disparaissent
du fait de l'absence de mesures appropriées).
Evidemment, cette sélection aussi concerne l'archéologue.
D'abord parce que ces traces, objets et structures éventuellement conservables,
c'est lui qui nous les livre et nous les désigne ; en ce sens on pourrait dire qu'il les
« invente »...et nous venons de voir que, dans certaines limites, il les « choisit » :
personne ne peut dire mieux que lui les raisons de les conserver. Ensuite parce que
leur disparition appauvrit bel et bien les sources de sa discipline. Aucun langage
documentaire, aucune politique d'échantillonnage et de prélèvement systématiques,
aucun système de représentation ne peut rendre compte de tous les caractères
virtuellement présents dans ces vestiges. S'il n'y a pas d'enregistrement exhaustif
des données immatérielles, il n'y a pas davantage une étude exhaustive des autres.
Leur conservation est la meilleure manière — mais pas la manière idéale, nous le
verrons — de maintenir un stock de références disponibles à la fois pour analyser
la validité des études qu'ils suscitent et en permettre le renouvellement. Enfin,
dernier point, mais non le moindre, ce que nous avons appelé « le produit matériel
de la fouille » est sans doute le meilleur support pour la diffusion de ses résultats
dans un public plus large que le sérail des spécialistes de l'archéologie. Peu de
disciplines ont cette chance : pouvoir écrire et pouvoir montrer leurs résultats. Ne
pas s'en saisir, c'est laisser la démarche archéologique inachevée, suspendue entre
des hommes disparus qui l'intéressent et des vivants qu'elle ignore.
Voici donc énoncées les bonnes raisons que nous avons trouvées pour établir
l'intéressement des archéologues dans la conservation des documents matériels
qu'ils étudient, et au-delà du seul temps nécessaire à cette étude. Sans doute serait-il
moins essentiel qu'ils en soient convaincus — ils le sont en général — si la
conservation des matériaux archéologiques après leur découverte allait de soi, ou
même si les mesures qu'elle exige pouvaient se prendre à distance de la fouille et
de l'étude sans aucune interférence avec elles. Mais il n'en est rien. Beaucoup
présentent dès leur exhumation à la fois une grande précarité et une lisibilité
variable, liées à l'altération importante que le milieu d'enfouissement a engendrée.
L'archéologue se trouve donc impliqué dans les décisions immédiates qui doivent
assurer leur préservation matérielle, ,tout comme il l'est dans la prévision et la
réunion des moyens qui y sont nécessaires. D'autre part, dès la fouille et à toutes
les étapes de leur exploitation scientifique, la conservation de ces matériaux ne
peut se concevoir indépendamment de leur identification progressive, de la
compréhension qui s'en élabore et des questions qu'on leur pose : dans ses modalités
concrètes, la conservation est étroitement liée à la perspective archéologique.
La prise en compte de cette double particularité, technique, c'est la précarité et
l'altération des documents exhumés, et culturelle, c'est leur spécificité archéologique,
commande la nature des interventions de conservation-restauration en archéologie.
Devrait-elle aussi conduire à intégrer le problème de leur conservation — et les
diverses stratégies qu'il peut susciter — dans le champ même de la responsabilité
scientifique et sociale des archéologues ? Nous reviendrons sur cette question en
conclusion.
Les vestiges que nous retrouvons après des décennies, des siècles, des millénaires
d'abandon, ont composé avec le mileu dans lequel ils se trouvaient, au prix de
transformations souvent importantes. Souvent lacunaires et déformés, mais aussi
modifiés dans leurs caractéristiques mécaniques et leurs propriétés chimiques, ces
objets peuvent être aussi difficiles à interpréter « rétroactivement » qu'à maîtriser
« prospectivement » :
— comment appréhender les matériaux altérés dont ils sont faits ?
— quels risques encourrent-ils dans le nouvel environnement où les place leur
exhumation et comment les en prémunir ?
La notion d'« équilibre entre l'objet et son milieu d'enfouissement », mentionnée
depuis longtemps par de nombreux auteurs (par exemple, Plenderleith, 1966, p. 16 ;
Dowman, 1970, p. 4 ; Rose, 1975, p. 165 ; Moberg, 1976, p. 82) explique à la fois
pourquoi certains objets, pas tous et pas partout les mêmes, nous parviennent ;
pourquoi ils nous parviennent à des degrés divers de transformation ; pourquoi
leur survie peut être gravement compromise par la fouille. Cette dernière question
est si centrale que presque tous les exposés présentés en août 1983 à Chypre, lors
d'une des premières conférences internationales consacrées à la conservation
archéologique, en font mention (Stanley Price,1984). Gael de Guichen en examine
toutes les facettes dans sa contribution « Object interred, object desinterred »,
entièrement axée sur ce « traumatisme » que représente la fouille pour tous les
documents enfouis (Guichen, 1984).
Les objets et les structures ne deviennent pas sitôt exhumés des « antiquités »,
des ruines ou des monuments historiques « classés », témoignages intangibles du
passé, fragments évidents du patrimoine collectif : leur « découverte », qui est en
quelque sorte le prolongement de la fouille, est encore souvent en partie à faire et,
au moins pendant un temps, ils restent les fragments d'un puzzle qui les dépasse.
La première difficulté apportée par l'intrusion de la perspective archéologique
en conservation, c'est l'arrivée fracassante du « contexte » dans un univers où
règnent habituellement « l'objet en soi » et le tête à tête avec lui. Ah, le contexte ... !
Quand il travaille en archéologie, le conservateur-restaurateur doit rapidement
apprendre à en tenir compte.
Il y a d'abord le contexte archéologique immédiat, le voisinage de l'objet (on
pourrait dire aussi le contexte associatif) : certains de ses aspects, sa fonction, sa
signification ne sont compréhensibles que s'il est replacé dans le cadre de sa
découverte. Sinon, le contre-sens est parfois facile. Reboucher une céramique
délibérément perforée, reconstituer ou redresser une arme intentionnellement brisée
ou tordue, prendre une usure pour une altération, un dépôt significatif pour une
pollution par le sol, un inachèvement pour une destruction (ou les inverses),
entreprendre le remontage d'un ensemble de fragments quand la seconde moitié
de la fosse dont ils parviennent est encore infouillée... Souvent les objets archéologi-
ques ne parlent pas d'eux-mêmes, en tout cas pas de façon univoque : le contexte
archéologique immédiat les éclaire de façon décisive.
Il y a aussi le contexte archéologique général, ce que l'on sait déjà des objets
avant même de les étudier : la reconnaissance de certains traits repose en partie
sur des hypothèses préexistantes. On recherche sur tel objet très altéré, la présence
d'une caractéristique donnée (un mode d'assemblage, un décor possible, la trace
d'une partie disparue...) soupçonnable parce que attestée sur des objets du
même type ou d'un type voisin. L'exploration d'un lot de fragments qui mêle
indistinctement plusieurs pièces de verre ou de céramique est infiniment plus rapide
si une certaine idée des formes susceptibles d'apparaître aide le travail. Ainsi
l'examen des objets eux-même est guidé (mais non contraint) par les indications
que fournissent des séries ou des parallèles connus : le contexte archéologique
général les situe dans un ensemble de références.
Enfin, il y a l'intérêt variable de l'objet selon son contexte particulier, et ici
interviennent pour la première fois des facteurs qui lui sont proprement extrinsèques
et pourtant commandent largement le traitement qui lui est appliqué : deux objets
voisins, ici trouvé dans un contexte d'abondance, là exemplaire unique, voire
inattendu, dans son contexte de découverte ne reçoivent pas la même attention ;
telle structure est déplacée ou démontée pour permettre la fouille des niveaux
sous-jacents, et non parce que sa conservation l'exigerait. Tel objet est ici restauré
pour son exemplarité typologique, parmi tant d'autres comparables qui seront
négligés ; tel autre au contraire sera restauré pour l'intérêt de ses caractères déviants.
En ce sens le contexte relativise l'importance des objets archéologiques.
Il ressort de tout ceci que l'interprétation archéologique des objets et la recherche
particulière dans laquelle ils s'inscrivent ne peuvent guère être tenues pour
indépendantes de leurs éventuels traitements de conservation-restauration. Jusqu'à
un certain point, les relations ainsi instaurées entre étude et traitement ne posent
que des problèmes aisément surmontables. Les informations fournies par le contexte
archéologique facilitent et justifient les interventions de nettoyage, de remontage,
de reconstitution entreprises par le conservateur-restaurateur. En contre-partie ces
interventions contribuent à répondre aux questions posées par l'archéologue et lui
apportent de multiples indications : quel objet, fait comment, avec quoi, utilisé de
quelle façon, etc., tout en assurant la préservation à long terme de ces documents
et parfois leur exploitation pédagogique ou démonstrative. Mais souvent s'imposent
des choix difficiles : mettre en œuvre des traitements rapides de stabilisation, sur
des séries d'objets, et consacrer à quelques autres beaucoup plus de temps et de
moyens ; arrêter à un niveau d'identification grossière un nettoyage qui aurait pu
révéler l'objet dans tous ses détails ; renoncer à une imprégnation ou une désinfection
pourtant urgentes parce qu'une analyse de laboratoire est prévue ou simplement
souhaitée, effectuer un prélèvement destructif... Et tout cela sur des critères
essentiellement extérieurs à l'objet ! A ceux qui ont été élevés dans cette sorte de
religion de l'objet qu'est la conservation des biens culturels (rappelez-vous : pérénité,
intégrité, accessibilité), la gymnastique archéologique donne parfois des crampes...
douloureuses.
Cette gymnastique, on pourrait l'appeler « la pratique du contenu informatif » :
pour l'archéologue, l'objet vaut par son contenu informatif, mais celui-ci ne dépend
pas que de l'objet, et la part qui en dépend n'est pas toujours intégralement « utile ».
Or nettoyer, consolider, remonter, bref « traiter » un objet, c'est entretenir avec lui
une grande proximité physique. L'approche est nécessairement fine, l'objet tend à
occuper tout le champ de vision du conservateur-restaurateur : cela n'est pas toujours
aisément conciliable avec le recul qui caractérise la perspective archéologique. C'est
ainsi que peuvent surgir certains conflits apparents : conflits dans les moyens à
mettre en œuvre (qu'est-ce qui est prioritaire), et conflits d'intérêt : ce qu'il est
techniquement possible d'obtenir de l'objet ne recoupe pas toujours ce qui est
archéologiquement intéressant, et parfois même le contrarie.
Ainsi que va-t-on choisir, l'objet, dont la conservation impose une consolidation,
ou la datation qu'une analyse peut en fournir ? Où résident les informations que
recherche l'archéologue, dans l'objet ou dans les dépôts et corrosions qui le
masquent ? Les réponses à ces questions trouvent leurs justifications dans une
problématique largement extérieure à l'objet : le conservateur-restaurateur ne
dispose pas des éléments du jugement et il ne peut les deviner à partir du seul
examen des objets.
Qu'est-ce qu'un clou, un peson de métier à tisser, un rivet, semblables à des
dizaines d'autres et qui n'ont fourni une information utile que parce que, trouvés
en connexion, ils livraient la trace interprétable de l'ensemble disparu auxquels ils
participaient ? Valent-ils individuellement les heures de travail qui les révèleront
en détail ? Que nous apprend ce fin filament, enroulé autour d'une des perles
metalliques d'un collier et dont seul un examen minutieux sous binoculaire a permis
d'épargner la perte lors du nettoyage ? Et cet éclat manquant, enfin retrouvé et
ajusté à sa place, change-t-il quelque chose d'important en élevant la coupe de
verre auquel il appartient au rang de la « pièce la plus haute de sa série
typologique » ? A ces questions l'archéologue répond parfois non, parfois oui,
parfois d'abord non puis oui. La découverte de traits distinctifs sur les clous, les
rivets, les pesons, la mise en relation de cette coupe très haute avec d'autres objets
singulièrement atypiques du même contexte font ou feront peut-être basculer ces
indices du domaine de l'anecdotique au domaine de l'informatif. Tout aussi bien
peut-être ne prendront-ils jamais la moindre importance scientifique. C'est la
recherche dans laquelle ils s'inscrivent qui en décide, mais cette recherche, le plus
important des « contextes archéologiques », a nécessairement une actualité ; elle peut
changer.
Alors faut-il y inféoder strictement les travaux de conservation-restauration ?
Leur logique propre, celle de la conservation des biens culturels, dispose à une
exploration extrêmement sensible des objets, qui pèse soigneusement l'irréversible,
et intègre le long terme dans ses projets. Cette vision s'accommode de l'absence de
résultats immédiats, parce que son propos n'est pas seulement archéologique.
Peut-être y a-t-il quelque bénéfice à tirer de cette perception non purement
scientifique des objets. Au moins nous aimerions que l'on s'y arrête un moment.
Exposer cela est le plus difficile de cette introduction, aussi le plus discutable et le
plus personnel. Mais nous croyons que plusieurs des auteurs de ce livre seront
satisfaits que cela ait été tenté, tant bien que mal. Reprenons l'exemple abandonné
du collier, pour une petite fiction où chacun reconnaîtra (?) un peu de son histoire.
Ainsi un « fil » très partiellement conservé, intimement lié aux sédiments et aux
produits de corrosion qui masquent le collier, est à grand peine dégagé et préservé
en place, sur la perle métallique autour de laquelle il est enroulé. Et après ? Si sa
présence ne soulève aucune hypothèse, l'histoire se termine là. Mais peut-être est-ce
une réparation ? Fil de soie, fil de coton, fil de lin, crin de cheval, peut-être est-il
identifiable ? L'archéologue commence à s'interroger. Le point de colle qui a permis
d'assurer la position du fil pendant le nettoyage risque bientôt de devenir un regret,
peut-être un reproche. Et voilà qu'on découvre une série de colliers comparables,
dans les sépultures du même site, et qui présentent tous un fil noué sur une perle.
Une perle placée au même endroit ? La localisation de la perle nouée a-t-elle une
signification ? Toujours le même type de fil ? L'archéologue se met à gamberger,
le traitement des colliers devient une recherche du fil et de sa position... Rétrospecti-
vement, si le fil du premier collier avait été perdu, cela aurait constitué une perte
grave, peut-être une faute...
Mais s'il n'y a qu'un seul collier, si le fil est simplement un cheveu, un cheveu
si abimé qu'on ne saurait en dire s'il fut blond ou brun, long ou court, d'homme
ou de femme, peut-être bêtement accroché à la perle au hasard d'un mouvement
quelconque, qui sait... Et bien pour celui ou celle qui a traité le collier, même ce
cheveu est important, et il lui importe d'avoir réussi à le conserver. C'est ainsi. La
relation qu'entretient le conservateur-restaurateur avec les objets sur lesquels il
travaille est complexe et ne se nourrit pas exclusivement d'utilité scientifique. Sans
quoi comment expliquer toute la rigueur mise en œuvre, les heures et les heures
investies, pour atteindre à une efficacité (en termes de conservation) dont seul
l'avenir — le plus lointain possible — jugera, pour produire un résultat dont
l'intérêt archéologique immédiat ne justifie pas l'effort consenti et qui ne se soldera
pas par quelque publication prestigieuse, ni même souvent par quelque publication
que ce soit... On conçoit que cette démarche puisse apparaître un peu vaine à ceux
qui s'engagent complètement dans la production dynamique du savoir. Elle n'est
pas en effet, sous cet angle, dépourvue d'une certaine gratuité et il y a de l'affectif
dans son moteur, « Cette tendresse dont vous remplit tout ce qui est en vain »
(Elias Canetti). Ceux qui exercent ainsi la conservation en archéologie se sentent
un peu comme les pierres d'un pont à deux arches : un pied dans le passé
définitivement étranger, un pied dans le présent utile, un pied dans l'avenir
imprévisible. La « science » n'est pas seule à emprunter le pont, si tant est qu'il
soit vraiment praticable ; et si la pile la plus solide est bien celle du milieu, sa raison
d'être est tout de même dans l'édifice tout entier.
Revenons maintenant à ce présent utile. Nous n'aurions pas fait ce détour par
le subjectif si quelques interrogations pressantes ne se bousculaient à nos portes.
En France, le développement de la conservation est tel qu'il faut encore un peu
d'esprit d'anticipation pour les apercevoir, mais dans d'autres pays on en discute
déjà depuis quelque temps (U.K.I.C, 1980 ; Foley, 1984 ; Melucco, 1986 ; Pye,
Cronyn, 1987 ; Tuck, Logan, 1987). On pourrait les énumérer ainsi : comment faire
face à la masse des objets exhumés, comment répartir les moyens de traitement
disponibles, de la prévention à la restauration, comment rendre accessibles les
informations archéologiques essentielles, comment en perdre le moins possible.
Nous voici loin de nos élucubrations sentimentales... Les pressions qui s'exercent
pour mettre au point des méthodes rapides, applicables à un grand nombre d'objets
et réduisant les difficultés de leur stockage sont considérables et justifiées.
L'amélioration des techniques de conditionnement et de stabilisation est à l'ordre du
jour : congélation, contrôle de l'hygrométrie dans les petites unités de stockage,
recherche du désinfectant universel, stabilisation voire nettoyage chimiques dans
des bains pouvant accueillir des séries... On recherche aussi les moyens d'un
diagnostic immédiat, qui orienterait vers le simple stockage, le nettoyage de base
ou le traitement poussé : la radiographie des objets métalliques sur le chantier tend
ainsi à se développer. Enfin l'enregistrement des observations accessibles pendant
le traitement devient une préoccupation majeure : systématisation des fiches
descriptives et de la documentation annexe (dessins, photos), politique de prélève-
ments, échantillonnage de « non-traités », mise au point par les archéologues de
grilles de lecture par type d'objets pour guider la recherche des indices significatifs
(Brown, 1980 ; Lawson, 1980). Ainsi certains archéologues souhaitent voir succéder
à la conservation archéologique, pour eux peut-être déjà dépassée, une sorte de
« science des trouvailles » maniée par des archéologues « légistes » (« forensic
archaeologists », in Addyman, 1980) experts en typologie, technologie, tracéologie,
chimie des matériaux, altération, biologie de l'environnement, et sélection des
informations archéologiques... En somme, une nouvelle « archéologie de l'objet » ?
En ce sens, le transfert pur et simple à la conservation d'une terminologie
archéologique (microfouille de l'objet, dégagement des informations, enregistre-
ment, etc.), qui va croissant — y compris dans nos textes — préfigure peut-être
ces évolutions que certains appellent de leurs vœux. Nous pensons qu'elles recèlent
certains dangers. Par exemple, celui d'oublier, devant la suite d'interrogations et
de découvertes qui jalonnent la conservation-restauration d'un objet, ce que ces
découvertes nous apportent et à quel ordre de savoir elles contribuent. Mais aussi
coller de trop près à la perspective archéologique dans ses impératifs immédiats,
sacrifier trop vite l'intégrité et la pérénnité des objets traités à l'obtention des
informations utiles et oublier que d'autres approches en sont peut-être possibles et
légitimes. En somme croire que tout ce qu'on peut obtenir des objets est
scientifiquement important et/ou qu'il n'y a rien d'autre d'important à en obtenir.
Les archéologues, qui ont en bonne place dans leur généalogie les collectionneurs
et les antiquaires, connaissent bien les pièges et les limites que nous essayons
d'évoquer ici : ce renversement qui fait de l'objet la fin et non l'outil de leur
discipline. Les conservateurs-restaurateurs fraîchement convertis à la spécificité
archéologique des objets dont ils s'occupent doivent y réfléchir.
Il n'y a pas de biens culturels sans contexte, mais peu de contextes sont à la fois
aussi prégnants et aussi insécurisants que le « contexte archéologique ». Lorsqu'il
s'éloigne, le conservateur-restaurateur navigue dans des eaux plus tranquilles : ainsi
les objets de musée, issus d'anciennes fouilles et connus depuis longtemps, qui ont
acquis depuis leur découverte un curriculum vitae culturel, ou dont le caractère
esthétique domine l'appréciation, offrent des repères plus familiers. Mais ce n'est
pas là de la conservation archéologique. Celle-ci se tient tout près de la recherche
archéologique et s'efforce d'en intégrer au mieux les implications essentielles :
accepter l'établissement de priorités dans l'ordre et le degré des interventions,
consacrer une attention particulière à la recherche et à la communication des
informations archéologiques accessibles, mettre au point des techniques économique-
ment adaptées au nombre des objets livrés par l'archéologie. Incontestablement, une
formation des conservateurs-restaurateurs à l'archéologie (y compris l'expérience
de chantiers de fouilles) est utile à la réussite de cet effort, tout comme l'est chez
l'archéologue la sensibilisation aux problèmes de conservation (leurs enjeux, leurs
limites). Les interventions de conservation-restauration doivent atteindre à un
compromis difficile :
— participer à une stratégie archéologique dans l'étude des objets ;
— préserver la possibilité de confrontations successives entre diverses stratégies ;
— travailler à la diffusion des résultats de l'archéologie à travers le support matériel
des objets ;
— éventuellement respecter d'autres relations à l'objet que la relation archéologi-
que.
Ainsi comprises, il ne nous semble pas que ces interventions puissent se
confondre avec une forme d'« archéologie de l'objet », ni qu'elles se démarquent
fondamentalement de ce qui a cours dans le domaine élargi de la conservation des
biens culturels. Mais elles s'adaptent, dans leur contenu et dans leurs objectifs, que
nous allons résumer à présent, à la nature particulière des objets archéologiques.
Les interventions de conservation-restauration en archéologie
Préparation du chantier
Pour intervenir de façon adaptée sur un chantier de fouilles, un minimum de
préparation est nécessaire.
Quels seront les besoins, en termes de conservation ? Plus on peut les prévoir
avec précision, mieux on peut organiser efficacement le parcours sans risque des
objets, du sol jusqu'à leur lieu d'affectation définitive.
Les informations à réunir concernent à la fois la fouille elle-même et l'environne-
ment dans lequel elle se déroule :
— quel type de site, de quelle époque... : à quel genre de trouvailles s'attend
l'archéologue, le matériel exhumé sera-t-il abondant, diversifié, etc. On voit bien
les conclusions qui peuvent être tirées de diverses situations (une villa gallo-romaine,
une zone d'artisanat médiéval en milieu urbain, une carrière, des sépultures
néolithiques... ne livreront pas le même type d'objets ni les mêmes quantités globales
de matériaux) ;
— quel est le contexte particulier de la fouille : durée de la campagne, locaux
disponibles (provisoires ou définitifs), approvisionnement en eau et en électricité,
destination finale des objets et conditions de leur étude archéologique (sur place
ou ailleurs, immédiatement ou après la fouille...), ressources locales en équipements
et produits, composition de l'équipe archéologique, possibilités sur le terrain ou
après de recourir à des laboratoires et des personnes spécialisés, pour les moulages
et les prélèvements par exemple, ou l'étude d'un matériel défini (céramologie,
anthropologie, etc.) ;
— les particularités du projet archéologique retentiront-elles sur les problèmes de
conservation : prévoit-on l'analyse systématique en laboratoire de tel ou tel type
de matériau ; la mise en œuvre de telle ou telle méthode de datation ; envisage-t-on
l'aménagement ultérieur du site ou d'un musée de site ; les fouilles seront-elles
visitées par le public...
— enfin quel type de climat et quel type de milieu d'enfouissement va-t-on
rencontrer : si la première question trouve assez aisément réponse, la seconde
engendre souvent plus de perplexité que d'éclaircissements. Il y a quelques situations
connues et grossièrement prévisibles : tourbières, fouilles sous-marines, sol aride,
grottes ou cavités construites correspondant à des phénomènes naturels ou des
aménagements humains déjà étudiés et comparables... Mais dans beaucoup de cas,
on ignore presque tout du sol qui va être fouillé et de son histoire. On peut alors
puiser quelques informations dans une carte des sols de la région concernée
(Dupuis, 1967 ; FAO/UNESCO, 1975), ces cartes donnant une vision synthétique
de la couverture pédologique, et rechercher l'existence éventuelle d'une carte
factorielle intéressante réalisée à plus petite échelle (cartographie des pH, par
exemple). Mais ces cartes sont d'une aide limitée pour l'archéologue ou le
conservateur généralement peu (ou pas du tout) formés à leur interprétation. Leur
consultation est pourtant un des seuls moyens de détecter à l'avance le problème
particulier que pourrait présenter un sol encore inexploré et surtout d'engager le
dialogue avec un pédologue capable d'en tirer des enseignements plus précis et
d'indiquer les observations complémentaires à réaliser sur le terrain pour identifier
la nature du milieu d'enfouissement rencontré.
L'ensemble de ces éléments permettent d'imaginer ce que sera techniquement le
travail de conservation sur un chantier et dans quelle perspective il s'inscrira. On
peut dès lors prévoir les équipements et matériaux nécessaires, établir une première
estimation budgétaire. Enfin il s'agit surtout d'intégrer sans heurt ce travail dans
le projet archéologique lui-même, en gérant au mieux les contraintes pratiques qu'il
risque de faire peser sur la fouille.
D é g a g e m e n t et prélèvement
On peut rencontrer lors de la fouille certains vestiges trop fragiles pour être
exhumés par les moyens habituels. Des techniques de consolidation sur place ou
de prélèvement « en motte » sont alors requises. Les dernières conduisent à mener
ultérieurement la véritable fouille des matériaux ainsi prélevés, dans de meilleures
conditions que ne l'autorise le travail sur le terrain et sans retarder l'avancement
du chantier. On peut donc y avoir aussi recours pour des raisons purement
archéologiques, lorsque se présentent des documents intéressants à dégager avec
une finesse et une précision impossibles à mettre en œuvre sur la fouille même.
Lors du travail quotidien de dégagement, une attention continue à l'état de
conservation des vestiges est par ailleurs toujours souhaitable : risquent-ils de
s'altérer, lorsque exhumés en tout ou en partie ils sont laissés en place le temps
d'explorer l'ensemble auquel ils appartiennent ou d'effectuer les relevés et autres
procédures d'enregistrement nécessaires ?
Enfin il y a parfois lieu sur le terrain d'orienter les méthodes de dégagement et
d'enregistrement en fonction du travail de conservation prévisible : par exemple,
la position des fragments d'un objet brisé en place peut être de peu d'importance
archéologique, mais faciliter considérablement, quand elle est connue (photo-
graphie, relevé, ordre du ramassage), le travail ultérieur de remontage. La fouille
des structures effondrées doit aussi tenir compte d'un éventuel projet de remontage
(ou d'anastylose). En retour, certaines interventions avant tout conservatoires, les
déposes par exemple, sont à mener aussi en tant qu'opérations de recherche
archéologique : il ne faut pas placer l'archéologue quand on peut l'éviter devant le
dilemme de détruire un objet pour accéder à certaines informations, ou de les
sacrifier à sa conservation.
Moulage
Trace d'outil sur une paroi, empreinte dans le sol, ensemble formé par une série
de vestiges qui seront prélevés un à un : la fouille peut mettre à jour des indices
ou des situations « imprélevables » et qu'elle va parfois bientôt détruire. Dans
certains cas, ils peuvent être moulés. En un sens, ces moulages, tels que les
préhistoriens les pratiquent depuis longtemps, relèvent plus de l'enregistrement des
données de la fouille que de la conservation à proprement parler : ce sont, parmi
d'autres, des techniques qui visent à produire un substitut étudiable et archivable
de ce qui va disparaître, au même titre que les dessins, les relevés, les photographies
faites sur le terrain. La réalisation d'un moulage, ce n'est pas la conservation d'un
objet, c'est la fabrication d'un document de fouille particulier. Cependant les
techniques employées ne sont pas sans lien avec la conservation : d'abord parce
qu'elles ne doivent pas altérer les objets ou les vestiges qui, moulés en situation,
seront après conservés isolément ; ensuite parce qu'on les emploie aussi pour
préserver des objets fragiles que leur manipulation mettrait en danger mais dont
l'archéologue doit pouvoir disposer pour les étudier, les communiquer, enseigner
ou présenter ses travaux (Chavigner, 1987). Les techniques de moulage servent
donc à la fois l'archéologie, la conservation des objets, la conservation et la
diffusion des informations archéologiques. Elles peuvent répondre, dès le chantier
mais aussi après, à de multiples objectifs.
On leur assimile souvent (Soulier, 1987) les prélèvements superficiels de parois
stratigraphiques, effectivement réalisés par des techniques qui s'apparentent à celles
du moulage. Mais il s'agit bien là de conserver un matériau archéologique menacé
(la stratification du sol fouillé) en réalisant son transfert partiel sur un support
mobile. Il est aussi possible de prélever et de conserver des blocs de sédiments
stratifiés.
Avec les différentes tâches évoquées jusqu'ici, effectuer les dégagements délicats
et surveiller les autres, réaliser certains prélèvements et déposes, mouler certains
vestiges précaires, conditionner les matériaux prélevés en fonction de leurs conditions
de stockage, éventuellement de leur transport, enfin protéger ceux qui restent in situ,
y compris lors de la fermeture du chantier (définitive ou entre deux campagnes), nous
avons fait le tour du travail de conservation indissociable de la fouille archéologique.
Tout le reste pourrait, en théorie, se dérouler ailleurs ou dans un deuxième temps,
après que les objets aient été acheminés dans des laboratoires compétents. Mais
en pratique, une première étude des objets, menée parallèlement à la fouille,
influençant sa progression et sa compréhension immédiate, est presque toujours la
règle. Elle nécessite un minimum de traitements, qui ne doivent pas compromettre
ceux qui seront ultérieurement entrepris.
Identification, nettoyage
L'identification des « trouvailles » est évidemment un préalable à toute étude
archéologique comme à toute intervention de conservation. Derrière ce terme
générique, on peut envisager bien des degrés d'observation et de recherche : quel
matériau ? Manufacturé ou non, d'origine ou transporté ? Quelle forme, quel
objet ? Traces d'usure, décor, inscription ? L'identification du matériau, pas
toujours aussi facile qu'on pourrait le croire, permet d'orienter le choix des
méthodes de nettoyage souvent indispensable à la reconnaissance des autres
caractères.
Le nettoyage, c'est, en principe, l'élimination de tout ou partie des produits
d'altération qui masquent un objet ou lui nuisent (ou les deux). Irréversible par
définition, le nettoyage des objets est souvent entrepris sur le chantier, pour
autoriser leur lecture immédiate et leur première étude, faciliter leur stockage,
permettre de décider leur orientation ultérieure. Il est souvent plus facile au sortir
du sol qu'après quelque délai, et constitue parfois une mesure nécessaire et urgente
de conservation, quand il écarte un facteur d'altération (microorganismes, sels
solubles, etc.) que les techniques de conditionnement disponibles ne permettent pas
de contenir efficacement. Au nettoyage de base, suffisant pour faire apparaître les
caractéristiques essentielles d'un objet, peut succéder un nettoyage plus poussé et
orienté par une recherche particulière (dégager un décor, une trace d'utilisation,
éliminer les dépôts qui entravent le remontage, etc.). Mais le nettoyage est aussi et
presque toujours une opération risquée, au cours de laquelle sont en jeu un certain
nombre d'informations concernant l'objet, son histoire avant l'abandon, les
circonstances de celui-ci, le contexte d'enfouissement : il y a donc lieu de décider
d'un nettoyage en tenant compte de tout ce qu'il peut apporter mais aussi de tout
ce qu'il peut faire disparaître irrémédiablement.
Restauration
Ainsi nous voilà au terme des multiples parcours qui conduisent de l'objet
exhumé à l'objet conservé et parfois restauré. Nous avons essayé de présenter ici
schématiquement les différentes interventions qui jalonnent ce parcours, sans autre
intention que de faciliter la lecture des chapitres qui suivent. Les définitions
proposées ici sont un simple outil de communication, conçu pour cet ouvrage
collectif, et certainement pas l'esquisse d'un dogme, ni même d'un vocabulaire
normatif à bien des égards encore inaccessible.
L'objet perd-il en route un peu de sa « teneur archéologique » ? Sans doute. On
ne peut en conserver toutes les virtualités. Tous les objets doivent-ils suivre un
parcours identique ? Certainement pas.
Alors qui va orchestrer les choix à faire ?
Une manière de conclusion personnelle
Dans certains pays plus que dans d'autres, particulièrement plus que dans le
nôtre, la conservation archéologique a une histoire, déjà (Corfield, 1988). Et cette
histoire ne se confond pas avec celle de l'archéométrie par exemple, même si
elle est étroitement liée à ce qu'on pourrait appeler la science des matériaux
archéologiques. Les premières méthodes de traitement des bois gorgés d'eau
apparaissent au Danemark, au milieu du dix-neuvième siècle. Les travaux effectués
dans ce pays par Georg Rosenberg à partir de 1890 sur le contrôle de l'environne-
ment, la conservation des matériaux organiques et surtout des métaux ont apporté
des acquis décisifs. A Berlin en 1888, à Londres au début du vingtième siècle, des
chimistes sont appelés par les archéologues pour étudier et combattre les causes
de l'altération des objets trouvés en Egypte. Les premiers ouvrages généraux qui
traitent de la conservation des antiquités sont parus avant la deuxième guerre
mondiale (Lucas, 1924 ; Plenderleith, 1934). C'est sous la direction d'un grand
archéologue, Sir Mortimer Wheeler, que l'Institut d'Archéologie de Londres
introduisit un enseignement de la conservation, d'abord destiné aux étudiants en
archéologie, puis à de futurs spécialistes de la conservation archéologique (Gedye,
1987 ; Hodges, 1987 a).
Et aujourd'hui ? L'intégration de la conservation-restauration dans les projets
archéologiques, dès la fouille et jusqu'à la publication, est devenue dans beaucoup
de pays une pratique courante : en Suède, au Canada, en Grande-Bretagne, par
exemple. Dans ce dernier pays, il semble possible de mobiliser aux côtés des
archéologues, sur un objectif précis et particulièrement intéressant, quelques
vingt-deux conservateurs-restaurateurs, comme ce fut le cas entre décembre 86 et
octobre 87 sur le site de Haddendam (Price, Macqueen, 1988). La France serait
encore bien en peine de réunir un tel effectif sur une simple liste professionnelle,
mais la conservation archéologique s'y développe depuis quelques années avec
vigueur : ce livre est aussi fait pour en témoigner. Ici, comme ailleurs, ce
développement repose d'abord sur la prise de position active des archéologues,
dans les universités, les directions des antiquités, les grands chantiers de fouilles
urbaines (chap. XI). L'apport de la conservation archéologique à la connaissance,
notamment technologique, des vestiges du passé, est indiscutable. On découvre
même couramment de l'intérêt à certains matériaux que nous sommes aujourd'hui
capables de conserver (cuirs et peaux, par exemple), autrefois connus seulement
par des trouvailles exceptionnellement bien préservées. La conservation-restauration
devient aussi l'indispensable compagne de l'archéologie dans tous ses développe-
ments médiatiques...
Mais en contre-point, certaines évolutions récentes de l'archéologie semblent
parfois l'éloigner du problème de la conservation des vestiges qu'elle étudie.
« Longtemps encore, l'étonnement naïf devant la découverte qui parle d'elle même
ou la volonté de « sauver » à tout prix les traces du passé (dans leur réalité
matérielle, sinon dans leur signification), empêcheront l'archéologie d'acquérir un
statut réellement scientifique ». (Gallay, 1986, p. 154). « ...comme toute archéologie,
celle du moderne et du contemporain vise à la connaissance et à la compréhension,
et sans avoir de droit, pensons-nous, à se soucier de la conservation, surtout pas
comme on le va répétant, de la conservation patrimoniale. » (Balut, Bruneau, 1987,
p. 81). Ces deux points de vue trouvent bien sûr leur origine et leurs justifications
dans des analyses essentiellement différentes. Mais s'ils venaient à converger dans
leurs implications concrètes, l'archéologie récuserait simultanément l'obligation de
préserver ce qui peut l'être et sa responsabilité dans le choix de ce qui doit l'être.
Il n'est donc peut-être pas si inutile d'aller répétant qu'aucune politique de la
conservation en archéologie n'est concevable qui ne serait aussi une politique
a r c h é o l o g i q u e . . . .
Un rappel, avant d'embarquer pour la lecture des chapitres qui suivent,
essentiellement techniques. Il y a parfois un peu de poésie, même dans les sources
écrites les plus arides de l'histoire...
J'aimerais qu'on nous laisse revendiquer un peu de ce « contenu anecdotique »
des objets évoqué plus haut.
Pour le reste, la conservation archéologique est au service de l archeologie, , , , • et donc
de ce à quoi sert l'archéologie.
CHAPITRE II
Intervention
sur le terrain :
le mobilier
F r a n ç o i s e CHAVIGNER
T o u t en c h e r c h a n t à t r a n s m e t t r e u n e expérience et u n e p r a t i q u e de terrain, le
besoin de c o n v a i n c r e t r a n s p a r a î t . Il est difficile de p r e n d r e le recul nécessaire à
l'exposé lorsque, m a l g r é le c h e m i n p a r c o u r u d a n s les mentalités, o n reste p e r s u a d é
q u e le sort d u matériel a r c h é o l o g i q u e est a u j o u r d ' h u i e n c o r e à la merci d ' u n e v o g u e
(« o n r a m a s s e t o u t ? »), de l'exiguïté d ' u n local, d ' u n b u d g e t (où le c h a p i t r e
c o n s e r v a t i o n n'existe pas), d ' u n s n o b i s m e qui, p o u r se d é m a r q u e r d ' u n a m a t e u r i s m e
t r o p sensible a u « bel objet », hiérarchise les sources d ' i n f o r m a t i o n s en privilégiant
celles qui s o n t censées être m o i n s accessibles, plus c o m p l e x e s , d o n c plus nobles,
telle u n e belle stratigraphie...
L a p r a t i q u e de la p e r s u a s i o n en m ê m e t e m p s q u e celle de l ' i n f o r m a t i o n d a t e r a
u n j o u r ce travail. C a r , n o u s en s o m m e s c o n v a i n c u , n o u s p o u r r o n s b i e n t ô t n o u s
p a s s e r de la p r e m i è r e p o u r m i e u x n o u s c o n s a c r e r à la seconde.
Le c o n f o r t a t t e n d u n a î t r a n o n s e u l e m e n t d u d é v e l o p p e m e n t des t r a v a u x de
recherche en l a b o r a t o i r e et des a p p o r t s des spécialistes, les c o n s e r v a t e u r s -
r e s t a u r a t e u r s , m a i s aussi de la c o n f r o n t a t i o n des t r a v a u x de terrain, i r r e m p l a ç a b l e s
p a r la s o m m e d ' e x p é r i e n c e s c o n c r è t e s q u e cela représente, d a n s u n d o m a i n e v o u é
à l ' e m p i r i s m e p o u r u n m o m e n t encore. D ' a u t r e s p a y s m o n t r e n t la voie : l ' A n g l e t e r r e ,
l ' A l l e m a g n e , la Suisse, l'Italie, le D a n e m a r k . D a n s ces pays, privilégiés il est vrai
d a n s la politique de c o n s e r v a t i o n , les c o m p t e s r e n d u s d ' e x p é r i e n c e s et de m é t h o d e s
ne m a n q u e n t pas. O n les t r o u v e r é g u l i è r e m e n t d a n s des revues c o m m e The
C o n s e r v a t o r , publiée a n n u e l l e m e n t p a r l ' I n s t i t u t p o u r la C o n s e r v a t i o n d u R o y a u m e
U n i ( U . K . I . C . ) , o u c o m m e D e r P r â p a r a t o r , édité p a r la Société suisse des
p r é p a r a t e u r s et r e s t a u r a t e u r s ; l ' U . K . I . C . diffuse à l ' i n t e n t i o n des a r c h é o l o g u e s u n
petit guide p r a t i q u e des p r e m i e r s gestes (First A i d f o r F i n d s , 1987), déjà édité à
plusieurs reprises. D e u x colloques i n t e r n a t i o n a u x o n t aussi m a r q u é r é c e m m e n t
l ' é v o l u t i o n de n o t r e discipline, à C h y p r e en 1984 (Stanley Price, 1984), à G a n d en
1986 ( I C C R O M , G a n d , 1986). A u v u de l'activité qui se déploie ainsi à l ' é t r a n g e r ,
les t r a v a u x français restent bien maigres... M a i s l'élan est d o n n é : en 1987 à S a i n t
Denis, une des Journées Archéologiques de Paris Ile-de-France a réuni quatre cent
personnes sur le thème de la conservation (Saint-Denis, 1987).
Profitons donc (il en est encore temps !) de la jeunesse de la discipline pour
proposer et nous permettre des partis-pris.
1) Les interventions de conservation sur le terrain sont en premier lieu au
service de l'archéologie. Il n'y a donc aucune raison qu'elles viennent interférer ou
entraver directement les méthodes ou le déroulement de la fouille, pas plus que
chaque nouvelle technique introduite sur le terrain ne l'a fait jusqu'ici, que ce soit
l'usage du théodolithe, de l'appareil photographique, ou la prise de coordonnées
cartésiennes. Il s'agit simplement d'instaurer des habitudes qui s'ancreront d'autant
mieux qu'elles auront démontré leur efficacité et leur côté non perturbant pour le
déroulement du chantier. Bien sûr, l'occasion de déterminer l'état d'un objet, de
préserver, de consolider, se présente à chaque étape de la fouille, de l'exhumation
au transport, et les interventions qui en découlent — et ce n'est pas un paradoxe
— sont sources d'une économie de temps. Nous irons jusqu'à dire qu'une certaine
standardisation des gestes et des méthodes conduit à une gestion et une organisation
plus rationnelles. Le développement de grands chantiers ne permet plus de
tergiverser : nous prédisons (et préconisons) la fin de la cagette à légumes sur le
terrain de fouilles !
2) Un autre parti pris passe par un constat simple : nous pouvons évaluer à
95 % la proportion de matériel archéologique prélevé quotidiennement sans
intervention d'urgence destinée à en assurer la préservation. Il existe deux
hypothèses : soit cette masse de matériel, souvent composée de séries volumineuses
et diversifiées (céramique, os, bois), ne pose aucun problème majeur de conservation
(ce qu'il faut reconnaître aussi sûrement que le contraire), soit des séries entières
sont compromises dans leur étude et leur exploitation (à court et à long terme), à
moins que les « gestes qui sauvent » n'aient été assurés sur le terrain. Les gestes
que nous proposons relèvent de la méthode, non de l'intervention d'urgence, que
l'on réserve bien sûr aux 5 % du matériel dont nous n'avons pas encore parlé, ceux
qui rassemblent tous les ingrédients d'un scénario catastrophe : c'est, par exemple,
la tombe à char exhumée le dernier jour de la campagne de fouilles, lorsque
vrombissent déjà les pelleteuses du chantier de construction... Urgence et recours
à un spécialiste iront de pair.
Mais, puisque la qualification des intervenants sur un chantier de fouille se
diversifie — il y a des géologues-archéologues, des palynologues-archéologues, des
anthropologues-archéologues, des géomètres-archéologues, des architectes-
archéologues — pourquoi ne pas faire appel à des restaurateurs-conservateurs-
archéologues ?
3) Les matériaux mis au jour sur un terrain de fouille sont de nature très variée
— variété que l'on rencontre d'ailleurs dans les périodes préhistoriques (graines,
bois, cuirs, etc.) aussi bien qu'historiques. Certains sont représentés évidemment
dans des proportions plus grandes que d'autres : l'os et la céramique plus que
l'ambre, par exemple. Dans le texte qui suit, nous ne respecterons pas cette
représentation proportionnelle, car les matériaux majeurs font l'objet de développe-
ments auxquels les interventions de terrain renvoient logiquement. En revanche,
quelques matériaux comme le lignite ou l'ambre, rarement décrits et dont le sort
est particulièrement précaire, nous retiendront plus longuement.
4) Les méthodes proposées ne sont volontairement ni d'une grande technicité,
ni d'une haute sophistication. Entre deux méthodes, autant choisir la plus simple.
En ne proposant que deux types de consolidant — un copolymère acrylique (le
Paraloïd B72) et une résine acrylique en dispersion colloïdale (le Primai WS24) —
parmi la gamme très vaste de résines synthétiques dont disposent les professionnels
actuellement, nous entretiendrons sciemment un effet de mode, de la même façon
que l'acétate de polyvinyle (ou Rhodopas) fut et est encore largement utilisé sur le
terrain. Le matériel a beaucoup à gagner à cette homogénéité, car d'une part il
s'agit de produits testés et éprouvés dans le domaine spécifique de l'innocuité, la
réversibilité et l'efficacité en conservation, mais aussi parce qu'il est plus aisé de
disposer de produits que l'on connaît bien, au comportement et aux possibilités
desquels on s'est habitué, et de les exploiter rapidement au maximum de leur
efficacité, plutôt que de se disperser dans des essais comparatifs d'autant moins
fiables qu'ils sont improvisés.
A notre sens, un conditionnement adapté fait partie des méthodes simples et
sûrement efficaces, et nous y insisterons beaucoup.
5) De la même façon que nous proposons à chaque instant une attitude
pragmatique devant le matériel (qui donne le meilleur rôle à la binoculaire plutôt
qu'à la théorie), nous avons voulu nous placer dans une situation réelle plutôt
qu'idéale. La schématisation est rassurante, mais elle répond mal à la variété des
situations et des problèmes rencontrés sur le terrain. Lorsque la création de
catégories est artificielle, une place se trouve entre les lignes pour l'objet non
sériable, auquel un traitement qui ne lui était pas destiné conviendra. Nous avons
aussi souvent renoncé à la phrase salvatrice : « dans ce cas, faites appel à un
spécialiste » (ce qui représenterait, dans bien des cas, un solution idéale). Pourquoi
ne pas compter sur le bon sens, la méticulosité, le sens de l'observation de
l'archéologue, mais aussi sur sa capacité à reconnaître la limite de ses compétences ?
L'expérience du terrain de la fouille et la familiarité avec le mobilier qui peut en
sortir sont en pratique d'excellents atouts pour gérer au mieux les difficultés qui
jalonnent le parcours des objets, du sol à leur exploitation archéologique (cf. Aide
Mémoire n° 1).
UN PARCOURS A RISQUE
L'itinéraire des objets sur le terrain passe par une suite d'étapes obligées. Elles
relèvent d'une série de méthodes et de techniques systématisées et longuement
rodées au fur et à mesure de l'évolution de la discipline scientifique qu'est
l'archéologie. Ces étapes sont le dégagement, l'enregistrement, le prélèvement, le
lavage, le tamisage, le marquage, le conditionnement, le transport ; en somme,
toutes les manipulations qui sont indispensables pour disposer d'un matériel
étudiable à la clôture du chantier. Les aspects techniques de ces étapes sont
rarement mis en question et forment en général la partie la plus stable de
l'organisation du chantier. Ce sont des repères en quelque sorte, tandis que la
fouille doit s'adapter à nombre d'aléas dans d'autres domaines (contraintes
extérieures, délais, climat, géologie, etc.).
Si l'on considère que l'objectif idéal de la recherche est bien de disposer d'un
matériel que l'on puisse replacer dans les conditions exactes où il se trouvait avant
le dégagement — c'est bien ce à quoi visent tous les enregistrements spatiaux,
relevés photographiques, plans, etc. —, il faut peut-être reconsidérer ces techniques
dans leur détail afin d'éviter ou de limiter leurs effets néfastes. Pourquoi ne pas
chercher également à disposer d'un matériel intact de toute manipulation qui
garderait ainsi une sorte de « fraîcheur » du gisement ?
Avant la fouille
Le dégagement
Le p r é l è v e m e n t
Il est entendu que la plupart des vestiges sont simplement ramassés. En les
dégageant en légère sape, les adhérences avec le sol sont diminuées et les conditions
d'extraction meilleures. Si le sol est humide, on peut apporter un léger excès d'eau
pour diminuer encore cette adhérence. Dans ce cas, il faut se servir du dégagement
en sape pour humidifier sous l'objet, jamais dessus. Nous exposerons plus loin
quelques techniques possibles de prélèvement pour des objets complexes ou fragiles.
Le fouilleur prélevant des séries d'objets ne posant pas de problèmes majeurs
dispose souvent de sachets individuels et de contenants (seaux ou boîtes). Il est
aisé de se procurer des boîtes de polystyrène expansé avec couvercle, pour éviter
encore une fois l'exposition au rayonnement direct du soleil et l'évaporation rapide.
Dans le même esprit, les objets découverts en milieu humide peuvent, sans avoir
de tri préalable à faire, être systématiquement déposés, après avoir été dûment
ensachés et étiquetés, dans un seau d'eau à proximité du fouilleur. On veillera à ce
que les sachets polyéthylène (type Minigrip) soient hermétiques et fermés de façon
à ce que l'eau n'y pénètre pas. La proximité de l'eau assure de façon simple un
taux d'humidité environnant constant (100 %) et une température plus fraîche que
la température extérieure. On utilisera une encre indélébile et des étiquettes en
polyéthylène non tissé imputrescibles et indéchirables (Tyvek). Les références
portées sur les étiquettes suivront l'objet à chaque étape, sans qu'il soit nécessaire
de les recopier. Elles pourront même, plus tard, séjourner dans les bains de
traitement.
D'autre part, le seau d'eau permet au fouilleur de réhumidifier si nécessaire un
objet en cours de dégagement et, si sa curiosité reste plus forte que toutes les
considérations de préservation, il vaut mieux un léger rinçage qu'un grattage à
l'ongle ou avec un outil.
Le tamisage
Le lavage n'est pas anodin. Il n'y a pas de différence entre un lavage et ce que
l'on appelle un traitement : on utilise un solvant — l'eau — et des moyens
mécaniques — la brosse ou le pinceau. Il s'agit même d'un traitement irréversible,
mais on ne peut s'en passer.
Il convient de faire une différence entre le lavage définitif précédant le stockage,
l'étude ou la présentation d'objets qui ne nécessiteront pas de traitement (certaines
céramiques, os, silex), et un simple rinçage qui permet de procéder au tri en vue
du transport et du stockage après élimination d'un excès de terre. Les objets
destinés à un traitement rapide peuvent n'être ni lavés ni rincés. On doit toujours
envisager la présence de restes en tout genre pouvant adhérer à la surface des objets
(fibres, débris organiques, suies, pigments). Lors du lavage, il faut éviter de faire
tremper les objets qui sont souvent plus fragiles humides que secs. L'eau doit être
fréquemment renouvelée afin d'observer les changements de couleur, indices de la
présence de colorants ou de dissolution, et éviter que les sédiments éliminés ne
deviennent des abrasifs pour les objets suivants.
Pour le lavage, il faut disposer de brosses et de pinceaux de différentes duretés :
brosses à dents, pinceaux de duretés différentes jusqu'au pinceau doux. La dureté
d'une brosse à dents est bien sûr inférieure à celle de l'émail des dents à l'état frais,
mais elle est supérieure à celle de la majorité des matériaux trouvés à la fouille, y
compris certains verres et certaines céramiques. Si l'on opte pour l'usage de la
brosse à dents, on ira vérifier à la binoculaire les effets du frottement et on se
déterminera en fonction du résultat. Le lavage peut se faire avec un produit
consolidant, nous y reviendrons.
Les bains acides relèvent du traitement et ne doivent pas être effectués sur le
terrain.
Le séchage
Le séchage s'effectue en général sur place pour les vestiges non fragiles. Dans
certains cas, le maintien de l'objet à l'état humide est indispensable à sa conservation
jusqu'au traitement à court ou moyen terme. Mais la gestion de collections humides
est complexe pour de longues durées et nécessite une maintenance régulière : ces
collections sont exposées aux moisissures ; on ne peut y effectuer ni recollage ni
marquage, et l'épisode du séchage brutal est parfois simplement reporté au moment
de la photographie ou de l'étude, ce qui ne fait que déplacer le problème dans le
temps. Le stockage humide doit permettre de faire une transition sans risques entre
le terrain et le traitement même tardif.
Le séchage doit être lent, sans radiateur, à l'abri du soleil, dans une pièce à
l'ombre. Aucun vestige ne devrait sécher en un délai inférieur à trois jours, plus
longtemps si cela est possible. Le degré de séchage doit être en équilibre avec le
milieu de stockage : il est inutile de le pousser trop loin.
Lors d'un séchage lent, certains matériaux subissent un léger retrait. Une partie
des fines concrétions calcaires peuvent se détacher d'elles-mêmes.
Le marquage
Quel que soit l'espace dont le chantier dispose, il est utile d'y aménager une zone
d'emballage où seront rassemblés les contenants de toutes tailles (piluliers en verre,
boîtes transparentes, boîtes hermétiques, sachets cellophane, sachets polyéthylène,
tous au format homogène et si possible standardisé) et accessoires de conditionne-
ment (plastique à bulles, gel de silice, soude-sac, etc.). Autant de fournitures en
matière neutre, imputrescible et propre, ayant l'avantage d'être réutilisables.
L'emballage se fait à chaque instant de la fouille. Les objets ne doivent pas être
enroulés dans du papier d'emballage, mais déposés entre deux couches de papier
froissé ou de plastique à bulles de façon à les caler dans toutes les directions.
Il y a deux types d'emballages : ceux qui visent à isoler totalement l'objet de son
environnement — ce sont les emballages hermétiques — et ceux qui visent à amener
progressivement l'objet au même degré hygrométrique que le milieu ambiant.
Les emballages hermétiques humides (photos 1 et 2) sont réalisés à l'aide de
deux sacs de polyéthylène mis l'un dans l'autre et soudés. Si la maintenance de ces
conditionnements n'est pas effectuée régulièrement, il se produit un séchage lent
non contrôlé. Il existe plusieurs moyens de retarder la déshydratation des objets
ainsi stockés :
— multiplier le nombre de sachets imbriqués ;
— placer l'objet dans un sachet contenant de l'eau — on double tout de même les
sachets par sécurité ;
PHOTO 2. — E m b a l l a g e h u m i d e d a n s u n e d o u b l e enve-
loppe (sachets polyéthylène thermosoudés). (Photo
Sylvia D e L a B a u m e ) .
PHOTO 1. — E m b a l l a g e t e m p o r a i r e d ' u n m a n c h e de c o u t e a u en os à m a i n t e n i r h u m i d e . Le
c o t o n est i m b i b é d ' e a u . Les d e u x s a c h e t s en p o l y é t h y l è n e s o n t clipés ( p h o t o F. C h a v i g n e r ) .
— glisser l'objet dans un premier sachet à fermeture incorporée ; celui-ci est glissé
dans un second sachet contenant une réserve d'eau sous la forme d'un coton que
l'on entretient humide ;
— déposer le sachet soudé dans lequel on a fait un vide partiel, à l'intérieur d'un
bac d'eau.
Les emballages hermétiques secs sont des milieux déshydratés par l'action d'un
matériau absorbant l'humidité ambiante, c'est-à-dire un matériau « tampon ». Le
gel de silice, plus longuement décrit dans le chapitre X, est le plus recommandé.
Sur le chantier, on n'en exploite que les capacités déshydratantes. La quantité de
gel de silice est fonction du volume de la boîte. Il est préférable de n'avoir à
déshydrater qu'un faible volume. Les métaux, de façon générale, nécessitent un
conditionnement sec. Certains des gels de silice commercialisés contiennent un
indicateur coloré qui vire du bleu au rose lorsqu'ils n'assurent plus assez leur
fonction déshydratante. Ce changement permet de savoir à quel moment le gel
doit être régénéré (passage au four, à l'étuve, etc.).
Il est très néfaste d'utiliser des emballages hermétiques sans but précis. Les
matériaux plastiques maintiennent une humidité élevée pendant des mois. Des
objets métalliques peuvent rouiller et moisir dans des sacs polyéthylène sans
dessiccateur. Les meilleurs contenants pour les objets de petite taille sont les boîtes
en plastique transparent qui évitent d'avoir à les ouvrir pour voir ce qu'elles
contiennent.
On peut prévoir un stockage destiné au séchage lent et contrôlé des vestiges : il
s'agit d'emballages hermétiques dans lesquels on aménage quelques trous (3-4) très
fins pour que l'évaporation puisse se produire lentement.
Le t r a n s p o r t
Tous les objets sont individuellement calés ainsi que leur contenant pour éviter
les secousses, chocs et vibrations. Il ne faut pas oublier que c'est souvent dans les
véhicules que l'on peut trouver les températures extrêmes. Il est utile de mentionner
de façon visible sur la boîte la nature du contenu et sa fragilité ; il faut aussi
connaître la façon dont la voiture a été chargée et noter les boîtes à sortir d'urgence.
Organisation
Identification
L'identification des objets est une étape importante pour leur préservation. En
effet, plus on va loin dans l'identification, et plus les choix sur le terrain sont
argumentés. Mais de quelle identification a-t-on besoin et de quels moyens
dispose-t-on ? Est-ce l'identification des formes, de la matière, des constituants, de
ses caractéristiques physiques et chimiques, de son état, de son comportement ? Le
processus qui mène à l'identification est complexe. Il met à contribution de
nombreux acquis aussi bien de la vie quotidienne que, dans le cas qui nous intéresse
ici, de la culture archéologique ; s'y ajoute un raisonnement déductif (comparaison,
extrapolation, approximation). A partir d'une forme, d'une époque, de la densité,
de la couleur, du contact, on reconnaît ou on ne reconnaît pas un objet. « C'est
une plaque-boucle damasquinée mérovingienne ! » « C'est une tessère en verre
bleue ! ». L'identification est instantanée. On se réfère ensuite à toutes les situations
connues de ce type d'objet (musées, publications, connaissances sur l'évolution du
fer, du verre, etc.) pour en déduire la nécessité d'un traitement, d'un stockage,
d'une stabilisation, etc. Parfois, l'identification ne se fait pas et on bute sur plusieurs
inconnues : fonction, matière, origine (os ou ivoire, bois de renne ou de cerf, buis
ou chêne, lignite ou bois...). Même si l'on ne peut identifier avec précision la
matière d'un objet, faute de moyens d'investigation et faute d'une culture universelle,
il est malgré tout possible d'en assurer la conservation. En effet, il existe de telles
variations dans l'état de conservation d'un même matériau selon les conditions de
gisement — il y a une différence considérable entre un os bien conservé et le même
os totalement déminéralisé — qu'il est évident que c'est l'état physique, observé
sur un objet donné, sur un site donné, qui apporte les indications réellement utiles.
Cet état est observable à l'œil nu et à la binoculaire. L'observation de la matière
fournit les renseignements essentiels : dureté, sensibilité aux rayures, fragilité,
porosité, présence de fentes, décollement de surface, desquamation, etc. L'intérêt
de l'identification réside dans la possibilité de prévoir le comportement de l'objet.
En cas d'hésitation (os ou ivoire ?), il faut agir comme s'il s'agissait du matériau
le plus fragile. Sur des séries importantes, il est possible d'observer le comportement
d'un échantillon placé dans les conditions prévues pour les séries à venir, mais on
ne dispose souvent pas d'assez de temps et les conséquences des essais sur le terrain
ne seront souvent visibles qu'à long terme.
Les analyses
Consolidation
RESTRICTIONS D'UTILISATION
La consolidation par adjonction de résine synthétique doit être utilisée avec
beaucoup de prudence :
— un objet imprégné est impropre à toute datation (C14 par ex.). Si l'on envisage
de consolider un type de matériau de façon systématique, il faut faire un
échantillonnage préalable ;
— seuls les ensembles intacts mais fragiles, ou les éléments d'un ensemble explicite
tel qu'il a été dégagé, sont utilement consolidables. Il ne peut s'agir de collage ;
— on consolide les objets nettoyés de la terre sur leur plus grande surface possible.
La consolidation du sol adjacent est à éviter lorsqu'il ne représente pas le seul
support possible du vestige ;
— les imprégnations menées sur le terrain sont dites « temporaires » — on utilise
donc des produits réversibles. Pourtant, elles ne doivent pas être mises en œuvre
dans cette perspective, mais dans celle d'un traitement destiné à durer, voire
définitif, quelle que soit l'histoire à venir du document. En effet, on ne peut parler
de temporaire qu'à l'échelle d'une semaine, voire d'un mois ; au-delà, nul ne peut
prédire à quel moment l'objet se trouvera effectivement entre les mains d'un
spécialiste. Pendant ce temps, l'objet doit survivre. D'autre part, en travaillant dans
cette perspective, l'opérateur choisira lui-même l'aspect de l'objet qu'il juge
acceptable. Si l'imprégnation a été faite à bon escient, c'est donc qu'elle était
nécessaire au prélèvement, au transport, etc. Il n'y a pas forcément de logique à
faire le chemin inverse en laboratoire. La réversibilité doit être considérée — dans
ce domaine — comme une ultime sécurité et non comme une couverture à des
traitement approximatifs.
Le prélèvement en motte
Le prélèvement en motte permet de ne pas exercer de pressions inutiles sur
l'objet, de préserver son état de surface et le contexte sédimentaire parfois
porteur d'informations. Cette méthode est utilisable dans les sédiments meubles et
homogènes. Le sédiment est découpé selon un contour le plus régulier possible
(s'approchant du rectangle par exemple), à quelques centimètres de l'objet ou de
l'ensemble d'objets (on peut éventuellement maintenir la motte sur son pourtour,
avec par exemple des bandes de tissu). On repère l'orientation sur le terrain de la
motte à prélever, puis elle est glissée à l'intérieur d'un support rigide (bacs photos,
bacs plastique type Allibert), à l'aide d'une planchette en bois, d'une tôle métallique
rigide et coupante, d'une pelle — outil à choisir selon la nature du sédiment ; il ne
doit pas se déformer sous le poids de la terre —. Cette motte est calée avec quelques
« confettis » de polystyrène expansé. L'ensemble est emballé par une feuille de
polyéthylène et confié au laboratoire rapidement avant que la terre et le vestige ne
se déssèchent. Le prélèvement en motte peut se faire sur des objets précédemment
consolidés ou non.
On déplace ainsi d'une façon spectaculaire une portion du site intacte. Le « beau
prélèvement » n'étant pas un but en soi, quelle est la destinée de cette motte ? Tout
va se jouer, encore une fois, autour des conditions de stockage et des délais de
traitement (fouille, restauration et traitement...). L'entretien d'une motte en état
d'être fouillée est un véritable problème, passé un délai de quelques jours (2 à 3).
Si la motte n'est pas fouillée immédiatement — ce que nous préconisons —, deux
cas se présentent :
— l'humidité naturelle du sol est maintenue par un certain confinement (caisson
ou coffrage hermétique, bâche plastique sur la surface) ou par un apport artificiel
d'humidité (pulvérisation). Dans ce cas, il se crée un milieu très propice au
développement de moisissures, à la réactivation des corrosions du métal (présence
d'oxygène, effet de pile — cf. chap. V), un tassement du sédiment. Cette humidité
est difficile à entretenir constamment : il y a des cycles d'humidification et de
séchage ; les matières organiques que l'on voulait conserver se dégradent ;
— la motte sèche spontanément plus ou moins rapidement selon le milieu ambiant.
Pendant le séchage lent, le métal continue à s'oxyder. Si le sédiment se rétracte en
séchant, des fentes peuvent morceler les vestiges (os, céramiques, etc.). Le sédiment
devient dur, trop compact et impossible à fouiller sans réhumidification, ce que
l'on cherche constamment à éviter. La récupération du matériel se fait dans de
mauvaises conditions sur une motte sèche. Les petits éléments qui étaient restés en
place se glissent dans les fentes.
Dans un cas comme dans l'autre, cela peut correspondre à une perte d'informa-
tions importantes. C'est pourquoi il ne faudrait entreprendre ces prélèvements que
lorsqu'on connaît précisément leur destination et que le délai de fouille est déjà
déterminé. Il faut connaître le laboratoire ou le local de destination aptes à les
accueillir, la disponibilité des personnes qui y travailleront : archéologues et/ou
restaurateurs, ainsi que le coût global de l'entreprise (transport, traitements, etc.).
Les risques du prélèvement « abandonné » étant bien soulignés, il ne faudrait
pas oublier les enseignements tout à fait exceptionnels que l'on peut tirer de la
fouille d'une motte dans de bonnes conditions. Elle permet d'avoir accès à des
indices indécelables avec les méthodes de terrain, grâce à une vision rapprochée du
sédiment. Il s'agit bien alors d'une fouille archéologique. Les mesures de consolida-
tion se font au moment du dégagement par la personne chargée de l'étude ou du
remontage. C'est donc un projet cohérent. Les collages se font au fur et à mesure.
Les formes incomplètes peuvent être restituées par leur empreinte dans le sédiment.
Il s'agit d'un chantier de fouille en miniature où les méthodes de l'archéologie et
de la conservation se complètent.
Après expansion complète du polyuréthane (une à deux heures), celui-ci est scié
pour obtenir une surface parfaitement plane. L'ensemble est alors retourné — la
surface de l'objet restant exposée à l'air est protégée par un film polyéthylène. Il
ne reste plus qu'à le transporter rapidement vers le laboratoire.
LES RISQUES INHÉRENTS A L'USAGE DES POLYURÉTHANES
Cette matière synthétique possède des propriétés extrêmement intéressantes.
Mais il est nécessaire d'en recenser les inconvénients majeurs :
— le produit à l'état liquide, ou si l'expansion est mal menée, adhère à la plupart
des matériaux et les tache ;
— l'expansion développe des pressions qu'il faut être certain de contrôler ;
— la qualité de l'expansion dépend de la température et de l'humidité. Un excès
d'humidité diminue le poids spécifique du produit fini. Les structures ont des pores
ouverts, perdent leur solidité mécanique et n'assurent plus le maintien escompté ;
— la réaction provoque une forte retenue de chaleur au centre de la mousse,
d'autant plus élevée que les quantités utilisées sont grandes ;
— l'isocyanate est toxique ; enflammé, il dégage de l'acide prussique ;
— les polyuréthanes en bombe ne peuvent être employés en solution de remplace-
ment car les boudins extrudés adhèrent mal les uns sur les autres ; la masse formée
n'est pas homogène et trop souple.
LES MATÉRIAUX
L'os
Le terme os est ambigu mais pratique dans l'optique de conservation qui est la
nôtre. Ambigu, car il désigne tout aussi bien un segment osseux ayant une
signification anatomique (un fémur par exemple) que la substance chimique qui le
compose. Pratique, car en l'utilisant dans cette seconde acceptation, il nous permet
de regrouper toutes les « matières dures animales » en tissu osseux, c'est-à-dire de
même composition chimique. On peut donc sur cette base rassembler les os, les
dents — dont l'ivoire — et les bois de cervidés, car leurs constituants minéraux
(hydroxyapatite) et organique (collagène) sont identiques (photo 3). Les proportions
de l'un et de l'autre varient. Sont donc exclus les cornes, les ongles, les sabots et
les plumes, de composition différente (kératine) et les squelettes de non-vertébrés.
PHOTO 3. — Section d'une défense de mammouth. La structure en croisillon est très visible,
moins fine et serrée vers l'extérieur de la dent (photo F. Chavigner).
Avec l'os nous abordons un des matériaux les mieux représentés dans les fouilles
archéologiques, si le sédiment est apte à le conserver (Binford, 1981). Il est présent
sous la forme de restes de faunes (déchet ou rejet alimentaires, déchet et matière
première d'une industrie de l'os : outillage, parure et art), et sous celle de restes
humains (dispersés ou en dépôts sépulcraux). Les problèmes de la conservation de
l'os touchent donc souvent des séries et des volumes importants, ce qui implique
des méthodes différentes de celles que l'on met en œuvre pour des objets isolés.
Nous rencontrerons d'autres matériaux posant ces problèmes de « masse » :
céramiques, bois par exemple.
Une autre particularité de l'os est la variété des formes (os long, os plat...), des
dimensions (du mammouth à la microfaune), et surtout des structures (os spongieux,
os cortical c'est-à-dire compact). On peut ajouter les divers aménagements apportés
par l'homme qui confèrent de nouvelles caractéristiques (os poli, chauffé, brûlé,
gravé, ocré, redressé).
Toutes ces variables, sans oublier celles de l'âge et de l'espèce de l'individu, se
combinent à un nombre infini de conditions et de durées d'enfouissement possibles,
aussi nombreuses qu'il existe de sites.
Il n'y aurait donc pas deux os du même site, et a fortiori de deux sites différents,
qui puissent être strictement identiques et dans le même état de conservation. Sous
cet angle aussi, celui du caractère unique de chaque objet dans sa composition et
son comportement, l'os est exemplaire des problèmes couramment posés par le
matériel archéologique : des masses de cas particuliers... Comment définir et décrire
les états possibles de la matière après enfouissement et créer des catégories utiles
à la conservation et aisément reconnaissables sur le terrain ?
Faute d'accéder à ces déterminations fines (mais seraient-elles toutes vraiement
utiles ?) qui renvoient à toute l'histoire de l'objet — avant et après l'enfouissement
—, il nous reste à raisonner sur les évolutions possibles après la fouille : quels sont
les risques lors du dégagement et du lavage ; quelles sont les réactions possibles au
séchage ?
La composition globale de l'os sec (non archéologique) est de 30 % de matière
organique et de 70 % de matière minérale. La partie organique est constituée d'une
trame collagène. Ce sont des faisceaux de fibres collagène protéiques. La partie
minérale est constituée de sels phosphocalciques formant des microcristaux répartis
sur la trame collagène et orientés par elle (Lapierre, 1976). Il s'agit surtout
d'hydroxyapatite [3Ca3(P04)2Ca(0H)2]. Les phénomènes d'altération dans le sol
affectent dans des proportions variables, simultanément ou successivement, ces
deux éléments. Au moment du dégagement, les os dont la fraction minérale a été
dissoute sont poreux et fragiles. Ce sont eux qui sont habituellement consolidés.
Les os dont la fraction organique n'a pas totalement disparu semblent souvent en
« bon état », mais sont aussi ceux qui risquent le plus de se fissurer lors du séchage.
D é g a g e m e n t et prélèvement
Il est possible d'appliquer au matériel osseux les techniques de prélèvement en
motte ou sous chape (de plâtre ou de polyuréthane) décrites plus haut. Dans ce
dernier cas, on doit veiller à isoler parfaitement l'objet de la chape. Pour des objets
très fragiles, on peut associer à ces procédés la consolidation par imprégnation
d'une résine synthétique ou utiliser ce dernier procédé seul avant de prélever
normalement l'objet consolidé. C'est ce dernier moyen qui est le plus familier aux
archéologues. En France, le Rhodopas (acétate de polyvinyle en solution dans
l'acétone) est un des produits les plus utilisés sur les chantiers. On peut lui préférer
le paraloïd B72, copolymère acrylique utilisable dans le même solvant et dont le
comportement dans le temps, bien étudié, semble assez satisfaisant. Une solution
faiblement concentrée est préparée à l'avance (5 % poids pour volume en g/ml,
c'est-à-dire 50 g de résine diluée dans l'acétone jusqu'à obtention d'un litre de
solution), clairement étiquetée, stockée dans une armoire à solvant ou un local
frais et bien aéré. A cette concentration, la solution doit apparaître presque aussi
fluide que le solvant pur. De petites quantités sont disponibles sur le chantier, dans
des pipettes, des vaporisateurs ou des flacons fermés et marqués (il faut éviter les
récipients trop souvent ouverts pour que la concentration n'augmente pas avec le
départ progressif du solvant). Cette solution est appliquée peu à peu, infiltrée à la
seringue, badigeonnée au pinceau, ou pulvérisée, jamais déversée sur l'objet. Les
sédiments adhérents sont éliminés autant que possible au cours de l'opération
(pinceau, petit bâtonnet de bois) en profitant du ramollissement occasionné par le
solvant. Elle peut être répétée, sans attendre le séchage complet entre deux
imprégnations, si l'on cherche à augmenter la quantité de résine introduite dans
l'objet. En employant une concentration plus élevée (10 à 15 % en poids pour
volume), on obtient un effet de durcissement superficiel et la formation d'une
pellicule de résine sur l'objet, pas une meilleure imprégnation ; ce résultat peut être
recherché pour le prélèvement de matériaux pulvérulents, comme nous le verrons
plus loin, mais ne concerne guère les os. Pour éviter que l'évaporation rapide du
solvant (l'acétone est un solvant assez volatil) ne gêne sa pénétration ou ne ramène
en surface une grande partie de la résine qu'il véhicule, son départ peut être ralenti
en placant sur l'objet une petite cloche, fabriquée avec du papier aluminium par
exemple (mais rien ne doit toucher la surface jusqu'au durcissement complet du
consolidant). Pour les mêmes raisons, il est souhaitable de se procurer de l'ombre
et d'attendre les heures les moins chaudes de la journée (la volatilité du solvant
augmente avec la température). Il faut attendre le durcissement complet du
consolidant avant de prélever l'os imprégné. L'étiquette qui l'accompagne doit
mentionner la consolidation (résine, solvant, concentration). Les outils employés
(pinceaux, seringues, etc.) doivent être rapidement nettoyés.
Cette méthode n'est pas utilisable sur les os humides, car le Paraloïd n'est pas
compatible avec l'eau (il blanchit et prend en gel au contact de l'humidité). Si l'on
ne peut ou ne veut assurer la déshydratation du matériau à imprégner, on peut
alors utiliser des résines acryliques dispersées dans l'eau (Primal). Selon la taille
des particules dispersées, la résine pénètre plus ou moins bien dans les pores fins
et les capillaires des os. Le Primai WS24, dispersion colloïdale de très petites
particules, a été particulièrement recommandé pour les matières osseuses (Koob,
1984). Son effet consolidant, suffisant dans de nombreux cas, reste cependant
inférieur nous semble-t-il à celui obtenu avec le Paraloïd. Les inconvénients
généraux des dispersions aqueuses ont été vus précédemment. L'absence des risques
liés à la manipulation et au stockage sur le chantier de solvants inflammables et
toxiques ne doit cependant pas être oubliée.
Nettoyage
L'os sec ne doit pas si possible être réhumidifié lors du nettoyage. Brosses souples
et pinceaux, petites poires soufflantes utilisées à l'entretien des appareils de
photographie, bâtonnets de bois tendre pour désincruster les petites concrétions,
les grains de sable : le tout est d'adapter la dureté des outils utilisés à celle des os
et de veiller constament à ne pas les user et à ne pas les rayer. La surface des os
peut porter des traces significatives (de débitage, de boucherie, etc.), des restes de
pigments (ivoires polychromes, os ocré), de finition ou d'usure (polissage), que seul
un examen attentif révèle parfois et que le nettoyage peut faire disparaître ou
brouiller. Il est souvent préférable de se limiter sur le terrain à un brossage doux
des sédiments peu adhérents.
L'os humide peut être rincé rapidement après son prélèvement, avant que le
séchage ne soit amorcé. On utilise de préférence un filet d'eau propre, adoucie si
c'est possible, en évitant le trempage prolongé des objets.
Séchage et m a r q u a g e
L'ivoire trouvé humide doit être conservé humide. Il est placé à l'intérieur de
trois sachets en polyéthylène soudés ou dans un double sachet à fermeture
incorporée dont le second contient une réserve d'humidité sous la forme d'un coton
imbibé d'eau (photo 1). Ce coton peut être imbibé d'une eau contenant 1 à 0,1 %
de fongicide type Panacide si on craint le développement de micro-organismes.
Les dents, associant dans leur structure des tissus d'élasticité et de comportement
différents au séchage (émail, dentine et cément), sont fragiles à la dessiccastion.
On procédera comme pour l'ivoire, à moins qu'elles n'aient été consolidées
précédemment.
Les objets en « bon état », façonnés dans des os compacts, denses et épais
(tabletterie, manche de couteau, plaquette, etc.), réagissent plus sévèrement en
séchant que les os en partie poreux et dissous. De la même manière, les os longs,
dont la zone corticale est épaisse, se fendent plus que les os plats aux zones
corticales fines séparées par de l'os spongieux. L'os est plus ou moins apte à
répondre aux sollicitations internes provoquées par le retrait au séchage, selon sa
structure et la portion de collagène préservée. Mais il n'en reste pas moins que les
risques de formation de fentes et leur ampleur sont imprévisibles (photo 4). Il est
PHOTO 4. — Poinçon en os néolithique. Les fentes de dessication sont bien apparentes
(Capdenac-le-Haut, Lot ; fouilles J. Clottes, M. Carrière ; photo F. Chavigner).
donc préférable de maintenir humides les os façonnés trouvés humides. Ils peuvent
également être amenés à un séchage progressif, qui se fait à l'intérieur de sachets
en polyéthylène perforés. La vitesse de séchage dépend de l'humidité de l'air
ambiant. Dans un air très sec, les sachets seront peu perforés et surveillés
quotidiennement. Dans un air très humide, ils peuvent être placés dans un contenant
plus perméable que le sachet en polyéthylène : une boîte en carton (non acide si
possible, surtout si les sachets sont destinés à rester dans ces boîtes).
D'une manière générale, on évite aux os tout séchage brutal (soleil, radiateur,
air ambiant très sec ou localement surchauffé : lampes, etc.). Les emballages
individuels et les contenants rigides évitent les frottements. Les boîtes en carton
amènent l'os à un taux d'humidité en équilibre avec le milieu ambiant.
Le marquage de l'os se fait après avoir déposé un film de Paraloïd concentré.
On évite ainsi que l'encre diffuse à l'intérieur de l'os, ce qui rendrait son élimination
difficile.
Les objets en os brisés peuvent être collés à la colle Uhu. On utilise habituellement
des bacs à sable pour maintenir les objets en position lors du collage. Le sable peut
être remplacé par des micro-billes de verre ; de granulométrie plus élevée que le
sable, elles n'ont pas tendance à s'incruster dans les cassures.
L a céramique et le verre
Le prélèvement
Il s'agit en général de prélever des ensembles finement fragmentés sur place. Les
prélèvements de ce type permettent de résoudre des problèmes archéologiques et
facilitent le travail de reconstitution et de remontage.
Le prélèvement en motte est toujours possible, mais il n'est pas facile de
déterminer sur quelle profondeur se trouvent les vestiges. Lorsque les vestiges, en
particulier de forme concave, sont maintenus par un support de terre compacte,
la motte peut se réduire à ce simple support. Le sol environnant sera tamisé après
le prélèvement.
Il est aussi possible de transposer méthodiquement les éléments sur une petite
planchette posée à proximité au fur et à mesure de leur démontage dans la position
et l'orientation qu'ils occupaient sur le sol d'origine. Cette méthode n'est possible
que si les fragments ne sont pas trop fractionnés ou trop fragiles. Elle est un peu
longue, il est difficile de respecter l'orientation et l'ensemble n'est pas transportable ;
il doit être rapidement remonté.
Le prélèvement par secteur s'applique à des vestiges de grandes dimensions ou
allongés en céramique ou en verre (une ampoule gallo-romaine par exemple) dont
les formes de cassure sont atypiques. Cela peut être utile pour d'autres matériaux,
tels que l'os brûlé ou très fragmenté (sagaie en ivoire...). Des zones sont matérialisées
sur le sol par des baguettes disposées régulièrement, perpendiculairement à l'axe
de l'objet. On leur affecte un numéro et les éléments sont ramassés par secteur. A
la fin du ramassage, le sol est tamisé pour récupérer les derniers éléments.
L'économie de temps au remontage peut être considérable.
Pour les céramiques et les verres dont l'état de surface est bon, ne portant pas
de décors fragiles ou de surfaces peintes et ne présentant pas de problèmes de
desquamation ni de feuilletage, on peut procéder de la façon suivante sur sol
meuble (fig. 3). Après un décapage précis, où chaque tesson est apparent, on dépose
une gaze sur les surfaces bien nettoyées. Les bandes destinées au bouchage des
fissures de plafond ont des mailles et une structure plus rigides que la gaze médicale
et elles donnent de meilleurs résultats. A travers la gaze, les tessons sont visibles.
On dépose sur chaque tesson, en un ou deux points selon sa taille, une goutte de
colle universelle (type Uhu) qui solidarise ainsi le tesson à la gaze. Après séchage
complet de la colle, le sol est humidifié sous les tessons, à l'aide d'une seringue par
exemple, jusqu'à ce que son adhérence soit suffisamment faible pour que l'on puisse
soulever délicatement la gaze par l'un de ses bords. La gaze portant les tessons est
déposée, côté gaze, sur un support rigide (un bac photo par exemple) disposé à
proximité, ce qui évitera d'autrés manipulations. Il sera alors possible de nettoyer
les tessons. Les cassures sont accessibles et peuvent être nettoyées au pinceau.
Après séchage, les points de colle seront dissous à l'acétone au fur et à mesure du
remontage (une méthode très semblable est décrite pour le prélèvement des tissus).
Pour les vases et les pots entiers brisés sur place, on n'aura accès, dans un
premier temps, qu'à une portion, la partie supérieure. On doit renouveler l'opération
après un nouveau décapage. On peut utiliser, à la place des points de colle, un film
de latex que l'on dépose en trois épaisseurs après avoir respecté un temps de
séchage complet entre chaque couche. Il faut des conditions de terrain (terre très
meuble) et d'humidité très favorables : sol et tessons non humides au moment où
l'on pose le latex, air ambiant sec pour que le latex puisse sécher et donc adhérer
suffisamment. Le latex sera éliminé par la suite par simple traction (que les tessons
doivent être aptes à subir sans dommage). En somme, il est nécessaire de faire un
essai préalable et de s'assurer que la méthode est efficace et sans risques pour
chaque cas qui se présente (photo 5).
Pour les pots entiers très fissurés, ou brisés sur place après leur dégagement
complet, le sédiment contenu à l'intérieur est le meilleur soutien pour les tessons
tant que la terre est humide (photo 6). En séchant, la terre se rétracte et les tessons
se détacheront de la motte. Les tessons sont alors maintenus au contact de la terre
à l'aide d'une gaze dont on entoure le vase de façon croisée comme on le fait pour
des bandages (Sease, 1984).
Le m a r q u a g e
Pour marquer les tessons de céramique et de verre, on isole avec un vernis (par
exemple du Paraloïd concentré à 20 %) la surface nécessaire à l'inscription des
références. L'encre de Chine (noire sur fond clair, blanche sur fond sombre) est
ensuite protégée par un second film de vernis. Le marquage est aussi discret que
possible (mais lisible !), sur la face interne des tessons par exemple pour les formes
fermantes (pichet, urne, etc.), sur la face externe pour les formes très ouvertes
(assiettes, poêlons, etc.). On évite, pour les objets entiers ou les grands fragments,
les zones les plus exposées au frottement ou à la préhension. Le marquage des
tessons de verre, obligatoire dans le cas de puzzles conséquents réunissant
plusieurs contextes archéologiques, défigure toujours les objets qui se révéleraient
reconstituables, mais il est ultérieurement réversible si l'on a évité la pénétration
de l'encre dans la surface.
Le m é t a l
Déterminer la nature d'un métal sur le terrain est parfois hasardeux. Il est
difficle, à moins d'une bonne habitude, de distinguer une monnaie en bronze d'une
monnaie en argent, lorsqu'elles présentent à leur surface la même corrosion verte
du cuivre présent dans les deux alliages. Et de ces deux objets denses, tendres et
gris clair, lequel est en plomb, lequel est en étain ? Mais, au fait, qu'importe ? La
composition métallographique est certes essentielle ; elle est aussi permanente pour
peu que l'on n'y apporte aucune modification sur le terrain par des traitements
chimiques (nettoyage), électrochimiques, thermiques (chauffage). La composition
sera révélée avec le degré de précision nécessaire à une étape ultérieure de l'étude,
de la restauration ou de l'analyse fine. Les objets métalliques posent à tout moment
de leur existence après leur sortie du sol d'épineux problèmes de conservation et
de restauration (Carbonneaux, 1983). Quatre points apparaissent essentiels pour
assurer leur conservation sur le terrain :
— renoncer à effectuer tout nettoyage sur le terrain ;
— s'assurer le concours des centres proches de radiographie X et de restauration ;
— se réserver la possibilité de fouilles fines ultérieures grâce à des modes de
prélèvement efficaces ;
— opter pour des méthodes de stockage adaptées à la conservation du métal à
court et moyen terme.
Le métal est le matériau qui fait le plus fréquemment l'objet de nettoyages
intempestifs sur le terrain, pour la raison simple que l'élimination des couches de
corrosion, censée donner enfin accès à l'objet, semble procéder de la même démarche
que le dégagement d'un objet du sédiment encaissant. Si le nettoyage n'était qu'un
simple dégagement jusqu'au métal sain, il serait en effet accessible avec n'importe
laquelle des nombreuses méthodes de décapage (y compris l'utilisation des produits
du commerce si efficaces sur les grilles en fer forgé). Mais il s'agit là autant de
nettoyage que de fouilles lorsque c'est la pelleteuse qui effectue le décapage. Les
métaux nettoyés par certains acides et par électrolyse posent des problèmes de
conservation à long terme quasi insolubles (infestation de chlorures, mise à nu du
métal, etc.).
Pourquoi se satisfaire de l'interprétation de 40 % des monnaies sur le terrain
alors qu'elles seraient exploitables un peu plus tard à 90 % selon les méthodes
adaptées à chaque cas ?
Quelques interprétations rapides sont parfois essentielles pour le déroulement de
la fouille. Les possibilités de radiographie X dans une région peuvent être facilement
recensées ; il est très utile de pouvoir y recourir au fur et à mesure des besoins. Le
matériel à radiographier est trié puis conditionné dans des boîtes au format des
plaques sensibles que l'on fournit à l'opérateur. Plusieurs objets de même épaisseur
peuvent ainsi se trouver rassemblés sur le même cliché. Il est inutile de les déballer.
Les références n'apparaissant pas à la radiographie, on prend soin de reproduire
le schéma des objets sur un papier libre les accompagnant. On note les intensités
utilisées par l'opérateur ; elles serviront à l'occasion d'autres radiographies. D'autre
part, un planning peut être établi avec les laboratoires de restauration locaux pour
que les nettoyages (des monnaies par exemple) soient effectués au rythme de la
fouille. Ce contact se révélera utile pour les prélèvements d'urgence et la circulation
d'informations et de conseils.
Pour le prélèvement des ensembles complexes ou très morcelés, on a recours au
prélèvement en motte, avec ou sans consolidation préalable (Paraloïd B72 à 5 %
ou plus ; Primai WS24 — 1 à 2 v/20 volumes d'eau). Ce dernier est utilisé pour
certaines « patines » de bronzes particulièrement fragiles trouvés en milieu humide.
Les mottes demandent une surveillance particulière en raison du risque de corrosion
active du métal.
Si le métal est associé à des matériaux organiques (cuirs, bois, etc.), les petits
prélèvements seront placés à l'intérieur d'un réfrigérateur (5-6 °C) ou dans un local
au frais et à l'obscurité.
Le prélèvement par encastrement dans une chape de plâtre, de bandes plâtrées
ou de polyuréthane est aussi envisageable. On procédera comme il est indiqué sur
les schémas 1 et 2. Les vestiges doivent être isolés des chapes par un film
polyéthylène.
Nettoyage
Les concrétions calcaires et siliceuses adhérant aux surfaces sont laissées en place.
On retire la terre s'éliminant à la brosse douce en évitant tout frottement. A cette
occasion, les observations faites à l'œil nu ou à la binoculaire permettent de faire
un premier tri.
A partir de celui-ci, on dirigera vers un traitement rapide (voire d'urgence) les
objets composites qui associent plusieurs matériaux (tels qu'une fibule à incrustation
de pâte de verre, un couteau en fer à manche en os, etc.), les objets très fragiles
ou brisés, ceux dont la corrosion évolue devant les yeux : une couche superficielle
de corrosion qui se détache du métal sain, une zone vert-clair de corrosion qui se
développe à la surface d'un bronze, un fer qui se disloque au séchage, en somme
tous les objets dont la stabilisation apparaît — et est — complexe (chap. V).
On évite de déboucher les tubes, anneaux, trous de suspension et cavités qui
peuvent recéler des liens minéralisés par la corrosion. Les indices intéressants sont
notés sur l'étiquette, ainsi que - ceux qui n'ont aucune signification dans la
problématique archéologique du site (en raison de la position hors stratigraphie
d'un objet par exemple) afin que le restaurateur ne prenne pas en charge une
information vide de sens (brin d'herbe moderne, tissu XVIIle siècle, suie dans
une couche d'incendie, etc.).
Le deuxième lot est formé des objets destinés à la radiographie X. Enfin, le
dernier lot, classé approximativement par matériau et par taille, est destiné à un
conditionnement temporaire avant étude et/ou restauration.
Séchage
BRONZE ET ALLIAGES CUIVREUX
Le bronze sec est dépoussiéré sans réhumidification. Le bronze humide peut être
rincé rapidement à l'eau déminéralisée (ne jamais utiliser l'eau du robinet) et séché.
Le séchage peut s'opérer dans un bain d'alcool ou d'acétone. Ces bains doivent
être changés très régulièrement, car l'eau contenue dans les objets y passe en
solution. Au-delà d'une certaine teneur en eau, ces bains ne jouent plus le rôle de
dessiccateur escompté.
L'objet est placé à l'intérieur d'un sachet en cellophane avec ses références.
Les qualités retenues du sachet en cellophane sont sa perméabilité à la vapeur
d'eau et sa transparence ; il ne s'y produit pas de condensation ; les objets sont
visibles et peuvent circuler sans être déballés ; les surfaces sont ainsi protégées. On
leur préférera cependant les enveloppes en papier non acide pour un stockage à
long terme.
Ces sachets sont classés dans des boîtes hermétiques déshydratées par du gel de
silice avec indicateur coloré (20 g/1 minimum).
En-dessous d'un seuil d'humidité relative de 40 %, il n'existe plus de risque de
corrosion active du métal. Ces conditions existent dans les boîtes contenant du gel
de silice, dans la mesure où sa teneur en eau est contrôlée et qu'il est renouvelé
dès que l'on constate un virage du bleu au rose. Ce contrôle s'effectue de façon
hebdomadaire sur le terrain. Le rythme s'espacera lorsqu'on aura constaté une
bonne étanchéité des boîtes et que l'excès d'humidité « de terrain » aura été absorbé
dans un premier temps.
Le gel de silice est régénéré par un passage au four à 130 °C. Il est remis en place
après refroidissement.
On procède de la même façon pour les objets en argent ou en or.
LE FER
Les objets en fer ne doivent en général pas être lavés. Ils sont mis à sécher
lentement. Les éléments qui se détachent sont recollés immédiatement (colle Uhu).
Le stockage s'effectue de la même façon que pour le bronze.
Pour les objets de grande dimension ou les masses importantes, on utilise de
grands bacs en plastique, dans lesquels les quantités de gel de silice, toujours
proportionnelles au volume, seront calculées largement (200 g/10 1 minimum). Les
bacs sont glissés dans de doubles sacs domestiques pour en assurer l'étanchéité.
S'il n'est pas possible de surveiller et d'entretenir à long terme ces masses d'objets
métalliques en milieu déshydraté, il faut les placer à l'intérieur de contenants non
hermétiques, dans des locaux secs et chauffés, et prévoir des traitements de
stabilisation (chap. V).
LE PLOMB, L'ÉTAIN
Le plomb et l'étain se présentent souvent sous un aspect gris-blanc dû à la
corrosion. Celle-ci est relativement stable mais les objets sont tendres et déformables.
Il faut donc éviter toute manipulation superflue.
Ils ne doivent pas être nettoyés. Les produits de corrosion sont en général plus
durs que le métal lui-même et tout nettoyage risque d'endommager les surfaces.
Cette corrosion est un état transformé de la matière et de la surface d'origine (non
un dépôt) et porte donc la plupart des inscriptions et décors.
Les émanations de vapeurs provenant de matériaux organiques peuvent provo-
quer une corrosion sévère. Ces objets seront donc emballés exclusivement dans des
boîtes ou des sachets en polyéthylène (de préférence sans plastifiant). On élimine
donc les papiers — papiers cellophane, cartons — et bois. S'ils sont emballés dans
du papier, on utilise du papier non acide.
Ils sont stockés dans des boîtes polyéthylène comme décrit pour les objets en
bronze. Ils ne doivent pas être déroulés ni détordus.
Le bois
Dans nos régions, la majorité des bois archéologiques sont des bois gorgés d'eau.
Ils sont désormais systématiquément récoltés. Ils posent des problèmes plus ou
moins complexes selon leur volume et leur provenance. Nous verrons que ces
problèmes se résument à deux points essentiels :
— éviter le dessèchement des bois et ses conséquences irréversibles ;
— adopter un mode de stockage satisfaisant le premier objectif et dont la
maintenance soit la moins contraignante possible, et qui permette d'attendre un
traitement adapté (fonction du choix des archéologues, des possibilités des
laboratoires, du coût).
Certains sites sont implantés dans des milieux privilégiés qui ont conservé le bois
quasi intégralement : ce sont les sites de bord de lac, de rivière, de tourbière et,
bien entendu, les sites subaquatiques en général. Ils livrent des restes ligneux (de
lignine, un des constituants principaux des bois et des matières végétales) en telle
abondance que ceux-ci forment non pas un des aspects annexes de la recherche
mais son support fondamental et sa spécificité. Ils permettent de dresser un tableau
de la végétation, des climats, des défrichements, des modes de construction, de
l'artisanat. La découverte de bois est une donnée préexistante à la fouille ; elle doit
être intégrée dès l'organisation du chantier.
Les découvertes fortuites, en revanche, tels que navire, sarcophage, pirogue,
(photos 7 et 8) rassemblent les problèmes les plus aigus dans un contexte a priori
défavorable : absence d'infrastructure adaptée, voire méconnaissance du matériau
et de son comportement. En général, le sauvetage doit alors se limiter à un arrosage
constant pour maintenir l'humidité et l'appel immédiat à un spécialiste.
Cependant, la plus grande partie du bois exhumé, toutes époques confondues
(le bois néolithique, voire mésolithique, n'est pas rare — Noël, Bocquet, 1987),
provient d'une multitude de chantiers où, au hasard d'un puits, à l'approche d'une
nappe phréatique, d'une fosse, à l'occasion d'un curage de rivière, d'un sondage,
on extrait des outils, de la vaisselle, des planches, des branches, des brindilles de
bois en plus ou moins grande quantité. Ce que l'on cherche à préserver, ce sont
leur forme, leur surface et les traces de débitage, d'outils et d'usure qu'elle porte,
les structures internes qui permettent l'identification des essences, leur datation par
dendrochronologie, etc.
Tous ces bois, quelles que soient les essences, dures comme le buis, tendres
comme le sapin, se sont sévèrement dégradées dans le sol selon un processus
complexe (cf. chap. VI). L'état dans lequel ils nous parviennent est précaire. La
dessiccation, même superficielle, provoque une diminution de volume et des
déformations irréversibles. Les bois sont en outre mous et cassants, les surfaces
sont fragiles et s'altèrent par frottement. Ils se déforment sous la pression et se
fendent facilement.
Photo 7
Photo 8a
Photo 8b
Les tissus
Le cuir
Le cuir est difficilement identifiable dans le sol : masse sombre sans forme
distincte, il s'apparente facilement à une strate de matière organique de même
couleur et d'une consistance proche de celle du sédiment gorgé d'eau qui a permis
sa conservation. A regarder de plus près, on distingue des petits filaments, des
fibres enchevêtrées qui semblent s'échapper d'une masse plus compacte : ce sont
les fibres du cuir (chap. VI).
Les cuirs portent parfois des traces de couture (des restes de fils), de teinture ou
même de gaufrage. Il est essentiel d'éviter toute manipulation superflue pour
préserver les surfaces et les formes.
Les sols humides, normaux sous nos climats, recèlent parfois de façon inattendue
(y compris pour des périodes relativement anciennes) des traces de cuir. Elles sont
en général associées à des boucles de ceinture, des boutons, des colliers, des
couteaux (fourreau). Bien que souvent révélées en laboratoire sur les objets
métalliques en question, certains indices sur le terrain peuvent les faire soupçonner :
traces fugaces brunâtres ou noires. Il faut les signaler sur les étiquettes accompagnant
les objets. Les échantillons de sol portant des traces de cuir seront déposés dans
des tubes à essais pour analyse. Les cuirs gorgés d'eau seront placés et stockés
dans des sacs en polyéthylène pleins d'eau, doublés pour assurer l'étanchéité. Ces
sachets doivent être placés dans une pièce sombre et fraîche ou un réfrigérateur
(5-6 °C) pour éviter le développement de micro-organismes. Seuls les cuirs secs
seront conservés secs.
Le lignite
Des végétaux carbonisés, il ne reste que du carbone pur. Ils conservent, malgré
leur fragilité, les caractéristiques principales des essences dont ils sont issus, dans
leur structure interne et à leur surface (les graines peuvent encore porter leur
enveloppe) (photos 10 et 11). On peut parfois y discerner des traces de débitage et
d'aménagement (écorçage, trace d'outils, polissage). N'étant plus alors seulement
un matériau de datation ou de détermination spécifique, on peut s'attarder à un
dégagement fin des surfaces lorsque cela répond à un intérêt archéologique.
L 'ambre
L'ambre est une résine fossile. Il représente, comme les bois silicifiés et les lignites,
un témoignage des grandes forêts de conifères qui s'étendaient sur l'Europe du
Nord à l'Oligocène.
L'ambre non manufacturé se présente généralement sous forme de nodules
irréguliers relativement tendres, plus ou moins translucides dans des tons variés du
jaune au brun.
L'ambre a été utilisé en Europe pour la parure depuis le Néolithique. Débités et
polis, les objets en ambre ayant séjourné dans le sol sont dans un état précaire et
souvent préoccupant au moment délicat du prélèvement. Leur conservation à long
terme n'est d'ailleurs pas mieux résolue. Aucun matériau n'a, plus que l'ambre, été
l'objet d'études approfondies sur ses caractéristiques physiques et chimiques et de
controverses sur les modes d'échange de la matière première depuis le nord de
l'Europe en direction du sud.
L'ambre ou les ambres ?
Le mot succin est toujours employé pour désigner un ambre vrai ou « ambre balte »,
particulièrement riche en acide succinique, le différenciant ainsi des ambres non
succiniques ou retiniques fort nombreux. Outre l'acide succinique, dont la teneur
varie entre 3 à 8 %, le succin contient les principaux composants des résines et
bitumes. Sa formule brute est CIOH160.
Les espèces voisines du succin portent des noms différents selon leur composition
chimique, leurs propriétés et leur provenance. Les « ambres locaux » mentionnés
dans la littérature archéologique proviennent de gîtes plus récents (Miocène) et
dispersés dans des sites plus méridionaux dont de nombreux en France (Pyrénées,
Aquitaine, Massif-Central). Ils sont réputés fragiles et oxydables.
L'analyse des ambres préhistoriques les identifie toujours comme du « vrai
ambre » de la Baltique. Les ambres locaux n'ont-ils jamais été utilisés ? Ou se
sont-ils trop dégradés pour nous parvenir sous une forme que l'analyse puisse
déterminer ? La spectrographie infra-rouge qui ne nécessite qu'un très petit
échantillonnage de 0,5 à 2 mg, a été développée par W.-C. Beck. Appliquée à des
échantillons baltes et non baltes, cette méthode s'est montrée fiable pour la
détermination du succin d'Europe du Nord. « Virtuellement, tout l'ambre préhisto-
rique semble provenir du nord de l'Europe » (Pétrequin et al., 1986).
Reste que cette méthode ne s'applique pas aux échantillons totalement oxydés
(Mazurowski, 1986). Peut-être est-ce un cas de conservation différentielle où seul
le matériau le plus résistant parviendrait jusqu'à nous et serait analysable ?
L'altération de l'ambre apparaît au moins autant due aux caractères variables
du matériau — dureté, homogénéité, densité, taille (caractères qui ne sont pas
forcément liés à sa qualité optique) — qu'aux conditions d'enfouissement : chaque
grain d'un collier découvert dans le sol peut être dans un état différent. La surface
des objets mis au jour est souvent opaque, d'un jaune très clair, finement granuleux
sous le doigt. Sur une cassure éventuelle, on observe que cette altération n'affecte
l'objet que sur une faible épaisseur. Cette oxydation s'est produite dans le sol. Elle
se poursuivra dans l'atmosphère. On observe aussi, sous cette surface, des fentes
se développant en réseau serré vers le centre. Sur un objet non brisé, ces fentes ne
sont pas décelables. Elles ne seront mises en évidence qu'au moment de la cassure
souvent bien postérieure au dégagement, après stockage et manipulation (fig. 8).
La formation des fentes est due au phénomène de dessiccation, lié directement au
passage de l'objet dans un milieu aérien plus sec que le milieu d'enfouissement. Ce
phénomène est quasi instantané et rappelle celui observé sur le lignite. Il s'agit donc
de freiner toute évaporation brutale dès le dégagement. Pour ce faire, après un
rapide dégagement du sol, il faut étroitement envelopper l'objet dans un film de
polyéthylène étirable. Il doit être déposé dans un récipient hermétique de petite
taille (un pilulier en verre laisse l'objet visible) dans lequel on aura placé une
mousse propre et humide sous un plastique à bulles. Les flacons seront stockés au
frais, à l'abri de la lumière.
Dans d'autres cas, un réseau de fentes est apparent sur la surface terne de l'objet,
qui semble formé de grains sans cohésion, prêts à se disloquer. L'objet s'est oxydé
plus sévèrement dans le sol que dans le cas précédent. Il faut procéder à
l'échantillonnage pour analyse (0,5 à 2 mg) avant consolidation, puis tenter une
consolidation délicate. Il s'agit de déposer au pinceau, par petites touches, au fur
et à mesure du dégagement, de faibles quantités de Paraloïd à 15 à 20 %. L'objet
ne doit pas être imbibé à cœur de solvant. C'est parfois le seul moyen d'extraire
du sol un objet quasi poudreux (imbibé de solution faiblement concentrée, les
structures gonflent, se dissocient et s'effondrent à l'évaporation). En cas d'insuccès,
on peut procéder à une prise de l'empreinte laissée par l'objet dans le sol avec du
plâtre ou du silicone. Pour étude, afin de ne pas égarer les morceaux ou pour
assurer la cohésion de l'objet, on recolle les morceaux. Il faut savoir que même
avec une colle réversible, comme les colles « universelles » du commerce (type Uhu,
seccotine, etc.), le collage sera, de fait, définitif. Les objets recollés seront placés
dans les conditions évoquées plus haut.
Coquillages et coquilles
Les coquillages et coquilles le plus souvent récoltés sont des espèces variées de
bivalves — moules, huîtres, pecten — et de gastéropodes (escargots). Ils sont
exploités, pour les sites les plus anciens, comme indicateurs climatiques par
l'identification des espèces et leurs associations, ou comme indicateur chronologique
par analyse : mesure de radioactivité 14C, racémisation des acides aminées, mesure
de radioactivité des descendants de l'uranium (Cattalioti-Valdina, 1985). Dès le
Paléolithique moyen, ce sont aussi des témoignages culturels du rapport des
hommes et de leur milieu : parure (Taborin, 1974), déchets culinaires (amas
coquilliers du Mésolithique, huîtres et moules dès le Néolithique...), outillage.
Sur le terrain, lorsque leur structure complète n'est pas conservée, les coquillages
(ou les coquilles, qui se comportent de la même façon) se présentent sous forme
de plaquettes crayeuses blanches, extrêmement tendres et friables, d'aspect parfois
nacré sur les deux faces, dont le signe le plus caractéristique est la structure finement
feuilletée.
Le carbonate de calcium (CaC03) est le constituant principal des coquillages.
Elaborés par le manteau des mollusques, ce sont des formations cristallines
complexes, agencées en couches très organisées. Les coquilles et valves s'accroissent
grâce à l'activité du bord du manteau qui engendre de nouvelles couches de
substances calcifiées. Quant à l'accroissement en épaisseur, il résulte de l'activité
de la face interne du manteau. La face externe de la coquille est en totalité
recouverte d'une sorte de vernis protecteur, très résistant à l'état frais : le
periostracum. Du periostracum à la face interne de chaque valve, se voient l'ostracum,
couche cristalline externe, puis la couche cristalline interne ou hypostracum, qui
consiste en une nacre ou en une substance porcelanée (Franc, 1985).
Le carbonate de calcium de ces couches cristallise sous forme d'aragonite, engendrée
par une matrice organique qui les entoure comme un fourreau. Ce sont des biocristaux
de nature très particulière.
Les coquillages s'altèrent dans le sol selon un processus similaire à celui de l'os :
par hydrolyse de la portion organique qu'elles contiennent à l'état frais. Les
couches précédemment citées voient leurs « matrices organiques » éliminées et se
désolidarisent, ce qui provoque l'aspect feuilleté du coquillage après enfouissement
(fig. 9).
Les perles
Les probabilités d'identifier sur le terrain des perles fines isolées — marines ou
d'eau douce — sont bien minces pour des raisons évidentes de rareté et de
dimension, mais aussi parce que l'irisation qui les caractérise résiste mal à un séjour
prolongé dans le sol. Transformées en nodules fragiles et ternes, elles se confondent
avec n'importe quel caillou de même taille. On les trouve plus aisément lorsqu'elles
sont serties en cabochon, montées en collier, boucles d'oreilles... (dans les trésors
gallo-romains par exemple).
Les perles sont des sécrétions calcaires. La perle fine est constituée de couches
perlières concentriques jusqu'au centre où se trouve le parasite qui l'a provoquée
(fig. 10). Les couches perlières sont un assemblage de cristaux d'aragonite (CaC03)
disposés en épitaxie (directions cristallines parallèles) au sein d'une résille de matière
organique gélatineuse : la conchyoline, qui forme en quelque sorte le ciment de la
construction (Poirot, 1987)
La céramique
archéologique
M a r i e BERDUCOU
D e s m a t é r i a u x é l a b o r é s p a r l ' h o m m e , la c é r a m i q u e , résultat de la t r a n s f o r m a t i o n
irréversible d ' u n e p â t e argileuse p a r la cuisson, est p e u t - ê t r e le plus d u r a b l e ,
résistant a u x c o n d i t i o n s d ' e n f o u i s s e m e n t les plus variées. Sa présence o u s o n
a b s e n c e s o n t en soi u n e c a r a c t é r i s t i q u e m a j e u r e des civilisations étudiées p a r
l ' a r c h é o l o g i e : « a c é r a m i q u e », qui en ignore l'usage ; « p r o t o c é r a m i q u e », o ù la
céramique apparaît dans l'ensemble du mobilier retrouvé comme une production
m i n e u r e , s o u v e n t m a l maîtrisée et p a r f o i s sans d é v e l o p p e m e n t ultérieur ;
« civilisation c é r a m i q u e » enfin, q u a n d ce m a t é r i a u , o m n i p r é s e n t d a n s le m o b i l i e r
d o m e s t i q u e , c o r r e s p o n d à u n e a c q u i s i t i o n t e c h n i q u e définitive.
L a c é r a m i q u e p e u t être le m a t é r i a u de très n o m b r e u s e s réalisations, r e t r o u v é e s
en q u a n t i t é s o u v e n t i m p o r t a n t e p a r les fouilles a r c h é o l o g i q u e s : vaisselle bien sûr
(et récipients a u x diverses fonctions, funéraires, religieuses, etc.), m a i s aussi
multiples objets utilitaires (lampes, pesons, fusaïoles, brûle p a r f u m s , braseros,
sceaux et t a m p o n s , etc.) et a r c h i t e c t u r a u x (tuiles, briques, c o n d u i t e s , é l é m e n t s
décoratifs, etc.). Statuettes, b a s reliefs, m i n i a t u r e s , m a q u e t t e s , « m o d è l e s » r e p r o d u i -
s a n t des objets faits en d ' a u t r e s m a t é r i a u x , j o u e t s aussi : l ' a r c h é o l o g i e livre encore,
plus o c c a s i o n n e l l e m e n t , bien d ' a u t r e s p r o d u i t s c é r a m i q u e s .
R i e n d ' é t o n n a n t d o n c à ce q u e la c é r a m o l o g i e dispose a u j o u r d ' h u i d ' u n e t r a d i t i o n
a n c i e n n e et d ' u n g r a n d n o m b r e d ' o u v r a g e s de références. Son langage descriptif,
très riche, fait r é g u l i è r e m e n t l'objet d'efforts de synthèse o u de n o r m a l i s a t i o n (voir
p a r exemple : G a r d i n , 1976 ; Y o n , 1981 ; Balfet et al., 1983 ; A l c a m o , 1986). L a
p a n o p l i e des t e c h n i q u e s d ' o b s e r v a t i o n , d ' a n a l y s e et de d a t a t i o n q u e l ' a r c h é o l o g u e
p e u t a p p l i q u e r à ce m a t é r i a u est u n e des plus c o n s i d é r a b l e s d o n t il dispose et il est
significatif d ' o b s e r v e r q u ' u n des livres i m p o r t a n t s consacrés a u sujet, celui d ' A . O.
S c h e p a r d , « C e r a m i c s for the A r c h a e o l o g i s t », a c o n n u d e p u i s 1956 onze rééditions
successives... ( S c h e p a r d , 1985). P a r c o u r i r à r e b o u r s le c h e m i n qui c o n d u i t de l'argile
des géologues à la terre d u potier est u n peu le p a s s a g e obligé de ces études de
céramologie. E n effet si l ' é t u d e t y p o l o g i q u e d u matériel c é r a m i q u e livré p a r u n site
est u n e pièce clé de son i n t e r p r é t a t i o n , y c o m p r i s s t r a t i g r a p h i q u e (la c é r a m i q u e est
u n p e u le « fossile d i r e c t e u r » de bien des archéologies), il se prête à bien d ' a u t r e s
recherches : histoire des techniques, sociologie de cette p r o d u c t i o n , typologies
comparatives (chronologiquement et/ou géographiquement), origine et circulation
des matières premières, des objets, de leur contenu, etc. La céramique est parfois
même le seul témoin d'autres productions disparues, liées à son contenu ou aux
objets qui ont servi à sa fabrication ou à sa décoration, et dont elle porte les traces
(par exemple les cordages préhistoriques imprimés sur les poteries, et qui peuvent
être identifiés et étudiés grâce à ces impressions (Hurley, 1979). Ainsi, de l'argile à
l'objet céramique, puis de l'objet en usage à l'objet archéologique modifié par
l'enfouissement, de multiples transformations surviennent qui toutes intéressent
l'archéologie à des titres divers. C'est dans ce contexte archéologique très riche que
doit s'envisager la conservation-restauration des céramiques, sachant que la typologie
des formes et des décors, souvent fondamentale, ne constitue néanmoins qu'un des
aspects de leur étude. Les travaux de nettoyage et de remontage qui lui sont
étroitement liés sont pratiquement toujours entrepris. Ils soulèvent parfois une
vraie difficulté technique : la consolidation des objets très altérés. Réservée à un
nombre limité de cas, la restauration se propose de faciliter la lisibilité et de mettre
en valeur l'esthétique de certaines pièces par le comblement des parties lacunaires,
voire par celui des joints entre fragments, qui trahissent leur caractère morcelé.
Quant aux mesures de conservation à long terme, avec lesquelles nous conclurons
brièvement ce chapitre, l'abondance et la banalité du matériau les découragent
trop souvent. La conservation des céramiques renvoie pourtant à leur considérable
valeur documentaire et l'histoire de l'archéologie montre bien le rôle joué par les
collections céramiques pour assurer à la fois la continuité et le renouvellement
des recherches, permettre la formation des jeunes archéologues et diffuser les
connaissances acquises dans un public plus vaste.
La kaolinite et la montmorillonite sont donc, par exemple, des minéraux bien différenciés.
Les particules du premier (plaquettes rigides de forme régulière, ou « cristallites ») sont plus
grandes que celles du second :.les feuillets, moins aisément dissociables, s'empilent en nombre
plus important. Les capacités d'échange et d'adsorption de la kaolinite sont inférieures à
celles de la montmorillonite : elle comporte peu d'impuretés, notamment d'oxydes de fer,
susceptibles d'abaisser son point de fusion et de la colorer. Ses particules, rigides et de taille
importante, peuvent être mises en suspension dans l'eau, mais perdent rapidement leur
mobilité quand elles se rapprochent : leur plasticité est médiocre. C'est la matière première
par excellence des porcelaines, souvent coulée, qui cuisent « blanc », à haute température. Au
contraire une argile composée essentiellement de montmorillonite peut se présenter en
particules homogènes de dimensions très petites, être colorée et fusible à plus basse
température ; l'eau adsorbée la rend « gonflante », extrêmement plastique (trop pour la
plupart des utilisations), et entraîne un retrait important au séchage. Une toute petite quantité
de montmorillonite ajoutée à une argile essentiellement formée de kaolinite améliore
sensiblement sa plasticité.
Du point de vue minéralogique, les argiles représentent donc une famille complexe,
regroupant plusieurs dizaines d'espèces, caractérisées par leur affinité pour l'eau,
dans laquelle elles peuvent être diluées (formation d'une suspension colloïdale) et
par une certaine capacité d'échanges ioniques avec le milieu. Ces échanges sont
d'autant plus importants que la taille des particules est très petite (inférieure à deux
micromètres) : elles développent donc une grande aire de contact avec le milieu.
A des fourchettes de teneurs en eau qui varient pour chaque espèce, les argiles
présentent un état plastique déformable, qui leur permet de conserver la forme qui
leur est imprimée : le film d'eau retenu à la surface des particules leur permet de
glisser les unes sur les autres. Au séchage, elles subissent un retrait correspondant
au volume d'eau évaporée et acquièrent une cohésion en cru qui les rend assez
solides pour diverses utilisations (pisé, torchis, briques crues, tablettes), mais cette
induration est réversible et reste dépendante de leur teneur en eau.
Dans la nature, les argiles ne se présentent presque jamais sous une forme
monominérale, mais plutôt comme des roches formées par un mélange de différents
minéraux argileux et d'autres composants : calcaire, dolomie, feldspath, minéraux
riches en oxydes et hydroxydes de fer, sable, mica, gypse, etc. Ainsi de nombreux
gisements d'argile utilisés pour la fabrication des terres cuites, des poteries
communes, des grès, contiennent d'importantes proportions d'hydroxydes de fer
(terres rouges), de calcaire (marne ou argile marneuse), de sable (argile sableuse).
Lorsque les minéraux argileux sont en proportion assez importante pour communi-
quer à la roche leurs principales propriétés, on parle de roche argileuse ou d'argile.
L'expression recouvre donc des réalités très diverses liées à l'histoire de chaque
gisement : conditions de sa formation (climat et altération conséquente de la roche
mère, ou bien néoformation à partir d'ions en solutions dans les lacs, les mers et
les océans), conditions de son transport éventuel et de son dépôt dans des bassins
sédimentaires, et enfin transformations qui peuvent affecter ces dépôts après leur
sédimentation. Ces mécanismes sont complexes, et impliquent souvent la cœxistence
de multiples états transitoires, chacun caractérisé par une espèce minéralogique
particulière.
Enfouis à des profondeurs importantes, les sédiments argileux, sous l'effet de la
température et de la pression élevées, recristallisent progressivement en roches
compactes, semblables à celles dont l'altération les avaient engendrés : les argiles
... « sont la forme de passage obligée de la matière silicatée dans le cycle géologique »
(Millot, 1985, p. 638). En cuisant les argiles, l'homme recrée très partiellement ce
mécanisme naturel, avec un apport d'énergie certes dérisoire par rapport aux
conditions de la lithification géologique. Mais en ce sens tout de même, les
céramiques sont bien des roches artificielles.
A la diversité des ressources naturelles offertes par les argiles, s'ajoutent de
multiples possibilités de transformation technologique : choix, mélanges, modifica-
tions des matières premières argileuses ; mise en forme et décorations par divers
procédés ; cuissons conduites à des vitesses et des températures variables, plus ou
moins longuement, dans des atmosphères oxydantes ou réductrices...Tout ceci
explique la gamme très diversifiée des produits finaux obtenus et la complexité de
la technologie des céramiques. L'exploration et la maîtrise scientifique de cette
technologie sont aujourd'hui très approfondies et, pour le conservateur-restaurateur
qui s'en informe, cela contraste vivement avec l'empirisme et la simplicité des
méthodes qu'il utilise habituellement. Si nous nous risquons ici à quelques
rappels technologiques, c'est que quelques notions nous semblent malgré tout
indispensables. Il est toujours important de connaître dans ses grandes lignes le
matériau traité : impossible autrement de le comprendre dans sa forme altérée et
de prévoir son comportement à venir. Et il est déjà souvent très utile de mesurer
l'impact (même discret) que nos interventions peuvent avoir sur sa nature et sur
son interprétation.
De la terre des potiers à l'objet céramique
(Picon, 1973 ; Rhodes, 1976 ; Colbeck, 1976 ; Leach, 1979 ; Echallier, 1984 ;
Hamer, 1986 ; Rado, 1988)
Façonnage
Les objets céramiques peuvent être façonnés avant cuisson de diverses manières
dont nous ne pouvons entreprendre ici la description détaillée. Le lecteur trouvera
en encadré quelques rappels simples.
Séchage et cuisson
Au cours du séchage, l'eau libre contenue dans l'objet façonné migre vers la
surface et s'évapore. Les particules d'argile se rapprochent les unes des autres :
c'est le retrait. Une argile pure à l'état plastique contient une grande quantité d'eau
(couramment 20 à 25 % en poids). L'inertie de la fraction non plastique d'une
pâte, les dégraissants, permet de réduire cette quantité d'eau par rapport à la masse
de l'objet, et ainsi de limiter la valeur relative du retrait au séchage. Ainsi une terre
à potier courante et dégraissée peut subir un retrait linéaire de 5 à 10 %, selon sa
nature ; une argile gonflante pure, comme la montmorillonite, peut se rétracter de
45 %, ce qui la rend pratiquement inutilisable. Le séchage ne se produit pas à une
vitesse uniforme, dans toute la masse de l'objet, et ceci peut occasionner des
tensions internes entre les zones inégalement contractées, allant jusqu'à des fissures
à l'intérieur des zones les plus épaisses, ou des fendillements de toute la paroi d'un
vase. L'archéologue n'a guère le loisir de constater ces accidents de séchage car les
objets affectés sont généralement écartés de la cuisson. Les statuettes pleines et les
objets épais montrent cependant parfois des défauts internes, visibles sur les
cassures, et hérités du séchage. De même certaines fentes, amorcées au cours du
séchage, ne se révèlent que sur l'objet cuit.
Dans une étude technologique fine, l'observation des craquelures et fendillements (comme
de tous les « défauts » observables sur les objets) peut susciter des hypothèses assez précises
sur le travail des hommes qui ont produit la céramique étudiée : les manières de procéder,
les difficultés rencontrées, la plus ou moins grande maîtrise de ces difficultés... Les céramistes
contemporains manient une véritable typologie explicative des défauts et des accidents (tel
type de fissure se rattache à tel incident de séchage, tel autre à tel épisode de la cuisson, etc.)
qui devrait nous inciter à veiller, lors du traitement des céramiques archéologiques, à ce que
ces traces soient remarquées, enregistrées et conservées quand c'est possible.
La mobilité des particules d'argile décroissant avec le départ de l'eau, elles cessent
bien avant la fin du séchage de se déplacer pour combler les vides laissés par l'eau :
ainsi se crée un réseau de pores fins et communiquants, par lequel l'eau résiduelle
chemine vers la surface d'évaporation. En migrant, elle peut entraîner certains
éléments solubles (mais non volatils) ou de très petite dimension (en suspension),
originaires de l'argile ou de l'eau utilisée lors du façonnage. Près de la surface,
l'objet acquiert donc une granulométrie et une composition légèrement différentes
de celles qui le caractérisent à cœur. Cette granulométrie enrichie en fraction fine,
ce qui apporte une meilleure compacité, et ces éléments solubles, qui sont souvent
des « fondants », peuvent contribuer à une vitrification partielle et superficielle des
objets au cours de la cuisson. Leurs effets s'ajoutent ainsi à ceux des traitements
de surface, comme le lissage, le polissage, l'engobage, pour diminuer la perméabilité
de produits poreux qui n'ont pourtant pas reçu un revêtement franchement différent
de la pâte sous-jacente (contrairement aux objets recevant un enduit vitrifiable :
glaçure, couverte, vernis ; ces termes sont définis dans le chapitre IV).
C'est au cours de la cuisson que les argiles sont irréversiblement modifiées : l'eau
chimiquement liée est évacuée et les particules acquièrent à leurs points de contact
une cohésion permanente.
Le début de la cuisson n'est en fait que la fin du séchage : jusqu'à une centaine
de degrés, l'eau libre achève de s'évaporer. Si la montée en température est trop
rapide, cette eau est volatilisée brusquement et il y a risque de claquage de l'objet.
L'eau adsorbée, retenue à la surface des particules d'argile, s'évacue ensuite, puis
s'engage le départ de l'eau de constitution, participant à leur structure cristalline
sous la forme de groupements hydroxyles OH, comme nous l'avons vu plus haut,
entre 450 et 700 degrés selon les minéraux argileux (pour la kaolinite, cette
modification commence par exemple à 420 °C, et pour la montmorillonite vers
700 °C). Cette déshydratation est progressive (on trouve aussi le terme
« déshydroxylation ») et constitue une transformation irréversible des minéraux
argileux, dont elle désorganise la structure cristalline. Ils forment une phase
perturbée, instable, la « métaphase », qui peut alors subir diverses modifications et
réagir avec les autres éléments présents. A ce stade, puisque toute l'eau (eau libre,
eau adsorbée, eau de constitution) s'est évaporée en laissant des vides, le produit
présente un maximum de porosité. Si les particules, complètement déshydratées,
ne s'effondrent pas en un petit tas de poussière, c'est qu'au cours de ce changement,
elles adhèrent entre elles à leur point de contact, acquérant ainsi une cohésion
nouvelle. Certains éléments, jouant le rôle de fondants (fer, sodium, potassium ;
calcium aux températures élevées), peuvent en entraîner d'autres (silice libre,
fragments de feldspath, métaphase argileuse) dans la formation d'une phase très
visqueuse et amorphe, enrobant peu à peu les grains solides et éventuellement
dissolvant certains d'entre eux qui se trouvent à leur tour impliqués dans la
vitrification du tesson. Cette vitrification peut débuter aux alentours de 800 °C,
voire un peu moins en atmosphère réductrice (tirage réduit, consommation de
l'oxyde de carbone par le bûcher, etc.). Même très partielle, elle cimente fortement
les différents constituants de la pâte. Si la phase vitreuse devient assez importante
et assez mobile (constituants en présence, températures atteintes et temps d'exposi-
tion à ces températures) pour s'écouler dans les vides du réseau poreux, la porosité,
accrue en début de cuisson, tend à diminuer. Le diamètre des pores se réduit, puis
si la vitrification du tesson continue, la pâte devient « fermante » et seule une
porosité fermée, c'est-à-dire des vides qui ne communiquent pas entre eux, subsiste.
Cette imperméabilisation du tesson est obtenue lorsque la température de grésage
est atteinte et cette température varie en fonction de la nature de la pâte : les terres
à grès, qui contiennent naturellement une quantité importante de fondants,
subissent cette vitrification partielle sans déformation à des températures modérées.
Les porcelaines, dont la kaolinite est un constituant essentiel, présentent un degré
plus élevé de vitrification, obtenu à plus haute température (au-dessus de 1 200 °C),
mais la plupart des terres utilisées à la fabrication de poteries communes, trop
riches en fondants, sont fusibles à ces températures élevées et se déformeraient si
elles y étaient portées. La granulométrie des constituants d'une pâte influence aussi
la température de grésage et de fusion : plus les particules sont fines, plus grandes
sont les surfaces qu'elles présentent pour réagir entre elles au cours de la cuisson.
Le degré de division de la matière influence ainsi beaucoup le cours des réactions qui
s'amorcent entre les surfaces en contact, comme tous les phénomènes physiques ou chimiques
caractéristiques de ces surfaces. On comprend mieux cela si l'on réalise qu'un cube de matière
de 1 cm de côté développe une surface de 6 cm2, alors que morcelé en cubes de 1 micromètre
de côté, le même volume de matière présente 6 m2 de surface.
Aux températures élevées (1 000 °C), les minéraux argileux désorganisés recristal-
lisent, seuls ou en association avec les autres minéraux présents (dégraissants,
impuretés) pour former de nouvelles espèces minéralogiques (par exemple la
cristoballite, la mullite) dont l'observation peut ensuite apporter de précieux
renseignements sur les conditions dans lesquelles la cuisson s'est déroulée. A des
températures encore plus élevées (au-delà de 1 200°), de nouveaux cristaux peuvent
aussi se former au sein de la phase vitreuse elle-même, comme cela peut s'observer
pour les porcelaines dures. De même que certains éléments, « fondants », condition-
nent la formation d'un ciment vitreux, d'autres favorisent la cristallisation de ces
nouveaux minéraux, comme par exemple le titane.
Certains des constituants non argileux subissent aussi des modifications spécifi-
ques, qui compliquent la conduite de la cuisson et du refroidissement ou influencent
les propriétés du produit fini.
Les dégraissants organiques se décomposent tôt au cours de la cuisson (200 °C)
mais leur combustion complète exige des températures plus élevées (650-700 °C).
Elle laisse éventuellement des vides (parfois des empreintes identifiables) responsa-
bles d'une porosité accrue, et dans certaines conditions des résidus carbonés qui
noircissent le tesson, lorsque tout le carbone ne s'est pas éliminé dans le four en
se combinant avec l'oxygène pour former de l'oxyde ou du dioxyde de carbone.
Le quartz connaît à 573 °C une dilatation réversible au refroidissement. Cette
dilatation est encaissée par le matériau, qui à cette température présente toujours
une porosité importante et une texture ouverte. C'est sa rétraction au cours du
refroidissement qui est l'épisode le plus dangereux à franchir. Elle peut augmenter
légèrement la porosité du tesson et être à l'origine de tensions importantes (à
l'intérieur du tesson ou entre le tesson et son revêtement). D'une manière générale,
si les éléments composites d'une pâte se dilatent ou se contractent de façon inégale
ou à des moments différents, leurs mouvements engendrent des risques de claquage
et de craquelures.
Le problème se pose surtout pour les céramiques qui ont reçu avant cuisson un
revêtement : c'est celui de l'accord dilatométrique revêtement/tesson, une difficulté
technologique majeure. Si la pellicule superficielle se contracte davantage au
refroidissement que le tesson qui la supporte, elle se fissure (trésaillage) et l'unité
du revêtement est rompue ainsi qu'éventuellement l'imperméabilisation qu'il
apportait. Dans le cas contraire, la pellicule bombe sur le tesson et c'est leur
adhérence qui est affaiblie (risques d'écaillage). Plus les comportements des deux
matériaux diffèrent, et plus les défauts sont importants, macroscopiquement
visibles. Mais l'accord parfait tesson/revêtement, à tous les moments de la cuisson
et du refroidissement, est pratiquement inaccessible.
La décomposition de la calcite (CaC03) en chaux vive (CaO) et gaz carbonique
(C02) peut conduire à différentes évolutions : recombinaison de la chaux avec
d'autres constituants, pour former des silicates participant au ciment de la
céramique, qui ne contient plus dès lors de fraction calcaire à proprement parler
(par exemple plus d'effervescence à l'acide) ; retour à l'état de carbonate, par
fixation du gaz carbonique atmosphérique, avec une augmentation de volume
(environ multiplié par deux) susceptible d'engendrer des éclatements autour des
gros nodules ou près de la surface (« points de chaux »).
L'évolution des oxydes de fer présents enfin conditionne la couleur des céramiques.
Si l a c u i s s o n s e d é r o u l e e n a t m o s p h è r e r é d u c t r i c e , le f e r r é d u i t e n m a g n é t i t e ( F e 3 0 4 )
ou en oxyde ferreux (FeO) noircit les céramiques. Si la cuisson ou le refroidissement
se f o n t a u c o n t r a i r e e n a t m o s p h è r e o x y d a n t e , le fer s o u s f o r m e d ' h é m a t i t e ( F e 2 0 3 ) ,
confère à la pâte une coloration rouge, plus ou moins intense selon la quantité
présente et éventuellement très claire dans les pâtes riches en calcaire. Mais cette
oxydation, si elle se produit en fin de cuisson ou au cours du refroidissement par
exemple, peut rester partielle et n'atteindre que certaines parties des objets
(coloration hétérogène) ou seulement leur surface (cœur noir des tessons).
Ainsi après la cuisson et le refroidissement, la céramique se présente comme le
fruit de transformations complexes, dont l'importance dépend non seulement des
températures atteintes et du comportement de chaque constituant à ces températu-
res, mais aussi des réactions possibles entre ces constituants selon leur nature, leur
taille, l'atmosphère et la durée de la cuisson et du refroidissement. La céramique
est le produit résultant de le cuisson d'un mélange dont les divers constituants peuvent
s'influencer et réagir entre eux.
C'est sans doute pourquoi les non-spécialistes que nous sommes peuvent être surpris et
déroutés par les différences qu'ils rencontrent entre les indications chiffrées, de température
notamment, données par les auteurs qui analysent les étapes franchies au cours de la cuisson.
Certains évoquent un type particulier de production, d'autres se réfèrent au comportement
théorique d'un minéral précis dans des conditions définies, d'autres enfin avancent des
fourchettes plus ou moins larges qui permettent de généraliser et de simplifier les phénomènes
réels.
Les différents p r o d u i t s c é r a m i q u e s r e p r é s e n t e n t d o n c u n m a t é r i a u d o n t l'interpré-
t a t i o n t e c h n o l o g i q u e « r é t r o a c t i v e », à p a r t i r d u résultat final, relève d ' u n e e n q u ê t e
à la fois p a s s i o n n a n t e et bien difficile. M a i s en a r c h é o l o g i e , ils n o u s p a r v i e n n e n t
e n c o r e t r a n s f o r m é s p a r les c o n d i t i o n s de leur utilisation et de leur e n f o u i s s e m e n t .
L ' e n q u ê t e a r c h é o l o g i q u e se c o m p l i q u e ! Ce n ' e s t pas à ce titre q u e les « a l t é r a t i o n s »
de la c é r a m i q u e n o u s c o n c e r n e n t a u p r e m i e r chef, m a i s p l u t ô t p o u r leur i m p a c t
sur l'état de c o n s e r v a t i o n des objets et les t r a i t e m e n t s qui en d é c o u l e n t . G a r d o n s
t o u t de m ê m e à l'esprit q u e ces t r a i t e m e n t s de c o n s e r v a t i o n - r e s t a u r a t i o n s o n t
p a r f o i s l ' o c c a s i o n d ' o b s e r v e r q u e l q u e s indices utiles à l ' a r c h é o l o g u e , m a i s qu'ils
p e u v e n t aussi c o n t r i b u e r à b r o u i l l e r e n c o r e p l u s les pistes...
DE L ' O B J E T EN USAGE
A L'OBJET ARCHÉOLOGIQUE
PHOTO 2. — Efflorescences sur une lampe à huile romaine dans la vitrine d'un musée...
(photographie de Gaël de Guichen, ICCROM).
sels cristallisent dans le tesson. L'hygroscopicité de certains de ces sels, leur capacité
à changer de degré d'hydratation (avec modification de volume) en fonction de
l'humidité relative ambiante augmentent leur dangerosité.
L'altération provoquée par les sels solubles procède donc de la surface vers
l'intérieur : une céramique altérée par les sels solubles semble souvent « rongée »
(photos 3 à 6).
Photo 5
Photo 3
Photo 4 Photo 6
PHOTOS 3 à 6. — F o r m a t i o n p r o g r e s s i v e d ' e f f l o r e s c e n c e s s u r u n e p e t i t e a r y b a l l e et a l t é r a t i o n s
c o n s é q u e n t e s de sa surface ( p h o t o g r a p h i e s de G a ë l de G u i c h e n , I C C R O M ) .
Nettoyage
Comme nous l'avons vu plus haut, les sels solubles représentent certainement le
facteur majeur de l'altération des céramiques pendant et après leur enfouissement.
Ceci semble vrai aussi pour nombre de matériaux minéraux poreux, ou rendus poreux par
leur altération. Les verres et les porcelaines ne sont pas à l'abri de ce danger, et les pièces
issues de fouilles sous-marines doivent être particulièrement surveillées.
Il est paradoxal de constater que nous ne disposons pourtant pas d'essais
comparatifs sérieux et publiés pour nous guider dans le choix des différentes
méthodes utilisées ici ou là pour éliminer ces sels, bien que quelques excellentes
synthèses aient été publiés, sur la pierre par exemple (Jedrzewska, 1975 ; Doma-
slowski, 1982). a
Avant traitement, les objets infestés doivent être stockés à une humidité relative
stable et faible s'ils ont été trouvés secs et stockés humides, éventuellement
immergés, s'ils ont été trouvés humides.
Selon les conservateurs habitués à travailler sur ces sites, les objets issus de
fouilles sous-marines et gorgés d'eau de mer ne doivent pas être immédiatement
plongés dans l'eau douce, ce qui engendrerait des pressions osmotiques susceptibles
de les endommager (Pearson, 1987). Ils sont donc conservés dans de l'eau de mer
progressivement diluée dans de l'eau douce.
Pour les céramiques capables de supporter une immersion prolongée, l'élimination
des sels par rinçage est une solution simple et efficace, mais dispendieuse en eau et
en temps. Les sels contenus dans les objets se solubilisent et migrent par
diffusion dans la solution de rinçage, jusqu'à instauration d'un équilibre entre les
concentrations respectives de la solution qui imprègne l'objet et de celle qui se
trouve à son voisinage immédiat.
Si les céramiques ont à subir des nettoyages chimiques (concrétions, tâches), l'élimination
des sels entreprise après (clôture des opérations de nettoyage) permet aussi d'évacuer les
résidus éventuels de ces traitements.
Ces rinçages peuvent être effectués avec de l'eau ordinaire dans des bains statiques
régulièrement renouvelés ou dans des bacs à circulation d'eau continue. On veille
au positionnement des objets (piédestals éventuels) et au dispositif d'arrivée et
d'évacuation de l'eau pour que la plus grande surface possible des objets soit
entourée d'eau (bain statique) ou présentée au courant créé (bain dynamique) (fig.
3). Ces traitements s'achèvent par une série de rinçages à l'eau déminéralisée ou
distillée (cf. Aide mémoire n° 3). Ils consomment une grande quantité d'eau : on
peut y remédier si l'on dispose d'une colonne échangeuse d'ions qui recycle l'eau
utilisée en la déminéralisant, et même travailler en circuit fermé si cette colonne
munie d'une pompe est couplée au système de bac à circulation continue, mais ces
procédés élèvent considérablement le coût des opérations. De tels traitements
peuvent durer de quelques jours à plusieurs mois. Pour les bains statiques, l'agitation
de l'eau et l'élévation de température semblent procurer un gain de temps
appréciable (Hodges, 1987b) en accélérant les phénomènes de diffusion.
D'autres techniques ont été essayées pour accélérer encore l'extraction des sels, notamment
les ultrasons, la circulation d'eau forcée, l'électrophorèse et l'électrodialyse. La première de
ces techniques présente des dangers certains pour les céramiques, soumises à des vibrations
auxquelles leur résistance est difficilement prévisible. La géométrie des objets céramiques rend
la seconde, mise au point pour les objets de pierre (Domaslowski, 1982, p. 86), difficilement
applicable. L'électrophorèse qui accélère la migration des ions formés par les sels solubilisés
en créant un champ électrique dans le bain, couplée à l'électrodialyse qui permet d'extraire
sélectivement ces ions de la partie du bain où se trouvent les objets grâce à des membranes
semi-perméables, constitue une voie de recherche séduisante encore insuffisamment explorée
pour les céramiques (Bertholon, Pain, 1987).
C o m m e n t c o n t r ô l e r la p r o g r e s s i o n de l ' e x t r a c t i o n des sels, et à quel m o m e n t
a r r ê t e r ? S u r ces d e u x p o i n t s , n o u s m a n q u o n s m a l h e u r e u s e m e n t e n c o r e de repères
r i g o u r e u x , m a l g r é c e r t a i n s efforts de r e c h e r c h e récents.
Ainsi des travaux australiens publiés récemment (Mac Leod, Davies, 1987) ont étudié
l'allure dans le temps des phénomènes de diffusion des sels dans les bains statiques, mis en
relation la conductivité de ces bains avec leur teneur en chlorures et en un certain nombre
d'ions, et évalué les durées moyennes prévisibles des traitements de dessalage pour certaines
catégories de matériaux.
T o u t sel soluble p r é s e n t d a n s l'eau a u g m e n t e sa c o n d u c t i v i t é électrique : la
mesure répétée de la conductivité est u n m o y e n fiable d ' é v a l u e r l ' é v o l u t i o n de la
q u a n t i t é de sels d i s s o u s d a n s les e a u x de rinçage. L a m a n i è r e de p r o c é d e r (assez
e m p i r i q u e ) varie selon les l a b o r a t o i r e s ( n o m b r e de mesures, intervalles e n t r e les
m e s u r e s et e n t r e les c h a n g e m e n t s d ' e a u d a n s la m é t h o d e statique, m e s u r e directe
des e a u x de r i n ç a g e o u d ' e a u distillée r e c e v a n t u n t e s s o n ap r ès c h a q u e lavage, etc.).
Voici u n e des m é t h o d e s les p l u s simples. O n m e s u r e la c o n d u c t i v i t é de l'eau a v a n t
utilisation et o n la c o m p a r e , à la fin d u p r e m i e r b a i n s t a t i q u e , o u a u b o u t d ' u n
certain t e m p s d e lavage en c o n t i n u , avec celle de l'eau d a n s laquelle o n t t r e m p é les
objets. L ' o p é r a t i o n est répétée à c h a q u e c h a n g e m e n t de bain, o u a u b o u t d ' u n e
p é r i o d e c o n s t a n t e de lavage en c o n t i n u ( p a r e x e m p l e u n e o u d e u x fois p a r 24 h).
L o r s q u e la c o n d u c t i v i t é de l'eau de r i n ç a g e se r a p p r o c h e de celle de l ' e a u a v a n t
utilisation et se stabilise s u r trois lectures successives, le t r a i t e m e n t à l ' e a u o r d i n a i r e
est arrêté. L a m ê m e p r o c é d u r e est utilisée p o u r c o n t r ô l e r la t e n e u r en sels
dis s ous des d e r n i e r s rinçages effectués à l ' e a u distillée o u déminéralisée, d o n t les
c o n d u c t i v i t é s s o n t m e s u r é e s a v a n t et a p r è s i m m e r s i o n des objets. Très p e u d ' a u t e u r s
(Olive, P e a r s o n , 1975 ; P a t e r a k i s , 1987b) o n t a v a n c é u n seuil de c o n d u c t i v i t é limite
en d e ç à d u q u e l la t e n e u r en sels de la dernière e a u de r i n ç a g e serait c o n s i d é r é e
c o m m e a c c e p t a b l e . E n p r a t i q u e , l o r s q u e plusieurs rinçages successifs d o n n e n t u n e
c o n d u c t i v i t é faible et c o m p a r a b l e , le t r a i t e m e n t est arrêté. E n l ' a b s e n c e de
c o n d u c t i m è t r e , o u a u c o n t r a i r e p o u r en c o m p l é t e r les d o n n é e s , o n p e u t q u a n t i f i e r
la p r é s e n c e de c e r t a i n s ions d a n s les e a u x de r i n ç a g e p a r diverses m é t h o d e s (voir
p a r e x e m p l e a u c h a p i t r e V le c o n t r ô l e de la d é c h l o r u r a t i o n des m é t a u x ) . Si
l ' é q u i p e m e n t fait d é f a u t , la v a l e u r s e m i - q u a n t i t a t i v e de c e r t a i n s tests décrits p l u s
h a u t p e u t p a r f o i s être utilisée.
C'est le cas par exemple du test au nitrate d'argent pour doser approximativement les
chlorures (moins il y a de chlorure, moins le précipité de chlorure d'argent opacifie la
solution). Il semble même possible, dans des conditions rigoureuses d'observation et à l'aide
de photographies référence ( Semczak, 1977 ; Paterakis, 1987a) d'évaluer approximativement
le taux de chlorures d'une solution à partir de l'opacité du précipité, pour des concentrations
inférieures à 100 ppm (parties par million) ; ce moyen facile est intéressant, si l'on admet que
le nettoyage doit conduire à des concentrations inférieures à cette valeur dans les rinçages
finaux. Il convient de ne pas oublier que seule l'élimination des chlorures est ainsi appréciée,
et non pas celle de la totalité des sels solubles.
N e t t o y a g e : cas particuliers
Les céramiques et les verres présentent parfois des dépôts durs et adhérents :
concrétions formées pendant leur enfouissement ou leur immersion, qui peuvent
gêner le remontage quand elles déforment les tranches ou masquer la surface et
son décor. L'aspect des céramiques peut aussi être affecté par des taches, composés
organiques ou métalliques qui s'incrustent dans les pâtes poreuses, les glaçures
craquelées... La reprise de collages imparfaits réalisés sur le chantier peut enfin être
envisagée lors de la restauration d'un objet. Concrétions, taches et colles peuvent
être difficiles à éliminer et l'on doit constamment mettre en balance l'utilité et l'intérêt
de ces entreprises avec les risques que les méthodes de nettoyage choisies, quelles
qu'elles soient, vont faire courir à l'objet lui-même.
Il faut aussi admettre une certaine hiérarchie des risques, entre l'altération
macroscopiquement visible (l'« accident » de traitement), l'atteinte à peine perceptible
des surfaces (érosion ou rayures dues au nettoyage mécanique), la dégradation qui
n'apparaîtra qu'à long terme (par exemple efflorescences de sels issus d'une réaction
entre produits de nettoyage et céramique), et la modification, imputable au
traitement, de caractères négligeables du point de vue de la conservation mais
peut-être significatifs dans certaines analyses archéologiques (ainsi pour reprendre
un exemple évoqué plus haut, la disparition de certains minéraux significatifs —
gelhenite — au cours d'un nettoyage acide des concrétions). Il est évident que ces
risques s'évaluent selon la situation (séries ou objet unique) et le type d'investigations
que les pièces concernées peuvent susciter.
Concrétions : les sels insolubles
On peut enlever les concrétions mécaniquement et/ou chimiquement.
Mécaniquement : usure au scalpel, piquetage à l'aiguille, abrasion avec de petites
meules rotatives montées sur flexible ou à la microsableuse pour les concrétions
très volumineuses. Il est extrêmement difficile de ne pas endommager la surface de
l'objet et son examen sous binoculaire en cours et en fin de nettoyage montre
souvent des usures ou des raies consécutives à ces traitements. Le risque est d'autant
plus grand que les concrétions sont plus dures que l'objet (concrétions siliceuses
sur pâte tendre, par exemple) ou plus adhérentes au revêtement (engobe, glaçure)
que ce revêtement ne l'est au tesson... Dans ces cas, pas de méthode miracle : on
peut essayer de ramollir, voire d'éliminer, les dépôts chimiquement ou encore
chercher à améliorer l'adhérence revêtement-tesson en infiltrant un fixatif ; on peut
surtout rechercher un compromis (amincissement partiel des concrétions, nettoyage
réduit aux tranches des fragments jointifs, etc.) pour limiter les risques.
Chimiquement : devant des composés insolubles ou très faiblement solubles à
l'eau et dans les solvants organiques, seuls des agents susceptibles de les transformer
en complexes solubles (notion exposée chap. V) ou de réagir chimiquement avec
eux pour former de nouveaux composés solubles ou volatils sont utilisables.
Les acides ont été et sont encore largement utilisés, en particulier pour les
concrétions essentiellement constituées de carbonate de calcium ou cimentées par
lui. Les plus souvent cités sont les acides chlorhydrique, nitrique, acétique et
formique, utilisés à des dilutions variées selon les conservateurs (10 à 20 % le plus
souvent), en bain ou en application locale. Ils n'ont malheureusement pas la vertu
de distinguer spontanément les dépôts à éliminer et le contenu calcaire de la
céramique elle-même.
Les complexants, susceptibles de se lier aux ions métalliques (calcium, magnésium,
aluminium, fer) pour former des complexes solubles sont aussi employés, par bain
ou en compresse, parfois à chaud. Les plus souvent cités sont l'hexamétaphosphate
de sodium (calgon) et les sels sodiques de l'acide éthylènediamine tétraacétique
(EDTA) ; ces complexants sont parfois couplés avec un autre agent, l'hydrogénocar-
bonate d'ammonium (bicarbonate d'ammonium).
Ces produits sont utilisés de façon bien codifiée et il n'est pas recommandé de « bricoler »
avec. Par exemple, une procédure connue consiste à opérer en deux temps : un bain court
(une demi-heure) dans une solution de tétraoxodisulfate de sodium (hydrosulfite de sodium)
à 10 %, suivi d'un rinçage et d'un bain prolongé (plusieurs heures) et à chaud dans une
solution à 10 % d'acide diéthylènetriamine pentaacétique (DTPA), à un pH spécifique selon
les ions que l'on veut complexer, entre 7 et 9 pour le fer, plus alcalin pour le calcium.
Le mélange AB57, mis au point pour le nettoyage des peintures murales (voir
chap. VIII) est parfois utilisée sur les céramiques, notamment en Italie. Les
complexants, utilisés aussi au nettoyage des verres et des vitraux, semblent avoir
une action moins drastique et plus facile à régler que les acides. Ils peuvent faciliter
le nettoyage mécanique.
Très peu de recherches ont été publiées concernant l'effet éventuel de ces
nettoyages chimiques sur le matériau céramique lui-même, les verres et les glaçures.
Quelques articles font état de leur mise en œuvre et des résultats obtenus dans le
traitement de certains objets (par exemple Gibson, 1971). On peut avancer les
remarques suivantes :
— au risque de lixiviation de certains composants des pâtes et des glaçures (plomb,
fer, par exemple) par les complexants, on doit ajouter celui de la dissolution de la
fraction calcaire des céramiques et l'impact mécanique du dégagement de CO2
produit par certaines attaques acide (HCI, notamment). Même une céramique
originellement très pauvre en calcaire peut être affectée par l'effervescence produite
dans ses pores par la réaction de l'acide avec le carbonate de calcium « secondaire »,
issu de l'environnement. On recherche donc une action aussi superficielle que
possible, d'autant plus difficile à obtenir que le matériau est plus poreux ; il semble
qu'une application ponctuelle (compresse, goutte) sur une céramique préalablement
saturée d'eau aide à réduire la quantité et la concentration des solutions qui
pénètrent dans l'objet ;
— le rinçage des objets après traitement doit être minutieusement conduit et
contrôlé : pH et conductivité des dernières eaux de rinçage. Les sels solubles
produits lors de ces nettoyages chimiques doivent être éliminés ;
— la manipulation des acides doit tenir compte des règles de sécurité parfaitement
codifiées que ces produits imposent, et quiconque les ignore doit s'abstenir de leur
utilisation.
Les taches
Les produits colorés responsables des taches ont migré dans les pores de l'objet :
ils sont inaccessibles au nettoyage mécanique et leur élimination n'est en général
envisageable que par voie chimique. Ces produits peuvent témoigner de l'histoire
de l'objet avant abandon ; ils ne représentent pas un danger pour l'objet ; il y a
parfois une alternative sans risque à leur élimination pour des raisons purement
esthétiques : le maquillage... Ajoutons qu'un très grand nombre des produits utilisés
pour les solubiliser, les transformer en composés solubles ou incolores le sont sans
que nous ayons une idée précise de leur effet éventuel sur les objets. Ceci devrait
conduire à limiter le nettoyage des taches (et sur bien d'autres matériaux que la
céramique, d'ailleurs).
La liste des taches rencontrées et des produits utilisés par les uns ou les autres
est très longue et comprend quelques fantaisies dangereuses. Nous n'évoquerons
ici que quelques exemples.
Les tâches noirâtres laissées par certains composés organiques (et par l'activité
de certains microorganismes) peuvent parfois être éliminées (ou atténuées) par
application sur l'objet d'un solvant, la solution étant immédiatement extraite par
des compresses absorbantes. Elles sont souvent décolorées par des oxydants
puissants comme l'eau oxygénée à 20 % additionnée de quelques gouttes d'ammo-
niaque. L'objet est ensuite soigneusement rincé. Le même procédé utilisé par erreur
sur une tache d'origine métallique peut en aviver la couleur et en réduire la
solubilité...
Les taches de rouille (brun rougeâtre) sont attaquées avec acharnement par une
grande panoplie de restaurateurs et de réactifs. Il est vrai qu'avec le développement
de l'archéologie des périodes modernes, les trouvailles de faïence, faïence fine,
porcelaine tendre, etc. se multiplient : ces pâtes blanches, richement décorées,
supportent mal l'envahissement par la rouille et notre œil, habitué aux pièces
comparables des collections historiques, est sensibilisé à leur esthétique.
Les produits les plus souvent cités sont des acides (acide oxalique, orthophospho-
rique, chlorhydrique, citrique), des réducteurs (tétraoxodisulfite de sodium), des
complexants (EDTA, DTPA). Notre expérience personnelle, limitée aux deux
premiers produits cités, a souvent été décevante. Nous ne connaissons pas d'étude
comparative publiée, mais H.W.M. Hodges (Hodges, 1986) rapportant des travaux
inédits menés à l'Université de Queen (Canada) oriente ainsi la marche à suivre :
réduire les composés ferriques en composés ferreux à l'aide de tétraoxodisulfite de
sodium et les éliminer avec un complexant, phosphate de sodium ou citrate de
sodium. Certains laboratoires canadiens et anglo-saxons procèdent ainsi avec un
autre complexant, l'EDTA, et semblent obtenir des résultats satisfaisants.
Des recherches françaises ont récemment porté sur la mise au point d'une
méthode de nettoyage électrolytique des oxydes de fer imprégnant les céramiques
archéologiques (Lacoudre, 1987). Dans cette méthode, les objets étant non
conducteurs de l'électricité, ce sont les taches d'oxyde qui sont polarisées au contact
d'une électrode double et concentrique (sorte de « pinceau électrolytique »). Le
procédé est encore relativement expérimental, bien que de très bons résultats aient
été obtenus (notamment sur des porcelaines tendres et des faïences).
La nature de l'électrolyte employé pourrait cependant faire obstacle à sa généralisation.
Le bain électrolytique, très alcalinisé (soude ou potasse), comporte en effet des ions cyanure
comme complexant du fer. Si l'on connaît bien les dangers liés à la manipulation des
bains cyanurés, il faut imaginer leur majoration dans la plupart des laboratoires de
conservation-restauration (où nous travaillons dans des conditions non contrôlées et avec
une formation souvent très insuffisante en matière de prévention des risques toxicologiques).
Les colles
Les colles utilisées sur les chantiers sont en général du type « colle universelle »,
c'est-à-dire parfois des nitrates de cellulose, plus souvent des acétates de polyvinyle
en solution, dans des tubes du commerce prêts à l'emploi. Ces colles conservent
une bonne solubilité dans des solvants comme l'acétone. Les objets à décoller
peuvent être exposés, dans un récipient clos ou un sac de polyéthylène fermé, aux
vapeurs de ce solvant, jusqu'à détachement spontané des différents fragments
(prévoir leur chute en disposant correctement l'objet afin d'éviter toute casse
supplémentaire !). Le nettoyage des résidus de colle s'effectue au scalpel et à
l'aiguille, éventuellement avec un peu de solvant déposé à la pipette ou avec une
gaze. On contrôle parfois l'état des tranches et l'avancement du travail sous
binoculaire, notamment pour les fragments de verre à parois fines, dont l'ajustement
ultérieur serait facilement compromis par la moindre trace de colle oubliée ou la
moindre perte de matière. Lors du décollage des céramiques tendres et altérées, le
film de colle se détache souvent en entraînant une pellicule de matière. Ceci est
pratiquement inévitable et rend l'ajustement des fragments définitivement moins
précis (photo 7). On peut aussi rencontrer des collages malheureusement effectués
aux époxy dont la reprise est encore plus difficile. Les joints de colle peuvent
Consolidation et refixage
On consolide les objets céramiques et les verres très altérés, friables ou desquamés,
pour leur permettre de retrouver un minimum de cohésion et pour préserver ainsi
l'intégrité de leur forme. On les consolide aussi parfois pour les rendre capables de
supporter les contraintes auxquelles le nettoyage, le remontage et le rebouchage
des manques vont les soumettre. Lorsque la consolidation doit précéder le nettoyage,
elle pose des problèmes particuliers qui seront brièvement abordés en conclusion.
La consolidation par imprégnation d'une résine synthétique est aujourd'hui
partout employée. Dans une consolidation d'ensemble, on cherche à imprégner
uniformément tout le matériau céramique, en remplissant au maximum les pores
accessibles avec le consolidant. On parle de refixage lorsque la partie à consolider
est superficielle : rétablissement de l'adhérence et/ou de la cohésion d'une engobe,
d'une glaçure, d'une couche de peinture pulvérulente ou écaillée. La préparation
au collage peut conduire dans certaines situations (que nous verrons plus loin) à
des consolidations limitées aux tranches des fragments à assembler. De même, on
peut essayer par une infiltration locale de consolidant de stabiliser des fels et des
fissures pour empêcher leur évolution vers une cassure vraie.
Nous disposons pour ces traitements d'une gamme de produits et de techniques
somme toute limitée. Voyons les plus couramment employés.
Les produits sont presque toujours des résines synthétiques de type thermoplastique,
en solution dans un solvant organique (cf. Aide mémoire n° 5 et 6). On emploie
surtout dans la famille des vinyliques, les acétates de polyvinyle (Rhodopas,
Mowilith) et dans la famille des acryliques, un copolymère d'acrylate de méthyle
et de méthacrylate d'éthyle, le paraloïd B 72. L'utilisation de ce produit tend à se
généraliser, parce qu'il est un des mieux connus et des mieux « classés » du point
de vue de la stabilité dans le temps (classe « A » de R. L. Feller, regroupant les
produits d'une très longue durée de vie : Feller, 1975 et 1978). Les acétates de
polyvinyle sont aussi sous cet angle de « bons produits ».
D'autres acryliques sont aussi utilisables, par exemple le paraloïd B 67, méthacrylate
d'isobutyle, ou le plexisol P 550, peut-être un méthacrylate de n butyle (Horie, 1987), mais
ces produits ont été moins étudiés. Nous sommes en permanence tributaires d'une information
sur les produits souvent difficile à réunir et à tenir à jour (nous y reviendrons). Même une
résine aussi « sûre » que le paraloïd B 72 a, semble-t-il, dans le passé changé légèrement de
composition sans que les utilisateurs en soient informés (De Witte, 1978). D'une manière
générale, nous pensons qu'il est raisonnable de travailler avec une petite gamme de produits
suivis, bien connus, qu'on a l'habitude de manier et dont on peut par conséquent exploiter
au mieux les possibilités, plutôt que de jongler en permanence avec une grande gamme moins
bien maîtrisée. Et lorsqu'on sait ne pas pouvoir obtenir l'effet escompté avec ces produits
« standard », on s'aventure à la recherche d'une autre solution, avec l'aide de la bibliographie,
celle des collègues et des laboratoires de recherche.
N o u s r e c o n n a i s s o n s là les p r o d u i t s cités a u c h a p i t r e p r é c é d e n t et utilisables p o u r
m e n e r s u r le t e r r a i n des c o n s o l i d a t i o n s urgentes. M a i s s u r le c h a n t i e r , l ' h u m i d i t é
des objets et des s é d i m e n t s q u ' i l est parfois impossible o u d a n g e r e u x d ' a s s é c h e r ,
ainsi q u e la sécurité des p e r s o n n e s , i m p o s e n t s o u v e n t de véhiculer le c o n s o l i d a n t
avec de l ' e a u ; ce s o n t alors des résines voisines s u r le p l a n c h i m i q u e qui s o n t
e m p l o y é e s , m a i s en é m u l s i o n o u e n d i s p e r s i o n colloïdale d a n s l'eau ( c o p o l y m è r e s
acryliques : g a m m e des P r i m a i , Plextol ; acétates de polyvinyle : certains M o w i l i t h ,
Vinavil, etc.). L ' a l c o o l polyvinylique ( R h o d o v i o l ) , u n e des rares résines s y n t h é t i q u e s
solubles d a n s l'eau, est e n c o r e b e a u c o u p utilisé m a i s il p r é s e n t e c e r t a i n s inconvé-
nients, c o n n u s d e p u i s l o n g t e m p s , c o m m e s o n h y g r o s c o p i c i t é d a n s des a m b i a n c e s
h u m i d e s , ses r é a c t i o n s avec certains s u b s t r a t s , sa perte de solubilité a u vieillissement.
Les particules de polymère émulsifiées sont de taille importante : ceci limite la pénétration
des résines, surtout dans les matériaux où dominent les micropores et les capillaires. En
revanche, comme c'est la taille des particules qui importe et non celle du polymère, on peut
émulsifier des résines de grande masse molaire à des concentrations assez élevées (plus de
20 % et jusqu'à 70 %), sans atteindre la viscosité qu'elles présenteraient en solution. Les
émulsions sont souvent réalisées et stabilisées grâce à de nombreux additifs qui restent dans le
matériau imprégné et modifient les propriétés de la résine après séchage (De Witte et al., 1984 ;
Howells et al., 1984) ; certains d'entre eux notamment lui confèrent une certaine sensibilité à
l'eau et à la vapeur d'eau. Enfin les émulsions sont stables à des pH précis, parfois éloignés
de la neutralité, et le conservateur devrait systématiquement s'informer du pH des émulsions
qu'il utilise (ainsi les émulsions vinyliques — colles blanches — ont souvent un pH acide,
entre 4 et 6). Les dispersions colloïdales offrent de meilleures propriétés, car les agrégats
dispersés sont de toute petite taille (mesurable en centièmes de micromètre), ce qui leur
confère une meilleure mobilité. Peu de résines se présentent sous cette forme ; les copolymères
acryliques (Primai WS), dispersés avec peu d'additifs grâce à leurs groupements polaires,
ont depuis quelques années de chauds partisans (Koob, 1978, 1984), pour lesquels elles
présenteraient des propriétés intermédiaires entre émulsion et solution et des avantages
empruntés aux deux.
En solution, les résines sont dispersées dans le solvant à l'échelle moléculaire, c'est donc la
taille des macromolécules du polymère qui commande leur capacité de pénétration dans les
pores du matériau à imprégner ; mais on ne peut atteindre des concentrations en résine aussi
importantes que dans les émulsions. La viscosité d'une solution dépend de la viscosité propre
du solvant, de la taille des molécules de la résine, et de la concentration. Choix du solvant,
choix de la résine et de sa masse molaire, choix de la concentration ; il est possible de manier
un peu ces différents éléments pour essayer d'adapter la consolidation à chaque situation
(porosité de l'objet, état d'altération, degrés de pénétration, d'induration et de cohésion
recherchés). D'autre part, si les émulsions que nous utilisons sont réalisés industriellement,
nous pouvons fabriquer nous-même la plupart des solutions qui nous intéressent, et par
conséquent travailler sans additif inconnu. Pour ces raisons, on préfère en laboratoire, où
l'on dispose des moyens et du temps nécessaires au séchage contrôlé des objets, utiliser des
solutions ; sur le chantier au contraire les émulsions et les dispersions aqueuses offrent les
avantages de leur maniabilité et de leur non-toxicité. Mais seules les émulsions et dispersions
acryliques semblent présenter une bonne compatibilité avec les solutions acryliques ultérieure-
ment utilisables pour reprendre en laboratoire une première consolidation de chantier.
D'autres produits sont occasionnellement employés pour consolider les cérami-
ques, comme les esters de silice, les époxy, les polyesters et les méthacrylates, plus
souvent utilisés sur d'autres matériaux (pierre, peintures murales). Ils peuvent
répondre à des situations exceptionnelles, que nous évoquerons plus loin.
Les techniques habituellement employées pour faire pénétrer ces produits sont :
badigeonnage au pinceau, pulvérisation, infiltrations et injections à la seringue,
immersion complète, trempage partiel et migration par capillarité (fig. 4), immersion
avec passage sous vide (fig. 5). Ces deux derniers procédés sont ceux qui assurent
les meilleures chances de pénétration en profondeur.
Conséquences optiques
L'aspect des matériaux imprégnés est souvent modifié par le consolidant, quel
qu'il soit. Lorsque certaines zones limitées ont été consolidées, elles se trouvent
ainsi soulignées de façon désastreuse.
Les effets de brillance peuvent être très gênants sur les céramiques mates auxquels
ils apportent une apparence lustré pour le moins ambiguë. Ces « brillances » sont
dues à la formation superficielle d'un film de résine, qui se superpose aux minuscules
irrégularités de la surface du matériau, les épouse et en comble les creux : une
petite partie de la lumière reçue est donc réfléchi symétriquement par ce film lisse
de résine comme elle le serait par un miroir, le modèle parfait de la réflexion
spéculaire, et la surface brille. Lorsqu'elle était au contraire renvoyée dans de
multiples directions par tous les micro-reliefs d'une surface irrégulière, la lumière
ainsi dispersée faisait apparaître cette surface comme mate.
Plus on ralentit l'évaporation du solvant, et plus ce phénomène risque de se produire, car
les molécules de résine conservent alors pendant un temps assez long une viscosité suffisante
pour s'étaler en remplissant les creux de la surface. Il faut aussi que la quantité de résine
déposée à la surface permette la formation, au moins par endroits, d'un film continu, ce qui
peut arriver facilement pour des solutions concentrées. Il est ainsi difficile d'obtenir un effet
mat avec du paraloïd B72 à plus de 10 % et passé au pinceau, par exemple. Pulvérisée en
petite quantité et en très fines gouttelettes, la même solution peut donner un résultat optique
différent, car la résine est alors déposée de façon discontinue. Mais certaines résines sont
aussi plus « brillantes » que d'autres et cela tient au type et au degré d'organisation que leurs
macromolécules adoptent lors du durcissement. Il faut ici se souvenir que, mises en œuvre
différemment, beaucoup des résines utilisées en consolidation peuvent servir aussi bien à la
fabrication d'adhésifs qu'à celle de vernis.
Liés à l'état de surface de l'objet consolidé, ces effets ne peuvent être corrigés
que par des retraitements de surface, par exemple le nettoyage superficiel de l'objet,
avec un des solvants de la résine utilisée, imbibant un tampon d'ouate ou un coton
tige. Sur des surfaces fragiles avant consolidation, ces reprises doivent être tentées
avec beaucoup de précautions.
L'assombrissement fréquent des céramiques consolidées ne peut être complète-
ment évité. Les pores qui étaient remplis d'air se trouvent plus ou moins comblés
par la résine et, même si elle est incolore et transparente, celle-ci a un tout autre
indice de réfraction : comment s'attendre à ce que le matériau imprégné ne
subisse aucune modification optique ? Nous voyons grâce à l'assombrissement la
progression de l'eau dans un pot de fleurs mis à tremper... Les résines que nous
utilisons sont optiquement plus proches de l'eau que de l'air. Seuls les objets
globalement peu imprégnés (très peu poreux ou consolidés à de très faibles
concentrations), ou encore désimprégnés sur une petite épaisseur par succion du
consolidant dans une compresse absorbante imbibée de solvant, échappent à cet
assombrissement. Mais rares sont les objets qui peuvent réellement se satisfaire
d'une consolidation ainsi limitée, à moins qu'ils ne soient justement des victimes
de la « consolidomanie » qui nous guette tous, ou consolidations abusives par excès
de prudence...
Beaucoup de céramiques ont été peintes, ou ont reçu un complément de décor
après cuisson et on peut rencontrer sur les matériaux céramiques des décors mats,
pulvérulents ou très peu adhérents, dont il est pratiquement impossible de ne pas
modifier un tant soit peu l'aspect lors du refixage : blanc de chaux, craie, kaolin
cru, latérite rouge, terres ocres... Ce problème, le refixage des tracés ou des couches
de couleur pulvérulentes, est familier aux restaurateurs de documents graphiques
(Flieder, 1981) ou d'objets ethnographiques (Guillemard, 1987). On peut leur
emprunter certains produits, comme les éthers de cellulose (par exemple le Klucel
G, hydroxypropyl cellulose, soluble à la fois dans l'eau et dans l'éthanol) qui
provoquent un assombrissement très modéré. On doit surtout adopter leurs
réflexes : la réaction des pigments aux résines et aux solvants utilisés est souvent
imprévisible et il est utile de tester chaque plage de couleur avant de se lancer dans
le traitement d'un objet ou d'une série d'objets.
Dans certains refixages particuliers, celui des glaçures matifiées et opacifiées par
l'altération, la nouvelle continuité de la matière apportée par le consolidant peut
au contraire produire un effet recherché : amélioration de la lecture des motifs et
de l'éclat et de la brillance des couleurs.
Dans les imprégnations classiques que nous venons de décrire, les résines
introduites ne remplissent généralement pas tous les pores de l'objet : il suffit que
leur distribution soit assez homogène et leur pouvoir adhésif assez grand pour
rétablir une certaine cohésion entre les grains trop peu liés des céramiques altérées
ou cuites à très basse température, et la consolidation obtenue est satisfaisante.
Dans d'autres cas, on recherche une sorte d'imperméabilisation de l'objet, par
exemple s'il contient des sels solubles impossibles à éliminer.
Les objets qui doivent être consolidés avant de pouvoir subir un nettoyage
constituent une autre situation particulière.
Pour les premiers, on a longtemps utilisé la cire, la paraffine ou les cires
microcristallines, appliquées à chaud (par immersion) ou en solution (badigeon).
Leurs inconvénients (bas point de fusion, empoussiérage, modifications optiques)
ont conduit à la recherche de nouveaux produits, bien que leur efficacité à faire
barrière aux échanges d'humidité soit avérée. Les solutions de rechange ne sont
pas légion, il faut bien le reconnaître : n'en font pas partie en particulier les
imprégnations « classiques » aux résines synthétiques décrites plus haut, qui font
courir aux objets infestés de sels solubles des risques considérables (formation en
surface d'une couche mieux imprégnée mais pas imperméable aux échanges gazeux,
que les mouvements sous-jacents des sels risquent à terme de désolidariser du reste
de l'objet). Dans un domaine voisin de la céramique, la pierre, des imprégnations
totales, visant à obturer tous les pores du matériau ont été proposées. Les
applications de ces méthodes radicales à la céramique sont rarissimes (quelques
exemples de céramiques architecturales), et elles ne constituent pas en pratique une
alternative satisfaisante aux anciens procédés.
Nous évoquons ici, entre autres, les imprégnations aux résines acryliques introduites sous
la forme de monomères (petites unités capables de bien pénétrer), sous vide, puis éventuellement
sous pression, et dont la polymérisation est initiée in situ par un apport d'énergie sous forme
de chaleur (Wihr, 1986) ou de rayons gamma (rayonnements hautement énergétiques et très
pénétrants émis par une source radioactive). En France particulièrement, des recherches
importantes ont été menées avec succès au Centre d'Etudes Nucléaires de Grenoble sur
l'utilisation en conservation des résines « radiodurcissables », notamment styrène-polyesters,
mais leur meilleur champ d'application semble bien être les bois gorgés d'eau (voir chap. VI),
éventuellement certaines roches très dégradées.
Il est intéressant de noter que le développement de l'ensemble de ces techniques se heurte
à deux obstacles contradictoires : d'une part le coût des investissements et recherches qu'elles
supposent avant d'être opérationnelles ; d'autre part la suspicion qu'elles engendrent, une
fois ces préliminaires franchis, tant on craint que le souci de « rentabilisation » induit par ces
coûts ne pousse à des applications injustifiées.
Bloquer les sels dans une céramique (comme dans tout autre matériau poreux)
de manière par ailleurs acceptable (compatibilité, réversibilité au moins au
« deuxième » degré — permettre une réintervention ultérieure) semble donc
aujourd'hui encore une gageure. On peut alors essayer de consolider les objets très
altérés sans faire obstacle à leur dessalage ultérieur, ce qui ramène au cas général
des céramiques qui nécessitent ce traitement avant tout nettoyage. Le produit idéal,
qui consoliderait le matériau sans renforcer l'adhérence et la dureté de ce que l'on
veut nettoyer et sans faire obstacle au passage des sels solubles à éliminer, n'existe
pas. Le nylon soluble en a longtemps fait office (Unesco, 1969), avant d'être
condamné pour son mauvais comportement au cours du temps (Sease, 1981). Il
nous reste des solutions approximatives : consolidations « légères », pour renforcer
l'objet sans l'imperméabiliser ni durcir trop les produits à enlever ; et quelques
espérances dans des produits relativement nouveaux en conservation, comme les
silicates d'éthyle, susceptibles d'améliorer la cohésion interne des céramiques sans
modifier trop fortement leur porosité.
Ces derniers consolidants, seuls ou couplés avec des acryliques, font l'objet de
nombreuses expérimentations depuis quelques années. Ils réservent encore quelques
surprises (compatibilité variable avec les adhésifs employés sur l'objet, par
exemple), quelques gros inconvénients (toxicité, coût) et quelques inconnues
(vieillissement en conditions « réelles »). Mais les résultats qu'ils permettent
d'obtenir sur des matériaux jusqu'ici extrêmement problématiques (argile crue,
plâtre, minéraux liés à la chaux, par exemple) permettent de comprendre le fait
que leur utilisation soit de plus en plus fréquente (voir par exemple Tubb, 1987).
Peut-être n'est-il pas inutile d'évoquer ici une dernière possibilité : celle qui
consiste à faire subir aux céramiques altérées et réputées « mal cuites » une
recuisson, après laquelle elles sont en mesure de supporter les nettoyages, dessalages,
et autres traitements qu'on souhaite leur appliquer. Ces opérations, outre qu'elles
comportent de grands risques (claquage, changement de couleur, etc.) aboutissent
évidemment à produire après traitement un matériau nouveau. La méthode
s'applique depuis longtemps, et encore aujourd'hui, aux objets d'argile crue comme
les tablettes (Organ, 1961) : on l'admet en l'absence d'autres solutions bien
éprouvées, et sachant que l'essentiel à conserver dans ce cas est le texte gravé et
non pas son support. Mais la recuisson des céramiques, sauf cas exceptionnel (par
exemple le traitement de céramiques noircies à la suite d'un incendie ; Davison,
Harrison, 1987), n'est pas un traitement de conservation, au sens où nous entendons
ce mot, puisqu'elle transforme le matériau et constitue une sorte de contresens par
rapport à son histoire technologique.
Tri des tessons et premier remontage des céramiques sont souvent entrepris sur
le chantier. Certains remontages sans colle, stabilisés par du ruban adhésif, peuvent
suffire s'il s'agit de photographier l'objet et de dessiner son profil. Il est ensuite
rapidement démonté et les fragments stockés dans des sachets. Mais si l'on veut
manipuler les objets pour étude, ou se prémunir contre tout risque de perte ou de
mélanges des fragments, le collage reste encore la meilleure solution, même s'il
n'entre pas dans un programme de restauration à proprement parler. Il n'est pas,
lui, sans conséquence : si l'objet doit être restauré ultérieurement, tout collage
« imparfait » devra être repris, moyennant certains risques.
Cela ne veut pas dire qu'un bon collage soit l'apanage des seuls spécialistes de
la restauration. Cela implique seulement qu'on évite sur le chantier les recollages
intempestifs « pour voir vite » ou pour « s'essayer à » (certaines personnes ont
l'habileté, l'habitude et le goût de ce travail, d'autres pas), et qu'on se cantonne
strictement à des colles avérées facilement réversibles.
Certaines observations (description de la pâte, mesures d'épaisseurs, détails
visibles à l'intérieur des objets, etc.) doivent bien sûr être notées avant le remontage.
Dans l'idéal, tout collage (qu'il soit ou non de chantier) doit être conçu à la fois
pour durer et pour pouvoir être repris sans dommage pour l'objet dans un avenir plus
ou moins lointain. Objectifs difficiles à concilier, on s'en doute...
Le succès immédiat et à long terme d'un collage dépend à la fois de l'adhésif
retenu et de sa mise en œuvre. Ce dernier point (ordre du remontage, propreté des
tranches, etc.) est décrit dans le chapitre suivant consacré au verre : les dispositions
à prendre sont identiques. Nous n'ajouterons que quelques remarques spécifiques
au matériau céramique.
Les adhésifs
De nombreux produits ont été et sont encore employés au collage des céramiques
(Davison, 1984).
La majorité des céramiques archéologiques peuvent être collées avec les adhésifs
commerciaux évoqués plus haut, en solution assez visqueuse, prêts à l'usage dans
de petits tubes d'utilisation facile (UHU, Scotch, Seccotine, Soude-grès, etc.). Les
nitrates de cellulose, bien qu'employés depuis plusieurs décennies sans incident
notable rapporté (publié ou de bouche à oreilles) ont été vigoureusement condamnés
ces dernières années : leur instabilité est théoriquement avérée (Koob, 1982 ;
Selwitz, 1988). S'il faut y renoncer, on peut se tourner vers les acétates de polyvinyle,
mais comment deviner le contenu d'un tube de colle si le fabricant ne l'indique
pas ? Les analyses publiées sont rares (De Witte, 1986), mais elles confirment que
les résines cellulosiques sont encore (ou étaient au moins il y a peu) assez fréquentes
dans les colles du commerce (Bindulin, Cementit). Les conclusions des tests de E.
de Witte sont par ailleurs plutôt navrantes sur les performances à long terme de
la plupart de ces « colles universelles », quelle qu'en soit la (ou les) résine de base...
On sait enfin que se trouvent distribués sous le même nom dans différents pays
des produits différents... : autant de raisons pour réserver ces colles aux travaux
rapidement entrepris sur le chantier de fouilles.
Reste, en laboratoire, à fabriquer soi-même un adhésif, à base d'acétate de
polyvinyle (Rhodopas M 60), ou mieux à base de paraloïd B72 (Koob, 1986) ce
qui semble être une des meilleures solutions aujourd'hui disponibles.
Il y a eu en France, à la suite d'un article publié dans la revue The Conservator sur
l'instabilité des nitrates de cellulose (Koob, 1982), une sorte d'effet de mode un peu exaspérant.
Les restaurateurs « informés » ont abandonné aussitôt ces produits sans qu'une solution de
remplacement ait été vraiement réfléchie : les acétates de polyvinyle ? Ils ne peuvent être
employés en toutes circonstances, à cause de leur température de transition vitreuse très basse.
En outre ceux qui sont commercialisés en dispersion aqueuse (colles blanches) contiennent
un grand nombre d'additifs qui rendent leur vieillissement incertain, peut-être pas toujours
meilleur que celui des cellulosiques... En climat vraiment chaud, même le paraloïd pose
problème.
Avec un peu plus de recul, et au vu de travaux qui complètent et confortent les informations
données par S. Koob (Selwitz, 1988), il semble effectivement souhaitable d'écarter les
cellulosiques quand c'est possible. Il n'y a pas lieu malgré tout de cauchemarder en songeant
à l'effondrement théoriquement imminent des céramiques collées aux cellulosiques qui
remplissent nos dépôts depuis vingt ou trente ans, et dont la stabilité, en conditions réelles,
semble (pour une fois !) meilleure que prévu. Au moins ces collages pourront-ils être nettoyés
et refaits sans trop de difficultés. Puissent les nôtres en faire autant et durer un peu plus
longtemps... !
L a mise en œuvre
Un rebouchage au moins partiel doit alors être envisagé pour les conforter, avec
une des techniques utilisables au comblement des lacunes.
M a t é r i a u x et techniques du rebouchage
Une des méthodes les plus anciennes (peut-être aussi une des plus admirables
techniquement) consiste à reboucher la céramique avec de la céramique. Certaines
pièces restaurées au xixe siècle recèlent de véritables prouesses : tessons façonnés
à la dimension exacte des manques, malgré les difficultés occasionnées par le retrait
de l'argile employée au séchage et à la cuisson... Ce type de travail, surtout motivé
par le souci d'une réparation discrète, n'est plus guère entrepris aujourd'hui. On
doit mentionner toutefois la réapparition du procédé, dans un souci cette fois de
durabilité et de compatibilité optimale entre les différentes parties qui composent
un objet restauré (Andreeva, Tcheremkhin, 1980). La technique décrite reste
séduisante, et les arguments pour y recourir ne sont pas sans poids. Elle apparaît
cependant assez peu généralisable, en raison du temps et des équipements que
suppose sa mise en œuvre.
Photo 9
Photo 10
Photo 11
Photo 12
Le plâtre (plâtre de Paris) reste le recours le plus habituel (cf. Aide mémoire
n° 2). Il n'offre pas une très grande résistance mécanique, mais elle suffit à la
plupart des céramiques archéologiques. Sa densité, son coefficient de dilatation
thermique (Barov, Lambert, 1984) en font un des matériaux de comblement les
plus compatibles avec la céramique. Il est sensible à l'humidité, mais dans des
conditions correctes de stockage, ceci ne pose pas problème et assure même, le cas
échéant, une possibilité de faciliter la réversibilité surtout mécanique de ces
rebouchages, en les affaiblissant avec de l'eau.
L'empreinte du profil de l'objet est prise sur une partie conservée à l'aide d'une
plaque de plasticine (ou cire dentaire), qui est ensuite reportée sous la partie
lacunaire (voir photo 11). Du plâtre est coulé dans la lacune, en léger excès, puis
travaillé rapidement dans le frais pour être mis au niveau et au profil convenables.
Après la prise, la plasticine est retirée et le rebouchage éventuellement poncé à sec.
Ce schéma général peut comporter quelques variantes :
— le plâtre est teinté avant utilisation à l'aide de pigments. Le mélange doit être
parfaitement homogène (tamisage), et les pigments très bien broyés. En quantité
trop importante, ils gêneront la prise du plâtre, il est donc difficile d'obtenir ainsi
une teinte sombre. Le mélange des poudres n'a pas tout à fait la couleur du
rebouchage sec : il faut ajuster le ton en observant de petits échantillons après leur
prise. Enfin, il faut préparer la quantité de plâtre teinté nécessaire à tous les
manques de l'objet (on ne refait jamais deux mélanges parfaitement identiques) ;
— une reprise du ton, de la texture, éventuellement des décors est effectuée sur le
plâtre, teinté ou non, après l'avoir isolé (peinture acrylique, au pinceau ou à
l'aérographe, pigments délayés dans de la colle blanche, dans du paraloïd, couleurs
maïmeri, etc.) (photos 14 et 15).
— le plâtre est renforcé en incorporant à l'eau de gâchage quelques gouttes de colle
blanche (PVAC en émulsion dans l'eau), ou en le consolidant après durcissement
(paraloïd B72). Ceci peut éventuellement compenser l'affaiblissement apporté par
la charge inerte que constituent les pigments ;
— le rebouchage, teinté, n'est pas réalisé en continuité avec le niveau de la
céramique, mais en léger retrait, uniforme et bien net, par rapport à la surface des
tessons. Nous avouons une prédilection pour ce compromis ; les parties conservées
se détachent des autres sans ambiguïté (elles sont en quelque sorte « au premier
PHOTOS 14 et 15. — Mise en teinte d'un rebouchage au plâtre (peinture acrylique).
(Céramique provenant de la ferme gauloise de Boisanne à Plouer sur Rance ; Fouilles dirigées
par Y. Menez, restauration Pascale Chantriaux).
plan »), tandis que le traitement des parties rebouchées gagne en liberté (ton moyen
de l'objet, ton légèrement plus clair, ton de la pâte et non de la surface du tesson,
etc.) (photo 16).
Si les manques sont très importants, ces rebouchages peuvent être exécutés en
plusieurs fois (on déplace le support de plasticine au fur et à mesure de la
progression du comblement). Les raccords, toujours visibles, devront être masquées
par une retouche de l'ensemble. Parfois l'utilisation d'un noyau d'argile, tourné à
la forme intérieure de l'objet, permet le rebouchage de céramiques très incomplètes
(fig. 6) et l'intégration dans le plâtre de tessons isolés dont l'emplacement est connu.
L'utilisation du plâtre implique quelques précautions : éviter la migration de l'eau
de gâchage dans les tessons poreux en les isolant (consolidation des tranches,
comme vu plus haut) ou en les imbibant d'eau ; protéger la surface de la céramique
des tâches de plâtre frais ou des particules projetées lors de son ponçage (ruban
adhésif posé sur les contours des manques ou latex posé au pinceau sur la surface
de l'objet) ; effectuer si possible ces rebouchages quand on a accès à leur deux
faces, intérieures et extérieures (donc parfois en cours de remontage, pour les
Le verre
M a r t i n e BAILLY
Composition du verre
La fabrication du verre nécessite la fusion entre 1 400 et 1 500 °C, d'un mélange
complexe de substances vitrifiantes, d'oxydes alcalins, et d'oxydes alcalino-terreux.
Différents adjuvants sont éventuellement ajoutés à cet ensemble, si l'on souhaite
obtenir un verre particulier. Ce mélange se ramollit progressivement sous l'effet de
la chaleur, en formant une pâte visqueuse que l'on parvient à mettre en forme entre
650 et 1 000 °C.
On sait (Foy, 1988) en effet que les verriers occidentaux utilisèrent les cendres
de « calis », végétaux riches en soude, pour fabriquer leurs verres. Ces plantes à
feuilles épineuses saturées de sel poussaient non seulement dans les déserts orientaux,
mais aussi sur l'ensemble du littoral méditerranéen. Selon leur richesse en sodium
et leur lieu d'origine, on les désigne sous le nom de « varech », « salsona »,
« salicornia », « roquette »...
A partir de la Renaissance, il semble que le sodium redevienne le seul fondant
utilisé.
Les éléments alcalins sont appelés « fondants », car bien qu'infusibles, ils se
combinent à la silice pour abaisser sa température de fusion (1 050 °C).
Leur présence permet d'augmenter l'étendue du palier de travail de la masse
vitreuse lorsque celle-ci passe de l'état liquide à l'état solide et que le verrier tente
de la façonner aux environs de 700 °C.
Malheureusement, ils diminuent la résistance chimique du verre en favorisant sa
solubilité dans l'eau.
Ce sont des éléments amphotères, dont la formule chimique est du type R203.
Les plus connus sont l'alumine (A1203), l'oxyde de bore (B203), l'oxyde de fer
(Fe203).
Prenons l'exemple de l'alumine :
— elle est introduite sous forme de mica ou de feldspath très pur, ou sous forme
d'alumine hydratée, obtenue à partir de la bauxite (A1203, 2H20) ;
— c'est un matériau très réfractaire qui fond aux alentours de 2 050 °C ;
— elle a tendance à augmenter la coloration des verres contenant du sesquioxyde
de fer ;
— elle permet d'éviter la cristallisation de la masse vitreuse au cours de son
refroidissement ;
— en faible quantité, elle augmente la résistance du verre ; en proportion plus
grande, elle la diminue.
La fonction des éléments amphotères est assez imprécise et varie selon qu'ils se
trouvent en défaut ou en excès.
L a d é c o l o r a t i o n a u m a n g a n è s e s e m b l e c o n n u e d è s le 1er s i è c l e ( B a r r e l e t , 1 9 8 5 ) ,
mais e m p l o y é e de f a ç o n b e a u c o u p plus s y s t é m a t i q u e à p a r t i r d u xvne.
L E S OPACIFIANTS
L e s o p a c i f i a n t s s u p p r i m e n t la t r a n s p a r e n c e d u v e r r e , la l u m i è r e n e t r a v e r s e p l u s
la p a r o i v i t r e u s e .
L e s o p a c i f i a n t s les p l u s c o n n u s s o n t , e n g é n é r a l , d e s o x y d e s t e l s q u e :
— l ' a n t i m o i n e (Sb203), s u r t o u t utilisé d a n s l'Antiquité, associé a u p l o m b o u a u
calcium ;
— l'oxyde d'étain (Sn02), employé au M o y e n Age ;
— l'oxyde de zinc ( Z n O ) ;
— la c e n d r e d ' o s .
La structure du verre
La structure correspond à un agencement relatif des atomes ou ions, sur des
distances de quelques angstrôms. Elle est déterminée par le volume et la taille des
éléments. Celle du verre est particulièrement complexe et encore discutée (Peyches,
1971). Nous n'en donnerons ici qu'une approche simplifiée.
ÉLÉMENTS FORMATEURS
Le motif structural de base pour un verre d'oxyde « classique » est la silice, de
formule Si02. Il constitue le squelette de la masse vitreuse.
La configuration géométrique de la molécule est liée au rapport des rayons
ioniques du cation et de l'anion. Elle a, dans le cas présent, une configuration
tétraédrique, donc tridimensionnelle. L'atome de silicium se loge dans la cavité
laissée au centre du tétraèdre formé par les quatre atomes d'oxygène. Les liaisons
Si - 0 établies sont fortes (106 kcal/g) (fig. 1).
FIG. 3. — Remplacement de Si02 par AIlO3 dans un verre de silicate de sodium (Scholze,
1980, p. 115).
M a t é r i a u x vitreux particuliers
F a c t e u r s internes
Rôle de l'eau.
MÉCANISMES DE LA CORROSION
1er stade de corrosion : l'adsorption.
Tout verre adsorbe plus ou moins d'eau à sa surface. Celle-ci forme une
mince pellicule, solidement accrochée par « ponts hydrogène » sur les hydroxyles
superficiels (fig. 4).
La pénétration de l'eau dans le réseau vitreux ne peut s'effectuer que par
l'intermédiaire du phénomène d'adsorption précédemment cité. A partir de là,
diverses attaques sont possibles.
Attaque acide
Le processus d'attaque de l'eau s'apparente à celui d'un acide.
— par rapport au squelette silicieux :
L'eau lessive en priorité les cations K+, Na+, puis Ca2+ qui sont remplacés dans
la masse vitreuse par les cations H+, afin que la neutralité électrique du verre soit
respectée.
Les éléments modificateurs lixiviés formeront avec l'eau, ou avec les éléments
environnants, différents sels, tels que les hydroxydes, les carbonates, les sulfates,...
Si la composition du verre est telle que le pourcentage d'oxydes alcalins solubles
est très élevé, le verre altéré ne sera plus qu'une couche de silice hydratée qui se
désagrègera totalement : c'est le cas de certains verres riches en plomb (Winter,
1982).
Dans les cas les plus courants, on obtient le résultat suivant (fig. 5) :
— si les éléments alcalins lixiviés sont enlevés par un renouvellement constant
d'eau, la formation d'une couche de silice hydratée et de verre riche en silice à la
surface du verre sain, peut être considérée comme « retardatrice » d'une plus ample
corrosion, car elle sépare le verre originel du contact direct avec l'humidité.
Ce n'est cependant pas une couche « protectrice » car la nouvelle surface formée
est poreuse : les ions H + sont d'une taille inférieure à celle des éléments alcalins
lessivés. Elle ne stoppe donc pas la poursuite de l'échange ionique avec le verre
inaltéré sous-jacent ;
— en revanche, si les sels alcalins ne sont pas totalement retirés, des ions OH-
peuvent subsister à l'état libre dans le gel de silice hydratée ; la corrosion évoluera
alors vers une attaque de type basique.
Ce processus sera encore amplifié si l'eau n'est pas, elle aussi, constamment
renouvelée : lorsqu'elle aura échangé ses protons H+ avec les éléments alcalins, elle
deviendra elle même basique et entretiendra l'attaque alcaline.
Attaque alcaline
L'attaque alcaline de l'eau est très différente de l'attaque acide, car elle ne porte
pas sur les éléments modificateurs du verre mais sur les liaisons fondamentales du
squelette siliceux
= Si - 0 - Si = + OH- -> = Si - 0 - + HO - Si =
Les liaisons Si-O-Si sont coupées. A terme, des anions silicatés solubles
(Na2Si03(Si02)n) se forment, on assiste à la dislocation totale du verre.
Ce type d'attaque progresse toujours en profondeur, par à-coups, et à des vitesses
variables. On la considère, de façon simplifiée, comme une fonction linéaire du
temps (l'attaque de type acide, plus lente, est, elle proportionnelle à la racine carrée
du temps) (Godron, 1976).
L'attaque s' accélére, encore, sur des verres fortement alcalins car ces derniers
présentent, déjà, dans leur structure de nombreuses ruptures du réseau siliceux. De
plus, la proportion des ions qui est lixiviée est très importante et augmente ainsi,
de façon notable, le pH à la surface de l'artéfact : le processus d'altération basique
est donc entretenu.
L'augmentation de pH est encore accrue, lors de l'alternance de cycles humidité/-
sécheresse. En effet, en phase sèche, l'eau s'évapore, la solution alcaline devient
très concentrée.
Nous schématiserons l'ensemble du processus d'altération par l'eau de la façon
suivante :
Verre + Eau-► Extraction d'alcalins Alcalins + Eau et gaz -^Formation de sels.
sont les symptômes d'une dégradation relativement faible du verre. Elles progressent
par strates, parallèles à la surface de l'objet, d'une épaisseur comparable à la
longueur d'onde de la lumière .
Croûtes d'altération (photos 3 et 4)
De nombreux verres archéologiques sont recouverts d'une croûte d'altération,
d'épaisseur variable. Cette pellicule est constituée de fines lamelles de silice amorphe,
transparente, ne contenant aucun ion colorant. Les teintes qui apparaîssent alors
sont dues à des phénomènes d'irisation où à des dépôts divers (oxydes métalliques,
poussières...).
La formation de ces strates semble étroitement liée à l'alternance des cycles
annuels humides et secs (Brill, 1961 ; Landford, 1977 ; Newton, 1971 ; Newton,
Shaw 1988 ; Winter, 1982).
Pendant la période d'humidité, l'eau pénètre la surface du verre, lixivie les
éléments alcalins et laisse une couche de silice amorphe partiellement dépolymérisée.
En période sèche, l'eau s'évapore, la silice tend alors à se rétracter en une couche
physiquement différente.
La succession de ces diverses couches peut être un élément de datation intéressant
pour l'archéologue : leur nombre est étroitement lié à la durée d'enfouissement de
l'artéfact. Il faut cependant ne pas trop espérer de cette méthode d'investigation :
d'une part, les couches formées sont si fines et délicates qu'elles peuvent être
aisément perdues, avant même que le verre ne soit exhumé ; d'autre part, leur
formation est, certes, liée à des variations climatiques cycliques mais correspond,
aussi, à un processus de dégradation physico-chimique constant.
La croûte formée peut prendre des allures très variées, progresser de façon
préférentielle des tranches vers le centre du tesson, suivre le décor, se présenter
sous forme de strates ou lamelles (photo 3), avancer par piqûres ou cratères
(photo 4). Nous ne donnons pas ici un inventaire exhaustif de toutes les allures de
corrosion, nous n'en fournissons pas non plus l'explication. Il semble, cependant,
que la manifestation de ces phénomènes soit liée à la composition du verre (comme
le paramètre Y précédemment évoqué) et la nature du sol d'enfouissement. Certains
auteurs (Weier, 1973) pensent que, dans un environnement acide, on rencontrera
plus facilement une corrosion par écailles car il y a formation d'une couche de
silice hydratée poreuse. En revanche, en milieu basique, l'altération sera beaucoup
plus uniforme car le squelette siliceux se voit directement attaqué.
Transpiration
Ce phénomène se produit sur des objets de composition très déséquilibrée,
comportant un pourcentage d'alcalins très élevé (plus de 20 %) et un pourcentage
d'alcalino-terreux très faible (moins de 5 %). On le rencontre fréquemment, non
exclusivement, sur des verres du XVIIe siècle, tandis que les verriers cherchaient la
composition du cristal.
Cette altération se traduit par une surface de verre, moite et embuée, où de fines
gouttelettes de liquide se forment.
La solution apparue est fortement basique. Elle résulte de la combinaison des
ions alcalins lixiviés, et du film d'eau d'adsorption accroché à la surface de l'artéfact.
« Crizzling naissant» et « Crizzling » (Bimson, Werner, 1964; Brill, 1975)
(photo 5).
Le crizzling se rencontre sur des verres de même composition que les verres
« transpirants ». Il est engendré par deux phénomènes simultanés :
— lors de l'attaque ionique du réseau vitreux, les cations K + sont remplacés par
les protons H + , de plus petite taille, qui provoquent des phénomènes de rétraction ;
— une attaque alcaline en profondeur qui crée un réseau de micro-fissures au sein
du squelette siliceux.
Si le verre se trouve dans un état hydraté, en équilibre avec son environnement,
les micro-fractures ne sont pas immédiatement décelables. On les repère, en
revanche sous microscope, ou sous éclairage en lumière rasante. A ce stade de
l'altération, on parle de « crizzling naissant » (ou en anglais « incipient crizzling »).
C'est un état très dangereux car invisible et métastable.
Si l'équilibre du verre avec son milieu est rompu lors d'une chute d'humidité
relative, le verre auparavant hydraté se déshydrate. Le réseau de microfissurations
Photo 3 Photo 4
PRODUITS D'ALTÉRATION
L'acide carbonique produit des carbonates :
— de potassium : K2C03 ;
— de sodium : Na2CO3 ;
— de calcium : CaC03 (calcite) ;
— doubles hydratés de sodium et de calcium : Na2Ca(C03)2H20 (Pierre du temps).
L'acide sulfurique produit des sulfates :
— de potassium : K2S04 de solubilité importante 120 g/1 ;
— de sodium : Na2S04 ;
— de magnésium : MgS04 ;
— doubles de calcium hydraté : CaS04(H20)2 (gypse), de solubilité faible : 2,4 g/1 ;
— doubles de calcium et potassium : K2Ca(S04)2H20 (syngénite), de solubilité
faible : 2,5 g/1.
Les produits les plus couramment rencontrés sont le gypse et la syngénite car ils
ont une faible solubilité et sont, de ce fait, difficilement éliminés. Ils opacifient le
verre et en perturbent la lisibilité.
Ils sont dangereux car hygroscopiques : ils maintiennent l'humidité à la surface
des verres et entretiennent ainsi le processus d'altération amorcé.
Pour toutes ces raisons, le restaurateur devra les retirer (bien qu'il soit difficile
d'établir des règles absolues), surtout lorsque le milieu de conservation n'est pas
parfaitement contrôlé.
ASPECT DE LA CORROSION
La présence de ces différents sels gêne la lecture de l'objet, car ils sont opaques,
de couleur généralement blanchâtre.
Sur les verres de vitraux, on a remarqué une corrélation entre la composition
d'un verre, l'allure de l'altération et le type de sels présents (Bettembourg, 1976) :
— un verre sodique présente une altération par cratères. Le gypse est majoritaire-
ment présent ;
— un verre plus riche en potasse (+ 15 %) présentera en revanche, une altération
uniforme, où l'on trouve principalement du gypse et de la syngénite.
LES INTERVENTIONS
DE CONSERVATION-RESTAURATION
La consolidation
Les verres archéologiques sont parfois dans un état d'altération si avancé qu'ils
ne peuvent être manipulés. Par ailleurs, la croûte de corrosion, plus ou moins
épaisse, qui les recouvre est souvent très fragile ; or la disparition de cette dernière
pose un problème déontologique sérieux car elle correspond à la matière originelle
de l'objet, on essayera de la conserver, donc de la consolider. Les principaux
produits et méthodes nécessaires à cette entreprise sont évoqués dans le chapitre 3.
Sur des verres excessivement dégradés (totalement opaques, altérés à cœur, de
texture similaire à celle d'un sucre...), qui recèlent une information archéologique
pertinente, le restaurateur peut être amené à entreprendre des manipulations
complexes.
Pour illustrer ce propos, nous décrirons une intervention éprouvée, adaptée à une situation
bien particulière, que le lecteur ne devra, en aucun cas, considérer comme « la solution » à
tous problèmes de consolidation :
Un verre très altéré, brisé en place, consolidé sur le chantier avec de l'alcool polyvinylique
et prélevé en motte, est apporté au laboratoire, tandis que terre de soutien et objet se sont
malheureusement, déjà asséchés (photo 6). La surface visible de l'artéfact est nettoyée avec
un coton-tige imprégné d'alcool, puis recouverte, selon une partition logique, de bandes de
papier japonnais entrecroisées, à travers lesquelles on applique au pinceau, une résine
synthétique insoluble dans l'alcool, dissoute dans l'acétone (Elvacite 2044). La zone, sur
laquelle le doublage est entrepris est alors, dans son intégralité, dégagée du support terreux
(ce dernier est, d'ailleurs, ramolli à l'alcool et tamisé afin de ne perdre aucun fragment). Le
revers (photo 7) est ensuite nettoyé à l'alcool et consolidé avec une résine soluble dans l'alcool
(Paraloïd B 72), sans que le facing précédemment réalisé ne se désolidarise. Les fragments en
contact sont maintenus en place avec quelques points de colle cyanoacrylate et bandes de
papier adhésif (cf. : remontage). Le doublage de papier japonnais est très précautionneusement
retiré avec de l'acétone (une consolidation au Paraloïd, coté face, peut éventuellement être
reprise). Les tessons sont prêts pour un collage définitif.
Ce type de manipulation permet de conserver un volume important de l'objet et de révéler
ainsi son profil archéologique. Par ailleurs, il rend possible, de façon simultanée, les opérations
de consolidation, maintien et collage temporaire, car les résines employées ne sont pas
sensibles aux mêmes solvants.
PHOTOS 6 à 7. — Prélèvement et consolidation d'un
verre archéologique très fortement altéré. (Ville de St
Denis, unité d'archéologie, 89136, 18-636-1, 25-9-87).
6 : Le verre brisé en place a été prélevé en motte ; on
voit la gangue de terre qui le soutient.
7 : Le revers du fragment est nettoyé et consolidé sans
que les points de contact des minuscules tessons ne soit
perdus.
Le remontage
Le remontage permet de restituer l'intégrité physique d'un artéfact.
Cette opération peut être envisagée selon deux optiques distinctes, il s'agit :
— soit d'une manipulation à titre provisoire, qui permet de révéler ponctuellement
le volume conservé d'un artéfact ;
— soit d'une phase préparatoire au collage définitif d'une pièce.
Quelle que soit la finalité de cette intervention, celle-ci doit être réalisée avec une
attention toute particulière, car d'elle dépend la reconstitution du profil exact de
l'objet.
C'est un travail minutieux car le puzzle se révèle parfois complexe (photo 1)
Les tessons sont souvent minuscules, très peu épais, donc fragiles et délicats à
manipuler.
Leur repérage est difficile car ils ne comportent pas de trace de tournage comme
les tessons « céramique » par exemple. De plus, la corrosion attaque les tranches
et rend ainsi les points de contact moins évidents. Elle perturbe aussi leur aspect
de surface, et le repérage par la couleur devient, parfois, illusoire (photos 1, 2).
Les manipulations de remontage s'opèrent sur des fragments de verre présentant
la meilleure cohésion mécanique possible (avec ou sans consolidation, avec ou sans
doublage), sur des tranches dégraissées à la méthyléthylcétone. Les morceaux sont
ensuite assemblés logiquement et maintenus en bonne position les uns par rapport
aux autres, sans ressaut (notion expliquée plus loin), par l'effet de leur propre
poids et l'application de bandes de ruban adhésif placées perpendiculairement à
l'axe des cassures (photo 8)
Cette étape franchie, le verre est simplement dessiné, étudié (Hejdova, Reznickova,
1973) puis impérativement démonté. Les scotchs seront donc retirés, les tranches
dégraissées, et l'objet « en kit », stocké (voir chapitre 10).
Si le verre doit être définitivement collé, on fera un croquis rapide de son plan
d'assemblage. Puis, le remontage de l'artéfact sera repris, par le restaurateur,
jusqu'à l'obtention d'un ajustement parfait des tessons.
Au cours du remontage, on utilise souvent, non exclusivement, des rubans
adhésifs. Un grand nombre sont disponibles sur le marché ; ils sont plus ou moins
lisses, souples, élastiques, collants, opaques ou transparents. Le restaurateur fera
son choix en fonction de ses préférences et des contraintes qui s'imposent à lui. Il
doit toujours choisir un matériau qui ne tache pas et qui soit très facilement
réversible.
Les informations sur la nature des rubans adhésifs sont encore assez rares
(Mofatt, 1979, 1982). Il semble, cependant, que l'adhésif le plus couramment utilisé
soit un ester acrylate, parfois couplé avec un terpène ou des dérivés de colophane.
Le support plastifié est généralement constitué d'un film de polypropylène.
Ces types de matériaux sont sensibles à un grand nombre de solvants (alcools,
cétones, hydrocarbures aliphatiques...) donc très facilement réversibles.
L' utilisation de rubans adhésifs peut poser des problèmes.
Bien que les risques d'altération chimique du scotch sur un verre semblent limités
à court terme, le contact à long terme, lui, doit être prohibé, car le ruban adhésif
n'est ni mécaniquement, ni chimiquement suffisamment fiable, pour assurer une
bonne conservation d'un artéfact. En effet, toutes bandes de scotch, laissées de
façon prolongée sur un objet, deviennent cassantes et laissent, après élimination,
des traces indélébiles (photo 9).
Dans ces deux cas de figure, les tessons sont soigneusement collectés et enregistrés
sur le dossier de traitement. Ils seront soit :
— conservés à titre de témoins physiques de l'histoire de l'objet, ce qui permettra
d'effectuer des analyses, en évitant un prélèvement sur l'objet lui-même ;
— réintégrés dans le volume de l'artéfact, à l'aide de résine de comblement, lors
d'une reconstitution ultérieure, si cela est jugé nécessaire.
Le collage
Le collage de la céramique et du verre constitue une intervention délicate dont la
méthodologie sera fortement influencée par l'essence du matériau (transparence du
verre), l'état d'altération de l'objet (porosité) et la résistance du joint de colle souhaité
(collage temporaire ou définitif). (cf. aide mémoire « Collage » N° 8).
L'indice de réfraction (n) du verre est généralement élevé bien que très variable
(1,48 à 1,59) selon sa composition et son état d'altération. Si l'on souhaite une
ligne de joint discrète, l'adhésif doit avoir un indice de réfraction aussi proche que
possible de celui du verre (1,55 < n colles époxydes < 1,585 ; 1,405 < n colles
silicones < 1,415).
En effet, pour qu'un collage soit invisible, il faut que la différence entre les deux
indices soit inférieure à 0,03, car l'œil humain perçoit tout écart supérieur à ce
chiffre (photos 11, 12). En l'état actuel des recherches, Il semble encore difficile,
PHOTOS 11 et 12. — Visibilité des lignes de cassure.
Il : Les deux fragments sont maintenus en place par leur propre poids.On voit très bien
la ligne de cassure car l'interstice qui sépare les deux tessons est rempli d'air dont l'indice de
réfraction est n = 1.
12 : La ligne de cassure est remplie de résine époxyde XW 396/397, d'indice de réfraction
n= 1,553 proche de celui du verre (1,45 < n verres < 1,58).
FIG. 7. — P o s i t i o n n e m e n t d e s f r a g m e n t s .
L'opération de collage avec une résine époxyde implique des manipulations délicates,
difficilement réversibles, qui seront réalisées par un spécialiste.
Pour des collages plus complexes encore, sur des verres de forme fermée, dont
les lacunes seront ultérieurement comblées, un collage complet et définitif est
impossible car il compromettrait la restauration à venir. On pratique alors un
collage partiel où 1' on conserve une, où plusieurs lignes de séparation non encollées.
Les tranches concernées sont enduites avec de la vaseline ou un vernis isolant
(« Tego trennmittel » ou « Soloplast »). Les lignes de casse ainsi protégées, seront
définitivement collées lorsque les manipulations de restauration auront été achevées.
Pour des collages très particuliers, comme celui d'un verre crizzlé, si la surface
de celui-ci n'est pas protégée, l'adhésif pénètre dans toutes les fissures. La zone
infiltrée voit son indice de réfraction varier par rapport à l'espace non imprégné :
il en résulte un aspect hétérogène du verre. Pour éviter cela, on protége la surface
malade avec un vernis protecteur, facilement réversible tel que l'alcool polyvinylique
à 5 % dans l'eau. Il sera retiré une fois le collage terminé (Nansenet, 1982).
Sur des verres peints ou émaillés (Jackson, 1984 ; Newton, 1974), on ne peut
infiltrer une résine époxyde entre des fragments sans risque de perte de matière
lors du nettoyage de l'excédent de colle : on opère alors, quand cela est envisageable,
un collage par l'intérieur.
Sur des verres fêlés, on introduit de la colle sur la zone fracturée afin de la
consolider et limiter son expansion. On peut aussi le faire pour améliorer l'aspect
esthétique de l'objet. Cette opération est loin d'être anodine car elle est moins
facilement réversible qu'un collage « classique ». De plus, la réalisation technique
de cette intervention est délicate : si elle n'est pas correctement menée, des bulles
d'air peuvent rester prisonnières entre la colle et la fêlure. Pour y remédier, on
préchauffera bien l'adhésif afin de faciliter la diffusion de la colle. On l'appliquera
sur un seul côté de la ligne de casse, de façon à ce que l'air puisse s'échapper
facilement.
Pour des verres dont la tige, particulièrement fine, a été brisée, un simple collage
peut s'avérer insuffisant. Dans les cas extrêmes, il est possible de perforer les
fragments à coller à l'aide de poudre d'oxyde d'alumine projetée sous pression : la
zone de contact verre/colle est ainsi augmentée. Certains auteurs introduisent, en
plus, dans l'orifice percé, une baguette de plexiglass (Jackson, 1982). Ce type
d'intervention est fortement discutable car irréversible. Il porte atteinte à l'intégrité
de l'objet et lui fait encourir d'importants risques de casse. D'autres auteurs
préfèrent maintenir les morceaux avec une bague métallique : solution moins
radicale mais plus visible ! (André, 1976).
ET LES LACUNES ?
Lorsqu'un objet est incomplet, les manques peuvent être laissés libres ou comblés
à l'aide de résines synthétiques.
Un comblement de lacune peut être envisagé pour permettre :
— une meilleure conservation d'un artéfact surtout lorsque celui-ci présente un puzzle
complexe avec des fragments saillants. L'apport de résine joue un rôle de soutien
mécanique ;
— de réintégrer des fragments de verre, dont on est sûr du positionnement, mais pour
lesquels les points de contact avec le volume conservé ont été perdus ;
— de restituer la forme complète d'un artéfact et faciliter ainsi la lecture et la
présentation au public.
Cependant un comblement n'est pas toujours réalisable.
Le restaurateur doit se demander, notamment, si les manipulations qu'il implique
sont supportables pour l'objet. En effet, la forme du verre, sa qualité de surface
(écailles...), son épaisseur, son type de décor (peinture non cuite...), etc., ne peuvent,
parfois, subir sans danger une telle intervention.
De plus, les manipulations sont souvent longues donc coûteuses, pour un rendu
final qui n'est pas toujours flatteur à l'œil : ... il faut le savoir !
Méthodes de comblement
Autre méthode
Par ailleurs, Patricia Jackson (Jackson, 1983) a restauré un col d'œnochœ avec
un disque de résine polyméthacrylique (Technovit A), qui a été trempé dans de
l'eau chaude, façonné à la forme désirée, puis figé en bonne position dans un bain
d'eau froide.
Le travail de polissage
Nous avons vu que l'aspect lisse et brillant de la résine de comblement peut être
troublé pour diverses raisons (réaction avec le silicone de moulage, traces de
jonction de plusieurs plaques de cire, irrégularités du film de vernis qui les isole,
etc.). Il est alors nécessaire de la poncer. On commence un travail de dégrossissage
avec un flexible de dentiste (qui tourne environ à 15 000 tours/min). Ce dernier est
muni de meules de feutre, de caoutchouc, ou de coton. On ne doit jamais utiliser
des meules qui attaquent le verre car le restaurateur n'est jamais à l'abri d'un
mouvement incontrôlé susceptible de rayer l'original.
On peut aussi travailler manuellement (afin de bien contrôler son geste) avec des
papiers abrasifs de différents grammages en partant du plus fort, pour aller vers
le plus fin.
On couplera l'action mécanique de la meule ou de la main à celle d'un abrasif
en pâte de plus en plus doux (tripoli, « solvol autosol », ...)
Pour obtenir une résine parfaitement brillante on la polit, en phase finale, avec
du talc et de l'alcool puis on la frotte avec ut) chiffon de laine.
Le travail de polissage se révèle parfois très long, mais s'il est correctement mené
à son terme, le restaurateur obtient une résine parfaitement brillante aussi
transparente que du plexiglass.
Vernis de surface incolores
Afin de limiter le travail de polissage et ralentir le jaunissement de la résine,
le bouchage est recouvert d'un vernis incolore tel que :
— le « Paraloïd B72 » dilué à 5 % dans du xylène ou du toluène ;
— un film polyuréthane poli au tripoli (André, 1976).
Coloration des résines
Pour certains verres colorés, il sera intéressant de teinter le bouchage. Les
produits le plus couramment utilisés sont les suivants :
COULEURS TRANSPARENTES
— pour les résines acryliques, on emploie des couleurs transparentes à l'eau comme
les produits « Deka » ;
— pour les résines polyesters, on utilise des couleurs transparentes à solvants
organiques comme les produits « Vitrail à froid » (Lefranc Bourgeois). Pour une
application de surface, on peut fabriquer ses propres couleurs avec une très faible
quantité de pigments, mêlée à du Paraloïd B 72 à 5 % dans du xylène, ou un
mélange de diacétone alcool et acétate d'éthyle, utiliser des peintures au vernis
(Maimerie) ou, de l'aquarelle additionnée d'un tensio-actif (cf. Aide mémoire
N° : 4)
COULEURS OPAQUES
Pour obtenir des bouchages opaques, ou des effets particuliers, la panoplie de
matériaux utilisables est beaucoup plus grande. On se retrouve alors ici, devant un
problème de restauration de faïences et de porcelaines. On utilise des peintures
acryliques, vinyliques, polyuréthanes, des poudres métalliques...
Il faut se montrer très prudent avec la manipulation des couleurs, car la composition
des produits prêts à l'emploi (Deka, Vitrail à froid) est peu connue. De plus, une
résine teintée jaunit plus vite qu'une résine incolore (Tennent, Townsend, 1984).
Pour contrebalancer cette tendance au jaunissement, on ajoute une pointe de
bleu dans la résine. En revanche, pour « tuer » l'intensité d'une teinte, on met un
« soupçon » de couleur rouge.
Ces divers produits de mise en teinte sont utilisés pour obtenir différents effets
esthétiques.
COLORATION DANS LA MASSE
Dans ce cas, la couleur est directement mélangée avec la résine.
Cette technique permet d'obtenir une surface teintée très homogène.
La difficulté réside dans la bonne appréciation de la couleur : cette dernière
préparée en pot semble beaucoup plus sombre que sur le bouchage, car elle est
observée en masse. Il convient donc de fabriquer des échantillons, d'épaisseur
similaire à celle de la paroi de l'objet à combler, pour avoir une juste appréciation
de l'intensité colorée. Ce long travail exige une grande habitude.
COLORATION DE SURFACE
On peut aussi colorer un comblement incolore par application à l'aérographe
d'un film teinté sur sa face extérieure ou intérieure.
Cette méthode s'avère plus facile à mettre en œuvre que la précédente :
— l'appréciation de la bonne teinte est plus aisée ;
— elle présente l'avantage d'être facilement réversible.
Elle a cependant un aspect moins homogène que celui d'une coloration dans la
masse.
MATIFICATION DE SURFACE PAR ABRASION
On matifie une résine incolore trop brillante par une projection, à la micro-
sableuse, de billes d'oxyde d'alumine. Ce type d'intervention doit être réalisé avec
beaucoup de précautions, sur une zone parfaitement circonscrite, afin de ne pas
abraser le verre lui-même.
Cette solution donne des résultats esthétiques très satisfaisants sur des comble-
ments de verres archéologiques corrodés.
Nous venons d'exposer longuement les techniques « classiques » de restauration par
comblement en résine, nous pensons, néanmoins, qu'elles ne sont pas totalement
satisfaisantes :
— elles se révèlent parfois inesthétiques et trahissent la finesse du verre ;
— les manipulations qu'elles entraînent ne sont pas supportables par tous les artéfacts ;
— leur coût est élevé ;
— leur emploi systématique (dans un esprit « illusionniste ») se trouve parfois à
l'opposé des préoccupations archéologiques actuelles.
Il faut savoir que ce ne sont pas les seules solutions de présentation envisageables,
d'autres alternatives sont possibles.
P r é s e n t a t i o n s u r f o r m e d e v e r r e ( J a c k s o n , 1984)
LE L O N G TERME
Nous nous contenterons d'évoquer ici quelques règles de base pour la préservation
du verre (cf : Chapitre 10).
Contrôle de l'environnement
Le verre est maintenu à une température de 18 à 20 °C, sous une intensité lumineuse
inférieure ou égale à 150 lux. Le rayonnement U.V. maximal sur un verre photo-oxydé
sera de 75 jiW/Lm .
D'une façon générale, le verre est conservé entre 45 et 50 % d'humidité relative,
celui qui « transpire » est maintenu, lui, en dessous de 42 %.
Rappelons une évidence ! : le verre est un matériau fragile qui doit être manipulé
avec beaucoup de précautions afin d'éviter tout risque de casse.
On doit :
— déplacer un seul objet à la fois ;
— le tenir par la base, non par une anse ;
— le manipuler avec des mains parfaitement dégraissées, ou gantées ;
— le stocker sur des étagères parfaitement planes et stables. Les tiroirs ou
rangements à roulettes sont à bannir ; en raison des vibrations qu'ils provoquent.
Quant aux sacs de tessons, ils ne seront ni tassés, ni empilés abusivement.
CONCLUSION
Les métaux
archéologiques
R é g i s BERTHOLON, C a r o l i n e RELIER
LE MÉTAL
L a liaison métallique
Pour comprendre ce qu'est le métal, il faut tout d'abord distinguer les deux sens
de ce mot : l'un usuel qui concerne les métaux purs et les alliages, l'autre chimique,
plus strict, qui concerne les éléments métalliques.
Distinguer ces deux notions, c'est distinguer un bracelet en cuivre d'un pendentif
en malachite, pierre semi-précieuse d'une belle couleur verte. Distinction aisée ; le
premier est en métal, l'autre pas, dirions-nous. Pourtant à l'origine de ces deux
parures se trouve le même élément métallique, le cuivre.
Rappelons que les éléments sont séparés en éléments métalliques et en éléments
non métalliques ; ceci correspond à des configurations électroniques différentes
auxquelles sont associées des propriétés chimiques particulières (tableau n° 1).
Outre le cuivre, on retrouve parmi les éléments métalliques le fer, l'argent, l'étain,
l'or, le plomb, mais aussi le sodium, le potassium, le calcium, etc. Parmi les éléments
non métalliques sont classés notamment le carbone, l'oxygène, le chlore, etc.
Avant d'aborder la liaison métallique, on rappelle qu'un atome est constitué
d'un noyau (neutrons + protons) autour duquel gravitent des électrons de charge
négative sur des couches correspondant à différents niveaux d'énergie. Les électrons
situés sur la dernière couche sont appelés électrons de valence. Ils sont faiblement
liés au noyau et interviennent dans les liaisons entre les atomes. Leur nombre et
leur situation sur les couches électroniques sont en grande partie responsables des
propriétés chimiques de l'atome.
A ce titre, les atomes des éléments métalliques présentent deux caractères
particuliers :
— la couche externe ne contient qu'un petit nombre d'électrons de valence (de un
à quatre) ;
— cette couche est relativement éloignée du noyau et les électrons sont donc
faiblement liés.
Les atomes métalliques pourront donc céder leurs électrons de valence et se
transformer en ions positifs.
Les atomes métalliques peuvent être liés entre eux, ou avec des atomes non
métalliques, par plusieurs sortes de liaison chimique. De ces liaisons proviennent
principalement les différences observées entre le bracelet en cuivre et le pendentif
en malachite. Dans le bracelet en cuivre, les atomes de cuivre sont liés entre eux
par la liaison métallique. Cette liaison chimique particulière confère au bracelet les
propriétés physiques et mécaniques par lesquelles nous reconnaissons le métal (au
sens usuel) (tableau n° 1).
Les propriétés du métal (au sens usuel incluant métaux purs et alliages) proviennent
d'une liaison chimique particulière entre atomes : la liaison métallique.
Cette liaison métallique peut associer des atomes identiques (obligatoirement
métalliques) ; on parlera alors de métal pur (chimiquement : le corps simple
«métal»). Elle peut également associer des atomes différents ; soit de deux métaux
comme le cuivre et l'étain (bronzes), soit d'un métal et d'un non-métal comme le
fer et le carbone (aciers et fontes). On parlera alors d'alliages métalliques. Les
propriétés des alliages obtenus varient sensiblement suivant la nature et les
proportions des constituants même mineurs (d'une concentration inférieure à 2 %).
Elles diffèrent considérablement de celles des métaux purs notamment en ce qui
concerne les qualités mécaniques ou physiques et la vulnérabilité à la corrosion
(Scott, 1983).
Lorsque plusieurs atomes métalliques sont proches, leurs électrons de valence
respectifs sont soumis aux champs électrostatiques des atomes voisins. Les électrons
de valence ne sont alors plus liés à un atome particulier mais peuvent circuler d'un
atome à l'autre. En raison de la grande mobilité de ces électrons, la liaison
métallique est dite délocalisée par rapport à d'autres types de liaison comme la
liaison ionique. On représente cette liaison métallique par l'image d'un nuage
électronique dans lequel seraient plongés les ions. La cohésion de l'ensemble
des atomes (ions + électrons), globalement neutre, est assurée par les forces
électrostatiques (fig. la). Ce modèle de la liaison métallique permet d'expliquer
certaines propriétés des métaux rappelées ci-dessous.
FIG. 1. — Les trois niveaux d'organisation du métal (exemple du fer), a) la liaison métallique,
b) la structure cristalline, c) la structure métallographique.
La liaison ionique n'intervient qu'entre métaux et non-métaux : hydroxycarbonate
de cuivre Cu2(0H)2C03 (Malachite), oxyde de fer Fe203 ou chlorure de sodium
NaCl par exemple (tableau n° 3). L'atome électropositif du métal donne un ou
plusieurs électrons à l'atome électronégatif du non-métal. Les forces de liaisons
résultent de l'attraction électrostatique entre ces ions de charges opposées. Le
déplacement relatif des atomes peut ainsi conduire à une situation où des ions de
même signe se retrouvent face à face ; il y a alors répulsion et rupture du cristal.
Cette liaison ne permet donc pas une plasticité du matériau. Dès lors, on peut
comprendre les grandes différences de comportement entre le métal et ses produits
de corrosion.
L a structure cristalline du m é t a l
Nous venons de voir que les électrons des couches externes, très mobiles, se
déplacent parmi les ions métalliques. Ces ions ne sont pas répartis au hasard, ils
sont disposés régulièrement dans l'espace et forment un réseau cristallin (fig. lb).
Le métal possède une structure cristalline.
Les réseaux cristallins rencontrés le plus souvent parmi les métaux purs sont :
— le réseau cubique centré (CC),
— le réseau cubique à faces centrées (CfC),
— le réseau hexagonal compact (HC).
Dans l'exemple du fer qui cristallise dans le réseau cubique centré les atomes
sont disposés aux sommets et au centre d'un cube (fig. 1). Tous les atomes sont
placés suivant cette « maille cristalline » qui se répète dans les trois dimensions.
Ces réseaux cristallins ont une grande importance sur les propriétés des métaux
et des alliages. Ils peuvent avoir une influence sur la plasticité du métal ; par
exemple, le réseau hexagonal compact limite les possibilités de déformation plastique
car les plans de glissement que présente ce réseau sont peu nombreux.
En réalité, cet arrangement des atomes n'est jamais parfait. Il comporte
de nombreux défauts (atomes manquants, atomes supplémentaires, dislocations
formées par l'insertion de rangées d'atomes supplémentaires). Ces défauts ont un
rôle très important dans les mécanismes de déformation du métal.
La structure cristalline d'un métal peut varier suivant la température (transformation
allotropique). Ainsi le réseau cristallin du fer est CC (fer alpha, fig. Ib) sauf dans l'intervalle
de température 910 °C-1400 °C où il est CfC (fer gamma). Cette transformation allotropique
s'accompagne de modifications des propriétés physiques : ainsi le fer gamma n'est pas
magnétique (Fimtm, 1981, p. 17).
De même, la maladie de l'étain qui conduit à une pulvérulence du métal, provient d'une
transformation allotropique de l'étain blanc bêta (tétragonal à faces centrées) en étain gris
alpha (cubique). Possible théoriquement au-dessous de + 13,6 °C, elle ne se produit dans les
faits qu'au-dessous de 0 °C (De Sy, 1968, p. 236).
L a structure métallurgique
Le métal possède cette structure cristalline à l'état solide. Celle-ci se forme soit
lors d'une solidification du métal (coulée), soit lors d'une recristallisation à l'état
solide (recuit) ou lors d'une transformation allotropique (cf. supra).
Lors d'une solidification, la croissance du cristal au sein du métal liquide va
s'effectuer à partir d'un germe (première particule solide formée par l'empilement
Lorsque la solidification est achevée, ces cristaux sont contigus. Ils ont individuel-
lement la forme d'un grain (fig. 2c). On appellera joints de grains, les limites entre
les différents cristaux ou grains du métal (Bensimon, 1970, p. 25 ; Péguin, 1970,
p. 11). Ces joints de grains constituent une zone d'une grande hétérogénéité
(présence d'impuretés, nombreux défauts cristallins, etc.) qui est à l'origine d'une
corrosion particulière, la corrosion intergranulaire.
Le métal est polycristallin, formé d'un agrégat de cristaux ayant chacun une
direction différente (grains). La taille et la forme des grains d'un métal dépendent de
nombreux facteurs parmi lesquels on peut citer :
— la composition du métal ou de l'alliage ;
— les traitements thermo-mécaniques qu'il a subis.
Dans les cas les plus simples (métaux purs ou certains alliages), tous les grains
sont d'une même composition. Il n'y a qu'une seule phase ; le métal est dit
monophasé (cas de la fig. 1). Mais suivant la composition des alliages, il peut y
avoir une ou plusieurs phases, c'est-à-dire plusieurs ensembles de grains ayant des
compositions différentes (Bensimon, 1970, p. 25). L'alliage est alors dit polyphasé,
chaque ensemble de grains de même composition formant une phase distincte.
Les traitements thermiques (réchauffement, trempe, revenu, etc.) ou mécaniques
(martelage, laminage, fig. 2d, etc.) ont une influence sur la structure métallurgique
du métal, c'est-à-dire sur la taille, l'orientation et la forme des grains (Benard et
al., 1984),
L'étude de cette structure par un examen métallographique nous renseigne
parfois sur les méthodes d'élaboration du métal ou de l'objet et sur les traitements
qu'ils ont subis (Salin, 1957, p. 58). La structure métallurgique fait donc partie
intégrante des informations archéologiques.
Afin d'éviter cette perte d'informations, il faut être prudent lors du chauffage éventuel d'un
objet qui risque de modifier cette structure. Il est difficile de donner des indications de
température, la variation de la structure métallurgique dépendant de la composition du métal,
de sa structure d'origine (écrouissage par exemple), de la température atteinte, de la vitesse
de réchauffement et du temps de chauffage. En pratique pour le cuivre et le fer, on ne peut
attendre de changement notable pour de longues durées en dessous de 100 °C environ.
LA C O R R O S I O N
milieux naturels. Quant aux autres métaux archéologiques, leur stabilité est très
variable selon les milieux.
La corrosion est l'ensemble des processus physico-chimiques qui s'établissent entre
le métal et le milieu à partir de la surface du métal, et qui provoquent le retour du
métal à un état minéral, proche de celui du minerai, thermodynamiquement plus
stable. La corrosion est un phénomène spontané et irréversible.
L'altération à l'atmosphère demeure le plus souvent limitée. C'est surtout après
l'abandon de l'objet dans un milieu terrestre ou marin que les processus de
corrosion vont conduire à une transformation du métal en profondeur. Suivant
l'instabilité du métal dans le milieu, dont rendent compte les données thermodynami-
ques, les processus de corrosion devraient conduire à la minéralisation totale du
métal. Deux cas seraient alors envisageables : le métal disparaît dans le milieu, par
dissolution et par dispersion, on ne retrouve alors pas d'objet, ou le métal se
transforme totalement en produits de corrosion ; si ceux-ci conservent leur cohésion,
l'objet est alors discernable au moment de la fouille.
Pourquoi dans ces conditions ne retrouve-t-on pas seulement des tôles d'or, mais
aussi des parures en fer ?
En réalité, la corrosion n'est pas contrôlée uniquement par les données thermody-
namiques. La vitesse des réactions chimiques intervenant à l'interface métal/milieu
contrôle aussi la transformation du métal. La cinétique de la corrosion influe de
façon déterminante sur l'altération de l'objet. Lorsque la vitesse de la corrosion
diminue jusqu'à devenir pratiquement nulle, il s'établit un équilibre entre le métal
et son milieu. Un troisième cas est alors envisageable : le métal n'est que
partiellement transformé en produits de corrosion, c'est le cas le plus fréquent. Si
la nature du milieu se modifie, l'équilibre est rompu et la corrosion peut reprendre.
Cette rupture peut être créée par l'exhumation de l'objet par exemple.
Tentons maintenant d'expliciter pourquoi et comment un métal se corrode en
considérant les caractéristiques du milieu et du métal. Dans cette partie sur la
corrosion des métaux archéologiques, nous parlerons des processus de corrosion
humide, en présence d'eau, cas le plus fréquent dans les sols des régions tempérées,
et non des processus de corrosion sèche, seulement en présence de gaz.
Les milieux d'abandon
Le métal
L a corrosion uniforme
Lorsque les zones anodiques et cathodiques sont très proches, les cations Cu +
réagissent avec les anions O H - pour former l'oxyde de cuivre CU20 (cuprite) :
2 Cu+ + 2 O H " -> CU20 + H20
PHOTO 1. — P l u s i e u r s t y p e s de c o r r o s i o n s u r le m ê m e o b j e t en alliage c u i v r e u x . ( B o u c l e
(18.838.2), é p o q u e c a r o l i n g i e n n e . Ville d e S a i n t - D e n i s , U n i t é d ' A r c h é o l o g i e . P h o t o R.
Bertholon.)
Plusieurs facteurs peuvent entraîner la rupture de la couche passivante : la
dissolution chimique des produits de corrosion suite à un changement du milieu,
l'érosion de la couche par les eaux courantes ou sa rupture mécanique sous l'effet
de contraintes internes.
En effet, la formation de produits de corrosion d'une densité inférieure engendre des
contraintes mécaniques au sein des couches de corrosion. Selon la nature du processus de
formation (anionique ou cationique), ces contraintes s'exerceront soit à la surface de l'oxyde,
soit à la surface du métal et peuvent provoquer l'apparition de fissures dans la couche
passivante (Shreir, 1977, p. 245).
Si la formation d'une couche passivante provoque une diminution de la vitesse
de diffusion des espèces réactives et des produits de la réaction, la rupture de cette
couche peut entraîner une corrosion localisée intense.
L a corrosion localisée
Une part très importante des processus de corrosion localisée est entretenue par
la présence d'anions CI- dans le milieu. Les chlorures, anions très mobiles, sont
attirés vers les zones anodiques, dans les cratères où se produit la dissolution du
métal (fig. 7).
Dans le cas du cuivre, à partir d'une certaine concentration, ces anions réagissent
avec les ions Cu + libérés par l'oxydation du métal pour former le chlorure cuivreux
CuCI au sein du cratère de corrosion :
Cu° -» Cu + + e-
et Cu+ + CI- -► CuCI
Le chlorure cuivreux est instable et se décompose sous l'action de l'humidité
pour former un oxyde cuivreux, la cuprite, et libérer de l'acide chlorhydrique qui
attaque à nouveau le métal sous-jacent :
CuCI + 1/2 H20 -> 1/2 CU20 + H+ + CI-
puis Cu+ + CI- ---> CuCI
la réaction précédente peut se produire à nouveau.
Ce cycle peut se poursuivre jusqu'à la minéralisation totale du métal. Ce
mécanisme cyclique de corrosion (corrosion active), en réalité beaucoup plus
complexe, est développé dans l'article de L. Robbiola auquel nous renvoyons le
lecteur (Robbiola, 1987).
Pour savoir si l'on est en présence d'un tel processus de corrosion cyclique sur
un objet en alliage cuivreux, on peut effectuer un test de corrosion active en plaçant
l'objet pendant environ 48 h dans une chambre humide (enceinte où l'humidité
relative est proche de 100 %). Ce test consiste en fait en une corrosion accélérée
et ne doit pas être systématiquement pratiqué notamment sur des objets très fissurés
ou comportant un décor qui risquerait d'être dégradé. On provoque alors la
réaction suivante :
Dans le cas des métaux ferreux, les ions Fe2+ réagissent également avec les
chlorures pour former des chlorures ferreux :
Fe2+ + 2 CI- -> FeCl2
Ce chlorure ferreux est lui aussi instable et s'oxyde en présence d'oxygène
en chlorure ferrique (FeCh) et oxyde ferrique. Chlorures ferreux et ferriques
s'hydrolysent en présence d'oxygène et d'humidité pour former des oxydes ou des
hydroxydes ferriques et de l'acide chlorhydrique.
4 FeCl2 + 4 H20 + O2 -> 2 Fe203 + 8 HCI
4 FeC12 + 7 H20 + 02 , 2 Fe203 . 3H20 + 8 HCI
2 FeCl3 + 3 H20 Fe203 + 6 HCI
4 FeCl3 + 9 H20 -> 2 Fe203 . 3H20 + 12 HCI
L'acide, à son tour, attaque le métal sain en chlorures ferreux et en hydrogène.
La corrosion cyclique peut alors se poursuivre (Hamilton, 1976, p. 13) :
Fe° + 2 HCI -+ FeCl2 + H2
4 Fe° + 3 02 + ' 12 HCI -+ 4 FeC13 + 6 H20.
Cette corrosion beaucoup plus complexe en réalité, initiée sous forme de cratères,
peut s'étendre à toute l'épaisseur du métal provoquant des soulèvements et des
fissures et entraînant aussi d'importants déplacements de la surface originelle (cf.
infra).
On peut dans certains cas reconnaître la présence de corrosion active sur des
objets en métal ferreux notamment par la présence de fissures récentes (non
comblées, aux bords francs) conduisant à un éclatement de l'objet, de gouttelettes
brunes perlant à la surface, ou par la présence de produits de corrosion bruns au
fond des cratères de corrosion (photo 4).
Pour les alliages à base de plomb, la corrosion active n'est pas due à la présence
de chlorures (les chlorures de plomb sont difficilement solubles). Le cycle de
corrosion est entretenu par la présence de sels d'acides organiques (acétates ou
formiates de plomb), (Organ, 1977 ; Turgoose, 1985a). Elle se reconnaît à la
présence de massifs de corrosion blancs pulvérulents ou à la pulvérulence du plomb
lui-même (photo 5).
En conclusion, rappelons qu'il est important de considérer non seulement les
processus d'amorçage de la corrosion entre le métal et le milieu, mais également
les processus qui déterminent la poursuite de la corrosion, induits en partie par les
produits de corrosion eux-mêmes.
PHOTO 5. — Corrosion active du plomb : appari-
tion de produits de corrosion blancs pulvérulents.
(Poids cylindrique en plomb (21.185.2), Bas
Moyen-Age. Ville de Saint-Denis, Unité d'Archéo-
logie. Photo R. Bertholon.)
TABLEAU 3. Nomenclature des principaux produits de corrosion rencontrés sur les métaux
archéologiques
Certains composés existent sous plusieurs variétés cristallographiques comme par exemple
l'hydroxyde de fer. On pourra se reporter utilement aux ouvrages suivants : Weast, 1980 ;
Turgoose, 1985; North, 1987.
Nomenclatureschimiqueem
t inéralogique „ . Couleurouaspect
.. „ . , , . Formule
Argent :
Oxyde Ag20 noir/brun
Chlorures,
Cérargyrite AgCl blanc gris
Embolite AgCl/AgBr
Sulfure,
Argentite, Acanthite Ag2S noir
auxquels s'ajoutent des produits de corrosion du cuivre souvent présent dans les alliages à
base d'argent.
Cuivre :
Hydroxycarbonates,
Azurite Cu3(0H)2(C03)2 bleu
Malachite Cu2(0H)2C03 vert sombre
Oxyde cuivreux,
Cuprite CU20 rouge
Oxyde cuivrique,
Ténorite CuO gris à noir
Chlorure cuivreux,
Nantokite CuCI blanc cireux
Chlorure cuivrique hydraté CUC12.2H20 bleu clair
Chlorure cuivrique basique,
Atacamite et Paratacamite CU2(OH)3Cl vert clair
Sulfures,
Chalcosite CU2S noir
Covellite CuS bleu-noir
Nomenclatures Formule Couleur
chimique et minéralogique ou aspect
Sulfates,
Hydrocyanite CUS04 vert
Hydroxysulfates,
Antlérite Cu3(S04)(0H)4 vert
Brochantite Cu(S04) . 3 Cu(OH)2 vert
Silicates,
Chrysocolle CuSi03 . 2 H20 bleu-vert
Etain :
Oxyde stannique,
Cassitérite SnO? blanc
Oxyde stanneux,
Romarchite SnO noir
Oxyde stanneux hydraté,
Hydromarchite SnO . 2 H20 blanc à brun-jaune
Chlorure stanneux SnCl2 blanc
Fer :
Plomb :
Monoxyde,
Litharge/Massicot PbO jaune/rouge
Dioxyde,
Plattnérite Pb02 brun
Carbonate,
Cérussite PbC03 blanc
Carbonate basique,
Hydrocérussite 2 PbC03 . Pb(OH)2 blanc
Chlorure,
Cotunite PbCh blanc
Phosgénite PbC03 . PbCh
Sulfure,
Galène PbS noir
Sulfate,
Anglésite PbS04 blanc
LE MÉTAL A R C H É O L O G I Q U E
L a surface originelle
Dans cette recherche, la surface est une notion importante ; elle définit les
contours de l'objet et donc sa forme. Limite entre l'objet et le milieu, la surface est
une notion abstraite. Il est important ici de ne pas assimiler la surface avec son
support matériel.
L'état de l'objet lors de son abandon, intentionnel ou non, est l'état que l'on
cherchera à connaître lors des traitements de conservation-restauration, car il peut
nous renseigner non seulement sur les caractères de l'objet mais aussi sur son
utilisation et sur les transformations qu'il a pu subir durant sa « vie historique ».
C'est donc la surface de l'objet lors de son abandon que l'on tentera de retrouver :
on l'appellera la surface originelle.
La surface originelle de l'objet archéologique est la limite entre ce qui appartient
à l'objet (parties métalliques et autres parties minérales ou organiques) et le milieu
au moment de son abandon.
Cette notion de surface originelle a déjà été mentionnée par France-Lanord sous
le nom d'épiderme (France-Lanord, 1965, p. 6 et 50). Nous employerons ici le
terme de surface originelle afin d'insister sur la notion de limite. Contrairement à
un épiderme, la surface originelle d'un objet n'a pas de matérialité. Elle est supportée
par la matière même de l'objet (qui peut se transformer).
On appellera produits de corrosion internes, ceux situés au-dessous de la surface
originelle et produits de cotrosion externes, ceux situés au-dessus de la surface
originelle et qui contiennent généralement divers constituants minéraux ou organi-
ques issus du milieu d'enfouissement de l'objet (fig. 9). Ces produits de corrosion
internes ou externes peuvent parfois être identiques, ils diffèrent alors uniquement
par leur situation par rapport à la surface originelle.
Fig. 9. — Clef lors de sa découverte (vue en coupe).
L a localisation de la s u r f a c e originelle
La confrontation de ces indices permet, dans la plupart des cas, de situer plus
ou moins précisément la surface originelle. A cette observation critique peut
s'ajouter l'examen des fractures récentes éventuelles susceptibles de révéler la
stratigraphie des couches de corrosion. En dernier lieu, la connaissance et la
compréhension des objets sont des atouts importants dans la perception de ces
indices et l'évaluation de leur pertinence.
Suivant le type et l'importance de la corrosion, la surface originelle sera plus ou
moins perturbée. Bien qu'elle soit généralement présente, sauf en cas de perte de
matière suite à une érosion, un bris ou un éclatement, elle n'est, hélas, pas toujours
repérable. Lorsque la reconnaissance de ces indices devient très difficile, la
localisation de la surface originelle est alors hypothétique.
Le cas présenté par les objets métalliques enfouis en milieu marin ou humide est
exemplaire. Le mécanisme de la corrosion bactérienne conduit à la formation de
sulfures (de fer ou de cuivre par exemple) au sein desquels il est très difficile de
repérer ces indices (North, 1987, p. 77). Hormis le cas présenté par les objets en
fonte, il n'est souvent plus possible de localiser la surface originelle et les seules
informations accessibles nous sont livrées soit par la surface du métal sain
subsistant, située en dessous de la surface originelle, soit par la surface intérieure
de la gangue, la matière de l'objet ayant parfois totalement disparu.
Lorsqu'aucun indice ne peut être reconnu, certains objets peuvent être considérés
comme intraitables.
La notion d'objet métallique intraitable n'est donc pas liée à la minéralisation plus
ou moins avancée du métal mais à l'absence d'indices permettant de situer la surface
originelle.
Surface originelle et niveau originel
EXAMEN ET DIAGNOSTIC
Les objectifs du t r a i t e m e n t
Stockage
Documentation Photographie
examen et Observation macroscopique
diagnostic
Mesures, dessins, documentation archéologique,
radiographie X et analyses (éventuellement)
Traitement Stabilisation*
selon ordre
Collage déterminé Nettoyage*
Consolidation
Restauration
Séchage
Protection
Photographie
Documentation
et Rapport du traitement
stockage
Emballage de l'objet-stockage
Après avoir indiqué les moyens nécessaires à l'examen, nous proposerons dans
cette partie un plan méthodique d'observation de l'objet et nous aborderons le
choix du traitement.
Les principaux moyens nécessaires lors de l'examen de l'objet sont les suivants :
l'observation visuelle (à l'œil nu ou à la loupe binoculaire), la radiographie X, les
analyses.
Lors de l'observation visuelle, un outil à pointe dure (scalpel par exemple) permet
de juger de la consistance des matériaux.
En raison de la profonde transformation du métal et donc de l'objet, la
radiographie X peut apporter de précieux renseignements (Drilhon, 1976 ; Meyers,
1978).
Rappelons que l'image obtenue sur le film X dépend :
— de l'objet : composition chimique, porosité et épaisseur de la matière ;
— du flux de rayons X : celui-ci est caractérisé par la longueur d'onde du
rayonnement qui dépend de la tension du tube (en kV), et par la dose de radiations
qui dépend à la fois de l'intensité (en mA) et de la durée d'exposition (en mn ou s)
(LRMF, 1985, p. 87-103).
Sur une radiographie X, les parties claires indiquent une absorption forte des
rayons X par l'objet alors que les parties foncées indiquent une absorption faible.
Des erreurs d'interprétation peuvent être évitées en se rappelant que l'image
radiographique est une projection conique de l'objet sur un plan. Il en résulte qu'il
y a agrandissement de l'image par rapport à l'objet et apparition d'un flou
géométrique sur ses contours, ceci étant dû à la distance objet-film lors de la prise
de vue en relation, entre autres, avec l'épaisseur de l'objet.
L'interprétation de la radiographie X, effectuée en présence de l'objet et en
connaissant les paramètres d'exposition, peut apporter des indications sur les
caractéristiques suivantes (LRMF, 1985).
Nous proposons ici un schéma directeur d'examen de l'objet. Il est bien entendu
que l'ordre proposé n'est pas séquentiel mais qu'il s'agit d'opérer des allers-retours
permanents entre les différentes observations effectuées, avant et pendant le
traitement. En effet, l'état de conservation de l'objet ne permet pas toujours de
réunir au préalable la totalité des observations. Il nous a paru plus simple de
rassembler les différents points en deux parties (tableau 5) :
— l'état de l'objet ;
— les caractères de l'objet.
La surface originelle est située entre deux couches de corrosion de même composition
et de même structure
Dans ce cas, elle peut être repérable par une trace visible en coupe transversale.
Ce cas a depuis longtemps été mis en évidence (Organ, 1977, p. 123 ; France-Lanord,
1980, p. 41).
L'empreinte de la surface originelle peut être conservée par les produits de corrosion
ou par une gangue (matériaux divers issus du milieu d'enfouissement soudés par
les produits de corrosion) ; la matière de l'objet peut alors avoir parfois totalement
disparu (cas de certains objets provenant de milieux gorgés d'eau).
Ce classement en cinq cas donne une image simplifiée du problème de la
localisation de la surface originelle. En fait, plusieurs cas peuvent se présenter sur
un même objet. On ne pourra parfois localiser la surface originelle que de manière
fragmentaire. Enfin, rappelons que la surface originelle peut être disparue en cas
de perte de matière.
Le choix du traitement
Ces méthodes sont regroupées ici car elles participent à la lisibilité de l'objet. Si
le nettoyage revêt une importance toute particulière dans le traitement des métaux
archéologiques, généralement peu lisibles au moment de leur exhumation, il est
souvent nécessaire d'effectuer conjointement des opérations de consolidation et de
collage qui favorisent son bon déroulement tout en contribuant à la lisibilité de
l'objet.
Comme nous l'avons vu précédemment, l'objectif du nettoyage est de révéler les
informations dont l'objet est le support matériel et qui sont révélées en partie par
la surface originelle.
Le nettoyage implique l'élimination des produits de corrosion externes, opération
guidée par les différents indices permettant de localiser la surface originelle.
Dans les cas où la surface originelle est déplacée ou disparue, il s'agit alors de
retrouver, lorsque les indices le permettent, le niveau originel et de restituer ainsi
la forme originelle de l'objet.
Il convient ici d'insister sur le caractère irréversible du nettoyage qui, mal conduit,
peut aboutir à la perte irrémédiable d'informations. Il est donc important de décrire
ou, parfois, de conserver les constituants allogènes (éléments organiques ou autres)
contenus dans les produits de corrosion et qui seront éliminés en même temps
qu'eux.
A partir de la localisation de la surface originelle, s'effectue le choix du type de
nettoyage (mécanique, chimique, électrolytique) et de la technique à mettre en
œuvre (microsablage, bain de complexant, électrolyse...).
Si le but de tout nettoyage est d'aboutir à un dégagement précis, ceci n'est
pas l'apanage d'une technique particulière. Chaque technique, adaptée à l'état de
conservation de l'objet et correctement mise en œuvre peut satisfaire à cette exigence.
Avant de développer les grands types de nettoyage, précisons que les techniques
mécaniques et chimiques (à quelques exceptions près) ne permettent pas l'élimination
des produits de corrosion actifs (cf. Stabilisation).
Le nettoyage mécanique
Le nettoyage p a r piquage
Par l'intermédiaire d'une lame de scalpel ou d'une aiguille, la contrainte, exercée
perpendiculairement à la surface du métal afin de ne pas le rayer, tend à désolidariser
les produits de corrosion par plaques (Cleaning, 1983). Il s'agit ici d'un principe
général qui, dans la pratique, varie selon la configuration des couches de corrosion
et l'opérateur.
Le nettoyage par piquage est utilisé dans le cas de couches de corrosion peu
épaisses sur des objets de petite taille.
Si cette technique de nettoyage paraît aisée à mettre en œuvre car elle ne nécessite
pas un équipement coûteux, elle ne se révèle pas sans danger. En effet, le nettoyage
par piquage tend à exercer une très forte pression sur l'objet, au risque de le
fissurer, voire même de le fracturer. Dans le cas où les produits de corrosion qui
supportent la surface originelle sont peu adhérents, la force exercée peut entraîner
un décollement d'éclats aboutissant à une perte ponctuelle mais irrémédiable de la
surface originelle.
Le nettoyage par piquage peut permettre d'ouvrir une gangue dans le cas où
l'empreinte de la surface originelle y est conservée. On procède ensuite au nettoyage
des cavités puis au moulage de l'empreinte à l'aide de résines silicones (Katzev,
Van Doorninck, 1966 ; North, 1987, p. 231).
Le nettoyage p a r vibrations
Les vibrations permettent de désolidariser les produits de corrosion ; puisqu'elles
sont aussi transmises au sein de l'objet, il convient de ne pas les mettre en œuvre
sur des objets trop fragiles ou fissurés.
Avec le burin de graveur les vibrations sont transmises à une pointe métallique
et permettent d'éliminer des produits de corrosion très denses (Eichhorn, 1983).
Dans le nettoyage par ultra-sons (fréquence entre 10 et 50 kHz), les vibrations
sont transmises à l'objet par l'intermédiaire d'un liquide (Organ, 1959). A fréquence
ultra-sonique, des dépressions d'air se forment dans le liquide, leur disparition
entraîne un mouvement rapide du liquide à la surface de l'objet : c'est la cavitation.
Ce mouvement a une action mécanique qui permet de désolidariser les produits de
corrosion (Cleaning, 1983).
— le cavitron permet un nettoyage très ponctuel puisqu'il est doté d'une pointe
(Mourey, 1987a),
— la cuve à ultra-sons : l'objet est immergé dans un bain (eau ou alcool) à l'intérieur
d'un récipient lui-même posé au fond de la cuve contenant de l'eau. Cette technique
peut être utilisée conjointement avec un nettoyage chimique par immersion dans
le bain de traitement. Elle peut se révéler très utile pour désolidariser un lot d'objets
amalgamés dans une gangue de produits de corrosion (monnaies par exemple).
Ce nettoyage demeurant toutefois difficilement contrôlable, on procédera à
plusieurs immersions de courte durée (quelques dizaines de secondes) afin de
s'assurer qu'il respecte bien la surface originelle de l'objet.
Le nettoyage par abrasion
Le meulage s'effectue grâce à un micro-tour de prothésiste (de 5 000 à
25 000 tours/minute) sur lequel sont montées des meules de taille, de forme, de
finesse de grain et de dureté différentes (caoutchouc, corindon, diamant...). La
vitesse de rotation, la dureté et la finesse des meules sont choisies en fonction de
la dureté et de l'épaisseur des couches de corrosion à éliminer. Le meulage peut
ainsi permettre un dégagement très fin de la surface originelle (photo 7b et 7c).
En outre, il permet de bien différencier les différentes couches de corrosion,
particulièrement lors du nettoyage des objets en fer pour lesquels les indices de
localisation de la surface originelle reposent essentiellement sur une variation de
cohérence, de porosité et de couleur entre une couche d'hydroxydes et une couche
de magnétite.
Les fortes vibrations imposées à l'objet durant le meulage rendent souvent
nécessaire une consolidation afin d'éviter une desquamation accidentelle des
couches de corrosion supportant la surface originelle.
Mise en œuvre
Nous présentons ici un certain nombre de principes généraux, valables pour tout
traitement par bains, qu'il soit de nettoyage ou de stabilisation.
Toute solution s'effectue dans l'eau déminéralisée ; l'eau contenant une impor-
tante quantité d'ions ( C l ' , c O l - , s o l - , CaH, MgH, K+, Na+...) il convient de
les éliminer avant de faire une solution (cf. Aide Mémoire n° 3).
— l'eau distillée est obtenue par ébullition et condensation de la vapeur d'eau,
— l'eau déionisée ou déminéralisée est obtenue par l'intermédiaire de résines
échangeuses d'ions ; l'eau passe à travers une colonne contenant deux résines, l'une
captant les anions, l'autre captant les cations. On procède régulièrement à un test
de conductivité de l'eau. Une augmentation de la conductivité, provoquée par une
concentration plus importante en ions, indique que tous les sites réactifs des résines
sont occupés et que les résines doivent alors être régénérées. Certaines résines
possèdent un indicateur coloré qui permet de lire le degré de saturation.
Lors de la mise en œuvre d'une solution, il est essentiel de s'assurer de la
bonne mouillabilité de l'objet. Le dégraissage avec un solvant chloré comme le
trichloroéthane 1.1.1. (Johnson, 1984), l'ajout d'un tensio-actif, l'imprégnation sous
vide-partiel favorisent la bonne pénétration de la solution.
Le volume de la solution est déterminé par le volume de l'objet selon un rapport
de 1 pour 20. Ce rapport est destiné à éviter une saturation trop rapide de la
solution en substances dissoutes. De même, une agitation est souhaitable afin
d'homogénéiser en permanence la solution.
Afin d'améliorer la pénétration des réactifs à l'intérieur des couches de produits
de corrosion, il est possible de chauffer la solution (environ 50 °C). Le chauffage
provoque une dilatation de l'air qui est contenu dans les microporosités des
produits de corrosion et qui ainsi s'échappe plus facilement. Il convient alors de
prendre garde aux vapeurs nocives qui pourraient se dégager et travailler sous
aspiration.
Tout bain chimique doit être étroitement surveillé. Pour un même réactif, il est
souhaitable de mettre en œuvre des solutions de concentrations différentes et en
ordre croissant afin de contrôler progressivement les réactions mises en jeu.
Les nettoyages chimiques s'effectuent généralement par immersion de l'objet
dans la solution, mais dans le cas d'objets présentant des produits de corrosion
résiduels en certains points alors que le reste de la surface est dégagée, le bain doit
être interrompu et le nettoyage poursuivi ponctuellement. Le nettoyage ponctuel
s'effectue à l'aide d'ouate ou de papier absorbant imprégné de la solution.
Tout bain chimique doit être suivi d'un rinçage intensif de l'objet afin d'éliminer
toute trace de réactif.
Le rinçage peut s'effectuer à l'eau distillée ou à l'eau déminéralisée froide.
Cependant, une alternance entre chauffage et refroidissement améliore le rinçage. Le
chauffage permet une dilatation de l'air et des liquides tandis que le refroidissement
détermine une aspiration d'eau fraîche (Plenderleith, 1971).
On détermine la fin du rinçage par un test de conductivité et un test de pH
(North, 1987, p. 235).
Tout nettoyage chimique doit être suivi d'un séchage complet de l'objet ; pour
les techniques à mettre en œuvre, nous renvoyons à la Stabilisation.
Les principaux réactifs et modes d'action spécifiques
Nous présentons ici, pour chaque métal et ses alliages, les principaux réactifs
employés généralement lors du nettoyage, les autres techniques moins couramment
employées faisant l'objet d'un renvoi bibliographique.
ALLIAGES CUIVREUX
Que l'on considère le cuivre ou ses alliages (bronze, laiton), les mêmes réactifs
sont employés.
Hexamétaphosphate de sodium (Calgon) (Na6(PO3)6) : ce complexant est un
séquestrant qui forme des complexes avec les cations Ca+ et Mg+, c'est pourquoi
il est utilisé pour éliminer les concrétions de nature calcaire, soit sur une surface
métallique, soit sur une couche de produits de corrosion. Les solutions employées
sont de 5 à 10 %.
Sels d'EDTA : cet agent chélateur complexe les ions Cu+ et Cu2+. Il est utilisé
en solution à 5 ou 10 % pour complexer les carbonates mais aussi les oxydes de
cuivre (CuO et Cu20) (Matteini, Moles, 1981).
Sel de Rochelle (tartrate de sodium et de potassium) : le tartrate est le sel de
l'acide tartrique (-OOC-(CHOHh-COO-) auquel sont adjoints des ions Na+ et
K+. Il peut être employé seul en solution de 5 à 10 % ou en milieu basique (50 g
de NaOH — 150 g de tartrate pour un litre d'eau) (Plenderleith, 1971, p. 250).
Ces deux réactifs complexent les ions Cu+ et Cu++ et sont particulièrement
employés pour la dissolution des oxydes CuO et CU20.
Glycérol alcalin: cette solution (120 g de NaOH, 40 ml de glycérol, 1 1 d'eau
déminéralisée) peut remplacer le sel de Rochelle (Plenderleith, Torraca, 1979).
Acide citrique : cet acide, en solution aqueuse de 5 à 10 %, provoque une forte
dissolution des produits de corrosion du cuivre et plus particulièrement des oxydes
(Merk, 1978). On préférera généralement utiliser cet acide pour dissoudre des
gangues importantes de produits de corrosion, dans le cas d'objets amalgamés
par exemple, chaque objet étant ensuite nettoyé individuellement selon d'autres
techniques.
ARGENT
La problématique posée par les objets en argent est double, en effet ce métal est
généralement allié à du cuivre en pourcentages plus ou moins importants ; dans ce
cas, le cuivre s'est corrodé préférentiellement. Il s'agit donc de mettre en œuvre
deux catégories de réactifs, les uns agissant sur les produits de corrosion du cuivre
(carbonates et oxydes généralement), sans nuire à l'argent lorsque celui-ci est allié,
les autres agissant sur les produits de corrosion spécifiques de l'argent.
L'acide formique (HCOOH) permet de dissoudre les produits de corrosion du
cuivre sans nuire à l'argent (Plenderleith, 1971). On l'utilise en solution aqueuse
de 5 à 10 % selon la résistance de l'alliage.
La thiourée (NH2)2CS permet de complexer les ions Ag+ contenus dans les
produits de corrosion de l'argent ; elle s'emploie en solution de 5 à 15 %.
Le thiosulfate d'ammonium est un agent réducteur des sulfures d'argent en
solution aqueuse de 5 à 15 % (North, 1987, p. 240).
Le dithionite alcalin est un agent réducteur des produits de corrosion de l'argent
et principalement des sulfures : 40 g NaOH, 50 g Na2S204 par litre de solution
(Mac Leod, North, 1979).
Il est aussi possible d'employer une solution d'acide formique et de thiourée
(4 ml d'acide pour 84 g de thiourée dans un litre d'eau déminéralisée) pour éliminer
les sulfures d'argent (Sràmek et al., 1978).
FER
Le n e t t o y a g e c h i m i q u e des objets a r c h é o l o g i q u e s en fer p o s e de délicats p r o b l è m e s
p u i s q u e ces objets c o m p o r t e n t g é n é r a l e m e n t u n e i m p o r t a n t e c o u c h e de p r o d u i t s
de c o r r o s i o n et que, bien souvent, la m a t i è r e s u p p o r t a n t la surface originelle est
elle-même u n p r o d u i t de c o r r o s i o n d ' u n e n a t u r e p e u différente des p r o d u i t s de
c o r r o s i o n externes (oxydes et h y d r o x y d e s de fer p a r exemple).
D a n s les cas o ù la surface originelle est m é t a l l i q u e et r e c o u v e r t e d ' u n e fine c o u c h e
d ' o x y d e s il est c e p e n d a n t possible de m e t t r e en œ u v r e u n n e t t o y a g e chimique.
Ce n e t t o y a g e p e u t s'effectuer à l'aide de c o m p l e x a n t s : citrate d ' a m m o n i u m , acide
thioglycolique, sels d ' E D T A ( S t a m b o l o v , 1985).
Des n e t t o y a g e s en bains acides : acides citrique, oxalique, phosphorique et
orthophosphorique p e u v e n t être aussi mis en œ u v r e à de faibles c o n c e n t r a t i o n s
(5 %). L e fer se c o r r o d a n t en p H acide ( P o u r b a i x , 1975), l ' a d j o n c t i o n d ' u n inhibiteur
de c o r r o s i o n d a n s la s o l u t i o n est i n d i s p e n s a b l e : pyridine, aldéhydes, b e n z o a t e s (de
0,5 à 1 % ) ( S t a m b o l o v , 1985) (cf. Stabilisation).
Certains de ces acides, tel l'acide phosphorique peuvent avoir une action passivante sur le
métal ; ainsi cet acide aboutit à la formation d'un phosphate de fer tertiaire insoluble et stable
(Stambolov, 1985).
PLOMB
L a t e c h n i q u e g é n é r a l e m e n t mise en œ u v r e p o u r le n e t t o y a g e d u p l o m b est la
méthode de C a l e y (Caley, 1955).
Ce n e t t o y a g e s'effectue d a n s plusieurs bains :
— b a i n à froid d ' a c i d e c h l o r h y d r i q u e dilué à 10 % qui t r a n s f o r m e les c a r b o n a t e s
b a s i q u e s de p l o m b en c h l o r u r e s de p l o m b avec d é g a g e m e n t de C 0 2 ;
— lavage i m p o r t a n t à l'eau désaérée (eau bouillie p e r m e t t a n t l ' é l i m i n a t i o n d u
d i o x y d e de c a r b o n e ) en trois b a i n s ;
— b a i n d ' a c é t a t e d ' a m m o n i u m à c h a u d dilué à 10 % ; le b a i n est p o u r s u i v i j u s q u ' à
ce q u ' a u c u n p r o d u i t de c o r r o s i o n ne soit visible en surface. Ce bain élimine les
oxydes de p l o m b (couleur b r u n - r o u g e ) qui n ' o n t p a s été d i sso u s p a r l'acide ;
— rinçage en q u a t r e bains à l'eau désaérée, suivi d ' u n séchage à l'alcool.
Le princip a l i n c o n v é n i e n t de cette m é t h o d e est la d i s p a r i t i o n éventuelle de
c e r t a i n s détails conservés d a n s les p r o d u i t s de c o r r o s i o n .
C i t o n s en c o m p l é m e n t à cette m é t h o d e l'utilisation des sels d ' E D T A ( W a t s o n ,
1985) et des résines échangeuses d'ions ( S t a m b o l o v , 1985, p. 169).
ETAIN
Les objets a r c h é o l o g i q u e s en étain s o n t r e l a t i v e m e n t p e u f r é q u e n t s ; g é n é r a l e m e n t ,
o n r e t r o u v e des objets constitués d ' u n alliage é t a i n - p l o m b . D a n s ce cas, la
p r o b l é m a t i q u e d u n e t t o y a g e est celle des objets en p l o m b en f o n c t i o n de la t e n e u r
en p l o m b .
L o r s q u e des objets en é t a i n p u r s o n t r e t r o u v é s en fouille, il p e u t être nécessaire
d ' é l i m i n e r des d é p ô t s p a r n e t t o y a g e c h i m i q u e : o n e m p l o i e r a alors u n e s o l u t i o n
a q u e u s e d u sel disodique de l ' E D T A à 5 % (Pollard, 1985).
Il est c e p e n d a n t nécessaire de s ' a s s u r e r a u p a r a v a n t q u e le m é t a l n ' e s t pas fissuré.
OR
L ' o r ne se c o r r o d a n t pas, seuls des d é p ô t s p e u v e n t être é v e n t u e l l e m e n t éliminés
p a r les t e c h n i q u e s classiques ( c o m p l e x a n t des c a r b o n a t e s de C a ) ; d a n s certains
cas, u n simple n e t t o y a g e à l'alcool suffit.
D a n s le cas d'alliages o r - a r g e n t o u or-cuivre, le m é t a l le m o i n s n o b l e s ' é t a n t
corrodé préférentiellement, le nettoyage s'effectue à l'aide des réactifs mentionnés
au métal correspondant (Scott, 1983).
Lorsque l'or est présent sous forme de placage (feuille d'or ou dorure au mercure),
il est généralement recouvert des produits de corrosion du métal sous-jacent ; l'or
pose alors un seul problème d'adhérence à la matière qui le supporte (soulèvements,
perforations).
Avant de clore cet aperçu sur les différentes techniques de nettoyage chimique,
mentionnons le plasma d'hydrogène qui suscite actuellement des recherches impor-
tantes et devrait fournir de nouvelles possibilités de traitement (cf. Stabilisation).
En conclusion, l'application d'une technique de nettoyage chimique nécessite
une détermination précise des produits de corrosion en présence ainsi qu'une
parfaite connaissance des réactifs et de leurs propriétés afin d'effectuer un nettoyage
sélectif.
Malgré un diagnostic fin et une bonne mise en œuvre des techniques, le nettoyage
chimique n'est pas sans danger. En effet, il peut entraîner une perte de cohésion
de l'objet par le simple fait de l'immersion dans un liquide. Cette perte de cohésion
est parfois notable dans le cas des alliages où l'un des constituants a subi une
corrosion préférentielle : le nettoyage va s'appliquer particulièrement aux produits
de corrosion de ce constituant et ainsi risquer de provoquer une perte d'homogénéité
de l'alliage.
Le nettoyage électrolytique
M i s e en œuvre
On relie l'objet au pôle — du générateur ; il faut alors s'assurer du bon contact
entre le métal ou la couche conductrice et l'arrivée du courant : pince ou tige
(fig. 13).
L a consolidation et le collage
L a consolidation
L a restauration
STABILISATION — P R O T E C T I O N — STOCKAGE
Stabilisation et m é t a l archéologique
La stabilisation des alliages cuivreux peut également être obtenue par l'extraction
des chlorures. Mais cette extraction n'est parfois pas envisageable soit en raison
de l'accessibilité très réduite des chlorures, soit parce qu'une couche continue de
chlorures supporte des produits de corrosion internes fissurés ou poreux.
Pour stopper le processus de corrosion active, il faut alors isoler cette couche
de chlorures cuivreux du milieu ambiant. Cette isolation s'obtient par une
transformation partielle des chlorures en une couche de composés stables jouant
le rôle de « barrière » chimique. Cette solution, parfois inévitable, présente tout de
même l'inconvénient de laisser en place un danger potentiel.
E x t r a c t i o n des chlorures
L'extraction des chlorures cuivreux peut être effectuée par immersion dans une
solution de sesquicarbonate de sodium (solution équimolaire d'hydrogénocarbonate
de sodium NaHC03 et de carbonate de sodium Na2C03), à des concentrations
variant de 1 % (NaHC03 : 4,4 gll, Na,CO_3 : 5,6 g/1) à 5 % (NaHC03 : 22 g/1,
N a 2 C 0 3 : 28 g/1). L ' a c t i o n c h i m i q u e d u s e s q u i c a r b o n a t e consiste essentiellement à
favoriser la dissolution du CuCl grâce à son pH basique ou par complexation
suivant les réactions :
2 CuCl + O H - -> Cu.O + H+ + 2 Cl- (Oddy, 1970),
4 CuCl + 02 + 8 HC03 -» 4 (CU(COI)2 )2- + 4 H + + 4 C l - + 2 H20 (Mac
Leod, 1987b).
La pénétration de la solution à l'intérieur des cratères de corrosion est indispensa-
ble. La diffusion des chlorures hors de l'objet dépend essentiellement de la porosité
des produits de corrosion et de la cuprite en particulier (Mac Leod, 1987b). Ce
traitement nécessite des durées parfois longues (plusieurs mois) mais permet une
bonne conservation des produits de corrosion (donc de la surface originelle ou
d'une « patine » éventuelle).
Le sesquicarbonate est aussi employé comme électrolyte lors d'une électrolyse à
un potentiel cathodique de — 0,10 V ESH (Païn, 1988), ce qui permet de coupler
les avantages de ces deux méthodes. Contrairement à ce qui est rapporté dans de
nombreux articles (dont récemment : Drayman-Weisser, 1987), une électrolyse
n'entraîne pas obligatoirement l'élimination des produits de corrosion. Les réactions
électrolytiques à la cathode sont déterminées en partie par le potentiel cathodique.
D'autres bains sont employés comme l'eau déminéralisée (North, 1987, p. 235),
les solutions aqueuses d'acide citrique à 5 % avec de la thiourée à 1 %, d'acétonitrile
à 50 %, de dithionite de sodium à 5 % dans la soude 1 M (dans le cas de produits
de corrosion à base de sulfures) (voir au sujet de ces méthodes : Mac Leod, 1987a)
ou récemment de 5.amino.2.mercapto. 1,3,4.thiadiazole (AMT) (Ganorkar et al.,
1988).
Enfin, on mentionnera la méthode de Rosenberg qui nécessite des produits qu'il
est généralement facile de se procurer. A l'emplacement de la corrosion active, on
dépose de la glycérine ou de l'agar-agar que l'on recouvre d'une feuille d'aluminium ;
l'ensemble est placé dans une chambre humide pendant une journée. Il s'établit
une pile entre l'objet et l'aluminium entraînant la réduction des chlorures de cuivre
et la dissolution de l'aluminium. Le traitement doit être renouvelé jusqu'à ce que
l'aluminium ne soit plus dissous. La fin du traitement est déterminée par un test
de corrosion active.
L'élimination des acétates de plomb peut être effectuée par une électrolyse en
milieu basique (soude à 2 %) à un potentiel cathodique de - 1,2 V ESH (Bertholon,
1986a), ou en milieu acide (acide sulfurique à 10 %) (Lane, 1975) à un potentiel
de - 0,6 V ESH. Ces traitements permettent l'extraction des espèces chimiques
nocives tout en préservant l'immunité du métal. Dans certains cas, on peut
également obtenir la réduction des carbonates de plomb en plomb (Lane, 1979).
D'autres méthodes sont employées comme les résines échangeuses d'ions (Organ,
1953) ou les solutions aqueuses d'EDTA (Watson, 1985).
Une attention particulière doit être consacrée au rinçage après traitement. La
neutralisation des réactifs ou électrolytes alcalins par un bain d'acide sulfurique à
2 % permet également la formation d'une couche protectrice de sulfate de plomb
et semble jouer un rôle important dans la stabilité à long terme (Lane, 1987). Le
plomb se corrodant dans l'eau distillée (car exempte de carbonates), le rinçage
s'effectue en plusieurs bains d'eau de ville (4 ou 5) pendant au plus une demi-journée.
La protection
L e s r é s i n e s e t les c i r e s
CONCLUSION
Toutes les techniques exposées dans ce chapitre sont, pour la plupart, mises en
œuvre couramment.
Qu'elles soient inspirées directement de la recherche industrielle récente ou
employées depuis de nombreuses années, elles permettent au conservateur-
restaurateur de traiter efficacement les objets métalliques qui lui sont confiés
quotidiennement.
Cependant, il ne faudrait pas que l'application de nouvelles techniques, si
enrichissantes soient-elles, de nouveaux produits fournis par l'industrie chimique
se substitue à une recherche fondamentale sans laquelle aucun réel progrès ne
pourrait être accompli.
En effet, de nombreuses interrogations subsistent liées à la structure même du
métal archéologique et à sa spécificité, souvent peu étudiées : mécanismes d'altéra-
tion liés au milieu d'enfouissement, nature et structure des produits de corrosion,
relation entre technologie d'élaboration et corrosion...
Seule une étude approfondie de ces points permettrait d'améliorer réellement
l'efficacité des techniques de conservation et de préciser leur spécificité.
Archéologie et discipline de la conservation-restauration sont ici étroitement
imbriquées car n'oublions pas que derrière une matière profondément altérée se
dissimule un objet qu'il s'agit de conserver mais avant tout de comprendre.
Les matériaux
organiques
S y l v i a DE LA BAUME
Les cellules végétales sont limitées par une paroi dont les principaux composés
chimiques sont la cellulose, les hémicelluloses et la lignine.
La cellulose, haut polymère naturel, est un polysaccharide formé par la réunion
en chaîne de molécules de nature glucidique, grâce à des liaisons de type glucosidique
(Arnaud, 1978). L'unité de base, constituée de deux sucres à six atomes de carbone
(hexoses), correspond à la structure du P-cellobiose (C12 - H20 . OIO)n (fig. la). La
valeur de n, qui exprime le degré de polymérisation, soit le nombre d'unités de
base de la chaîne moléculaire, est de l'ordre de 3 000, mais peut baisser jusqu'à
1 000 lorsque la chaîne est altérée par hydrolyse ou oxydation, réactions qui
provoquent la rupture des liaisons intermoléculaires.
Le coton
Le coton est une matière première utilisée dans la confection de fibres textiles et
dans l'élaboration des pâtes à papier cellulosiques.
Selon la provenance et l'âge de la plante, les poils de coton font de 2 à 3 cm de
long et de 15 à 18 lim de diamètre dans leur partie médiane. En se desséchant, les
cellules des poils se vident de leur contenu cellulaire. Les poils s'aplatissent en se
vrillant, ce qui leur donne une section transversale caractéristique en forme de
haricot. Il ne reste alors que la membrane de la cellule (Chêne, Drisch, 1967).
La paroi II des cellules du coton est composée à 94 % de cellulose très cristalline
et de quelques hémicelluloses tandis que la paroi 1 contient des pectines et des cires
qui confèrent au coton son caractère hydrophobe à l'état naturel.
Le lin
Le lin est une fibre provenant d'une plante (Linum Usitatissinum) qui peut
atteindre jusqu'à 1,20 m de long et 1 à 3 mm de diamètre.
Les fibres élémentaires du lin peuvent faire de 1 à 6 cm de long pour un diamètre
de 6 à 10 jim ; elles ont une section polygonale caractéristique. Elles sont constituées
à 80 % de cellulose très cristalline qui donne à la fibre de très bonnes propriétés
mécaniques, mais une aptitude faible à la torsion. Ce dernier caractère physique
entraîne la formation de zones de dislocation le long de la fibre élémentaire,
appelées « genoux », qui sont des points de faiblesse dans l'organisation des
microfibrilles présentant une plus grande susceptibilité d'altération (Sotton, 1986).
L'agrégat de 10 à 30 fibres élémentaires par un ciment comportant des pectines
et de la lignine forme un faisceau. L'ensemble des faisceaux, au nombre de 30 à
40 ont sensiblement la longueur de la plante.
Le bois
Les ponctuations sont très semblables chez la plupart des feuillus, quoique
certains ne présentent pas de torus ; la membrane externe de la ponctuation est
alors la paroi 1 non modifiée. Les substances passent par diffusion à travers celle-ci.
La structure de la paroi cellulaire a déjà été décrite. Dans le bois, au cours de
la dernière phase de croissance de la cellule, un dépôt de lignine s'opère sur la
paroi 1 qui ne contient alors que peu de cellulose (25 % du poids sec).
Les cellules du bois comprennent souvent des inclusions, des tyloses dans les
vaisseaux de certains feuillus, dans le chêne par exemple ; ceux-ci peuvent se
développer jusqu'à obstruer complètement le vaisseau et leur rôle est alors
primordial vis-à-vis du mouvement des liquides dans le bois.
De même, plus fréquemment chez les conifères que chez les feuillus, il se forme,
dans les rayons, des dépôts inorganiques sous forme de cristaux, d'oxalate de
calcium par exemple, qui peuvent nuire à la bonne circulation des liquides au sein
du bois.
D'une manière générale, l'humidité interne d'un bois modifie ses propriétés
physiques et mécaniques, sa dureté et sa résistance contre les micro-organismes.
Le bois gonfle en présence d'humidité grâce aux propriétés hygroscopiques de
ses constituants et subit des retraits en séchant, notamment lorsqu'il atteint une
humidité inférieure au point de saturation des fibres. Celui-ci est le taux d'humidité
du bois lorsque les fibres sont gonflées (saturées d'eau colloïdale) mais qu'aucun
liquide, ou « eau libre » n'existe plus dans les espaces vides constituant la structure
capillaire du bois (vaisseaux, rayons, etc.).
Ce point de saturation des fibres est de l'ordre de 32 à 35 % du poids sec chez
les feuillus et de 26 à 28 % chez les conifères ; cette différence s'explique par une
proportion supérieure d'hémicelluloses, plus hygroscopiques que la cellulose, dans
la paroi des feuillus que dans celle des conifères (Tsoumis, 1968).
Cette eau qui forme des liaisons avec les molécules de cellulose ou d'hémicellulose
est appelée « eau liée ». L'eau passe à travers les parois cellulaires par diffusion
grâce au gradient d'humidité naturel qui sévit dans la paroi cellulaire.
Au-dessus du point de saturation des fibres, l'eau libre remplit les cavités
cellulaires du bois qui agissent comme de fins capillaires.
Comme tous les corps à structure capillaire, le bois connaît des phénomènes de
sorption, c'est-à-dire qu'il absorbe les vapeurs condensées environnantes jusqu'à
atteindre un certain taux d'équilibre. Dans le bois cette absorption est importante
car la cellulose et les hémicelluloses sont hygroscopiques ; de plus elle varie en
fonction de la dimension des surfaces intérieures.
On définit l'hystérésis comme la différence d'humidité entre la désorption et
l'adsorption. Par expérience, après une série d'adsorptions et de désorptions,
c'est-à-dire des cycles d'humidification/séchage, l'hystérésis décroît progressive-
ment, ce qui signifie que le bois gonfle de moins en moins après réhumidification
(fig. 5). En effet en séchant, les chaînes de cellulose, d'hémicellulose, la lignine, etc.
se rapprochent, créant des liaisons entre leurs groupes hydroxyles ; l'eau ne peut
donc plus se lier à ces groupes, d'où un écartement ultérieur des chaînes limité.
FIG. 5. — Hystérésis.
A ce propos, ont été faites des expériences utilisant des rayonnements gamma
destinés à dégrader des chaînes de cellulose en de plus petits polymères ; on pouvait
ainsi juger de l'influence du degré de polymérisation de la cellulose sur les
phénomènes de sorption. Il est apparu que des doses importantes de rayons gamma
coupaient les chaînes de cellulose en des polymères de la taille des hémicelluloses
et qu'ainsi l'hygroscopicité du bois était fortement augmentée.
Ce phénomène pourrait également être expliqué par des rapports énergétiques,
la sorption correspondant à une perte d'énergie (Kollmann, 1968).
Lors de la désorption, on observe des retraits qui sont proportionnels à la densité
du bois et qui sont directement liés au taux d'humidité de celui-ci, et ce, jusqu'au
point de saturation des fibres. Les parties externes du bois atteignent leur point de
saturation plus tôt que les parties internes et il en résulte un retrait de surface
précoce.
Le bois est un matériau anisotrope et il ne se rétracte pas avec la même importance
dans toutes les directions. Le rapport entre les retraits selon les axes longitudinal,
radial et tangentiel est de 1:2:3 (fig. 6).
Etudiée chez les conifères, cette différence a été expliquée par l'arrangement
hélicoïdal des microfibrilles des parois cellulaires, différent selon le sens radial ou
tangentiel. De plus, chez les conifères, dans le sens radial, la présence de nombreuses
ponctuations dans les parois cellulaires interrompt localement les tensions provo-
quées par le séchage sur les microfibrilles. Il ne fait aucun doute que les propriétés
anisotropiques du bois sont dues à l'orientation des microfibrilles dans les parois
cellulaires et à celle des fibres dans l'arbre.
L'importance des retraits tangentiels est également expliquée par l'alternance du
bois initial et du bois final qui forme les cernes de croissance.
L'ensemble des propriétés des cellules animales est à l'image de leur nature, très
complexe et varié. Nous étudierons ici les propriétés ayant une implication directe
sur l'altération et la conservation des tissus animaux.
Comme dans la cellule végétale, ce sont essentiellement la composition et
l'organisation des parois des cellules animales qui sont les plus significatives de
leurs propriétés.
Les membranes des cellules animales sont constituées à 60 % de protéines et à
40 % de lipides complexes.
Les lipides complexes sont des composés bipolaires présentant un pôle hydrophobe
et un pôle hydrophile ; ils auront donc une orientation définie dans la membrane
vis-à-vis des molécules d'eau.
Les protéines sont des macromolécules issues de l'enchaînement d'acides aminés
qui sont des composés dont la molécule possède une fonction amine (NH2) et une
fonction acide carboxylique (COOH). Les positions relatives de ces deux fonctions
peuvent varier et on définit des acides alpha-aminés, béta-aminés etc.
Ceux qui participent à l'élaboration des protéines sont alpha-aminés de formule
générale ( —HN-R-COO - ) ; certains, plus complexes, peuvent présenter plusieurs
fonctions acides ou aminés.
La plupart de ces acides alpha-aminés (aminoacides) porte un nom propre.
Quelques exemples d'acides aminés
Le fait que les aminoacides possèdent une fonction acide et une fonction amine
basique les amène à se comporter en « tampon » : dans des solutions acides, ils
agissent en base ; dans des solutions basiques, en acide. Cependant, il existe une
valeur du pH pour laquelle la molécule d'aminoacide est globalement neutre ; on
appelle cette valeur le point isoélectrique.
Les protéines sont issues de la condensation d'un grand nombre de molécules
d'aminoacides par élimination d'une molécule d'eau. Les protéines sont donc des
chaînes plus ou moins longues, linéaires ou cycliques. La liaison - CO-HN -
constitue le groupement caractéristique de ces enchaînements : c'est la liaison
peptidique (Arnaud, 1978).
L a laine
L a soie
La soie est une substance sécrétée par le bombyx (ver à soie) pour fabriquer le
cocon où se développeront ses larves. Elle est formée de deux filaments protéiniques
de section triangulaire constitués de fibroïne, associés par un ciment également de
nature protéinique, la séricine. Au cours de l'élaboration des fibres textiles, le
ciment est éliminé par les opérations de décreusage.
La fibroïne est une protéine très cristalline grâce à de nombreuses liaisons
hydrogène qui imbriquent les chaînes latérales des acides aminés dans la formation
d'un réseau tridimensionnel. La fibroïne est par conséquent très peu hygroscopique
et très résistante aux différents agents chimiques et biologiques (Florian, 1987).
L a peau
La peau est constituée de deux couches principales : l'épiderme qui est une
membrane mince, et le derme qui forme une couche épaisse sur l'hypoderme, tissu
sous-cutané qui le sépare des organes.
L'épiderme est formé de plusieurs couches de cellules superposées dont la zone
de formation se situe à proximité du derme ; les cellules se divisent et progressent
au cours de leur croissance vers la surface extérieure où elles meurent et tombent.
Durant ce processus, les cellules subissent une modification chimique : elles se
kératinisent ce qui leur confère une meilleure résistance vis-à-vis des agressions
extérieures.
L'épiderme est séparé du derme par la membrane hyaline, ondulée et transparente.
Le derme est la partie la plus importante de la peau : sous la membrane hyaline
se situent les papilles dermiques qui sont des zones sensitives très irriguées. Elles
constituent la « fleur » de la peau où s'inserrent les poils et les différentes glandes.
La partie la plus profonde du derme, la « chair », est constituée d'un feutrage
de fibres de nature protéinique à base de collagène et de fibres élastiques. L'ensemble
est maintenu par la substance basale qui contient également des protéines, des
lipides, différents carbohydrates et de l'eau : celle-ci confère à la peau sa souplesse
et son hydratation.
Le derme est donc composé essentiellement de collagène, macromolécule protéini-
que formée par l'enchaînement d'un peu plus de mille aminoacides dont les
principaux sont la glycine, l'alanine et la proline (voir tableau).
La structure 1 de la chaîne montre des séquences alternées d'aminoacides neutres
apolaires et d'aminoacides polaires, c'est-à-dire dont la chaîne latérale comporte
des fonctions soit acides, soit basiques, soit hydroxyles. Les premiers ont une
structure cristalline, les seconds sont susceptibles de réagir chimiquement au niveau
des chaînes latérales et sont de nature amorphe.
Dans un état stable, la chaîne protéinique s'enroule en hélice (structure II, fig. 7).
La structure III définit l'association de trois de ces hélices par liaison hydrogène
pour donner une molécule de 2 800 Â environ et de masse molaire de l'ordre de
300 000 : le tropocollagène.
Les molécules associées forment ensemble les fibrilles, observables en microscopie
électronique où elles présentent des bandes sombres et claires alternées, interprétées
comme la représentation des zones cristallines et amorphes. L'association en fibrille
est due à des liaisons covalentes intermoléculaires, entraînant une réticulation
naturelle qui rend le collagène insoluble.
Le point isoélectrique du collagène se situe à un pH de 6,5. La molécule étant
globalement neutre, elle présente peu de fonctions susceptibles de se lier à l'eau ;
le gonflement dans l'eau est alors minimum. A des pH acides ou basiques, le
gonflement peut être très important.
La dénaturation thermique, déjà citée, se traduit par une déstabilisation de la
structure II (désorganisation de l'hélice par rupture des liaisons hydrogène) : la
peau se rétracte alors.
Dans la préparation des cuirs, les opérations de tannage consistent à introduire
dans la peau une substance (tanin) dont les fonctions chimiques lui permettent de
se lier aux sites libres du collagène. Les fonctions ainsi bloquées sont moins
susceptibles de réagir avec l'eau et les éléments chimiques extérieurs, rendant ainsi
la molécule moins accessible aux micro-organismes.
Les os et les ivoires sont considérés comme des matériaux organiques dans la
mesure où ils sont issus du monde animal. Cependant, ils présentent une nature
mixte dans leur composition chimique.
Ils sont en effet constitués d'une matrice organique de nature protéinique sur
laquelle s'incrustent des sels minéraux qui donnent aux os et ivoires leur rigidité.
De proportion variable selon les espèces, la fraction minérale représente environ
les 2/3 du poids frais de l'os ou de l'ivoire.
Les ivoires
La plupart des dents des mammifères sont constituées de dentine, appelée ivoire,
recouvert d'une couche extérieure d'émail.
La fraction organique se dépose en couches successives au cours de la croissance
de la dent, donnant à l'ivoire une structure lamellaire. La dentine contient des
fibres de collagène ; ce serait au niveau de la structure II, sur l'hélice, que
s'initialiserait la minéralisation. Les sels minéraux en cause sont des sels de calcium
et de magnésium sous forme essentiellement de phosphates, associés à du fluor
et des carbonates. Les phosphates de calcium ont une structure proche de
l'hydroxyapatite Caio(P04)6(OH)2 (Lafontaine, Wood, 1982).
Selon les espèces animales, la structure de l'ivoire varie sensiblement dans son
organisation. Les défenses de morse présentent de la dentine II comportant des
canaux longitudinaux qui constituent le système Haversien, et de la dentine 1 où
ce dernier est absent. Les défenses des éléphants d'Afrique contiennent des lipides
qui augmentent la transparence de l'ivoire et des fibres élastiques protéiniques
(élastine).
Les os
important qui sert à l'irrigation de la fine peau qui les recouvre du temps de la vie
de l'animal.
Os et ivoires ont des propriétés anisotropes d'une part grâce aux orientations
particulières de leurs canaux qui agissent en capillaires vis-à-vis des liquides et
d'autre part à cause des possibilités d'adsorbtion de l'humidité relative au niveau
de leur fraction organique (molécules protéiniques hydrophiles).
La différenciation entre ces deux matériaux est parfois difficile. Il faut rechercher
sur une coupe transversale de l'objet, le tissu spongieux des os ou les dessins, étoilés
ou courbes, caractéristiques des ivoires. Sur la face longitudinale, les os présentent,
visibles à un grossissement x 10, des canaux tandis que les ivoires sont parfaitement
denses. Cependant, après enduction d'huile, de cire, ou polissage, les os peuvent
être très difficiles à identifier et seules alors, la couleur et la densité peuvent apporter
une réponse.
En présence d'objets issus de fouille, ces critères sont souvent caduques du fait
de l'interaction du milieu environnant.
Les dégradations que subissent les objets de nature organique sont multiples.
Ces altérations, qu'elles soient d'ordre physique, chimique ou biologique,
s'amorcent dès la mise en œuvre de la matière première et se prolongent indéfiniment.
Selon la vitesse de progression de ces altérations, les objets nous parviendront ou
non.
Celle-ci dépend non seulement de la nature de l'environnement des objets,
c'est-à-dire le milieu dans lequel ils évoluent défini par ses propriétés, physique,
chimique et biologique, mais aussi des qualités de résistance propres au matériau
constitutif de l'objet. Par exemple la densité des tissus de certains bois contribue à
les rendre plus imperméables aux altérations chimique et biologique du milieu et
ainsi certaines espèces dont le hêtre, le châtaigner ou les fruitiers, nous parviennent-
elles plus fréquemment que d'autres.
Il est impossible de hiérarchiser l'importance des facteurs d'altération car leurs
actions se déroulent soit simultanément soit se complètent en se succédant très
intimement.
Afin d'avoir une approche la plus complète possible des différentes formes
d'altération qui président à la destruction des matières organiques, celles-ci seront
présentées sous trois rubriques : physique, chimique et biologique. L'important au
moment du choix du traitement est de faire la synthèse de ces trois types d'altération
en relation avec le milieu d'enfouissement. Les milieux d'enfouissement fournissent
une donnée tangible, la vie de l'objet avant son abandon n'étant jamais qu'hypo-
thèse. La responsabilité du devenir de l'objet après son exhumation nous appartient
et la petite part de celle-ci qui incombe au conservateur-restaurateur sera abordée
avec les traitements de conservation.
L a dégradation biologique
Os Os
Bois Bois Bois
Cuir Cuir Cuir
Textile Textile Textile
d'origine végétale d'origine animale
Poil 1 , Poil 1
Corne 1 Kératine Corne Jf Kératine
Les trois grands types d'altération (physique, chimique, biologique) que nous
venons de développer, en relation avec les milieux d'enfouissement (terrestre,
aquatique, marin), sont communs à tous les matériaux organiques. Cependant
selon leur nature (bois, cuir, etc.) ceux-ci présentent des comportements particuliers.
Bois et vannerie
Le bois, au moment de sa mise en œuvre et au cours de son utilisation, possède
un taux d'humidité interne de l'ordre de 7 à 15 % ; selon le milieu dans lequel il
est abandonné, plus ou moins humide, le bois réagit pour tendre vers un état
d'équilibre. Ainsi si le milieu est sec, l'humidité du bois disparaît progressivement,
autrement dit, l'objet se dessèche graduellement. Dans la phase qui précède
l'enfouissement total et la dessication du matériau, celui-ci subit diverses colonisa-
tions de micro-organismes, ou même d'animaux xylophages qui viennent réduire
considérablement la résistance mécanique du bois. Puis le bois, plus profondément
enfoui, (à moins qu'il ne soit déjà complètement décomposé) achève sa déshydrata-
tion, laquelle amenuise encore la résistance mécanique des matériaux par perte de
plasticité entre les fibres rapprochées. Dans cette situation, l'objet très affaibli peut
se briser et se déformer. Par contre, l'oxygène se raréfiant dans le sol, nombre
d'espèces saprophytes vont disparaître. Seules quelques bactéries résistantes à un
faible taux d'oxygène subsisteront (cf. supra). De plus le bois déshydraté devient
plus difficilement accessible à ces organismes ; les fibres rapprochées constituent
une barrière physique et la colonisation ne peut guère pénétrer l'objet en profondeur.
Si au contraire le milieu d'enfouissement de l'objet se trouve humide, différents
processus se mettent en place favorisant d'une part le maintien des structures et
les dégradant par ailleurs. Dans de telles conditions d'humidité, les bois absorbent
l'humidité environnante et dans un premier temps, les structures cellulaires se
gonflent de cette eau. Puis toujours pour tendre vers un équilibre avec le milieu,
les bois continuent à absorber de l'eau libre dans leurs cavités cellulaires. Au cours
de l'enfouissement, les micro-organismes colonisent le bois, empruntant les voies
naturelles que leur offrent les rayons, les vaisseaux, mais aussi, de cellule à cellule,
les ponctuations. Cela leur est d'autant plus facile que l'eau libre écarte les chaînes
moléculaires, et donc les fibres, libérant de nouvelles voies d'accès. La rapidité de
l'enfouissement conditionne la qualité des espèces organiques en présence et plus
vite l'objet se trouve dans des conditions d'oxygénation faible ou nulle, plus le
Les textiles
Si l'on considère tous les facteurs responsables de la dégradation des tissus
animaux et végétaux, que l'on peut synthétiser par l'action de l'agent physico-
chimique « EAU » et des agents biologiques, il est surprenant que certains
témoignages textiles nous parviennent.
Pourtant, c'est le cas, et il ne semble plus nécessaire après les développements
précédents de rappeler que ce sont des conditions d'enfouissements particulières
qui en sont le fait. Il faut cependant reconnaître aux fibres textiles une résistance
mécanique exceptionnelle due assurément à leur mise en œuvre. Celles-ci torsadées
maintes fois sur elles-mêmes, prises lors du tissage dans un réseau plus ou moins
complexe, confèrent aux textiles de bonnes qualités mécaniques comparées à celles
de la fibre naturelle.
Ceci explique peut-être que les altérations physiques n'aient que peu d'effet sur
ces matériaux durant la période d'enfouissement. Il en est autrement durant
l'utilisation des pièces où les pliures répétées, les abrasions multiples et les tensions
des coutures peuvent occasionner des déchirures.
Au cours de l'enfouissement, certains événements permettent aux textiles de nous
parvenir et d'échapper aux dégradations biologiques, notamment la proximité
d'objets métalliques, tels que des bronzes ou autres alliages de cuivre dont les sels
sont toxiques pour les micro-organismes. D'autres événements sont induits par
l'eau du sous-sol qui véhicule des sels, lesquels se déposent sur le textile, l'imprègnent
au point de le minéraliser définitivement. Les fragments ainsi minéralisés sont mis
au jour rigides et cassants comme du verre. Leur nouvelle nature minérale leur
assure une bonne conservation. Les mêmes processus de minéralisation peuvent se
produire lorsque les tissus sont au contact direct de métaux, comme par exemple
des objets en fer. Les oxydes de fer issus de la corrosion de l'objet imprègnent et
donc « conservent » les textiles. Dans ce cas-là comme précédemment, le tissu
retrouvé n'a plus sa structure organique d'origine mais la forme en est conservée.
Lorsque cette imprégnation des oxydes de fer est concomitante à la dégradation
biologique des fibres, il est possible de trouver dans les oxydes de l'objet métallique
l'empreinte négative du textile disparu. Cette empreinte livre alors les informations
perdues avec une très grande fidélité et à ce titre, les oxydes sont parfois à
conserver ; en fonction de leur intérêt, on peut alors choisir d'en exécuter un tirage
par prise d'empreinte selon les techniques pratiquées en moulage.
En ce qui concerne l'altération des textiles, il faut retenir que les milieux
légèrement basiques préservent mieux les fibres animales que les milieux acides.
Cependant, la kératine réagit fortement aux milieux très alcalins, où, dans des
conditions extrêmes, elle peut même se solubiliser par rupture des pont S-S et
hydrolyse de la chaîne peptidique. La plupart des protéines sont sensibles à la
lumière qui provoque des réactions de photo-oxydation ; celles-ci sont catalysées
par la présence de sels métalliques, notamment en millieu acide (Florian, 1987). A
l'opposé, les fibres d'origine végétale se conservent mieux dans des conditions à
tendance acide (pH < 5) ; en effet, dans une gamme de pH allant de 5 à 11, la
cellulose gonfle ce qui permet la mise en place de réactions d'hydrolyse ou
d'oxydation au sein de sa structure fine.
Quel que soit le milieu d'enfouissement, les teintures sont rarement visibles sur
les textiles achéologiques qui prennent des teintes allant du beige clair au marron
foncé. Il ne fait aucun doute cependant que les teintures étaient largement
employées, souvent produites à base de végétaux, de terres naturelles ou d'oxydes
métalliques. Elles ont le plus souvent été lessivées par le séjour prolongé dans le
sol. Cependant, à l'aide d'analyses fines en spectrométrie infra-rouge ou par
chromatographie, en phase liquide ou gazeuse, il est possible d'identifier des traces
de teintures végétales ou organiques disparues.
Les os et ivoires
Les altérations des os et des ivoires dépendent une fois de plus du milieu
d'enfouissement, mais également de la nature et de l'origine du matériau, c'est-
à-dire que les vitesses de dégradation ne sont pas les mêmes selon qu'un os provient
d'un sujet en bonne santé, jeune, vieux, etc. ; de plus, elles diffèrent en fonction de
la nature de l'os (os long, os plat). Il en est de même des ivoires dont la nature et
la structure varient légèrement en fonction de l'animal dont ils proviennent.
Les dégradations biochimiques se mettent d'autant plus vite en place que l'os
n'est pas totalement décharné et que les chairs amènent, au cours de leur
putréfaction, des micro-organismes susceptibles de s'attaquer aux os. Dans de tels
cas, la fraction organique est dégradée par voie enzymatique, laissant des espaces
libres dans la fraction minérale. Ces espaces, dans le cas de sols humides, se saturent
d'eau. Les sels véhiculés par l'eau, de nature métallique dans le cas de sols basiques,
cristallisent dans les espaces libres, renforçant ainsi la fraction minérale des os ou
des ivoires (Baer, Indictor, 1974 ; Baer et al., 1978). Lorsqu'il s'agit de sels solubles,
ceux-ci ont un caractère hygroscopique qui les amène à gonfler ou cristalliser selon
le degré d'humidité environnant. Ces changements d'état ne sont pas sans créer
des tensions qui provoquent des fentes ou des éclatements lors d'un séchage trop
rapide.
Au cours de la minéralisation des os, les phosphates de calcium sont progressive-
ment remplacés par des carbonates de calcium qui augmentent la porosité du tissu.
Ce phénomène de minéralisation est à différencier de la fossilisation des tissus
osseux, au cours de laquelle il n'y a modification ni de la structure microscopique,
ni du poids de l'objet (Florian, 1987).
Dans un sol acide, ou rendu localement acide, par exemple par la proximité du
bois d'un sarcophage, la fraction minérale est dissoute. Si le milieu présente un
caractère anaérobie, la fraction organique pourra alors se conserver. De tels os ou
ivoires sont apparemment en bon état lors de leur mise au jour, mais la dissolution
de la fraction minérale entraîne une perte importante des propriétés mécaniques
de l'objet. Il faut redouter alors l'évolution du séchage de ces matériaux, car les
composés organiques, dont le collagène, réagissent à la déshydratation par des
changements dimensionnels entraînant fentes et fractures. Lorsque au contraire, le
sol est bien drainé et aéré, les processus biologiques poursuivent la dégradation
des matières organiques et dans bien des cas, les os et les ivoires disparaissent
complètement.
La couleur des ossements ou des ivoires trouvés en fouille est très variable.
Dans la plupart des cas, ils sont de couleur blanche ou beige clair, mais leur
teinte peut s'assombrir jusqu'au brun et marron foncé du fait des composés du sol
qui diffusent dans leurs structures. Ils peuvent par ce même procédé prendre la
couleur des sels métalliques issus d'objets proches ; des teintes rousses d'oxyde de
fer ou des bleus-verts de carbonate de cuivre. Toutefois, il faut distinguer ces teintes
de celles dues à des dégradations thermiques qui sont le résultat, soit d'une volonté
esthétique, soit d'un accident (incendie).
En effet, les ivoires prennent différentes couleurs en fonction des températures
de calcination subies ; ce phénomène met en évidence certaines pertes élémentaires
dans leur composition chimique (Baer et al., 1971) :
Nettoyage
Le principal critère qui permet de considérer qu'un objet est sec, est la nature
sèche des sédiments qui le recouvrent. Tout objet dont les restes de sédiments sont
humides est apparenté à un matériau humide, même si ce degré d'humidité est très
faible.
Les objets secs, ainsi définis, ont perdu non seulement toute leur eau libre, mais
aussi la plus grande partie de leur eau de constitution. Ainsi modifiées dans leur
composition chimique, les structures de ces matériaux ne sont pas propices à la
prolifération de micro-organismes qui nécessitent un certain taux d'humidité pour
se développer. Il n'y a donc pas lieu, à priori, de se préoccuper des micro-organismes,
mais la sagesse recommande de surveiller régulièrement les objets.
Le nettoyage des matériaux organiques secs, consiste à les débarrasser de la terre
restant en surface et des concrétions incrustées dans les infractuosités de l'objet.
Dans une première étape, on procède à un dépoussiérage général qui élimine le
gros des sédiments.
Les objets organiques secs sont fragiles, peu résistants aux pressions et aux
frottements. Il est donc nécessaire au cours de ce dépoussiérage de n'utiliser que
des outils d'une dureté inférieure à celle de l'objet, comme par exemple des pinceaux
ou des brosses souples. Mais dans cette phase, seules les particules de terre
possédant une force d'adhésion au matériau plus faibles que celles créées par le
frottement de la brosse, seront éliminées.
Il reste donc en place les particules qui sont liées étroitement au matériaux et
dont l'enlèvement nécessite l'application de forces telles qu'elles mettent en péril la
cohésion même de la surface de l'objet. Ce sont alors, soit des concrétions
ponctuelles (grains de sable, fragments de racine, etc.), soit des concrétions
étendues, formées par l'association de plusieurs particules cimentées. En présence de
concrétions ponctuelles, l'emploi d'un bâtonnet de bois s'avère efficace pour
dégager localement un grain de silice, mais ceci n'est pas sans danger pour le
matériau sous-jacent (Cleaning, 1983, p. 27-32). Dans le cas de concrétions étendues,
il est possible d'avoir recours à des « solvants ». Ceux-ci ne dissolvent pas à
proprement parler les sédiments, mais en s'insinuant entre les molécules qui
constituent le ciment, rompent leurs liaisons, diminuant ainsi globalement les forces
d'adhésion des particules entre elles.
Les solvants sont constitués de molécules plus ou moins fortement liées
entre elles, selon leurs propriétés de polarité. La force relative de ces liaisons
intermoléculaires définit la viscosité du solvant. Par exemple l'eau, dont les molécules
sont plus fortement liées que celles de l'acétone ou de l'alcool s'« écoule » moins
bien : elle est plus visqueuse. La volatilité d'un solvant, qui conditionne les
opérations de séchage, est également liée aux forces de cohésion intermoléculaires
du liquide ; ainsi l'acétone et l'alcool sont plus volatils que l'eau. La taille des
molécules influence aussi la viscosité : des liquides comme les huiles, composés de
grosses molécules, peu mobiles du fait 'de leur propre encombrement, sont très
visqueux. D'une manière générale, une élévation de température abaisse la viscosité
des liquides en augmentant la mobilité des molécules par rupture de leur liaisons
intermoléculaires.
Comme les liquides, les solides possèdent leur propres forces de cohésion. De
plus, il existe des forces d'attraction entre les molécules du solide et celles du
liquide. Les forces d'attraction entre un corps organique hydrophile, cellulosique
ou protéinique, et les molécules polaires de l'eau sont supérieures aux liaisons
intermoléculaires du liquide : il y a absorbtion de l'eau à la surface du matériau.
Au contraire, dans le cas d'un matériau hydrophobe ou inerte, comme un corps
gras ou le verre, les forces d'attraction sont quasiment nulles par rapport aux
forces intermoléculaires de l'eau ; celle-ci ne peut établir de liaisons avec le matériau
et demeure en goutte formée à sa surface. La tension superficielle d'un liquide
définit l'importance relative de ses forces de cohésion par rapport aux forces
d'attraction qu'il peut établir avec un support donné. Ainsi, la force des liaisons
intermoléculaires de l'eau en fait un solvant à viscosité et tension superficielle plus
élevées que celles de l'alcool ou de l'acétone.
Avant de décrire l'emploi des solvants lors du nettoyage, il est nécessaire de
rappeler que les vides structurels des matériaux organiques (système Haversien,
vaisseaux, rayons...) fonctionnent à l'égal de fins tubes.
Les liquides montent naturellement dans de fins tubes selon un phénomène
appelé capillarité. Plus le liquide possède des forces intermoléculaires élevées et
plus le diamètre des tubes est petit, plus importante sera la remontée capillaire.
Enfin, selon la tension superficielle du solvant et la nature du tube, polaire ou non,
il y aura remontée capillaire avec formation d'un ménisque concave ou convexe
(Cleaning, 1983, p. 47).
Au cours du nettoyage des objets organiques secs, le choix du solvant est très
important. En effet, l'utilisation d'un solvant a pour but de désolidariser les
particules cimentées et non de pénétrer l'objet. On choisit donc un solvant dont la
tension superficielle suffisamment basse permet une bonne répartition du produit
dans les interstices des concrétions avec des phénomènes de capillarité limités et
une volatilité élevée qui assure une évaporation rapide. Ce dernier point peut
d'ailleurs ralentir le nettoyage, dans la mesure où la vitesse de l'évaporation ne
laisse pas le temps aux particules d'être entraînées par le solvant. Ce type de
nettoyage est donc complété par l'action mécanique légère d'un pinceau ou d'un
coton-tige imbibé du solvant.
Les alcools éthylique et méthylique répondent davantage à ces critères que l'eau
et permettent généralement d'avoir de bons résultats, tant sur les bois que sur les
os ou les ivoires ; l'acétone blanchit légèrement ces derniers en les dégraissant, mais
ne semble pas altérer pour autant leurs structures. Au cours du nettoyage, il faut
rester attentif aux polychromies, fréquentes sur les objets en os ou ivoire, qui
peuvent se solubiliser dans de tels solvants. Très souvent il est nécessaire de les
refixer avant de poursuivre le nettoyage.
Les textiles, lorsque leur cohésion est suffisante, sont ceux des matériaux
organiques qui présentent le moins de risque à être nettoyés en bains d'eau
déminéralisée. Il faut alors les remouiller progressivement, ce qui n'est pas toujours
aisé, les fibres ayant établi entre elles des liaisons intermoléculaires après s'être
rapprochées au cours de l'assèchement. Pour faire pénétrer l'eau entre les fibres, il
est alors nécessaire de les relaxer et d'abaisser la tension superficielle de l'eau. Il
existe différents moyens compatibles : utiliser une solution alcoolisée (50 % V/V),
l'alcool ayant une tension superficielle plus faible que l'eau et/ou ajouter à la
solution un surfactant (Cleaning, 1983, p. 46-47). Ceux-ci seront évoqués plus loin,
ainsi que le nettoyage des textiles remouillés, considérés alors comme des textiles
archéologiques saturés d'eau.
Dans certains cas, les matières organiques se sont chargées au cours de leur
enfouissement de sels : ceux-ci, par nature hygroscopiques, présentent au sein des
objets un danger réel lors de variations hygrométriques. Leur extraction, même
lorsqu'ils sont solubles dans l'eau, est toujours un problème car, faire subir à des
matériaux affaiblis des séries de bains, suivies d'une déshydratation, n'est pas sans
risque. Par conséquent, le choix d'un dessalage en bain est toujours difficile à faire,
et dans la mesure du possible, on préfère l'alternative de méthodes de stockage
avec un contrôle, parfois difficile, de l'hygrométrie (voir Chapitre X).
Il faut généralement proscrire l'usage des acides lors du nettoyage des sels
présents sur la surface des os et des ivoires ; en effet, les analyses attestent une
dégradation des couches superficielles, des ivoires notamment, sous l'action de
l'acide chlorhydrique dilué (Matienzo, Snow, 1986). Cependant, certains auteurs
pratiquent la dissolution des dépôts de calcite, ou de gypse, sur les os et ivoires
aux acides organiques faibles.
D'une manière générale, le stockage provisoire des objets secs de nature organique
doit leur assurer une protection mécanique contre des chocs accidentels : chocs dus
à une cause extérieure, compression des objets entre eux, etc. mais surtout, une
barrière contre les variations climatiques, et principalement contre les augmenta-
tions, ou les diminutions brutales d'humidité relative (voir Chapitre X).
PHOTO 3. — Semelle de chaussure en cuir portant les traces de fixation d'un patin (21.342.95),
fin xive siècle. (Ville de Saint-Denis, Unité d'Archéologie. Photo S. de La Baume.)
Les savons sont des sels d'acides gras (acides organiques à longue chaîne
carbonée), obtenus par cuisson en milieu alcalin (soude ou potasse). Une extrémité
de la molécule de savon porte un groupement polaire, qui lui donne sa solubilité
dans l'eau, et l'autre un groupement apolaire qui établit des liaisons avec les
particules de graisse. Les détergents ont le même type de structure mais dérivent
d'acides minéraux. L'extrémité polaire peut être chargée négativement (détergent
anionique), ou positivement (détergent cationique). En fait, les détergents cationiques
sont rarement utilisés en conservation. Lorsque l'extrémité polaire permet la
solubilité du détergent dans l'eau sans toutefois être réellement chargée, on parle
de détergent non ionique (préférentiellement à « détergent neutre » qui introduit
une notion de pH sans relation avec le mode d'action de ces composés). Ceux-ci
peuvent être utilisés comme surfactant ; dans une solution aqueuse, ils abaissent la
tension superficielle de l'eau vis-à-vis du substrat car, grâce à leur intermédiaire,
s'établissent des forces d'attraction entre le support et l'eau (cf. Aide mémoire
n° 4).
Le nettoyage des textiles est une opération délicate car ceux-ci sont très fragiles ;
les fibres, ayant peu de cohésion entre elles, sont arrachées très facilement. Pour
les textiles saturés d'eau ou artificiellement réhydratés, l'opération peut être menée
dans un bain d'eau déminéralisée additionnée de quelques gouttes d'un détergent
non-ionique (Symperonic N, 0,5 %). Le lavage est amélioré par une eau légèrement
alcaline (pH 7/8) qui évite la précipitation de sels métalliques ; le pH est alors
stabilisé par l'addition de carbonate ou silicate de sodium. Ce procédé n'est
toutefois pas recommandé pour les fibres d'origine animale car les protéines sont
sensibles aux pH alcalins. Il est par contre possible d'ajouter au bain de lavage un
peu de carboxyméthylcellulose de sodium dont le rôle est de maintenir en suspension
les particules et d'éviter ainsi leur redéposition (Cleaning, 1983, p. 80-85). Lorsque
le textile est très incrusté de carbonates, on peut avoir recours à des complexants
comme l'héxamétaphosphate de sodium (Calgon, 1-5 %).
Pour effectuer le nettoyage, le textile est pris en sandwich dans une résille
plastique à fin tissage (moustiquaire du commerce) pour y être maintenu pendant
l'immersion au cours de laquelle on provoque un léger remous de l'eau pour
détacher les souillures. Lorsque le textile est suffisamment propre, il est nécessaire
de le rincer abondamment à l'eau déminéralisée. Les incrustations les plus tenaces
peuvent être dégagées dans l'eau au pinceau, sous loupe binoculaire pour s'assurer
que l'on n'altère pas les fibres.
Les textiles minéralisés, secs ou humides, bien que fragiles peuvent être brossés
doucement sous l'eau courante.
Il est fréquent que les objets présentent des taches brunes d'oxyde de fer, ou
vertes de carbonate de cuivre, qui ont diffusé dans les structures poreuses des
matériaux organiques au cours de leur enfouissement ; ces taches sont très difficiles
à éliminer. Dans le cas des bois, ces sels sont profondément incrustés dans les
capillaires, difficilement accessibles, ou impliqués par des liaisons covalentes avec
les molécules organiques : tannate de fer noir dans le chêne par exemple ; leur
extraction totale est pratiquement impossible. Des bains d'eau déminéralisée
fréquemment renouvelés n'extraient qu'une partie des sels les plus solubles.
Des tentatives de complexation par des produits utilisés dans le nettoyage des
métaux (sels disodiques de l'EDTA à 5 %), n'ont apporté que des résultats
variables ; pour les cuirs, dont la structure fibrillaire est plus lâche, les extractions
ont eu quelques résultats, notamment avec le citrate d'ammonium (Chahine et al.,
1988), les sels disodiques de l'EDTA, les acides orthophosphorique, oxalique ou
ascorbique (Van Soest et al., 1984 ; Segal, Mac Donald, 1984». L'action de ces
agents chimiques doit être limitée à quelques heures et suivie d'un rinçage abondant
car ils contribuent à dégrader le collagène. Après ce traitement, le rinçage se
poursuit jusqu'à obtention d'un pH voisin de 5.
Lors du nettoyage des cuirs archéologiques gorgés d'eau, l'action chimique des
détergents (Tégobétaïne) ou des complexants peut être complétée par l'action
mécanique des ultra-sons (Chahine, Vilmont, 1987).
Des essais d'extraction de ces sels métalliques par électrophorèse, où l'objet, en
cuir ou en bois, est placé en bain dans un champ électrique établi entre deux
électrodes, ont été effectués (fig. 8). Les résultats de ces expériences demeurent
incomplets : si cette technique améliore sensiblement le nettoyage, elle n'est pas
sans danger pour l'objet. En effet, les variations de température et de pH dans le
bain, dues aux réactions électrochimiques qui siègent aux électrodes, ne sont
pas, à l'heure actuelle, parfaitement contrôlées et nécessiteraient des recherches
complémentaires (Marchand, 1987 ; La Baume, 1987).
FIG. 8. — Electrophorèse.
Les consolidations
où :
PSoLi : poids de l'échantillon sans la tare
PEAU : poids de l'eau sans la tare
PPHG = Psoi.f : poids de PEG obtenu après évaporation en étuve de l'eau
contenue dans la solution initiale PSoLi (sans la tare)
(C) : concentration recherchée
C'est ce qui se passe dans un lyophilisateur qui est une cuve équipée d'une pompe
à vide pour abaisser la pression et faire le vide, d'un compresseur pour refroidir le
« piège à froid », constitué le plus souvent d'un serpentin de tube en acier inoxydable
(fig. 10).
Remise en f o r m e , remontage
Le collage
Les adhésifs disponibles sur le marché sont très nombreux, et il n'est pas question
ici de détailler chacun d'eux (voir Aide mémoire nos 6, 7, 8). Cependant, on peut
les séparer en trois classes qui correspondent à trois modes de prise : départ du
solvant, réaction chimique ou action de la chaleur (Adhesives and coatings, 1983).
La première catégorie regroupe toutes les résines véhiculées par un solvant dont
le départ leur permet d'établir des liaisons intermoléculaires internes et avec le
substrat. Dans la majorité des cas, ces liaisons sont réversibles à long terme. La
gamme des propriétés physiques de ces adhésifs est très large. Leur pouvoir de
pénétration et l'épaisseur des joints obtenus sont variables selon la taille des
molécules constitutives de la résine, la concentration de celle-ci dans le solvant qui
donne des solutions plus ou moins visqueuses, et la tension superficielle du solvant.
Le principal défaut de ces adhésifs est l'apparition de retraits consécutifs au départ
du solvant, avec un durcissement du film qui le rend cassant en vieillissant.
Parmi ces adhésifs, on retrouve par exemple, tous les dérivés cellulosiques (acétate,
éthyl, méthyl, etc.), les vinyliques (acétate de PV, butyrate de PV, etc.) et les
acryliques (éthylmétacrylate, méthylmétacrylate, etc.).
Les adhésifs qui prennent par réaction chimique sont des polymères qui forment,
par polymérisation, un réseau tridimensionnel insoluble. Ce sont des résines
constituées d'un monomère et d'un durcisseur (époxy) et d'un catalyseur (polyester) ;
la polymérisation est initiée par le mélange des composants. La polymérisation est
plus ou moins rapide. Comme pour la plupart des réactions chimiques, la chaleur
accélère le processus ; par ailleurs, ce sont souvent des réactions elles-mêmes
exothermiques et elles peuvent élever localement la température du substrat, ce qui
n'est jamais très favorable aux matériaux organiques.
La dernière catégorie regroupe les corps utilisés liquéfiés sous l'action de la
chaleur et qui acquièrent leur pouvoir adhésif par refroidissement, avec retour à
l'état solide. C'est le cas de nombreuses résines naturelles dont la collophane, les
cires d'abeille, etc. auxquelles s'ajoutent les produits issus de l'industrie chimique :
cire microcristalline, polyéthylèneglycol, mais aussi des composés constitués de
plusieurs polymères (ex. Beva qui contient deux copolymères acryliques et une
résine cyclohexanone), dont le pouvoir adhésif est obtenu après leur mélange réalisé
par fusion.
Les objets en bois peuvent être cassés en plusieurs fragments et il est parfois
difficile de trouver un joint correct lorsque le séchage a provoqué des déformations
car celles-ci sont fonction du sens du bois. Par exemple, un objet tourné (comme
les écuelles) présentera des fragments qui n'auront pas les mêmes axes de
déformation selon leur emplacement par rapport au cœur du bois mis en œuvre.
Cependant, lorsque les joints présentent un bon point de contact, on peut coller
les fragments secs, ou traités par certaines résines (Collophane, styrène-polyester
ou copolymères acryliques), avec des adhésifs de la première catégorie, notamment
des colles vinyliques, qui sont des acétates de PV, en émulsion aqueuse (Vinamul
6815, VR 2000) ou en solution (Mowilith 3573). Ces adhésifs ont une bonne
souplesse mais présentent un léger retrait.
Les bois lyophilisés ont subi une déshydratation très poussée qui donne une
surface très poreuse. Ils sont très avides d'eau et l'emploi d'adhésifs en émulsion
aqueuse est à exclure car on risque des auréoles sombres autour des joints, dans
les zones où le bois absorbe l'humidité apportée par l'adhésif. Il est parfois
nécessaire de diminuer la porosité du bois par un film de Paraloïd B 72 faiblement
concentré, appliqué en plusieurs couches (Hiron, 1987) ; le collage s'effectue ensuite
avec des adhésifs comme les acétates de polyvinyle dans l'acétate d'éthyle (Mowilith
3573).
Les objets, consolidés au PEG par imprégnation seule, présentent toujours un
excès de PEG en surface sur lequel les adhésifs ne prennent pas ou mal. Il faut
donc nettoyer la surface de l'objet avec un solvant du PEG. L'eau, parce qu'elle
serait absorbée par le PEG sous-jacent et contribuerait à ne jamais sécher totalement
l'objet, est délaissée au profit des alcools ou des solvants aromatiques polaires. Les
joints correctement nettoyés, les colles déjà citées sont utilisables, mais l'adhésion
reste faible. Pour des fragments très légers (ex. les dents d'un peigne), il est possible
de les coller au PEG. Il suffit de faire fondre un peu de PEG 4000 à la chaleur
d'une flamme pour l'utiliser en adhésif. C'est un exercice difficile mais qui donne
de bons résultats esthétiques. Lorsque les joints sont mal délimités, ou les pièces à
assembler très lourdes, ces colles n'offrent pas toujours une force d'adhésion
suffisante. On a recours alors à des adhésifs de la deuxième catégorie, principalement
de type époxy. Le film qu'ils produisent est rigide, mais cette propriété peut être
modifiée par l'adjonction d'un plastifiant. Pour bénéficier d'un joint plus épais, qui
gomme les déformations légères, on peut ajouter de la silice colloïdale à l'adhésif
jusqu'à obtention de la consistance souhaitée (Byrne, 1984). Eventuellement, on
renforce les joints par des goujonnages de bois mais ce type de technique va à
l'encontre des soucis d'intervention minimale et d'intégrité de l'objet.
Certaines déchirures dans des pièces en cuir, lorsqu'elles sont nettes, peuvent
être recollées bord-à-bord à l'aide d'un mélange de résine vinylique et d'hydroxypro-
pylcellulose (Klucel G) dans l'alcool (Morrison, 1988).
Le collage des objets en os ou en ivoire s'effectue avec des adhésifs de la première
catégorie, et notamment à la colle vinylique. Cependant, dans celle-ci, l'adhésif est
en émulsion dans l'eau et cet apport d'humidité dans le matériau est à contrôler
absolument. Des essais de collage sur des os parfaitement secs ont été réalisés avec
des copolymères acryliques (Paraloïd B 72) dans l'acétone. L'emploi en est très aisé
et complètement réversible. Par contre le joint est cassant, peu flexible, et demeure
très fragile. D'autres adhésifs comme les acétates ou les butyral de polyvinyle
(Butvar B 98) et des nitrates de cellulose (HMG) donnent de bons résultats.
Le comblage de lacunes
Le doublage
Le cas particulier du remontage des vanneries qui présentent des joints très fins
pour des pièces de dimensions importantes se résout rarement par des collages. Il
est alors possible d'adopter une forme de doublage qui permet un soutien global
de la pièce, laquelle peut être consolidée par la suite si nécessaire. Ce support est
constitué d'un non-tissé polyester, parfaitement stable chimiquement, qui épouse
exactement la forme de la vannerie, mais qui n'apporte pas de rigidité. Si celle-ci
est indispensable, elle est obtenue par un deuxième matériau de doublage qui
répond alors à la fois aux critères mécaniques recherchés et à ceux de présentation
ou de stockage choisis (Hiron et al., 1989).
Lors du choix des matériaux de doublage des pièces de cuir on recherchera des
matières de nature et de propriétés similaires. Tout naturellement, on peut avoir
recours à des pièces de cuir neuf qui sont amincies, « parées » et teintes (fig. 12).
Actuellement cependant, on se tourne de plus en plus vers des matériaux de
substitution synthétiques, comme les non-tissés polyester ou des mélanges de fibres
Finitions
CONCLUSION
LA D É P O S E
Principes techniques
D o c u m e n t a t i o n p a r a l l è l e à la dépose
La mosaïque est acheminée après son prélèvement dans une réserve où elle peut
rester entreposée pendant une longue période. Les problèmes de conservation
qu'elle pose à ce stade sont considérablement réduits puisque sa dépose l'a soustraite
aux multiples facteurs de dégradation qui la menaçaient sur le lieu de sa découverte.
En raison de la nature minérale de ses composants, les mesures relatives à son
stockage sont simples, comparées à celles que nécessitent certains matériaux
archéologiques, organiques notamment. Il suffit d'abriter les pavements dans un
local clos et sec les isolant des intempéries : aucun chauffage n'est nécessaire
puisque les effets du gel ne sont à craindre qu'en cas de pénétration d'eau. Quant
au conditionnement même des pavements, il découle du procédé de dépose : les
plaques de mosaïques retournées sur des panneaux de bois peuvent en effet être
superposées, chacune étant séparée de la suivante par des traverses de bois qui
ménagent une circulation d'air évitant toute apparition de micro-organismes.
Quelques consolidations ponctuelles sont parfois réalisées, de manière à stabiliser
les bordures et zones fragilisées. Les piles de mosaïques ainsi constituées attendent
alors une décision relative à leur restauration.
En effet, il n'existe guère pour les pavements d'opération intermédiaire entre
leur dépose et leur restauration complète en vue d'une présentation au public. La
plupart des documents archéologiques nécessitent des traitements plus ou moins
élaborés destinés à permettre ou préciser leur étude : les objets métalliques sont
radiographiés, nettoyés, les verres ou céramiques fragmentés sont recollés... Ces
interventions, souvent exécutées dans des laboratoires spécialisés, restent liées au
processus de la fouille puisqu'elles font apparaître des formes, des inscriptions sans
lesquelles l'archéologue ne peut envisager l'exploitation scientifique complète de
son matériel.
Les mosaïques ne posent pas ces problèmes de lisibilité ; leur décor apparaît dès
le dégagement de leur surface, et les informations technologiques qu'elles peuvent
apporter sont mises en évidence par leur dépose. Aucun traitement consécutif
au prélèvement ne s'impose donc pour des raisons archéologiques puisque la
connaissance du document est le plus souvent acquise sur le lieu même de la
découverte.
Une mosaïque mise en état de conservation après sa dépose, ne suscite une
nouvelle intervention que lorsque sa présentation est envisagée, dans un musée le
plus souvent, pour une repose in situ plus rarement. Les différentes techniques de
restauration qui sont alors appliquées dépendent des documents mêmes, et
des conditions prévues pour leur présentation ; elles concernent d'une part le
remplacement du mortier antique par un nouveau support et d'autre part les traitements
de surface des pavements.
Il s'est imposé notamment pour une mosaïque provenant d'un terrain agricole, altérée par
les engrais et traitements chimiques des cultures. Des sels insolubles avaient noirci de larges
zones du tessellatum, dans lesquelles les figures ne se distinguaient plus du fond. Le nettoyage
à l'acide chlorhydrique dilué, dont l'agressivité a entraîné une perte superficielle de matière,
a cependant permis dans ce cas la réapparition de la trame géométrique et des motifs de la
mosaïque. Il faut préciser que le pavement était par ailleurs conservé de manière très
fragmentaire, et traversé de sillons provoqués par les socs de charrues. La lisibilité du décor
était donc doublement altérée, par les zones noircies et par les lacunes ; le choix du traitement
a ainsi été dicté, non par de stricts impératifs de conservation, mais par la volonté de
rétablir au moins partiellement la compréhension d'un document destiné à une présentation
muséographique.
Les dilemmes auxquels le restaurateur est ainsi confronté à ce stade des
opérations, conduisent à préciser les objectifs du traitement de surface en vue d'une
présentation au public.
La règle essentielle est de préserver la surface de la mosaïque, son « épiderme ».
C'est lui qui porte l'empreinte du passage des siècles sur le document, depuis sa
mise en place jusqu'à son exhumation : l'érosion des joints qui confère au tessallatum
un relief arrondi détachant chaque élément, le poli des calcaires et des marbres
patinés par les pas qui les lustraient quotidiennement, les taches et les variations
de couleur, les traces de chocs et de calcination... Ces multiples marques, qui
témoignent de l'histoire de chaque pavement disparaissaient avec le ponçage de
surface qui se pratiquait jusqu'à une date très récente ; ce traitement, effectué dans
le but illusoire de ramener la mosaïque à l'état qu'elle présentait durant son temps
d'usage, l'endommageait de manière irréversible sans pour autant lui rendre son
aspect d'origine. Les tesselles constituent en effet des modules irréguliers, aux
sections variables selon la hauteur du plan de coupe : leur réduction modifiait donc
le rapport des pleins et des vides, en augmentant souvent l'importance des joints
(fig. 2, photos 6 et 7). Privée de la partie supérieure de ses tesselles, parfois réduites
à quelques mm d'épaisseur, la mosaïque devenait ainsi un document sans âge ni
relief, fragilisée par la perte de matière qu'elle avait subie. Le traitement des éléments
de surface d'un pavement se limite désormais aux altérations qui en compromettent
la conservation ou en affectent la lisibilité, et respecte celles qui relèvent de son
histoire.
En règle générale, les lacunes sont traitées en retrait par rapport au tessellatum,
de manière à apparaître comme un fond sur lequel se détache la mosaïque (photo 8).
L'enduit appliqué dans les lacunes des pavements restaurés au cours des deux
dernières décennies présente souvent l'aspect du mortier de tuileaux antique, mais
il ne s'agit pas d'une règle. Le but est de privilégier la lecture de la mosaïque. La
texture et la couleur devant apparaître dans les parties détruites sont donc
déterminées par les caractéristiques de chaque pavement : la dimension des tesselles,
PHOTO 8. — Enduit de chaux appliqué en retrait par rapport au tesselatum. (Vienne, Isère.
Photographie Paul Veysseyre).
les tonalités du décor, polychrome ou noir et blanc, la proportion des lacunes par
rapport aux parties conservées, orientent ainsi le choix vers une granulométrie plus
ou moins fine ou grossière, vers une teinte plus ou moins soutenue, parfois rose,
ocre, parfois très claire, proche du fond blanc cassé que présente souvent le
tessellatum. Ces enduits sont réalisés à base de chaux additionnée d'acétate de
polyvinyle, et chargée de sable, de poudre calcaire, de brique pilée ou de pierres
concassées de couleurs différentes.
Les parties de mosaïque préservées apparaissent ainsi distinctement, émergeant
d'un fond neutre qui s'efface et renforce la présence du tessellatum. Mais
ce traitement minimaliste peut se révéler insuffisant, quand l'importance et
l'emplacement des lacunes, déséquilibrant le rapport des parties conservées et
détruites, ne permettent qu'une lecture malaisée et discontinue du document.
Certains pavements peuvent alors nécessiter un traitement destiné à rétablir une
cohérence perdue. Les solutions envisagées dépendent de l'état de dégradation de
la mosaïque, de la nature de son décor, et des conditions prévues pour sa
présentation : une exposition verticale ou horizontale dans le cadre d'un musée,
une conservation ou une repose in situ, en offrant des modes de perception
différents, modifient en effet les critères avec lesquels le traitement des lacunes doit
être abordé. Si la règle essentielle reste de préserver l'authenticité historique du
document en limitant au strict minimum l'intervention sur les lacunes qu'il présente,
il s'agit également de considérer le double aspect esthétique et pédagogique de sa
présentation. Cette mise en valeur peut conduire à des traitements plus ou moins
élaborés.
Les interventions envisagées se limitent en général à la seule restitution des
structures géométriques et évitent les décors figurés. Si l'on veut en effet ne
matérialiser que les suggestions fournies avec certitude par les restes conservés, on
s'interdit toute tentative destinée à améliorer la compréhension d'un sujet ou d'une
scène fragmentaire, dont la reconstitution relève inévitablement de l'hypothèse.
Dans cette optique, seule la composition géométrique apparaît donc susceptible
d'être complétée. La suggestion du cadre, de la trame linéaire, parfois des motifs
répétitifs de la mosaïque peut emprunter des formes variées, destinées à restituer
l'effet unitaire de son organisation, quand celle-ci est interrompue par des vides
qui en altèrent la perception. Le maintien des lacunes dans les parties figurées
n'empêche alors pas la lisibilité de l'ensemble.
L'un des procédés consiste à imprimer en creux, dans l'enduit comblant les
lacunes, les lignes directrices du décor : celles-ci déterminent un jeu d'ombres
nuancées par la qualité de l'éclairage, frontal ou rasant, naturel ou artificiel. Cette
formule, discrète, peut s'appliquer à des pavements exposés dans un contexte
muséographique chargé, dans lequel ils doivent s'intégrer sans focaliser l'attention
au détriment des collections voisines.
Ainsi pour une mosaïque exposée au musée de Clermont-Ferrand, dont la trame linéaire
de carrés apparaît simplement en négatif dans la lacune centrale, après qu'une série d'essais
de réintégration plus poussée, jugés trop ostensibles par le conservateur, aient été, à juste
titre, abandonnés. Ce type d'intervention peut aussi rééquilibrer des documents conservés de
manière dissymétrique, comme dans la mosaïque aux masques de Vienne, où des filets gravés
parallèlement matérialisent une bordure disparue, compensant le vide latéral que le tessellatum
présente. Le procédé permet également de restituer le contexte géométrique de motifs préservés
isolément : ainsi pour une mosaïque d'Autun, dont l'état de conservation très morcelé a
entraîné un remontage des éléments représentatifs sur des panneaux indépendants ; de simples
incisions pratiquées dans l'enduit retracent les figures géométriques dans lesquelles les sujets
décoratifs étaient inscrits.
L'intervention peut manifester un caractère plus contrasté, dans le cas notamment
de compositions géométriques traitées en oppositions de valeur. Les figures noires
peuvent être restituées de manière picturale sur l'enduit, dans une tonalité moins
soutenue que celle des éléments conservés, afin que les lacunes ne s'imposent pas
visuellement au détriment du tessellatum. Ce type de traitement, particulièrement
adapté à une présentation de mosaïques au sol, permet de rétablir l'effet d'ensemble
produit par leurs combinaisons géométriques (photo 9).
Il fut ainsi appliqué à un pavement viennois, détruit aux 4/5 de sa surface et reposé in situ ;
la restitution du cadre et des cercles sécants lui a rendu sa cohérence, sans introduire
d'ambiguïté entre les parties d'origine et les zones reconstituées.
U n e a u t r e t e c h n i q u e a été utilisée, p a r des r e s t a u r a t e u r s italiens, sur c e r t a i n s
p a v e m e n t s d ' O s t i e : les lacunes s o n t c o m b l é e s avec u n m o r t i e r c h a r g é de pierre
c o n c a s s é e n o i r e et b l a n c h e qui a s s u r e la c o n t i n u i t é des figures g é o m é t r i q u e s . Ce
p r o c é d é , m o i n s fragile q u e le p r é c é d e n t , p r é s e n t e en o u t r e la supériorité d ' u n e
s o l u t i o n spécifique a u x m o s a ï q u e s de p a v e m e n t ; l'utilisation de m a t é r i a u x de m ê m e
n a t u r e établit en effet u n e r e l a t i o n subtile entre le d o c u m e n t et l'intervention, qui
ne se distingue q u e p a r u n e différence de t e x t u r e ( p h o t o 10).
Q u a n d u n e s i t u a t i o n exceptionnelle le justifie, c e r t a i n s p a v e m e n t s p o u r r a i e n t
faire l'objet d e r é i n t é g r a t i o n s plus poussées, c o n c e r n a n t leur d é c o r figuré ( p h o t o 11)
C e p e n d a n t , l'exemple de réalisations p e u satisfaisantes, c o m m e celles qui c o m p l é -
t a i e n t p a r u n e ligne rigide de tesselles o u p a r u n trait s o u v e n t m a l h a b i l e u n sujet
f r a g m e n t a i r e , d é n a t u r a n t l'original a u lieu de le m e t t r e en valeur, n ' a guère
c o n t r i b u é à o r i e n t e r la r e c h e r c h e d a n s cette direction. D ' a u t r e s p r o c é d é s p o u r r a i e n t
c e r t a i n e m e n t être expérimentés, d ' i n s p i r a t i o n c o m p a r a b l e à ce qui se p r a t i q u e d a n s
le d o m a i n e des peintures, o ù le trattegio n o t a m m e n t p e r m e t u n e r é i n t é g r a t i o n des
lacunes sans c o n f u s i o n possible e n t r e l ' i n t e r v e n t i o n et l'original.
Une tentative avait été effectuée dans cet esprit sur une mosaïque très lacunaire reposée à
son emplacement d'origine, dans le cadre d'une intégration de vestiges en milieu urbain
(opération réalisée à Ste Colombe sous le contrôle de la Direction des Antiquités Historiques
PHOTO 10. — Restitution d'une composition géométrique avec un mortier chargé de pierre
concassée noire et blanche. (Ostie, Italie. Photographie Hugues Savay-Guerraz).
PHOTO 11. — Ligne de tesselles sur fond de ciment restituant un sujet figuré (Volubilis,
Maroc. Photographie Evelyne Chantriaux).
Consolidations ponctuelles
L'état de la mosaïque à sa découverte conditionne les mesures techniques. Les
parties fragilisées doivent être consolidées : maintien des bordures du pavement
dissociées des murs de la pièce avec un mortier de chaux destiné à éviter leur
dislocation progressive. Les lacunes doivent aussi être stabilisées : avec des tesselles
s'il s'agit de manques ponctuels, et quand elles sont plus étendues, avec un mortier
appliqué en solin ou les comblant totalement ; pour le choix de la couleur, de la
texture, d'une éventuelle restitution du décor, nous renvoyons au paragraphe
consacré au traitement des lacunes. La contrainte technique déterminante est
d'empêcher l'élargissement des lacunes, quel que soit l'effet esthétique recherché :
les risques de fissures et de retrait du mortier de comblement peuvent être prévenus
en incorporant des additifs destinés à en renforcer l'adhérence et la souplesse et en
évitant l'emploi du ciment ; son excessive dureté ne permet en effet aucune liaison
durable avec le support antique. Les pertes d'adhérence ponctuelles entre le
tessellatum et son assise nécessitent également des mesures immédiates, avant que
la cohésion des éléments de surface entre eux ne soit atteinte : des injections au
moyen de seringues de coulis de chaux ou de liants synthétiques peuvent être
envisagées, la difficulté consistant à assurer une pénétration du produit de ragréage
dans toute l'étendue du vide présent, et à réaliser une liaison mécaniquement
comparable à celle du mortier antique. Les différents mélanges applicables sont
détaillés dans le troisième volume publié par le Comité International pour la
Conservation des mosaïques (Mosaïque, 1983). Y sont mentionnés notamment des
essais de consolidation réalisés avec succés sur les mosaïques pariétales de Torcello,
en utilisant un mélange de chaux blanche additionnée de poudre de brique, et d'un
copolymère acrylique. L'injection de Primal a également permis d'obtenir des
résultats satisfaisants pour la consolidation d'un pavement d'Ostie.
Quand l'efficacité d'une injection paraît aléatoire, en cas de boursouflures
prononcées et de dissociation imminente des tesselles, les zones décollées peuvent
être déposées ; leur repose sur un nouveau mortier appliqué après élimination des
résidus de terre et du bain de pose antique, est alors mieux maîtrisable.
Repose in situ
Quand le tessellatum s'avère entièrement désolidarisé de son assise, il n'est guère
possible d'assurer sa conservation sans dépose : son prélèvement permet alors de
mettre en œuvre un support neuf sur lequel il pourra être reposé. Il est essentiel
de prévoir, d'une part un système l'isolant des remontées d'eau, surtout dans les
régions à forte pluviosité ou en présence d'une nappe phréatique haute, et d'autre
part une assise indépendante des murs encadrant la pièce ; les tassements et
contraintes qui les affectent se répercuteraient en effet sur le support de la mosaïque,
créant plus ou moins rapidement un réseau de fissures et de fractures. Parallèlement,
le retrait de la dalle de béton armé après sa mise en œuvre doit pouvoir s'effectuer
librement, sans les arrachements qu'il provoquerait en cas de liaison avec les murs.
Le principe de la dalle flottante sur vide sanitaire, dissociée des murs par un joint
périphérique, et réalisée en plusieurs tranches ménageant entre chacune un joint
de dilatation peut constituer un bon support. Une étanchéité appliquée au préalable
contre les fondations des structures verticales encadrant le pavement, sous forme
de couche de bitume ou de revêtement stratifié plus élaboré, tel que l'industrie du
bâtiment en propose aujourd'hui, permettra par ailleurs d'éviter les transferts
d'humidité par les murs. La mosaïque pourra alors être reposée sur cette nouvelle
assise, après que celle-ci se soit stabilisée.
Le problème du scellement de la mosaïque se pose alors, la difficulté consistant
à assurer l'adhérence des éléments de surface à leur nouveau support, tout en
ménageant des possiblités ultérieures de redépose.
Deux solutions apparaissent. La première consiste à replacer la mosaïque en
pose directe, c'est-à-dire à appliquer le tessellatum (après qu'il ait été débarrassé
des vestiges de son ancien support) sur un mortier frais. Mais il est difficile de
contrôler la planéité des plaques de mosaïque, en raison de la souplesse liée à leur
composition modulaire : les bordures notamment peuvent s'affaisser, créant des
lignes de demarcation en retrait par rapport au centre de chaque plaque. Ce système
est sans doute plus compatible avec un tessellatum prélevé d'un seul tenant, comme
l'a réalisé R. Wihr pour une mosaïque de la région de Trèves, déposée au rouleau
puis reposée sur une chape de mortier frais. La nature du bain de pose devant
assurer la liaison du tessellatum avec le support mis en place reste problèmatique.
L'irréversibilité notoire du ciment quand il est trop dosé, sa résistance nulle aux
efforts de traction, son retrait lors de la prise, en excluent désormais l'emploi. La
chaux constitue sans doute un liant plus approprié, mais ses caractéristiques
mécaniques un peu faibles demandent à être améliorées. Un acétate de polyvinyle
en émulsion aqueuse (Mowilith D et D 025 par exemple) peut en renforcer
l'adhérence et la souplesse, un peu de ciment blanc en augmenter la résistance
mécanique. Seule l'expérimentation — nature et proportion des liants (la chaux et
le ciment sont commercialisés sous de nombreuses formes), des additifs et des
charges — peut déterminer la composition la plus appropriée, après observation
d'échantillons placés dans les conditions prévues pour la mosaïque. La repose in
situ avec ce système d'application directe est d'une mise en œuvre peu onéreuse.
Une pré-stratification des plaques composant le pavement, destinée à assurer leur
rigidité peut d'ailleurs faciliter leur repose à un niveau constant, mais là encore, la
nature des matériaux à employer doit être recherchée.
La deuxième solution consiste à remonter la mosaïque sur un nouveau support
en atelier, et à en assembler ensuite les différents éléments sur le lieu de repose.
Pour les raisons déjà citées, la repose sur plaques de béton armé, abondamment
utilisée jusqu'à une date récente, et de nos jours encore sur certains sites étrangers,
se révèle souvent désastreuse, surtout quand les mosaïques sont insuffisamment
protégées, voire exposées aux intempéries : l'oxydation de l'armature métallique
provoque l'éclatement du support, la rigidité du ciment incompatible avec un
contexte instable engendre des fissures correspondant au découpage des plaques,
favorisant l'installation de terre et d'herbes. L'humidité et les effets du gel altèrent
la cohésion du béton, jusqu'à la perte d'adhérence du tessellatum qui se disloque
progessivement. Quant à la dépose des mosaïques ainsi remontées, elle s'avère fort
problèmatique. Le transfert sur résine synthétique et panneaux de nid d'abeilles
présente l'avantage d'un support léger, étanche, résistant, aisément démontable si
la mosaïque doit être déplacée, dont les multiples qualités ont été développées plus
haut. Leur coût et les difficultés d'approvisionnement dans certains pays constituent
néanmoins des obstacles majeurs à leur utilisation.
Les différents systèmes pouvant être mis en œuvre pour la repose des mosaïques
ont été détaillés dans le deuxième volume publié par l'ICCROM (Mosaïque, 1980),
qui indique leurs qualités respectives, leurs défauts ou leurs limites. Mais quel que
soit le procédé adopté concernant la nature et la mise en œuvre du nouveau support
sur lequel la mosaïque est remontée, le problème de sa protection reste essentiel.
Les mentalités ont grandement évolué au cours des vingt dernières années et
pourtant l'enduit peint antique demeure un point sombre dans la conscience
collective des milieux archéologiques. Menaçant par ses caractéristiques très
spécifiques, ses exigences et son potentiel informatif, il reste le mal aimé des fouilles
et s'est acquis la réputation de tout retarder, d'être couteux et encombrant à bien
des égards. Autre défaut (ou qualité ? ! ?) : la distinction claire et précise entre la
fouille, la « conservation-restauration » et l'étude n'est pas facile à réaliser et même
après avoir franchi ces étapes, « l'encombrant » pose encore des problèmes d'ordre
déontologique quant à son stockage ou sa présentation future, son « archivage »
ou sa destinée didactique face au public. De la découverte à la publication et à une
éventuelle exposition, les choix et la répartition des tâches sont beaucoup moins
nets que pour les mosaïques.
Avec les enduits peints archéologiques, les difficultés commencent donc sur le
chantier de fouilles, c'est pourquoi nous avons été amenés à traiter assez longuement
des méthodes de leur prélèvement. C'est aussi parce qu'il y a peu d'études spécifiques
sur le traitement de ces enduits que nous nous livrerons à un exposé essentiellement
pratique. Les implications générales d'une situation intermédiaire entre le
« mobilier » et 1'« immobilier », situation qui est aussi celle des mosaïques de
pavement, ont été par ailleurs largement développées dans le chapitre précédent.
Quant à la recherche sur la conservation et la préservation de ces peintures
antiques, il faut reconnaître que les choses se font de façon plus ou moins isolée,
voire empirique, sans qu'il y ait de réel échange, ce qui s'explique en partie par le
manque de moyens financiers. Le sort des peintures murales antiques qu'elles soient
trouvées en place sur le mur ou à l'état de fragments dans le sol, dépend donc
directement de l'évolution des recherches sur les décors peints non archéologiques
qui priment par leur nombre et leur esthétique plus convaincante.
Un rappel exhaustif des techniques de construction antiques n'est pas notre
propos. Pour l'architecture de Gaule romaine, ce rappel est fait dans le chapitre
suivant et, pour la réalisation des enduits peints, nous renvoyons au texte de
Vitruve, De Architecture Libri decem, et à l'ouvrage de référence de Paul Philippot
et P. et L. Mora (Philippot, Mora, 1977). Toutefois, nous donnerons ici quelques
indications utiles à la compréhension de notre exposé.
T E C H N O L O G I E ET ALTÉRATION
Selon les sources antiques le mur sec est humidifié pour appliquer les premières
couches de mortier grossier (1 à 3 épaisseurs), qui forment ce qu'il est convenu
d'appeler « arriccio ». A base de chaux et de charges minérales, l'arriccio égalise
la totalité de la surface du mur et permet d'accrocher les couches les plus fines,
constituant l'« intonaco » et destinées à recevoir la peinture. Celles-ci (1 à 3
épaisseurs) à base de chaux et de poudre de marbre possèdent un grain plus fin et
la dernière couche est appliquée, éventuellement lissée, juste avant de peindre pour
que se réalise la carbonatation des pigments. Le travail s'organise donc en fonction
de ce dernier impératif. Si la peinture est simple, l'intonaco est posé par pontate
(registres correspondants à la hauteur de chaque étage d'un échafaudage) ; si le
décor est plus complexe, l'intonaco est posé par « giornate » (césures verticales des
pontate correspondant à la surface réalisable « a fresco » en une journée). On
obtient ainsi un réseau de joints horizontaux et verticaux, plus ou moins parallèles
aux axes principaux de la composition. Les travaux commencent donc en haut de
la paroi pour éviter coulures et taches et s'achèvent en partie basse. Les joints entre
« giornate » et « pontate » sont biseautés et se recouvrent légèrement. La bonne
cohésion des raccords est obtenue par pression sur l'ultime couche d'intonaco.
C'est ainsi que l'humidité remonte à la surface de l'enduit et, théoriquement, assure
la carbonatation des différentes épaisseurs par échanges chimiques de l'extérieur
de la paroi vers l'intérieur. Ce processus de remontée d'humidité en surface, lors
d'une pression sur l'enduit commençant à sécher, est également exploité pendant
l'élaboration du décor : les fonds unis (rouges, jaunes, blancs, noirs) d'abord
exécutés sont polis et, au moment de peindre les motifs plus minutieux, on exerce
de nouveau une pression à la surface de l'intonaco pour obtenir un regain
d'humidité. L'eau qui vient en surface est alors chargée d'hydroxyde de calcium
dissous qui assure la carbonatation des nouvelles couches de peinture. Le même
phénomène peut être obtenu par un polissage final de la zone fraîchement décorée,
la distinction entre un « pré-polissage » ou un « post-polissage » n'étant pas
toujours aisée à déterminer après séchage (sauf si dans le cas du « post-polissage »
un léger enfoncement des motifs s'est produit).
Sur les compositions de certaines époques, les empâtements employés pour
rendre les lumières des motifs semblent avoir été exécutés à sec ou sur des enduits
insuffisamment humides, ce qui entraîne une résistance moindre aux facteurs
d'altération.
Pour des raisons identiques, les zones de raccord, notamment celles des
« pontate » entre elles (plusieurs jours peuvent séparer la pose d'une zone supérieure
par rapport à une zone inférieure), ou les zones de superposition de couleurs (le
rouge cinabre par exemple trouvé souvent sur un fond jaune) présentent une
moindre solidité.
Il existait également une technique dite « mixte » : sur un enduit encore frais on
posait une couche de ton uni, sur laquelle on reprenait les détails à sec, le plus
souvent « à la chaux ». On constate sur ce type de peinture certains écaillements
et une fragilité de la couche pigmentaire au contact de l'eau. Qu'il s'agisse de
technique mixte ou de peinture à sec, les pigments liés par de l'eau ou du lait de
chaux n'adhèrent pas suffisamment au subjectile et le durcissement de la couche
picturale reste superficiel.
Nous sommes donc en présence, en général, de matériaux minéraux naturellement
stables. Toutefois leur structure poreuse, l'organisation en strates et l'adhérence
inégale de ces strates entre elles, fragilisent l'ensemble face aux agressions extérieures.
L'humidité est la principale cause d'altération des enduits peints (fig. 2), qu'ils
soient enfouis ou à découvert ; les remontées capillaires, les eaux d'infiltration et la
condensation favorisent la migration des sels solubles et leur cristallisation en
surface ou à proximité de celle-ci. Les déplacements s'effectuent toujours vers les
zones d'évaporation les plus proches : pour les enduits fragmentaires enfouis, côté
peinture, sur les tranches ou au revers ; pour les peintures en place, entre les
diverses épaisseurs d'enduit dissociées ou sur la couche picturale. Un environnement
humide transforme donc les enduits peints en un milieu privilégié d'échanges entre
le mur et le milieu ambiant par le passage d'eau, la condensation et l'évaporation.
L'eau provoque des réactions chimiques entre les gaz atmosphériques, les sels
FIG. 2. — Différentes sources d'humidité dans les murs.
contenus dans les matériaux constitutifs des enduits et, éventuellement, ceux
originaires du sol. Le carbonate de calcium et les sulfates sont dissous dans l'eau
(pure, chargée de gaz dissous, de nitrates, etc.) qui les transporte et dépose en
d'autres points du revêtement mural, les concentrant parfois juste sous la couche
picturale. Divers types d'altérations se produisent alors : la résistance des enduits
dépend également de leur porosité (pores larges/circulation d'eau ralentie/moindre
altération ; pores étroits/circulation d'eau rapide/altération activée), et de leur état
de surface. Une évaporation superficielle provoque des efflorescences externes sur
la couche picturale tandis qu'une évaporation interne suscite une cristallisation des
sels sous la surface et une désagrégation du support. Certains enduits sont attaqués
par des cristaux de sels anhydres qui, en présence d'humidité, augmentent de
volume et donnent naissance à des efflorescences lorsqu'ils sortent des pores du
mortier, ou bien provoquent l'éclatement du matériau si le réseau capillaire est
fragile.
La porosité des revêtements muraux les rend également sensibles au gel : l'eau
contenue dans le système capillaire augmente de volume en passant à l'état solide
et provoque l'éclatement et la chute des mortiers.
Enfin, les pigments eux-mêmes peuvent subir des transformations physico-
chimiques en milieu humide et changer de couleur : les ocres rouges hydratés, par
exemple, deviennent jaunes, tandis que le rouge cinabre, modifié en métacinabre,
devient noir. Certaines altérations ont pu survenir très tôt dans l'histoire de la
peinture murale : en cas d'incendie (événement assez courant dans l'Antiquité) la
structure des mortiers ou des pigments a souffert de l'excessive chaleur, l'oxydation
des carbonates a eu des effets sur le volume du matériau et les couleurs ont changé
de ton (terres jaunes devenues rouges ou brunes par déshydratation par exemple).
Au milieu « atmosphérique » (peintures non enfouies ou exhumées), correspon-
dent des agressions spécifiques. Au contact de l'humidité, l'anhydride carbonique
de l'air (pollution naturelle, aggravée en milieu urbain et industriel) initie par
acidification un processus d'altération des enduits et peinture à base de chaux : si
l'hydrate de calcium contenu dans le mortier a été totalement carbonaté lors de la
réaction initiale (voir fig. 1), l'eau chargée d'anhydride carbonique ne peut plus
réagir qu'avec le carbonate de calcium. La faible acidité de la solution transforme
lentement le carbonate de calcium en bicarbonate soluble puis il se redépose sur
la couche picturale en un voile blanc plus ou moins épais (calcite peu soluble)
susceptible de masquer totalement le décor.
Dans une atmosphère artificiellement polluée, la transformation de l'anhydride
sulfureux en acide sulfurique, (oxydation, humidité), suscite un gonflement des
matériaux calcaires dû à l'apparition de sulfate de chaux. Il s'en suit une totale
perte de cohésion du support.
Sur des enduits maintenus en place et à découvert (photo 1 et 2), de façon
temporaire ou définitive, les rayonnements ultra-violets de la lumière contribuent
au palissement et à la modification des couleurs. La chaleur dégagée par les
infra-rouges peut entraîner l'écaillement de la couche picturale, lorsque son
coefficient de dilatation diffère trop de celui du subjectile. L'humidité associée à la
lumière, solaire ou non, favorise la prolifération de micro-organismes, champignons,
algues, lichens qui forment des taches colorées sur la couche picturale et attaquent
aussi les différentes épaisseurs du revêtement. Ces altérations initialement microsco-
piques peuvent cependant détruire des superficies importantes. Les mortiers, voire
les murs, sont éventuellement déstabilisés par d'autres types de végétation : lierres,
racines diverses, etc. Enfin les insectes peuvent creuser des galeries assez importantes
dans les murs et les mortiers, notamment s'ils sont à base de terre.
Une technique particulière de ramassage des enduits isolés sur le terrain n'est
pas nécessaire puisque leur répartition entièrement hasardeuse ne contribuera
jamais à une restitution logique du décor. On se contentera donc d'enregistrer
normalement, comme on le ferait pour n'importe quel autre objet archéologique
trouvé en fouille, les fragments les plus signifiants d'un éventuel décor. Dans le cas
d'enduits morcelés, il faut procéder au ramassage en maintenant l'emplacement
des morceaux les uns par rapport aux autres, après avoir relevé sur film transparent
les contours dans leur position d'origine. On peut utiliser à cette fin des feuilles de
polyane ou du polyane en rouleau type cristal, assez épais pour éviter les
déformations dues aux variations de température ou aux manipulations. On exécute
ces relevés à l'aide de feutres à alcool indélébiles, les erreurs pouvant être effacées
avec un coton imbibé d'alcool. Sur chaque relevé doivent figurer l'identification
du site, l'orientation, l'indication des couleurs s'il y a lieu, les lignes de cassure et
les lacunes.
Les fragments recueillis doivent être stockés dans des cagettes de bois ou de
matière plastique (ajourées) ou des caisses plus grandes en faisant alterner les
couches d'enduits avec des couches de papier ou de carton. L'emploi de sacs
plastiques étanches est absolument à proscrire car l'évaporation naturelle de
l'humidité contenue dans les fragments ne peut se faire librement et provoque une
condensation défavorable à leur conservation. Les fragments doivent être rangés
en caisse tels qu'ils se trouvent dans la terre, par groupes, sans opérer de sélection.
Celle-ci sera faite plus tard, selon les besoins de la recherche des collages. Les
collages proprement dits sont également déconseillés en un premier temps, même
après nettoyage des tranches et de la surface picturale, la multiplication des
épaisseurs de colle entre chaque fragment pouvant compromettre un bon assemblage
lors du remontage définitif. Un collage immédiat peut cependant être nécessaire :
écailles se détachant, fragments fragiles ou de petites dimensions pouvant se perdre
lors de manipulations ultérieures. Une fois les fragments mis en caisses, celles-ci
doivent être entreposées, en attendant la suite des opérations, dans un local à l'abri
des grandes variations de température, des infiltrations d'eau et autres sources
d'humidité. Toutes les indications utiles devraient accompagner les fragments en
caisse et être rédigées avec une encre indélébile et inaltérable sur des matériaux
résistants aux rongeurs. En rangeant les calques exécutés lors de la fouille (ou leurs
copies) en caisse avec les fragments concernés, on évite bien des retards ou pertes
qui compromettent la recomposition des plaques brisées.
Il faut insister enfin sur la nécessité absolue de marquer les caisses d'une façon
claire, en précisant leur contenu, même si l'on a pris soin de mettre à l'intérieur
une étiquette portant les données essentielles. La lecture d'ensemble des caisses
rangées devient ainsi possible, ce qui évite de les déplacer inutilement et d'égarer
les indications de provenance de certains décors. Cette méthode de rangement sera
également indispensable pour les peintures trouvées par plaques cohérentes,
l'emplacement exact au moment de la fouille devant être connu pour établir le
diagramme de situation.
En fonction du temps disponible et surtout de la qualité des mortiers et de la
couche picturale, on peut procéder, peu après la fouille, au nettoyage des fragments.
Ceux-ci se nettoient mieux tant que la terre et les concrétions diverses n'ont pas
séché mais il faut les manier délicatement et, si les fragments exigent une
consolidation préalable, il vaut mieux s'abstenir et attendre un technicien compétent.
Le plus souvent le nettoyage mécanique avec bistouri à lame amovible est suffisant
mais demande une certaine dextérité pour ne pas laisser sur le décor peint des
traces de scalpel. Il est préférable de procéder par mouvements circulaires en
orientant la lame parallèlement à la surface picturale sans vouloir enlever trop
d'épaisseur à chaque passage sur les concrétions. Une attention particulière doit
être portée au nettoyage des tranches afin d'éliminer toute trace de terre, concrétions
ou autres dépôts susceptibles de compromettre l'assemblage correct des fragments.
Le nettoyage des tranches peut s'effectuer par brossage à sec ou en humidifiant la
brosse si le fragment le supporte. On complète l'opération avec une pointe de
bistouri. Le nettoyage de la surface qui se réalise normalement à sec, peut aussi se
faire à l'aide de tampons d'ouate humides. On ne frotte jamais la peinture et on
s'assure que la terre éliminée et le coton utilisé ne portent pas de trace de couleur,
auquel cas un traitement par l'eau serait absolument proscrit.
Les fragments convenablement nettoyés et parfaitement secs, une protection de
la couche picturale par une résine acrylique en solution de 3 à 5 % dans un solvant
organique (Paraloïd B 72 dans de l'acétone) peut s'imposer. Il est toujours préférable
d'éviter cette opération sur le terrain, celle-ci pouvant être faite ultérieurement et
en de meilleures conditions en laboratoire. Quand elle est nécessaire, le fixatif est
appliqué en plusieurs couches successives à faible concentration afin d'imprégner
la couche picturale sans former un voile brillant qui donnerait à la surface un
aspect vernissé.
Les enduits en plaques cohérentes
Les enduits tombés au sol, près du mur dont ils proviennent, se présentent en
plaques plus ou moins grandes disposées le long de ce mur, sous forme ou bien de
nappes régulières, ou bien de plaques morcelées enchevêtrées (fig. 3). Les différentes
couches peuvent en effet s'interpénétrer au hasard de la chute des enduits par
décollement du support ou destruction volontaire (réemploi des matériaux) et la
relation à établir entre le mur et les couches est alors complexe, parfois même
inversée : couche inférieure — partie haute des murs, couche supérieure — partie
basse des murs.
Comme le montre la figure 3, les plafonds et toitures s'effondrent souvent les premiers, et
leurs fragments se trouvent mélangés sur le sol de la pièce. Les enduits se détachent ou glissent
et recouvrent ces décombres. Logiquement, les peintures des parties hautes tombent en
premier (ceci est toujours le cas lorsqu'il s'agit d'une destruction volontaire pour réemployer
les pierres des murs). Mais les fragments correspondant à un mur donné peuvent se trouver
éloignés de celui-ci (coup de pied, roulement lors de la chute, etc.). Finalement des pans de
mur, encore revêtus ou non, s'écroulent sur l'ensemble. Ils peuvent basculer, avec leur
peinture, de l'autre côté de leur pièce d'origine.
Protections temporaires
Consolidation en profondeur
L'emploi de caséate de chaux (100 g de caséïne pour 900 g de chaux grasse éteinte
ayant trempé plusieurs jours + 5 à 10 % de PVA comme plastifiant) ou celui de
coulis de mortier (chaux hydraulique, brique en poudre extrêmement fine, émulsion
acrylique et gluconate de sodium) expérimenté à l'ICCROM (Ferragni et al., 1984,
p. 114-115) sont particulièrement recommandés pour des injections en profondeur
lorsque les différentes couches de mortier se trouvent désolidarisées (entre elles ou
par rapport au mur), ou que l'on observe des poches d'air entre elles. Ces mélanges
sont adaptés aux mortiers antique à base de chaux : ils réagissent de la même façon
qu'eux aux contraintes extérieures, et, ne compromettent pas une éventuelle
intervention en cas de dépose ultérieure.
Les fissures et lacunes sont mises à profit pour faire pénétrer le mélange. Des
presses (par exemple des plaques de bois capitonnées et isolées par un film plastique)
sont placées sur les zones à traiter et, entre chaque injection, on observe un temps
de séchage suffisant (la pression de la masse encore liquide pourrait entraîner la
chute de la peinture). Les parois internes auront été préalablement mouillées avec
de l'éthanol mélangé à de l'eau, puis quelques doses d'émulsion acrylique diluée
(Primai AC 33).
Les bords apparents des différentes épaisseurs d'enduits sont renforcés et protégés
au moyen de solins de mortier de chaux (1 part de chaux/3 parts de charge) dont
la texture et la couleur s'inspirent du mortier original.
Le même mélange sert au colmatage des lacunes qui menacent l'équilibre (matériel
et esthétique) de la paroi. Leur comblement reste légèrement en retrait par rapport
à la surface antique.
Nettoyage
Le nettoyage est évidemment plus simple sur une peinture vierge de toute
consolidation superficielle. L'ordre des interventions doit donc être réfléchi et sur
les zones non consolidées qui peuvent supporter un nettoyage, le refixage est
effectué après.
Divers solvants ou mélanges chimiques peuvent être employés pour nettoyer la
couche picturale. Notons que l'encrassement superficiel dû à l'enfouissement des
peintures résiste rarement à l'eau (50 %) additionnée d'éthanol (25 %) et d'acétone
(25 %) passée avec un tampon d'ouate sans frotter.
Lorsque la couche picturale est couverte de concrétions ou d'une couche uniforme
de calcite (voile blanc masquant le décor) il faut recourir à des traitements chimiques
ou mécaniques particuliers. Certaines concrétions peuvent être éliminées par
humidification (eau) et travail au scalpel mais la plupart du temps elles demeurent
résistantes. Le mélange « AB57 » mis au point par P. Mora (Mora et al., 1977,
p. 400 et 401) a pour principe de laisser agir une solution de sels légèrement
basiques, applicable grâce à un gel organique en compresses transparentes et
verticales, un tensio-actif améliorant le contact solution/surface. Ce procédé,
aisément contrôlable et dont le temps d'application peut varier, s'avère parfois
efficace (voile léger de calcite), lorsque la couche picturale résiste à l'eau. Il n'est
pas rare que seules la patience et la lame de scalpel habilement maniée viennent à
bout des concrétions rebelles. Il est très important de ne jamais employer d'acide,
même faible, l'enduit calcaire n'y résistant pas.
L'application d'une solution acrylique, concentrée de 2 à 5 % selon l'état de la
couche picturale souvent inégal d'une plage de couleur à l'autre, peut se faire après
nettoyage et séchage complet des surfaces. Ce léger film fixe et protège la peinture
tout en lui conférant un aspect plus net (rétablissement d'un état de surface
homogène évitant les phénomènes optiques de dispersion de la lumière).
Il convient néanmoins de ne pas laisser de traces avec le pinceau et de se garder
de tout effet de brillance dû à des surépaisseurs.
Les problèmes de crédits faisant souvent obstacle à l'intervention d'une équipe
de techniciens spécialisés, on serait tenté de penser qu'un maçon averti ( !) pourrait
exécuter ces travaux de nettoyage et de consolidation in situ ... Il n'en n'est rien
car il n'existe pas de règle absolue, sinon des interdits stricts (bases, acides et
solvants forts, ciment et ciment prompt, matériaux métalliques, etc.) et la nécessité
d'étudier précisément chaque cas avant de commencer le chantier.
Le projet même d'une conservation in situ devrait déclencher obligatoirement
un processus financier et technique de recours à des intervenants spécialisés :
architecte, conservateur-restaurateur, archéologue, conservateur, etc. La plus effi-
cace des consolidations d'enduits ne dispense pas des mesures nécessaires à la
conservation des structures portantes et à l'aménagement du site (voir le chapitre
suivant). Mieux vaut, si ces mesures ne sont pas garanties dans leur ensemble,
programmer immédiatement la dépose des peintures et leur restauration ultérieure
en laboratoire.
Dépose
Protections définitives
Enduits fragmentaires
Photo 5
Photo 6
PHOTOS 7 et 8. — U n e n s e m b l e de f r a g m e n t s , r e m o n t é s s u r u n s u p p o r t m o d e r n e d é c o u p é à
la f o r m e de l ' e n s e m b l e ainsi r e c o n s t i t u é , s a n s i n s e r t i o n d a n s u n c a d r e g é o m é t r i q u e artificiel.
Site de St M a r t i n L o n g u e a u (Oise).
Une étude prenant en compte les diverses données scientifiques et culturelles qui
conditionnent la perception de' telles oeuvres pourrait ouvrir de nouvelles perspecti-
ves pour un système d'accrochage évoquant l'espace architectural antique. C'est
ce qu'illustrent quelques reconstitutions techniquement différentes se proposant
des objectifs didactiques précis (photos 9 et 10).
Nous terminerons sur l'idée que, quelles que soient les mesures de sauvegarde
et de mise en valeur retenues, il convient de trouver des solutions ouvertes respectant
la matière et l'histoire de. l'œuvre et permettant toujours de reprendre une
« restauration ».
PHOTOS 9 et 10. — Des fragments très altérés et peu-lisibles sont présentés sans restitution
picturale. Sous la composition la lecture du décor est suggérée par sa reprise en « silhouettes »,
figurées en blanc sur un panneau transparent avec un texte explicatif.
CHAPITRE I X
Restauration architecturale
et préservation
des sites archéologiques
Jean Pierre ADAM, Anne BOSSOUTROT
Fallait-il donc attendre notre siècle, sensible plus que tout autre à la préservation
du patrimoine et à son intégration dans la société, pour que des monuments dignes
de respect et d'admiration ne soient plus que des volumes désertés et sans mémoire ?
C'est en réalité le dilemme presque permanent de l'archéologie monumentale et de
la restauration ; les objectifs de l'une et les choix de l'autre sont trop souvent
contraints à une sélection unique dont le résultat final permet l'appréciation d'un
état, de préférence celui voulu par le concepteur, au détriment d'autres estimés
subalternes ou dégradants. L'argument, non dénué de valeur, tant sur le plan
archéologique qu'esthétique, plaidant en faveur d'opérations comparables à celle
du temple de la Fortune Virile, s'appuie sur un parallèle avec le principe de
restauration des peintures de chevalet. Dans ce domaine il a toujours été de rigueur
de redonner aux toiles dégradées leur aspect initial en s'efforçant de rendre les
retouches ou compléments totalement imperceptibles. Cette attitude, parfaitement
honnête, considère que la création artistique doit faire l'objet d'un respect tel que
toute altération est considérée comme quasi-blasphématoire. Transposée dans
l'architecture cette démarche se heurte à des obstacles qu'une toile ne saurait
opposer, puisque sa seule fonction est de contenter le regard. A l'encontre d'un
tableau, la réalisation architecturale a pour définition première d'abriter des êtres
humains pour rendre plus confortables leur vie quotidienne, leur travail, leur loisir
ou leur prière. Mais dans bien des cas, par son aspect général comme par ses détails
structurels ou, a fortiori, ornementaux, un édifice appartient à l'art. Si cet aspect
l'apparente à l'œuvre peinte, il ne demeure qu'accessoire ou temporaire puisque
plus le monument prolonge son existence, plus il risque de subir des modifications
qui sont autant de signes de sa vitalité mais autant d'altérations que l'on ne saurait
systématiquement considérer comme respectables. C'est généralement ainsi amputé
et pansé de bien diverses manières que le monument antique, essentiellement en
milieu urbain, parvient à celui ou ceux qui ont la charge de le restaurer. Deux
solutions sont alors offertes, que l'on ne saurait classer l'une par rapport à l'autre,
tant sont difficiles les choix faisant appel à la fois à ces critères de rigueur que sont
l'histoire, l'archéologie et la technique et à des critères de sentiments, d'esthétique
et de didactisme.
Si l'exemple évoqué plus haut laisse perplexe, comme peut l'être celui du
dégagement des forums impériaux de Rome au détriment de vieux quartiers
d'une intense richesse, d'autres, également dévastateurs, permettent aujourd'hui
d'admirer, sans aucune arrière-pensée, des sites aussi prestigieux que Delphes ou
des monuments aussi riches d'intérêt que le théâtre d'Orange ou les arènes de
Nimes. Le juste équilibre permettant d'épargner les ajouts historiquement et
architecturalement intéressants tout en révélant sans ambiguïté le monument initial,
est souvent possible à atteindre comme en témoignent le temple d'Assise, l'Athénaion
de Syracuse ou le théâtre de Marcellus à Rome. Ces monuments, non seulement
sont conservés et entretenus avec leurs additions successives et leurs juxtapositions
architecturales mais ont de surcroît, l'heureuse fortune de vivre et de remplir une
fonction active, puisque les deux premiers sont des églises et le troisième un
immeuble d'habitation.
Doit-on considérer alors que tout objet du patrimoine monumental doit avoir
nécessairement une fonction ? Doit-on négliger, voire abandonner un édifice devenu
inutile ? Il est bien évident que la situation idéale est celle du monument conservé
dans son intégralité et n'ayant jamais perdu sa fonction ; c'est dans cette catégorie
qu'il convient de classer, par exemple, les ponts, antiques ou médiévaux, toujours
en usage de nos jours. Il existe pourtant dans cette même série ou dans celle voisine
des aqueducs de nombreux et admirables témoins de l'art de bâtir dont l'utilité
pratique est totalement abolie, et que dire d'autres catégories comme celle des arcs
de triomphe ou celle des mausolées ? Leur conservation s'impose de toute évidence
au même titre que celle des monuments « actifs ».
Quelle que soit l'option du restaurateur et la nature de l'objet ou de l'ensemble
architectural, on ne saurait perdre de vue que l'entreprise de sauvegarde n'est pas
effectuée en vue d'une hibernation ou d'une mise en cocon mais, bien au contraire
pour le rendre accessible sinon à tous, du moins à la collectivité qui en a l'usage
ou qui l'environne. Nous savons pourtant que cet objectif est bien loin d'être de
règle et que, trop souvent, de multiples facteurs imposent d'isoler du public les
monuments et les sites.
Nous touchons là un des points sensibles, peut-être majeur, des rapports entre
le patrimoine monumental et ceux qui, collectivement, en sont les détenteurs en
tant qu'usagers, visiteurs et simplement héritiers. En effet, aux causes naturelles
du vieillissement d'une architecture, causes dont les intervenants sont les intempéries,
la végétation, et les catastrophes comme les inondations ou les séismes, s'ajoutent
les causes de dégradation dues précisément à la présence humaine. En excluant les
faits de guerre, dont le principe même est la destruction, les motifs de dégradation
des témoins architecturaux des époques passées abondent et leurs effets peuvent
se montrer aussi redoutables que les agressions naturelles.
C'est aux actes de vandalisme que l'on impute la majorité des dommages subis ;
ceux-ci, en vérité, ne sont le fait que d'une faible minorité, mais les résultats en
sont généralement spectaculaires en raison de leur rapidité d'exécution. Ils vont du
simple graffito (simple mais surmultiplié) jusqu'à la destruction de décor ou de
structure, sous oublier le vol. L'acte de malveillance n'est cependant pas le seul
péril humain redouté, puisque des monuments ou sites parfaitement surveillés et
entretenus subissent les effets éminemment corrosifs de cette malveillance collective
qu'est la pollution atmosphérique et, par contact plus direct, de ce qu'il est convenu
d'appeler « l'érosion touristique ». Cette érosion peut parfois conduire, et nul doute
que le fait n'aille en se multipliant dans les années à venir, à fermer à l'accès public
des monuments du plus haut intérêt, comme l'illustre la condamnation de la grotte
de Lascaux, fort heureusement remplacée par une duplication ouverte à proximité.
Ce qui s'est révélé pour ce site préhistorique, dans les limites actuelles de nos
moyens techniques, la seule et la meilleure solution, ne saurait être appliqué, on
s'en doute, à l'ensemble du patrimoine menacé. Et pourtant, l'idée du substitut,
réalisé en matériaux inaltérables ou remplaçables, proposé au public dans des
conditions optimales de fidélité à l'original, s'impose de plus en plus. Si l'on y
réfléchit, ce procédé est en fait en application dans toute entreprise de restauration ;
en effet, le remplacement progressif dans les restaurations « à l'identique » des
pièces altérées d'un édifice, transforme peu à peu celui-ci, sans préjudice apparent,
en une duplication conservant avec exactitude l'aspect technique et plastique de
l'original mais dont l'organisme est renouvelé. Le mot même d'« organisme »
définit d'ailleurs la métaphore zoomorphe susceptible d'affecter un monument dont
les éléments vieillis sont ainsi, au fil du temps, pansés puis remplacés par d'autres
en tous points semblables, suivant un processus analogue à celui de la régénération
des organismes vivants.
Dans cette optique, de nombreuses opérations, les unes discrètes, échappant à
la connaissance ou à la perception du visiteur, les autres spectaculaires et entourées
d'une intense information, ont déjà assuré le rajeunissement de multiples ensembles
monumentaux, parmi lesquels la restauration de l'Acropole d'Athènes fait figure
de vedette. Bien entendu, cette option suppose que tous les éléments déposés
possédant un intérêt artistique sont conservés dans des conditions optimales et, si
possible, présentés au public dans un musée aménagé à proximité du lieu de
provenance.
Le procédé aujourd'hui délibérément choisi ou plutôt imposé par l'accélération
des phénomènes de vieillissement, est en réalité appliqué, dans une perspective à
vrai dire différente, depuis de nombreuses générations puisque nos musées n'ont
pu constituer leurs collections que grâce au « recueil » sur place des plus beaux
témoins de l'art antique. Notre bonne conscience, aujourd'hui, est de savoir que
ces innombrables larcins ont certainement sauvé de la disparition la plupart des
objets ainsi enlevés à leur lieu d'origine.
Cette solution du substitut, qui, certes, n'était nullement envisagée par les
responsables du transfert des antiquités au siècle dernier, pourrait connaître un
développement considérable, non seulement pour les éléments de sculpture et de
modénature mais aussi pour les enduits peints, relativement aisés à déposer et à
reproduire par photographie sur support rigide et à remplacer en cas d'altération.
Il serait particulièrement souhaitable que sur un site comme Pompei, dont les seules
peintures à peu près intactes sont celles transportées au musée de Naples, on mette
en place dans les maisons, aux emplacements laissés vacants par les tableaux
découpés, des reproductions faisant disparaître les cicatrices innombrables qui
dénaturent les parois tout en restituant d'une manière satisfaisante le décor intérieur.
Ne quittons pas le site de Pompéi pour évoquer les restaurations architecturales
qui y ont été faites suivant deux formules définissant parfaitement les options
conditionnées par l'état du monument, c'est-à-dire les témoins sûrs de son état
initial. Il est en effet possible d'admirer dans la rue de l'Abondance, grand axe
traversant la cité d'est en ouest, plusieurs maisons reconstituées à l'identique
jusqu'au faîtage de leur toiture. Cette remise en état, extrêmement fidèle n'a pu
être effectuée que grâce à la méthode conjointe de fouille et de restauration
appliquée à partir de 1910 par V. Spinazzola. Ce dernier, en entreprenant le
dégagement des quartiers est de Pompéi, a modifié radicalement les méthodes de
fouilles appliquées par ses prédécesseurs. Au lieu d'avancer par tranches verticales
dans la masse des lapilli et des cendres, il a choisi de décaper le sol par strates
horizontales de grandes surfaces. Lorsque les fouilleurs rencontraient le sommet
d'une structure, ils en assuraient aussitôt la remise en état ; ainsi, lorsque
l'ensevelissement de 79 n'avait pas provoqué la destruction complète des faîtages
il était possible de connaître avec certitude la hauteur complète de l'édifice. De
cette façon, au fur et à mesure des dégagements on parvenait au niveau du sol
antique en ayant une maison totalement restaurée avec une certitude absolue. Pour
les autres constructions, trop ruinées pour que l'on connaisse leur élévation, la
seule solution consiste à en assurer la protection par la pose d'une couverture
légère, prenant appui sur une structure métallique ancrée dans les murs antiques
préalablement confortés par des injections de mortier. Là, comme ailleurs, on
proscrit toute intervention de restauration cherchant à redonner arbitrairement un
volume complet au monument, même si ce volume s'appuie, ou plutôt s'inspire de
formes analogiques. Il convient, si l'on désire respecter le document authentique,
de bannir résolument toute restauration faisant appel à l'imagination créatrice dont
les chances de retrouver avec certitude la forme originelle sont voisines de zéro.
On ne ferait qu'aboutir à un pastiche d'autant plus trompeur qu'il se donnerait
des allures d'authenticité en raison même de la présence d'une partie originelle.
Une reconstitution imaginaire, clairement présentée comme telle, étayée par de
solides documents de référence, peut, par contre, être édifiée de toutes pièces sur
un terrain neutre comme le sont la villa grecque « Kerylos » de Beaulieu ou, plus
connu, l'archéodrome de Beaune.
Enfin, rien n'interdit de protéger un vestige ancien par une architecture résolument
contemporaine, témoignant à la fois de l'époque de cette mesure de protection et,
bien loin d'offenser ce qu'il représente, de l'intérêt et du respect que notre génération
lui porte.
Bien particulière est la situation, inexistante en France, du monument de grand
appareil, disloqué par un séisme ou une destruction volontaire et dont les éléments
abattus n'ont pas été dispersés et réutilisés mais sont demeurés épars autour des
vestiges encore en place, et l'on songe aux exemples particulièrement frappants du
temple de Zeus à Olympie ou du temple G de Sélinonte, dont l'anastylose est,
théoriquement et pratiquement possible, grâce à la possession certaine des blocs
et même, surtout pour les colonnades, de leur chronologie de remontage. Le
problème, dans ces cas particuliers, n'est plus d'ordre scientifique, puisque l'on est
assuré de l'authenticité des éléments et des formes, mais relève de l'éthique et
s'inscrit, dès lors, dans un contexte sentimental ou esthétique, pour ne pas dire
romantique.
Enfin, il existe, heureusement, une situation qui permet d'écarter toutes les
autres considérations et pour laquelle le remontage, accompagné ou non d'une
reconstitution, peut être opéré sans hésitation, c'est celle des monuments détruits
ou démontés au Bas-Empire, afin de réutiliser leurs pierres pour la construction
des fondations des remparts à partir de la fin du 111e siècle... Hélas, en dépit de
l'immense richesse des lapidaires de musées, les conditions d'une reconstitution ne
sont que rarement réunies, car les blocs provenant d'un même monument, déjà
dispersés au moment de la réutilisation, ont peu de chance d'être à nouveau réunis
par la découverte. Cette circonstance s'est pourtant produite à plusieurs reprises
et nul doute qu'une étude attentive des dépôts lapidaires ne permette quelque
remontage enrichissant. A l'actif de ces réalisations il convient de citer les
monuments funéraires, dont certains sont particulièrement volumineux, remontés
au musée de Trèves et, en France, le groupe de Mithra, visible au musée de Metz.
Plus récemment, semblable opération, à une échelle plus monumentale encore, a
pu être conduite dans le nouveau musée de Sens, installé dans le Palais Synodal
jouxtant la cathédrale. Plusieurs dizaines de blocs, tous décorés, étaient conservés
dans l'ancien musée, tant en salle que dans le lapidaire, blocs ayant manifestement
une provenance commune ; l'opportunité du déménagement a autorisé, d'abord
leur isolement pour relevé et étude, puis, les possibilités spatiales du nouvel édifice
d'accueil l'autorisant, leur remontage sous la forme de la façade d'un grand
monument public : les thermes de l'antique Agedincum (photo 2).
Techniquement, cette reconstitution s'est faite en tenant compte d'une réversibilité
possible, c'est-à-dire de l'éventualité de découvertes ultérieures permettant de
PHOTO 2. — Vue partielle de l'ancien dépôt lapidaire du musée de Sens (J.-P. A.).
compléter ou éventuellement de modifier l'actuelle présentation. Les blocs consti-
tuant le mur, lequel est isolé des parois de la salle, sont posés chacun sur une feuille
de plomb, formant barrage à l'humidité et épargnant le scellement en pose, tandis
que la maçonnerie de complément est réalisée en moellons liés au mortier de chaux
et enduite (photo 3).
FOUILLE ARCHÉOLOGIQUE
ET MESURES DE PROTECTION
A l'ouverture de la fouille
Avant même l'ouverture de la fouille, la question de son devenir doit être posée.
En effet, des mesures immédiates de conservation peuvent et doivent être entreprises
durant la fouille, guidées par l'objectif final de présentation du site au public et
permettant d'adapter progressivement opérations de fouilles et de conservation.
C'est ainsi que l'on pourra garantir la meilleure conservation possible des éléments
mis au jour. Pour l'archéologue, il sera également plus aisé de travailler sur un site
où une partie des structures a été confortée. Ayant ainsi évité leur dégradation
progressive par une consolidation effectuée au fur et à mesure de leur découverte,
la tenue de chantier (murs stabilisés, sols « traités »...) est facilitée, et les murs ne
nécessitent plus la même vigilance. Dès l'analyse des structures, on peut donc
envisager leur consolidation.
Certains choix des archéologues au cours de leur travail seront orientés en
fonction de ce devenir de la fouille. Il y aura interaction entre fouille et projet, l'un
influençant l'autre et réciproquement.
Les fouilles de sauvetage sont également parfois concernées par certaines mesures
de conservation. En effet, dans le cas de découvertes exceptionnelles, un démontage
et un transport de vestiges peuvent, par exemple, être envisagés.
Pour mieux cerner les problèmes de conservation auxquels il faudra faire face,
il est nécessaire de connaître le contexte de la fouille, l'environnement du site : sol,
climat, structures.
L'étude du sol (détermination de son humidité, acidité ou alcalinité, composition
du sol et résistance du terrain...) fournira des éléments de réponse à la conservation
des structures découvertes, d'une part, et au problème important de la tenue et du
maintien des bermes, d'autre part. La connaissance du niveau des nappes d'eau
(nappe phréatique et nappe libre) permettront d'évaluer les risques de remontées
d'eau, d'inondation possible. Des sondages et analyses du sous-sol peuvent donc
être prévus.
L'étude climatique (Dowman, 1970) fournira d'autres données importantes pour
la conservation. La pluie et l'humidité sont en effet les facteurs les plus importants de
dégradation (phénomènes d'érosion du sol et de structures fragiles, de dégradations
chimiques, croissance de végétation favorisée...). Les variations de température, le
gel, le vent, sont autant d'autres facteurs climatiques pouvant avoir une action très
néfaste sur les éléments dégagés et fragilisés par leur séjour dans le sol.
L'étude des structures environnantes est importante dans le cas de fouilles urbaines.
Toute fouille prévue à proximité immédiate d'un édifice demande la connaissance
préalable des fondations (nature et profondeur), ainsi que l'évaluation de leur état
statique. Un ingénieur pourra faire procéder aux sondages nécessaires à ces
évaluations. En effet, la stabilité d'un édifice peut être menacée par une fouille au
droit de ses fondations. Le changement d'équilibre d'un édifice lié à l'ouverture de
la fouille (avec pour conséquences un changement de l'humidité du sol, une
modification des forces d'opposition des terres), peut engendrer l'apparition de
désordres (fissures, affaissements, déformations). Lorsque l'équilibre d'un édifice
est bouleversé, un lent et peut-être imperceptible mouvement d'adaptation aux
nouvelles conditions s'amorce, pouvant avoir de graves conséquences à long terme.
Pour prévenir tout risque lorsque l'on met à nu des fondations, la fouille doit
être limitée à des tranches réduites (1 à 2 m de largeur). On peut procéder par
tranchées successives, rebouchant les premières avant d'ouvrir les suivantes. La
même prudence s'impose, en l'absence de prises de mesures particulières, pour la
fouille à l'intérieur d'édifices.
Du résultat des sondages effectués dépendra la stratégie à adopter : soit limiter
l'aire de la fouille pour éviter tout risque, soit choisir, en accord avec les spécialistes
et si les moyens dont on dispose le permettent, une technique de maintien de
l'édifice autorisant une fouille à sa base : étais ou palplanches, ou bien encore
reprise en sous-œuvre. Les étais s'appuyeront souvent sur le fond de fouilles,
condamnant une partie de l'aire. Aussi le choix de leur disposition est-il particulière-
ment important. Les palplanches nécessitent des manœuvres provoquant des
vibrations dans le sol. Si elles ont l'avantage de laisser la fouille dégagée, elles ont
pour inconvénient d'être mises en place par une méthode qui peut endommager.
La reprise en sous-œuvre d'édifice adjacent à la fouille peut être faite progressive-
ment, par parties. La coordination des travaux entre archéologues et ingénieurs
est indispensable afin que la réalisation de la reprise s'accorde avec la fouille sans
dommage.
Enfin, l'évaluation de l'état de conservation des structures enfouies doit permettre
de mieux préparer la fouille, de déterminer par exemple le cubage de terre à enlever
à la pelleteuse lors du premier décapage, ou bien la hauteur des structures
encore présentes. Sondages, enquêtes préalables (archives, écrites ou dessinées...)
permettront d'en avoir une idée.
Au cours de la fouille
Les mesures à prendre durant la fouille concernent pour une large partie les
problèmes de circulation et de sécurité, pour les fouilleurs surtout, mais également
pour les visiteurs (si le chantier est ouvert au public).
Système de circulation à établir et mesures de sécurité sont tous deux fonction
du type de fouille (préhistorique ou historique, par exemple), du nombre des
fouilleurs, de la visite éventuelle du public, du programme de fouille (sauvetage ou
fouille programmée).
La circulation sur la fouille est en constante évolution, suivant la progression du
site. Aussi les cheminements doivent-ils être régulièrement revus et contrôlés. On
garantira la sécurité des fouilleurs aussi bien que le bon état du site (risquant d'être
endommagé par les passages répétés) grâce à des cheminements larges et dégagés.
Les bords de la fouille et les bermes constituent des zones particulièrement fragiles.
Ils doivent être l'objet d'attention particulière en matière de sécurité, étant donné
les fréquents risques d'effondrement et leur fragilisation par la pénétration d'eau,
les effets du gel, et les passages répétés. Un étaiement peut parfois être indispensable,
si la paroi verticale a une grande hauteur (Carandini, 1981). Un certain nombre
de mesures simples doivent être prises pour la sécurité des fouilleurs. (Port du
casque si la fouille est profonde, stockage des terres et du matériel au-delà d'un
mètre des bords de la fouille, pose de barrières en bordure de celle-ci, évitant de
mettre en danger la stabilité des bermes par les vibrations liées aux allers et
venues...).
Si une visite du public est organisée durant la fouille, on doit prévenir tout risque
d'accident ainsi que les dégradations que peuvent occasionner les passages fréquents.
Un plan du site doit être établi pour cela, la circulation des visiteurs devant autant
que possible ne pas interférer avec les zones de circulation et de travail des
fouilleurs. Accès, cheminements, barrières de protection doivent être aménagés
(fig- 2).
Si une couverture fixe du site est établie en début de fouille, une galerie de
circulation peut être intégrée au projet (Schofield, 1986).
Le blindage d'une fouille est un travail difficile. La pose des étais doit être effectuée
par un technicien spécialisé. Les schémas de blindage de tranchées et de parois
verticales en aire ouverte que nous proposons sont indicatifs des contraintes qu'ils
occasionnent. Le système de palplanche, pouvant être mis en place pour des fouilles
profondes, a l'avantage d'éviter la pénétration d'infiltration sur la fouille.
FIG. 2. — Accès et circulation sur la fouille, maintien des structures et drainage. (A. B.)
L'EAU, L'HUMIDITÉ
LES ANIMAUX
Les mortiers décomposés et, plus encore, les maçonneries liées à l'argile, constituent
des terrains extrêmement favorables à l'installation d'animaux fouisseurs, qui trou-
vent, dans l'élévation d'un mur, un lieu d'abri difficilement accessible aux prédateurs
et permettant l'établissement de véritables réseaux à accès multiples. Ces animaux
sont généralement des rongeurs, mais aussi des oiseaux, des reptiles et des insectes.
Les cavités et boyaux, dont l'importance est indécelable depuis le parement, créent
dans l'épaisseur des murs ainsi envahis des poches de fragilisation et même des
lignes de rupture qui, souvent, se combinent avec une pénétration du couple
infernal humidité-végétation.
Il est donc important, au moment de la restauration, de détecter par chocs à la
massette et de localiser les cavités dues aux animaux, car leur volume important
nécessite une intervention directe que les injections ne sauraient combler.
L'ÉROSION TOURISTIQUE
Le but de toute restauration étant de permettre la visite des sites et monuments,
cet objectif, plus que louable puisqu'il est l'aboutissement de toute démarche
archéologique, est également l'une des causes de la dégradation de ce que l'on
désire précisément préserver.
Les dommages imputables aux visiteurs sont involontaires ou intentionnels et si
certaines formes de dégradations comme le vol ou vandalisme relèvent seulement
de la vigilance humaine et — mais c'est un tout autre problème — de la pédagogie,
il est possible à l'aide de moyens techniques appropriés, malheureusement facteurs
d'altération ou de frustration, de prévenir les dégradations par usure de passage
et de contact.
MAÎTRISE DE LA VÉGÉTATION
De même que les visites constituent un phénomène permanent, la végétation,
quels que soient les moyens mis en œuvre pour la limiter ou la supprimer, demeure
une constante réclamant une vigilance sans relâchement.
Comme dans tout jardin, les plantes parasites doivent être retirées régulièrement
avant que leurs racines, surtout pour les espèces arbustives et les rejets, ne soient
trop profondes ou trop ramifiées. Il s'agit là d'une mesure préventive d'une extrême
banalité et d'une efficacité éprouvée, dont la seule charge est la présence d'une
main-d'œuvre suffisante et méticuleuse.
Sur les aires dégagées et démunies de revêtement, rapidement transformées en
champ de poussière, on souhaite au contraire la présence d'un tapis végétal, tandis
qu'ailleurs on voudrait pouvoir le maîtriser. Le meilleur moyen de traiter ces deux
situation antagonistes, consiste, après avoir retourné le sol, à y semer une
graminée dense, régulièrement entretenue (arrosage, tonte, roulage), s'opposant très
efficacement au développement des autres espèces et résistant aux passages, à
condition que ceux-ci ne suivent pas, comme il est trop coutumier de le faire, un
cheminement systématique générateur de « chemins de lapins ».
Il apparaît donc que la maîtrise de la végétation est liée, non seulement à un
problème d'entretien mais aussi à un rapport harmonieux avec le public ; le
patrimoine y trouvant tout naturellement sa place et son profit. L'intérêt d'une
visite tient beaucoup à l'environnement, susceptible d'apporter un agrément
considérable, voire indispensable, à la compréhension et à l'appréciation d'un site.
A cet égard, l'organisation délibérée de grandes aires, libres de construction, à
l'intérieur du périmètre urbain de Pompéi, agrémentées de pins parasols, de lauriers
roses et de massifs de fleurs, contribue très largement à la beauté du lieu et à la
création de zones ombragées particulièrement appréciables. Par ailleurs, le propos
archéologique y trouve son compte, grâce à la reconstitution dans les péristyles et
les jardins, de la flore, identifiée par ses racines, qui y trouvait place dans l'antiquité.
La seule précaution indispensable dans la répartition des plantations, consiste à
ne pas installer les arbres à une distance des murs inférieure au plus grand
développement des branches ; à cet égard, les pins parasols doivent être plantés
avec les plus grandes précautions en raison du développement de leurs racines à
proximité de la surface.
Le retrait de la végétation enracinée dans les structures relève d'interventions plus
délicates et plus complexes. Les opérations d'extraction manuelle doivent être
effectuées avec une extrême attention, surtout lorsque les parois sont revêtues
d'enduit ; le travail ne peut être que lent et exempt d'outillage mécanisé.
Les plantes grimpantes, dont le lierre est le principal représentant, demandent un
traitement particulier, plus attentif encore, que l'on peut décomposer en plusieurs
étapes afin de proscrire l'arrachage direct :
— retrait du feuillage au sécateur pour dénuder la ramure ;
— séparation du ou des troncs des racines en les sciant au ras du sol ;
— tronçonnage des rameaux à la scie ;
— décollage, à l'aide d'une spatule de tous les éléments, rameaux, branchioles,
radicelles aériennes adhérant à la paroi ;
— extraction des racines souterraines et destruction avec un poison approprié de
celles qui demeurent prisonnières.
On traite d'une manière analogue toutes les plantes à racines volumineuses qui
ont trouvé prise dans les sols revêtus et dans les murs, en les sciant au plus près
de la naissance puis en injectant à la seringue dans les sections prisonnières un
produit s'opposant au retour de la germination.
DESTRUCTION CHIMIQUE DES VÉGÉTAUX
Les désherbants, suivant l'état de germination ou de croissance des végétaux, se
classent en deux catégories : les produits de pré-levée et les produits de postlevée...
Compte tenu du danger que représente l'utilisation abusive ou inadaptée des
herbicides, il est opportun de définir ces produits et la façon de les administrer.
Produits de pré-levée. — Ils sont destinés, par arrosage du sol, à prévenir la
germination des graines et à détruire les racines subsistantes après la suppression
de la végétation de surface. On les utilisera pour la protection des aires à revêtement,
tels que mosaïque ou opus signinum, par contre lorsqu'il s'agira de gazonner une
surface nue, il faudra, sans traitement chimique, retourner le sol puis l'ensemencer
de graminées appropriées. Les produits de pré-levée devant être actifs dans le sol
durant un certain temps, ils doivent y être fixés à faible profondeur et ne pas être
solubles dans l'eau en restant actifs, afin d'éviter qu'ils ne soient véhiculés par les
eaux d'infiltrations vers des secteurs horticoles ou maraîchers.
Deux produits répondant à ces critères ont été retenus par l'INRA :
— la sinazine, chloro-2bis (ethylamino) 4,6 triazine 1-3-5, commercialisée par
Ciba-Geigy sous le nom de Gesatope. Ce produit se caractérise par sa très faible
pénétration et une bonne fixation par les colloïdes du sol ;
— le diuron, (dichloro-3-4-phenyl) 3-dimetyl-l-l-urée, commercialisé par Karmex
sous le nom de Seppic. Ce produit possède une faible solubilité, une faible
pénétration et une bonne fixation dans le sol.
On doit proscrire absolument le chlorate de soude, NaCI03, vendu généralement
sous le nom de « désherbant total », produit toxique et très soluble dans l'eau.
Produits de postlevée. — Ils sont destinés à lutter contre la végétation sortie du sol,
à tous les stades de la croissance. Ils doivent pouvoir être pulvérisés, donc être
absorbés par les feuilles, mais demeurer peu volatils afin d'avoir une action limitée.
Il faut prévoir également des produits injectables à action très localisées. Dans
cette catégorie deux produits également ont été retenus :
— le glyphosate, C3HgNOP, acide phosphoromutylamino-2-acétique. Produit
destiné à la destruction des plantes vivaces, faiblement soluble dans l'eau et de
volatilité négligeable. Peu toxique (inscrit au tableau C, bande verte), moyennement
irritant pour la peau, irritant pour les yeux, s'applique par pulvérisation en évitant
les jours de vent.
Le glyphosate n'est absorbé que par les feuilles (mais sans effet sur les résineux),
il migre rapidement dans le végétal qui est détruit en totalité. Avantage considérable,
ce produit est neutralisé par sa dégradation dans le sol et n'est donc pas véhiculé
par les eaux de ruissellement et les nappes souterraines ;
— le 2-4-D ; c'est une phytohormone qui ne doit être utilisée qu'en injections à la
seringue. Ce produit est particulièrement efficace pour la destruction des racines
intégrées aux maçonneries (lierre notamment).
Une mention particulière doit être faite pour la lutte contre les lichens et les
mousses, dont l'élimination est relativement aisée mais dont la présence est
extrêmement fréquente dans tous les lieux où subsiste l'humidité. Le procédé est
le suivant :
— pulvérisation sur la paroi ou imprégnation à la brosse d'une solution de formol
(HCHO) à 10 %, destinée à détruire les végétaux ;
— après destruction, nettoyage par brossage mouillé de la surface traitée à l'aide
d'une brosse à poils de nylon ou de laiton (proscrire les brosses d'acier et les
« chemins de fer ») ;
— pulvérisation ou imprégnation d'une solution de sels de zinc (sels organiques
de zinc), prévenant le retour des végétaux et assurant une certaine imperméabilisa-
tion de la paroi.
L'étude et la sélection des produits de lutte contre la végétation ont été effectués
à l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), laboratoire de
Malherbologie, Domaine d'Epoisse, Bretenières, 21110, Genlis.
FIG. 5. — Dans certaines situations d'instabilité, les murs doivent recevoir un confortement
en fondations, sous la forme de micro-pieux croisés, ne nécessitant pas d'ouverture du sol,
ou de longrines de béton armé encadrant la semelle (J.-P. A.).
106 kg
Signalons que, de toute évidence, la chaux aérienne livrée sous la forme de chaux
grasse, est totalement à proscrire, en raison de son incapacité à faire prise dans le
cœur de la maçonnerie : seule doit être employée la chaux hydraulique naturelle.
Dans un premier temps on procède, 15 jours avant l'utilisation, à la dilution de
l'argile (1 kg pour 10 litres d'eau), puis au moment du mélange on l'ajoute aux
autres ingrédients avant d'actionner les hélices de l'agitateur. Après 20 à 30 minutes
de mixage, on laisse reposer le mélange pour permettre l'évacuation des bulles en
suspension ; le coulis est alors prêt à l'injection.
DEUXIÈME COULIS
La prise et le durcissement du premier coulis étant assuré (deux à trois semaines
suivant le climat), on peut procéder à l'injection du second coulis, cette fois au
silicate de soude, destiné, grâce à son extrême fluidité, à combler les cavités les
plus fines que la chaux n'a pu atteindre. Les essais expérimentaux permettent de
proposer la composition suivante exprimée en pourcentage de poids :
— Silicate de soude, type 3.3/38/40° 50 %
— Durcisseur 2000 (Rhône-Poulenc) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 %
— Eau (à 20° degrés environ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 %
Les maçonneries, après la tin des opérations d injection, doivent recevoir une
couverture de protection afin d'être garanties contre les pénétrations d'eau, les
fissurations et le gel ; dans ce but, le faîte des murs sera garni d'une chape arrondie
ou à deux versants, constituée d'un mortier additionné d'un produit étanche. Cette
chape, dont la régularité est peu esthétique, peut être à son tour recouverte
d'une ou deux assises, liées au mortier de chaux, aisément entretenues par un
rejointoiement périodique, servant de protection contre l'effet direct des intempéries
et de la végétation.
Ces mesures évitent l'aspect fini et artificiel des chapes de protection et entrent
dans le cadre d'un programme architectural de traitement des vestiges pour la
présentation au public.
L a présentation du site
Les problèmes de présentation et les choix conséquents varient considérablement
d'un site à l'autre. Il est donc difficile d'établir des méthodes, chaque cas étant
particulier.
Plusieurs niveaux de présentation sont possibles (de nombreux facteurs politiques,
sociaux, environnementaux, etc., entrant en compte dans les choix) :
— les fouilles peuvent être réenfouies, mais la surface du sol portera d'une façon
ou d'une autre la marque des structures découvertes (dessin grâce à des pavements
différents par exemple) ;
— parc archéologique (aménagement minéral et végétal du site) ;
— présentation « muséographique » des structures (ainsi, l'aménagement des
récentes cryptes archéologiques, la crypte de Notre-Dame de Paris, et plus
récemment la crypte du Louvre présentant les bases de la tour Philippe-Auguste).
L'aménagement d'un musée de site, lié à la présentation des vestiges, favorisera
la compréhension du contexte historique du lieu. Celui-ci, conjugué à des publica-
tions et à la présentation du site lui-même, offrira au public la possibilité d'une
lecture globale, un meilleur accès aux résultats de la fouille.
Problèmes philosophiques de « mise en valeur » du site
Doit-on présenter l'ensemble des structures découvertes en fouille (avec l'enchevê-
trement souvent complexe des différentes phases), ou bien doit-on effectuer des
choix, lesquels et comment ? Quelles destructions peuvent être acceptées ? Comment
et jusqu'où restaurer ? Peut-on restituer certaines parties pour permettre une
meilleur lecture des vestiges ? Questions délicates auxquelles chaque période apporte
sa propre réponse (Balut, 1982).
« La ruine est ce qui témoigne d'un temps humain, même si cela ne fait référence
qu'à une forme perdue » (Brandi, 1963). La ruine (ou le vestige) serait donc un
document se suffisant à lui-même, la ruine tirant uniquement valeur de son passé.
La ruine « réclame » donc dans l'absolu sa conservation (dès lors qu'on lui reconnaît
cette valeur historique) et seulement cela. La tendance générale actuelle y répond,
même si des appréciations diverses peuvent être portées quant au degré des
restitutions envisageables.
La complexité des structures sur un site est souvent telle qu'il est nécessaire
d'apporter les clefs de lecture au public. Un système « pédagogique » doit être mis
en place. Panneaux explicatifs, restitutions dessinées en plan et éventuellement
restitution volumétrique (dans la limite de ce qui est reconnu), présentation
d'audiovisuels avec essais de restitution des édifices « effacés », maquettes de
présentation restituant la vie de l'édifice, dégageront les différentes phases et
aideront le visiteur à comprendre le site.
La reconstitution sur le site est à bannir, dans la confusion qu'elle peut créer. Il
est en effet très rare que les restes soient suffisants pour permettre une restitution
qui ne relève pas de l'invention (même si l'on étudie des édifices contemporains
sans doute similaires, mieux conservés, mieux connus...). L'objet ainsi « construit »
représentera l'idée que l'on se fait aujourd'hui d'une architecture passée et de
l'époque qui l'a fait naître, ceci étant établi sans bases suffisantes liées au site
lui-même.
Restauration, restitution, reconstitution : la difficulté à définir clairement ces
termes est sans doute révélatrice d'un certain flou des interventions de restauration.
S'il est clair qu'avec le recul du temps, les spécialistes peuvent toujours distinguer
l'authenticité d'un élément, il n'en va pas de même pour le grand public. Il ne faut
donc pas tromper le visiteur en lui suggérant des formes qui ne restent qu'hypothèses.
Le restaurateur doit favoriser la lecture du site, agir dans le sens d'une « révélation »
de ce qui existe, et non pas être un nouvel intervenant dans l'histoire de l'édifice.
La reconstruction d'éléments disparus sera en ce sens une opération risquée, et
nécessitera une réflexion approfondie sur sa portée.
L'anastylose d'édifices en pierre taillée, par contre, si elle est menée avec ce même
souci de « révéler », relévera véritablement de la restauration : les éléments sont
encore présents, découverts en fouille, détachés de l'ensemble primitif. L'anastylose
s'attache à les recomposer à l'image (retrouvée par l'étude) de l'édifice (ou d'une
partie de celui-ci). On ne restaure (rétablit) que ce qui est encore visible (Mertens,
1986).
L'anastylose est sans doute la seule « recomposition » possible sur le lieu d'origine
d'un édifice « disparu ».
Le travail suit plusieurs phases. On procède dans un premier temps à une analyse, l'outil
graphique étant de première importance. Tous les éléments pouvant être recomposés doivent
être enregistrés, numérotés, dessinés sur un plan d'ensemble du site dans la position dans
laquelle ils ont été trouvés. Chaque bloc reçoit donc un numéro d'enregistrement, porté sur
le bloc lui-même et sur le dessin. Le travail de recomposition peut alors être entrepris : travail
de dessin à l'échelle (1/5 ou 1/10 en général) puis mise en place, rapprochement au sol des
blocs les uns avec les autres. Des photo-montages, des maquettes accompagneront souvent
très utilement cette recherche. Dans certain cas, lorsque l'assemblage est particulièrement
complexe, il pourra être utile de procéder à la confection d'une maquette sur le site (à l'échelle
1/1). Enfin, avant de procéder au remontage des blocs, il sera utile de vérifier la statique de
l'ensemble (tenue des fondations, résistance et état de conservation des blocs...).
Le travail d'anastylose fournit, par l'analyse qu'elle implique, des éléments à
l'histoire de la construction, de l'architecture. Sur la base de ces connaissances, on
pourra ensuite déterminer la mise en œuvre de la « reconstruction », et ses limites.
L'entretien du site
L'ensemble d'un site étant aménagé, on ne doit pas considérer que tout est
achevé. Le site doit être entretenu. La conservation n'est en effet jamais une
opération définitive ; elle freine la dégradation, mais ne supprime pas certains des
facteurs qui l'engendrent. Surveillance, nettoyage, nouvelles mesures de conserva-
tion sont ou seront nécessaires, plus particulièrement si les fouilles restent à ciel
ouvert.
Enfin, le site archéologique étant lié à l'environnement, il est important, non
seulement d'intervenir directement sur les éléments archéologiques à protéger, mais
également de contrôler les zones dont la modification engendrerait une rupture
dans l'équilibre du site (problèmes que peut occasionner un déboisement par
exemple, ou installations pouvant modifier l'équilibre du sous-sol, etc.).
P o u r conclure...
PHOTO 5. — Les ouvrages aériens des aqueducs sont parmi les réalisations monumentales
romaines les plus spectaculaires en raison de leur ampleur, fonction de l'importance de
l'obstacle à franchir — ici l'aqueduc de Metz au franchissement de la vallée de la Moselle à
Jouy-aux-Arches — et de leur isolement dans un paysage naturel éloigné des masses de
l'environnement urbain. Bien que le parement de l'ouvrage en opus vittatum ait été
partiellement restauré autour des arcs, il est aisé de voir que c'est le bas des piles, occupé
jusqu'au xxl siècle par un village, qui a subi le plus de dégradations. (J.-P. A.).
PHOTO 6. — Fondations et base d'un mur parementé en opus vittatum du théâtre d'Argento-
magus (Saint Marcel, Indre). Les moellons de fondation sont sommairement disposés en
hérisson, afin de favoriser l'écoulement de l'eau d'infiltration et de s'opposer aux remontées
capillaires. La première assise réglée indique le niveau visible ; on remarque que les joints et
les lignes d'assises sont soulignées par un sillon marqué dans le mortier frais à l'aide d'un
outil étroit, dans le but de régulariser l'aspect du parement (J.-P. A.).
La conservation
à long terme des objets
archéologiques
D e n i s GUILLEMARD
Le climat
Le climat sera la partie fondamentale de ce chapitre. Au sens strict le climat est
« la série des états de l'atmosphère au-dessus d'un lieu dans leur succession
habituelle» (Durand-Daste, 1985). Cette définition climatologique, qui a pour
échelle spatiale une très grande étendue, sera pour nous réduite à l'étude micro-
atmosphérique d'un local, d'une armoire, voire d'une vitrine ou d'une boîte. Nous
nous rapprocherons de ce que l'on appelle en climatologie les microclimats, qui
dépendent étroitement de caractères très limités et d'une topographie précise.
Enfin dans l'analyse des éléments du climat nous considérerons de façon
privilégiée l'humidité au détriment de la température. Cette dernière ne nous
préoccupera que par son influence sur l'humidité. La raison en est que dans un
local fermé, les amplitudes des variations thermiques sont restreintes : elles excèdent
rarement 5" et 30 °C. Peu de biens culturels sont sensibles à ces valeurs extrêmes.
Par contre la moyenne de l'humidité peut varier dans des proportions beaucoup
soit :
La précision de ces appareils est de +/— 5 %, donc moins bonne que celle des
hygrographes. Ils se déréglent plus vite, l'étalonnage devant se faire à peu près
deux fois par mois. Lors de l'achat de ces appareils il faut être bien attentif à
choisir ceux qui possèdent une molette ou une vis de réglage facilement accessible
dans le corps du dispositif.
Pour réaliser l'étalonnage de l'hygrographe et de l'hygromètre l'on doit recourir
à un autre appareil : le psychromètre. Celui-ci va indiquer une valeur toujours
exacte de l'HR. Le principe de fonctionnement en est simple et repose sur la chaleur
latente d'évaporation d'un liquide : lors du changement de phase liquide/vapeur, la
vaporisation s'accompagne toujours d'une consommation de chaleur. Cette chaleur
va être empruntée au milieu environnant, à l'air ou au corps en contact avec le
liquide, cela se traduit par un refroidissement.
C'est la sensation de fraîcheur ou de froid ressentie sur la peu mouillée, quelle que soit la
température ambiante ; c'est aussi ce qui est exploité depuis l'antiquité dans les pays chauds
pour obtenir, grâce à un vase poreux, de l'eau fraîche.
Ici l'appareil est constitué de deux thermomètres mis en parallèles (photo 2).
L'un d'eux sert à mesurer la température ambiante : il est dit à « bulbe sec » (Tbs) ;
le second, doté d'une gaze que l'on humidifie avec de l'eau distillée au moment de
la mesure, indique la baisse de la température provoquée par l'évaporation de
l'eau : c'est le « bulbe humide » (Tbh). Pour qu'une certaine quantité d'eau à l'état
liquide s'évapore (change de phase), il lui faudra une certaine quantité de chaleur.
Plus l'air autour du liquide sera sec, plus grande sera l'évaporation et donc plus
importante sera la consommation d'énergie nécessaire au départ de l'eau. La baisse
de température au Tbh n'en sera que plus importante et toujours proportionnelle
PHOTO 2. — Psychromètre.
à la température et à la quantité de vapeur d'eau de l'air. Plus l'écart entre le Tbs
et le Tbh sera important et plus l'humidité relative sera basse ; inversement moins
l'écart sera grand et plus l'air sera proche de la saturation.
Pour obtenir une lecture rapide du Tbh on accélère l'évaporation soit en tournant le
psychromètre à bout de bras (psychromètre à moulinet), soit en agitant l'air autour du bulbe
par un procédé mécanique ou électrique (psychromètre à ventilation).
La lecture de l'humidité relative n'est pas directe, mais l'on doit se servir de
tables de conversion dites tables psychrométriques ou encore de réglettes coulissantes
qui, mettant en relation les mesures du Tbs et du Tbh, donneront la valeur
correspondante de l'HR.
La lecture des valeurs des deux thermomètres doit se faire rapidement, sans
maintenir l'appareil trop près du corps pour ne pas influencer les températures :
plus la température autour du bulbe humide est élevée, plus la chaleur latente
d'évaporation diminuera. En fait la température indiquée par le bulbe humide peut
être très légèrement supérieure à celle de l'air ambiant si l'eau incorporée au
manchon de coton est plus chaude que la température ambiante (la pipette qui
contient l'eau distillée doit être à la température de la pièce). Il y a également des
modifications susceptibles d'être apportées par la mousseline de coton (son
épaisseur, sa propreté) et par la plus ou moins grande pureté de l'eau. Compte
tenu de ces éléments et de l'approximation de lecture des thermomètres, la précision
sera de + / - 2 %.
Une autre catégorie d'appareils est à signaler : ce sont les instruments électroniques à
lecture directe. Mais comme les hygromètres ces instruments doivent être calibrés et ne
peuvent en aucun cas être utilisés pour étalonner les autres appareils.
Pour un fonctionnement correct des instruments, un calibrage régulier doit être
respecté. Sa fréquence dépend des conditions climatiques. De fortes variations
nécessiteront un étalonnage mensuel et plus les conditions seront stables, plus la
fréquence se relâchera pour atteindre un calibrage trimestriel. Les hygromètres se
déréglant plus rapidement, ils devront être étalonnés plus souvent, tous les quinze
jours ou tous les mois selon les conditions atmosphériques.
On doit enfin parler d'un autre procédé de mesure de l'HR qui a tendance à se
généraliser : la carte à indicateur d'humidité. C'est une bande de carton sur laquelle
sont disposées, à distance régulière, des marques imprégnées de chlorure de cobalt.
Le passage d'une marque à l'autre correspond à une progression de l'humidité
relative de 10 % en 10 %. La couleur des marques vire avec le degré hygrométrique ;
elle passe du rose clair au bleu foncé, la lecture de l'HR se faisant au point de
changement entre le rose et le bleu dans la zone intermédiaire des deux couleurs
(photo 1 et fig. 2).
M e s u r e de la lumière
PHOTO 3. — Luxmètre.
L'ultraviolet sera mesuré par un ultraviomètre. Le prix onéreux de ces appareils
(de surcroît difficile à se procurer) entrave leur usage. Ils indiquent la quantité
d'énergie ultraviolette contenue dans une certaine quantité de lumière visible : elle
s'exprime en microwatt par lumen.
Il n'y a pas d'appareil pour la mesure de l'infrarouge. Puisque l'effet de ce
rayonnement est un échauffement, il suffit de mesurer la température à la surface
des objets et d'être particulièrement vigilant pour les objets sombres susceptibles
d'absorber plus de chaleur.
La protection contre la lumière et les rayonnements nocifs consiste à réduire
l'infrarouge, éliminer les ultraviolets, réduire l'éclairement et le temps d'éclairage.
On doit avant tout distinguer deux situations. Dans le dépôt où sont stockés les
objets, aucune lumière du jour ne doit être autorisée et la lumière artificielle allumée
que le temps nécessaire. Dans la salle d'exposition éclairée pendant le temps
d'ouverture au public, on évitera un éclairage direct par la lumière naturelle ; la
lumière artificielle sera contrôlée et les éclairages calculés pour ne pas dépasser les
nombres de lux recommandés.
Dans tous les cas les ultraviolets seront éliminés soit en optant pour une source
lumineuse sans UV soit en sélectionnant des lampes présentant une émission d'UV
minimum. Dans les sources d'éclairage artificiel ce sont les lampes à incandescence
qui émettent le moins d'UV mais en revanche elles produisent beaucoup d'IR. Les
lampes à fluorescence émettent beaucoup d'UV, bien qu'il existe maintenant des
tubes à fluorescence traités pour les éliminer, mais elles ne produisent pas de
chaleur.
Les UV pourront être éliminés en interposant entre la source et l'objet un film
absorbant sous forme de vernis, de plastique souple ou rigide ou de verre traité.
Les IR seront réduits en traitant la lumière naturelle par des films réflecteurs
sur les fenêtres, en éloignant la source de l'objet et en évitant les lampes à
incandescence.
L a pollution atmosphérique
On ne peut être complet, quand on aborde la conservation préventive, si on ne
parle pas de la pollution atmosphérique.
Moins dramatique dans ses effets sur les objets archéologiques que sur d'autres
catégories de biens culturels, la pollution n'en reste pas moins un facteur de
dégradation à ne pas négliger, surtout en ce qui concerne les métaux. Elle est
omniprésente en milieu urbain et touche même les campagnes les plus reculées. La
pollution peut se présenter sous la forme de particules en suspension dans l'air
(suies, fumées, poussières) ou sous la forme de gaz (anhydride sulfureux, oxyde et
di-oxyde de carbone, chlore, ozone...).
La taille des particules est conventionnellement mesurée en microns. Un micron
(|xm) est égal à un millionième de mètre. La nature des particules est variée :
pollens, cellules mortes, pigments de peinture, poussière de ciment, grains de silice,
spores de champignons, suies, e t c . .
Les particules les plus petites sont celles qui pénètrent dans les bâtiments, leur
taille varie de 2 à 0,01 |am, les plus grosses particules restant à proximité des sources
de pollution. Une telle diversité pose de très gros problèmes de purification de
l'air.
La pollution est un agent actif de la dégradation chimique et biologique, en
créant au contact des objets un milieu acide et en favorisant la prolifération des
micro-organismes. Cette action sera fortement amplifiée par un milieu humide.
Dans la pollution gazeuse les gaz les plus dangereux pour les collections
archéologiques sont l'hydrogène sulfuré et l'anhydride sulfureux susceptibles de se
transformer au contact de l'humidité en acide sulfurique dont l'action corrosive
est particulièrement destructrice. Le gaz carbonique est un autre gaz actif de la
pollution et donnera de l'acide carbonique. Les bords de mer sont touchés par les
vents ou les brouillards salins. Les particules de chlorure de sodium ainsi
transportées dans l'air agissent comme de puissants réactifs chimiques sur certains
métaux comme le cuivre et ses alliages. Hygroscopiques, ces particules peuvent
aussi favoriser la prolifération des micro-organismes en entretenant localement un
taux d'humidité élevé.
Toutes les pollutions devraient être filtrées à l'aide d'appareils susceptibles de
bloquer à la fois les particules de poussière et les gaz. La mise en place dans un
bâtiment ancien d'un tel appareillage peut soulever de nombreuses difficultés que
seul un spécialiste sera en mesure de résoudre. Mais en l'absence de telles
installations, un nettoyage périodique et fréquent à l'aspirateur, l'étanchéité des
locaux et des unités de stockage amèneront une amélioration notable. Des normes
existent concernant le niveau de filtrage (Lafontaine, 1981), mais dans les petits
volumes une protection efficace peut consister à placer des matériaux chargés de
charbon actif pouvant absorber une partie des gaz incriminés. L'étanchéité sera
toujours un bon moyen de protéger les collections, en liaison avec un contrôle
strict de l'HR.
Les épurateurs d'air électrostatiques ou ioniseurs ne peuvent être utilisés car ils
produisent de l'ozone, nocif pour les matières organiques (particulièrement la
cellulose) et pour certains métaux (argent, fer et cuivre).
Les normes
La nécessité d'établir des normes s'imposa dès que l'on constata l'extrême
précarité, une fois retournées dans l'atmosphère, d'œuvres parfaitement conservées
pendant des millénaires de confinement dans des tombeaux où l'air était stable et
sain (Coremans, 1969b). Ainsi voulut-on se rapprocher dans les musées de ces
conditions de conservation si favorables aux objets et dont certains monuments
funéraires ou grottes donnaient l'exemple. La nécessité de contrôler les paramètres
de l'environnement est maintenant très largement admise.
Devons-nous pour autant abandonner les normes ? Certainement pas car elles
restent nécessaires pour guider l'établissement d'un climat favorable aux objets,
mais dans l'état actuel des choses, celles dont nous disposons ne peuvent s'appliquer
crûment aux objets archéologiques. Elles furent élaborées pour des collections
d'objets typiques (peinture de chevalet, textile, métal) et non pour des collections
archéologiques beaucoup plus hétéroclites. Telles qu'elles sont présentées, elles ne
tiennent pas compte des objets traités, ni de l'histoire de l'objet, ni des conditions
météorologiques locales... Souvent elles valent pour des salles d'expositions et non
pour des réserves ou des dépôts.
Repères normatifs
En attendant des jours meilleurs proposons des normes puisqu'il ne peut en être
autrement, c'est là un rituel inévitable, mais auparavant précisons quelques principes
qui permettront au lecteur d'en faire « bon usage » :
— la plus grande stabilité sera toujours recherchée : stabilisation sèche pour les
pièces métalliques, stabilisation moyennement humide pour les matières organiques.
Mais la fourchette des extrêmes à ne pas dépasser peut être très variable et ne sera
définie qu'en tenant compte des écarts locaux entre l'intérieur des bâtiments et
l'extérieur. Toujours les normes resteront le plus proche possible des conditions
normales du local, l'équipement ne venant qu'améliorer ces conditions ;
— la permanence des conditions climatiques au cours des diverses pérégrinations
des objets (transports, expositions, etc.) est essentielle. Cette continuité peut être
assurée par un emballage adapté et s'il doit y avoir des changement, il faut y
adapter les objets progressivement ;
— on cherchera à s'aligner sur le matériau ayant la plus faible résistance aux
conditions climatiques moyennes dans le cas d'objets composites (protéger le plus
sensible) mais sans perdre de vue les interactions éventuelles de ces matériaux entre
eux dans les conditions retenues pour leur conservation.
Normes relatives à la lumière :
— dans le cas du stockage aucune lumière permanente ne peut être admise ;
— la quantité de lumière maximum tolérable pour les biens culturels ne doit pas
dépasser 300 lux pour les objets les moins sensibles et 150 lux ou 50 lux pour les
plus sensibles ;
— la quantité d'ultraviolet acceptable est fixé à 70 microwatts/lumen ;
— certains matériaux ne redoutent pas la lumière quand ils n'ont ni couche
picturale ni revêtement protecteur : ce sont la pierre, la céramique et le métal.
Normes relatives à la pollution :
— le taux de dépoussiérage est de 90 % pour les particules les plus grosses (plus
de 1 fim) et de 50 % pour les particules très fines (de moins de 1 Jlm) ;
— la filtration des gaz sera surtout réalisée dans les zones urbaines ou industrielles
très polluées.
Normes relatives au climat : il est courant d'établir les listes par type de matériaux.
Pour en faciliter l'utilisation nous présenterons les normes sous forme de tableau.
moyens non mécaniques plus adaptés pour le conditionnement de très petites unités
et plus en rapport avec les particularités de chaque matériau.
L'engagement dans telle ou telle option sera guidé par de multiples critères dont
les plus importants porteront sur le climat du lieu de stockage (intérieur et extérieur),
la conformation des locaux, la nature des collections et enfin les moyens financiers
disponibles.
FIG. 3a. — Un humidificateur : (1) natte humidificatrice, (2) tambour rotatif (3) hygrostat,
(4) entrée de l'air sec, (5) filtre à poussière, (6) réserve d'eau.
FIG. 3b. — Un humidificateur et son principe de fonctionnement : (1) entrée de l'air sec,
(2) filtre à poussière, (3) ventilateur, (4) réserve d'eau, (5) natte humidificatrice, (6) air
humide.
LES DÉSHUMIDIFICATEURS
Ils agissent en exploitant le principe de la condensation. Un ventilateur aspire
l'air de la pièce pour le faire circuler autour d'un serpentin de refroidissement,
l'ensemble fonctionnant comme un réfrigérateur : un compresseur fait circuler un
gaz dans un serpentin dont une partie fait office d'évaporateur et une autre de
condensateur. La vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère se condense sur la partie
« évaporateur » (partie froide du serpentin) où elle est récoltée dans un bac de
rétention. L'air est ensuite réchauffé dans la partie « condensateur » de l'appareil
avant d'être rejeté dans le local, à une température légèrement supérieure à l'air
ambiant (fig. 4).
Il peut se former des poches, des microclimats ou au contraire des courants d'air inopportuns
avec d'importantes variations de l'HR très localisées. Une surveillance stricte permettra d'y
remédier en changeant les appareils de place ou en disposant des ventilateurs.
Les m a t é r i a u x tampons
Pour être efficace enfin, le tampon doit répondre rapidement aux variations de
l'HR et réagir plus vite que le matériau à protéger. Les courbes qui permettent,
pour chaque matériau, de visualiser ces propriétés sont appelées isothermes
d'adsorption et représentent les quantités de vapeur d'eau contenue dans la matière
tampon en fonction de l'HR (Cassar, 1985b) (fig. 5 et 6).
Les isothermes montrent les matériaux qui apportent la réponse la plus rapide
aux fluctuations de l'HR (pente de la courbe), mais aussi dans quelle gamme de
valeur de l'humidité relative le matériau aura le meilleur rendement.
Une fois choisi le produit approprié, il faut déterminer la quantité de matière
tampon à employer, en fonction de ses capacités d'absorption et désorption, du
volume d'air à traiter et de son étanchéité, de l'écart entre l'HR recherchée et l'HR
extérieure.
FIG. 6. — Comparaison de la courbe d'adsorption de quelques matériaux tampons communé-
ment employés en conservation.
Un volume clos n'est jamais totalement étanche, en tous les cas jamais suffisamment. Il
conservera toujours des échanges avec l'extérieur par l'intermédiaire des fuites aux joints des
différents assemblages et à travers les matériaux mêmes. Ainsi un volume dit « étanche »
finira par se conformer aux conditions extérieures (humidité et température) selon un rythme
qui obéit à une loi exponentielle : très rapide au début quand l'écart entre les conditions
intérieures et extérieures est grand, puis de plus en plus lent quand on se rapproche des
conditions extérieures (fig. 7).
FIG. 8. — Courbe d'adsorption des matières tampons manufacturées : gel de silice et argile.
Le gel de silice
Le gel de silice est jusqu'à présent le meilleur matériau tampon, celui du moins
qui répond le mieux aux exigences de la conservation muséale. Il est à ce titre de
plus en plus employé, mais il ne saurait être la panacée à tous les problèmes
d'humidité relative (Asley-Smith, 1984).
Le gel de silice est de la silice pure de structure granulaire, constituée d'un vaste réseau de
pores très fins dont l'aire massique peut atteindre pour certaines variétés 800 m2/g. Cette
porosité confère au matériau ses propriétés adsorbantes : la pénétration de la vapeur est
rapide et la quantité d'humidité fixée par le gel peut être très élevée (jusqu'à 40 % du poids :
1 kg de gel sec pouvant adsorber 400 g d'eau) .
Le gel de silice convient aux biens culturels parcequ'il réunit les propriétés
suivantes :
— il reste stable sous l'action de la chaleur et de l'humidité ;
— il est chimiquement inoffensif ;
— il n'est pas déliquescent en présence d'humidité et il reste sec au toucher même
à des valeurs très élevées du THE ;
— il répond rapidement aux fluctuations de l'air ambiant ;
— il est aisément conditionné à toutes les valeurs de l'HR ;
— il est insensible aux attaques des micro-organismes.
Voir Aide mémoire n° 10 : Le gel de silice.
Le stockage
Le but de tout stockage est de réunir, dans un volume le plus petit possible, la
plus grande quantité possible d'objets.
Cette prouesse ne se réalise pas à n'importe quel prix ! Comme pour le climat
des règles sont à respecter touchant les matériaux du stockage et la façon
d'entreposer les objets.
Un bon entreposage devrait :
— permettre un accès aisé et une localisation rapide des objets sans manipulations
inutiles ou dangereuses ;
— s'adapter aux exigences dimensionnelles des objets à stocker ;
— donner toutes les garanties de conservation par le choix des matériaux de
construction et par une protection contre les agents d'altération (climat, poussière,
lumière, infestation micro-organique), mais également contre les risques naturels :
feu ou inondation.
Le choix des m a t é r i a u x
TABLEAU 6. Matières inoffensives pour les biens culturel, recommandées pour le stockage
et les vitrines.
Les métaux
Le verre
La céramique
Les pigments inorganiques
Le polyéthylène
Les polymères acryliques (en solution plutôt qu'en émulsion)
Le nylon
Les fibres de polyesters
Les films de polyesters (mylar ou terphane)
Les fibres naturelles : coton (sauf pour l'argent), lin, jute sans apprêt ni teinture
Le plexiglass
La colle epoxy
Le carton et le papier sans acide (pur cellulose ou pur chiffon).
L a réalisation du stockage
Les formes de stockage peuvent être multiples. La mise en place de tel ou tel
système répond à des facteurs qu'il faut bien cerner avant de se lancer dans une
réalisation (Johnson, 1980, p. 35).
Il y a des facteurs d'ordre climatique : dans quelle mesure est-il nécessaire
d'intervenir sur l'humidité relative ; les objets à entreposer sont-ils sensibles plutôt
à l'humidité ou à la sécheresse, ou plutôt sensibles aux fluctuations ; pourra-t-on
contrôler l'ensemble des locaux ou seulement quelques éléments ?
La pollution est un autre facteur. Il faudrait pouvoir déterminer le degré de
pollution des locaux et agir soit de façon globale, soit en isolant les matériaux les
plus sensibles dans des unités étanches (cuir, métal, textile...) ; d'autres matériaux,
comme la céramique, peuvent par contre supporter des ambiances moins contrôlées.
Il est souhaitable de concevoir un stockage qui tienne compte des grandes
catégories de matériaux et de ne pas mélanger dans une même unité ce qui est
organique et ce qui ne l'est pas. Se pose évidemment le problème des objets
composites : pour ceux-ci on choisira de contrôler en s'approchant des conditions
les plus favorables aux deux matériaux en s'alignant sur celui susceptible de
supporter sans dommage des conditions inhabituelles (le bois ou l'os sont capables
de se bien comporter en atmosphère sèche pour peu que l'on prenne la précaution
de les y amener progressivement).
Si le dépôt à une vocation pédagogique ou d'études, il faut envisager des éléments
de stockage particulièrement accessibles. Les mauvaises manipulations sont une
source de dégradation non négligeable. Elles peuvent engendrer des vibrations
destructrices pour certaines collections comme les verres ou les céramiques.
Les g r a n d e s options
C'est une méthode radicale qui traite tout le volume du lieu de stockage et qui
utilise pour cela les techniques de l'air conditionné. Cette option n'est à envisager
sérieusement que si les conditions développées précédemment sont réunies. Il reste
que pour les métaux un traitement particulier sera de toute façon à prévoir, l'air
conditionné stabilisant l'atmosphère autour de 50 % d'HR, ce qui est trop élevé.
L'air conditionné apportera un confort certain aux utilisateurs, mais également une
souplesse plus grande dans l'exploitation du matériel archéologique. Tous les problèmes de
protection de la pollution devant être écartés par ce système, l'accessibilité et les manipulations
n'en seront que favorisées.
FIG. 9. — Schéma du module de régulation des vitrines : (1) entrée de l'air à traiter,
filtre à poussière, (2) serpentin de refroidissement du déshumidificateur, (3) soufflerie,
(4) humidificateur à évaporation, (5) échangeur de chaleur, (6) tampon de gel de silice dans
l'échangeur de chaleur, (7) hygrostat, (8) filtre à adsorption, (C) compresseur, les flèches
noires représentent le flux d'air à conditionner et les flèches blanches l'air ambiant brassé par @
les deux ventilateurs.
FIG. 10. — Système de régulation des vitrines, avec indiqué le diamètre type des tubes du
réseau de distribution d'air conditionné. Il n'y a pas de canalisation de reprise d'air, celui-ci
s'écoulant continuellement des vitrines.
— un réseau de tuyauterie reliant les différentes unités au module de régulation ;
— des volumes suffisamment étanches à l'air.
On peut imaginer un tel dispositif adapté au stockage en concevant des unités
étanches reliées à un seul module. On pourrait ainsi réguler jusqu'à 100 m3 ce qui
correspond à une vingtaine d'armoires. Ce système est surtout adapté pour les
matériaux organiques et d'autres procédés doivent être envisagés pour les métaux.
Le plus intéressant est un système de régulation par chauffage, là aussi mis au
point pour des vitrines, mais que l'on pourrait parfaitement adapter à des unités
de stockage (Lafontaine, 1984 b ; Parviz Redjali, 1984). Plus un air est chaud plus
il contient de vapeur d'eau. L ' H R variera donc en fonction de la température.
Quand la température augmentera, l'HR diminuera. Ce principe est exploité dans
le système par chauffage : au fur et à mesure que l'HR augmente, un système de
chauffage compense cette augmentation. Dans cette méthode le thermostat du
système de chauffage est remplacé par un hygrostat. Surtout utilisé dans les vitrines
d'exposition, ce dispositif pourrait être étendu à des unités de stockage équipés
pour le recevoir et pour des cas précis de conservation des métaux.
FIG. 11. — Modèle d'une boîte de stockage des petits objets métalliques ou organiques :
boîte en polyéthylène incolore, couvercle étanche, gel de silice en sachet ou boîte perforée,
sachets contenant les objets (perméables à l'air de la boîte), carte à indicateur coloré
d'humidité, étiquette présentant le contenu de la boîte.
L a manipulation
Le déplacement d'un objet n'est pas un acte innocent et peut s'avérer périlleux.
La manipulation des objets de culture ne peut être confondue avec celle des objets
de la vie courante. Pour les responsables du stockage ces actes devenus familiers
doivent répondre à des règles strictes, même si la préhension reste une chose banale
et instinctive, elle est vitale dans les professions qui ont pour vocation l'étude
des biens culturels : chercheurs, conservateurs ou restaurateurs doivent être
particulièrement attentifs. Aucun objet n'échappe à la manutention et plus les
objets sont rares et précieux, plus ils seront déplacés, empoignés, retournés, palpés...
Précautions et moyens
Les objets archéologiques sont dans l'ensemble plus fragiles que les autres biens
culturels, ils demandent en conséquence une attention particulière et surtout un
examen attentif avant la manipulation (Stolow, 1987, p. 57). Outre le fait que la
saisie d'un objet doit se faire par la partie la plus à même de résister à la contrainte
mécanique, l'évaluation du poids et de la fragilité générale de la matière sera
nécessaire avant tout déplacement.
L'itinéraire au sein du dépôt ou du musée sera reconnu et l'emplacement pour
recevoir l'objet en mouvement bien préparé par un rembourrage ou des cales (Pugh,
1978, p. 25). Plusieurs petits objets manipulés ensemble le seront dans des bacs ou
des plateaux capitonnés, toujours disponibles à proximité et en quantité suffisante
pour permettre leur usage systématique. De la même façon un ou plusieurs chariots,
voire un transpalette, attendront les objets encombrants et lourds. On aura avantage
à faciliter la manutention dès la mise en stockage des objets, d'autant que les
grandes séries d'objets exhumés par les fouilles contraignent à des réaménagements
fréquents. Des bacs plastiques gerbables, du type de ceux utilisés dans l'industrie,
souvent en polyéthylène et de dimension normalisée s'adaptant à la plupart des
systèmes de stockage et de manutention, simplifieront et réduiront les opérations.
Avant de sortir un objet d'une réserve ou d'une vitrine il faut s'assurer que la différence
d'HR entre les deux milieux ne dépasse pas 7 %. Si elle est supérieure à cette valeur l'objet
doit être acclimaté et les différences de températures brutales qui amènent de la condensation
sur l'objet ou dans les emballages en film de polyéthylène hermétique, seront évitées.
L'emballage
Il n'est plus concevable d'envisager le déplacement d'un objet sans une protection.
Selon la nature de ce déplacement, l'importance de l'enveloppe protectrice sera
plus ou moins grande, mais sa fonction sera invariable : être le prolongement de
la réserve ou du dépôt, c'est-à-dire une enceinte close où règnent les conditions
favorables à la conservation et où les chocs physiques ou climatiques ne parviennent
pas.
Les conditions du déplacement seront consignées dans un dossier spécifique
constitué pour chaque objet, comportant une photographie avant l'emballage, la
description de l'emballage et des conditions climatiques existants dans le dépôt et
celles particulières qui doivent être réunies pour exposer l'objet (certaines pièces
ne devraient pas se déplacer à cause de leur fragilité ou de leur extrême sensibilité)
(Morris, 1987).
Un bon emballage doit présenter les qualités suivantes :
— protection contre les variations de l'HR et de la température ;
— défense contre les agents biologiques ;
— résistance aux chocs ;
— amortissement des vibrations.
L'emballage peut revêtir plusieurs formes selon l'importance du déplacement et selon la
forme et la nature de l'objet : cela peut aller d'un simple emballage de carton et de papier
(transport à la main sur une courte distance) jusqu'à la caisse en bois à double parois et
amortisseurs (voyage de longue durée par camion, train ou avion).
Une sélection de matières particulièrement appropriées à l'usage de l'emballage
est maintenant disponible grâce à l'élaboration de produits adaptés en matière
synthétique. Ils sont surtout efficaces comme rembourrage, leur pouvoir d'amortis-
sement étant très grand, mais en tant que matière tampon de l'humidité ils ne
peuvent remplacer les produits comme le papier ou la fibre de bois dont la présence
suffit, en vase clos, à régulariser l'HR.
TABLEAU 8. Tableau comparatif des différents matériaux de rembourages
L'association des deux produits est en fait souhaitable quand on recherche un niveau d ' H R
moyen (55 %) et une bonne résorption des vibrations : pour le transport il est préférable
d'assurer en priorité une bonne protection contre les chocs, même avec des matériaux acides,
plutôt que de risquer un déplacement avec une mauvaise protection.
Dans la conception des emballages il faut garder à l'esprit quelques principes :
— éviter que l'objet puisse se déplacer dans l'emballage au cours des manutentions,
ce qui implique de le caler ;
— éviter que des frottements se produisent pouvant occasionner des usures ou des
rayures, il faudra donc protéger l'objet par une enveloppe (papier de soie, mylar...) ;
— éviter les phénomènes de condensation, donc utiliser des matières capables de
résorber la vapeur d'eau en excès ;
— le mode d'emballage, tout en assurant une protection efficace, sera le plus
simple possible pour faciliter le déballage et le remballage dans les mêmes conditions
de départ.
Les matériaux utilisés pour le rembourrage des emballages étaient traditionnelle-
ment le bois, le carton, des copeaux ou de la paille. Maintenant d'autres produits
sont disponibles, plus légers et plus résistants : le contreplaqué et le latté pour les
parois des caisses, la mousse de polyéthylène ou de polystyrène expansé pour le
rembourrage.
Le calage de l'objet dans la caisse est un point essentiel car aucune de ses parties
ne doit être en contact avec les parois ; si la caisse doit recevoir plusieurs pièces,
elles seront isolées les unes des autres, soit par des cloisons, soit par un matériau
de rembourrage dans lequel l'objet sera comme en « suspension » (matériau de
calage particulaire en polystyrène expansé). Les pièces particulièrement fragiles se
verront placées dans des logements découpés à leur forme exacte dans des plaques
de polystyrène ou de polyuréthane (Pugh, 1978 ; Stolow, 1987, p. 92) (fig. 12, 13
et 14).
en bois, en contreplaqué ou en latté renforcées par des lattes de bois plus épaisses
ou par des cerclages métalliques qui répartissent plus uniformément les chocs sur
toute la surface (fig. 15).
Le couvercle ne sera pas cloué mais vissé pour éviter les martèlements lors de la
fermeture et de l'ouverture des caisses (fig. 16).
Pour les objets lourds et fragiles, l'emballage utilisera des amortisseurs. Pour
cela une double enveloppe est constituée :
— dans la première enveloppe est placé l'objet avec son matériau de rembourrage
(elle constitue l'enveloppe interne) ;
— dans la seconde (enveloppe externe) plus grande, vient se loger la première
caisse ; l'espace entre les deux enveloppes sera occupé par l'amortisseur : courroies,
tampon de caoutchouc, ressorts ou particules de matière plastique (fig. 17).
FIG. 15. — Modèle de caisse en bois.
FIG. 16. — Systèmes de fermeture : A - vis simple, B - vis écrou avec insert métallique, C -
couvercle des caisses type grenouillère.
FIG. 17. — Différents types d'amortisseurs.
Expositions, vitrines
L a vitrine idéale
On peut aussi disposer le matériau tampon sur une fine épaisseur sur le fond vertical de la
vitrine. Il s'agit alors d'un conditionnement particulier du gel de silice : dans un cadre mobile
sont placés des modules de gel de silice, celui-ci est maintenu derrière un grillage fin ; les
échanges se réalisent par le fond vertical de la vitrine à travers la toile de garniture (Ramer,
1984 ; Stolow, 1978 ; Rothe, 1985)
L o r s q u e les vitrines d é p a s s e n t 1 m \ le r e c o u r s à des systèmes de c o n t r ô l e
m é c a n i q u e s s'impose. N o u s les a v o n s a b o r d é s d a n s la p r e m i è r e p a r t i e de ce
c h a p i t r e : il s'agit d ' u n m o d u l e de c o n t r ô l e relié à plusieurs vitrines c a p a b l e de
m a î t r i s e r l ' h u m i d i f i c a t i o n et la d é s h u m i d i f i c a t i o n de v o l u m e p o u v a n t a t t e i n d r e
100 m3 (fig. 9 et 10) (Michalski, 1985a et b). U n tel d i s p o s i t i f ne peut se c o n c e v o i r
q u e p o u r des e x p o s i t i o n s p e r m a n e n t e s . A u British M u s e u m , d e p u i s 17 ans, le
c o n d i t i o n n e m e n t de certaines vitrines d ' e x p o s i t i o n est é g a l e m e n t réalisé p a r des
appareils affectés à c h a q u e vitrine (Newey, 1987).
On peut encore parler d'une vitrine dont la conception permet de remplacer l'air par un
gaz inerte ce qui ralentit les processus de dégradation occasionnée par l'oxygène de l'air. Le
gaz employé est de l'azote, l'étanchéité aux poussières est excellente car la vitrine est en légère
surpression ; un procédé de compensation des variations de la pression garantit la sécurité
du système et enfin l'HR est stabilisée par du gel de silice (Pennec, 1988) .
CONCLUSION
Gérer le matériel
archéologique
Nicole MEYER
LE MATÉRIEL A R C H É O L O G I Q U E
GESTION ET C O N D I T I O N N E M E N T
Cette liste présente les principaux produits cités dans l'ouvrage et indique les
fabricants ou distributeurs auprès desquels ils peuvent être obtenus, sans prétention
à l'exhaustivité et sur la seule base des indications dont nous disposions ou que
nous ont communiquées quelques-uns des auteurs.
D'autres fournisseurs peuvent également proposer ces produits, surtout en
province, il est donc souhaitable de s'établir à partir de cette liste d'adresses, ses
propres références, plus adaptées au marché local. Les drogueries, les grands
magasins, les magasins de matériel agricole et dans certains cas, les pharmacies (!)
peuvent aussi proposer certains matériels ou produits figurant dans cette liste : de
l'astuce et beaucoup de patience devraient permettre à chacun d'arriver à ses fins
dans cette nouvelle quête du Graal.
D. G.
Groupe 1
Les matières tampons de ce groupe sont des substances capables d'adsorber ou de
désorber de la vapeur d'eau ; l'adsorption est un phénomène physico-chimique de surface
qui permet la rétention de molécules de gaz ou de liquide à l'intérieur d'un corps poreux
ou pulvérulent.
Pour qu'un matériau puisse être utilisé comme tampon, il doit présenter les caractères
suivants :
— avoir un réseau capillaire poreux (c'est-à-dire des canaux très fins ouverts sur
l'extérieur) ;
— le réseau capillaire doit être suffisamment développé pour offrir une surface la plus
grande possible à l'adsorption (surface spécifique ou aire massique) ;
— la matière des parois doit présenter une certaine affinité avec la vapeur d'eau pour
que s'établissent des liaisons de nature physique ou chimique entre les deux phases
(cellulose ou silice par exemple).
Groupe II
Tous les corps tampons n'agissent pas sur l'atmosphère selon le processus de
l'adsorption. Les solutions salines par exemple, utilisent la capacité de certains sels
hygroscopiques de se mettre en équilibre d'absorption avec la vapeur d'eau de l'air
ambiant. Il s'agit ici d'un phénomène différent de l'adsorption dans la mesure où il y a
une véritable dissolution, plus ou moins complète, de la phase gazeuse (vapeur d'eau)
dans la phase solide (le sel déliquescent).
Un sel peut ainsi fixer de la vapeur d'eau lorsque la solution saturée possède une
tension de vapeur inférieure à la tension moyenne de la vapeur d'eau de l'atmosphère.
Il y aura absorption d'eau jusqu'à ce que la tension de vapeur de la solution corresponde
à celle de l'humidité atmosphérique.
Certains sels pourront de la sorte s'effleurir ou devenir déliquescents selon que le
degré hygrométrique de l'air sera inférieur ou supérieur à certaines valeurs limites.
AIDE-MÉMOIRE N° 10
GEL DE SILICE
Le gel de silice est utilisé pour conditionner des volumes de moins de 1 m . Le gel avec indicateur
change de couleur lors de la reprise de vapeur d'eau : du bleu intense quand il est anhydre, il vire
au rose clair quand il s'hydrate. A partir de 30 % d'HR le gel a complètement viré au rose si bien
que l'indicateur coloré n'aura aucune utilité pour un conditionnement au-delà de cette valeur.
Le gel sans indicateur reste blanc quelle que soit la valeur de l'HR.
Le gel de silice peut aussi bien servir à stabiliser, déshumidifier ou humidifier des volumes bien
étanches.
Stabiliser : c'est la tendance naturelle des matériaux tampons de rechercher un équilibre avec l'air
ambiant. Dans une boîte ou une vitrine, le gel compensera les variations de l'HR en adsorbant ou
désorbant la quantité de vapeur d'eau nécessaire pour compenser les variations.
Déshumidifier : il pourra maintenir l'HR à un taux inférieur à 40 %. Deux charges sont nécessaires,
une charge en service dans la vitrine ou la boîte de stockage et une charge activée en attente pour
remplacer le gel usagé dès que la valeur critique pour les matériaux considérés est atteinte.
Humidifier : il pourra apporter de l'humidité à un air trop sec (conditionnement des matières
organiques). Deux charges sont là aussi nécessaires : une charge en service et une autre, conditionnée
au pourcentage de l'HR souhaitée, prête à la remplacer. C'est l'emploi le plus délicat du gel de silice
car il demande une surveillance attentive de l'évolution hygrométrique du volume à traiter et des
manipulations parfois fréquentes pour rétablir les seuils d ' H R fixés.
C o m m e n t c o n d i t i o n n e r le gel de silice
Selon que l'on se propose de le déshydater ou de l'humidifier, le conditionnement du gel de silice
s'opère de différentes façons :
— pour le déshydrater on le chauffe dans une étuve ou un four ménager. Les grains sont disposés
dans un récipient métallique sur une faible épaisseur et chauffés entre 120 et 150 °C. Plus la
température est élevée, plus le temps d'activation sera court. Une fois sec le gel est placé à la sortie
du four dans un fût métallique fermant hermétiquement ;
— le gel doit être amené à adsorber la quantité de vapeur d'eau qui lui permettra de conditionner
un volume donné à un taux d ' H R voulu. Pour cela trois méthodes :
1°) en mettant le gel de silice au contact d'une atmosphère contrôlée par un humidificateur,
2°) en mettant le gel de silice dans une enceinte dont l'HR est contrôlée par un autre matériau
tampon, en l'occurence une solution saturée de sel,
3°) en calculant la quantité de vapeur d'eau nécessaire à ajouter au poids de gel de silice sec pour
atteindre un THE voulu.
Exemple : Calcul du poids de gel nécessaire pour un volume de 0,125 m (correspondant à un cube
de 0,5 m de côté), que l'on veut conditionner à une humidité relative de 55 %, sachant qu'une
quantité minimum de gel de silice de 20 kg par m3 est recommandée.
— Poids de gel requis :
20 kg x 0,125 = 2,5 kg
— Poids de gel de silice sec nécessaire : quantité de gel requis divisé par (100 + T.H.E. D U GEL
DE SILICE)*
Pour en savoir plus : R.H. Lafontaine 1984 ; G. Thomson 1977 ; N. Stolow 1987.
AIDE-MÉMOIRE N° 11
DOSSIER D'ENREGISTREMENT
DES TRAITEMENTS
Il n'existe pas de dossier ou de fiche type, applicable à tous les matériaux, sur tous
les sites archéologiques : un bon dossier de traitement est un dossier adapté, conçu en
fonction des contingences liées à une fouille particulière, ou des caractéristiques d'une
série donnée d'objets (un exemple de fiche conçue pour les verres archéologiques est
donnée dans le chap. IV). Cependant tout dossier doit comporter quelques grandes
rubriques.
L'identification
L ' é t a t de conservation
Traitement
Objectifs du traitement
Mention claire et précise de toutes les interventions effectuées, avec leur localisation
éventuelle
Eventuellement photo (en cours de travail, après), dessins, poids et dimensions après
traitement
Conservation à long t e r m e
Conseils de maintenance (Lumière, Humidité relative)
Si soclage ou emballage particuliers : notice explicative
Si surveillance particulière : rythme et modalités des inspections souhaitables
AIDE-MÉMOIRE N° 12
DANGEROSITÉ DES PRODUITS MANIPULÉS
La plupart des produits utilisés au cours des traitements de conservation-restauration
sont dangereux. Les risques qu'ils engendrent commencent dès leur transport et leur
stockage : ils peuvent être corrosifs, inflammables, explosifs. Dès l'acquisition d'un
produit, on doit pouvoir répondre aux questions suivantes : dans quel type de récipient
peut-il être stocké, doit-il être à l'abri de la lumière, au-dessous d'une certaine
température, peut-il être stocké avec les autres ou doit-il être isolé.
Les étiquetages doivent être clairs et mentionner ces risques. Dès qu'une petite panoplie
est réunie, des équipements spéciaux sont prévus pour les accueillir (armoire à solvants).
Le risque majeur, parce que méconnu, qui concerne les conservateurs-restaurateurs
est le risque toxicologique. Les solvants en sont particulièrement responsables.
Un toxique est par définition un produit qui, s'il pénètre dans l'organisme, provoque
un effet néfaste sur lui. La seule prévention possible des risques toxicologiques est
d'empêcher la pénétration du toxique dans l'organisme. Les voies de pénétration sont :
— l'inhalation ;
— la voie percutanée ;
— l'ingestion.
Pour éviter l'inhalation (particules ou goutelettes en suspension dans l'air, liquides
volatils) : ventilation des postes de travail et du local, sorbonnes, masques.
Pour éviter le contact cutané : gants, pinces, éventuellement lunettes.
Pour éviter l'ingestion : ne pas fumer, ne pas manger ou boire près des postes de
travàil, ne pas stocker de nourriture dans le local.
Il faut distinguer l'intoxication aiguë ou à court terme, immédiatement repérée, parfois
grave, mais généralement réversible avec l'elimination du toxique, et l'intoxication
chronique ou à long terme, insidieuse, liée à des contacts répétés avec des doses souvent
minimes du toxique. Lorsque les capacités d'élimination de l'organisme sont dépassées,
la « dose seuil » est atteinte et les effets toxiques apparaissent. D'autres produits enfin,
sans effet seuil, provoquent à chaque exposition des « microlésions » dont la sommation
peut conduire à une pathologie grave, souvent irréversible (effet cancérigène par
exemple).
Il faut donc appliquer des règles rigoureuses dans l'utilisation de ces produits, sans
attendre d'être alarmé par une intoxication manifeste, et connaître les caractéristiques
de chaque produit utilisé (mode de pénétration, type de toxicité) pour adopter les bonnes
mesures de protection.
Pour en savoir plus : Institut National de Recherche pour la Sécurité (I.N.R.S.). Fiches
toxicologiques et autres publications spécialisées. Adresse : 30, rue Olivier Noyer, 75014
Paris, (tél : 40 44 30 00) ; A. Clydesdale — Chemicals in conservation. A guide to possible
hazards and safe use. Scottish Society f o r Conservation and Restoration. Scottish
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