Vous êtes sur la page 1sur 486

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14

août 2022 à 6070657@7.com


LA CONSERVATION
EN ARCHÉOLOGIE

Méthodes et pratique de la conservation-restauration


des vestiges archéologiques
C H E Z LE M Ê M E ÉDITEUR

STRUCTURE ET PROPRIÉTÉS DES SOLIDES. Introduction à la science des matériaux, par


B. CHALMERS. Traduit de l'anglais. 1987, 160 pages.
GÉOLOGIE DES FORMATIONS SUPERFICIELLES. Géodynamique, faciès, utilisation, par M. CAMPY,
et J.J. MACAIRE. 1989, 448 pages.
OUTILS PRÉHISTORIQUES. Forme, fabrication, utilisation, par J.L. PIEL-DESRUISSEAUX. 1986,
288 pages.
MÉTALLURGIE PRÉHISTORIQUE. Introduction à la paléométallurgie, par J.P. MOHEN. 1990,
200 pages.
PRÉHISTOIRE DU FEU, par C. PERLÈS. 1977, 192 pages.
GUIDE DES GROTTES ORNÉES, ouvertes au public, par D. VIALOU. 1976, 136 pages.
HOMMES ET CLIMATS A L'AGE DU MAMMOUTH. Le paléolithique supérieur d'Eurasie centrale,
par R. DESBROSSE et J. KOZLOWSKI. 1989, 160 pages.
PÉDOLOGIE, sous la direction de P. DUCHAUFOUR et B. SOUCHIER.
Tome 1. — Pédogenèse et classification, par P. DUCHAUFOUR. 1983, 2e édition, 510 pages.
Tome 2. — Constituants et propriétés du sol, par M. BONNEAU, B. SOUCHIER et collabora-
teurs. 1979, 480 pages.
LA DISSOLUTION DES MINÉRAUX. Aspects cinétiques, par J.C. TOURAY. 1980, 120 pages.
PÉDOLOGIE APPLIQUÉE, par J. BOULAINE. 1980, 236 pages.
MINÉRALOGIE DES ARGILES, par S. CAILLÈRE, S. HÉNIN et M. RATUREAU.
Tome 1. — Structure et propriétés physico-chimiques. Actualités scientifiques et agronomi-
ques de l'INRA. n° 8. 1982, 184 pages.
Tome 2. — Classification et nomenclature. Actualités scientifiques et agronomiques de
l'INRA. n° 9. 1982, 2e édition, 192 pages.
MÉTHODES DE DATATION PAR LES PHÉNOMÈNES NUCLÉAIRES NATURELS. Applications, sous la
direction de E. ROTH, B. POTY, et la collaboration de M.T. MÉNAGER. Collection du
Commissariat à l'Énergie Atomique, série scientifique. 1985, 642 pages.
LA CONSERVATION
EN ARCHÉOLOGIE
M é t h o d e s et p r a t i q u e de la c o n s e r v a t i o n - r e s t a u r a t i o n
des vestiges a r c h é o l o g i q u e s

ouvrage collectif coordonné par

M a r i e CI. B E R D U C O U

Textes de J.P. ADAM, M. BAILLY, M. CI. BERDUCOU,


R. BERTHOLON, A. BOSSOUTROT,
E. C H A N T R I A U X - V I C A R D ,
F. CHAVIGNER, D. G U I L L E M A R D , L. K R O U G L Y ,
S. DE LA BAUME, N. MEYER, R. N U N E S PEDROSO,
C. RELIER
Illustrations de M. S Y M P H O R I E N

Préface de
J.P. SODINI

Ouvrage publié avec le concours


du Centre national des lettres

MASSON
Paris, Milan, Barcelone, Mexico
1990
MASSON
Paris, Milan, Barcelone, Mexico
1990

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour
tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit,
des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et
constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement
réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part,
les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans
laquelle elles sont incorporées (loi du 11 mars 1957 art. 40 et 41 et Code pénal art. 425).
Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l'accord de l'éditeur. S'adresser au :
Centre français du copyright, 6 bis, rue Gabriel-Laumain, 75010 Paris. Tél. : 48 24 98 30.

<Q Massort, Paris, 1990


ISBN : 2-225-81951-3

MASSON ^ 1 2 0 , bd Saint-Germain, 75280 Paris Cedex 06


MASSON S . p . A . ^.Via -Statuto 2/4, 20121 Milano
MASSON S.A. B a l m e s 151, 08008 Barcelona
MASSON EDITORES
. ^ J j k o t a 383, Colonia Napoles, 03810 Mexico D.F
« La démarche de l'esprit se frayant un chemin à
l'envers des choses menait à coup sûr à des profon-
deurs sublimes »
M. YOURCENAR. L'œuvre au noir.

Préface

Avec ce livre paraît le premier ouvrage de langue française à aborder complète-


ment —, j'aurais aimé employer le beau terme anglais de « comprehensive » —, la
conservation-restauration en archéologie.
Cette première n'est pas seulement d'ordre linguistique. Les positions exprimées
ici, abondamment partagées par de nombreux spécialistes, de Caesare Brandi et
Giorgo Torraca à Gaël de Guichen, n'ont peut-être jamais été regroupées de
manière aussi intégrée. Les préoccupations théoriques affichées par tous les auteurs
des différents chapitres, fruits d'expériences parallèles à partir de bases identiques,
permettent sans doute une sorte d'avancée dans la méthodologie de la conservation-
restauration. Cette cohésion collective n'est pas la moindre valeur du livre. Ecartons
toutefois le terme prétentieux d'« école » qui figerait, « dogmatiserait » et entraverait
la modestie et la remise en cause incessante qui sont de rigueur.
L'universalité des principes affirmés vaut également pour la conservation-
restauration hors du champ de l'archéologie, qui n'est qu'un cas particulier d'une
attitude commune envers tout le patrimoine. L'intérêt de ce livre n'est donc pas
d'offrir une collection de recettes si modernes soient-elles, mais de définir à partir
d'une communauté de principes la démarche de conservation-restauration à l'égard
du patrimoine. Sans doute est-il sacrilège d'émettre des principes valables pour la
céramique de fouille et la peinture de chevalet. Et pourtant, beaucoup mieux que
ne peut le faire un statut ou un diplôme, la réflexion que cet ouvrage propose, à
la source des problèmes de conservation-restauration, peut contribuer à unifier une
activité multiple, éclatée, sans points de repère.
La seconde unification que ce livre propose, tout aussi iconoclaste que la
précédente, est celle-ci : la conservation d'un monument et d'un objet relèvent des
mêmes principes, à travers des compétences et des spécialités différentes. Sa force
est de traiter aussi bien de la céramique (M. Berducou), du verre (M. Bailly), du
métal (C. Relier, R. Bertholon), des matériaux organiques (S. de La Baume) et de
leur préservation au long cours (D. Guillemard), que des mosaïques (E. Chantriaux),
des enduits peints (L. Krougly, R. Nunes Pedroso) et d'offrir deux chapitres sur
les interventions à effectuer sur le terrain, l'une pour l'immobilier (J.-P. Adam),
A. Bossoutrot), l'autre pour le mobilier (F. Chavigner). Cette unité de bon aloi ne
suffira sans doute pas pour calmer les « monumentalistes » jugés comme archaïques,
(ce qu'ils sont quelquefois) et les « purs » archéologues qui arpentent hardiment
un monde d'objets et de structures périssables sans se heurter aux murs des
résidences ou des églises, comme autant d'Asterix remplis de potions magiques
face à des Césars dépassés et plus ou moins débonnaires. Site et objets sont en
connexion indissociable, le « context » cher à nos collègues américains. La culture
matérielle est une et sa conservation relève des mêmes exigences.
Dernier appel à l'unité, que symbolise la contribution de N. Meyer (gérer le
matériel archéologique) : la conservation-restauration des objets ne peut se faire
qu'avec le concours actif de l'archéologue, tout comme leur étude ne peut avancer
sans celui du conservateur-restaurateur. Cette proposition, y compris dans son
second terme, n'a rien de scandaleux. Archéologue et conservateur-restaurateur
ne peuvent que travailler ensemble. Avec la finesse atteinte maintenant par
l'enregistrement qui permet une étude précise des couches et des événements qu'elles
dévoilent, il serait absurde de se contenter par ailleurs d'un examen sommaire des
objets de fouille. La familiarité qu'acquiert le restaurateur au contact de l'objet,
ses connaissances propres lui permettent d'apporter à l'archéologue des données
sur l'enfouissement, l'histoire de l'objet et sa technologie qui enrichiront considéra-
blement la fouille. De surcroît certains archéologues peuvent guider le restaurateur
dans telle ou telle direction dont ils savent qu'elle peut être plus intéressante. Bref,
on peut imaginer mille cas de collaboration. L'important est que celle-ci ait lieu et
que cessent les cloisonnements, nés entre autres d'une restauration conçue dans et
pour les musées.
Unité des enjeux de la conservation-restauration, unité de la culture matérielle
(sites et objets), unité des visées de l'archéologue et du conservateur-restaurateur,
telle est la triple exigence de ce livre. Elle ne devrait pas étonner ceux qui, selon la belle
formule d'A. Carandini considèrent que l'archéologie a pour but de « transformer les
constructions et les trouvailles en sources qui permettent de retrouver les différentes
formes de reproduction sociale ». Archives du sol mais où, à la différence des
sources écrites, message et support sont confondus. Bonne lecture !
Jean-Pierre SODINI
Professeur d'archéologie
byzantine et paléochrétienne
LISTE DES AUTEURS

Préface de Jean-Pierre SODINI, professeur d'archéologie byzantine et


paléochrétienne à l'Université de Paris I.
Jean-Pierre ADAM, architecte, Institut de Recherches sur l'Architecture
Antique, C.N.R.S., Paris.
Martine BAILLY, restauratrice de verres et céramiques, Paris.
Marie-Claude BERDUCOU, assistante, M.S.T. de Conservation-restauration
des Biens culturels, Université de Paris I.
Régis BERTHOLON, directeur de l'Institut de Restauration et de Recherches
archéologiques et paléométallurgiques, Compiègne.
Anne BOSSOUTROT, architecte, restauration de monuments et sites anciens,
Paris.
Evelyne CHANTRIAUX, directrice de l'Atelier de Restauration de Mosaïques,
Saint-Romain-en-Gal (Entente inderdépartementale Rhône-Isère).
Françoise CHAVIGNER, restauratrice d'objets archéologiques, A.D.P.M.P.,
Toulouse.
Denis GUILLEMARD, assistant M.S.T. de Conservation-restauration des
Biens culturels, Université de Paris I.
Laurence KROUGLY, restauratrice de peintures murales, Paris.
Sylvia de LA BAUME, restauratrice d'objets archéologiques, U.T.I.C.A.,
Saint-Denis.
Nicole MEYER, archéologue, Direction des Antiquités Historiques d'Ile-de-
France.
Rui NUNEZ PEDROSO, archéologue.
Caroline RELIER, restauratrice d'objets archéologiques, U.T.I.C.A., Saint-
Denis.

Illustrations des chapitres II, III, IV, V, VI, VII, VIII, et X de Michel
SYMPHORIEN, dessinateur.
TABLE DES MATIÈRES

Préface de J.P. SODINI V


Liste des Auteurs VII
Avant-propos 1

CHAPITRE I. — Introduction à la conservation en archéologie (M. BERDUCOU) 3


PREMIÈRE PARTIE : autour de la conservation des biens culturels 3
La notion de « bien culturel » (3). La conservation des biens culturels (5).
Conserver et/ou restaurer... (7). Les principes de la conservation-restauration
(10). Vers une conservation scientifique ? (13).
DEUXIÈME PARTIE : la conservation en archéologie 15
La place de l'objet en archéologie (15). Précarité et altération de l'objet
archéologique (19). Spécificité archéologique de l'objet (24). Les interventions
de conservation-restauration en archéologie (29). Une manière de conclusion
personnelle (34).

CHAPITRE II. — Intervention sur le terrain : le mobilier (F. CHAVIGNIER) 36

Un parcours à risque 38
Avant la fouille (39). Le dégagement (39). Le prélèvement (40). Le tamisage
(40). Le lavage (41). Le séchage (41). Le marquage (41). Conditionnement,
stockage sur le terrain (42). Le transport (43).
Prévoir pour conserver 43
Organisation (43). Identification (44). Les analyses (45). Consolidation (45).
Qu'est-ce qu'un bon prélèvement ? (47).
Les matériaux 50
L'os (50). La céramique et le verre (54). Le métal (60). Le bois (63). Les tissus
(67). Le cuir (69). Le lignite (69). Les charbons de bois (72). L'ambre (73).
Coquillages et coquilles (74). Les perles (76).

CHAPITRE III. — La céramique archéologique (M. BERDUCOU) 78

De l'argile à l'objet céramique 79


L'argile des géologues et la « terre » des potiers (79). De la terre des potiers à
l'objet céramique (83).

De l'objet en usage à l'objet archéologique 88


Performances mécaniques des céramiques (89). Les interactions sol/céramique
(90).

Conservation-restauration des céramiques 96


Nettoyage (96). Nettoyage : cas particuliers (100). Consolidation et refixage
(104). Consolidation : cas particuliers (109). Remontage et traitement des lacunes
(110). Mesures de conservation à long terme (119).
C H A P I T R E I V . — L e v e r r e ( M . BAILLY) 120

Q u ' e s t - c e q u e le v e r r e ? 121

C o m p o s i t i o n d u verre (121). M o r p h o l o g i e d u verre (125). M a t é r i a u x vitreux


particuliers (128).

F a c t e u r s i n f l u e n ç a n t la d u r a b i l i t é d ' u n v e r r e 130

F a c t e u r s internes (130). F a c t e u r s externes : influence d u milieu s u r la c o n s e r v a -


tion des verres (133).

Les interventions de conservation-restauration 141

C o n s o l i d a t i o n , r e m o n t a g e et collage (144).

E t les l a c u n e s ? 152

M é t h o d e s d e c o m b l e m e n t ( 1 5 3 ) . . . . D e l ' a s p e c t d e s c o m b l e m e n t s ( 158). A l t e r n a t i -
ves a u c o m b l e m e n t des lacunes (160).

Le long t e r m e 161

Contrôle de l'environnement (161). Quelques règles de manipulation et de


s t o c k a g e à r e s p e c t e r (161).

Conclusion 162

CHAPITRE V. — L e s m é t a u x a r c h é o l o g i q u e s ( R . BERTHOLON, C . RELIER) 163

Le métal 164

L a liaison m é t a l l i q u e (164). L a s t r u c t u r e cristalline d u m é t a l (167). L a s t r u c t u r e


métallurgique (167). Les principaux métaux purs et alliages rencontrés en
a r c h é o l o g i e (169).

La corrosion 170

L a vie de l'objet m é t a l l i q u e (170). Les milieux d ' a b a n d o n (172). Le m é t a l (172).


L a c o r r o s i o n u n i f o r m e (175). L a c o r r o s i o n localisée (177). A u t r e s p h é n o m è n e s
de c o r r o s i o n (178). Les p r o c e s s u s de c o r r o s i o n active.

Le métal archéologique 184

L a s u r f a c e o r i g i n e l l e (185). C o r r o s i o n et s u r f a c e o r i g i n e l l e (186). L a l o c a l i s a t i o n
d e la s u r f a c e o r i g i n e l l e (187). S u r f a c e o r i g i n e l l e et n i v e a u o r i g i n e l (189).

E x a m e n et d i a g n o s t i c 190

E n t r e l a f o u i l l e e t le t r a i t e m e n t ( 1 9 0 ) . L e s o b j e c t i f s d u t r a i t e m e n t (191). Les
m o y e n s d ' e x a m e n (192). L ' e x a m e n des objets (194). Le c h o i x des t r a i t e m e n t s
(195).

Nettoyage - consolidation - collage - restauration 195

Le nettoyage mécanique (196). Le nettoyage chimique (201). Le nettoyage


é l e c t r o l y t i q u e ( 2 0 5 ) . L a c o n s o l i d a t i o n e t le c o l l a g e ( 2 0 7 ) . L a r e s t a u r a t i o n ( 2 0 8 ) .

Stabilisation - protection - stockage 209

L ' i n s t a b i l i t é d e s o b j e t s m é t a l l i q u e s (209). S t a b i l i s a t i o n et m é t a l a r c h é o l o g i q u e
(210). L a stabilisation d e s alliages ferreux (214). L a stabilisation des alliages
c u i v r e u x (215). L a s t a b i l i s a t i o n d u p l o m b et d e ses alliages (217). L a p r o t e c t i o n
(217). L e s t o c k a g e a p r è s t r a i t e m e n t (220). �

Conclusion 221
CHAPITRE VI. — Les matériaux organiques (S. DE LA BAUME) 222

Les matériaux organiques : nature 223


Nature chimique des cellules végétales (223). Nature chimique des cellules
animales (229). Nature particulière des os et des ivoires (233).
Altération des matériaux organiques 234
Les dégradations d'ordre physique (235). Les dégradations chimiques (236). La
dégradation biologique (237). Quelques cas de matériaux organiques en fouille
(240).
Les traitements de conservation 246
Nettoyage (246). Les consolidations (253). L'adaptation au milieu
atmosphérique : le séchage (260). Remise en forme, remontage (265). Le collage
(266). Finitions (269).
Conclusion 270

CHAPITRE VII. — Les mosaïques de pavement (E. CHANTRIAUX-VICARD) 271

La dépose 272
Principes techniques (272). Etude de l'infrastructure révélée par la dépose (274).
Documentation parallèle à la dépose (276). Adaptation des techniques de dépose
à l'état des pavements (277).
La conservation des mosaïques après la dépose 279
Transfert sur un nouveau support remplaçant le mortier antique (280). Les
traitements de surface (284).
La conservation des mosaïques in situ 293
Dégradations des mosaïques in situ (294). Mesures techniques liées à la
conservation des mosaïques in situ (296).

CHAPITRE VIII. — Les enduits peints antiques (L. KROUGLY, R. NUNES PEDROSO) . 305
Technologie et altération 302
Constitution des mortiers et différentes techniques picturales (306). Principaux
types d'altérations (308).
La fouille des enduits peints 311
Les enduits fragmentaires isolés (311). Les enduits en plaques cohérentes (313).
Les enduits peints en place lors de la fouille (316).

Traitement sur le chantier des enduits en place 317


Protections temporaires (317). Consolidation et nettoyage « in situ» (319).
Dépose (321). Protections définitives (323).
Traitement des enduits en laboratoire 325
Peintures déposées (326). Enduits fragmentaires (327).

CHAPITRE IX. — Restauration architecturale et préservation des sites archéologiques


(J.P. ADAM, A. BOSSOUTROT) 333

Histoire et principe de la préservation du patrimoine monumental archéologique 334

Fouille archéologique et mesures de protection 341


A l'ouverture de la fouille (341). Au cours de la fouille (343). Entre deux
campagnes de fouilles (346).
Protection à long terme des sites et des monuments 347
Aspects techniques : les maçonneries in situ (347).

Stratégies de la présentation du site au public 356

CHAPITRE X. — La conservation à long terme des objets archéologiques


(D. GUILLEMARD) 367
Les modalités de la conservation 368
Recréer un environnement stabilisé (368). Les normes (377).

Les moyens de la conservation 380


Les techniques de stabilisation du climat (380). Le stockage (389). Les grandes
options (393).

L'archéologie dans tous ses états 396


La manipulation (397). Expositions, vitrines (402).
Conclusion 406

CHAPITRE XI. — Gérer le matériel archéologique (N. MEYER) 408


Le matériel archéologique 409
Gestion et conditionnement 412
Gérer l'information : l'abstrait (412). Gérer le matériel : le concret (414).
Conserver, un choix délibéré ? 416

Dialogue 419

ANNEXE 421

Liste alphabétique des fournisseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 421


Liste des fournitures 423
Aides-mémoires 425

BIBLIOGRAPHIE 437

INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 461


Avant-Propos

Nous présentons ici le fruit d'un travail d'équipe, dont le projet est né il y a près
de trois ans, autour d'un petit groupe : Marie Berducou, Régis Bertholon, Denis
Guillemard, Sylvia de La Baume et Caroline Relier. Le cercle s'est ensuite agrandi
au fur et à mesure que se précisait le contenu du manuel dont nous avions décidé
d'entreprendre la rédaction.
Nous avons essayé de lui conférer une certaine unité, dans l'esprit, dans
l'organisation de chaque chapitre et par la rédaction des annexes, tout en laissant
chacun aborder son sujet avec sa propre sensibilité et la marque de son expérience
personnelle.
Nature du matériau, rappels technologiques, mécanismes d'altération, grandes
étapes des traitements de conservation-restauration : autant de thèmes, abordés
dans chaque chapitre et qui auraient pu être rédigés par autant de spécialistes,
archéologues, chercheurs de laboratoire, ingénieurs, historiens des techniques,
conservateurs-restaurateurs..., faisant de ce livre une mosaïque de contributions
pointues. Par souci de pédagogie, nous avons opté pour une présentation plus
synthétique et plus pratique des diverses notions qui interviennent dans la
conservation des vestiges archéologiques. Ce parti-pris renvoie à l'état actuel de
notre domaine et à la culture pluridisciplinaire qu'il exige désormais. Les raccourcis
fréquents, peut-être les approximations, qui émaillent certains développements en
sont le corollaire obligé. Les spécialistes des questions ainsi schématisées à l'extrême
par les « généralistes » un peu particuliers que nous sommes, voudront bien nous
le pardonner.
Effort d'unification encore, toute la bibliographie des ouvrages cités a été
regroupée et homogénéisée en fin de volume (Sylvia de La Baume, Marie Berducou).
Les aide-mémoire, rassemblés dans la première annexe, ont été rédigés « en fin
de parcours » (Martine Bailly, Marie Berducou, Françoise Chavigner, Denis
Guillemard), dans l'espoir de faciliter la lecture du livre et de pallier quelques-uns
des problèmes apparus au vu de l'ensemble achevé : quelques notions utilisées par
tous, expliquées par aucun ; d'autres exposées dix fois ou presque... Ils ne constituent
donc pas un livret après le livre ( !), un exposé exhaustif de quelques « notions de
base », mais un complément organique à ce livre. Le lecteur trouvera dans la
deuxième annexe (D. Guillemard) une liste indicative des principaux produits et
équipements cités par les uns et les autres et des distributeurs ou fabricants auprès
desquels se les procurer. Enfin, comment imaginer un manuel de conservation-
restauration sans des illustrations nombreuses, homogènes et de qualité ? Nous
avons eu la chance de faire équipe avec un dessinateur de talent, Michel Symphorien,
et cet ouvrage — qui est aussi le sien — doit beaucoup à son travail et à ses trésors
de patience.
Nous espérons ainsi être utiles à ceux que notre domaine d'activité, la
conservation-restauration des vestiges archéologiques, intéresse.
La rédaction d'un ouvrage collectif, qui n'est pas ici comme on l'a vu une
collection d'articles écrits isolément, n'est certes pas une entreprise facile.
Sans doute ne s'y lancerait-on pas sans une bonne dose de candeur et quelques
solides encouragements.
Les premiers sont venus de Jean-Pierre Sodini, et le soutien de son amitié ne
nous a jamais fait défaut, jusqu'à l'achèvement de ce travail dont il nous a fait
l'honneur d'écrire la préface.
Chaque fois que nous avons sollicité son aide et ses conseils, Claude Volfovsky
nous les a accordés avec une grande gentillesse et ils nous ont toujours été précieux.
La disponibilité qu'il nous a réservée en plusieurs occasions était aussi un très bel
encouragement à poursuivre.
Notre « quartier général » a souvent été l'unité d'archéologie de la ville de
Saint-Denis : Olivier Meyer nous y a ouvert ses locaux, sa bibliothèque et sa
documentation photographique. Nicole Meyer a bien voulu rédiger le chapitre qui
conclut ce livre, mais elle a aussi mis son expérience du dialogue avec les
restaurateurs, sa connaissance des objets et des dossiers les concernant, les
informations réunies au fil des années consacrées à la gestion du mobilier issu d'un
grand chantier de fouilles urbaines, au service de tous ceux d'entre nous qui ont
fait appel à elle pour illustrer leurs chapitres ou en discuter certains aspects.
Très tôt, le groupement scientifique du C.N.R.S. « Terrain et théorie en
archéologie » nous a accordé son soutien scientifique et son concours matériel.
Nous voulons en remercier ici son directeur, Jean-Louis Huot, pour sa confiance
et son appui, ainsi qu'Alain Schnapp pour l'intérêt qu'il a sans cesse porté à
l'avancement de notre travail.
Ce livre enfin n'aurait pas vu le jour sans l'aide financière que la DIST a apportée
à sa rédaction ; à l'appui matériel de cet organisme se sont ajoutées l'écoute
attentive et les suggestions avisées de Ginette Gablot, qui y était notre interlocuteur
principal, toujours soucieuse de nous voir surmonter les difficultés que nous
rencontrions à tel ou tel moment de notre entreprise.
De nombreux collègues et amis, des archéologues, des conservateurs, nous ont
apporté leur concours à des titres divers : relectures, corrections, critiques et
suggestions, illustrations. Nous voulons particulièrement exprimer notre reconnais-
sance pour leur aide à Marguerite Bobritchev, Bertrand Boutheroüe-Desmarais,
Raymond Brulet, Quitterie Cazes, Anne Cieres, Pascale Chantriaux, Jean Clottes,
Marie-Claude Depassiot, Martine Garcia, Jean-Pierre Giraud, Gaël de Guichen,
Michel Janowski, Catherine Kelberine, Louis Le Floc'h, Jean-Luc Massy, Yves
Menez, Hervé Oursel, Silvia Païn, André Rapin, Luc Robbiola, François Roseau,
Christian Servelle.
Merci aussi aux étudiants de la Maîtrise de Conservation-Restauration des Biens
culturels de l'Université de Paris 1 qui ont participé à la réalisation de la
documentation photographique, particulièrement Marie-Pierre Asquier, Nathalie
Delattre, Monique Drieux et Paul Mardikian.

Marie BERDUCOU
Le 28 juin 1989
CHAPITRE I

Introduction
à la conservation
archéologique
M a r i e BERDUCOU

C ' e s t en e s s a y a n t de n o u s a c c o r d e r les u n s avec les autres, d a n s n o s divers


c h a p i t r e s techniques, q u e n o u s a v o n s c o m p r i s à quel p o i n t n o t r e p r a t i q u e avait
certains f o n d e m e n t s c o m m u n s , et q u ' i l était nécessaire de les e x p o s e r q u e l q u e part,
à m o i n s de v o u l o i r les redire p a r t o u t . . . C ' e s t le b u t de ce c h a p i t r e i n t r o d u c t i f , fruit
de n o m b r e u s e s discussions collectives et à la c o n c e p t i o n d u q u e l a a c t i v e m e n t
c o n t r i b u é C a r o l i n e Relier.
Q u ' o n n o u s p a r d o n n e d o n c de c o m m e n c e r p a r des généralités bien générales...La
c o n s e r v a t i o n a r c h é o l o g i q u e , c'est la r e n c o n t r e de l'archéologie, u n e discipline riche
en d é b a t s s u r son objet et sa m é t h o d e , avec u n d o m a i n e technique, la conservation
des biens culturels, qui a a p e r ç u b e a u c o u p plus r é c e m m e n t l'unité de s o n p r o p o s
et des principes qu'elle s'efforce d ' a p p l i q u e r . P eu de textes français p r é s e n t e n t ce
d o m a i n e : n o u s a v o n s essayé d ' y c o n s a c r e r la p r e m i è r e p a r t i e d u chapitre. F a i r e
de la conservation en archéologie, cela e n t r a î n e des difficultés particulières, p e u t - ê t r e
des distorsions, en t o u t cas des a d a p t a t i o n s p a s s i o n n a n t e s qui f o n t t o u t l'intérêt
de la « conservation archéologique ». N o u s a v o n s essayé de le m o n t r e r d a n s la
d e u x i è m e partie.

Première partie :
AUTOUR DE LA CONSERVATION
DES BIENS CULTURELS

La notion de « bien culturel »


Cette expression, à défaut d'être souvent définie, est aujourd'hui une des plus
fréquemment utilisées pour coiffer, tant bien que mal, l'immense diversité et masse
des documents de tous ordres auxquels nos sociétés confèrent un intérêt particulier,
artistique, historique, ethnologique... Selon quelle procédure voient-ils attribuer
cette sorte de « supplément d'âme » à leur stricte matérialité ? La réponse n'est pas
toujours aisée. Un coup d'œil aux législations nationales qui s'appliquent à établir
le régime juridique de cette catégorie particulière (Burnham, 1974) montre bien la
difficulté : les tentatives de définition tournent généralement vite au catalogue
laborieux... Les critères repérables sont sans doute représentatifs des capacités de
la société considérée à connaître et représenter son présent, son passé, et ceux des
autres ; leur fluctuation selon le lieu et l'époque ne peut échapper à personne.
Ce concept de bien culturel, très large et très flou, n'est apparu que ces dernières
décennies. D'emblée largement employé par les organisations internationales
œuvrant dans le domaine culturel (UNESCO, 1969 ; 1970), il semble avoir peu à
peu englobé et supplanté les catégories établies : œuvres d'art, antiquités, curiosités,
spécimens... avec lesquelles se confondait, il y a peu encore, la notion même de
culture. Le dépassement et la relativisation extraordinaire de ces classes d'objets,
dont témoigne par exemple l'hétéroclisme des collections de la plupart de nos
musées, renvoient bien sûr à de multiples processus, constituant pour l'historien
ou le sociologue un domaine propre de recherche et de réflexion. Parmi ces
processus, tous ne dépendent peut-être pas de la seule évolution des idées. Le rôle
de différents « marchés culturels », le marché de l'art notamment, et des modes
successives qui les alimentent, suggère par exemple d'autres analyses... Mais pour
ce qui nous intéresse ici au premier chef, évoquons rapidement l'essor des sciences
humaines, et singulièrement celui de l'archéologie. Ces disciplines, dans leur quête
de l'homme et de son mode de fonctionnement individuel et collectif, sont
aujourd'hui conduites à traquer l'information dans des champs d'exploration sans
cesse élargis. L'archéologie — et d'abord l'archéologie préhistorique — a ainsi
multiplié ses objets d'études en quelques décennies et les documents auxquels elle
s'intéresse sont d'une telle diversité qu'il nous sera impossible d'en donner dans ce
livre une présentation exhaustive. Dans le même temps, la plupart de ces objets se
prêtent à des études de plus en plus complexes, comme s'ils étaient potentiellement
porteurs de multiples significations, chacune accessible par une recherche spécifique-
ment pertinente. En somme : de plus en plus d'objets, de plus en plus de questions
à leur poser !
L'archéologie fournit ainsi un bon exemple des cheminements par lesquels un
nombre croissant de documents très variés acquièrent un caractère culturel, ici en
tant que sources d'informations sur l'histoire de l'homme et de son environnement.
Ces documents sont-ils tous des biens culturels ?
Poser ce problème, c'est s'interroger moins sur leur nature que sur leur statut et
le sort qu'on leur réserve. En effet, quelles que soient leur nature, et les fonctions
qui y sont liées (connaître, éduquer, contempler, investir...), les biens culturels ne
se trouvent décisivement éclairés que par leur caractère implicitement
« patrimonial », au point même d'observer souvent une certaine confusion entre
les notions de biens culturels et de patrimoine culturel, alors que le second
couvre un domaine beaucoup plus vaste encore (traditions orales, patronymes,
chorégraphies, rituels et cérémonies,etc.) non entièrement matérialisé dans une suite
de « choses » culturelles. Sous cet éclairage, le mot « bien » parle autant que le mot
« culturel », et il nous parle surtout d'appropriation et d'héritage, cet « héritage
commun » (Feilden, 1978) dont les expressions matérielles sont à recueillir autant
qu'à transmettre, c'est à dire à conserver. C'est à peine schématiser que de dire que
le bien culturel ne se trouve pleinement reconnu qu'au moment même où l'on se
préoccupe de sa conservation. Et si les spécialistes de la conservation ne sont —
ni plus ni moins que d'autres acteurs sociaux, c'est légitime — responsables
privilégiés des choix qui conduisent à conférer à tel ou tel objet le statut de bien
culturel, leur discipline est bien l'outil qui permet d'assurer pratiquement la
réalisation de ce vaste corpus.

L a conservation des biens culturels

Biens culturels... Vous avez dit biens culturels? Comme c'est bizarre... J'ai
entendu conservation !
Il est vrai que l'expression biens culturels n'est apparue que pour désigner
commodément une série de choses, malaisées à définir de façon limitative ou
précise, mais qu'on se souciait de conserver. Il n'y a pas de textes qui parlent de
biens culturels dans l'absolu. Partout où on les rencontre — quand bien même la
définition en varie — c'est qu'il est question de leur conservation.
Qu'est-ce que conserver ?
La conservation, c'est l'ensemble des moyens qui, intervenant sur l'objet ou sur
son environnement, cherchent à en prolonger l'existence le plus longtemps possible :
le premier but de la conservation est d'assurer la pérennité des biens culturels. Les
moyens mis en œuvre dans ce but ne doivent en aucun cas affecter la nature de
ces biens, ni celle des matériaux qui les constituent, ni celle de la ou des significations
que ces matériaux véhiculent : la conservation respecte l'intégrité des objets.
Agissant ainsi, la conservation apporte son concours technique à un projet
global : la constitution d'un patrimoine utile, c'est-à-dire étudiable, présentable ou
archivable selon les cas, mais toujours présentant une certaine accessibilité.
Le fait de réserver un traitement particulier à certaines productions humaines,
du présent ou du passé, dans le but de leur conférer une forme de permanence est
un comportement très ancien (Alain Schnapp cite dans un article récent (A.
Schnapp, 1987, p. 59 et 60) un très beau texte concernant Nabonide, roi de
Babylone au vie siècle avant notre ère, qui rechercha quasi archéologiquement et
reconstruisit à l'antique le temple de l'Ebabbar, fondé par un de ses lointains et
prestigieux prédécesseurs, le roi Hammurapi, quelques douze siècles plus tôt...). Mais
entretenir la permanence d'une fonction (fonction d'usage, fonction symbolique ou
autre) n'est pas de la conservation au sens actuel du mot. La conservation suppose
une prise de conscience de la matérialité des objets auxquels on s'intéresse et de sa
double conséquence : leur caractère irremplaçable et leur vulnérabilité physique à
l'épreuve du temps. Le trait le plus moderne de cette conception se trouve dans la
notion d'intégrité. Respecter l'intégrité d'un objet, c'est lui reconnaître une manière
d'intangibilité ; ne pas porter atteinte à la matière originelle dont il est fait ;
s'appliquer à une perception aussi peu sélective que possible de toutes ses parties,
tous ses caractères, toutes ses interprétations possibles ; le laisser indemne de toute
intervention qui limiterait définitivement les possibilités ultérieures de le comprendre
et de le traiter autrement. Quelles exigences redoutables ! Les anéantissements
auxquels ont conduit, dans un passé encore récent, les opérations de « conservation »
qui ne se souciaient pas de ce principe d'intégrité (reconstructions et réfections
massives au détriment des parties originelles parfois sacrifiées ou irrémédiablement
transformées) sont sans doute responsables de ce nouvel état d'esprit. Deux des
grands textes qui en illustrent bien l'affirmation progressive, la Charte d'Athènes
(1931) et la Charte de Venise (1964), ont été rédigés par une majorité d'architectes
à propos des principes à appliquer aux monuments historiques, précisément
objets (et peut-être parfois victimes) au siècle précédent de vives polémiques et
d'appréciations extrêmes (Monuments Historiques, 1977). Mais les évolutions que
nous évoquions plus haut, comme celle de la recherche archéologique, ne sont pas
non plus étrangères à la vigueur actuelle du concept de « l'intégrité » des biens
culturels. Nous savons qu'un objet archéologique livre aujourd'hui bien plus
d'informations qu'hier et c'est en interrogeant sa matière que certaines de celles
qui y étaient recelées, insoupçonnables encore il y a peu, sont devenues accessibles.
Le caractère culturel de ces objets a changé et s'est complexifié ; il dépasse leur
forme apparente et leur valeur de témoignage. Leur matière même n'est plus la
simple expression de leur authenticité, elle est dans sa structure, dans sa composition
physico-chimique, la source potentielle de nouveaux enseignements.
Bien sûr, assurer à la fois la pérennité et l'intégrité d'un objet peut relever du
défi impossible. Pour le stabiliser, ralentir les processus de son altération, il est
parfois inévitable de modifier ses matériaux constitutifs. C'est ce qu'implique, par
exemple, la quasi-totalité des traitements de consolidation par imprégnation que
nous verrons évoquer à presque tous les chapitres qui suivent et dont nous savons
pourtant d'ores et déjà qu'ils contrarient certaines possibilités d'analyse ou de
datation. A fortiori, comment garantir que nos interventions, qui se fondent
nécessairement sur l'état actuel de nos connaissances, ne compromettront aucune
des investigations futures que nous sommes encore incapables d'imaginer !
C'est évidemment impossible. Mais la répartie est toute simple : que pourra-t-on
étudier demain d'un objet qui aurait disparu ? ! La matière vieillit, inéluctablement,
et se transforme. Nous ne pouvons que ralentir ces phénomènes, en agissant sur
les conditions dans lesquelles elle est placée (c'est la conservation préventive) et
sur la matière elle-même quand c'est nécessaire (ce sont les traitements de
consolidation et de stabilisation), tout en sacrifiant le moins possible son intégrité.
C'est un premier compromis.
Il y en a d'autres... La majeure partie des objets que nous nous proposons de
conserver a déjà vieilli : ils sont altérés, parfois méconnaissables ou incompréhensi-
bles. Telle peinture murale est partiellement dissimulée par les concrétions, tel
vitrail opacifié par les produits de sa corrosion, tel objet métallique n'a pratiquement
plus de forme identifiable... Où est leur « intégrité » ?
Leur état actuel amalgame (parfois sans beaucoup de discernement, hélas !) la
peinture, le vitrail, l'objet métallique, c'est-à-dire ce qui en subsiste ou en témoigne,
et les produits de leur transformation au cours du temps, produits issus des
interactions qui se sont établies avec le milieu dans lequel ils ont vécu jusqu'alors.
Pour déchiffrer cet amalgame et simplement reconnaître un objet très altéré,
comme l'archéologie nous en livre souvent, une recherche minutieuse de ce qui
rend compte de l'objet initial, et qui doit être différencié de ce qui le masque, est
nécessaire. C'est par cette recherche, parfois difficile, que l'objet devient véritable-
ment accessible. Elle se conclut dans une opération fréquente — mais jamais banale
— qu'on appelle en général le nettoyage : l'élimination de tout ou partie des
produits d'altération. Lors du nettoyage, on dégage (presqu'au sens archéologique
du mot) ce qui est à conserver : la compréhension de l'objet qui s'élabore à cette
étape du travail s'établit peu ou prou définitivement, et détermine la lecture qui en
sera désormais possible. Il faut à tout moment évaluer ce qui est éliminé et qui
pourtant témoigne, sinon de l'objet initial, au moins toujours d'une partie de son
histoire : celle de son vieillissement.
Le problème se complique peut-être encore davantage lorsqu'un bien culturel
nous parvient transformé par des interventions antérieures qui se sont dégradées,
lui nuisent ou justement le travestissent, en nous en imposant une lecture estimée
aujourd'hui discutable : il faut alors juger d'une « dé-restauration » éventuelle...
On prend ainsi la mesure de l'immense difficulté qu'il y a, dans la pratique, à
respecter rigoureusement l'intégrité d'un objet, alors même que cet objet est parfois
à découvrir ou à redécouvrir, non pas dans son état originel (disparu) mais par
l'interprétation de l'état actuel de ce qui en subsiste, et ce souvent au prix de l'abandon
d'une partie des traces de son histoire matérielle. Ce sacrifice est aussi un compromis,
entre la nécessité d'accéder à l'objet qu'on conserve et le désir de ne rien perdre de
ce qui le concerne ou des informations qu'il véhicule, même indirectement.
On déduira facilement de ce qui précède que la conservation des biens culturels
nécessite à la fois une approche pluridisciplinaire et le contraire d'un état d'esprit
dogmatique. Toute intervention est un cas d'espèce, que doit précéder une étude
aussi complète que possible de l'objet en cause : nature de ses matériaux constitutifs,
des informations, messages ou valeurs dont il est porteur, du contexte dans lequel
il convient de le situer ; appréciation de son état d'altération, des causes probables
de cette altération et pronostic de son évolution possible... Avant d'être une série
de gestes techniques sur la matière, la conservation est d'abord une recherche
critique de l'objet et de ses caractéristiques propres (Mora et al., 1977, p. 1). La
somme des transformations qu'il a subies au cours de son histoire influence bien
sûr ce qui peut en être compris : il y a donc une relation dialectique entre l'étude
préalable qui guide les interventions de conservation et les éléments d'identification
et d'interprétation que celle-ci fournit à son tour. L'intervention technique elle-même
(ce -qu'on enlève, ce qui se trouve modifié et éventuellement ce qu'on ajoute) est
en fin de parcours l'expression concrète du jugement critique qui s'est ainsi constitué
au cours du travail.

Conserver et/ou restaurer...

Le travail de conservation que nous venons d'évoquer — consolider, stabiliser,


nettoyer, dé-restaurer — ne relève-t-il pas de ce qu'on appelle couramment la
restauration et du domaine d'activité de ceux que l'on nomme les « restaurateurs » ?
L'usage est de présenter la conservation et la restauration comme les deux termes
d'une alternative. « Il est essentiel de différencier la conservation et la restauration...
Fondamentalement, la conservation peut être définie comme une opération visant
avant tout à prolonger la vie d'un objet, en prévenant pour un temps plus ou
moins long sa détérioration naturelle ou accidentelle : la restauration, d'autre part,
peut être plutôt considérée comme une opération chirurgicale comprenant en
particulier l'élimination des additions ultérieures et leur remplacement par de
meilleurs matériaux, allant à l'occasion jusqu'à la reconstitution de ce que
l'on appelle, incidemment de manière quelque peu incorrecte, l'état originel. »
(Coremans, 1969 a, p. 15. Traduit par nous).
Cette définition ne fait pas plus qu'une autre l'unanimité, et en réalité le sens
donné aux mots conservation et restauration varie considérablement selon les
auteurs et les pays (Berducou, 1980, p. 163). Nous pourrions en faire témoigner ici
des pages de citations contradictoires...Ces contradictions, à y regarder de près,
reflètent moins des comportements opposés quant aux traitements à appliquer aux
biens culturels qu'une difficulté commune et diversement résolue par chacun :
accorder un mot ancien et chargé d'histoire, restauration, aux exigences nouvelles
dont nous avons parlé et dont rend mieux compte sans doute le mot plus moderne
de conservation. On sait en effet que le désir d'embellir, parfois de rajeunir, au
minimum de réhabiliter les biens culturels selon l'attente des contemporains a
longtemps dominé sur toute autre considération (Conti, 1968). Ce sont ces diverses
tentatives de « remise en état » que la restauration désigne historiquement. Comment
composer avec ce passé ?
On peut être tenté de se débarrasser tout simplement du mot : « La restauration
ou — comme on le dit plus volontiers aujourd'hui pour écarter la pratique des
restitutions abusives — la conservation... » disent les auteurs d'un ouvrage complet
sur le traitement des peintures murales (Mora et al., 1977, p. 1) .
Ce n'est pas toutefois l'attitude qui prévaut dans les pays de tradition latine,
plutôt enclins à garder le terme et à le redéfinir. Dans un des textes majeurs qui
fondent cette conception actuelle de la restauration des œuvres d'art, Teoria del
Restauro, Caesare Brandi (Brandi, 1963, p. 34) la définit ainsi : « La restauration
constitue le moment méthodologique de la reconnaissance de l'œuvre d'art, dans
sa consistance physique et dans sa double polarité esthétique et historique, en vue
de sa transmission au futur. » (Traduit et souligné par nous). La restauration ne
peut donc plus se penser indépendamment de la notion de pérennité. L'ouvrage de
Brandi s'achève sur un chapitre intitulé « Restauro preventivo » : la restauration
ainsi remise à jour intègre le contenu même de la notion moderne de conservation,
et reste le concept et le mot dominants.
Dans les pays anglo-saxons, on observe une évolution exactement contraire.
« Conservation » est presque toujours le terme générique qui désigne tous les gestes
techniques effectués sur un objet et son environnement, depuis la recherche des
matériaux originaux qui le constituent, jusqu'à leur conservation préventive, en
passant par leur consolidation, stabilisation, etc. Le mot restauration est employé
de façon restrictive, pour désigner les opérations strictement liées à la mise en
valeur de ce qui subsiste d'un objet, et qui constituent en quelque sorte un moment
particulier et facultatif de la conservation dans son ensemble. Le « conservator »
est en général celui qui assure la réalisation de toutes ces interventions ; le mot
« restorer » se fait rare (sutout à l'écrit), employé à l'occasion dans le domaine des
peintures de chevalet ou désignant une personne spécialisée dans la retouche et la
réintégration des lacunes.
En France, l'usage réservé des mots conservation et conservateur pour désigner
les services et les personnes dépositaires de la responsabilité d'ensemble de nos
collections muséales contrarie évidemment le transfert pur et simple de cette
terminologie anglo-saxonne.
Lorsqu'il s'agit par ailleurs d'exposer des travaux concrets de conservation et/ou
de restauration, la distinction théorique entre ce qui relèverait de l'une et ce qui
relèverait de l'autre est parfois impossible à opérer. Bien des opérations de
nettoyage, par exemple, répondent à une double nécessité : éliminer certains
produits d'altération pour améliorer l'apparence d'un objet, dans un but esthétique
ou pédagogique, mais aussi parce qu'ils présentent un danger pour les matériaux
originaux. La corrosion des métaux, celle des vitraux, fournissent souvent de tels
exemples. Le nettoyage des textiles est aussi dans bien des cas une mesure autant
conservatoire qu'esthétique. De même, nous savons aujourd'hui que certains
matériaux utilisés autrefois comme revêtements protecteurs, adhésifs, consolidants
ou pour combler d'éventuelles lacunes, peuvent en vieillissant donner naissance à
des substances susceptibles de dégrader la matière originelle de l'objet avec laquelle
ils sont en contact : ce n'est donc pas uniquement parce qu'une ancienne restauration
ne conviendrait plus sur le plan esthétique ou historique que la question de sa
suppression se pose, cela peut être aussi pour des raisons de conservation.
Il y a ainsi de très nombreuses situations où la même intervention relève à la fois
de la mise en valeur et de la sauvegarde d'un objet. Enfin il va de soi qu'un traitement
de consolidation, par exemple, strictement nécessaire à la conservation (c'est ce qui
le justifie) ne peut en aucun cas être mené sans le souci constant de son impact sur
l'aspect final de l'objet. De même une intervention à visée purement esthétique,
comme le nettoyage de produits d'altération inoffensifs et superficiels ou la reprise
de parties lacunaires (réintégrations, restitutions...) ne peut être entreprise sans
l'assurance de sa parfaite innocuité, immédiate et à long terme, pour ce qui subsiste
de l'objet : les impératifs de la conservation priment, toujours.
Conservation et restauration sont donc, dans la réalité des traitements, étroite-
ment imbriquées. La première est axée sur la recherche, la compréhension et la
préservation à long terme des matériaux constitutifs de l'objet, la seconde s'attache
à leur mise en valeur (Di Matteo, 1986). Pratiquement les deux démarches ne sont
pas toujours aisément dissociables.
C'est sans doute la raison pour laquelle est apparue, assez récemment, l'expression
« conservation-restauration » pour nommer l'ensemble des interventions techniques
que nous venons d'évoquer.,. Ces deux termes accolés sous-entendent plutôt
conservation au sens large et restauration au sens étroit, conformément à la vision
anglo-saxonne. Ils présentent l'avantage de lever certaines ambiguïtés, et peuvent
se traduire sans trop d'équivoques d'une langue à une autre (contrairement à
chaque mot pris isolément) pour indiquer la globalité et la modernité du propos :
il s'agit bien prioritairement d'assurer la pérennité et l'intégrité des biens culturels,
d'en permettre l'étude et la préservation — c'est la conservation — ; mais il s'agit
aussi de trouver un équilibre entre l'utilité sociale de ces biens, qui passe par la
révélation et la mise en valeur de leur « message », esthétique, historique ou autre,
et les contraintes imposées par cette conservation.
Ainsi perçu, le vocable conservation-restauration est un outil utile — provisoire-
ment en tout cas — pour contourner les pièges d'un vocabulaire hérité du passé,
et son usage grandissant dans les textes de portée internationale en témoigne
(ICOM, 1987). Le principal intérêt de ce trait d'union (!) est à notre sens d'en finir
avec les définitions qui s'excluent et de manifester une communauté de démarche
et d'exigences. Qu'importe finalement l'absence de consensus sur la terminologie,
s'il y a accord sur l'entreprise ?
La conservation, la restauration, la conservation-restauration, au sens actuel de
ces expressions, poursuivent semblablement le triple objectif déjà énoncé : pérennité,
intégrité, accessibilité des biens culturels. La seule conduite possible quand on
intervient concrètement sur ceux-ci est celle qui se fonde sur une appréciation
critique et documentée de l'objet et qui s'efforce, au cas par cas, de hiérarchiser
ces objectifs et d'adopter la solution de plus grande conciliation possible entre eux.
Il est remarquable que pour guider cette entreprise, se soient constitués progressi-
vement un certain nombre de principes applicables à tous les genres de biens culturels
(du tableau à l'objet archéologique, en passant par l'affiche, la photographie, le
costume régional ou le masque africain...). Ces principes n'ont pas une vocation
disciplinaire. Ils sont une série de garde fous, de rappels théoriques et de repères
éthiques, largement élaborés et diffusés par et pour ceux qui « passent à l'acte »
sur les objets, et dont la responsabilité ultime est donc incontournable, ce dont ils
ont d'ailleurs une conscience aiguë (American Institute for Conservation of Historic
and Artistic Works : A.I.C, 1979 ; United Kingdom Institute for Conservation :
U.K.I.C., 1981 ; Institut International pour la conservation, Groupe canadien :
I.I.C.-G.C., 1986 ; projet de charte française du groupe inter-associations profes-
sionnelles, publié par la Section Française de l'Institut International pour la
Conservation : S.F.I.I.C, 1986).
Les principes de la conservation-restauration

Rappelons en effet une dernière fois à quel point l'intervention technique sur un
bien culturel est un acte grave, où se jouent à la fois sa compréhension immédiate
et ses chances de survie. C'est un moment rare et périlleux, qui fournit l'occasion
d'un examen approfondi et d'une relation intime avec la matière originelle qui le
constitue : cette matière parfois gravement altérée par le temps, mais qui détient
seule malgré tout la forme qu'elle a incarnée et les clés pour l'interpréter. Une
intervention inconsidérée peut faire perdre des pans entiers de cette interprétation,
amputer définitivement l'objet d'une part des informations, du message dont il
était porteur et nous en livrer une version appauvrie ou falsifiée. Elle peut aussi
compromettre l'avenir de ce qui subsiste de l'objet, en usant de procédés qui
affaiblissent la résistance mécanique ou chimique des matériaux originaux ou les
juxtaposent à des produits susceptibles de leur nuire. On ne peut jamais considérer
une intervention de conservation-restauration comme un épisode anodin de l'histoire
d'un bien culturel.
C'est pourquoi nous voulons souligner ici l'importance des quelques règles
fondamentales qui cherchent à établir la nécessité de ces interventions, à en limiter
l'ampleur et à les inscrire dans un cadre méthodologique d'ensemble. Leur enjeu est,
entre autres, de dégager les priorités nécessaires à la sauvegarde de l'ensemble de
nos collections. Ce peut être contraire à la débauche actuelle de nouveaux
moyens techniques et de nouveaux produits mis constamment à la disposition des
conservateurs-restaurateurs. Ce peut être contraire à la multiplication et à la
banalisation des demandes de traitements, engendrées par la mise à disposition du
public d'un nombre croissant d'objets, alors même que les moyens manquent pour
en assurer l'exposition, le stockage et le transport dans des conditions adaptées.
Pourtant l'urgence est bien à la conservation préventive et à l'application d'une
démarche rigoureuse et méthodique dans les opérations de conservation-restauration.
Nous proposons ici une formulation (parmi d'autres possibles) des principes
auxquels cette démarche doit, nous semble-t-il, se conformer.

Examen diagnostique
Il est impossible de raisonner une intervention de conservation-restauration sur
un objet sans en connaître les matériaux constitutifs, évaluer leur degré d'altération,
comprendre les causes probables des altérations qu'on observe et apprécier les
risques encourus par l'objet en l'absence de tout traitement. Un projet de traitement
ne s'élabore pas sur la seule analyse de l'état matériel d'un objet mais aussi sur
celle de sa spécificité culturelle, ce qui suppose la recherche des informations
historiques, archéologiques, ethnologiques, etc. qui peuvent en éclairer la compré-
hension. En somme, toute intervention commence par un examen diagnostique de
l'objet et de sa signification culturelle.

Enregistrement des interventions

Dès le premier examen et jusqu'à la fin de l'intervention, tout ce qui est fait, tout
ce qui est observé au cours du travail doit être consigné dans un dossier, incluant les
informations technologiques relevées et l'appréciation de l'état de conservation,
comprenant dessins, photographies et compte-rendu des éventuels prélèvements ou
analyses effectués. Ce dossier comporte obligatoirement les objectifs du traitement,
la justification des choix opérés, la mention claire des produits et des procédés
utilisés, l'indication des mesures de conservation, de surveillance et d'entretien
recommandées. Il est inséparable de l'objet et communiqué à la personne qui en a
la responsabilité juridique.

Intervention minimum

Il faut agir avec des méthodes et des produits éprouvés, dont on peut évaluer
l'impact, immédiat et à long terme, sur les matériaux constitutifs originaux de
l'objet. Comme cet impact est rarement nul et qu'il est aussi rarement totalement
prévisible, il faut établir la nécessité de chaque intervention et en mesurer le degré,
pour intervenir finalement le moins possible, en justifiant notamment toute addition
aux matériaux originaux et en s'attachant à respecter leur intégralité.

Conservation p r é v e n t i v e

Toute intervention doit être menée en tenant compte des conditions de conservation
dans lesquelles sera placé l'objet après traitement. La mise en œuvre de conditions
adaptées de conservation préventive permet de diminuer le degré d'intervention
directe sur l'objet et de prolonger l'efficacité de la plupart des traitements. C'est
un objectif prioritaire : adapter l'environnement à l'objet, plutôt que tenter le
contraire. Cependant lorsque l'objet doit retourner dans des conditions très
défavorables, auxquelles il est impossible de le soustraire, le traitement doit être
conçu pour lui permettre d'y résister le mieux possible, et ceci peut primer sur
toute autre considération.

Lisibilité des interventions

Les traitements qui modifient ce qui subsiste d'un objet et qui ne pourront être
ultérieurement décelés que par la documentation annexe, et non par l'examen de
l'objet lui-même, doivent être évités ou dûment justifiés s'ils semblent s'imposer.
Les interventions qui cherchent à mettre en valeur l'objet, à en rendre la lecture
compréhensible ou à en révéler les qualités esthétiques (réintégration, restitution)
ne doivent pas en falsifier la réalité, en gommant toute trace de son histoire
matérielle. C'est la difficile question du degré de discrétion plus ou moins élevé
qu'il convient de donner à ces « reprises ». De la restitution « archéologique », qui
suggère les contours d'une forme perdue ou très lacunaire, à la réintégration
« illusionniste » des manques, tous les partis pris sont techniquement possibles : ils
doivent être justifiés au cas par cas, et laisser toujours, au minimum, une
documentation précise de l'état de l'objet avant intervention et une possibilité de
discerner sur l'objet lui-même les parties refaites, sans confusion possible avec les
parties originelles (si ce n'est par le seul examen visuel, au moins par des méthodes
de mise en œuvre simple et sans danger pour l'objet).

Réversibilité des interventions

Autant qu'il est possible, toute intervention doit ètre réversible, ce qui signifie,
au sens strict, que tout ce qui a été fait doit pouvoir être défait, sans que l'objet en
soit aucunement affecté. Dans la pratique, on pourrait dire : tout ce qui a été
apporté au cours d'un traitement doit pouvoir être enlevé par des moyens inoffensifs
pour l'objet et sans que celui-ci ait été modifié en rien par rapport à l'état antérieur
au traitement.... Garantir la possibilité de ce parfait retour en arrière n'est pas
toujours réalisable, mais il faut toujours en avoir le souci.
Cette réversibilité parfaite est une condition absolument impérative lors de toute
opération qui n'est pas indispensable à la conservation d'un objet mais est dictée
par la volonté de sa mise en valeur, car elle se fonde inévitablement sur une
appréciation esthétique et historique susceptible d'évoluer.
Dans toutes les autres circonstances, la réversibilité souhaitable des interventions
reste un objectif prioritaire, mais il est licite d'y renoncer lorsque la sauvegarde de
l'objet est en cause :
— la réversibilité durable des produits employés est alors un critère majeur de
choix entre les différentes méthodes utilisables, mais il faut savoir qu'elle ne suffit
pas toujours à garantir la réversibilité parfaite de l'intervention (dans tous ses
effets) ;
— si la réversibilité des produits ne peut être assurée complètement, il faut
au moins que le traitement n'empêche pas toute autre forme d'intervention
ultérieurement possible ou nécessaire, en bloquant définitivement la situation ;
— quand même cela semble impossible à obtenir, et qu'il est néanmoins nécessaire
d'agir pour sauver un objet de la destruction, on doit réunir le maximum
d'assurances quant à la durabilité de l'intervention effectuée et à la stabilité des
produits employés : faute d'autre solution, la longue durée d'efficacité du traitement
entrepris se substitue à son impossible réversibilité.

Compatibilité des m a t é r i a u x introduits

Les matériaux qui sont placés au contact direct des matériaux originaux constitutifs
de l'objet doivent être compatibles avec eux, sur les plans mécanique, chimique,
physique et éventuellement optique. Cela vaut pour les produits et matériaux utilisés
brièvement sur un objet à une étape du traitement (solvants, désinfectants, etc.).
Cela vaut évidemment pour les matériaux qui restent durablement associés à l'objet
(adhésifs, consolidants, revêtements protecteurs, supports, constituants des parties
restituées, etc.). Dans ce cas, les matériaux introduits et les matériaux originaux
devront vieillir ensemble et harmonieusement, sans que le comportement des
seconds nuise à aucun moment aux premiers, ce qui suppose le choix de matériaux
adaptés aux caractéristiques de l'objet à traiter et la connaissance de leurs modes
respectifs de vieillissement. De ce point de vue, il est illusoire de penser que l'emploi
de matériaux similaires aux matériaux originaux suffise à garantir la compatibilité
durable et polyvalente dont il est ici question (sans parler des problèmes de
« lisibilité » que leur emploi peut soulever).

Pour travailler dans le respect de telles exigences, il va de soi que la contribution


de plusieurs sciences (et souvent de plusieurs intervenants) est indispensable.
La portée et la signification d'un bien culturel sont étudiées par l'histoire,
l'histoire de l'art, l'archéologie, l'ethnologie. Ce sont aussi les questions posées par
ces disciplines et l'orientation donnée à leur recherche qui commandent les progrès
effectués dans la connaissance des techniques de fabrication et des matières
premières utilisées pour la production de ces objets. La conservation progresse
donc dans la foulée des sciences humaines et de leur problématique, en intégrant
tous les éléments d'information, les moyens d'examen et d'analyse, qui lui permettent
d'établir le plus rigoureusement possible la nature des matériaux qu'elle doit traiter.
Mais sa problématique propre exige aussi la réponse à d'autres questions : quelle
est la nature physico-chimique actuelle de tel ou tel matériau altéré ; quels sont les
mécanismes de son altération et leur relation avec le ou les environnements qu'il
a connus et connaît à présent ; comment évaluer sous l'angle des critères de
réversibilité et de compatibilité les produits et les méthodes de traitement
disponibles ; comment mettre au point des techniques satisfaisant ces critères et
capables de résoudre les problèmes de conservation mal ou non résolus que pose
aujourd'hui un certain nombre d'objets ?
Ces questions forment en propre le champ des recherches scientifiques et
techniques appliquées à la conservation-restauration. Bien que récentes, et inégale-
ment développées selon les pays et les différents domaines possibles d'investigation,
ces recherches ont déjà considérablement bouleversé les comportements et renouvelé
les données sur lesquelles se fondent les interventions de conservation-restauration.
Et il semble qu'il faille en attendre encore bien des remises en cause...

Vers une conservation scientifique ?

L'observateur extérieur au domaine qui parcourt rapidement une publication


récente, le compte rendu d'un congrès de l'Institut International pour la Conserva-
tion (IIC) ou du comité « conservation » du Conseil International des Musées
(ICOM) par exemple, risque de se sentir transporté sur une planète de haute
technologie, où règneraient en maîtres la physique et la chimie... II sera frappé sans
doute par deux orientations dominant les travaux actuels publiés : d'une part
l'utilisation extensive des matériaux synthétiques et les multiples expérimentations
que cette utilisation suscite ; d'autre part le nombre croissant de techniques, mises
au point dans la recherche industrielle ou médicale, qui trouvent une application
en conservation (électrolyse, électrophorèse et électrodialyse, radiographie X,
micro-ondes, lyophilisation, laser, irradiation gamma...).
Mais le transfert de ces procédés ou produits nouveaux au domaine de la
conservation-restauration est-il, en soi, le signe d'une « scientificité » quelconque ?
Tout dépend, nous semble-t-il, de la stratégie dans laquelle s'inscrivent ces
transferts et de la méthodologie dont usent les scientifiques pour adapter et évaluer
rigoureusement ces nouvelles applications technologiques.
De ce point de vue, la conservation se révèle être un champ d'application
particulièrement complexe :
— il est très difficile de standardiser un traitement et de le rendre reproductible,
sachant que les objets à traiter ne sont eux jamais identiques ;
— l'efficacité d'un procédé, la fiabilité d'un produit doivent se mesurer non
seulement sur l'instant mais sur la durée, ce qui complique beaucoup leur
évaluation ;
— souvent la compréhension de phénomènes fondamentaux, comme les mécanis-
mes de l'altération d'un matériau (matériau nouveau dont l'emploi en conservation
est à tester ou matériaux constitutifs des biens culturels), est encore incomplète.
Les données à prendre en compte sont si nombreuses et si diversifiées, qu'il est
ardu d'élaborer des modèles théoriques satisfaisants
Chacun de ces points mériterait un long développement. Arrêtons-nous un
moment sur le dernier, particulièrement lourd de conséquences.
L'élucidation des mécanismes d'altération, non dans leurs grandes lignes mais
dans le détail des effets que nous observons réellement sur les objets et de leurs
causes possibles, est un des aspects essentiels de l'exploration scientifique des biens
culturels, même s'il en est aussi un des plus difficiles (et des moins couramment
développés).
La connaissance approfondie de ces mécanismes conditionne notre capacité à
comprendre le matériau altéré et les raisons pour lesquelles tel traitement spécifique
de stabilisation doit lui être appliqué. Aujourd'hui encore, nos décisions restent
largement empiriques. Nous savons qu'à une circonstance donnée, correspondent
une ou deux méthodes précises, codifiées et éprouvées par l'expérience, dont les
mécanismes d'action sont à peu près connus. C'est déjà beaucoup. Mais l'inégalité
fréquente des résultats, en qualité ou en durée, parce qu'elle semble souvent
inexplicable, nous renvoie tout de même à l'insuffisance de notre appréciation
initiale : nous pouvons raisonner par grandes classes de matériaux, mais il nous
reste beaucoup à apprendre sur la nature exacte des matériaux altérés et sur leurs
singularités.
Les informations manquent aussi dans des situations pourtant plus simples à
explorer. Ainsi les travaux abondent, qui comparent le comportement au vieillisse-
ment d'une série de produits (adhésif, vernis, consolidant ou autre...) utilisés en
conservation-restauration. Mais, outre que ces travaux ne sont qu'exceptionnelle-
ment comparables entre eux (en raison de l'absence générale de standardisation
des protocoles...), ils n'établissent pas toujours avec précision les processus
chimiques responsables du vieillissement observé. Enfin, dans la plupart de ces
études, les produits testés sont généralement appliqués sur un matériau sain, ou
artificiellement vieilli, et l'influence éventuelle sur leur comportement du contact
avec un matériau dégradé reste généralement hors de portée. Il est dès lors difficile
de prévoir, ou d'expliquer a posteriori, le comportement de ces produits dans un
cas de figure réel, c'est-à-dire toujours beaucoup plus complexe qu'une situation
de laboratoire...
Pour simplement recenser correctement toutes les données d'un problème de
conservation un peu ardu (pensons à l'exemple de Lascaux, parmi d'autres), il faut
parfois des années de travail et la contribution de plusieurs disciplines...
C'est dire que s'il existe bien une recherche scientifique appliquée à la conserva-
tion, sa problématique ne se résume pas à une simple suite de transferts technologi-
ques. Ce qui la caractérise surtout, c'est l'extraordinaire nombre de variables à
maîtriser, à chaque étape de la résolution d'un problème. Et certaines ne sont guère
habituelles au raisonnement expérimental, comme la qualité esthétique d'un
résultat... Que dire des enquêtes rétrospectives, visant à instruire (sur la base des
effets observés à long terme) le procès d'une technique ou d'un produit très
diversement mis en œuvre selon la compétence personnelle des praticiens qui les
ont employés ? La recherche scientifique appliquée au domaine technique de la
conservation se heurte donc à bien des obstacles théoriques et matériels. Mais il
importe de la développer, car en aval la mise en œuvre d'une démarche sûre et
rigoureuse dans les interventions de conservation-restauration dépend largement
de ses avancées.
Tout cela semblerait plutôt de nature à démoraliser nos hommes de sciences...
Comme l'a écrit un des premiers d'entre eux, Giorgio Torraca : « Les scientifiques
sont facilement conduits à considérer la conservation comme un domaine sous-
développé, du point de vue scientifique. En conséquence, ils sont tentés de transférer
directement à la conservation idées préconçues, équipement et procédés venus de
leur champ antérieur de spécialisation. C'est seulement après quelques expériences
malheureuses qu'ils apprennent que le problème n'est pas si simple ; la terre de la
conservation est pleine de pièges, et les indigènes sont fréquemment hostiles. »
(Torraca, 1986 b, traduit par nous).
Malgré tout, depuis quelques décennies déjà, des chimistes, des physiciens, des
biologistes... se consacrent à la conservation, dans des laboratoires spécialisés, lieux
de la recherche appliquée et des interventions reposant sur une technologie lourde.
Dans un premier temps, leurs travaux ont surtout conduit à une débauche de
nouveautés techniques, tandis que bien des procédés anciens étaient amendés ou
abandonnés. Les praticiens doivent à présent assimiler ces changements et mettre
à l'épreuve des produits et des procédés sur lesquels le recul manque nécessairement
encore. Si l'on se plaint déjà de la distance qui sépare leurs ateliers de ces
laboratoires, il ne faut pas pour autant perdre l'essentiel de vue. L'impact de ces
recherches scientifiques est considérable, au moins autant sur la mentalité et la
formation des conservateurs-restaurateurs que sur l'éventail des techniques dont
ils disposent. La transparence des interventions, la publication des méthodes
employées, la confrontation des résultats sont devenues monnaie courante dans un
monde professionnel voué il y a peu encore aux recettes et aux secrets d'atelier.
Cela ne suffit sans doute pas à faire « la conservation scientifique »! ! ! Mais tout
de même, cela contribue à la rendre de plus en plus crédible...

Deuxième partie :
LA CONSERVATION EN A R C H E O L O G I E

La place de l'objet en archéologie

Il y a bien longtemps que l'archéologie n'est plus une chasse au trésor... Bien
que l'idée en soit peut-être encore trop répandue, les archéologues ne retournent
pas le sol en quête d'antiquités et de beaux objets. Ils s'intéressent à tous les indices
matériels, objets et traces, laissés par des hommes disparus, sur et sous notre sol
actuel (et aussi dans le lit des rivières, au fond des lacs et des mers peu profondes...).
Ces documents archéologiques vont de l'empreinte du sillon agricole au monument
historique, en passant par l'objet au sens traditionnel du mot et en incluant les
combinaisons, les situations relatives de ces témoignages les uns par rapport aux
autres. C'est sur cet ensemble de « trouvailles » au sens large (Moberg, 1976,
chap. 7) que travaille l'archéologue. Les objets produits par l'homme, matériaux
et structures fabriqués ou aménagés par lui, ne constituent donc qu'une des
catégories de données archéologiquement utilisables. C'est entendu.
Cette catégorie — évidemment plus ou moins importante selon les lieux, les
époques et la problématique propre à chaque recherche archéologique — représente
néanmoins un moyen d'accès privilégié à la connaissance du passé.
L'étude typologique des séries d'objets a depuis longtemps permis de caractériser
des groupes humains, d'élaborer des chronologies, de repérer d'éventuelles commu-
nications d'un groupe à un autre et d'en établir les itinéraires. Plus récemment,
l'étude des techniques anciennes dont ces objets témoignent, parce qu'ils en étaient
les outils et/ou les produits, a connu un nouvel essor. Peut-être aperçoit-t-on mieux
la richesse des processus sociaux dans lesquels ces techniques sont impliquées et
dont elles pourraient rendre compte (Cleuziou, 1987). En tout cas aujourd'hui, les
objets archéologiques interrogés par les investigations archéométriques, éclairés
par les enquêtes d'archéo-ethnologie et d'archéologie expérimentale, sont potentiel-
lement porteurs de tant d'informations que leur étude exhaustive n'est pas loin de
friser l'utopie. Mais ces objets, contrairement à d'autres sources archéologiques,
ont aussi la vertu de se prêter à des études successives...Nous y voilà : on peut les
conserver ! ! !
C'est en effet à ces objets, au sens courant du terme — faudrait-il dire
« artefact » ? — mais en incluant les restes immobiliers, que les techniques de la
conservation-restauration s'appliquent, ainsi qu'à tous les vestiges matériels (restes
humains et animaux, macro-restes végétaux, etc.) qui demandent des traitements
appropriés pour être conservés. Arrêtons nous un instant sur ce que ces documents
représentent, à la lumière de la suite impressionnante des soustractions qui affectent
et caractérisent les sources de l'archéologie (mentionnées depuis longtemps comme
une des contingences essentielles de cette discipline. On en trouve par exemple deux
représentations schématiques dans Moberg, 1976, p. 62 ; Cleuziou, Demoule, 1980,
p. 94, et une longue évocation dans Galley, 1986, chap. 6) :
(1) une partie seulement des activités humaines laisse des traces matérielles (les
autres n'en laissent pas)
(2) une partie seulement de ces traces traverse le temps (les autres disparaissent)
(3) une partie seulement de ces traces qui ont perduré est portée à notre connaissance
(les autres sont encore à découvrir, ou peut-être définitivement inaccessibles)
Vue sous l'angle de ces réductions successives, la part de ces indices livrés à
l'archéologie (à la suite d'un enchaînement de circonstances qui globalement lui
échappent), est à la fois bien ténue, par rapport à l'ensemble perdu auquel ils se
rattachent, et du même coup bien importante. On comprend dès lors la place
particulière que prennent dans la reflexion théorique des archéologues, les derniers
effets de soustraction directement imputables à leur recherche :
(4) une partie seulement de ces traces retrouvées survivent matériellement à
leur découverte (données « matérielles »), les autres (données « immatérielles »)
disparaissent du fait même de la fouille.
(5) l'ensemble des traces retrouvées et observables (données matérielles et immaté-
rielles) ne sont, en pratique sinon en théorie, pas exploitables dans toutes leurs
virtualités.
Les archéologues semblent gérer assez diversement cette réalité contraignante :
le caractère très partiel des sources qu'ils étudient et les difficultés d'interprétation
imposées par cette sorte d'échantillonnage aléatoire dont procèdent malgré eux leurs
trouvailles (soustractions (1), (2), (3)). Que peut-on raisonnablement reconstituer du
passé à partir de ces sources tronquées, par quelles méthodes, et avec quelle marge
de certitude ?
L'archéologie a son histoire, ses courants de pensée et des problématiques qui
varient selon les époques et les sociétés disparues sur lesquelles elle enquête. Le
panorama des « clés » explicatives dont elle use (ou qu'elle essaie de se forger) s'est
considérablement enrichi et clarifié ces trois dernières décennies, à la faveur de débats
théoriques contradictoires, qui ont mis à nu les divers systèmes d'interprétation à
l'œuvre dans les travaux archéologiques (nous serions bien en peine de donner ici
une sélection bibliographique représentative, mais il nous semble possible de
s'orienter à partir de Schnapp, 1980, particulièrement les contributions de L. S.
Klejn et de K. A. Moberg, et de Gardin, 1979, particulièrement chap. IV.3 : les
constructions interprétatives). Comme tous ceux de la petite forêt des sciences
humaines, «l'arbre vert de l'archéologie théorique» (Klejn, 1980, p. 291) a
manifestement bien des branches — jeunes ou moins jeunes —, peut-être même
plusieurs troncs... Mais où qu'ils soient perchés ( !), c'est-à-dire quelle que soit leur
manière de convertir les traces du passé en savoir sur le passé, les archéologues
doivent tous affronter, face à des sources qu'ils savent bien ne pas être inépuisables,
le caractère destructif et éventuellement sélectif de leur recherche elle même
(soustractions (4) et (5)).
Les uns y répondent en tendant à l' exhaustivité et à l' objectivité dans la collecte
et l'enregistrement de toutes les données, matérielles et « immatérielles », d'une
fouille ; les autres cherchent à établir les règles d'une sorte d'échantillonnage
pertinent, qui retiendrait dès la fouille les données suffisantes et nécessaires à la
résolution du problème posé. Ici deux séquences, le rassemblement des données
puis l'application d'une ou plusieurs grilles interprétatives ; là un mouvement de
va et vient dès le terrain entre ce que l'on est venu chercher et ce que les vestiges
donnent justement à « investiguer ». Ces deux approches, ici schématisées à
l'extrême, peuvent en pratique donner naissance à des stratégies très nuancées.
Discuter de leurs intérêts et limites respectives n'est pas de notre ressort, ni d'ailleurs
de notre compétence, mais leurs conséquences sur la conservation des objets valent
d'être examinées un moment.
Le caractère inévitablement destructif de la fouille concerne surtout les données
immatérielles, mais son caractère sélectif embrasse aussi les trouvailles dont la
stricte matérialité pourrait être conservée, et qui sont écartées de la collecte
archéologique. Pourtant le débat qui concerne l'enregistrement des données
fugacement observables (objectif ou déjà interprétatif, exhaustif ou nécessairement
sélectif) ne peut se transposer tel quel aux données matérielles puisqu'elles sont
justement pour la plupart conservables au moins « a minima » (nous y reviendrons)
par des moyens assez simples. Leur disparition éventuelle n'est donc pas intrinsèque-
ment inéluctable, elle est seulement le résultat d'une décision. Les procédures de
tri et de rejet physique appliquées aux « objets » lors de la fouille doivent évidemment
en tenir compte, même si leur collecte ne peut se concevoir indépendamment des
choix effectués pour l'enregistrement de l'ensemble des informations archéologiques.
« On peut toujours continuer à observer les qualités visibles ou invisibles d'un
objet, mais il n'est plus qu'un échantillon d'une structure dissoute. » (Moberg,
1976, p. 61). Collecter un objet suppose donc un minimum d'enregistrement
concernant ses relations avec l'ensemble fouillé et sans lequel l'objet perd une part
indéterminable de sa signification éventuelle (même s'il ne devient pas rien du tout).
Par conséquent, si une optique sélective s'impose, pour éviter l'accumulation
d'observations inutiles, il est sûrement difficile d'en extraire les seules données
matérielles, ou de leur adapter un régime particulier. Malgré tout, si la paralysie
guette l'archéologue soucieux d'observer et de noter le plus grand nombre possible
d'informations (beaucoup d'entre eux semblent le penser), l'encombrement créé
par les objets est-il d'ordre aussi cérébral ? On a parfois l'impression qu'il menace
pourtant davantage les dépôts de fouille et les réserves de musées que les
raisonnements archéologiques. L'argument manque peut-être de noblesse pour être
ouvertement employé (je jette parce que je n'ai ni la place, ni les moyens de
garder !), on lui préfère des assertions mieux motivées (je jette parce que je n'en ai
pas ou plus l'usage...). L'élimination dès le chantier de fouilles de certains des
documents rencontrés n'est pas une pratique nouvelle, loin de là : ce sont les modes
de sélection et leur justification qui changent, dessinant ainsi les contours mouvants
de « la place de l'objet en archéologie ». Mais les efforts consentis aujourd'hui
pour rationaliser et expliciter ces choix ne devraient pas servir à contourner
l'évidence, c'est-à-dire l'autre terme de l'alternative : la conservation de ce qui peut
l'être. Pourquoi l'abandon des objets exhumés qui ne seraient pas pertinents dans
telle ou telle perspective de recherche serait-il le corollaire obligé du caractère
scientifique de cette perspective et de la sélection qu'elle implique dans l'étude ?
L'existence silencieuse de réserves de vestiges, matériellement préservés mais
exclus de l'étude ou partiellement étudiés, émettrait-elle des ondes parasites au
raisonnement scientifique ? Que dire des « vieilles collections », fruits de démarches
qui n'étaient sans doute pas particulièrement visionnaires et dont l'étude renouvelée
se révèle pourtant féconde ?
On nous pardonnera — je l'espère — cette mise en garde dans une introduction
à la conservation archéologique : jeter pourrait si facilement devenir à la mode...
Quoi qu'il en soit, les choix effectués délibérément sur le chantier aboutissent à
retenir un nombre plus ou moins important de données matérielles, de natures très
variées, et conservables : en quelque sorte le produit matériel de la fouille. Tous
les éléments n'en sont pas nécessairement étudiés et ceux qui le sont, pas sous tous
les angles possibles. Incontestablement, dans les pays industrialisés où s'accélère le
rythme des découvertes effectuées dans le cadre de fouilles de sauvetage, l'abondance
des documents exhumés vient à poser problème. Leur étude comme leur conserva-
tion exigent de la place, du personnel qualifié, des moyens financiers. Il n'y a sans
doute pas toujours lieu de garder religieusement tout ce qui a été mis de côté dans
la hâte du chantier. Mais le conditionnement adapté des trouvailles, mesure
minimale de conservation, permet de différer quelque temps les choix, de les
effectuer dans le calme et après qu'une vue d'ensemble se soit instaurée. Différents
degrés de nettoyage, différents traitements de stabilisation peuvent être alors
envisagés pour tout ce qui est à conserver. Cette fois, les tris intellectuels qui
s'opèrent sont en grande partie réversibles, à condition cependant d'avoir conscience
d'une ultime soustraction, celle qui nous intéresse ici au premier chef, mais qui a
beaucoup moins d'impact théorique que les précédentes sur la démarche archéologi-
que elle-même :
(6) une partie seulement de ces traces retrouvées, observées, et qui survivent à la
fouille (données « matérielles ») se conserve spontanément (les autres disparaissent
du fait de l'absence de mesures appropriées).
Evidemment, cette sélection aussi concerne l'archéologue.
D'abord parce que ces traces, objets et structures éventuellement conservables,
c'est lui qui nous les livre et nous les désigne ; en ce sens on pourrait dire qu'il les
« invente »...et nous venons de voir que, dans certaines limites, il les « choisit » :
personne ne peut dire mieux que lui les raisons de les conserver. Ensuite parce que
leur disparition appauvrit bel et bien les sources de sa discipline. Aucun langage
documentaire, aucune politique d'échantillonnage et de prélèvement systématiques,
aucun système de représentation ne peut rendre compte de tous les caractères
virtuellement présents dans ces vestiges. S'il n'y a pas d'enregistrement exhaustif
des données immatérielles, il n'y a pas davantage une étude exhaustive des autres.
Leur conservation est la meilleure manière — mais pas la manière idéale, nous le
verrons — de maintenir un stock de références disponibles à la fois pour analyser
la validité des études qu'ils suscitent et en permettre le renouvellement. Enfin,
dernier point, mais non le moindre, ce que nous avons appelé « le produit matériel
de la fouille » est sans doute le meilleur support pour la diffusion de ses résultats
dans un public plus large que le sérail des spécialistes de l'archéologie. Peu de
disciplines ont cette chance : pouvoir écrire et pouvoir montrer leurs résultats. Ne
pas s'en saisir, c'est laisser la démarche archéologique inachevée, suspendue entre
des hommes disparus qui l'intéressent et des vivants qu'elle ignore.
Voici donc énoncées les bonnes raisons que nous avons trouvées pour établir
l'intéressement des archéologues dans la conservation des documents matériels
qu'ils étudient, et au-delà du seul temps nécessaire à cette étude. Sans doute serait-il
moins essentiel qu'ils en soient convaincus — ils le sont en général — si la
conservation des matériaux archéologiques après leur découverte allait de soi, ou
même si les mesures qu'elle exige pouvaient se prendre à distance de la fouille et
de l'étude sans aucune interférence avec elles. Mais il n'en est rien. Beaucoup
présentent dès leur exhumation à la fois une grande précarité et une lisibilité
variable, liées à l'altération importante que le milieu d'enfouissement a engendrée.
L'archéologue se trouve donc impliqué dans les décisions immédiates qui doivent
assurer leur préservation matérielle, ,tout comme il l'est dans la prévision et la
réunion des moyens qui y sont nécessaires. D'autre part, dès la fouille et à toutes
les étapes de leur exploitation scientifique, la conservation de ces matériaux ne
peut se concevoir indépendamment de leur identification progressive, de la
compréhension qui s'en élabore et des questions qu'on leur pose : dans ses modalités
concrètes, la conservation est étroitement liée à la perspective archéologique.
La prise en compte de cette double particularité, technique, c'est la précarité et
l'altération des documents exhumés, et culturelle, c'est leur spécificité archéologique,
commande la nature des interventions de conservation-restauration en archéologie.
Devrait-elle aussi conduire à intégrer le problème de leur conservation — et les
diverses stratégies qu'il peut susciter — dans le champ même de la responsabilité
scientifique et sociale des archéologues ? Nous reviendrons sur cette question en
conclusion.

P r é c a r i t é et altération de l'objet archéologique

Les vestiges que nous retrouvons après des décennies, des siècles, des millénaires
d'abandon, ont composé avec le mileu dans lequel ils se trouvaient, au prix de
transformations souvent importantes. Souvent lacunaires et déformés, mais aussi
modifiés dans leurs caractéristiques mécaniques et leurs propriétés chimiques, ces
objets peuvent être aussi difficiles à interpréter « rétroactivement » qu'à maîtriser
« prospectivement » :
— comment appréhender les matériaux altérés dont ils sont faits ?
— quels risques encourrent-ils dans le nouvel environnement où les place leur
exhumation et comment les en prémunir ?
La notion d'« équilibre entre l'objet et son milieu d'enfouissement », mentionnée
depuis longtemps par de nombreux auteurs (par exemple, Plenderleith, 1966, p. 16 ;
Dowman, 1970, p. 4 ; Rose, 1975, p. 165 ; Moberg, 1976, p. 82) explique à la fois
pourquoi certains objets, pas tous et pas partout les mêmes, nous parviennent ;
pourquoi ils nous parviennent à des degrés divers de transformation ; pourquoi
leur survie peut être gravement compromise par la fouille. Cette dernière question
est si centrale que presque tous les exposés présentés en août 1983 à Chypre, lors
d'une des premières conférences internationales consacrées à la conservation
archéologique, en font mention (Stanley Price,1984). Gael de Guichen en examine
toutes les facettes dans sa contribution « Object interred, object desinterred »,
entièrement axée sur ce « traumatisme » que représente la fouille pour tous les
documents enfouis (Guichen, 1984).

Risques encourus : le t r a u m a t i s m e de la fouille


Selon Elizabeth Dowman dans le premier chapitre de son livre consacré à la
conservation archéologique, tout matériau a une forme stable vis-à-vis de tout
environnement. Placé dans un milieu défini, il évoluera donc jusqu'à atteindre cette
stabilité, que conditionnent rigoureusement les caractéristiques du milieu en
question.
Cette évolution est le résultat de processus d'échanges entre le matériau et le
milieu, conduisant à une transformation de la nature physico-chimique du matériau.
L'objet participe ainsi, avec toutes les autres composantes du milieu, à un ensemble
complexe d'interactions, jusqu'à instauration d'un état d'équilibre stable (on a
utilisé, (Delcroix, 1973), pour décrire cet ensemble les termes
« système/écosystème »).
Le changement à la fois rapide et important des caractéristiques de son contexte
immédiat représente une sollicitation brutale de l'objet :
— nouvelles contraintes mécaniques : le support de son propre poids, lorsque
cessent les pressions mais aussi le soutien et l'immobilisation que le sol environnant
engendrait ; les manipulations, particulièrement lors du dégagement et du
prélèvement ; pour certains vestiges laissés en place sans protection pendant la
durée de la fouille (voire au-delà...), l'action érosive du vent et des précipitations ;
— nouvelles conditions physiques : exposition à la lumière, passage à une tempéra-
ture ambiante souvent sensiblement plus élevée et surtout variant à un rythme plus
rapide et avec une amplitude plus grande que dans la plupart des contextes
d'enfouissement ;
— nouvel environnement chimique : celui de l'atmosphère, caractérisée par la
présence de l'oxygène, du dioxyde de carbone, et éventuellement des divers gaz et
particules solides qui en sont des composants accidentels — dus à la pollution
notamment, comme l'oxyde de carbone, le dioxyde de soufre — mais habituels, et
enfin par une certaine teneur en vapeur d'eau. Localement variable, cette teneur
en vapeur d'eau engendre l'humidité relative de l'air, souvent instable, à laquelle
nombre de matériaux vont désormais ajuster leur taux d'humidité interne, jusqu'a-
lors conditionné, à des valeurs éventuellement très différentes, par l'humidité du
sol qui les contenait ;
— nouvel environnement biologique enfin, puisque la faune et la flore — y compris
les micro-organismes — susceptibles d'intervenir dans la dégradation des objets
archéologiques diffèrent généralement en milieu atmosphérique de celles dont
l'activité est possible dans tel ou tel sol ou milieu subaquatique.
C'est à tous ces facteurs simultanément que le matériau exhumé réagit, s'achemi-
nant ainsi vers un état d'équilibre avec ce nouvel environnement et... se transformant
chemin faisant.
Les exemples de « transformations » désastreuses, voire spectaculaires par leur
rapidité, sont légion. Le contraste est parfois saisissant entre d'un côté la longue,
très longue, durée d'enfouissement d'un objet cependant encore identifiable, et de
l'autre la fugacité de son existence après la mise à jour. L'imagination peut en être
frappée et certains ont peut-être en mémoire l'extraordinaire force d'une scène du
film Roma, de Federico Fellini, où l'on voit s'effacer inexorablement les peintures
murales antiques découvertes lors des travaux de construction du métro de Rome.
A ce raccourci poétique, font écho nos expériences, certes plus triviales,
des chantiers, des sites et des dépôts archéologiques : céramiques qui éclatent
littéralement sous l'effet du gel ou au contraire de l'exposition à un soleil violent ;
opacification rapide d'un verre et ternissement de son décor polychrome, pourtant
éclatant au sortir du sol ; dislocation d'un pavement de mosaïques en quelques
mois d'abandon à l'air libre ; gauchissement et fissuration de toutes sortes d'objets
pendant le seul temps, quelques heures ou quelques jours, nécessaire à leur
dégagement et à leur enregistrement ; désintégration et/ou décoloration quasi-
immédiates de petits objets en lignite, en ambre, voire en os ou en ivoire... Et
sans vouloir effrayer quiconque, certaines de ces modifications brutales peuvent
concerner chez l'archéologue autre chose que sa seule bonne conscience : Ph.
Renault, dans un article consacré aux phénomènes karstiques (Renault, 1987) cite
la grotte des Claux, dans l'Hérault, fréquentée au néolithique ; la sensibilité
thermique de la « dolomie encaissante » y a entraîné des éboulements contemporains
de cette fréquentation. La dite sensibilité ayant sans doute peu varié en quelques
millénaires, lors des fouilles menées sous un éclairage fortement échauffant, « il est
arrivé que l'on retrouve des blocs tombés entre deux visites, à l'emplacement des
carrés de fouille »...Le cas est très particulier, mais les effondrements de bermes,
de murs ou de parois stratigraphiques témoin (qu'on souhaite justement parfois
conserver durablement) sont plus banals...
Nous pourrions hélas multiplier les exemples et les souvenirs : le moment de la
fouille archéologique, (auquel est consacré le chapitre II), est bien celui de tous les
dangers. Pour y faire face, il faut : sur le chantier un ensemble d'équipements,
d'habitudes de travail et de réflexes appropriés ; en laboratoire, les traitements de
stabilisation nécessaires. Ensuite s'ouvre en général pour les objets une période de
transformations plus lentes, et surtout plus faciles à maîtriser, dans les dépôts ou
les musées (chapitre X) ; en comparaison, il est souvent plus difficile et plus coûteux
d'éviter aux vestiges immobiliers dégagés et maintenus in situ un régime de
destruction plus rapide que lors de leur enfouissement (chapitres VII, VIII, IX).
Mais quelles que soient les circonstances, la fouille apparaît toujours comme un
épisode bref dans la vie d'un objet, dont l'altération a commencé bien avant et se
poursuit bien après. L'impact possible de cet épisode est, nous l'avons vu,
considérable. Il justifie l'importance qu'ont accordée les auteurs que nous citions
plus haut au fameux « traumatisme » de la fouille, mais ne doit pas faire oublier
tout ce qui, la précèdant ou la suivant, concerne aussi la conservation des objets
archéologiques. Or s'il est évident que la conservation s'occupe de ce qui advient
d'eux pendant et après la fouille, ses implications dans la compréhension de « ce
qui se passe avant » sont moins connues.
Pourtant, s'interroger sur le type de situation que la fouille vient interrompre,
c'est anticiper la nature des matériaux qu'elle peut livrer, leur état d'altération,
leur sensibilité au changement de milieu qu'ils vont subir. C'est donc pouvoir
programmer, dans leurs grandes lignes, les interventions de conservation qui seront
nécessaires. Une partie des éléments d'information est proprement archéologique
bien sûr (en quelque sorte, que pourrait-on théoriquement trouver) ; l'autre nous
ramène aux caractéristiques des sols et aux réactions qui s'y déroulent (que
restera-t-il et dans quel état).

Altération des matériaux enfouis : nature de l'équilibre sol/objet


Comment se transforme un matériau enfoui ? Pourquoi tel objet, pas tel autre,
nous parvient-il, après un temps très long d'enfouissement ?
— ce peut être parce que les transformations conséquentes à ses réactions au milieu
sol n'ont pas affecté notre capacité à le reconnaître, qu'il soit peu transformé (roches
siliceuses par exemple), ou que sa transformation, même importante, en ait épargné
la « forme » (textile minéralisé, bois gorgé d'eau, par exemple) ;
— ce peut être aussi que nous arrivons à un moment où ces transformations ne
sont pas achevées, soit que nous arrivions relativement tôt dans l'histoire de
l'enfouissement, soit que les évolutions en cours soient très lentes et se jouent selon
des échelles de temps plus géologiques qu'historiques.
Ces deux propositions ne sont évidemment nullement contradictoires. La première
est conforme à l'idée d'équilibre sol/objet, d'état stable, compromis par la découverte
archéologique, qui domine la littérature spécialisée en conservation archéologique.
La seconde est plus nuancée, puisqu'elle évoque plutôt la fouille comme la
rupture d'un processus d'évolution continue, concernant aussi bien l'objet que le sol,
et dont la vitesse serait, du point de vue de la conservation, la caractéristique
essentielle.
Elle renvoie à une vision du sol sans doute plus conforme à celle des pédologues :
un écosystème dynamique, « produit de l'altération, du remaniement et de l'organi-
sation des couches supérieures de la croûte terrestre sous l'action de la vie, de
l'atmosphère et des échanges d'énergie qui s'y manifestent » (Aubert, Boulaine,
1967, p. 12). La notion de « quantum d'évolution annuelle », qui peut permettre
de caractériser un sol, rend d'ailleurs compte de l'importance des phénomènes
physiques, chimiques, et biologiques qui s'y déroulent : dégradation de la matière
végétale jusqu'à des composés chimiques simples en passant par de multiples états
transitoires (dont l'humus), altération progressive des roches et multiples possibilités
de transferts de matières, sous l'influence de nombreux facteurs parmi lesquels le
climat joue un rôle majeur. Cette conception du sol a sans doute pour nous une
connotation désespérément pessimiste. On devine bien que le sort de la barque
monoxyle abandonnée au sol il y a quelques siècles ne différera guère de celui d'un
quelconque tronc d'arbre abattu par une tempête à la même époque... Pas plus
que les mécanismes d'altération en œuvre dans la lente transformation des roches
de l'écorce terrestre n'épargneront silex taillés, galets aménagés, sculpures et pierres
en œuvre, ou même ces sortes de roches artificielles fabriquées par l'homme que
sont par certains aspects les céramiques, les verres, les mortiers... S'il existe bien
« un état stable de la matière » en relation avec tout environnement, peut-être
faudrait-il ajouter : avec tout environnement stable, et sous une forme d'« état »
qui, pour beaucoup des matériaux qui nous intéressent, les éloigne inéluctablement
de leur forme d'« objets ». Or le sol ne constitue qu'exceptionnellement un milieu
stable au sens où nous venons d'employer ce mot, c'est-à-dire inactif, immobile,
où rien ne se passerait. Même s'il présente pendant longtemps des caractères
constants, cette constance peut être le fruit de la formation et du renouvellement
permanent, dans des conditions inchangées, des organisations élémentaires qui le
caractérisent.
Bien sûr l'énorme disproportion qui existe entre la durée géologique d'une partie
de ces évolutions et le laps de temps très court et très récent que l'archéologie
observe nous autorise le plus souvent à négliger cette vision élargie du contexte
dans lequel se situent nos interventions. Il est cependant clair qu'un gisement
préhistorique ne livre pas les mêmes documents qu'un site médiéval, et pour aussi
évidente qu'elle soit, cette observation mérite qu'on y réfléchisse.
Substituer à l'idée d'« état stable », la notion d'« état transitoire », celui des objets
au moment où la fouille les remet à jour, ou envisager « l'état d'équilibre » plutôt
comme un équilibre dynamique toujours susceptible de se déplacer, pourrait
ainsi avoir quelque incidence sur certaines problématiques apparues récemment :
l'opportunité de laisser infouillées certaines zones (ou portions de sites) appelées à
devenir, en quelque sorte, les « réserves archéologiques » de l'avenir par exemple,
ou celle de réenfouir des vestiges dont on ne sait ou ne veut prendre en charge la
conservation. Non, le sol ne peut être considéré comme un milieu idéal de
conservation (!), même s'il est parfois commode de le penser... Ceci sans prendre
partie sur la question des réserves, dont les enjeux sont multiples, et des réenfouisse-
ments parfois justifiés, mais pour rappeler qu'il convient de les penser aussi en
termes de conservation dans leurs aspects techniques : quels types de transforma-
tions siègent dans le sol (ou la portion de sol) considéré, les aménagements éventuels
de la surface vont-ils en influencer l'évolution... De telles expériences ont été
conduites, notamment au Danemark (Jespersen, 1984), pour sélectionner un milieu
approprié au « réenfouissement » d'épaves et établir des méthodes de surveillance
ultérieure des vestiges enterrés : étude du sol (activité biologique, pH, teneur en
eau, potentiel d'oxydo-réduction), étude de la constructibilité et des projets
d'aménagements territoriaux concernant les zones retenues, etc.
Cette vision dynamique et à long terme des échanges sol/objet rapproche aussi
la conservation de l'archéologie. Comprendre les mécanismes de l'altération en
fonction du milieu, s'interroger sur leur vitesse et sur la nature des modifications
qu'ils engendrent, c'est peut-être acquérir un tout petit bout de prise sur le caractère
insaisissable d'une des soustractions évoquées plus haut (« une partie des traces
traverse le temps »). Une bonne dose d'optimisme, et nous voilà prêts à imaginer,
marchant de concert avec une politique de prospection systématique et de recherche
archéologique programmée, la prise en compte du « potentiel conservatoire » de
tel site pour tel type de matériau... Optimisme, ou utopie ? En tout cas, beaucoup
plus prosaïquement, la compréhension (encore bien incomplète) des altérations
subies par les matériaux enfouis est déjà aussi souvent utile à leur conservation
qu'à leur interprétation archéologique.
En conservation-restauration, l'évaluation juste du taux et du type d'altération que
présente un objet est une condition importante de la réussite des traitements. De notre
incapacité fréquente à définir ce « taux » d'altération par exemple, découlent les
déconvenues qui surgissent lorsqu'un matériau archéologique a été à tort jugé
capable des mêmes performances que ses homologues contemporains, auxquels il
ressemble et auxquels nous sommes donc toujours tentés de l'assimiler. Mais en
découlent aussi nos difficultés à comparer les résultats obtenus par diverses
méthodes de traitement, dès lors qu'elles sont appliquées à des objets dont les
caractéristiques diffèrent, du fait de leur altération spécifique, dans une proportion
que nous ne maîtrisons pas rigoureusement. Enfin en découlent sans doute les
accidents qui surviennent parfois lors de l'application d'un traitement (pourtant
standard) à une série d'objets (pourtant estimés voisins). Il faut donc apprendre,
en conservation archéologique, à raisonner (et à agir) sur des matériaux en partie
mal élucidés : les « paléomatériaux », pourrait-on dire, à condition de ne pas
prendre le néologisme trop au sérieux ! Dans cet apprentissage, nous avons, tout
comme l'archéologie, beaucoup à emprunter à d'autres sciences. La découverte,
assez récente et peut-être encore parcellaire, du rôle déterminant des micro-
organismes, notamment bactériens, dans nombre des altérations qui nous intéres-
sent, l'illustre bien : la pédologie, avec quelques décennies d'avance, a mis en
lumière l'importance des facteurs biologiques dans la pédogénèse (Toutain, 1984),
donc dans l'évolution des sols... et de ce qu'ils contiennent. Dans le même esprit,
la description des produits de corrosion du métal archéologique (chapitre V) est
d'abord une description minéralogique ; comprendre les modes de reconversion du
métal en minerai est une étape indispensable pour reconnaître dans le matériau
parfois totalement minéralisé, la forme du métal disparu et pour en assurer la
conservation.
En archéologie aussi, l'analyse des mécanismes de l'altération des matériaux enfouis
livre parfois son lot propre d'informations. Les transformations dues au séjour dans
le sol peuvent en effet se révéler, en elles-mêmes, riches de sens archéologique : sur
les conditions d'abandon et d'enfouissement des objets par exemple, ou encore sur
les effets de conservation sélective qu'un environnement donné peut engendrer et
qui, méconnus, pourraient conduire à des erreurs d'interprétation. Bien des
méthodes physico-chimiques de datation reposent sur l'étude d'une modification
dont l'accomplissement s'effectue en fonction du temps selon une relation accessible
à l'analyse.
Les préhistoriens, rompus depuis longtemps à faire parler le moindre indice,
sont sans doute les plus avancés sur cette voie. Ainsi, l'altération variable des silex
selon leur enfouissement, tout comme leur modification parfois spectaculaire après
exhumation, ont suscité depuis longtemps de nombreuses descriptions et divers
essais d'interprétation. En quelques décennies l'étude de leur « patine » s'est
précisée, notamment comme celle d'un élément potentiellement révélateur du climat
qui régnait lors de leur abandon et peu après (Masson, 1987). Parce qu'une
altération donnée est devenue source d'information archéologique en elle-même,
son statut a changé : d'obstacle à l'étude, elle est devenue en quelque sorte « objet »
d'étude. Mais dans le cas précis des silex, l'analyse des transformations acquises
après l'utilisation par l'homme s'inscrit dans le cadre préexistant et bien développé
des travaux de taphonomie : la proximité déjà ancienne de la préhistoire et des
sciences naturelles, son aptitude à susciter la contribution de toutes les disciplines
de la géologie du quaternaire (Miskovsky, 1987), permettent, à l'occasion d'une
question archéologique, d'utiliser, pour élucider un phénomène qui se trouve
intéresser aussi la conservation, un corps de connaissances et une méthodologie
déjà disponibles. Cet exemple illustre à nos yeux tout le profit qui peut être tiré d'une
approche globale. Il serait utopique d'imaginer que les mécanismes d'altération qui
sont au cœur de nos problèmes de conservation trouveront leur explication, ex
nihilo, par le biais de la seule recherche appliquée à notre domaine. Comme si en
conservation-restauration tout était à faire, alors que dans d'autres perspectives
(datation, reconstitution des paléoenvironnements, technologie, caractérisation des
provenances, etc.), la compréhension des matériaux archéologiques a déjà tant
avancé. C'est dans ces perspectives de recherche archéologique que la conservation
doit s'intégrer, puisqu'elle en dépend étroitement, tout en s'appliquant à sa
contribution propre, la meilleure préservation possible des vestiges étudiés. Or c'est
là un exercice difficile, très difficile, si l'on veut bien se souvenir que les acteurs
concernés, formés à la conservation-restauration des biens culturels, ne sont pas
des archéologues...

Spécificité archéologique de l'objet

Les objets et les structures ne deviennent pas sitôt exhumés des « antiquités »,
des ruines ou des monuments historiques « classés », témoignages intangibles du
passé, fragments évidents du patrimoine collectif : leur « découverte », qui est en
quelque sorte le prolongement de la fouille, est encore souvent en partie à faire et,
au moins pendant un temps, ils restent les fragments d'un puzzle qui les dépasse.
La première difficulté apportée par l'intrusion de la perspective archéologique
en conservation, c'est l'arrivée fracassante du « contexte » dans un univers où
règnent habituellement « l'objet en soi » et le tête à tête avec lui. Ah, le contexte ... !
Quand il travaille en archéologie, le conservateur-restaurateur doit rapidement
apprendre à en tenir compte.
Il y a d'abord le contexte archéologique immédiat, le voisinage de l'objet (on
pourrait dire aussi le contexte associatif) : certains de ses aspects, sa fonction, sa
signification ne sont compréhensibles que s'il est replacé dans le cadre de sa
découverte. Sinon, le contre-sens est parfois facile. Reboucher une céramique
délibérément perforée, reconstituer ou redresser une arme intentionnellement brisée
ou tordue, prendre une usure pour une altération, un dépôt significatif pour une
pollution par le sol, un inachèvement pour une destruction (ou les inverses),
entreprendre le remontage d'un ensemble de fragments quand la seconde moitié
de la fosse dont ils parviennent est encore infouillée... Souvent les objets archéologi-
ques ne parlent pas d'eux-mêmes, en tout cas pas de façon univoque : le contexte
archéologique immédiat les éclaire de façon décisive.
Il y a aussi le contexte archéologique général, ce que l'on sait déjà des objets
avant même de les étudier : la reconnaissance de certains traits repose en partie
sur des hypothèses préexistantes. On recherche sur tel objet très altéré, la présence
d'une caractéristique donnée (un mode d'assemblage, un décor possible, la trace
d'une partie disparue...) soupçonnable parce que attestée sur des objets du
même type ou d'un type voisin. L'exploration d'un lot de fragments qui mêle
indistinctement plusieurs pièces de verre ou de céramique est infiniment plus rapide
si une certaine idée des formes susceptibles d'apparaître aide le travail. Ainsi
l'examen des objets eux-même est guidé (mais non contraint) par les indications
que fournissent des séries ou des parallèles connus : le contexte archéologique
général les situe dans un ensemble de références.
Enfin, il y a l'intérêt variable de l'objet selon son contexte particulier, et ici
interviennent pour la première fois des facteurs qui lui sont proprement extrinsèques
et pourtant commandent largement le traitement qui lui est appliqué : deux objets
voisins, ici trouvé dans un contexte d'abondance, là exemplaire unique, voire
inattendu, dans son contexte de découverte ne reçoivent pas la même attention ;
telle structure est déplacée ou démontée pour permettre la fouille des niveaux
sous-jacents, et non parce que sa conservation l'exigerait. Tel objet est ici restauré
pour son exemplarité typologique, parmi tant d'autres comparables qui seront
négligés ; tel autre au contraire sera restauré pour l'intérêt de ses caractères déviants.
En ce sens le contexte relativise l'importance des objets archéologiques.
Il ressort de tout ceci que l'interprétation archéologique des objets et la recherche
particulière dans laquelle ils s'inscrivent ne peuvent guère être tenues pour
indépendantes de leurs éventuels traitements de conservation-restauration. Jusqu'à
un certain point, les relations ainsi instaurées entre étude et traitement ne posent
que des problèmes aisément surmontables. Les informations fournies par le contexte
archéologique facilitent et justifient les interventions de nettoyage, de remontage,
de reconstitution entreprises par le conservateur-restaurateur. En contre-partie ces
interventions contribuent à répondre aux questions posées par l'archéologue et lui
apportent de multiples indications : quel objet, fait comment, avec quoi, utilisé de
quelle façon, etc., tout en assurant la préservation à long terme de ces documents
et parfois leur exploitation pédagogique ou démonstrative. Mais souvent s'imposent
des choix difficiles : mettre en œuvre des traitements rapides de stabilisation, sur
des séries d'objets, et consacrer à quelques autres beaucoup plus de temps et de
moyens ; arrêter à un niveau d'identification grossière un nettoyage qui aurait pu
révéler l'objet dans tous ses détails ; renoncer à une imprégnation ou une désinfection
pourtant urgentes parce qu'une analyse de laboratoire est prévue ou simplement
souhaitée, effectuer un prélèvement destructif... Et tout cela sur des critères
essentiellement extérieurs à l'objet ! A ceux qui ont été élevés dans cette sorte de
religion de l'objet qu'est la conservation des biens culturels (rappelez-vous : pérénité,
intégrité, accessibilité), la gymnastique archéologique donne parfois des crampes...
douloureuses.
Cette gymnastique, on pourrait l'appeler « la pratique du contenu informatif » :
pour l'archéologue, l'objet vaut par son contenu informatif, mais celui-ci ne dépend
pas que de l'objet, et la part qui en dépend n'est pas toujours intégralement « utile ».
Or nettoyer, consolider, remonter, bref « traiter » un objet, c'est entretenir avec lui
une grande proximité physique. L'approche est nécessairement fine, l'objet tend à
occuper tout le champ de vision du conservateur-restaurateur : cela n'est pas toujours
aisément conciliable avec le recul qui caractérise la perspective archéologique. C'est
ainsi que peuvent surgir certains conflits apparents : conflits dans les moyens à
mettre en œuvre (qu'est-ce qui est prioritaire), et conflits d'intérêt : ce qu'il est
techniquement possible d'obtenir de l'objet ne recoupe pas toujours ce qui est
archéologiquement intéressant, et parfois même le contrarie.
Ainsi que va-t-on choisir, l'objet, dont la conservation impose une consolidation,
ou la datation qu'une analyse peut en fournir ? Où résident les informations que
recherche l'archéologue, dans l'objet ou dans les dépôts et corrosions qui le
masquent ? Les réponses à ces questions trouvent leurs justifications dans une
problématique largement extérieure à l'objet : le conservateur-restaurateur ne
dispose pas des éléments du jugement et il ne peut les deviner à partir du seul
examen des objets.
Qu'est-ce qu'un clou, un peson de métier à tisser, un rivet, semblables à des
dizaines d'autres et qui n'ont fourni une information utile que parce que, trouvés
en connexion, ils livraient la trace interprétable de l'ensemble disparu auxquels ils
participaient ? Valent-ils individuellement les heures de travail qui les révèleront
en détail ? Que nous apprend ce fin filament, enroulé autour d'une des perles
metalliques d'un collier et dont seul un examen minutieux sous binoculaire a permis
d'épargner la perte lors du nettoyage ? Et cet éclat manquant, enfin retrouvé et
ajusté à sa place, change-t-il quelque chose d'important en élevant la coupe de
verre auquel il appartient au rang de la « pièce la plus haute de sa série
typologique » ? A ces questions l'archéologue répond parfois non, parfois oui,
parfois d'abord non puis oui. La découverte de traits distinctifs sur les clous, les
rivets, les pesons, la mise en relation de cette coupe très haute avec d'autres objets
singulièrement atypiques du même contexte font ou feront peut-être basculer ces
indices du domaine de l'anecdotique au domaine de l'informatif. Tout aussi bien
peut-être ne prendront-ils jamais la moindre importance scientifique. C'est la
recherche dans laquelle ils s'inscrivent qui en décide, mais cette recherche, le plus
important des « contextes archéologiques », a nécessairement une actualité ; elle peut
changer.
Alors faut-il y inféoder strictement les travaux de conservation-restauration ?
Leur logique propre, celle de la conservation des biens culturels, dispose à une
exploration extrêmement sensible des objets, qui pèse soigneusement l'irréversible,
et intègre le long terme dans ses projets. Cette vision s'accommode de l'absence de
résultats immédiats, parce que son propos n'est pas seulement archéologique.
Peut-être y a-t-il quelque bénéfice à tirer de cette perception non purement
scientifique des objets. Au moins nous aimerions que l'on s'y arrête un moment.
Exposer cela est le plus difficile de cette introduction, aussi le plus discutable et le
plus personnel. Mais nous croyons que plusieurs des auteurs de ce livre seront
satisfaits que cela ait été tenté, tant bien que mal. Reprenons l'exemple abandonné
du collier, pour une petite fiction où chacun reconnaîtra (?) un peu de son histoire.
Ainsi un « fil » très partiellement conservé, intimement lié aux sédiments et aux
produits de corrosion qui masquent le collier, est à grand peine dégagé et préservé
en place, sur la perle métallique autour de laquelle il est enroulé. Et après ? Si sa
présence ne soulève aucune hypothèse, l'histoire se termine là. Mais peut-être est-ce
une réparation ? Fil de soie, fil de coton, fil de lin, crin de cheval, peut-être est-il
identifiable ? L'archéologue commence à s'interroger. Le point de colle qui a permis
d'assurer la position du fil pendant le nettoyage risque bientôt de devenir un regret,
peut-être un reproche. Et voilà qu'on découvre une série de colliers comparables,
dans les sépultures du même site, et qui présentent tous un fil noué sur une perle.
Une perle placée au même endroit ? La localisation de la perle nouée a-t-elle une
signification ? Toujours le même type de fil ? L'archéologue se met à gamberger,
le traitement des colliers devient une recherche du fil et de sa position... Rétrospecti-
vement, si le fil du premier collier avait été perdu, cela aurait constitué une perte
grave, peut-être une faute...
Mais s'il n'y a qu'un seul collier, si le fil est simplement un cheveu, un cheveu
si abimé qu'on ne saurait en dire s'il fut blond ou brun, long ou court, d'homme
ou de femme, peut-être bêtement accroché à la perle au hasard d'un mouvement
quelconque, qui sait... Et bien pour celui ou celle qui a traité le collier, même ce
cheveu est important, et il lui importe d'avoir réussi à le conserver. C'est ainsi. La
relation qu'entretient le conservateur-restaurateur avec les objets sur lesquels il
travaille est complexe et ne se nourrit pas exclusivement d'utilité scientifique. Sans
quoi comment expliquer toute la rigueur mise en œuvre, les heures et les heures
investies, pour atteindre à une efficacité (en termes de conservation) dont seul
l'avenir — le plus lointain possible — jugera, pour produire un résultat dont
l'intérêt archéologique immédiat ne justifie pas l'effort consenti et qui ne se soldera
pas par quelque publication prestigieuse, ni même souvent par quelque publication
que ce soit... On conçoit que cette démarche puisse apparaître un peu vaine à ceux
qui s'engagent complètement dans la production dynamique du savoir. Elle n'est
pas en effet, sous cet angle, dépourvue d'une certaine gratuité et il y a de l'affectif
dans son moteur, « Cette tendresse dont vous remplit tout ce qui est en vain »
(Elias Canetti). Ceux qui exercent ainsi la conservation en archéologie se sentent
un peu comme les pierres d'un pont à deux arches : un pied dans le passé
définitivement étranger, un pied dans le présent utile, un pied dans l'avenir
imprévisible. La « science » n'est pas seule à emprunter le pont, si tant est qu'il
soit vraiment praticable ; et si la pile la plus solide est bien celle du milieu, sa raison
d'être est tout de même dans l'édifice tout entier.
Revenons maintenant à ce présent utile. Nous n'aurions pas fait ce détour par
le subjectif si quelques interrogations pressantes ne se bousculaient à nos portes.
En France, le développement de la conservation est tel qu'il faut encore un peu
d'esprit d'anticipation pour les apercevoir, mais dans d'autres pays on en discute
déjà depuis quelque temps (U.K.I.C, 1980 ; Foley, 1984 ; Melucco, 1986 ; Pye,
Cronyn, 1987 ; Tuck, Logan, 1987). On pourrait les énumérer ainsi : comment faire
face à la masse des objets exhumés, comment répartir les moyens de traitement
disponibles, de la prévention à la restauration, comment rendre accessibles les
informations archéologiques essentielles, comment en perdre le moins possible.
Nous voici loin de nos élucubrations sentimentales... Les pressions qui s'exercent
pour mettre au point des méthodes rapides, applicables à un grand nombre d'objets
et réduisant les difficultés de leur stockage sont considérables et justifiées.
L'amélioration des techniques de conditionnement et de stabilisation est à l'ordre du
jour : congélation, contrôle de l'hygrométrie dans les petites unités de stockage,
recherche du désinfectant universel, stabilisation voire nettoyage chimiques dans
des bains pouvant accueillir des séries... On recherche aussi les moyens d'un
diagnostic immédiat, qui orienterait vers le simple stockage, le nettoyage de base
ou le traitement poussé : la radiographie des objets métalliques sur le chantier tend
ainsi à se développer. Enfin l'enregistrement des observations accessibles pendant
le traitement devient une préoccupation majeure : systématisation des fiches
descriptives et de la documentation annexe (dessins, photos), politique de prélève-
ments, échantillonnage de « non-traités », mise au point par les archéologues de
grilles de lecture par type d'objets pour guider la recherche des indices significatifs
(Brown, 1980 ; Lawson, 1980). Ainsi certains archéologues souhaitent voir succéder
à la conservation archéologique, pour eux peut-être déjà dépassée, une sorte de
« science des trouvailles » maniée par des archéologues « légistes » (« forensic
archaeologists », in Addyman, 1980) experts en typologie, technologie, tracéologie,
chimie des matériaux, altération, biologie de l'environnement, et sélection des
informations archéologiques... En somme, une nouvelle « archéologie de l'objet » ?
En ce sens, le transfert pur et simple à la conservation d'une terminologie
archéologique (microfouille de l'objet, dégagement des informations, enregistre-
ment, etc.), qui va croissant — y compris dans nos textes — préfigure peut-être
ces évolutions que certains appellent de leurs vœux. Nous pensons qu'elles recèlent
certains dangers. Par exemple, celui d'oublier, devant la suite d'interrogations et
de découvertes qui jalonnent la conservation-restauration d'un objet, ce que ces
découvertes nous apportent et à quel ordre de savoir elles contribuent. Mais aussi
coller de trop près à la perspective archéologique dans ses impératifs immédiats,
sacrifier trop vite l'intégrité et la pérénnité des objets traités à l'obtention des
informations utiles et oublier que d'autres approches en sont peut-être possibles et
légitimes. En somme croire que tout ce qu'on peut obtenir des objets est
scientifiquement important et/ou qu'il n'y a rien d'autre d'important à en obtenir.
Les archéologues, qui ont en bonne place dans leur généalogie les collectionneurs
et les antiquaires, connaissent bien les pièges et les limites que nous essayons
d'évoquer ici : ce renversement qui fait de l'objet la fin et non l'outil de leur
discipline. Les conservateurs-restaurateurs fraîchement convertis à la spécificité
archéologique des objets dont ils s'occupent doivent y réfléchir.
Il n'y a pas de biens culturels sans contexte, mais peu de contextes sont à la fois
aussi prégnants et aussi insécurisants que le « contexte archéologique ». Lorsqu'il
s'éloigne, le conservateur-restaurateur navigue dans des eaux plus tranquilles : ainsi
les objets de musée, issus d'anciennes fouilles et connus depuis longtemps, qui ont
acquis depuis leur découverte un curriculum vitae culturel, ou dont le caractère
esthétique domine l'appréciation, offrent des repères plus familiers. Mais ce n'est
pas là de la conservation archéologique. Celle-ci se tient tout près de la recherche
archéologique et s'efforce d'en intégrer au mieux les implications essentielles :
accepter l'établissement de priorités dans l'ordre et le degré des interventions,
consacrer une attention particulière à la recherche et à la communication des
informations archéologiques accessibles, mettre au point des techniques économique-
ment adaptées au nombre des objets livrés par l'archéologie. Incontestablement, une
formation des conservateurs-restaurateurs à l'archéologie (y compris l'expérience
de chantiers de fouilles) est utile à la réussite de cet effort, tout comme l'est chez
l'archéologue la sensibilisation aux problèmes de conservation (leurs enjeux, leurs
limites). Les interventions de conservation-restauration doivent atteindre à un
compromis difficile :
— participer à une stratégie archéologique dans l'étude des objets ;
— préserver la possibilité de confrontations successives entre diverses stratégies ;
— travailler à la diffusion des résultats de l'archéologie à travers le support matériel
des objets ;
— éventuellement respecter d'autres relations à l'objet que la relation archéologi-
que.
Ainsi comprises, il ne nous semble pas que ces interventions puissent se
confondre avec une forme d'« archéologie de l'objet », ni qu'elles se démarquent
fondamentalement de ce qui a cours dans le domaine élargi de la conservation des
biens culturels. Mais elles s'adaptent, dans leur contenu et dans leurs objectifs, que
nous allons résumer à présent, à la nature particulière des objets archéologiques.
Les interventions de conservation-restauration en archéologie

Si l'on a le projet de mener à bien la conservation des documents que va livrer


une fouille, le travail requis commence avant l'ouverture du chantier et se poursuit
bien après. Pour en présenter les aspects concrets, il peut être commode de
distinguer les étapes liées à la recherche archéologique sur le terrain et celles qui
peuvent se dérouler à quelque distance, dans le temps ou l'espace, de la fouille
elle-même. Mais nous avons préféré ici mettre l'accent sur les différents types
d'interventions qui constituent l'éventail des moyens d'action disponibles en
conservation-restauration.

Préparation du chantier
Pour intervenir de façon adaptée sur un chantier de fouilles, un minimum de
préparation est nécessaire.
Quels seront les besoins, en termes de conservation ? Plus on peut les prévoir
avec précision, mieux on peut organiser efficacement le parcours sans risque des
objets, du sol jusqu'à leur lieu d'affectation définitive.
Les informations à réunir concernent à la fois la fouille elle-même et l'environne-
ment dans lequel elle se déroule :
— quel type de site, de quelle époque... : à quel genre de trouvailles s'attend
l'archéologue, le matériel exhumé sera-t-il abondant, diversifié, etc. On voit bien
les conclusions qui peuvent être tirées de diverses situations (une villa gallo-romaine,
une zone d'artisanat médiéval en milieu urbain, une carrière, des sépultures
néolithiques... ne livreront pas le même type d'objets ni les mêmes quantités globales
de matériaux) ;
— quel est le contexte particulier de la fouille : durée de la campagne, locaux
disponibles (provisoires ou définitifs), approvisionnement en eau et en électricité,
destination finale des objets et conditions de leur étude archéologique (sur place
ou ailleurs, immédiatement ou après la fouille...), ressources locales en équipements
et produits, composition de l'équipe archéologique, possibilités sur le terrain ou
après de recourir à des laboratoires et des personnes spécialisés, pour les moulages
et les prélèvements par exemple, ou l'étude d'un matériel défini (céramologie,
anthropologie, etc.) ;
— les particularités du projet archéologique retentiront-elles sur les problèmes de
conservation : prévoit-on l'analyse systématique en laboratoire de tel ou tel type
de matériau ; la mise en œuvre de telle ou telle méthode de datation ; envisage-t-on
l'aménagement ultérieur du site ou d'un musée de site ; les fouilles seront-elles
visitées par le public...
— enfin quel type de climat et quel type de milieu d'enfouissement va-t-on
rencontrer : si la première question trouve assez aisément réponse, la seconde
engendre souvent plus de perplexité que d'éclaircissements. Il y a quelques situations
connues et grossièrement prévisibles : tourbières, fouilles sous-marines, sol aride,
grottes ou cavités construites correspondant à des phénomènes naturels ou des
aménagements humains déjà étudiés et comparables... Mais dans beaucoup de cas,
on ignore presque tout du sol qui va être fouillé et de son histoire. On peut alors
puiser quelques informations dans une carte des sols de la région concernée
(Dupuis, 1967 ; FAO/UNESCO, 1975), ces cartes donnant une vision synthétique
de la couverture pédologique, et rechercher l'existence éventuelle d'une carte
factorielle intéressante réalisée à plus petite échelle (cartographie des pH, par
exemple). Mais ces cartes sont d'une aide limitée pour l'archéologue ou le
conservateur généralement peu (ou pas du tout) formés à leur interprétation. Leur
consultation est pourtant un des seuls moyens de détecter à l'avance le problème
particulier que pourrait présenter un sol encore inexploré et surtout d'engager le
dialogue avec un pédologue capable d'en tirer des enseignements plus précis et
d'indiquer les observations complémentaires à réaliser sur le terrain pour identifier
la nature du milieu d'enfouissement rencontré.
L'ensemble de ces éléments permettent d'imaginer ce que sera techniquement le
travail de conservation sur un chantier et dans quelle perspective il s'inscrira. On
peut dès lors prévoir les équipements et matériaux nécessaires, établir une première
estimation budgétaire. Enfin il s'agit surtout d'intégrer sans heurt ce travail dans
le projet archéologique lui-même, en gérant au mieux les contraintes pratiques qu'il
risque de faire peser sur la fouille.

Conditionnement des objets


Conditionner les objets exhumés pour éviter leur réaction brutale au changement
du milieu est l'essentiel du travail de conservation sur le terrain. Concrètement,
cela implique de veiller dès leur sortie du sol à ce que leur manipulation, leur
emballage, leur rangement, l'aménagement de leur lieu de stockage, leurs transports
éventuels se déroulent dans des conditions qu'ils soient capables de supporter sans
dommage.
L'organisation à mettre en place doit être étroitement liée au système d'enregistre-
ment des données archéologiques qui a cours sur le chantier : dans la perspective
archéologique, nous l'avons vu, la conservation des références est aussi importante
que celle des objets. Mais la conservation des derniers suppose dans le stockage un
regroupement par matériau, et non par contexte : les modalités de l'enregistrement
doivent en tenir compte.

D é g a g e m e n t et prélèvement
On peut rencontrer lors de la fouille certains vestiges trop fragiles pour être
exhumés par les moyens habituels. Des techniques de consolidation sur place ou
de prélèvement « en motte » sont alors requises. Les dernières conduisent à mener
ultérieurement la véritable fouille des matériaux ainsi prélevés, dans de meilleures
conditions que ne l'autorise le travail sur le terrain et sans retarder l'avancement
du chantier. On peut donc y avoir aussi recours pour des raisons purement
archéologiques, lorsque se présentent des documents intéressants à dégager avec
une finesse et une précision impossibles à mettre en œuvre sur la fouille même.
Lors du travail quotidien de dégagement, une attention continue à l'état de
conservation des vestiges est par ailleurs toujours souhaitable : risquent-ils de
s'altérer, lorsque exhumés en tout ou en partie ils sont laissés en place le temps
d'explorer l'ensemble auquel ils appartiennent ou d'effectuer les relevés et autres
procédures d'enregistrement nécessaires ?
Enfin il y a parfois lieu sur le terrain d'orienter les méthodes de dégagement et
d'enregistrement en fonction du travail de conservation prévisible : par exemple,
la position des fragments d'un objet brisé en place peut être de peu d'importance
archéologique, mais faciliter considérablement, quand elle est connue (photo-
graphie, relevé, ordre du ramassage), le travail ultérieur de remontage. La fouille
des structures effondrées doit aussi tenir compte d'un éventuel projet de remontage
(ou d'anastylose). En retour, certaines interventions avant tout conservatoires, les
déposes par exemple, sont à mener aussi en tant qu'opérations de recherche
archéologique : il ne faut pas placer l'archéologue quand on peut l'éviter devant le
dilemme de détruire un objet pour accéder à certaines informations, ou de les
sacrifier à sa conservation.

Moulage
Trace d'outil sur une paroi, empreinte dans le sol, ensemble formé par une série
de vestiges qui seront prélevés un à un : la fouille peut mettre à jour des indices
ou des situations « imprélevables » et qu'elle va parfois bientôt détruire. Dans
certains cas, ils peuvent être moulés. En un sens, ces moulages, tels que les
préhistoriens les pratiquent depuis longtemps, relèvent plus de l'enregistrement des
données de la fouille que de la conservation à proprement parler : ce sont, parmi
d'autres, des techniques qui visent à produire un substitut étudiable et archivable
de ce qui va disparaître, au même titre que les dessins, les relevés, les photographies
faites sur le terrain. La réalisation d'un moulage, ce n'est pas la conservation d'un
objet, c'est la fabrication d'un document de fouille particulier. Cependant les
techniques employées ne sont pas sans lien avec la conservation : d'abord parce
qu'elles ne doivent pas altérer les objets ou les vestiges qui, moulés en situation,
seront après conservés isolément ; ensuite parce qu'on les emploie aussi pour
préserver des objets fragiles que leur manipulation mettrait en danger mais dont
l'archéologue doit pouvoir disposer pour les étudier, les communiquer, enseigner
ou présenter ses travaux (Chavigner, 1987). Les techniques de moulage servent
donc à la fois l'archéologie, la conservation des objets, la conservation et la
diffusion des informations archéologiques. Elles peuvent répondre, dès le chantier
mais aussi après, à de multiples objectifs.
On leur assimile souvent (Soulier, 1987) les prélèvements superficiels de parois
stratigraphiques, effectivement réalisés par des techniques qui s'apparentent à celles
du moulage. Mais il s'agit bien là de conserver un matériau archéologique menacé
(la stratification du sol fouillé) en réalisant son transfert partiel sur un support
mobile. Il est aussi possible de prélever et de conserver des blocs de sédiments
stratifiés.
Avec les différentes tâches évoquées jusqu'ici, effectuer les dégagements délicats
et surveiller les autres, réaliser certains prélèvements et déposes, mouler certains
vestiges précaires, conditionner les matériaux prélevés en fonction de leurs conditions
de stockage, éventuellement de leur transport, enfin protéger ceux qui restent in situ,
y compris lors de la fermeture du chantier (définitive ou entre deux campagnes), nous
avons fait le tour du travail de conservation indissociable de la fouille archéologique.
Tout le reste pourrait, en théorie, se dérouler ailleurs ou dans un deuxième temps,
après que les objets aient été acheminés dans des laboratoires compétents. Mais
en pratique, une première étude des objets, menée parallèlement à la fouille,
influençant sa progression et sa compréhension immédiate, est presque toujours la
règle. Elle nécessite un minimum de traitements, qui ne doivent pas compromettre
ceux qui seront ultérieurement entrepris.

Identification, nettoyage
L'identification des « trouvailles » est évidemment un préalable à toute étude
archéologique comme à toute intervention de conservation. Derrière ce terme
générique, on peut envisager bien des degrés d'observation et de recherche : quel
matériau ? Manufacturé ou non, d'origine ou transporté ? Quelle forme, quel
objet ? Traces d'usure, décor, inscription ? L'identification du matériau, pas
toujours aussi facile qu'on pourrait le croire, permet d'orienter le choix des
méthodes de nettoyage souvent indispensable à la reconnaissance des autres
caractères.
Le nettoyage, c'est, en principe, l'élimination de tout ou partie des produits
d'altération qui masquent un objet ou lui nuisent (ou les deux). Irréversible par
définition, le nettoyage des objets est souvent entrepris sur le chantier, pour
autoriser leur lecture immédiate et leur première étude, faciliter leur stockage,
permettre de décider leur orientation ultérieure. Il est souvent plus facile au sortir
du sol qu'après quelque délai, et constitue parfois une mesure nécessaire et urgente
de conservation, quand il écarte un facteur d'altération (microorganismes, sels
solubles, etc.) que les techniques de conditionnement disponibles ne permettent pas
de contenir efficacement. Au nettoyage de base, suffisant pour faire apparaître les
caractéristiques essentielles d'un objet, peut succéder un nettoyage plus poussé et
orienté par une recherche particulière (dégager un décor, une trace d'utilisation,
éliminer les dépôts qui entravent le remontage, etc.). Mais le nettoyage est aussi et
presque toujours une opération risquée, au cours de laquelle sont en jeu un certain
nombre d'informations concernant l'objet, son histoire avant l'abandon, les
circonstances de celui-ci, le contexte d'enfouissement : il y a donc lieu de décider
d'un nettoyage en tenant compte de tout ce qu'il peut apporter mais aussi de tout
ce qu'il peut faire disparaître irrémédiablement.

Consolidation et remontage, stabilisation, protection de surface


Par consolidation, on entend habituellement toutes les interventions qui redonnent
à un matériau une cohésion suffisante pour supporter les contraintes mécaniques qui
ne peuvent lui être évitées : supporter son propre poids sans effondrement, effritement
ou déformation, pour commencer ; mais aussi le cas échéant, supporter les
manipulations, subir un nettoyage, etc. Il y a de multiples techniques de consolida-
tion, du refixage superficiel à la pose de pièces étayant ou renforçant les zones
sensibles d'un objet ou d'un assemblage, en passant par des opérations de doublage,
d'imprégnation en profondeur... Certaines de ces techniques, parfaitement réversi-
bles, autorisent des consolidations temporaires, utiles sur le chantier pour permettre
une première étude ou un transport sans risque des objets. Mais lorsqu'un
produit consolidant est véhiculé dans un matériau, altéré au point de risquer la
désagrégation, pour l'imprégner et lui conférer après durcissement une nouvelle
cohésion interne, l'intervention n'est guère réversible. En admettant que le consoli-
dant utilisé reste durablement soluble dans des solvants susceptibles d'agir sélective-
ment (c'est-à-dire sans effet sur le matériau lui-même), la mise en œuvre de son
élimination est techniquement très difficile : plus le matériau imprégné est dégradé,
moins il est capable de la supporter. Mieux vaut donc considérer une imprégnation
réalisée sur le chantier comme une étape, parfois inévitable, toujours définitivement
franchie, de la consolidation que nécessite un objet et se limiter à ce qui lui est
strictement indispensable dans les conditions de conservation et d'utilisation du
terrain. Si nécessaire, la consolidation est reprise ultérieurement en laboratoire et
adaptée à des circonstances rarement prévisibles dès la fouille : stockage simple,
affectation à des collections consultables, exposition...
Il est tout à fait fréquent qu'un certain nombre de « remontages » soient entrepris
sur le chantier, parallèlement à la fouille. Remonter c'est rassembler et remettre en
place les différents fragments jointifs d'un même ensemble et rétablir ainsi la continuité
formelle du tout auxquels ils appartiennent. Pour certains objets, les céramiques, les
verres par exemple, remontage et identification des formes sont étroitement
liés. C'est pourquoi, si leur typologie est une source importante d'informations
immédiates pour l'archéologue, un premier remontage est effectué très tôt. Il peut
être simple (quelques éléments trouvés ensemble) ou complexe lorsque s'imposent
une recherche et un tri entre les multiples fragments issus de plusieurs objets
comparables. Mais la découverte de plusieurs fragments jointifs trouvés dans des
couches ou des contextes distincts est aussi une source importante d'informations
archéologiques.
Un remontage peut parfois n'être que provisoire : les fragments sont replacés
sans être collés ni fixés d'aucune manière durable, le temps d'un relevé, d'un dessin,
d'une photographie. Effectué sur le terrain, il doit être en tout cas facilement
réversible, car il sera presque toujours ultérieurement à reprendre, par exemple
pour permettre certaines observations négligées dans un premier temps, ou pour
placer des éléments complémentaires trouvés plus tard, ou encore pour restaurer
l'objet.
Les interventions de stabilisation consistent à bloquer par un procédé agissant sur
le matériau lui-même les évolutions chimiques dont il est le siège. Le terme stabilisation
est essentiellement lié au traitement des métaux archéologiques, mais il peut être
appliqué à tout ce qui s'oppose à une altération évolutive, d'ordre chimique ou
biochimique (par opposition à la consolidation, mécanique), par une action directe
sur les matériaux constitutifs (par opposition au conditionnement). Certaines
techniques de stabilisation peuvent s'appliquer à des séries d'objets vierges de tout
autre traitement et permettre leur stockage provisoire en l'état. On peut aussi avoir
recours, sur des objets dont le nettoyage est considéré comme achevé, à une
protection de surface, barrière physique qui s'oppose, plus ou moins sélectivement,
aux échanges avec le milieu.

Restauration

La restauration s'attache à l'apparence finale de l'objet après traitement, du


point de vue de son esthétique et de sa lisibilité. Toutes les interventions déjà
énumérées influencent cet aspect final : si la restauration est un objectif du
traitement, toutes les étapes du travail doivent en tenir compte. Certaines décisions,
notamment la reconstitution d'objets très lacunaires, la reprise des parties man-
quantes, le choix d'un aspect de surface, ressortent plus nettement de la seule
restauration. La restauration suppose une appréciation subjective de ce que l'objet
peut donner à voir et à comprendre et qu'il s'agit de rendre accessible et de mettre
en valeur. Cette appréciation peut d'ailleurs varier selon le « public » auquel est
destiné l'objet et les intentions avec lesquelles il est présenté.

Ainsi nous voilà au terme des multiples parcours qui conduisent de l'objet
exhumé à l'objet conservé et parfois restauré. Nous avons essayé de présenter ici
schématiquement les différentes interventions qui jalonnent ce parcours, sans autre
intention que de faciliter la lecture des chapitres qui suivent. Les définitions
proposées ici sont un simple outil de communication, conçu pour cet ouvrage
collectif, et certainement pas l'esquisse d'un dogme, ni même d'un vocabulaire
normatif à bien des égards encore inaccessible.
L'objet perd-il en route un peu de sa « teneur archéologique » ? Sans doute. On
ne peut en conserver toutes les virtualités. Tous les objets doivent-ils suivre un
parcours identique ? Certainement pas.
Alors qui va orchestrer les choix à faire ?
Une manière de conclusion personnelle

Dans certains pays plus que dans d'autres, particulièrement plus que dans le
nôtre, la conservation archéologique a une histoire, déjà (Corfield, 1988). Et cette
histoire ne se confond pas avec celle de l'archéométrie par exemple, même si
elle est étroitement liée à ce qu'on pourrait appeler la science des matériaux
archéologiques. Les premières méthodes de traitement des bois gorgés d'eau
apparaissent au Danemark, au milieu du dix-neuvième siècle. Les travaux effectués
dans ce pays par Georg Rosenberg à partir de 1890 sur le contrôle de l'environne-
ment, la conservation des matériaux organiques et surtout des métaux ont apporté
des acquis décisifs. A Berlin en 1888, à Londres au début du vingtième siècle, des
chimistes sont appelés par les archéologues pour étudier et combattre les causes
de l'altération des objets trouvés en Egypte. Les premiers ouvrages généraux qui
traitent de la conservation des antiquités sont parus avant la deuxième guerre
mondiale (Lucas, 1924 ; Plenderleith, 1934). C'est sous la direction d'un grand
archéologue, Sir Mortimer Wheeler, que l'Institut d'Archéologie de Londres
introduisit un enseignement de la conservation, d'abord destiné aux étudiants en
archéologie, puis à de futurs spécialistes de la conservation archéologique (Gedye,
1987 ; Hodges, 1987 a).
Et aujourd'hui ? L'intégration de la conservation-restauration dans les projets
archéologiques, dès la fouille et jusqu'à la publication, est devenue dans beaucoup
de pays une pratique courante : en Suède, au Canada, en Grande-Bretagne, par
exemple. Dans ce dernier pays, il semble possible de mobiliser aux côtés des
archéologues, sur un objectif précis et particulièrement intéressant, quelques
vingt-deux conservateurs-restaurateurs, comme ce fut le cas entre décembre 86 et
octobre 87 sur le site de Haddendam (Price, Macqueen, 1988). La France serait
encore bien en peine de réunir un tel effectif sur une simple liste professionnelle,
mais la conservation archéologique s'y développe depuis quelques années avec
vigueur : ce livre est aussi fait pour en témoigner. Ici, comme ailleurs, ce
développement repose d'abord sur la prise de position active des archéologues,
dans les universités, les directions des antiquités, les grands chantiers de fouilles
urbaines (chap. XI). L'apport de la conservation archéologique à la connaissance,
notamment technologique, des vestiges du passé, est indiscutable. On découvre
même couramment de l'intérêt à certains matériaux que nous sommes aujourd'hui
capables de conserver (cuirs et peaux, par exemple), autrefois connus seulement
par des trouvailles exceptionnellement bien préservées. La conservation-restauration
devient aussi l'indispensable compagne de l'archéologie dans tous ses développe-
ments médiatiques...
Mais en contre-point, certaines évolutions récentes de l'archéologie semblent
parfois l'éloigner du problème de la conservation des vestiges qu'elle étudie.
« Longtemps encore, l'étonnement naïf devant la découverte qui parle d'elle même
ou la volonté de « sauver » à tout prix les traces du passé (dans leur réalité
matérielle, sinon dans leur signification), empêcheront l'archéologie d'acquérir un
statut réellement scientifique ». (Gallay, 1986, p. 154). « ...comme toute archéologie,
celle du moderne et du contemporain vise à la connaissance et à la compréhension,
et sans avoir de droit, pensons-nous, à se soucier de la conservation, surtout pas
comme on le va répétant, de la conservation patrimoniale. » (Balut, Bruneau, 1987,
p. 81). Ces deux points de vue trouvent bien sûr leur origine et leurs justifications
dans des analyses essentiellement différentes. Mais s'ils venaient à converger dans
leurs implications concrètes, l'archéologie récuserait simultanément l'obligation de
préserver ce qui peut l'être et sa responsabilité dans le choix de ce qui doit l'être.
Il n'est donc peut-être pas si inutile d'aller répétant qu'aucune politique de la
conservation en archéologie n'est concevable qui ne serait aussi une politique
a r c h é o l o g i q u e . . . .
Un rappel, avant d'embarquer pour la lecture des chapitres qui suivent,
essentiellement techniques. Il y a parfois un peu de poésie, même dans les sources
écrites les plus arides de l'histoire...
J'aimerais qu'on nous laisse revendiquer un peu de ce « contenu anecdotique »
des objets évoqué plus haut.
Pour le reste, la conservation archéologique est au service de l archeologie, , , , • et donc
de ce à quoi sert l'archéologie.
CHAPITRE II

Intervention
sur le terrain :
le mobilier
F r a n ç o i s e CHAVIGNER

T o u t en c h e r c h a n t à t r a n s m e t t r e u n e expérience et u n e p r a t i q u e de terrain, le
besoin de c o n v a i n c r e t r a n s p a r a î t . Il est difficile de p r e n d r e le recul nécessaire à
l'exposé lorsque, m a l g r é le c h e m i n p a r c o u r u d a n s les mentalités, o n reste p e r s u a d é
q u e le sort d u matériel a r c h é o l o g i q u e est a u j o u r d ' h u i e n c o r e à la merci d ' u n e v o g u e
(« o n r a m a s s e t o u t ? »), de l'exiguïté d ' u n local, d ' u n b u d g e t (où le c h a p i t r e
c o n s e r v a t i o n n'existe pas), d ' u n s n o b i s m e qui, p o u r se d é m a r q u e r d ' u n a m a t e u r i s m e
t r o p sensible a u « bel objet », hiérarchise les sources d ' i n f o r m a t i o n s en privilégiant
celles qui s o n t censées être m o i n s accessibles, plus c o m p l e x e s , d o n c plus nobles,
telle u n e belle stratigraphie...
L a p r a t i q u e de la p e r s u a s i o n en m ê m e t e m p s q u e celle de l ' i n f o r m a t i o n d a t e r a
u n j o u r ce travail. C a r , n o u s en s o m m e s c o n v a i n c u , n o u s p o u r r o n s b i e n t ô t n o u s
p a s s e r de la p r e m i è r e p o u r m i e u x n o u s c o n s a c r e r à la seconde.
Le c o n f o r t a t t e n d u n a î t r a n o n s e u l e m e n t d u d é v e l o p p e m e n t des t r a v a u x de
recherche en l a b o r a t o i r e et des a p p o r t s des spécialistes, les c o n s e r v a t e u r s -
r e s t a u r a t e u r s , m a i s aussi de la c o n f r o n t a t i o n des t r a v a u x de terrain, i r r e m p l a ç a b l e s
p a r la s o m m e d ' e x p é r i e n c e s c o n c r è t e s q u e cela représente, d a n s u n d o m a i n e v o u é
à l ' e m p i r i s m e p o u r u n m o m e n t encore. D ' a u t r e s p a y s m o n t r e n t la voie : l ' A n g l e t e r r e ,
l ' A l l e m a g n e , la Suisse, l'Italie, le D a n e m a r k . D a n s ces pays, privilégiés il est vrai
d a n s la politique de c o n s e r v a t i o n , les c o m p t e s r e n d u s d ' e x p é r i e n c e s et de m é t h o d e s
ne m a n q u e n t pas. O n les t r o u v e r é g u l i è r e m e n t d a n s des revues c o m m e The
C o n s e r v a t o r , publiée a n n u e l l e m e n t p a r l ' I n s t i t u t p o u r la C o n s e r v a t i o n d u R o y a u m e
U n i ( U . K . I . C . ) , o u c o m m e D e r P r â p a r a t o r , édité p a r la Société suisse des
p r é p a r a t e u r s et r e s t a u r a t e u r s ; l ' U . K . I . C . diffuse à l ' i n t e n t i o n des a r c h é o l o g u e s u n
petit guide p r a t i q u e des p r e m i e r s gestes (First A i d f o r F i n d s , 1987), déjà édité à
plusieurs reprises. D e u x colloques i n t e r n a t i o n a u x o n t aussi m a r q u é r é c e m m e n t
l ' é v o l u t i o n de n o t r e discipline, à C h y p r e en 1984 (Stanley Price, 1984), à G a n d en
1986 ( I C C R O M , G a n d , 1986). A u v u de l'activité qui se déploie ainsi à l ' é t r a n g e r ,
les t r a v a u x français restent bien maigres... M a i s l'élan est d o n n é : en 1987 à S a i n t
Denis, une des Journées Archéologiques de Paris Ile-de-France a réuni quatre cent
personnes sur le thème de la conservation (Saint-Denis, 1987).
Profitons donc (il en est encore temps !) de la jeunesse de la discipline pour
proposer et nous permettre des partis-pris.
1) Les interventions de conservation sur le terrain sont en premier lieu au
service de l'archéologie. Il n'y a donc aucune raison qu'elles viennent interférer ou
entraver directement les méthodes ou le déroulement de la fouille, pas plus que
chaque nouvelle technique introduite sur le terrain ne l'a fait jusqu'ici, que ce soit
l'usage du théodolithe, de l'appareil photographique, ou la prise de coordonnées
cartésiennes. Il s'agit simplement d'instaurer des habitudes qui s'ancreront d'autant
mieux qu'elles auront démontré leur efficacité et leur côté non perturbant pour le
déroulement du chantier. Bien sûr, l'occasion de déterminer l'état d'un objet, de
préserver, de consolider, se présente à chaque étape de la fouille, de l'exhumation
au transport, et les interventions qui en découlent — et ce n'est pas un paradoxe
— sont sources d'une économie de temps. Nous irons jusqu'à dire qu'une certaine
standardisation des gestes et des méthodes conduit à une gestion et une organisation
plus rationnelles. Le développement de grands chantiers ne permet plus de
tergiverser : nous prédisons (et préconisons) la fin de la cagette à légumes sur le
terrain de fouilles !
2) Un autre parti pris passe par un constat simple : nous pouvons évaluer à
95 % la proportion de matériel archéologique prélevé quotidiennement sans
intervention d'urgence destinée à en assurer la préservation. Il existe deux
hypothèses : soit cette masse de matériel, souvent composée de séries volumineuses
et diversifiées (céramique, os, bois), ne pose aucun problème majeur de conservation
(ce qu'il faut reconnaître aussi sûrement que le contraire), soit des séries entières
sont compromises dans leur étude et leur exploitation (à court et à long terme), à
moins que les « gestes qui sauvent » n'aient été assurés sur le terrain. Les gestes
que nous proposons relèvent de la méthode, non de l'intervention d'urgence, que
l'on réserve bien sûr aux 5 % du matériel dont nous n'avons pas encore parlé, ceux
qui rassemblent tous les ingrédients d'un scénario catastrophe : c'est, par exemple,
la tombe à char exhumée le dernier jour de la campagne de fouilles, lorsque
vrombissent déjà les pelleteuses du chantier de construction... Urgence et recours
à un spécialiste iront de pair.
Mais, puisque la qualification des intervenants sur un chantier de fouille se
diversifie — il y a des géologues-archéologues, des palynologues-archéologues, des
anthropologues-archéologues, des géomètres-archéologues, des architectes-
archéologues — pourquoi ne pas faire appel à des restaurateurs-conservateurs-
archéologues ?
3) Les matériaux mis au jour sur un terrain de fouille sont de nature très variée
— variété que l'on rencontre d'ailleurs dans les périodes préhistoriques (graines,
bois, cuirs, etc.) aussi bien qu'historiques. Certains sont représentés évidemment
dans des proportions plus grandes que d'autres : l'os et la céramique plus que
l'ambre, par exemple. Dans le texte qui suit, nous ne respecterons pas cette
représentation proportionnelle, car les matériaux majeurs font l'objet de développe-
ments auxquels les interventions de terrain renvoient logiquement. En revanche,
quelques matériaux comme le lignite ou l'ambre, rarement décrits et dont le sort
est particulièrement précaire, nous retiendront plus longuement.
4) Les méthodes proposées ne sont volontairement ni d'une grande technicité,
ni d'une haute sophistication. Entre deux méthodes, autant choisir la plus simple.
En ne proposant que deux types de consolidant — un copolymère acrylique (le
Paraloïd B72) et une résine acrylique en dispersion colloïdale (le Primai WS24) —
parmi la gamme très vaste de résines synthétiques dont disposent les professionnels
actuellement, nous entretiendrons sciemment un effet de mode, de la même façon
que l'acétate de polyvinyle (ou Rhodopas) fut et est encore largement utilisé sur le
terrain. Le matériel a beaucoup à gagner à cette homogénéité, car d'une part il
s'agit de produits testés et éprouvés dans le domaine spécifique de l'innocuité, la
réversibilité et l'efficacité en conservation, mais aussi parce qu'il est plus aisé de
disposer de produits que l'on connaît bien, au comportement et aux possibilités
desquels on s'est habitué, et de les exploiter rapidement au maximum de leur
efficacité, plutôt que de se disperser dans des essais comparatifs d'autant moins
fiables qu'ils sont improvisés.
A notre sens, un conditionnement adapté fait partie des méthodes simples et
sûrement efficaces, et nous y insisterons beaucoup.
5) De la même façon que nous proposons à chaque instant une attitude
pragmatique devant le matériel (qui donne le meilleur rôle à la binoculaire plutôt
qu'à la théorie), nous avons voulu nous placer dans une situation réelle plutôt
qu'idéale. La schématisation est rassurante, mais elle répond mal à la variété des
situations et des problèmes rencontrés sur le terrain. Lorsque la création de
catégories est artificielle, une place se trouve entre les lignes pour l'objet non
sériable, auquel un traitement qui ne lui était pas destiné conviendra. Nous avons
aussi souvent renoncé à la phrase salvatrice : « dans ce cas, faites appel à un
spécialiste » (ce qui représenterait, dans bien des cas, un solution idéale). Pourquoi
ne pas compter sur le bon sens, la méticulosité, le sens de l'observation de
l'archéologue, mais aussi sur sa capacité à reconnaître la limite de ses compétences ?
L'expérience du terrain de la fouille et la familiarité avec le mobilier qui peut en
sortir sont en pratique d'excellents atouts pour gérer au mieux les difficultés qui
jalonnent le parcours des objets, du sol à leur exploitation archéologique (cf. Aide
Mémoire n° 1).

UN PARCOURS A RISQUE

L'itinéraire des objets sur le terrain passe par une suite d'étapes obligées. Elles
relèvent d'une série de méthodes et de techniques systématisées et longuement
rodées au fur et à mesure de l'évolution de la discipline scientifique qu'est
l'archéologie. Ces étapes sont le dégagement, l'enregistrement, le prélèvement, le
lavage, le tamisage, le marquage, le conditionnement, le transport ; en somme,
toutes les manipulations qui sont indispensables pour disposer d'un matériel
étudiable à la clôture du chantier. Les aspects techniques de ces étapes sont
rarement mis en question et forment en général la partie la plus stable de
l'organisation du chantier. Ce sont des repères en quelque sorte, tandis que la
fouille doit s'adapter à nombre d'aléas dans d'autres domaines (contraintes
extérieures, délais, climat, géologie, etc.).
Si l'on considère que l'objectif idéal de la recherche est bien de disposer d'un
matériel que l'on puisse replacer dans les conditions exactes où il se trouvait avant
le dégagement — c'est bien ce à quoi visent tous les enregistrements spatiaux,
relevés photographiques, plans, etc. —, il faut peut-être reconsidérer ces techniques
dans leur détail afin d'éviter ou de limiter leurs effets néfastes. Pourquoi ne pas
chercher également à disposer d'un matériel intact de toute manipulation qui
garderait ainsi une sorte de « fraîcheur » du gisement ?
Avant la fouille

La circulation d'engins lourds — pelles mécaniques, tracto-pelles, camions —,


qui effectuent souvent les premiers décapages, provoque des vibrations et le
tassement du sol sur une profondeur variable en fonction du poids, de la surface
de contact de l'engin, de la nature, de la porosité et de l'humidité du sol. Certains
morcellements et fragilisations sur place des objets enfouis peuvent être mis en
relation avec ces passages d'engins. Leur circulation devrait donc être limitée dans
la mesure du possible : on peut chercher à répartir les charges au moyen de
planchers ; on peut aménager un itinéraire obligé. Dans le même ordre d'idée, mais
à une profondeur nettement moindre, le piétinement tasse et morcelle inutilement ;
à défaut d'une circulation sur passerelle, un plancher répartit les charges.
Il est fréquent qu'une zone, une coupe, une portion de site ne fasse pas
l'objet d'une fouille continue (interruption entre deux campagnes, conservation de
témoins). Les zones mises à nu sont exposées, selon le climat ou les saisons, au gel
ou à une dessiccation poussée et parfois aux deux phénomènes successivement. Il
se produit alors des cycles d'imbibition (pluies), d'éclatement des structures (gel),
d'évaporation, de déformation, de rétraction. En se rétractant, le sol exerce
d'importantes contraintes ; ceci est particulièrement sensible pour les sols argileux.
L'apport de déblais de fouilles sur ces surfaces est une protection thermique et
hygrométrique efficace. En cours de fouille, les couches devront être fréquemment
arrosées afin que le sédiment ne soit pas trop dur. On procédera à ces arrosages
le plus tôt et le plus continûment possible, de façon à ce qu'il n'y ait pas d'étape
sèche.

Le dégagement

La nature des outils utilisés et le rythme du dégagement ressortent de choix dans


l'organisation et les techniques de fouille. C'est un compromis entre les nécessités
de la fouille et celles de la conservation.
Les dégagements lents d'ensembles vastes ou complexes exposent le matériel
exhumé à une attente prolongée sur le terrain, parfois dans des conditions
climatiques qui peuvent lui être néfastes car la plupart des vestiges sont sensibles
à la déshydratation. En général, s'ajoutent les délais d'enregistrement, qui sont
parfois plus longs que nécessaire : couverture photographique en attente du bon
éclairage ou de l'entier dégagement de la zone... ; choix des méthodes et des
fournitures pour le prélèvement, l'emballage, le transport... ; tentation, s'il s'agit
d'une découverte exceptionnelle, de ne pas la soustraire trop vite aux yeux des
collègues et visiteurs...
La documentation réunie pendant cette étape, en particulier les photos et
macrophotos de détail, accompagnée des premières observations (« boucle de
ceinture dans une zone de terre noire organique », « céramique à surface fragile »,
« possibilité de décor ocré », etc.) constitue un ensemble de documents très utiles
au moment des traitements de conservation.
Il faut éviter au matériel les chauffages ponctuels (lampes), les circulations d'air,
les effets de serre par l'aménagement des infrastructures du chantier ou la protection
des objets. Il est possible de freiner un temps l'évaporation en recouvrant les objets
d'un film de polyéthylène. Il ne s'agit pas d'une bâche, plus lourde et plus
imperméable que le film, sur laquelle la condensation s'opérerait immédiatement
(l'eau s'égoutte sur les vestiges et sur le sol et crée des surfaces détrempées). Ce
film est posé au contact des vestiges et maintenu au sol avec un peu de sédiment.
Une feuille d'aluminium peut être superposée, en laissant un espace de quelques
centimètres entre les deux films pour freiner les échanges thermiques : c'est le
principe des couvertures de survie — hypothermiques — utilisées pour les accidentés.
Ces dernières peuvent d'ailleurs fort bien être employées ; elles ont l'avantage
d'être réutilisables. Cette protection, de plus, signale visuellement l'urgence des
prélèvements.

Le p r é l è v e m e n t

Il est entendu que la plupart des vestiges sont simplement ramassés. En les
dégageant en légère sape, les adhérences avec le sol sont diminuées et les conditions
d'extraction meilleures. Si le sol est humide, on peut apporter un léger excès d'eau
pour diminuer encore cette adhérence. Dans ce cas, il faut se servir du dégagement
en sape pour humidifier sous l'objet, jamais dessus. Nous exposerons plus loin
quelques techniques possibles de prélèvement pour des objets complexes ou fragiles.
Le fouilleur prélevant des séries d'objets ne posant pas de problèmes majeurs
dispose souvent de sachets individuels et de contenants (seaux ou boîtes). Il est
aisé de se procurer des boîtes de polystyrène expansé avec couvercle, pour éviter
encore une fois l'exposition au rayonnement direct du soleil et l'évaporation rapide.
Dans le même esprit, les objets découverts en milieu humide peuvent, sans avoir
de tri préalable à faire, être systématiquement déposés, après avoir été dûment
ensachés et étiquetés, dans un seau d'eau à proximité du fouilleur. On veillera à ce
que les sachets polyéthylène (type Minigrip) soient hermétiques et fermés de façon
à ce que l'eau n'y pénètre pas. La proximité de l'eau assure de façon simple un
taux d'humidité environnant constant (100 %) et une température plus fraîche que
la température extérieure. On utilisera une encre indélébile et des étiquettes en
polyéthylène non tissé imputrescibles et indéchirables (Tyvek). Les références
portées sur les étiquettes suivront l'objet à chaque étape, sans qu'il soit nécessaire
de les recopier. Elles pourront même, plus tard, séjourner dans les bains de
traitement.
D'autre part, le seau d'eau permet au fouilleur de réhumidifier si nécessaire un
objet en cours de dégagement et, si sa curiosité reste plus forte que toutes les
considérations de préservation, il vaut mieux un léger rinçage qu'un grattage à
l'ongle ou avec un outil.

Le tamisage

Le tamisage est, selon les chantiers, systématique ou occasionnel. Il est effectué


sous l'eau ou à sec. Du point de vue de la conservation, il apparaît qu'un tamisage
à l'eau est plus rapide et donne lieu à moins de frottements qu'un tamisage à sec
— ce qui est essentiel si on veut étudier les traces d'utilisation sur le silex par
exemple. Les objets sont plus facilement visibles et les petits éléments aisément
récupérables. Un tamisage à sec induit plus de frottements, d'où une casse et une
érosion plus importantes.
Le tamisage est conseillé aux environs de tout vestige morcelé ; il ne faut jamais
sous-estimer les possibilités de recollage quelle que soit la taille des fragments. Le
remontage est parfois beaucoup plus long sans ces petits éléments et le tri, s'il a
lieu, doit s'effectuer uniquement lors du remontage. Il n'y a pas de limite de taille
des morceaux, s'ils ne sont pas érodés ni imprégnés par des résines consolidantes.
Le lavage

Le lavage n'est pas anodin. Il n'y a pas de différence entre un lavage et ce que
l'on appelle un traitement : on utilise un solvant — l'eau — et des moyens
mécaniques — la brosse ou le pinceau. Il s'agit même d'un traitement irréversible,
mais on ne peut s'en passer.
Il convient de faire une différence entre le lavage définitif précédant le stockage,
l'étude ou la présentation d'objets qui ne nécessiteront pas de traitement (certaines
céramiques, os, silex), et un simple rinçage qui permet de procéder au tri en vue
du transport et du stockage après élimination d'un excès de terre. Les objets
destinés à un traitement rapide peuvent n'être ni lavés ni rincés. On doit toujours
envisager la présence de restes en tout genre pouvant adhérer à la surface des objets
(fibres, débris organiques, suies, pigments). Lors du lavage, il faut éviter de faire
tremper les objets qui sont souvent plus fragiles humides que secs. L'eau doit être
fréquemment renouvelée afin d'observer les changements de couleur, indices de la
présence de colorants ou de dissolution, et éviter que les sédiments éliminés ne
deviennent des abrasifs pour les objets suivants.
Pour le lavage, il faut disposer de brosses et de pinceaux de différentes duretés :
brosses à dents, pinceaux de duretés différentes jusqu'au pinceau doux. La dureté
d'une brosse à dents est bien sûr inférieure à celle de l'émail des dents à l'état frais,
mais elle est supérieure à celle de la majorité des matériaux trouvés à la fouille, y
compris certains verres et certaines céramiques. Si l'on opte pour l'usage de la
brosse à dents, on ira vérifier à la binoculaire les effets du frottement et on se
déterminera en fonction du résultat. Le lavage peut se faire avec un produit
consolidant, nous y reviendrons.
Les bains acides relèvent du traitement et ne doivent pas être effectués sur le
terrain.

Le séchage

Le séchage s'effectue en général sur place pour les vestiges non fragiles. Dans
certains cas, le maintien de l'objet à l'état humide est indispensable à sa conservation
jusqu'au traitement à court ou moyen terme. Mais la gestion de collections humides
est complexe pour de longues durées et nécessite une maintenance régulière : ces
collections sont exposées aux moisissures ; on ne peut y effectuer ni recollage ni
marquage, et l'épisode du séchage brutal est parfois simplement reporté au moment
de la photographie ou de l'étude, ce qui ne fait que déplacer le problème dans le
temps. Le stockage humide doit permettre de faire une transition sans risques entre
le terrain et le traitement même tardif.
Le séchage doit être lent, sans radiateur, à l'abri du soleil, dans une pièce à
l'ombre. Aucun vestige ne devrait sécher en un délai inférieur à trois jours, plus
longtemps si cela est possible. Le degré de séchage doit être en équilibre avec le
milieu de stockage : il est inutile de le pousser trop loin.
Lors d'un séchage lent, certains matériaux subissent un léger retrait. Une partie
des fines concrétions calcaires peuvent se détacher d'elles-mêmes.

Le marquage

Le problème du marquage est plus important qu'il ne semble. En effet, si les


objets sont mis à sécher intensivement et rapidement, c'est parce que l'on ne peut
marquer que du matériel sec, et, accessoirement, pour une question d'immobilisation
de l'espace (les cagettes sont encombrantes). Il reste donc à découvrir une encre
compatible avec un support humide et qui soit effaçable.
Le marquage doit être discret ; il se fait sur des zones préalablement isolées par
un vernis, ce qui évite à l'encre de diffuser dans les matériaux poreux.

Conditionnement, s t o c k a g e sur le terrain

Quel que soit l'espace dont le chantier dispose, il est utile d'y aménager une zone
d'emballage où seront rassemblés les contenants de toutes tailles (piluliers en verre,
boîtes transparentes, boîtes hermétiques, sachets cellophane, sachets polyéthylène,
tous au format homogène et si possible standardisé) et accessoires de conditionne-
ment (plastique à bulles, gel de silice, soude-sac, etc.). Autant de fournitures en
matière neutre, imputrescible et propre, ayant l'avantage d'être réutilisables.
L'emballage se fait à chaque instant de la fouille. Les objets ne doivent pas être
enroulés dans du papier d'emballage, mais déposés entre deux couches de papier
froissé ou de plastique à bulles de façon à les caler dans toutes les directions.
Il y a deux types d'emballages : ceux qui visent à isoler totalement l'objet de son
environnement — ce sont les emballages hermétiques — et ceux qui visent à amener
progressivement l'objet au même degré hygrométrique que le milieu ambiant.
Les emballages hermétiques humides (photos 1 et 2) sont réalisés à l'aide de
deux sacs de polyéthylène mis l'un dans l'autre et soudés. Si la maintenance de ces
conditionnements n'est pas effectuée régulièrement, il se produit un séchage lent
non contrôlé. Il existe plusieurs moyens de retarder la déshydratation des objets
ainsi stockés :
— multiplier le nombre de sachets imbriqués ;
— placer l'objet dans un sachet contenant de l'eau — on double tout de même les
sachets par sécurité ;

PHOTO 2. — E m b a l l a g e h u m i d e d a n s u n e d o u b l e enve-
loppe (sachets polyéthylène thermosoudés). (Photo
Sylvia D e L a B a u m e ) .

PHOTO 1. — E m b a l l a g e t e m p o r a i r e d ' u n m a n c h e de c o u t e a u en os à m a i n t e n i r h u m i d e . Le
c o t o n est i m b i b é d ' e a u . Les d e u x s a c h e t s en p o l y é t h y l è n e s o n t clipés ( p h o t o F. C h a v i g n e r ) .
— glisser l'objet dans un premier sachet à fermeture incorporée ; celui-ci est glissé
dans un second sachet contenant une réserve d'eau sous la forme d'un coton que
l'on entretient humide ;
— déposer le sachet soudé dans lequel on a fait un vide partiel, à l'intérieur d'un
bac d'eau.
Les emballages hermétiques secs sont des milieux déshydratés par l'action d'un
matériau absorbant l'humidité ambiante, c'est-à-dire un matériau « tampon ». Le
gel de silice, plus longuement décrit dans le chapitre X, est le plus recommandé.
Sur le chantier, on n'en exploite que les capacités déshydratantes. La quantité de
gel de silice est fonction du volume de la boîte. Il est préférable de n'avoir à
déshydrater qu'un faible volume. Les métaux, de façon générale, nécessitent un
conditionnement sec. Certains des gels de silice commercialisés contiennent un
indicateur coloré qui vire du bleu au rose lorsqu'ils n'assurent plus assez leur
fonction déshydratante. Ce changement permet de savoir à quel moment le gel
doit être régénéré (passage au four, à l'étuve, etc.).
Il est très néfaste d'utiliser des emballages hermétiques sans but précis. Les
matériaux plastiques maintiennent une humidité élevée pendant des mois. Des
objets métalliques peuvent rouiller et moisir dans des sacs polyéthylène sans
dessiccateur. Les meilleurs contenants pour les objets de petite taille sont les boîtes
en plastique transparent qui évitent d'avoir à les ouvrir pour voir ce qu'elles
contiennent.
On peut prévoir un stockage destiné au séchage lent et contrôlé des vestiges : il
s'agit d'emballages hermétiques dans lesquels on aménage quelques trous (3-4) très
fins pour que l'évaporation puisse se produire lentement.

Le t r a n s p o r t

Tous les objets sont individuellement calés ainsi que leur contenant pour éviter
les secousses, chocs et vibrations. Il ne faut pas oublier que c'est souvent dans les
véhicules que l'on peut trouver les températures extrêmes. Il est utile de mentionner
de façon visible sur la boîte la nature du contenu et sa fragilité ; il faut aussi
connaître la façon dont la voiture a été chargée et noter les boîtes à sortir d'urgence.

PRÉVOIR POUR CONSERVER

Organisation

Les chantiers de fouille sont organisés en fonction de leur durée et de leur


périodicité, des moyens financiers, des surfaces à fouiller, du nombre de fouilleurs
et de leur qualification, de la nature du site, de sa position chronologique, de sa
problématique, des structures préexistantes (locaux), des volumes présumés de
vestiges, de l'accessibilité du site (moyens de transport, routes, etc.).
Toutes ces contraintes sont compatibles avec l'organisation de la conservation
sur le terrain. La création ou l'utilisation de structures qui garantissent des
conditions climatiques optimales (stabilité, fraîcheur) assurent à la fois le confort
du fouilleur et celui du matériel. Il s'agit de locaux à l'ombre, ne recevant pas le
soleil directement, isolés avec de la laine de verre lorsque la toiture est en tôle
ondulée par exemple. Les petites structures plastique et les baraques de chantier
ont un effet de serre redoutable.
Les postes de travail doivent être organisés dans l'espace de façon à simplifier
les manipulations et les déplacements. Beaucoup de problèmes se résolvent
d'eux-mêmes lorsqu'on dispose d'un vaste volume couvert d'un seul tenant, un
hangar agricole isolé ou une grange désaffectée par exemple.
L'ensemble des matériaux d'emballage que nous proposons, et sur lesquels
reposent pour une grande part toutes les mesures que nous préconisons ici, ne sont
pas disponibles quel que soit l'endroit et sont coûteux au détail. Il est préférable
de se fournir en gros en faisant des commandes groupées.
Il est utile de prospecter et d'établir les premiers contacts avec les centres publics
ou privés qui voudront bien se charger d'éventuelles radiographies X ainsi qu'avec
les laboratoires et les spécialistes locaux de la conservation.

Identification

L'identification des objets est une étape importante pour leur préservation. En
effet, plus on va loin dans l'identification, et plus les choix sur le terrain sont
argumentés. Mais de quelle identification a-t-on besoin et de quels moyens
dispose-t-on ? Est-ce l'identification des formes, de la matière, des constituants, de
ses caractéristiques physiques et chimiques, de son état, de son comportement ? Le
processus qui mène à l'identification est complexe. Il met à contribution de
nombreux acquis aussi bien de la vie quotidienne que, dans le cas qui nous intéresse
ici, de la culture archéologique ; s'y ajoute un raisonnement déductif (comparaison,
extrapolation, approximation). A partir d'une forme, d'une époque, de la densité,
de la couleur, du contact, on reconnaît ou on ne reconnaît pas un objet. « C'est
une plaque-boucle damasquinée mérovingienne ! » « C'est une tessère en verre
bleue ! ». L'identification est instantanée. On se réfère ensuite à toutes les situations
connues de ce type d'objet (musées, publications, connaissances sur l'évolution du
fer, du verre, etc.) pour en déduire la nécessité d'un traitement, d'un stockage,
d'une stabilisation, etc. Parfois, l'identification ne se fait pas et on bute sur plusieurs
inconnues : fonction, matière, origine (os ou ivoire, bois de renne ou de cerf, buis
ou chêne, lignite ou bois...). Même si l'on ne peut identifier avec précision la
matière d'un objet, faute de moyens d'investigation et faute d'une culture universelle,
il est malgré tout possible d'en assurer la conservation. En effet, il existe de telles
variations dans l'état de conservation d'un même matériau selon les conditions de
gisement — il y a une différence considérable entre un os bien conservé et le même
os totalement déminéralisé — qu'il est évident que c'est l'état physique, observé
sur un objet donné, sur un site donné, qui apporte les indications réellement utiles.
Cet état est observable à l'œil nu et à la binoculaire. L'observation de la matière
fournit les renseignements essentiels : dureté, sensibilité aux rayures, fragilité,
porosité, présence de fentes, décollement de surface, desquamation, etc. L'intérêt
de l'identification réside dans la possibilité de prévoir le comportement de l'objet.
En cas d'hésitation (os ou ivoire ?), il faut agir comme s'il s'agissait du matériau
le plus fragile. Sur des séries importantes, il est possible d'observer le comportement
d'un échantillon placé dans les conditions prévues pour les séries à venir, mais on
ne dispose souvent pas d'assez de temps et les conséquences des essais sur le terrain
ne seront souvent visibles qu'à long terme.
Les analyses

La compréhension des gisements archéologiques repose sur l'étude de l'ensemble


des enregistrements effectués sur le terrain (photographies, plans, dessins, coupes,
etc.) et sur celle des objets découverts. Outre leur analyse typologique globale, on
peut mener des investigations sur des caractéristiques particulières, tels le volume,
l'état de surface (dépôt, corrosions...) et les matériaux constitutifs :
— les dimensions, la forme générale, y compris celle des cassures, la structure et
la densité des os, par exemple, sont exploitées en anthropologie et en paléontologie
dans des études de pathologie ou de taphonomie... ;
— l'étude des corrosions sur les métaux (épaisseur des strates, couleur, hétérogénéité
dans leur structure ou dans leur composition...) aide à distinguer les événements
survenus avant ou après l'enfouissement : ustion, flexion, abandon pour usure
ou dépôt de l'objet intact... ; -des corrosions portent parfois des empreintes
(emmanchement) ou des traces de résines ou de cloisonné... ;
— les dépôts (dépôts organiques sur les os et céramiques) et traces (ocre,
pigments...), tout comme les macrorestes végétaux, tels que graines, fruits, liens,
bois et charbons de bois, sont identifiés, datés, et peuvent être soumis, comme
les matériaux constitutifs des objets eux-mêmes, à des analyses chimiques et
micro-chimiques.
Toutes ces informations, par nature extrêmement fragiles et fugaces, sont
susceptibles d'être irrémédiablement perdues dès le dégagement de l'objet. Il faut
donc avoir déterminé, dès cette étape, les analyses et études qui seront menées pour
les prendre en compte lors des étapes suivantes : prélèvement, emballage, lavage,
transport, manipulations.
Des échantillonnages peuvent être faits dans l'éventualité d'une datation,
d'analyses physiques, chimiques et micro-chimiques. Dans ces cas, on leur évite
tout contact avec d'autres matériaux, les lavages, brossages, etc. Mais la meilleure
attitude reste de prendre contact directement avec le laboratoire qui fera l'étude
ou l'analyse afin qu'il précise les quantités et les qualités nécessaires ainsi que la
méthode à mettre en œuvre pour réaliser et conditionner les prélèvements.

Consolidation

Devant un objet qui pose des problèmes de prélèvement ou de conservation,


l'archéologue a toujours envie de « faire quelque chose ». Il faut savoir que les
consolidations sur le terrain sont rarement efficaces et qu'elles sont difficiles à
mettre en œuvre.

Consolidation des objets secs


La qualité que l'on doit attendre d'une consolidation est une résistance identique
pour l'ensemble de l'objet. Une hétérogénéité entre les zones consolidées et celles
qui ne le sont pas est source de ruptures. Les injections sur le terrain sont délicates.
On emploie une solution de Paraloïd B72 (ou de l'acétate de cellulose) diluée à
5 % dans l'acétone. Au moyen d'une seringue en verre (ou toute autre matière
résistant au solvant), on injecte la résine dans les couches les plus profondes et
accessibles. On renouvelle les injections en se rapprochant de la surface jusqu'à
saturation. On suit la progression du coulis à l'intérieur de l'objet en observant la
différence de coloration des zones imprégnées. On renouvelle l'opération de façon
à ce que ces zones se recoupent et soient de couleur uniforme. Puis on procède à une
nouvelle saturation. On isole l'objet imbibé par une feuille de papier d'aluminium (en
évitant tout contact avec l'objet) pour obtenir un séchage progressif sans migration
excessive de résine en surface. Après un temps variable, en fonction de la température
et de l'humidité, on retire la feuille d'aluminium et on attend le séchage complet,
ce qui est la condition nécessaire à la consolidation. On peut procéder par enduction
au pinceau, injection à la seringue ou pulvérisation.

Consolidation des objets humides


Les solutions et dispersions acqueuses de résines acryliques et vinyliques sont
fréquemment recommandées pour la consolidation d'objets très humides. Cette
méthode implique des temps de séchage longs et il est difficile d'estimer à quel
moment il devient effectif. Il est d'autre part délicat d'évaluer la quantité de résine
réellement absorbée.
Cependant, on obtient des résultats très intéressants avec les résines acryliques
en dispersion colloïdale tel que le Primai WS24. La taille des particules dispersées
est de l'ordre de 0,03 ^im, ce qui permet l'imprégnation de micro-pores. Mais son
intérêt majeur réside dans son aptitude à fixer les surfaces fragiles. Il ne provoque
pas de changement de couleur. Il s'utilise dilué dans 15 à 20 fois son volume d'eau.
Il est parfois possible d'accélérer le temps de séchage avec un séchoir à main (en
position froide) dans le cas où l'objet imprégné ne sécherait pas spontanément en
une ou deux heures. Les outils se rincent à l'eau.
Une autre méthode consiste à imbiber généreusement l'objet d'alcool (éthanol)
dans un premier temps. Il est destiné à se substituer à l'eau libre dans les structures
et pores. Avant que l'alcool ne soit évaporé, si l'objet ne supporte pas un
dessèchement brutal, on peut procéder à l'injection ou l'enduction d'une résine
acrylique en solution, le Paraloïd B72 (éventuellement un acétate de polyvinyle ou
un acétate de cellulose). Le Paraloïd est diluée à 5 % dans l'acétone (ce n'est pas
le seul solvant possible, ni le moins cher, mais le plus pratique et le moins dangereux
à utiliser). Il faut opérer comme dans le cas précédent et attendre un séchage
complet avant toute manipulation.

RESTRICTIONS D'UTILISATION
La consolidation par adjonction de résine synthétique doit être utilisée avec
beaucoup de prudence :
— un objet imprégné est impropre à toute datation (C14 par ex.). Si l'on envisage
de consolider un type de matériau de façon systématique, il faut faire un
échantillonnage préalable ;
— seuls les ensembles intacts mais fragiles, ou les éléments d'un ensemble explicite
tel qu'il a été dégagé, sont utilement consolidables. Il ne peut s'agir de collage ;
— on consolide les objets nettoyés de la terre sur leur plus grande surface possible.
La consolidation du sol adjacent est à éviter lorsqu'il ne représente pas le seul
support possible du vestige ;
— les imprégnations menées sur le terrain sont dites « temporaires » — on utilise
donc des produits réversibles. Pourtant, elles ne doivent pas être mises en œuvre
dans cette perspective, mais dans celle d'un traitement destiné à durer, voire
définitif, quelle que soit l'histoire à venir du document. En effet, on ne peut parler
de temporaire qu'à l'échelle d'une semaine, voire d'un mois ; au-delà, nul ne peut
prédire à quel moment l'objet se trouvera effectivement entre les mains d'un
spécialiste. Pendant ce temps, l'objet doit survivre. D'autre part, en travaillant dans
cette perspective, l'opérateur choisira lui-même l'aspect de l'objet qu'il juge
acceptable. Si l'imprégnation a été faite à bon escient, c'est donc qu'elle était
nécessaire au prélèvement, au transport, etc. Il n'y a pas forcément de logique à
faire le chemin inverse en laboratoire. La réversibilité doit être considérée — dans
ce domaine — comme une ultime sécurité et non comme une couverture à des
traitement approximatifs.

Qu'est-ce qu'un bon p r é l è v e m e n t ?

Le prélèvement est l'acte par lequel on désolidarise l'objet archéologique de son


support dont la compacité et l'adhérence sont variables. Il arrive que l'on mette
en œuvre des moyens techniques différents de ceux du simple ramassage lorsque
l'on veut prélever soit des vestiges rares, fragiles et de structure complexe (crânes,
vestiges de bois, de paniers, de tissus...), soit des objets entiers ou supposés tels,
cassés sur place (verre, céramiques, ossements très fragmentés), soit encore des
associations d'objets de matière composite, déterminés ou non dans leur composi-
tion ou leur rapport entre eux (sépultures, éléments de fer éparpillés au milieu des
restes de bois, traces de matériaux organiques, cuirs ou tissus).
Le prélèvement, dans ce cas, vise à reporter la fouille exhaustive à un autre
moment et parfois dans d'autres lieux, où l'on disposerait du temps nécessaire,
d'un outillage adapté, de spécialistes (un paléontologue pour remonter le crâne,
un laboratoire spécialisé pour conserver les matières organiques, un anthropologue
disponible pour fouiller la sépulture, un restaurateur pour les fers mêlés au bois...).
C'est, en quelque sorte, la fouille qui vient au spécialiste.
Le premier objectif est donc de déplacer les vestiges dans leur totalité, sans
apporter la moindre perturbation ou modification. Le second est de leur assurer
effectivement de meilleures conditions de fouille que sur le terrain.
Le premier objectif est souvent atteint, mais lorsque c'est au détriment du second,
cela suffit amplement à remettre en cause la démarche. La qualité du prélèvement
ne peut se juger sur le terrain mais au moment du dégagement en laboratoire.
Les méthodes habituellement pratiquées sont :
— ce que l'on peut appeler le prélèvement en motte, où les vestiges sont enlevés
sur leur support naturel qui est le sol, maintenus dans des caissons ou coffrages
selon le volume ;
— le prélèvement sous chape, au cours duquel les vestiges apparents sont solidarisés
et recouverts d'une chape à leur surface qui crée le nouveau support après
retournement.

Le prélèvement en motte
Le prélèvement en motte permet de ne pas exercer de pressions inutiles sur
l'objet, de préserver son état de surface et le contexte sédimentaire parfois
porteur d'informations. Cette méthode est utilisable dans les sédiments meubles et
homogènes. Le sédiment est découpé selon un contour le plus régulier possible
(s'approchant du rectangle par exemple), à quelques centimètres de l'objet ou de
l'ensemble d'objets (on peut éventuellement maintenir la motte sur son pourtour,
avec par exemple des bandes de tissu). On repère l'orientation sur le terrain de la
motte à prélever, puis elle est glissée à l'intérieur d'un support rigide (bacs photos,
bacs plastique type Allibert), à l'aide d'une planchette en bois, d'une tôle métallique
rigide et coupante, d'une pelle — outil à choisir selon la nature du sédiment ; il ne
doit pas se déformer sous le poids de la terre —. Cette motte est calée avec quelques
« confettis » de polystyrène expansé. L'ensemble est emballé par une feuille de
polyéthylène et confié au laboratoire rapidement avant que la terre et le vestige ne
se déssèchent. Le prélèvement en motte peut se faire sur des objets précédemment
consolidés ou non.
On déplace ainsi d'une façon spectaculaire une portion du site intacte. Le « beau
prélèvement » n'étant pas un but en soi, quelle est la destinée de cette motte ? Tout
va se jouer, encore une fois, autour des conditions de stockage et des délais de
traitement (fouille, restauration et traitement...). L'entretien d'une motte en état
d'être fouillée est un véritable problème, passé un délai de quelques jours (2 à 3).
Si la motte n'est pas fouillée immédiatement — ce que nous préconisons —, deux
cas se présentent :
— l'humidité naturelle du sol est maintenue par un certain confinement (caisson
ou coffrage hermétique, bâche plastique sur la surface) ou par un apport artificiel
d'humidité (pulvérisation). Dans ce cas, il se crée un milieu très propice au
développement de moisissures, à la réactivation des corrosions du métal (présence
d'oxygène, effet de pile — cf. chap. V), un tassement du sédiment. Cette humidité
est difficile à entretenir constamment : il y a des cycles d'humidification et de
séchage ; les matières organiques que l'on voulait conserver se dégradent ;
— la motte sèche spontanément plus ou moins rapidement selon le milieu ambiant.
Pendant le séchage lent, le métal continue à s'oxyder. Si le sédiment se rétracte en
séchant, des fentes peuvent morceler les vestiges (os, céramiques, etc.). Le sédiment
devient dur, trop compact et impossible à fouiller sans réhumidification, ce que
l'on cherche constamment à éviter. La récupération du matériel se fait dans de
mauvaises conditions sur une motte sèche. Les petits éléments qui étaient restés en
place se glissent dans les fentes.
Dans un cas comme dans l'autre, cela peut correspondre à une perte d'informa-
tions importantes. C'est pourquoi il ne faudrait entreprendre ces prélèvements que
lorsqu'on connaît précisément leur destination et que le délai de fouille est déjà
déterminé. Il faut connaître le laboratoire ou le local de destination aptes à les
accueillir, la disponibilité des personnes qui y travailleront : archéologues et/ou
restaurateurs, ainsi que le coût global de l'entreprise (transport, traitements, etc.).
Les risques du prélèvement « abandonné » étant bien soulignés, il ne faudrait
pas oublier les enseignements tout à fait exceptionnels que l'on peut tirer de la
fouille d'une motte dans de bonnes conditions. Elle permet d'avoir accès à des
indices indécelables avec les méthodes de terrain, grâce à une vision rapprochée du
sédiment. Il s'agit bien alors d'une fouille archéologique. Les mesures de consolida-
tion se font au moment du dégagement par la personne chargée de l'étude ou du
remontage. C'est donc un projet cohérent. Les collages se font au fur et à mesure.
Les formes incomplètes peuvent être restituées par leur empreinte dans le sédiment.
Il s'agit d'un chantier de fouille en miniature où les méthodes de l'archéologie et
de la conservation se complètent.

Prélèvement sous chape ou encastrement


C'est le mode de prélèvement « traditionnel » des paléontologues pour les gros
ossements.
De même que pour le prélèvement en motte, ce n'est qu'au moment de la fouille
et du dégagement du prélèvement de sa chape que l'on peut juger du succès de la
méthode. Les dangers majeurs sont les suivants :
— le prélèvement lui-même est dissimulé par la ou les chapes (contrairement à la
motte) et donne un sentiment illusoire de sécurité. Rien ne vient donner l'alerte
sur les conditions très particulières de ce nouveau milieu d'enfouissement qui
résulte, comme dans le cas de la motte, soit du confinement dans des matériaux
hermétiques (polyuréthane, plastique), soit de l'évaporation (plâtre, gaze). Encore
une fois, ces prélèvements doivent être fouillés rapidement ;
— les chapes assurent le maintien des vestiges et servent également d'emballage
pour les manipulations et le transport. Il ne faut pas exagérer les épaisseurs
nécessaires, de plâtre en particulier, car il faut pouvoir les éliminer sans marteau
ni burin. C'est pour cette raison que nous préconisons la bande plâtrée, suffisamment
rigide la plupart du temps, dont on maîtrise bien l'épaisseur et qui se découpe et
sèche sans grandes difficultés (fig. 1).

FIG. 1. — Prélèvement sous chape de plâtre.

Les mousses de polyuréthane à faire expanser soi-même sont de plus en plus


employées. L'avantage est qu'elles s'éliminent facilement par découpage. Leur
bonne résistance à la compression et à la flexion, ainsi que leurs capacités d'isolation
thermique et hygrométrique en font une excellente protection, en particulier lors
du transport d'objets fragiles. Ce produit suscite un certain engouement ; il existe
même un risque d'envahissement sur le terrain et d'utilisation systématique sans
que cela soit vraiment nécessaire.
Les vestiges doivent être isolés de la chape par un film de polyéthylène ou du
papier absorbant humide (fig. 2).
Succinctement, on procède de la façon suivante : on s'assure d'abord que l'objet,
totalement excavé, présente une faible adhésion au support, et que sa forme se
prête à ce type d'opération ; c'est-à-dire qu'il soit de contre-dépouille selon le terme
employé dans les opérations de moulage ; il ne doit pas exister de zone rentrante.
On isole parfaitement l'objet au moyen de papier ou d'un film de polyéthylène.
On confectionne un cadre ne comportant que quatre côtés, de 5 à 6 cm plus haut
et plus large que l'objet ; il est destiné à recevoir la mousse de polyuréthane. On
utilise les mousses vendues sous forme liquide d'un système à deux composants à
faire expanser soi-même — la formation de l'uréthane se fait par réaction chimique
d'un polyol (composant de base A) sur un isocyanate (composant liant de base B).
Le mélange des deux composants s'opère manuellement dans les proportions
indiquées par le fabricant. Le mélange doit être homogène en 6 à 8 secondes. Il est
alors versé rapidement et en petite quantité à l'intérieur du cadre. On renouvelle
l'opération jusqu'au remplissage complet du cadre.
FIG. 2. — Encastrement dans une résine de polyuréthane expansé.

Après expansion complète du polyuréthane (une à deux heures), celui-ci est scié
pour obtenir une surface parfaitement plane. L'ensemble est alors retourné — la
surface de l'objet restant exposée à l'air est protégée par un film polyéthylène. Il
ne reste plus qu'à le transporter rapidement vers le laboratoire.
LES RISQUES INHÉRENTS A L'USAGE DES POLYURÉTHANES
Cette matière synthétique possède des propriétés extrêmement intéressantes.
Mais il est nécessaire d'en recenser les inconvénients majeurs :
— le produit à l'état liquide, ou si l'expansion est mal menée, adhère à la plupart
des matériaux et les tache ;
— l'expansion développe des pressions qu'il faut être certain de contrôler ;
— la qualité de l'expansion dépend de la température et de l'humidité. Un excès
d'humidité diminue le poids spécifique du produit fini. Les structures ont des pores
ouverts, perdent leur solidité mécanique et n'assurent plus le maintien escompté ;
— la réaction provoque une forte retenue de chaleur au centre de la mousse,
d'autant plus élevée que les quantités utilisées sont grandes ;
— l'isocyanate est toxique ; enflammé, il dégage de l'acide prussique ;
— les polyuréthanes en bombe ne peuvent être employés en solution de remplace-
ment car les boudins extrudés adhèrent mal les uns sur les autres ; la masse formée
n'est pas homogène et trop souple.

LES MATÉRIAUX

L'os

Le terme os est ambigu mais pratique dans l'optique de conservation qui est la
nôtre. Ambigu, car il désigne tout aussi bien un segment osseux ayant une
signification anatomique (un fémur par exemple) que la substance chimique qui le
compose. Pratique, car en l'utilisant dans cette seconde acceptation, il nous permet
de regrouper toutes les « matières dures animales » en tissu osseux, c'est-à-dire de
même composition chimique. On peut donc sur cette base rassembler les os, les
dents — dont l'ivoire — et les bois de cervidés, car leurs constituants minéraux
(hydroxyapatite) et organique (collagène) sont identiques (photo 3). Les proportions
de l'un et de l'autre varient. Sont donc exclus les cornes, les ongles, les sabots et
les plumes, de composition différente (kératine) et les squelettes de non-vertébrés.

PHOTO 3. — Section d'une défense de mammouth. La structure en croisillon est très visible,
moins fine et serrée vers l'extérieur de la dent (photo F. Chavigner).

Avec l'os nous abordons un des matériaux les mieux représentés dans les fouilles
archéologiques, si le sédiment est apte à le conserver (Binford, 1981). Il est présent
sous la forme de restes de faunes (déchet ou rejet alimentaires, déchet et matière
première d'une industrie de l'os : outillage, parure et art), et sous celle de restes
humains (dispersés ou en dépôts sépulcraux). Les problèmes de la conservation de
l'os touchent donc souvent des séries et des volumes importants, ce qui implique
des méthodes différentes de celles que l'on met en œuvre pour des objets isolés.
Nous rencontrerons d'autres matériaux posant ces problèmes de « masse » :
céramiques, bois par exemple.
Une autre particularité de l'os est la variété des formes (os long, os plat...), des
dimensions (du mammouth à la microfaune), et surtout des structures (os spongieux,
os cortical c'est-à-dire compact). On peut ajouter les divers aménagements apportés
par l'homme qui confèrent de nouvelles caractéristiques (os poli, chauffé, brûlé,
gravé, ocré, redressé).
Toutes ces variables, sans oublier celles de l'âge et de l'espèce de l'individu, se
combinent à un nombre infini de conditions et de durées d'enfouissement possibles,
aussi nombreuses qu'il existe de sites.
Il n'y aurait donc pas deux os du même site, et a fortiori de deux sites différents,
qui puissent être strictement identiques et dans le même état de conservation. Sous
cet angle aussi, celui du caractère unique de chaque objet dans sa composition et
son comportement, l'os est exemplaire des problèmes couramment posés par le
matériel archéologique : des masses de cas particuliers... Comment définir et décrire
les états possibles de la matière après enfouissement et créer des catégories utiles
à la conservation et aisément reconnaissables sur le terrain ?
Faute d'accéder à ces déterminations fines (mais seraient-elles toutes vraiement
utiles ?) qui renvoient à toute l'histoire de l'objet — avant et après l'enfouissement
—, il nous reste à raisonner sur les évolutions possibles après la fouille : quels sont
les risques lors du dégagement et du lavage ; quelles sont les réactions possibles au
séchage ?
La composition globale de l'os sec (non archéologique) est de 30 % de matière
organique et de 70 % de matière minérale. La partie organique est constituée d'une
trame collagène. Ce sont des faisceaux de fibres collagène protéiques. La partie
minérale est constituée de sels phosphocalciques formant des microcristaux répartis
sur la trame collagène et orientés par elle (Lapierre, 1976). Il s'agit surtout
d'hydroxyapatite [3Ca3(P04)2Ca(0H)2]. Les phénomènes d'altération dans le sol
affectent dans des proportions variables, simultanément ou successivement, ces
deux éléments. Au moment du dégagement, les os dont la fraction minérale a été
dissoute sont poreux et fragiles. Ce sont eux qui sont habituellement consolidés.
Les os dont la fraction organique n'a pas totalement disparu semblent souvent en
« bon état », mais sont aussi ceux qui risquent le plus de se fissurer lors du séchage.

D é g a g e m e n t et prélèvement
Il est possible d'appliquer au matériel osseux les techniques de prélèvement en
motte ou sous chape (de plâtre ou de polyuréthane) décrites plus haut. Dans ce
dernier cas, on doit veiller à isoler parfaitement l'objet de la chape. Pour des objets
très fragiles, on peut associer à ces procédés la consolidation par imprégnation
d'une résine synthétique ou utiliser ce dernier procédé seul avant de prélever
normalement l'objet consolidé. C'est ce dernier moyen qui est le plus familier aux
archéologues. En France, le Rhodopas (acétate de polyvinyle en solution dans
l'acétone) est un des produits les plus utilisés sur les chantiers. On peut lui préférer
le paraloïd B72, copolymère acrylique utilisable dans le même solvant et dont le
comportement dans le temps, bien étudié, semble assez satisfaisant. Une solution
faiblement concentrée est préparée à l'avance (5 % poids pour volume en g/ml,
c'est-à-dire 50 g de résine diluée dans l'acétone jusqu'à obtention d'un litre de
solution), clairement étiquetée, stockée dans une armoire à solvant ou un local
frais et bien aéré. A cette concentration, la solution doit apparaître presque aussi
fluide que le solvant pur. De petites quantités sont disponibles sur le chantier, dans
des pipettes, des vaporisateurs ou des flacons fermés et marqués (il faut éviter les
récipients trop souvent ouverts pour que la concentration n'augmente pas avec le
départ progressif du solvant). Cette solution est appliquée peu à peu, infiltrée à la
seringue, badigeonnée au pinceau, ou pulvérisée, jamais déversée sur l'objet. Les
sédiments adhérents sont éliminés autant que possible au cours de l'opération
(pinceau, petit bâtonnet de bois) en profitant du ramollissement occasionné par le
solvant. Elle peut être répétée, sans attendre le séchage complet entre deux
imprégnations, si l'on cherche à augmenter la quantité de résine introduite dans
l'objet. En employant une concentration plus élevée (10 à 15 % en poids pour
volume), on obtient un effet de durcissement superficiel et la formation d'une
pellicule de résine sur l'objet, pas une meilleure imprégnation ; ce résultat peut être
recherché pour le prélèvement de matériaux pulvérulents, comme nous le verrons
plus loin, mais ne concerne guère les os. Pour éviter que l'évaporation rapide du
solvant (l'acétone est un solvant assez volatil) ne gêne sa pénétration ou ne ramène
en surface une grande partie de la résine qu'il véhicule, son départ peut être ralenti
en placant sur l'objet une petite cloche, fabriquée avec du papier aluminium par
exemple (mais rien ne doit toucher la surface jusqu'au durcissement complet du
consolidant). Pour les mêmes raisons, il est souhaitable de se procurer de l'ombre
et d'attendre les heures les moins chaudes de la journée (la volatilité du solvant
augmente avec la température). Il faut attendre le durcissement complet du
consolidant avant de prélever l'os imprégné. L'étiquette qui l'accompagne doit
mentionner la consolidation (résine, solvant, concentration). Les outils employés
(pinceaux, seringues, etc.) doivent être rapidement nettoyés.
Cette méthode n'est pas utilisable sur les os humides, car le Paraloïd n'est pas
compatible avec l'eau (il blanchit et prend en gel au contact de l'humidité). Si l'on
ne peut ou ne veut assurer la déshydratation du matériau à imprégner, on peut
alors utiliser des résines acryliques dispersées dans l'eau (Primal). Selon la taille
des particules dispersées, la résine pénètre plus ou moins bien dans les pores fins
et les capillaires des os. Le Primai WS24, dispersion colloïdale de très petites
particules, a été particulièrement recommandé pour les matières osseuses (Koob,
1984). Son effet consolidant, suffisant dans de nombreux cas, reste cependant
inférieur nous semble-t-il à celui obtenu avec le Paraloïd. Les inconvénients
généraux des dispersions aqueuses ont été vus précédemment. L'absence des risques
liés à la manipulation et au stockage sur le chantier de solvants inflammables et
toxiques ne doit cependant pas être oubliée.

Nettoyage
L'os sec ne doit pas si possible être réhumidifié lors du nettoyage. Brosses souples
et pinceaux, petites poires soufflantes utilisées à l'entretien des appareils de
photographie, bâtonnets de bois tendre pour désincruster les petites concrétions,
les grains de sable : le tout est d'adapter la dureté des outils utilisés à celle des os
et de veiller constament à ne pas les user et à ne pas les rayer. La surface des os
peut porter des traces significatives (de débitage, de boucherie, etc.), des restes de
pigments (ivoires polychromes, os ocré), de finition ou d'usure (polissage), que seul
un examen attentif révèle parfois et que le nettoyage peut faire disparaître ou
brouiller. Il est souvent préférable de se limiter sur le terrain à un brossage doux
des sédiments peu adhérents.
L'os humide peut être rincé rapidement après son prélèvement, avant que le
séchage ne soit amorcé. On utilise de préférence un filet d'eau propre, adoucie si
c'est possible, en évitant le trempage prolongé des objets.

Séchage et m a r q u a g e
L'ivoire trouvé humide doit être conservé humide. Il est placé à l'intérieur de
trois sachets en polyéthylène soudés ou dans un double sachet à fermeture
incorporée dont le second contient une réserve d'humidité sous la forme d'un coton
imbibé d'eau (photo 1). Ce coton peut être imbibé d'une eau contenant 1 à 0,1 %
de fongicide type Panacide si on craint le développement de micro-organismes.
Les dents, associant dans leur structure des tissus d'élasticité et de comportement
différents au séchage (émail, dentine et cément), sont fragiles à la dessiccastion.
On procédera comme pour l'ivoire, à moins qu'elles n'aient été consolidées
précédemment.
Les objets en « bon état », façonnés dans des os compacts, denses et épais
(tabletterie, manche de couteau, plaquette, etc.), réagissent plus sévèrement en
séchant que les os en partie poreux et dissous. De la même manière, les os longs,
dont la zone corticale est épaisse, se fendent plus que les os plats aux zones
corticales fines séparées par de l'os spongieux. L'os est plus ou moins apte à
répondre aux sollicitations internes provoquées par le retrait au séchage, selon sa
structure et la portion de collagène préservée. Mais il n'en reste pas moins que les
risques de formation de fentes et leur ampleur sont imprévisibles (photo 4). Il est
PHOTO 4. — Poinçon en os néolithique. Les fentes de dessication sont bien apparentes
(Capdenac-le-Haut, Lot ; fouilles J. Clottes, M. Carrière ; photo F. Chavigner).

donc préférable de maintenir humides les os façonnés trouvés humides. Ils peuvent
également être amenés à un séchage progressif, qui se fait à l'intérieur de sachets
en polyéthylène perforés. La vitesse de séchage dépend de l'humidité de l'air
ambiant. Dans un air très sec, les sachets seront peu perforés et surveillés
quotidiennement. Dans un air très humide, ils peuvent être placés dans un contenant
plus perméable que le sachet en polyéthylène : une boîte en carton (non acide si
possible, surtout si les sachets sont destinés à rester dans ces boîtes).
D'une manière générale, on évite aux os tout séchage brutal (soleil, radiateur,
air ambiant très sec ou localement surchauffé : lampes, etc.). Les emballages
individuels et les contenants rigides évitent les frottements. Les boîtes en carton
amènent l'os à un taux d'humidité en équilibre avec le milieu ambiant.
Le marquage de l'os se fait après avoir déposé un film de Paraloïd concentré.
On évite ainsi que l'encre diffuse à l'intérieur de l'os, ce qui rendrait son élimination
difficile.
Les objets en os brisés peuvent être collés à la colle Uhu. On utilise habituellement
des bacs à sable pour maintenir les objets en position lors du collage. Le sable peut
être remplacé par des micro-billes de verre ; de granulométrie plus élevée que le
sable, elles n'ont pas tendance à s'incruster dans les cassures.

L a céramique et le verre

La céramique et le verre posent des problèmes de prélèvement et de conservation


très similaires sur le terrain. Il n'est pas nécessaire de leur chercher ici d'autres
points communs que celui d'être issus l'un et l'autre de la transformation de
matières minérales et de représenter souvent la portion de matériel exhumée la plus
stable et donc la moins problématique d'un gisement.
Le degré de stabilité (en relation avec l'état physique et chimique de la matière
au moment de sa mise au jour) semble très lié au mode de fabrication (et renvoie
à la technologie d'une époque donnée), plus qu'aux conditions d'enfouissement.
(Les chapitres suivants, consacrés à chacun de ces deux matériaux, permettent de
faire le point dans ce domaine ainsi que dans celui de leurs caractères propres). Il
existe des sites d'une grande homogénéité qui recèlent des séries que l'on qualifie
de « bonne qualité », soulevant peu de problèmes. On pense à certains sites
néolithiques (chasséens par exemple), gallo-romains ou médiévaux pour la cérami-
que, sites romains pour le verre, où les seules difficultés sont de prélever des
éléments morcelés sur place de la façon la plus rationnelle. Sur d'autres sites, en
revanche, le matériel se présente dans un état de dégradation tel que son étude en
est parfois compromise. Sur certains sites protohistoriques, les séries céramiques
dites « mal cuites » ont, lors du dégagement, une consistance proche de celle du
sédiment encaissant. Sur des sites médiévaux, le verre prend l'aspect du sucre
aggloméré et en a le comportement. L'archéologue est alors placé dans une situation
d'intervention de conservation systématique s'il veut sauver un matériel ayant
perdu toute cohésion. Les premiers gestes indispensables sont des gestes de
consolidation.
Entre ces deux situations, il y a bien sûr toutes les nécessaires interventions
occasionnelles provoquées par l'observation de surfaces fragiles portant des décors,
des couches colorées (graphites; peintures, grisaille, ocre...), des dépôts, des surfaces
en cours de desquamation, de feuilletage, de soulèvement (avec ou sans apparition
d'efflorescences), d'hétérogénéité accidentelle d'une céramique, etc.
Nous avons tenté de sérier les difficultés, bien qu'elles se posent parfois toutes
à la fois : problèmes de surface, de cohésion et, enfin, de prélèvement.
Les problèmes de surfaces sont pris en compte dès le dégagement. En général, il
est possible de dégager les objets en se tenant à quelques millimètres des surfaces
de l'objet ; le sédiment se détache de lui-même à l'interface ou bien est légèrement
brossé au pinceau. Dans les sédiments meubles, il est aisé de fouiller avec précision.
Les outils en bois et en os, recommandés pour ne pas dégrader les objets à la
fouille, se cassent dans les sédiments durs. Il faut parfois penser à modifier la
consistance d'un sol par l'apport d'eau dans un milieu déjà humide, ou d'eau
additionnée d'éthanol si l'on redoute les risques d'un apport d'humidité excessive.
Les objets de céramique ou de verre aux surfaces fragiles mis au jour humides
doivent impérativement être conservés humides. La moindre évaporation, même
au stade de la fouille, peut provoquer, sur la surface peinte des verres de vitraux
par exemple, un soulèvement complet du décor. Ces objets seront ensachés dans
des sacs de polyéthylène soudés ou dans des sachets à fermeture incorporée avec
une réserve d'humidité.
Une gangue terreuse que l'on laisse sécher au contact de surfaces fragiles
entraînera, en se détachant au séchage, les fines surfaces avec lesquelles elle était
en contact.
Les surfaces fragiles trouvées en milieu sec seront préservées sèches et dépoussié-
rées. Tous les éléments présentant des feuilletages ou desquamations sont posés à
plat dans des contenants rigides. Les parties soulevées ou détachées doivent être
remises en place (glaçure, feuillets de verre, éclats).
Les indices relevés à la fouille devront suivre l'objet à chaque étape de son
traitement et être mentionnés sur l'étiquette de référence. Des indications telles
que : « ne pas laver », « traces de suies ? », « lampe ? » sont des plus utiles (nous
n'aborderons pas ici les problèmes d'efflorescence et de cristallisation de sels
solubles développés dans le chap. III).
Céramiques et terres cuites sans cohésion
Outre les céramiques défectueuses du fait d'une mauvaise cuisson, de leur
composition, ou très altérées, les différentes catégories de terres cuites ou chauffées,
telles que soles de four ou de foyer, terres rubéfiées ou clayonnages, moules de
cloches, terres peu ou mal chauffées, posent des problèmes du fait de leur manque
de cohésion.
Il faut procéder à un dégagement très complet et soigneux, car c'est le moment
où le sédiment se dégage le mieux. On ameublit à l'aide d'éthanol, si l'on ne
constate pas corrélativement un ramollissement trop important de la terre cuite.
Les surfaces et les cassures dégagées, les terres cuites peuvent être amenées à sécher
lentement sur le terrain ; elles sont en effet nettement plus dures sèches qu'humides.
La céramique et les terres cuites sont parmi les rares matériaux que l'on a avantage
à faire sécher avant le prélèvement ; mais il existe, encore une fois, des quantités
d'exceptions : problèmes de surfaces ; on peut voir par exemple apparaître, sur des
tessons peu poreux de grandes taille, des fentes de dessiccation montrant qu'après
cuisson une terre cuite peut subir un nouveau retrait. Si les terres cuites ne sont
pas prélevables après un simple séchage, elles sont consolidées à l'aide de résines
synthétiques. Si le séchage n'est pas complet, on le poursuivra à l'aide d'éthanol
que l'on imprègne par enduction. Après évaporation, on utilisera le Paraloïd B72
en solution dans l'acétone en plusieurs imprégnations successives à concentration
croissante (5 % puis plus), comme on l'a vu pour l'os. Il faut faire un échantillonnage
préalable pour analyses ou datations éventuelles. Il ne faut pas poursuivre la
consolidation si l'on constate la formation d'un voile blanc en surface, signe que
l'air ambiant est trop humide ou le matériau à consolider insuffisamment asséché.
On utilisera alors (comme pour l'os) une dispersion aqueuse : le Primai WS24.

Les verres sans cohésion

Les verres sont, de la même façon, soigneusement et totalement dégagés. Les


risques de gonflement et de déplacement au contact des solvants (éthanol pour le
séchage ou acétone) sont élevés. Si ce problème se pose, on augmente les
concentrations de résine dans l'acétone (10 à 15 %). Le prélèvement ne se fait
qu'après évaporation complète du solvant.

Le prélèvement
Il s'agit en général de prélever des ensembles finement fragmentés sur place. Les
prélèvements de ce type permettent de résoudre des problèmes archéologiques et
facilitent le travail de reconstitution et de remontage.
Le prélèvement en motte est toujours possible, mais il n'est pas facile de
déterminer sur quelle profondeur se trouvent les vestiges. Lorsque les vestiges, en
particulier de forme concave, sont maintenus par un support de terre compacte,
la motte peut se réduire à ce simple support. Le sol environnant sera tamisé après
le prélèvement.
Il est aussi possible de transposer méthodiquement les éléments sur une petite
planchette posée à proximité au fur et à mesure de leur démontage dans la position
et l'orientation qu'ils occupaient sur le sol d'origine. Cette méthode n'est possible
que si les fragments ne sont pas trop fractionnés ou trop fragiles. Elle est un peu
longue, il est difficile de respecter l'orientation et l'ensemble n'est pas transportable ;
il doit être rapidement remonté.
Le prélèvement par secteur s'applique à des vestiges de grandes dimensions ou
allongés en céramique ou en verre (une ampoule gallo-romaine par exemple) dont
les formes de cassure sont atypiques. Cela peut être utile pour d'autres matériaux,
tels que l'os brûlé ou très fragmenté (sagaie en ivoire...). Des zones sont matérialisées
sur le sol par des baguettes disposées régulièrement, perpendiculairement à l'axe
de l'objet. On leur affecte un numéro et les éléments sont ramassés par secteur. A
la fin du ramassage, le sol est tamisé pour récupérer les derniers éléments.
L'économie de temps au remontage peut être considérable.
Pour les céramiques et les verres dont l'état de surface est bon, ne portant pas
de décors fragiles ou de surfaces peintes et ne présentant pas de problèmes de
desquamation ni de feuilletage, on peut procéder de la façon suivante sur sol
meuble (fig. 3). Après un décapage précis, où chaque tesson est apparent, on dépose
une gaze sur les surfaces bien nettoyées. Les bandes destinées au bouchage des
fissures de plafond ont des mailles et une structure plus rigides que la gaze médicale
et elles donnent de meilleurs résultats. A travers la gaze, les tessons sont visibles.
On dépose sur chaque tesson, en un ou deux points selon sa taille, une goutte de
colle universelle (type Uhu) qui solidarise ainsi le tesson à la gaze. Après séchage
complet de la colle, le sol est humidifié sous les tessons, à l'aide d'une seringue par
exemple, jusqu'à ce que son adhérence soit suffisamment faible pour que l'on puisse
soulever délicatement la gaze par l'un de ses bords. La gaze portant les tessons est
déposée, côté gaze, sur un support rigide (un bac photo par exemple) disposé à
proximité, ce qui évitera d'autrés manipulations. Il sera alors possible de nettoyer
les tessons. Les cassures sont accessibles et peuvent être nettoyées au pinceau.
Après séchage, les points de colle seront dissous à l'acétone au fur et à mesure du
remontage (une méthode très semblable est décrite pour le prélèvement des tissus).

FIG. 3. — P r é l è v e m e n t d ' u n e n s e m b l e de t e s s o n s de verres en c o n n e x i o n .

Pour les vases et les pots entiers brisés sur place, on n'aura accès, dans un
premier temps, qu'à une portion, la partie supérieure. On doit renouveler l'opération
après un nouveau décapage. On peut utiliser, à la place des points de colle, un film
de latex que l'on dépose en trois épaisseurs après avoir respecté un temps de
séchage complet entre chaque couche. Il faut des conditions de terrain (terre très
meuble) et d'humidité très favorables : sol et tessons non humides au moment où
l'on pose le latex, air ambiant sec pour que le latex puisse sécher et donc adhérer
suffisamment. Le latex sera éliminé par la suite par simple traction (que les tessons
doivent être aptes à subir sans dommage). En somme, il est nécessaire de faire un
essai préalable et de s'assurer que la méthode est efficace et sans risques pour
chaque cas qui se présente (photo 5).

Les céramiques entières


Les céramiques entières sont des cas particuliers. Si elles sont intactes, c'est-à-dire
non brisées et peu fissurées, elles peuvent être vidées du sédiment qu'elles contiennent
après leur dégagement complet. Il ne faut pas mésestimer les possibilités de
retrouver en place, et donc en stratigraphie à l'intérieur du pot, les dépôts qui y
auraient été faits, restes de faunes, restes d'incinération, restes culinaires adhérents
aux parois...
PHOTO 5. — Prélèvement d'un ensemble de tessons en place. La surface a été recouverte de
trois couches de latex (photo F. Chavigner).

Pour les pots entiers très fissurés, ou brisés sur place après leur dégagement
complet, le sédiment contenu à l'intérieur est le meilleur soutien pour les tessons
tant que la terre est humide (photo 6). En séchant, la terre se rétracte et les tessons
se détacheront de la motte. Les tessons sont alors maintenus au contact de la terre
à l'aide d'une gaze dont on entoure le vase de façon croisée comme on le fait pour
des bandages (Sease, 1984).

PHOTO 6. — E m b a l l a g e d ' u n e c é r a m i q u e morcelée. Le film de p o l y é t h y l è n e m a i n t i e n t les


é l é m e n t s en place, p r o t è g e les s u r f a c e s et freine le s é c h a g e ( G o u r j a d e , C a s t r e s , T a r n ; fouilles
et p h o t o J.-P. G i r a u d ) .

Si le maintien ne semble pas suffisant, cette gaze, humidifiée au préalable, sera


doublée d'une bande plâtrée, que l'on trouve dans le commerce ou que l'on se
confectionne en plongeant des bandes de tissus de dimensions adéquates dans du
plâtre frais. Ces bandes ne doivent pas être trop chargées en plâtre et donc être
légèrement égouttées. La céramique ne doit jamais se trouver au contact direct de
la bande plâtrée. Ils seront isolés l'un de l'autre par la gaze (voir plus haut), par
un papier absorbant humide ou par un film polyéthylène.

L a v a g e et séchage des céramiques et des verres en bon état de conservation


Sur les sites qui livrent une production céramique à la fois bien cuite et peu
altérée (porcelaine, grès, pâte poreuse dure à cassure franche) sans décor posé après
cuisson, le nettoyage des tessons peut se faire à la brosse souple, dans l'eau
courante. Rappelons toutefois quelques observations simples :
— ce simple nettoyage à l'eau peut modifier ou éliminer des éléments éventuellement
représentatifs du contenu des céramiques ou des traces liées au contexte d'enfouisse-
ment et aux objets avec lesquels elles voisinaient dans ce milieu : le lavage
systématique de tous les tessons implique donc que l'archéologue considère a
priori ces observations comme inutiles. D'autre part, la plupart des laboratoires
susceptibles de conduire des analyses de composition ou des datations par
thermoluminescence préfèrent bénéficier d'échantillons vierges de tout traitement,
y compris de tout nettoyage. Le choix de ces échantillons doit donc si possible
s'effectuer en amont du lavage, et conformément aux indications fournies par
ces laboratoires, qui souhaitent parfois disposer d'un prélèvement de leur sol
d'enfouissement ;
— il est utile de tester la résistance à l'eau des pâtes poreuses, même bien cuites.
La dureté d'un tesson est appréciée grossièrement, à l'aide d'une pointe en bois
par exemple. On s'assure qu'elle ne varie pas après immersion ;
— sur les sites où l'abondance de l'eau le permet, les tessons sont brossés un par
un sur un tamis sous un filet d'eau courante, plutôt qu'en vrac dans une bassine :
l'eau chargée de terre devient rapidement un abrasif puissant. Lorsque l'eau doit
être économisée, un container est affecté au lavage des céramiques. Les tessons
trempent dans une petite quantité d'eau, puis sont lavés un à un dans une bassine
fréquemment renouvelée ou sous un mince filet d'eau : toute l'eau utilisée est
recueillie puis recyclée après décantation et filtrage pour resservir à cet usage
particulier ;
— la difficulté majeure susceptible de survenir lors du séchage est l'apparition
d'efflorescences : poudre blanche ou cristaux en forme d'aiguilles à la surface des
céramiques. Le séchage doit alors être interrompu et les tessons conservés humides
jusqu'à ce que soit entreprise l'élimination des sels solubles responsables de ces
efflorescences. La présence de ces sels est généralement vite décelée sur un site et
tous les matériaux poreux en contiennent. En climat tempéré, dans des sols
normalement draînés, il est heureusement fréquent de ne pas en rencontrer. Dans
ce cas, les tessons sont simplement mis à sécher à l'abri du soleil, si possible dans
un endroit frais et ventilé, sur des plateaux ou des cagettes ajourées.
Les chantiers qui produisent un très grand nombre de tessons en bon état de conservation
peuvent être embarrassés par la place immobilisée pour ce séchage, d'autant plus lent que
l'air ambiant est humide. On peut alors envisager la construction d'un « séchoir à tessons » :
armoire-ratelier non hermétique dans laquelle s'adaptent comme des étagères les plateaux
ajourés et qu'on équipe d'une soufflerie engendrant la circulation d'un courant d'air tiède.
Ce système, qu'expérimente l'équipe du chantier de fouilles urbaines de Saint Denis, accélère
considérablement le temps de séchage des tessons, surtout en hiver, et semble utilisable en
toute sécurité pour peu que la température dans l'armoire reste très modérée (30 °C environ)
et que l'absence de sels solubles soit certaine.
Le lavage des céramiques fragiles et des verres altérés demande quelques
précautions particulières, abordées pour ces deux matériaux dans le chapitre suivant
(chap. III : céramiques). On doit être particulièrement attentif au comportement
du verre, notamment lors du séchage (pertes d'écaillés, délitage). Il n'est pas
toujours facile d'évaluer les risques à l'avance, et une surveillance du séchage est
utile. On peut aussi observer le comportement d'un fragment témoin avant
d'autoriser le séchage de l'ensemble des tessons.

Le m a r q u a g e
Pour marquer les tessons de céramique et de verre, on isole avec un vernis (par
exemple du Paraloïd concentré à 20 %) la surface nécessaire à l'inscription des
références. L'encre de Chine (noire sur fond clair, blanche sur fond sombre) est
ensuite protégée par un second film de vernis. Le marquage est aussi discret que
possible (mais lisible !), sur la face interne des tessons par exemple pour les formes
fermantes (pichet, urne, etc.), sur la face externe pour les formes très ouvertes
(assiettes, poêlons, etc.). On évite, pour les objets entiers ou les grands fragments,
les zones les plus exposées au frottement ou à la préhension. Le marquage des
tessons de verre, obligatoire dans le cas de puzzles conséquents réunissant
plusieurs contextes archéologiques, défigure toujours les objets qui se révéleraient
reconstituables, mais il est ultérieurement réversible si l'on a évité la pénétration
de l'encre dans la surface.

Le m é t a l

Déterminer la nature d'un métal sur le terrain est parfois hasardeux. Il est
difficle, à moins d'une bonne habitude, de distinguer une monnaie en bronze d'une
monnaie en argent, lorsqu'elles présentent à leur surface la même corrosion verte
du cuivre présent dans les deux alliages. Et de ces deux objets denses, tendres et
gris clair, lequel est en plomb, lequel est en étain ? Mais, au fait, qu'importe ? La
composition métallographique est certes essentielle ; elle est aussi permanente pour
peu que l'on n'y apporte aucune modification sur le terrain par des traitements
chimiques (nettoyage), électrochimiques, thermiques (chauffage). La composition
sera révélée avec le degré de précision nécessaire à une étape ultérieure de l'étude,
de la restauration ou de l'analyse fine. Les objets métalliques posent à tout moment
de leur existence après leur sortie du sol d'épineux problèmes de conservation et
de restauration (Carbonneaux, 1983). Quatre points apparaissent essentiels pour
assurer leur conservation sur le terrain :
— renoncer à effectuer tout nettoyage sur le terrain ;
— s'assurer le concours des centres proches de radiographie X et de restauration ;
— se réserver la possibilité de fouilles fines ultérieures grâce à des modes de
prélèvement efficaces ;
— opter pour des méthodes de stockage adaptées à la conservation du métal à
court et moyen terme.
Le métal est le matériau qui fait le plus fréquemment l'objet de nettoyages
intempestifs sur le terrain, pour la raison simple que l'élimination des couches de
corrosion, censée donner enfin accès à l'objet, semble procéder de la même démarche
que le dégagement d'un objet du sédiment encaissant. Si le nettoyage n'était qu'un
simple dégagement jusqu'au métal sain, il serait en effet accessible avec n'importe
laquelle des nombreuses méthodes de décapage (y compris l'utilisation des produits
du commerce si efficaces sur les grilles en fer forgé). Mais il s'agit là autant de
nettoyage que de fouilles lorsque c'est la pelleteuse qui effectue le décapage. Les
métaux nettoyés par certains acides et par électrolyse posent des problèmes de
conservation à long terme quasi insolubles (infestation de chlorures, mise à nu du
métal, etc.).
Pourquoi se satisfaire de l'interprétation de 40 % des monnaies sur le terrain
alors qu'elles seraient exploitables un peu plus tard à 90 % selon les méthodes
adaptées à chaque cas ?
Quelques interprétations rapides sont parfois essentielles pour le déroulement de
la fouille. Les possibilités de radiographie X dans une région peuvent être facilement
recensées ; il est très utile de pouvoir y recourir au fur et à mesure des besoins. Le
matériel à radiographier est trié puis conditionné dans des boîtes au format des
plaques sensibles que l'on fournit à l'opérateur. Plusieurs objets de même épaisseur
peuvent ainsi se trouver rassemblés sur le même cliché. Il est inutile de les déballer.
Les références n'apparaissant pas à la radiographie, on prend soin de reproduire
le schéma des objets sur un papier libre les accompagnant. On note les intensités
utilisées par l'opérateur ; elles serviront à l'occasion d'autres radiographies. D'autre
part, un planning peut être établi avec les laboratoires de restauration locaux pour
que les nettoyages (des monnaies par exemple) soient effectués au rythme de la
fouille. Ce contact se révélera utile pour les prélèvements d'urgence et la circulation
d'informations et de conseils.
Pour le prélèvement des ensembles complexes ou très morcelés, on a recours au
prélèvement en motte, avec ou sans consolidation préalable (Paraloïd B72 à 5 %
ou plus ; Primai WS24 — 1 à 2 v/20 volumes d'eau). Ce dernier est utilisé pour
certaines « patines » de bronzes particulièrement fragiles trouvés en milieu humide.
Les mottes demandent une surveillance particulière en raison du risque de corrosion
active du métal.
Si le métal est associé à des matériaux organiques (cuirs, bois, etc.), les petits
prélèvements seront placés à l'intérieur d'un réfrigérateur (5-6 °C) ou dans un local
au frais et à l'obscurité.
Le prélèvement par encastrement dans une chape de plâtre, de bandes plâtrées
ou de polyuréthane est aussi envisageable. On procédera comme il est indiqué sur
les schémas 1 et 2. Les vestiges doivent être isolés des chapes par un film
polyéthylène.

Nettoyage
Les concrétions calcaires et siliceuses adhérant aux surfaces sont laissées en place.
On retire la terre s'éliminant à la brosse douce en évitant tout frottement. A cette
occasion, les observations faites à l'œil nu ou à la binoculaire permettent de faire
un premier tri.
A partir de celui-ci, on dirigera vers un traitement rapide (voire d'urgence) les
objets composites qui associent plusieurs matériaux (tels qu'une fibule à incrustation
de pâte de verre, un couteau en fer à manche en os, etc.), les objets très fragiles
ou brisés, ceux dont la corrosion évolue devant les yeux : une couche superficielle
de corrosion qui se détache du métal sain, une zone vert-clair de corrosion qui se
développe à la surface d'un bronze, un fer qui se disloque au séchage, en somme
tous les objets dont la stabilisation apparaît — et est — complexe (chap. V).
On évite de déboucher les tubes, anneaux, trous de suspension et cavités qui
peuvent recéler des liens minéralisés par la corrosion. Les indices intéressants sont
notés sur l'étiquette, ainsi que - ceux qui n'ont aucune signification dans la
problématique archéologique du site (en raison de la position hors stratigraphie
d'un objet par exemple) afin que le restaurateur ne prenne pas en charge une
information vide de sens (brin d'herbe moderne, tissu XVIIle siècle, suie dans
une couche d'incendie, etc.).
Le deuxième lot est formé des objets destinés à la radiographie X. Enfin, le
dernier lot, classé approximativement par matériau et par taille, est destiné à un
conditionnement temporaire avant étude et/ou restauration.

Séchage
BRONZE ET ALLIAGES CUIVREUX
Le bronze sec est dépoussiéré sans réhumidification. Le bronze humide peut être
rincé rapidement à l'eau déminéralisée (ne jamais utiliser l'eau du robinet) et séché.
Le séchage peut s'opérer dans un bain d'alcool ou d'acétone. Ces bains doivent
être changés très régulièrement, car l'eau contenue dans les objets y passe en
solution. Au-delà d'une certaine teneur en eau, ces bains ne jouent plus le rôle de
dessiccateur escompté.
L'objet est placé à l'intérieur d'un sachet en cellophane avec ses références.
Les qualités retenues du sachet en cellophane sont sa perméabilité à la vapeur
d'eau et sa transparence ; il ne s'y produit pas de condensation ; les objets sont
visibles et peuvent circuler sans être déballés ; les surfaces sont ainsi protégées. On
leur préférera cependant les enveloppes en papier non acide pour un stockage à
long terme.
Ces sachets sont classés dans des boîtes hermétiques déshydratées par du gel de
silice avec indicateur coloré (20 g/1 minimum).
En-dessous d'un seuil d'humidité relative de 40 %, il n'existe plus de risque de
corrosion active du métal. Ces conditions existent dans les boîtes contenant du gel
de silice, dans la mesure où sa teneur en eau est contrôlée et qu'il est renouvelé
dès que l'on constate un virage du bleu au rose. Ce contrôle s'effectue de façon
hebdomadaire sur le terrain. Le rythme s'espacera lorsqu'on aura constaté une
bonne étanchéité des boîtes et que l'excès d'humidité « de terrain » aura été absorbé
dans un premier temps.
Le gel de silice est régénéré par un passage au four à 130 °C. Il est remis en place
après refroidissement.
On procède de la même façon pour les objets en argent ou en or.
LE FER
Les objets en fer ne doivent en général pas être lavés. Ils sont mis à sécher
lentement. Les éléments qui se détachent sont recollés immédiatement (colle Uhu).
Le stockage s'effectue de la même façon que pour le bronze.
Pour les objets de grande dimension ou les masses importantes, on utilise de
grands bacs en plastique, dans lesquels les quantités de gel de silice, toujours
proportionnelles au volume, seront calculées largement (200 g/10 1 minimum). Les
bacs sont glissés dans de doubles sacs domestiques pour en assurer l'étanchéité.
S'il n'est pas possible de surveiller et d'entretenir à long terme ces masses d'objets
métalliques en milieu déshydraté, il faut les placer à l'intérieur de contenants non
hermétiques, dans des locaux secs et chauffés, et prévoir des traitements de
stabilisation (chap. V).
LE PLOMB, L'ÉTAIN
Le plomb et l'étain se présentent souvent sous un aspect gris-blanc dû à la
corrosion. Celle-ci est relativement stable mais les objets sont tendres et déformables.
Il faut donc éviter toute manipulation superflue.
Ils ne doivent pas être nettoyés. Les produits de corrosion sont en général plus
durs que le métal lui-même et tout nettoyage risque d'endommager les surfaces.
Cette corrosion est un état transformé de la matière et de la surface d'origine (non
un dépôt) et porte donc la plupart des inscriptions et décors.
Les émanations de vapeurs provenant de matériaux organiques peuvent provo-
quer une corrosion sévère. Ces objets seront donc emballés exclusivement dans des
boîtes ou des sachets en polyéthylène (de préférence sans plastifiant). On élimine
donc les papiers — papiers cellophane, cartons — et bois. S'ils sont emballés dans
du papier, on utilise du papier non acide.
Ils sont stockés dans des boîtes polyéthylène comme décrit pour les objets en
bronze. Ils ne doivent pas être déroulés ni détordus.

Le bois

Dans nos régions, la majorité des bois archéologiques sont des bois gorgés d'eau.
Ils sont désormais systématiquément récoltés. Ils posent des problèmes plus ou
moins complexes selon leur volume et leur provenance. Nous verrons que ces
problèmes se résument à deux points essentiels :
— éviter le dessèchement des bois et ses conséquences irréversibles ;
— adopter un mode de stockage satisfaisant le premier objectif et dont la
maintenance soit la moins contraignante possible, et qui permette d'attendre un
traitement adapté (fonction du choix des archéologues, des possibilités des
laboratoires, du coût).
Certains sites sont implantés dans des milieux privilégiés qui ont conservé le bois
quasi intégralement : ce sont les sites de bord de lac, de rivière, de tourbière et,
bien entendu, les sites subaquatiques en général. Ils livrent des restes ligneux (de
lignine, un des constituants principaux des bois et des matières végétales) en telle
abondance que ceux-ci forment non pas un des aspects annexes de la recherche
mais son support fondamental et sa spécificité. Ils permettent de dresser un tableau
de la végétation, des climats, des défrichements, des modes de construction, de
l'artisanat. La découverte de bois est une donnée préexistante à la fouille ; elle doit
être intégrée dès l'organisation du chantier.
Les découvertes fortuites, en revanche, tels que navire, sarcophage, pirogue,
(photos 7 et 8) rassemblent les problèmes les plus aigus dans un contexte a priori
défavorable : absence d'infrastructure adaptée, voire méconnaissance du matériau
et de son comportement. En général, le sauvetage doit alors se limiter à un arrosage
constant pour maintenir l'humidité et l'appel immédiat à un spécialiste.
Cependant, la plus grande partie du bois exhumé, toutes époques confondues
(le bois néolithique, voire mésolithique, n'est pas rare — Noël, Bocquet, 1987),
provient d'une multitude de chantiers où, au hasard d'un puits, à l'approche d'une
nappe phréatique, d'une fosse, à l'occasion d'un curage de rivière, d'un sondage,
on extrait des outils, de la vaisselle, des planches, des branches, des brindilles de
bois en plus ou moins grande quantité. Ce que l'on cherche à préserver, ce sont
leur forme, leur surface et les traces de débitage, d'outils et d'usure qu'elle porte,
les structures internes qui permettent l'identification des essences, leur datation par
dendrochronologie, etc.
Tous ces bois, quelles que soient les essences, dures comme le buis, tendres
comme le sapin, se sont sévèrement dégradées dans le sol selon un processus
complexe (cf. chap. VI). L'état dans lequel ils nous parviennent est précaire. La
dessiccation, même superficielle, provoque une diminution de volume et des
déformations irréversibles. Les bois sont en outre mous et cassants, les surfaces
sont fragiles et s'altèrent par frottement. Ils se déforment sous la pression et se
fendent facilement.
Photo 7

Photo 8a

Photo 8b

PHOTO 7, 8a et 8b. — E n (7) : p i r o g u e d é c o u v e r t e s u r les b o r d s de l ' H e r s ( L ' U n i o n ,


H a u t e - G a r o n n e ) . E n (8a) : la p i r o g u e a été s o u s - c a v é e p a r secteurs, des t a s s a u x de bois o n t
été placés r é g u l i è r e m e n t e t solidarisés e n t r e e u x en r e s p e c t a n t les différences de n i v e a u x . E n
(8b) : L ' e n s e m b l e est soulevé p a r u n e n g i n é l é v a t e u r et d é p o s é s u r u n c a m i o n . Le calage est
a s s u r é p a r des sacs p l a s t i q u e s r e m p l i s de p o l y s t y r è n e e x p a n s é (fouilles A . C a m b et C h .
Servelle ; p h o t o C h . Servelle).
Les méthodes que nous préconisons cherchent à être simples, utilisables quelles
que soient les circonstances, excluant les produits et méthodes risquant de perturber
d'éventuelles datations (14C en particulier), les analyses et les traitements. Elles
cherchent à prendre en compte les masses de bois dont les possibilités d'exploitation
ne sont pas encore déterminées sur le terrain.
— Le dégagement et la mise en sachet hermétique (type Minigrip) s'effectuent
rapidement pour les petites objets. Dans un secteur dense en objets, on les dépose,
une fois ensachés et étiquetés, dans un seau d'eau à proximité. Pour des zones plus
vastes ou des éléments de grande taille, le secteur est arrosé de façon permanente.
Des systèmes d'irrigation par des tuyaux régulièrement percés et posés sur le sol,
évitent au fouilleur d'avoir à arroser (et d'être arrosé). De grandes bâches de
plastique viennent recouvrir les zones déjà dégagées et celles à fouiller pour freiner
l'évaporation. Contrairement aux baches transparentes, les baches noires évitent
le développement de micro-organismes mais dissimulent les vestiges ; sur de courtes
périodes, on peut employer une bache transparente lorsqu'on redoute les risques
de piétinement. Le dégagement s'effectue jusqu'à quelques centimètres des surfaces
pour éviter les éraflures. On sectionne les racines environnantes infiltrées dans et
autour du bois.
— Les éléments très morcelés ou composites (fer + bois par exemple) peuvent
être prélevés à l'aide de bandes plâtrées (fig. 4). On isole l'ensemble au préalable
d'un film de polyéthylène de façon à ne pas mettre les vestiges en contact avec le
plâtre et à éviter les remontées capillaires du bois vers celui-ci, ce qui empêcherait
sa prise. On peut accélérer la prise du plâtre avec un séchoir à main.
Une fois l'ensemble détaché du sol dans cette chape, on recouvre la face inférieure
terreuse d'un film de polyéthylène en jonction avec le précédent. On dispose une
mousse essorée et propre et un nouveau film. L'ensemble n'est pas hermétique. On
le placera au frais et à l'obscurité. Comme tous les prélèvements de ce type, il doit
être traité rapidement.
Malgré les restrictions déjà énoncées sur l'utilisation du polyuréthane sur le
terrain, on obtient un système plus hermétique avec lui qu'avec le plâtre. Il faudra

FIG. 4. — Prélèvement d'un ensemble morcelé ou composite.


plus que jamais isoler les vestiges avec un film de polyéthylène. L'ensemble du
prélèvement peut alors être mis dans un sac hermétique.
— Le lavage du bois s'effectue sous un filet d'eau avec le minimum de frottement.
Il est utile d'éliminer un excès de sédiment qui s'inscrusterait dans le bois pendant
le transport (graviers). Le lavage par décantation est également efficace.
— Le conditionnement avant traitement vise à rendre manipulable et transportable
des objets imbibés d'eau sans que leur conservation ne soit mise en péril à chaque
instant par risque de dessiccation.
Les objets sont placés dans des sacs hermétiques que l'on double pour s'assurer
de leur étanchéité. Pour les objets de petite dimension, on utilise des sacs de
congélation ; pour les longs, de la gaine polyéthylène en rouleau. L'objet est mis
dans le premier sac avec de l'eau — l'air restant est chassé au maximum — et le
sac soudé à chaud. Cette poche est mise dans un second sac, les références de
l'objet intercalées entre les deux sacs sur une étiquette imputrescible.
Si l'on craint les frottements de l'eau sur les objets durant le transport, .ou si
l'on cherche à diminuer le poids total du stockage, on place les objets très humides
mais sans eau supplémentaire dans les doubles sachets décrits précédemment. Le
milieu ainsi créé ne dispose que de peu de réserve pour se maintenir à 100 %
d'humidité (les plastiques ne sont pas parfaitement imperméables à la vapeur d'eau
et l'humidité à l'intérieur du sac tend à se rapprocher de celle qui règne à l'extérieur
— cf. chap. X). On peut créer artificiellement un milieu environnant humide à
100 % en disposant ces sachets entre deux couches de mousse imbibée d'eau (fig. 5).
Après transport, le bac dans lequel reposent les sacs individuels sera rempli d'eau
et couvert. Les sachets peuvent aussi être déposés dans un réfrigérateur réglé à
5-6 °C pour éviter l'évaporation et le développement de micro-organismes.

FIG. 5. — Conditionnement humide avant transport.

Les objets de grande dimension trouvent un support et un contenant idéal dans


les gouttières en PVC (photo 9). Elles sont glissées dans des gaines plastiques ou
enroulées dans des feuilles de plastique. On peut utiliser d'autres supports rigides,
tels que des planches en bois ou tout matériau suffisamment rigide pour supporter
sans déformation le poids des objets.
Lorsque les éléments de bois ont fait l'objet d'un tri préalable, il est possible de
les stocker dans un bain commun — on les isolera cependant à l'intérieur d'un
tissu synthétique (voilage polyester) pour garder les petits éléments associés, les
références, et pour protéger les surfaces. Ils seront placés entre deux mousses qui
doivent être propres pour éviter une infection fongique ou bactériologique. Le bois
doit toujours être stocké à l'obscurité et au frais afin de prévenir le développement
de micro-organismes destructeurs et polluants. Si ce problème se pose sur le terrain
(apparition d'un voile blanchâtre à la surface de l'eau, opacité, fermentation), on
emploiera soit un antifongique du groupe des ammoniums quaternaires (type
Cequartyl de 2 à 5 %), soit la solution préconisée par le CETBGE qui est une
solution d'acide borique associé au Borax à une concentration de 2 % (sept parts
d'acide borique pour trois parts de Borax). Le formol semble progressivement
abandonné en raison de sa toxicité et de son comportement acide à long terme.
En tout état de cause, on recherchera l'avis de la personne chargée des analyses
ou du traitement.

PHOTO 9. — Bois g o r g é d ' e a u d ' é p o q u e c h a l -


c o l i t h i q u e t r o u v é en g r o t t e . Il est d é p o s é d a n s
u n e g o u t t i è r e en P V C s u r u n lit d e m o u s s e
i m b i b é d ' e a u ( F o i s s a c , A v e y r o n ; fouilles et
p h o t o F. R o u z a u d ) .

Les tissus

De la cordelette de Lascaux aux tissus préservés des tombes protohistoriques


d'Hochdorf, l'intérêt des archéologues pour tout ce qui a été torsadé, tressé, tissé
par l'homme n'est pas à démontrer ici. t ' e s t dans un projet d'étude exhaustive de
ces documents : origine des fibres et nature de leur traitement, mode de tissage,
nature des colorants, superposition des couches de tissu, etc., que l'on mènera au
mieux le prélèvement. De récentes études montrent bien tout le parti que l'on peut
tirer de cette démarche (Hundt, 1987 ; Masurel, 1987).
Les vestiges ne sont pas rares. On les rencontre dans les sols aptes à conserver
les matières organiques (cf. les fosses et dépotoirs), imbibés d'eau, ou sous forme
minéralisée (ayant fixé des sels de calcium) ou déshydratés (chap. VI). La découverte
d'éléments de grande dimension ou de séries a un caractère exceptionnel et mérite
dans tous les cas de faire appel à un spécialiste (dans un cas idéal, chargé de faire
l'étude).
Les éléments de tissu se présentent souvent sur des supports en bois (cercueils), os
(squelettes), métal (vaisselle funéraire, trésor). Quels qu'ils soient, ces « contextes »
d'origine, le sol y compris, sont les meilleurs soutiens possibles des tissus forcément
peu cohérents, fragiles et cassants.
Le moment de la fouille est donc l'instant privilégié pour observer et décrire ces
vestiges souvent plus lisibles avant qu'ils subissent les perturbations inévitables du
prélèvement, du transport, des manipulations, etc. Si la consistance du sol le permet,
on nettoiera au pinceau fin pour éliminer tous les sédiments peu adhérents et
assurer le meilleur enregistrement in situ possible.
Les tissus associés à d'autres matériaux seront naturellement prélevés en même
temps que ceux-ci et déposés sur une plaque suffisamment rigide (non déformable).
L'ensemble sera glissé dans un sac de polyéthylène ou une boîte rigide hermétique
dont l'humidité sera maintenue par une mousse imbibée d'eau.
Pour les tissus isolés dans le sol, le prélèvement en motte ne se justifie que si le
sédiment assure à long terme un maintien continu et parfait (pas de fente au
séchage) ou si le prélèvement peut être fouillé et dégagé dans de meilleures
conditions dans les quelques jours qui suivent son enlèvement (2-3 jours). Dans ce
dernier cas, la motte sera conditionnée comme décrit dans le paragraphe précédent.
Le prélèvement sans sédiment se fait en glissant de force, sous le tissu et à
proximité de celui-ci, une planchette fine (coupante) et rigide en plastique ou en métal.
Mais il ne faut pas sous-estimer le risque de sectionner des couches de tissu
sous-jacentes. C'est une méthode simple et satisfaisante. Elle répond au besoin
dans la plupart des situations.
La méthode qui suit est complexe, réservée à des opérateurs expérimentés, car
une erreur à l'une des étapes de la manipulation conduit à une destruction plus
certaine qu'avec les méthodes simples. Cependant, inspirée des méthodes de
transposition des peintures murales, elle peut donner d'excellents résultats dans
des cas complexes. Il faut s'assurer, dans tous les cas, de l'agrément des personnes
chargées de l'étude et de la restauration. Le principe consiste à faire passer le tissu
de son support d'origine (le sol) à un support stable et rigide (une plaque de verre)
en le faisant transiter sur un support de gaze encollé (fig. 6).

FIG. 6. — Transfert d'un tissu sur plaque de verre.


Sur la totalité de l'échantillon à prélever, dont la surface, parfaitement nettoyée,
laisse apparaître chaque fibre, on dépose une bande de gaze de coton. On passe
sur la gaze, à l'aide d'un pinceau, de la colle vinylique légèrement concentrée à
l'air libre (type Sader). La colle doit imprégner totalement la gaze sur toute sa
surface, qui doit suivre le relief, et toutes les fibres du tissu archéologique doivent
être en contact superficiel avec elle (sans imprégner les fibres). La surface encollée
est rapidement mais complètement séchée à l'aide d'un séchoir à cheveux. La colle
blanche doit devenir translucide sur toute son épaisseur.
A cette étape, si le substrat n'est pas suffisamment humide, on le réhumidifie
pour que la terre ne soit plus adhérente au tissu en passant sous le prélèvement.
On détache alors délicatement la gaze, entraînant avec elle le tissu encollé. Le
prélèvement est déposé dans un bac, côté gaze. Le revers du tissu est devenu
observable. Il est nettoyé au pinceau ou à l'eau suivant son état. Cette surface est
enduite d'une colle : alcool polyvinylique (Rhodoviol) à 6 %. Puis on dépose une
plaque de verre sur la face nouvellement encollée.
Le tissu se retrouve alors en sandwich entre gaze et verre. La dernière étape
consiste à retirer la gaze et la colle vinylique, ce qui peut se faire dans un bain
d'acétone (le Rhodoviol est soluble dans l'eau, non dans l'acétone). Fixé sur une
plaque de verre, le tissu est étudiable sur ses deux faces, présentable et stockable.
Au sortir du bain d'acétone, il est déshydraté. Il doit donc être stocké dans un
endroit sec et frais.

Le cuir

Le cuir est difficilement identifiable dans le sol : masse sombre sans forme
distincte, il s'apparente facilement à une strate de matière organique de même
couleur et d'une consistance proche de celle du sédiment gorgé d'eau qui a permis
sa conservation. A regarder de plus près, on distingue des petits filaments, des
fibres enchevêtrées qui semblent s'échapper d'une masse plus compacte : ce sont
les fibres du cuir (chap. VI).
Les cuirs portent parfois des traces de couture (des restes de fils), de teinture ou
même de gaufrage. Il est essentiel d'éviter toute manipulation superflue pour
préserver les surfaces et les formes.
Les sols humides, normaux sous nos climats, recèlent parfois de façon inattendue
(y compris pour des périodes relativement anciennes) des traces de cuir. Elles sont
en général associées à des boucles de ceinture, des boutons, des colliers, des
couteaux (fourreau). Bien que souvent révélées en laboratoire sur les objets
métalliques en question, certains indices sur le terrain peuvent les faire soupçonner :
traces fugaces brunâtres ou noires. Il faut les signaler sur les étiquettes accompagnant
les objets. Les échantillons de sol portant des traces de cuir seront déposés dans
des tubes à essais pour analyse. Les cuirs gorgés d'eau seront placés et stockés
dans des sacs en polyéthylène pleins d'eau, doublés pour assurer l'étanchéité. Ces
sachets doivent être placés dans une pièce sombre et fraîche ou un réfrigérateur
(5-6 °C) pour éviter le développement de micro-organismes. Seuls les cuirs secs
seront conservés secs.

Le lignite

Diverses dénominations ont été employées pour cette roche charbonneuse, de


couleur noire à brune, tendre et feuilletée : schiste, schiste bitumineux, sapropelite,
jayet, jais et, enfin, lignite (Chevillot, 1976).

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
Cette variété de termes est justifiée par la variété géologique des matériaux.
Il existe des dizaines de classifications possibles : industrielles, pétrographiques,
lithologiques, économiques, botaniques. Mais l'emploi d'un terme plutôt qu'un
autre dans les descriptions archéologiques correspond plus à des modes qu'à des
réalités géologiques. L'identification précise sur le terrain est impossible. Il semble
que les archéologues retiennent désormais le terme générique de lignite (masculin).
Ce matériau a été exploité, dès le Paléolithique supérieur et sans discontinuer
jusqu'au xixe siècle, dans l'élaboration de nombre d'objets de petite taille, de parure
en particulier (perles, pendeloques, bracelets, chapelets). Seuls les difficultés de
conservation de ce matériau et son aspect modeste une fois dégradé permettent
d'expliquer sa faible représentation dans les collections muséographiques. Souvent
intacts à l'instant de leur mise au jour, les objets de lignite, brillants, noirs et lisses,
revêtent en quelques jours, parfois en quelques minutes, un aspect terne et gris, se
fendent et tombent en morceaux. L'exploitation archéologique des objets en lignite
est souvent même compromise.
On peut trouver les causes de la fragilité et du comportement de ce matériau
encore peu étudié dans sa nature et sa composition, son mode de formation, son
taux d'hydratation. Ce sont ces éléments qui permettent aussi de suggérer quelques
remèdes pour éviter sa destruction. Les lignites sont des produits de la fossilisation
de végétaux qui ont dépassé le stade de la tourbe et qui ne sont pas encore arrivés à
celui de la houille. Ils résultent de la transformation d'anciens végétaux terrestres.
Les débris de plantes mortes sont normalement détruits à l'air mais noircissent
sous l'eau par l'action de micro-organismes. Les modifications subies au cours de
la fossilisation consistent surtout en un enrichissement en carbone aux dépens des
autres constituants (d'où la notion de car bonification).
Chacun de nous procède à une carbonisation ou carbonification sans le vouloir
lorsqu'il oublie un mets dans une casserole. Le contenu se carbonise en perdant
d'abord l'eau puis les autres éléments légers. La transformation du sucre en caramel
est une carbonisation partielle qui, si elle est poussée trop loin, conduit aux grains
noirs de carbone.
Il y a environ 50 % de carbone dans le bois, de 50 à 58 % dans la tourbe, de
55 à 75 % dans le lignite, de 74 à 90 % dans la houille, et on atteint théoriquement
100 % avec le graphite, terme ultime de l'évolution.
La variété des éléments végétaux qui les ont constitués et la variété des actions
métamorphiques auxquels ils ont été soumis donnent un grand nombre de types
de lignite et, bien que tous ne se prêtent pas à un artisanat, ce sont des lignites de
natures fort différentes que l'on trouve manufacturés. En dehors des critères de
proximité et d'accessibilité des sites d'extraction (affleurement), les artisans ont dû
rechercher des critères esthétiques et de bonnes qualités mécaniques permettant le
débitage, le polissage, etc.
On peut classer les lignites en deux grandes catégories.
— Les lignites noirs, d'une couleur profonde et uniforme, à la surface desquels
n'apparaissent pas de traces de stratification. Ils semblent de structure homogène.
Les cassures sont conchoïdales ou parallélipipédiques. Le poli obtenu est souvent
d'une grande finesse. L'eau du sol lui confère un aspect brillant éphémère. Ces
objets de lignite et plus encore les déchets de fabrication sont aisément confondus
avec des charbons de bois. Pourtant, une dureté relativement plus élevée, la forme
des cassures plus nette, l'absence de structure organisée interne (présente dans les
charbons) peuvent permettre de les identifier sur le terrain.
— Les lignites bruns, brun-clair ou sépias sont des lignites moins évolués sur le
plan de la carbonification. Ils ont parfois un aspect fibreux où la structure des
fibres ligneuses est encore visible. Ils sont moins denses que les lignites noirs et
sont parfois confondus avec du bois.
Les uns comme les autres posent des problèmes ardus de conservation. Les
lignites contiennent de 10 à 30 % d'eau. Dès la première amorce de déshydratation,
c'est-à-dire dès le dégagement, il existe une probabilité importante (fonction de la
taille de l'objet et de sa structure interne, indécelable et imprévisible) pour qu'un
réseau de fentes s'amorce brutalement, affectant l'objet dans sa masse totale et pas
seulement sa surface. Ces fentes suivent en général deux directions principales,
horizontales et verticales (fig. 7).

FIG. 7. — Fissuration d'un bracelet en lignite

Les cassures nettes ainsi formées se manifestent à la moindre manipulation. Ce


phénomène brutal peut se dérouler en quelques secondes. Les déformations subies
par l'objet, même s'il n'est pas brisé, se font dans les trois dimensions et sont
irréversibles. L'objet recollé ne retrouve pas plus ses dimensions qu'un bois gorgé
d'eau desséché.
La démarche à suivre pour conserver le lignite sur le terrain est celle que l'on
met en œuvre pour tous les matériaux ne tolérant pas la moindre dessiccation. En
cela, elle est exemplaire. Dans un premier temps, le matériau doit avoir été identifié
instantanément (il doit donc déjà être connu et/ou recherché). Cette identification
n'aura aucune chance de se faire ultérieurement sur un élément détruit. La méthode
de dégagement doit être adaptée à la fragilité de l'objet et de sa surface (risque de
rayures). Le dégagement sous un mince filet d'eau ou sous un brumisateur peut
donner, selon le sédiment, les couches sous-jacentes, d'excellents résultats. L'objet
ainsi dégagé est immédiatement déposé dans un récipient d'eau (déminéralisée si
possible et à l'exclusion de tout autre liquide). Il peut y être photographié. Le
récipient sera placé par la suite dans un local sombre et frais. Si un objet en lignite
est identifié après son séchage accidentel et complet, que celui-ci ait provoqué
ou non son altération, il est, comme pour chaque objet ayant subi un cycle
hydratation-déshydratation, inutile et même néfaste de le réhumidifier. En revanche,
s'il n'a subi qu'une déshydratation partielle, il faut stopper le processus d'évapora-
tion en le plaçant dans un milieu à 100 % d'humidité. La consolidation sur le
terrain, lors du dégagement ou sur le chantier est superflue si le lignite a été prélevé
rapidement. Le comportement des lignites au contact des solvants et des solutions
consolidantes est complexe (gonflement, fragilisation, difficulté d'imprégnation) et
leur consolidation reste du ressort du spécialiste. Ce matériau, jusqu'ici un peu
délaissé, fera sans aucun doute l'objet d'investigations dans le domaine de
l'archéologie et de la conservation dans les années à venir. Il ne faudrait pas
compromettre ces études (analyses, recherche des sites d'extraction, méthodes de
traitement définitif) par des interventions non appropriées. Il devrait faire l'objet
d'échantillonnages systématiques.
Les charbons de bois

Des végétaux carbonisés, il ne reste que du carbone pur. Ils conservent, malgré
leur fragilité, les caractéristiques principales des essences dont ils sont issus, dans
leur structure interne et à leur surface (les graines peuvent encore porter leur
enveloppe) (photos 10 et 11). On peut parfois y discerner des traces de débitage et
d'aménagement (écorçage, trace d'outils, polissage). N'étant plus alors seulement
un matériau de datation ou de détermination spécifique, on peut s'attarder à un
dégagement fin des surfaces lorsque cela répond à un intérêt archéologique.

PHOTO 10. — V a n n e r i e d ' é p o q u e m é d i é v a l e . Le p r é l è v e m e n t a été effectué sans c o n s o l i d a t i o n


p r é a l a b l e ( S t - A u b i n , T o u l o u s e , H a u t e - G a r o n n e ; fouille J. C a t a l o ; p h o t o F. C h a v i g n e r ) .

PHOTO 11. — V a n n e r i e s et g r a i n s calcinés


d ' é p o q u e p r o t o h i s t o r i q u e t r o u v é s en g r o t t e . Le
p r é l è v e m e n t a été effectué p a r e n r o b a g e de
résines silicones ( L e N o y e r , Esclauzels, L o t ;
fouilles J.-P. G i r a u d ; p h o t o F. C h a v i g n e r ) .
Les charbons, ayant une plus grande solidité à l'état sec qu'à l'état humide,
peuvent, après un dégagement précautionneux au pinceau, sécher à l'air. Seules les
écorces ont tendance à se détacher. Les charbons de bois solides peuvent être rincés
à l'eau. Ils seront stockés, très secs, dans des emballages individuels (« papillotes »)
de papier d'aluminium qui évitent tout frottement et limitent les contraintes
mécaniques qui pourraient les écraser.
Cet emballage d'aluminium évite aux charbons destinés aux analyses de datation
radiocarbone d'être pollués par un contact avec des matières organiques (coton,
papier, etc.).

L 'ambre

L'ambre est une résine fossile. Il représente, comme les bois silicifiés et les lignites,
un témoignage des grandes forêts de conifères qui s'étendaient sur l'Europe du
Nord à l'Oligocène.
L'ambre non manufacturé se présente généralement sous forme de nodules
irréguliers relativement tendres, plus ou moins translucides dans des tons variés du
jaune au brun.
L'ambre a été utilisé en Europe pour la parure depuis le Néolithique. Débités et
polis, les objets en ambre ayant séjourné dans le sol sont dans un état précaire et
souvent préoccupant au moment délicat du prélèvement. Leur conservation à long
terme n'est d'ailleurs pas mieux résolue. Aucun matériau n'a, plus que l'ambre, été
l'objet d'études approfondies sur ses caractéristiques physiques et chimiques et de
controverses sur les modes d'échange de la matière première depuis le nord de
l'Europe en direction du sud.
L'ambre ou les ambres ?
Le mot succin est toujours employé pour désigner un ambre vrai ou « ambre balte »,
particulièrement riche en acide succinique, le différenciant ainsi des ambres non
succiniques ou retiniques fort nombreux. Outre l'acide succinique, dont la teneur
varie entre 3 à 8 %, le succin contient les principaux composants des résines et
bitumes. Sa formule brute est CIOH160.
Les espèces voisines du succin portent des noms différents selon leur composition
chimique, leurs propriétés et leur provenance. Les « ambres locaux » mentionnés
dans la littérature archéologique proviennent de gîtes plus récents (Miocène) et
dispersés dans des sites plus méridionaux dont de nombreux en France (Pyrénées,
Aquitaine, Massif-Central). Ils sont réputés fragiles et oxydables.
L'analyse des ambres préhistoriques les identifie toujours comme du « vrai
ambre » de la Baltique. Les ambres locaux n'ont-ils jamais été utilisés ? Ou se
sont-ils trop dégradés pour nous parvenir sous une forme que l'analyse puisse
déterminer ? La spectrographie infra-rouge qui ne nécessite qu'un très petit
échantillonnage de 0,5 à 2 mg, a été développée par W.-C. Beck. Appliquée à des
échantillons baltes et non baltes, cette méthode s'est montrée fiable pour la
détermination du succin d'Europe du Nord. « Virtuellement, tout l'ambre préhisto-
rique semble provenir du nord de l'Europe » (Pétrequin et al., 1986).
Reste que cette méthode ne s'applique pas aux échantillons totalement oxydés
(Mazurowski, 1986). Peut-être est-ce un cas de conservation différentielle où seul
le matériau le plus résistant parviendrait jusqu'à nous et serait analysable ?
L'altération de l'ambre apparaît au moins autant due aux caractères variables
du matériau — dureté, homogénéité, densité, taille (caractères qui ne sont pas
forcément liés à sa qualité optique) — qu'aux conditions d'enfouissement : chaque
grain d'un collier découvert dans le sol peut être dans un état différent. La surface
des objets mis au jour est souvent opaque, d'un jaune très clair, finement granuleux
sous le doigt. Sur une cassure éventuelle, on observe que cette altération n'affecte
l'objet que sur une faible épaisseur. Cette oxydation s'est produite dans le sol. Elle
se poursuivra dans l'atmosphère. On observe aussi, sous cette surface, des fentes
se développant en réseau serré vers le centre. Sur un objet non brisé, ces fentes ne
sont pas décelables. Elles ne seront mises en évidence qu'au moment de la cassure
souvent bien postérieure au dégagement, après stockage et manipulation (fig. 8).
La formation des fentes est due au phénomène de dessiccation, lié directement au
passage de l'objet dans un milieu aérien plus sec que le milieu d'enfouissement. Ce
phénomène est quasi instantané et rappelle celui observé sur le lignite. Il s'agit donc
de freiner toute évaporation brutale dès le dégagement. Pour ce faire, après un
rapide dégagement du sol, il faut étroitement envelopper l'objet dans un film de
polyéthylène étirable. Il doit être déposé dans un récipient hermétique de petite
taille (un pilulier en verre laisse l'objet visible) dans lequel on aura placé une
mousse propre et humide sous un plastique à bulles. Les flacons seront stockés au
frais, à l'abri de la lumière.

FIG. 8. — Différentes allures de l'altération de l'ambre (trois perles vues en coupe).

Dans d'autres cas, un réseau de fentes est apparent sur la surface terne de l'objet,
qui semble formé de grains sans cohésion, prêts à se disloquer. L'objet s'est oxydé
plus sévèrement dans le sol que dans le cas précédent. Il faut procéder à
l'échantillonnage pour analyse (0,5 à 2 mg) avant consolidation, puis tenter une
consolidation délicate. Il s'agit de déposer au pinceau, par petites touches, au fur
et à mesure du dégagement, de faibles quantités de Paraloïd à 15 à 20 %. L'objet
ne doit pas être imbibé à cœur de solvant. C'est parfois le seul moyen d'extraire
du sol un objet quasi poudreux (imbibé de solution faiblement concentrée, les
structures gonflent, se dissocient et s'effondrent à l'évaporation). En cas d'insuccès,
on peut procéder à une prise de l'empreinte laissée par l'objet dans le sol avec du
plâtre ou du silicone. Pour étude, afin de ne pas égarer les morceaux ou pour
assurer la cohésion de l'objet, on recolle les morceaux. Il faut savoir que même
avec une colle réversible, comme les colles « universelles » du commerce (type Uhu,
seccotine, etc.), le collage sera, de fait, définitif. Les objets recollés seront placés
dans les conditions évoquées plus haut.

Coquillages et coquilles

Les coquillages et coquilles le plus souvent récoltés sont des espèces variées de
bivalves — moules, huîtres, pecten — et de gastéropodes (escargots). Ils sont
exploités, pour les sites les plus anciens, comme indicateurs climatiques par
l'identification des espèces et leurs associations, ou comme indicateur chronologique
par analyse : mesure de radioactivité 14C, racémisation des acides aminées, mesure
de radioactivité des descendants de l'uranium (Cattalioti-Valdina, 1985). Dès le
Paléolithique moyen, ce sont aussi des témoignages culturels du rapport des
hommes et de leur milieu : parure (Taborin, 1974), déchets culinaires (amas
coquilliers du Mésolithique, huîtres et moules dès le Néolithique...), outillage.
Sur le terrain, lorsque leur structure complète n'est pas conservée, les coquillages
(ou les coquilles, qui se comportent de la même façon) se présentent sous forme
de plaquettes crayeuses blanches, extrêmement tendres et friables, d'aspect parfois
nacré sur les deux faces, dont le signe le plus caractéristique est la structure finement
feuilletée.
Le carbonate de calcium (CaC03) est le constituant principal des coquillages.
Elaborés par le manteau des mollusques, ce sont des formations cristallines
complexes, agencées en couches très organisées. Les coquilles et valves s'accroissent
grâce à l'activité du bord du manteau qui engendre de nouvelles couches de
substances calcifiées. Quant à l'accroissement en épaisseur, il résulte de l'activité
de la face interne du manteau. La face externe de la coquille est en totalité
recouverte d'une sorte de vernis protecteur, très résistant à l'état frais : le
periostracum. Du periostracum à la face interne de chaque valve, se voient l'ostracum,
couche cristalline externe, puis la couche cristalline interne ou hypostracum, qui
consiste en une nacre ou en une substance porcelanée (Franc, 1985).
Le carbonate de calcium de ces couches cristallise sous forme d'aragonite, engendrée
par une matrice organique qui les entoure comme un fourreau. Ce sont des biocristaux
de nature très particulière.
Les coquillages s'altèrent dans le sol selon un processus similaire à celui de l'os :
par hydrolyse de la portion organique qu'elles contiennent à l'état frais. Les
couches précédemment citées voient leurs « matrices organiques » éliminées et se
désolidarisent, ce qui provoque l'aspect feuilleté du coquillage après enfouissement
(fig. 9).

FIG. 9. — Altération d'un coquillage percé.

Le periostracum, surface la plus riche en portion organique et partie la plus


pigmentée du coquillage (parfois la seule), disparaît à peu près systématiquement.
Il représente la surface originelle de l'objet. Si on veut raisonner sur le choix des
coquillages en fonction de leur couleur, on ne peut le faire que par comparaison
avec du matériel frais. Les traces de débitage, de façonnage et d'usure touchant
l'ostracum subsistent sur des surfaces bien conservées.
Affaibli structurellement, extrêmement fragile à la rayure, une consolidation
avant prélèvement s'impose souvent. En terrain légèrement humide, on utilisera
du Primai WS24 (1 v/15 v) dans l'eau ; sur un coquillage sec, du Paraloïd B72 à
5 %. Les coquillages doivent être stockés non compressés, entre deux couches de
plastique à bulles dans une boîte plastique, après évaporation de l'eau ou des
solvants. Les collages conseillés en cas de bris sur le terrain se feront à la colle
blanche (PVA en émulsion aqueuse testée ou sélectionnée soigneusement) ou à la
colle vinylique en solution (colle « universelle »).

Les perles

Les probabilités d'identifier sur le terrain des perles fines isolées — marines ou
d'eau douce — sont bien minces pour des raisons évidentes de rareté et de
dimension, mais aussi parce que l'irisation qui les caractérise résiste mal à un séjour
prolongé dans le sol. Transformées en nodules fragiles et ternes, elles se confondent
avec n'importe quel caillou de même taille. On les trouve plus aisément lorsqu'elles
sont serties en cabochon, montées en collier, boucles d'oreilles... (dans les trésors
gallo-romains par exemple).
Les perles sont des sécrétions calcaires. La perle fine est constituée de couches
perlières concentriques jusqu'au centre où se trouve le parasite qui l'a provoquée
(fig. 10). Les couches perlières sont un assemblage de cristaux d'aragonite (CaC03)
disposés en épitaxie (directions cristallines parallèles) au sein d'une résille de matière
organique gélatineuse : la conchyoline, qui forme en quelque sorte le ciment de la
construction (Poirot, 1987)

FIG. 10. — Structure des couches perlières.

L'aragonite est, comme la calcite, un carbonate de calcium. Leur différence ne


réside pas dans leur composition chimique, mais dans le fait qu'elles cristallisent
dans des systèmes (ou formes de cristaux) différents.
La constitution des couches perlières diffère de celle des couches de nacre par
leur teneur en conchyoline, plus importante dans la perle. Cette composition et
cette texture expliquent la propriété de la perle à l'état frais : bonne résistance à
l'écrasement, faible résistance à la rayure, fragilité à la dessiccation, aux acides, au
gaz carbonique.
Le processus de la détérioration de la perle dans le sol est le même que celui
d'autres minéraux organiques — tels l'os ou les coquillages — avec, selon les
conditions du milieu environnant (circulation d'eau chargée de C02, pH du sol),
une hydrolyse partielle ou totale de la portion organique, la conchyoline. Le
« ciment » détruit, les parties minérales se trouvent isolées. La structure totale, plus
friable et poreuse, peut alors subir une dissolution plus ou moins poussée (comme
n'importe quel élément de calcaire dans un milieu agressif).
Il est probable que l'aragonite, peu stable après une étape de dissolution, se
reminéralise dans certaines conditions sous une forme cristalline plus stable : la
calcite. Ce phénomène est décrit pour l'os fossile. Il provoque, pour la perle, la
disparition irréversible de l'irisation.
On l'a vu, la découverte de perles est en général associée à celle de bijoux
exceptionnels. Il est malheureusement utopique de penser que ces objets ne seront
pas un tant soit peu lavés sur le terrain. On trouvera donc un compromis parfois
très utile : rassembler dans une même opération le lavage (pour que l'objet soit
reconnaissable), le rinçage (pour éliminer — dissoudre — les sels solubles contenus
dans la perle et risquant de provoquer sa dislocation au séchage) et la consolidation.
L'objet est déposé dans un bain de grand volume contenant le consolidant à faible
concentration en milieu aqueux. On utilise donc de l'eau déminéralisée additionnée
de Primai WS24 dilué dans 25 volumes d'eau. On dégage la terre de l'objet au
pinceau, le sédiment se dépose dans le fond du récipient. Il est utile de renouveler
le bain. On laisse sécher lentement. A ce stade, les objets doivent être portés à un
spécialiste.
CHAPITRE III

La céramique
archéologique
M a r i e BERDUCOU

D e s m a t é r i a u x é l a b o r é s p a r l ' h o m m e , la c é r a m i q u e , résultat de la t r a n s f o r m a t i o n
irréversible d ' u n e p â t e argileuse p a r la cuisson, est p e u t - ê t r e le plus d u r a b l e ,
résistant a u x c o n d i t i o n s d ' e n f o u i s s e m e n t les plus variées. Sa présence o u s o n
a b s e n c e s o n t en soi u n e c a r a c t é r i s t i q u e m a j e u r e des civilisations étudiées p a r
l ' a r c h é o l o g i e : « a c é r a m i q u e », qui en ignore l'usage ; « p r o t o c é r a m i q u e », o ù la
céramique apparaît dans l'ensemble du mobilier retrouvé comme une production
m i n e u r e , s o u v e n t m a l maîtrisée et p a r f o i s sans d é v e l o p p e m e n t ultérieur ;
« civilisation c é r a m i q u e » enfin, q u a n d ce m a t é r i a u , o m n i p r é s e n t d a n s le m o b i l i e r
d o m e s t i q u e , c o r r e s p o n d à u n e a c q u i s i t i o n t e c h n i q u e définitive.
L a c é r a m i q u e p e u t être le m a t é r i a u de très n o m b r e u s e s réalisations, r e t r o u v é e s
en q u a n t i t é s o u v e n t i m p o r t a n t e p a r les fouilles a r c h é o l o g i q u e s : vaisselle bien sûr
(et récipients a u x diverses fonctions, funéraires, religieuses, etc.), m a i s aussi
multiples objets utilitaires (lampes, pesons, fusaïoles, brûle p a r f u m s , braseros,
sceaux et t a m p o n s , etc.) et a r c h i t e c t u r a u x (tuiles, briques, c o n d u i t e s , é l é m e n t s
décoratifs, etc.). Statuettes, b a s reliefs, m i n i a t u r e s , m a q u e t t e s , « m o d è l e s » r e p r o d u i -
s a n t des objets faits en d ' a u t r e s m a t é r i a u x , j o u e t s aussi : l ' a r c h é o l o g i e livre encore,
plus o c c a s i o n n e l l e m e n t , bien d ' a u t r e s p r o d u i t s c é r a m i q u e s .
R i e n d ' é t o n n a n t d o n c à ce q u e la c é r a m o l o g i e dispose a u j o u r d ' h u i d ' u n e t r a d i t i o n
a n c i e n n e et d ' u n g r a n d n o m b r e d ' o u v r a g e s de références. Son langage descriptif,
très riche, fait r é g u l i è r e m e n t l'objet d'efforts de synthèse o u de n o r m a l i s a t i o n (voir
p a r exemple : G a r d i n , 1976 ; Y o n , 1981 ; Balfet et al., 1983 ; A l c a m o , 1986). L a
p a n o p l i e des t e c h n i q u e s d ' o b s e r v a t i o n , d ' a n a l y s e et de d a t a t i o n q u e l ' a r c h é o l o g u e
p e u t a p p l i q u e r à ce m a t é r i a u est u n e des plus c o n s i d é r a b l e s d o n t il dispose et il est
significatif d ' o b s e r v e r q u ' u n des livres i m p o r t a n t s consacrés a u sujet, celui d ' A . O.
S c h e p a r d , « C e r a m i c s for the A r c h a e o l o g i s t », a c o n n u d e p u i s 1956 onze rééditions
successives... ( S c h e p a r d , 1985). P a r c o u r i r à r e b o u r s le c h e m i n qui c o n d u i t de l'argile
des géologues à la terre d u potier est u n peu le p a s s a g e obligé de ces études de
céramologie. E n effet si l ' é t u d e t y p o l o g i q u e d u matériel c é r a m i q u e livré p a r u n site
est u n e pièce clé de son i n t e r p r é t a t i o n , y c o m p r i s s t r a t i g r a p h i q u e (la c é r a m i q u e est
u n p e u le « fossile d i r e c t e u r » de bien des archéologies), il se prête à bien d ' a u t r e s
recherches : histoire des techniques, sociologie de cette p r o d u c t i o n , typologies
comparatives (chronologiquement et/ou géographiquement), origine et circulation
des matières premières, des objets, de leur contenu, etc. La céramique est parfois
même le seul témoin d'autres productions disparues, liées à son contenu ou aux
objets qui ont servi à sa fabrication ou à sa décoration, et dont elle porte les traces
(par exemple les cordages préhistoriques imprimés sur les poteries, et qui peuvent
être identifiés et étudiés grâce à ces impressions (Hurley, 1979). Ainsi, de l'argile à
l'objet céramique, puis de l'objet en usage à l'objet archéologique modifié par
l'enfouissement, de multiples transformations surviennent qui toutes intéressent
l'archéologie à des titres divers. C'est dans ce contexte archéologique très riche que
doit s'envisager la conservation-restauration des céramiques, sachant que la typologie
des formes et des décors, souvent fondamentale, ne constitue néanmoins qu'un des
aspects de leur étude. Les travaux de nettoyage et de remontage qui lui sont
étroitement liés sont pratiquement toujours entrepris. Ils soulèvent parfois une
vraie difficulté technique : la consolidation des objets très altérés. Réservée à un
nombre limité de cas, la restauration se propose de faciliter la lisibilité et de mettre
en valeur l'esthétique de certaines pièces par le comblement des parties lacunaires,
voire par celui des joints entre fragments, qui trahissent leur caractère morcelé.
Quant aux mesures de conservation à long terme, avec lesquelles nous conclurons
brièvement ce chapitre, l'abondance et la banalité du matériau les découragent
trop souvent. La conservation des céramiques renvoie pourtant à leur considérable
valeur documentaire et l'histoire de l'archéologie montre bien le rôle joué par les
collections céramiques pour assurer à la fois la continuité et le renouvellement
des recherches, permettre la formation des jeunes archéologues et diffuser les
connaissances acquises dans un public plus vaste.

DE L'ARGILE A L ' O B J E T CERAMIQUE

L'argile des géologues et la « terre » des potiers

Pour l'ingénieur céramiste, le terme de « céramique » recouvre aujourd'hui un


grand nombre de matériaux de synthèse, parfois utilisés dans des technologies de
pointe comme le nucléaire ou l'électronique, et dont le trait commun est de n'être
ni métallique ni organique (Davidge, 1970). Cette définition large, qui englobe les
verres comme les ciments, n'est évidemment pas celle retenue ici. Nous entendons
céramique au sens étroit et traditionnel du mot : terres cuites et poteries communes,
faïences, grès, porcelaines, obtenus à partir d'une pâte dont la cohésion avant cuisson
et l'induration par cuisson sont essentiellement dues à la fraction argileuse.
D'autres matières minérales, notamment la chaux et le plâtre, ont été utilisées
très tôt pour la fabrication de récipients (par exemple la « vaisselle blanche »
connue au 6e millénaire au Proche Orient) et de statuettes (comme celles trouvées
dans les niveaux néolithiques de Jéricho et plus récemment sur le site de Ain Ghazal
en Jordanie). Ces matériaux, qui posent de redoutables problèmes de conservation,
ne seront que brièvement évoqués. Le vocabulaire usuel réserve par ailleurs quelques
pièges. Le terme faïence s'est ainsi imposé dans la langue archéologique pour
désigner des productions d'Egypte et du Proche Orient anciens, obtenues par le
mélange non plastique de minéraux siliceux et de fondants alcalins agglomérés au
cours de la cuisson par vitrification partielle. Pourtant, le terme faïence s'applique
en général aux céramiques (sens traditionnel : terre cuite) recouvertes d'une glaçure
(le plus souvent une glaçure stannifère opaque), tandis que l'expression « faïence
fine » désigne avec précision les céramiques blanches et fines recouvertes d'une
glaçure transparente.
L'argile est une matière naturelle très abondante, et caractéristique des couches
superficielles de l'écorce terrestre. Elle est issue de la dégradation des roches
silicatées, formées en profondeur et qui s'altèrent sous l'effet du climat, lorsqu'elles
affleurent. Déposées là où elles se sont formées (argile « primaire »), ou charriées
et sédimentées à distance (argile « secondaire »), les argiles sont formées de
particules de très petite dimension (moins de deux micromètres), invisibles à l'œil,
à la loupe ou au microscope ordinaire. Cela a longtemps rendu inaccessible l'étude
de leurs constituants spécifiques : les minéraux argileux.
Du point de vue minéralogique (Millot, 1964 ; Caillere, Hénin, 1963), il n'y a pas
une mais des argiles. Les minéraux argileux ont en commun une composition
chimique de base : le silicium, l'aluminium, l'oxygène et les groupements hydroxyles
OH en sont les éléments principaux, et une structure feuilletée : ce sont des
« phyllosilicates » hydratés. Comme leur nom l'indique, ils sont constitués de
feuillets, comprenant eux-même plusieurs couches. Voici très schématiquement leur
structure. Une couche est constituée de motifs tétraédriques régulièrement répétés :
un petit atome de silicium se trouve logé au centre d'un tétraèdre, dont les sommets
sont occupés par quatre atomes d'oxygène ; trois de ces quatre oxygène sont mis
en commun avec les motifs voisins, et c'est ainsi que se développe le plan cristallin.
Le quatrième atome d'oxygène n'est pas saturé (une valence libre) : il peut s'associer
avec une autre couche de l'édifice (fig. 1).

FIG. 1. — Couche tétraédrique de silice.

L'alumine constitue cette autre couche. Le motif élémentaire, octaédrique, est un


peu plus compliqué. Un atome d'aluminium est entouré de six atomes d'oxygène
ou groupements OH. Là aussi tous ne sont pas saturés.
Les atomes d'oxygène communs aux deux couches assurent une liaison solide entre
eux.
L'association des couches, tétraédrique (Te) et octaédrique (Oc), peut se faire
selon deux modes de construction : deux couches Te/Oc ; trois couches Te/Oc/Te.
L'édifice ainsi formé (fig. 2), qui comporte deux ou trois couches, constitue le feuillet
élémentaire caractéristique de chaque groupe de minéraux argileux : kaolinite,
halloysite, montmorillonite, illite, chlorite, etc. Les feuillets sont liés entre eux par
des liaisons beaucoup plus faibles que celles qui existent entre leurs couches
constitutives. L'empilement d'un certain nombre de feuillets (jusqu'à quelques
milliers) forme la particule d'argile, dont la configuration (et l'appellation : cristal,
cristallite...) varie selon l'espèce minéralogique considérée. Son épaisseur se mesure
en micromètres (donc en millièmes de millimètre) et celle des feuillets en unités dix
mille fois plus petites, les angstrôms. Lorsque nous parlons du « grain » d'une
argile, plus ou moins fine et homogène, plus ou moins onctueuse au toucher, ce
n'est pas encore à cette particule élémentaire que nous nous référons, mais aux
petits conglomérats formés par de très nombreuses particules, qui représentent le
premier niveau d'organisation directement accessible à nos sens.
La plupart des minéraux argileux présentent dans leurs feuillets élémentaires des
substitutions, qui modifient le schéma théorique que nous avons esquissé. Certains
atomes, de magnésium, de fer, etc., prennent dans le feuillet la place des atomes
de silicium ou d'aluminium en entraînant un déficit de charge positive, car ils ont
une valence inférieure. L'édifice n'est plus électriquement neutre. Ce déficit est
compensé par la fixation d'ions positifs qui viennent se loger entre les feuillets
(potassium, sodium, calcium, etc.), et les maintiennent liés. Ceci est à l'origine du
pouvoir adsorbant des argiles et de leurs grandes capacités d'échanges. Pour certains
minéraux, comme la montmorillonite (feuillet à trois couches Te/Oc/Te fig. 2.3.),
ces cations « compensateurs » peuvent s'hydrater et provoquer ainsi le gonflement
du minéral, car un nombre variable de molécules d'eau s'intercale entre les feuillets
et les écarte. Dans l'espace interfoliaire ainsi rendu accessible à l'eau, les ions
positifs peuvent s'échanger facilement avec d'autres ions positifs du milieu. Pour
un minéral comme l'illite, (feuillet à trois couches Te/Oc/Te fig. 2.2.), les ions
potassium compensent l'électronégativité des feuillets et instaurent un lien assez
stable entre eux. La kaolinite (feuillet à deux couches Te/Oc fig. 2.1.) est un minéral
encore plus stable qui offre peu de substitutions et dont les feuillets sont maintenus
entre eux par des liaisons de type hydrogène, entre les hydroxyles d'un feuillet
(couche Te) et les oxygènes du suivant (couche Oc).

FIG. 2. — Structure des minéraux argileux.

La kaolinite et la montmorillonite sont donc, par exemple, des minéraux bien différenciés.
Les particules du premier (plaquettes rigides de forme régulière, ou « cristallites ») sont plus
grandes que celles du second :.les feuillets, moins aisément dissociables, s'empilent en nombre
plus important. Les capacités d'échange et d'adsorption de la kaolinite sont inférieures à
celles de la montmorillonite : elle comporte peu d'impuretés, notamment d'oxydes de fer,
susceptibles d'abaisser son point de fusion et de la colorer. Ses particules, rigides et de taille
importante, peuvent être mises en suspension dans l'eau, mais perdent rapidement leur
mobilité quand elles se rapprochent : leur plasticité est médiocre. C'est la matière première
par excellence des porcelaines, souvent coulée, qui cuisent « blanc », à haute température. Au
contraire une argile composée essentiellement de montmorillonite peut se présenter en
particules homogènes de dimensions très petites, être colorée et fusible à plus basse
température ; l'eau adsorbée la rend « gonflante », extrêmement plastique (trop pour la
plupart des utilisations), et entraîne un retrait important au séchage. Une toute petite quantité
de montmorillonite ajoutée à une argile essentiellement formée de kaolinite améliore
sensiblement sa plasticité.
Du point de vue minéralogique, les argiles représentent donc une famille complexe,
regroupant plusieurs dizaines d'espèces, caractérisées par leur affinité pour l'eau,
dans laquelle elles peuvent être diluées (formation d'une suspension colloïdale) et
par une certaine capacité d'échanges ioniques avec le milieu. Ces échanges sont
d'autant plus importants que la taille des particules est très petite (inférieure à deux
micromètres) : elles développent donc une grande aire de contact avec le milieu.
A des fourchettes de teneurs en eau qui varient pour chaque espèce, les argiles
présentent un état plastique déformable, qui leur permet de conserver la forme qui
leur est imprimée : le film d'eau retenu à la surface des particules leur permet de
glisser les unes sur les autres. Au séchage, elles subissent un retrait correspondant
au volume d'eau évaporée et acquièrent une cohésion en cru qui les rend assez
solides pour diverses utilisations (pisé, torchis, briques crues, tablettes), mais cette
induration est réversible et reste dépendante de leur teneur en eau.
Dans la nature, les argiles ne se présentent presque jamais sous une forme
monominérale, mais plutôt comme des roches formées par un mélange de différents
minéraux argileux et d'autres composants : calcaire, dolomie, feldspath, minéraux
riches en oxydes et hydroxydes de fer, sable, mica, gypse, etc. Ainsi de nombreux
gisements d'argile utilisés pour la fabrication des terres cuites, des poteries
communes, des grès, contiennent d'importantes proportions d'hydroxydes de fer
(terres rouges), de calcaire (marne ou argile marneuse), de sable (argile sableuse).
Lorsque les minéraux argileux sont en proportion assez importante pour communi-
quer à la roche leurs principales propriétés, on parle de roche argileuse ou d'argile.
L'expression recouvre donc des réalités très diverses liées à l'histoire de chaque
gisement : conditions de sa formation (climat et altération conséquente de la roche
mère, ou bien néoformation à partir d'ions en solutions dans les lacs, les mers et
les océans), conditions de son transport éventuel et de son dépôt dans des bassins
sédimentaires, et enfin transformations qui peuvent affecter ces dépôts après leur
sédimentation. Ces mécanismes sont complexes, et impliquent souvent la cœxistence
de multiples états transitoires, chacun caractérisé par une espèce minéralogique
particulière.
Enfouis à des profondeurs importantes, les sédiments argileux, sous l'effet de la
température et de la pression élevées, recristallisent progressivement en roches
compactes, semblables à celles dont l'altération les avaient engendrés : les argiles
... « sont la forme de passage obligée de la matière silicatée dans le cycle géologique »
(Millot, 1985, p. 638). En cuisant les argiles, l'homme recrée très partiellement ce
mécanisme naturel, avec un apport d'énergie certes dérisoire par rapport aux
conditions de la lithification géologique. Mais en ce sens tout de même, les
céramiques sont bien des roches artificielles.
A la diversité des ressources naturelles offertes par les argiles, s'ajoutent de
multiples possibilités de transformation technologique : choix, mélanges, modifica-
tions des matières premières argileuses ; mise en forme et décorations par divers
procédés ; cuissons conduites à des vitesses et des températures variables, plus ou
moins longuement, dans des atmosphères oxydantes ou réductrices...Tout ceci
explique la gamme très diversifiée des produits finaux obtenus et la complexité de
la technologie des céramiques. L'exploration et la maîtrise scientifique de cette
technologie sont aujourd'hui très approfondies et, pour le conservateur-restaurateur
qui s'en informe, cela contraste vivement avec l'empirisme et la simplicité des
méthodes qu'il utilise habituellement. Si nous nous risquons ici à quelques
rappels technologiques, c'est que quelques notions nous semblent malgré tout
indispensables. Il est toujours important de connaître dans ses grandes lignes le
matériau traité : impossible autrement de le comprendre dans sa forme altérée et
de prévoir son comportement à venir. Et il est déjà souvent très utile de mesurer
l'impact (même discret) que nos interventions peuvent avoir sur sa nature et sur
son interprétation.
De la terre des potiers à l'objet céramique

(Picon, 1973 ; Rhodes, 1976 ; Colbeck, 1976 ; Leach, 1979 ; Echallier, 1984 ;
Hamer, 1986 ; Rado, 1988)

Préparation des pâtes


Les terres argileuses que le potier utilise contiennent donc une proportion variable
de résidus organiques et de minéraux non argileux. Ceux-ci, même à l'état de très
petites particules, ne présentent pas de plasticité en présence d'eau et ne subissent
pas de retrait au séchage : ils modèrent donc ces propriétés et rendent certains
mélanges naturels utilisables presque sans aménagement (terres franches). Ces
terres existent dans la nature avec assez de diversité pour permettre aussi bien la
fabrication de céramiques à pâte fine et homogène que celle de céramiques à pâte
grossière, de grain plus hétérogène. Au contraire, les argiles trop graveleuses, trop
grasses (trop plastiques), trop maigres, etc., peuvent être modifiées par différents
traitements. Le potier peut mélanger les terres de différentes carrières ou gisements.
Les terres peuvent être mises à « pourrir », pour que le travail mécanique du gel
régularise la taille des particules et que leur fraction organique s'élimine par
biodégradation ; elles peuvent être homogénéisées et débarrassées des gaz issus de
cette fermentation et des bulles d'air par divers procédés (marchage, pétrissage,
etc.). Elles peuvent être épurées des minéraux non plastiques et des composés
solubles, à un degré plus ou moins poussé : tri manuel des éléments grossiers,
tamisage, décantation, lavage, etc. Enfin, et ce point est sans doute un de ceux qui
a le plus retenu l'attention des archéologues, leur plasticité et leur retrait au séchage
peuvent être ajustés par l'ajout de dégraissants : os, calcite et coquillages pilés,
céramique broyée (chamotte), sable, fragments végétaux, etc. La nature de certains
de ces dégraissants « ajoutés » ne les rend pas toujours faciles à distinguer des
dégraissants « naturels », ces fragments de roches non plastiques présents à l'origine
dans la terre argileuse, et cette distinction soulève souvent de difficiles problèmes
d'interprétation technologique. Naturels ou ajoutés, les dégraissants influencent
fortement la plasticité, le retrait au séchage, la cohésion en crue et parfois la cuisson
des argiles.

Façonnage
Les objets céramiques peuvent être façonnés avant cuisson de diverses manières
dont nous ne pouvons entreprendre ici la description détaillée. Le lecteur trouvera
en encadré quelques rappels simples.

Rappels technologiques : LE FAÇONNAGE DES CÉRAMIQUES

Modelage : le bloc d'argile plastique est façonné ou repoussé à la main. Les


parois sont irrégulières, plutôt épaisses. La pâte peut aussi être appliquée,
lissée et séchée contre les parois d'un moule.
Colombinage : sur une galette formant le fond, des boudins de pâte roulés
à la main sont superposés et soudés les uns aux autres (pression, légère
réhumidification). Les objets peuvent atteindre de grandes dimensions, si on
laisse durcir par séchage les niveaux inférieurs au. fur et à mesure que l'on
« monte » la forme. Selon le degré de finition, les raccords sont plus ou moins
visibles. Parois et formes ne sont pas parfaitement régulières. Sur une cassure
verticale, l'orientation différente de la pâte dans chaque colombin apparaît.
Les vases se brisent souvent à la jonction entre deux colombins, cassure
horizontale entre chaque cercle de pâte, ou oblique si un seul colombin très
long a été posé en spirale.
On peut aussi souder entre elles de petites mottes d'argile aplaties en galettes.
Tournette : un dispositif très rudimentaire permet d'appliquer une rotation
lente et irrégulière au support de l'objet. On peut parfaire ainsi les formes
modelées ou montées au colombin. Le potier peut aussi tourner rapidement
autour de l'objet.
Tournage : la motte est centrée sur un plateau circulaire (girelle) dont la
rotation rapide est assurée par le pied ou tout autre dispositif (bâton,
tourniquet, moteur) libérant les deux mains du potier. La force centrifuge
guidée et retenue par les doigts permet de monter des formes parfaitement
symétriques autour de l'axe de rotation. L'épaisseur des parois à un même
niveau est constante. Le tournage laisse des stries régulières, souvent visibles
à l'intérieur des pièces (finitions moins importantes). Il imprime à la pâte une
orientation caractéristique. Les anses, tenons, etc. sont posés à la barbotine
(« garnissage »).
Coulage : une pâte liquide est coulée dans un moule absorbant. Succion du
moule et séchage provoquent le détachement de l'objet. On peut obtenir ainsi
des parois minces et des formes complexes (moules en plusieurs parties). Cette
technique caractérise surtout les productions modernes.
Finitions, décors : les objets peuvent être lissés (humides), polis, martelés
(secs). Leur surface est alors compactée et homogénéisée.
On peut inciser ou exciser des décors au cours du séchage (enlèvement de
matière), les imprimer au cylindre, à la molette, avec une corde, un peigne,
des coquillages etc. (déformation de la surface), incruster différents matériaux
(argileux ou non), appliquer à la barbotine des motifs moulés (apport de
matière).
Les objets peuvent recevoir avant cuisson un enduit ou une décoration
polychrome à base de terres argileuses délayées (engobe, « peintures », barbo-
tine), être enrichis superficiellement en graphite, en graisse, etc. , être signés
du potier ou de l'atelier (graffites, estampilles). Avant cuisson (sur cru) ou
après une première cuisson (sur biscuit), on peut leur appliquer un revêtement
et un décor vitrifiables. Ils peuvent aussi être peints après cuisson (mais en
archéologie les termes « céramique peinte » ne désignent pas toujours ce cas).
Ces différents traitements laissent des traces parfois observables : détachement
de la girelle au fil (visible sur le fond), empreintes de doigts sur le pied et les
becs verseurs des vases, stries à l'intérieur des objets tournés ; traces des outils
utilisés pour les finitions (traces de pinceaux, facettes ou stries dues aux lissoirs
employés), joints entre colombins, entre parties moulées ou estampées, etc.
Ces témoignages sont souvent difficiles à observer après remontage ; certains,
fragilisés par l'érosion des surfaces dans le sol, sont perdus lors d'un nettoyage
hâtif.

Séchage et cuisson
Au cours du séchage, l'eau libre contenue dans l'objet façonné migre vers la
surface et s'évapore. Les particules d'argile se rapprochent les unes des autres :
c'est le retrait. Une argile pure à l'état plastique contient une grande quantité d'eau
(couramment 20 à 25 % en poids). L'inertie de la fraction non plastique d'une
pâte, les dégraissants, permet de réduire cette quantité d'eau par rapport à la masse
de l'objet, et ainsi de limiter la valeur relative du retrait au séchage. Ainsi une terre
à potier courante et dégraissée peut subir un retrait linéaire de 5 à 10 %, selon sa
nature ; une argile gonflante pure, comme la montmorillonite, peut se rétracter de
45 %, ce qui la rend pratiquement inutilisable. Le séchage ne se produit pas à une
vitesse uniforme, dans toute la masse de l'objet, et ceci peut occasionner des
tensions internes entre les zones inégalement contractées, allant jusqu'à des fissures
à l'intérieur des zones les plus épaisses, ou des fendillements de toute la paroi d'un
vase. L'archéologue n'a guère le loisir de constater ces accidents de séchage car les
objets affectés sont généralement écartés de la cuisson. Les statuettes pleines et les
objets épais montrent cependant parfois des défauts internes, visibles sur les
cassures, et hérités du séchage. De même certaines fentes, amorcées au cours du
séchage, ne se révèlent que sur l'objet cuit.
Dans une étude technologique fine, l'observation des craquelures et fendillements (comme
de tous les « défauts » observables sur les objets) peut susciter des hypothèses assez précises
sur le travail des hommes qui ont produit la céramique étudiée : les manières de procéder,
les difficultés rencontrées, la plus ou moins grande maîtrise de ces difficultés... Les céramistes
contemporains manient une véritable typologie explicative des défauts et des accidents (tel
type de fissure se rattache à tel incident de séchage, tel autre à tel épisode de la cuisson, etc.)
qui devrait nous inciter à veiller, lors du traitement des céramiques archéologiques, à ce que
ces traces soient remarquées, enregistrées et conservées quand c'est possible.
La mobilité des particules d'argile décroissant avec le départ de l'eau, elles cessent
bien avant la fin du séchage de se déplacer pour combler les vides laissés par l'eau :
ainsi se crée un réseau de pores fins et communiquants, par lequel l'eau résiduelle
chemine vers la surface d'évaporation. En migrant, elle peut entraîner certains
éléments solubles (mais non volatils) ou de très petite dimension (en suspension),
originaires de l'argile ou de l'eau utilisée lors du façonnage. Près de la surface,
l'objet acquiert donc une granulométrie et une composition légèrement différentes
de celles qui le caractérisent à cœur. Cette granulométrie enrichie en fraction fine,
ce qui apporte une meilleure compacité, et ces éléments solubles, qui sont souvent
des « fondants », peuvent contribuer à une vitrification partielle et superficielle des
objets au cours de la cuisson. Leurs effets s'ajoutent ainsi à ceux des traitements
de surface, comme le lissage, le polissage, l'engobage, pour diminuer la perméabilité
de produits poreux qui n'ont pourtant pas reçu un revêtement franchement différent
de la pâte sous-jacente (contrairement aux objets recevant un enduit vitrifiable :
glaçure, couverte, vernis ; ces termes sont définis dans le chapitre IV).
C'est au cours de la cuisson que les argiles sont irréversiblement modifiées : l'eau
chimiquement liée est évacuée et les particules acquièrent à leurs points de contact
une cohésion permanente.
Le début de la cuisson n'est en fait que la fin du séchage : jusqu'à une centaine
de degrés, l'eau libre achève de s'évaporer. Si la montée en température est trop
rapide, cette eau est volatilisée brusquement et il y a risque de claquage de l'objet.
L'eau adsorbée, retenue à la surface des particules d'argile, s'évacue ensuite, puis
s'engage le départ de l'eau de constitution, participant à leur structure cristalline
sous la forme de groupements hydroxyles OH, comme nous l'avons vu plus haut,
entre 450 et 700 degrés selon les minéraux argileux (pour la kaolinite, cette
modification commence par exemple à 420 °C, et pour la montmorillonite vers
700 °C). Cette déshydratation est progressive (on trouve aussi le terme
« déshydroxylation ») et constitue une transformation irréversible des minéraux
argileux, dont elle désorganise la structure cristalline. Ils forment une phase
perturbée, instable, la « métaphase », qui peut alors subir diverses modifications et
réagir avec les autres éléments présents. A ce stade, puisque toute l'eau (eau libre,
eau adsorbée, eau de constitution) s'est évaporée en laissant des vides, le produit
présente un maximum de porosité. Si les particules, complètement déshydratées,
ne s'effondrent pas en un petit tas de poussière, c'est qu'au cours de ce changement,
elles adhèrent entre elles à leur point de contact, acquérant ainsi une cohésion
nouvelle. Certains éléments, jouant le rôle de fondants (fer, sodium, potassium ;
calcium aux températures élevées), peuvent en entraîner d'autres (silice libre,
fragments de feldspath, métaphase argileuse) dans la formation d'une phase très
visqueuse et amorphe, enrobant peu à peu les grains solides et éventuellement
dissolvant certains d'entre eux qui se trouvent à leur tour impliqués dans la
vitrification du tesson. Cette vitrification peut débuter aux alentours de 800 °C,
voire un peu moins en atmosphère réductrice (tirage réduit, consommation de
l'oxyde de carbone par le bûcher, etc.). Même très partielle, elle cimente fortement
les différents constituants de la pâte. Si la phase vitreuse devient assez importante
et assez mobile (constituants en présence, températures atteintes et temps d'exposi-
tion à ces températures) pour s'écouler dans les vides du réseau poreux, la porosité,
accrue en début de cuisson, tend à diminuer. Le diamètre des pores se réduit, puis
si la vitrification du tesson continue, la pâte devient « fermante » et seule une
porosité fermée, c'est-à-dire des vides qui ne communiquent pas entre eux, subsiste.
Cette imperméabilisation du tesson est obtenue lorsque la température de grésage
est atteinte et cette température varie en fonction de la nature de la pâte : les terres
à grès, qui contiennent naturellement une quantité importante de fondants,
subissent cette vitrification partielle sans déformation à des températures modérées.
Les porcelaines, dont la kaolinite est un constituant essentiel, présentent un degré
plus élevé de vitrification, obtenu à plus haute température (au-dessus de 1 200 °C),
mais la plupart des terres utilisées à la fabrication de poteries communes, trop
riches en fondants, sont fusibles à ces températures élevées et se déformeraient si
elles y étaient portées. La granulométrie des constituants d'une pâte influence aussi
la température de grésage et de fusion : plus les particules sont fines, plus grandes
sont les surfaces qu'elles présentent pour réagir entre elles au cours de la cuisson.
Le degré de division de la matière influence ainsi beaucoup le cours des réactions qui
s'amorcent entre les surfaces en contact, comme tous les phénomènes physiques ou chimiques
caractéristiques de ces surfaces. On comprend mieux cela si l'on réalise qu'un cube de matière
de 1 cm de côté développe une surface de 6 cm2, alors que morcelé en cubes de 1 micromètre
de côté, le même volume de matière présente 6 m2 de surface.
Aux températures élevées (1 000 °C), les minéraux argileux désorganisés recristal-
lisent, seuls ou en association avec les autres minéraux présents (dégraissants,
impuretés) pour former de nouvelles espèces minéralogiques (par exemple la
cristoballite, la mullite) dont l'observation peut ensuite apporter de précieux
renseignements sur les conditions dans lesquelles la cuisson s'est déroulée. A des
températures encore plus élevées (au-delà de 1 200°), de nouveaux cristaux peuvent
aussi se former au sein de la phase vitreuse elle-même, comme cela peut s'observer
pour les porcelaines dures. De même que certains éléments, « fondants », condition-
nent la formation d'un ciment vitreux, d'autres favorisent la cristallisation de ces
nouveaux minéraux, comme par exemple le titane.
Certains des constituants non argileux subissent aussi des modifications spécifi-
ques, qui compliquent la conduite de la cuisson et du refroidissement ou influencent
les propriétés du produit fini.
Les dégraissants organiques se décomposent tôt au cours de la cuisson (200 °C)
mais leur combustion complète exige des températures plus élevées (650-700 °C).
Elle laisse éventuellement des vides (parfois des empreintes identifiables) responsa-
bles d'une porosité accrue, et dans certaines conditions des résidus carbonés qui
noircissent le tesson, lorsque tout le carbone ne s'est pas éliminé dans le four en
se combinant avec l'oxygène pour former de l'oxyde ou du dioxyde de carbone.
Le quartz connaît à 573 °C une dilatation réversible au refroidissement. Cette
dilatation est encaissée par le matériau, qui à cette température présente toujours
une porosité importante et une texture ouverte. C'est sa rétraction au cours du
refroidissement qui est l'épisode le plus dangereux à franchir. Elle peut augmenter
légèrement la porosité du tesson et être à l'origine de tensions importantes (à
l'intérieur du tesson ou entre le tesson et son revêtement). D'une manière générale,
si les éléments composites d'une pâte se dilatent ou se contractent de façon inégale
ou à des moments différents, leurs mouvements engendrent des risques de claquage
et de craquelures.
Le problème se pose surtout pour les céramiques qui ont reçu avant cuisson un
revêtement : c'est celui de l'accord dilatométrique revêtement/tesson, une difficulté
technologique majeure. Si la pellicule superficielle se contracte davantage au
refroidissement que le tesson qui la supporte, elle se fissure (trésaillage) et l'unité
du revêtement est rompue ainsi qu'éventuellement l'imperméabilisation qu'il
apportait. Dans le cas contraire, la pellicule bombe sur le tesson et c'est leur
adhérence qui est affaiblie (risques d'écaillage). Plus les comportements des deux
matériaux diffèrent, et plus les défauts sont importants, macroscopiquement
visibles. Mais l'accord parfait tesson/revêtement, à tous les moments de la cuisson
et du refroidissement, est pratiquement inaccessible.
La décomposition de la calcite (CaC03) en chaux vive (CaO) et gaz carbonique
(C02) peut conduire à différentes évolutions : recombinaison de la chaux avec
d'autres constituants, pour former des silicates participant au ciment de la
céramique, qui ne contient plus dès lors de fraction calcaire à proprement parler
(par exemple plus d'effervescence à l'acide) ; retour à l'état de carbonate, par
fixation du gaz carbonique atmosphérique, avec une augmentation de volume
(environ multiplié par deux) susceptible d'engendrer des éclatements autour des
gros nodules ou près de la surface (« points de chaux »).
L'évolution des oxydes de fer présents enfin conditionne la couleur des céramiques.
Si l a c u i s s o n s e d é r o u l e e n a t m o s p h è r e r é d u c t r i c e , le f e r r é d u i t e n m a g n é t i t e ( F e 3 0 4 )
ou en oxyde ferreux (FeO) noircit les céramiques. Si la cuisson ou le refroidissement
se f o n t a u c o n t r a i r e e n a t m o s p h è r e o x y d a n t e , le fer s o u s f o r m e d ' h é m a t i t e ( F e 2 0 3 ) ,
confère à la pâte une coloration rouge, plus ou moins intense selon la quantité
présente et éventuellement très claire dans les pâtes riches en calcaire. Mais cette
oxydation, si elle se produit en fin de cuisson ou au cours du refroidissement par
exemple, peut rester partielle et n'atteindre que certaines parties des objets
(coloration hétérogène) ou seulement leur surface (cœur noir des tessons).
Ainsi après la cuisson et le refroidissement, la céramique se présente comme le
fruit de transformations complexes, dont l'importance dépend non seulement des
températures atteintes et du comportement de chaque constituant à ces températu-
res, mais aussi des réactions possibles entre ces constituants selon leur nature, leur
taille, l'atmosphère et la durée de la cuisson et du refroidissement. La céramique
est le produit résultant de le cuisson d'un mélange dont les divers constituants peuvent
s'influencer et réagir entre eux.
C'est sans doute pourquoi les non-spécialistes que nous sommes peuvent être surpris et
déroutés par les différences qu'ils rencontrent entre les indications chiffrées, de température
notamment, données par les auteurs qui analysent les étapes franchies au cours de la cuisson.
Certains évoquent un type particulier de production, d'autres se réfèrent au comportement
théorique d'un minéral précis dans des conditions définies, d'autres enfin avancent des
fourchettes plus ou moins larges qui permettent de généraliser et de simplifier les phénomènes
réels.
Les différents p r o d u i t s c é r a m i q u e s r e p r é s e n t e n t d o n c u n m a t é r i a u d o n t l'interpré-
t a t i o n t e c h n o l o g i q u e « r é t r o a c t i v e », à p a r t i r d u résultat final, relève d ' u n e e n q u ê t e
à la fois p a s s i o n n a n t e et bien difficile. M a i s en a r c h é o l o g i e , ils n o u s p a r v i e n n e n t
e n c o r e t r a n s f o r m é s p a r les c o n d i t i o n s de leur utilisation et de leur e n f o u i s s e m e n t .
L ' e n q u ê t e a r c h é o l o g i q u e se c o m p l i q u e ! Ce n ' e s t pas à ce titre q u e les « a l t é r a t i o n s »
de la c é r a m i q u e n o u s c o n c e r n e n t a u p r e m i e r chef, m a i s p l u t ô t p o u r leur i m p a c t
sur l'état de c o n s e r v a t i o n des objets et les t r a i t e m e n t s qui en d é c o u l e n t . G a r d o n s
t o u t de m ê m e à l'esprit q u e ces t r a i t e m e n t s de c o n s e r v a t i o n - r e s t a u r a t i o n s o n t
p a r f o i s l ' o c c a s i o n d ' o b s e r v e r q u e l q u e s indices utiles à l ' a r c h é o l o g u e , m a i s qu'ils
p e u v e n t aussi c o n t r i b u e r à b r o u i l l e r e n c o r e p l u s les pistes...

DE L ' O B J E T EN USAGE
A L'OBJET ARCHÉOLOGIQUE

Dans le produit fini, coexistent :


— des minéraux primaires, non transformés, qui seuls témoignent directement de
la terre utilisée par le potier (terre argileuse plus ou moins pure, dégraissants
naturels et ajoutés) ;
— des minéraux formés ou modifiés au cours de la cuisson : cristaux, métaphase
argileuse et éventuellement phase vitreuse d'importance variable ;
— des cavités dont l'importance totale et la forme dépendent à la fois de la texture
de départ et des réaménagements dus à la cuisson : texture grossière/macroporosité
ouverte ; texture fine et homogène/microporosité et réseau essentiellement
capillaire ; microporosité fermée/fonction de la vitrification du tesson.
Mais cette situation, déjà complexe à interpréter, est encore modifiée par
l'enfouissement, au cours duquel certains des constituants présents peuvent être
éliminés ou altérés, tandis que d'autres, originaires du milieu, peuvent venir
« polluer » la céramique : les constituants secondaires rassemblent tout ce qui
n'entrait pas dans la composition initiale de l'objet.
Les transformations de la calcite, présente en proportion importante dans de nombreuses
céramiques préhistoriques et historiques (qu'on ait utilisé une argile calcaire ou qu'on l'ait
dégraissée avec de la calcite, des coquillages pilés, etc.) illustrent bien la complexité des
réactions en jeu au cours de la cuisson et les difficultés d'interprétation qu'elles engendrent.
Selon plusieurs auteurs, sa décomposition pourrait survenir dès 700 °C, à des températures
étroitement liées à la granulométrie plus ou moins fine de la fraction présente. Sa recombinaison
avec d'autres constituants (silice, magnésie, alumine) conduit ensuite selon la température
atteinte et la durée d'exposition à ces températures à différents minéraux (gelhenite, diopside,
anorthite), qui pourraient donc être en quelque sorte les marqueurs des températures atteintes.
Mais ces minéraux ne semblent pas stables dans toutes les conditions d'enfouissement : leur
altération peut alors conduire à la reformation de calcite et de minéraux argileux, que l'analyse
devra distinguer de composants primaires, voire pour la calcite d'une imprégnation secondaire
par le milieu...
En termes de conservation, les critères essentiels de la résistance des céramiques à
l'enfouissement sont d'abord : le degré de cohésion acquis pendant la cuisson, lié à
la transformation de la fraction argileuse qui sert de liant et à la présence éventuelle
d'un ciment vitreux ; la dureté, liée aux minéraux présents (les pâtes calcaires sont

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
plus tendres que les pâtes siliceuses) et au degré de vitrification (qui la favorise) ;
la porosité du produit, qui conditionne la circulation du principal facteur d'altération
des céramiques, l'eau. Les transformations « secondaires » du matériau pendant
l'enfouissement sont liées à ce dernier point : la porosité des céramiques permet les
échanges avec les solutions circulant dans le sol. Quelques-uns de ces échanges ont
de grandes conséquences sur la conservation des objets enfouis et tous peuvent en
avoir sur leur investigation archéologique : leur étude pourrait donc être un beau
point de convergence entre les deux approches. Mais beaucoup de chemin reste à
parcourir pour lier les difficultés de l'interprétation archéométrique aux préoccupa-
tions de la conservation.

P e r f o r m a n c e s mécaniques des céramiques

La céramique présente en général de très bonnes propriétés mécaniques. Nous


en construisons les murs et les toits de nos maisons : c'est un matériau « solide » !
Paul Rado (Rado, 1987, p. 198) rapporte à ce sujet une expérience éminemment
suggestive : un autobus à impériale reposant sur huit tasses de porcelaine (porcelaine
anglaise à la cendre d'os, « bonechina ») placées sous ses huit roues... ! Pourtant,
les découvertes d'objets intégralement préservés sont rarissimes, et si vous parlez
« céramique » à un archéologue, il entend « tessons », c'est-à-dire fragments en
langue archéologique.
En fait, les meilleures performances des matériaux céramiques s'enregistrent dans
les résistances à la compression, mais ce n'est pas le plus souvent ainsi qu'ils sont
sollicités, et leurs résistances à la tension sont par exemple bien inférieures. Comme
notre vie quotidienne nous l'apprend occasionnellement, la céramique se casse
assez aisément (photo 1). Deux caractères intrinsèques peuvent y concourir : une
faible cohésion interne, une mauvaise résistance aux chocs.

PHOTO 1. — Céramique brisée en place, dans


un dépotoir domestique, en cours de dégage-
ment (pichet xive, Ville de Saint-Denis, Unité
d'Archéologie)..
Dans une céramique cuite à basse température, ou qui comporte une fraction
très importante de dégraissants, le ciment formé par la transformation des argiles
au cours de la cuisson ne lie pas très fortement l'ensemble des constituants de la
pâte : trop peu d'argile, ou trop peu transformée. De faibles contraintes suffisent
alors à rompre la cohésion du matériau, à séparer ces constituants les uns des
autres. Il est peu tenace. Une céramique commune poreuse mais « bien cuite »,
avec peu ou pas de phase vitreuse, présente une meilleure cohésion et l'épaisseur
de ses parois, souvent importantes, améliore ses performances..
Mais une céramique fine et très compacte, cuite à haute température et qui
présente un degré élevé de cohésion interne, par exemple une céramique vitrifiée
en masse, résiste en revanche plus mal aux chocs : une fissure amorcée dans un
matériau très poreux s'arrête rapidement en rencontrant un vide, alors qu'elle se
propage jusqu'à la rupture dans un matériau dense et rigide : on ébrèche et on
brise facilement une porcelaine en la manipulant sans précaution ; c'est un matériau
peu résilient.
Des caractéristiques de départ très différentes peuvent donc concourir aux mêmes
effets : la fragmentation des objets céramiques. De nouvelles surfaces, celles des
tranches, sont exposées et pour les céramiques poreuses glaçurées, l'imperméabilisa-
tion apportée par le revêtement vitreux est rompue.
Si la dureté du matériau, résistance mécanique qu'oppose sa surface à la
pénétration et à l'usure, est grande, les tessons s'érodent peu : cassures franches,
fragments qui s'ajustent étroitement, même après un enfouissement prolongé.
L'éclat des glaçures est préservé. S'il est plus tendre, les tranches s'usent dans le
sol, les points de contact entre tessons jointifs disparaissent et leur remontage est
compromis. Les surfaces se matifient et se raient. Cette dureté est directement liée
au degré de vitrification de la pâte. Les céramiques cuites au dessous de 750 °C
présentent souvent une érosion très importante des tranches et des surfaces.
L'hétérogénéité des différents constituants d'une céramique, à l'intérieur du
tesson (phase vitreuse et minéraux cristallins, par exemple) ou entre le tesson et
son revêtement, est une autre source possible d'altération. Ces divers éléments ont
notamment un comportement thermique différent ; ils se dilatent et se rétractent
diversement aux variations de température, engendrant des tensions importantes
à l'intérieur du matériau. L'ampleur de ces phénomènes au cours du vieillissement
est bien sûr sans rapport avec celle qu'ils revêtent au cours de la cuisson et du
refroidissement, mais ils concourent tout de même à un véritable travail de
décohésion interne et à l'affaiblissement progressif de l'adhérence tesson/revêtement.
Les variations de température influencent ainsi certainement le craquèlement et
l'écaillage progressif des glaçures au cours du temps, à cause des tensions répétées
qu'elles engendrent.
La résistance des céramiques aux facteurs mécaniques d'altération, telle que
nous venons d'en schématiser quelques aspects, est donc étroitement liée à leur
technologie : chaque grand type de production présente ses points faibles et ses
points forts, vis-à-vis des sollicitations mécaniques et thermiques. Mais le matériau
céramique peut aussi être transformé dans sa composition et dans sa texture par
l'enfouissement.

Les interactions soif céramique

Deux facteurs conditionnent ces interactions : du côté du matériau, la porosité ; du


côté du milieu, la nature des solutions circulantes.
La porosité d'un matériau indique l'importance relative des vides qu'il contient.
C'est, en pourcentage, le volume des vides rapporté au volume total. La texture
avant cuisson influence cette caractéristique (une texture grossière, comportant des
inclusions de taille importante donne un matériau moins compact qu'une texture
fine, avec des dégraissants soigneusement broyés), mais la porosité évolue aussi au
cours de la cuisson, comme nous l'avons évoqué plus haut (cette évolution est
d'ailleurs beaucoup plus complexe que notre exposé ne le suggère et varie selon les
produits céramiques ; Tuleff, 1961). Pour donner un ordre d'idée, on peut avancer
des valeurs de cet ordre : une argile simplement séchée au soleil peut présenter
jusqu'à 50 % de porosité ; cuite à basse température (700-750 °C), jusqu'à 15 % ;
à plus haute température (1 000-1 200 °C) 6 à 10 % ; partiellement vitrifiée (grès),
1 à 2 % ; totalement vitrifiée, moins d'1 %.
La porosité que nous mesurons habituellement est la porosité accessible, formée
par les vides communiquant entre eux et avec l'extérieur. Mais si la porosité fermée,
vides inaccessibles, influence les propriétés mécaniques du matériau, seule cette
porosité ouverte conditionne les échanges avec le milieu. La forme et la taille de
ces pores ouverts prennent ici une grande importance, car les liquides et les gaz ne
circulent pas de la même manière dans des canaux très fins et très étroits et dans
un réseau de macrocavités : à côté de la porosité (notion quantitative), la porométrie
des céramiques, répartition des pores selon leur taille, est une caractéristique
essentielle.
L'eau circulant dans le milieu d'enfouissement est l'agent essentiel de la désagréga-
tion et de l'altération chimique des matériaux poreux, comme la plupart des
céramiques et des roches. Elle peut dissoudre ou hydrolyser certains composants
et les entraîner hors de la céramique ; elle peut au contraire l'enrichir en éléments
originaires du milieu ; enfin sa présence dans le matériau peut provoquer de graves
altérations conséquentes aux épisodes de gel et aux mouvements des sels solubles.
Les environnements soumis à des alternances répétées d'hydratation et de dessicca-
tion sont parmi les plus agressifs.

H y d r a t a t i o n et gélivité des céramiques


Après leur déshydratation complète au cours de la cuisson, les céramiques
poreuses réabsorbent l'humidité environnante et fixent une partie de cette eau
absorbée. Cette reprise d'humidité, signalée par de nombreux auteurs, engendre au
fil du temps une certaine dilatation du matériau. Ses effets précis sont surtout
mentionnés à propos des céramiques cuites à assez haute température, comportant
une phase vitreuse et un réseau important de micropores, comme les faïences fines :
leur glaçure est mise sous tension par cette expansion du tesson sous-jacent, et
ainsi s'expliqueraient certaines des craquelures qui apparaissent au vieillissement.
Les céramiques cuites à basse température, qui contiennent encore une fraction
argileuse non modifiée par la cuisson, voient quant à elles leur cohésion très
affaiblie par un séjour prolongé en milieu humide.
En cas de gel, l'eau contenue dans la céramique se solidifie avec une augmentation
importante de volume (9 %) : elle exerce des pressions considérables sur les parois
des pores dans lesquels elle est piégée. Des valeurs de l'ordre de 2 200 kg/cm2 ont
été avancées pour les pressions dues au gel dans les roches (Robert, Delmas,
1984, p. 196). Les céramiques à texture fine où dominent les micropores sont
particulièrement exposées, parce que l'eau s'y écoule mal et dispose de peu de place
pour s'expandre lorsqu'elle prend en glace. Ces pièces peuvent littéralement exploser
au gel.
Lorsque la fouille progresse, l'épaisseur de la couverture pédologique qui protège les objets
enfouis des grandes variations thermiques de l'atmosphère s'amenuise. Sur des chantiers
menés en hiver, on met régulièrement à jour des céramiques (en particulier des faïences)
portant manifestement des cassures « fraîches » : ce n'est pas la truelle du fouilleur, c'est le
gel... Il faudrait protéger le sol du gel en cours de fouille, notamment la nuit, et bien sûr
abriter immédiatement les objets après leur découverte.
La gélivité des céramiques, comme celle des roches, n'engendre pas que des
accidents brutaux. Les cycles répétés de gel/dégel sont un puissant facteur de
l'érosion lente de ces matériaux, amenant une perte de cohésion interne progressive.
Deux céramiques identiques peuvent devenir très dissemblables, si l'une a été
soumise au gel et l'autre pas dans leurs milieux d'enfouissement.

Les apports du milieu : sels solubles et dépôts insolubles


Les solutions qui circulent dans le sol imprègnent les matériaux poreux. Elles
contiennent des sels en solution. Dans les phases où l'évaporation domine, ces sels
se déposent à la surface et dans les pores des céramiques. Les cristaux ainsi formés
conservent une grande solubilité dans l'eau ; nous avons l'habitude de les appeler
« sels solubles ».
Mais l'eau peut aussi véhiculer à l'intérieur de la céramique ou déposer à sa
surface des sels qui après précipitation ne présentent plus qu'une très faible solubilité
dans l'eau : ils forment des concrétions ou des dépôts internes que nous ne pouvons
éliminer avec ce solvant simple, et nous les appelons souvent « sels insolubles »,
bien que les conditions même de leur formation dans le sol rendent ce terme un
peu impropre.
Les sels solubles sont un facteur majeur de l'altération des céramiques, par un
mécanisme comparable à celui du gel. Piégés dans les pores du matériau lors de
l'évaporation de l'eau qui les véhicule, ils cristallisent en exerçant sur les parois une
pression considérable. Leur cristallisation commence sur les surfaces d'évaporation :
ce sont les efflorescences, dépôts blancs de forme diverse, poudre fine, aiguilles,
filaments arborescents, parfois foisonnements impressionnants (photo 2). Leur
formation peut soulever et fissurer les revêtements, engobes et surtout glaçures.
Lorsque la solution qui imprègne la céramique se concentre jusqu'à saturation, les

PHOTO 2. — Efflorescences sur une lampe à huile romaine dans la vitrine d'un musée...
(photographie de Gaël de Guichen, ICCROM).
sels cristallisent dans le tesson. L'hygroscopicité de certains de ces sels, leur capacité
à changer de degré d'hydratation (avec modification de volume) en fonction de
l'humidité relative ambiante augmentent leur dangerosité.
L'altération provoquée par les sels solubles procède donc de la surface vers
l'intérieur : une céramique altérée par les sels solubles semble souvent « rongée »
(photos 3 à 6).

Photo 5

Photo 3

Photo 4 Photo 6

PHOTOS 3 à 6. — F o r m a t i o n p r o g r e s s i v e d ' e f f l o r e s c e n c e s s u r u n e p e t i t e a r y b a l l e et a l t é r a t i o n s
c o n s é q u e n t e s de sa surface ( p h o t o g r a p h i e s de G a ë l de G u i c h e n , I C C R O M ) .

De très nombreux sels solubles peuvent se rencontrer dans les céramiques


archéologiques. Les plus fréquents sont sans doute les sulfates de sodium, de
potassium, et de magnésium et les chlorures de sodium et de potassium. Mais on
rencontre aussi des nitrates, des carbonates et dans certains contextes particuliers
d'enfouissement, des phosphates.
Certains sont plus redoutables que d'autres, et il peut être intéressant, quand on
dispose du matériel nécessaire, d'identifier les sels en présence desquels on se trouve.
En pratique toutefois, ces identifications ne sont ni toujours possibles, ni toujours
indispensables à la conduite des traitements de dessalage.
Nous n'exposerons que deux tests très simples, concernant les chlorures et les sulfates. Ils
peuvent être mis en évidence en prélevant quelques mg d'efflorescence, réduits en poudre fine
et mis en solution dans de l'eau distillée ou déminéralisée. Après agitation, on attend que la
solution soit claire (il peut y avoir un dépôt de sels insolubles) et on la répartit dans deux
petits tubes à essai (on peut aussi tester directement une solution d'eau distillée ou déminéralisée
dans laquelle un tesson a été mis à tremper). Dans un tube on ajoute une ou deux gouttes
d'acide chlorhydrique dilué, puis une ou deux gouttes d'une solution à 10 % de chlorure de
baryum : la formation d'un précipité blanc de sulfate de baryum indique la présence de
sulfates. Dans le second tube, on ajoute une ou deux gouttes d'acide nitrique dilué puis une
ou deux gouttes d'une solution de nitrate d'argent : la formation d'un précipité blanc de
chlorure d'argent indique la présence de chlorures. S'il y a le moindre doute sur la pureté de
l'eau employée ou la propreté des instruments utilisés, on a intérêt à comparer la solution à
tester avec une solution « blanche » de l'eau employée, soumise aux mêmes analyses. Il existe
aussi dans le commerce des bandelettes à réactif coloré, qui permettent l'identification de
certains sels (par exemple les nitrates). Enfin des méthodes simples et plus complètes sont
décrites dans de nombreux ouvrages (par exemple Teutonico, 1988, p. 58 à 69).
Les sels « insolubles », carbonates de calcium, sulfates de calcium et silicates,
forment souvent sur la surface et les tranches des céramiques des encroûtements
volumineux, étendus ou ponctuels, parfois des « voiles » assez uniformes, dans
lesquels ils sont éventuellement associés à certains sels solubles. Mais ils peuvent
aussi s'être déposés dans les pores du matériau et en modifier considérablement le
comportement, sans que leur présence soit pour autant évidente au premier regard.
La calcite (carbonate de calcium), véhiculée et cristallisée dans les céramiques
poreuses sous certaines conditions, est un consolidant naturel inégalé qui peut
indurer les tessons au point de nous tromper sur leur interprétation technologique
immédiate : céramiques qui apparaissent « calcaires », « bien cuites » et « peu
poreuses », alors que le calcaire qui a obturé les pores et durci le tesson est originaire
du milieu. Dans d'autres situations, la calcite observée après enfouissement est en
totalité ou en partie le produit d'une transformation du contenu calcaire initial de
la céramique (par exemple recarbonatation de la chaux résiduelle, non recombinée
pendant la cuisson). Ces phénomènes complexes de calcitisation secondaire sont
mis en évidence par l'examen pétrographique des tessons. La calcite déposée en
voile uniforme à la surface des céramiques peut aussi masquer un décor, voire être
prise à tort pour un décor (de tels exemples sont cités dans la littérature
archéologique).
Le gypse, sulfate de calcium hydraté, peut aussi imprégner une céramique poreuse
et en altérer considérablement la cohésion. Les imprégnations de gypse sont souvent
associées à une attaque alcaline de la fraction siliceuse des glaçures et des céramiques
cuites à haute température (voir le chapitre suivant). Les céramiques peuvent
apparaître en assez bon état, parfois altérées en surface : c'est au nettoyage à l'eau
et au séchage que se révèle leur faible cohésion.

Disparition de certains composants


Nous verrons au chapitre suivant (Le Verre), comment peuvent s'altérer
chimiquement le ciment vitreux ou les revêtements vitrifiés d'une céramique. La
dissolution de la fraction calcaire des céramiques en milieu acide est une autre
source grave d'altération pour les objets qui en contiennent initialement beaucoup
(argiles calcaires, dégraissants calcaires ajoutés). La porosité du tesson s'en trouve
accrue, sa cohésion et sa densité diminuent. Les décors calcaires (badigeons de
chaux, craie, etc.) disparaissent en milieu acide.

Autres échanges soi/céramique : pollutions mineures et pertes d'éléments


Nous avons évoqué jusqu'ici les échanges qui influent manifestement sur l'état
de conservation des céramiques enfouies et dont les effets sont bien connus. Les
études archéométriques ont mis en évidence bien d'autres échanges et modifications
dus à l'enfouissement, dont la compréhension peut être lourde de conséquence sur
l'interprétation des analyses de composition élémentaire applicables à ce matériau
(recherches de provenance, établissement de groupes homogènes, études technologi-
ques). Des anomalies importantes de la concentration en certains éléments, liées à
des phénomènes de pollution par addition ou par soustraction, ont été notées et
discutées : potassium, sodium, fluor, manganèse, baryum, magnésium, phosphore...
La contamination par des sels métalliques issus de la corrosion d'objets voisins
dans le sol (tâches, incrustations), l'oxydation du fer réduit contenu dans les
céramiques, l'imprégnation par des complexes organiques du sol ont aussi été
décrits avec leurs conséquences sur la coloration des objets affectés. Les modifica-
tions observées et attribuées à l'enfouissement ne sont pas toujours parfaitement
expliquées. Elles ne semblent pas toujours sans lien avec l'état de conservation
apparent des objets. On en retire l'impression d'une lente homogénéisation du
matériau et du milieu, au fil d'échanges qui affectent préférentiellement la métaphase
argileuse, éventuellement le liant vitreux, des céramiques à granulométrie fine.
Nous renvoyons le lecteur pour plus d'informations à quelques articles ou courtes synthèses,
particulièrement aux travaux de Liliane Courtois, dont deux sont cités ici en exemple
(Courtois, 1976, 1980 ; Picon, 1976 ; Dufournier, 1976 et 1979 ; Picon et Lemoine, 1980). Des
expériences de « simulation » des effets de l'environnement ont aussi été tentées pour tirer au
clair la signification de l'absence de certains minéraux formés au cours de la cuisson et
marqueurs des températures atteintes, comme nous l'évoquions plus haut (Heimann, Magetti,
1981). Ces expériences mettent aussi en lumière la fragilité de certaines des informations
recherchées par le céramologue et que des nettoyages agressifs, acides notamment, peuvent
faire disparaître aussi sûrement que des siècles d'enfouissement.
Les travaux archéométriques appliqués à la céramique ont connu ces dernières
années un grand essor. Beaucoup des informations produites sont sans conséquence
directe sur la conservation des objets. Des estimations beaucoup plus grossières
concernant la nature et l'« état » du matériau nous suffisent en pratique aujourd'hui
à assurer les traitements de conservation-restauration que nous allons maintenant
aborder. Ces traitements transforment à leur tour le matériau, dans une mesure
bien difficile à apprécier. Il faut y penser avant (échantillons de non traités) et
pendant (observations détaillées et nature précise des interventions consignées par
écrit dans le dossier de traitement).

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
CONSERVATION-RESTAURATION DES CÉRAMIQUES
(André, 1976 ; Wihr, 1977 ; Larney, 1978)

Nettoyage

Le nettoyage du verre et celui de la céramique ont beaucoup de points communs.


Pour éviter les redites de chapitre à chapitre, nous indiquerons ici les particularités
du verre en incluant ce matériau dans l'exposé général.
Le lavage des tessons de céramique est une opération traditionnellement effectuée
sur le chantier de fouille sans grande précaution, et la plupart des fouilleurs
connaissent ces longues soirées de discussions « mains dans les bassines », qui
constituent un moment de détente après le travail sur le terrain.
Il est largement utopique d'espérer changer radicalement ces habitudes et il serait
faux de prétendre qu'elles représentent dans toutes les situations un risque majeur
pour les objets céramiques. Leur nettoyage est souvent justifié par la nécessité de
reconnaître rapidement les formes et les décors, qui constituent des repères
immédiatement utiles pour l'archéologue. Le lavage des céramiques et des verres
en bon état de conservation a été décrit au chapitre précédent : comme toujours,
on se limite sur le chantier à ce qui est justement utile à ce stade et on remet à plus
tard les décisions concernant l'élimination éventuelle des taches, concrétions, etc.

Lavage des céramiques fragiles


Comme nous l'avons vu plus haut, pour une série de raisons liées à la nature
des pâtes céramiques (présence de minéraux argileux primaires peu transformés
par la cuisson, quantité importante de dégraissants mal liés par une métaphase
argileuse ou une phase vitreuse insuffisantes, etc.), à celle de leur décor (revêtement
cuit, vitrifié ou non, mais altéré et/ou pauvrement adhérent, couleur posée après
cuisson), ou enfin liées à l'environnement (dissolution de la fraction calcaire, effets
du gel, des sels solubles, etc.), certains objets céramiques présentent au sortir du
sol une grande fragilité : ils doivent être impérativement écartés des procédures
habituelles de lavage à l'eau, susceptible dans les cas extrêmes de les transformer
en boue.
En dehors des objets dont la précarité est manifeste dès la fouille et qui nécessitent
sur le chantier les méthodes particulières de prélèvement vues au chapitre II, tous
ceux qui présentent les signes suivants doivent être examinés de près : grande
porosité (absorption immédiate d'une goutte d'eau posée sur une tranche), pâte
tendre, cassures usées, fendillements et craquelures dans les tessons ou leurs
revêtements, surface délitée même ponctuellement, traces de couleur partiellement
conservées (dans les décors imprimés par exemple). On aurait tort de se laisser
guider par la seule intuition ou de ne se méfier par exemple que des céramiques
préhistoriques réputées « mal cuites ». La sensibilité à l'eau de certaines pâtes et
de certains décors peut dépasser de beaucoup ce que leur aspect modérément altéré
laissait présager, y compris pour les poteries communes, les moules ou la petite
statuaire en terre cuite des périodes historiques. L'expérience montre aussi que, sur
certains sites, des céramiques trouvées à proximité et de facture apparemment assez
comparables peuvent réagir à l'eau très diversement. Chaque objet doit donc être
testé : comportement d'un fragment à l'humidification et au séchage. La moindre
fragilisation (ramollissement, mauvaise tenue du décor, fendillements ou délitage
au séchage) conduit alors à entreprendre le nettoyage à sec mécaniquement (pinceau,
spatules et pointes en bois), de préférence avant que les sédiments adhérents aient
totalement séché. Leur cohésion peut être affaiblie ponctuellement par de l'alcool
ou un mélange eau/alcool appliqués avec précaution. Le remontage de ces objets
ne doit pas être entrepris sur le chantier. En laboratoire, le nettoyage fin
(dégagement des tranches, des reliefs du décor, des restes de couleur) est poursuivi
mécaniquement, si nécessaire sous binoculaire, et éventuellement en menant une
consolidation ou un refixage simultanés.

Précautions particulières pour les verres altérés


Les tessons de verre dont la surface est altérée posent des problèmes plus
complexes. Cette surface, simple couche irisée ou véritable croûte corrodée ayant
perdu tout aspect vitreux, peut en effet se détacher et tomber en écailles très
facilement au cours du nettoyage ou du séchage. On peut être tenté, quand elle ne
porte aucune trace de décor particulier, de l'éliminer pour retrouver la « fraîcheur »
du verre sain sous-jacent. Ce parti pris, qui simplifie certainement le travail du
restaurateur, consiste malgré tout à trancher dans le matériau originel lui-même,
dont font partie ces niveaux altérés, témoins de l'enfouissement. Nous ne le
recommanderons pas ici. Le nettoyage est alors une intervention d'autant plus
délicate que la surface du verre est plus altérée. Sur le chantier on ne devrait
l'entreprendre que pour les objets en bon état de conservation, et conditionner les
autres en fonction de leur humidité voire effectuer une première consolidation,
comme vu au chapitre précédent.
Le nettoyage des tessons de verre trouvés dans un sol humide est évidemment
plus facile s'ils n'ont pas été autorisés à sécher et sont traités dans des délais
raisonnables après leur découverte : pinceaux doux, coton tige, eau déminéralisée,
éventuellement additionnée d'un surfactant non ionique si l'objet peut supporter
un rinçage conséquent. Il est souvent nécessaire de consolider au cours du nettoyage
ou avant. Le comportement au séchage n'est pas toujours prévisible : il est utile
de le tester sur un fragment isolé. Le séchage doit être conduit lentement. Si l'on
choisit de chasser l'eau avec un solvant organique comme l'alcool ou l'acétone, le
procédé peut être progressif (quatre bains successifs : eau-solvant 75-25, puis 50-50,
puis 25-75, puis solvant pur) et séchage final sous cloche pour ralentir l'évaporation.
Les tessons secs ne sont pas remouillés (sauf si le verre est en excellent état de
conservation), mais nettoyés à sec, avec de l'alcool par exemple.

Elimination des sels solubles

Comme nous l'avons vu plus haut, les sels solubles représentent certainement le
facteur majeur de l'altération des céramiques pendant et après leur enfouissement.
Ceci semble vrai aussi pour nombre de matériaux minéraux poreux, ou rendus poreux par
leur altération. Les verres et les porcelaines ne sont pas à l'abri de ce danger, et les pièces
issues de fouilles sous-marines doivent être particulièrement surveillées.
Il est paradoxal de constater que nous ne disposons pourtant pas d'essais
comparatifs sérieux et publiés pour nous guider dans le choix des différentes
méthodes utilisées ici ou là pour éliminer ces sels, bien que quelques excellentes
synthèses aient été publiés, sur la pierre par exemple (Jedrzewska, 1975 ; Doma-
slowski, 1982). a
Avant traitement, les objets infestés doivent être stockés à une humidité relative
stable et faible s'ils ont été trouvés secs et stockés humides, éventuellement
immergés, s'ils ont été trouvés humides.
Selon les conservateurs habitués à travailler sur ces sites, les objets issus de
fouilles sous-marines et gorgés d'eau de mer ne doivent pas être immédiatement
plongés dans l'eau douce, ce qui engendrerait des pressions osmotiques susceptibles
de les endommager (Pearson, 1987). Ils sont donc conservés dans de l'eau de mer
progressivement diluée dans de l'eau douce.
Pour les céramiques capables de supporter une immersion prolongée, l'élimination
des sels par rinçage est une solution simple et efficace, mais dispendieuse en eau et
en temps. Les sels contenus dans les objets se solubilisent et migrent par
diffusion dans la solution de rinçage, jusqu'à instauration d'un équilibre entre les
concentrations respectives de la solution qui imprègne l'objet et de celle qui se
trouve à son voisinage immédiat.
Si les céramiques ont à subir des nettoyages chimiques (concrétions, tâches), l'élimination
des sels entreprise après (clôture des opérations de nettoyage) permet aussi d'évacuer les
résidus éventuels de ces traitements.
Ces rinçages peuvent être effectués avec de l'eau ordinaire dans des bains statiques
régulièrement renouvelés ou dans des bacs à circulation d'eau continue. On veille
au positionnement des objets (piédestals éventuels) et au dispositif d'arrivée et
d'évacuation de l'eau pour que la plus grande surface possible des objets soit
entourée d'eau (bain statique) ou présentée au courant créé (bain dynamique) (fig.
3). Ces traitements s'achèvent par une série de rinçages à l'eau déminéralisée ou
distillée (cf. Aide mémoire n° 3). Ils consomment une grande quantité d'eau : on
peut y remédier si l'on dispose d'une colonne échangeuse d'ions qui recycle l'eau
utilisée en la déminéralisant, et même travailler en circuit fermé si cette colonne
munie d'une pompe est couplée au système de bac à circulation continue, mais ces
procédés élèvent considérablement le coût des opérations. De tels traitements
peuvent durer de quelques jours à plusieurs mois. Pour les bains statiques, l'agitation
de l'eau et l'élévation de température semblent procurer un gain de temps
appréciable (Hodges, 1987b) en accélérant les phénomènes de diffusion.

FIG. 3. — Dessalage : positionnement de l'objet.

D'autres techniques ont été essayées pour accélérer encore l'extraction des sels, notamment
les ultrasons, la circulation d'eau forcée, l'électrophorèse et l'électrodialyse. La première de
ces techniques présente des dangers certains pour les céramiques, soumises à des vibrations
auxquelles leur résistance est difficilement prévisible. La géométrie des objets céramiques rend
la seconde, mise au point pour les objets de pierre (Domaslowski, 1982, p. 86), difficilement
applicable. L'électrophorèse qui accélère la migration des ions formés par les sels solubilisés
en créant un champ électrique dans le bain, couplée à l'électrodialyse qui permet d'extraire
sélectivement ces ions de la partie du bain où se trouvent les objets grâce à des membranes
semi-perméables, constitue une voie de recherche séduisante encore insuffisamment explorée
pour les céramiques (Bertholon, Pain, 1987).
C o m m e n t c o n t r ô l e r la p r o g r e s s i o n de l ' e x t r a c t i o n des sels, et à quel m o m e n t
a r r ê t e r ? S u r ces d e u x p o i n t s , n o u s m a n q u o n s m a l h e u r e u s e m e n t e n c o r e de repères
r i g o u r e u x , m a l g r é c e r t a i n s efforts de r e c h e r c h e récents.
Ainsi des travaux australiens publiés récemment (Mac Leod, Davies, 1987) ont étudié
l'allure dans le temps des phénomènes de diffusion des sels dans les bains statiques, mis en
relation la conductivité de ces bains avec leur teneur en chlorures et en un certain nombre
d'ions, et évalué les durées moyennes prévisibles des traitements de dessalage pour certaines
catégories de matériaux.
T o u t sel soluble p r é s e n t d a n s l'eau a u g m e n t e sa c o n d u c t i v i t é électrique : la
mesure répétée de la conductivité est u n m o y e n fiable d ' é v a l u e r l ' é v o l u t i o n de la
q u a n t i t é de sels d i s s o u s d a n s les e a u x de rinçage. L a m a n i è r e de p r o c é d e r (assez
e m p i r i q u e ) varie selon les l a b o r a t o i r e s ( n o m b r e de mesures, intervalles e n t r e les
m e s u r e s et e n t r e les c h a n g e m e n t s d ' e a u d a n s la m é t h o d e statique, m e s u r e directe
des e a u x de r i n ç a g e o u d ' e a u distillée r e c e v a n t u n t e s s o n ap r ès c h a q u e lavage, etc.).
Voici u n e des m é t h o d e s les p l u s simples. O n m e s u r e la c o n d u c t i v i t é de l'eau a v a n t
utilisation et o n la c o m p a r e , à la fin d u p r e m i e r b a i n s t a t i q u e , o u a u b o u t d ' u n
certain t e m p s d e lavage en c o n t i n u , avec celle de l'eau d a n s laquelle o n t t r e m p é les
objets. L ' o p é r a t i o n est répétée à c h a q u e c h a n g e m e n t de bain, o u a u b o u t d ' u n e
p é r i o d e c o n s t a n t e de lavage en c o n t i n u ( p a r e x e m p l e u n e o u d e u x fois p a r 24 h).
L o r s q u e la c o n d u c t i v i t é de l'eau de r i n ç a g e se r a p p r o c h e de celle de l ' e a u a v a n t
utilisation et se stabilise s u r trois lectures successives, le t r a i t e m e n t à l ' e a u o r d i n a i r e
est arrêté. L a m ê m e p r o c é d u r e est utilisée p o u r c o n t r ô l e r la t e n e u r en sels
dis s ous des d e r n i e r s rinçages effectués à l ' e a u distillée o u déminéralisée, d o n t les
c o n d u c t i v i t é s s o n t m e s u r é e s a v a n t et a p r è s i m m e r s i o n des objets. Très p e u d ' a u t e u r s
(Olive, P e a r s o n , 1975 ; P a t e r a k i s , 1987b) o n t a v a n c é u n seuil de c o n d u c t i v i t é limite
en d e ç à d u q u e l la t e n e u r en sels de la dernière e a u de r i n ç a g e serait c o n s i d é r é e
c o m m e a c c e p t a b l e . E n p r a t i q u e , l o r s q u e plusieurs rinçages successifs d o n n e n t u n e
c o n d u c t i v i t é faible et c o m p a r a b l e , le t r a i t e m e n t est arrêté. E n l ' a b s e n c e de
c o n d u c t i m è t r e , o u a u c o n t r a i r e p o u r en c o m p l é t e r les d o n n é e s , o n p e u t q u a n t i f i e r
la p r é s e n c e de c e r t a i n s ions d a n s les e a u x de r i n ç a g e p a r diverses m é t h o d e s (voir
p a r e x e m p l e a u c h a p i t r e V le c o n t r ô l e de la d é c h l o r u r a t i o n des m é t a u x ) . Si
l ' é q u i p e m e n t fait d é f a u t , la v a l e u r s e m i - q u a n t i t a t i v e de c e r t a i n s tests décrits p l u s
h a u t p e u t p a r f o i s être utilisée.
C'est le cas par exemple du test au nitrate d'argent pour doser approximativement les
chlorures (moins il y a de chlorure, moins le précipité de chlorure d'argent opacifie la
solution). Il semble même possible, dans des conditions rigoureuses d'observation et à l'aide
de photographies référence ( Semczak, 1977 ; Paterakis, 1987a) d'évaluer approximativement
le taux de chlorures d'une solution à partir de l'opacité du précipité, pour des concentrations
inférieures à 100 ppm (parties par million) ; ce moyen facile est intéressant, si l'on admet que
le nettoyage doit conduire à des concentrations inférieures à cette valeur dans les rinçages
finaux. Il convient de ne pas oublier que seule l'élimination des chlorures est ainsi appréciée,
et non pas celle de la totalité des sels solubles.

Les objets qui ne p e u v e n t être p l o n g é s d a n s l'eau i m p o s e n t d ' a u t r e s solutions.


L a m é t h o d e h a b i t u e l l e est d ' a p p l i q u e r à leur s u r f a c e u n m a t é r i a u h u m i d e et
a b s o r b a n t . L ' e a u p é n è t r e p a r capillarité d a n s les p o r e s de la c é r a m i q u e , d i s s o u t les
sels f o r m a n t ainsi u n e s o l u t i o n c o n c e n t r é e d o n t les ions m i g r e n t vers la s o l u t i o n
n o n saline qui i m p r è g n e la compresse. L a c o n t i n u i t é e n t r e le m a t é r i a u a b s o r b a n t
et la céramique doit être intime et sans faille. Généralement, l'objet est emmailloté
dans de l'ouate, de la pulpe de papier ou du papier « buvard », de la sépiolite, etc.,
appliquées humides sur l'objet sec, et fréquemment renouvelées (toutes les heures
ou les demi-heures), sans que l'objet humidifié par le traitement ne soit autorisé à
sécher entre deux applications. Dans ce procédé, particulièrement adapté aux objets
très sensibles, les sels migrent toujours par diffusion. On peut parfois agir
différemment en utilisant des compresses sèches sur un objet préalablement saturé
d'eau : l'eau de l'objet, chargée de sels, est pompée par le matériau absorbant tandis
que se déplace ainsi la zone d'évaporation, de la surface de l'objet vers la compresse
dans laquelle cristallisent les sels sans endommager cette surface. Cette technique
consiste donc en quelque sorte à humidifier l'objet puis à le sécher en extrayant la
solution saline qui l'imprègne. Une variante consiste à éviter ce séchage en
alimentant constamment l'objet en eau susceptible de migrer par capillarité, à partir
de sa base immergée par exemple. Ces traitements donnent souvent de bons
résultats, sans que leur efficacité soit à proprement parler contrôlable. La difficulté
reste d'évaluer si un objet qui a été écarté pour sa fragilité des méthodes habituelles
de dessalage par bain peut supporter ces apports d'eau, même limités en quantité
et en durée.
Les céramiques qui ne supportent aucune des méthodes évoquées ne peuvent
être protégées que de trois manières :
— un contrôle très rigoureux de l'humidité atmosphérique, stabilisée en permanence.
Si l'humidité ne fluctue pas, les sels ne « bougent » pas ;
— une imprégnation totale avec un produit bloquant les échanges entre les sels
contenus dans l'objet et le milieu ;
— une consolidation avant élimination des sels.
Nous reviendrons plus loin sur ces deux derniers points.

N e t t o y a g e : cas particuliers

Les céramiques et les verres présentent parfois des dépôts durs et adhérents :
concrétions formées pendant leur enfouissement ou leur immersion, qui peuvent
gêner le remontage quand elles déforment les tranches ou masquer la surface et
son décor. L'aspect des céramiques peut aussi être affecté par des taches, composés
organiques ou métalliques qui s'incrustent dans les pâtes poreuses, les glaçures
craquelées... La reprise de collages imparfaits réalisés sur le chantier peut enfin être
envisagée lors de la restauration d'un objet. Concrétions, taches et colles peuvent
être difficiles à éliminer et l'on doit constamment mettre en balance l'utilité et l'intérêt
de ces entreprises avec les risques que les méthodes de nettoyage choisies, quelles
qu'elles soient, vont faire courir à l'objet lui-même.
Il faut aussi admettre une certaine hiérarchie des risques, entre l'altération
macroscopiquement visible (l'« accident » de traitement), l'atteinte à peine perceptible
des surfaces (érosion ou rayures dues au nettoyage mécanique), la dégradation qui
n'apparaîtra qu'à long terme (par exemple efflorescences de sels issus d'une réaction
entre produits de nettoyage et céramique), et la modification, imputable au
traitement, de caractères négligeables du point de vue de la conservation mais
peut-être significatifs dans certaines analyses archéologiques (ainsi pour reprendre
un exemple évoqué plus haut, la disparition de certains minéraux significatifs —
gelhenite — au cours d'un nettoyage acide des concrétions). Il est évident que ces
risques s'évaluent selon la situation (séries ou objet unique) et le type d'investigations
que les pièces concernées peuvent susciter.
Concrétions : les sels insolubles
On peut enlever les concrétions mécaniquement et/ou chimiquement.
Mécaniquement : usure au scalpel, piquetage à l'aiguille, abrasion avec de petites
meules rotatives montées sur flexible ou à la microsableuse pour les concrétions
très volumineuses. Il est extrêmement difficile de ne pas endommager la surface de
l'objet et son examen sous binoculaire en cours et en fin de nettoyage montre
souvent des usures ou des raies consécutives à ces traitements. Le risque est d'autant
plus grand que les concrétions sont plus dures que l'objet (concrétions siliceuses
sur pâte tendre, par exemple) ou plus adhérentes au revêtement (engobe, glaçure)
que ce revêtement ne l'est au tesson... Dans ces cas, pas de méthode miracle : on
peut essayer de ramollir, voire d'éliminer, les dépôts chimiquement ou encore
chercher à améliorer l'adhérence revêtement-tesson en infiltrant un fixatif ; on peut
surtout rechercher un compromis (amincissement partiel des concrétions, nettoyage
réduit aux tranches des fragments jointifs, etc.) pour limiter les risques.
Chimiquement : devant des composés insolubles ou très faiblement solubles à
l'eau et dans les solvants organiques, seuls des agents susceptibles de les transformer
en complexes solubles (notion exposée chap. V) ou de réagir chimiquement avec
eux pour former de nouveaux composés solubles ou volatils sont utilisables.
Les acides ont été et sont encore largement utilisés, en particulier pour les
concrétions essentiellement constituées de carbonate de calcium ou cimentées par
lui. Les plus souvent cités sont les acides chlorhydrique, nitrique, acétique et
formique, utilisés à des dilutions variées selon les conservateurs (10 à 20 % le plus
souvent), en bain ou en application locale. Ils n'ont malheureusement pas la vertu
de distinguer spontanément les dépôts à éliminer et le contenu calcaire de la
céramique elle-même.
Les complexants, susceptibles de se lier aux ions métalliques (calcium, magnésium,
aluminium, fer) pour former des complexes solubles sont aussi employés, par bain
ou en compresse, parfois à chaud. Les plus souvent cités sont l'hexamétaphosphate
de sodium (calgon) et les sels sodiques de l'acide éthylènediamine tétraacétique
(EDTA) ; ces complexants sont parfois couplés avec un autre agent, l'hydrogénocar-
bonate d'ammonium (bicarbonate d'ammonium).
Ces produits sont utilisés de façon bien codifiée et il n'est pas recommandé de « bricoler »
avec. Par exemple, une procédure connue consiste à opérer en deux temps : un bain court
(une demi-heure) dans une solution de tétraoxodisulfate de sodium (hydrosulfite de sodium)
à 10 %, suivi d'un rinçage et d'un bain prolongé (plusieurs heures) et à chaud dans une
solution à 10 % d'acide diéthylènetriamine pentaacétique (DTPA), à un pH spécifique selon
les ions que l'on veut complexer, entre 7 et 9 pour le fer, plus alcalin pour le calcium.
Le mélange AB57, mis au point pour le nettoyage des peintures murales (voir
chap. VIII) est parfois utilisée sur les céramiques, notamment en Italie. Les
complexants, utilisés aussi au nettoyage des verres et des vitraux, semblent avoir
une action moins drastique et plus facile à régler que les acides. Ils peuvent faciliter
le nettoyage mécanique.
Très peu de recherches ont été publiées concernant l'effet éventuel de ces
nettoyages chimiques sur le matériau céramique lui-même, les verres et les glaçures.
Quelques articles font état de leur mise en œuvre et des résultats obtenus dans le
traitement de certains objets (par exemple Gibson, 1971). On peut avancer les
remarques suivantes :
— au risque de lixiviation de certains composants des pâtes et des glaçures (plomb,
fer, par exemple) par les complexants, on doit ajouter celui de la dissolution de la
fraction calcaire des céramiques et l'impact mécanique du dégagement de CO2
produit par certaines attaques acide (HCI, notamment). Même une céramique
originellement très pauvre en calcaire peut être affectée par l'effervescence produite
dans ses pores par la réaction de l'acide avec le carbonate de calcium « secondaire »,
issu de l'environnement. On recherche donc une action aussi superficielle que
possible, d'autant plus difficile à obtenir que le matériau est plus poreux ; il semble
qu'une application ponctuelle (compresse, goutte) sur une céramique préalablement
saturée d'eau aide à réduire la quantité et la concentration des solutions qui
pénètrent dans l'objet ;
— le rinçage des objets après traitement doit être minutieusement conduit et
contrôlé : pH et conductivité des dernières eaux de rinçage. Les sels solubles
produits lors de ces nettoyages chimiques doivent être éliminés ;
— la manipulation des acides doit tenir compte des règles de sécurité parfaitement
codifiées que ces produits imposent, et quiconque les ignore doit s'abstenir de leur
utilisation.

Les taches

Les produits colorés responsables des taches ont migré dans les pores de l'objet :
ils sont inaccessibles au nettoyage mécanique et leur élimination n'est en général
envisageable que par voie chimique. Ces produits peuvent témoigner de l'histoire
de l'objet avant abandon ; ils ne représentent pas un danger pour l'objet ; il y a
parfois une alternative sans risque à leur élimination pour des raisons purement
esthétiques : le maquillage... Ajoutons qu'un très grand nombre des produits utilisés
pour les solubiliser, les transformer en composés solubles ou incolores le sont sans
que nous ayons une idée précise de leur effet éventuel sur les objets. Ceci devrait
conduire à limiter le nettoyage des taches (et sur bien d'autres matériaux que la
céramique, d'ailleurs).
La liste des taches rencontrées et des produits utilisés par les uns ou les autres
est très longue et comprend quelques fantaisies dangereuses. Nous n'évoquerons
ici que quelques exemples.
Les tâches noirâtres laissées par certains composés organiques (et par l'activité
de certains microorganismes) peuvent parfois être éliminées (ou atténuées) par
application sur l'objet d'un solvant, la solution étant immédiatement extraite par
des compresses absorbantes. Elles sont souvent décolorées par des oxydants
puissants comme l'eau oxygénée à 20 % additionnée de quelques gouttes d'ammo-
niaque. L'objet est ensuite soigneusement rincé. Le même procédé utilisé par erreur
sur une tache d'origine métallique peut en aviver la couleur et en réduire la
solubilité...
Les taches de rouille (brun rougeâtre) sont attaquées avec acharnement par une
grande panoplie de restaurateurs et de réactifs. Il est vrai qu'avec le développement
de l'archéologie des périodes modernes, les trouvailles de faïence, faïence fine,
porcelaine tendre, etc. se multiplient : ces pâtes blanches, richement décorées,
supportent mal l'envahissement par la rouille et notre œil, habitué aux pièces
comparables des collections historiques, est sensibilisé à leur esthétique.
Les produits les plus souvent cités sont des acides (acide oxalique, orthophospho-
rique, chlorhydrique, citrique), des réducteurs (tétraoxodisulfite de sodium), des
complexants (EDTA, DTPA). Notre expérience personnelle, limitée aux deux
premiers produits cités, a souvent été décevante. Nous ne connaissons pas d'étude
comparative publiée, mais H.W.M. Hodges (Hodges, 1986) rapportant des travaux
inédits menés à l'Université de Queen (Canada) oriente ainsi la marche à suivre :
réduire les composés ferriques en composés ferreux à l'aide de tétraoxodisulfite de
sodium et les éliminer avec un complexant, phosphate de sodium ou citrate de
sodium. Certains laboratoires canadiens et anglo-saxons procèdent ainsi avec un
autre complexant, l'EDTA, et semblent obtenir des résultats satisfaisants.
Des recherches françaises ont récemment porté sur la mise au point d'une
méthode de nettoyage électrolytique des oxydes de fer imprégnant les céramiques
archéologiques (Lacoudre, 1987). Dans cette méthode, les objets étant non
conducteurs de l'électricité, ce sont les taches d'oxyde qui sont polarisées au contact
d'une électrode double et concentrique (sorte de « pinceau électrolytique »). Le
procédé est encore relativement expérimental, bien que de très bons résultats aient
été obtenus (notamment sur des porcelaines tendres et des faïences).
La nature de l'électrolyte employé pourrait cependant faire obstacle à sa généralisation.
Le bain électrolytique, très alcalinisé (soude ou potasse), comporte en effet des ions cyanure
comme complexant du fer. Si l'on connaît bien les dangers liés à la manipulation des
bains cyanurés, il faut imaginer leur majoration dans la plupart des laboratoires de
conservation-restauration (où nous travaillons dans des conditions non contrôlées et avec
une formation souvent très insuffisante en matière de prévention des risques toxicologiques).

Les colles

Les colles utilisées sur les chantiers sont en général du type « colle universelle »,
c'est-à-dire parfois des nitrates de cellulose, plus souvent des acétates de polyvinyle
en solution, dans des tubes du commerce prêts à l'emploi. Ces colles conservent
une bonne solubilité dans des solvants comme l'acétone. Les objets à décoller
peuvent être exposés, dans un récipient clos ou un sac de polyéthylène fermé, aux
vapeurs de ce solvant, jusqu'à détachement spontané des différents fragments
(prévoir leur chute en disposant correctement l'objet afin d'éviter toute casse
supplémentaire !). Le nettoyage des résidus de colle s'effectue au scalpel et à
l'aiguille, éventuellement avec un peu de solvant déposé à la pipette ou avec une
gaze. On contrôle parfois l'état des tranches et l'avancement du travail sous
binoculaire, notamment pour les fragments de verre à parois fines, dont l'ajustement
ultérieur serait facilement compromis par la moindre trace de colle oubliée ou la
moindre perte de matière. Lors du décollage des céramiques tendres et altérées, le
film de colle se détache souvent en entraînant une pellicule de matière. Ceci est
pratiquement inévitable et rend l'ajustement des fragments définitivement moins
précis (photo 7). On peut aussi rencontrer des collages malheureusement effectués
aux époxy dont la reprise est encore plus difficile. Les joints de colle peuvent

PHOTO 7. — Le retrait de la colle a u séchage a e n t r a î n é des vides d a n s le j o i n t et a r r a c h é


q u e l q u e s f r a g m e n t s a u x t r a n c h e s de cette c é r a m i q u e t e n d r e et altérée.
gonfler dans des solvants chlorés, comme le trichloréthylène ou le dichlorométhane
(chlorure de méthylène), surtout si le collage est récent. On peut enfin, en prenant
des risques qu'il convient de bien peser, détruire thermiquement les époxy, à la
flamme ou par une source d'infrarouges. Envisageable sur les céramiques, cette
méthode est extrêmement dangereuse sur les verres.
Figure un peu exotique dans notre panoplie habituelle, le jus d'ananas fraîchement pressé
attaque également ces colles (probablement par une action enzymatique), comme nous l'a
indiqué Liz Pye, de l'Institut d'Archéologie de Londres.
La gomme laque est une résine naturelle longtemps utilisée au collage des
céramiques et presque abandonnée aujourd'hui en France pour cet usage. On la
rencontre donc surtout sur des objets de musée, mais aussi parfois sur des pièces
provenant de fouilles faites à l'étranger et recollées sur place avec les matériaux
disponibles localement. Si le collage est récent, il est réversible dans des solvants
comme l'acétone ou l'éthanol. Mais la gomme laque s'insolubilise en vieillissant,
et les collages un peu anciens doivent être exposés longuement à ces solvants ou
attaqués par des produits dangereux, comme la pyridine (S. Koob, 1979), solvant
basique, très toxique.

Consolidation et refixage

On consolide les objets céramiques et les verres très altérés, friables ou desquamés,
pour leur permettre de retrouver un minimum de cohésion et pour préserver ainsi
l'intégrité de leur forme. On les consolide aussi parfois pour les rendre capables de
supporter les contraintes auxquelles le nettoyage, le remontage et le rebouchage
des manques vont les soumettre. Lorsque la consolidation doit précéder le nettoyage,
elle pose des problèmes particuliers qui seront brièvement abordés en conclusion.
La consolidation par imprégnation d'une résine synthétique est aujourd'hui
partout employée. Dans une consolidation d'ensemble, on cherche à imprégner
uniformément tout le matériau céramique, en remplissant au maximum les pores
accessibles avec le consolidant. On parle de refixage lorsque la partie à consolider
est superficielle : rétablissement de l'adhérence et/ou de la cohésion d'une engobe,
d'une glaçure, d'une couche de peinture pulvérulente ou écaillée. La préparation
au collage peut conduire dans certaines situations (que nous verrons plus loin) à
des consolidations limitées aux tranches des fragments à assembler. De même, on
peut essayer par une infiltration locale de consolidant de stabiliser des fels et des
fissures pour empêcher leur évolution vers une cassure vraie.
Nous disposons pour ces traitements d'une gamme de produits et de techniques
somme toute limitée. Voyons les plus couramment employés.
Les produits sont presque toujours des résines synthétiques de type thermoplastique,
en solution dans un solvant organique (cf. Aide mémoire n° 5 et 6). On emploie
surtout dans la famille des vinyliques, les acétates de polyvinyle (Rhodopas,
Mowilith) et dans la famille des acryliques, un copolymère d'acrylate de méthyle
et de méthacrylate d'éthyle, le paraloïd B 72. L'utilisation de ce produit tend à se
généraliser, parce qu'il est un des mieux connus et des mieux « classés » du point
de vue de la stabilité dans le temps (classe « A » de R. L. Feller, regroupant les
produits d'une très longue durée de vie : Feller, 1975 et 1978). Les acétates de
polyvinyle sont aussi sous cet angle de « bons produits ».
D'autres acryliques sont aussi utilisables, par exemple le paraloïd B 67, méthacrylate
d'isobutyle, ou le plexisol P 550, peut-être un méthacrylate de n butyle (Horie, 1987), mais
ces produits ont été moins étudiés. Nous sommes en permanence tributaires d'une information
sur les produits souvent difficile à réunir et à tenir à jour (nous y reviendrons). Même une
résine aussi « sûre » que le paraloïd B 72 a, semble-t-il, dans le passé changé légèrement de
composition sans que les utilisateurs en soient informés (De Witte, 1978). D'une manière
générale, nous pensons qu'il est raisonnable de travailler avec une petite gamme de produits
suivis, bien connus, qu'on a l'habitude de manier et dont on peut par conséquent exploiter
au mieux les possibilités, plutôt que de jongler en permanence avec une grande gamme moins
bien maîtrisée. Et lorsqu'on sait ne pas pouvoir obtenir l'effet escompté avec ces produits
« standard », on s'aventure à la recherche d'une autre solution, avec l'aide de la bibliographie,
celle des collègues et des laboratoires de recherche.
N o u s r e c o n n a i s s o n s là les p r o d u i t s cités a u c h a p i t r e p r é c é d e n t et utilisables p o u r
m e n e r s u r le t e r r a i n des c o n s o l i d a t i o n s urgentes. M a i s s u r le c h a n t i e r , l ' h u m i d i t é
des objets et des s é d i m e n t s q u ' i l est parfois impossible o u d a n g e r e u x d ' a s s é c h e r ,
ainsi q u e la sécurité des p e r s o n n e s , i m p o s e n t s o u v e n t de véhiculer le c o n s o l i d a n t
avec de l ' e a u ; ce s o n t alors des résines voisines s u r le p l a n c h i m i q u e qui s o n t
e m p l o y é e s , m a i s en é m u l s i o n o u e n d i s p e r s i o n colloïdale d a n s l'eau ( c o p o l y m è r e s
acryliques : g a m m e des P r i m a i , Plextol ; acétates de polyvinyle : certains M o w i l i t h ,
Vinavil, etc.). L ' a l c o o l polyvinylique ( R h o d o v i o l ) , u n e des rares résines s y n t h é t i q u e s
solubles d a n s l'eau, est e n c o r e b e a u c o u p utilisé m a i s il p r é s e n t e c e r t a i n s inconvé-
nients, c o n n u s d e p u i s l o n g t e m p s , c o m m e s o n h y g r o s c o p i c i t é d a n s des a m b i a n c e s
h u m i d e s , ses r é a c t i o n s avec certains s u b s t r a t s , sa perte de solubilité a u vieillissement.
Les particules de polymère émulsifiées sont de taille importante : ceci limite la pénétration
des résines, surtout dans les matériaux où dominent les micropores et les capillaires. En
revanche, comme c'est la taille des particules qui importe et non celle du polymère, on peut
émulsifier des résines de grande masse molaire à des concentrations assez élevées (plus de
20 % et jusqu'à 70 %), sans atteindre la viscosité qu'elles présenteraient en solution. Les
émulsions sont souvent réalisées et stabilisées grâce à de nombreux additifs qui restent dans le
matériau imprégné et modifient les propriétés de la résine après séchage (De Witte et al., 1984 ;
Howells et al., 1984) ; certains d'entre eux notamment lui confèrent une certaine sensibilité à
l'eau et à la vapeur d'eau. Enfin les émulsions sont stables à des pH précis, parfois éloignés
de la neutralité, et le conservateur devrait systématiquement s'informer du pH des émulsions
qu'il utilise (ainsi les émulsions vinyliques — colles blanches — ont souvent un pH acide,
entre 4 et 6). Les dispersions colloïdales offrent de meilleures propriétés, car les agrégats
dispersés sont de toute petite taille (mesurable en centièmes de micromètre), ce qui leur
confère une meilleure mobilité. Peu de résines se présentent sous cette forme ; les copolymères
acryliques (Primai WS), dispersés avec peu d'additifs grâce à leurs groupements polaires,
ont depuis quelques années de chauds partisans (Koob, 1978, 1984), pour lesquels elles
présenteraient des propriétés intermédiaires entre émulsion et solution et des avantages
empruntés aux deux.
En solution, les résines sont dispersées dans le solvant à l'échelle moléculaire, c'est donc la
taille des macromolécules du polymère qui commande leur capacité de pénétration dans les
pores du matériau à imprégner ; mais on ne peut atteindre des concentrations en résine aussi
importantes que dans les émulsions. La viscosité d'une solution dépend de la viscosité propre
du solvant, de la taille des molécules de la résine, et de la concentration. Choix du solvant,
choix de la résine et de sa masse molaire, choix de la concentration ; il est possible de manier
un peu ces différents éléments pour essayer d'adapter la consolidation à chaque situation
(porosité de l'objet, état d'altération, degrés de pénétration, d'induration et de cohésion
recherchés). D'autre part, si les émulsions que nous utilisons sont réalisés industriellement,
nous pouvons fabriquer nous-même la plupart des solutions qui nous intéressent, et par
conséquent travailler sans additif inconnu. Pour ces raisons, on préfère en laboratoire, où
l'on dispose des moyens et du temps nécessaires au séchage contrôlé des objets, utiliser des
solutions ; sur le chantier au contraire les émulsions et les dispersions aqueuses offrent les
avantages de leur maniabilité et de leur non-toxicité. Mais seules les émulsions et dispersions
acryliques semblent présenter une bonne compatibilité avec les solutions acryliques ultérieure-
ment utilisables pour reprendre en laboratoire une première consolidation de chantier.
D'autres produits sont occasionnellement employés pour consolider les cérami-
ques, comme les esters de silice, les époxy, les polyesters et les méthacrylates, plus
souvent utilisés sur d'autres matériaux (pierre, peintures murales). Ils peuvent
répondre à des situations exceptionnelles, que nous évoquerons plus loin.
Les techniques habituellement employées pour faire pénétrer ces produits sont :
badigeonnage au pinceau, pulvérisation, infiltrations et injections à la seringue,
immersion complète, trempage partiel et migration par capillarité (fig. 4), immersion
avec passage sous vide (fig. 5). Ces deux derniers procédés sont ceux qui assurent
les meilleures chances de pénétration en profondeur.

FIG. 4. — Imprégnation par capillarité.


L'objet est partiellement immergé à plusieurs reprises dans des positions différentes (on
peut aussi élever progressivement le niveau du bain de consolidant). Cette technique réduit
l'obstacle que l'air, piégé dans les pores de l'objet lors d'une immersion complète, oppose à
la pénétration du consolidant.

FIG. 5. — Imprégnation sous vide partiel.


L'installation comprend en 5 a une pompe (1) qui vide l'air d'une cloche hermétique (2)
jusqu' au seuil souhaité, contrôlé par un manomètre (3).
Les objets sont immergés dans la solution de consolidant avant la mise sous vide partiel.
En 5 b, un réservoir extérieur contenant la solution (4) permet de l'introduire progressivement
après la mise sous vide, pour éviter le piégeage de l'air dans les pores de l'objet.

Quels que soient le produit et la technique utilisés, les consolidations soulèvent de


nombreux problèmes. Nous en évoquerons quelques uns : la distribution du
consolidant dans le matériau, la réversibilité de l'imprégnation, ses conséquences
optiques.
Distribution du consolidant dans le matériau
Il est souvent difficile d'obtenir une pénétration à cœur et homogène de la
solution de consolidant. Elle chemine mal dans les pores de très petites dimensions,
dominant dans les céramiques à pâte fine. Les résines de petit poids moléculaire,
dans des solvants pénétrants (toluène, xylène, hydrocarbures chlorés) à des
concentrations faibles (5 à 15 %) donnent de bons résultats, surtout en immersion
sous vide (fig. 3). Mais après durcissement leurs propriétés mécaniques sont
moyennes et la quantité introduite étant peu importante, l'objet gagne modérément
en cohésion et en dureté. Il doit par ailleurs pouvoir subir sans dommage les
tensions engendrées par l'élimination de l'air et l'envahissement rapide du solvant
lors du passage sous vide. Les consolidations ainsi obtenues sont suffisantes pour
des objets normalement conservés en musée ou en dépôt. Elles ne peuvent permettre
le retour en ambiance extérieure non contrôlée des éléments de céramique
architecturaux, par exemple.
Que le consolidant ait ou non pénétré profondément, il est réentraîné vers la
surface lors de l'évaporation du solvant, et sa distribution devient alors hétérogène,
beaucoup plus dense dans les couches superficielles. Si le phénomène est marqué,
toute la résine se masse dans les deux ou trois millimètres les plus proches des
surfaces d'évaporation et seule cette mince couche imprégnée acquiert de nouvelles
propriétés mécaniques et physiques, par exemple un autre coefficient de dilatation
thermique que le matériau sous-jacent. On craint toujours dans ces situations que
les comportements divergents des parties imprégnées et des autres ne conduisent à
long terme à leur désolidarisation. Pour éviter ou limiter cela, on s'accorde sur
l'utilité de ralentir le départ du solvant : choix d'un solvant peu volatil, évaporation
dans un volume clos, voire contenant déjà des vapeurs du solvant utilisé.
Lors d'un refixage, on ne recherche qu'une diffusion superficielle du consolidant
et ceci est beaucoup moins difficile à obtenir. Des solvants volatils comme l'acétone,
l'éthanol peuvent être employés au pinceau et de moins volatils, comme le toluène,
le xylène, l'acétate d'éthyle, le dichlorométhane (chlorure de méthylène), peuvent
être pulvérisés (« souffle au cul », aérographe) avec les résines citées plus haut,
acryliques ou vinyliques, en faible concentration (5 %).

Réversibilité des imprégnations


Lorsqu'une pénétration à cœur est recherchée et obtenue, la réversibilité théori-
quement assurée par la solubilité durable des résines employées devient
impraticable : leur extraction nécessiterait l'exposition prolongée des objets aux
solvants tout en engendrant simultanément leur retour progressif à l'état peu
cohérent qui avait justifié la consolidation. Les objets les plus altérés, qui sont à
la fois les plus souvent et les mieux imprégnés (en raison de leur porosité élevée),
ne le supporteront pas sans dommage. De plus, selon certains auteurs, il est
pratiquement impossible de « désimprégner » totalement à l'aide de solvants un
matériau poreux (Horie, 1983) et d'éliminer plus de 50 % de la résine initialement
introduite. Il est donc important d'opter pour un consolidant stable dans le temps.
De ce point de vue, le paraloïd B72, semble être un des meilleurs produits
actuellement disponibles.
La réversibilité des interventions de refixage est moins illusoire que celle des
imprégnations à cœur, et cette fois il faut y veiller absolument. C'est pourquoi on
ne devrait plus employer les solutions diluées de gomme laque pour fixer ou
protéger les surfaces fragiles, puisque cette résine vieillit en jaunissant et en
s'insolubilisant. De même, les vernis et fixatifs prêts à l'emploi et dont la composition
précise est inconnue devraient être écartés.

Conséquences optiques
L'aspect des matériaux imprégnés est souvent modifié par le consolidant, quel
qu'il soit. Lorsque certaines zones limitées ont été consolidées, elles se trouvent
ainsi soulignées de façon désastreuse.
Les effets de brillance peuvent être très gênants sur les céramiques mates auxquels
ils apportent une apparence lustré pour le moins ambiguë. Ces « brillances » sont
dues à la formation superficielle d'un film de résine, qui se superpose aux minuscules
irrégularités de la surface du matériau, les épouse et en comble les creux : une
petite partie de la lumière reçue est donc réfléchi symétriquement par ce film lisse
de résine comme elle le serait par un miroir, le modèle parfait de la réflexion
spéculaire, et la surface brille. Lorsqu'elle était au contraire renvoyée dans de
multiples directions par tous les micro-reliefs d'une surface irrégulière, la lumière
ainsi dispersée faisait apparaître cette surface comme mate.
Plus on ralentit l'évaporation du solvant, et plus ce phénomène risque de se produire, car
les molécules de résine conservent alors pendant un temps assez long une viscosité suffisante
pour s'étaler en remplissant les creux de la surface. Il faut aussi que la quantité de résine
déposée à la surface permette la formation, au moins par endroits, d'un film continu, ce qui
peut arriver facilement pour des solutions concentrées. Il est ainsi difficile d'obtenir un effet
mat avec du paraloïd B72 à plus de 10 % et passé au pinceau, par exemple. Pulvérisée en
petite quantité et en très fines gouttelettes, la même solution peut donner un résultat optique
différent, car la résine est alors déposée de façon discontinue. Mais certaines résines sont
aussi plus « brillantes » que d'autres et cela tient au type et au degré d'organisation que leurs
macromolécules adoptent lors du durcissement. Il faut ici se souvenir que, mises en œuvre
différemment, beaucoup des résines utilisées en consolidation peuvent servir aussi bien à la
fabrication d'adhésifs qu'à celle de vernis.
Liés à l'état de surface de l'objet consolidé, ces effets ne peuvent être corrigés
que par des retraitements de surface, par exemple le nettoyage superficiel de l'objet,
avec un des solvants de la résine utilisée, imbibant un tampon d'ouate ou un coton
tige. Sur des surfaces fragiles avant consolidation, ces reprises doivent être tentées
avec beaucoup de précautions.
L'assombrissement fréquent des céramiques consolidées ne peut être complète-
ment évité. Les pores qui étaient remplis d'air se trouvent plus ou moins comblés
par la résine et, même si elle est incolore et transparente, celle-ci a un tout autre
indice de réfraction : comment s'attendre à ce que le matériau imprégné ne
subisse aucune modification optique ? Nous voyons grâce à l'assombrissement la
progression de l'eau dans un pot de fleurs mis à tremper... Les résines que nous
utilisons sont optiquement plus proches de l'eau que de l'air. Seuls les objets
globalement peu imprégnés (très peu poreux ou consolidés à de très faibles
concentrations), ou encore désimprégnés sur une petite épaisseur par succion du
consolidant dans une compresse absorbante imbibée de solvant, échappent à cet
assombrissement. Mais rares sont les objets qui peuvent réellement se satisfaire
d'une consolidation ainsi limitée, à moins qu'ils ne soient justement des victimes
de la « consolidomanie » qui nous guette tous, ou consolidations abusives par excès
de prudence...
Beaucoup de céramiques ont été peintes, ou ont reçu un complément de décor
après cuisson et on peut rencontrer sur les matériaux céramiques des décors mats,
pulvérulents ou très peu adhérents, dont il est pratiquement impossible de ne pas
modifier un tant soit peu l'aspect lors du refixage : blanc de chaux, craie, kaolin
cru, latérite rouge, terres ocres... Ce problème, le refixage des tracés ou des couches
de couleur pulvérulentes, est familier aux restaurateurs de documents graphiques
(Flieder, 1981) ou d'objets ethnographiques (Guillemard, 1987). On peut leur
emprunter certains produits, comme les éthers de cellulose (par exemple le Klucel
G, hydroxypropyl cellulose, soluble à la fois dans l'eau et dans l'éthanol) qui
provoquent un assombrissement très modéré. On doit surtout adopter leurs
réflexes : la réaction des pigments aux résines et aux solvants utilisés est souvent
imprévisible et il est utile de tester chaque plage de couleur avant de se lancer dans
le traitement d'un objet ou d'une série d'objets.
Dans certains refixages particuliers, celui des glaçures matifiées et opacifiées par
l'altération, la nouvelle continuité de la matière apportée par le consolidant peut
au contraire produire un effet recherché : amélioration de la lecture des motifs et
de l'éclat et de la brillance des couleurs.

Consolidation : cas particuliers

Dans les imprégnations classiques que nous venons de décrire, les résines
introduites ne remplissent généralement pas tous les pores de l'objet : il suffit que
leur distribution soit assez homogène et leur pouvoir adhésif assez grand pour
rétablir une certaine cohésion entre les grains trop peu liés des céramiques altérées
ou cuites à très basse température, et la consolidation obtenue est satisfaisante.
Dans d'autres cas, on recherche une sorte d'imperméabilisation de l'objet, par
exemple s'il contient des sels solubles impossibles à éliminer.
Les objets qui doivent être consolidés avant de pouvoir subir un nettoyage
constituent une autre situation particulière.
Pour les premiers, on a longtemps utilisé la cire, la paraffine ou les cires
microcristallines, appliquées à chaud (par immersion) ou en solution (badigeon).
Leurs inconvénients (bas point de fusion, empoussiérage, modifications optiques)
ont conduit à la recherche de nouveaux produits, bien que leur efficacité à faire
barrière aux échanges d'humidité soit avérée. Les solutions de rechange ne sont
pas légion, il faut bien le reconnaître : n'en font pas partie en particulier les
imprégnations « classiques » aux résines synthétiques décrites plus haut, qui font
courir aux objets infestés de sels solubles des risques considérables (formation en
surface d'une couche mieux imprégnée mais pas imperméable aux échanges gazeux,
que les mouvements sous-jacents des sels risquent à terme de désolidariser du reste
de l'objet). Dans un domaine voisin de la céramique, la pierre, des imprégnations
totales, visant à obturer tous les pores du matériau ont été proposées. Les
applications de ces méthodes radicales à la céramique sont rarissimes (quelques
exemples de céramiques architecturales), et elles ne constituent pas en pratique une
alternative satisfaisante aux anciens procédés.
Nous évoquons ici, entre autres, les imprégnations aux résines acryliques introduites sous
la forme de monomères (petites unités capables de bien pénétrer), sous vide, puis éventuellement
sous pression, et dont la polymérisation est initiée in situ par un apport d'énergie sous forme
de chaleur (Wihr, 1986) ou de rayons gamma (rayonnements hautement énergétiques et très
pénétrants émis par une source radioactive). En France particulièrement, des recherches
importantes ont été menées avec succès au Centre d'Etudes Nucléaires de Grenoble sur
l'utilisation en conservation des résines « radiodurcissables », notamment styrène-polyesters,
mais leur meilleur champ d'application semble bien être les bois gorgés d'eau (voir chap. VI),
éventuellement certaines roches très dégradées.
Il est intéressant de noter que le développement de l'ensemble de ces techniques se heurte
à deux obstacles contradictoires : d'une part le coût des investissements et recherches qu'elles
supposent avant d'être opérationnelles ; d'autre part la suspicion qu'elles engendrent, une
fois ces préliminaires franchis, tant on craint que le souci de « rentabilisation » induit par ces
coûts ne pousse à des applications injustifiées.
Bloquer les sels dans une céramique (comme dans tout autre matériau poreux)
de manière par ailleurs acceptable (compatibilité, réversibilité au moins au
« deuxième » degré — permettre une réintervention ultérieure) semble donc
aujourd'hui encore une gageure. On peut alors essayer de consolider les objets très
altérés sans faire obstacle à leur dessalage ultérieur, ce qui ramène au cas général
des céramiques qui nécessitent ce traitement avant tout nettoyage. Le produit idéal,
qui consoliderait le matériau sans renforcer l'adhérence et la dureté de ce que l'on
veut nettoyer et sans faire obstacle au passage des sels solubles à éliminer, n'existe
pas. Le nylon soluble en a longtemps fait office (Unesco, 1969), avant d'être
condamné pour son mauvais comportement au cours du temps (Sease, 1981). Il
nous reste des solutions approximatives : consolidations « légères », pour renforcer
l'objet sans l'imperméabiliser ni durcir trop les produits à enlever ; et quelques
espérances dans des produits relativement nouveaux en conservation, comme les
silicates d'éthyle, susceptibles d'améliorer la cohésion interne des céramiques sans
modifier trop fortement leur porosité.
Ces derniers consolidants, seuls ou couplés avec des acryliques, font l'objet de
nombreuses expérimentations depuis quelques années. Ils réservent encore quelques
surprises (compatibilité variable avec les adhésifs employés sur l'objet, par
exemple), quelques gros inconvénients (toxicité, coût) et quelques inconnues
(vieillissement en conditions « réelles »). Mais les résultats qu'ils permettent
d'obtenir sur des matériaux jusqu'ici extrêmement problématiques (argile crue,
plâtre, minéraux liés à la chaux, par exemple) permettent de comprendre le fait
que leur utilisation soit de plus en plus fréquente (voir par exemple Tubb, 1987).
Peut-être n'est-il pas inutile d'évoquer ici une dernière possibilité : celle qui
consiste à faire subir aux céramiques altérées et réputées « mal cuites » une
recuisson, après laquelle elles sont en mesure de supporter les nettoyages, dessalages,
et autres traitements qu'on souhaite leur appliquer. Ces opérations, outre qu'elles
comportent de grands risques (claquage, changement de couleur, etc.) aboutissent
évidemment à produire après traitement un matériau nouveau. La méthode
s'applique depuis longtemps, et encore aujourd'hui, aux objets d'argile crue comme
les tablettes (Organ, 1961) : on l'admet en l'absence d'autres solutions bien
éprouvées, et sachant que l'essentiel à conserver dans ce cas est le texte gravé et
non pas son support. Mais la recuisson des céramiques, sauf cas exceptionnel (par
exemple le traitement de céramiques noircies à la suite d'un incendie ; Davison,
Harrison, 1987), n'est pas un traitement de conservation, au sens où nous entendons
ce mot, puisqu'elle transforme le matériau et constitue une sorte de contresens par
rapport à son histoire technologique.

R e m o n t a g e et traitement des lacunes

Tri des tessons et premier remontage des céramiques sont souvent entrepris sur
le chantier. Certains remontages sans colle, stabilisés par du ruban adhésif, peuvent
suffire s'il s'agit de photographier l'objet et de dessiner son profil. Il est ensuite
rapidement démonté et les fragments stockés dans des sachets. Mais si l'on veut
manipuler les objets pour étude, ou se prémunir contre tout risque de perte ou de
mélanges des fragments, le collage reste encore la meilleure solution, même s'il
n'entre pas dans un programme de restauration à proprement parler. Il n'est pas,
lui, sans conséquence : si l'objet doit être restauré ultérieurement, tout collage
« imparfait » devra être repris, moyennant certains risques.
Cela ne veut pas dire qu'un bon collage soit l'apanage des seuls spécialistes de
la restauration. Cela implique seulement qu'on évite sur le chantier les recollages
intempestifs « pour voir vite » ou pour « s'essayer à » (certaines personnes ont
l'habileté, l'habitude et le goût de ce travail, d'autres pas), et qu'on se cantonne
strictement à des colles avérées facilement réversibles.
Certaines observations (description de la pâte, mesures d'épaisseurs, détails
visibles à l'intérieur des objets, etc.) doivent bien sûr être notées avant le remontage.
Dans l'idéal, tout collage (qu'il soit ou non de chantier) doit être conçu à la fois
pour durer et pour pouvoir être repris sans dommage pour l'objet dans un avenir plus
ou moins lointain. Objectifs difficiles à concilier, on s'en doute...
Le succès immédiat et à long terme d'un collage dépend à la fois de l'adhésif
retenu et de sa mise en œuvre. Ce dernier point (ordre du remontage, propreté des
tranches, etc.) est décrit dans le chapitre suivant consacré au verre : les dispositions
à prendre sont identiques. Nous n'ajouterons que quelques remarques spécifiques
au matériau céramique.

Les adhésifs

De nombreux produits ont été et sont encore employés au collage des céramiques
(Davison, 1984).
La majorité des céramiques archéologiques peuvent être collées avec les adhésifs
commerciaux évoqués plus haut, en solution assez visqueuse, prêts à l'usage dans
de petits tubes d'utilisation facile (UHU, Scotch, Seccotine, Soude-grès, etc.). Les
nitrates de cellulose, bien qu'employés depuis plusieurs décennies sans incident
notable rapporté (publié ou de bouche à oreilles) ont été vigoureusement condamnés
ces dernières années : leur instabilité est théoriquement avérée (Koob, 1982 ;
Selwitz, 1988). S'il faut y renoncer, on peut se tourner vers les acétates de polyvinyle,
mais comment deviner le contenu d'un tube de colle si le fabricant ne l'indique
pas ? Les analyses publiées sont rares (De Witte, 1986), mais elles confirment que
les résines cellulosiques sont encore (ou étaient au moins il y a peu) assez fréquentes
dans les colles du commerce (Bindulin, Cementit). Les conclusions des tests de E.
de Witte sont par ailleurs plutôt navrantes sur les performances à long terme de
la plupart de ces « colles universelles », quelle qu'en soit la (ou les) résine de base...
On sait enfin que se trouvent distribués sous le même nom dans différents pays
des produits différents... : autant de raisons pour réserver ces colles aux travaux
rapidement entrepris sur le chantier de fouilles.
Reste, en laboratoire, à fabriquer soi-même un adhésif, à base d'acétate de
polyvinyle (Rhodopas M 60), ou mieux à base de paraloïd B72 (Koob, 1986) ce
qui semble être une des meilleures solutions aujourd'hui disponibles.
Il y a eu en France, à la suite d'un article publié dans la revue The Conservator sur
l'instabilité des nitrates de cellulose (Koob, 1982), une sorte d'effet de mode un peu exaspérant.
Les restaurateurs « informés » ont abandonné aussitôt ces produits sans qu'une solution de
remplacement ait été vraiement réfléchie : les acétates de polyvinyle ? Ils ne peuvent être
employés en toutes circonstances, à cause de leur température de transition vitreuse très basse.
En outre ceux qui sont commercialisés en dispersion aqueuse (colles blanches) contiennent
un grand nombre d'additifs qui rendent leur vieillissement incertain, peut-être pas toujours
meilleur que celui des cellulosiques... En climat vraiment chaud, même le paraloïd pose
problème.
Avec un peu plus de recul, et au vu de travaux qui complètent et confortent les informations
données par S. Koob (Selwitz, 1988), il semble effectivement souhaitable d'écarter les
cellulosiques quand c'est possible. Il n'y a pas lieu malgré tout de cauchemarder en songeant
à l'effondrement théoriquement imminent des céramiques collées aux cellulosiques qui
remplissent nos dépôts depuis vingt ou trente ans, et dont la stabilité, en conditions réelles,
semble (pour une fois !) meilleure que prévu. Au moins ces collages pourront-ils être nettoyés
et refaits sans trop de difficultés. Puissent les nôtres en faire autant et durer un peu plus
longtemps... !

Les colles t h e r m o d u r c i s s a b l e s , e p o x y et polyester, difficilement réversibles, ne


d e v r a i e n t être e m p l o y é e s q u e l o r s q u e a u c u n des adhésifs déjà cités ne p e u t suffire :
objets de g r a n d e d i m e n s i o n et très l o u r d s ; c é r a m i q u e s denses, p e u p o r e u s e s et à
p a r o i s fines c o m m e les p o r c e l a i n e s ; c é r a m i q u e s a r c h i t e c t u r a l e s qui d o i v e n t r e t o u r n e r
à l'extérieur. Les j o i n t s qu'elles p e r m e t t e n t d ' o b t e n i r s o n t très solides, s o u v e n t plus
q u e l'objet lui-même, ce qui n ' e s t p a s s o u h a i t a b l e (cf. A i d e m é m o i r e n° 7 et 8).

L a mise en œuvre

L a fragilité des t r a n c h e s , q u e les colles en s o l u t i o n o u en d i s p e r s i o n v o n t « tirer »


p e n d a n t le séchage et q u e les m a n i p u l a t i o n s r i s q u e n t d'effriter, p e u t c o n d u i r e à
c o n s o l i d e r u n e c é r a m i q u e a v a n t collage ; il f a u t être certain q u e l'objet s u p p o r t e r a
l ' h é t é r o g é n é i t é a p p o r t é p a r la seule c o n s o l i d a t i o n des t r a n c h e s . U n e c o n s o l i d a t i o n
d ' e n s e m b l e est f i n a l e m e n t s o u v e n t plus s o u h a i t a b l e .
P e u t - o n isoler o u i m p e r m é a b i l i s e r u n tesson p o r e u x , p o u r éviter p a r e x e m p l e
l'irréversibilité d ' u n collage t h e r m o d u r c i s s a b l e (en i n t e r p o s a n t u n e sorte de c o u c h e
i n t e r m é d i a i r e réversible) o u p o u r limiter la diffusion d a n s le m a t é r i a u d ' u n a d h é s i f
assez fluide ? D a n s le p r e m i e r cas, la force d u collage d é p e n d r a aussi de celle de
cette couche intermédiaire d ' a c c r o c h a g e : alors pourquoi utiliser des
t h e r m o d u r c i s s a b l e s ? A l'illusion d ' u n e « c o u c h e - é c r a n » p a r f a i t e m e n t réversible,
m i e u x v a u t subsistuer l ' a m b i t i o n plus réaliste d ' u n e c o n s o l i d a t i o n des t r a n c h e s à
coller, ainsi susceptibles de m i e u x s u p p o r t e r les m a n œ u v r e s nécessaires a u décolle-
ment. D a n s le second, le p r o c é d é ( b a d i g e o n s u r les t r a n c h e s d ' u n e s o l u t i o n de
P a r a l o ï d assez concentrée, 10-15 % ) p e u t être utile. O n p e u t aussi o p t e r p o u r u n e
colle plus épaisse o u épaissie à l'aérosil.
Les objets c o m p l e t s très f r a g m e n t é s s o n t difficiles à r e m o n t e r : les épaisseurs de
j o i n t s de colle se s u r a j o u t e n t , ainsi q u e les infimes e r r e u r s d ' o r i e n t a t i o n d a n s la
p o s e des f r a g m e n t s et, p o u r finir, les derniers tessons se l o g e n t difficilement d a n s
l'ensemble ainsi « d i s t e n d u », t a n d i s q u e d a n s d ' a u t r e s zones de l'objet, des « j o u r s »
a p p a r a i s s e n t e n t r e tessons p o u r t a n t p a r f a i t e m e n t jointifs. Ces difficultés s o n t
s u r m o n t a b l e s si l'on a réussi à faire les j o i n t s les plus fins possibles. U n e colle à
prise lente, o u q u ' o n p e u t r é a s s o u p l i r en infiltrant u n p e u de solvant, facilite les
a j u s t e m e n t s finaux.
C e r t a i n e s formes i n c o m p l è t e s s o n t aussi difficiles à r e m o n t e r (mais en r e v a n c h e
celles-ci ne s o n t p a s difficiles « à f e r m e r » !). O n peut user de calibres et de fils à
p l o m b (voire de potences) p o u r bien o r i e n t e r les p a n s e s lacunaires et c e n t r e r
c o r r e c t e m e n t les f o n d s ( p h o t o 8).
Q u a n t a u m a i n t i e n des f r a g m e n t s en p o s i t i o n p e n d a n t la prise de la colle, les
astuces ne m a n q u e n t pas, des classiques (bac à sable, r u b a n adhésif) a u x plus
inventives ( b â t o n n e t s de balsa, ficelles et élastiques j u d i c i e u s e m e n t placés ; b a l l o n s
gonflés d a n s les formes fermées ; pinces à linge, petits serre-joints, etc.) ( p h o t o s 9
à 12). M a i s t o u t e l'ingéniosité déployée ne p e u t éviter q u e certains tessons, tenus
p a r u n e t o u t e petite surface de collage, se t r o u v e n t d a n s u n p o r t e à faux d a n g e r e u x .
PHOTO 8. — Le fond de ce grand vase lacunaire, jointif en deux points très limités, est
rebouché puis positionné à l'aide d'un fil à plomb avant d'être maintenu en place par le
rebouchage des manques de la panse (Céramique provenant de la ferme gauloise de Boisanne
à Plouer sur Rance ; Fouilles dirigées par Y. Menez, restauration Pascale Chantriaux).

Un rebouchage au moins partiel doit alors être envisagé pour les conforter, avec
une des techniques utilisables au comblement des lacunes.

Le t r a i t e m e n t des parties lacunaires


Trois situations peuvent conduire à reboucher les parties lacunaires d'un objet
céramique :
— pour mettre en place des tessons peu ou pas du tout jointifs, maintenus par le
matériau de comblement ;
— pour consolider l'ensemble remonté, affaibli par ses manques ;
— pour améliorer la lecture de la forme d'un objet très lacunaire.
Dans les deux premiers cas, le rebouchage ne concerne pas obligatoirement tous
les manques de l'objet (photo 13). Dans tous, une certaine recherche esthétique
s'impose, pour assurer la discrétion du rebouchage et la mise en valeur des parties
conservées, mais assurément les préoccupations esthétiques sont dominantes dans
la troisième situation. Nous y reviendrons, après avoir présenté brièvement quelques
techniques de rebouchage.

M a t é r i a u x et techniques du rebouchage
Une des méthodes les plus anciennes (peut-être aussi une des plus admirables
techniquement) consiste à reboucher la céramique avec de la céramique. Certaines
pièces restaurées au xixe siècle recèlent de véritables prouesses : tessons façonnés
à la dimension exacte des manques, malgré les difficultés occasionnées par le retrait
de l'argile employée au séchage et à la cuisson... Ce type de travail, surtout motivé
par le souci d'une réparation discrète, n'est plus guère entrepris aujourd'hui. On
doit mentionner toutefois la réapparition du procédé, dans un souci cette fois de
durabilité et de compatibilité optimale entre les différentes parties qui composent
un objet restauré (Andreeva, Tcheremkhin, 1980). La technique décrite reste
séduisante, et les arguments pour y recourir ne sont pas sans poids. Elle apparaît
cependant assez peu généralisable, en raison du temps et des équipements que
suppose sa mise en œuvre.
Photo 9

Photo 10

Photo 11

Photo 12

PHOTOS 9, 10, 11, 12. — R e m o n t a g e d ' u n g r a n d


p i c h e t (fin x I v e - d é b u t xve,Ville de S a i n t - D e n i s ,
U n i t é d ' a r c h é o l o g i e ) . L a f o r m e très l a c u n a i r e est
m o n t é e à l ' a i d e d e petits serre-joints e t b â t o n n e t s .
E n 11, u n e p a r t i e d u col v a être r e b o u c h é e p o u r
p o u r s u i v r e le r e m o n t a g e , la p l a q u e de p l a s t i c i n e
est m a i n t e n u e p a r des p i n c e s à linge ( !), les b o r d s
de la l a c u n e s o n t p r o t é g é s p a r u n film de latex.
Le r e b o u c h a g e de la p a n s e est e n t r e p r i s en d e r n i e r ,
c e r t a i n e s l a c u n e s m i n e u r e s s o n t conservées, (res-
tauration Paul Mardikian).
PHOTO 13. — R e b o u c h a g e p a r t i e l d ' u n vase lacu-
n a i r e p o u r p e r m e t t r e u n e lecture de s o n profil.(Cé-
r a m i q u e p r o v e n a n t de la f e r m e g a u l o i s e de Boi-
s a n n e à P l o u e r s u r R a n c e ; Fouilles dirigées p a r
Y. M e n e z , r e s t a u r a t i o n P a s c a l e C h a n t r i a u x ) .

Le plâtre (plâtre de Paris) reste le recours le plus habituel (cf. Aide mémoire
n° 2). Il n'offre pas une très grande résistance mécanique, mais elle suffit à la
plupart des céramiques archéologiques. Sa densité, son coefficient de dilatation
thermique (Barov, Lambert, 1984) en font un des matériaux de comblement les
plus compatibles avec la céramique. Il est sensible à l'humidité, mais dans des
conditions correctes de stockage, ceci ne pose pas problème et assure même, le cas
échéant, une possibilité de faciliter la réversibilité surtout mécanique de ces
rebouchages, en les affaiblissant avec de l'eau.
L'empreinte du profil de l'objet est prise sur une partie conservée à l'aide d'une
plaque de plasticine (ou cire dentaire), qui est ensuite reportée sous la partie
lacunaire (voir photo 11). Du plâtre est coulé dans la lacune, en léger excès, puis
travaillé rapidement dans le frais pour être mis au niveau et au profil convenables.
Après la prise, la plasticine est retirée et le rebouchage éventuellement poncé à sec.
Ce schéma général peut comporter quelques variantes :
— le plâtre est teinté avant utilisation à l'aide de pigments. Le mélange doit être
parfaitement homogène (tamisage), et les pigments très bien broyés. En quantité
trop importante, ils gêneront la prise du plâtre, il est donc difficile d'obtenir ainsi
une teinte sombre. Le mélange des poudres n'a pas tout à fait la couleur du
rebouchage sec : il faut ajuster le ton en observant de petits échantillons après leur
prise. Enfin, il faut préparer la quantité de plâtre teinté nécessaire à tous les
manques de l'objet (on ne refait jamais deux mélanges parfaitement identiques) ;
— une reprise du ton, de la texture, éventuellement des décors est effectuée sur le
plâtre, teinté ou non, après l'avoir isolé (peinture acrylique, au pinceau ou à
l'aérographe, pigments délayés dans de la colle blanche, dans du paraloïd, couleurs
maïmeri, etc.) (photos 14 et 15).
— le plâtre est renforcé en incorporant à l'eau de gâchage quelques gouttes de colle
blanche (PVAC en émulsion dans l'eau), ou en le consolidant après durcissement
(paraloïd B72). Ceci peut éventuellement compenser l'affaiblissement apporté par
la charge inerte que constituent les pigments ;
— le rebouchage, teinté, n'est pas réalisé en continuité avec le niveau de la
céramique, mais en léger retrait, uniforme et bien net, par rapport à la surface des
tessons. Nous avouons une prédilection pour ce compromis ; les parties conservées
se détachent des autres sans ambiguïté (elles sont en quelque sorte « au premier
PHOTOS 14 et 15. — Mise en teinte d'un rebouchage au plâtre (peinture acrylique).
(Céramique provenant de la ferme gauloise de Boisanne à Plouer sur Rance ; Fouilles dirigées
par Y. Menez, restauration Pascale Chantriaux).

plan »), tandis que le traitement des parties rebouchées gagne en liberté (ton moyen
de l'objet, ton légèrement plus clair, ton de la pâte et non de la surface du tesson,
etc.) (photo 16).
Si les manques sont très importants, ces rebouchages peuvent être exécutés en
plusieurs fois (on déplace le support de plasticine au fur et à mesure de la
progression du comblement). Les raccords, toujours visibles, devront être masquées
par une retouche de l'ensemble. Parfois l'utilisation d'un noyau d'argile, tourné à
la forme intérieure de l'objet, permet le rebouchage de céramiques très incomplètes
(fig. 6) et l'intégration dans le plâtre de tessons isolés dont l'emplacement est connu.
L'utilisation du plâtre implique quelques précautions : éviter la migration de l'eau
de gâchage dans les tessons poreux en les isolant (consolidation des tranches,
comme vu plus haut) ou en les imbibant d'eau ; protéger la surface de la céramique
des tâches de plâtre frais ou des particules projetées lors de son ponçage (ruban
adhésif posé sur les contours des manques ou latex posé au pinceau sur la surface
de l'objet) ; effectuer si possible ces rebouchages quand on a accès à leur deux
faces, intérieures et extérieures (donc parfois en cours de remontage, pour les

PHOTO 16. — G r a n d C o u v r e - f e u de la fin d u xive siècle, r e b o u c h é a u p l â t r e teinté en léger


retrait. (Ville de S a i n t - D e n i s , U n i t é d ' a r c h é o l o g i e ; r e s t a u r a t i o n sous la d i r e c t i o n de C a r o l i n e
Relier ; p h o t o g r a p h i e d ' O l i v i e r M e y e r ) .
FIG. 6. — R e b o u c h a g e des l a c u n e s d ' u n vase très i n c o m p l e t à l ' a i d e d ' u n n o y a u .

formes fermées) ; éviter le contact prolongé plasticine/tesson poreux (plus d'une


heure), éventuellement isoler la plasticine avec du talc ou une fine feuille de
plastique alimentaire. Enfin, toutes les céramiques ne supportent pas l'apport d'eau
lié à cette technique ou les tractions exercées sur leur surface lors de l'enlèvement
du latex ou du ruban adhésif.
Le plâtre n'adhère pas fortement aux tessons sur lesquels il s'appuie : c'est son
principal défaut. Nous connaissons tous ces rebouchages qui se « détachent » de
l'objet en fin de travail, devenant autant de nouveaux faux tessons... Ils peuvent
parfois être remis en place effectivement comme un tesson, en les collant. On peut
aussi renforcer le joint céramique/rebouchage en infiltrant un adhésif à titre
préventif, en quelque sorte, à moins d'opter pour un rebouchage délibérément
rendu détachable et mobile, comme cela a été proposé récemment (Koob, 1987).
D'autres matériaux sont aussi employables comme les mélanges à base de cires
et de résines (utilisés notamment en Italie à Florence et par certains restaurateurs
français), comportant une charge minérale et teintés par des pigments. L'application
se fait à chaud, sur un support résistant à la chaleur (feuille de plomb, cire dentaire).
Il n'y a pas d'apport d'eau, le rendu peut être très beau (aspect lisse, bien uniforme,
poli) et particulièrement adapté à certains types d'objets (comme les sigillées, par
exemple). L'exécution est assez rapide, les finitions peuvent être faites à la spatule
chauffante. Il est difficile d'empêcher toute migration du mélange fondu dans les
pâtes poreuses, et ceci est peut-être l'inconvénient majeur de cette technique, avec
les risques liés au bas point de fusion de certains des composants du mélange
(empoussiérage, par exemple).
La pâte AJK, dont le mode de préparation et d'utilisation a été décrite en détail
par Ione Gedye (Gedye, 1969, p. 122), est intéressante à plus d'un titre. Cette
émulsion d'eau dans une solution de résines vinyliques, chargée de kaolin et de
bourre de jute, peut être modelée, utilisée en colombinage, façonnée sur un moule
ou directement mise en forme sur une partie conservée. Après durcissement, elle
peut être ramollie à la chaleur, ou avec de l'acétone pour les finitions de surface.
Les rebouchages épais sont effectués en plusieurs couches successives, pour contrôler
le retrait et assurer le durcissement (par évaporation des solvants) de l'ensemble.
En France, son utilisation reste peu répandue, probablement à cause du caractère
assez compliqué de sa fabrication : ce qui est envisageable pour un grand atelier
de musée, où se traitent quotidiennement beaucoup d'objets, ne se transpose pas
facilement dans les petites unités de conservation-restauration qui caractérisent
notre pays.
Les mastics polyesters enfin (système à deux composants, avec une charge
minérale blanche incorporée) peuvent être employés sur les céramiques dures et
fines comme les porcelaines ou les faïences. On peut poser sur ces rebouchages très
durs, poncés au papier abrasif ou avec de petites meules montées sur flexible de
dentiste, des retouches et des vernis permettant éventuellement des restitutions de
décor très peu décelables (vernis et peintures polyuréthanes notamment).
Quelle que soit la technique employée, le traitement des lacunes peut répondre
à des intentions bien différentes. Du rebouchage blanc, qui tranche nettement avec
les parties originelles, à la réfection illusionniste des manques, tous les partis pris
sont possibles. On peut aussi mastiquer et mettre en teinte les joints entre fragments,
pour parvenir à présenter un objet qui semble complet et intact, même si par
ailleurs on lui conserve soigneusement une patine « respectable ». A ce degré de
discrétion, le rebouchage et les retouches mordent pratiquement toujours un peu
sur les parties authentiques. Ceci est admis pour les céramiques des collections
historiques, mais généralement contesté pour les objets archéologiques (Hodges,
1975). Généralement, mais pas toujours, pas partout...
A chaque restauration, surgissent les questions, à commencer par les toutes
premières : pourquoi reboucher les manques, quand ce n'est pas indispensable à
la tenue mécanique de l'ensemble ou au positionnement de tous les fragments ?
Les objets lacunaires sont-ils tous inesthétiques ou incompréhensibles ? Rien n'est
moins sûr. Il existe aussi des techniques très élégantes de soclage ou de supports
adaptés (en plexiglass, par exemple). Peut-on reboucher un objet dont les manques
sont très importants ? Devrait-il y avoir une limite « autorisant » le rebouchage,
50 % conservés par exemple, ou plus ou moins ? Peut-on refaire les anses, les becs
en s'inspirant de parallèles ? Quel degré de lisibilité doivent avoir les parties
restaurées? Visibles à moins de 15 cm, de 50, d'un mètre? Visibles sur une
photographie noir et blanc ?
A vrai dire, il n'y a guère de consensus en la matière, et cela a au moins le mérite
d'entretenir une réflexion permanente, et de permettre aux responsables des
collections céramiques d'opter pour des solutions nuancées, adaptées aux cir-
constances dans lesquelles les objets vont être présentés, stockés, « consultés »,
promenés. Bien sûr une certaine homogénéité dans les partis pris adoptés pour une
collection ou une série cohérente reste certainement souhaitable. Mais au delà, il
n'est pas sûr que les objets gagnent — et nous pas davantage — à une standardisation
trop poussée des restaurations...

M e s u r e s de conservation à long terme

Le chapitre X est consacré à ce thème, nous rappellerons brièvement quelques


points importants.
Les tessons devraient idéalement être stockés dans des boîtes, posés par couches
successives avec un matériau de rembourrage entre chaque couche (genre plastique
à bulle), pour éviter leur érosion par frottement les uns contre les autres dans des
sachets. C'est aussi dans de petits meubles à tiroirs plats capitonnés, glissant sans
heurt, que pourraient être réalisés les tessonniers souvent consultés.
La sécurité des pièces entières nécessite souvent des soclages ou calages adaptés
à chaque objet, qui peuvent être très faciles à fabriquer (polystyrène expansé) s'il
ne s'agit pas d'objets exposés. Dans les vitrines comme dans les réserves, les
céramiques craignent les vibrations qui peuvent leur être transmises par le mobilier.
Lors de leur emballage avant transport enfin (s'il n'est pas effectué par une
entreprise spécialisée), il faut penser au moins autant à leur protection contre les
chocs qu'aux risques liés à leur déballage : de quelles « prises » sur l'objet disposera
celui qui en sera chargé ; pourra-t-il en estimer facilement la forme, les points
faibles, etc.
Pour finir, les pièces restaurées ne se présentent plus comme de la céramique
seulement. Il faut alors conserver un ensemble : céramique + colle, céramique +
consolidant, céramique + fixatif, céramique + plâtre, etc. Des facteurs négligeables
pour le matériau céramique considéré isolément deviennent importants : l'humidité
qui altère le plâtre, la lumière qui altère les fixatifs, la chaleur qui modifie le
comportement des joints de colle, les microorganismes qui peuvent trouver sur
certaines résines synthétiques un substrat favorable...
Il serait dommage tout de même de conclure sur des lignes aussi apocalyptiques !
Les responsables de collections archéologiques savent bien que leurs plus grandes
difficultés ne sont pas occasionnées par les céramiques, même « restaurées », et
heureusement, car leur nombre considérable est souvent en soi une difficulté bien
suffisante dans l'organisation du stockage... Disons le malgré tout : la généralisation
de quelques habitudes simples pourraient bien retirer dans l'avenir un peu de
travail aux restaurateurs de céramiques archéologiques. Non ?
CHAPITRE IV

Le verre
M a r t i n e BAILLY

C h a c u n d ' e n t r e n o u s sait q u e le verre est u n m a t é r i a u fragile, qui se casse o u se


fendille facilement, sous l ' i m p a c t d ' u n c h o c m é c a n i q u e . N o u s s o m m e s , en r e v a n c h e ,
b e a u c o u p m o i n s sensibles à s o n instabilité c h i m i q u e , bien q u e diverses a n e c d o t e s
a t t e s t e n t cette d e r n i è r e : en 1666, Sir R o b e r t Boyle distillait de l'eau d a n s u n
récipient de verre « sans q u e celui-ci ne se lasse de d o n n e r de la terre b l a n c h e ».
U n siècle plus t a r d L a v o i s i e r et Scheele d é c o u v r a i e n t q u e la « terre b l a n c h e »
a p p a r u e , c o r r e s p o n d a i t à la p e r t e de p o i d s d u récipient de verre (Scholze, 1980).
Q u ' o n se le dise donc.... L e verre est un m a t é r i a u m é c a n i q u e m e n t et chimiquement
instable.
Le verre a r c h é o l o g i q u e l'est t o u t p a r t i c u l i è r e m e n t , c a r il se t r o u v e c o n s e r v é d a n s
u n e n v i r o n n e m e n t a g r e s s i f : le sol est u n milieu a c t i f où, a b r a s i o n s m é c a n i q u e s ,
infiltrations d ' e a u , présence de gaz s o n t fréquentes. Selon s o n processus de
f a b r i c a t i o n , sa c o m p o s i t i o n , s o n utilisation, la d u r é e et s o n milieu d ' e n f o u i s s e m e n t ,
le verre sera d'ailleurs plus o u m o i n s sensible à ces a t t a q u e s : o n p e u t d o n c dire
q u e l'histoire du verre, d e p u i s l ' i n s t a n t o ù il est f a b r i q u é , j u s q u ' a u m o m e n t o ù il
n o u s parvient, influence fortement son c o m p o r t e m e n t d a n s le temps.
L e s processus d ' a l t é r a t i o n s qui sont mis en jeu sont très complexes, et encore m al
élucidés. P o u r t e n t e r de les c o m p r e n d r e , n o u s a v o n s n o n s e u l e m e n t recueilli n o s
i n f o r m a t i o n s a u p r è s d ' é t u d e s spécifiques s u r le verre ancien ( B e t t e m b o u r g , 1976 ;
W i n t e r , 1982), m a i s aussi s u r le verre industriel ( G o d r o n , 1976 ; Rivista I n t e r n a z i o -
nale D e l V e t r o , 1984), o u e n c o r e s u r la t e c h n o l o g i e générale des m a t é r i a u x vitreux
(Scholze, 1980 ; Vogel, 1985). Le r e g r o u p e m e n t de ces d o n n é e s n o u s p a r a î t
f o n d a m e n t a l p o u r a s s u r e r u n e c o n s e r v a t i o n o p t i m a l e des verres, m ê m e si p o u r
l'instant, n o u s ne s o m m e s q u ' a u x b a l b u t i e m e n t s de cette entreprise.
S u r le c h a n t i e r a r c h é o l o g i q u e , le verre est s o u v e n t c o n s i d é r é c o m m e le « p a r e n t
p a u v r e » des artéfacts mobiliers, car o n le t r o u v e en faible q u a n t i t é et d a n s u n é t a t
très f r a g m e n t a i r e . Q u a n d il est étudié, ce m a t é r i a u se révèle p o u r t a n t archéologique-
m e n t fort intéressant. ( B a r r e r a , 1986 et 1987 ; F o y 1988 ; Le Tiec, 1983/84).
QU'EST CE QUE LE VERRE ?

Composition du verre

La fabrication du verre nécessite la fusion entre 1 400 et 1 500 °C, d'un mélange
complexe de substances vitrifiantes, d'oxydes alcalins, et d'oxydes alcalino-terreux.
Différents adjuvants sont éventuellement ajoutés à cet ensemble, si l'on souhaite
obtenir un verre particulier. Ce mélange se ramollit progressivement sous l'effet de
la chaleur, en formant une pâte visqueuse que l'on parvient à mettre en forme entre
650 et 1 000 °C.

Les substances vitrifiantes


La silice, de formule chimique Si02, est la matière vitrifiante la plus couramment
utilisée. Sa forme cristallographique la plus répandue est le quartz que l'on trouve
dans le sable.
Pour des verres de qualité inférieure, on utilise aussi du silex, des feldspaths, des
laves, de la calcédoine (galets de mer), etc. (Duval, 1974).
Il existe également d'autres matières vitrifiantes tels que l'anhydride borique
(B203) ou phosphorique (P20s). On peut noter au passage que les verres médiévaux
se révèlent souvent riches en phosphore car ils sont fabriqués avec de la cendre de
bois qui en contient (Geilmann, Bruckbauer, 1954).
Les substances vitrifiantes constituent l'élément principal d'un verre « classique »
(70 %).
Celles-ci procurent au verre son état vitreux, si caractéristique : ces produits ont,
en effet, la propriété, après fusion, d'être conservés sans difficulté en état de
surfusion ; c'est-à-dire à l'état amorphe, non cristallisé, et ce quelle que soit la
température, jusqu'à devenir solides dans cet état.
De plus, ils ont la possibilité de communiquer leur aptitude à la vitrification à
d'autres matériaux cristallins.
Ce sont des produits qui fournissent un verre acide, dur, de forte résistivité
électrique.
Leur point de fusion est élevé (celui de la silice atteint 1710°C), ce sont donc des
matériaux difficiles à travailler. Afin de limiter cet inconvénient, des oxydes alcalins
et alcalino-terreux sont ajoutés à la composition de base du verre.
Les oxydes alcalins
Ce sont tous les éléments de la première colonne du tableau de Mendeleiev. Ils
possèdent un seul électron sur leur couche périphérique, ce qui leur confère une
grande réactivité.
Ils sont présents dans le verre sous forme d'oxydes, de formule R,O ; les plus
couramment employés sont Li20, Na20, K20...
— le lithium (Li) est en général apporté par un carbonate de lithium (Li02 C03)
ou un mica : la lépidolite (6Si02, A1203, Li02) ;
— le sodium (Na) peut être introduit sous forme d'oxyde (Na20), de carbonate
(Na2C03), de sulfate (Na2S04), de nitrate (Na2N03) ;
— le potassium (K) provient de deux sels principaux : le salpêtre ou nitrate de
potassium (KN03), et le carbonate de potassium (K2C03).
Au cours de l'histoire verrière, on s'accorde à reconnaître le verre issu des
productions « antiques » (productions mésopotamiennes, égyptiennes, romaines,
byzantines et islamiques) comme un verre dit « sodique ». L'élément sodium serait
issu du « natron », minéral tiré du fond des lacs salés d'Asie mineure. Puis, à la
suite des grandes invasions, en raison des difficultés d'approvisionnement qu'elles
engendrèrent, ce dernier aurait été remplacé par le potassium, issu des cendres de
végétaux facilement accessibles, tels que le chêne, le hêtre, le pommier, la fougère,
etc. (Lahanier, 1971). Il semble cependant que la réalité soit plus complexe et que
les deux types de fondants aient été employés simultanément au cours du Moyen Age.

TABLEAU 1. Composition de deux verres médiévaux (fin x i f - x u f siècle, Site de Rougiers)


dans Foy, 1988, p. 408.

Verre sodo-calcique Verre potassico-calcique


Composition ^ ... Analyse VEM 41 Analyse VEM 8

Si02 54,1 56,3


Na20 13,6 5,2
K20 5,7 12,2
CaO 11,4 12,0
MgO 5,85 5,5
MnO 2,3 0,9
Fe203 1,00 0,8
Ah03 3,05 2,75
P20S 2,4 3,05
Ti02 0,08 0,11

On sait (Foy, 1988) en effet que les verriers occidentaux utilisèrent les cendres
de « calis », végétaux riches en soude, pour fabriquer leurs verres. Ces plantes à
feuilles épineuses saturées de sel poussaient non seulement dans les déserts orientaux,
mais aussi sur l'ensemble du littoral méditerranéen. Selon leur richesse en sodium
et leur lieu d'origine, on les désigne sous le nom de « varech », « salsona »,
« salicornia », « roquette »...
A partir de la Renaissance, il semble que le sodium redevienne le seul fondant
utilisé.
Les éléments alcalins sont appelés « fondants », car bien qu'infusibles, ils se
combinent à la silice pour abaisser sa température de fusion (1 050 °C).
Leur présence permet d'augmenter l'étendue du palier de travail de la masse
vitreuse lorsque celle-ci passe de l'état liquide à l'état solide et que le verrier tente
de la façonner aux environs de 700 °C.
Malheureusement, ils diminuent la résistance chimique du verre en favorisant sa
solubilité dans l'eau.

Les oxydes alcalino-terreux


Ce sont des éléments de la 2e colonne de la classification périodique des éléments.
Ils possèdent deux électrons sur leur couche périphérique.
Ils sont présents dans le verre, sous forme d'oxydes de formule RO. Oxyde de
calcium (CaO) ou de magnésium (MgO) sont les plus couramment utilisés .
Le calcium est tiré de la chaux vive ou éteinte (CaO, Ca(OH)2), fournie elle-même
par la calcination du carbonate de calcium (CaC03), ou par la dolomie (CaC03
MgC03) ou encore par les coquillages. Il peut également être fourni par calcination
de l'hydroxyapatite des os (Ca(OH)2, 3Ca3P04).
Le magnésium est généralement tiré d'un calcaire tel que la dolomie (CaC03
MgC03) ou de la carnallite (KC1 MgCl2 6H20).
Les éléments alcalino-terreux sont des stabilisants. Ils influencent certaines
propriétés physiques qui déterminent la fragilité du verre :
— ils augmentent sa résistance mécanique (résistance à la traction) du verre bien
que celle-ci reste très faible (4 à 10 kg/m2) ;
— ils augmentent sa dureté (100 à 270 sur l'échelle de Auerbach) ;
— ils rendent le verre moins plastique, donc plus difficile à travailler ;
— ils diminuent sa solubilité à l'eau ;
— ils procurent un effet brillant à la matière.
Ajoutés en excès, ils favorisent, en revanche, la dévitrification (notion expliquée
plus loin) du verre par formation de silicate de chaux qui cristallise sous forme de
wollastonite (SiO,CaO). La structure vitreuse se trouve alors totalement perturbée.

Les éléments intermédiaires

Ce sont des éléments amphotères, dont la formule chimique est du type R203.
Les plus connus sont l'alumine (A1203), l'oxyde de bore (B203), l'oxyde de fer
(Fe203).
Prenons l'exemple de l'alumine :
— elle est introduite sous forme de mica ou de feldspath très pur, ou sous forme
d'alumine hydratée, obtenue à partir de la bauxite (A1203, 2H20) ;
— c'est un matériau très réfractaire qui fond aux alentours de 2 050 °C ;
— elle a tendance à augmenter la coloration des verres contenant du sesquioxyde
de fer ;
— elle permet d'éviter la cristallisation de la masse vitreuse au cours de son
refroidissement ;
— en faible quantité, elle augmente la résistance du verre ; en proportion plus
grande, elle la diminue.
La fonction des éléments amphotères est assez imprécise et varie selon qu'ils se
trouvent en défaut ou en excès.

Les éléments accessoires

Ce sont des éléments qui interviennent comme colorant, décolorant ou correctif


du verre. Ils sont généralement introduits sous forme d'oxydes, de sulfures, de sels
métalliques, ou métaux en poudre. Leur proportion est trop faible (1/10000) pour
modifier sensiblement les propriétés d'un verre. Les effets qu'ils produisent sont
non seulement liés à la nature et à la quantité d'oxydes employés, mais aussi à la
composition tfu verre et à l'atmosphère du four.

LES COLORANTS (Lajarte, 1979)


La panoplie des colorants du verrier est riche et variée (Escalopier, 1943). Ils
agissent selon trois modes d'action principaux :
— il existe des verres à « coloration directe » ou « coloration de type ionique »,
pour lesquels les colorants introduits (fer ou cobalt, par exemple), le sont sous
forme d'ions positifs. Ceux-ci s'intègrent facilement dans la pâte de verre, s'y
dissolvent totalement. Ce phénomène crée une masse vitreuse, teintée, homogène,
parfaitement stable ;
— il existe aussi des verres à « coloration indirecte » ou « coloration par particules
dispersées » : la teinte apparaît par regroupement des atomes métalliques en
particules colloïdales dans la masse vitreuse. Pour être révélée, elle nécessite,
généralement, un traitement thermique (c'est le cas pour le cuivre, l'or, le chrome,
l'argent, le sélénium, le soufre en poudre...). Si la courbe de refroidissement n'est
pas rigoureusement surveillée et chute trop rapidement, le regroupement en
particules colloïdales n'est pas possible : le verre reste incolore ;
— les colorations superficielles sont des procédés de mise en teinte plus facilement
altérables que ceux précédemment décrits. Elles sont produites par :
— cémentation. Dans ce cas, le verre réagit à chaud (environ 600 °C ) avec un sel
métallique. Il se produit alors un échange ionique entre les deux matériaux, qui
permet une coloration de surface. C'est le phénomène observé avec l'utilisation du
«jaune d'argent » (apparition au xive siècle ap. J.C.) ou de la « sanguine » appelée
aussi « Jean Cousin » (apparition à la fin du xve siècle) ;
— dépôts de composés minéraux et de matières vitrifiables cuits aux environs de
600 °C. Dans ce cas, aucune réaction chimique ne se produit entre le verre et le
matériau appliqué, ce dernier se vitrifie simplement. S'il est constitué d'un mélange
vitrifiable additionné d'oxyde de fer ou de cuivre, on parlera de grisaille. Si la
palette d'oxydes colorants employée est plus diversifiée, on parlera d'émail
(apparition des émaux sur verre au xvie siècle) ;
— dépots de peinture ou dorure à froid.
LES DÉCOLORANTS
Lors de sa fabrication, surtout chez les verriers anciens, le verre contient toujours
un peu de fer, sous forme d'oxydes ferreux FeO (Fe2+) et d'oxydes ferriques Fe2C>3
(Fe- +), qui provoque une coloration verte ou bleue, selon l'atmosphère de cuisson.
Afin d'obtenir un verre incolore, diverses méthodes sont envisageables :
— selon un processus physique : on utilise des couleurs complémentaires pour
neutraliser le ton parasite ;
— selon un processus chimique : on introduit dans la composition des oxydants
tels que bioxyde de manganèse (Mn02) dit « savon du verrier », l'arsenic (As20J),
ou encore le nitrate de sodium (NaN03). Illustrons par un exemple la réaction
engendrée :

L a d é c o l o r a t i o n a u m a n g a n è s e s e m b l e c o n n u e d è s le 1er s i è c l e ( B a r r e l e t , 1 9 8 5 ) ,
mais e m p l o y é e de f a ç o n b e a u c o u p plus s y s t é m a t i q u e à p a r t i r d u xvne.

L E S OPACIFIANTS

L e s o p a c i f i a n t s s u p p r i m e n t la t r a n s p a r e n c e d u v e r r e , la l u m i è r e n e t r a v e r s e p l u s
la p a r o i v i t r e u s e .
L e s o p a c i f i a n t s les p l u s c o n n u s s o n t , e n g é n é r a l , d e s o x y d e s t e l s q u e :
— l ' a n t i m o i n e (Sb203), s u r t o u t utilisé d a n s l'Antiquité, associé a u p l o m b o u a u
calcium ;
— l'oxyde d'étain (Sn02), employé au M o y e n Age ;
— l'oxyde de zinc ( Z n O ) ;
— la c e n d r e d ' o s .

Les éléments parasitaires

Ils s o n t introduits accidentellement dans l'atmosphère du four, sous forme


d ' i m p u r e t é s , o u de c o r p s p a r t i e l l e m e n t volatils, ( H 2 0 , S02, C 0 2 , 02...).

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
Morphologie du verre

Etat vitreux et phénomène de dévitrification


Le verre est couramment considéré comme un liquide solidifié, sous refroidi
(Damour, 1951 ; Peyches, 1971). C'est un matériau transparent, homogène, isotrope,
de structure amorphe (non cristalline), où l'ordre moléculaire est pseudo-ordonné à
grande distance (Peyches, 1985).
Lorsqu'un corps tel que le métal, passe d'un état solide, cristallin et anisotrope,
à l'état liquide isotrope, il le fait à une température déterminée, que l'on nomme
« point de fusion ». Le verre lui, ne présente rien de semblable. Il n'a pas de point
de fusion, on parlera plutôt de « domaine de transformation ». De liquide à haute
température, il devient de plus en plus pâteux au fur et à mesure que sa température
décroît, sans pour cela changer de structure. A l'état solide, le verre conserve donc
certaines propriétés de l'état liquide.
Ce phénomène est rendu possible grâce à une caractéristique essentielle du verre :
sa viscosité.
Au cours du refroidissement de la masse vitreuse, la viscosité doit augmenter
suffisamment vite pour que les molécules perdent la mobilité nécessaire à leur
arrangement en réseau cristallin ; ainsi le verre se solidifie sans cristalliser.
Si la vitesse de refroidissement, en revanche, n'est pas suffisante, une phase
cristalline, opaque, hétérogène et anisotrope apparaît alors au milieu d'une phase
amorphe. On parlera de dévitrification. Celle-ci se caractérise par l'apparition de
cristaux agglomérés en masse plus ou moins compacte, au milieu d'un verre transparent.
On la détecte à l'œil nu, mais la diffraction X révèle plus précisément encore la
présence de tous germes de cristallisation.
Il ne faut pas confondre dévitrification et altération du verre : le terme de
dévitrification désigne un simple changement d'état physique de la matière vitreuse.
Elle correspond à un réarrangement des atomes. Ni la nature, ni la proportion des
matériaux formant le verre n'ont été modifiées.
A l'inverse, lors d'un phénomène d'altération, on assiste à des réactions chimiques
entre le verre et son environnement. Certains constituants d'origine sont, en effet,
éliminés.
On peut cependant se demander si un verre développe des germes de cristallisation
au cours de son histoire ?
Il semble que ce type de phénomène ne survienne qu'au cours de la fabrication
d'un verre, ou s'il est réchauffé à une température proche de celle de son domaine
de transformation (800 °C).
Certains auteurs (Kny, Nauer, 1978) pensent que des verres anciens se dévitrifient
dans des conditions très particulières : ils doivent présenter des défauts de structure
importants et bénéficier d'un apport d'énergie extérieure. De plus, le développement
des germes ne se produirait qu'au-delà d'une période minimale de 1 000 ans.

La structure du verre
La structure correspond à un agencement relatif des atomes ou ions, sur des
distances de quelques angstrôms. Elle est déterminée par le volume et la taille des
éléments. Celle du verre est particulièrement complexe et encore discutée (Peyches,
1971). Nous n'en donnerons ici qu'une approche simplifiée.
ÉLÉMENTS FORMATEURS
Le motif structural de base pour un verre d'oxyde « classique » est la silice, de
formule Si02. Il constitue le squelette de la masse vitreuse.
La configuration géométrique de la molécule est liée au rapport des rayons
ioniques du cation et de l'anion. Elle a, dans le cas présent, une configuration
tétraédrique, donc tridimensionnelle. L'atome de silicium se loge dans la cavité
laissée au centre du tétraèdre formé par les quatre atomes d'oxygène. Les liaisons
Si - 0 établies sont fortes (106 kcal/g) (fig. 1).

FIG. 1. — Motif élémentaire de la silice (Peyches, 1985, p. 981).,

Il n'y a pas dans le motif élémentaire de la silice de liaison pure. On parlera


plutôt de liaison de type « iono-covalent » avec résonance entre plusieurs formes
En tenant compte de la valence des éléments, la construction tétraédrique de la
silice n'est possible que si chaque atome d'oxygène appartient à la fois à deux
atomes de silicium. De sorte qu'il faudrait écrire exactement Si04/2, ce qui revient
à la formule Si02. La disposition périodique du réseau d'un verre de silice est
proche de celle du quartz. Cependant en raison de sa structure désordonnée à
courte et grande distance, une certaine déformation des angles de liaison des différents
éléments est admise (ils sont en moyenne de 145°). Ce phénomène engendre une
irrégularité d'enchaînement, spécifique de la structure vitreuse (par opposition à la
structure cristalline) (fig. 2).
Il faut cependant que quatre conditions soient remplies, pour obtenir un verre d'oxyde :
— la coordinence du cation doit être petite ;
— un ion oxygène ne doit pas être lié à plus de deux cations ;
— les polyèdres formés par les oxygènes, doivent avoir en commun uniquement leurs sommets
et non leurs arêtes ;
— trois sommets au moins de chaque polyèdre doivent appartenir en même temps à d'autres
polyèdres.
Au passage, on constate que ces conditions sont non seulement remplies par la silice Si02
mais le sont aussi par des oxydes de type R203, R2O5 et R20.
LES ÉLÉMENTS MODIFICATEURS
Lors de la fabrication d'un verre, pour des motifs divers, des éléments alcalins,
alcalino-terreux, etc., sont introduits dans la composition. Ces produits sont appelés
modificateurs car ils modifient le squelette siliceux.
FIG. 2. — (Scholze, 1980, p. 6).

Influence des éléments alcalins sur le réseau siliceux :


Formule 1 = Si - 0 - Si = + Ra20 -» = Si - 0 - Ra + = Si - 0 - Ra
Ra : élément alcalin.
Chaque fois qu'un oxyde alcalin est introduit, une liaison Si -- 0 est coupée et
un oxygène dit « non pontant » apparaît. Le squelette siliceux s'en trouve affaibli
car :
— il y a rupture de chaîne, donc discontinuité du réseau ;
— les nouvelles liaisons établies Ra —0 sont de type électrostatique, d'énergie plus
faible que les précédentes (Na2-0 : 60 kcal/atome g, Si —0 : 106 kcal/atome g).
L'introduction d'alcalins diminue la résistance chimique de verre en favorisant
sa solubilité dans l'eau.
On y remédie en ajoutant des éléments alcalino-terreux qui établissent de
nouvelles liaisons de caractère ioniques.
Influence des éléments alcalino-terreux sur le réseau siliceux :
Formule 2 = Si - 0 - Si = + RatO -> = Si - 0 - Rat - 0 - Si =
Rat : élément alcalino-terreux.
Là encore, l'introduction d'oxydes alcalino-terreux entraîne une rupture du
réseau, cependant la liaison ionique Rat - 0 est plus forte que la liaison Ra —O.
En effet, en raison de la bivalence de l'ion (Rat )2+, les deux oxygènes « non
pontants » se retrouvent tout de même liés. La rupture de chaîne n'est donc pas
totale.
Les éléments amphotères peuvent se comporter alternativement comme des éléments
formateurs ou modificateurs du squelette siliceux.
R e p r e n o n s l ' e x e m p l e d e l ' a l u m i n e A1203 :
Dans un verre alcalin, certaines liaisons Si — 0 sont coupées, l'ion Al3+ se
c o m b i n e a v e c les o x y g è n e s « non pontants » pour former des groupements AI04.
AI04 et Si04 ont même coordination : un ion Al3+ peut remplacer un ion Si4+. Ces
deux cations ont cependant des valences différentes, ce sont les ions alcalins qui
en assurent l'équilibre.
Lorsque AI2Û3 se substitue à Si02, les coupures du réseau provoquées par
l'introduction d'alcalins, sont refermées (fig. 3). Le squelette se trouve donc
renforcé : AL03 se comporte comme un élément formateur.
En revanche, si le rapport molaire élément alcalin/alumine est inférieur à 1, le
nombre d'ions alcalins est insuffisant pour assurer l'équilibre valentiel des ions
AI" + . Ces derniers, excédentaires, prennent la coordinence 6 et interviennent alors
comme modificateurs du réseau.

FIG. 3. — Remplacement de Si02 par AIlO3 dans un verre de silicate de sodium (Scholze,
1980, p. 115).

M a t é r i a u x vitreux particuliers

Avant d'expliciter plus en détail la structure d'un verre « classique » nous


évoquerons, brièvement, quelques produits vitreux plus particuliers, archéologues
et restaurateurs pouvant être conduits à les rencontrer.
Les verres naturels furent les tous premiers éléments vitreux utilisés par l'homme
pour la fabrication d'outils. On ne les trouve qu'exceptionnellement dans le paysage.
Ils se forment lors du refroidissement rapide des roches, par exemple lorsque les
magmas silicatés affleurent à la surface de l'écorce terrestre ou encore, lorsque la
foudre s'abat sur des sols désertiques (Carron, Poupeau, 1985). Les produits vitreux
naturels les plus couramment travaillés par l'homme sont :
— l'opale, résultat de la solidification d'une solution colloïdale de silice ;
— l'obsidienne, verre acide, pratiquement anhydre, de composition proche des
magmas granitiques. C'est un tectosilicate, composé de feldspath et de quartz. Sa
coloration noire est très typique. Son indice de réfraction varie entre 1,4 et 1,5. Sa
dureté se situe entre 5 et 6 sur l'échelle de Mohs, sa masse volumique est de 2,3/2,4 ;
— le cristal de roche, quartz qui se présente sous sa forme primitive, soit un prisme
hexagonal terminé par deux pyramides à six pans. Il est généralement incolore, ou
légèrement ocre.
La pâte de verre (Daum, 1983) est un produit de même nature que le verre ; seul
son processus de fabrication et son aspect final permettent de la distinguer.
Le terme « pâte de verre » désigne des objets réalisés avec la technique dite « sur
noyau » (apparition à la fin du xvie siècle avant J.C.).
La composition vitreuse, directement fondue, est mise en forme, à l'état pâteux, sur un
noyau d'argile, lui même maintenu à un mandrin métallique. Ensuite, l'ensemble est décoré
avec des fils de verre de couleurs diverses, que le verrier roule sur une surface polie, de façon
à les faire pénétrer dans la première couche vitreuse et obtenir ainsi une surface unie, dense,
sans aspérité. Le procédé « sur noyau » permet d'obtenir de petits objets creux, de forme
fermée, opaques, qui se distinguent aisément des verres soufflés à la canne (apparition à la
fin du Ier siècle avant J.C.).
Il décrit aussi des objets réalisés à l'aide d'un mélange vitrifiable, réduit en
poudre à froid, que l'on dépose ensuite dans un moule (Daum, 1983).
Afin de faciliter l'emploi de cette composition, on l'agglomère avec un liant tel que la
pectine de fruit, la gomme adragante, ou encore l'eau. L'ajout d'un liant ne constitue pas
une manipulation systématique mais reste cependant une opération spécifique à la fabrication
de ce type de matériau. Malheureusement, il est difficile pour l'archéologue d'en attester
l'existence car toutes traces de composés organiques disparaissent lors du passage au four,
du moule et de son contenu. Les objets fabriqués sont généralement colorés bien qu'ils
puissent aussi être incolores. Le contact avec le moule leur procure un aspect mat.
La pâte de verre est chauffée jusqu'à 1 000 °C environ, température suffisante
pour que la masse vitreuse retrouve une certaine viscosité et s'étale bien dans le
moule ou sur le noyau argileux. Il se produit alors un phénomène de dégazage qui
élimine l'air incorporé dans le mélange vitrifié. La masse vitreuse se ressoude
cependant, en emprisonnant de très nombreuses bulles. Ce phénomène se voit
d'ailleurs accentué lorsque la composition de base du verre ne comporte pas
d'affinants tel que l'arsenic, par exemple. La présence de ces microbulles rend la
pâte de verre translucide.
Les problèmes d'altération spécifique d'une pâte de verre n'ont pas été, à notre
connaissance, encore étudiés. Il semble cependant que son microbullage augmente la
porosité du matériau et, du même coup, sa vulnérabilité à la corrosion.
Les matériaux vitrifiés tels que les enduits vitreux ou les émaux sont des produits
de nature semblable à celle d'un verre, car ils comportent de la silice et possèdent
une structure amorphe. Ils s'en distinguent cependant par quelques détails de
composition et leur mode d'utilisation. D'une part, Ils sont toujours appliqués sur
un support, qu'il soit en verre, en céramique, ou en métal. D'autre part, leur
coefficient de dilatation thermique doit être aussi proche que possible de celui du
matériau qu'ils recouvrent afin de ne pas s'en désolidariser.
Entre archéologues et céramistes, le vocabulaire technique employé ne désigne
pas toujours les mêmes produits ; nous nous contenterons de définir, ici, les termes
les plus fréquemment usités, dans leur acceptation la plus commune.
Le terme « enduit vitreux », désigne toute pellicule vitrifiée appliquée sur un
tesson céramique. Dans le langage courant, les mots « glaçure » ou « vernis » s'y
substituent, le plus souvent. On les classe en quatre groupes principaux (Verhaegue,
1968) :
— les glaçures plombifères qui contiennent de l'oxyde de plomb.
— les glaçures stannifères à base d'étain ;
— les glaçures alcalines qui comportent des oxydes de sodium, potassium ;
etc.
— les glaçures argileuses qui sont préparées avec de l'argile. Lorsque cette dernière
est (partiellement ou) non vitrifiée, on emploie le mot « engobe » (Shepard, 1985).

Le terme « couverte » est utilisé lorsque le tesson céramique et la pellicule vitreuse


qui le recouvre sont cuits en même temps et à la même température.
Le terme « émail» (Conway,1975) désigne toute pellicule vitreuse fondue par
chaleur, sur une plaque de métal ou de verre (ce dernier procédé apparaît au xvie
siècle après J.C.).
A la sortie de fouille, la reconnaissance des émaux sur métal, par exemple, n'est
pas toujours aisée, car la pellicule vitreuse s'est parfois désolidarisée de son support,
ou a été fortement altérée. Leur traitement est encore assez peu étudié (Werner,
1966 ; UKIC, 1987) et reste délicat en raison de l'hétérogénéité des deux matériaux
présents.
FACTEURS INFLUENÇANT LA DURABILITE
D'UN VERRE

La résistance physique et chimique d'un verre est déterminée par :


— la nature du verre lui-même, c'est-à-dire par des facteurs internes ;
— l'environnement dans lequel le verre a été conservé. Nous parlerons alors de
facteurs externes.

F a c t e u r s internes

Qualité et nature des éléments présents


Nous avons vu, précédemment, que la présence d'éléments modificateurs affaiblis-
sait le squelette siliceux. Cependant, selon la nature des oxydes introduits, le réseau
vitreux sera plus ou moins perturbé.
En raison de leur valence, les éléments alcalino-terreux, modifient moins la trame
siliceuse, que ne le font les oxydes alcalins. La simple écriture des réactions
chimiques (formules 1 et 2) en rend, d'ailleurs, parfaitement compte.
Pour les oxydes alcalins, la résistance des verres décroît dans le sens Li, Na, K.
En effet, l'atome de potassium, élément le plus électronégatif, sera très facilement
« lixivié », c'est-à-dire lessivé, car il est moins solidement lié à la structure du verre.
De plus, le volume relativement important de cet atome laissera des vides
conséquents.
Un verre potassique se montre donc moins résistant qu'un verre sodique.

Des proportions à respecter


Pour qu'un verre d'oxyde présente une bonne durabilité, le rapport quantitatif
des différents éléments qui le composent, doit suivre certaines règles.
LE RAPPORT ÉLÉMENTS FORMATEURS/ÉLÉMENTS MODIFICATEURS
L'introduction d'éléments modificateurs dans un verre de silice ne peut dépasser
les proportions suivantes : il faut que trois sommets au moins de chaque polyèdre
soient liés à d'autres polyèdres. Stevels (Stevels, 1948, 1961) le quantifie à l'aide
d'un paramètre de structure Y, correspondant au nombre moyen d'« oxygènes
pontants » par tétraèdre.
Y = 2(Z - R) (avec Z = nombre total d'oxygènes par tétraèdre et R = nombre
total d'ions oxygène/nombre total d'ions formateurs.)
On peut établir un lien direct entre Y et la corrosion d'un verre (Bettembourg,
1976) :
Y > 3 : corrosion non appréciable.
2,7 < Y < 3 : corrosion localisée en piqûres plus ou moins profondes selon la
composition du verre.
Y < 2,3 : Corrosion généralisée et profonde.
Par ailleurs, le rapport entre la silice et les éléments alcalino-terreux ne doit pas
être trop faible car le verre devient poreux, donc instable. Cependant, s'ils se
trouvent en excès, des oxydes tels que la chaux (CaO) accentuent la tendance à la
dévitrification du verre.
RAPPORT OXYDES ALCALINS/OXYDES ALCALINO-TERREUX
Si l'on remplace dans un verre de type sodique (Na02, Si02), une partie de la
silice par de la chaux (CaO), la structure du verre se voit consolidée : la lixiviation
des ions Na+ est diminuée, celle des ions Ca2+ est plus faible.
Cette stabilisation des éléments n'est plus respectée, si le pourcentage d'oxydes
alcalino-terreux est inférieur à 5 et le pourcentage d'alcalins supérieur à 25.
RAPPORT OXYDES ALCALINS/ÉLÉMENTS AMPHOTÈRES
Si le rapport Al203/Na20 est supérieur à 1, les ions A13+ se comportent comme
des modificateurs du réseau et la résistance du verre diminue.
Si ce même rapport est inférieur ou égal à 1, les ions A13+ se comportent comme
des formateurs du réseau et augmentent ainsi la durabilité.
En résumé, on retiendra que la composition idéale d'un verre d'oxydes repose sur
une base ternaire, comprenant :
— 73 % de silice ;
— 22 % d'alcalins ;
— 5 % d'alcalino-terreux.
Les compositions du verre ont beaucoup varié au cours de l'histoire selon les
lieux de production et les époques (Abdurakov, 1971 ; Lahanier, 1970).

TABLEAU 2. Quelques compositions de verres « types » (en %),


d'après les travaux de R.H Brill. (Dutter-Georges, 1983, p. 12).

Ces variations sont liées à la volonté du verrier, soucieux d'obtenir un verre


particulier (cristal), coloré ou non.
Elles dépendent aussi des sources d'approvisionnement disponibles, dans un
environnement immédiat (végétaux forestiers, calis,...), ou par le biais d'importa-
tions (natron).
De plus, la composition initiale d'un verre est parfois modifiée, de façon notable,
par l'apport de matériaux hétérogènes, appelés « fritte » ou « groisil ». Ces termes
techniques désignent les rognures de verres anciens, concassées puis refondues,
servant à la fabrication d'une nouvelle masse vitreuse.
Rappelons aussi que les résultats fournis par l'analyse doivent être interprétés
avec prudence car ils ne traduisent la composition d'un verre qu'à un instant précis.
Or, cette dernière peut être fort différente de son état d'origine si le verre est très
altéré : la partie corrodée s'est appauvrie en éléments alcalins et alcalino-terreux
alors qu'elle s'est proportionnellement enrichie en fer, titane, phosphore, aluminium
et manganèse.
Etat de surface d'un verre lors de son élaboration
L'évolution de l'altération dépendra non seulement de la composition du verre et
de son environnement, mais aussi du type et de la durée des traitements qu'il subit
pendant son élaboration (Godron, 1976). Ces phénomènes sont clairement attestés
pour le verre industriel, il est permis de supposer qu'ils concernent aussi le verre
archéologique, même si l'on ne connait qu'approximativement les détails de ses
processus de fabrication.
LE PASSÉ THERMIQUE
Le recuit
Au cours du façonnage d'un objet, des zones de contraintes sont créees car la
surface externe du verre tend à se solidifier et se contracter, tandis que sa masse
interne est encore plastique.
Pour remédier à cet état de fait, et obtenir un verre libre de tensions, les verriers
pratiquent le « recuit » : après façonnage, le verre est réchauffé jusqu'à une
température (600 °C environ) où les éléments de sa structure deviennent mobiles
et peuvent se réorganiser en éliminant l'état de contrainte. Le verre est ensuite très
progressivement amené à température ambiante.
Plus cette opération est longue et progressive, plus la résistance mécanique du
verre est améliorée. A l'inverse, si elle n'est pas parfaitement réalisée le verre est
susceptible de se briser, de libérer ses tensions internes au moindre choc. Un verre
peu ou mal recuit sera décelé sous lumière polarisée.
La trempe
Un verre dit « trempé » a subi, au cours de son façonnage, un refroidissement
très brutal qui lui confère une meilleure résistance à la rupture et une importante
dureté superficielle.
LE POLISSAGE
Le passage au feu
Au cours de sa fabrication, le verre peut être passé plusieurs fois à la flamme.
Ce procédé permet d'obtenir une surface polie, particulièrement résistante, exempte
de fissures.
Lorsqu'un verre est fabriqué, il existe à sa surface un grand nombre de fissures, dites
« failles de Griffith », décelables par microscopie électronique. Ces fissurations constituent
des points de contraintes qui peuvent servir d'amorce à des attaques mécaniques ou chimiques.
Le passage à l'acide
Pour les verres sodocalciques courants ou encore, les verres aux borosilicates
(pyrex), un passage à l'acide provoque la formation d'un mince couche de silice
très résistante homogène et compacte qui procure au verre un superbe poli (Godron,
1976 ; Winter, 1982).
LA VAPORISATION
La présence de vapeur d'eau, dans le four du verrier, favorise l'évaporation
d'oxyde de sodium à la surface du verre ; ce phénomène améliore la durabilité.
LA POROSITÉ
Le verre est un matériau de très faible porosité :
— cette dernière sera cependant plus importante si le verre est bullé ;
— elle sera aussi accrue sur des verres fortement alcalins. La lixiviation des
éléments modificateurs laisse une couche de silice hydratée, perméable, dont les
pores sont de l'ordre de 0,3 à 0,4 nm (1 nm = 10-9 m).
LE TRAVAIL A FROID
Toutes traces de polissage, de grattage réalisés à froid sur le verre, par erreur,
ou dans un but décoratif (gravure, taille), sont autant de foyers propices au
développement d'une attaque ultérieure.

F a c t e u r s externes : influence du milieu sur la conservation des verres

L'altération du verre archéologique est non seulement liée à ses propriétés


intrinsèques mais aussi aux environnements qu'il cotoie pendant « sa vie historique »
(atmosphère), « sa vie souterraine » (nature du sol d'enfouissement), « sa vie de
post-fouille » (atmosphère).

Rôle de l'eau.

L'eau est un véhicule fondamental de l'altération d'un verre. C'est pourquoi de


nombreux milieux d'enfouissement, humides en permanence, ou périodiquement, sont
défavorables à sa conservation.

PARAMÈTRES D ACTION DE L EAU


Les mécanismes d'attaque de l'eau sont complexes et leur efficacité dépend à la
fois :
— de la température ;
— de la composition du verre ;
— du pH ;
— du temps de contact avec l'objet ;
— de la nature (aide mémoire N° 3), des quantités et des modes d'apport de l'eau
(stagnante, ruisselante, ...).

MÉCANISMES DE LA CORROSION
1er stade de corrosion : l'adsorption.
Tout verre adsorbe plus ou moins d'eau à sa surface. Celle-ci forme une
mince pellicule, solidement accrochée par « ponts hydrogène » sur les hydroxyles
superficiels (fig. 4).
La pénétration de l'eau dans le réseau vitreux ne peut s'effectuer que par
l'intermédiaire du phénomène d'adsorption précédemment cité. A partir de là,
diverses attaques sont possibles.

Attaque acide
Le processus d'attaque de l'eau s'apparente à celui d'un acide.
— par rapport au squelette silicieux :

Cette réaction est réversible si un phénomène d'évaporation d'eau se produit ;


— par rapport aux éléments modificateurs :
FIG. 4. — Différents types d'insertion de groupement OH dans un verre sodique (Scholze,
1980, p. 121).

L'eau lessive en priorité les cations K+, Na+, puis Ca2+ qui sont remplacés dans
la masse vitreuse par les cations H+, afin que la neutralité électrique du verre soit
respectée.
Les éléments modificateurs lixiviés formeront avec l'eau, ou avec les éléments
environnants, différents sels, tels que les hydroxydes, les carbonates, les sulfates,...
Si la composition du verre est telle que le pourcentage d'oxydes alcalins solubles
est très élevé, le verre altéré ne sera plus qu'une couche de silice hydratée qui se
désagrègera totalement : c'est le cas de certains verres riches en plomb (Winter,
1982).
Dans les cas les plus courants, on obtient le résultat suivant (fig. 5) :
— si les éléments alcalins lixiviés sont enlevés par un renouvellement constant
d'eau, la formation d'une couche de silice hydratée et de verre riche en silice à la
surface du verre sain, peut être considérée comme « retardatrice » d'une plus ample
corrosion, car elle sépare le verre originel du contact direct avec l'humidité.

FIG. 5. — Schéma du processus attaque acide de l'eau.

Ce n'est cependant pas une couche « protectrice » car la nouvelle surface formée
est poreuse : les ions H + sont d'une taille inférieure à celle des éléments alcalins
lessivés. Elle ne stoppe donc pas la poursuite de l'échange ionique avec le verre
inaltéré sous-jacent ;
— en revanche, si les sels alcalins ne sont pas totalement retirés, des ions OH-
peuvent subsister à l'état libre dans le gel de silice hydratée ; la corrosion évoluera
alors vers une attaque de type basique.
Ce processus sera encore amplifié si l'eau n'est pas, elle aussi, constamment
renouvelée : lorsqu'elle aura échangé ses protons H+ avec les éléments alcalins, elle
deviendra elle même basique et entretiendra l'attaque alcaline.
Attaque alcaline
L'attaque alcaline de l'eau est très différente de l'attaque acide, car elle ne porte
pas sur les éléments modificateurs du verre mais sur les liaisons fondamentales du
squelette siliceux
= Si - 0 - Si = + OH- -> = Si - 0 - + HO - Si =
Les liaisons Si-O-Si sont coupées. A terme, des anions silicatés solubles
(Na2Si03(Si02)n) se forment, on assiste à la dislocation totale du verre.
Ce type d'attaque progresse toujours en profondeur, par à-coups, et à des vitesses
variables. On la considère, de façon simplifiée, comme une fonction linéaire du
temps (l'attaque de type acide, plus lente, est, elle proportionnelle à la racine carrée
du temps) (Godron, 1976).
L'attaque s' accélére, encore, sur des verres fortement alcalins car ces derniers
présentent, déjà, dans leur structure de nombreuses ruptures du réseau siliceux. De
plus, la proportion des ions qui est lixiviée est très importante et augmente ainsi,
de façon notable, le pH à la surface de l'artéfact : le processus d'altération basique
est donc entretenu.
L'augmentation de pH est encore accrue, lors de l'alternance de cycles humidité/-
sécheresse. En effet, en phase sèche, l'eau s'évapore, la solution alcaline devient
très concentrée.
Nous schématiserons l'ensemble du processus d'altération par l'eau de la façon
suivante :
Verre + Eau-► Extraction d'alcalins Alcalins + Eau et gaz -^Formation de sels.

Verre + Substances alcalines - Attaque du squelette siliceux


ASPECTS DE LA CORROSION (Brill, 1975 ; Dutter - Georges, 1983)
Une corrosion par l'eau va selon les cas, d'une altération non apparente à la
destruction totale du verre. Entre ces deux extrêmes, il existe bien sûr, toute une
gradation. Nous proposons ici d'en étudier les manifestations les plus fréquentes.
Globalement, nous retiendrons que la corrosion par l'eau implique une perte de
transparence.
Verre nuagé (photos 1 et 2)
A son premier stade, l'attaque par l'eau consiste en une altération non apparente,
où le verre imbibé d'eau conserve une surface brillante.
Par la suite le verre semble légèrement terni, dépoli avec des zones alternativement
mates ou brillantes, opaques ou blanches.
Verre irisé
Le verre est un milieu isotrope, ses propriétés optiques sont donc invariantes
dans toutes les directions. Or, si à la suite d'une attaque chimique, la structure de
surface d'un verre est modifiée, la propagation de la lumière le sera aussi. Des
teintes parasites, appelées « irisations », apparaîtront alors. Par réflexion, elles
prendront une couleur bleue, violette ; par transmission une teinte orangée. Ce
PHOTO 1. — Verre avant remontage.

PHOTO 2. — Verre après collage.


Légende commune aux photos 1 et 2 : Ce
verre, au puzzle conséquent, montre parfaite-
ment les différents aspects que peut revêtir la
corrosion sur un même objet : l'ensemble des
tessons de la coupe (sauf un) est blanc translu-
cide, tandis que le pied et la tige sont incolores.
(Ville de St Denis, unité d'archéologie, verre
de la fin du XVIIe siècle, N° 34, 17-146-18)

sont les symptômes d'une dégradation relativement faible du verre. Elles progressent
par strates, parallèles à la surface de l'objet, d'une épaisseur comparable à la
longueur d'onde de la lumière .
Croûtes d'altération (photos 3 et 4)
De nombreux verres archéologiques sont recouverts d'une croûte d'altération,
d'épaisseur variable. Cette pellicule est constituée de fines lamelles de silice amorphe,
transparente, ne contenant aucun ion colorant. Les teintes qui apparaîssent alors
sont dues à des phénomènes d'irisation où à des dépôts divers (oxydes métalliques,
poussières...).
La formation de ces strates semble étroitement liée à l'alternance des cycles
annuels humides et secs (Brill, 1961 ; Landford, 1977 ; Newton, 1971 ; Newton,
Shaw 1988 ; Winter, 1982).
Pendant la période d'humidité, l'eau pénètre la surface du verre, lixivie les
éléments alcalins et laisse une couche de silice amorphe partiellement dépolymérisée.
En période sèche, l'eau s'évapore, la silice tend alors à se rétracter en une couche
physiquement différente.
La succession de ces diverses couches peut être un élément de datation intéressant
pour l'archéologue : leur nombre est étroitement lié à la durée d'enfouissement de
l'artéfact. Il faut cependant ne pas trop espérer de cette méthode d'investigation :
d'une part, les couches formées sont si fines et délicates qu'elles peuvent être
aisément perdues, avant même que le verre ne soit exhumé ; d'autre part, leur
formation est, certes, liée à des variations climatiques cycliques mais correspond,
aussi, à un processus de dégradation physico-chimique constant.
La croûte formée peut prendre des allures très variées, progresser de façon
préférentielle des tranches vers le centre du tesson, suivre le décor, se présenter
sous forme de strates ou lamelles (photo 3), avancer par piqûres ou cratères
(photo 4). Nous ne donnons pas ici un inventaire exhaustif de toutes les allures de
corrosion, nous n'en fournissons pas non plus l'explication. Il semble, cependant,
que la manifestation de ces phénomènes soit liée à la composition du verre (comme
le paramètre Y précédemment évoqué) et la nature du sol d'enfouissement. Certains
auteurs (Weier, 1973) pensent que, dans un environnement acide, on rencontrera
plus facilement une corrosion par écailles car il y a formation d'une couche de
silice hydratée poreuse. En revanche, en milieu basique, l'altération sera beaucoup
plus uniforme car le squelette siliceux se voit directement attaqué.
Transpiration
Ce phénomène se produit sur des objets de composition très déséquilibrée,
comportant un pourcentage d'alcalins très élevé (plus de 20 %) et un pourcentage
d'alcalino-terreux très faible (moins de 5 %). On le rencontre fréquemment, non
exclusivement, sur des verres du XVIIe siècle, tandis que les verriers cherchaient la
composition du cristal.
Cette altération se traduit par une surface de verre, moite et embuée, où de fines
gouttelettes de liquide se forment.
La solution apparue est fortement basique. Elle résulte de la combinaison des
ions alcalins lixiviés, et du film d'eau d'adsorption accroché à la surface de l'artéfact.
« Crizzling naissant» et « Crizzling » (Bimson, Werner, 1964; Brill, 1975)
(photo 5).
Le crizzling se rencontre sur des verres de même composition que les verres
« transpirants ». Il est engendré par deux phénomènes simultanés :
— lors de l'attaque ionique du réseau vitreux, les cations K + sont remplacés par
les protons H + , de plus petite taille, qui provoquent des phénomènes de rétraction ;
— une attaque alcaline en profondeur qui crée un réseau de micro-fissures au sein
du squelette siliceux.
Si le verre se trouve dans un état hydraté, en équilibre avec son environnement,
les micro-fractures ne sont pas immédiatement décelables. On les repère, en
revanche sous microscope, ou sous éclairage en lumière rasante. A ce stade de
l'altération, on parle de « crizzling naissant » (ou en anglais « incipient crizzling »).
C'est un état très dangereux car invisible et métastable.
Si l'équilibre du verre avec son milieu est rompu lors d'une chute d'humidité
relative, le verre auparavant hydraté se déshydrate. Le réseau de microfissurations
Photo 3 Photo 4

PHOTO 5. — Verre « crizzlé ».


(Musée de la renaissance,
Château d'Ecouen, E.Cl 2108)

PHOTOS 3 et 4. — Quelques exemples de cor-


rosion après enfouissement.
3 : Altération lamellaire. 4 : Altération par
piqûres.
(Ville de St Denis, unité d'archéologie).

se propage alors et l'apparition de fines craquelures opacifie totalement le verre.


A terme, l'extension des fissures aboutit à la destruction totale de l'objet.
Les phénomènes de transpiration et « crizzling » ont souvent été décrits pour
des verres de collections historiques mais ils peuvent aussi affecter des verres
archéologiques.
Phénomènes de solarisation (Bruckbauer, Geilmann, 1954 ; Lajarte, 1969)
Sur des verres « crizzlés », présentant donc un réseau vitreux ouvert, les radiations
lumineuses ont un effet photochimique tel que les verres, originellement décolorés
avec du bioxyde de manganèse, prennent une teinte pouvant aller du rose pâle à
un fort rose violacé (cf. p. 124).
Ceux décolorés à l'arsenic prennent une couleur jaune qui est d'autant plus
intense lorsque l'arsenic a été associé à de l'oxyde de cérium.
Quant aux verres contenant du sélénium, altérés, ils se colorent en jaune ambré.

Rôle des gaz


Les solutions qui existent dans le sol contiennent des gaz en solution qui
influencent la corrosion des verres : leur rôle est bien décrit dans les processus
d'altération des vitraux.
Les gaz tels que l'anhydride sulfureux (S02) et le dioxyde de carbone (C02),
seuls, n'ont pas d'action spécifique sur le verre ; mais, en présence d'eau et au
contact de l'oxygène, ils deviennent des agents corrosifs non négligeables S02 +
H20 -» H2S04.
Ces gaz provoquent une attaque acide du verre.
Ils réagiront avec les éléments alcalins lixiviés pour donner des sels (sulfates ou
carbonates) plus ou moins solubles.
Par exemple : H2S04 + 2KOH -> K2S04 + 2H20

PRODUITS D'ALTÉRATION
L'acide carbonique produit des carbonates :
— de potassium : K2C03 ;
— de sodium : Na2CO3 ;
— de calcium : CaC03 (calcite) ;
— doubles hydratés de sodium et de calcium : Na2Ca(C03)2H20 (Pierre du temps).
L'acide sulfurique produit des sulfates :
— de potassium : K2S04 de solubilité importante 120 g/1 ;
— de sodium : Na2S04 ;
— de magnésium : MgS04 ;
— doubles de calcium hydraté : CaS04(H20)2 (gypse), de solubilité faible : 2,4 g/1 ;
— doubles de calcium et potassium : K2Ca(S04)2H20 (syngénite), de solubilité
faible : 2,5 g/1.
Les produits les plus couramment rencontrés sont le gypse et la syngénite car ils
ont une faible solubilité et sont, de ce fait, difficilement éliminés. Ils opacifient le
verre et en perturbent la lisibilité.
Ils sont dangereux car hygroscopiques : ils maintiennent l'humidité à la surface
des verres et entretiennent ainsi le processus d'altération amorcé.
Pour toutes ces raisons, le restaurateur devra les retirer (bien qu'il soit difficile
d'établir des règles absolues), surtout lorsque le milieu de conservation n'est pas
parfaitement contrôlé.

ASPECT DE LA CORROSION
La présence de ces différents sels gêne la lecture de l'objet, car ils sont opaques,
de couleur généralement blanchâtre.
Sur les verres de vitraux, on a remarqué une corrélation entre la composition
d'un verre, l'allure de l'altération et le type de sels présents (Bettembourg, 1976) :
— un verre sodique présente une altération par cratères. Le gypse est majoritaire-
ment présent ;
— un verre plus riche en potasse (+ 15 %) présentera en revanche, une altération
uniforme, où l'on trouve principalement du gypse et de la syngénite.

Rôle des micro-organismes


Les micro-organismes (bactéries, algues, lichens, champignons) peuvent aussi
contribuer à l'altération d'un verre.
Ils ne semblent cependant pas s'attaquer au verre lui-même.
En effet, une surface vitreuse propre ne leur offre pas de prise directe. Mais, si
elle est humide, recouverte de poussières, de matières grasses, de certains adhésifs
ou consolidants, les micro-organismes trouvent là un milieu nutritif favorable à
leur développement.
Leur présence trouble la lecture de l'objet, et favorise le maintien de l'humidité
à la surface du verre. Selon la famille à laquelle ils appartiennent, ils contribuent
à une attaque acide ou basique de la masse vitreuse. La croissance en profondeur
des colonies de lichens ou champignons, par exemple, associe une corrosion
mécanique à la corrosion chimique du verre. Pour tous ces motifs, les microorganis-
mes seront retirés avec un fongicide-bactéricide.

Rôle des produits chimiques (Scholze, 1980)


Parmi les réactifs connus, seul l'acide fluorhydrique (HF) provoque une attaque
du verre immédiatement décelable.
On notera aussi que les complexes de silicium sont sensibles à des composés
organiques tels que le pyrocatéchol, le pyrogallol, l'acide gallique, les tanins, les
citrates, les gluconates, les tartrates et les malonates.

Rôle de la température et du degré hygrométrique (Bimson, Werner, 1964 ;


Brill, 1975)
S'il subit une variation de température localisée, brusque et importante, le verre
se brisera. En effet sa structure lui confère une mauvaise conductibilité thermique.
Plus encore, des verres de composition instable seront très sensibles aux variations,
même faibles, du taux d'humidité relative : par exemple, à un taux élevé, un verre
de composition déficiente transpirera ; si le taux chute, il « crizzlera ».
Pour éviter ces problèmes, quelques règles de base doivent être respectées .
Les verres seront gardés en dépôt, ou en exposition, à une humidité relative comprise
entre 45 et 50 %.
Les verres « transpirants » seront conservés, eux, à une humidité relative inférieure à
42 %, taux d'humidité à partir duquel les carbonates de potassium sont hygroscopiques.
Toute trace d'humidité sera retirée par un nettoyage à l'alcool.
(Ces données chiffrées n'ont qu'une valeur indicative et sont modulables en
fonction du passé hygrométrique de l'objet.)
Rôle de la lumière
Les radiations lumineuses, infrarouges ou ultraviolettes, sont nuisibles pour le verre,
plus encore pour un verre altéré.
En effet, les rayonnements infrarouges émis par le soleil ou les lampes à
incandescence sont redoutables car leurs effets thermiques peuvent provoquer des
variations brusques d'humidité relative ou des échauffements locaux importants.
Les rayonnements ultraviolets eux, émis par le soleil ou les tubes fluorescents
sont dangereux, en raison de leurs effets photo-chimiques qui provoquent les
phénomènes de solarisation.
En conclusion, nous résumerons les liens entre la composition d'un verre et ses
facteurs d'altération dans les tableaux suivants :

TABLEAU 3. Principaux facteurs d'altérations du verre

Facteurs externes liés à son environnement — Eau


(sol et atmosphère) — Gaz
— Microorganismes
— Degré hygrométrique
— Lumière
— Vent
— Particules abrasives
- pH
— Temps d'exposition

Facteurs internes liés au verre — Sa composition


e Qualité et nature des composants
e Rapport :
modificateurs/formateurs
alcalins/alcalino-terreux
alcalins/amphotères
— Sa fabrication
. Passé thermique
. Polissage
. Vaporisation
. Porosité
. Travail à froid

TABLEAU 4. Corrélation entre la composition et l'altération d'un verre


(dans GODRON, 1976, p. 649)

Composition Produits de corrosion

K20 + Na20 < 16 % Gypse et calcite


13 < CaO < 15 %

K20 + Na20 > 16 % Mélange de gypse et syngénite, sans calcite


11 < CaO < 15 %

K20 + Na20 > 14 % La surface est irisée de cristaux de quartz et de cristoballite


11 < CaO < 13 % avec de la calcite

LES INTERVENTIONS
DE CONSERVATION-RESTAURATION

Les interventions de conservation-restauration des verres commencent sur le


terrain et se poursuivent au laboratoire. Elles comportent les étapes habituelles de
prélèvement, nettoyage, consolidation, remontage, collage, comblement de lacunes,
stockage. Certaines interventions, comme le nettoyage, ne sont pas développées ici
car elles sont traitées dans le chapitre sur la céramique. D'autres étapes (interventions
sur le terrain, consolidation, stockage) font l'objet de quelques rappels, mais nous
conseillons vivement au lecteur de se reporter, respectivement, aux chapitres 2, 3,
10. Les interventions de remontage, collage et comblement de lacunes sont, en
revanche, plus largement développées ici.
Sur le terrain, (Chavigner, 1987 ; Le Tiec, 1985), bien que le piètre état de certains
verres archéologiques puisse effrayer l'archéologue, le prélèvement de ce matériau
est possible. Lorsque l'objet brisé est porteur d'informations, on ne devra pas
hésiter à le prélever en motte (d'autres méthodes de prélèvement, pour le matériau
verre, sont décrites dans le chapitre 2). On l'apportera directement au laboratoire
(avant que la motte ne sèche), afin qu'un travail minutieux puisse être tranquillement
effectué. Ce type d'intervention permet de conserver des informations pédologiques,
la surface corrodée de l'artéfact, ainsi que les points de contact des fragments en
connexion (le remontage ultérieur en sera facilité).
Au laboratoire, la gestion et l'enregistrement des informations accompagnent
toutes les étapes du travail. Dès son arrivée, le tesson de verre suit un cheminement
bien précis (fig. 6).

FIG. 6. — Circuit « type » d'un tesson de verre archéologique.

Toutes les informations observées et les traitements réalisés sont consignés


(tableau 5).
TABLEAU 5. Un exemple de fiche de travail en conservation-restauration de verre.
(Les cadres 1 et II peuvent être disposés côte à côte au recto d'une fiche de format 21/29,7
tenue horizontalement, et les cadres III et IV de la même façon au verso)
Consolidation, remontage et collage

La consolidation
Les verres archéologiques sont parfois dans un état d'altération si avancé qu'ils
ne peuvent être manipulés. Par ailleurs, la croûte de corrosion, plus ou moins
épaisse, qui les recouvre est souvent très fragile ; or la disparition de cette dernière
pose un problème déontologique sérieux car elle correspond à la matière originelle
de l'objet, on essayera de la conserver, donc de la consolider. Les principaux
produits et méthodes nécessaires à cette entreprise sont évoqués dans le chapitre 3.
Sur des verres excessivement dégradés (totalement opaques, altérés à cœur, de
texture similaire à celle d'un sucre...), qui recèlent une information archéologique
pertinente, le restaurateur peut être amené à entreprendre des manipulations
complexes.
Pour illustrer ce propos, nous décrirons une intervention éprouvée, adaptée à une situation
bien particulière, que le lecteur ne devra, en aucun cas, considérer comme « la solution » à
tous problèmes de consolidation :
Un verre très altéré, brisé en place, consolidé sur le chantier avec de l'alcool polyvinylique
et prélevé en motte, est apporté au laboratoire, tandis que terre de soutien et objet se sont
malheureusement, déjà asséchés (photo 6). La surface visible de l'artéfact est nettoyée avec
un coton-tige imprégné d'alcool, puis recouverte, selon une partition logique, de bandes de
papier japonnais entrecroisées, à travers lesquelles on applique au pinceau, une résine
synthétique insoluble dans l'alcool, dissoute dans l'acétone (Elvacite 2044). La zone, sur
laquelle le doublage est entrepris est alors, dans son intégralité, dégagée du support terreux
(ce dernier est, d'ailleurs, ramolli à l'alcool et tamisé afin de ne perdre aucun fragment). Le
revers (photo 7) est ensuite nettoyé à l'alcool et consolidé avec une résine soluble dans l'alcool
(Paraloïd B 72), sans que le facing précédemment réalisé ne se désolidarise. Les fragments en
contact sont maintenus en place avec quelques points de colle cyanoacrylate et bandes de
papier adhésif (cf. : remontage). Le doublage de papier japonnais est très précautionneusement
retiré avec de l'acétone (une consolidation au Paraloïd, coté face, peut éventuellement être
reprise). Les tessons sont prêts pour un collage définitif.
Ce type de manipulation permet de conserver un volume important de l'objet et de révéler
ainsi son profil archéologique. Par ailleurs, il rend possible, de façon simultanée, les opérations
de consolidation, maintien et collage temporaire, car les résines employées ne sont pas
sensibles aux mêmes solvants.
PHOTOS 6 à 7. — Prélèvement et consolidation d'un
verre archéologique très fortement altéré. (Ville de St
Denis, unité d'archéologie, 89136, 18-636-1, 25-9-87).
6 : Le verre brisé en place a été prélevé en motte ; on
voit la gangue de terre qui le soutient.
7 : Le revers du fragment est nettoyé et consolidé sans
que les points de contact des minuscules tessons ne soit
perdus.

Le remontage
Le remontage permet de restituer l'intégrité physique d'un artéfact.
Cette opération peut être envisagée selon deux optiques distinctes, il s'agit :
— soit d'une manipulation à titre provisoire, qui permet de révéler ponctuellement
le volume conservé d'un artéfact ;
— soit d'une phase préparatoire au collage définitif d'une pièce.
Quelle que soit la finalité de cette intervention, celle-ci doit être réalisée avec une
attention toute particulière, car d'elle dépend la reconstitution du profil exact de
l'objet.
C'est un travail minutieux car le puzzle se révèle parfois complexe (photo 1)
Les tessons sont souvent minuscules, très peu épais, donc fragiles et délicats à
manipuler.
Leur repérage est difficile car ils ne comportent pas de trace de tournage comme
les tessons « céramique » par exemple. De plus, la corrosion attaque les tranches
et rend ainsi les points de contact moins évidents. Elle perturbe aussi leur aspect
de surface, et le repérage par la couleur devient, parfois, illusoire (photos 1, 2).
Les manipulations de remontage s'opèrent sur des fragments de verre présentant
la meilleure cohésion mécanique possible (avec ou sans consolidation, avec ou sans
doublage), sur des tranches dégraissées à la méthyléthylcétone. Les morceaux sont
ensuite assemblés logiquement et maintenus en bonne position les uns par rapport
aux autres, sans ressaut (notion expliquée plus loin), par l'effet de leur propre
poids et l'application de bandes de ruban adhésif placées perpendiculairement à
l'axe des cassures (photo 8)

PHOTO 8. — R e m o n t a g e avec de fines b a n d e s d e r u b a n s


adhésifs.
(Ville de St D e n i s , u n i t é d ' a r c h é o l o g i e )

Cette étape franchie, le verre est simplement dessiné, étudié (Hejdova, Reznickova,
1973) puis impérativement démonté. Les scotchs seront donc retirés, les tranches
dégraissées, et l'objet « en kit », stocké (voir chapitre 10).
Si le verre doit être définitivement collé, on fera un croquis rapide de son plan
d'assemblage. Puis, le remontage de l'artéfact sera repris, par le restaurateur,
jusqu'à l'obtention d'un ajustement parfait des tessons.
Au cours du remontage, on utilise souvent, non exclusivement, des rubans
adhésifs. Un grand nombre sont disponibles sur le marché ; ils sont plus ou moins
lisses, souples, élastiques, collants, opaques ou transparents. Le restaurateur fera
son choix en fonction de ses préférences et des contraintes qui s'imposent à lui. Il
doit toujours choisir un matériau qui ne tache pas et qui soit très facilement
réversible.
Les informations sur la nature des rubans adhésifs sont encore assez rares
(Mofatt, 1979, 1982). Il semble, cependant, que l'adhésif le plus couramment utilisé
soit un ester acrylate, parfois couplé avec un terpène ou des dérivés de colophane.
Le support plastifié est généralement constitué d'un film de polypropylène.
Ces types de matériaux sont sensibles à un grand nombre de solvants (alcools,
cétones, hydrocarbures aliphatiques...) donc très facilement réversibles.
L' utilisation de rubans adhésifs peut poser des problèmes.
Bien que les risques d'altération chimique du scotch sur un verre semblent limités
à court terme, le contact à long terme, lui, doit être prohibé, car le ruban adhésif
n'est ni mécaniquement, ni chimiquement suffisamment fiable, pour assurer une
bonne conservation d'un artéfact. En effet, toutes bandes de scotch, laissées de
façon prolongée sur un objet, deviennent cassantes et laissent, après élimination,
des traces indélébiles (photo 9).

PHOTO 9. — Résidu de colle d'étiquette qui a, irrémédiablement, migré, dans le verre.


(Musée de la Renaissance, château d'Ecouen, E.Cl 21633)

Le ruban adhésif ne permet donc qu'un remontage temporaire.


On doit aussi les utiliser avec beaucoup de précautions sur des verres peints, dorés,
émaillés ou altérés.
Dans ces cas de figures, le remontage est effectué à l'intérieur de l'objet, afin
d'éviter toute perte de matière. Cette manipulation n'est cependant pas toujours
réalisable, notamment sur un verre dont les surfaces sont corrodées de tous cotés,
même s'il a été préalablement consolidé.
Le restaurateur peut, cependant, se tourner vers d'autres alternatives mais aucune
d'entre elles ne constitue « la solution idéale ». Le choix de la solution « la moins
pire » sera donc de rigueur !... Le conservateur, au choix :
— réalisera un remontage, sans scotch, à l'aide d'une colle cyanoacrylate, déposée
par points. Cependant sur un puzzle complexe, la qualité du montage risque de se
révéler insuffisante ;
— pratiquera un remontage par points à l'aide de cire collante, à basse température
de fusion. Ce procédé technique est parfois difficile à mettre en œuvre et n'évite
pas toujours les pertes d'écaillés même si la zone touchée est moins étendue (pho-
to 10) ;
— renouvelera une consolidation.
Lors de remontage complexe, il arrive aussi que l'objet ne puisse supporter son
propre poids, même avec l'aide de rubans adhésifs, de points de colle cyanoacrylate,
ou de cire. On recourt alors à toutes sortes de supports temporaires — sacs de
sable, tiges de plexiglass, de balsa, plasticine,....
Les verres archéologiques se trouvent parfois dans un état si fragmentaire et
lacunaire que certains morceaux ne sont pas réintégrables : leurs points de contact
ont été perdus ; ou les tessons sont si minuscules qu'ils ne peuvent être correctement
positionnés.

PHOTO 10. — R e m o n t a g e à l ' a i d e de b â t o n s de cire c o l l a n t e .


(Ville de St D e n i s , unité d ' a r c h é o l o g i e )

Dans ces deux cas de figure, les tessons sont soigneusement collectés et enregistrés
sur le dossier de traitement. Ils seront soit :
— conservés à titre de témoins physiques de l'histoire de l'objet, ce qui permettra
d'effectuer des analyses, en évitant un prélèvement sur l'objet lui-même ;
— réintégrés dans le volume de l'artéfact, à l'aide de résine de comblement, lors
d'une reconstitution ultérieure, si cela est jugé nécessaire.

Le collage
Le collage de la céramique et du verre constitue une intervention délicate dont la
méthodologie sera fortement influencée par l'essence du matériau (transparence du
verre), l'état d'altération de l'objet (porosité) et la résistance du joint de colle souhaité
(collage temporaire ou définitif). (cf. aide mémoire « Collage » N° 8).
L'indice de réfraction (n) du verre est généralement élevé bien que très variable
(1,48 à 1,59) selon sa composition et son état d'altération. Si l'on souhaite une
ligne de joint discrète, l'adhésif doit avoir un indice de réfraction aussi proche que
possible de celui du verre (1,55 < n colles époxydes < 1,585 ; 1,405 < n colles
silicones < 1,415).
En effet, pour qu'un collage soit invisible, il faut que la différence entre les deux
indices soit inférieure à 0,03, car l'œil humain perçoit tout écart supérieur à ce
chiffre (photos 11, 12). En l'état actuel des recherches, Il semble encore difficile,
PHOTOS 11 et 12. — Visibilité des lignes de cassure.
Il : Les deux fragments sont maintenus en place par leur propre poids.On voit très bien
la ligne de cassure car l'interstice qui sépare les deux tessons est rempli d'air dont l'indice de
réfraction est n = 1.
12 : La ligne de cassure est remplie de résine époxyde XW 396/397, d'indice de réfraction
n= 1,553 proche de celui du verre (1,45 < n verres < 1,58).

pour le restaurateur, de modifier de façon sensible, l'indice de réfraction d'une


colle pour l'adapter précisément à chaque objet de verre. Mais cette voie n'est
peut-être pas sans espoir (Tennent, Towsend, 1984).
Un verre sain ou une porcelaine sont des matériaux de haute énergie, durs, de
tension superficielle élévée (500 à 5 000 mJ/m2) qui exigent l'emploi d'une colle de
haute polarité. De plus, leur porosité est souvent faible et l'adhésif appliqué pénétrera
peu, bien qu'il doive établir un lien fort, et fiable, avec le subjectile : on emploiera
alors des colles époxydes (voir plus loin).
En revanche une céramique à pâte tendre, un verre corrodé sont beaucoup plus
poreux. L'emploi d'une colle acrylique (Koob, 1986) qui établit des liaisons un peu
moins fortes, que celles précédemment citées, est parfaitement envisageable.
Afin de favoriser l'adhésion et améliorer les propriétés de mouillabilité des colles
et des consolidants, on peut employer des silanes. (Borelli, Fiorentino, 1975 ; Brill,
et al., 1984 ; Charola, et al., 1984).
Ces produits sont dérivés des silicones. Ils comportent des groupes réactifs
typiques, qui établissent une sorte de « pont » entre l'adhésif et le verre : ce sont
des agents de couplage non des adhésifs. Ils sont fort intéressants car ils permettent
des collages et consolidations très résistants. On peut cependant, se poser des
questions quant à leur réversibilité et leur influence sur le vieillissement de l'adhésif
à long terme.
A l'heure actuelle, les adhésifs employés pour le collage du verre sont issus de
quatre grandes familles chimiques (cf. aide mémoire Nos 6 et 7) :
LES COLLES VINYLIQUES (RHODOPAS M 60) ET ACRYLIQUES (PARALOÏD B 72)
On les emploie généralement dissoutes à de fortes concentrations (30 %) dans
des solvants organiques tels que l'alcool ou l'acétone, sur des collages dits « ouverts ».
Pour un collage « ouvert », la tranche d'un des tessons à lier est enduite d'adhésif,
l'autre fragment est ensuite pressé contre la paroi engluée et maintenu en bonne
place jusqu'à ce que le solvant soit évaporé et que le film de colle durcisse. Cette
méthode est évidemment très simple à mettre en œuvre mais elle ne donne pas
toujours de bons résultats sur des objets aux parois fines (porcelaine et verre), dont
le puzzle est conséquent : les ressauts sont difficiles à éviter (fig. 7). Les erreurs,
les plus infimes de chaque collage s'additionnent et compromettent le résultat
d'ensemble.

FIG. 7. — P o s i t i o n n e m e n t d e s f r a g m e n t s .

Certaines colles acryliques et cyanoacrylates (vitralit, glass bond) sont des


adhésifs à un seul composant qui peuvent être employées en assemblage fermé
(notion expliquée plus loin).
Les colles acryliques, évoquées ici, polymérisent sous rayonnement ultra-violet :
on ne peut donc pas les employer sur tous les verres décorés car certaines peintures
stoppent les U.V.
Pour les colles cyanoacrylates, si la surface du verre est acide, la polymérisation
ne peut s'amorcer et l'adhésion ne se fait pas ou se fait mal. De plus, lors de leur
vieillissement, ce type de colle dépolymérise brutalement (Witte, 1985). La fonction
nitrile C —N, rigide, qui les caractérise est, vraisemblablement, sensible aux
vibrations donc facilement fragilisée.
Pour toutes ces raisons, les colles acryliques à polymérisation U.V et les colles
cyanoacrylates sont considérées comme des adhésifs capricieux et peu fiables. Elles
ne sont jamais utilisées pour un collage définitif mais uniquement pour un collage
ponctuel, sur des objets de faible porosité (verre, porcelaine).
Elles sont, en revanche, appréciées pour leur prise rapide (quelques secondes ou
minutes).
LES COLLES SILICONES
Ce sont des matériaux surtout intéressants pour le remontage des verres de
vitraux, en raison de leur souplesse. Il faut cependant se montrer vigilant lors de
leur sélection, car certains produisent de l'acide acétique susceptible d'attaquer le
réseau de plomb du vitrail et le verre lui-même.

LES ADHÉSIFS ÉPOXYDES (Brill, et al, 1984)


La gamme de ces produits est très étendue et comprend, entre autres, des colles
optiques particulièrement adaptées aux matériaux transparents.
Il semble que les trois colles les plus performantes, actuellement sur le marché
soient (Bradley, Wiltem, 1984 ; Down, 1984, 1986 ; Jackson, 1984) l'Araldite
AY103/HY956 remplacée maintenant par l'Araldite XW396/397 (n = 1,553);
l'Ablebond 342-1 ou l'Epotex 301 de composition très proche (Mofatt, 1981)
(n = 1,5646 + ou — 0,0005) ; la Hxtal — Nyl 1 (n = 1,5201 + ou — 0,01) qui
a un temps de polymérisation très long (7 jours).
Nous indiquerons aussi la colle Bacon FFA-22 qui a la particularité de contenir
des silanes.
Ces colles sont très fluides et peuvent être appliquées par infiltration, en collage
dit « fermé ». Cette technique est particulièrement recommandée pour l'assemblage
du verre et de la porcelaine de texture fermée (peu poreuse) et lisse (sans aspérité).
On établit ainsi un joint fiable où le positionnement des fragments est parfaitement
contrôlé.
Un collage « fermé » avec une résine époxyde s'effectue sur des tranches nettes
de toutes souillures : en effet, sur un objet fragmenté, même si la cassure est récente,
la surface à coller se voit souillée par l'oxygène de l'air, l'eau ou tout autre corps
gras. Ces derniers s'orientent à la surface du tesson et le mouillage du subjectile
par un produit polaire devient alors difficile. L'objet est remonté dans son intégralité
avec des rubans adhésifs (voir : remontage). On s'assure du bon positionnement
des fragments les uns par rapport aux autres. On prévoit un espace libre où l'objet
pourra être laissé, tout le temps nécessaire à la polymérisation de la colle. On veille
à bien isoler, à l'aide d'un papier aluminium par exemple, l'artéfact du plan de
travail, afin d'éviter qu'ils ne restent collés ! On mélange ensuite, dans les proportions
indiquées par le fabricant, la résine et le durcisseur. Cette opération se fera à l'aide
d'un bâtonnet de bois et non de métal car celui-ci pourrait perturber la prise de la
résine. Après avoir remué le mélange, on le laisse reposer sous une lampe à
incandescence ou infrarouge quelques minutes, afin de bien fluidifier la colle et
laisser le temps aux bulles d'air de s'échapper. On applique ensuite l'adhésif, à
l'aide d'un fin bâtonnet, sur les lignes de cassures (photo 13) : les colles époxydes
optiques restent fluides entre 20 et 40 minutes après le mélange des deux constituants.
Leur polymérisation complète s'effectue dans un délai de 24 heures à 7 jours. Si
l'on désire accélérer le séchage, on place l'objet encollé près d'une source de chaleur
(lampe infrarouge ou incandescente). Il faut cependant être vigilant, s'assurer que
ce dernier ne soit pas crizzlé et placer l'ampoule à une distance respectable afin de
ne pas amorcer le processus d'altération : cette manipulation n'est donc pas sans
risque ! Lorsque l'adhésif est sec, on retire l'excédent de colle et les rubans adhésifs,
à l'aide de méthyléthylcétone et d'un scalpel.

PHOTO 13. — C o l l a g e p a r infiltration.


(Ville d e St D e n i s , u n i t é d ' a r c h é o l o g i e )

L'opération de collage avec une résine époxyde implique des manipulations délicates,
difficilement réversibles, qui seront réalisées par un spécialiste.
Pour des collages plus complexes encore, sur des verres de forme fermée, dont
les lacunes seront ultérieurement comblées, un collage complet et définitif est
impossible car il compromettrait la restauration à venir. On pratique alors un
collage partiel où 1' on conserve une, où plusieurs lignes de séparation non encollées.
Les tranches concernées sont enduites avec de la vaseline ou un vernis isolant
(« Tego trennmittel » ou « Soloplast »). Les lignes de casse ainsi protégées, seront
définitivement collées lorsque les manipulations de restauration auront été achevées.
Pour des collages très particuliers, comme celui d'un verre crizzlé, si la surface
de celui-ci n'est pas protégée, l'adhésif pénètre dans toutes les fissures. La zone
infiltrée voit son indice de réfraction varier par rapport à l'espace non imprégné :
il en résulte un aspect hétérogène du verre. Pour éviter cela, on protége la surface
malade avec un vernis protecteur, facilement réversible tel que l'alcool polyvinylique
à 5 % dans l'eau. Il sera retiré une fois le collage terminé (Nansenet, 1982).
Sur des verres peints ou émaillés (Jackson, 1984 ; Newton, 1974), on ne peut
infiltrer une résine époxyde entre des fragments sans risque de perte de matière
lors du nettoyage de l'excédent de colle : on opère alors, quand cela est envisageable,
un collage par l'intérieur.
Sur des verres fêlés, on introduit de la colle sur la zone fracturée afin de la
consolider et limiter son expansion. On peut aussi le faire pour améliorer l'aspect
esthétique de l'objet. Cette opération est loin d'être anodine car elle est moins
facilement réversible qu'un collage « classique ». De plus, la réalisation technique
de cette intervention est délicate : si elle n'est pas correctement menée, des bulles
d'air peuvent rester prisonnières entre la colle et la fêlure. Pour y remédier, on
préchauffera bien l'adhésif afin de faciliter la diffusion de la colle. On l'appliquera
sur un seul côté de la ligne de casse, de façon à ce que l'air puisse s'échapper
facilement.
Pour des verres dont la tige, particulièrement fine, a été brisée, un simple collage
peut s'avérer insuffisant. Dans les cas extrêmes, il est possible de perforer les
fragments à coller à l'aide de poudre d'oxyde d'alumine projetée sous pression : la
zone de contact verre/colle est ainsi augmentée. Certains auteurs introduisent, en
plus, dans l'orifice percé, une baguette de plexiglass (Jackson, 1982). Ce type
d'intervention est fortement discutable car irréversible. Il porte atteinte à l'intégrité
de l'objet et lui fait encourir d'importants risques de casse. D'autres auteurs
préfèrent maintenir les morceaux avec une bague métallique : solution moins
radicale mais plus visible ! (André, 1976).

ET LES LACUNES ?

Lorsqu'un objet est incomplet, les manques peuvent être laissés libres ou comblés
à l'aide de résines synthétiques.
Un comblement de lacune peut être envisagé pour permettre :
— une meilleure conservation d'un artéfact surtout lorsque celui-ci présente un puzzle
complexe avec des fragments saillants. L'apport de résine joue un rôle de soutien
mécanique ;
— de réintégrer des fragments de verre, dont on est sûr du positionnement, mais pour
lesquels les points de contact avec le volume conservé ont été perdus ;
— de restituer la forme complète d'un artéfact et faciliter ainsi la lecture et la
présentation au public.
Cependant un comblement n'est pas toujours réalisable.
Le restaurateur doit se demander, notamment, si les manipulations qu'il implique
sont supportables pour l'objet. En effet, la forme du verre, sa qualité de surface
(écailles...), son épaisseur, son type de décor (peinture non cuite...), etc., ne peuvent,
parfois, subir sans danger une telle intervention.
De plus, les manipulations sont souvent longues donc coûteuses, pour un rendu
final qui n'est pas toujours flatteur à l'œil : ... il faut le savoir !
Méthodes de comblement

Réalisation de moules, avec de la cire dentaire


Avec ce procédé, on emploie de la cire comme moule des parties à combler.
La cire utilisée est une cire dentaire, généralement de couleur rose, que l'on
trouve en plaque d'environ 17 par 8 cm, et de 1 à 2 mm d'épaisseur. Les plus
couramment employées sont la cire dure ou normale (Dentsply, Kerr...)
1/ Cette technique est employée pour des lacunes de petite taille.
2/ On découpe à l'aide d'un scalpel, dont la lame a été préalablement chauffée
à la flamme, un morceau de cire de dimensions supérieures à celles de la lacune à
combler.
3/ La cire est légèrement chauffée et assouplie avec un sèche cheveux.
4/ Elle pourra ainsi être formée sur la partie intacte de l'artéfact.
5/ Elle est ensuite reportée sur la zone à combler.
6/ Elle est alors découpée selon les contours de la lacune : la plaque de cire est
taillée à des dimensions supérieures à celles du manque (1 mm environ), afin que
l'on puisse ultérieurement, aisément, fixer le moule à la paroi du verre.
7/ On effectue les mêmes opérations (2/ à 6/) pour fabriquer le moule intérieur
de la lacune.
8/ La cire est retirée et recouverte d'un film d'alcool polyvinylique (« Tego
Trennmittel 1744 », « Soloplast »), que l'on applique au doigt, au pinceau, ou à
l'aérographe. Ce film isole la cire de la résine qui sera ultérieurement coulée et
permet ainsi de donner un bel aspect de surface au comblement. D'autre part, il
évite que la teinte rose de la cire dentaire ne diffuse dans le bouchage incolore.
9/ Le moule de cire ainsi préparé est positionné sur la zone à combler, et soudé
au verre par fusion de sa ligne de contour. Cette opération est réalisée avec une
spatule chauffante électrique, ou une spatule métallique recourbée préchauffée à
la flamme (photo 14).
Afin de s'assurer de la bonne adhésion de la cire au verre, les pourtours du
moulage, plus ou moins accessibles au regard sont contrôlés avec un miroir de
dentiste : la liaison cire/verre doit être parfaite afin d'éviter toutes coulées indésira-
bles de résine.
10/ Le produit de comblement est ensuite mélangé à son durcisseur.
Pour faciliter la disparition des bulles d'air introduites lors du malaxage, le
gobelet de résine est déposé dans une coupelle d'eau chaude pendant quelques
minutes. La résine est alors coulée dans le moule en veillant à laisser un évent pour
que l'air, encore contenu entre les parois du moule, puisse s'échapper.
11/ Après polymérisation complète de la résine, le moule de cire est facilement
retiré en insérant sous un des bords une lame de scalpel. Les excédents de cire sont
nettoyés au white spirit afin de ne pas solubiliser le rebouchage (photo 15).
12/ Le bord supérieur du comblement est égalisé par polissage.
Ces manipulations seront, bien sûr, adaptées en fonction de la forme de l'artéfact,
et des lacunes : l'application de cire ne se fait pas toujours avec une double paroi
mais peut aussi se faire en moule simple, externe, ou interne.
La cire est un matériau très intéressant car peu onéreux, facile d'emploi et d'une
grande réversibilité.
Elle présente cependant des limites sérieuses :
— la cire ne modèle que des formes relativement simples ;
— son application sur le verre implique la pression et la chaleur de la spatule
PHOTOS 14 et 15. — Comblement de lacune avec la technique de la cire dentaire.
(Ville de St Denis, unité d'archéologie)

chauffante or, certains objets archéologiques particulièrement fragiles, ne peuvent


le supporter ;
— la cire dentaire que l'on trouve toujours teintée sur le marché, oblige à
l'application d'un film protecteur. Or, sur des formes très convexes ou concaves,
cette manipulation n'est pas toujours facile : l'alcool polyvinylique adhère mal,
s'accumule dans les creux, et provoque des coulures qui perturbent l'aspect final
de la résine ;
— les petites dimensions des plaques de cire ne facilitent pas, non plus, leur
utilisation. Pour des comblements de grande taille, on les soude entre elles, mais
la ligne de jonction des feuilles apparaîtra lors du coulage de la résine et demandera,
par la suite, un important travail de polissage.

Technique de comblement dite « sur g a b a r i t »


C'est une méthode employée pour des lacunes de grandes dimensions, dont le
profil ne peut être moulé sur la partie conservée du verre.
On l'utilise aussi pour la reproduction de formes fermées, ou comportant des
reliefs particuliers (fig. 8)
La technique sur gabarit s'avère très intéressante car c'est le seul procédé
envisageable pour le comblement de lacunes de grande dimension ou pour la
réalisation de reliefs et détails très particuliers.
Avant de l'entreprendre, il faut bien mesurer les dangers encourus par l'objet et
estimer s'il est suffisamment solide pour subir toutes ces manipulations.
D'autre part, l'apport de terre humide, pour sculpter la forme à combler peut
provoquer le décollement des fragments de verre récemment joints.
De plus, les manipulations doivent être réalisées assez rapidement afin de limiter
les réhumidifications ou le retrait de l'argile. Ce dernier produirait un bouchage
avec de mauvaises proportions.
Cette méthode implique l'emploi de silicone comme moule du comblement Il
faut être très vigilant sur le choix de ce type de matériaux et effectuer des tests
préalables :
— ils ne doivent pas adhérer au verre (emploi de silicone obtenu par addition) ;
— ils ne doivent pas troubler la résine.
A titre indicatif : le Silastic J RTV (Dow Corning) et le RTV 585 (Wacker) ne
semblent pas troubler la résine polyester GTS (Vosschemie).

Autre méthode

Par ailleurs, Patricia Jackson (Jackson, 1983) a restauré un col d'œnochœ avec
un disque de résine polyméthacrylique (Technovit A), qui a été trempé dans de
l'eau chaude, façonné à la forme désirée, puis figé en bonne position dans un bain
d'eau froide.

Caractéristiques d'une bonne résine de comblement


Lors de sa mise en œuvre, « dans l'absolu », la résine doit :
— présenter une faible viscosité afin de couler aisément entre les parois d'un
moule, même si elles sont très rapprochées ;
— être compatible avec des charges minérales telles que la silice micronisée, afin
que sa viscosité puisse être augmentée ;
— se mélanger avec des oxydes métalliques, des colorants organiques, afin d ' ê t r e
teintée dans la masse ;
— ne pas réagir avec les matériaux de moulage au contact desquels elle sera
coulée ;
— avoir une faible tension superficielle ;
FIG. 8. — Technique de comblement sur gabarit.
— polymériser à température et pression ambiante (20°) ; et ceci progressivement :
un durcissement trop rapide piège des bulles d'air dans la résine ;
— avoir un faible retrait ;
— être compatible aussi avec elle-même, et ne pas craqueler lorsqu'on coule
plusieurs strates de résine, à quelques jours d'intervalle ;
— être non, ou peu, toxique pour le manipulateur ;
— avoir un coût raisonnable.
Après polymérisation, la résine doit :
— être incolore, avec un indice de réfraction aussi proche que possible, de celui
du verre ;
— rester stable dans le temps, par rapport à son environnement (ne pas jaunir à
la lumière, la chaleur, ...) ;
— être chimiquement neutre, et ne pas réagir avec le verre traité ;
— avoir une température de transition vitreuse élevée ;
— posséder un coefficient de dilatation thermique proche de celui du verre ;
— avoir une bonne adhérence au verre et être compatible avec les silanes ;
— être dure, mais cependant, moins résistante que le verre, à température
ambiante ;
— supporter un travail de polissage et de gravure ;
— être réversible.

Résines de comblement disponibles sur le marché (cf. Aide mémoire N° 6 et 7)


LES RÉSINES ACRYLIQUES
Les deux produits les plus couramment utilisés (en Allemagne fédérale et en
Grande-Bretagne) sont les résine Technovit 4000 A et Plastogen G. Ce sont des
polyméthylméthacrylates qui jaunissent fortement au cours du temps (Tennent,
1984).
Le plastogen G a un important retrait lors de sa prise (1 à 2 mm pour un
comblement de 1 cm d'épaisseur). De plus, le mélange résine/durcisseur engendre
une réaction exothermique très importante : si l'épaisseur de résine appliquée, est
conséquente ( + de 2 mm), la chaleur dégagée, peut provoquer la fonte de la cire
de moulage. D'autre part, le plastogen polymérise assez vite et il n'est pas
rare d'obtenir un comblement avec des bulles d'air indésirables. Cependant, sa
consistance pâteuse, lors de la prise, présente aussi des intérêts : cette haute viscosité
lui permet de former une « peau » facile à travailler. On fabrique alors des filets
d'applique ou des formes de comblement particulières, irréalisables avec d'autres
résines.
LES RÉSINES ÉPOXYDES
(voir chapitre sur le collage)
Ces résines sont relativement peu utilisées comme matériau de comblement. Ce
sont des produits difficiles à polir après polymérisation qui jaunissent généralement,
plus vite que les résines polyesters. Ils ont cependant un retrait plus faible que ces
derniers et sont moins sensibles à l'humidité. Ils sont compatibles avec de nombreux
silicones de moulage.
LES RÉSINES POLYESTERS
Cette famille de produits est surtout employée en Grande-Bretagne et en
Amérique du Nord. Les plus connues sont la résine « GTS » (Vosschemie) et
« C-32 » (Canuts).
Elles se travaillent facilement, aussi bien lors de la mise en œuvre (on obtient
aisément un comblement sans bulle), qu'après polymérisation. Elles sont, malheu-
reusement, compatibles avec peu de silicones de moulage.
AUTRES RÉSINES
Il existe aussi des résines qui polymérisent sous rayonnement ultra-violet. Nous
ne les avons jamais manipulées et possédons peu d'informations à leur sujet. Leur
principal intérêt semble être l'ajustement possible de leur viscosité.

... De l'aspect des comblements

Le travail de polissage
Nous avons vu que l'aspect lisse et brillant de la résine de comblement peut être
troublé pour diverses raisons (réaction avec le silicone de moulage, traces de
jonction de plusieurs plaques de cire, irrégularités du film de vernis qui les isole,
etc.). Il est alors nécessaire de la poncer. On commence un travail de dégrossissage
avec un flexible de dentiste (qui tourne environ à 15 000 tours/min). Ce dernier est
muni de meules de feutre, de caoutchouc, ou de coton. On ne doit jamais utiliser
des meules qui attaquent le verre car le restaurateur n'est jamais à l'abri d'un
mouvement incontrôlé susceptible de rayer l'original.
On peut aussi travailler manuellement (afin de bien contrôler son geste) avec des
papiers abrasifs de différents grammages en partant du plus fort, pour aller vers
le plus fin.
On couplera l'action mécanique de la meule ou de la main à celle d'un abrasif
en pâte de plus en plus doux (tripoli, « solvol autosol », ...)
Pour obtenir une résine parfaitement brillante on la polit, en phase finale, avec
du talc et de l'alcool puis on la frotte avec ut) chiffon de laine.
Le travail de polissage se révèle parfois très long, mais s'il est correctement mené
à son terme, le restaurateur obtient une résine parfaitement brillante aussi
transparente que du plexiglass.
Vernis de surface incolores
Afin de limiter le travail de polissage et ralentir le jaunissement de la résine,
le bouchage est recouvert d'un vernis incolore tel que :
— le « Paraloïd B72 » dilué à 5 % dans du xylène ou du toluène ;
— un film polyuréthane poli au tripoli (André, 1976).
Coloration des résines
Pour certains verres colorés, il sera intéressant de teinter le bouchage. Les
produits le plus couramment utilisés sont les suivants :
COULEURS TRANSPARENTES
— pour les résines acryliques, on emploie des couleurs transparentes à l'eau comme
les produits « Deka » ;
— pour les résines polyesters, on utilise des couleurs transparentes à solvants
organiques comme les produits « Vitrail à froid » (Lefranc Bourgeois). Pour une
application de surface, on peut fabriquer ses propres couleurs avec une très faible
quantité de pigments, mêlée à du Paraloïd B 72 à 5 % dans du xylène, ou un
mélange de diacétone alcool et acétate d'éthyle, utiliser des peintures au vernis
(Maimerie) ou, de l'aquarelle additionnée d'un tensio-actif (cf. Aide mémoire
N° : 4)
COULEURS OPAQUES
Pour obtenir des bouchages opaques, ou des effets particuliers, la panoplie de
matériaux utilisables est beaucoup plus grande. On se retrouve alors ici, devant un
problème de restauration de faïences et de porcelaines. On utilise des peintures
acryliques, vinyliques, polyuréthanes, des poudres métalliques...
Il faut se montrer très prudent avec la manipulation des couleurs, car la composition
des produits prêts à l'emploi (Deka, Vitrail à froid) est peu connue. De plus, une
résine teintée jaunit plus vite qu'une résine incolore (Tennent, Townsend, 1984).
Pour contrebalancer cette tendance au jaunissement, on ajoute une pointe de
bleu dans la résine. En revanche, pour « tuer » l'intensité d'une teinte, on met un
« soupçon » de couleur rouge.
Ces divers produits de mise en teinte sont utilisés pour obtenir différents effets
esthétiques.
COLORATION DANS LA MASSE
Dans ce cas, la couleur est directement mélangée avec la résine.
Cette technique permet d'obtenir une surface teintée très homogène.
La difficulté réside dans la bonne appréciation de la couleur : cette dernière
préparée en pot semble beaucoup plus sombre que sur le bouchage, car elle est
observée en masse. Il convient donc de fabriquer des échantillons, d'épaisseur
similaire à celle de la paroi de l'objet à combler, pour avoir une juste appréciation
de l'intensité colorée. Ce long travail exige une grande habitude.
COLORATION DE SURFACE
On peut aussi colorer un comblement incolore par application à l'aérographe
d'un film teinté sur sa face extérieure ou intérieure.
Cette méthode s'avère plus facile à mettre en œuvre que la précédente :
— l'appréciation de la bonne teinte est plus aisée ;
— elle présente l'avantage d'être facilement réversible.
Elle a cependant un aspect moins homogène que celui d'une coloration dans la
masse.
MATIFICATION DE SURFACE PAR ABRASION
On matifie une résine incolore trop brillante par une projection, à la micro-
sableuse, de billes d'oxyde d'alumine. Ce type d'intervention doit être réalisé avec
beaucoup de précautions, sur une zone parfaitement circonscrite, afin de ne pas
abraser le verre lui-même.
Cette solution donne des résultats esthétiques très satisfaisants sur des comble-
ments de verres archéologiques corrodés.
Nous venons d'exposer longuement les techniques « classiques » de restauration par
comblement en résine, nous pensons, néanmoins, qu'elles ne sont pas totalement
satisfaisantes :
— elles se révèlent parfois inesthétiques et trahissent la finesse du verre ;
— les manipulations qu'elles entraînent ne sont pas supportables par tous les artéfacts ;
— leur coût est élevé ;
— leur emploi systématique (dans un esprit « illusionniste ») se trouve parfois à
l'opposé des préoccupations archéologiques actuelles.
Il faut savoir que ce ne sont pas les seules solutions de présentation envisageables,
d'autres alternatives sont possibles.

Alternatives au comblement des lacunes

Présentation sur lit de sable (photo 16)


L'objet est présenté sur un lit de sable très fin et pur (sable de Fontainebleau),
parfaitement sec (car asséché dans un four avant son emploi).
Ce type de support ne permet évidemment pas de reconstituer la forme complète
d'un artéfact ; il le maintient simplement en place, sans que celui-ci ait à subir de
manipulations trop agressives. Cependant, le cas échéant, il peut suggérer la
continuité de différentes parties non jointives, disposées en situation.

PHOTO 16. — Présentation sur lit de sable.


(Ville de St Denis, unité d'archéologie, vitrine d'exposition de verres médiévaux et post
médiévaux).

P r é s e n t a t i o n s u r f o r m e d e v e r r e ( J a c k s o n , 1984)

C e t t e m é t h o d e consiste à d i s p o s e r les f r a g m e n t s d ' u n m ê m e objet s u r u n s u p p o r t


de verre.
— celui-ci est p a r f o i s très simple : l'atelier m u n i c i p a l de Vienne a, très astucieuse-
m e n t , utilisé u n e a m p o u l e électrique teintée, de g r a n d e d i m e n s i o n , c o m m e s u p p o r t
intermédiaire ;
— il p e u t aussi être p l u s s o p h i s t i q u é si le galbe de l'objet à p r é s e n t e r est c o m p l e x e :
le s u p p o r t de verre d e v r a a l o r s être soufflé p a r u n verrier selon le profil i n t é r i e u r
de l'artéfact. Les f r a g m e n t s de verre y s e r o n t fixés à l'aide de q u e l q u e s p o i n t s de
colle.
Cette solution, très esthétique, ne t r a h i t pas la n a t u r e d u m a t é r i a u présenté. Elle
n ' e s t c e p e n d a n t pas facile à m e t t r e en œ u v r e c a r elle exige u n p r o f e s s i o n n e l qualifié.
D e plus, le m o n t a g e v e r r e / s u p p o r t est c o m p l e x e à m e t t r e en place et à m a n i p u l e r
ultérieurement.
Socle en verre organique
Le verre organique est un matériau synthétique dont les plus couramment
employés sont Le « plexiglass » ou « Perspex » (polyméthylméthacrylate) et le
polycarbonate.
Les formes de socles sont multiples et variées. C'est au restaurateur de trouver,
pour chaque cas à traiter, la présentation la plus adaptée.
Quelques règles doivent, cependant, toujours être respectées :
— le restaurateur utilise des matériaux inertes : une feuille de plexiglass utilisée
trop jeune peut avoir des dégagements nocifs (Hodges, 1982) ;
— le support est, impérativement, solide, fiable et esthétique ... en prime seulement !
— ce dernier est spécifique à l'objet pour lequel il a été conçu et porte le même n°
que l'artéfact qu'il soutient.
— il se monte et démonte facilement, non seulement par le restaurateur mais aussi,
par toute personne susceptible de manipuler le verre. Au besoin, il peut être
accompagné d'une notice d'assemblage.
Quel que soit le système de présentation envisagé, il doit être considéré comme une
méthode de restauration à part entière, toute aussi satisfaisante que le comblement
des lacunes à l'aide de résine. Toutes les idées — à condition bien sûr qu'elles
respectent les règles de base d'une bonne conservation des artéfacts — sont les
bienvenues !
Quelle que soit la méthode de comblement et le parti pris esthétique choisi, ils
doivent toujours être le résultat d'un compromis entre les contraintes du restaurateur
et les aspirations du responsable de l'objet.

LE L O N G TERME

Nous nous contenterons d'évoquer ici quelques règles de base pour la préservation
du verre (cf : Chapitre 10).

Contrôle de l'environnement

Le verre est maintenu à une température de 18 à 20 °C, sous une intensité lumineuse
inférieure ou égale à 150 lux. Le rayonnement U.V. maximal sur un verre photo-oxydé
sera de 75 jiW/Lm .
D'une façon générale, le verre est conservé entre 45 et 50 % d'humidité relative,
celui qui « transpire » est maintenu, lui, en dessous de 42 %.

Quelques règles de manipulation et de stockage à respecter

Rappelons une évidence ! : le verre est un matériau fragile qui doit être manipulé
avec beaucoup de précautions afin d'éviter tout risque de casse.
On doit :
— déplacer un seul objet à la fois ;
— le tenir par la base, non par une anse ;
— le manipuler avec des mains parfaitement dégraissées, ou gantées ;
— le stocker sur des étagères parfaitement planes et stables. Les tiroirs ou
rangements à roulettes sont à bannir ; en raison des vibrations qu'ils provoquent.
Quant aux sacs de tessons, ils ne seront ni tassés, ni empilés abusivement.

CONCLUSION

On a longtemps désespéré du verre archéologique en raison de sa nature et de


son état parfois lamentable ; seuls les artéfacts intacts ou faiblement cassés étaient
conservés et restaurés. On considérait le verre archéologique comme « intraitable »
et l'on estimait qu'il n'y avait rien à en tirer (ces deux idées vont de paire d'ailleurs :
on ne traite pas un objet puisqu'on en n'attend rien ; ne le traitant pas, on ne peut
donc découvrir les informations qu'il recèle). Cependant, l'évolution récente de la
conservation-restauration du verre archéologique, même si de nombreux problèmes
demeurent, a déjà permis et peut permettre encore de sauvegarder beaucoup d'objets
et d'informations archéologiques pertinentes, si l'on y consacre les moyens nécessaires.
CHAPITRE V

Les métaux
archéologiques
R é g i s BERTHOLON, C a r o l i n e RELIER

D e t o u s les objets a r c h é o l o g i q u e s , les objets m é t a l l i q u e s s o n t a s s u r é m e n t les plus


difficilement a b o r d a b l e s a u m o m e n t de la fouille.
Il ne s'agit pas là d ' u n p r o b l è m e de r e c o n n a i s s a n c e : le plus s o u v e n t , leur c o u l e u r
et leur d u r e t é p e r m e t t e n t de les r e p é r e r a i s é m e n t ; m a i s leur f o r m e , leur poids, leurs
d i m e n s i o n s s o n t t o u j o u r s modifiés p a r le séjour d a n s le sol, e m p ê c h a n t ainsi u n e
i d e n t i f i c a t i o n précise a u m o m e n t de la mise a u j o u r . C ' e s t ainsi q u ' a u p r e m i e r s t a d e
de l ' e n r e g i s t r e m e n t , les d é n o m i n a t i o n s : tige, p l a q u e , p o i n t e , n o d u l e , é l é m e n t
indéterminé... abondent.
C e t « a n o n y m a t » de l'objet m é t a l l i q u e a r c h é o l o g i q u e a très t ô t suscité la curiosité
de ceux q u e la s o i f de c o n n a i s s a n c e a v a i t a m e n é s à s o n d e r le sol. D è s le xixe siècle,
des a r c h é o l o g u e s et des chimistes o n t tenté de r e t r o u v e r sous les c o u c h e s de
c o r r o s i o n la f o r m e des objets m é t a l l i q u e s et p a r l à - m ê m e leur signification. D e s
m é t h o d e s , des t e c h n i q u e s o n t été élaborées, ensuite enrichies p a r l ' a p p o r t de la
r e c h e r c h e industrielle.
A u j o u r d ' h u i encore, si la c o n s e r v a t i o n - r e s t a u r a t i o n p e r m e t s o u v e n t de r e d o n n e r
u n sens à des objets m é t a l l i q u e s p r o f o n d é m e n t c o r r o d é s , si les n o d u l e s d e v i e n n e n t
ainsi boucles, agrafes o u clefs, b e a u c o u p de q u e s t i o n s r e s t e n t t o u j o u r s sans réponse.
F r u i t de n o t r e p r o p r e expérience et des recherches actuelles, ce c h a p i t r e ne
p r é t e n d n u l l e m e n t à l'exhaustivité pas plus qu'il ne f o u r n i t de recettes idéales.
N o t r e o b j e c t i f est p l u t ô t de p r é s e n t e r u n e d é m a r c h e basée sur la dualité m ê m e
de t o u t o b j e t a r c h é o l o g i q u e , à la fois m a t i è r e , s o u v e n t p r o f o n d é m e n t altérée, et
document.
D a n s ce cad r e , il n o u s a semblé i m p o r t a n t de d é v e l o p p e r la n a t u r e physico-
c h i m i q u e d u m a t é r i a u ainsi q u e les p r i n c i p a u x p h é n o m è n e s e n t r a î n a n t s o n altéra-
tion. P o u r ce faire, il a été nécessaire de s y n t h é t i s e r u n c e r t a i n n o m b r e de p o i n t s ,
en réalité f o r t complexes. C ' e s t p o u r q u o i n o u s p r i o n s le lecteur averti de bien
v o u l o i r excuser les imprécisions, voire les i n e x a c t i t u d e s éventuelles, q u e ce type
d'exposé peut entraîner.
C e t t e d é m a r c h e d e v r a i t p e r m e t t r e u n choix r a i s o n n é des m é t h o d e s de
c o n s e r v a t i o n - r e s t a u r a t i o n à m e t t r e en œ u v r e en f o n c t i o n de la p r o b l é m a t i q u e
archéologique, de l'état de conservation de l'objet et de l'éventail des techniques
existantes.

LE MÉTAL

Connu en Occident depuis plus de quatre millénaires, le métal fait partie de


notre environnement quotidien. Sa reconnaissance est aisée, elle se fonde sur un
ensemble de propriétés physiques et mécaniques rappelées dans le tableau n° 1.
Pourquoi commencer alors l'étude des objets archéologiques métalliques par un
rappel de ces notions ?
Tout d'abord, la spécificité de l'objet métallique est liée à ces propriétés. La
compréhension de sa fabrication, de ses fonctions, de son utilisation dépend donc
étroitement de la connaissance du matériau. D'autre part, à toutes ces propriétés
physiques et mécaniques communes aux métaux purs et aux alliages s'ajoutent les
propriétés chimiques particulières des éléments métalliques souvent moins connues.
Or les mécanismes de corrosion qui conduisent au métal archéologique dépendent
aussi de toutes ces propriétés.
Nous aborderons successivement la liaison métallique associant les atomes, puis
la structure cristalline résultant de l'arrangement des atomes et enfin la structure
métallurgique résultant de la disposition relative des cristaux les uns par rapport
aux autres.

L a liaison métallique

Pour comprendre ce qu'est le métal, il faut tout d'abord distinguer les deux sens
de ce mot : l'un usuel qui concerne les métaux purs et les alliages, l'autre chimique,
plus strict, qui concerne les éléments métalliques.
Distinguer ces deux notions, c'est distinguer un bracelet en cuivre d'un pendentif
en malachite, pierre semi-précieuse d'une belle couleur verte. Distinction aisée ; le
premier est en métal, l'autre pas, dirions-nous. Pourtant à l'origine de ces deux
parures se trouve le même élément métallique, le cuivre.
Rappelons que les éléments sont séparés en éléments métalliques et en éléments
non métalliques ; ceci correspond à des configurations électroniques différentes
auxquelles sont associées des propriétés chimiques particulières (tableau n° 1).
Outre le cuivre, on retrouve parmi les éléments métalliques le fer, l'argent, l'étain,
l'or, le plomb, mais aussi le sodium, le potassium, le calcium, etc. Parmi les éléments
non métalliques sont classés notamment le carbone, l'oxygène, le chlore, etc.
Avant d'aborder la liaison métallique, on rappelle qu'un atome est constitué
d'un noyau (neutrons + protons) autour duquel gravitent des électrons de charge
négative sur des couches correspondant à différents niveaux d'énergie. Les électrons
situés sur la dernière couche sont appelés électrons de valence. Ils sont faiblement
liés au noyau et interviennent dans les liaisons entre les atomes. Leur nombre et
leur situation sur les couches électroniques sont en grande partie responsables des
propriétés chimiques de l'atome.
A ce titre, les atomes des éléments métalliques présentent deux caractères
particuliers :
— la couche externe ne contient qu'un petit nombre d'électrons de valence (de un
à quatre) ;
— cette couche est relativement éloignée du noyau et les électrons sont donc
faiblement liés.
Les atomes métalliques pourront donc céder leurs électrons de valence et se
transformer en ions positifs.
Les atomes métalliques peuvent être liés entre eux, ou avec des atomes non
métalliques, par plusieurs sortes de liaison chimique. De ces liaisons proviennent
principalement les différences observées entre le bracelet en cuivre et le pendentif
en malachite. Dans le bracelet en cuivre, les atomes de cuivre sont liés entre eux
par la liaison métallique. Cette liaison chimique particulière confère au bracelet les
propriétés physiques et mécaniques par lesquelles nous reconnaissons le métal (au
sens usuel) (tableau n° 1).
Les propriétés du métal (au sens usuel incluant métaux purs et alliages) proviennent
d'une liaison chimique particulière entre atomes : la liaison métallique.
Cette liaison métallique peut associer des atomes identiques (obligatoirement
métalliques) ; on parlera alors de métal pur (chimiquement : le corps simple
«métal»). Elle peut également associer des atomes différents ; soit de deux métaux
comme le cuivre et l'étain (bronzes), soit d'un métal et d'un non-métal comme le
fer et le carbone (aciers et fontes). On parlera alors d'alliages métalliques. Les
propriétés des alliages obtenus varient sensiblement suivant la nature et les
proportions des constituants même mineurs (d'une concentration inférieure à 2 %).
Elles diffèrent considérablement de celles des métaux purs notamment en ce qui
concerne les qualités mécaniques ou physiques et la vulnérabilité à la corrosion
(Scott, 1983).
Lorsque plusieurs atomes métalliques sont proches, leurs électrons de valence
respectifs sont soumis aux champs électrostatiques des atomes voisins. Les électrons
de valence ne sont alors plus liés à un atome particulier mais peuvent circuler d'un
atome à l'autre. En raison de la grande mobilité de ces électrons, la liaison
métallique est dite délocalisée par rapport à d'autres types de liaison comme la
liaison ionique. On représente cette liaison métallique par l'image d'un nuage
électronique dans lequel seraient plongés les ions. La cohésion de l'ensemble
des atomes (ions + électrons), globalement neutre, est assurée par les forces
électrostatiques (fig. la). Ce modèle de la liaison métallique permet d'expliquer
certaines propriétés des métaux rappelées ci-dessous.

TABLEAU 1. Propriétés des métaux

- propriétés physiques (des métaux et alliages) :


- sont solides à température ambiante (sauf le mercure),
- sont doués d'un éclat particulier : «l'éclat métallique»,
- possèdent de bonnes conductibilités thermique et électrique,
- sont opaques en faible épaisseur (micron).
- propriétés mécaniques (des métaux et alliages) :
- ont une bonne plasticité,
- offrent une résistance élevée aux sollicitations mécaniques.
- propriétés chimiques (des éléments métalliques) :
- sont électropositifs,
- s'ionisent en cations,
- possèdent au moins un oxyde basique.

La conductibilité électrique provient du fait que le nuage d'électrons peut se déplacer en


direction du pôle positif sous l'action d'une différence de potentiel (Péguin 1970, p. 18). Cette
propriété très importante autorise les processus de corrosion électrochimique (cf. Corrosion).
La conductibilité est limitée par les ions positifs qui sont en vibration autour des nœuds du
réseau cristallin. Cette vibration croît avec l'agitation thermique ; ainsi la conductibilité
diminue lorsque la température augmente. Ceci est la propriété la plus spécifique de la liaison
métallique.
La conductibilité thermique est due aussi à la mobilité du nuage électronique. L'augmenta-
tion de l'agitation des ions par la température est transmise aux électrons qui communiquent
leurs vibrations aux ions situés dans les parties froides propageant ainsi le flux thermique
(Fimtm, 1981, p. 15).
La plasticité provient encore de la mobilité électronique. Les couches atomiques peuvent
glisser les unes par rapport aux autres quelle que soit la direction de la contrainte. Ce
déplacement relatif conduit à une redistribution du nuage électronique assurant les liaisons.
Ceci évite les ruptures entre les atomes (Péguin, 1970, p. 19).
Ces p r o p r i é t é s illustrent les p a r t i c u l a r i t é s d u m é t a l et le différencient des a u t r e s
solides cristallins c o m m e les p r o d u i t s de c o r r o s i o n d o n t les p r o p r i é t é s s o n t issues
e n p a r t i e de la liaison ionique.

FIG. 1. — Les trois niveaux d'organisation du métal (exemple du fer), a) la liaison métallique,
b) la structure cristalline, c) la structure métallographique.
La liaison ionique n'intervient qu'entre métaux et non-métaux : hydroxycarbonate
de cuivre Cu2(0H)2C03 (Malachite), oxyde de fer Fe203 ou chlorure de sodium
NaCl par exemple (tableau n° 3). L'atome électropositif du métal donne un ou
plusieurs électrons à l'atome électronégatif du non-métal. Les forces de liaisons
résultent de l'attraction électrostatique entre ces ions de charges opposées. Le
déplacement relatif des atomes peut ainsi conduire à une situation où des ions de
même signe se retrouvent face à face ; il y a alors répulsion et rupture du cristal.
Cette liaison ne permet donc pas une plasticité du matériau. Dès lors, on peut
comprendre les grandes différences de comportement entre le métal et ses produits
de corrosion.

L a structure cristalline du m é t a l

Nous venons de voir que les électrons des couches externes, très mobiles, se
déplacent parmi les ions métalliques. Ces ions ne sont pas répartis au hasard, ils
sont disposés régulièrement dans l'espace et forment un réseau cristallin (fig. lb).
Le métal possède une structure cristalline.
Les réseaux cristallins rencontrés le plus souvent parmi les métaux purs sont :
— le réseau cubique centré (CC),
— le réseau cubique à faces centrées (CfC),
— le réseau hexagonal compact (HC).
Dans l'exemple du fer qui cristallise dans le réseau cubique centré les atomes
sont disposés aux sommets et au centre d'un cube (fig. 1). Tous les atomes sont
placés suivant cette « maille cristalline » qui se répète dans les trois dimensions.
Ces réseaux cristallins ont une grande importance sur les propriétés des métaux
et des alliages. Ils peuvent avoir une influence sur la plasticité du métal ; par
exemple, le réseau hexagonal compact limite les possibilités de déformation plastique
car les plans de glissement que présente ce réseau sont peu nombreux.
En réalité, cet arrangement des atomes n'est jamais parfait. Il comporte
de nombreux défauts (atomes manquants, atomes supplémentaires, dislocations
formées par l'insertion de rangées d'atomes supplémentaires). Ces défauts ont un
rôle très important dans les mécanismes de déformation du métal.
La structure cristalline d'un métal peut varier suivant la température (transformation
allotropique). Ainsi le réseau cristallin du fer est CC (fer alpha, fig. Ib) sauf dans l'intervalle
de température 910 °C-1400 °C où il est CfC (fer gamma). Cette transformation allotropique
s'accompagne de modifications des propriétés physiques : ainsi le fer gamma n'est pas
magnétique (Fimtm, 1981, p. 17).
De même, la maladie de l'étain qui conduit à une pulvérulence du métal, provient d'une
transformation allotropique de l'étain blanc bêta (tétragonal à faces centrées) en étain gris
alpha (cubique). Possible théoriquement au-dessous de + 13,6 °C, elle ne se produit dans les
faits qu'au-dessous de 0 °C (De Sy, 1968, p. 236).

L a structure métallurgique

Le métal possède cette structure cristalline à l'état solide. Celle-ci se forme soit
lors d'une solidification du métal (coulée), soit lors d'une recristallisation à l'état
solide (recuit) ou lors d'une transformation allotropique (cf. supra).
Lors d'une solidification, la croissance du cristal au sein du métal liquide va
s'effectuer à partir d'un germe (première particule solide formée par l'empilement

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
de quelques atomes, fig. 2a). L'empilement des atomes conduit à une structure
appelée dendrite en raison de l'analogie de sa forme avec celle d'un arbre. Les
germes étant nombreux et leur orientation primitive aléatoire, les directions des
dendrites seront multiples entraînant ainsi une orientation différente des cristaux
les uns par rapport aux autres.

FIG. 2. — La solidification du métal.

Lorsque la solidification est achevée, ces cristaux sont contigus. Ils ont individuel-
lement la forme d'un grain (fig. 2c). On appellera joints de grains, les limites entre
les différents cristaux ou grains du métal (Bensimon, 1970, p. 25 ; Péguin, 1970,
p. 11). Ces joints de grains constituent une zone d'une grande hétérogénéité
(présence d'impuretés, nombreux défauts cristallins, etc.) qui est à l'origine d'une
corrosion particulière, la corrosion intergranulaire.
Le métal est polycristallin, formé d'un agrégat de cristaux ayant chacun une
direction différente (grains). La taille et la forme des grains d'un métal dépendent de
nombreux facteurs parmi lesquels on peut citer :
— la composition du métal ou de l'alliage ;
— les traitements thermo-mécaniques qu'il a subis.
Dans les cas les plus simples (métaux purs ou certains alliages), tous les grains
sont d'une même composition. Il n'y a qu'une seule phase ; le métal est dit
monophasé (cas de la fig. 1). Mais suivant la composition des alliages, il peut y
avoir une ou plusieurs phases, c'est-à-dire plusieurs ensembles de grains ayant des
compositions différentes (Bensimon, 1970, p. 25). L'alliage est alors dit polyphasé,
chaque ensemble de grains de même composition formant une phase distincte.
Les traitements thermiques (réchauffement, trempe, revenu, etc.) ou mécaniques
(martelage, laminage, fig. 2d, etc.) ont une influence sur la structure métallurgique
du métal, c'est-à-dire sur la taille, l'orientation et la forme des grains (Benard et
al., 1984),
L'étude de cette structure par un examen métallographique nous renseigne
parfois sur les méthodes d'élaboration du métal ou de l'objet et sur les traitements
qu'ils ont subis (Salin, 1957, p. 58). La structure métallurgique fait donc partie
intégrante des informations archéologiques.
Afin d'éviter cette perte d'informations, il faut être prudent lors du chauffage éventuel d'un
objet qui risque de modifier cette structure. Il est difficile de donner des indications de
température, la variation de la structure métallurgique dépendant de la composition du métal,
de sa structure d'origine (écrouissage par exemple), de la température atteinte, de la vitesse
de réchauffement et du temps de chauffage. En pratique pour le cuivre et le fer, on ne peut
attendre de changement notable pour de longues durées en dessous de 100 °C environ.

Les principaux métaux purs et alliages


rencontrés en archéologie

En conclusion à ce bref aperçu sur le métal, il nous a semblé intéressant de


présenter une chronologie de l'utilisation des métaux en Europe Occidentale
(tableau n° 2). Hormis ce qui concerne l'emploi des métaux à l'état natif, les dates
se rapportent au début de l'utilisation fréquente des métaux dans la fabrication
d'objets et non à leur seule apparition dans les contextes archéologiques qui est
parfois indiquée entre parenthèses.
L'apparition d'un métal n'a pas historiquement le même sens que son utilisation
fréquente ou sa production. Celles-ci peuvent s'accompagner de modifications
économiques ou sociales comme dans le cas du fer qui apparaît au Premier Age
du Fer mais dont l'emploi ne se généralise qu'au Second Age du Fer.
Les notions de métal pur et d'alliage n'ont pas toujours la même signification
historique. La production volontaire de métaux purs (par affinage) n'intervient
que tard dans l'histoire de la métallurgie (Maréchal, 1983, p. 28). De même, des
alliages peuvent provenir de la composition du minerai ou du procédé d'élaboration
du métal. Même reconnus et recherchés, ils ne reflètent pas la même connaissance
que les alliages intentionnels.
Ces derniers peuvent également être produits industriellement alors que les
connaissances théoriques restent très approximatives ; c'est le cas de l'acier,
considéré jusqu'au XVIIIe siècle comme plus pur que le fer (France-Lanord, 1983).
Enfin, la production intentionnelle d'un alliage n'implique pas obligatoirement la
production distincte des métaux constitutifs. Les alliages peuvent être obtenus à
partir d'un mélange des minerais ou par des traitements particuliers comme la
cémentation (pour les laitons par exemple).
Dans ce tableau, nous avons retenu la notion d'alliage intentionnel, la notion
de métal pur incluant les métaux purs et les alliages involontaires.

TABLEAU 2. Principaux métaux purs et alliages

(Dates approximatives du début de leur utilisation fréquente dans la fabrication d'objets en


Europe Occidentale, voir à ce sujet : Daumas, 1962 ; Tylecote, 1962, 1984, 1987 ; Forbes,
1966, 1971, 1972; Eluère, 1982; France-Lanord, 1983; Maréchal, 1983)
Utilisation des métaux à l'état natif :
— or (métal pur) et électrum (alliage naturel d'or et d'argent) : Néolithique final,
— cuivre natif (métal pur) : début du Ille millénaire Av. J.C.
Métallurgie d'élaboration :
— cuivre (métal pur) : fin du IIIe millénaire Av. J.C.,
— alliage cuivre-arsenic : xixe siècle Av. J.C.,
— bronze (alliage à base de cuivre et d'étain) : xvie siècle Av. J.C.,
— bronze au plomb (alliage cuivre-étain-plomb puis cuivre-plomb) : XIIe siècle Av. J.C.,
— laitons (alliage à base de cuivre et de zinc) : Ier siècle Av. J.C., (cuivre-zinc-plomb) :
IIe siècle Ap. J.C.,
— argent (métal pur) : IVe-me siècle Av. J.C. (apparition au XIIe siècle Av. J.C.),
— fer (métal pur) et acier (alliage-fer-carbone) : ve siècle Av. J.C. (apparition au vme siècle
Av. J.C.),
— plomb (métal pur) : IIe siècle Av J.C.,
— étain (métal pur) : iie-me siècle Ap. J.C. (apparition au xve siècle Av. J.C.),
— fonte (alliage fer-carbone plus riche en carbone) : xive siècle Ap. J.C.,
— zinc (métal pur) : xvme siècle Ap. J.C. (importation au XVIIe siècle Ap. J.C.),
— antimoine : apparition au xvin" siècle Ap. J.C.,
— platine (métal pur) : début xixe siècle Ap. J.C.,
— aluminium (métal pur) : fin xixe siècle Ap. J.C.

LA C O R R O S I O N

Corrosion, couches d'oxydes, produits de corrosion, minéralisation à cœur...


autant de mots souvent prononcés lorsqu'il s'agit d'étudier ou de conserver un
objet métallique archéologique.
Mots souvent employés pour évoquer la transformation de la matière, ô combien
visible au moment de l'exhumation de l'objet, alors que les processus qui ont
conduit à cette transformation restent souvent mal connus (Richey, 1982). Il faut
cependant admettre que la compréhension de la corrosion et des nombreux
phénomènes qu'elle met en jeu, certes de nature souvent complexe, se révèle
incontournable lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre des traitements de conservation :
nettoyage et stabilisation.

L a vie de l'objet métallique

Avant de détailler ces processus, reportons-nous à la figure 3 qui tente de résumer


la vie d'un objet métallique.
Issu du minerai (mélange de composés métalliques), le métal est obtenu
par différentes opérations de métallurgie (Hodges, 1981 ; Fluzin, 1983). La
transformation du minerai en métal est une réaction chimique qui nécessite un
apport d'énergie important, le plus souvent sous forme de chaleur. Dès son
élaboration, le métal se corrode. Après sa fabrication, l'objet subit l'action du
milieu atmosphérique, sans oublier les altérations dues à son usage.
L'action du milieu atmosphérique aboutit à la formation de produits de corrosion
(carbonates de cuivre, oxydes de fer, sulfures d'argent par exemple) comparables
aux composants du minerai, à l'interface entre le métal et l'environnement.
En effet, le métal, obtenu artificiellement, est instable dans la majorité des milieux
naturels. Cette instabilité varie selon le métal et le milieu. Ainsi l'or (présent à l'état
natif et ne nécessitant pas de traitement chimique métallurgique) est stable dans
les milieux naturels. En revanche, le fer se révèle instable dans presque tous les
FIG. 3. — Le cycle de l'objet métallique.

milieux naturels. Quant aux autres métaux archéologiques, leur stabilité est très
variable selon les milieux.
La corrosion est l'ensemble des processus physico-chimiques qui s'établissent entre
le métal et le milieu à partir de la surface du métal, et qui provoquent le retour du
métal à un état minéral, proche de celui du minerai, thermodynamiquement plus
stable. La corrosion est un phénomène spontané et irréversible.
L'altération à l'atmosphère demeure le plus souvent limitée. C'est surtout après
l'abandon de l'objet dans un milieu terrestre ou marin que les processus de
corrosion vont conduire à une transformation du métal en profondeur. Suivant
l'instabilité du métal dans le milieu, dont rendent compte les données thermodynami-
ques, les processus de corrosion devraient conduire à la minéralisation totale du
métal. Deux cas seraient alors envisageables : le métal disparaît dans le milieu, par
dissolution et par dispersion, on ne retrouve alors pas d'objet, ou le métal se
transforme totalement en produits de corrosion ; si ceux-ci conservent leur cohésion,
l'objet est alors discernable au moment de la fouille.
Pourquoi dans ces conditions ne retrouve-t-on pas seulement des tôles d'or, mais
aussi des parures en fer ?
En réalité, la corrosion n'est pas contrôlée uniquement par les données thermody-
namiques. La vitesse des réactions chimiques intervenant à l'interface métal/milieu
contrôle aussi la transformation du métal. La cinétique de la corrosion influe de
façon déterminante sur l'altération de l'objet. Lorsque la vitesse de la corrosion
diminue jusqu'à devenir pratiquement nulle, il s'établit un équilibre entre le métal
et son milieu. Un troisième cas est alors envisageable : le métal n'est que
partiellement transformé en produits de corrosion, c'est le cas le plus fréquent. Si
la nature du milieu se modifie, l'équilibre est rompu et la corrosion peut reprendre.
Cette rupture peut être créée par l'exhumation de l'objet par exemple.
Tentons maintenant d'expliciter pourquoi et comment un métal se corrode en
considérant les caractéristiques du milieu et du métal. Dans cette partie sur la
corrosion des métaux archéologiques, nous parlerons des processus de corrosion
humide, en présence d'eau, cas le plus fréquent dans les sols des régions tempérées,
et non des processus de corrosion sèche, seulement en présence de gaz.
Les milieux d'abandon

Tout milieu d'abandon (terrestre, marin, lacustre) est hétérogène en raison de


l'activité qui y est présente (courant, infiltration, activité tectonique, activité
biologique, etc.). Nous mentionnerons ici les principaux facteurs présents dans les
différents milieux et qui influent sur les processus de corrosion.
Espèces chimiques
L'eau permet le transport par diffusion de nombreuses substances dissoutes (sels,
gaz) ou en suspension.
Les sels dissous (ions simples ou ions complexes) influent sur les réactions de
corrosion par leur nature chimique (carbonates, sulfures, chlorures, silicates, etc.)
et par leur concentration.
Les gaz, dissous ou non, participent aussi aux processus de corrosion, principale-
ment l'oxygène mais aussi l'hydrogène, le dioxyde de carbone, les gaz issus de la
décomposition des matières organiques.
Eau, sels dissous et gaz vont réagir avec le métal pour former les produits de
corrosion. La nature et la concentration des sels et gaz dissous déterminent
également le pH du milieu. Le pH du milieu est un facteur important car il influe
sur la formation des produits de corrosion et sur leur solubilité.
Nature physique du milieu
Parallèlement à ces facteurs communs aux principaux milieux d'abandon, il faut
souligner, dans le cas des objets enfouis, l'importance de certaines caractéristiques
pédologiques dont la porosité, déterminée par la taille des particules, qui joue un
rôle important dans les processus de corrosion puisqu'elle détermine la circulation
de l'eau et des gaz. La porosité a aussi une action directe sur l'évolution cinétique
de la corrosion puisqu'elle influe sur la migration des ions.
De même, la circulation de l'eau transportant des particules abrasives comme le
sable peut provoquer une érosion à la surface du métal modifiant ainsi les processus
de corrosion (milieux marin et lacustre).
Bactéries
Certaines bactéries anaérobies peuvent avoir une action sur les processus de
corrosion du métal dans les milieux pauvres en oxygène (milieux enfouis gorgés
d'eau, sédiments, etc.) (Shreir, 1977 ; Selberg-Daldorff, 1987).
Si la notion de milieu est fondamentale dans la compréhension des processus de
corrosion, elle se révèle également très complexe. En effet, la description globale
du milieu d'abandon de l'objet ne reflète aucunement son hétérogénéité. L'objet
est en réalité en contact avec de multiples « micro-environnements ».

Le métal

Comme nous l'avons vu précédemment, le métal est constitué d'un réseau


cristallin d'ions chargés positivement (cations) au sein duquel circule un nuage
d'électrons ; ce sont ces électrons qui assurent la conductibilité électrique du métal.
Lorsqu'un métal est en contact avec une solution, ses cations situés près de la
surface tendent à quitter le réseau cristallin pour passer en solution.
Des cations étant passés en solution, le métal possède un excès d'électrons près
de sa surface (Besson, 1979, p. 53). Il y a accumulation de charges de part et
d'autre, l'ensemble métal et cations restant globalement neutre. Cette dissolution
du métal se poursuit jusqu'à ce que s'établisse un équilibre dynamique entre le
métal et les cations dont rend compte la réaction suivante :
M -> Mn+ + n e -

« M » étant un atome métallique et « n » le nombre de charges de l'ion considéré.


Les forces électrostatiques s'exerçant alors entre le métal (chargé —) et les cations
(chargés + ) obligent ceux-ci à rester à proximité du métal. Le système formé par
la surface du métal et cette couche de cations est appelé la double couche électronique
(Besson, 1979, p. 53). Plus ces forces électrostatiques sont faibles, plus le métal
aura tendance à se dissoudre, plus il sera instable.

FIG. 4. — La double couche électronique.

On peut rendre compte de l'importance de ces forces électrostatiques par une


différence de potentiel électrique existant entre le métal et la solution contenant les
cations (couple M / M n + ).

Cette différence de potentiel (potentiel standard) est une donnée thermodynami-


que caractéristique d'un métal dans un certain milieu. Ainsi dans l'eau pure par
exemple, on classe les métaux suivant cette différence de potentiel (noblesse
thermodynamique) (Evans, 1960) :
Au/Au+ + + : + 1,500 Volts
Ag/Ag+ : + 0,799 V
Cu/Cu++ : + 0,337 V
H,/H + : 0 V (par définition)
Pb/Pb++ : -0,126V
Sn/Sn++ : -0,136V
Fe/Fe++ : - 0,440 V
Zn/Zn++ : - 0,763 V
Les ions des métaux dont les potentiels sont les plus électronégatifs (Pb, Sn, Fe,
Zn) ont tendance à passer facilement en solution ; ces métaux seront les plus
facilement attaqués. Les ions des métaux dont les potentiels sont les plus
électropositifs ont peu tendance à passer en solution ; ces métaux seront les plus
difficilement attaqués.
Cette différence de potentiel, appelée tension absolue d'électrode, n'est pas mesurable en
pratique, car il n'est pas possible de mesurer une différence de potentiel entre un métal et
une solution mais seulement entre deux métaux. On la mesure donc en valeur relative par
rapport à une électrode à hydrogène dont la tension absolue d'électrode est fixée arbitrairement
à zéro dans des conditions déterminées (Pourbaix, 1975).
Cette notion de potentiel électrochimique est fondamentale du point de vue de
la compréhension des phénomènes de corrosion et de certains types de traitements
chimiques et électrochimiques.
De nombreuses caractéristiques du métal influent sur le potentiel :
— la composition (métal pur, alliages, inclusions) ;
— les hétérogénéités macroscopiques (rugosité de surface, décor, etc.), microscopiques
(inclusions, porosité, etc.) ou atomiques (défauts, dislocations).
Certaines de ces caractéristiques peuvent être induites par des traitements thermomé-
caniques (trempe, recuit, etc.) ou des modifications intervenues durant la période
d'utilisation (contraintes, fractures, chauffage intensif, etc.).
Les hétérogénéités du métal et du milieu créent des zones de potentiels différents
à la surface du métal. Les différences de potentiel créent des zones anodiques et
cathodiques et engendrent donc l'apparition d'un courant électrique. Elles entraînent
des réactions chimiques d'oxydo-réduction à la surface du métal. Ces mécanismes
de corrosion fonctionnent à l'égal d'une pile ; le ou les métaux jouant le rôle
d'électrodes (anode ou cathode), le milieu constituant l'électrolyte.
Dans le cas du cuivre par exemple, dans certaines zones dites anodiques, le métal
s'oxyde et les ions peuvent être dissous dans l'électrolyte suivant la réaction :
2 Cu -> 2 Cu + + 2 e-

Dans d'autres zones, dites cathodiques, se produit la réduction de l'oxygène


dissous dans l'eau :
1/2 02 + H20 + 2 e 2 OH"
La production d'électrons e - dans les zones anodiques (oxydation) et la
consommation d ' e ' dans les zones cathodiques (réduction) provoque un mouve-
ment de charges électriques au sein du métal et hors du métal (fig. 7).
Dans le métal, des électrons (charges —) vont donc se déplacer des zones
anodiques vers les zones cathodiques grâce à la conductibilité du métal. De même,
des charges sont transportées par des ions (anions ou cations) hors du métal, soit
dans le milieu, soit plus tard au sein des produits de corrosion.
Pour respecter la neutralité électrique, ces mouvements de charges s'effectuent
simultanément. Les réactions chimiques anodiques et cathodiques se produisent
donc aussi simultanément. Si l'une de ces demi-réactions est stoppée ou simplement
ralentie, l'autre demi-réaction sera également stoppée ou ralentie. La mobilité des
électrons ou des ions aura donc une influence importante sur la cinétique de la
corrosion.
Selon le potentiel du métal, le pH du milieu et les espèces chimiques présentes,
de nombreuses réactions sont susceptibles de se produire. Chaque réaction se
produisant à un potentiel particulier, suivant les données thermodynamiques, ce
sont donc les potentiels pris par le métal dans les zones anodiques et cathodiques
qui permettront la réalisation de telle ou telle réaction. Il peut alors y avoir
immunité du métal (pas de corrosion), corrosion ou passivation (cf. infra). Pourbaix
a présenté graphiquement ces situations dans les diagrammes potentiel-pH des
équilibres électrochimiques (Pourbaix, 1963) (fig. 5).
Dans l'exemple du cuivre, la réaction globale est :
2 Cu + 1/2 02 + H20 , 2 Cu+ + 2 O H
A partir de cette réaction initiale liée aux données thermodynamiques, les cations
Cu + vont réagir avec les espèces chimiques présentes dans le milieu ; la poursuite
de la corrosion et sa cinétique dépendent de ces prochaines réactions.
FIG. 5. — Diagrammes potentiel/pH des métaux archéologiques.

L a corrosion uniforme

Lorsque les zones anodiques et cathodiques sont très proches, les cations Cu +
réagissent avec les anions O H - pour former l'oxyde de cuivre CU20 (cuprite) :
2 Cu+ + 2 O H " -> CU20 + H20

Dans un tout premier stade, la couche d'oxydes formée à l'interface métal/milieu


est discontinue ; l'oxydation s'étend à partir de germes d'oxydation jusqu'à recouvrir
entièrement la surface. C'est la corrosion uniforme, elle se caractérise par une couche
de produits de corrosion d'épaisseur régulière (fig. 6a). En réalité, ce type de corrosion
n'est jamais totalement uniforme mais l'interface métal/oxyde présente de légères
ondulations (Shreir, 1977, p. 131). La corrosion uniforme se rencontre fréquemment
sur l'argent, le plomb ou les alliages cuivreux, et très rarement avec le fer. La
« patine » des bronzes (Mourey, 1987, p. 57) en est un bon exemple.

FIG. 6. — Différents types physiques de corrosion, a) uniforme, b) localisée (cratères),


c) généralisée, d) intergranulaire.

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
La corrosion se poursuit sous les produits de corrosion, soit par diffusion des
cations, soit par diffusion des anions (Shreir, 1977, p. 243). Dans le cas de la
diffusion cationique, le flux des ions (Cu+) et des électrons s'effectue à travers la
couche d'oxyde vers l'extérieur. A la surface de l'oxyde, les ions Cu+ peuvent
participer soit directement à la formation d'oxyde, soit indirectement à la formation
d'hydroxycarbonates (malachite, azurite) ou d'hydroxysulfates (brochantite) par
l'intermédiaire de l'ion Cu2+.

2 Cu+ -> 2 Cu2+ + 2 e - et 1/2 02 + H20 + 2 e - ->• 2 O H ' ,


puis 2 Cu2+ + C03z- + 2 O H - -> Cu2 (OH)2 C03 (Malachite).
Dans le cas de la diffusion anionique, le phénomène est inverse : les anions issus
du milieu diffusent vers l'intérieur. L'oxyde est alors formé à l'interface métal/oxyde
(cas du fer par exemple).
Certaines couches de produits de corrosion peuvent former une barrière entre
le métal sous-jacent et les espèces réactives du milieu. La vitesse de la corrosion
est alors ralentie : il y a passivation. La couche de produits de corrosion est alors
de faible épaisseur (quelques microns).
Dans ce cas, les produits de corrosion doivent présenter les caractéristiques
suivantes :
— être très peu solubles ;
— être peu poreux pour limiter les échanges ;
— avoir une densité légèrement inférieure à celle du métal d'origine ;
— adhérer fortement à la surface du métal ;
— avoir une basse conductivité ionique.
Les produits de corrosion pouvant être passivants sont par exemple les carbonates
et les oxydes de cuivre, les oxydes de fer, les sulfures d'argent, les carbonates de
plomb. Dans tous les cas, les conditions de formation de ces produits de corrosion
déterminent aussi leur caractère protecteur.
Une couche de corrosion uniforme n'est donc pas obligatoirement passivante
notamment lorsque les produits de corrosion sont poreux. Il est important de noter
que certains points de la surface d'un objet peuvent être passivés et d'autres non
(photo 1).

PHOTO 1. — P l u s i e u r s t y p e s de c o r r o s i o n s u r le m ê m e o b j e t en alliage c u i v r e u x . ( B o u c l e
(18.838.2), é p o q u e c a r o l i n g i e n n e . Ville d e S a i n t - D e n i s , U n i t é d ' A r c h é o l o g i e . P h o t o R.
Bertholon.)
Plusieurs facteurs peuvent entraîner la rupture de la couche passivante : la
dissolution chimique des produits de corrosion suite à un changement du milieu,
l'érosion de la couche par les eaux courantes ou sa rupture mécanique sous l'effet
de contraintes internes.
En effet, la formation de produits de corrosion d'une densité inférieure engendre des
contraintes mécaniques au sein des couches de corrosion. Selon la nature du processus de
formation (anionique ou cationique), ces contraintes s'exerceront soit à la surface de l'oxyde,
soit à la surface du métal et peuvent provoquer l'apparition de fissures dans la couche
passivante (Shreir, 1977, p. 245).
Si la formation d'une couche passivante provoque une diminution de la vitesse
de diffusion des espèces réactives et des produits de la réaction, la rupture de cette
couche peut entraîner une corrosion localisée intense.

L a corrosion localisée

La corrosion localisée se caractérise par la présence de zones corrodées préférentiel-


lement (cratères, piqûres, etc.) (fig. 6b) (photo 2).

PHOTO 2. — C o r r o s i o n localisée s u r u n o b j e t en p l o m b . ( P l a q u e de p l o m b (11.218.397),


milieu d u xive siècle. Ville de S a i n t - D e n i s , U n i t é d ' A r c h é o l o g i e . P h o t o R. B e r t h o l o n . )

Certaines hétérogénéités du métal ou du milieu peuvent également empêcher la


formation d'une couche de corrosion régulière.
Parmi les hétérogénéités du métal, on peut citer : la présence de différentes phases
ou de nodules d'un métal différent, des différences de structure métallurgique issues
des traitements mécaniques (forgeage) ou thermiques (trempe) (Marchesini, Badan,
1981, p. 198). Pour les alliages cuivreux par exemple, les zones les plus martelées
se comportent comme des zones anodiques, ainsi la liaison entre le fond et la panse
des récipients est souvent sévèrement corrodée.
La géométrie de l'objet aura aussi une influence (effet de pointe) ainsi que
les contraintes mécaniques au sein du métal (corrosion par piqûres, corrosion
transcristalline).
Enfin, il reste à mentionner les hétérogénéités provoquées par la corrosion
elle-même. Les produits de corrosion formés se comportent comme une cathode
vis-à-vis du métal sous-jacent (Hamilton, 1976, p. 10).
Parmi les hétérogénéités induites par le milieu, on distingue notamment les
variations de la concentration en sels et l'aération différentielle. Dans ce dernier
cas, les zones du métal en contact avec un milieu riche en oxygène dissous sont le
siège des réactions cathodiques dont la réduction de l'oxygène (cf. supra). Là où
le milieu est pauvre en oxygène dissous, se produisent les réactions anodiques de
dissolution du métal.
Dans les zones anodiques, la dissolution du métal entraîne une acidification
locale et conduit à la formation d'un cratère par consommation du métal. Sous
l'influence du courant électrique, les cations se déplacent vers les zones cathodiques
situées au bord du cratère. Dans ces zones, le pH est basique en raison de la
réduction de l'oxygène en ions hydroxyles ( O H - ) (cf. supra). Les cations vont
réagir avec les anions présents dans le milieu ou issus des réactions cathodiques et
forment ainsi les produits de corrosion sur les bords du cratère. Progressivement,
les produits de corrosion vont former une croûte au-dessus des cratères. Ces
produits de corrosion n'isolent généralement pas le métal du milieu, la corrosion
peut se poursuivre. Ce type de corrosion se rencontre avec le plomb, l'étain, les
alliages cuivreux, le fer et rarement avec l'argent (photo 2).
Au cours des processus de corrosion, la réalisation des réactions chimiques
entraîne une diminution de la différence de potentiel entre les zones cathodiques
et anodiques, réduisant par là-même l'intensité du courant responsable de la
corrosion : la pile se polarise.
On parle de polarisation cathodique lorsque le mouvement des électrons et des ions
est contrôlé par les réactions cathodiques et de polarisation anodique dans le cas
inverse.
Cette polarisation est due à une diffusion plus lente des ions et des électrons
participant à l'une ou aux deux demi-réactions. Les réactions cathodiques et
anodiques se poursuivent à une moindre intensité.
Ce ralentissement peut être dû à l'accumulation des produits de corrosion sur
les zones cathodiques ou anodiques (repassivation). Il peut également être provoqué
par des dégagements gazeux sur ces zones.
Dans le cas du fer en milieu anaérobie, il y a réduction cathodique des ions H +
en hydrogène et dissolution anodique du fer. La polarisation est provoquée par la
présence de l'hydrogène (Marchesini, Badan, 1981, p. 197). Dans la corrosion
bactérienne, on parle de l'action dépolarisante des bactéries anaérobies (Shreir,
1977, p. 279). En effet, là où la destruction des matériaux organiques crée des
milieux anaérobies localisés, ces bactéries utilisent l'hydrogène, produit par la
réaction cathodique de corrosion du fer, pour réduire les sulfates en sulfures. Cette
consommation d'hydrogène dépolarise la cathode et permet la poursuite de la
corrosion. A titre d'exemple, environ 60 % de la corrosion du fer dans l'eau de
mer peut être attribuée à l'action bactérienne (Hamilton, 1976).
Cette corrosion localisée peut s'étendre à toute la surface de l'objet ; on parlera
alors de corrosion localisée étendue ou corrosion généralisée (fig. 6c). Ce type de
corrosion se rencontre fréquemment sur les objets en fer, parfois sur ceux en
alliages cuivreux ou en plomb (photo 4).

Autres phénomènes de corrosion


Le contact entre deux objets de métal diffèrent ou la présence, au sein d'un
même objet, de deux ou plusieurs métaux conduit à la formation d'une pile entre
ceux-ci (Halmiton, 1976, p. 9 ; North, 1987, p. 76). C'est la corrosion galvanique ou
bimétallisme. Le cas des plaques-boucles en fer damasquiné d'argent en est un bon
exemple ; le métal noble incrusté accroît la corrosion du fer sous-jacent.
Dans le cas des alliages, la présence d'atomes d'un autre métal peut conduire à
une corrosion sélective, caractérisée par le fait que l'un des constituants de l'alliage
se dissout préférentiellement (dézincification des laitons, corrosion sélective du
cuivre dans les bronzes) (Bensimon, 1970 ; Weisser, 1975).
On mentionnera également l'influence des variations de composition au sein des
alliages d'une part entre les dendrites (corrosion interdendritique), d'autre part aux
joints des grains (corrosion intergranulaire ou intercristalline) (fig. 6d) (Stambolov,
1985, p. 38). Dans ce dernier cas, la corrosion n'est pas toujours visible. En effet,
la forme et l'état de la surface ne sont parfois pas modifiés alors que le métal peut
être devenu cassant comme du verre (cas de certains objets en argent : Werner,
1965).

Les processus de corrosion active

Une part très importante des processus de corrosion localisée est entretenue par
la présence d'anions CI- dans le milieu. Les chlorures, anions très mobiles, sont
attirés vers les zones anodiques, dans les cratères où se produit la dissolution du
métal (fig. 7).

FIG. 7. — La corrosion active du cuivre.

Dans le cas du cuivre, à partir d'une certaine concentration, ces anions réagissent
avec les ions Cu + libérés par l'oxydation du métal pour former le chlorure cuivreux
CuCI au sein du cratère de corrosion :
Cu° -» Cu + + e-
et Cu+ + CI- -► CuCI
Le chlorure cuivreux est instable et se décompose sous l'action de l'humidité
pour former un oxyde cuivreux, la cuprite, et libérer de l'acide chlorhydrique qui
attaque à nouveau le métal sous-jacent :
CuCI + 1/2 H20 -> 1/2 CU20 + H+ + CI-
puis Cu+ + CI- ---> CuCI
la réaction précédente peut se produire à nouveau.
Ce cycle peut se poursuivre jusqu'à la minéralisation totale du métal. Ce
mécanisme cyclique de corrosion (corrosion active), en réalité beaucoup plus
complexe, est développé dans l'article de L. Robbiola auquel nous renvoyons le
lecteur (Robbiola, 1987).
Pour savoir si l'on est en présence d'un tel processus de corrosion cyclique sur
un objet en alliage cuivreux, on peut effectuer un test de corrosion active en plaçant
l'objet pendant environ 48 h dans une chambre humide (enceinte où l'humidité
relative est proche de 100 %). Ce test consiste en fait en une corrosion accélérée
et ne doit pas être systématiquement pratiqué notamment sur des objets très fissurés
ou comportant un décor qui risquerait d'être dégradé. On provoque alors la
réaction suivante :

2 CuCI + 2 H20 + 1/2 02 ' CU2(OH)3CI + H+ + CI- (Robbiola, 1987).


Lorsque le chlorure cuivreux CuCl est en contact avec l'oxygène (par fissuration
des produits de corrosion par exemple), on peut observer la formation du chlorure
basique de cuivre CU2(OH)3CI (atacamite) par l'apparition de massifs de produits
de corrosion vert-clair pulvérulents (photo 3). La fiabilité de ce test dépend aussi
d'autres facteurs. Si les couches de corrosion sont épaisses et compactes, ni
interrompues ni fissurées, cette réaction peut ne pas se produire en raison de la
courte durée du test ou, si elle se produit sous les couches de corrosion, ne pas se
manifester de manière visible à la surface des produits de corrosion. C'est la raison
pour laquelle un résultat négatif de ce test doit être considéré avec la plus grande
prudence.

PHOTO 3. — C o r r o s i o n active d e s alliages c u i v r e u x : a p p a r i t i o n de c h l o r u r e s vert-clair


p u l v é r u l e n t s . ( M i r o i r g a l l o - r o m a i n . M u s é e Vivenel. P h o t o R. B e r t h o l o n . )

Dans le cas des métaux ferreux, les ions Fe2+ réagissent également avec les
chlorures pour former des chlorures ferreux :
Fe2+ + 2 CI- -> FeCl2
Ce chlorure ferreux est lui aussi instable et s'oxyde en présence d'oxygène
en chlorure ferrique (FeCh) et oxyde ferrique. Chlorures ferreux et ferriques
s'hydrolysent en présence d'oxygène et d'humidité pour former des oxydes ou des
hydroxydes ferriques et de l'acide chlorhydrique.
4 FeCl2 + 4 H20 + O2 -> 2 Fe203 + 8 HCI
4 FeC12 + 7 H20 + 02 , 2 Fe203 . 3H20 + 8 HCI
2 FeCl3 + 3 H20 Fe203 + 6 HCI
4 FeCl3 + 9 H20 -> 2 Fe203 . 3H20 + 12 HCI
L'acide, à son tour, attaque le métal sain en chlorures ferreux et en hydrogène.
La corrosion cyclique peut alors se poursuivre (Hamilton, 1976, p. 13) :
Fe° + 2 HCI -+ FeCl2 + H2
4 Fe° + 3 02 + ' 12 HCI -+ 4 FeC13 + 6 H20.
Cette corrosion beaucoup plus complexe en réalité, initiée sous forme de cratères,
peut s'étendre à toute l'épaisseur du métal provoquant des soulèvements et des
fissures et entraînant aussi d'importants déplacements de la surface originelle (cf.
infra).
On peut dans certains cas reconnaître la présence de corrosion active sur des
objets en métal ferreux notamment par la présence de fissures récentes (non
comblées, aux bords francs) conduisant à un éclatement de l'objet, de gouttelettes
brunes perlant à la surface, ou par la présence de produits de corrosion bruns au
fond des cratères de corrosion (photo 4).

PHOTO 4. — C o r r o s i o n active des m é t a u x f e r r e u x : a p p a r i t i o n de g o u t t e l e t t e s b r u n e s e t de


fissures. ( E p é e , S e c o n d A g e d u Fer. G o u r n a y s u r A r o n d e , M u s é e Vivenel. P h o t o R. B e r t h o l o n . )

Pour les alliages à base de plomb, la corrosion active n'est pas due à la présence
de chlorures (les chlorures de plomb sont difficilement solubles). Le cycle de
corrosion est entretenu par la présence de sels d'acides organiques (acétates ou
formiates de plomb), (Organ, 1977 ; Turgoose, 1985a). Elle se reconnaît à la
présence de massifs de corrosion blancs pulvérulents ou à la pulvérulence du plomb
lui-même (photo 5).
En conclusion, rappelons qu'il est important de considérer non seulement les
processus d'amorçage de la corrosion entre le métal et le milieu, mais également
les processus qui déterminent la poursuite de la corrosion, induits en partie par les
produits de corrosion eux-mêmes.
PHOTO 5. — Corrosion active du plomb : appari-
tion de produits de corrosion blancs pulvérulents.
(Poids cylindrique en plomb (21.185.2), Bas
Moyen-Age. Ville de Saint-Denis, Unité d'Archéo-
logie. Photo R. Bertholon.)

TABLEAU 3. Nomenclature des principaux produits de corrosion rencontrés sur les métaux
archéologiques

Certains composés existent sous plusieurs variétés cristallographiques comme par exemple
l'hydroxyde de fer. On pourra se reporter utilement aux ouvrages suivants : Weast, 1980 ;
Turgoose, 1985; North, 1987.

Nomenclatureschimiqueem
t inéralogique „ . Couleurouaspect
.. „ . , , . Formule

Argent :
Oxyde Ag20 noir/brun
Chlorures,
Cérargyrite AgCl blanc gris
Embolite AgCl/AgBr
Sulfure,
Argentite, Acanthite Ag2S noir
auxquels s'ajoutent des produits de corrosion du cuivre souvent présent dans les alliages à
base d'argent.
Cuivre :
Hydroxycarbonates,
Azurite Cu3(0H)2(C03)2 bleu
Malachite Cu2(0H)2C03 vert sombre
Oxyde cuivreux,
Cuprite CU20 rouge
Oxyde cuivrique,
Ténorite CuO gris à noir
Chlorure cuivreux,
Nantokite CuCI blanc cireux
Chlorure cuivrique hydraté CUC12.2H20 bleu clair
Chlorure cuivrique basique,
Atacamite et Paratacamite CU2(OH)3Cl vert clair
Sulfures,
Chalcosite CU2S noir
Covellite CuS bleu-noir
Nomenclatures Formule Couleur
chimique et minéralogique ou aspect

Sulfates,
Hydrocyanite CUS04 vert
Hydroxysulfates,
Antlérite Cu3(S04)(0H)4 vert
Brochantite Cu(S04) . 3 Cu(OH)2 vert
Silicates,
Chrysocolle CuSi03 . 2 H20 bleu-vert

Etain :

Oxyde stannique,
Cassitérite SnO? blanc
Oxyde stanneux,
Romarchite SnO noir
Oxyde stanneux hydraté,
Hydromarchite SnO . 2 H20 blanc à brun-jaune
Chlorure stanneux SnCl2 blanc

Fer :

Hydroxyde ferreux Fe(OH)2 vert pâle


Hydroxyde ferrique Fe(OH)3 rouge-brun
Hydroxydes, FeO(OH) brun
Limonite, Goethite,
Lépidocrocite, Akaganéite
Oxyde,
Wuestite FeO noir
Oxydes ferro-ferreux,
Magnétite Fe304 ou FeO . Fe203 noir
Magnétite hydratée 2 Fe304 . H20 vert
Oxyde ferrique,
Hématite Fe203 rouge-brun
Oxyde hydraté 2 Fe203 . 3 H20
Chlorures ferreux, FeCl2 gris-jaune
Lawrencite FeCl2 . 2 H20
Chlorures ferriques, FeCl3 brun-noir
Molysite FeCl3 . x H20
Oxychlorure (présence controversée) FeOCI brun
Sulfure,
Troilite FeS noir
Sulfures,
Pyrite, Marcassite FeS2 jaune, éclat brillant
Carbonate,
Sidérite FeC03 gris
Sulfates,
Rozénite FeS04 . 4 H20 gris
Mélantérite FeS04 . 7 H20 bleu-gris
Phosphate,
Vivianite Fe3(P04)2 . 8 H20 bleu-vert
Silicates,
Gruenérite FeSi03 gris-vert
Fayalite FeSi04
Nomenclatures
. . . . . . . r. , Couleur
chimique et minéralogique formule ou aspect

Plomb :
Monoxyde,
Litharge/Massicot PbO jaune/rouge
Dioxyde,
Plattnérite Pb02 brun
Carbonate,
Cérussite PbC03 blanc
Carbonate basique,
Hydrocérussite 2 PbC03 . Pb(OH)2 blanc
Chlorure,
Cotunite PbCh blanc
Phosgénite PbC03 . PbCh
Sulfure,
Galène PbS noir
Sulfate,
Anglésite PbS04 blanc

Matière et document, l'objet métallique archéologique constitue à plus d'un titre


un ensemble très complexe :
— une matière, le métal archéologique, constituée de métal et de produits de
corrosion qui sont de natures physico-chimiques très différentes et qui auront donc
des comportements et des réactions propres ;
— un document archéologique où l'information peut être masquée par les produits
de corrosion.

LE MÉTAL A R C H É O L O G I Q U E

Au moment de la fouille, nous nous trouvons en présence d'objets archéologiques


métalliques. L'expression « objets métalliques » est souvent flatteuse, car seul un
œil averti identifiera ces amas informes dont la couleur orangée ou verdâtre se
détache difficilement de la terre brune qui les entoure.
En fait, durant leur « vie historique », les objets se sont déjà transformés. L'usure
et les réparations par exemple sont autant de modifications qui ont affecté leur
état, mais aussi augmenté leur potentiel d'information.
A partir de leur découverte, commence leur « survie archéologique ». Ils sont
chargés de fonctions supplémentaires, totalement nouvelles, et deviennent, entre
autres, données scientifiques. Mais, lorsqu'ils nous parviennent, les objets métalli-
ques se présentent profondément modifiés : volume, forme, poids, propriétés
mécaniques ont changé durant leur enfouissement. Ils sont le plus souvent illisibles.
L'identification même du métal est parfois délicate, la couleur des produits de
corrosion ne permettant pas toujours sa reconnaissance rapide et précise surtout
dans le cas des métaux blancs et des alliages.
La démarche du conservateur-restaurateur passe par la recherche de ce qui
renvoie aux fonctions diverses de l'objet. Ces fonctions (techniques, symboliques,
artistiques, etc.) étant généralement dictées par les propriétés spécifiques du métal,

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
on cherchera donc à connaître les caractères de l'objet, définis par sa matière :
matériaux constitutifs (métaux, etc.), forme de l'objet et état de la surface (couleur,
éclat, etc.).

L a surface originelle

Dans cette recherche, la surface est une notion importante ; elle définit les
contours de l'objet et donc sa forme. Limite entre l'objet et le milieu, la surface est
une notion abstraite. Il est important ici de ne pas assimiler la surface avec son
support matériel.
L'état de l'objet lors de son abandon, intentionnel ou non, est l'état que l'on
cherchera à connaître lors des traitements de conservation-restauration, car il peut
nous renseigner non seulement sur les caractères de l'objet mais aussi sur son
utilisation et sur les transformations qu'il a pu subir durant sa « vie historique ».
C'est donc la surface de l'objet lors de son abandon que l'on tentera de retrouver :
on l'appellera la surface originelle.
La surface originelle de l'objet archéologique est la limite entre ce qui appartient
à l'objet (parties métalliques et autres parties minérales ou organiques) et le milieu
au moment de son abandon.

FIG. 8. — Clef au moment de l' abandon

Cette notion de surface originelle a déjà été mentionnée par France-Lanord sous
le nom d'épiderme (France-Lanord, 1965, p. 6 et 50). Nous employerons ici le
terme de surface originelle afin d'insister sur la notion de limite. Contrairement à
un épiderme, la surface originelle d'un objet n'a pas de matérialité. Elle est supportée
par la matière même de l'objet (qui peut se transformer).
On appellera produits de corrosion internes, ceux situés au-dessous de la surface
originelle et produits de cotrosion externes, ceux situés au-dessus de la surface
originelle et qui contiennent généralement divers constituants minéraux ou organi-
ques issus du milieu d'enfouissement de l'objet (fig. 9). Ces produits de corrosion
internes ou externes peuvent parfois être identiques, ils diffèrent alors uniquement
par leur situation par rapport à la surface originelle.
Fig. 9. — Clef lors de sa découverte (vue en coupe).

Corrosion et surface originelle

Suivant l'importance et le type de la corrosion, la surface originelle sera plus ou


moins bien repérable.
Si la corrosion est uniforme et peu développée, la surface originelle est facilement
repérable, la forme de l'objet est peu modifiée. L'état de surface est lui par contre
souvent modifié, et ce, dès la « vie historique » de l'objet. La corrosion même faible
du métal suffit en effet à en modifier la couleur, le poli et l'éclat, lequel peut
totalement disparaître. Ceci est le cas de l'argent, et des métaux comme les alliages
cuivreux, le plomb, l'étain, et même le fer dans des milieux propices à leur
conservation. L'objet dans ce cas est directement lisible lors de sa découverte.
Cette situation est hélas peu courante. Si la corrosion uniforme est plus
importante, la transformation du métal en produits de corrosion de densité
inférieure provoque un accroissement du volume de l'objet. La surface originelle
est alors plus ou moins masquée et supportée par des produits de corrosion. Elle
ne correspond désormais plus à la limite entre la matière et le milieu extérieur. La
forme de l'objet est modifiée, les détails de la surface, les assemblages sont masqués.
La corrosion localisée entraîne de sérieuses complications. La formation de
cratères ou de piqûres provoquant une corrosion irrégulière du métal, la surface
originelle peut être déplacée, car la matière supportant la limite entre l'objet et le
milieu lors de l'abandon est localement soulevée par les produits de corrosion issus
des cratères (fig. 9). La surface originelle n'est alors plus à son niveau originel.
Dans le cas d'une corrosion généralisée, la surface originelle peut être déplacée
en tout point de l'objet par rapport à son niveau originel.
Dans les trois cas évoqués, les produits de corrosion se développent sur et au
détriment de l'objet. La surface originelle, bien que parfois déplacée, est toujours
présente au sein des produits de corrosion. Mais dans certains milieux, les produits
de corrosion tant externes qu'internes sont dissous ou éliminés mécaniquement. Ces
phénomènes de corrosion ou d'érosion peuvent conduire à une perte irrémédiable de
la surface originelle (fig. 9).
Du point de vue de son altération, le métal présente donc un cas particulier parmi les
matériaux archéologiques : les contours de l'objet ne sont pas toujours conservés.
Le bois, par exemple, est souvent-profondément altéré mais la forme de l'objet en est
généralement peu modifiée. De plus, les dépôts de toute nature fréquents sur les autres
matériaux cachent une matière, altérée ou non, mais la limite entre matière originelle et dépôts
est souvent visible ou facilement repérable.
D e m ê m e , les traces d ' é l é m e n t s o r g a n i q u e s (végétaux, etc.) o u de t o u t a u t r e
m a t é r i a u , d é c o u v e r t e s d a n s les p r o d u i t s de c o r r o s i o n externes, p e u v e n t n o u s
renseigner s u r l'utilisation de l'objet, s u r u n c o n t e n u , s u r u n d é p ô t , etc. L ' i m p o r t a n c e
de ces traces est p a r f o i s c a p i t a l e d a n s l ' i n t e r p r é t a t i o n ultérieure de l'objet. C es
traces p e u v e n t être fortuites o u n o n . L a p r o b l é m a t i q u e a r c h é o l o g i q u e et la
c o n n a i s s a n c e intime des objets s e r o n t ici des guides a u t a n t p o u r leur r e c o n n a i s s a n c e
q u e p o u r le choix de leur t r a i t e m e n t de c o n s e r v a t i o n . L a n a t u r e et la s t r u c t u r e des
p r o d u i t s de c o r r o s i o n p e u v e n t aussi être p o r t e u s e s d ' i n f o r m a t i o n s s u r le milieu
d ' e n f o u i s s e m e n t de l'objet.

L a localisation de la s u r f a c e originelle

L a r e c h e r c h e de la surface originelle s ' a p p a r e n t e à u n e véritable fouille de l'objet.


L a surface originelle, enfouie p a r m i les m u l t i p l e s c o u c h e s de c o r r o s i o n , et qui révèle
les traces d ' u n e i n t e r v e n t i o n h u m a i n e p e u t être c o m p a r é e à la limite e n t r e u n e
c o u c h e de r e m b l a i et u n e c o u c h e d ' o c c u p a t i o n . E t a n t u n e limite, o n ne p e u t la
r e t r o u v e r en t a n t q u e telle, o n s ' a t t a c h e r a d o n c à la situer plus o u m o i n s p r é c i s é m e n t
p a r la r e c h e r c h e d'indices.
L e s indices p e r m e t t a n t de situer la surface originelle peuvent être liés à la
constitution des produits de corrosion, à la présence de décors ou de t r a i t e m e n t s de
surface, voire a u x mécanismes de la corrosion.

Indices liés à la constitution des produits de corrosion e x t e r n e s

L o r s q u e les p r o d u i t s de c o r r o s i o n se f o r m e n t , ils p e u v e n t inclure des c o n s t i t u a n t s


allogènes p r o v e n a n t d u milieu d ' e n f o u i s s e m e n t . Il p e u t s'agir de grains de sable,
d ' é l é m e n t s végétaux, etc. D e p a r leur origine, ces c o n s t i t u a n t s s o n t situés a u - d e s s u s
de la surface originelle. L a limite inférieure de la c o u c h e qui les c o n t i e n t c o r r e s p o n d
à la surface originelle (Scott, 1985, p. 55).
Les p r o d u i t s de c o r r o s i o n externes p e u v e n t p r é s e n t e r u n e différence de texture
o u de p o r o s i t é avec les p r o d u i t s de c o r r o s i o n internes (Smith, 1976). C e t t e différence
est p a r f o i s visible s u r u n e r a d i o g r a p h i e X, m a i s elle p e u t é g a l e m e n t être p e r ç u e p a r
le r e s t a u r a t e u r lors d u d é g a g e m e n t des p r o d u i t s de c o r r o s i o n externes.

Indices liés à la présence de décors ou de t r a i t e m e n t s de surface

L a s u r f a c e originelle p e u t é g a l e m e n t être localisée grâce à ses p r o p r e s caractéristi-


ques. L a p r é s e n c e d ' u n d é c o r i n d i q u e avec b e a u c o u p de précision sa s i t u a t i o n :
gravure, d a m a s q u i n u r e ( p h o t o 7b) (Salin, 1957, p. 166), é m a u x (Bayley, 1987),
nielle ( M o s s , 1952 ; O d d y et al., 1983 ; L a Niece, 1983), etc. Il en va de m ê m e d ' u n
t r a i t e m e n t de surface : é t a m a g e ( T h o u v e n i n , 1970 ; O d d y , B i m s o n , 1985 ; Corfield,
1985), p a t i n e artificielle a n c i e n n e (Weil, 1977), placage, etc.

Indices liés a u x c o n t a c t s entre différentes parties

Le c o n t a c t o u les a s s e m b l a g e s (rivetage p a r exemple), lors de l ' a b a n d o n , e n t r e


d e u x p a r t i e s d ' u n m ê m e objet o u e n t r e d e u x objets p e r m e t t e n t p a r f o i s de d é t e r m i n e r
la situation de la surface originelle. Le cas d'une chaîne est, de ce point de vue,
significatif.

Indices liés aux produits de corrosion


On remarque que certains produits de corrosion sont souvent situés à proximité
de la surface originelle. Ceci provient probablement des mécanismes de corrosion.
Ainsi la surface de la couche graphitisée observée sur des objets en fonte corrodés
en milieu marin ou lacustre (North, 1987, p. 79), ou de la couche d'oxyde d'étain
sur certains objets en bronze correspond souvent à la surface originelle.
Ceci est parfois le cas de la couche d'oxyde cuivrique de couleur rouge (en
majeure partie de la cuprite) pour les objets en alliage cuivreux, ou de la couche
d'oxydes de fer de couleur noire (en majeure partie de la magnétite) pour les objets
en fer (Knight, 1982 ; Corrieu, 1988).
Ce dernier indice doit être utilisé avec beaucoup de prudence et de sens critique
notamment en présence d'une corrosion généralisée qui entraîne souvent une
importante perturbation de la surface originelle.
Cette surface originelle peut également être mise en évidence lors d'analyses métallographi-
ques. Dans le cas de certains bronzes ayant subi une corrosion uniforme, on a révélé par
microscopie électronique à balayage des traces de la structure métallurgique caractéristiques
de la surface de l'objet dans les couches de corrosion. On a pu s'apercevoir ainsi que la
surface actuelle de l'objet correspondait dans ce cas à quelques micromètres près à la surface
originelle (Robbiola, 1987). D'autres analyses ont permis de repérer une forte concentration
en composés de l'étain à l'emplacement de la surface originelle des bronzes profondément
corrodés (Scott, 1985).
Bien que ces analyses ne soient souvent pas réalisables lors d'une restauration, elles
permettent d'apprécier la valeur des indices considérés.

La confrontation de ces indices permet, dans la plupart des cas, de situer plus
ou moins précisément la surface originelle. A cette observation critique peut
s'ajouter l'examen des fractures récentes éventuelles susceptibles de révéler la
stratigraphie des couches de corrosion. En dernier lieu, la connaissance et la
compréhension des objets sont des atouts importants dans la perception de ces
indices et l'évaluation de leur pertinence.
Suivant le type et l'importance de la corrosion, la surface originelle sera plus ou
moins perturbée. Bien qu'elle soit généralement présente, sauf en cas de perte de
matière suite à une érosion, un bris ou un éclatement, elle n'est, hélas, pas toujours
repérable. Lorsque la reconnaissance de ces indices devient très difficile, la
localisation de la surface originelle est alors hypothétique.
Le cas présenté par les objets métalliques enfouis en milieu marin ou humide est
exemplaire. Le mécanisme de la corrosion bactérienne conduit à la formation de
sulfures (de fer ou de cuivre par exemple) au sein desquels il est très difficile de
repérer ces indices (North, 1987, p. 77). Hormis le cas présenté par les objets en
fonte, il n'est souvent plus possible de localiser la surface originelle et les seules
informations accessibles nous sont livrées soit par la surface du métal sain
subsistant, située en dessous de la surface originelle, soit par la surface intérieure
de la gangue, la matière de l'objet ayant parfois totalement disparu.
Lorsqu'aucun indice ne peut être reconnu, certains objets peuvent être considérés
comme intraitables.
La notion d'objet métallique intraitable n'est donc pas liée à la minéralisation plus
ou moins avancée du métal mais à l'absence d'indices permettant de situer la surface
originelle.
Surface originelle et niveau originel

Lorsque la surface originelle est déplacée, la forme de l'objet qu'elle définit ne


correspond pas à sa forme originelle. Quels vont être les nouveaux critères
permettant de connaître le niveau originel et donc la forme précise de l'objet ?
Dans le cas d'une corrosion localisée, le déplacement de la surface originelle ne
se produit qu'au-dessus des cratères. Son niveau originel nous est connu entre les
cratères de corrosion (photo 2). Lorsque la surface originelle ne présente pas un
état de la surface particulier (décor ou autre), qu'il faudrait alors conserver (fig. 10),
il est parfois possible de restituer la forme de l'objet.

FIG. 10. — Restitution de la forme originelle de l'objet.

Dans le cas d'une corrosion généralisée, le déplacement parfois total de la surface


originelle rend la restitution de la forme originelle souvent difficile. Ce cas est
fréquent pour les objets en fer.
Le décor des plaques boucles damasquinées mérovingiennes en est un exemple
bien connu. La surface originelle est ici facilement repérée par la damasquinure.
A cause du soulèvement de la surface originelle par la corrosion, la damasquinure
se retrouve à des niveaux différents sur l'objet (photo 6). Le dégagement de la
surface originelle permet ici d'en retrouver une caractéristique essentielle, la
damasquinure, dans un état plus ou moins altéré. Mais en respectant ce décor que

PHOTO 6. — Déplacement de la surface originelle. (Plaque dorsale en fer damasquiné de


laiton, bossettes en alliage cuivreux (16.2373.17), époque mérovingienne. Ville de Saint-Denis,
Unité d'Archéologie. Photo R. Bertholon.)
la corrosion a pu déplacer, ce n'est pas toujours la forme originelle de l'objet qui
est restituée. La localisation de la damasquinure est alors un symptôme des
déformations subies par l'objet du fait de la corrosion.
De même dans le cas d'un placage, il est possible que celui-ci soit soulevé par
les produits de corrosion et qu'il ne soit donc plus en place.
Malheureusement, les critères permettant de connaître le niveau originel d'une
surface originelle déplacée et fortement perturbée sont peu nombreux. Les connais-
sances actuelles sur les mécanismes de corrosion et sur la constitution des produits
de corrosion des métaux archéologiques sont encore très limitées bien que les rares
études entreprises laissent espérer des résultats intéressants (Scott, 1985 ; Robbiola,
1987).
Dans de nombreux cas, il est parfois impossible de restituer la forme originelle
et certains caractères de l'objet peuvent rester indéterminés.
L'exemple d'une épée très corrodée est significatif de ce point de vue : le dégagement de la
surface originelle conduira à une lame dont l'épaisseur sera différente de l'épaisseur originelle
et dont l'apparence boursouflée sera bien éloignée d'une lame effilée ! L'épaisseur de la lame
est ici une donnée peu fiable en raison du soulèvement des couches de corrosion. Il faut donc
la considérer avec circonspection dans une étude typologique.
Les déformations dues à la corrosion risquent même de conduire à de mauvaises
interprétations. Ce peut être le cas de soulèvements présentant des formes régulières.
Ils se distinguent parfois difficilement des éléments de l'objet tels que des rivets
par exemple (fig. 10). Il importe que les caractéristiques morphologiques de la
corrosion soient identifiées comme telles et ne soient pas confondues avec les
caractéristiques morphologiques des objets.
La localisation, la préservation de la surface originelle et la nature physico-
chimique de son support sont au cœur des problèmes de la conservation-restauration
des métaux archéologiques tant en ce qui concerne le nettoyage des produits de
corrosion externes que la stabilisation de la corrosion (cf. infra).

EXAMEN ET DIAGNOSTIC

Entre la fouille et le traitement

Concernant les méthodes de prélèvement, on se reportera au chapitre II. Nous


rappellerons ici certaines précautions indispensables facilitant le traitement ultérieur
des objets métalliques.
Le stockage d'un objet avant traitement dépend de son milieu d'enfouissement.
Provenant d'un milieu sec ou faiblement humide, l'objet sera conservé en milieu
sec en présence de gel de silice déshydraté. Provenant d'un milieu très humide,
l'objet peut être stocké dans un bain d'eau distillée (ou à défaut, d'eau de ville)
avec adjonction d'un inhibiteur lorsqu'une surveillance régulière est possible (cf.
Stabilisation).
L'efficacité des traitements de stabilisation dépend aussi du court laps de temps
entre l'exhumation de l'objet et le début de son traitement (Keene, Orton, 1985).
Certaines modifications physico-chimiques comme la cristallisation de certains
composés peuvent modifier la porosité des couches de corrosion et diminuer
l'efficacité des traitements ultérieurs. De même, les traitements de nettoyage et de
stabilisation d'un objet fissuré ou fragmenté lors d'un stockage déficient seront
rendus délicats en raison de la grande fragilité de l'objet.
Concernant la préservation des objets fragmentés, il est indispensable, dès la
fouille, de préserver d'un écaillage éventuel les cassures souvent fragiles, afin de
permettre le remontage ultérieur des fragments. Dans ce but, on peut stocker les
fragments dans du plastique-bulle en milieu sec ou effectuer un remontage provisoire
à l'aide d'une colle réversible (cellulosique par exemple) notamment dans le cas
des objets en fer. Il faut éviter d'envelopper les fragments dans un matériau
hygroscopique (papier absorbant ou coton). Les sachets en cellophane sont utiles
pour un stockage en milieu sec.

Les objectifs du t r a i t e m e n t

Les interventions de conservation-restauration s'inscrivent dans l'étude du


mobilier archéologique et sont, à ce titre, conditionnées par des exigences archéologi-
ques. Tout traitement doit également être adapté à chaque objet et à son état de
conservation.
La collaboration entre l'archéologue et le restaurateur permet d'adapter le
traitement à ces exigences. On choisira par exemple de ne mettre en œuvre que des
traitements de stabilisation (Bertholon et al., 1988), de se limiter à l'étude des
radiographies X ou d'orienter le nettoyage vers telle ou telle partie d'un objet.
De même, des séries importantes d'objets poseront des problèmes particuliers
nécessitant des interventions adaptées auxquels s'ajoutent souvent des problèmes
de coût (Logan, 1984).
La conservation-restauration d'un objet archéologique répond à trois objectifs
principaux :
— assurer sa conservation à long terme ;
— révéler les informations archéologiques dont il est le support matériel ;
— permettre sa lisibilité et sa présentation.
La conservation à long terme de l'objet métallique implique non seulement la
stabilisation des processus de corrosion mais également la consolidation éventuelle
des matériaux et la protection de l'objet. L'étude et la publication d'un objet ne
pouvant se substituer à la conservation du document matériel, unique source
possible de futures études, la conservation de l'objet est donc, bien souvent,
l'objectif prioritaire du traitement.
Les informations archéologiques sont révélées par deux types d'investigation :
— la connaissance des matériaux constitutifs de l'objet sera possible grâce à des
analyses diverses allant de l'observation approfondie, effectuée lors du traitement,
a des investigations plus précises réclamant du matériel et des compétences
généralement différentes de celles exigées par la conservation (LRMF, 1985),
les informations concernant la forme ou l'état de la surface d'un objet ne seront
connues complètement que par le nettoyage et le remontage de l'objet.
La conservation-restauration de l'objet métallique comporte de nombreuses
interventions, présentées dans le tableau n° 4, regroupées en quatre étapes :
documentation, examen et diagnostic ;
— choix du traitement ;
— traitement ;
— documentation et stockage.
TABLEAU 4. Organigramme de la conservation-restauration
d'un objet archéologique métallique

Stockage

Documentation Photographie
examen et Observation macroscopique
diagnostic
Mesures, dessins, documentation archéologique,
radiographie X et analyses (éventuellement)

Choix du traitement Programme des interventions à effectuer


(en fonction des objectifs
et du diagnostic) Choix des techniques requises
Choix de l'ordre des interventions

Traitement Stabilisation*

selon ordre
Collage déterminé Nettoyage*

Consolidation

Restauration

Séchage
Protection

* Attention, après tout bain chimique : rinçages-séchage

Photographie
Documentation
et Rapport du traitement
stockage
Emballage de l'objet-stockage

Après avoir indiqué les moyens nécessaires à l'examen, nous proposerons dans
cette partie un plan méthodique d'observation de l'objet et nous aborderons le
choix du traitement.

Les moyens d ' e x a m e n

Les principaux moyens nécessaires lors de l'examen de l'objet sont les suivants :
l'observation visuelle (à l'œil nu ou à la loupe binoculaire), la radiographie X, les
analyses.
Lors de l'observation visuelle, un outil à pointe dure (scalpel par exemple) permet
de juger de la consistance des matériaux.
En raison de la profonde transformation du métal et donc de l'objet, la
radiographie X peut apporter de précieux renseignements (Drilhon, 1976 ; Meyers,
1978).
Rappelons que l'image obtenue sur le film X dépend :
— de l'objet : composition chimique, porosité et épaisseur de la matière ;
— du flux de rayons X : celui-ci est caractérisé par la longueur d'onde du
rayonnement qui dépend de la tension du tube (en kV), et par la dose de radiations
qui dépend à la fois de l'intensité (en mA) et de la durée d'exposition (en mn ou s)
(LRMF, 1985, p. 87-103).
Sur une radiographie X, les parties claires indiquent une absorption forte des
rayons X par l'objet alors que les parties foncées indiquent une absorption faible.
Des erreurs d'interprétation peuvent être évitées en se rappelant que l'image
radiographique est une projection conique de l'objet sur un plan. Il en résulte qu'il
y a agrandissement de l'image par rapport à l'objet et apparition d'un flou
géométrique sur ses contours, ceci étant dû à la distance objet-film lors de la prise
de vue en relation, entre autres, avec l'épaisseur de l'objet.
L'interprétation de la radiographie X, effectuée en présence de l'objet et en
connaissant les paramètres d'exposition, peut apporter des indications sur les
caractéristiques suivantes (LRMF, 1985).

Métaux très corrodés :

— la structure interne de l'objet ;


— la présence de différents matériaux mais non leur identification : fer, argent,
cuivre et alliages, etc. (photo 7a) ;
— la localisation de la surface originelle. La forme originelle de l'objet est parfois
visible en raison de la différence de densité des produits de corrosion internes et
externes ;
— l'état d'altération : déformations, soulèvements, fissurations.
En revanche, il est délicat de repérer la présence ou l'absence de métal sain ; la
densité de l'image (claire ou foncée) est relative à l'épaisseur et aux paramètres du
rayonnement.

Métaux peu corrodés :


Dans ce cas, outre les points précédemment évoqués qui sont généralement
visibles, il est possible aussi de repérer :
— l'homogénéité ou l'hétérogénéité du métal ou de l'alliage ;
— les techniques de fabrication : coulée en plein ou en creux (avec ou sans
armatures), défauts de coulée, martelage ;
— les techniques d'assemblages : rivetage, soudure, brasure, etc. ;
— les techniques de décor ;
— l'étendue de la corrosion, les restaurations anciennes ou récentes.
Les moyens d'examen décrits ci-dessus permettent une observation simple de l'objet car il
n'est pas aisé de recourir fréquemment à des analyses. Celles-ci ne sont pas écartées pour
autant, elles sont utiles dans le cas d'objets complexes ou en vue d'un traitement particulier
(Thomas-Goorieckx, 1963 ; Enderly, Lane, 1985). De même, on peut avoir recours à des
analyses lors de la mise au point d'une technique particulière (Archer, Barker, 1987). Elles
sont d'autre part à la base de la compréhension des mécanismes de corrosion et permettent
d'améliorer la pertinence des observations visuelles (Robbiola et al., 1988).
Concernant les analyses de la composition du métal ou les examens métallographiques, le
matériel diffère suivant le but poursuivi : analyses qualitatives, quantitatives, recherches des
éléments à l'état de traces, précision et reproductibilité exigées, prise d'échantillons ou examen
direct, etc (LRMF, 1985).
Les analyses apportent surtout des précisions dans la connaissance des objets (métal,
technique de fabrication, etc.). Des précautions sont nécessaires afin de ne pas compromettre
leur validité ; il faut parfois éviter tout traitement préliminaire, même une simple immersion
dans l'eau distillée (Volfovsky et al., 1984).
L'examen de l'objet

Nous proposons ici un schéma directeur d'examen de l'objet. Il est bien entendu
que l'ordre proposé n'est pas séquentiel mais qu'il s'agit d'opérer des allers-retours
permanents entre les différentes observations effectuées, avant et pendant le
traitement. En effet, l'état de conservation de l'objet ne permet pas toujours de
réunir au préalable la totalité des observations. Il nous a paru plus simple de
rassembler les différents points en deux parties (tableau 5) :
— l'état de l'objet ;
— les caractères de l'objet.

TABLEAU 5. L'examen de l'objet

Etat physico-chimique de l'objet :


— Quelle est la nature des matériaux constitutifs (métaux et autres matériaux ?)
— La corrosion est-elle uniforme, localisée ou généralisée ?
— Quelles sont les caractéristiques des couches de corrosion ?
* couleur : elle peut donner des indications sur la nature des principaux produits de
corrosion (cf. Corrosion). Lesquelles cependant doivent être considérées avec prudence
(reconnaissance basée uniquement sur des variations ou des différences de couleur, présence
fréquente de mélanges de plusieurs produits de corrosion),
* constituants allogènes (grains de sable, éléments végétaux, etc.),
* cohérence, porosité, adhérence, fissuration,
* stratigraphie.
— L'objet est-il fragile (présence de fissures, etc.) ?
— Reste-t-il du métal ?
— Reconnaît-on des signes de corrosion active ?
— Quelles hypothèses peut-on proposer concernant la mise en place de la corrosion ?
Caractères de l'objet :
— L'objet est-il complet ou incomplet ?
— Quelles sont ses dimensions ? Nous renseignent-elles sur son identification ?
— Quelles sont la situation et l'orientation des éléments organiques éventuels ou de leurs
traces minéralisées ?
— Quelle est la forme de l'objet ? Est-il creux ?
— Y a-t-il différentes parties ? Comment sont-elles assemblées (rivetage, soudure) ?
— Y a-t-il un décor (gravure, ciselure, placage, damasquinure, émaux, incrustations, etc.) ?
— Retrouve-t-on des traces de fabrication (très rarement conservées sur des métaux très
corrodés), des réparations ou d'anciennes restaurations ?
— Quelles hypothèses peut-on proposer concernant l'identification de l'objet, sa fonction ou
son utilisation ?
— Peut-on établir des parallèles typologiques ?

Grâce à l'observation de certains indices et à la radiographie X, on tente ensuite


de localiser la surface originelle parmi la stratigraphie des couches de corrosion.
On peut distinguer cinq cas principaux :

La surface originelle correspond à la surface actuelle


C'est le cas d'un objet non corrodé. La matière supportant la surface originelle
est métallique ; les informations sont directement accessibles. Ces cas sont rares et
ne présentent évidemment pas de difficultés particulières.
La surface originelle est dissimulée par des dépôts provenant du milieu d'enfouissement
(concrétions calcaires, animaux marins, etc.).
Dans ce cas, la matière supportant la surface originelle est métallique. Les
informations seront révélées par l'élimination du dépôt.

La surface originelle correspond à l'interface entre deux couches de corrosion de


nature physico-chimique différente

La surface originelle est située entre deux couches de corrosion de même composition
et de même structure

Dans ce cas, elle peut être repérable par une trace visible en coupe transversale.
Ce cas a depuis longtemps été mis en évidence (Organ, 1977, p. 123 ; France-Lanord,
1980, p. 41).
L'empreinte de la surface originelle peut être conservée par les produits de corrosion
ou par une gangue (matériaux divers issus du milieu d'enfouissement soudés par
les produits de corrosion) ; la matière de l'objet peut alors avoir parfois totalement
disparu (cas de certains objets provenant de milieux gorgés d'eau).
Ce classement en cinq cas donne une image simplifiée du problème de la
localisation de la surface originelle. En fait, plusieurs cas peuvent se présenter sur
un même objet. On ne pourra parfois localiser la surface originelle que de manière
fragmentaire. Enfin, rappelons que la surface originelle peut être disparue en cas
de perte de matière.

Le choix du traitement

A partir du diagnostic que l'on dresse de l'état de conservation de l'objet, il


reste à déterminer les interventions à effectuer (stabilisation de la corrosion,
consolidation, nettoyage), les techniques à mettre en œuvre et leur mode opératoire.
Le diagnostic est l'étape essentielle du traitement. Comme il n'est pas toujours
possible d'effectuer une observation complète de l'objet avant toute intervention,
le diagnostic doit être continuellement remis en cause. Toutes les observations
ultérieures effectuées durant le traitement sont soumises à un examen critique
permettant de confirmer, de préciser, voire d'infirmer, le premier diagnostic.
L'ordre des interventions est aussi un point essentiel lors du choix du traitement.
La stabilisation peut être effectuée avant ou après le nettoyage, il en est de
même pour la consolidation. L'ordre des interventions est choisi par rapport au
comportement supposé de l'objet et à l'influence de chaque intervention sur
l'efficacité ultérieure des autres.

NETTOYAGE — CONSOLIDATION — COLLAGE —


RESTAURATION

Ces méthodes sont regroupées ici car elles participent à la lisibilité de l'objet. Si
le nettoyage revêt une importance toute particulière dans le traitement des métaux
archéologiques, généralement peu lisibles au moment de leur exhumation, il est
souvent nécessaire d'effectuer conjointement des opérations de consolidation et de
collage qui favorisent son bon déroulement tout en contribuant à la lisibilité de
l'objet.
Comme nous l'avons vu précédemment, l'objectif du nettoyage est de révéler les
informations dont l'objet est le support matériel et qui sont révélées en partie par
la surface originelle.
Le nettoyage implique l'élimination des produits de corrosion externes, opération
guidée par les différents indices permettant de localiser la surface originelle.
Dans les cas où la surface originelle est déplacée ou disparue, il s'agit alors de
retrouver, lorsque les indices le permettent, le niveau originel et de restituer ainsi
la forme originelle de l'objet.
Il convient ici d'insister sur le caractère irréversible du nettoyage qui, mal conduit,
peut aboutir à la perte irrémédiable d'informations. Il est donc important de décrire
ou, parfois, de conserver les constituants allogènes (éléments organiques ou autres)
contenus dans les produits de corrosion et qui seront éliminés en même temps
qu'eux.
A partir de la localisation de la surface originelle, s'effectue le choix du type de
nettoyage (mécanique, chimique, électrolytique) et de la technique à mettre en
œuvre (microsablage, bain de complexant, électrolyse...).
Si le but de tout nettoyage est d'aboutir à un dégagement précis, ceci n'est
pas l'apanage d'une technique particulière. Chaque technique, adaptée à l'état de
conservation de l'objet et correctement mise en œuvre peut satisfaire à cette exigence.
Avant de développer les grands types de nettoyage, précisons que les techniques
mécaniques et chimiques (à quelques exceptions près) ne permettent pas l'élimination
des produits de corrosion actifs (cf. Stabilisation).

Le nettoyage mécanique

Le principe du nettoyage mécanique est d'exercer une contrainte destinée à


désolidariser ou abraser les produits de corrosion externes.
Sans souci d'exhaustivité, il est possible de déterminer plusieurs cas généraux
dans lesquels il est nécessaire d'effectuer un nettoyage mécanique :
— la surface originelle e s t recouverte de dépôts peu adhérents ;
— la couche de produits de corrosion supportant la surface originelle est peu
cohérente, poreuse (chlorures de cuivre, hydroxydes de fer par exemple) ou peu
adhérente (placage, étamage). La simple immersion lors d'un nettoyage chimique
peut entraîner la perte de la surface originelle ;
— la surface originelle est prise au sein d'une même couche de corrosion (les
produits de corrosion internes et externes sont de même nature et de même
structure). Un nettoyage chimique risquerait d'éliminer la totalité de la couche de
corrosion et de faire ainsi disparaître la surface originelle ;
— l'empreinte de la surface originelle est conservée dans une gangue ;
— dans le cas d'objets composites (métal et verre, émaux, pierre dure) bien souvent
seules des techniques mécaniques peuvent permettre l'élimination des produits de
corrosion sans nuire aux autres matériaux.
Si les cas décrits ci-dessus impliquent l'unique emploi d'un nettoyage mécanique,
cette méthode complète aussi le plus souvent les nettoyages chimique et électrolyti-
que.
Les techniques de dégagement mécanique sont classées selon leur mode d'action
(piquage, vibrations, abrasion) ; elles sont à sélectionner en fonction de l'état
physique des produits de corrosion, de la localisation de la surface originelle et de
la taille de l'objet. Elles sont à déconseiller, voire même à proscrire, dans le cas des
métaux malléables (plomb et ses alliages). Afin de contrôler plus finement le
dégagement, le nettoyage peut s'effectuer sous loupe binoculaire (grossissement 5,
10 ou 20) et ce, quelle que soit la technique employée.

Le nettoyage p a r piquage
Par l'intermédiaire d'une lame de scalpel ou d'une aiguille, la contrainte, exercée
perpendiculairement à la surface du métal afin de ne pas le rayer, tend à désolidariser
les produits de corrosion par plaques (Cleaning, 1983). Il s'agit ici d'un principe
général qui, dans la pratique, varie selon la configuration des couches de corrosion
et l'opérateur.
Le nettoyage par piquage est utilisé dans le cas de couches de corrosion peu
épaisses sur des objets de petite taille.
Si cette technique de nettoyage paraît aisée à mettre en œuvre car elle ne nécessite
pas un équipement coûteux, elle ne se révèle pas sans danger. En effet, le nettoyage
par piquage tend à exercer une très forte pression sur l'objet, au risque de le
fissurer, voire même de le fracturer. Dans le cas où les produits de corrosion qui
supportent la surface originelle sont peu adhérents, la force exercée peut entraîner
un décollement d'éclats aboutissant à une perte ponctuelle mais irrémédiable de la
surface originelle.
Le nettoyage par piquage peut permettre d'ouvrir une gangue dans le cas où
l'empreinte de la surface originelle y est conservée. On procède ensuite au nettoyage
des cavités puis au moulage de l'empreinte à l'aide de résines silicones (Katzev,
Van Doorninck, 1966 ; North, 1987, p. 231).

Le nettoyage p a r vibrations
Les vibrations permettent de désolidariser les produits de corrosion ; puisqu'elles
sont aussi transmises au sein de l'objet, il convient de ne pas les mettre en œuvre
sur des objets trop fragiles ou fissurés.
Avec le burin de graveur les vibrations sont transmises à une pointe métallique
et permettent d'éliminer des produits de corrosion très denses (Eichhorn, 1983).
Dans le nettoyage par ultra-sons (fréquence entre 10 et 50 kHz), les vibrations
sont transmises à l'objet par l'intermédiaire d'un liquide (Organ, 1959). A fréquence
ultra-sonique, des dépressions d'air se forment dans le liquide, leur disparition
entraîne un mouvement rapide du liquide à la surface de l'objet : c'est la cavitation.
Ce mouvement a une action mécanique qui permet de désolidariser les produits de
corrosion (Cleaning, 1983).
— le cavitron permet un nettoyage très ponctuel puisqu'il est doté d'une pointe
(Mourey, 1987a),
— la cuve à ultra-sons : l'objet est immergé dans un bain (eau ou alcool) à l'intérieur
d'un récipient lui-même posé au fond de la cuve contenant de l'eau. Cette technique
peut être utilisée conjointement avec un nettoyage chimique par immersion dans
le bain de traitement. Elle peut se révéler très utile pour désolidariser un lot d'objets
amalgamés dans une gangue de produits de corrosion (monnaies par exemple).
Ce nettoyage demeurant toutefois difficilement contrôlable, on procédera à
plusieurs immersions de courte durée (quelques dizaines de secondes) afin de
s'assurer qu'il respecte bien la surface originelle de l'objet.
Le nettoyage par abrasion
Le meulage s'effectue grâce à un micro-tour de prothésiste (de 5 000 à
25 000 tours/minute) sur lequel sont montées des meules de taille, de forme, de
finesse de grain et de dureté différentes (caoutchouc, corindon, diamant...). La
vitesse de rotation, la dureté et la finesse des meules sont choisies en fonction de
la dureté et de l'épaisseur des couches de corrosion à éliminer. Le meulage peut
ainsi permettre un dégagement très fin de la surface originelle (photo 7b et 7c).
En outre, il permet de bien différencier les différentes couches de corrosion,
particulièrement lors du nettoyage des objets en fer pour lesquels les indices de
localisation de la surface originelle reposent essentiellement sur une variation de
cohérence, de porosité et de couleur entre une couche d'hydroxydes et une couche
de magnétite.
Les fortes vibrations imposées à l'objet durant le meulage rendent souvent
nécessaire une consolidation afin d'éviter une desquamation accidentelle des
couches de corrosion supportant la surface originelle.

PHOTO 7. — E x e m p l e de n e t t o y a g e m é c a n i q u e p a r a b r a s i o n d ' u n o b j e t en fer d a m a s q u i n é


d ' a r g e n t , a) r a d i o g r a p h i e X a v a n t n e t t o y a g e , b) en c o u r s de n e t t o y a g e , c) a p r è s n e t t o y a g e .
( C l e r m o n t V i s c o u r t , Belgique. P h o t o R. B e r t h o l o n . )

Le sablage consiste en une projection de particules abrasives par un gaz vecteur


(l'air comprimé le plus souvent). Un stylo permet de diriger ponctuellement le jet
d'abrasif.
Selon les produits de corrosion à éliminer, on peut varier la pression de l'air (de
3 à 8 bars), le diamètre de la buse, l'angle d'attaque du jet de particules ainsi que
la taille et la dureté de ces dernières (Mourey, 1987, p. 42). La petite taille des
particules (15 à 75 jim) permet de parler de micro-sablage dans le cas du nettoyage
des métaux archéologiques.
Les abrasifs les plus couramment utilisés sont le bicarbonate de sodium, les
microbilles de verre, l'alumine et le carbure de silicium.
Cette technique permet autant le dégagement de couches de corrosion denses
que des couches peu adhérentes car la pression exercée sur l'objet est très réduite
et très locale. De plus, elle n'entraîne pas de vibrations au sein de l'objet.
En revanche, contrairement au meulage, elle ne contribue pas à mettre en
évidence les différences de couleur et de texture des produits de corrosion : la
lecture des indices de localisation de la surface originelle est donc rendue souvent
plus difficile. Elle peut de plus provoquer l'élimination préférentielle des produits
de corrosion les moins durs, sans tenir compte de la surface originelle, ainsi que
l'abrasion d'autres matériaux présents : matériaux organiques, verre, émail...
Les nettoyages par meulage et sablage doivent être impérativement effectués
sous hotte aspirante car les poussières de produits de corrosion et d'abrasifs peuvent
se révéler très toxiques pour l'opérateur.

C a s pratique de nettoyage mécanique


Dans l'exemple de la clef en fer (fig. 8 et 9), le métal est profondément corrodé,
les produits de corrosion présentent des fissures et la surface originelle est le plus
souvent soulevée.
Les produits de corrosion internes sont de même nature que les produits de
corrosion externes, il est donc ici nécessaire de mettre en œuvre un nettoyage
mécanique.
Dans un premier temps (figure. 11), on dégage la surface originelle en s'aidant
des indices : constituants allogènes provenant du milieu d'enfouissement par
exemple (grains de sable). Il est important de conduire le dégagement mécanique
de la surface originelle de manière homogène sur l'ensemble de l'objet.
Dans un second temps (fig. 12), on tente de retrouver, lorsque cela est possible,
la forme originelle. Dans la pratique, le restaurateur peut effectuer ces deux
opérations conjointement.

FIG. 11. — Clef après dégagement de la surface originelle (vue en coupe)


FIG. 12. — Clef après nettoyage et restitution (vue en coupe)

La clef de la figure 12 n'est pas totalement identique à la clef avant l'abandon


(fig. 8). Pourquoi ? En fait, il n'est possible de restituer la forme originelle qu'en
certains points de l'objet :
— en (1), la surface originelle est en place de part et d'autre du soulèvement,
celui-ci peut donc être abrasé (cas analogue à la fig. 10) ;
— en (2), les données géométriques de l'objet fournissent des indications : à partir
des largeurs A, B et du décrochement C où la surface originelle est en place, il est
possible de restituer le second décrochement (l'axe du trou étant connu) ;
— en (3), la compréhension du fonctionnement de l'objet permet de restituer la
dent du paneton.
Dans les trois cas précédents, la forme originelle est restituée par dégagement ;
— en (4), la forme originelle est restituée par comblage : la hauteur minimum des
deux dents incomplètes du paneton est fournie par la hauteur du métal sain
subsistant dans un cas et par celle des produits de corrosion dans l'autre.
Archéologiquement, il est possible d'arrêter la restitution à cette hauteur. Cependant
la compréhension de la fonction même de l'objet ainsi que les parallèles typologiques
sur les clefs gallo-romaines (Halbout et al., 1987, p. 64) indiquent que les trois
dents du paneton devaient très probablement avoir la même hauteur : on peut
donc restituer à l'identique les deux dents à l'aide d'une résine (cf. infra) ;
— en (5) et en (6), aucune donnée ne permet de restituer la forme originelle.
Si le dégagement par meulage n'est en rien une «sculpture» des couches de
corrosion, il ne permet malheureusement pas toujours de retrouver la forme
originelle de l'objet. Lorsque celle-ci est restituable, c'est l'observation de la
corrosion ainsi que la morphologie et la fonction de l'objet qui fournissent des
indications.
Le nettoyage mécanique exige de la part du conservateur-restaurateur une
expérience importante et une connaissance de l'éventail de toutes les techniques
qu'il a à sa disposition. Ces techniques mécaniques peuvent souvent, si elles sont
mal conduites, et cela va à rencontre de l'opinion généralement répandue, se révéler
dangereuses. Dangereuses pour la solidité même de l'objet car elles mettent en jeu
des pressions et des vibrations importantes, dangereuses aussi car il est possible,
en cours de nettoyage, d'éliminer par mégarde la surface originelle en certains
points.
Enfin, ces techniques se révèlent généralement très longues dans leur application
puisque le conservateur-restaurateur ne peut se consacrer qu'à un seul objet à la
fois.
Le nettoyage chimique
Les principes généraux
Le principe du nettoyage chimique est l'emploi d'un réactif sélectif permettant de
dissoudre ou de modifier la cohérence des produits de corrosion externes sans nuire
aux produits de corrosion internes ou au métal. Le choix du réactif s'effectue en
fonction de la nature chimique des produits de corrosion à éliminer.
Quels sont les cas susceptibles de faire l'objet d'un nettoyage chimique :
— la surface originelle, métallique ou non, est recouverte de dépôts ;
— la surface métallique, assimilable à la surface originelle, est recouverte d'une
fine couche d'oxydes ;
— la surface originelle correspond à l'interface de deux couches de produits de
corrosion de nature différente : carbonates et oxydes de cuivre par exemple ;
— les couches de corrosion sont denses et épaisses et nécessitent d'être ramollies
avant de procéder le cas échéant à un nettoyage mécanique.
Différents réactifs sont mis en œuvre pour le nettoyage chimique des métaux
archéologiques : acides, bases, sels, complexants. Ces derniers étant largement
employés, nous détaillerons ici leur principe d'action. Pour la compréhension
des autres phénomènes (réactions acide-base, réactions d'oxydo-réduction), nous
renvoyons à l'ouvrage de G. Charlot (Charlot, 1974).
Rappelons que les produits de corrosion sont essentiellement des composés
ioniques dans lesquels les ions métalliques sont chargés positivement (Fe2+, Ag+,
Cu2+) et les ions non métalliques chargés négativement (Cl', OH').
Les complexants ou agents séquestrants sont des molécules polaires avec des
parties fortement négatives susceptibles de se lier avec les cations métalliques par
des liaisons électrostatiques, tout en demeurant solubles dans l'eau. Les molécules
entourent l'ion métallique positif.
Lorsque la molécule de séquestrant possède au moins deux sites capables de se
lier avec un ion métallique, on parlera d'agent chélateur (du mot grec signifiant
pince) aboutissant à la formation de chélates.
Les groupements amine ( - N H ' ) , carboxyle (—COOH) et hydroxyle (—OH)
interviennent le plus souvent dans la formation de chélates (Stambolov, 1985).
Ainsi dans une solution d'EDTA (acide éthylène diamine tétraacétique), agent
chélateur de nombreux cations, chaque cation est pris entre deux (NH2).
Le pH modifie la force de l'agent chélateur. Un milieu acide bloquera le principe
de formation des chélates (Stambolov, 1985).
Dans le cas de l'EDTA qui est un acide faible (une petite partie de ses molécules
sont ionisées dans l'eau), la formation de chélates est réduite car les ions H +
resteront liés aux terminaisons -COO -. Si en revanche le pH est basique, les
groupements -COO - pourront se lier aux ions métalliques (Cleaning, 1983,
p. 123).
C'est pourquoi, lors de la mise en œuvre du nettoyage, ce n'est pas l'acide
lui-même qui est le plus fréquemment employé mais les sels sodiques de cet acide.
Ces sels peuvent être mono-, di-, tri- ou tétrasodique selon que la molécule comporte
un, deux, trois ou quatre atomes de sodium (Na+) qui remplacent alors les H +.
Ainsi, les sels mono et disodiques sont assez solubles, le sel trisodique est un peu plus
soluble et s'hydrolyse assez fortement (une solution à 1 % donne un pH de 9,3) et le sel
tétrasodique est quant à lui très soluble (une solution à 1 % donne un pH à 11,3) (Richey,
1975).
Les complexes formés sont plus ou moins stables. Plus cette stabilité est
importante, plus le nettoyage est efficient. Il est ainsi possible grâce à la constante
de formation des complexes de prévoir les réactions mises en œuvre lors du
nettoyage (Charlot, 1974, p. 19-28).

Mise en œuvre
Nous présentons ici un certain nombre de principes généraux, valables pour tout
traitement par bains, qu'il soit de nettoyage ou de stabilisation.
Toute solution s'effectue dans l'eau déminéralisée ; l'eau contenant une impor-
tante quantité d'ions ( C l ' , c O l - , s o l - , CaH, MgH, K+, Na+...) il convient de
les éliminer avant de faire une solution (cf. Aide Mémoire n° 3).
— l'eau distillée est obtenue par ébullition et condensation de la vapeur d'eau,
— l'eau déionisée ou déminéralisée est obtenue par l'intermédiaire de résines
échangeuses d'ions ; l'eau passe à travers une colonne contenant deux résines, l'une
captant les anions, l'autre captant les cations. On procède régulièrement à un test
de conductivité de l'eau. Une augmentation de la conductivité, provoquée par une
concentration plus importante en ions, indique que tous les sites réactifs des résines
sont occupés et que les résines doivent alors être régénérées. Certaines résines
possèdent un indicateur coloré qui permet de lire le degré de saturation.
Lors de la mise en œuvre d'une solution, il est essentiel de s'assurer de la
bonne mouillabilité de l'objet. Le dégraissage avec un solvant chloré comme le
trichloroéthane 1.1.1. (Johnson, 1984), l'ajout d'un tensio-actif, l'imprégnation sous
vide-partiel favorisent la bonne pénétration de la solution.
Le volume de la solution est déterminé par le volume de l'objet selon un rapport
de 1 pour 20. Ce rapport est destiné à éviter une saturation trop rapide de la
solution en substances dissoutes. De même, une agitation est souhaitable afin
d'homogénéiser en permanence la solution.
Afin d'améliorer la pénétration des réactifs à l'intérieur des couches de produits
de corrosion, il est possible de chauffer la solution (environ 50 °C). Le chauffage
provoque une dilatation de l'air qui est contenu dans les microporosités des
produits de corrosion et qui ainsi s'échappe plus facilement. Il convient alors de
prendre garde aux vapeurs nocives qui pourraient se dégager et travailler sous
aspiration.
Tout bain chimique doit être étroitement surveillé. Pour un même réactif, il est
souhaitable de mettre en œuvre des solutions de concentrations différentes et en
ordre croissant afin de contrôler progressivement les réactions mises en jeu.
Les nettoyages chimiques s'effectuent généralement par immersion de l'objet
dans la solution, mais dans le cas d'objets présentant des produits de corrosion
résiduels en certains points alors que le reste de la surface est dégagée, le bain doit
être interrompu et le nettoyage poursuivi ponctuellement. Le nettoyage ponctuel
s'effectue à l'aide d'ouate ou de papier absorbant imprégné de la solution.
Tout bain chimique doit être suivi d'un rinçage intensif de l'objet afin d'éliminer
toute trace de réactif.
Le rinçage peut s'effectuer à l'eau distillée ou à l'eau déminéralisée froide.
Cependant, une alternance entre chauffage et refroidissement améliore le rinçage. Le
chauffage permet une dilatation de l'air et des liquides tandis que le refroidissement
détermine une aspiration d'eau fraîche (Plenderleith, 1971).
On détermine la fin du rinçage par un test de conductivité et un test de pH
(North, 1987, p. 235).
Tout nettoyage chimique doit être suivi d'un séchage complet de l'objet ; pour
les techniques à mettre en œuvre, nous renvoyons à la Stabilisation.
Les principaux réactifs et modes d'action spécifiques
Nous présentons ici, pour chaque métal et ses alliages, les principaux réactifs
employés généralement lors du nettoyage, les autres techniques moins couramment
employées faisant l'objet d'un renvoi bibliographique.
ALLIAGES CUIVREUX
Que l'on considère le cuivre ou ses alliages (bronze, laiton), les mêmes réactifs
sont employés.
Hexamétaphosphate de sodium (Calgon) (Na6(PO3)6) : ce complexant est un
séquestrant qui forme des complexes avec les cations Ca+ et Mg+, c'est pourquoi
il est utilisé pour éliminer les concrétions de nature calcaire, soit sur une surface
métallique, soit sur une couche de produits de corrosion. Les solutions employées
sont de 5 à 10 %.
Sels d'EDTA : cet agent chélateur complexe les ions Cu+ et Cu2+. Il est utilisé
en solution à 5 ou 10 % pour complexer les carbonates mais aussi les oxydes de
cuivre (CuO et Cu20) (Matteini, Moles, 1981).
Sel de Rochelle (tartrate de sodium et de potassium) : le tartrate est le sel de
l'acide tartrique (-OOC-(CHOHh-COO-) auquel sont adjoints des ions Na+ et
K+. Il peut être employé seul en solution de 5 à 10 % ou en milieu basique (50 g
de NaOH — 150 g de tartrate pour un litre d'eau) (Plenderleith, 1971, p. 250).
Ces deux réactifs complexent les ions Cu+ et Cu++ et sont particulièrement
employés pour la dissolution des oxydes CuO et CU20.
Glycérol alcalin: cette solution (120 g de NaOH, 40 ml de glycérol, 1 1 d'eau
déminéralisée) peut remplacer le sel de Rochelle (Plenderleith, Torraca, 1979).
Acide citrique : cet acide, en solution aqueuse de 5 à 10 %, provoque une forte
dissolution des produits de corrosion du cuivre et plus particulièrement des oxydes
(Merk, 1978). On préférera généralement utiliser cet acide pour dissoudre des
gangues importantes de produits de corrosion, dans le cas d'objets amalgamés
par exemple, chaque objet étant ensuite nettoyé individuellement selon d'autres
techniques.
ARGENT
La problématique posée par les objets en argent est double, en effet ce métal est
généralement allié à du cuivre en pourcentages plus ou moins importants ; dans ce
cas, le cuivre s'est corrodé préférentiellement. Il s'agit donc de mettre en œuvre
deux catégories de réactifs, les uns agissant sur les produits de corrosion du cuivre
(carbonates et oxydes généralement), sans nuire à l'argent lorsque celui-ci est allié,
les autres agissant sur les produits de corrosion spécifiques de l'argent.
L'acide formique (HCOOH) permet de dissoudre les produits de corrosion du
cuivre sans nuire à l'argent (Plenderleith, 1971). On l'utilise en solution aqueuse
de 5 à 10 % selon la résistance de l'alliage.
La thiourée (NH2)2CS permet de complexer les ions Ag+ contenus dans les
produits de corrosion de l'argent ; elle s'emploie en solution de 5 à 15 %.
Le thiosulfate d'ammonium est un agent réducteur des sulfures d'argent en
solution aqueuse de 5 à 15 % (North, 1987, p. 240).
Le dithionite alcalin est un agent réducteur des produits de corrosion de l'argent
et principalement des sulfures : 40 g NaOH, 50 g Na2S204 par litre de solution
(Mac Leod, North, 1979).
Il est aussi possible d'employer une solution d'acide formique et de thiourée
(4 ml d'acide pour 84 g de thiourée dans un litre d'eau déminéralisée) pour éliminer
les sulfures d'argent (Sràmek et al., 1978).
FER
Le n e t t o y a g e c h i m i q u e des objets a r c h é o l o g i q u e s en fer p o s e de délicats p r o b l è m e s
p u i s q u e ces objets c o m p o r t e n t g é n é r a l e m e n t u n e i m p o r t a n t e c o u c h e de p r o d u i t s
de c o r r o s i o n et que, bien souvent, la m a t i è r e s u p p o r t a n t la surface originelle est
elle-même u n p r o d u i t de c o r r o s i o n d ' u n e n a t u r e p e u différente des p r o d u i t s de
c o r r o s i o n externes (oxydes et h y d r o x y d e s de fer p a r exemple).
D a n s les cas o ù la surface originelle est m é t a l l i q u e et r e c o u v e r t e d ' u n e fine c o u c h e
d ' o x y d e s il est c e p e n d a n t possible de m e t t r e en œ u v r e u n n e t t o y a g e chimique.
Ce n e t t o y a g e p e u t s'effectuer à l'aide de c o m p l e x a n t s : citrate d ' a m m o n i u m , acide
thioglycolique, sels d ' E D T A ( S t a m b o l o v , 1985).
Des n e t t o y a g e s en bains acides : acides citrique, oxalique, phosphorique et
orthophosphorique p e u v e n t être aussi mis en œ u v r e à de faibles c o n c e n t r a t i o n s
(5 %). L e fer se c o r r o d a n t en p H acide ( P o u r b a i x , 1975), l ' a d j o n c t i o n d ' u n inhibiteur
de c o r r o s i o n d a n s la s o l u t i o n est i n d i s p e n s a b l e : pyridine, aldéhydes, b e n z o a t e s (de
0,5 à 1 % ) ( S t a m b o l o v , 1985) (cf. Stabilisation).
Certains de ces acides, tel l'acide phosphorique peuvent avoir une action passivante sur le
métal ; ainsi cet acide aboutit à la formation d'un phosphate de fer tertiaire insoluble et stable
(Stambolov, 1985).
PLOMB
L a t e c h n i q u e g é n é r a l e m e n t mise en œ u v r e p o u r le n e t t o y a g e d u p l o m b est la
méthode de C a l e y (Caley, 1955).
Ce n e t t o y a g e s'effectue d a n s plusieurs bains :
— b a i n à froid d ' a c i d e c h l o r h y d r i q u e dilué à 10 % qui t r a n s f o r m e les c a r b o n a t e s
b a s i q u e s de p l o m b en c h l o r u r e s de p l o m b avec d é g a g e m e n t de C 0 2 ;
— lavage i m p o r t a n t à l'eau désaérée (eau bouillie p e r m e t t a n t l ' é l i m i n a t i o n d u
d i o x y d e de c a r b o n e ) en trois b a i n s ;
— b a i n d ' a c é t a t e d ' a m m o n i u m à c h a u d dilué à 10 % ; le b a i n est p o u r s u i v i j u s q u ' à
ce q u ' a u c u n p r o d u i t de c o r r o s i o n ne soit visible en surface. Ce bain élimine les
oxydes de p l o m b (couleur b r u n - r o u g e ) qui n ' o n t p a s été d i sso u s p a r l'acide ;
— rinçage en q u a t r e bains à l'eau désaérée, suivi d ' u n séchage à l'alcool.
Le princip a l i n c o n v é n i e n t de cette m é t h o d e est la d i s p a r i t i o n éventuelle de
c e r t a i n s détails conservés d a n s les p r o d u i t s de c o r r o s i o n .
C i t o n s en c o m p l é m e n t à cette m é t h o d e l'utilisation des sels d ' E D T A ( W a t s o n ,
1985) et des résines échangeuses d'ions ( S t a m b o l o v , 1985, p. 169).

ETAIN
Les objets a r c h é o l o g i q u e s en étain s o n t r e l a t i v e m e n t p e u f r é q u e n t s ; g é n é r a l e m e n t ,
o n r e t r o u v e des objets constitués d ' u n alliage é t a i n - p l o m b . D a n s ce cas, la
p r o b l é m a t i q u e d u n e t t o y a g e est celle des objets en p l o m b en f o n c t i o n de la t e n e u r
en p l o m b .
L o r s q u e des objets en é t a i n p u r s o n t r e t r o u v é s en fouille, il p e u t être nécessaire
d ' é l i m i n e r des d é p ô t s p a r n e t t o y a g e c h i m i q u e : o n e m p l o i e r a alors u n e s o l u t i o n
a q u e u s e d u sel disodique de l ' E D T A à 5 % (Pollard, 1985).
Il est c e p e n d a n t nécessaire de s ' a s s u r e r a u p a r a v a n t q u e le m é t a l n ' e s t pas fissuré.

OR
L ' o r ne se c o r r o d a n t pas, seuls des d é p ô t s p e u v e n t être é v e n t u e l l e m e n t éliminés
p a r les t e c h n i q u e s classiques ( c o m p l e x a n t des c a r b o n a t e s de C a ) ; d a n s certains
cas, u n simple n e t t o y a g e à l'alcool suffit.
D a n s le cas d'alliages o r - a r g e n t o u or-cuivre, le m é t a l le m o i n s n o b l e s ' é t a n t
corrodé préférentiellement, le nettoyage s'effectue à l'aide des réactifs mentionnés
au métal correspondant (Scott, 1983).
Lorsque l'or est présent sous forme de placage (feuille d'or ou dorure au mercure),
il est généralement recouvert des produits de corrosion du métal sous-jacent ; l'or
pose alors un seul problème d'adhérence à la matière qui le supporte (soulèvements,
perforations).
Avant de clore cet aperçu sur les différentes techniques de nettoyage chimique,
mentionnons le plasma d'hydrogène qui suscite actuellement des recherches impor-
tantes et devrait fournir de nouvelles possibilités de traitement (cf. Stabilisation).
En conclusion, l'application d'une technique de nettoyage chimique nécessite
une détermination précise des produits de corrosion en présence ainsi qu'une
parfaite connaissance des réactifs et de leurs propriétés afin d'effectuer un nettoyage
sélectif.
Malgré un diagnostic fin et une bonne mise en œuvre des techniques, le nettoyage
chimique n'est pas sans danger. En effet, il peut entraîner une perte de cohésion
de l'objet par le simple fait de l'immersion dans un liquide. Cette perte de cohésion
est parfois notable dans le cas des alliages où l'un des constituants a subi une
corrosion préférentielle : le nettoyage va s'appliquer particulièrement aux produits
de corrosion de ce constituant et ainsi risquer de provoquer une perte d'homogénéité
de l'alliage.

Le nettoyage électrolytique

Le nettoyage électrochimique (formation d'une pile entre deux métaux : cuivre


et zinc par exemple) étant difficilement contrôlable, nous ne parlerons ici que du
nettoyage électrolytique pour lequel le courant électrique est fourni par un
générateur extérieur.
Le nettoyage électrolytique peut être mis en œuvre dans les cas suivants :
— objets dont la surface originelle, sous la gangue, correspond à une couche
conductrice, soit le métal, soit une couche graphitisée (North, 1987, p. 79) ;
— objets pour lesquels il n'est pas possible de déceler d'indices de la surface
originelle et qui sont dégagés jusqu'au métal sain.

M i s e en œuvre
On relie l'objet au pôle — du générateur ; il faut alors s'assurer du bon contact
entre le métal ou la couche conductrice et l'arrivée du courant : pince ou tige
(fig. 13).

FIG. 13. — Montage de l'électrolyse.


L'objet (cathode) est ensuite immergé dans l'électrolyte et entouré par un grillage
en acier inoxydable (anode). L'anode est reliée au pôle + du générateur. Le
générateur délivre un courant continu à intensité constante, un ampèremètre est
placé en série dans le circuit. On mesure le potentiel cathodique de l'objet grâce à
un voltmètre à haute impédance relié d'une part à l'objet et d'autre part à une
électrode de référence (Pourbaix, 1975, p. 177 ; Lacoudre, 1987, p. 65). La différence
de potentiel entre l'anode et la cathode est appelée la tension de cellule.
Réactions et p a r a m è t r e s
La mise en œuvre d'un traitement électrolytique repose sur diverses réactions.
Le courant électrique circule dans le métal sous forme d'électrons et dans l'électrolyte
sous forme d'ions (électrophorèse) ; le passage du courant électrique du métal dans
la solution s'accompagne de réactions électrochimiques à la surface du métal
(électrolyse).
A la surface de la couche conductrice de l'objet placé en cathode, l'arrivée des
électrons provenant du pôle- provoque une réduction électrochimique des cations
présents dans les produits de corrosion ou dans l'électrolyte. Simultanément, à
l'anode, s'effectuent des réactions d'oxydation.
Lors d'un nettoyage électrolytique, on peut chercher à obtenir la réduction à la
cathode de certains produits de corrosion. Citons par exemple le cas d'un objet en
argent : AgCl + e - -» Ag° + Cl-.
On réduit ici le chlorure d'argent en argent métallique, permettant ainsi une
consolidation de l'objet (Organ, 1965 ; Charalambous, Oddy, 1975 ; Lacoudre,
1987, p. 47).
On peut aussi chercher à obtenir la réduction cathodique des ions H + présents
dans l'électrolyte aqueux : 2 H+ + 2 e- -> H2.
Les bulles d'hydrogène (H2) produites alors sur la surface conductrice contribuent
à désolidariser mécaniquement les produits de corrosion situés au-dessus. Cette
réaction est couramment utilisée pour le dégagement des gangues sur des objets
provenant de sites humides (Hamilton, 1976 ; North, 1987 ; Lacoudre, 1987).
Enfin, le champ électrique provoque la migration des anions (Cl-, S O / - , S2-)
de la cathode (pôle - ) vers l'anode (pôle + ), permettant, entre autres, l'extraction
des chlorures de l'objet. Ce phénomène d'électrophorèse est surtout utilisé durant
les traitements de stabilisation.
Ces différentes réactions se produisent en fonction du potentiel cathodique pris
par le métal et du pH de l'électrolyte (Pourbaix, 1963, 1975).
Potentiel et pH sont donc choisis en fonction du métal que l'on traite (alliages
cuivreux et ferreux, argent, plomb) et des réactions que l'on désire obtenir (Kruger,
1977). Il faut également tenir compte, d'après les diagrammes potentiel/pH (fig. 5),
des conditions d'immunité du métal pendant le traitement. La nature et le pH de
l'électrolyte conditionnent également le comportement des produits de corrosion.
Le potentiel cathodique dépendant de la densité du courant (intensité/surface)
imposé à l'objet, la variation de l'intensité du courant permet de moduler le
potentiel cathodique et donc de conduire le traitement.
A titre d'exemple, un canon en fer forgé a été traité à un potentiel de - 1,1V ESH
(par rapport à une Electrode Standard à Hydrogène) pour une intensité imposée
de 30 ampères (Bertholon et al., 1986b). La durée nécessaire au dégagement de la
gangue a été d'environ 700 h.
Les méthodes de nettoyage électrolytiques présentent de nombreux avantages
parmi lesquels on peut citer une sélectivité dans la nature et le lieu des réactions,
les faibles contraintes mécaniques imposées à l'objet, une main d'oeuvre réduite.
En revanche, ces méthodes ne s'emploient principalement que sur des objets dont
la surface originelle correspond à une couche conductrice, la précision du diagnostic
sur l'état de conservation étant indispensable pour la réussite du traitement.
L'application de ces méthodes est également limitée par une connaissance souvent
incomplète de la nature chimique complexe des couches de corrosion.

L a consolidation et le collage

Comme pour le nettoyage et la stabilisation, l'ordre d'intervention n'est pas


immuable mais déterminé par l'état de conservation de l'objet lui-même et par le
déroulement des autres opérations.
Ainsi, dans le cas d'un torque très fragilisé par la corrosion, aux joints en
porte-à-faux, on pourra choisir de nettoyer individuellement chaque fragment, le
collage n'intervenant qu'en toute fin de traitement. A l'inverse, on collera avant
toute intervention un objet en fer, aux produits de corrosion denses, mais dont
les cassures fraîches risqueraient de s'émousser lors d'un nettoyage mécanique
(particulièrement par meulage) ou éventuellement lors d'un traitement de stabilisa-
tion par immersion.

L a consolidation

Au cours du nettoyage mécanique ou avant même de commencer celui-ci, il est


souvent nécessaire d'effectuer une consolidation de surface des produits de corrosion
supportant la surface originelle que l'on veut dégager ou des placages (feuille d'or
ou d'argent, étamage) qui pourraient se désolidariser des produits de corrosion
sous-jacents.
Cette consolidation s'effectue à l'aide de résines, vinyliques ou acryliques
réversibles (Rhodopas M 60 ou Paraloïd B 72 par exemple) en solution dans l'alcool
ou l'acétone à des concentrations variant de 3 à 10 %. L'application, au pinceau
ou par aspersion peut être renouvelée autant de fois qu'il est nécessaire.
Il est préférable de consolider des surfaces préalablement nettoyées ; dans le cas
inverse, il serait nécessaire d'éliminer par la suite la résine à l'aide du solvant et
donc de fragiliser l'objet pour parfaire le nettoyage.
Le temps de séchage de ces résines étant relativement court (quelques minutes
nécessaires à l'évaporation du solvant) il permet la poursuite rapide du nettoyage.
Dans le cas d'objets très fins (tôles de laiton par exemple) et très corrodés, il
peut être nécessaire d'enduire une des faces de l'objet d'une résine époxy à deux
composants (Araldite A Y 103 ou AW 106), on choisira alors la face la moins visible
de l'objet : intérieur d'un récipient, envers d'une plaque.
On peut compléter la consolidation par un doublage. Le support de doublage
est à sélectionner en fonction du poids, de la taille de l'objet et de la résistance que
l'on veut lui conférer : papier japon, polyesters non tissés de différents grammages,
fibres de verre.
Dans le cas d'une consolidation temporaire, ces supports, encollés avec une résine
réversible, seront éliminés en fin de nettoyage.
La consolidation en profondeur ne se différencie pas par la nature des résines
employées mais par la profondeur de leur pénétration au sein des couches de
corrosion. Celle-ci peut être améliorée par une imprégnation sous vide partiel (cf.
chapitre III).
Pour les résines époxy, l'abaissement de la viscosité peut être provoquée par :
— l'action de la chaleur : l'objet est chauffé (50 à 90 degrés), le plus souvent sous
infrarouges et imprégné de résine, colorée ou non, dans les zones de faiblesse
(fissures, soulèvements). La chaleur accélère et améliore la polymérisation.
Dans le cas d'objets très fins, préalablement consolidés en surface à l'aide d'une
résine en solution, il convient d'éviter un chauffage intensif qui entraînerait une
rétraction de la résine et une fissuration de l'objet.
Cette technique est notamment employée dans le cas des objets en fer dont la
densité des produits de corrosion implique un nettoyage par meulage ; dans certains
cas seules les résines époxy offrent une résistance mécanique suffisante pour
permettre un dégagement de ce type ;
— la dilution dans l'alcool (solutions de 20 à 50 %). Il est alors souhaitable de
mettre l'objet, pendant la prise de la résine époxy, dans un milieu saturé des vapeurs
du solvant. Le consolidant ne risque pas ainsi d'être entraîné à la surface de l'objet
lors de l'évaporation rapide du solvant.
Le comblage des lacunes (cf. infra) peut dans certains cas améliorer la stabilité
mécanique de l'objet.
La consolidation au moyen de résines étant le plus souvent irréversible, il est
souhaitable, chaque fois que cela est possible, d'envisager une alternative.
Le soclage (supports en plexiglas ou en toute autre matière non nuisible aux
objets métalliques, cf. stockage) peut être aussi complémentaire d'une consolidation
et permettre ainsi une manipulation sans danger.
Le collage
Comme nous l'avons vu, le collage temporaire des fragments s'effectue à l'aide
de résines réversibles en solution (acryliques, vinyliques, cellulosiques) ; hélas, ces
résines ne possèdent pas toujours les qualités mécaniques requises pour un collage
définitif. Il est donc parfois indispensable d'employer des résines époxy (Araldite
AY 103 ou AW 106).
Après dégraissage et séchage des fragments, le collage s'effectue en deux temps :
— pointage à l'aide d'une résine en solution ou d'une résine cyanoacrylate
(Cyanolit). De viscosité très basse, cette dernière permet un ajustement précis des
fragments. Les cyanoacrylates sont très sensibles aux acides qui inhibent leur
polymérisation. Le rinçage des objets traités en bains acides se doit d'être parfait
afin de permettre un bon collage ultérieur ;
— imprégnation du joint à l'aide d'une résine époxy sous l'action de la chaleur
(cf. supra).
Les cyanoacrylates peuvent être employées seules comme adhésif définitif dans
le cas des petits objets, peu lourds, à cassures fines (monnaies par exemple).

L a restauration

Nous traiterons ici des différentes interventions visant à améliorer la lisibilité de


l'objet.
Le polissage consiste en une très fine abrasion de la surface. Son but est de
mettre en évidence certaines caractéristiques de l'objet lui-même, telles l'éclat du
métal, l'opposition de deux couleurs, la présence de gravures, de placages.
La dureté de l'abrasif est à adapter en fonction de la dureté de la surface à polir.
Ainsi, les abrasifs utilisés pour l'argent seront-ils plus doux que ceux utilisés pour
le fer et ses produits de corrosion.
Le polissage s'effectue par l'intermédiaire de poudres abrasives (tripoli par
exemple) véhiculées par de l'alcool ou par l'intermédiaire d'un micro-tour sur lequel
sont montées des meules en feutre ou en peau de chamois, des brossettes métalliques
ou en fibres synthétiques.
Le comblage des lacunes permet d'améliorer la lisibilité de l'objet et d'assurer sa
stabilité mécanique. Dans ce cadre, toute restitution de partie manquante nécessite
une parfaite compréhension de l'objet et des déformations dues à son utilisation
(cf. commentaire de la fig. 12).
Les résines de comblage sont généralement des résines époxy ou polyester.
Les résines polyester présentent une très bonne résistance mécanique mais leur
retrait est plus important que celui des résines époxy (Bost, 1982 ; Trotignon, 1982).
Il est possible d'incorporer à ces résines de la silice colloïdale afin d'augmenter
leur viscosité. Ces deux résines peuvent être colorées dans la masse (pigments et
colorants pour les époxy, colorants polyester pour les autres) à une teinte plus
claire et moins pure que la teinte générale de l'objet.
Les supports de la résine pendant le temps de prise peuvent être de la plasticine,
de la cire de dentiste ou du ruban adhésif. Les excès de résine, une fois la
polymérisation achevée, sont éliminés par meulage.
Le traitement final se fait par polissage et retouches éventuelles (peinture
acrylique ou pigments véhiculés par une résine en solution).
Si elle a été beaucoup utilisée pour la restauration des objets métalliques
archéologiques dans le passé, la remise en forme est cependant une technique à
mettre en œuvre avec prudence. En effet, elle nécessite un chauffage intensif de
l'objet qui peut modifier la structure métallurgique du métal ; nous avons vu plus
haut les restrictions à émettre.
Cette technique requiert impérativement la présence de métal ; contrairement
aux produits de corrosion, seul celui-ci peut, dans certains cas, être suffisamment
malléable pour être remis en forme. Il est donc impossible de remettre en forme
des objets très corrodés.
La remise en forme s'effectue sous contrainte mécanique après chauffage. Elle
convient surtout pour les objets de faible épaisseur (récipients martelés par exemple),
en alliage cuivreux, en argent, en étain ou en plomb.
Enfin, il est parfois peu aisé de distinguer avec certitude les déformations
intervenues pendant l'enfouissement et celles produites durant la « vie historique
de l'objet ».

STABILISATION — P R O T E C T I O N — STOCKAGE

L'instabilité des objets métalliques

L'objectif prioritaire de la conservation-restauration des métaux archéologiques


est d'assurer leur conservation à long terme. Ceci implique de ralentir les processus
naturels de corrosion résultant de l'interaction entre le métal et l'environnement ;
il faut donc agir soit sur l'un ou l'autre de ces deux facteurs, soit sur les deux
conjointement. Malgré un milieu de stockage souvent peu agressif, les métaux
archéologiques continuent à se corroder car ils portent en eux les facteurs de leur
altération.
Deux cas sont à considérer suivant que l'objet contient encore du métal ou non.
Cette différenciation est hélas parfois difficile à effectuer.
Le problème de la conservation à long terme des objets ne comportant plus de
métal est considérablement simplifié du fait qu'ils ne peuvent plus être sujets à la
corrosion (Watkinson, 1983). Ils ne nécessitent donc pas de traitement de stabilisa-
tion. En revanche, ces objets sont généralement très fragiles et peuvent nécessiter
une consolidation (cf. supra) ou un soclage.
On remarque parfois une dégradation de ces objets pourtant complètement minéralisés.
En fait il ne faut pas confondre ici les altérations issues de la transformation du métal, et
celles que l'on peut observer sur les objets complètement minéralisés. D'une part certains
produits de corrosion sont susceptibles de se transformer en composés thermodynamiquement
plus stables (Turgoose, 1982). D'autre part, dans le cas du fer par exemple, la déshydratation
de l'objet peut provoquer la cristallisation de certains composés au sein des produits de
corrosion, cristallisation qui pourrait conduire à l'éclatement de l'objet (Knight, 1982).
Pour les objets comportant encore du métal, l'évolution de la corrosion sera très
différente selon que l'on est en présence d'une corrosion active ou non (cf.
Corrosion).
Si l'objet n'est pas le siège d'une corrosion active, la vitesse de la corrosion est
généralement lente. Il est nécessaire de protéger l'objet de l'action de l'environnement
et des souillures dues aux manipulations. On pourra agir sur le métal par l'emploi
d'inhibiteurs, isoler le métal de l'environnement par l'utilisation de revêtements
protecteurs comme les vernis ou les cires — c'est l'objectif de la protection —, et
contrôler l'environnement pendant le stockage (cf. infra).
En présence d'une corrosion active, la vitesse de la corrosion est rapide. Tel peut
être le cas des alliages à base de fer, de cuivre et de plomb.
Hormis la dissolution complète du métal (issue fatale que l'on cherche à éviter !),
l'arrêt ou le ralentissement d'un cycle de corrosion active peut provenir de :
— l'absence d'oxygène ;
— l'absence d'humidité ;
— l'extraction, la transformation ou l'isolation in situ des composés chimiques
instables responsables du mécanisme cyclique : les chlorures de fer (FeCl2, FeCl3,
voire FeOCl), les chlorures de cuivre (particulièrement CuCl), les acétates ou les
formiates de plomb par exemple.
L'absence d'humidité et/ou d'oxygène permet l'interruption temporaire de ces
processus de corrosion mais ceux-ci sont toujours susceptibles de recommencer si
les conditions de stockage se modifient. Pour cette raison, il est préférable d'extraire,
de transformer ou d'isoler in situ ces composés chimiques instables. C'est l'objectif
des traitements de stabilisation.

Stabilisation et m é t a l archéologique

On développera principalement ici les problèmes généraux soulevés par la


présence de chlorures sur les objets en alliages ferreux ou cuivreux. La stabilisation
du plomb et de ses alliages, encore mal connue, sera évoquée plus rapidement.
Concernant le délicat problème de la stabilisation des alliages à base d'aluminium,
les études se poursuivent actuellement sur les mécanismes de corrosion et sur la
mise au point de traitements de stabilisation (Mac Leod, 1983 ; Mac Leod, 1984 ;
Degrigny, 1987).
L a localisation des chlorures
Pour éliminer ces composés chimiques instables, il est nécessaire de connaître
leur localisation au sein de l'objet. En fait, les chlorures peuvent être présents
partout, au sein des produits de corrosion et près de l'interface métal-produits de
corrosion, mais il faut distinguer ceux qui participent au processus cyclique de
corrosion (chlorures actifs) et ceux qui n'y participent pas (chlorures non actifs).
Ces derniers peuvent ne pas participer au cycle de corrosion soit uniquement en raison de
leur localisation dans les couches supérieures des produits de corrosion, soit aussi en raison
de leur nature chimique. En effet, certains chlorures de cuivre comme l'atacamite sont stables
et ne se décomposent pas pour libérer des anions Cl'. Ainsi les couches de corrosion
composées de ces chlorures peuvent être présentes sur un objet sans que celui-ci ne soit
obligatoirement le siège d'une corrosion active (Robbiola, 1989).
Les chlorures actifs sont localisés dans les produits de corrosion près de l'interface
métal-couches de corrosion.
Dans le cas des alliages cuivreux, les chlorures CuCI constituent une couche plus
ou moins homogène de couleur grise et d'aspect cireux que l'on retrouve au fond
des cratères ou en couche plus ou moins continue sous la cuprite (Smith, 1976 ;
Robbiola, 1987) (fig. 7).
Dans le cas des alliages ferreux, les chlorures sont inclus dans le réseau cristallin
d'un hydroxyde de fer, l'akaganéite pFeO(OH) (Gilberg, Seeley, 1981, p. 52).
Les chlorures peuvent aussi être localisés dans les joints des grains (Knight, 1982,
p. 54) qui sont les zones prioritairement attaquées par la corrosion. On observe
alors, entre le métal sain et les couches de corrosion, une zone formée de nodules
de métal correspondant au cœur des grains entourés par des produits de corrosion
(Lacoudre, Volfovsky, 1983, p. 14).
Les chlorures actifs sont donc situés sous les différentes couches de corrosion
dont les caractéristiques dépendent du métal et du milieu d'enfouissement (épaisseur,
porosité, fissuration, nature chimique des composants, etc.). Toutes ces caractéristi-
ques conditionnent l'accessibilité des chlorures et donc leur extraction.
L'élimination de toutes les couches de corrosion faciliterait évidemment cette
accessibilité mais elle n'est souvent pas envisageable. En effet, la surface originelle
est fréquemment située au sein de ces couches ; les détruire oterait toute signification
à l'objet métallique (fig. 9).
Le problème principal de la stabilisation des métaux archéologiques provient donc
de l'accessibilité difficile des chlorures. Tout traitement de stabilisation doit permettre
l'extraction ou l'isolation des chlorures actifs en préservant l'intégrité des couches de
corrosion supportant la surface originelle.
Les caractéristiques physico-chimiques des couches de corrosion ont une influence
sur le mode d'action des traitements de stabilisation.
Ainsi dans le cas des alliages ferreux, la perméabilité des couches d'oxydes et
l'omniprésence des chlorures dans l'objet impliquent l'extraction des chlorures.
Dans le cas des alliages cuivreux, la localisation parfois très ponctuelle de la
corrosion active ou les qualités passivantes des couches d'oxydes et de carbonates
conduisent à envisager plusieurs solutions pour la stabilisation :
— l'extraction des chlorures ;
— leur isolation du milieu ambiant par leur transformation partielle in situ en
composés stables donc non susceptibles de se dissocier.
Mise en œuvre des méthodes d ' e x t r a c t i o n des chlorures par immersion
Les méthodes d'extraction des chlorures ferreux et cuivreux par immersion
étant très nombreuses et couramment employées, nous présenterons ici quelques
généralités les concernant.
Le milieu de traitement (nature de la solution, température, etc.) doit permettre
une solubilisation ou une décomposition des chlorures mais ne doit pas entraîner
de corrosion des métaux en présence, tout au plus dans une faible mesure,
ni provoquer la perte des produits de corrosion internes par dissolution ou
désagrégation.
Le dégraissage préalable de l'objet, l'ajout d'un tensio-actif et l'imprégnation
sous vide partiel améliore la pénétration de la solution (cf. Nettoyage). L'homogénéi-
sation de la solution par une agitation lente et régulière favorise l'extraction des
chlorures en renouvelant continuellement la solution autour des objets.
Afin d'évaluer l'efficacité du traitement et de déterminer avec précision sa fin, il
serait nécessaire de connaître la concentration en chlorures actifs restant dans
l'objet près de l'interface métal-couches de corrosion. Rinuy et Schweitzer ont
montré que la corrosion active débutait à partir d'un certain seuil de concentration
en chlorures sur la surface du métal (Rinuy, Schweitzer, 1981). Hélas, la concentra-
tion des chlorures non extraits ne peut être connue que par un prélèvement de
métal de l'objet.
En revanche, il est possible de suivre la quantité de chlorures extraits. Le suivi
du traitement est donc assuré par le dosage quotidien puis hebdomadaire des
chlorures de la solution (Mac Leod, 1984). Généralement, la concentration en
chlorures augmente régulièrement puis se stabilise lentement avant d'atteindre un
palier après une durée variant le plus souvent d'une semaine à un mois. Lorsqu'un
palier est atteint, la solution doit être renouvelée, et ce, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus
de diffusion des chlorures de l'objet dans la solution et que la concentration de la
solution reste identique à celle de la solution de départ ou que la concentration
reste faible (fig. 14) (par exemple inférieure à 50 mg/1 dans le traitement du fer par
l'éthylènediamine, Mac Cawley, 1988, p. 8).

FIG. 14. — Courbes de déchloruration.

Différentes méthodes permettent le dosage des chlorures : la méthode au nitrate


d'argent (Rinuy, 1979), la méthode au nitrate mercurique (Hamilton, 1976, p. 97),
la potentiométrie directe avec une électrode spécifique des ions Cl- et la coulométrie
(North, 1987, pp. 250-252).
Après les bains d'extraction des chlorures, l'objet est rincé à l'eau distillée avec
agitation durant deux semaines au minimum. Concernant le suivi des rinçages, on
se reportera au Nettoyage.
Le choix de la méthode de stabilisation

Le traitement de stabilisation peut intervenir avant ou après le nettoyage. Nous


avons vu précédemment que les couches de corrosion limitent l'accessibilité des
chlorures. Le nettoyage des produits de corrosion externes, en révélant la surface
originelle, diminue l'épaisseur totale des couches. Ce nettoyage facilite donc
l'accessibilité des chlorures et peut aussi mettre au jour des sites de corrosion active
recouverts par des couches compactes. A ce titre, le cas des alliages cuivreux est
exemplaire ; le nettoyage préalable, complet ou incomplet, contribue le plus souvent
à améliorer l'efficacité de la stabilisation.
Mais ce nettoyage n'est pas toujours envisageable avant stabilisation. En effet,
il est fréquent qu'une consolidation soit nécessaire avant ou pendant le nettoyage,
surtout en cas de nettoyage mécanique des objets ferreux. Or, l'imprégnation d'un
consolidant diminue la porosité des couches de corrosion, et donc l'accessibilité
des chlorures, et peut recouvrir des sites de corrosion active. L'efficacité des
traitements est diminuée sans que cela n'empêche la corrosion active de se
poursuivre à long terme.
La consolidation d'objets fissurés, très fragiles, est pourtant parfois indispensable avant
certains traitements de stabilisation, principalement ceux entraînant une immersion. Pour
éviter une imprégnation, on peut avoir recours à une consolidation externe par le biais de
bandes de gaze enroulées autour de l'objet.
Dans les cas extrêmes, la consolidation par imprégnation de résine diluée peut être envisagée.
Il faudra s'assurer de la compatibilité de la résine avec le traitement envisagé (Bost, 1982 ;
Trotignon, 1982) et choisir la concentration de la résine et la nature du solvant. Mais cette
consolidation aura une influence sur l'extraction des chlorures. Par exemple, une consolidation
d'objets en fer par imprégnation sous vide partiel de la résine époxy Araldite AY 1 03/HY 956
diluée à 50 % dans le méthanol a diminué de 27 % le taux de chlorures extraits lors de bains
de sulfite alcalin (travaux de l'auteur).
Après le diagnostic de l'état de conservation de l'objet, la méthode de stabilisation
est choisie en fonction de :
— la situation et l'étendue de la corrosion active ;
— la nature des produits de corrosion internes, des éventuelles traces de matériaux
organiques et des autres métaux ou matériaux présents.
Chaque méthode de stabilisation peut d'autre part être considérée d'après :
— son mode d'action (extraction, transformation ou isolation in situ des
chlorures) ;
— l'immunité ou la passivation du métal durant le traitement ;
— la conservation ou la transformation des différents produits de corrosion ;
— son efficacité (extraction ou isolation plus ou moins complète des chlorures,
durée nécessaire au traitement) ;
— sa souplesse d'utilisation, c'est-à-dire son adaptation à des états de conservation
variés, à des métaux et des matériaux différents ;
— la possibilité d'un traitement de masse ;
— son prix de revient (coût des investissements nécessaires, des produits et de la
maintenance, de la main d'œuvre).
Nous présentons plus loin les méthodes de stabilisation pouvant être mises en
oeuvre avec des équipements réduits. Ceci ne préjuge aucunement de leur intérêt ni
de leur complexité vis-à-vis des autres méthodes pour lesquelles nous renvoyons le
lecteur aux publications plus détaillées.
La stabilisation des alliages ferreux

Comme en témoigne la diversité des méthodes proposées, l'extraction des


chlorures de fer est un problème délicat dont les mécanismes ne sont pas encore
totalement connus.
La diffusion des chlorures au sein des produits de corrosion est le principal facteur
limitatif de l'extraction des chlorures (North, 1987, p. 214). Il est donc nécessaire
d'augmenter la porosité des couches de corrosion par des modifications physico-
chimiques en vue de faciliter cette diffusion (North, Pearson, 1978, p. 184).
De même que l'art de la forge consiste à marteler suffisamment le métal pour
augmenter sa résistance mais sans excès pour ne pas le fragiliser et le rendre cassant,
« l'art de l'extraction des chlorures » dépend de deux exigences contradictoires :
— solubiliser les chlorures et modifier la porosité des couches de corrosion ;
— préserver les produits de corrosion supportant la surface originelle.
Plusieurs réactions peuvent contribuer à cette augmentation de la porosité : la
solubilisation de certains produits de corrosion ou leur réduction chimique en
d'autres produits de corrosion, voire en métal. Dans ce dernier cas, les produits
de corrosion obtenus peuvent avoir une densité supérieure libérant ainsi des espaces
et améliorant par là-même la diffusion de la solution. Ces produits de corrosion
peuvent également présenter une compacité moindre, voire une pulvérulence
favorisant la diffusion de la solution.
Cette réduction chimique peut être obtenue par voie chimique (réaction par
l'hydrogène dans un four à hydrogène ou dans une enceinte à plasma, réduction
par le sulfite de sodium) ou par voie électrochimique (réduction cathodique lors
d'une électrolyse).
L'extraction reposant sur une diffusion, elle dépend du temps (North, 1987,
p. 214). Ceci explique les longues durées souvent nécessaires aux traitements de
stabilisation. Les qualités physico-chimiques des couches de corrosion étant très
variables, les paramètres des traitements pourront différer suivant les objets et les
résultats seront parfois inégaux.
Deux grands types de méthode d'extraction des chlorures peuvent être mises en
œuvre, par immersion ou en milieu gazeux (y compris dans un plasma).
La méthode au sulfite alcalin consiste à immerger les objets dans une solution
de soude NaOH d'une concentration de 0,5 M (20 g/1) et de sulfite de sodium
Na2S03 d'une concentration de 0,5 M (63 g/1), à une température pouvant aller
jusqu'à 50 °C (North, Pearson, 1975 ; Rinuy, 1981 ; Gilberg, Seeley, 1982a). La
soude permet un milieu basique favorable à la passivation du fer et à la stabilité
des oxydes ou sulfures de fer, alors que le sulfite de sodium agit comme réducteur
chimique. En consommant l'oxygène dissous de la solution, le sulfite de sodium
permet aussi de limiter la corrosion du fer ; les objets peuvent être ainsi stockés
sous réserve d'une surveillance régulière du bain (Mac Cawley, 1984). Cette méthode
s'applique à des objets d'états de conservation très variés ; la présence d'autres
métaux n'est pas rédhibitoire, hormis le plomb qui se corrode facilement en milieu
basique.
D'autres méthodes par immersion dans des solutions aqueuses d'amines sont
employées (Harrison, 1988) : 1.2. diaminoéthane (éthylènediamine), triéthanolamine
(TEA), Vak IV (TEA 5 %, formaldéhyde 6 %, isopropanol 6 %, soude 5 %).
Des précautions particulières semblent devoir être prises en ce qui concerne le
comportement d'autres métaux ou matériaux (Harrison, 1988). L'immersion dans
une solution aqueuse de 1.2. diaminoéthane à 5 %, à une température de
70 °C, semble permettre la transformation de l'akaganéite en magnétite facilitant
l'extraction des chlorures (Argo, 1982 ; Mac Cawley, 1984).
L'électrolyse peut être avantageusement mise en œuvre dans certains cas (cf.
Nettoyage). D'une part, les réductions cathodiques se produisant à l'interface
métal/couches de corrosion, donc au siège de la corrosion active, facilitent la
dissolution des chlorures et permettent de modifier la porosité des produits de
corrosion. D'autre part, le champ électrique établi entre la cathode (l'objet) et
l'anode facilite la diffusion des chlorures au sein des couches de corrosion. Le
traitement s'effectue généralement en milieu basique (soude ou potasse à 1 %) à
un potentiel cathodique de — 1,0 V ESH afin d'assurer également l'immunité du
métal durant le traitement. On veillera à limiter le dégagement d'hydrogène pour
éviter la fragilisation du fer. La durée de ces traitements de stabilisation est
généralement d'au moins 700 h pouvant atteindre 2 500 h pour des objets de forme
complexe ou de grosses pièces d'artillerie.
D'autres méthodes par immersion ont été proposées : dans le sesquicarbonate de
sodium (cf. infra) (Oddy, 1970), dans l'hydroxyde de lithium (Watkinson, 1979 ;
Watkinson, 1982), dans l'ammoniac liquide à - 33 °C (Gilberg, Seeley, 1982b), ou
dans l'eau distillée au sein d'un Soxhlet (Scott, Seeley, 1987). D'autres méthodes en
sont encore au stade expérimental comme l'électrodialyse (Bertholon, Pain, 1987)
ou l'électrophorèse en solution alcoolique d'hydroxyde de lithium (Oddy, 1987).
Les traitements en milieu gazeux permettent une bonne extraction des chlorures
mais nécessitent des équipements importants comme la réduction dans un four à
hydrogène à haute température (North, 1987, p. 216 et 227 ; Brakman, 1987 ;
Barker et al., 1982). Selon la température, des modifications de certaines structures
métallurgiques peuvent se produire (Tylecote, Black, 1980 ; Archer, Barker, 1987).
La réduction dans un plasma d'hydrogène apparaît aujourd'hui comme une
méthode très prometteuse. Elle autorise une réduction très efficace des produits de
corrosion du fer (Patscheider, Veprek, 1986) mais peut également être appliquée à
d'autres métaux que ce soit pour des traitements de stabilisation ou de nettoyage
(Daniels et al., 1978 ; Veprek et al., 1987).

L a stabilisation des alliages cuivreux

La stabilisation des alliages cuivreux peut également être obtenue par l'extraction
des chlorures. Mais cette extraction n'est parfois pas envisageable soit en raison
de l'accessibilité très réduite des chlorures, soit parce qu'une couche continue de
chlorures supporte des produits de corrosion internes fissurés ou poreux.
Pour stopper le processus de corrosion active, il faut alors isoler cette couche
de chlorures cuivreux du milieu ambiant. Cette isolation s'obtient par une
transformation partielle des chlorures en une couche de composés stables jouant
le rôle de « barrière » chimique. Cette solution, parfois inévitable, présente tout de
même l'inconvénient de laisser en place un danger potentiel.

E x t r a c t i o n des chlorures
L'extraction des chlorures cuivreux peut être effectuée par immersion dans une
solution de sesquicarbonate de sodium (solution équimolaire d'hydrogénocarbonate
de sodium NaHC03 et de carbonate de sodium Na2C03), à des concentrations
variant de 1 % (NaHC03 : 4,4 gll, Na,CO_3 : 5,6 g/1) à 5 % (NaHC03 : 22 g/1,
N a 2 C 0 3 : 28 g/1). L ' a c t i o n c h i m i q u e d u s e s q u i c a r b o n a t e consiste essentiellement à
favoriser la dissolution du CuCl grâce à son pH basique ou par complexation
suivant les réactions :
2 CuCl + O H - -> Cu.O + H+ + 2 Cl- (Oddy, 1970),
4 CuCl + 02 + 8 HC03 -» 4 (CU(COI)2 )2- + 4 H + + 4 C l - + 2 H20 (Mac
Leod, 1987b).
La pénétration de la solution à l'intérieur des cratères de corrosion est indispensa-
ble. La diffusion des chlorures hors de l'objet dépend essentiellement de la porosité
des produits de corrosion et de la cuprite en particulier (Mac Leod, 1987b). Ce
traitement nécessite des durées parfois longues (plusieurs mois) mais permet une
bonne conservation des produits de corrosion (donc de la surface originelle ou
d'une « patine » éventuelle).
Le sesquicarbonate est aussi employé comme électrolyte lors d'une électrolyse à
un potentiel cathodique de — 0,10 V ESH (Païn, 1988), ce qui permet de coupler
les avantages de ces deux méthodes. Contrairement à ce qui est rapporté dans de
nombreux articles (dont récemment : Drayman-Weisser, 1987), une électrolyse
n'entraîne pas obligatoirement l'élimination des produits de corrosion. Les réactions
électrolytiques à la cathode sont déterminées en partie par le potentiel cathodique.
D'autres bains sont employés comme l'eau déminéralisée (North, 1987, p. 235),
les solutions aqueuses d'acide citrique à 5 % avec de la thiourée à 1 %, d'acétonitrile
à 50 %, de dithionite de sodium à 5 % dans la soude 1 M (dans le cas de produits
de corrosion à base de sulfures) (voir au sujet de ces méthodes : Mac Leod, 1987a)
ou récemment de 5.amino.2.mercapto. 1,3,4.thiadiazole (AMT) (Ganorkar et al.,
1988).
Enfin, on mentionnera la méthode de Rosenberg qui nécessite des produits qu'il
est généralement facile de se procurer. A l'emplacement de la corrosion active, on
dépose de la glycérine ou de l'agar-agar que l'on recouvre d'une feuille d'aluminium ;
l'ensemble est placé dans une chambre humide pendant une journée. Il s'établit
une pile entre l'objet et l'aluminium entraînant la réduction des chlorures de cuivre
et la dissolution de l'aluminium. Le traitement doit être renouvelé jusqu'à ce que
l'aluminium ne soit plus dissous. La fin du traitement est déterminée par un test
de corrosion active.

Isolation des chlorures


Dans le cas d'une corrosion active localisée à quelques cratères, il est possible
d'employer la méthode à l'oxyde d'argent Ag20. Après nettoyage mécanique des
cratères, de l'oxyde d'argent (poudre noire) est déposé dans les cratères avec la
pointe d'un pinceau préalablement trempé dans l'alcool (Organ, 1977, p. 126).
L'objet est ensuite placé en chambre humide pendant une journée. Les chlorures
cuivreux sont alors transformés in situ en chlorures d'argent stables, qui ne se
décomposent pas sous l'action de l'humidité, suivant la réaction :
Ag20 + 2 CuCl CU20 + 2 AgCl.
Le traitement est recommencé tant que le test de corrosion active est positif.
Si la corrosion active se manifeste sur l'ensemble de l'objet, on préférera alors
un traitement par immersion.
La méthode B 70 a pour objectif de provoquer la formation d'une couche de
carbonate de cuivre CuC03 à la surface des chlorures cuivreux en contact avec
l'environnement (Miccio, Ronchi, 1974). L'objet est d'abord immergé durant
environ une heure dans une solution d'ammoniaque (d = 0,88) à 10 % dans le
méthanol. Ce bain est destiné à éliminer les hydroxychlorures (atacamite) et à
dissoudre les chlorures cuivreux accessibles. Puis l'objet est immergé durant une
heure également dans une solution d'eau oxygénée (à 36 volumes) à 10 % en
volume dans le méthanol (Angelucci et al., 1978). Cette seconde solution a pour
but de provoquer la formation d'un hydroxyde de cuivre à la surface du chlorure
cuivreux, hydroxyde qui se transformera ensuite en carbonate sous l'action du gaz
carbonique de l'air. Le traitement est recommencé jusqu'à ce que le test de corrosion
active soit négatif.
Lors d'un traitement au benzotriazole (BTA), l'objet est immergé soit dans une
solution à 3 % dans l'alcool, soit dans une solution à 1 % dans l'eau, à des
températures allant jusqu'à 50°C, et pour des durées variant d'une demi-heure à
plusieurs jours (Sease, 1978), voire plusieurs mois (Greene, 1975). Le BTA formerait
des complexes qui précipiteraient à la surface des chlorures cuivreux isolant ainsi
ces derniers de l'environnement. Néanmoins, l'efficacité du BTA pour l'isolation
des chlorures semble moins assurée que pour la protection du métal sain. Il
semblerait que l'efficacité de ce traitement soit augmentée par une immersion
préalable dans une solution de carbonate de sodium (Drayman-Weisser, 1987).
Suspecté de toxicité (Oddy, 1974), des précautions particulières doivent être prises
lors de sa manipulation (gants, masques).

La stabilisation du plomb et de ses alliages

L'élimination des acétates de plomb peut être effectuée par une électrolyse en
milieu basique (soude à 2 %) à un potentiel cathodique de - 1,2 V ESH (Bertholon,
1986a), ou en milieu acide (acide sulfurique à 10 %) (Lane, 1975) à un potentiel
de - 0,6 V ESH. Ces traitements permettent l'extraction des espèces chimiques
nocives tout en préservant l'immunité du métal. Dans certains cas, on peut
également obtenir la réduction des carbonates de plomb en plomb (Lane, 1979).
D'autres méthodes sont employées comme les résines échangeuses d'ions (Organ,
1953) ou les solutions aqueuses d'EDTA (Watson, 1985).
Une attention particulière doit être consacrée au rinçage après traitement. La
neutralisation des réactifs ou électrolytes alcalins par un bain d'acide sulfurique à
2 % permet également la formation d'une couche protectrice de sulfate de plomb
et semble jouer un rôle important dans la stabilité à long terme (Lane, 1987). Le
plomb se corrodant dans l'eau distillée (car exempte de carbonates), le rinçage
s'effectue en plusieurs bains d'eau de ville (4 ou 5) pendant au plus une demi-journée.

La protection

La protection d'un objet métallique consiste à isoler le métal de l'environnement


grâce à un film soit formé par réaction du métal avec un composé chimique
(inhibiteur), soit constitué par une résine ou une cire.

Les inhibiteurs de corrosion


Un inhibiteur de corrosion est un corps qui, ajouté en petite quantité dans un
milieu potentiellement corrosif, réduit le taux de corrosion en diminuant la tendance
du métal à réagir avec ce milieu (Shreir, 1977, p. 18.12). Les mécanismes d'inhibition
sont variés et complexes ; ils reposent principalement soit sur la formation d'un
dépôt sur les zones anodiques et/ou cathodiques, soit sur une adsorption sur ces
mêmes zones (Shreir, 1977). Ces phénomènes ralentissent ou empêchent la réalisa-
tion des réactions électrochimiques de corrosion.
On distingue les inhibiteurs suivant plusieurs critères (Walker, 1982 ; Skerry,
1985) :
— leurs zones d'action : les inhibiteurs anodiques empêchent les réactions anodi-
ques, les inhibiteurs cathodiques, les réactions cathodiques et les inhibiteurs mixtes,
toutes les réactions ;
— leur action oxydante ou non ;
— leur mode d'action (formation d'un film ou adsorption) ;
— leur nature chimique, organique ou inorganique ;
— leur sécurité d'emploi ; par exemple une concentration insuffisante d'un inhibi-
teur anodique peut provoquer une adsorption incomplète sur les zones anodiques
et conduire à une corrosion localisée intense. Mal employés, les inhibiteurs
anodiques peuvent donc s'avérer dangereux (Turgoose, 1985).
Les inhibiteurs peuvent être utilisés en solution, avec ou sans tensio-actif, lors
d'un stockage temporaire avant traitement ou lors d'un nettoyage chimique destiné
à éliminer les produits de corrosion ; additionnés au bain, ils empêchent l'attaque
du métal.
Les inhibiteurs formant un film sont utilisés pour la protection finale de l'objet.
Pour tous les inhibiteurs employés ou appliqués en solution, une imprégnation
sous vide partiel est souhaitable. Des rinçages doivent également succéder aux
bains d'inhibiteurs. Mais les inhibiteurs ne sont pas toujours efficaces en raison de
la structure complexe du métal archéologique qui ne permet pas leur action normale
comme sur le métal nu (Turgoose, 1985).
On citera également les inhibiteurs en phase vapeur (VPI) qui ne sont pas
appliqués sur l'objet mais qui diffusent dans une atmosphère de stockage à partir
de papier ou de textile imprégnés. Ces produits sont souvent toxiques et doivent
être utilisés en milieu clos (Stambolov, 1978).
ALLIAGES FERREUX
En solution (voir à ce sujet : Walker, 1982 ; Flenn, Foley, 1975) : le chromate de
sodium à 2,1 g/1 à un pH supérieur à 8,5 (Pearson, 1972, p. 97), le mélange acide
tannique à 50 g/1 et acide phosphorique à un pH de 2 (Argo, 1981), le nitrite de
sodium à 3 % dans l'éthanol (Mourey, 1981a).
Avec formation d'un film : dans le cas d'objets peu corrodés, des produits
industriels semblent donner de bons résultats (Turischeva, 1984).
VPI : le nitrite de dicyclohexylamine et le carbonate de cyclohexylamine (60 parts
dans 21 parts de caséine et 120 parts d'eau, appliqués sur du papier) (Stambolov,
1978). Ce dernier peut avoir des effets corrosifs sur les autres métaux (Turgoose,
1985).
ALLIAGES CUIVREUX
En solution : le benzotriazole pour certaines solutions comme l'hexamétaphos-
phate de sodium (Merk, 1981).
Avec formation d'un film : le benzotriazole, soit à 1 % dans l'eau, soit à 3 %
dans l'éthanol. La durée des bains varie de quelques minutes à une dizaine d'heures
suivant l'importance de la corrosion, à des températures allant jusqu'à 50 °C
(Brinch Madsen, 1967 ; Greene, 1975 ; Sease, 1978).
VPI : le nitrite de dicyclohexylamine (Stambolov, 1978), le benzotriazole (Sease,
1978).
ARGENT
V P I : le nitrite de dicyclohexylamine o u la chlorophyle ( S t a m b o l o v , 1978).

L e s r é s i n e s e t les c i r e s

Le dégraissage et le séchage de l'objet, lequel est destiné à éliminer t o u t e trace


d ' h u m i d i t é à l ' i n t é r i e u r des p r o d u i t s de c o r r o s i o n et s u r le métal, s o n t p r é a l a b l e s
à t o u t e a p p l i c a t i o n d ' u n film. E n l'absence d ' u n séchage c o m p l e t , de l ' h u m i d i t é est
r e t e n u e sous le film, le film p r o t e c t e u r c o n s t i t u e alors u n e véritable c h a m b r e h u m i d e
o ù la c o r r o s i o n a t o u t le loisir de se p o u r s u i v r e .
Ce séchage p e u t être o b t e n u s u i v a n t plusieurs procédés, utilisés i n d é p e n d a m m e n t
ou conjointement :
— séchage d a n s u n e étuve ventilée à 105°C o u sous des l a m p e s à r a y o n n e m e n t
infrarouge,
— é l i m i n a t i o n de l ' h u m i d i t é p a r i m m e r s i o n d a n s u n s o l v a n t (l'alcool p a r exemple),
— d é s h y d r a t a t i o n en présence d ' u n a g e n t dessicant (gel de silice).
L o r s d u séchage d a n s u n e étuve, la m o n t é e et la descente de la t e m p é r a t u r e
d o i v e n t être très progressives afin d'éviter les chocs t h e r m i q u e s susceptibles de
fragiliser l'objet. En effet, le m é t a l a u r a u n c o m p o r t e m e n t très différent des p r o d u i t s
de c o r r o s i o n c a r les coefficients de d i l a t a t i o n ne s o n t pas c o m p a r a b l e s . D e s
t e m p é r a t u r e s plus élevées p e u v e n t aussi c o n d u i r e à u n e d é g r a d a t i o n des résines
é v e n t u e l l e m e n t e m p l o y é e s lors d ' u n collage o u d ' u n e c o n s o l i d a t i o n .
D e n o m b r e u s e s m é t h o d e s de p r o t e c t i o n o n t été p r o p o s é e s (Pascoe, 1982), p a r m i
lesquelles figure l ' a p p l i c a t i o n d ' u n film à base de résines o u de cires q u e l ' o n
p r é s e n t e r a ici. L'efficacité de la p r o t e c t i o n d é p e n d des qualités intrinsèques des
p r o d u i t s ( i m p e r m é a b i l i t é à la v a p e u r d ' e a u et a u x gaz, résistance a u x chocs
t h e r m i q u e s , élasticité, a d h é r e n c e ) et des q u a l i t é s d u film (épaisseur, régularité).
Le m o d e d ' a p p l i c a t i o n ( t r e m p a g e à p r e s s i o n n o r m a l e o u sous vide partiel,
a p p l i c a t i o n a u pinceau) a u r a u n e influence sur les qualités d u film ( M o u r e y ,
1987b) ; il est p r é f é r a b l e de p r o c é d e r à u n t r e m p a g e l o r s q u e cela est possible.
Les résines réversibles employées s o n t p r i n c i p a l e m e n t acryliques, p a r f o i s vinyli-
ques ( R h o d o p a s M 60), t o u j o u r s en solution. O n déconseillera l'emploi de p r o d u i t s
irréversibles p a r n a t u r e (résines époxy, polyester, etc.).
Les qualités d u film d é p e n d e n t é g a l e m e n t de la c o n c e n t r a t i o n de la résine et de
la n a t u r e d u solvant. Le choix d u s o l v a n t est bien e n t e n d u c o n d i t i o n n é p a r la
solubilité de la résine. Il est préférable d ' e m p l o y e r des s o l v a n t s d o n t la r é t e n t i o n
est faible c o m m e l'alcool o u l ' a c é t o n e (Masschelein — Kleiner, 1981, p. 37). L a
c o n c e n t r a t i o n de la résine (de 3 % à 10 % ) a aussi u n e influence s u r la brillance
d u film.
P a r m i les résines acryliques, o n p e u t r e c o m m a n d e r p o u r les alliages cuivreux le
Synocril o u l ' I n c r a l a c qui c o n t i e n t d u b e n z o t r i a z o l e , et p o u r les alliages ferreux, le
Synocril o u le P a r a l o ï d B 48 N. L a réversibilité réelle de ces résines à long t e r m e
n ' é t a n t p a s établie, l'emploi d u P a r a l o ï d B 72, s'il ne semble p a s offrir la meilleure
p r o t e c t i o n ( M o u r e y , 1987b), p e u t être justifié p a r sa b o n n e réversibilité à long
terme. Des p r é t r a i t e m e n t s à base de silanes ont été r é c e m m e n t p r o p o s é s afin
d ' a m é l i o r e r l ' a d h é r e n c e des résines acryliques s u r les objets en alliages ferreux
(Aoki, 1987).
L ' é t a i n et l'argent, très sensibles a u ternissement, p e u v e n t être protégés p a r u n
film de P a r a l o ï d B 72 (solution à 5 % d a n s l'acétone).
C o n c e r n a n t le p l o m b et ses alliages, a u c u n e p r o t e c t i o n n ' e s t réellement efficace
à l o n g terme et il est i n d i s p e n s a b l e d ' a s s u r e r u n s t o c k a g e o p t i m a l (Lane, 1987).
Certains vernis dont le Paraloïd B 72 peuvent néanmoins protéger l'objet des
manipulations.
Les cires utilisées sont d'origine minérale (cires microcristallines). Elles sont
employées soit liquides à 100 °C ou 120 °C (au-dessus de leur point de fusion de
l'ordre de 70 °C à 80 °C), soit en solution (à 10 % dans le white-spirit par exemple).
Concernant leur mode d'application, Mourey signale qu'un trempage prolongé à
chaud conduit à un dépôt d'une épaisseur insuffisante pour une protection efficace
(inférieure à 1 (im) (Mourey, 1987b).

Le stockage après traitement

Les principes généraux du stockage figurant au chapitre X, nous présentons ici


les mesures spécifiques du stockage des métaux.
Après traitement, tous les métaux doivent être stockés dans une atmosphère sèche, à
une humidité relative inférieure à 40 %.
Le stockage des objets de petite taille est facilement réalisable en les plaçant dans
une boîte hermétique en polyéthylène (Tupperware, Miflex) avec du gel de silice
sec (Silicagel ou Actigel, bleu lorsqu'il contient un indicateur coloré de saturation),
dans la proportion de 20 kgjm3 (Thomson, 1977 ; Lafontaine, 1984). Dans cette
boîte, les objets peuvent être emballés individuellement dans des sachets en
cellophane (papier cristal) avec leur référence. Il faut éviter de placer les objets en
contact direct avec des barquettes en aluminium car un processus de corrosion
galvanique peut s'établir en présence d'humidité et conduire non seulement à une
dissolution de l'aluminium mais surtout à des dépôts indésirables sur l'objet (Genin
et al., 1987).
En présence d'hydrogène sulfureux, l'argent se recouvre d'un film brun-noir de
sulfure d'argent Ag2S ; c'est la ternissure de l'argent. A une humidité relative
inférieure à 20 %, cette corrosion devient beaucoup moins importante (Graedel et
al., 1985). Naturellement présent dans l'air, l'hydrogène sulfureux peut voir sa
concentration augmenter dans une vitrine ou tout autre lieu de stockage par la
présence de laine, de cuir, ou de caoutchouc vulcanisé (Blackshaw, Daniels, 1978).
L'élimination de l'hydrogène sulfureux peut être alors obtenue par la mise en place
de papiers spéciaux imprégnés d'une substance réagissant facilement avec H2S
(Plenderleith, 1971, p. 232). L'application d'un vernis reste la protection la plus
sûre face à cette corrosion.
Le cuivre est également sujet à la corrosion en présence d'hydrogène sulfureux
(Graedel et al., 1985). L'application d'un vernis conjointement à un traitement au
benzotriazole offre une protection satisfaisante (Hjelm-Hansen, 1984).
L'étain ne nécessite aucune précaution particulière. On rappellera seulement la
possibilité d'un changement de structure cristalline à de très basses températures
(cf. supra). Ces températures sont heureusement peu fréquentes dans nos musées
et la « peste de l'étain » demeure exceptionnelle.
Le plomb, quant à lui, est très sensible aux vapeurs d'acides organiques,
principalement d'acide acétique. Ces vapeurs peuvent provenir de la dégradation
de certains composants des bois naturels (chêne ou châtaignier par exemple) ou de
l'oxydation de certains durcisseurs employés dans les colles rentrant dans la
fabrication des bois tels que contreplaqués, agglomérés ou lamellé-collés (Shreir,
1977, p. 19-75 ; Blackshaw, Daniels, 1978). Ces vapeurs sont à l'origine d'une
corrosion catastrophique du plomb aboutissant à une ruine totale de l'objet. Il
convient d'exclure totalement ces matériaux en présence du plomb, que ce soit en
contact direct ou non. Le plomb doit être stocké en milieu sec, dans des boîtes ou
vitrines en métal, verre ou certaines matières plastiques comme le polyéthylène
(Blackshaw, Daniels, 1978) ou le plexiglass (Petrou-Lykiardopoulou, 1987).
Dans le cas où la présence de bois ne peut être évitée, certains vernis appliqués
sur le bois peuvent diminuer la diffusion de ces vapeurs (Miles, 1986) mais cette
solution ne semble pas efficace à 100 % et il est préférable d'assurer une bonne
ventilation du lieu de stockage afin d'éviter une concentration des vapeurs
corrosives. Enfin, si cela n'est pas possible, il convient de maintenir une hygrométrie
basse car d'une part le rôle de l'humidité dans l'émission de ces vapeurs est
important (Werner, 1987) et d'autre part le gel de silice absorbe en partie les
vapeurs d'acides (Blackshaw, Daniels, 1978).
Dans une moindre mesure, le fer est également sensible aux vapeurs d'acides
organiques mais il ne nécessite pas de telles restrictions dans l'emploi des matériaux
de stockage. En revanche, un milieu sec est indispensable à sa bonne conservation.

CONCLUSION

Toutes les techniques exposées dans ce chapitre sont, pour la plupart, mises en
œuvre couramment.
Qu'elles soient inspirées directement de la recherche industrielle récente ou
employées depuis de nombreuses années, elles permettent au conservateur-
restaurateur de traiter efficacement les objets métalliques qui lui sont confiés
quotidiennement.
Cependant, il ne faudrait pas que l'application de nouvelles techniques, si
enrichissantes soient-elles, de nouveaux produits fournis par l'industrie chimique
se substitue à une recherche fondamentale sans laquelle aucun réel progrès ne
pourrait être accompli.
En effet, de nombreuses interrogations subsistent liées à la structure même du
métal archéologique et à sa spécificité, souvent peu étudiées : mécanismes d'altéra-
tion liés au milieu d'enfouissement, nature et structure des produits de corrosion,
relation entre technologie d'élaboration et corrosion...
Seule une étude approfondie de ces points permettrait d'améliorer réellement
l'efficacité des techniques de conservation et de préciser leur spécificité.
Archéologie et discipline de la conservation-restauration sont ici étroitement
imbriquées car n'oublions pas que derrière une matière profondément altérée se
dissimule un objet qu'il s'agit de conserver mais avant tout de comprendre.

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
CHAPITRE VI

Les matériaux
organiques
S y l v i a DE LA BAUME

C o n t r a i r e m e n t a u x m é t a u x , à la c é r a m i q u e o u a u verre qui s o n t issus d ' u n e


technologie de t r a n s f o r m a t i o n de p r o d u i t s n a t u r e l s (oxydes, argile, silice...), les
m a t é r i a u x o r g a n i q u e s s o n t p r é s e n t s à l'état n a t i f d a n s n o t r e e n v i r o n n e m e n t . Ce
s o n t des p r o d u i t s a n i m a u x et des ressources végétales qui o n t été exploités de t o u t
temps.
C e r t a i n e s fouilles a r c h é o l o g i q u e s m e t t e n t a u j o u r des q u a n t i t é s a b o n d a n t e s
d ' o b j e t s o u de restes o r g a n i q u e s , d ' a u t r e s n ' e n recèlent pas, ou, l o r s q u e c'est le cas,
s e u l e m e n t à l'état de traces. Cela ne signifie p a s q u e selon les é p o q u e s , o u les types
d ' o c c u p a t i o n , les m a t é r i a u x o r g a n i q u e s n ' a i e n t pas été utilisés ; il f a u t d o n c
relier leur d é c o u v e r t e à leur histoire, et plus p a r t i c u l i è r e m e n t à leur vie d u r a n t
l'enfouissement. Il est en effet juste de penser q u e selon le type d ' e n v i r o n n e m e n t
p e n d a n t la p é r i o d e d ' a b a n d o n , les d é g r a d a t i o n s subies p a r les m a t é r i a u x o r g a n i q u e s
s o n t plus o u m o i n s i m p o r t a n t e s .
Si d a n s ce chapitre, il n o u s est impossible de détailler de m a n i è r e exhaustive la
c o n s e r v a t i o n de t o u s les m a t é r i a u x o r g a n i q u e s , t r o p n o m b r e u x et variés, n o u s
p r o p o s o n s , a u travers des q u a t r e m a t é r i a u x les plus f r é q u e m m e n t utilisés d a n s la
f a b r i c a t i o n d ' o b j e t s (bois — vanneries, p e a u x — cuirs, os — ivoires, textiles) de
d o n n e r les caractéristiques p h y s i c o - c h i m i q u e s de leur n a t u r e et de leur a l t é r a t i o n .
L a p l u p a r t de ces principes d ' a l t é r a t i o n s ' a p p l i q u e n t a u x objets d u r a n t leur p é r i o d e
d ' e n f o u i s s e m e n t et, si bien s û r n o u s ne p o u v o n s c o n n a î t r e avec certitude ces
p h é n o m è n e s qui a p p a r t i e n n e n t a u passé de l'objet, l ' o b s e r v a t i o n des différents états
de celui-ci a u m o m e n t de sa d é c o u v e r t e , c o m p l é t é e p a r l'analyse d u milieu, est
essentielle p o u r choisir u n e m é t h o d e de c o n s e r v a t i o n .
Les d é c o u v e r t e s et les p r o g r è s c o n s i d é r a b l e s réalisés en vingt ans n o u s p e r m e t t e n t
a u j o u r d ' h u i de p r o p o s e r u n e g a m m e de t r a i t e m e n t s , perfectibles certes, m a i s a d a p t é s
a u x p r o b l è m e s c o n c r e t s de la c o n s e r v a t i o n a r c h é o l o g i q u e .
Les principales techniques de c o n s e r v a t i o n s e r o n t a b o r d é e s d a n s ce chapitre, et
l'accent sera mis sur les m é t h o d e s s p é c i f i q u e m e n t a r c h é o l o g i q u e s d ' i n t e r v e n t i o n
m i n i m a l e et de stabilisation de l'objet d a n s u n é t a t o ù sa fonction, sa technologie
et s o n histoire d e m e u r e r o n t , d a n s la m e s u r e d u possible, intégrales et lisibles.
LES MATÉRIAUX ORGANIQUES : NATURE

Les matériaux organiques regroupent toutes les productions naturelles issues du


monde végétal et animal. La particularité de ces matériaux est le rattachement de
la matière au monde vivant.
Les biologies végétale et animale reconnaissent différentes phases dans l'évolution
de la matière vivante ; les principales sont la reproduction, la croissance, la maturité
et la dégénérescence. L'unité fondamentale de cette matière vivante est la cellule.
La première phase consiste en la fusion de deux cellules parentales et se poursuit
immédiatement par des phases de croissance avec la première division de la cellule
mère en deux cellules filles identiques. Par le jeu des divisions successives, les
millions de cellules formées s'organisent en tissu. Au cours de la croissance, les
cellules d'un tissu se différencient par leur forme et par la nature de leurs composés
chimiques pour devenir spécifiques ; spécificité qu'elles confèrent au tissu résultant
de leur assemblage. La matière organique est donc composée de différents tissus
parmi lesquels sont définis : les tissus de réserve, de soutien et conducteur chez les
végétaux ; les tissus conjonctif et osseux chez les animaux.
Lorsque l'on veut comprendre la nature des matériaux organiques, il est nécessaire
d'en connaître les éléments constitutifs fondamentaux, c'est-à-dire les cellules, leur
composition chimique et leur mode d'arrangement en tissu.

N a t u r e chimique des cellules végétales

Les cellules végétales sont limitées par une paroi dont les principaux composés
chimiques sont la cellulose, les hémicelluloses et la lignine.
La cellulose, haut polymère naturel, est un polysaccharide formé par la réunion
en chaîne de molécules de nature glucidique, grâce à des liaisons de type glucosidique
(Arnaud, 1978). L'unité de base, constituée de deux sucres à six atomes de carbone
(hexoses), correspond à la structure du P-cellobiose (C12 - H20 . OIO)n (fig. la). La
valeur de n, qui exprime le degré de polymérisation, soit le nombre d'unités de
base de la chaîne moléculaire, est de l'ordre de 3 000, mais peut baisser jusqu'à
1 000 lorsque la chaîne est altérée par hydrolyse ou oxydation, réactions qui
provoquent la rupture des liaisons intermoléculaires.

FIG. la. — Structure de la cellulose.

FIG. lb. — Structure d'une microfibrille.


L'association d'environ 40 chaînes de cellulose forme une fibre élémentaire, qui
représente le diamètre le plus petit décelable en microscopie électronique, soit
environ 35 Â (1 Â = 10"10 m).
Par endroit, les chaînes de cellulose ont une ordonnance parfaite entre elles, due
à la formation de liaisons secondaires entre les chaînes moléculaires, ce qui se traduit
sur la fibre élémentaire par des zones cristallines (appelées parfois « micelles »). Ces
zones sont mises en évidence par analyse en diffraction X. Elles sont entrecoupées
le long de la fibre élémentaire par d'autres régions, dites « amorphes », où les
chaînes de cellulose, non liées, sont désordonnées. Ce sont ces zones amorphes qui
sont préférentiellement le siège d'altérations (fig. lb).
L'agrégation des fibres élémentaires donne naissance à une microfibrille d'environ
100 à 300 Â de diamètre.
Les chaînes de cellulose portent des fonctions hydroxyles (OH) qui peuvent
former avec l'eau (HOH) des liaisons hydrogène ; cette propriété fait de la cellulose
un composé hygroscopique. En fait, beaucoup de ces fonctions hydroxyles sont
impliquées, soit dans la formation des zones cristallines de la chaîne cellulosique,
soit dans la coalescence des fibres élémentaires et de leurs agrégats en microfibrilles.
L'eau ne peut donc se lier qu'aux molécules entrant dans la constitution d'une
zone amorphe, ou sur celles dont les fonctions hydroxyles sont libres.
Ainsi, plus les chaînes de cellulose sont dégradées, avec déstabilisation des zones
cristallines qui libèrent de nouvelles fonctions hydroxyles, plus l'eau est à même
d'établir de nouvelles liaisons hydrogène, et plus l'hygroscopicité des chaînes est
accrue.
Les hémicelluloses sont des polysaccharides ramifiés dont les constituants
essentiels sont des sucres tels que le D-xylose, le D-galactose, le D-glucose et le
D-mannose ainsi que des résidus des acides D-glucuronique et D-galacturonique
(Arnaud, 1978 ; Florian, 1987). Leur degré de polymérisation est très inférieur à
celui de la cellulose (150 < n < 200) dont elles ne possèdent pas les propriétés
cristallines. Elles comportent également de nombreuses fonctions hydroxyles
susceptibles de se lier à l'eau, mais compte tenu de leur structure amorphe, elles
sont comparativement plus hygroscopiques que la cellulose .
La lignine est un haut polymère issu de la condensation de nombreux composés
aromatiques comportant des groupes hydroxyles, carboxyles et méthoxyles ; bien
qu'elle ait une structure amorphe, elle est très stable chimiquement grâce à sa
conformation tridimensionnelle. C'est elle qui assure la rigidification des parois
cellulaires et donc du tissu libérien.
Lors de la croissance de la jeune cellule, la première paroi formée, appelée paroi
primaire (paroi I), est très mince ; elle s'épaissit progressivement par des dépôts
successifs de couches de cellulose qui forment la paroi secondaire (paroi II). On
définit une troisième paroi (paroi III) où l'orientation des microfibrilles diffère de
celle des parois précédentes. De même, au sein de la paroi II, les orientations
particulières que prennent les microfibrilles permettent de distinguer trois couches
SI, S2, et S3 (fig. 2). Selon les espèces végétales, la différence que l'on note entre
l'orientation des microfibrilles, au sein des différentes couches de la paroi cellulaire,
est plus ou moins importante ; ce phénomène influence les propriétés physiques et
mécaniques des fibres végétales (Tsoumis, 1968).
Dans la paroi des cellules végétales, la cellulose est le constituant quantitativement
le plus important, notamment dans la paroi II ; elle est toujours trouvée en
association avec d'autres composés tels des hémicelluloses, des protéines, ou des
substances pectidiques. Ultérieurement, au cours de la croissance de certains
végétaux, la lignine se mêle à la cellulose au sein de la paroi I.
FIG. 2. — Structure de la paroi des cellules végétales.

Le coton

Le coton est une matière première utilisée dans la confection de fibres textiles et
dans l'élaboration des pâtes à papier cellulosiques.
Selon la provenance et l'âge de la plante, les poils de coton font de 2 à 3 cm de
long et de 15 à 18 lim de diamètre dans leur partie médiane. En se desséchant, les
cellules des poils se vident de leur contenu cellulaire. Les poils s'aplatissent en se
vrillant, ce qui leur donne une section transversale caractéristique en forme de
haricot. Il ne reste alors que la membrane de la cellule (Chêne, Drisch, 1967).
La paroi II des cellules du coton est composée à 94 % de cellulose très cristalline
et de quelques hémicelluloses tandis que la paroi 1 contient des pectines et des cires
qui confèrent au coton son caractère hydrophobe à l'état naturel.

Le lin

Le lin est une fibre provenant d'une plante (Linum Usitatissinum) qui peut
atteindre jusqu'à 1,20 m de long et 1 à 3 mm de diamètre.
Les fibres élémentaires du lin peuvent faire de 1 à 6 cm de long pour un diamètre
de 6 à 10 jim ; elles ont une section polygonale caractéristique. Elles sont constituées
à 80 % de cellulose très cristalline qui donne à la fibre de très bonnes propriétés
mécaniques, mais une aptitude faible à la torsion. Ce dernier caractère physique
entraîne la formation de zones de dislocation le long de la fibre élémentaire,
appelées « genoux », qui sont des points de faiblesse dans l'organisation des
microfibrilles présentant une plus grande susceptibilité d'altération (Sotton, 1986).
L'agrégat de 10 à 30 fibres élémentaires par un ciment comportant des pectines
et de la lignine forme un faisceau. L'ensemble des faisceaux, au nombre de 30 à
40 ont sensiblement la longueur de la plante.

Le bois

Le bois présente la structure la plus élaborée et achevée du monde végétal. Quelle


que soit sa classe, feuillus (Angiospermes) ou conifères (Gymnospermes), le bois
est composé d'un ensemble de cellules différentes en taille et en forme suivant leur
fonction ; l'arrangement des cellules dans le bois est caractéristique de l'espèce.
Une coupe transversale dans le bois fait apparaître les cernes de croissance, mis
en évidence par la section ouverte de vaisseaux chez les feuillus à zones poreuses
ou par des différences de couleur et de densité chez les conifères ; les cernes sont
dus à la périodicité saisonnière de la croissance de l'arbre c'est-à-dire l'alternance
du bois de printemps (bois initial) et du bois de cœur (bois final). Chez les conifères,
des canaux résinifères sont parfois visibles sur cette coupe.
Sur leur face transversale, tous les bois présentent des rayons plus ou moins
discernables selon leur largeur ; ils sont particulièrement évidents sur le chêne ou
le hêtre (0,5 à 1 mm de large).
Sur une coupe tangentielle à l'axe de l'arbre, les rayons se présentent coupés
dans leur hauteur, tandis que sur la face radiale, ils se détachent nettement par
leur direction perpendiculaire à celle des autres fibres (fig. 3a).

FIG. 3a. — Caractères macroscopiques du bois.

FIG. 3b. — Structure macroscopique du bois.


Les éléments caractéristiques des feuillus sont les vaisseaux dont le lumen, espace
interne des cellules, peut être très grand (0,1 à 0,2 mm) (fig. 3b). Ils sont constitués
de cellules juxtaposées, mais ouvertes, qui forment un tube. Ils possèdent par
ailleurs de nombreuses ponctuations qui sont des ouvertures permettant une
conduction latérale des liquides vers les cellules voisines (Schweingruber, 1982).
Chez les conifères, les éléments caractéristiques sont les trachéides qui représentent
environ 95 % de la structure du bois; elles sont étroites (5.10-3 à 80.10-3 mm)
mais très longues (jusqu'à 7 mm), sans perforation. Les ponctuations peuvent être
simples, mi-aréolées, ou aréolées. Ces dernières forment des ouvertures au niveau
des vaisseaux ou des trachéides et jouent un rôle important dans les mouvements
des liquides au sein du bois.
Une ponctuation est issue d'une récession dans les parois 1 et II.
Chez les conifères, le bord de la ponctuation apparaît avant la formation de la
paroi II. Pendant celle-ci, la paroi 1 se modifie par un épaississement central appelé
torus. Autour du torus, les microfibrilles se réarrangent en brins radiaux, donnant
naissance au margo. Les substances dissoutes empruntent ce passage d'une cellule
à l'autre (fig. 4).
En position normale, le torus occupe une place centrale, mais il peut être aspiré
vers l'un ou l'autre des bords de la ponctuation (Tsoumis, 1968).

FIG. 4. — Structure d'une ponctuation.

Les ponctuations sont très semblables chez la plupart des feuillus, quoique
certains ne présentent pas de torus ; la membrane externe de la ponctuation est
alors la paroi 1 non modifiée. Les substances passent par diffusion à travers celle-ci.
La structure de la paroi cellulaire a déjà été décrite. Dans le bois, au cours de
la dernière phase de croissance de la cellule, un dépôt de lignine s'opère sur la
paroi 1 qui ne contient alors que peu de cellulose (25 % du poids sec).
Les cellules du bois comprennent souvent des inclusions, des tyloses dans les
vaisseaux de certains feuillus, dans le chêne par exemple ; ceux-ci peuvent se
développer jusqu'à obstruer complètement le vaisseau et leur rôle est alors
primordial vis-à-vis du mouvement des liquides dans le bois.
De même, plus fréquemment chez les conifères que chez les feuillus, il se forme,
dans les rayons, des dépôts inorganiques sous forme de cristaux, d'oxalate de
calcium par exemple, qui peuvent nuire à la bonne circulation des liquides au sein
du bois.
D'une manière générale, l'humidité interne d'un bois modifie ses propriétés
physiques et mécaniques, sa dureté et sa résistance contre les micro-organismes.
Le bois gonfle en présence d'humidité grâce aux propriétés hygroscopiques de
ses constituants et subit des retraits en séchant, notamment lorsqu'il atteint une
humidité inférieure au point de saturation des fibres. Celui-ci est le taux d'humidité
du bois lorsque les fibres sont gonflées (saturées d'eau colloïdale) mais qu'aucun
liquide, ou « eau libre » n'existe plus dans les espaces vides constituant la structure
capillaire du bois (vaisseaux, rayons, etc.).
Ce point de saturation des fibres est de l'ordre de 32 à 35 % du poids sec chez
les feuillus et de 26 à 28 % chez les conifères ; cette différence s'explique par une
proportion supérieure d'hémicelluloses, plus hygroscopiques que la cellulose, dans
la paroi des feuillus que dans celle des conifères (Tsoumis, 1968).
Cette eau qui forme des liaisons avec les molécules de cellulose ou d'hémicellulose
est appelée « eau liée ». L'eau passe à travers les parois cellulaires par diffusion
grâce au gradient d'humidité naturel qui sévit dans la paroi cellulaire.
Au-dessus du point de saturation des fibres, l'eau libre remplit les cavités
cellulaires du bois qui agissent comme de fins capillaires.
Comme tous les corps à structure capillaire, le bois connaît des phénomènes de
sorption, c'est-à-dire qu'il absorbe les vapeurs condensées environnantes jusqu'à
atteindre un certain taux d'équilibre. Dans le bois cette absorption est importante
car la cellulose et les hémicelluloses sont hygroscopiques ; de plus elle varie en
fonction de la dimension des surfaces intérieures.
On définit l'hystérésis comme la différence d'humidité entre la désorption et
l'adsorption. Par expérience, après une série d'adsorptions et de désorptions,
c'est-à-dire des cycles d'humidification/séchage, l'hystérésis décroît progressive-
ment, ce qui signifie que le bois gonfle de moins en moins après réhumidification
(fig. 5). En effet en séchant, les chaînes de cellulose, d'hémicellulose, la lignine, etc.
se rapprochent, créant des liaisons entre leurs groupes hydroxyles ; l'eau ne peut
donc plus se lier à ces groupes, d'où un écartement ultérieur des chaînes limité.

FIG. 5. — Hystérésis.

A ce propos, ont été faites des expériences utilisant des rayonnements gamma
destinés à dégrader des chaînes de cellulose en de plus petits polymères ; on pouvait
ainsi juger de l'influence du degré de polymérisation de la cellulose sur les
phénomènes de sorption. Il est apparu que des doses importantes de rayons gamma
coupaient les chaînes de cellulose en des polymères de la taille des hémicelluloses
et qu'ainsi l'hygroscopicité du bois était fortement augmentée.
Ce phénomène pourrait également être expliqué par des rapports énergétiques,
la sorption correspondant à une perte d'énergie (Kollmann, 1968).
Lors de la désorption, on observe des retraits qui sont proportionnels à la densité
du bois et qui sont directement liés au taux d'humidité de celui-ci, et ce, jusqu'au
point de saturation des fibres. Les parties externes du bois atteignent leur point de
saturation plus tôt que les parties internes et il en résulte un retrait de surface
précoce.
Le bois est un matériau anisotrope et il ne se rétracte pas avec la même importance
dans toutes les directions. Le rapport entre les retraits selon les axes longitudinal,
radial et tangentiel est de 1:2:3 (fig. 6).
Etudiée chez les conifères, cette différence a été expliquée par l'arrangement
hélicoïdal des microfibrilles des parois cellulaires, différent selon le sens radial ou
tangentiel. De plus, chez les conifères, dans le sens radial, la présence de nombreuses
ponctuations dans les parois cellulaires interrompt localement les tensions provo-
quées par le séchage sur les microfibrilles. Il ne fait aucun doute que les propriétés
anisotropiques du bois sont dues à l'orientation des microfibrilles dans les parois
cellulaires et à celle des fibres dans l'arbre.
L'importance des retraits tangentiels est également expliquée par l'alternance du
bois initial et du bois final qui forme les cernes de croissance.

Fic,. 6. — Anisotropie du bois.

En définitive, les gonflements et retraits du bois ne sont pas seulement dus à la


structure des parois cellulaires, mais aussi à l'hétérogénéité de l'ensemble de ses
tissus constitutifs : trachéides, fibres, vaisseaux de différentes tailles, bois initial,
bois final... Les réactions de nature différente de ces tissus produisent au cours du
séchage une superposition de contraintes induites par le gradient d'humidité.

N a t u r e chimique des cellules animales

L'ensemble des propriétés des cellules animales est à l'image de leur nature, très
complexe et varié. Nous étudierons ici les propriétés ayant une implication directe
sur l'altération et la conservation des tissus animaux.
Comme dans la cellule végétale, ce sont essentiellement la composition et
l'organisation des parois des cellules animales qui sont les plus significatives de
leurs propriétés.
Les membranes des cellules animales sont constituées à 60 % de protéines et à
40 % de lipides complexes.
Les lipides complexes sont des composés bipolaires présentant un pôle hydrophobe
et un pôle hydrophile ; ils auront donc une orientation définie dans la membrane
vis-à-vis des molécules d'eau.
Les protéines sont des macromolécules issues de l'enchaînement d'acides aminés
qui sont des composés dont la molécule possède une fonction amine (NH2) et une
fonction acide carboxylique (COOH). Les positions relatives de ces deux fonctions
peuvent varier et on définit des acides alpha-aminés, béta-aminés etc.
Ceux qui participent à l'élaboration des protéines sont alpha-aminés de formule
générale ( —HN-R-COO - ) ; certains, plus complexes, peuvent présenter plusieurs
fonctions acides ou aminés.
La plupart de ces acides alpha-aminés (aminoacides) porte un nom propre.
Quelques exemples d'acides aminés

Le fait que les aminoacides possèdent une fonction acide et une fonction amine
basique les amène à se comporter en « tampon » : dans des solutions acides, ils
agissent en base ; dans des solutions basiques, en acide. Cependant, il existe une
valeur du pH pour laquelle la molécule d'aminoacide est globalement neutre ; on
appelle cette valeur le point isoélectrique.
Les protéines sont issues de la condensation d'un grand nombre de molécules
d'aminoacides par élimination d'une molécule d'eau. Les protéines sont donc des
chaînes plus ou moins longues, linéaires ou cycliques. La liaison - CO-HN -
constitue le groupement caractéristique de ces enchaînements : c'est la liaison
peptidique (Arnaud, 1978).

Il existe seulement une vingtaine d'aminoacides différents auxquels s'ajouteraient


une dizaine d'aminoacides plus rares. La multitude des combinaisons offre la
possibilité d'élaborer des millions de protéines différentes.
Les chaînes protéiniques, issues de la perte de molécules d'eau, sont évidemment
sujettes aux hydrolyses. L'hydrolyse complète de la chaîne libère les acides aminés.
La formation de cette chaîne protéinique constitue la structure primaire (structure
I) de la protéine.
La structure secondaire (structure II) définit la géométrie spatiale des protéines.
La chaîne est enroulée en hélice maintenue par des liaisons hydrogène qui relient
entre elles deux spires successives. Un pas de l'hélice (écartement entre deux spires)
comporte environ quatre liaisons peptidiques, soit une distance d'environ 5,4 À
(fig. 7).

FIG. 7. — Hélice alpha ; structure II.

La structure tertiaire (structure III) définit l'arrangement entre elles de plusieurs


hélices ; torsadées ensemble elles forment des protéines fibreuses dont la kératine,
la fibroïne et le collagène sont des exemples.
Les protéines subissent sous l'effet de la chaleur des transformations d'état
irréversibles.

L a laine

La laine est un poil animal particulièrement développé. Elle est composée


essentiellement d'une substance complexe, la kératine, qui est une protéine issue
de l'enchaînement de 21 acides aminés au total, réticulée en hélice (structure II)
par de nombreuses liaisons impliquant les atomes de soufre provenant de la cystine
(voir tableau). Les chaînes protéiniques s'associent ensuite pour former des
microfibrilles qui participent à l'élaboration des parois des cellules qui constituent
le poil.
Les cellules périphériques plates (formant la cuticule) se superposent à la manière
d'écaillés, visibles en microscopie optique.
Selon les animaux, on différencie les fibres à cellules « para », petites et fines ou
« ortho », cellules plus grossières (Sotton, 1986).
La laine est générée en milieu aqueux (follicule pileux) ; elle est donc stable en
milieu humide. Cependant, l'intervalle isoélectrique se situe à des pH compris entre
5 et 7 ; en deçà ou au-delà, les fibres gonflent de manière anisotrope : 1 à 2 % dans
le sens longitudinal et de 35 à 40 % dans la largeur (Florian, 1987). Par ailleurs,
la laine ne résiste pas aux milieux trop alcalins (pH > 10).
D'autres matières animales que les poils contiennent principalement de la
kératine, notamment la corne, l'écaille de tortue, etc. Les substances à base de
kératine sont reconnaissables à l'odeur de soufre qu'elles dégagent lors de leur
combustion (dégradation thermique) et qui est due à la rupture des liaisons S-S de
la cystine.

L a soie

La soie est une substance sécrétée par le bombyx (ver à soie) pour fabriquer le
cocon où se développeront ses larves. Elle est formée de deux filaments protéiniques
de section triangulaire constitués de fibroïne, associés par un ciment également de
nature protéinique, la séricine. Au cours de l'élaboration des fibres textiles, le
ciment est éliminé par les opérations de décreusage.
La fibroïne est une protéine très cristalline grâce à de nombreuses liaisons
hydrogène qui imbriquent les chaînes latérales des acides aminés dans la formation
d'un réseau tridimensionnel. La fibroïne est par conséquent très peu hygroscopique
et très résistante aux différents agents chimiques et biologiques (Florian, 1987).

L a peau
La peau est constituée de deux couches principales : l'épiderme qui est une
membrane mince, et le derme qui forme une couche épaisse sur l'hypoderme, tissu
sous-cutané qui le sépare des organes.
L'épiderme est formé de plusieurs couches de cellules superposées dont la zone
de formation se situe à proximité du derme ; les cellules se divisent et progressent
au cours de leur croissance vers la surface extérieure où elles meurent et tombent.
Durant ce processus, les cellules subissent une modification chimique : elles se
kératinisent ce qui leur confère une meilleure résistance vis-à-vis des agressions
extérieures.
L'épiderme est séparé du derme par la membrane hyaline, ondulée et transparente.
Le derme est la partie la plus importante de la peau : sous la membrane hyaline
se situent les papilles dermiques qui sont des zones sensitives très irriguées. Elles
constituent la « fleur » de la peau où s'inserrent les poils et les différentes glandes.
La partie la plus profonde du derme, la « chair », est constituée d'un feutrage
de fibres de nature protéinique à base de collagène et de fibres élastiques. L'ensemble
est maintenu par la substance basale qui contient également des protéines, des
lipides, différents carbohydrates et de l'eau : celle-ci confère à la peau sa souplesse
et son hydratation.
Le derme est donc composé essentiellement de collagène, macromolécule protéini-
que formée par l'enchaînement d'un peu plus de mille aminoacides dont les
principaux sont la glycine, l'alanine et la proline (voir tableau).
La structure 1 de la chaîne montre des séquences alternées d'aminoacides neutres
apolaires et d'aminoacides polaires, c'est-à-dire dont la chaîne latérale comporte
des fonctions soit acides, soit basiques, soit hydroxyles. Les premiers ont une
structure cristalline, les seconds sont susceptibles de réagir chimiquement au niveau
des chaînes latérales et sont de nature amorphe.
Dans un état stable, la chaîne protéinique s'enroule en hélice (structure II, fig. 7).
La structure III définit l'association de trois de ces hélices par liaison hydrogène
pour donner une molécule de 2 800 Â environ et de masse molaire de l'ordre de
300 000 : le tropocollagène.
Les molécules associées forment ensemble les fibrilles, observables en microscopie
électronique où elles présentent des bandes sombres et claires alternées, interprétées
comme la représentation des zones cristallines et amorphes. L'association en fibrille
est due à des liaisons covalentes intermoléculaires, entraînant une réticulation
naturelle qui rend le collagène insoluble.
Le point isoélectrique du collagène se situe à un pH de 6,5. La molécule étant
globalement neutre, elle présente peu de fonctions susceptibles de se lier à l'eau ;
le gonflement dans l'eau est alors minimum. A des pH acides ou basiques, le
gonflement peut être très important.
La dénaturation thermique, déjà citée, se traduit par une déstabilisation de la
structure II (désorganisation de l'hélice par rupture des liaisons hydrogène) : la
peau se rétracte alors.
Dans la préparation des cuirs, les opérations de tannage consistent à introduire
dans la peau une substance (tanin) dont les fonctions chimiques lui permettent de
se lier aux sites libres du collagène. Les fonctions ainsi bloquées sont moins
susceptibles de réagir avec l'eau et les éléments chimiques extérieurs, rendant ainsi
la molécule moins accessible aux micro-organismes.

N a t u r e particulière des os et ivoires

Les os et les ivoires sont considérés comme des matériaux organiques dans la
mesure où ils sont issus du monde animal. Cependant, ils présentent une nature
mixte dans leur composition chimique.
Ils sont en effet constitués d'une matrice organique de nature protéinique sur
laquelle s'incrustent des sels minéraux qui donnent aux os et ivoires leur rigidité.
De proportion variable selon les espèces, la fraction minérale représente environ
les 2/3 du poids frais de l'os ou de l'ivoire.

Les ivoires

La plupart des dents des mammifères sont constituées de dentine, appelée ivoire,
recouvert d'une couche extérieure d'émail.
La fraction organique se dépose en couches successives au cours de la croissance
de la dent, donnant à l'ivoire une structure lamellaire. La dentine contient des
fibres de collagène ; ce serait au niveau de la structure II, sur l'hélice, que
s'initialiserait la minéralisation. Les sels minéraux en cause sont des sels de calcium
et de magnésium sous forme essentiellement de phosphates, associés à du fluor
et des carbonates. Les phosphates de calcium ont une structure proche de
l'hydroxyapatite Caio(P04)6(OH)2 (Lafontaine, Wood, 1982).
Selon les espèces animales, la structure de l'ivoire varie sensiblement dans son
organisation. Les défenses de morse présentent de la dentine II comportant des
canaux longitudinaux qui constituent le système Haversien, et de la dentine 1 où
ce dernier est absent. Les défenses des éléphants d'Afrique contiennent des lipides
qui augmentent la transparence de l'ivoire et des fibres élastiques protéiniques
(élastine).

Les os

La fraction organique des os est constituée d'osséine, également à base de


collagène ; c'est un tissu dense sur sa périphérie qui présente de minuscules
perforations, témoins de l'activité vasculaire passée. Au centre des os longs, le
système Haversien, ancien système vasculaire, est plus prononcé avec des canaux
longitudinaux très apparents qui confèrent à l'os une structure spongieuse (Bresse,
1953) (photo 1).
Les bois des cervidés ont une structure similaire à celle des os mais leur surface
extérieure présente un aspect plus irrégulier dû à un système vasculaire plus
PHOTO 1. — Structure spongieuse des os. (Photo S. de La Baume.)

important qui sert à l'irrigation de la fine peau qui les recouvre du temps de la vie
de l'animal.
Os et ivoires ont des propriétés anisotropes d'une part grâce aux orientations
particulières de leurs canaux qui agissent en capillaires vis-à-vis des liquides et
d'autre part à cause des possibilités d'adsorbtion de l'humidité relative au niveau
de leur fraction organique (molécules protéiniques hydrophiles).
La différenciation entre ces deux matériaux est parfois difficile. Il faut rechercher
sur une coupe transversale de l'objet, le tissu spongieux des os ou les dessins, étoilés
ou courbes, caractéristiques des ivoires. Sur la face longitudinale, les os présentent,
visibles à un grossissement x 10, des canaux tandis que les ivoires sont parfaitement
denses. Cependant, après enduction d'huile, de cire, ou polissage, les os peuvent
être très difficiles à identifier et seules alors, la couleur et la densité peuvent apporter
une réponse.
En présence d'objets issus de fouille, ces critères sont souvent caduques du fait
de l'interaction du milieu environnant.

ALTÉRATION DES MATÉRIAUX ORGANIQUES

Les dégradations que subissent les objets de nature organique sont multiples.
Ces altérations, qu'elles soient d'ordre physique, chimique ou biologique,
s'amorcent dès la mise en œuvre de la matière première et se prolongent indéfiniment.
Selon la vitesse de progression de ces altérations, les objets nous parviendront ou
non.
Celle-ci dépend non seulement de la nature de l'environnement des objets,
c'est-à-dire le milieu dans lequel ils évoluent défini par ses propriétés, physique,
chimique et biologique, mais aussi des qualités de résistance propres au matériau
constitutif de l'objet. Par exemple la densité des tissus de certains bois contribue à
les rendre plus imperméables aux altérations chimique et biologique du milieu et
ainsi certaines espèces dont le hêtre, le châtaigner ou les fruitiers, nous parviennent-
elles plus fréquemment que d'autres.
Il est impossible de hiérarchiser l'importance des facteurs d'altération car leurs
actions se déroulent soit simultanément soit se complètent en se succédant très
intimement.
Afin d'avoir une approche la plus complète possible des différentes formes
d'altération qui président à la destruction des matières organiques, celles-ci seront
présentées sous trois rubriques : physique, chimique et biologique. L'important au
moment du choix du traitement est de faire la synthèse de ces trois types d'altération
en relation avec le milieu d'enfouissement. Les milieux d'enfouissement fournissent
une donnée tangible, la vie de l'objet avant son abandon n'étant jamais qu'hypo-
thèse. La responsabilité du devenir de l'objet après son exhumation nous appartient
et la petite part de celle-ci qui incombe au conservateur-restaurateur sera abordée
avec les traitements de conservation.

Les dégradations d'ordre physique

Ces dégradations modifient l'objet sous l'effet de contraintes purement mécani-


ques. Elles se produisent le plus souvent du temps de l'utilisation de l'objet et en
causent éventuellement l'abandon. Elles peuvent être accidentelles, comme dans le
cas d'un choc occasionnant un bris, ou le fruit d'une utilisation répétée entraînant
usure et déchirure, des pièces de cuir ou de textile par exemple.
Cependant, après l'abandon, les objets enfouis subissent également des dégrada-
tions physiques sous la pression exercée par le poids des terres. Les sites immergés
ne sont pas exempts de contraintes mécaniques, qu'elles proviennent de l'effet
abrasif des particules en suspension, ou simplement des mouvements de l'eau
(courants).
D'autres phénomènes produisent des tensions mécaniques internes aux objets :
ce sont les variations climatiques, définies par la température et l'humidité qui sont
deux facteurs interdépendants, les variations de l'un entraînant celles de l'autre
(voir Chapitre X).
Les matériaux organiques comportent naturellement de l'eau dans leurs
structures ; ils sont donc naturellement sensibles aux variations de température et
d'humidité de leur environnement.
Un excès d'humidité amène les matériaux organiques à en absorber une partie
dans leurs structures pour se maintenir en équilibre avec le milieu environnant.
Dans un premier temps, l'eau absorbée établit des liaisons faibles avec les molécules
hydrophiles des tissus (hémicellulose, cellulose, collagène...), ce qui provoque un
gonflement des structures ; puis, en surplus, elle circule sous forme d'eau libre dans
les cavités cellulaires, ce qui permet aux fibres de glisser les unes sur les autres. Ce
phénomène se traduit par un gain de flexibilité.
L'eau dans le sol, comme dans les rivières ou la mer, n'est pas pure. Elle contient
en effet différents sels minéraux dissous et véhicule toutes sortes de particules. Avec
elle, ces corps vont diffuser dans les cavités des matériaux (Keepax, 1975). A
l'occasion d'un changement d'environnement autour de l'objet, ces corps pourront
jouer le rôle d'agent physique de détérioration. Par exemple au cours du séchage,
lors du départ de l'eau, les sels dissous cristallisent mais demeurent hygroscopiques ;
un nouvel apport d'humidité favorise leur gonflement qui provoque des tensions
sur les parois des structures cellulaires. Ils sont sources de problèmes, notamment
lors des traitements de conservation dont ils modifient les résultats selon leur
réactivité avec les produits employés. Par ailleurs ils peuvent se comporter de
manière très active dans certaines dégradations chimiques de la matière organique.
C'est le cas des sels métalliques de fer qui oxydent les chaînes cellulosiques des
végétaux ou peptidiques des matières animales (soie, cuir...).
Lorsqu'il se produit un abaissement du degré d'humidité du milieu, souvent lié
à une élévation de température, l'eau libre contenue dans les matières organiques
s'évapore. Il en résulte une déshydratation des objets qui se traduit par un
rapprochement entre elles des fibres, animales ou végétales. Ce phénomène se
caractérise par une perte d'élasticité des tissus. Les cuirs, comme les bois, deviennent
anormalement secs et cassants, sujets à des fractures sous l'effet de sollicitations
mécaniques externes et même, dans le cas des bois, des fentes dues à des ruptures
de liaisons entre les fibres peuvent apparaître.
Les fentes, au sein des bois comme des os ou des ivoires, se produisent
dans différentes directions privilégiées, résultat des propriétés anisotropes de ces
matériaux dont les structures hétérogènes présentent des qualités de résistance
mécanique variables. Dans les bois, elles apparaissent préférentiellement le long
des rayons, suite à un retrait tangentiel important. Les ivoires présentent des
fissurations au niveau des zones riches en dentine et donc plus faiblement
minéralisées. Les os se fendent longitudinalement, selon les axes de formation du
tissu osseux. Les cuirs qui n'ont pas ces caractères d'anisotropie, présentent
cependant une différence de densité dans leurs tissus entre le côté chair et le côté
fleur ; ce dernier étant plus fin et serré, les cuirs se déforment en se vrillant, côté
fleur vers l'intérieur.
Les augmentations accidentelles de la température (incendie, four...) entraînent
une dessication poussée des matériaux souvent très rapide et homogène ; les retraits
sont uniformes et laissent juste un squelette carboné du tissu cellulaire, parfois
lisible et identifiable comme dans le cas des charbons de bois.
Lorsque la température s'abaisse au-dessous du point de congélation de l'eau
(eau pure = 0 °C), l'eau comprise dans la structure des matériaux se prend en
glace. Si cette condition particulière interdit toute attaque biologique et chimique,
elle n'en est pas moins dangereuse pour les objets. En effet, le passage de l'eau à
l'état solide, sous forme de glace, s'accompagne d'une augmentation de volume. Les
poussées qu'entraîne cette augmentation de volume ne manquent pas d'endommager
physiquement les structures cellulaires des végétaux ou des ossements. Dans les
traitements de conservation qui ont recours à un moment donné à la congélation,
celle-ci est menée dans des conditions opératoires précises et un prétraitement
spécifique s'impose dans pratiquement tous les cas.

Les dégradations chimiques

Les matériaux organiques étant constitués de molécules organiques comportant


des atomes de carbone, d'hydrogène, d'oxygène et éventuellement d'azote et de
soufre, ils sont susceptibles de subir toutes les transformations liées à la chimie
organique. Parmi ces réactions, nous nous intéresserons à celles qui peuvent se
produire au cours de l'enfouissement de l'objet. Dans des milieux d'enfouissement,
souvent complexes comme peut l'être un sol, il faut dégager les deux formes
principales de réaction chimique en présence. Tout d'abord, la réaction acide-base :
le milieu d'enfouissement, terrestre ou aquatique, est rarement neutre. Les liquides
qui le composent participent à ce type de réaction, sous forme d'acide ou de base
selon la nature du sol. D'autre part, le sol et la mer contiennent des sels métalliques
qui catalysent la mise en place de réactions d'oxydation des matières organiques
(Marian, Wissing, 1960).
Quelles que soient les réactions en cause, oxydation, hydrolyse acide ou alcaline,
leurs effets sur les molécules organiques sont des scissions au sein des chaînes
moléculaires, qui abaissent en conséquence le degré de polymérisation de la
macromolécule et modifient ses propriétés mécaniques (Mills, White, 1987). Ces
réactions dégradent surtout les matériaux dans les zones vulnérables de leur
structure, c'est-à-dire au niveau des zones amorphes de la cellulose ou du collagène,
ou bien sur les sites faiblement liés comme les ponts hydrogène de la structure
hélicoïdale des protéines. Ces zones sont des zones de faiblesse naturelle, mais il
peut s'en créer d'autres au gré d'autres formes d'altération concomitantes, qu'elles
soient de nature physique (défibrillation au niveau d'une cassure) ou biologique
(attaque de la structure par les micro-organismes).
La plupart de ces réactions chimiques nécessitent de l'oxygène. Un milieu
parfaitement anaérobie, c'est-à-dire privé d'oxygène, ralentit considérablement ou
inhibe ces réactions chimiques.

L a dégradation biologique

La dégradation biologique est le fait d'organismes ou micro-organismes vivants.


Les dommages dus à un organisme sont de deux ordres : physique et chimique.
Les organismes supérieurs, notamment les insectes, trouvent sur les matériaux
organiques un substrat idéal pour la nidation et la nourriture. Ils créent donc des
dommages physiques en perforant des galeries dans le bois ou les cuirs afin d'y
déposer leurs œufs. Les larves trouvent alors sur le support même la nourriture
qui leur permet d'assurer leur développement. Afin de se nourrir, elles sécrètent
des substances chimiques qui dégradent la molécule organique de façon à pouvoir
l'assimiler.
La plupart de ces organismes saprophytes ne peuvent se développer qu'à l'air
libre ou dans un sol aéré et peu profond où la température est tempérée. Leur
action se situe donc essentiellement au cours de la période d'utilisation de l'objet
ou peu de temps après son abandon.
Dans le cas d'une inhumation en sarcophage, ces organismes peuvent avoir une
espérance de vie un peu plus longue grâce à la réserve d'oxygène présente, mais
avec l'épuisement de celle-ci et l'apparition de conditions proches de l'anaérobie,
leur action se trouve de toute façon très ralentie.
Les objets immergés subissent des attaques similaires de la part d'organismes
supérieurs adaptés aux milieux aquatiques. L'enfouissement dans le sable ou la
vase constitue également un moyen de protection de l'objet puisqu'il est confiné
dans des conditions limitées en oxygène (dans les eaux libres des rivières, lacs ou
mers, l'oxygène est présent en solution dans des proportions suffisantes à de
nombreuses espèces). Outre que le creusement des galeries occasionne une perte
évidente de matière, il provoque un affaiblissement mécanique de l'ensemble des
structures.
D'autres altérations d'ordre mécanique peuvent être causées par des végétaux
supérieurs dont les racines puisent à proximité des matériaux organiques leur
réserve d'eau, de carbone et d'azote ; ces sources nutritives sont d'autant plus riches
que des processus de décomposition biologique se sont déjà mis en place.
Les micro-organismes regroupent les champignons appelés communément moisis-
sures et les bactéries. Au sein des moisissures, on différencie les moisissures blanches,
rouges, cubiques... en fonction des éléments cellulaires objets de leurs attaques et
des produits résultant de leur dégradation. Le nombre des bactéries et leur diversité
sont considérables, et chaque type de tissu rencontré est la cible potentielle d'une
attaque par un groupe spécialisé. Les bactéries sont donc toujours à craindre, car

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
elles sont capables de dégrader toute sorte de substrat et dans pratiquement toutes
les conditions climatiques envisageables. De plus, leur action, parce qu'elle réduit
les matériaux en des éléments plus simples, plus facilement assimilables, favorise
souvent de nouvelles infections par d'autres organismes, lorsque les conditions de
température, d'humidité, de pH et d'oxygène le permettent.
L'origine des colonisations par les moisissures ou les bactéries est variée car les
spores ou les germes bactériens sont omniprésents dans l'air ou la mer et a fortiori
dans le sol aux nombreuses activités biologiques, localisées notamment près de la
surface. Les climats les plus propices au développement du plus grand nombre de
micro-organismes sont certainement les atmosphères humides et chaudes. L'humi-
dité est le facteur déterminant car certaines espèces peuvent se développer dans des
conditions de température extrême allant de + 8 °C à + 40 "C. De même, suivant
les espèces, la tolérance vis-à-vis des pH des milieux d'enfouissement est très large
(depuis un pH acide 3/4 à des pH basiques de 9). Enfin, bien que des conditions
aérées favorisent le développement d'une plus grande variété de micro-organismes,
on connaît certaines bactéries qui se reproduisent dans des conditions parfaitement
anaérobies.
Les micro-organismes trouvent sur le substrat organique au sein des tissus
cellulaires les éléments C, H, 0 , N, indispensables à leur développement. Afin de
s'en nourrir, ils dégradent par hydrolyse enzymatique les macromolécules organiques.
Tous les micro-organismes ne sont pas pourvus des enzymes nécessaires à la
dégradation première des tissus et dans ce cas, ils ne peuvent se développer qu'en
présence des espèces qui ont la capacité d'assumer cette première dégradation
biochimique. Il apparaît donc que pour un substrat donné, la présence de différentes
espèces complémentaires est très fréquente.
Au cours du métabolisme de ces micro-organismes, des substances acides sont
libérées qui contribuent à accélérer la dégradation des tissus cellulaires.
Les objets colonisés par ces micro-organismes ne présentent pas à l'échelle
macroscopique de traces aussi évidentes que celles que laissent des organismes
supérieurs. Cependant étant attaqués dans leurs structures profondes, au niveau-
même de l'organisation de leurs tissus, ils perdent toute résistance mécanique. Sur
les objets humides, la présence de bactéries est révélée par une surface gluante,
celle des moisissures par de fins micelles gris ou blancs. Lorsque la décomposition
est plus avancée, l'objet perd toute cohésion de surface, laquelle prend alors un
aspect poudreux et s'érode progressivement.
Si le mobilier archéologique peut comporter des traces d'attaques par les insectes,
celles-ci ont eu lieu généralement avant ou au moment-même de l'enfouissement
de l'objet. La survie de l'objet durant la période d'enfouissement va dépendre d'une
part des caractéristiques du milieu environnant, plus ou moins propice aux réactions
chimiques et au développement de micro-organismes et d'autre part de la nature
du substrat. Sous nos climats tempérés, on rencontre trois types principaux de sites
archéologiques : les sites terrestres, les sites immergés (rivières, lacs...) et les sites
marins.
Les sites terrestres sont caractérisés par la nature de la roche mère et par celle
des composés du sol. Lorsque la roche mère est acide, le sol aura des propriétés
acides. Il en est de même dans les lieux où les précipitations excèdent l'évaporation.
En effet, l'eau de pluie combinée au dioxyde de carbone, sous forme d'acide
carbonique dilué, s'infiltre dans le sol, dissout les composants alcalins et alcalino-
terreux (comme le calcaire), laissant un squelette minéral essentiellement siliceux.
A l'inverse, dans les lieux où l'évaporation excède les précipitations, ces composants
y sont déposés et le sol s'enrichit en éléments alcalins : il acquiert ainsi des
caractéristiques basiques, observables aussi lorsque la roche mère constitue un
substrat riche en alcalins. Ces sols sont riches en composés métalliques.
L'activité biologique est relativement moins importante dans les sols acides que
dans les sols basiques ce qui permet une meilleure conservation des matériaux
organiques en général, hormis celle des os et des ivoires dont la fraction minérale
peut être dissoute à de faibles pH. L'humidité du sous-sol modifie cependant ces
critères ; un sol acide humide devient au regard de l'activité biologique aussi néfaste
qu'un sol alcalin.
Les décompositions chimiques nécessitent un certain pourcentage d'humidité
mais lorsque les pores du sol sont saturés d'eau, l'oxygène ne peut y pénétrer et
les altérations chimiques et biologiques sont considérablement ralenties. C'est ainsi
que certaines zones alluvionnaires basiques offrent de bonnes conditions de
conservation (Gregson, 1977). A l'opposé, le drainage d'un sol, en abaissant le
niveau de l'eau, lui confère une meilleure oxygénation et les dégradations chimiques
et biologiques sont alors activées (Dowman, 1970).
Les lacs et les rivières possèdent dans leur eau de nombreux sels minéraux dissous
ou en suspension, mais très peu d'oxygène dissous. L'activité biologique est limitée
en fonction de ce faible taux d'O, et du degré d'éclairage. En effet, lorsque l'éclairage
est suffisant, il permet la prolifération de plantes aquatiques qui produisent de
l'oxygène au cours de leur métabolisme. La température peut également représenter
un facteur de limitation de l'activité biologique. Les courants qui siègent dans les
eaux des rivières favorisent l'oxygénation du milieu et donc le développement de
micro-organismes aérobies. Enfouis dans le sédiment, les objets sont protégés très
rapidement de l'action des moisissures, mais celle des bactéries peut persister
au-delà de cinquante centimètres de profondeur. Ce sont alors des bactéries qui
peuvent survivre soit à des conditions anaérobies, soit dans un milieu très faiblement
oxygéné. C'est le cas notamment des bactéries réductrices des sulfates, dont le
métabolisme prend sa source non pas dans l'oxygène mais dans le soufre. Elles
participent activement à la dégradation des matériaux organiques mais aussi à celle
des objets métalliques à partir desquels elles forment des sulfures de couleur noire.
La mer est un milieu qui comporte un très grand nombre de sels dissous, dont
le chlorure de sodium. La concentration de ce dernier varie selon la profondeur et
la distance avec le rivage. Les variations de température sont régies par ce même
gradient. Plus on s'éloigne du littoral et plus on gagne les profondeurs, plus la
température et le taux de chlorure de sodium baissent. L'oxygène dissous en faible
quantité, provenant de l'activité des végétaux, voit également son taux décroître
avec les profondeurs. Le pH de la mer est relativement constant, très légèrement
basique (pH 8/9). Vers les fonds, les ions calcium prédominent, issus de la
décomposition de nombreux coquillages. A l'interface eau/sédiment se trouve la plus
large distribution d'espèces bactériennes ; celles-ci s'enfoncent dans les sédiments
jusqu'à des profondeurs de 9 cm pour les espèces aérobies et au-delà de 65 cm pour
les anaérobies. Le taux d'oxygène minimum nécessaire aux moisissures serait de
l'ordre de 0,30 ml/1. Celles-ci trouvent leur reproduction inhibée par un taux trop
élevé de chlorure de sodium et par conséquent se développent mieux dans les mers
froides du nord dont la salinité est plus faible. La température peut également être
un facteur d'inhibition. La meilleure protection des objets est là encore un
enfouissement rapide dans les sédiments. Ceux-ci les préservent à la fois des
dégradations chimiques et biologiques, mais aussi de l'effet abrasif des courants.
Probabilité de la présence des matériaux organiques dans les milieux humides en fonction du
p H (First aid for finds, 1987)

Alcalin Neutre Acide

Os Os
Bois Bois Bois
Cuir Cuir Cuir
Textile Textile Textile
d'origine végétale d'origine animale
Poil 1 , Poil 1
Corne 1 Kératine Corne Jf Kératine

Quelques cas de m a t é r i a u x organiques en fouille

Les trois grands types d'altération (physique, chimique, biologique) que nous
venons de développer, en relation avec les milieux d'enfouissement (terrestre,
aquatique, marin), sont communs à tous les matériaux organiques. Cependant
selon leur nature (bois, cuir, etc.) ceux-ci présentent des comportements particuliers.

Bois et vannerie
Le bois, au moment de sa mise en œuvre et au cours de son utilisation, possède
un taux d'humidité interne de l'ordre de 7 à 15 % ; selon le milieu dans lequel il
est abandonné, plus ou moins humide, le bois réagit pour tendre vers un état
d'équilibre. Ainsi si le milieu est sec, l'humidité du bois disparaît progressivement,
autrement dit, l'objet se dessèche graduellement. Dans la phase qui précède
l'enfouissement total et la dessication du matériau, celui-ci subit diverses colonisa-
tions de micro-organismes, ou même d'animaux xylophages qui viennent réduire
considérablement la résistance mécanique du bois. Puis le bois, plus profondément
enfoui, (à moins qu'il ne soit déjà complètement décomposé) achève sa déshydrata-
tion, laquelle amenuise encore la résistance mécanique des matériaux par perte de
plasticité entre les fibres rapprochées. Dans cette situation, l'objet très affaibli peut
se briser et se déformer. Par contre, l'oxygène se raréfiant dans le sol, nombre
d'espèces saprophytes vont disparaître. Seules quelques bactéries résistantes à un
faible taux d'oxygène subsisteront (cf. supra). De plus le bois déshydraté devient
plus difficilement accessible à ces organismes ; les fibres rapprochées constituent
une barrière physique et la colonisation ne peut guère pénétrer l'objet en profondeur.
Si au contraire le milieu d'enfouissement de l'objet se trouve humide, différents
processus se mettent en place favorisant d'une part le maintien des structures et
les dégradant par ailleurs. Dans de telles conditions d'humidité, les bois absorbent
l'humidité environnante et dans un premier temps, les structures cellulaires se
gonflent de cette eau. Puis toujours pour tendre vers un équilibre avec le milieu,
les bois continuent à absorber de l'eau libre dans leurs cavités cellulaires. Au cours
de l'enfouissement, les micro-organismes colonisent le bois, empruntant les voies
naturelles que leur offrent les rayons, les vaisseaux, mais aussi, de cellule à cellule,
les ponctuations. Cela leur est d'autant plus facile que l'eau libre écarte les chaînes
moléculaires, et donc les fibres, libérant de nouvelles voies d'accès. La rapidité de
l'enfouissement conditionne la qualité des espèces organiques en présence et plus
vite l'objet se trouve dans des conditions d'oxygénation faible ou nulle, plus le

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
nombre d'espèces se réduit aux seules bactéries anaérobies. Ces dernières sont
réputées pour leur travail de longue haleine alors que les autres espèces causent la
dégradation très rapide du bois.
L'eau, outre l'effet de relâchement qu'elle crée au sein des structures des parois
cellulaires, permet dans une mesure mal définie, la solubilisation de certains
composés chimiques du bois (pectine, amidon...). Elle provoque également des
hydrolyses au niveau des hémicelluloses et de la cellulose, ce qui réduit la longueur
des chaînes de ces hauts polymères et libère de nouvelles fonctions hydroxyles
(OH) qui rendent les parois cellulaires encore plus hygroscopiques. La diffusion
de l'eau dans les structures favorise l'invasion de micro-organismes. Certains d'entre
eux possèdent des enzymes spécifiques, les cellulases, qui leur permettent de couper
par hydrolyse enzymatique les chaînes de cellulose. La perte de cellulose qui s'ensuit
accélère à son tour la diffusion de l'eau et l'avancement des micro-organismes plus
profondément dans le bois. Le processus se répète ainsi. Cependant, malgré les
dégradations subies et une perte certaine de matière, les liaisons établies entre les
chaînes macromoléculaires et l'eau vont permettre aux structures de se maintenir sans
effondrement. Dans ce processus, le bois subit une altération qui progresse de
l'extérieur vers l'intérieur ; on parle alors d'altération centripète.
Les différentes essences de bois ne présentent pas la même durabilité. Il a déjà
été dit que la densité des bois ralentissait le processus de dégradation en limitant
la perméabilité des tissus et donc la diffusion des liquides. Mais d'autres phénomènes
comme la formation du bois de cœur entraînent une obstruction progressive des
vaisseaux, avec pour le chêne par exemple, la formation de thylle ; ceci réduit les
possibilités de pénétration des corps étrangers à cœur. En outre certains conifères
possèdent dans leurs structures des composés phénoliques qui présentent des
propriétés antiseptiques, limitant les colonisations biologiques.
Au cours de l'enfouissement, dans les sites terrestres ou les milieux aquatiques,
selon le taux d'oxygène et la température, ces processus peuvent se ralentir et même
s'arrêter lorsqu'un seuil d'équilibre est atteint entre le bois et son milieu.
En fouille, des structures retrouvées en place comme des madriers ou des pieux
de chêne, sont révélatrices de l'action des micro-organismes. Non seulement le
niveau des sédiments est facilement identifiable grâce à la bonne conservation
relative des parties enfouies, mais le processus de dégradation centripète est
également reconnaissable : une couche de bois périphérique d'une épaisseur variable
de 1 à 5 cm, très peu résistante, spongieuse, de couleur sombre (cette dernière est
attribuée aux extraits du sol mais aussi à un environnement basique) masque une
partie centrale saine et dure, parfois constituée de bois de cœur toujours lignifié.
Les moisissures et les bactéries ont en effet beaucoup de difficultés à dégrader ce
haut polymère réticulé qu'est la lignine. Cette hétérogénéité supplémentaire du
matériau amène des complications dans le choix des traitements et leurs
applications : en effet, une partie du bois est très altérée, l'autre peu...
Les petits objets ne présentent généralement pas cette hétérogénéité. Ecuelles,
cuillères sont tournées à partir de bois dur. Même complètement saturé d'eau,
l'objet est généralement attaqué de façon homogène par les micro-organismes ; par
contre, les objets tournés sont capricieux lors des opérations de séchage car ils
présentent des caractéristiques mécaniques différentes selon les orientations des
tissus cellulaires, avec leurs retraits propres, etc.
Les vanneries, constituées de tiges libériennes ou de feuilles, présentent des
aptitudes à la dégradation différentes. Si les feuilles sont rapidement altérées, les
tiges offrent une barrière physique grâce à l'« écorce libérienne ». Par contre, les
réseaux internes de ces structures fournissent les mêmes voies de pénétration
privilégiées que le bois avec de plus une répartition uniforme. Leur colonisation
par les micro-organismes est donc aisée ainsi que leur décomposition. Seuls des
sols très compacts et anaérobies en permettent la conservation si l'enfouissement
a été rapide.
Peau et cuir
Les tissus animaux subissent également une putréfaction rapide après leur
abandon.
Les peaux naturelles, non traitées chimiquement par des opérations de tannage,
se retrouvent très rarement en fouille, ou lorsque c'est le cas, dans des milieux
d'enfouissement particuliers, parfaitement anaérobies avec des conditions de pH
et de température exceptionnelles. Dans le nord de l'Europe et en Angleterre, des
corps humains ont été trouvés remarquablement conservés dans des tourbes
(Brothwell, 1986).
Par ailleurs, des environnements très secs permettent à des peaux un séchage
naturel proche de la momification. C'est le cas de certaines inhumations en pleine
terre dans des sols bien drainés ; l'absence d'humidité empêche la prolifération des
espèces biologiques habituelles et la peau se déshydrate sans se décomposer. Dans
de tels cas, les peaux subissent des retraits et se durcissent de manière irréversible :
les fibres de collagène s'agglutinent et forment des liaisons difficiles à rompre. La
peau prend alors l'aspect du cuir, sans en être réellement puisque à aucun moment
il n'y a eu d'opération de tannage. Dans ces inhumations, les poils peuvent subsister
mais ils perdent aussi leurs propriétés mécaniques en devenant secs et cassants.
Dans la majorité des cas d'inhumation, les processus de putréfaction font
intervenir les bactéries intestinales du défunt qui envahissent alors l'ensemble des
tissus et en consomment l'oxygène ; quand celui-ci est épuisé, les bactéries anaérobies
du corps prennent le relai. Leur action est complétée par les bactéries du sol. Si le
milieu est dépourvu d'oxygène, ce sont les seules espèces biologiques qui intervien-
nent. Dans le cas contraire, des moisissures et des insectes nécrophages poursuivent
la dégradation du corps. Ces organismes possèdent des enzymes comme la
collagénase (Lucilia species) qui réduisent le collagène. Les larves de Tineola
attaquent la kératine des poils en réduisant les ponts S-S en S-H. Les graisses des
tissus sont hydrolysées en présence d'humidité par les lipases des tissus, puis par
les enzymes lipolytiques des bactéries (Clostridia species). Les graisses sont également
oxydées en aldéhydes et cétones. Les protéines sont dégradées en polypeptides plus
petits, puis fractionnées en acides aminés. Les tissus finissent par se liquéfier et
disparaître. Le cadavre émet progressivement des gaz issus de ces décompositions
dont du C02, du sulfure d'hydrogène, de l'ammoniac et du méthane qui produisent
une atmosphère réductrice (Janaway, 1985). Ce résumé donne un aperçu de la
complexité et de la complémentarité des phénomènes qui président à la putréfaction
des peaux et des chairs. Ceux-ci sont ralentis par des conditions anaérobies ou de
température et d'humidité faibles, facteurs défavorables aux agents biologiques de
la putréfaction.
En fouille, les cuirs sont plus souvent mis au jour que les peaux naturelles car
ils résistent mieux à ces dégradations biologiques grâce aux opérations de tannage.
L'ennemi des cuirs demeurent les moisissures et les bactéries, et encore une fois,
seules des conditions particulières de l'environnement de l'objet enfoui leur
permettent de nous parvenir. Si ces conditions sont fréquemment réunies dans des
sols saturés d'eau, les cuirs moins hygroscopiques que les bois du fait de leurs sites
bloqués par les tanins, ne sont pas moins sensibles à l'eau. Celle-ci a la capacité
de solubiliser certains composés des cuirs, notamment certains tanins (alun,
graisse...) rendant ainsi les cuirs vulnérables. D'après certains travaux hollandais,
la plupart des cuirs retrouvés en fouille sont des peaux tannées par des végétaux
qui résistent mieux aux conditions humides (Van Dienst, 1985).
Dans tous les cas, les cuirs humides sont souvent des cuirs où l'eau a
progressivement pris la place de substances lessivées ou hydrolysées, introduisant
ainsi dans le matériau différentes substances inorganiques (carbonates, silicates,
oxydes, etc.). Par ailleurs, les fibres de collagène sont écartées anormalement par
la présence de l'eau ; elles ont donc tendance au cours du séchage à se rapprocher.
Le séchage comporte des risques non seulement de retraits importants, mais aussi
de déformations (fruit de l'hétérogénéité entre les différents degrés d'altération des
fibres au sein de la même pièce). Dans le cas des cuirs retrouvés déjà secs, le mal
est difficilement réversible...

Les textiles
Si l'on considère tous les facteurs responsables de la dégradation des tissus
animaux et végétaux, que l'on peut synthétiser par l'action de l'agent physico-
chimique « EAU » et des agents biologiques, il est surprenant que certains
témoignages textiles nous parviennent.
Pourtant, c'est le cas, et il ne semble plus nécessaire après les développements
précédents de rappeler que ce sont des conditions d'enfouissements particulières
qui en sont le fait. Il faut cependant reconnaître aux fibres textiles une résistance
mécanique exceptionnelle due assurément à leur mise en œuvre. Celles-ci torsadées
maintes fois sur elles-mêmes, prises lors du tissage dans un réseau plus ou moins
complexe, confèrent aux textiles de bonnes qualités mécaniques comparées à celles
de la fibre naturelle.
Ceci explique peut-être que les altérations physiques n'aient que peu d'effet sur
ces matériaux durant la période d'enfouissement. Il en est autrement durant
l'utilisation des pièces où les pliures répétées, les abrasions multiples et les tensions
des coutures peuvent occasionner des déchirures.
Au cours de l'enfouissement, certains événements permettent aux textiles de nous
parvenir et d'échapper aux dégradations biologiques, notamment la proximité
d'objets métalliques, tels que des bronzes ou autres alliages de cuivre dont les sels
sont toxiques pour les micro-organismes. D'autres événements sont induits par
l'eau du sous-sol qui véhicule des sels, lesquels se déposent sur le textile, l'imprègnent
au point de le minéraliser définitivement. Les fragments ainsi minéralisés sont mis
au jour rigides et cassants comme du verre. Leur nouvelle nature minérale leur
assure une bonne conservation. Les mêmes processus de minéralisation peuvent se
produire lorsque les tissus sont au contact direct de métaux, comme par exemple
des objets en fer. Les oxydes de fer issus de la corrosion de l'objet imprègnent et
donc « conservent » les textiles. Dans ce cas-là comme précédemment, le tissu
retrouvé n'a plus sa structure organique d'origine mais la forme en est conservée.
Lorsque cette imprégnation des oxydes de fer est concomitante à la dégradation
biologique des fibres, il est possible de trouver dans les oxydes de l'objet métallique
l'empreinte négative du textile disparu. Cette empreinte livre alors les informations
perdues avec une très grande fidélité et à ce titre, les oxydes sont parfois à
conserver ; en fonction de leur intérêt, on peut alors choisir d'en exécuter un tirage
par prise d'empreinte selon les techniques pratiquées en moulage.
En ce qui concerne l'altération des textiles, il faut retenir que les milieux
légèrement basiques préservent mieux les fibres animales que les milieux acides.
Cependant, la kératine réagit fortement aux milieux très alcalins, où, dans des
conditions extrêmes, elle peut même se solubiliser par rupture des pont S-S et
hydrolyse de la chaîne peptidique. La plupart des protéines sont sensibles à la
lumière qui provoque des réactions de photo-oxydation ; celles-ci sont catalysées
par la présence de sels métalliques, notamment en millieu acide (Florian, 1987). A
l'opposé, les fibres d'origine végétale se conservent mieux dans des conditions à
tendance acide (pH < 5) ; en effet, dans une gamme de pH allant de 5 à 11, la
cellulose gonfle ce qui permet la mise en place de réactions d'hydrolyse ou
d'oxydation au sein de sa structure fine.
Quel que soit le milieu d'enfouissement, les teintures sont rarement visibles sur
les textiles achéologiques qui prennent des teintes allant du beige clair au marron
foncé. Il ne fait aucun doute cependant que les teintures étaient largement
employées, souvent produites à base de végétaux, de terres naturelles ou d'oxydes
métalliques. Elles ont le plus souvent été lessivées par le séjour prolongé dans le
sol. Cependant, à l'aide d'analyses fines en spectrométrie infra-rouge ou par
chromatographie, en phase liquide ou gazeuse, il est possible d'identifier des traces
de teintures végétales ou organiques disparues.
Les os et ivoires
Les altérations des os et des ivoires dépendent une fois de plus du milieu
d'enfouissement, mais également de la nature et de l'origine du matériau, c'est-
à-dire que les vitesses de dégradation ne sont pas les mêmes selon qu'un os provient
d'un sujet en bonne santé, jeune, vieux, etc. ; de plus, elles diffèrent en fonction de
la nature de l'os (os long, os plat). Il en est de même des ivoires dont la nature et
la structure varient légèrement en fonction de l'animal dont ils proviennent.
Les dégradations biochimiques se mettent d'autant plus vite en place que l'os
n'est pas totalement décharné et que les chairs amènent, au cours de leur
putréfaction, des micro-organismes susceptibles de s'attaquer aux os. Dans de tels
cas, la fraction organique est dégradée par voie enzymatique, laissant des espaces
libres dans la fraction minérale. Ces espaces, dans le cas de sols humides, se saturent
d'eau. Les sels véhiculés par l'eau, de nature métallique dans le cas de sols basiques,
cristallisent dans les espaces libres, renforçant ainsi la fraction minérale des os ou
des ivoires (Baer, Indictor, 1974 ; Baer et al., 1978). Lorsqu'il s'agit de sels solubles,
ceux-ci ont un caractère hygroscopique qui les amène à gonfler ou cristalliser selon
le degré d'humidité environnant. Ces changements d'état ne sont pas sans créer
des tensions qui provoquent des fentes ou des éclatements lors d'un séchage trop
rapide.
Au cours de la minéralisation des os, les phosphates de calcium sont progressive-
ment remplacés par des carbonates de calcium qui augmentent la porosité du tissu.
Ce phénomène de minéralisation est à différencier de la fossilisation des tissus
osseux, au cours de laquelle il n'y a modification ni de la structure microscopique,
ni du poids de l'objet (Florian, 1987).
Dans un sol acide, ou rendu localement acide, par exemple par la proximité du
bois d'un sarcophage, la fraction minérale est dissoute. Si le milieu présente un
caractère anaérobie, la fraction organique pourra alors se conserver. De tels os ou
ivoires sont apparemment en bon état lors de leur mise au jour, mais la dissolution
de la fraction minérale entraîne une perte importante des propriétés mécaniques
de l'objet. Il faut redouter alors l'évolution du séchage de ces matériaux, car les
composés organiques, dont le collagène, réagissent à la déshydratation par des
changements dimensionnels entraînant fentes et fractures. Lorsque au contraire, le
sol est bien drainé et aéré, les processus biologiques poursuivent la dégradation
des matières organiques et dans bien des cas, les os et les ivoires disparaissent
complètement.
La couleur des ossements ou des ivoires trouvés en fouille est très variable.
Dans la plupart des cas, ils sont de couleur blanche ou beige clair, mais leur
teinte peut s'assombrir jusqu'au brun et marron foncé du fait des composés du sol
qui diffusent dans leurs structures. Ils peuvent par ce même procédé prendre la
couleur des sels métalliques issus d'objets proches ; des teintes rousses d'oxyde de
fer ou des bleus-verts de carbonate de cuivre. Toutefois, il faut distinguer ces teintes
de celles dues à des dégradations thermiques qui sont le résultat, soit d'une volonté
esthétique, soit d'un accident (incendie).
En effet, les ivoires prennent différentes couleurs en fonction des températures
de calcination subies ; ce phénomène met en évidence certaines pertes élémentaires
dans leur composition chimique (Baer et al., 1971) :

En plus de la couleur, l'aspect mat, déshydraté, dégraissé de la surface d'un objet


et de ses cassures, permet souvent d'identifier un cas de calcination.
Les os subissent également des dégradations physiques dues aux végétaux
supérieurs, et il n'est pas rare de voir leur surface parcourue par un réseau plus ou
moins dense de galeries ouvertes qui sont les stigmates laissés par des racines
(photo 2).

PHOTO 2. — D é g r a d a t i o n des os p a r les v é g é t a u x o u les m i c r o - o r g a n i s m e s . ( P h o t o S. de La


Baume.)

Selon la variété des processus physique, chimique et biologique qui auront eu


lieu pendant la période d'enfouissement, les objets mis au jour lors de campagnes
de fouilles présentent des apparences diverses révélatrices de modifications plus ou
moins profondes dans leurs structures.
Parmi l'ensemble des techniques de conservation à notre disposition, il est alors
nécessaire de choisir en fonction de l'objet et de son état d'altération, celles qui lui
permettront de s'acclimater et de se stabiliser au mieux dans son nouvel environne-
ment atmosphérique. Le choix ne peut se faire qu'à partir d'une bonne connaissance
de l'ensemble des techniques de conservation, du diagnostic de l'altération subie
et de l'analyse des expériences réalisées sur les différents matériaux.
LES TRAITEMENTS DE CONSERVATION

Les matières organiques sont toujours amenées à disparaître avec le développe-


ment des processus biochimiques de décomposition. Certaines conditions exception-
nelles d'enfouissement permettent cependant de ralentir ces processus, les stoppent
même. Mais d'une manière générale, les objets qui nous parviennent sont des
miraculés. Les opérations de fouille rompent l'équilibre dans lequel se trouvait
l'objet, notamment par un apport d'oxygène, mais également par des modifications
de température et d'humidité. Suite à ces modifications, un grand nombre de
réactions biologiques ou chimiques sont « réinitialisées ».
Les traitements de conservation ont pour but de limiter ces facteurs, de ramener
l'objet dans des conditions d'équilibre avec le nouveau milieu atmosphérique et de
lui restituer une partie de ses propriétés mécaniques perdues, en respectant le plus
possible la nature, la forme et la texture du matériau d'origine.
Cette notion d'état originel des matériaux est difficile à définir. Elle ne correspond
pas à l'origine, au sens propre, des matériaux, c'est-à-dire avant intervention
industrielle, ni ne fait non plus référence à l'objet nouvellement manufacturé
n'ayant subi encore aucune altération issue de son usage : elle considère l'histoire
de l'objet, avec ses restaurations ou réemplois. Dans le cadre de la conservation
archéologique, c'est évidemment ce dernier état des objets qu'il est important de
retrouver et de préserver. Mais après les multiples dégradations subies au cours de
l'enfouissement, il est parfois impossible de définir exactement les limites de l'état
originel de l'objet. Dans ce cas, le but de la conservation archéologique sera de
maintenir la découverte dans son intégralité actuelle. Ceci est d'autant plus fréquent
que les processus de dégradation transforment les structures de manière irréversible.
La conservation des matières organiques n'est pas seulement un exercice de
laboratoire. C'est sur le chantier, au moment où les pièces voient leur équilibre
perturbé que les mesures de conservation doivent être mises en place. Les différentes
recommandations ont été données dans le Chapitre II et leur suivi assure non
seulement la survie des objets, mais très souvent conditionne la réussite des
traitements de laboratoire.

Nettoyage

Lorsque les objets arrivent au laboratoire de conservation, ils sont généralement


partiellement débarrassés des sédiments qui les recouvraient, à moins qu'ils n'aient
pu être prélevés et transportés qu'avec une motte de terre, laquelle assure alors
une consolidation provisoire de l'objet. Si les matériaux organiques sont humides,
il est urgent de procéder au nettoyage des terres restantes car celles-ci sont le siège
de nombreuses infections bactériennes et fongiques qui contaminent rapidement
l'objet. Par ailleurs, l'amorce d'un séchage non contrôlé pouvant occasionner sa
perte définitive, il est primordial après le nettoyage de l'objet de lui constituer un
conditionnement approprié permettant de différer de quelques jours à quelques
mois les traitements de conservation.
Les techniques de nettoyage et de stockage provisoire diffèrent selon que les
matériaux sont secs ou humides et qu'ils peuvent être séparés ou non du support
que leur offrent les sédiments, sans déformation ou fracture.
Les objets secs

Le principal critère qui permet de considérer qu'un objet est sec, est la nature
sèche des sédiments qui le recouvrent. Tout objet dont les restes de sédiments sont
humides est apparenté à un matériau humide, même si ce degré d'humidité est très
faible.
Les objets secs, ainsi définis, ont perdu non seulement toute leur eau libre, mais
aussi la plus grande partie de leur eau de constitution. Ainsi modifiées dans leur
composition chimique, les structures de ces matériaux ne sont pas propices à la
prolifération de micro-organismes qui nécessitent un certain taux d'humidité pour
se développer. Il n'y a donc pas lieu, à priori, de se préoccuper des micro-organismes,
mais la sagesse recommande de surveiller régulièrement les objets.
Le nettoyage des matériaux organiques secs, consiste à les débarrasser de la terre
restant en surface et des concrétions incrustées dans les infractuosités de l'objet.
Dans une première étape, on procède à un dépoussiérage général qui élimine le
gros des sédiments.
Les objets organiques secs sont fragiles, peu résistants aux pressions et aux
frottements. Il est donc nécessaire au cours de ce dépoussiérage de n'utiliser que
des outils d'une dureté inférieure à celle de l'objet, comme par exemple des pinceaux
ou des brosses souples. Mais dans cette phase, seules les particules de terre
possédant une force d'adhésion au matériau plus faibles que celles créées par le
frottement de la brosse, seront éliminées.
Il reste donc en place les particules qui sont liées étroitement au matériaux et
dont l'enlèvement nécessite l'application de forces telles qu'elles mettent en péril la
cohésion même de la surface de l'objet. Ce sont alors, soit des concrétions
ponctuelles (grains de sable, fragments de racine, etc.), soit des concrétions
étendues, formées par l'association de plusieurs particules cimentées. En présence de
concrétions ponctuelles, l'emploi d'un bâtonnet de bois s'avère efficace pour
dégager localement un grain de silice, mais ceci n'est pas sans danger pour le
matériau sous-jacent (Cleaning, 1983, p. 27-32). Dans le cas de concrétions étendues,
il est possible d'avoir recours à des « solvants ». Ceux-ci ne dissolvent pas à
proprement parler les sédiments, mais en s'insinuant entre les molécules qui
constituent le ciment, rompent leurs liaisons, diminuant ainsi globalement les forces
d'adhésion des particules entre elles.
Les solvants sont constitués de molécules plus ou moins fortement liées
entre elles, selon leurs propriétés de polarité. La force relative de ces liaisons
intermoléculaires définit la viscosité du solvant. Par exemple l'eau, dont les molécules
sont plus fortement liées que celles de l'acétone ou de l'alcool s'« écoule » moins
bien : elle est plus visqueuse. La volatilité d'un solvant, qui conditionne les
opérations de séchage, est également liée aux forces de cohésion intermoléculaires
du liquide ; ainsi l'acétone et l'alcool sont plus volatils que l'eau. La taille des
molécules influence aussi la viscosité : des liquides comme les huiles, composés de
grosses molécules, peu mobiles du fait 'de leur propre encombrement, sont très
visqueux. D'une manière générale, une élévation de température abaisse la viscosité
des liquides en augmentant la mobilité des molécules par rupture de leur liaisons
intermoléculaires.
Comme les liquides, les solides possèdent leur propres forces de cohésion. De
plus, il existe des forces d'attraction entre les molécules du solide et celles du
liquide. Les forces d'attraction entre un corps organique hydrophile, cellulosique
ou protéinique, et les molécules polaires de l'eau sont supérieures aux liaisons
intermoléculaires du liquide : il y a absorbtion de l'eau à la surface du matériau.
Au contraire, dans le cas d'un matériau hydrophobe ou inerte, comme un corps
gras ou le verre, les forces d'attraction sont quasiment nulles par rapport aux
forces intermoléculaires de l'eau ; celle-ci ne peut établir de liaisons avec le matériau
et demeure en goutte formée à sa surface. La tension superficielle d'un liquide
définit l'importance relative de ses forces de cohésion par rapport aux forces
d'attraction qu'il peut établir avec un support donné. Ainsi, la force des liaisons
intermoléculaires de l'eau en fait un solvant à viscosité et tension superficielle plus
élevées que celles de l'alcool ou de l'acétone.
Avant de décrire l'emploi des solvants lors du nettoyage, il est nécessaire de
rappeler que les vides structurels des matériaux organiques (système Haversien,
vaisseaux, rayons...) fonctionnent à l'égal de fins tubes.
Les liquides montent naturellement dans de fins tubes selon un phénomène
appelé capillarité. Plus le liquide possède des forces intermoléculaires élevées et
plus le diamètre des tubes est petit, plus importante sera la remontée capillaire.
Enfin, selon la tension superficielle du solvant et la nature du tube, polaire ou non,
il y aura remontée capillaire avec formation d'un ménisque concave ou convexe
(Cleaning, 1983, p. 47).
Au cours du nettoyage des objets organiques secs, le choix du solvant est très
important. En effet, l'utilisation d'un solvant a pour but de désolidariser les
particules cimentées et non de pénétrer l'objet. On choisit donc un solvant dont la
tension superficielle suffisamment basse permet une bonne répartition du produit
dans les interstices des concrétions avec des phénomènes de capillarité limités et
une volatilité élevée qui assure une évaporation rapide. Ce dernier point peut
d'ailleurs ralentir le nettoyage, dans la mesure où la vitesse de l'évaporation ne
laisse pas le temps aux particules d'être entraînées par le solvant. Ce type de
nettoyage est donc complété par l'action mécanique légère d'un pinceau ou d'un
coton-tige imbibé du solvant.
Les alcools éthylique et méthylique répondent davantage à ces critères que l'eau
et permettent généralement d'avoir de bons résultats, tant sur les bois que sur les
os ou les ivoires ; l'acétone blanchit légèrement ces derniers en les dégraissant, mais
ne semble pas altérer pour autant leurs structures. Au cours du nettoyage, il faut
rester attentif aux polychromies, fréquentes sur les objets en os ou ivoire, qui
peuvent se solubiliser dans de tels solvants. Très souvent il est nécessaire de les
refixer avant de poursuivre le nettoyage.
Les textiles, lorsque leur cohésion est suffisante, sont ceux des matériaux
organiques qui présentent le moins de risque à être nettoyés en bains d'eau
déminéralisée. Il faut alors les remouiller progressivement, ce qui n'est pas toujours
aisé, les fibres ayant établi entre elles des liaisons intermoléculaires après s'être
rapprochées au cours de l'assèchement. Pour faire pénétrer l'eau entre les fibres, il
est alors nécessaire de les relaxer et d'abaisser la tension superficielle de l'eau. Il
existe différents moyens compatibles : utiliser une solution alcoolisée (50 % V/V),
l'alcool ayant une tension superficielle plus faible que l'eau et/ou ajouter à la
solution un surfactant (Cleaning, 1983, p. 46-47). Ceux-ci seront évoqués plus loin,
ainsi que le nettoyage des textiles remouillés, considérés alors comme des textiles
archéologiques saturés d'eau.
Dans certains cas, les matières organiques se sont chargées au cours de leur
enfouissement de sels : ceux-ci, par nature hygroscopiques, présentent au sein des
objets un danger réel lors de variations hygrométriques. Leur extraction, même
lorsqu'ils sont solubles dans l'eau, est toujours un problème car, faire subir à des
matériaux affaiblis des séries de bains, suivies d'une déshydratation, n'est pas sans
risque. Par conséquent, le choix d'un dessalage en bain est toujours difficile à faire,
et dans la mesure du possible, on préfère l'alternative de méthodes de stockage
avec un contrôle, parfois difficile, de l'hygrométrie (voir Chapitre X).
Il faut généralement proscrire l'usage des acides lors du nettoyage des sels
présents sur la surface des os et des ivoires ; en effet, les analyses attestent une
dégradation des couches superficielles, des ivoires notamment, sous l'action de
l'acide chlorhydrique dilué (Matienzo, Snow, 1986). Cependant, certains auteurs
pratiquent la dissolution des dépôts de calcite, ou de gypse, sur les os et ivoires
aux acides organiques faibles.
D'une manière générale, le stockage provisoire des objets secs de nature organique
doit leur assurer une protection mécanique contre des chocs accidentels : chocs dus
à une cause extérieure, compression des objets entre eux, etc. mais surtout, une
barrière contre les variations climatiques, et principalement contre les augmenta-
tions, ou les diminutions brutales d'humidité relative (voir Chapitre X).

Les objets humides


Que les objets soient humides ou saturés d'eau, leurs structures contiennent de
l'eau libre, en quantité certes plus ou moins grande ; il n'y a alors aucun inconvénient
à poursuivre le nettoyage en milieu aqueux. Dans l'eau d'un bain changée
régulièrement, le bois, les cuirs, les os ou les ivoires sont brossés doucement à l'aide
d'un pinceau fin ou d'une brosse en fonction de leur résistance mécanique. Ceci
permet d'éliminer pratiquement toutes les souillures qui, hydratées, ne présentent
pas de grandes forces de cohésion. Les particules les plus incrustées sont ôtées
délicatement à l'aide d'un bâtonnet de bois. Cette opération doit être très fine car
les surfaces spongieuses des bois ou des cuirs n'offrent aucune résistance mécanique
et le risque d'arrachement ou d'impression est toujours à redouter. Or cette surface
fragile peut comporter des traces importantes dans l'histoire de l'objet : marques
de fabrique sur les bois, empreintes de fils de couture sur des pièces de cuir ou
incisions dues au débitage des os (photo 3). Au cours du nettoyage, il s'agit donc
de ne pas éliminer ces traces, ou pire d'en imprimer de nouvelles, par des outils
trop durs ou tranchants. Une observation fine doit permettre à tout moment de
reconnaître les traces d'origine et de les nettoyer avec précaution.
Le nettoyage, notamment des cuirs et des textiles, peut être amélioré par l'addition
dans les bains d'un détergent.

PHOTO 3. — Semelle de chaussure en cuir portant les traces de fixation d'un patin (21.342.95),
fin xive siècle. (Ville de Saint-Denis, Unité d'Archéologie. Photo S. de La Baume.)
Les savons sont des sels d'acides gras (acides organiques à longue chaîne
carbonée), obtenus par cuisson en milieu alcalin (soude ou potasse). Une extrémité
de la molécule de savon porte un groupement polaire, qui lui donne sa solubilité
dans l'eau, et l'autre un groupement apolaire qui établit des liaisons avec les
particules de graisse. Les détergents ont le même type de structure mais dérivent
d'acides minéraux. L'extrémité polaire peut être chargée négativement (détergent
anionique), ou positivement (détergent cationique). En fait, les détergents cationiques
sont rarement utilisés en conservation. Lorsque l'extrémité polaire permet la
solubilité du détergent dans l'eau sans toutefois être réellement chargée, on parle
de détergent non ionique (préférentiellement à « détergent neutre » qui introduit
une notion de pH sans relation avec le mode d'action de ces composés). Ceux-ci
peuvent être utilisés comme surfactant ; dans une solution aqueuse, ils abaissent la
tension superficielle de l'eau vis-à-vis du substrat car, grâce à leur intermédiaire,
s'établissent des forces d'attraction entre le support et l'eau (cf. Aide mémoire
n° 4).
Le nettoyage des textiles est une opération délicate car ceux-ci sont très fragiles ;
les fibres, ayant peu de cohésion entre elles, sont arrachées très facilement. Pour
les textiles saturés d'eau ou artificiellement réhydratés, l'opération peut être menée
dans un bain d'eau déminéralisée additionnée de quelques gouttes d'un détergent
non-ionique (Symperonic N, 0,5 %). Le lavage est amélioré par une eau légèrement
alcaline (pH 7/8) qui évite la précipitation de sels métalliques ; le pH est alors
stabilisé par l'addition de carbonate ou silicate de sodium. Ce procédé n'est
toutefois pas recommandé pour les fibres d'origine animale car les protéines sont
sensibles aux pH alcalins. Il est par contre possible d'ajouter au bain de lavage un
peu de carboxyméthylcellulose de sodium dont le rôle est de maintenir en suspension
les particules et d'éviter ainsi leur redéposition (Cleaning, 1983, p. 80-85). Lorsque
le textile est très incrusté de carbonates, on peut avoir recours à des complexants
comme l'héxamétaphosphate de sodium (Calgon, 1-5 %).
Pour effectuer le nettoyage, le textile est pris en sandwich dans une résille
plastique à fin tissage (moustiquaire du commerce) pour y être maintenu pendant
l'immersion au cours de laquelle on provoque un léger remous de l'eau pour
détacher les souillures. Lorsque le textile est suffisamment propre, il est nécessaire
de le rincer abondamment à l'eau déminéralisée. Les incrustations les plus tenaces
peuvent être dégagées dans l'eau au pinceau, sous loupe binoculaire pour s'assurer
que l'on n'altère pas les fibres.
Les textiles minéralisés, secs ou humides, bien que fragiles peuvent être brossés
doucement sous l'eau courante.
Il est fréquent que les objets présentent des taches brunes d'oxyde de fer, ou
vertes de carbonate de cuivre, qui ont diffusé dans les structures poreuses des
matériaux organiques au cours de leur enfouissement ; ces taches sont très difficiles
à éliminer. Dans le cas des bois, ces sels sont profondément incrustés dans les
capillaires, difficilement accessibles, ou impliqués par des liaisons covalentes avec
les molécules organiques : tannate de fer noir dans le chêne par exemple ; leur
extraction totale est pratiquement impossible. Des bains d'eau déminéralisée
fréquemment renouvelés n'extraient qu'une partie des sels les plus solubles.
Des tentatives de complexation par des produits utilisés dans le nettoyage des
métaux (sels disodiques de l'EDTA à 5 %), n'ont apporté que des résultats
variables ; pour les cuirs, dont la structure fibrillaire est plus lâche, les extractions
ont eu quelques résultats, notamment avec le citrate d'ammonium (Chahine et al.,
1988), les sels disodiques de l'EDTA, les acides orthophosphorique, oxalique ou
ascorbique (Van Soest et al., 1984 ; Segal, Mac Donald, 1984». L'action de ces
agents chimiques doit être limitée à quelques heures et suivie d'un rinçage abondant
car ils contribuent à dégrader le collagène. Après ce traitement, le rinçage se
poursuit jusqu'à obtention d'un pH voisin de 5.
Lors du nettoyage des cuirs archéologiques gorgés d'eau, l'action chimique des
détergents (Tégobétaïne) ou des complexants peut être complétée par l'action
mécanique des ultra-sons (Chahine, Vilmont, 1987).
Des essais d'extraction de ces sels métalliques par électrophorèse, où l'objet, en
cuir ou en bois, est placé en bain dans un champ électrique établi entre deux
électrodes, ont été effectués (fig. 8). Les résultats de ces expériences demeurent
incomplets : si cette technique améliore sensiblement le nettoyage, elle n'est pas
sans danger pour l'objet. En effet, les variations de température et de pH dans le
bain, dues aux réactions électrochimiques qui siègent aux électrodes, ne sont
pas, à l'heure actuelle, parfaitement contrôlées et nécessiteraient des recherches
complémentaires (Marchand, 1987 ; La Baume, 1987).

FIG. 8. — Electrophorèse.

Une fois les objets humides nettoyés, on envisage leur conservation-restauration ;


mais bien souvent, pour des problèmes matériels ou financiers, les traitements ne
suivent pas immédiatement le nettoyage ; il faut alors mettre en place un mode de
stockage qui stabilisera l'objet, quelle que soit sa nature, vis-à-vis des dégradations
physiques (séchage prématuré, chocs) et biochimiques (développement de moisissu-
res et bactéries).
Les objets sont placés dans des sachets en polyéthylène imperméables avec de
l'eau, afin d'assurer des conditions d'humidité relative égale à 100 %. Les sacs sont
choisis suffisamment grands pour que l'objet ne soit pas comprimé, car au fil du
temps il risquerait d'être déformé suite aux pressions exercées par un contenant
trop exigu. L'emballage est doublé ; l'épaisseur ainsi acquise garantit d'une part
des chocs, et d'autre part des fuites éventuelles. En pratique, entre deux sachets,
on introduit une étiquette où sont portées au feutre indélébile les références de
l'objet. Cela permet d'identifier immédiatement le contenu du sachet, sans l'ouvrir ;
précaution d'autant plus utile que le meilleur système de fermeture est une soudure
du sachet à chaud (voir Chapitre II).
Afin de limiter la prolifération de micro-organismes, on peut incorporer à l'eau
un fongicide-bactéricide à large spectre, comme les ammoniums quaternaires ou les
composés phénoliques (Borax/acide borique, Céquartyl, Dowicide, Kathon LM,
Panacide, Préventol, etc.). Il est possible d'agir également sur les facteurs de leur
développement que sont le taux d'oxygène présent et la température.
En chassant au maximum l'air du sachet avant sa fermeture, soit manuellement,
soit à l'aide d'une mise sous vide légère, on ralentit considérablement la vitesse de
prolifération des micro-organismes. Il en est de même lorsque l'on place les sachets
dans le bas d'un réfrigérateur à des températures voisines de 3/4 °C.
L'avantage de ces dernières méthodes est que l'on n'introduit aucun produit
chimique dans les matériaux ; vis-à-vis des traitements futurs, et du technicien qui
sera amené à manipuler les objets, cela est à prendre en compte.
Dans le cas d'un stockage très provisoire (attente d'un relevé ou d'une photo),
l'objet est placé dans un bac rempli d'eau courante, accompagné de ses références
(photo 4a). Un film de polyéthylène est alors déposé à la surface de l'eau pour
limiter les échanges avec l'oxygène de l'air (photo 4b). L'ensemble est recouvert
d'une feuille d'aluminium qui protège l'objet de la lumière et évite ainsi la
prolifération d'algues vertes (photo 4c). L'objet est stocké ensuite au frais, avec ses
références reportées à l'extérieur du bac.

PHOTO 4. — Stockage provisoire des matériaux organiques humides. (Ecuelle en bois


(13.422.13), XIIIe siècle. Ville de Saint-Denis, Unité d'Archéologie. Photo S. de La Baume.). —
Cas des objets prélevés en motte
Les objets qui ont été prélevés en motte sur le terrain présentent toujours une
extrême fragilité. Au laboratoire, le conservateur-restaurateur doit considérer
l'objet et la motte comme un tout. En effet, les dégradations de la motte de terre
(moisissure, séchage accidentel avec fissurations, etc.) induisent à moyen terme des
réactions de la part de l'objet organique que celle-ci supporte. Si on ne peut assurer
une bonne stabilisation de la motte, il est urgent de dégager l'objet ; emprisonné
dans la gangue de terre, il n'est que partiellement protégé du milieu atmosphérique,
lequel active de nombreuses réactions physico-chimiques.
La difficulté du dégagement de ces objets tient bien sûr à leur fragilité.
Qu'ils soient secs ou humides, la terre leur apporte une consolidation naturelle ;
au cours du dégagement, arrive un stade où il faut substituer à la terre une autre
forme de consolidation, physique ou chimique. Ces procédés seront envisagés dans
la section suivante, selon que les matériaux sont secs ou humides.

Les consolidations

La consolidation a pour but de pallier les défauts de résistance mécanique du


matériel exhumé lorsque celui-ci a subi diverses altérations. Elle fait appel à des
agents de nature chimique proche, et/ou compatible, avec celle du matériau à
consolider. La mise en œuvre de ces produits de consolidation et leur nature
diffèrent selon l'origine des matériaux à traiter, leur constitution, et leur degré
d'humidité. Dans le cas d'objets organiques humides, les consolidants utilisés ont
également pour fonction de préparer ces matériaux à une réadaptation au degré
d'humidité atmosphérique, c'est-à-dire d'envisager les opérations de séchage avec
un minimum de risque de retraits, et donc de déformations.

Consolidation d'objets secs


Les matériaux organiques mis au jour secs sont extrêmement cassants et friables ;
ils peuvent présenter un aspect de surface pulvérulent, c'est le cas des cuirs et des
fibres textiles, ou des effets de desquamation, fréquents sur les os et les ivoires ;
enfin on observe l'apparition de fissures, accompagnées de soulèvements sur
certains objets en bois. La consolidation vise alors à maintenir les structures altérées
en connexion.
L'état de surface des matériaux organiques secs est un indice des dommages
subis au cours de l'enfouissement, mais n'est souvent que la partie apparente du
mal ; dans une certaine mesure, on peut évaluer le degré d'altération au sein de
l'objet selon la profondeur des fissures, la porosité et le poids de la matière
résiduelle, et bien sûr le seuil de résistance mécanique. Selon les cas, la consolidation
doit avoir soit une action de surface, soit un effet en profondeur. Si dans le premier
cas les produits consolidants sont appliqués par pulvérisation d'une solution ou
enduction du produit au pinceau, dans le deuxième cas, il est nécessaire d'imprégner
complètement l'objet, principalement en bains.
Les consolidants sont toujours composés d'un produit naturel, ou d'une résine
synthétique, véhiculés dans l'objet par un solvant ou un liquide dispersant.
Dans le cas d'une consolidation de surface, le choix de la résine prend en compte
sa compatibilité avec le matériau, son pouvoir adhésif bien sûr, son degré de
réversibilité, mais aussi la taille de ses molécules qui modifie la viscosité du produit.
Les solvants usuels des résines, naturelles ou synthétiques, sont l'eau, les alcools,
les cétones, les composés aromatiques ou chlorés. Comme dans les opérations de
nettoyage, dans la mesure où l'on ne désire pas une pénétration du produit dans
l'objet, on a tout intérêt à choisir des solvants qui présentent une tension superficielle
faible et qui sont très volatils ; c'est notamment le cas de l'acétone. Mais pour
chaque résine choisie, il est nécessaire de trouver la concentration idéale (de l'ordre
de 1 à 5 %) qui allie au meilleur pouvoir consolidant, le maintien d'une viscosité
faible.
Lors d'une consolidation en profondeur, l'objectif est d'imprégner le plus
profondément et le plus uniformément possible la structure fine de l'objet.
Les matériaux organiques comme le bois, les os ou les ivoires sont formés de
multiples cavités cellulaires qui leur confèrent une constitution physique poreuse.
Chaque pore agit vis-à-vis des liquides comme un fin capillaire. On peut donc
s'attendre à ce que les solvants pénètrent les objets par capillarité, particulièrement
si leur tension superficielle, c'est-à-dire leur force de cohésion intermoléculaire, est
élevée. Cependant, il apparaît qu'un bois par exemple, régi par un système capillaire
complexe et multidirectionnel n'est jamais imprégné dans sa totalité, d'autant plus
que l'altération centripète des différentes zones du bois accroît les caractères
hétérogènes de ses structures, et que certaines incrustations de substances inorgani-
ques obstruent les cavités naturelles. Il en est de même des os ou des ivoires.
Pour qu'une imprégnation soit efficace, il faut que le solvant entraîne le plus loin
possible la résine au sein de l'objet par ses qualités propres de diffusion, mais aussi
grâce à la taille des molécules de la résine qui doit être inférieure à celle des micropores
présents dans l'objet ; par exemple dans le cas de la structure fine des os ou des
ivoires, ce critère oriente le choix des résines.
Dans les systèmes capillaires, la tension superficielle élevée de l'eau lui permet
normalement une bonne diffusion. Mais dans le cas des matériaux organiques, les
forces d'attraction entre les molécules d'eau et les molécules polaires hydrophiles
des composés cellulosiques ou protéiniques limitent la remontée du liquide. De
plus, lorsque les matériaux organiques sont déshydratés, l'eau est dans un premier
temps absorbée, mais seulement au niveau des fonctions libérées dans les structures
dégradées par hydrolyses, acides ou enzymatiques par exemple, ou par oxydation.
Ces phénomènes d'absorption et de diffusion sont donc difficilement contrôlables
et peuvent présenter un danger pour l'intégrité de l'objet.
Dans le traitement des matériaux organiques secs, il est donc préférable d'éviter
les consolidants en solution ou émulsion aqueuse. De plus, ceux-ci introduisent
dans les matériaux une humidité indésirable vis-à-vis de corps déjà naturellement
hygroscopiques. Il leur sera donc préféré des solutions dans des alcools, des cétones
ou des composés aromatiques ; il convient cependant d'émettre les mêmes réserves
dans l'utilisation des solvants que pour le nettoyage (cf. supra).
Lors d'une imprégnation, le pouvoir de pénétration du consolidant peut être
augmenté en exerçant une pression qui complète les simples lois de diffusion et
d'absorption par capillarité. Cette pression est obtenue en effectuant une mise sous
vide partiel d'une enceinte où l'objet est déposé. En comprimant l'air dans les
cavités de l'objet et en exerçant une pression sur le produit, celui-ci remplit
davantage les canaux et les lacunes de l'objet (voir Chapitre III). L'utilisation de
cette technique se justifie lorsque la pénétration du produit n'est que très faible à
pression atmosphérique mais elle n'est pas sans danger pour les objets très fragilisés.
La plupart des résines utilisées dans la consolidation des objets acquièrent leur
pouvoir mécanique et/ou adhésif par départ du solvant. Au cours de cette
évaporation, et d'autant plus si le solvant quitte rapidement le substrat — cas des
cétones très volatiles — une partie de la résine est véhiculée à nouveau vers la
surface. Pour éviter cet effet « feed back », il est nécessaire de ralentir l'évaporation
du solvant. On a alors recours à des techniques de séchage lent qui seront évoquées
plus loin.
Les produits consolidants utilisés pour la conservation des matériaux organiques
secs sont nombreux. Certains sont mieux adaptés que d'autres, selon leur similitude
de comportement avec les matériaux à long terme. Les résines doivent dans la
mesure du possible réagir aux différents éléments extérieurs en harmonie avec
l'objet. Nous savons que les matériaux organiques ont une certaine flexibilité,
ainsi subissent-ils des modifications dimensionnelles en fonction de l'humidité
environnante. On demande donc au consolidant d'avoir suffisamment de souplesse
pour accompagner le matériau dans ses mouvements afin de ne pas générer de
tensions entraînant des ruptures. Malheureusement, certaines résines, souples au
moment de leur utilisation, deviennent cassantes en vieillissant. Il est évidemment
envisageable de renouveller le traitement : hélas, la réversibilité est souvent perdue
également au cours du vieillissement. Face à ces difficultés multiples, le choix se
reporte sur des résines offrant les meilleures qualités internes et le maximum de
longévité.
La consolidation des bois secs est effectuée avec des copolymères acryliques
(Paraloïd B 72) dans l'acétone, ou des polymères vinyliques comme l'acétate de
polyvinyle (Mowilith 3573) dans l'acétone ou l'acétate d'éthyle (l'évaporation
complète de ce solvant est très longue : au minimum une journée).
Lorsque les bois, les os ou les ivoires présentent des polychromies, celles-ci
peuvent être refixées avec ces mêmes résines diluées à 5 ou 10 % (Piponnier, 1989).
Généralement, la qualité du refixage est meilleure lorsqu'on procède en plusieurs
applications de résine à faible concentration car une solution très concentrée diffuse
moins bien (viscosité élevée, encombrement des molécules, etc.).
Lorsqu'ils sont parfaitement secs, les os et les ivoires peuvent être consolidés
avec ces mêmes produits. Les consolidations par imprégnation peuvent être
améliorées par une mise sous vide partiel. Il faut toutefois être sûr que l'objet peut
supporter mécaniquement un tel traitement.
Les peaux et les cuirs par leur nature nécessitent des consolidants relativement
souples. Les produits testés avec succès sont des polymères acryliques comme le
polyméthacrylate de butyle (Paraloïd F 10) en solution dans l'orthodichlorobenzène
(Haines, 1984, p. 49), ou des acrylates d'éthyle (Pliantex) dilués dans l'acétate
d'éthyle (Spriggs, 1988). Ces solvants assurent une bonne diffusion du produit mais
sont dangereux et leur emploi requiert des protections (gants, masques) et un
minimum de mesures de sécurité (pas de flamme vive, aération ou ventilation sous
hotte). Lorsque les cuirs ou les peaux sont trop dégradés pour qu'une consolidation
chimique en permette la conservation, on a recours à des consolidations physiques
avec un doublage des pièces altérées. Nous reviendrons sur ces techniques.
Dans le cas où des textiles archéologiques seraient trop fragiles pour être
remouillés, il est possible de les consolider avec un acrylate d'éthyle (Plexisol,
Pliantex) dilué dans de l'acétate d'éthyle (Masurel, 1982).
Dans le cas d'objets en bois ou en os prélevés en motte et parfaitement secs, il
est souvent nécessaire de les consolider afin de pouvoir les dégager. Cette
consolidation globale est effectuée par pulvérisation de Paraloïd B 72 à 5 % dans
l'acétone, renouvelée jusqu'à obtention d'une résistance mécanique suffisante de
l'objet. La « fouille » de la motte se fait ensuite par déconsolidation locale de la
terre à l'acétone, en surveillant les réactions de l'objet, quitte à reconsolider par
endroit au pinceau à l'aide de la résine, seule ou renforcée d'un non-tissé polyester
fin. Dans le cas d'objets en cuir ou de fragments textiles, on fixe un renfort tissé
(type gaze chirurgicale) sur la face nettoyée avant de poursuivre le dégagement de
la motte (voir chapitre II).

Consolidation d'objets humides


Les matériaux organiques dans un milieu d'enfouissement humide ou saturé
d'eau absorbent de l'eau dans leurs structures. Cette absorption entraîne différents
processus de dégradations chimiques et biologiques qui peuvent se stabiliser dans
un état d'équilibre du matériau avec le milieu, où l'eau présente dans les structures
contribue à leur conservation. En effet, l'eau renforce les structures lorsqu'elle
sature les cavités cellulaires, leur permettant de se maintenir sans effondrement
malgré les dégradations biochimiques. Ceci se vérifie particulièrement dans le cas
des bois, mais il en est de même pour les os, les ivoires, les cuirs et les fibres textiles.
L'eau prend place dans chaque capillaire des premiers, ou se mêle intimement à la
structure fibrillaire des cuirs. Ce processus empêche physiquement les déformations
structurelles des tissus végétaux ou animaux. C'est la raison pour laquelle la plupart
des matériaux organiques sont retrouvés dans des contextes humides, ou du moins
suffisamment hydratés pour que les matériaux se saturent d'eau libre. La fouille
met au jour des objets d'apparence saine, c'est-à-dire dont la forme est reconnaissa-
ble, mais dont les structures profondes sont plus ou moins altérées. Les objets
comme les bois ou les cuirs sont spongieux ; à un stade avancé de dégradation, les
surfaces sont pulvérulentes. La conservation passe nécessairement par une phase
de séchage qui leur permettra de retrouver un équilibre hygrométrique avec le
milieu atmosphérique normal, mais avec le départ de l'eau, les structures les plus
altérées peuvent s'effondrer, ce qui se traduit par des retraits, des fentes et des
déformations. Une consolidation des matières organiques humides ou gorgées d'eau
est donc le plus souvent indispensable avant ou pendant le séchage.
Le but de ces traitements est de substituer progressivement à l'eau un consolidant
qui prendra, outre sa place, sa fonction de soutien. Le choix du consolidant est
donc fonction du besoin de soutien des tissus organiques, et par conséquent, de
leur degré d'altération. Ainsi, si les bois ou les fines structures capillaires des os et
des ivoires requièrent une consolidation de l'intégralité de leurs espaces intercellulai-
res, les cuirs nécessitent une simple cohésion, souple, des fibres de collagène entre
elles. Il en est de même des textiles.
Le cas des objets en bois est peut-être le plus problématique, mais de loin celui
pour lequel les techniques sont les plus élaborées. Seules les plus utilisées
actuellement seront abordées ici.
La difficulté réside dans l'hétérogénéité propre du matériau que les diverses
formes d'altération ne font qu'accroître. C'est un matériau dense par la structure
de ses tissus cellulaires, mais possédant une forte porosité ; autrement dit, les
espaces vides sont nombreux mais leur accès est rendu difficile par le très fin
diamètre des voies naturelles. Il est difficile d'imprégner les bois, quelle que soit
leur essence, à moins qu'ils n'aient subi de telles dégradations que l'ensemble des
structures en soient rendues perméables. Souvent seuls les 2 à 3 cm périphériques
seront imprégnés. Plus l'objet est dégradé, plus les chances de succès de consolidation
sont grandes ; de même, plus l'objet est fin, plus l'opération est aisée. Cependant,
les pièces de bois archéologiques peuvent atteindre des dimensions exceptionnelles
(structures d'habitat, barques monoxyles ou épaves, etc.), et les traitements de
consolidation doivent s'adapter à ces contraintes.
Le choix d'un consolidant pour les bois humides ou gorgés d'eau est dicté par
différents critères, notamment sa solubilité dans l'eau ; en effet, les cavités du bois
étant saturées d'eau, la solution aqueuse du consolidant peut être échangée
directement avec l'eau contenue dans les cellules. De plus, il est possible de pratiquer
des imprégnations à grande échelle dans des conditions de sécurité que n'offrent
pas les autres solvants. Par ailleurs, il faut trouver un polymère compatible avec
les composés du bois, voire capable d'établir des liaisons avec ceux-ci comme c'est
le cas de l'eau. Les polyéthylèneglycols (PEG) sont des macromolécules issues de
la polymérisation de l'oxyéthylène, laquelle molécule comporte de nombreuses
fonctions hydroxyles ( —OH), la rendant à la fois soluble dans l'eau et susceptible
de créer des liaisons hydrogène avec les hémicelluloses ou la cellulose.
Les polyéthylèneglycols sont des polyéthers de formule générale
HOCH2(CH20CH)nCH20H. L'industrie chimique contrôle le degré de polymérisa-
tion des différents PEG : celui-ci varie de 200 à 100 000. Selon le niveau de
polymérisation qui définit la taille de la macromolécule et donc son poids
moléculaire, les propriétés physiques du PEG changent. Lorsque « n » est compris
entre 200 et 600, le produit est liquide à température ambiante ; sa viscosité croît
alors en fonction de n. Lorsque « n » est supérieur à 1 000, le produit est solide à
température ambiante, commercialisé en paillettes ou granules de consistance
cireuse. Lorsque « n » augmente, les propriétés de solubilité dans l'eau et le caractère
hygroscopique du produit diminuent (Pearson, 1979).
Les imprégnations au PEG sont menées très progressivement. La concentration
de la solution est augmentée graduellement de 10 en 10 %, avec un laps de temps
nécessaire à l'échange complet entre la solution contenue dans le bois et celle du
bain. Cette durée est fonction de la taille et de la densité des bois. Lors d'une
imprégnation avec des PEG de haut poids moléculaire, à des concentrations
voisines de 40 %, il est nécessaire de chauffer le bain (55/60 °C) pour favoriser la
dissolution du produit et abaisser sa viscosité. Une agitation dans le bain
homogénéise la concentration de la solution et favorise sa diffusion. En fin
d'imprégnation, il est préférable de vérifier la concentration de la solution dans le
bain, soit directement à l'aide d'un densimètre dont la lecture est comparée à une
courbe de référence, soit par pesée d'un échantillon :

où :
PSoLi : poids de l'échantillon sans la tare
PEAU : poids de l'eau sans la tare
PPHG = Psoi.f : poids de PEG obtenu après évaporation en étuve de l'eau
contenue dans la solution initiale PSoLi (sans la tare)
(C) : concentration recherchée

Après de nombreuses expériences, il ressort que selon le degré de dégradation


des bois, il faut choisir la qualité de PEG en fonction de son poids moléculaire, de
façon à obtenir une consolidation optimale, déterminée par une bonne pénétration
du produit. Les bois peu dégradés, dont les structures sont denses et imperméables
sont consolidés à l'aide de PEG de bas poids moléculaire (donc des molécules de
petites tailles : 200 < n < 600), tandis que les bois très dégradés sont consolidés
avec des PEG de plus haut poids moléculaire (1 500 < n < 4 000).
Les PEG de petit poids moléculaire peuvent pénétrer les structures très denses
et suffisent par leurs liaisons à stabiliser, ou plutôt à maintenir les chaînes de
cellulose écartées. Après évaporation de l'eau, les chaînes conservées écartées
limitent les retraits du bois. Les PEG de haut poids moléculaire remplissent les
cavités cellulaires des bois très dégradés ; certaines liaisons s'établissent avec la
cellulose hydrolysée tandis que le départ de l'eau provoque à température ambiante
la cristallisation du PEG sur les parois cellulaires. Le PEG consolide alors
physiquement les tissus du bois.
Les travaux récents de P. Hoffmann (1984, 1986) semblent apporter une solution
pour les bois partiellement dégradés dont il subsiste un cœur sain et dense tandis
que la périphérie est très pulvérulente. Il procède à des imprégnations en deux
temps. Une première série de bains de P E G 200 a pour but de pénétrer les structures
les plus denses ; elle est suivie d'autres bains de PEG 3000 qui consolident les
parties du bois les plus dégradées.
Les PEG, porteurs de nombreuses fonctions hydroxyles, sont par nature très
hygroscopiques : ils réagissent donc fortement aux variations d'humidité. Pourtant,
selon la concentration finale obtenue dans le bois, ces propriétés d'hygroscopicité
peuvent être contrôlées. Dans l'utilisation des PEG de bas poids moléculaire, le
minimum d'hygroscopicité est atteint pour des concentrations comprises entre 15
et 20 %. En-deçà ou au-delà, après séchage de l'objet mais à des conditions
d'humidité relative importantes (plus de 80 %), l'objet « ressue » et paraît poisseux
au toucher. De même, pour les PEG de haut poids moléculaire (3 000 et 4 000), il
faut atteindre des concentrations de l'ordre de 70 % pour limiter l'hygroscopicité
du produit final. Lorsque le traitement fait appel à deux types de PEG en deux
étapes successives, le produit final a les propriétés hygroscopiques du plus haut
grade de PEG employé (Hoffmann, 1986). Ces données varient selon le poids
moléculaire du PEG utilisé dont la qualité est elle-même inégale selon les fabricants
(Blackshaw, 1975).
Il y a cependant quelques restrictions à l'usage des polyéthylèneglycols. Ceux-ci,
de type polyéther, se dégradent en présence d'oxygène, et leur oxydation provoque
des scissions de la chaîne macromoléculaire avec formation d'aldéhydes, d'alcools
et d'acides. Certains objets de nature organique sont associés à des métaux, et
l'emploi de telles solutions de PEG entraîne, par leur acidité et leur caractère
oxydant, une corrosion non négligeable des parties métalliques (Blackshaw, 1975).
Les recherches sur les traitements de conservation des matériaux composites
s'orientent actuellement vers l'addition d'un inhibiteur de corrosion aux solutions
de traitement des matériaux organiques (Cook et al., 1984) (voir Chapitre V pour
le mode d'action des inhibiteurs de corrosion).
Par ailleurs, la recherche de produits de substitution aux PEG pour la consolida-
tion des bois gorgés d'eau en solution aqueuse a amené certains chercheurs à
s'orienter vers l'utilisation de sucres tels que le sucrose, le sorbitol, ou le mannitol
(Grosso, 1981 ; Parrent, 1985).
Lorsque les bois sont associés à du métal, un séjour prolongé en solution aqueuse
n'est pas toujours souhaitable, a fortiori en présence d'un oxydant. On peut donc
procéder à des imprégnations de résines solubles dans des solvants ; collophane ou
résine styrène-polyester solubles dans l'acétone par exemple. Dans un premier
temps, l'eau contenue dans le bois est échangée avec l'acétone de manière à saturer
le bois du solvant de la résine, que l'on introduit ensuite progressivement.
Dans le cas de la collophane, la concentration de la solution est de l'ordre de
67 % (poids/poids) et l'imprégnation s'effectue à 52 °C pendant un peu plus d'un
mois, selon la taille des objets (Mac Kerrell et al., 1972). Le chauffage de l'acétone
représente toutefois un certain danger et nécessite des cuves adaptées. La pénétration
du consolidant est généralement très bonne, même pour des bois denses et
particulièrement imperméables. Les objets sont mis ensuite à sécher librement.
L'imprégnation à la résine styrène-polyester est menée à température ambiante
jusqu'à ce qu'il ne reste plus que 1 % de solvant libre dans le bain. Les objets sont
ensuite soumis à un rayonnement gamma fourni par une source au cobalt 60 qui
initialise la polymérisation de la résine. Cette réaction est exothermique et on limite
l'intensité du rayonnement à 3 Mégarad pour maintenir la température en-dessous
de 60 °C. La durée de l'irradiation est de 2 à 4 jours selon les objets (Tassigny,
1979 ; Ginier-Gillet et al., 1984). Cette technique présente l'avantage de désinfecter
totalement la pièce (ce qui n'est pas le cas des imprégnations aux PEG, et a fortiori
au sucrose) car les rayonnements émis pour activer la polymérisation tuent tous
les germes organiques. L'objet étant par ailleurs plastifié par la résine, il est
définitivement stabilisé et ne réagit plus aux variations climatiques environnantes
(Hiron, 1987). En France, seul A.R.C.-Nucléart développe cette technique qui
nécessite une source au cobalt.
Les cuirs archéologiques humides, qu'ils apparaissent dégradés ou sains, doivent
aussi subir des traitements spécifiques pour accompagner leur séchage. Le plus
souvent, ce ne sont pas à proprement parler des traitements de consolidation, mais
plutôt des traitements qui visent à stabiliser les fibres dans leur état gonflé et éviter
leur rapprochement lors du départ de l'eau qui entraînerait retraits et déformations.
Au cours de ces traitements, on introduit dans le cuir une substance qui maintient
les fibres écartées et qui leur confère un certain degré d'élasticité. Cette substance
lubrifiante est substituée à l'eau, il faut donc qu'elle soit miscible à l'eau ; on
emploie différentes émulsions à base de lanoline, huile animale, etc. (Van Soest et
al., 1984), ou des PEG de faible poids moléculaire (Van Dienst, 1985). Le cuir est
imprégné en bain de plusieurs heures à quelques jours, puis il est séché lentement
tandis que la lubrification se poursuit par badigeonnage. Au cours du séchage, des
développements de moisissures sont toujours à craindre, dus à des conditions
d'humidité propices, mais aussi à l'adjonction de substances facilement dégradables.

La lyophilisation, dont il sera question dans les techniques de séchage, apporte


de ce point de vue une solution réelle, puisqu'elle supprime les phases humides.
Les os et les ivoires humides risquent au cours du séchage de se desquamer ou
de se fendre. Il est alors nécessaire avant séchage de les consolider en profondeur
d'une manière efficace. Des résines acryliques en dispersion colloïdale dans l'eau
(Primai WS 24) ou en émulsion (Bédacryl 277) permettent la consolidation directe
en bains des objets, sans phase de déshydratation préalable (Koob, 1984). Le choix
d'une résine acrylique permet de poursuivre ultérieurement une consolidation de
surface avec des résines de la même famille en solution dans des solvants non
aqueux (Paraloïd B 72). Les dispersions colloïdales ont cependant un pouvoir
consolidant assez faible. Pour obtenir une meilleure pénétration de la résine, on a
recours à des imprégnations sous vide partiel. Malgré tout, des fissures ou des
éclatements sont toujours à craindre et le maximum de précautions reste nécessaire
au cours du séchage.
La plupart des textiles archéologiques, même très affaiblis, retrouvent une
certaine cohésion lors du séchage par rapprochement de leurs fibres ; si ceux-ci
sont vraiment très fragiles, c'est-à-dire que même le séchage ne paraît pas leur
apporter la tenue nécessaire, on peut les imprégner avec des esters de cellulose comme
de l'hydroxypropylcellulose (Klucel E, Klucel G), du méthylhydroxyéthylcellulose
(Tylose), de la carboxyméthylcellulose (CMC), etc. à faible concentration, ou à l'aide
d'amidon. Ce dernier est très réversible mais est sensible aux micro-organismes. Il
conserve cependant toutes ses qualités en vieillissant.
Lorsque des objets organiques humides sont apportés en motte, principalement
les bois et les vanneries, il faut substituer à la terre-support un autre support qui
permettra de poursuivre les traitements de conservation.
On peut confectionner un support moulé, efficace si sa mise en place est
convenablement menée. L'objet est nettoyé sur sa face visible, puis recouvert d'un
film plastique isolant de l'humidité, d'une feuille d'aluminium isolant de la chaleur,
et enfin d'une chappe de mousse polyuréthane. Il s'agit d'une résine à deux
composants qui au cours de sa polymérisation gonfle jusqu'à 15 fois son volume
initial avec libération de chaleur (voir Chapitre II). Pour contrôler ces phénomènes,
il est recommandé de procéder par petites quantités. Toute la réussite de l'opération
consiste à contenir l'expansion de la résine de manière à éviter les contre-dépouilles
et ne pas emprisonner l'objet dans un coffrage dont on ne pourrait l'extraire.
Progressivement, la motte est dégagée sur les côtés de l'objet et amincie en son
épaisseur pour qu'au cours du retournement, son poids n'écrase pas l'objet. Enfin
une fois la motte retournée, le nettoyage de la terre se poursuit à plat jusqu'au
dégagement complet de l'objet déposé sur son berceau de polyuréthane. Les
mousses polyuréthane étant relativement onéreuses, on peut utiliser à leur place
des bandes plâtrées. L'avantage de ces nouveaux supports est qu'ils permettent de
poursuivre directement, soit un séchage lent, soit un bain d'imprégnation, et dans
certains cas la présentation définitive de l'objet (Hiron et al., 1989).

L ' a d a p t a t i o n au milieu atmosphérique : le séchage

Le séchage des matériaux organiques correspond à l'extraction de l'eau contenue


en excès dans les structures. Dans la majorité des cas, les matériaux ont subi une
consolidation préalable au séchage, mais parfois, lorsque les structures sont peu
altérées, on procède directement à un séchage contrôlé.
L'eau est un solvant dont les molécules sont fortement polaires. Il a déjà été dit
que cette polarité amène les molécules à se lier entre elles par des forces assez
élevées, ce qui rend l'eau peu volatile et lui confère une tension superficielle
importante ; ce dernier caractère de l'eau se traduit par le fait que sa simple
évaporation, qui est le passage d'une phase liquide à une phase vapeur par rupture
des liaisons intermoléculaires, crée des tensions sur la surface où a lieu le changement
d'état.
Dans les matériaux organiques à structure poreuse (bois, os, ivoire, corne...) ces
tensions se répètent sur chaque portion de surface intérieure. De plus, le départ de
l'eau s'opère de façon progressive suivant le diamètre des capillaires ; les plus petits
limitent le plus longtemps l'évaporation. Ceci entraîne des différences de pression
dans les structures. Tensions et pressions dues à l'évaporation de l'eau provoquent
des effondrements au sein des structures cellulaires. L'ensemble de ces effondrements
est responsable des retraits, des fissurations et des éclatements.
Lorsque l'on procède au séchage des matériaux organiques à structure fibreuse
(peaux, cuirs, fibres textiles...), le départ de l'eau entraîne un rapprochement
anarchique des fibres, d'autant plus important que celles-ci sont altérées ; il en
résulte des déformations et même des déchirures.
La conservation des objets, notamment en l'absence de consolidation préalable,
va donc dépendre de la qualité du séchage. Pour limiter les contraintes subies par
les objets au cours de l'évaporation de l'eau, différentes solutions sont proposées.
La première consiste à limiter les effets de tension en les étalant dans le temps.
Ainsi la surface des matériaux peut absorber et résorber progressivement les
tensions subies ainsi que les phénomènes de pression. Le séchage est ralenti lorsque
l'on limite la vitesse d'évaporation de l'eau en jouant sur l'humidité relative,
abaissée progressivement de 5 en 5 %.
Lorsque l'objet est placé dans une enceinte close, de préférence de petites
dimensions, l'atmosphère se sature rapidement d'humidité et les échanges entre le
liquide et l'atmosphère sous forme de vapeur se trouvent ralentis. L'augmentation
de température, en provoquant une agitation moléculaire favorise le passage de
l'eau liquide à l'état vapeur. En abaissant la température, on ralentit le changement
d'état physique de l'eau.
Il faut éviter les enceintes complètement hermétiques car les objets ne sèchent
pas ; la vapeur d'eau si elle ne peut totalement s'échapper, sature l'atmosphère de
l'enceinte, se condense à l'état liquide... et retombe sur l'objet ; il est alors possible
de placer dans l'enceinte un corps hygroscopique qui absorbera les vapeurs au fur
et à mesure. Le gel de silice peut jouer ce rôle d'autant plus que l'on peut utiliser
ses propriétés hygroscopiques en le saturant à divers degrés (voir Chapitre X). Les
enceintes closes à des températures au-delà de 20 °C auront également une saturation
trop rapide en vapeur d'eau et des problèmes de condensation. Une température
très basse (inférieure à 5 °C), sans enceinte, ne limite pas la vitesse d'évaporation.
Dans la pratique, les objets sont placés dans des boîtes plastiques de dimensions
réduites, recouvertes de film plastique étirable dont les échanges avec le milieu
extérieur sont limités mais possibles. L'ensemble est placé dans une pièce fraîche,
à l'abri de la lumière (photo-oxydation).
Cette méthode donne des résultats satisfaisants avec les os, les ivoires ou les
textiles, mais les bois ou les cuirs sont souvent trop dégradés pour supporter sans
consolidation un tel séchage.
Cette technique est utilisée pour le séchage des textiles archéologiques. Après
leur nettoyage, ils sont prélevés sur une feuille de Mylar, sur laquelle on procède
à la remise en place dans le droit sens des fils. Cette opération terminée, le Mylar
repose sur un support plat ; le textile est recouvert de buvard blanc, renouvelé
fréquemment tandis qu'une plaque de verre assure une pression légère à l'ensemble.
L'inconvénient majeur de ce mode de séchage est sa durée. L'objet reste humide
plusieurs jours dans des conditions d'oxygénation favorables au développement de
micro-organismes. Ce danger est limité par une désinfection préalable des objets,
mais n'est pas inhibé. Une surveillance quotidienne est alors nécessaire.
Une autre solution consiste à remplacer l'eau par d'autres solvants plus volatils
dont les liaisons intermoléculaires sont moins fortes et donc créent moins de
tensions sur les surfaces lors du changement d'état physique. Les solvants choisis
sont de la famille des alcools ( —OH) ou des cétones ( = 0). Dans les deux cas, ce
sont des corps dont les molécules sont polaires et donc miscibles à l'eau. L'utilisation
de solvants polaires peut provoquer une expulsion brutale de l'eau dans les
capillaires ; on procède donc à un échange progressif. L'objet est immergé dans
une solution aqueuse du solvant choisi, dont la concentration est régulièrement
augmentée de 20 en 20 %, avec pour finir, deux bains à 100 %. L'objet est ensuite
mis en séchage lent, comme précédemment. La vitesse d'évaporation de l'alcool ou
de l'acétone est notoirement plus grande. L'objet est considéré sec lorsque aucune
odeur de solvant n'est plus perceptible.
Encore une fois cette méthode n'est valable que pour des matériaux peu altérés.
Ceux dont les structures sont affaiblies mécaniquement sont toujours susceptibles
de fissurations ou d'éclatements. L'inconvénient de cette technique est que les
solvants peuvent extraire certaines espèces chimiques des matériaux comme les
tanins ou les graisses des cuirs, les teintures des textiles ou les pigments des décors
des os et des ivoires. Cette forme de déshydratation peut paraître trop poussée
pour les bois, les cuirs ou les textiles, qui se trouvent lessivés, mais apporte une
solution réelle pour les objets très peu humides (Hillman, Florian, 1985). Pour les
os et les ivoires, les résultats sont généralement très satisfaisants.
La dernière technique appliquée aux matériaux organiques et la plus sophistiquée
aussi, est la lyophilisation. C'est une technique de déshydratation utilisée dans les
industries pharmaceutique et alimentaire qui a pour effet de faire passer de l'eau,
solidifiée en glace, directement à l'état vapeur sans repasser par une phase liquide.
Les tensions dues au changement physique de l'eau, entre les états liquide et vapeur,
sont donc éliminées.
La tension de vapeur d'un produit exprime la pression partielle du produit
présente à sa surface. Elle augmente ou diminue avec la température. Quand la
pression de l'espace environnant est égale à la tension de vapeur du produit, le
liquide bout. Par exemple pour l'eau, à une température de 100 °C, la tension de
vapeur est de 760 mm de mercure à la pression atmosphérique et l'eau passe de
l'état liquide à l'état vapeur.
La glace est la forme solide de l'eau ; elle se forme à une température voisine de
0 °C et sa tension de vapeur est très basse (fig. 9). Si dans l'enceinte où se trouve
la glace, on abaisse la pression de manière à ce que celle-ci soit égale à la tension
de vapeur de la glace, celle-ci change d'état et passe à l'état vapeur sans repasser
par une phase liquide : c'est la sublimation.
Si dans cette même enceinte, il se trouve un corps à une température et donc
une tension de vapeur inférieure à celle de la glace, la vapeur extraite se condense
à nouveau sur ce corps.

FIG. 9. — Tension de la vapeur d'eau au-dessus de la glace.

C'est ce qui se passe dans un lyophilisateur qui est une cuve équipée d'une pompe
à vide pour abaisser la pression et faire le vide, d'un compresseur pour refroidir le
« piège à froid », constitué le plus souvent d'un serpentin de tube en acier inoxydable
(fig. 10).

FIG. 10. — Lyophilisateur (PV = pompe à vide ; C = compresseur).


La congélation est une phase délicate de l'opération car l'eau lors de la
solidification en glace subit une expansion de volume d'environ 9 %. Prenons
l'exemple d'un bac à glaçons cubiques. Le froid dans un congélateur est transmis
par les plateaux de l'appareil au fond du bac. La température de congélation est
atteinte en premier au niveau de ce point de contact, c'est-à-dire le fond du
compartiment cubique, et se propage le long de ses parois. Le premier germe de
glace se forme près du fond, s'étend le long des bords, puis diffuse vers le centre
et le haut du cube. L'expansion conséquente à la formation de la glace nous
apparaît à la surface du bac à glaçons sous forme d'un bombement central et une
remontée le long des parois résultant du ménisque que forme naturellement l'eau
contre les parois (dû à sa tension superficielle). Dans les menues cavités des
matériaux organiques cette expansion est faible mais existe.
On peut alors conduire la congélation de manière à diminuer ce phénomène.
Lorsque l'on abaisse très rapidement la température (par exemple en plongeant un
corps dans de l'azote liquide), il se forme alors, non pas un germe, mais plusieurs,
et la congélation totale s'obtient par coalescence des minuscules cristaux issus des
différents germes (fig. 11). De même, si on procède à un refroidissement très lent,
il se produit un phénomène de surfusion qui cesse brutalement, entraînant la
formation de petits cristaux et d'une structure cristalline généralement favorable à
la lyophilisation. Dans ces deux cas, il n'y a pas d'expansion de la glace mais une
prise en masse subite et homogène de la solution.

FIG. 11. — Courbes de congélation.

Un autre moyen de contrôler la congélation est d'ajouter à l'eau un composé


cryoprotecteur qui modifie la taille des cristaux et limite ainsi l'expansion de l'eau
en glace. On parle alors de pré-traitements, mais dans la mesure où parmi les agents
cryoprotecteurs, on utilise des polyéthylèneglycols, la limite entre les techniques de
consolidation et de pré-traitement tend à disparaître.
Comme pour les consolidations, les pré-traitements des bois avant lyophilisation
dépendent du degré d'altération des structures, et donc de leur perméabilité. Un
bois peu altéré est imprégné avec une solution de PEG de bas poids moléculaire
(en général 400), à des concentrations de l'ordre de 10 à 20 % (V/V) ; un bois très
dégradé subit une deuxième imprégnation avec une solution à 15 % (V/V) de PEG
de plus haut poids moléculaire (3 000 à 4 000) qui joue alors davantage le rôle d'un
consolidant que celui d'un cryoprotecteur. Les résultats bien que variables d'un
bois à l'autre, semblent globalement satisfaisants, et la plupart des laboratoires
spécialisés dans le traitement des bois gorgés d'eau travaillent aujourd'hui selon
cette technique (ICOM, Grenoble, 1984).
La lyophilisation des cuirs donne également de très bons résultats (Chahine,
Vilmont, 1984) ; les pièces sont pré-traitées au PEG 400 ou 600, à des concentrations
de 30 % (V/V), pendant 2 à 3 jours (Wouters, 1984). Mais la dégradation du PEG
dont il a été question plus haut, par la formation d'aldéhydes qui sont réactifs
vis-à-vis des protéines, pourrait à long terme altérer les fibres du cuir. D'autres
solutions sont employées dans le pré-traitement des cuirs archéologiques, comme
par exemple du glycérol (Peacock, 1983 ; Starling, 1984), mais celui-ci est particuliè-
rement sensible aux moisissures dans des conditions d'humidité relative élevée. Des
essais de lyophilisation ont également été pratiqués avec succès sur des peaux ou
boyaux ethnographiques (Wills et al., 1987), et des cordages (Reid et al., 1984).
Dans la pratique, les objets subissent généralement un pré-traitement, puis sont
congelés à des températures inférieures à — 25 °C. En effet, l'eau pure se congèle
à 0 °C mais la solution qui sature les matériaux organiques contient souvent un
cryoprotecteur et parfois des corps minéraux qui n'ont pu être extraits par le
nettoyage. Les températures de congélation sont alors abaissées en fonction de la
solution présente. Par exemple, une solution de chlorure de sodium ne se congèle
qu'à partir de - 21 °C. En abaissant la température de l'objet aux alentours de
— 25 °C, on s'assure d'une congélation totale du produit. La cuve du lyophilisateur,
réfrigérée à des températures de l'ordre de — 35/ - 40 °C, reçoit les objets, puis la
pression est abaissée jusqu'à environ 0,1 Torr. Il n'est pas nécessaire de pousser
davantage le vide, mais simplement d'atteindre une pression inférieure à la tension
de vapeur de la glace, ce qui amorce la sublimation (passage de l'état liquide à
l'état vapeur). Le déplacement des molécules consomme de l'énergie ; c'est une
réaction endothermique. Les lyophilisateurs industriels sont équipés de plaques
chauffantes (voir fig. 10) ; la chaleur émise est convertie en énergie, laquelle est
consommée par les molécules en mouvement. En poussant le vide, le libre parcours
moyen des molécules augmente et on diminue dans la cuve le transfert des calories
par les molécules de vapeur d'eau ; le contrôle de la pression permet de réduire ou
d'intensifier le transfert des calories de la source chaude au produit. En fin de
sublimation, quand toute la glace est sublimée, la température remonte dans le
matériau ; c'est la fin de la dessication primaire. L'objet ne conserve alors que des
traces d'eau adsorbées au niveau moléculaire qui ne donnent qu'une émission de
vapeur très réduite. Pour les produits industriels, on pousse alors le vide afin
d'entamer une dessication secondaire qui ne laisse dans ceux-ci que quelques
fractions d'humidité résiduelle. Pour le matériel archéologique, cette phase n'est
pas nécessaire car il est préférable de maintenir un taux d'humidité de 7 à 10 %
dans les bois ou les cuirs pour une meilleure plasticité des fibres. De plus, les objets
après lyophilisation sont avides d'eau et dès leur sortie de l'appareil ils réabsorbent
rapidement l'humidité environnante pour se mettre en équilibre avec le milieu
atmosphérique.
La lyophilisation des objets archéologiques est souvent limitée par la taille de la
cuve. Mais des expériences ont prouvé que la lyophilisation était également
réalisable à pression atmosphérique. Dans ce cas, les différences de pression sont
obtenues par le passage d'un gaz très sec (tension de vapeur très basse). C'est le
cas des lyophilisations naturelles sous certains climats froids et secs, notamment au
Canada (Grattan et al., 1981) ou de l'expérience menée à Marseille sur l'épave du
Lecydon (Amoignon, Larrat, 1984). Les résultats sont équivalents à ceux obtenus
par une lyophilisation classique mise à part l'humidité finale résiduelle.
La lyophilisation est une technique très performante lorsque la congélation est
bien menée ; elle allie qualité de traitement et courte durée. Elle est aujourd'hui
largement employée dans le traitement des bois et des cuirs archéologiques, et a
montré des résultats très probants dans l'assèchement des textiles en fibres végétales.
Les opérations qui viennent d'être décrites sont des mesures d'urgence dont la
nécessité est liée à une question de survie de l'objet-matière. Les traitements de
conservation archéologique ne s'arrêtent pas là. Différentes interventions de remise
en forme, remontage et collage, bouchage ou doublage, finitions de surface, sont
souvent nécessaires pour rendre à l'objet toute sa signification, mettre en évidence
sa fonction et son histoire, ou tout simplement le protéger contre les effets du
temps à venir. Ces opérations restituent l'identité de l'objet, le restaurent dans son
statut.

Remise en f o r m e , remontage

Après les traitements de conservation, l'aspect et les propriétés des bois se


trouvent modifiés. Les bois qui n'ont subi aucun traitement particulier parce qu'ils
étaient secs et suffisamment solides ont des propriétés physico-chimiques proches
de celles du matériau d'origine. Toutefois, de tels objets n'ont pu parvenir à nous
dans cet état que par une déshydratation totale et rapide de leurs structures. Celle-ci
rend le bois dur, mais avec une résistance faible à la flexion. Bien souvent, le bois
présente des déformations et des fissures. Les tentatives de réhydratation afin de
revenir sur ces dernières sont restées vaines. Il faudrait imprimer des pressions de
plusieurs centaines de kilogrammes, à haute température pour pouvoir contraindre
à nouveau le matériau.
Lorsque les cuirs sont découverts desséchés, ils sont pratiquement toujours
déformés. Avec le départ de l'eau, accompagné bien souvent d'une dégradation
des graisses internes à la peau ou au cuir, les fibres se rapprochent anarchiquement,
amenant les pièces à se rétracter et se déformer. Ce phénomène est difficilement
réversible à cause des liaisons qui unissent alors les fibres entre elles. Différents
essais de réhydratation ont pourtant été réalisés par des solutions alcool/eau, ou
des solvants tels que le trichloroéthane 1.1.1, afin de pénétrer les structures devenues
imperméables du cuir. Selon le degré d'altération du cuir, ces opérations ont plus
ou moins de succès, mais il est rarement possible de réduire à 100 % les déformations
subies, du moins sans risque de déchirer le cuir. Afin de redonner au cuir une
partie de sa souplesse et d'augmenter ainsi les possibilités de remise en forme, on
introduit dans celui-ci des lubrifiants. Différentes recettes d'émulsion ou de crème
sont évoquées à base de lanoline, cire d'abeille, etc. pour réassouplir les cuirs (Van
Soest et al., 1984; Van Dienst, 1985). Il est possible d'utiliser à la place de ces
lubrifiants du PEG 6 0 0 en solution à 25 %, soit dans l'eau, soit dans le
trichloroéthane 1.1.1, que l'on imprègne dans des cuirs artificiellement réhydratés
(Spriggs, 1988). Dans cette opération, on se rapproche de la qualité des cuirs traités
au PEG puis par lyophilisation ; ceux-ci retrouvent un bel aspect de surface et une
certaine souplesse. Celle-ci peut être augmentée en plaçant la pièce dans une
enceinte à 100 % d'humidité relative. Le cuir, ou plutôt le PEG, absorbe cette
humidité et la souplesse ainsi restituée permet de travailler et remettre en forme le
cuir. Les pièces de cuir sont ensuite soumises à un séchage lent. Mais en-deçà d'une
humidité relative de 55 %, le cuir devient à nouveau sec et cassant.
Les objets archéologiques en cuir sont fréquemment trouvés à l'état de fragments ;
les fils de couture ayant été dégradés rapidement. Une pièce complète est mise au
jour sous la forme d'un puzzle. Sur les fragments, si le nettoyage a été soigneusement
mené, on distingue les trous de couture, indemmes ou déchirés, et des empreintes
de fils. L'observation fine de ces traces est précieuse, car avec une certaine
connaissance historique du travail du cuir, il est possible de rassembler à partir de
fragments souvent insignifiants, le « patron » de la pièce, ou du moins de rattacher
ensemble les différents éléments d'une collection (Goubitz, 1984). Sur les fragments,
la déformation et l'usure des trous de couture, fonction de la tension que les fils
exerçaient sur le cuir, renseignent sur leur sens de passage. Une connaissance des
techniques anciennes de couture permet alors d'envisager le remontage des pièces
(Montembault, 1987).
Avant de pratiquer ce remontage, deux impératifs cependant : les trous doivent
être suffisamment résistants pour supporter la tension d'un nouveau fil, et surtout
la pièce dans son ensemble doit être suffisamment bien conservée pour pouvoir
être manipulée, soumise aux tensions des coutures et d'une remise en forme. Dans
le cas contraire, il est possible de réaliser un doublage des parties les plus fragiles,
ou de combler une lacune (cf. infra).
Les os et les ivoires trouvés secs peuvent présenter des fissures. Il est parfois
possible de réduire modérément celles-ci grâce aux propriétés hygroscopiques des
os et ivoires. Les objets sont placés dans une enceinte hermétique à 100 %
d'humidité relative. L'humidité est absorbée par le matériau qui gonfle ; les fissures
peuvent se refermer légèrement. La difficulté est de revenir à un taux d'humidité
relative normal (55/60 %) sans provoquer à nouveau des retraits.

Le collage

Les adhésifs disponibles sur le marché sont très nombreux, et il n'est pas question
ici de détailler chacun d'eux (voir Aide mémoire nos 6, 7, 8). Cependant, on peut
les séparer en trois classes qui correspondent à trois modes de prise : départ du
solvant, réaction chimique ou action de la chaleur (Adhesives and coatings, 1983).
La première catégorie regroupe toutes les résines véhiculées par un solvant dont
le départ leur permet d'établir des liaisons intermoléculaires internes et avec le
substrat. Dans la majorité des cas, ces liaisons sont réversibles à long terme. La
gamme des propriétés physiques de ces adhésifs est très large. Leur pouvoir de
pénétration et l'épaisseur des joints obtenus sont variables selon la taille des
molécules constitutives de la résine, la concentration de celle-ci dans le solvant qui
donne des solutions plus ou moins visqueuses, et la tension superficielle du solvant.
Le principal défaut de ces adhésifs est l'apparition de retraits consécutifs au départ
du solvant, avec un durcissement du film qui le rend cassant en vieillissant.
Parmi ces adhésifs, on retrouve par exemple, tous les dérivés cellulosiques (acétate,
éthyl, méthyl, etc.), les vinyliques (acétate de PV, butyrate de PV, etc.) et les
acryliques (éthylmétacrylate, méthylmétacrylate, etc.).
Les adhésifs qui prennent par réaction chimique sont des polymères qui forment,
par polymérisation, un réseau tridimensionnel insoluble. Ce sont des résines
constituées d'un monomère et d'un durcisseur (époxy) et d'un catalyseur (polyester) ;
la polymérisation est initiée par le mélange des composants. La polymérisation est
plus ou moins rapide. Comme pour la plupart des réactions chimiques, la chaleur
accélère le processus ; par ailleurs, ce sont souvent des réactions elles-mêmes
exothermiques et elles peuvent élever localement la température du substrat, ce qui
n'est jamais très favorable aux matériaux organiques.
La dernière catégorie regroupe les corps utilisés liquéfiés sous l'action de la
chaleur et qui acquièrent leur pouvoir adhésif par refroidissement, avec retour à
l'état solide. C'est le cas de nombreuses résines naturelles dont la collophane, les
cires d'abeille, etc. auxquelles s'ajoutent les produits issus de l'industrie chimique :
cire microcristalline, polyéthylèneglycol, mais aussi des composés constitués de
plusieurs polymères (ex. Beva qui contient deux copolymères acryliques et une
résine cyclohexanone), dont le pouvoir adhésif est obtenu après leur mélange réalisé
par fusion.
Les objets en bois peuvent être cassés en plusieurs fragments et il est parfois
difficile de trouver un joint correct lorsque le séchage a provoqué des déformations
car celles-ci sont fonction du sens du bois. Par exemple, un objet tourné (comme
les écuelles) présentera des fragments qui n'auront pas les mêmes axes de
déformation selon leur emplacement par rapport au cœur du bois mis en œuvre.
Cependant, lorsque les joints présentent un bon point de contact, on peut coller
les fragments secs, ou traités par certaines résines (Collophane, styrène-polyester
ou copolymères acryliques), avec des adhésifs de la première catégorie, notamment
des colles vinyliques, qui sont des acétates de PV, en émulsion aqueuse (Vinamul
6815, VR 2000) ou en solution (Mowilith 3573). Ces adhésifs ont une bonne
souplesse mais présentent un léger retrait.
Les bois lyophilisés ont subi une déshydratation très poussée qui donne une
surface très poreuse. Ils sont très avides d'eau et l'emploi d'adhésifs en émulsion
aqueuse est à exclure car on risque des auréoles sombres autour des joints, dans
les zones où le bois absorbe l'humidité apportée par l'adhésif. Il est parfois
nécessaire de diminuer la porosité du bois par un film de Paraloïd B 72 faiblement
concentré, appliqué en plusieurs couches (Hiron, 1987) ; le collage s'effectue ensuite
avec des adhésifs comme les acétates de polyvinyle dans l'acétate d'éthyle (Mowilith
3573).
Les objets, consolidés au PEG par imprégnation seule, présentent toujours un
excès de PEG en surface sur lequel les adhésifs ne prennent pas ou mal. Il faut
donc nettoyer la surface de l'objet avec un solvant du PEG. L'eau, parce qu'elle
serait absorbée par le PEG sous-jacent et contribuerait à ne jamais sécher totalement
l'objet, est délaissée au profit des alcools ou des solvants aromatiques polaires. Les
joints correctement nettoyés, les colles déjà citées sont utilisables, mais l'adhésion
reste faible. Pour des fragments très légers (ex. les dents d'un peigne), il est possible
de les coller au PEG. Il suffit de faire fondre un peu de PEG 4000 à la chaleur
d'une flamme pour l'utiliser en adhésif. C'est un exercice difficile mais qui donne
de bons résultats esthétiques. Lorsque les joints sont mal délimités, ou les pièces à
assembler très lourdes, ces colles n'offrent pas toujours une force d'adhésion
suffisante. On a recours alors à des adhésifs de la deuxième catégorie, principalement
de type époxy. Le film qu'ils produisent est rigide, mais cette propriété peut être
modifiée par l'adjonction d'un plastifiant. Pour bénéficier d'un joint plus épais, qui
gomme les déformations légères, on peut ajouter de la silice colloïdale à l'adhésif
jusqu'à obtention de la consistance souhaitée (Byrne, 1984). Eventuellement, on
renforce les joints par des goujonnages de bois mais ce type de technique va à
l'encontre des soucis d'intervention minimale et d'intégrité de l'objet.
Certaines déchirures dans des pièces en cuir, lorsqu'elles sont nettes, peuvent
être recollées bord-à-bord à l'aide d'un mélange de résine vinylique et d'hydroxypro-
pylcellulose (Klucel G) dans l'alcool (Morrison, 1988).
Le collage des objets en os ou en ivoire s'effectue avec des adhésifs de la première
catégorie, et notamment à la colle vinylique. Cependant, dans celle-ci, l'adhésif est
en émulsion dans l'eau et cet apport d'humidité dans le matériau est à contrôler
absolument. Des essais de collage sur des os parfaitement secs ont été réalisés avec
des copolymères acryliques (Paraloïd B 72) dans l'acétone. L'emploi en est très aisé
et complètement réversible. Par contre le joint est cassant, peu flexible, et demeure
très fragile. D'autres adhésifs comme les acétates ou les butyral de polyvinyle
(Butvar B 98) et des nitrates de cellulose (HMG) donnent de bons résultats.

Le comblage de lacunes

Dans le cadre de collections archéologiques, le comblage de lacunes n'est pratiqué


que dans les cas extrêmes où il est nécessaire soit à la compréhension de l'objet,
soit à son maintien, bien que celui-ci puisse être assuré par des moyens mécaniques
de soclage.
Les bois, les os ou les ivoires, présentant des fissures qui mettent en péril
l'intégralité de l'objet peuvent nécessiter un comblement de lacune. Celui-ci est
réalisé avec, pour les premiers, des pâtes à bois à base de résine cellulosique chargée
de poudre de bois, et pour les os ou les ivoires, un mélange de cire d'abeille et de
résine (Jenssen, 1987, p. 159)

Le doublage

Le cas particulier du remontage des vanneries qui présentent des joints très fins
pour des pièces de dimensions importantes se résout rarement par des collages. Il
est alors possible d'adopter une forme de doublage qui permet un soutien global
de la pièce, laquelle peut être consolidée par la suite si nécessaire. Ce support est
constitué d'un non-tissé polyester, parfaitement stable chimiquement, qui épouse
exactement la forme de la vannerie, mais qui n'apporte pas de rigidité. Si celle-ci
est indispensable, elle est obtenue par un deuxième matériau de doublage qui
répond alors à la fois aux critères mécaniques recherchés et à ceux de présentation
ou de stockage choisis (Hiron et al., 1989).
Lors du choix des matériaux de doublage des pièces de cuir on recherchera des
matières de nature et de propriétés similaires. Tout naturellement, on peut avoir
recours à des pièces de cuir neuf qui sont amincies, « parées » et teintes (fig. 12).
Actuellement cependant, on se tourne de plus en plus vers des matériaux de
substitution synthétiques, comme les non-tissés polyester ou des mélanges de fibres

FIG. 12. — Consolidation des cuirs.


viscose/nylon, plus faciles à teindre que les premiers. Ces pièces sont mises en place
avec des adhésifs tels que des polyacrylates dans de l'acétate d'éthyle (Pliantex), et
plus récemment avec des mélanges de dérivés cellulosiques et de résine acrylique
ou vinylique (Peacock, 1983 ; Morrison, 1988).
Les pièces archéologiques textiles sont souvent de menus fragments très fragiles.
Les techniques classiques employées pour les collections historiques qui consistent
à doubler les pièces, sont mal adaptées aux petits fragments archéologiques. De
plus les fragments sont souvent isolés. Plutôt que de pratiquer des coutures ou des
collages sur support qui risqueraient de déchirer ou de dégrader davantage les
fragments, il est possible d'adopter un bon système de stockage ; destiné à préserver
mécaniquement l'échantillon, il permet en outre son étude technologique sans
manipulation directe. Ce système de stockage consiste à placer les fragments entre
deux feuilles de Mylar, elles-mêmes placées dans un passe-partout en carton non
acide découpé aux contours des fragments. La transparence du Mylar permet
d'observer le fragment recto-verso sans le manipuler. L'inconvénient majeur de
cette technique est l'électricité statique développée par le Mylar. Le stockage est
rendu aisé par une standardisation des dimensions extérieures du passe-partout.
Lorsque différents fragments doivent être présentés en connexion, autant de fenêtres
que nécessaire sont découpées dans le carton non-acide (Morrison, 1987 ; Peacock,
1987).
Les fragments de textiles minéralisés posent davantage de problèmes de stockage
suite à leurs déformations. Pour des facilités de manipulation, ils sont fixés à l'aide
d'un point de colle cellulosique sur une lame de verre, puis rangés à l'horizontale
dans des boîtes plates (photo 5). Lorsqu'un échantillon se casse, les fragments sont
recollés à la colle cellulosique.

PHOTO 5. — S t o c k a g e des textiles m i n é r a l i s é s « 1 2 . 4 6 8 . 1 5 ) , XI-XIIe siècle. Ville de S a i n t - D e n i s ,


U n i t é d ' A r c h é o l o g i e . P h o t o S. de L a B a u m e . )

Finitions

Les traitements dè finition sont destinés à améliorer la protection et l'aspect des


objets.
Les bois peuvent recevoir un léger vernis à base de résine acrylique faiblement
concentré (Paraloïd B 72 à 5 %), ou être cirés avec des cires naturelles (cire
d'abeille), ou synthétiques (PEG).
Les cuirs peuvent également être cirés avec des crèmes composées de lanoline,
cire d'abeille, etc. selon la formulation du British Museum par exemple.
Les os comme les ivoires après leur nettoyage et leur séchage progressif n'en
demeurent pas moins des objets très fragiles. Un soin constant doit être apporté à
leur environnement car de tous les matériaux organiques, ce sont ceux qui
demeurent les plus sensibles aux variations hygrométriques. Il faut leur offrir un
milieu tamponné, à l'aide de gel de silice par exemple. Ce type de conditionnement
est expliqué dans le Chapitre X.
Afin de stabiliser les caractéristiques hygroscopiques de ces matériaux, des essais
de revêtement ont été pratiqués sur les ivoires. Le revêtement joue alors le rôle de
barrière physique entre le matériau et l'atmosphère. Des résultats intéressants ont
été obtenus avec le chlorure de polyvinylidène (latex). Mais cette résine est sensible
aux photo-oxydations et jaunit rapidement. Son pouvoir isolant est cependant le
meilleur, comparé aux cires synthétiques testées, dont les P E G (Lafontaine, Wood,
1982).

CONCLUSION

Les aspects essentiels, bien que très limités, de la dégradation et de la conservation


des matériaux organiques qui ont été développés dans ce chapitre, devraient
permettre aux archéologues et aux responsables des collections une meilleure
approche de ce type de matériel dès leur mise au jour, phase critique de leur
devenir.
Evidemment, il est un peu réducteur de ne considérer la conservation de
l'ensemble des matériaux organiques qu'au regard des seuls exemples choisis, mais
nous souhaitons qu'à l'aide de cas génériques, il soit possible d'appréhender
d'autres matériaux par analogie : structures physiques comparables, altérations
similaires de leurs composés chimiques, etc. De même, la connaissance de certaines
techniques et des propriétés de certains produits décrits dans ce chapitre pourraient
permettre d'envisager la consolidation ou la stabilisation d'autres matériaux
organiques complexes comme la corne, l'écaillé, la nacre, l'ambre...
Parmi les problèmes de conservation posés par le mobilier archéologique, certains
ne sont guère résolus comme ceux rencontrés avec les matériaux composites où
sont présents des matériaux organiques (bois, cuir, os...) et des métaux (fer, cuivre,
argent...). En effet, ces objets requièrent souvent des méthodes de traitement
spécifiques à chaque matériau et difficilement compatibles ; de plus les impératifs
de conservation, à long terme, sont généralement opposés.
Enfin, il faut prendre conscience que chaque objet présente un cas particulier,
auquel il faut adapter les techniques connues, ou tester de nouvelles méthodes ; la
conservation archéologique est une discipline perpétuellement en mouvement, et
bien souvent, devant l'urgence que nous imposent les objets, la recherche fondamen-
tale nécessaire au progrès des techniques est malheureusement délaissée au profit
d'une expérience empirique.
CHAPITRE VII

Les mosaïques de pavement


E v e l y n e CHANTRIAUX-VICARD

Les m o s a ï q u e s de p a v e m e n t s o n t liées à l ' a r c h i t e c t u r e p a r leur qualité de


r e v ê t e m e n t de sol. Elles se c a r a c t é r i s e n t p a r u n e résistance d u e à leur i m p l a n t a t i o n
h o r i z o n t a l e , qui les r e n d m o i n s v u l n é r a b l e s q u e les d o c u m e n t s s u p p o r t é s p a r des
s t r u c t u r e s en élévation, et à la n a t u r e essentiellement m i n é r a l e de leurs m a t é r i a u x
constitutifs. Cette durabilité, qui se m a n i f e s t e d a n s l ' a b o n d a n c e des d é c o u v e r t e s
enregistrées ne s'est c e p e n d a n t matérialisée q u e p a r u n e c o n s e r v a t i o n très partielle
des m o s a ï q u e s e x h u m é e s .
J u s q u ' à u n e d a t e récente en effet, elles survivaient r a r e m e n t : les u n e s é t a i e n t
laissées s u r place, exposées a u x i n t e m p é r i e s et a u x d é g r a d a t i o n s h u m a i n e s , vite
e n v a h i e s p a r la végétation, vouées à u n e d e s t r u c t i o n rapide. Les a u t r e s é t a i e n t
dépos ées et restaurées, m a i s leur n o m b r e restreint et l ' é t a t d a n s lequel elles n o u s
s o n t p a r v e n u e s révèlent l'insuffisance t e c h n o l o g i q u e et l ' e m p i r i s m e des m é t h o d e s
a p p l i q u é e s p o u r leur c o n s e r v a t i o n . Seuls les d o c u m e n t s p r é s e n t a n t u n d é c o r j u g é
digne d ' i n t é r ê t , sujets et r e p r é s e n t a t i o n s figurées, é t a i e n t g é n é r a l e m e n t pris en
c o n s i d é r a t i o n ; les pertes matérielles qu'ils a v a i e n t subies lors de leur p r é l è v e m e n t
d u c o n t e x t e a r c h é o l o g i q u e , puis a u c o u r s des différentes o p é r a t i o n s consécutives
à cette d é p o s e , é t a i e n t c o m p e n s é e s p a r des r e s t a u r a t i o n s abusives ; celles-ci
s ' a p p l i q u a i e n t p a r ailleurs à effacer les d é g r a d a t i o n s q u e le p a v e m e n t p r é s e n t a i t à
sa d é c o u v e r t e . L a m o s a ï q u e ainsi a m p u t é e , r e m a n i ée, était alors s o u v e n t t r a n s f o r m é e
en u n t a b l e a u a c c r o c h é d a n s u n m u s é e , sans a u c u n e référence à s o n c a d r e
a r c h i t e c t u r a l d ' o r i g i n e et à la f o n c t i o n utilitaire qu'elle y remplissait.
L a r e s t a u r a t i o n des m o s a ï q u e s est a u j o u r d ' h u i caractérisée p a r u n e p r a t i q u e
diversifiée, liée a u p r o c e s s u s de la fouille, et orientée vers la p r é s e n t a t i o n des
d o c u m e n t s e x h u m é s . C o m m e en t é m o i g n e n t les r é u n i o n s i n t e r n a t i o n a l e s organisées
ces dernières a n n é e s p a r le C o m i t é p o u r la c o n s e r v a t i o n des M o s a ï q u e s de
l ' I C C R O M ( M o s a ï q u e , 1977 ; 1981 ; 1985 ; 1987), ce matériel a r c h é o l o g i q u e est
d é s o r m a i s a b o r d é avec u n e d o u b l e p r é o c c u p a t i o n : la s a u v e g a r d e matérielle des
d o c u m e n t s m e n a c é s et des i n f o r m a t i o n s a r c h é o l o g i q u e s d o n t ils s o n t p o r t e u r s , afin
de p e r m e t t r e leur e x p l o i t a t i o n scientifique et leur t r a n s m i s s i o n a u public.
C o n s e r v e r u n p a v e m e n t signifie g é n é r a l e m e n t le s o u s t r a i r e p a r sa dépose à u n e
d e s t r u c t i o n i m m é d i a t e , q u a n d il est d é c o u v e r t d a n s le c a d r e de fouilles de sauvetage,
o u a u x m u l t i p l e s facteurs de d é g r a d a t i o n a u x q u e l s s o n a b a n d o n l'exposerait. Sa
conservation après dépose consiste ensuite à r e m p l a c e r le s u p p o r t d ' o r i g i n e ,
partiellement détruit lors de son arrachement aux structures qu'il revêtait, et à
présenter ses éléments de surface, après un traitement destiné à en assurer la
stabilité et à en favoriser la compréhension. Ces différentes opérations sont
développées ici, illustrées par des cas précis qui en dégagent les aspects techniques,
les implications — matérielles, archéologiques, muséographiques —, et les interroga-
tions qu'elles suscitent.
(Le lecteur trouvera la bibliographie du domaine recensée par l'Association Internationale
pour l'Etude de la Mosaïque Antique : Bulletins de l'A.I.E.M.A., 1968 et suivantes).
Mais ces deux premiers points — dépose puis transfert sur un nouveau support
et traitements de surface —, qui reflètent le développement tangible des objectifs
et des méthodes liés à la conservation des mosaïques prélevées de leur contexte
d'origine, débouchent inévitablement sur la question de leur préservation in situ.
Cette problématique, essentielle puisqu'elle concerne la majorité des pavements
conservés, est donc évoquée ensuite : aucune solution n'y apparaît universellement
applicable. Aussi, c'est toute la complexité des problèmes auxquels sont confrontés
archéologues, restaurateurs, conservateurs et architectes qui se trouve abordée ici,
par une approche des mesures et des choix diversifiés que la conservation des
mosaïques in situ appelle.

LA D É P O S E

Principes techniques

La dépose d'une mosaïque de pavement est l'opération qui consiste à la désolidariser


de son support pour la prélever de son contexte archéologique. Le principe technique
est dicté par la nature même de ce type de documents, composés par un assemblage
d'éléments de petite taille scellés sur une assise de mortier. Nous ne pouvons décrire
ici en détail la technologie des pavements antiques : quelques définitions et rappels
essentiels à la compréhension de ce qui suit figurent toutefois en encadré à la fin
de ce chapitre. Il s'agit en fait de prélever le pavement, tout en maintenant la
cohésion de ses éléments de surface, nécessité qui conditionne toute la réussite de
l'opération (photo 1).
Les premiers essais, relatés avec humour par un érudit du XVIIIe siècle, se
réduisaient à un démontage à la pioche transformant la mosaïque en un amas de
tesselles sans signification. Les méthodes ont évolué par la suite, leur succès,
tributaire des procédés et matériaux employés, se révélant inégal. En effet, la
cohésion des pavements a été longtemps assurée par des systèmes rigides : du
plâtre, coulé à l'intérieur d'un cadre de bois entourant le fragment de mosaïque à
déposer,ou des plaques de marbre appliquées à la surface du tessellatum avec un
mastic de cire, de térébenthine et de sable, ou encore des cartons collés au bitume.
Les éléments de mosaïque ainsi maintenus étaient alors prélevés en minant le
terrain sur lequel ils reposaient ; mais l'adhérence très relative des matériaux
employés en surface avec le tessellatum, n'était guère compatible avec les ébranle-
ments causés par le travail de sape ; et lorsque le mortier antique était trop dégradé,
plus rien ne garantissait la cohésion du tessellatum, désolidarisé de son support et
insuffisamment maintenu en surface. L'état fragmentaire des mosaïques déposées
au siècle dernier révèle le caractère hasardeux de ces opérations, qui nécessitaient
PHOTO 1. — Dépose d'un opus signinum avec un système rigide (mousse de polyuréthane
expansée armée d'une structure alvéolée).
(Photographie Paul Veysseyre).

de surcroît une main-d'œuvre importante en raison de la lourdeur des moyens mis


en œuvre (Lavagne, 1977).
La méthode utilisée de nos jours s'est assouplie. La cohésion de surface est
obtenue par encollage sur le tessallatum de deux toiles, la première très fine pour
épouser toutes les irrégularités du pavement (joints creusés, tesselles clivées, lacunes
ponctuelles, dénivellations), et la deuxième à trame lâche et fibres épaisses pour
renforcer et constituer une armature souple résistant aux contraintes devant
s'exercer sur la mosaïque. La nature des textiles peut varier, en fonction des
habitudes des techniciens, de l'état de la surface du pavement et des conditions de
chaque chantier : gaze chirurgicale, toile de coton, toile de jute... L'essentiel est
d'appliquer un revêtement robuste parfaitement solidaire du tessellatum.
Le choix des adhésifs détermine le comportement de la mosaïque, depuis son
prélèvement jusqu'à sa restauration. Le collage doit en effet résister aux ébranle-
ments de la dépose, puis à un stockage parfois fort long, et au premier nettoyage
du revers. Les colles animales appliquées à chaud employées au début de ce siècle,
et de nos jours encore dans certains pays du bassin méditerranéen, sont remplacées
par des produits de synthèse plus performants. Dans la gamme des produits
disponibles, l'acétate de polyvinyle (Rhodopas M 60 A en solution à 60 % dans
l'alcool) se révèle bien adapté : facile d'emploi, efficace et réversible.
La méthode de dépose proprement dite se démarque des techniques anciennes
par le mode de découpage dont la mosaïque doit faire l'objet ; le document est
considéré dans sa globalité, le prélèvement ne se réduit plus aux seuls motifs figurés
mais s'applique à l'ensemble de la composition ; le fractionnement en éléments
transportables est réalisé en fonction de l'état de surface et du décor. La mosaïque
est divisée en plaques de dimensions variables (2 m2 environ), délimitées par les
lignes de fissures, les lacunes qui constituent des démarcations préexistantes, et par
des saignées effectuées dans les zones non dégradées en suivant la trame géométrique
du décor. Selon le degré de dureté du mortier et d'adhérence du tessellatum, ce
réseau de saignées consiste en de simples incisions pratiquées dans l'épaisseur des
joints, ou s'accompagne de l'enlèvement au ciseau d'une ou deux rangées de
tesselles. Ce découpage est reporté parallèlement sur le relevé du pavement, afin
d'obtenir un plan de dépose indiquant la numérotation des plaques ainsi détermi-
nées. Celles-ci sont alors désolidarisées de leur support à l'aide de longues lames
métalliques enfoncées horizontalement dans l'épaisseur du mortier, puis retournées
sur des panneaux de bois taillés à leurs dimensions, et emportées enfin vers leur
lieu de stockage.
Ce fractionnement du pavement en éléments transportables peut être évité en
utilisant une autre technique de dépose qui consiste à enrouler le tapis de tesselles
sur un rouleau de large diamètre, le mortier étant alors détaché du tessellatum au
ciseau ou au burin pneumatique, au fur et à mesure de son enroulement. Mais ce
procédé, expérimenté avec succès dans les années soixante, (notamment par un
spécialiste allemand, Rolf Wihr), ne s'est guère généralisé depuis en raison des
difficultés qu'il pose : l'évacuation d'un rouleau encombrant pesant quelques
centaines de kilos nécessite des conditions d'accès aux chantiers et des moyens de
levage appropriés ; par ailleurs, le mortier antique peut présenter une dureté ne se
prêtant pas aisément à un détachement in situ, dans des conditions de travail
pénibles et avec des délais contraignants. Bien que théoriquement plus adaptée à
la nature des mosaïques, puisqu'elle évite le découpage et la restitution des saignées,
cette méthode présente des risques certains qui n'ont guère contribué à son
développement.

Etude de l'infrastructure révélée par la dépose

Destruction de l'assise antique lors du prélèvement


Le prélèvement des mosaïques effectué avec des techniques et des matériaux
éprouvés, en respectant les impératifs de nettoyage et de séchage qui conditionnent
la réussite de l'opération, permet d'assurer leur conservation. Néanmoins, en raison
de son caractère irréversible, la dépose ne peut être pratiquée sans réflexion ni
précaution préalables. Elle entraîne en effet une destruction partielle du pavement :
les lames sont généralement glissées entre le nucleus et le rudus, d'une part en
raison du plan de séparation que ces deux couches de mortier — réalisées en étapes
successives — offrent souvent, et d'autre part pour limiter l'épaisseur et donc le
poids de la partie de l'assise emportée avec les éléments de surface (fig. 1). Quand

FIG. 1. — Dépose d'une mosaïque de pavement.


ce niveau de clivage ne se présente pas, l'assise constituant un bloc homogène dans
lequel les différentes couches restent intimement liées, les lames — ou plutôt les
barres à mine dans ce cas — sont enfoncées sous le rudus ; mais après le
retournement des plaques de mosaïque, le mortier est souvent désépaissi sur place
afin de diminuer leur poids. Il arrive également que le mortier présente un état de
dégradation tel que le passage des lames suffise à l'effriter, auquel cas seul le
tessellatum, dont l'entoilage assure la cohésion, est prélevé. Après la dépose,
il reste donc à l'emplacement du pavement soit un niveau relativement plan
correspondant à la couche de mortier ou au support conservé en place, soit le plus
souvent une surface bouleversée mêlant indistinctement les fragments de l'assise
brisée par les lames et les ciseaux. Ces vestiges sont bien sûr examinés avant d'être
évacués avec les déblais de la fouille, mais seuls les éléments remarquables sont
généralement enregistrés et conservés par l'archéologue : tessons de céramique
incorporés au mortier, éléments de pierre taillés ou tesselles, fragments d'enduits
peints, monnaies. Quant au pavement lui-même, il se réduit à ses éléments de
surface (tessellatum pour une mosaïque, plaques de pierre et de marbre pour un
opus sectile), et à la partie de l'assise restée adhérente au revers.
Le document déposé est ainsi irréversiblement amputé d'une partie de ses
matériaux constitutifs et arraché de son cadre d'origine. La mosaïque est ensuite
emportée dans un dépôt de fouilles, dans une réserve plus ou moins accessible, et
risque de ne plus faire l'objet d'aucune intervention pendant une période indétermi-
née, parfois fort longue, jusqu'à ce que sa restauration soit envisagée. Les
informations qu'elle peut livrer durant sa période de stockage sont alors limitées
par le découpage et le retournement des plaques qui ne laissent apparaître que leur
revers : les vestiges du mortier antique donnent des indications très réduites sur la
composition et la nature de l'assise ; quant aux éléments de surface, encore noyés
dans la gangue de chaux qui les liait, ils ne permettent qu'une lecture partielle et
malaisée, sinon impossible du décor. Seuls quelques renseignements ponctuels
concernant la nature et la dimension des matériaux utilisés restent en fait accessibles,
mais aucune étude du pavement dans son ensemble et de ses relations avec les
structures environnantes n'est plus permise.

Recherche des informations technologiques


Il importe donc que toutes les observations sur ce qui constituait la partie invisible
du pavement — son assise et son support — soient effectuées lors de la dépose. Car
si l'opération s'accompagne inévitablement de dommages affectant cette partie du
pavement, elle peut également apporter des indications précieuses sur la manière
dont il a été mis en place. Certains tracés préparatoires ont pu ainsi être repérés
sous le tessellatum (de pavements à Stabies et dans la villa de Settefinestre en Italie
notamment), mais la découverte de ces marques est malheureusement rare : elle
suppose en effet que la surface du nucleus soit préservée et apparente ; or le plus
souvent, elle est au contraire morcelée, sur place lors du passage des lames de
dépose, ou plus tard en atelier ; d'autre part, le bain de pose reste généralement
accroché sur cette couche superficielle de mortier, faisant apparaître le négatif du
tessellatum imprimé dans la chaux, et recouvrant les éventuelles marques qui se
trouvaient gravées sur la surface du nucleus. Le repérage des tracés préparatoires
dépend donc plus de la qualité d'exécution et de l'état de conservation des
pavements que de la délicatesse des intervenants, souvent confrontés à des situations
extrêmes : documents très dégradés et vulnérables, ou au contraire offrant une
résistance nécessitant des moyens violents.
Le cas ponctuel d'un nucleus resté intact lors de la dépose d'une mosaïque peut néanmoins
être cité (à Vienne-Nymphéas 1985, fouilles dirigées par Anne Helly-Le Bot) : il présentait en
relief la trame géométrique du décor ; les tesselles noires dessinant des carrés et des losanges
avaient dû être implantées dans un premier temps sur un bourrelet de mortier préalablement
appliqué suivant la composition souhaitée, et les blanches, plus hautes, avaient ensuite été
posées de manière à remplir les figures ainsi délimitées. Dans ce cas, l'assise de la mosaïque
est restée parfaitement cohérente, le passage des lames ayant désolidarisé le tessellatum sans
ébranler ses fondations.
D ' a u t r e s indices relatifs à la réalisation des p a v e m e n t s p e u v e n t être révélés,
c o m m e la t e c h n i q u e de p o s e des o p u s sectile.
Certains pavements de Vienne ont ainsi fait apparaître lors de leur prélèvement des tessons
de céramique et des fragments de marbre disposés sous chaque module de la composition
géométrique ; ces cales, qui servaient à assurer une parfaite planéité au placage de surface,
restaient d'ailleurs partiellement conservées aux endroits où le revêtement de marbre avait
disparu.
Ces découvertes, qui a l i m e n t e n t la c o n n a i s s a n c e t e c h n o l o g i q u e des p a v e m e n t s ,
m a t é r i a l i s e n t l'élargissement des objectifs avec lesquels t o u t p r é l è v e m e n t d o i t
être a b o r d é . Q u e l ' i n t e r v e n t i o n soit nécessitée p a r la m e n a c e d ' u n e d e s t r u c t i o n
i m m i n e n t e , o u p a r u n é t a t de c o n s e r v a t i o n précaire, o u e n c o r e p a r la v o l o n t é
a r c h é o l o g i q u e d ' a c c é d e r à des s t r u c t u r e s a n t é r i e u r e s , la d é p o s e intervient p o u r
a s s u r e r la survie d u p a v e m e n t , c o n s i d é r é n o n pas c o m m e u n objet isolé, d o n t
l'intérêt se m e s u r e à la qualité d é c o r a t i v e de ses é l é m e n t s de surface, m a i s
bien c o m m e u n t é m o i n c o n t r i b u a n t à la c o n n a i s s a n c e d ' u n e t e c h n i q u e et à
la c o m p r é h e n s i o n de son c a d r e d ' o r i g i n e , h u m a i n et matériel. Il s'agit d o n c ,
p r é a l a b l e m e n t et p a r a l l è l e m e n t à la d é p o s e p r o p r e m e n t dite, de recueillir toutes les
i n f o r m a t i o n s qui d ' u n e part, c a r a c t é r i s e n t c h a q u e d o c u m e n t , depuis sa f a b r i c a t i o n
j u s q u ' à s o n e n f o u i s s e m e n t , et d ' a u t r e p a r t relèvent de s o n e n v i r o n n e m e n t i m m é d i a t .

D o c u m e n t a t i o n p a r a l l è l e à la dépose

Les relevés g r a p h i q u e s et p h o t o g r a p h i q u e s c o n s t i t u e n t la base de cette d o c u m e n t a -


tion signalétique. Plusieurs t e c h n i q u e s existent. Les plus é l a b o r é e s s o n t utilisées à
des fins de p u b l i c a t i o n , c o m m e celle qui consiste à effectuer, tesselle p a r tesselle,
u n relevé g r a n d e u r n a t u r e d u d é c o r s u r u n film plastique, puis à le p h o t o g r a p h i e r
afin d ' o b t e n i r u n e r é d u c t i o n à l'échelle souhaitée. L ' o p é r a t i o n exige b e a u c o u p de
t e m p s et ne p e u t g é n é r a l e m e n t p a s s'inscrire d a n s le c a d r e c o n t r a i g n a n t des fouilles
de s a u v e t a g e ; les risques d ' i m p r é c i s i o n , d u s a u x d é f o r m a t i o n s d u s u p p o r t p l a s t i q u e
sur lequel le relevé est effectué, a u f r é q u e n t m a n q u e de planéité des p a v e m e n t s , et
a u x erreurs de t r a i t q u a n d le d é c o r d i s p a r a î t sous u n voile de b u é e s o n t p a r ailleurs
i m p o r t a n t s . Plus objective sans d o u t e serait u n e m é t h o d e utilisant u n e c o u v e r t u r e
p h o t o g r a p h i q u e établie à u n e h a u t e u r fixe, à l'aide d ' u n pied déplacé s u r des rails
p a r exemple. Le p r o c é d é e m p l o y é p a r l'équipe de recherche d u C . N . R . S . s u r la
m o s a ï q u e a n t i q u e consiste à p h o t o g r a p h i e r l'ensemble d u p a v e m e n t avec une p e r c h e
o f f r a n t à l'objectif u n recul suffisant p o u r éviter les d é f o r m a t i o n s d u décor.
I n d é p e n d a m m e n t de ces t e c h n i q u e s p a r f o i s complexes, le relevé classique effectué
a u 1/ lOe o u a u 1/20e p a r t r i a n g u l a t i o n est suffisant p o u r enregistrer la c o n f i g u r a t i o n
de la pièce, l ' i m p l a n t a t i o n et le d é c o r d u p a v e m e n t , les zones d é g r a d é e s o u
lacunaires, la p o s i t i o n des seuils, l ' a p p a r e i l l a g e des m u r s et l'épaisseur des enduits.
Le relevé fait ainsi a p p a r a î t r e les c a r a c t é r i s t i q u e s g é o m é t r i q u e s d u décor, a p p o r t a n t
p a r là des i n d i c a t i o n s s u r la m a n i è r e d o n t il a été c o n ç u et réalisé. C e r t a i n e s
déformations, qui échappent à la lecture globale offerte sur le chantier sont mises
en évidence.
Dans une mosaïque viennoise par exemple, elles relèvent d'une volonté des mosaïstes qui
ont adapté le tracé des lignes directrices du tapis aux axes de la pièce, reproduisant ainsi les
mêmes défauts d'orthogonalité que ceux présentés par les murs. D'autres trahissent l'avance-
ment irrégulier d'un travail exécuté tesselle à tesselle : les figures occupent une dimension
variable d'une extrémité du pavement à l'autre, comme dans une mosaïque d'Aquitaine où
le diamètre des cercles s'amenuise, ou dans un pavement de Vienne, où la dernière rangée de
roues de peltes, par manque de place, vient s'écraser contre la bordure extérieure. Ailleurs,
le relevé des angles du tapis révèle au contraire une implantation du pavement rigoureusement
orthogonale ; certains rectangles font même apparaître le nombre d'or. Dans d'autres
documents, des défauts de symétrie apparaissent, un motif de remplissage se démarque des
autres, tous semblables. Des sujets figurés de factures différentes révèlent dans le même
pavement une habileté variable chez les exécutants.
L'enregistrement de ces détails apporte ainsi une dimension qui dépasse, pour
l'archéologue, l'historien, le simple relevé de la composition décorative, puisqu'à
travers ses particularités, ses maladresses, c'est la pratique des artisans qui apparaît.
Dans un but plus pragmatique, cet examen est nécessaire au restaurateur pour
guider l'assemblage des plaques lors de la recomposition ultérieure du pavement.
Le plan de dépose est bien sûr le support essentiel de cette opération, mais il
importe de connaître précisément la configuration d'origine du pavement : en cas
de repose in situ ou de restitution partielle du contexte archéologique, la mosaïque
peut ainsi être correctement replacée par rapport aux murs de la pièce. D'autre
part, la remise à plat du pavement qui présentait in situ des fissures, des
dénivellations plus ou moins prononcées, modifie sensiblement l'espacement des
saignées pratiquées lors de la dépose, entraînant des problèmes d'ajustage entre les
plaques : il convient donc d'avoir repéré les déformations inhérentes au décor —
défauts de parallélisme et d'orthogonalité notamment — afin de pouvoir les
conserver fidèlement, sans les accuser ni les effacer.
Les relevés graphiques et photographiques, complétés par des fiches descriptives,
doivent également établir le constat des dégradations présentées par le pavement
à sa découverte : fissures, fractures, lacunes et autres altérations apportent en effet
des indications sur les événements survenus après sa mise en place. Des réfections
de factures variées, exécutées avec des plaques de marbre, un simple mortier de
tuileaux, des tesselles restituant habilement ou grossièrement le décor disparu,
témoignent de remaniements pratiqués durant son temps d'usage. Des dégradations
révèlent les accidents multiples liés à son abandon et à son enfouissement : traces
de calcination, érosions ponctuelles dues à des infiltrations acides, tâches de
rouille déposées par du mobilier métallique resté en contact avec le pavement,
pigmentations diverses, lacunes enfin, ponctuelles ou étendues, aux origines variées
(tranchée pratiquée par le godet de la pelle mécanique, sillons creusés par le soc
d'une charrue, trous circulaires de plantations d'arbres, lacunes causées par
l'implantation de structures rapportées, antiques ou modernes...).

Adaptation des techniques de dépose à l'état des p a v e m e n t s

Si ces altérations n'ont que peu d'incidences sur le déroulement de la dépose,


d'autres au contraire posent des problèmes spécifiques. Ainsi, des dépôts de
concrétions calcaires peuvent recouvrir partiellement une mosaïque, gênant ou
empêchant même la lecture de son décor : il est tentant alors de les faire disparaître
avec des procédés rapides. Mais des dommages irréversibles peuvent être causés
par manque de temps et d'appréciation réfléchie ; aussi, quand les délais de la
fouille ou l'absence de techniciens qualifiés ne permettent pas d'effectuer un
nettoyage in situ avec toutes les précautions requises, il est souvent préférable de
prélever le document avec ses concrétions, leur traitement restant à réaliser
ultérieurement en atelier.
Des dégradations moins superficielles peuvent affecter les mosaïques, nécessitant
des techniques de dépose adaptées à chaque cas. Certains pavements par exemple
présentent des irrégularités de surface trop prononcées pour que le système
traditionnel d'entoilage et de retournement sur un panneau plan soit utilisé. La
dépose peut s'apparenter alors à un prélèvement complexe, consolidé et maintenu
par un film silicone et une chappe de plâtre, pour préserver tous les reliefs du
document.
Ainsi, dans une mosaïque de Grenoble (église St Laurent), seules les tesselles dessinant la
trame géométrique étaient conservées ; les autres, qui constituaient le remplissage des figures
avaient disparu, leurs traces restant néanmoins imprimées dans le bain de pose. Il s'agissait
donc de prélever, et les vestiges du tessellatum conservés en relief, et les négatifs préservés
dans la chaux. La méthode employée a consisté à appliquer un système élastomère silicone
assurant la cohésion de surface, puis à renforcer cette membrane avec du plâtre armé, afin
de pouvoir ensuite procéder à la dépose ; la structure de l'assise, simplement constituée par
une couche de mortier d'épaisseur variable appliquée sur un lit de terre, a permis de la
désolidariser de son support sans la morceler : la terre a été progressivement sapée et remplacée
par un platelage destiné à supporter le document lors de son prélèvement et pendant son
transport ; puis la mosaïque a été retournée pour être entreposée avant son traitement,
solidement calée dans son moule rigidifié par la coquille de plâtre.
Cet exemple illustre un procédé de dépose dicté par un état de dégradation particulier : le
choix des matériaux appliqués pour maintenir la cohésion de surface était imposé ici par la
présence d'arêtes vives constituant des contredépouilles.
Les déformations dues à des affaissements, qui affectent plus souvent les
pavements, ne nécessitent pas des techniques aussi élaborées. L'entoilage souple
assure la solidarisation des éléments de surface, et les dénivellations sont ensuite
compensées par une contre-forme (réalisée en mousse de polyuréthane expansé par
exemple) sur laquelle le document peut être retourné et conservé sans risque
d'effondrement. Ce système permet ainsi de prélever les pavements de type terrazo
ou signinum affaissés, puisque leur structure compacte rend irréversibles les
déformations subies. Les mosaïques et opus sectile présentent au contraire des
revêtements de surface qui d'une part, sont dissociables de leur mortier de support,
et d'autre part, peuvent subir un redressement en raison de leur composition
modulaire. Ces documents peuvent donc être prélevés avec ou sans leurs dénivella-
tions, le choix du procédé de dépose étant alors dicté par le type de présentation
envisagé.
La diversification des techniques de dépose permet ainsi de prélever chaque document
selon sa nature et son état de dégradation. L'enregistrement des informations liées à
sa réalisation, son histoire, aux structures environnantes, assure parallèlement
la mémoire de son contexte archéologique sous forme de relevés graphiques,
photographiques, et de fiches descriptives. Cette documentation s'accompagne
parfois de la préservation matérielle de certains éléments relatifs au pavement
lui-même ou à la pièce dans laquelle il était implanté : fragments du support et de
l'assise, du statumen au bain de pose, pilettes d'hypocauste et tubulae, seuils et
jambages, enduits peints. Ce type de prélèvements, conditionné par les possibilités
de chaque chantier (en temps, personnel, moyens de levage et de transport, lieux
de stockage) reste généralement très limité : effectué sous forme d'échantillons, il
permet l'étude du matériel conservé, qui peut être soumis après la fouille à des
analyses spécifiques (identification des matériaux employés pour les tesselles, les
mortiers, les éléments architecturaux, recherche de carrières d'origine, comparaison
avec des documents voisins ou provenant d'autres sites). Indépendamment de
leur exploitation scientifique, les éléments préservés, en ménageant d'éventuelles
restitutions archéologiques, peuvent être utilisés à des fins didactiques. Nombre de
pavements présentent en effet à leur découverte un état de dégradation tel qu'il
justifie difficilement une restauration ultérieure, le coût des travaux pouvant
apparaître trop élevé pour un résultat présumé décevant. Mais les critères de
présentation du mobilier archéologique, et des mosaïques notamment, ont évolué
depuis le goût sélectif du xixe siècle qui ne retenait que leur aspect décoratif et
spectaculaire, au détriment de leur réalité fonctionnelle et historique. Ainsi, des
pavements très lacunaires peuvent être restaurés et présentés pour l'intérêt des
informations technologiques qu'ils apportent par ailleurs : un opus sectile peut être
exposé avec les tessons de calage apparents aux endroits où le revêtement de surface
a disparu ; les négatifs des tesselles imprimés dans le bain de pose peuvent être
présentés avec les parties de mosaïque conservées ; l'hypocauste sur lequel un
pavement a été implanté peut être restitué partiellement ; les seuils, ou du moins
leurs moulages, peuvent être replacés...

LA CONSERVATION DES MOSAÏQUES


APRÈS LA D É P O S E

La mosaïque est acheminée après son prélèvement dans une réserve où elle peut
rester entreposée pendant une longue période. Les problèmes de conservation
qu'elle pose à ce stade sont considérablement réduits puisque sa dépose l'a soustraite
aux multiples facteurs de dégradation qui la menaçaient sur le lieu de sa découverte.
En raison de la nature minérale de ses composants, les mesures relatives à son
stockage sont simples, comparées à celles que nécessitent certains matériaux
archéologiques, organiques notamment. Il suffit d'abriter les pavements dans un
local clos et sec les isolant des intempéries : aucun chauffage n'est nécessaire
puisque les effets du gel ne sont à craindre qu'en cas de pénétration d'eau. Quant
au conditionnement même des pavements, il découle du procédé de dépose : les
plaques de mosaïques retournées sur des panneaux de bois peuvent en effet être
superposées, chacune étant séparée de la suivante par des traverses de bois qui
ménagent une circulation d'air évitant toute apparition de micro-organismes.
Quelques consolidations ponctuelles sont parfois réalisées, de manière à stabiliser
les bordures et zones fragilisées. Les piles de mosaïques ainsi constituées attendent
alors une décision relative à leur restauration.
En effet, il n'existe guère pour les pavements d'opération intermédiaire entre
leur dépose et leur restauration complète en vue d'une présentation au public. La
plupart des documents archéologiques nécessitent des traitements plus ou moins
élaborés destinés à permettre ou préciser leur étude : les objets métalliques sont
radiographiés, nettoyés, les verres ou céramiques fragmentés sont recollés... Ces
interventions, souvent exécutées dans des laboratoires spécialisés, restent liées au
processus de la fouille puisqu'elles font apparaître des formes, des inscriptions sans
lesquelles l'archéologue ne peut envisager l'exploitation scientifique complète de
son matériel.
Les mosaïques ne posent pas ces problèmes de lisibilité ; leur décor apparaît dès
le dégagement de leur surface, et les informations technologiques qu'elles peuvent
apporter sont mises en évidence par leur dépose. Aucun traitement consécutif
au prélèvement ne s'impose donc pour des raisons archéologiques puisque la
connaissance du document est le plus souvent acquise sur le lieu même de la
découverte.
Une mosaïque mise en état de conservation après sa dépose, ne suscite une
nouvelle intervention que lorsque sa présentation est envisagée, dans un musée le
plus souvent, pour une repose in situ plus rarement. Les différentes techniques de
restauration qui sont alors appliquées dépendent des documents mêmes, et
des conditions prévues pour leur présentation ; elles concernent d'une part le
remplacement du mortier antique par un nouveau support et d'autre part les traitements
de surface des pavements.

Transfert sur un nouveau support r e m p l a ç a n t le mortier antique

La première interrogation concerne le type de support sur lequel la mosaïque va


être remontée. Il s'agit là d'une étape fondamentale dans le déroulement des
opérations. La mosaïque, en effet, est débarrassée dans un premier temps des
vestiges de son mortier d'origine et réduite à son tessellatum. Les procédés
mécaniques employés varient selon l'épaisseur et la dureté du mortier, son degré
d'adhérence avec le tessellatum, et la fragilité de ce dernier : le mortier est désépaissi
au ciseau, tronçonné à la meule quant il est trop compact, et le bain de pose est
ensuite éliminé par simple brossage, projection d'abrasifs ou à l'aide d'un burin à
ultra-sons. Ce nettoyage du revers apporte parfois des indications technologiques
complémentaires : il peut faire apparaître des réfections antiques exécutées avec
des matériaux de nature et de taille différentes. La plupart de ces remaniements
étaient déjà visibles sur l'endroit du pavement ; mais certains, habilement réalisés,
sans rupture du décor, se révèlent alors mieux. Des îlots de tesselles plus hauts
peuvent émerger ; dans un opus sectile, le travail de biseautage effectué par le
marbrier pour ajuster les différents éléments de surface devient visible...
Après ce nettoyage, les éléments de surface dont la cohésion n'est maintenue que
par l'entoilage effectué lors de la dépose, sont prêts à être remontés sur un nouveau
support. C'est à ce stade que l'évolution des techniques est la plus marquée.
Les matériaux utilisés au siècle dernier pour remplacer le mortier antique
présentaient des inconvénients majeurs. Les éléments de mosaïques remontés sur
des plaques de pierre ou de marbre devenaient intransportables. Le plâtre utilisé
en bain de pose n'assurait qu'une liaison toute relative entre le tessellatum et ces
socles pesants. Quant à l'emploi du ciment qui s'est généralisé jusqu'à une date
très récente, les conséquences en sont désastreuses. Il entraînait notamment un
morcellement du pavement en pièces de petites dimensions — pourtant fort lourdes
— faisant apparaître un quadrillage de saignées inconciliable avec le décor quand
celui-ci ne présentait pas de structure géométrique.
Ainsi dans la mosaïque de Lycurgue à Vienne, où le réseau végétal curviligne qui se
développe librement sur toute la surface est interrompu par le découpage orthogonal des
quelques quarante plaques qui composent le pavement.
De plus, le ciment était coulé directement sur le revers des tesselles ; outre les
dommages qu'il provoquait en libérant des sels solubles se cristallisant en surface,
ce procédé s'est révélé irréversible, immobilisant le tessellatum dans une gangue
beaucoup trop dure.
Les mosaïques scellées au ciment sur le sol de certains musées — ou chez des
particuliers qui se les appropriaient — se sont ainsi trouvées rivées à leur nouvel
emplacement de manière bien plus irréversible qu'elles ne l'étaient sur leur mortier
d'origine. Et les pavements que la dépose avait convertis en documents meubles
ont retrouvé là le caractère immeuble de leur destination initiale.
L'apparition des résines synthétiques a entraîné depuis une vingtaine d'années
un renouvellement spectaculaire des techniques de remontage des mosaïques. Les
qualités performantes de ces matériaux permettent de réaliser des supports minces
et légers, qui n'imposent plus un fractionnement des pavements ou leur repose
quasi définitive au sol, mais s'adaptent au contraire aux dimensions des documents
et aux conditions spécifiques prévues pour leur présentation. Les résines employées,
de type « époxy », se caractérisent par leur pouvoir d'adhérence élevé, leur forte
résistance au contraintes mécaniques et leur faible retrait (les résines polyesters
ne peuvent être utilisées en raison du retrait important provoqué par leur
polymérisation). C'est au Landesmuseum de Trêves que leur application au
traitement des mosaïques a été expérimentée dans les années soixante : le tessellatum,
recollé sur une strate de colle époxy renforcée par une toile de verre, se transformait
ainsi en un véritable tapis de pierre, allégé de son support d'origine et pouvant être
conservé verticalement ; les mosaïques, dont la cohésion était assurée par ce
nouveau lit de pose en résine, étaient alors désentoilées, puis accrochées à un
système de rails parallèles permettant de les faire coulisser et apparaître à la
demande. Ce procédé ingénieux offrait l'avantage de rendre visibles les mosaïques,
sans nécessiter d'emplacement muséal de présentation et en réduisant les problèmes
d'encombrement posés par le stockage traditionnel en piles. Il s'agissait en fait
d'un système de conservation intermédiaire entre l'état des mosaïques consécutif à
leur dépose et une restauration complète destinée à une présentation au public.
Cette expérience restée unique mérite certainement d'être exploitée puisqu'elle
donne la possibilité d'accéder aux pavements pour les examiner, les étudier,
compléter les informations enregistrées sur le lieu de fouille, sans nécessiter
l'engagement des sommes importantes requises pour une présentation muséographi-
que.
Cet aspect lié au coût des travaux de restauration est en effet essentiel dans le
domaine des mosaïques. Il explique partiellement le nombre des pavements en
attente de traitement, qu'il s'agisse des documents prélevés de leur contexte
archéologique et entreposés dans des réserves, ou des pièces laissées sur leur site
d'origine, dont l'état de dégradation devient vite critique. Certes, l'apparition
progressive de techniciens et d'ateliers spécialisés ne peut résorber rapidement un
retard accumulé en ce domaine depuis plusieurs décennies, et qui s'aggrave au
rythme des découvertes incessantes. Mais l'importance des moyens financiers
nécessaires au traitement des mosaïques constitue également un frein qui limite la
généralisation des nouvelles techniques de remontage. Avec l'emploi des résines
synthétiques s'est en effet développée l'utilisation de matériaux sophistiqués
empruntés à l'industrie aéronautique : dans les ateliers équipés à cet effet, les
pavements sont désormais reposés sur des supports légers et autoportants, constitués
d'une structure alvéolée en aluminium dont chaque face est revêtue d'une couche
de résine epoxy armée de toile de verre (photo 2). Ces nids d'abeilles stratifiés
permettent le remontage des mosaïques sans fractionnement, les portées pouvant
dépasser 6 mètres. Ce sont en fait les contraintes de transport et d'accès au lieu
d'exposition qui limitent la taille de ces supports. Lorsque les hauteurs sous
plafonds, les passages de portes l'imposent, la mosaïque reste fractionnée en autant
d'éléments que nécessaire. Mais en l'absence d'obstacle particulier, elle peut être
remontée en une seule pièce, renforcée par une armature métallique.
Ainsi la M o s a ï q u e aux Dieux Fleuves de Vienne, qui atteint 25 m2.

PHOTO 2. — D é t a i l d u n i d d ' a b e i l l e en alliage


a l u m i n i u m (les d e u x faces de cette s t r u c t u r e
alvéolaire s o n t stratifiées : toile de v e r r e e t résine
é p o x y d e ) . ( P h o t o g r a p h i e P a u l Veysseyre).

Avec l'emploi de ces nouveaux supports stratifiés, les problèmes de transport et


de manutention sont considérablement réduits puisque le poids d'une mosaïque
descend à 30 ou 40 kg/m2, soit 6 à 8 fois moins que lorsqu'elle était reposée sur
une dalle de ciment. S'ils restent des documents encombrants, les pavements
transférés sur ce type de supports conservent ainsi la mobilité acquise avec la
dépose ; ils peuvent être déplacés, avec des moyens de levage appropriés, d'un lieu
d'exposition à un autre, présentés au sol ou verticalement, ce qui constitue un
avantage appréciable pour les musées souvent confrontés à des problèmes de place.
Cette indépendance complète des mosaïques par rapport à leur lieu de présentation
se double d'une réversibilité résultant du mode de remontage dont elles font l'objet.
Le support en nid d'abeille n'est pas collé directement sur le revers du tessellatum,
mais isolé de celui-ci par une couche de mortier synthétique constitué d'un acétate
de polyvinyle chargé de sable (P.V.A. en dispersion aqueuse, telle la Mowilith D
et D025). Ce nouveau lit de pose offre une bonne adhérence avec le tessellatum,
sans revêtir le caractère d'irréversibilité des époxy (photo 3 à 5).
Cependant, le remontage des mosaïques sur supports stratifiés ne constitue pas
la seule méthode envisageable. Cette technique reste certes la plus adaptée au cadre
muséographique puisqu'elle n'entraîne aucun choix d'implantation définitive ;
elle peut s'appliquer également aux cas de repose in situ grâce aux qualités
physico-chimiques des matériaux employés : résistance des résines époxy à l'humi-
Photo 3

PHOTOS 3, 4, et 5. — E n (3), a p p l i c a t i o n d u m o r t i e r d e M o w i l i t h c h a r g é de s a b l e s u r le revers


d u t e s s e l a t u m . E n (4), c o l l a g e d u s u p p o r t s y n t h é t i q u e s u r la c o u c h e d e M o w i l i t h . E n (5),
r e t o u r nIle m e n t d u p a n n e a u de m o s a ï q u e t r a n s f é r é s u r s o n n o u v e a u s u p p o r t : la toile de j u t e
a p p l i q u é s u r le t e s s e l a t u m lors d e la d é p o s e r é a p p a r a î t . (Atelier de r e s t a u r a t i o n de m o s a ï q u e s
de St R o m a i n en G a i . P h o t o g r a p h i e s P a u l Veysseyre).
dité, à la chaleur, aux agents de pollution chimique, étanchéité du nid d'abeille.
Mais le coût élevé de ces matériaux peut représenter un obstacle majeur à leur
utilisation et des solutions moins onéreuses existent. Les pavements réintégrant
leur site d'origine peuvent notamment être reposés de manière traditionnelle, sur
un lit de chaux appliqué sur une dalle de béton constituant la nouvelle assise,
comme ce fut réalisé pour des mosaïques à Montréal du Gers en Aquitaine ; mais
la repose de mosaïques in situ pose par ailleurs des problèmes spécifiques et
complexes qui seront abordés plus loin.

Les traitements de surface

Le traitement de surface constitue une phase essentielle dans le travail puisqu'il


concerne la partie visible du pavement, et la seule préservée du document d'origine
lorsque celui-ci a été amputé de son assise antique. Les opérations précédentes se
conçoivent à l'échelle monumentale des pavements dans le sens où elles s'appliquent
à l'ensemble de la structure et font appel à des techniques du bâtiment pour
résoudre les problèmes de charges, de portées, de stabilité, de contraintes mécaniques
et d'adhérence que posent la dépose et le transfert sur un nouveau support. Les
traitements de surface ramènent à l'échelle de la tesselle, de l'élément de marbre pour
les opus sectile. Il s'agit d'envisager les moyens nécessaires à la conservation et à l'a
lisibilité de ces constituants élémentaires.

Altérations et traitement des éléments de surface


La nature minérale de la plupart des matériaux utilisés limite heureusement les
problèmes. La connaissance et la maîtrise des processus d'altération de la pierre
constituent certes un domaine complexe. Mais les mosaïques de pavement représen-
tent un secteur privilégié : le cadre protégé de leur implantation d'origine,
domestique ou publique, puis leur enfouissement les ont fait bénéficier généralement
de conditions favorables à leur conservation. Prélevées de leur contexte archéologi-
que, reposées sur un nouveau support, stockées ou présentées le plus souvent en
intérieur, elles demeurent préservées des agressions atmosphériques, facteur essentiel
de la dégradation des structures et pièces lapidaires. Il en va tout autrement des
pavements conservés in situ, qui posent alors des problèmes comparables à ceux
que la recherche dans le domaine des traitements préventifs et curatifs des maladies
de la pierre s'applique à résoudre.
Le traitement de surface des mosaïques apparaît donc relativement plus simple
lorsqu'il concerne des documents déposés après leur exhumation et destinés à une
présentation muséale. Le désentoilage constitue la première intervention ; il s'effectue
par dissolution de l'adhésif utilisé lors de l'encollage de surface ; le tessellatum
réapparaît, et son état détermine la suite des opérations. En règle générale, le
traitement se limite à la restitution des saignées pratiquées lors de la dépose, par
réintégration des tesselles prélevées et repérées plaque par plaque, puis à un
nettoyage consistant en brossages et rinçage répétés, afin d'éliminer les traces de
terre, de colle et de toile accrochées à la surface et accumulées dans les joints.
La durabilité des mosaïques de pavement se manifeste alors dans l'économie des
mesures conservatoires à appliquer aux éléments de surface. Les altérations qu'ils
présentent sont cependant nombreuses et variées : des tesselles sont brisées, fendues,
éclatées, des schistes sont délités, des terres cuites ou pierres tendres erodées,
certaines pratiquement réduites à une pellicule, des calcaires présentent une surface
rongée, des marbres une structure saccharoïde, des pâtes de verre ne subsistent
plus qu'à l'état pulvérulent ; des zones entières du pavement sont marquées
d'auréoles grises ou noires, d'autres sont recouvertes de concrétions, et des
pigmentations variées apparaissent sur les fonds clairs. La résistance ou la
vulnérabilité des tesselles à ces altérations varient avec leur nature chimique et
cristalline, leur porosité et leur dureté ; mais les agressions subies résultent de
facteurs extérieurs : les conditions d'utilisation et le milieu d'enfouissement. Les
chocs ponctuels, la chaleur, le feu, l'acidité ou l'alcalinité du milieu, son humidité
et ses fluctuations, le gel dans certains cas ont ainsi affecté l'aspect, et parfois
l'ossature des tesselles.
Les traitements que ces transformations appellent restent cependant peu nom-
breux. Ils peuvent se traduire par le remplacement d'éléments dégradés. En effet,
à l'échelle de la tesselle, la perte de cohésion ou de matière conduit vite à sa
disparition totale. L'élément est alors remplacé par un autre, prélevé dans le stock
de tesselles libres issues des zones disloquées de la mosaïque (lacunes, bords), ou
même d'un autre pavement présentant les mêmes matériaux. La restauration des
mosaïques provenant d'un même site permet de constituer des réserves de tesselles
classées par pavement, ou par nature, calibre, couleur et altérations quand elles ne
sont attribuées à aucun document précis. Nombre de dépôts de fouilles connaissent
ces caisses de tesselles anonymes recueillies au fil des découvertes. A Vienne, utilisées
après qu'une couverture photographique détaillée ait enregistré l'emplacement des
éléments d'origine, elles constituent un outil de travail précieux.
Le remplacement de tesselles, effectué dans le but de ne pas affaiblir le tessellatum
en laissant des vides ponctuels, ne présente généralement pas de difficulté quand
il s'agit de matériaux usuels — pierre ou terre cuite. Beaucoup moins utilisées dans
les mosaïques de pavement antique, réservées à quelques représentations figurées,
les pâtes de verre posent des problèmes plus délicats. Dans certains cas de
dégradation avancée, les restes conservés présentent un aspect fort différent de la
matière originelle. Par exemple, certaines pâtes de verre, restées rouges dans la
masse, présentent une surface verte, par suite vraisemblablement de la transforma-
tion chimique des sels de cuivre utilisés comme colorant. Convient-il alors de les
remplacer par des éléments sains, au risque de choisir une teinte approximative,
ou de les voir ressortir de manière trop marquante dans un tessellatum uniformément
vieilli ?
Le cas s'est présenté pour une mosaïque de Vienne qui présentait une rangée de tesselles
en pâte de verre rouge, réduites à l'état de pellicules de matière poreuse vert clair. Elles ont
été conservées ainsi, par manque de matériaux antiques permettant leur remplacement (les
pâtes de verre bleues ou vertes se rencontrent beaucoup plus fréquemment), et dans le souci
de ne pas introduire d'éléments neufs, bien qu'il eût sans doute été possible de trouver des
tesselles modernes dans une couleur lie de vin proche des tonalités d'origine. Mais dans ce
cas, le choix du traitement ne se posait pas de manière cruciale dans la mesure où une seule
rangée de tesselles, par ailleurs très fines, était concernée.

La question de principe reste posée, dans l'éventualité de dégradations étendues.


Sans doute faudrait-il également considérer l'état de ces matériaux, beaucoup plus
fragiles que le reste du pavement, et procéder dès leur exhumation à des
consolidations, en s'appuyant sur les techniques employées pour le traitement du
verre.
Si les consolidations de pierre ne s'envisagent que rarement à l'échelle de la
tesselle, elles peuvent s'imposer pour les éléments de taille plus importante
constituant les opus sectile : les roches à texture grenue peuvent être ainsi consolidées
avec des composés siliceux.
Le cas s'est produit pour un pavement lyonnais dont le médaillon central, une plaque
circulaire de granit, s'effritait : l'imprégnation a été effectuée avec un silicate d'éthyle appliqué
jusqu'à refus (le même produit permet par ailleurs de consolider des mortiers affaiblis à
préserver partiellement ; les pavements en opus signinum à décor de tesselles ou d'incrustations
de marbre peuvent nécessiter ce type de traitement, puisque la couche supérieure du mortier
antique, dans lequel sont noyés les éléments de surface, doit être conservée).

Les p l a q u e s de schiste d é g r a d é e s p o s e n t des p r o b l è m e s plus délicats, liés à leur


n a t u r e s é d i m e n t a i r e : d ' u n e p a r t , elles se délitent f r é q u e m m e n t , en r a i s o n de leur
s t r u c t u r e feuilletée, et d ' a u t r e p a r t , les c o u c h e s elles-mêmes p e u v e n t être altérées
d a n s leur c o m p o s i t i o n . D a n s ce d e r n i e r cas, u n e i m p r é g n a t i o n de résine s y n t h é t i q u e
p e u t s'envisager ; m a i s p o u r les p l a q u e s délitées, si le recollage des strates dissociées
p e u t se c o n c e v o i r en surface, il devient difficilement réalisable sur t o u t e l'épaisseur
d ' u n é l é m e n t t r a n s f o r m é en millefeuilles. Le r e m p l a c e m e n t de la p l a q u e d é g r a d é e
p e u t alors être envisagé, en retaillant u n m o d u l e i d e n t i q u e d a n s d u schiste sain.
M a i s ce genre d ' i n t e r v e n t i o n p o s e des p r o b l è m e s d ' o r d r e d é o n t o l o g i q u e , s u r t o u t si
u n e p r o p o r t i o n i m p o r t a n t e d u d o c u m e n t est c o n c e r n é e : le c h o i x d u t r a i t e m e n t —
c o n s e r v a t i o n des feuilles de schiste supérieures reposées s u r u n s u p p o r t s y n t h é t i q u e
o u r e m p l a c e m e n t t o t a l des éléments d é g r a d é s — est alors laissé au c o n s e r v a t e u r
d u site o u d u m u s é e a u q u e l le p a v e m e n t est dévolu.
Les calcaires et m a r b r e s , m o i n s vulnérables, s o n t g é n é r a l e m e n t m i e u x conservés.
Il est difficile de d é v e l o p p e r , sans exemples sur lesquels s ' a p p u y e r , u n e p r é s e n t a t i o n
des t r a i t e m e n t s q u e leurs a l t é r a t i o n s appellent. M a i s les o p u s sectile g a l l o - r o m a i n s
s o n t n e t t e m e n t m o i n s a b o n d a n t s q u e les o p u s tessellatum, et leur r e s t a u r a t i o n —
ainsi q u e leur d é p o s e d'ailleurs — ne se p r é s e n t e q u e r e l a t i v e m e n t r a r e m e n t .
Précisons t o u t e f o i s q u e la c o n s o l i d a t i o n des calcaires et des m a r b r e s fragilisés p o s e
des p r o b l è m e s spécifiques liés à leur n a t u r e , à leur é t a t de d é g r a d a t i o n et a u choix
des p r o d u i t s à a p p l i q u e r . L a difficulté est d o u b l e : réaliser u n e i m p r é g n a t i o n à
cœur, afin d'éviter de d u r c i r u n e c o u c h e superficielle susceptible de se désolidariser
de la p a r t i e p r o f o n d e n o n consolidée, et ne p a s m o d i f i e r l'aspect de surface.
L ' e m p l o i de certaines résines s y n t h é t i q u e s p r o v o q u e des brillances f o r t a p p a r e n t e s ,
qui se d i s t i n g u e n t n e t t e m e n t des p a t i n e s antiques.
U n d e r n i e r type de t r a i t e m e n t destiné à p a r f a i r e le n e t t o y a g e d u p a v e m e n t p e u t
s ' i m p o s e r : les c o n c r é t i o n s calcaires f r é q u e m m e n t d é v e l o p p é e s s u r la surface des
tesselles c o n s t i t u e n t p a r f o i s u n voile o p a q u e , m a s q u a n t plus o u m o i n s le décor.
Selon leur é t e n d u e et leur résistance, elles s o n t enlevées m é c a n i q u e m e n t , à l'aide
de scalpels o u de m i c r o - m e u l e s qui p e r m e t t e n t le c o n t r ô l e de l ' a b r a s i o n progressive
à l'échelle de c h a q u e tesselle, o u c h i m i q u e m e n t , en utilisant u n acide dilué, o r g a n i q u e
de préférence, d o n t l'effet est ensuite n e u t r a l i s é p a r u n e s o l u t i o n alcaline, p u i s p a r
des rinçages a b o n d a n t s . Ce type de n e t t o y a g e , p a r f o i s agressif, p e u t être nécessité
p a r la présence d ' a u t r e s a l t é r a t i o n s a f f e c t a n t la lisibilité d u décor.

Il s'est imposé notamment pour une mosaïque provenant d'un terrain agricole, altérée par
les engrais et traitements chimiques des cultures. Des sels insolubles avaient noirci de larges
zones du tessellatum, dans lesquelles les figures ne se distinguaient plus du fond. Le nettoyage
à l'acide chlorhydrique dilué, dont l'agressivité a entraîné une perte superficielle de matière,
a cependant permis dans ce cas la réapparition de la trame géométrique et des motifs de la
mosaïque. Il faut préciser que le pavement était par ailleurs conservé de manière très
fragmentaire, et traversé de sillons provoqués par les socs de charrues. La lisibilité du décor
était donc doublement altérée, par les zones noircies et par les lacunes ; le choix du traitement
a ainsi été dicté, non par de stricts impératifs de conservation, mais par la volonté de
rétablir au moins partiellement la compréhension d'un document destiné à une présentation
muséographique.
Les dilemmes auxquels le restaurateur est ainsi confronté à ce stade des
opérations, conduisent à préciser les objectifs du traitement de surface en vue d'une
présentation au public.
La règle essentielle est de préserver la surface de la mosaïque, son « épiderme ».
C'est lui qui porte l'empreinte du passage des siècles sur le document, depuis sa
mise en place jusqu'à son exhumation : l'érosion des joints qui confère au tessallatum
un relief arrondi détachant chaque élément, le poli des calcaires et des marbres
patinés par les pas qui les lustraient quotidiennement, les taches et les variations
de couleur, les traces de chocs et de calcination... Ces multiples marques, qui
témoignent de l'histoire de chaque pavement disparaissaient avec le ponçage de
surface qui se pratiquait jusqu'à une date très récente ; ce traitement, effectué dans
le but illusoire de ramener la mosaïque à l'état qu'elle présentait durant son temps
d'usage, l'endommageait de manière irréversible sans pour autant lui rendre son
aspect d'origine. Les tesselles constituent en effet des modules irréguliers, aux
sections variables selon la hauteur du plan de coupe : leur réduction modifiait donc
le rapport des pleins et des vides, en augmentant souvent l'importance des joints
(fig. 2, photos 6 et 7). Privée de la partie supérieure de ses tesselles, parfois réduites
à quelques mm d'épaisseur, la mosaïque devenait ainsi un document sans âge ni
relief, fragilisée par la perte de matière qu'elle avait subie. Le traitement des éléments
de surface d'un pavement se limite désormais aux altérations qui en compromettent
la conservation ou en affectent la lisibilité, et respecte celles qui relèvent de son
histoire.

FIG. 2. — Transformations de l'état de surface d'une mosaïque. En (1), la mosaïque après


sa réalisation présente des tesselles aux contours nets et aux arrêtes vives, le bain de pose
apparait peu. En (2), après usage et enfouissement, les joints sont érodés, les tesselles émoussées
sur leur contour ; c'est la « patine » du pavement. En (3), après ponçage, amenuisement de
la surface des tesselles, et augmentation de celle des joints.

Traitement des lacunes


Ce principe, stabiliser le document endommagé en conservant les dégradations
qu'il présente, s'applique désormais également au traitement des lacunes. Elles
étaient en effet systématiquement comblées, tant dans les fonds que dans les figures,
même en l'absence d'indications sur le motif d'origine, et avec des matériaux neufs,
transformant ainsi les mosaïques en œuvres hybrides qui mêlaient indistinctement
parties antiques et interventions modernes ; ceci avant que ne soient établies les
exigences scientifiques qui imposent aujourd'hui le respect de l'authenticité des
documents. La dernière opération pratiquée sur la surface du pavement, le
traitement des lacunes donc, s'attache aujourd'hui à favoriser la compréhension
du document présenté.
PHOTOS 6 et 7. — En (6) tesselatum érodé après usage et enfouissement. En (7), état de
surface après ponçage. (Photographies Paul Veysseyre).

En règle générale, les lacunes sont traitées en retrait par rapport au tessellatum,
de manière à apparaître comme un fond sur lequel se détache la mosaïque (photo 8).
L'enduit appliqué dans les lacunes des pavements restaurés au cours des deux
dernières décennies présente souvent l'aspect du mortier de tuileaux antique, mais
il ne s'agit pas d'une règle. Le but est de privilégier la lecture de la mosaïque. La
texture et la couleur devant apparaître dans les parties détruites sont donc
déterminées par les caractéristiques de chaque pavement : la dimension des tesselles,

PHOTO 8. — Enduit de chaux appliqué en retrait par rapport au tesselatum. (Vienne, Isère.
Photographie Paul Veysseyre).
les tonalités du décor, polychrome ou noir et blanc, la proportion des lacunes par
rapport aux parties conservées, orientent ainsi le choix vers une granulométrie plus
ou moins fine ou grossière, vers une teinte plus ou moins soutenue, parfois rose,
ocre, parfois très claire, proche du fond blanc cassé que présente souvent le
tessellatum. Ces enduits sont réalisés à base de chaux additionnée d'acétate de
polyvinyle, et chargée de sable, de poudre calcaire, de brique pilée ou de pierres
concassées de couleurs différentes.
Les parties de mosaïque préservées apparaissent ainsi distinctement, émergeant
d'un fond neutre qui s'efface et renforce la présence du tessellatum. Mais
ce traitement minimaliste peut se révéler insuffisant, quand l'importance et
l'emplacement des lacunes, déséquilibrant le rapport des parties conservées et
détruites, ne permettent qu'une lecture malaisée et discontinue du document.
Certains pavements peuvent alors nécessiter un traitement destiné à rétablir une
cohérence perdue. Les solutions envisagées dépendent de l'état de dégradation de
la mosaïque, de la nature de son décor, et des conditions prévues pour sa
présentation : une exposition verticale ou horizontale dans le cadre d'un musée,
une conservation ou une repose in situ, en offrant des modes de perception
différents, modifient en effet les critères avec lesquels le traitement des lacunes doit
être abordé. Si la règle essentielle reste de préserver l'authenticité historique du
document en limitant au strict minimum l'intervention sur les lacunes qu'il présente,
il s'agit également de considérer le double aspect esthétique et pédagogique de sa
présentation. Cette mise en valeur peut conduire à des traitements plus ou moins
élaborés.
Les interventions envisagées se limitent en général à la seule restitution des
structures géométriques et évitent les décors figurés. Si l'on veut en effet ne
matérialiser que les suggestions fournies avec certitude par les restes conservés, on
s'interdit toute tentative destinée à améliorer la compréhension d'un sujet ou d'une
scène fragmentaire, dont la reconstitution relève inévitablement de l'hypothèse.
Dans cette optique, seule la composition géométrique apparaît donc susceptible
d'être complétée. La suggestion du cadre, de la trame linéaire, parfois des motifs
répétitifs de la mosaïque peut emprunter des formes variées, destinées à restituer
l'effet unitaire de son organisation, quand celle-ci est interrompue par des vides
qui en altèrent la perception. Le maintien des lacunes dans les parties figurées
n'empêche alors pas la lisibilité de l'ensemble.
L'un des procédés consiste à imprimer en creux, dans l'enduit comblant les
lacunes, les lignes directrices du décor : celles-ci déterminent un jeu d'ombres
nuancées par la qualité de l'éclairage, frontal ou rasant, naturel ou artificiel. Cette
formule, discrète, peut s'appliquer à des pavements exposés dans un contexte
muséographique chargé, dans lequel ils doivent s'intégrer sans focaliser l'attention
au détriment des collections voisines.

Ainsi pour une mosaïque exposée au musée de Clermont-Ferrand, dont la trame linéaire
de carrés apparaît simplement en négatif dans la lacune centrale, après qu'une série d'essais
de réintégration plus poussée, jugés trop ostensibles par le conservateur, aient été, à juste
titre, abandonnés. Ce type d'intervention peut aussi rééquilibrer des documents conservés de
manière dissymétrique, comme dans la mosaïque aux masques de Vienne, où des filets gravés
parallèlement matérialisent une bordure disparue, compensant le vide latéral que le tessellatum
présente. Le procédé permet également de restituer le contexte géométrique de motifs préservés
isolément : ainsi pour une mosaïque d'Autun, dont l'état de conservation très morcelé a
entraîné un remontage des éléments représentatifs sur des panneaux indépendants ; de simples
incisions pratiquées dans l'enduit retracent les figures géométriques dans lesquelles les sujets
décoratifs étaient inscrits.
L'intervention peut manifester un caractère plus contrasté, dans le cas notamment
de compositions géométriques traitées en oppositions de valeur. Les figures noires
peuvent être restituées de manière picturale sur l'enduit, dans une tonalité moins
soutenue que celle des éléments conservés, afin que les lacunes ne s'imposent pas
visuellement au détriment du tessellatum. Ce type de traitement, particulièrement
adapté à une présentation de mosaïques au sol, permet de rétablir l'effet d'ensemble
produit par leurs combinaisons géométriques (photo 9).

PHOTO 9. — R e s t i t u t i o n p i c t u r a l e d ' u n e c o m p o s i t i o n de cercles sécants. (Ste C o l o m b e - l è s -


Vienne. P h o t o g r a p h i e P a u l Veysseyre).

Il fut ainsi appliqué à un pavement viennois, détruit aux 4/5 de sa surface et reposé in situ ;
la restitution du cadre et des cercles sécants lui a rendu sa cohérence, sans introduire
d'ambiguïté entre les parties d'origine et les zones reconstituées.
U n e a u t r e t e c h n i q u e a été utilisée, p a r des r e s t a u r a t e u r s italiens, sur c e r t a i n s
p a v e m e n t s d ' O s t i e : les lacunes s o n t c o m b l é e s avec u n m o r t i e r c h a r g é de pierre
c o n c a s s é e n o i r e et b l a n c h e qui a s s u r e la c o n t i n u i t é des figures g é o m é t r i q u e s . Ce
p r o c é d é , m o i n s fragile q u e le p r é c é d e n t , p r é s e n t e en o u t r e la supériorité d ' u n e
s o l u t i o n spécifique a u x m o s a ï q u e s de p a v e m e n t ; l'utilisation de m a t é r i a u x de m ê m e
n a t u r e établit en effet u n e r e l a t i o n subtile entre le d o c u m e n t et l'intervention, qui
ne se distingue q u e p a r u n e différence de t e x t u r e ( p h o t o 10).
Q u a n d u n e s i t u a t i o n exceptionnelle le justifie, c e r t a i n s p a v e m e n t s p o u r r a i e n t
faire l'objet d e r é i n t é g r a t i o n s plus poussées, c o n c e r n a n t leur d é c o r figuré ( p h o t o 11)
C e p e n d a n t , l'exemple de réalisations p e u satisfaisantes, c o m m e celles qui c o m p l é -
t a i e n t p a r u n e ligne rigide de tesselles o u p a r u n trait s o u v e n t m a l h a b i l e u n sujet
f r a g m e n t a i r e , d é n a t u r a n t l'original a u lieu de le m e t t r e en valeur, n ' a guère
c o n t r i b u é à o r i e n t e r la r e c h e r c h e d a n s cette direction. D ' a u t r e s p r o c é d é s p o u r r a i e n t
c e r t a i n e m e n t être expérimentés, d ' i n s p i r a t i o n c o m p a r a b l e à ce qui se p r a t i q u e d a n s
le d o m a i n e des peintures, o ù le trattegio n o t a m m e n t p e r m e t u n e r é i n t é g r a t i o n des
lacunes sans c o n f u s i o n possible e n t r e l ' i n t e r v e n t i o n et l'original.
Une tentative avait été effectuée dans cet esprit sur une mosaïque très lacunaire reposée à
son emplacement d'origine, dans le cadre d'une intégration de vestiges en milieu urbain
(opération réalisée à Ste Colombe sous le contrôle de la Direction des Antiquités Historiques
PHOTO 10. — Restitution d'une composition géométrique avec un mortier chargé de pierre
concassée noire et blanche. (Ostie, Italie. Photographie Hugues Savay-Guerraz).

PHOTO 11. — Ligne de tesselles sur fond de ciment restituant un sujet figuré (Volubilis,
Maroc. Photographie Evelyne Chantriaux).

Rhône-Alpes). Le document présentait un tableau figuré fort mutilé, incompréhensible sans


documentation explicative complémentaire. La nature du public — moins averti que les
usagers des musées ou des sites archéologiques — auquel cette présentation s'adressait, avait
conduit à réaliser des essais restituant la scène centrale. En s'appuyant sur des parallèles
locaux qui illustrent le même thème, les silhouettes des sujets incomplets avaient été suggérées
par des masses diffuses de couleur appliquées sur l'enduit. Mais cette proposition, dont
l'achèvement aurait nécessité une mise au point progressive de la texture et de la teinte du
support, de la tonalité et de la densité des figures rapportées, est restée une ébauche dont la
réalisation n'a pu aboutir.
Ainsi, comme l'illustreraient de multiples exemples, il n'existe pas de solution
universelle applicable au traitement des lacunes de tous les pavements, ni même une
solution « idéale » pour chacun, plutôt un éventail de possibilités et de degrés
d'interventions (pour cet aspect essentiel, voir P. Philippot, 1977). S'il appartient
au technicien de réunir les éléments qui orienteront les choix, il ne dispose guère
des précédents fertiles qui existent dans les domaines voisins de la peinture murale
et des mosaïques pariétales.
Ainsi des restaurations modernes dans le mausolée de Gallia Placidia à Ravenne se
distinguent-elles des parties d'origine par une légère différence de couleur dans les pâtes de
verre rapportées ; l'unité de la voûte est cependant rétablie, renforcée par la pénombre
ambiante qui demande un examen attentif pour déceler les interventions récentes.
Des formules équivalentes pourraient dans certains cas être appliquées aux
pavements, en utilisant par exemple des tesselles de couleurs ou de dimensions
sensiblement différentes, ou des éléments de même nature posés avec un léger
retrait par rapport au reste du tessellatum. Une documentation parallèle apporterait
alors toutes les informations permettant le déchiffrage du document : parties
d'origine, réfections antiques le cas échéant, interventions modernes.
Mais la recherche dans ce domaine reste peu prolifique. Cette pauvreté traduit
partiellement le retard d'une discipline au développement récent. Mais elle reflète
aussi la rigueur critique qui commande désormais la conservation du mobilier
archéologique. Doit-on cependant opposer cette orientation, la mise en valeur des
mosaïques lacunaires, à la rigueur et au dépouillement de mise dans les présentations
actuelles ? Il parait difficile de préconiser une attitude dogmatique pour des
documents inégalement conservés, exposés dans des contextes et des buts variés :
vestige isolé d'une technique décorative antique, évocation d'un type d'habitat,
présentation in situ. Les lacunes s'apprécient dans chaque cas très diversement, et
pour les pavements déposés, la nature même des interventions qu'elles appellent
autorise une certaine liberté. Leur traitement peut ainsi apporter une nouvelle
identité aux mosaïques présentées verticalement comme des tableaux de pierre,
quand non seulement dépossédées de l'aspect fonctionnel qui les caractérisait en
tant que pavements, elles ont également perdu leur cohérence décorative.
Il faut d'ailleurs souligner qu'un procédé réversible appliqué dans les vides d'une
mosaïque, ou plus exactement sur le support moderne dont on l'a munie, visible
dans chaque lacune, ne compromet en aucune manière le document lui-même, et
que les opérations précédentes, depuis la dépose jusqu'au traitement de surface,
représentent des choix beaucoup plus lourds de conséquences : après qu'un
pavement ait été arraché de son contexte, réduit à ses éléments de surface, aplani
et remonté sur un nouveau support, le traitement de ses lacunes ne constitue
finalement que la dernière phase d'une longue série d'interventions engagée avec
l'objectif final d'une présentation au public ; il convient donc de la mener à terme
avec la même conscience, logique et constante, de ce qui a été entrepris.
Il en va tout autrement pour les pavements préservés in situ, qui n'ont fait l'objet
que de strictes mesures de consolidation et de conservation préventive. Le problème
des lacunes ne se présente alors plus comme une équation posée en termes de plein
et de vide, de matière originelle absente laissant apparaître un support moderne
qu'il convient de masquer afin de recréer une unité visuelle de l'ensemble. Cet
habillage superficiel ne se justifie plus pour des pavements conservés sur leur
support d'origine : les lacunes, qui constituent des trous plus ou moins étendus
quand les mosaïques sont réduites à leurs éléments de surface, revêtent in situ un
caractère tridimensionnel exploitable. Selon leur profondeur, elles font apparaître
le négatif des tesselles imprimées dans le bain de pose, les tessons de calage d'opus
sectile, le mortier du support. Dans le cas de pavements montés sur hypocauste,
elles créent un vide réel laissant percevoir sous l'épaisseur de l'assise, l'infrastructure
de la pièce : les pilettes soutenant la suspensura, le foyer. Ailleurs, elles découvrent
un pavement correspondant à un état d'habitation antérieur : signinum, terrazo
ou mosaïque de tesselles. Si les lacunes altèrent toujours la lisibilité du décor, leur
présence apporte ainsi une meilleure compréhension historique et technique du
document. On peut alors envisager leur maintien, comme un moyen d'offrir cette
approche élargie. Mais leur comblement reste généralement la solution la plus
prudente. Les lacunes, conséquences mais aussi source des dégradations qui affectent
la surface ou le support des mosaïques, nécessitent en effet des mesures spécifiques
pour enrayer le grave processus d'altération auquel elles participent. Leur traitement,
lié à l'état des parties conservées, peut donc consister à les oblitérer, quand elles
compromettent la cohésion physique du pavement, et qu'aucune autre solution ne
paraît envisageable, ou à les stabiliser, en consolidant les rangées de tesselles qui
les délimitent et le mortier de fond : bain de pose, nucleus ou rudus. La réussite
de ce type de tentative est alors conditionnée par le choix des produits appliqués,
traditionnels ou synthétiques, par la qualité de l'imprégnation, profonde ou
superficielle, par la régularité de l'entretien de leur état, et par l'efficacité des
mesures de protection dont le pavement fait l'objet. Le processus de dégradation,
désamorcé par un traitement ponctuel, peut en effet se développer à nouveau sous
l'action des agressions extérieures. C'est toute la complexité des problèmes posés
par la conservation des mosaïques in situ qui se trouve ici abordée.

LA CONSERVATION DES MOSAÏQUES IN SITU

Les deux parties précédentes détaillaient le déroulement chronologique des


opérations mises en œuvre pour la restauration des pavements déposés, depuis
leur prélèvement jusqu'à leur présentation au public. La dernière aborde une
problématique beaucoup plus complexe.
La prise de conscience des problèmes posés par la conservation des mosaïques
et le développement des techniques de dépose et de remontage sur un nouveau
support ont permis, ces trois dernières décennies, d'assurer la sauvegarde matérielle
d'un nombre croissant de documents. Mais ces opérations restent très ponctuelles,
comparées aux besoins que suscitent l'état et l'abondance des mosaïques qui,
maintenues in situ, restent menacées de disparition. Cette situation concerne
particulièrement les pays du bassin méditerrannéen, riches en pavements antiques
et parallèlement insuffisamment pourvus en moyens matériels nécessaires à leur
préservation. Mais les pays mieux nantis, équipés en ateliers et en techniciens, sont
également confrontés à ce problème de la conservation in situ.
En France, il se pose pour les mosaïques découvertes au cours des dernières
décennies sur quelques sites gallo-romains préservés.
Certaines sont restées en place (notamment à Loupian dans l'Hérault, à
Vaison-la-Romaine) ; d'autres ont été déposées puis replacées à leur emplacement d'origine
(à Vaison-la-Romaine, à Glanum) ; les dernières, en cours de restauration, attendent une
décision relative à leur présentation (à St-Romain-en-Gal par exemple) : réintégration in situ
ou exposition dans un musée.
En effet, qu'on les ait remontés sur un nouveau support ou maintenus sur leur
mortier d'origine, la plupart des pavements conservés in situ manifestent des
dégradations alarmantes. Ce constat, qui s'applique également aux mosaïques des
sites étrangers, ne conduit guère à opter pour une présentation in situ, alors que
les musées offrent des conditions de protection optimales. Mais parallèlement se
développe une optique plus récente fondée sur le caractère indissociable des
pavements et de leur contexte architectural.
La repose in situ ne peut être envisagée qu'avec des techniques de remontage
appropriées, et des mesures de protection efficaces, destinées à éviter les insuffisances
ou les erreurs passées et présentes. Mais le choix des structures à édifier pose des
problèmes complexes d'ordres technique, financier, esthétique et archéologique,
liés à leur implantation dans des cadres antiques. Ces difficultés, et la crainte,
justifiée d'ailleurs, d'une surveillance très aléatoire des mosaïques présentées in
situ, se traduisent par un statu quo qui, en France, limite les réalisations à de rares
exemples.
Néanmoins, l'évolution des mentalités oriente la recherche vers les possibilités
de préservation in situ sans dépose : ces tentatives s'appliquent aux mosaïques
conservées en place, quand leur abondance dépasse les moyens techniques et
financiers que leur prélèvement nécessiterait, et quand d'autre part, leur état de
conservation permet d'envisager des mesures ponctuelles de consolidation et
régulières d'entretien, destinées à ralentir, sinon à empêcher leur dégradation. Par
ailleurs, la conservation in situ sans dépose répond, dans l'absolu, à cette prise de
conscience récente de l'amputation irréversible des pavements prélevés et remontés
sur un nouveau support. Cette conception idéale se heurte au problème insoluble
du vieillissement et des altérations que les mosaïques in situ et leurs structures
environnantes subissent inévitablement, mais elle révèle l'importance que revêt le
maintien des documents dans leur cadre d'origine.
De nombreux cas concrets, répartis sur tous les sites antiques et médiévaux qui
ont livré des mosaïques, illustrent la difficulté de leur conservation in situ. Chaque
situation est spécifique : technologie, état d'altération, ancienneté de la découverte,
climat et topographie, et surtout qualité des mesures prises pour la conservation,
dès le dégagement. Nombre de sites héritent aujourd'hui de situations incontrôla-
bles, nées de l'inconséquence de certains de nos prédécesseurs qui, par hectares,
exhumaient des vestiges sans aucune réflexion liée à leur devenir, endommageant
ainsi un patrimoine dont ils ne sont pas restés maîtres.
Il n'est guère envisageable de prétendre maîtriser un sujet aussi vaste et diversifié.
Le propos sera donc limité à une approche des mesures techniques applicables
pour un pavement destiné, après sa découverte, à être conservé in situ, à partir de
l'examen des différents types de dégradations dont il peut être affecté, et en
évoquant quelques-unes des solutions expérimentées en France ou ailleurs, pour
assurer ce type de préservation.

Dégradations des mosaïques in situ

A leur découverte, les pavements présentent des altérations variables de leurs


constituants et de leur structure, selon la qualité de leur sous-bassement, leurs
conditions d'utilisation, d'enfouissement et de dégagement.
Leur planéité d'origine est rarement préservée : des affaissements se sont produits,
fréquemment accompagnés de fissures et de fractures. Ces déformations sont dues
aux contraintes mécaniques que les mosaïques ont subies : efforts de compression
causés par l'accumulation des couches de destruction sur le pavement, tassements
du terrain sous-jacent, poussées et tractions exercées par les murs et les structures
environnants. La résistance des pavements à ces contraintes extérieures, plus ou
moins violentes, s'est avéré varier avec leurs qualités intrinsèques de durabilité.
La nature du support et de l'infrastructure en constitue un facteur essentiel :
l'implantation sur suspensura rend notamment les pavements plus vulnérables aux
contraintes mécaniques extérieures. L'état dans lequel sont découvertes la plupart
des mosaïques montées sur hypocauste, affaissées, fracturées, parfois percées
de lacunes béantes, traduit cette fragilité liée à leurs fondations ponctuelles.
L'écroulement des pilettes constitue la cause la plus fréquente de ces dégradations ;
la récupération des briques qui les composaient peut par ailleurs expliquer le
bouleversement de certains pavements découverts en blocs indépendants. Mais
parallèlement à ces dommages qui ont affecté leur planéité, la cohésion de leurs
composants mêmes se révèle souvent peu atteinte. Les observations recueillies sont
certes limitées ; néanmoins, cette solidité de quelques mosaïques montées sur
hypocauste peut s'expliquer par le soin particulier que leur mise en œuvre plus
délicate qu'une implantation de plain-pied nécessitait, et par leur situation surélevée :
isolé des remontées d'eau par le vide créé par la suspensura, implanté sur un
mortier correctement dosé en chaux et en charges judicieusement choisies (la forte
présence de tuileaux constitue un facteur essentiel de cette longévité, que certains
enduits hydrofuges de bassin manifestent également), le pavement réunissait des
conditions favorables à sa conservation.
Ainsi la mise en œuvre, liée à l'époque et aux techniques en vigueur, à la compétence
des artisans, aux matériaux employés, joue un rôle déterminant dans l'état de
conservation des pavements, pendant et après leur temps d'usage. Les contraintes
mécaniques qui les endommagent plus ou moins gravement ne compromettent pas
inévitablement — sauf cas exceptionnel — leur préservation. Certains pavements,
solidement implantés sur un statumen assurant leur étanchéité, à l'assise soigneuse-
ment liée et chargée, ont pu traverser des années d'utilisation et des siècles
d'enfouissement en ne subissant que des dommages mineurs : des affaissements
peuvent les déformer, des fractures les traverser, mais leur mortier resté sain
maintient la cohésion de leurs matériaux constitutifs. Ceci se vérifie notamment
pour la plupart des ouvrages de type terrazo ou signinum, dans lesquels les éléments
de surface sont incorporés au mortier sans former une strate distincte : cette
compacité des composants — liants, charges et fragments décoratifs — constitue
un facteur de solidité (la dépose de ce type de sols ne se fait d'ailleurs pas sans
difficultés). Il en va tout autrement des pavements présentant un revêtement de
surface appliqué sur une assise réalisée en plusieurs couches : cette composition
stratifiée constitue en effet un facteur de fragilité qui conduit souvent à la perte
d'adhérence du tessellatum pour les mosaïques, ou du placage de marbre pour les
opus sectile. Une facture peu soignée, des conditions d'enfouissement défavorables,
provoquent alors la dégradation de l'assise et la dissociation des éléments de
surface.
La déstructuration des pavements apparaît de manière plus ou moins évidente
selon le degré d'avancement du processus. Affaibli par l'action érosive de l'eau
quand l'absence de statumen ne permet aucun draînage, par les effets du gel quand
le document est enterré à une faible profondeur, altéré par l'agressivité de certains
milieux d'enfouissement, dont l'acidité notamment dissout les matériaux calcaires,
parfois pauvre en chaux dès sa mise en œuvre, le mortier se désagrège progressive-
ment, jusqu'à désolidariser l'assise du revêtement de surface et détruire les liens
entre les éléments modulaires qui composent ce dernier. La mosaïque peut être
découverte avant cette perte d'adhérence. Seules les sonorités creuses dégagées par
sondages la révèlent, ponctuellement, ou plus largement. Le dégagement lui-même,
quand la pointe de la truelle ou le simple passage sur la mosaïque suffisent à
disloquer le tessellatum, permet de constater immédiatement un état de cohésion
précaire : le bain de pose et les joints ont été remplacés par de la terre ; humide,
celle-ci maintient la liaison des tesselles entre elles et avec le support, mais son
assèchement provoque inévitablement leur dissociation. Parfois, des racines se sont
immiscées sous le tessellatum, soulevant les tesselles au fur et à mesure de leur
croissance. Des lacunes ont pu se former, favorisées par des facteurs extérieurs :
développement de ces racines, passage d'animaux fouisseurs, interventions humaines
liées à l'utilisation du terrain recouvrant la mosaïque (activités agricoles en milieu
rural, implantation de structures en contexte urbain).
Enfin, les matériaux mêmes du revêtement de surface peuvent présenter les
dégradations déjà évoquées (cf. Traitements de surface).
La mise au jour des pavements modifie l'état dans lequel ils ont été découverts.
L'exhumation provoque en effet un brusque déséquilibre des conditions dans lesquelles
le document s'était relativement stabilisé au cours des siècles : sa désydratation, due
à l'enlevement des couches qui, dans nos climats tempérés, le maintenaient en
milieu humide, et les agressions multiples auxquelles il se trouve exposé accélèrent
les processus de dégradations déjà amorcés, et en créent de nouveaux.
Les pluies battantes prolongées et les variations climatiques, notamment les cycle
gel-dégel, clivent le mortier, désolidarisent l'assise du revêtement de surface, en
dissocient les éléments constitutifs, et provoquent l'éclatement des tesselles poreuses,
le délitage des matériaux de nature sédimentaire. La pollution atmosphérique, à
proximité des zones urbaines et industrielles, des voies à grande circulation routière,
attaque les composants calcaires (notamment à cause de l'action de l'anhydride
sulfureux transformé, avec l'humidité ambiante, en acide sulfurique). L'apport
d'oxygène favorise, avec l'humidité contenue dans le pavement, l'apparition de
micro-organismes végétaux, algues ou lichens, qui s'insinuent dans les joints et
envahissent progressivement les tesselles ; l'une des manifestations de cette forme
particulière d'altération se caractérise par le développement d'une couche sombre,
brune ou grise, parfois noire, sur la surface de la mosaïque dont elle rend le décor
illisible. Après nettoyage, les tesselles révèlent une modification de leur texture
superficielle : ternissement des couleurs et porosité accentuée. Les marbres ont
perdu leur poli, les calcaires leur calcin, et cette érosion produite par l'attaque
des micro-organismes les rend plus vulnérables aux agressions atmosphériques.
L'infestation végétale menace également les pavements exhumés : la terre accumulée
dans les joints, les fissures, les lacunes et les coins de la pièce quand les murs sont
partiellement conservés, favorise la germination des graines. L'enracinement, la
croissance des plantes et leur inévitable propagation conduisent à une dévastation
spectaculaire des mosaïques qui se transforment, à plus ou moins long terme, en
un amas de tesselles éparpillées dans un réseau végétal.
La combinaison de tous ces facteurs de dégradation provoque la destruction parfois
très rapide des pavements exhumés. En France comme à l'étranger, nombre de
documents abandonnés après leur découverte ont ainsi disparu.

Mesures techniques liées à la conservation des mosaïques in situ

Consolidations ponctuelles
L'état de la mosaïque à sa découverte conditionne les mesures techniques. Les
parties fragilisées doivent être consolidées : maintien des bordures du pavement
dissociées des murs de la pièce avec un mortier de chaux destiné à éviter leur
dislocation progressive. Les lacunes doivent aussi être stabilisées : avec des tesselles
s'il s'agit de manques ponctuels, et quand elles sont plus étendues, avec un mortier
appliqué en solin ou les comblant totalement ; pour le choix de la couleur, de la
texture, d'une éventuelle restitution du décor, nous renvoyons au paragraphe
consacré au traitement des lacunes. La contrainte technique déterminante est
d'empêcher l'élargissement des lacunes, quel que soit l'effet esthétique recherché :
les risques de fissures et de retrait du mortier de comblement peuvent être prévenus
en incorporant des additifs destinés à en renforcer l'adhérence et la souplesse et en
évitant l'emploi du ciment ; son excessive dureté ne permet en effet aucune liaison
durable avec le support antique. Les pertes d'adhérence ponctuelles entre le
tessellatum et son assise nécessitent également des mesures immédiates, avant que
la cohésion des éléments de surface entre eux ne soit atteinte : des injections au
moyen de seringues de coulis de chaux ou de liants synthétiques peuvent être
envisagées, la difficulté consistant à assurer une pénétration du produit de ragréage
dans toute l'étendue du vide présent, et à réaliser une liaison mécaniquement
comparable à celle du mortier antique. Les différents mélanges applicables sont
détaillés dans le troisième volume publié par le Comité International pour la
Conservation des mosaïques (Mosaïque, 1983). Y sont mentionnés notamment des
essais de consolidation réalisés avec succés sur les mosaïques pariétales de Torcello,
en utilisant un mélange de chaux blanche additionnée de poudre de brique, et d'un
copolymère acrylique. L'injection de Primal a également permis d'obtenir des
résultats satisfaisants pour la consolidation d'un pavement d'Ostie.
Quand l'efficacité d'une injection paraît aléatoire, en cas de boursouflures
prononcées et de dissociation imminente des tesselles, les zones décollées peuvent
être déposées ; leur repose sur un nouveau mortier appliqué après élimination des
résidus de terre et du bain de pose antique, est alors mieux maîtrisable.

Repose in situ
Quand le tessellatum s'avère entièrement désolidarisé de son assise, il n'est guère
possible d'assurer sa conservation sans dépose : son prélèvement permet alors de
mettre en œuvre un support neuf sur lequel il pourra être reposé. Il est essentiel
de prévoir, d'une part un système l'isolant des remontées d'eau, surtout dans les
régions à forte pluviosité ou en présence d'une nappe phréatique haute, et d'autre
part une assise indépendante des murs encadrant la pièce ; les tassements et
contraintes qui les affectent se répercuteraient en effet sur le support de la mosaïque,
créant plus ou moins rapidement un réseau de fissures et de fractures. Parallèlement,
le retrait de la dalle de béton armé après sa mise en œuvre doit pouvoir s'effectuer
librement, sans les arrachements qu'il provoquerait en cas de liaison avec les murs.
Le principe de la dalle flottante sur vide sanitaire, dissociée des murs par un joint
périphérique, et réalisée en plusieurs tranches ménageant entre chacune un joint
de dilatation peut constituer un bon support. Une étanchéité appliquée au préalable
contre les fondations des structures verticales encadrant le pavement, sous forme
de couche de bitume ou de revêtement stratifié plus élaboré, tel que l'industrie du
bâtiment en propose aujourd'hui, permettra par ailleurs d'éviter les transferts
d'humidité par les murs. La mosaïque pourra alors être reposée sur cette nouvelle
assise, après que celle-ci se soit stabilisée.
Le problème du scellement de la mosaïque se pose alors, la difficulté consistant
à assurer l'adhérence des éléments de surface à leur nouveau support, tout en
ménageant des possiblités ultérieures de redépose.
Deux solutions apparaissent. La première consiste à replacer la mosaïque en
pose directe, c'est-à-dire à appliquer le tessellatum (après qu'il ait été débarrassé
des vestiges de son ancien support) sur un mortier frais. Mais il est difficile de
contrôler la planéité des plaques de mosaïque, en raison de la souplesse liée à leur
composition modulaire : les bordures notamment peuvent s'affaisser, créant des
lignes de demarcation en retrait par rapport au centre de chaque plaque. Ce système
est sans doute plus compatible avec un tessellatum prélevé d'un seul tenant, comme
l'a réalisé R. Wihr pour une mosaïque de la région de Trèves, déposée au rouleau
puis reposée sur une chape de mortier frais. La nature du bain de pose devant
assurer la liaison du tessellatum avec le support mis en place reste problèmatique.
L'irréversibilité notoire du ciment quand il est trop dosé, sa résistance nulle aux
efforts de traction, son retrait lors de la prise, en excluent désormais l'emploi. La
chaux constitue sans doute un liant plus approprié, mais ses caractéristiques
mécaniques un peu faibles demandent à être améliorées. Un acétate de polyvinyle
en émulsion aqueuse (Mowilith D et D 025 par exemple) peut en renforcer
l'adhérence et la souplesse, un peu de ciment blanc en augmenter la résistance
mécanique. Seule l'expérimentation — nature et proportion des liants (la chaux et
le ciment sont commercialisés sous de nombreuses formes), des additifs et des
charges — peut déterminer la composition la plus appropriée, après observation
d'échantillons placés dans les conditions prévues pour la mosaïque. La repose in
situ avec ce système d'application directe est d'une mise en œuvre peu onéreuse.
Une pré-stratification des plaques composant le pavement, destinée à assurer leur
rigidité peut d'ailleurs faciliter leur repose à un niveau constant, mais là encore, la
nature des matériaux à employer doit être recherchée.
La deuxième solution consiste à remonter la mosaïque sur un nouveau support
en atelier, et à en assembler ensuite les différents éléments sur le lieu de repose.
Pour les raisons déjà citées, la repose sur plaques de béton armé, abondamment
utilisée jusqu'à une date récente, et de nos jours encore sur certains sites étrangers,
se révèle souvent désastreuse, surtout quand les mosaïques sont insuffisamment
protégées, voire exposées aux intempéries : l'oxydation de l'armature métallique
provoque l'éclatement du support, la rigidité du ciment incompatible avec un
contexte instable engendre des fissures correspondant au découpage des plaques,
favorisant l'installation de terre et d'herbes. L'humidité et les effets du gel altèrent
la cohésion du béton, jusqu'à la perte d'adhérence du tessellatum qui se disloque
progessivement. Quant à la dépose des mosaïques ainsi remontées, elle s'avère fort
problèmatique. Le transfert sur résine synthétique et panneaux de nid d'abeilles
présente l'avantage d'un support léger, étanche, résistant, aisément démontable si
la mosaïque doit être déplacée, dont les multiples qualités ont été développées plus
haut. Leur coût et les difficultés d'approvisionnement dans certains pays constituent
néanmoins des obstacles majeurs à leur utilisation.
Les différents systèmes pouvant être mis en œuvre pour la repose des mosaïques
ont été détaillés dans le deuxième volume publié par l'ICCROM (Mosaïque, 1980),
qui indique leurs qualités respectives, leurs défauts ou leurs limites. Mais quel que
soit le procédé adopté concernant la nature et la mise en œuvre du nouveau support
sur lequel la mosaïque est remontée, le problème de sa protection reste essentiel.

Protection des pavements


La protection des mosaïques constitue la condition fondamentale d'une conservation
in situ, surtout dans nos climats tempérés qui se traduisent en réalité par des pluies
abondantes, de fortes gelées en hiver, et des variations de température importantes.
Certains pays du Bassin Méditerrannéen, qui bénéficient de climats plus ensoleillés,
d'hivers moins rigoureux, sont confrontés de manière moins évidente et rapide aux
phénomènes de dégradations causés par les intempéries ; mais là également, le
problème se pose, bien qu'atténué. Les mosaïques étaient implantées dans des lieux
clos qui les isolaient des agressions extérieures ; une conservation à ciel ouvert les
condamne à plus ou moins court terme. Cependant, il est vrai que la localisation
des pavements, et donc la spécificité de leur environnement géographique et
climatique, peuvent nuancer la qualité des abris nécessaires à leur préservation.
Trois exemples peuvent être cités, pour illustrer des effets identiques produits après des
périodes et dans des conditions de protection fort différentes : les mosaïques d'Orbe en Suisse,
dont la découverte remonte à plus d'un siècle ; elles ont été enfermées dans des cabanons
comportant un toit, des murs, une porte et des fenêtres, isolés de l'humidité des remblais
extérieurs par un drain périphérique ; les mosaïques de la villa du Paon à Vaison-la-Romaine ;
découvertes dans les années soixante, elles ont été protégées par une toiture en tuiles sur
charpente de bois, sans fermeture latérale ; enfin les mosaïques de Volubilis au Maroc,
exhumées depuis près d'un demi-siècle, et conservées sans abri. Si l'on ne considère pour ce
dernier exemple que les quelques mosaïques maintenues sur leur mortier d'origine (la plupart
des pavements de ce site ont été transférés sur un support de béton), les trois ensembles
présentent aujourd'hui une perte d'adhérence du tessellatum nécessitant leur dépose. Mais
cet état de dégradation, qui ne s'est manifesté qu'après quelques décennies, montre bien la
diversité des solutions techniques qui peuvent être adoptées en fonction de lieux. Il manque
d'ailleurs un élément de comparaison essentiel, à savoir le degré de cohésion que présentait
chaque document lors de sa mise au jour.
L'état de conservation des mosaïques, et les conditions ambiantes liées à leur
emplacement constituent en effet les deux facteurs déterminants des différents types
de protection à envisager. C'est à ce stade qu'intervient le rôle primordial des
moyens matériels disponibles pour assurer l'édification d'abris.
En contexte urbain, cette notion d'abri est d'ailleurs dépassée quand la conserva-
tion in situ des vestiges exhumés se traduit par leur intégration à l'édifice construit.
Ces expériences restent rares : la modification d'un projet d'urbanisme peut
entraîner des surcoûts importants, et pour éviter des difficultés techniques et
financières majeures, insurmontables à partir d'un certain point, une coordination
préalable est nécessaire entre les responsables immobiliers, les architectes et les
archéologues, afin d'établir une programmation rigoureuse respectant les impératifs
de chaque partie.
Néanmoins, la récente réalisation de Sainte-Colombe en constitue un exemple : une maison
gallo-romaine a été partiellement conservée, et intégrée au rez-de-chaussée de l'immeuble
édifié à son emplacement, présentant notamment les mosaïques de deux pièces contiguës ; les
pavements avaient été déposés au préalable, d'une part pour que les archéologues puissent
mener une investigation complète du site fouillé, et d'autre part pour libérer le chantier et
permettre l'intervention des constructeurs. Après restauration en atelier, les mosaïques ont
été reposées à leur emplacement d'origine ; non accessibles au public, elles sont visibles à
travers des vitres.
La protection des pavements peut également devenir le point de départ de projets
plus complexes.
Ainsi la mosaïque de Dyonisos de Cologne, conservée in situ dans le cadre d'un vaste
musée construit autour d'elle.
En contexte archéologique, le choix des abris pose des problèmes liés à
l'implantation de structures modernes dans un cadre antique. On n'effectue plus
aujourd'hui la restitution volumétrique des pièces pavées de mosaïques, a fortiori
celle de la maison entière, en raison des incertitudes relatives à leur élévation. Si
les matériaux traditionnels — pierre, bois, tuiles, briques — peuvent être remplacés
par du verre et du métal par exemple, choisis pour leur aspect délibérément
moderne, leur coût constitue néanmoins un luxe que chaque site ne peut pas se
permettre. Mais des solutions moins sophistiquées, utilisant notamment des
éléments modulables tels que tubes métalliques et tôles opaques ou transparentes,
peuvent assurer une protection efficace bien qu'esthétiquement discutable.
On peut citer l'exemple de la villa Pedrosa en Espagne ainsi abritée : le bâtiment, fermé
latéralement par des murs de parpaings, assure sans aucune prétention sa fonction utilitaire
de protection, et favorise même, par la modestie des moyens mis en œuvre, la lecture des
pavements et des structures conservées. Il est vrai que dans un environnement archéologique,
ces abris sommaires nuisent à l'homogénéité et à la compréhension de l'ensemble dans lequel
ils s'inscrivent.
Cependant, l'enrichissement apporté à un site par ses pavements justifie sans
doute le principe d'abris ponctuels, tant aux yeux des scientifiques qu'à ceux du
public, conscient des exigences dictées par ce type de conservation.
La formule la plus fréquente reste la mise en place de toitures, souvent réalisées
en tuiles sur charpente, dont l'action se limite à protéger les pavements des pluies
fouettantes. Cette solution minimale, qui dépend du climat ambiant, limite du
moins les apports d'eau dans les pavements et ralentit leur dégradation. Loin d'être
idéale sur le plan de l'esthétique et de l'efficacité, cette mesure a cependant permis
de maintenir de nombreuses mosaïques dans un état de cohésion acceptable, qui
offre toujours la possibilité d'une dépose si celle-ci devient inévitable.
Les solutions qui évitent la construction d'abris durables et optent pour
des protections temporaires ne paraissent applicables que dans certains climats
privilégiés.
Les mosaïques de Conimbriga au Portugal notamment sont recouvertes tous les soirs et
pendant certaines périodes hivernales, par une couche de sable enlevée le matin.
Dans des climats plus rigoureux comme les nôtres, ce type de protection
intermittente pourrait, sinon remplacer la mise en place d'un abri, du moins
compléter celle assurée de manière permanente par une toiture, en évitant ainsi le
problème des fermetures latérales. Cette solution mixte nécessiterait cependant
d'étudier les matériaux les plus appropriés à une isolation efficace (sable, laine de
verre, feutre de bâtiment, etc.), et offrant parallèlement des facilités de manutention.
Quelle que soit en effet la qualité des mesures techniques mises en œuvre pour
assurer la protection et la conservation des pavements in situ — abris plus ou
moins élaborés, consolidations ponctuelles, nouveau support —, leur efficacité reste
conditionnée par les moyens affectés ensuite au contrôle de leur état. Le choix d'une
protection intermittente par exemple ne peut se concevoir qu'avec du personnel
permanent, dont le rôle consiste notamment à recouvrir les pavements en fonction
des intempéries. La notion de gardiennage retrouve ici une dimension fondamentale.

Entretien des pavements conservés in situ


Aucune mesure de consolidation, de protection, ne peut être considérée comme
suffisante si elle ne s'accompagne pas d'une action régulièrement poursuivie,
destinée à assurer la maintenance des documents conservés. Il ne s'agit plus alors
de réaliser un certain nombre d'opérations, puis d'abandonner le pavement restauré
dans l'univers stable d'un musée ; mais au contraire de contrôler un état toujours
fluctuant, de déceler les symptômes de dégradations naissantes, de noter l'aggrava-
tion d'altérations déjà constatées, d'en rechercher les causes, et d'agir en consé-
quence. Là encore, la multiplicité des situations ne permet pas de définir la nature
et la fréquence des interventions nécessaires.
Certaines concernent l'environnement. Selon les cas, il peut s'agir de réparer une
toiture, avant que la fuite provenant de deux tuiles disjointes n'endommage le
pavement, ponctuellement soumis à un ruissellement érosif et exposé aux effets du
gel. Les problèmes de drainage sont à surveiller, la stagnation des eaux de
ruissellement pouvant provoquer la dégradation progressive des supports.
D'autres mesures s'appliquent aux pavements. L'apparition de lacunes, souvent
révélatrices d'une perte d'adhérence entre le tessellatum et l'assise, doit être repérée,
les consolidations ponctuelles devant alors être effectuées au moment opportun.
La nécessité d'une dépose peut d'ailleurs se présenter, quand l'état de cohésion du
pavement devient trop précaire ; encore faut-il que la décision soit prise tant que
l'intervention reste possible. L'infestation végétale pose des problèmes permanents
et encore mal résolus, notamment sur les sites de grandes superficies. Le désherbage
manuel ne constitue qu'une solution souvent insuffisante, en raison de l'abondance
du personnel qu'il exige. D'autre part, l'arrachage des plantes n'empêche ni le
développement des racines quand celles-ci restent incrustées dans la mosaïque, ni
une nouvelle repousse des parties externes. L'emploi de désherbants chimiques à
caractère hormonal paraît avoir donné des résultats satisfaisants à Ostie, mais
l'auteur de l'article qui mentionne cette information (Veloccia, 1977) fournit peu
de précisions à ce sujet. Des recherches menées à l'ICCROM pour le traitement
préventif et curatif des mosaïques affectées par les micro-organismes y sont par
ailleurs signalées. La nature de ces expérimentations n'est pas indiquée, mais il
serait sans doute intéressant d'effectuer des essais avec certains produits à base
d'ammonium quaternaire, dont les propriétés algicides et bactéricides trouvent des
applications dans l'industrie des peintures (stérilisation des surfaces à peindre),
dans le domaine médical (désinfection des locaux et du matériel) et sur d'autres
matériaux archéologiques. Là encore, il faudrait comparer leur efficacité afin de
déterminer celui qui éviterait des applications trop souvent renouvelées. Le procédé
le plus courant reste en effet le nettoyage des mosaïques envahies de moisissures,
d'algues ou de lichens avec de l'eau de javel diluée, mais le processus n'est que
temporairement stoppé ; sa réapparition dénote l'insuffisance de cette méthode,
dont l'innocuité est par ailleurs contestable. Le rôle de la ventilation des abris dans
lesquels les pavements sont conservés est déterminant, certaines conditions de
lumière, d'humidité et d'aération insuffisante favorisant souvent la croissance
d'algues ou de lichens. D'autre part, le simple balayage des mosaïques peut éviter
l'installation de bactéries, qui trouvent un milieu propice à leur développement
dans les coins des pièces où s'accumulent débris végétaux et terre.
Enfin, la surveillance des pavements doit garantir leur inaccessibilité au public :
le passage répété des visiteurs dégrade en effet des documents conçus pour un
usage essentiellement domestique, et déjà fragilisés par leur âge. De plus, les risques
de vandalisme ne sont pas à négliger.
L'entretien au long cours des mosaïques détermine donc leur conservation in
situ. Faute de personnel affecté à leur examen permanent, et par là de mesures
techniques réalisées au moment opportun, l'équilibre entre les pavements et leur
environnement se rompt, et le processus enclenché aboutit à leur destruction.
Aussi certaines découvertes récentes se sont-elles concrétisées par l'enregistrement
photographique, descriptif et graphique des informations apportées par les pave-
ments exhumés, sans pour autant conduire à leur présentation au public, puisqu'ils
ont été réenfouis.
Les mosaïques grecques d'Eretrie ont ainsi été réenfouies après avoir été consolidées, dans
une optique de conservation indépendante de toute intention pédagogique immédiate, et de
toute préoccupation d'ordre touristique. Recouvertes par une couche de sable lavé de 50 à
80 cm d'épaisseur, elles font l'objet de sondages annuels destinés à contrôler leur état, lequel
se révèle stationnaire, depuis une dizaine d'années environ.
C e t t e s o l u t i o n illustre u n e c o n s e r v a t i o n in situ é c o n o m i q u e , qui m é n a g e de
s u r c r o î t la possiblité d ' é t u d i e r et de r é u n i r les m o y e n s nécessaires à u n e mise en
v a l e u r ultérieure des p a v e m e n t s d a n s leur c o n t e x t e originel. Elle m é r i t e r a i t sans
d o u t e d ' ê t r e a d a p t é e à d ' a u t r e s sites.
D e telles i n t e r v e n t i o n s a f f i r m e n t la p r i m a u t é de la s a u v e g a r d e matérielle des
p a v e m e n t s , conservés sans être d é n a t u r é s p a r l ' o p é r a t i o n réductrice et irréversible
q u e c o n s t i t u e la dépose. Q u a n d celle-ci est déjà accomplie, o u qu'elle devient
inévitable, u n e dernière s o l u t i o n p e u t enfin être envisagée, évitant, et les risques de
d é g r a d a t i o n s liés à u n e r e p o s e in situ, et le c a r a c t è r e mutilé d ' u n c a d r e a r c h i t e c t u r a l
privé de son r e v ê t e m e n t de sol. Ce d o u b l e o b j e c t i f est c o u r a m m e n t réalisé d a n s le
d o m a i n e des M o n u m e n t s H i s t o r i q u e s o ù se p o s e n t des p r o b l è m e s de c o n s e r v a t i o n
et de p r é s e n t a t i o n c o m p a r a b l e s : les statues et pièces lapidaires dégradées, m e n a c é e s
de d i s p a r i t i o n , s o n t ainsi remplacées p a r des m o u l a g e s o u des copies, p e r m e t t a n t
a u x d o c u m e n t s o r i g i n a u x d ' ê t r e conservés d a n s l'enceinte protectrice des musées
o u de leurs réserves. A p p l i q u é e a u x p a v e m e n t s , la réalisation de fac-simile reste
p r o b l è m a t i q u e . Le p r o c é d é le plus évident consiste à r e p r o d u i r e la m o s a ï q u e selon
la t e c h n i q u e a n t i q u e , avec des m a t é r i a u x identiques, taillés puis assemblés à p a r t i r
d ' u n relevé effectué tesselle à tesselle.
La copie d'un pavement du site de Carthage est ainsi exposée à l'emplacement du document
antique : dans ce cas, l'intervention a été motivée, non par des critères d'ordre déontologique,
mais par l'impossibilité technique d'une repose in situ de l'original ; les déformations qu'une
restauration antérieure avait irréversiblement apportées aux différents panneaux lors de leur
transfert sur un support de ciment, empêchaient en effet leur réassemblage dans la pièce
octogonale dont ils provenaient.
Le choix d ' u n tel p r o c é d é pose certes des p r o b l è m e s de t e m p s , et d o n c de coût,
qu'il c o n v i e n d r a i t de c o m p a r e r à ceux q u ' u n e repose in situ, a p p o r t a n t a u p a v e m e n t
les g a r a n t i e s nécessaires à sa survie, exigerait. L a q u e s t i o n m é r i t e r a i t n é a n m o i n s ,
d a n s certains cas, d ' ê t r e considérée. D ' a u t r e s techniques p o u r r a i e n t d'ailleurs être
recherchées, c o m m e le m o u l a g e des p a v e m e n t s o f f r a n t u n relief de surface suffisant ;
le p r o b l è m e des c o u l e u r s se p o s e r a i t ensuite, a u g m e n t é en cas de p o l y c h r o m i e d u
d é c o r et de finesse d u tessellatum. Plus m o d e s t e m e n t , le d é c o r des p a v e m e n t s p e u t
être é v o q u é de m a n i è r e picturale, laissant a u x r e s p o n s a b l e s u n délai de réflexion,
a u x techniciens le t e m p s de r e s t a u r e r , et a u x crédits le t e m p s d ' ê t r e réunis.
Ainsi la m o s a ï q u e a u x D i e u x O c é a n s de S a i n t - R o m a i n - e n - G a l n ' a p p a r a î t - e l l e
t e m p o r a i r e m e n t a u x yeux d u public, q u e sous la f o r m e d ' u n e p e i n t u r e noire
a p p l i q u é e a u p o c h o i r s u r u n e dalle m o d e r n e i m p l a n t é e d a n s la pièce qu'elle pavait.
Bien q u e réduit à l'expression la plus plate de sa réalité, le p a v e m e n t a b s e n t n ' e n
c o n t i n u e pas m o i n s d'exister, matérialisé p a r u n e image q u e les visiteurs p e u v e n t
a l l è g r e m e n t piétiner.
Cette dernière réflexion, qui e x p r i m e la d o u b l e d i m e n s i o n des m o s a ï q u e s de
p a v e m e n t — images et d o c u m e n t s — c o n d u i t a u t e r m e de n o t r e p r o p o s .
Les techniques relatives à la d é p o s e des m o s a ï q u e s , à leur r e m o n t a g e sur u n
n o u v e a u s u p p o r t , se s o n t l a r g e m e n t développées : l'utilisation de m o y e n s de levage
et de m a n u t e n t i o n a p p r o p r i é s à leur l o u r d e u r et à leurs d i m e n s i o n s , le r e c o u r s à
des m é t h o d e s et à des é q u i p e m e n t s a d a p t é s a u t r a i t e m e n t des matières minérales,
l'emploi de m a t é r i a u x p e r f o r m a n t s tels q u e les résines synthétiques, les fibres de
verre et les s t r u c t u r e s alvéolées a p p o r t a n t des g a r a n t i e s de résistance m é c a n i q u e ,
d ' a d h é r e n c e , de légèreté et d ' é t a n c h é i t é , o n t t r a n s f o r m é la r e s t a u r a t i o n des m o s a ï -
ques et les m o s a ï q u e s elles-mêmes. Si celles-ci restent des d o c u m e n t s i m p o s a n t s ,
elles peuvent devenir des objets mobiles, être déplacées, posées au sol ou accrochées
aux murs, au grè des expositions et des contraintes spatiales de chaque lieu de
conservation. Cette évolution spectaculaire, liée au développement de l'industrie
chimique et des techniques de construction, assouplit et enrichit ainsi les possibilités
de présentation que ce type de documents offrait jusqu'alors. Le simple transfert
du tessellatum sur une strate de mortier synthétique, constitue notamment une
solution qui mériterait d'être exploitée, puisqu'elle permet un état de conservation
intermédiaire entre celui qu'offre une mosaïque après sa dépose, et celui d'une
présentation au public.
Parallèlement à ce renouvellement technologique, qui affecte essentiellement le
support des mosaïques, le traitement du tessellatum se réduit désormais aux strictes
interventions nécessitées par son état. Ces opérations minimales, que permet la
nature relativement stable et résistante des composants minéraux généralement
employés, préservent l'aspect de surface des pavements, tels qu'ils se présentaient
à leur découverte, et reflètent la volonté récente de respecter sinon de valoriser leur
dimension historique : fissures et fractures, traces d'érosion et de calcination,
lacunes plus ou moins étendues, singularisent en effet chaque mosaïque dont elles
matérialisent le temps d'usage et d'enfouissement. Et ces pavements altérés, que
l'on s'appliquait à polir et compléter, et dont ne subsistait que l'image édulcorée
d'un décor souvent abusivement remanié, conservent aujourd'hui les multiples
empreintes de leur histoire, depuis leur mise en place jusqu'à leur exhumation. La
pratique du restaurateur, ainsi déterminée par l'exigence scientifique de sauvegarder
l'aspect documentaire des mosaïques, n'en évacue cependant pas le caractère
esthétique ; et ses interventions, lors du traitement des lacunes notamment, visent
également à ménager l'intérêt du public, en favorisant la lisibilité des œuvres
présentées. Ce double objectif, qui nécessite la recherche de solutions adaptées à
chaque cas, entretient une polémique qui rejoint d'ailleurs celle que suscite la
restauration de tout objet archéologique. Mais il ne s'agit là que d'une question
secondaire, dans la mesure où elle n'implique que des choix formels, lesquels
n'affectent aucunement la nature même des documents traités. Bien plus essentiel
reste le problème du déracinement des mosaïques.
Qu'ils soient en effet transférés sur un support synthétique ou traditionnel, en
fonction des conditions techniques et financières de chaque opération, les pavements
perdent avec la dépose et la destruction de leur assise, le lien matériel qui les
unissait à leur cadre d'origine. Sans doute la prise de conscience de cette amputation
irréversible s'est-elle traduite par des mesures d'enregistrement — relevés, couvertu-
res photographiques, notes descriptives, prélèvement d'échantillons —, destinées à
conserver des informations vouées à disparaître. Sans doute également certaines
perspectives de présentation s'orientent-elles vers des évocations plus ou moins
poussées du contexte architectural dans lequel s'inscrivaient les mosaïques, afin de
rendre plus évident leur caractère fonctionnel, ne serait-ce qu'en leur associant,
quand elles sont conservées, les peintures murales d'un même état d'habitation.
Mais ces recherches que mènent archélogues, restaurateurs et conservateurs pour
accéder à une meilleure connaissance du pavement et de son environnement —
humain et matériel —, et pour la divulguer ensuite en diversifiant les propositions
de présentation, ces expérimentations techniques pour améliorer et renouveler les
méthodes de conservation, ramènent inévitablement à la question fondamentale
du devenir des mosaïques, dès leur mise au jour. Et si la dépose constitue la seule
alternative pour assurer la survie du pavement quand il est découvert dans le cadre
de fouilles de sauvetage, et que les vestiges exhumés sont destinés à une destruction
immédiate, il n'empêche que les implications d'une telle intervention méritent d'être
lucidement considérées dans certaines situations où le maintien du document dans
son contexte originel s'avère envisageable. Ce type de choix nécessite sans doute
des mesures de consolidation, de protection et d'entretien dont la maîtrise reste
problèmatique ; mais l'exemple négatif des mosaïques conservées in situ, dégradées
et menacées de disparition par manque ou insuffisance de moyens appliqués à leur
sauvegarde, ne doit cependant pas justifier la dépose systématique.

Rappels technologiques : LES PAVEMENTS ANTIQUES


(fig. 1)

Dans sa partie visible, la mosaïque, ou opus tessellatum se compose d'éléments


grossièrement cubiques ou parallélépipédiques : les tesselles, taillées dans des matérieux
essentiellement minéraux (calcaires, marbres, pierres diverses ; les terres cuites et pâtes
de verre sont plus rarement utilisées) ; leurs dimensions varient de quelques millimètres
à 3-4 centimètres.
L'ensemble de ces modules, juxtaposés de manière plus ou moins jointive, consitue le
tessellatum ou tapis de tesselles.
La cohésion de ce revêtement de surface est obtenue en enfonçant chaque tesselle
dans une mince couche de mortier composé de chaux et de poudre de marbre : le bain
de pose. Celui-ci est appliqué sur le soubassement dont il constitue l'ultime strate.
Cette partie invisible, que nous appellerons infrastructure du pavement, présente
généralement depuis sa base jusqu'au sommet :
— le statumen, constitué d'un lit de blocs de pierre posés de chant, qui supporte les
couches de mortier formant l'assise de la mosaïque ;
— le rudus, couche inférieure composée d'un mortier de chaux, de sable, de céramiques
concassées et de pierrailles, dont l'épaisseur peut atteindre 12 à 15 centimètres ;
— le nucléus, dont la granulométrie est beaucoup plus fine, lié à la chaux et chargé de
brique pilée. Ce mortier de tuileaux n'excède généralement pas 2 à 3 centimètres
d'épaisseur.
L'opus sectile présente un revêtement de surface composé de plaques de marbre
essentiellement, ou de pierres diverses (calcaire, schiste, granité....), taillées selon des
formes géométriques. L'assemblage de ces éléments triangulaires, carrés, rectangulaires,
circulaires, etc., est effectué de manière jointive.
L'assise varie : elle peut être constituée de couches de mortier de tuileaux dont la
dernière, comme dans la mosaïque, sert d'assise de réglage pour le scellement du placage
de surface. Dans d'autres cas, la planéité de l'opus sectile est assurée par des cales-tessons
de céramique le plus souvent disposés sous chaque module de la composition géométrique.
Les pavements de type terrazo : terrazo ou signinum contrairement aux deux précédents,
ne présentent pas de structure stratifiée. Ils se composent d'un mortier lié à la chaux
parfois mêlé de tuileaux (l'appellation signinum s'applique dans ce cas), dans lequel sont
noyées en densité variable des charges diverses (fragments de pierres et de céramiques,
galets, graviers). Les éléments affleurant en surface peuvent composer un décor plus ou
moins élaboré : semis de tesselles ou d'éclats de pierre disposés en lignes continues ou
discontinues ; fragments de marbre parfois taillés selon des formes géométriques — les
crustae —, disposés sans organisation ou à intervalles réguliers.
CHAPITRE VIII

Les enduits peints


antiques
Laurence KROUGLY, Rui NUNES PEDROSO

Les mentalités ont grandement évolué au cours des vingt dernières années et
pourtant l'enduit peint antique demeure un point sombre dans la conscience
collective des milieux archéologiques. Menaçant par ses caractéristiques très
spécifiques, ses exigences et son potentiel informatif, il reste le mal aimé des fouilles
et s'est acquis la réputation de tout retarder, d'être couteux et encombrant à bien
des égards. Autre défaut (ou qualité ? ! ?) : la distinction claire et précise entre la
fouille, la « conservation-restauration » et l'étude n'est pas facile à réaliser et même
après avoir franchi ces étapes, « l'encombrant » pose encore des problèmes d'ordre
déontologique quant à son stockage ou sa présentation future, son « archivage »
ou sa destinée didactique face au public. De la découverte à la publication et à une
éventuelle exposition, les choix et la répartition des tâches sont beaucoup moins
nets que pour les mosaïques.
Avec les enduits peints archéologiques, les difficultés commencent donc sur le
chantier de fouilles, c'est pourquoi nous avons été amenés à traiter assez longuement
des méthodes de leur prélèvement. C'est aussi parce qu'il y a peu d'études spécifiques
sur le traitement de ces enduits que nous nous livrerons à un exposé essentiellement
pratique. Les implications générales d'une situation intermédiaire entre le
« mobilier » et 1'« immobilier », situation qui est aussi celle des mosaïques de
pavement, ont été par ailleurs largement développées dans le chapitre précédent.
Quant à la recherche sur la conservation et la préservation de ces peintures
antiques, il faut reconnaître que les choses se font de façon plus ou moins isolée,
voire empirique, sans qu'il y ait de réel échange, ce qui s'explique en partie par le
manque de moyens financiers. Le sort des peintures murales antiques qu'elles soient
trouvées en place sur le mur ou à l'état de fragments dans le sol, dépend donc
directement de l'évolution des recherches sur les décors peints non archéologiques
qui priment par leur nombre et leur esthétique plus convaincante.
Un rappel exhaustif des techniques de construction antiques n'est pas notre
propos. Pour l'architecture de Gaule romaine, ce rappel est fait dans le chapitre
suivant et, pour la réalisation des enduits peints, nous renvoyons au texte de
Vitruve, De Architecture Libri decem, et à l'ouvrage de référence de Paul Philippot
et P. et L. Mora (Philippot, Mora, 1977). Toutefois, nous donnerons ici quelques
indications utiles à la compréhension de notre exposé.
T E C H N O L O G I E ET ALTÉRATION

Constitution des mortiers et différentes techniques picturales


(Frizot, 1979 ; Barbet, 1987 ; Abad Casal, 1982)

Les peintures murales sont des revêtements solidaires et complémentaires de


l'architecture, des « enduits » recouverts de compositions décoratives peintes. Différen-
tes techniques sont employées dès l'Antiquité pour la réalisation de ces enduits et
pour l'application des couleurs. Toutefois, le principe de base demeure un support
qui égalise la surface du mur et que l'on décore au moyen de pigments mêlés à un
liant. Celui-ci permet d'appliquer, de fixer, éventuellement de protéger les couleurs.
Les enduits recouvrant les murs et trouvés dans nos contrées se distinguent par
deux types de liants, un à base d'argile et/ou de terre, l'autre à base de chaux
aérienne grasse. L'obtention d'un matériau solide nécessite l'adjonction au liant de
charges inertes, seules ou mélangées selon le type d'enduit requis et on trouve ainsi
du sable, de la brique pilée, de la poudre de marbre, de la poudre calcaire, des
fibres végétales, etc.
Malgré l'emploi de charges (sable, silice, paille), l'argile, par sa structure chimique,
demeure relativement fragile au contact de l'eau, qui amoindrit sa cohésion et peut
provoquer sa désintégration. Cependant, les remontées capillaires dans les murs
de briques crues se limitent souvent à la base du mur et les processus d'altération
dûs au phénomène d'évaporation/cristallisation des sels, sont moindres que dans
des murs de briques cuites ou de pierres. Ceci explique peut-être que des peintures
aient été conservées en place sur un substrat à base de terre argileuse, qui pourtant
semble bien fragile. Sur ces supports de terre on trouve le plus souvent un enduit
constitué d'argile et de paille ou de chaux et de sable, et pour les couches
superficielles, d'argile plus fine ou de chaux. Ces couches finales sont parfois
remplacées par un mince badigeon de chaux, de gypse ou d'argile, appliqué à la
brosse. La moindre résistance mécanique de ces supports et l'emploi de méthodes
de fouilles inadéquates pour détecter ces structures de terre (Goudineau, 1983),
font que peu de ces décors nous sont parvenus.
La solidité des peintures exécutées sur mortier de chaux les a, par contre,
maintenues en meilleur état, permettant des fouilles plus aisées et leur conservation
dans les réserves, laboratoires et musées. On a de ces peintures une meilleure
connaissance, grâce aussi, d'ailleurs, à l'existence de textes anciens (Vitruve, Pline,
Isidore de Séville), à l'examen physico-chimique d'échantillons (Augusti, 1967) et
aux études archéologiques sur les sites ou en laboratoire. Quelles que soient les
techniques employées (détrempe, tempera, fresque, peut-être peinture à la cire) il
s'agit toujours d'un travail exécuté par une équipe d'artisans préparant support,
enduits, liants, couleurs et décors selon les capacités de chacun à effectuer chaque
partie ou étape de la composition (Allag, Barbet, 1972). Nous nous contenterons
de décrire deux des trois techniques évoquées, l'utilisation de cire n'ayant pu encore
être définie avec précision (Schiavi, 1957 ; Augusti, 1967 ; Delamare 1984).
Le mortier composé de chaux grasse éteinte (liant aérien obtenu par cuisson de
calcaires) et de charges qui assurent sa cohésion, se solidifie et durcit par
carbonatation : au contact de l'eau de gâchage et du gaz carbonique contenu dans
l'air, une solution saturée de carbonate de chaux se forme et précipite (Ca(OH)2
+ CO2 = CaCOi + H10). De minuscules cristaux apparaissent liés entre eux par
friction, et liés de la même façon aux grains de sable ou autres matériaux inertes
qui forment l'armature de l'enduit (fig. 1).
Les peintures peuvent être exécutées sur ce mortier sec carbonaté : il faut alors
appliquer les couleurs au moyen d'un liant susceptible de les fixer sur l'enduit. On
procède par détrempe : les pigments sont liés entre eux et au support par un adhésif
véhiculé par l'eau (eau de chaux ou lait de chaux, caséine, colle animale, œuf,
résine). L'emploi d'eau de chaux ou de lait de chaux nécessite l'humidification
préalable du support avec le liant pur afin d'assurer la bonne fixation des couleurs.
C'est pourquoi on a pu parler de « fausse fresque », l'adhésion des pigments se
produisant par carbonatation superficielle. Beaucoup des décors ainsi réalisés n'ont
pas résisté au temps et à l'enfouissement et les enduits qui nous sont parvenus ont
été exécutés, le plus souvent, « a fresco ».
La « vraie fresque » implique la réalisation du décor sur un mortier de chaux frais :
les pigments sont intégrés par carbonatation au réseau cristallin qui forme une
sorte de croûte minérale à la surface de l'enduit et protège de façon définitive la
composition picturale.

FIG. 1. — Stratigraphie d'une peinture a fresco et phénomène de carbonatation.

Selon les sources antiques le mur sec est humidifié pour appliquer les premières
couches de mortier grossier (1 à 3 épaisseurs), qui forment ce qu'il est convenu
d'appeler « arriccio ». A base de chaux et de charges minérales, l'arriccio égalise
la totalité de la surface du mur et permet d'accrocher les couches les plus fines,
constituant l'« intonaco » et destinées à recevoir la peinture. Celles-ci (1 à 3
épaisseurs) à base de chaux et de poudre de marbre possèdent un grain plus fin et
la dernière couche est appliquée, éventuellement lissée, juste avant de peindre pour
que se réalise la carbonatation des pigments. Le travail s'organise donc en fonction
de ce dernier impératif. Si la peinture est simple, l'intonaco est posé par pontate
(registres correspondants à la hauteur de chaque étage d'un échafaudage) ; si le
décor est plus complexe, l'intonaco est posé par « giornate » (césures verticales des
pontate correspondant à la surface réalisable « a fresco » en une journée). On
obtient ainsi un réseau de joints horizontaux et verticaux, plus ou moins parallèles
aux axes principaux de la composition. Les travaux commencent donc en haut de
la paroi pour éviter coulures et taches et s'achèvent en partie basse. Les joints entre
« giornate » et « pontate » sont biseautés et se recouvrent légèrement. La bonne
cohésion des raccords est obtenue par pression sur l'ultime couche d'intonaco.
C'est ainsi que l'humidité remonte à la surface de l'enduit et, théoriquement, assure
la carbonatation des différentes épaisseurs par échanges chimiques de l'extérieur
de la paroi vers l'intérieur. Ce processus de remontée d'humidité en surface, lors
d'une pression sur l'enduit commençant à sécher, est également exploité pendant
l'élaboration du décor : les fonds unis (rouges, jaunes, blancs, noirs) d'abord
exécutés sont polis et, au moment de peindre les motifs plus minutieux, on exerce
de nouveau une pression à la surface de l'intonaco pour obtenir un regain
d'humidité. L'eau qui vient en surface est alors chargée d'hydroxyde de calcium
dissous qui assure la carbonatation des nouvelles couches de peinture. Le même
phénomène peut être obtenu par un polissage final de la zone fraîchement décorée,
la distinction entre un « pré-polissage » ou un « post-polissage » n'étant pas
toujours aisée à déterminer après séchage (sauf si dans le cas du « post-polissage »
un léger enfoncement des motifs s'est produit).
Sur les compositions de certaines époques, les empâtements employés pour
rendre les lumières des motifs semblent avoir été exécutés à sec ou sur des enduits
insuffisamment humides, ce qui entraîne une résistance moindre aux facteurs
d'altération.
Pour des raisons identiques, les zones de raccord, notamment celles des
« pontate » entre elles (plusieurs jours peuvent séparer la pose d'une zone supérieure
par rapport à une zone inférieure), ou les zones de superposition de couleurs (le
rouge cinabre par exemple trouvé souvent sur un fond jaune) présentent une
moindre solidité.
Il existait également une technique dite « mixte » : sur un enduit encore frais on
posait une couche de ton uni, sur laquelle on reprenait les détails à sec, le plus
souvent « à la chaux ». On constate sur ce type de peinture certains écaillements
et une fragilité de la couche pigmentaire au contact de l'eau. Qu'il s'agisse de
technique mixte ou de peinture à sec, les pigments liés par de l'eau ou du lait de
chaux n'adhèrent pas suffisamment au subjectile et le durcissement de la couche
picturale reste superficiel.
Nous sommes donc en présence, en général, de matériaux minéraux naturellement
stables. Toutefois leur structure poreuse, l'organisation en strates et l'adhérence
inégale de ces strates entre elles, fragilisent l'ensemble face aux agressions extérieures.

Principaux types d'altérations

L'humidité est la principale cause d'altération des enduits peints (fig. 2), qu'ils
soient enfouis ou à découvert ; les remontées capillaires, les eaux d'infiltration et la
condensation favorisent la migration des sels solubles et leur cristallisation en
surface ou à proximité de celle-ci. Les déplacements s'effectuent toujours vers les
zones d'évaporation les plus proches : pour les enduits fragmentaires enfouis, côté
peinture, sur les tranches ou au revers ; pour les peintures en place, entre les
diverses épaisseurs d'enduit dissociées ou sur la couche picturale. Un environnement
humide transforme donc les enduits peints en un milieu privilégié d'échanges entre
le mur et le milieu ambiant par le passage d'eau, la condensation et l'évaporation.
L'eau provoque des réactions chimiques entre les gaz atmosphériques, les sels
FIG. 2. — Différentes sources d'humidité dans les murs.

contenus dans les matériaux constitutifs des enduits et, éventuellement, ceux
originaires du sol. Le carbonate de calcium et les sulfates sont dissous dans l'eau
(pure, chargée de gaz dissous, de nitrates, etc.) qui les transporte et dépose en
d'autres points du revêtement mural, les concentrant parfois juste sous la couche
picturale. Divers types d'altérations se produisent alors : la résistance des enduits
dépend également de leur porosité (pores larges/circulation d'eau ralentie/moindre
altération ; pores étroits/circulation d'eau rapide/altération activée), et de leur état
de surface. Une évaporation superficielle provoque des efflorescences externes sur
la couche picturale tandis qu'une évaporation interne suscite une cristallisation des
sels sous la surface et une désagrégation du support. Certains enduits sont attaqués
par des cristaux de sels anhydres qui, en présence d'humidité, augmentent de
volume et donnent naissance à des efflorescences lorsqu'ils sortent des pores du
mortier, ou bien provoquent l'éclatement du matériau si le réseau capillaire est
fragile.
La porosité des revêtements muraux les rend également sensibles au gel : l'eau
contenue dans le système capillaire augmente de volume en passant à l'état solide
et provoque l'éclatement et la chute des mortiers.
Enfin, les pigments eux-mêmes peuvent subir des transformations physico-
chimiques en milieu humide et changer de couleur : les ocres rouges hydratés, par
exemple, deviennent jaunes, tandis que le rouge cinabre, modifié en métacinabre,
devient noir. Certaines altérations ont pu survenir très tôt dans l'histoire de la
peinture murale : en cas d'incendie (événement assez courant dans l'Antiquité) la
structure des mortiers ou des pigments a souffert de l'excessive chaleur, l'oxydation
des carbonates a eu des effets sur le volume du matériau et les couleurs ont changé
de ton (terres jaunes devenues rouges ou brunes par déshydratation par exemple).
Au milieu « atmosphérique » (peintures non enfouies ou exhumées), correspon-
dent des agressions spécifiques. Au contact de l'humidité, l'anhydride carbonique
de l'air (pollution naturelle, aggravée en milieu urbain et industriel) initie par
acidification un processus d'altération des enduits et peinture à base de chaux : si
l'hydrate de calcium contenu dans le mortier a été totalement carbonaté lors de la
réaction initiale (voir fig. 1), l'eau chargée d'anhydride carbonique ne peut plus
réagir qu'avec le carbonate de calcium. La faible acidité de la solution transforme
lentement le carbonate de calcium en bicarbonate soluble puis il se redépose sur
la couche picturale en un voile blanc plus ou moins épais (calcite peu soluble)
susceptible de masquer totalement le décor.
Dans une atmosphère artificiellement polluée, la transformation de l'anhydride
sulfureux en acide sulfurique, (oxydation, humidité), suscite un gonflement des
matériaux calcaires dû à l'apparition de sulfate de chaux. Il s'en suit une totale
perte de cohésion du support.
Sur des enduits maintenus en place et à découvert (photo 1 et 2), de façon
temporaire ou définitive, les rayonnements ultra-violets de la lumière contribuent
au palissement et à la modification des couleurs. La chaleur dégagée par les
infra-rouges peut entraîner l'écaillement de la couche picturale, lorsque son
coefficient de dilatation diffère trop de celui du subjectile. L'humidité associée à la
lumière, solaire ou non, favorise la prolifération de micro-organismes, champignons,
algues, lichens qui forment des taches colorées sur la couche picturale et attaquent
aussi les différentes épaisseurs du revêtement. Ces altérations initialement microsco-
piques peuvent cependant détruire des superficies importantes. Les mortiers, voire
les murs, sont éventuellement déstabilisés par d'autres types de végétation : lierres,
racines diverses, etc. Enfin les insectes peuvent creuser des galeries assez importantes
dans les murs et les mortiers, notamment s'ils sont à base de terre.

PHOTOS 1 et 2. — E n d u i t s p e i n t s « c o n s e r v é s » in situ, s u r les d e u x faces d ' u n m u r . Les


p r o t e c t i o n s i n s u f f i s a n t e s c o n t r e les a g r e s s i o n s extérieures et l ' e m p l o i de c i m e n t p o u r les
c o n s o l i d a t i o n s o n t accéléré le p r o c e s s u s de d é g r a d a t i o n et la c h u t e des e n d u i t s .

Il faut ajouter à ces attaques naturelles la possibilité de détériorations dues aux


hommes : remaniements architecturaux et réemploi des matériaux de construction
après l'abandon des lieux, parfois dès l'Antiquité, ou, après dégagement, déséquili-
bre « écologique », mauvaise protection, vandalisme, restaurations inadéquates.
Malgré ces risques, de nouvelles tendances apparaissent grâce à des acquis
techniques relativement récents et à une évolution des esprits : on encourage
l'exposition des vestiges dans des musées créés « in situ », on les intègre à
l'occasion dans les nouvelles structures urbaines (crypte archéologique, etc.). Nous y
reviendrons. Mais pour les enduits peints découverts dans le sol à l'état de
fragments, l'identité première, le lien organique avec l'architecture, voire l'aspect
monumental, sont perdus. Cependant leur présentation sur un support moderne
peut en faire des « objets muséographiques » intéressants. Il faut alors reconstituer
le décor d'origine, souvent fort lacunaire, et obtenir une « image » de ce qu'il était
sans doute. Pour que l'étude, la conservation, la mise en valeur et l'exposition de
ces fragments soient possibles, la fouille doit être menée très méthodiquement :
souvent le processus de destruction doit être mis en évidence pour qu'une restitution
correcte soit envisageable. L'intervention de techniciens spécialisés, capables d'exé-
cuter ces diverses tâches, est souhaitable et permet de gagner du temps tout en
préservant l'intégrité des documents.

LA FOUILLE DES ENDUITS PEINTS

Quelle méthode de fouille adopter ? C'est fonction de la qualité du matériel, de


la façon dont celui-ci se présente dans le sol et de la restitution et présentation
envisagées ultérieurement.
Il faut toujours avoir à l'esprit que aucune étape de ce travail n'est indépendante :
une confrontation permanente entre les divers stades de la fouille est nécessaire
afin de ne pas perdre le stock d'informations virtuellement disponibles au moment
de la découverte, ou celui enregistré à un moment précis du travail de dégagement.
L'aspect global de la fouille permet seul l'exploitation intensive et rationnelle du
matériel recueilli.
Trois situations peuvent se présenter : les enduits fragmentaires, isolés ; les
problèmes posés par les plaques cohérentes, issues d'une destruction sur place ou
d'un glissement naturel des enduits du mur ; les aspects du travail concernant les
enduits en place sur le mur.

Les enduits fragmentaires isolés

Une technique particulière de ramassage des enduits isolés sur le terrain n'est
pas nécessaire puisque leur répartition entièrement hasardeuse ne contribuera
jamais à une restitution logique du décor. On se contentera donc d'enregistrer
normalement, comme on le ferait pour n'importe quel autre objet archéologique
trouvé en fouille, les fragments les plus signifiants d'un éventuel décor. Dans le cas
d'enduits morcelés, il faut procéder au ramassage en maintenant l'emplacement
des morceaux les uns par rapport aux autres, après avoir relevé sur film transparent
les contours dans leur position d'origine. On peut utiliser à cette fin des feuilles de
polyane ou du polyane en rouleau type cristal, assez épais pour éviter les
déformations dues aux variations de température ou aux manipulations. On exécute
ces relevés à l'aide de feutres à alcool indélébiles, les erreurs pouvant être effacées
avec un coton imbibé d'alcool. Sur chaque relevé doivent figurer l'identification
du site, l'orientation, l'indication des couleurs s'il y a lieu, les lignes de cassure et
les lacunes.
Les fragments recueillis doivent être stockés dans des cagettes de bois ou de
matière plastique (ajourées) ou des caisses plus grandes en faisant alterner les
couches d'enduits avec des couches de papier ou de carton. L'emploi de sacs
plastiques étanches est absolument à proscrire car l'évaporation naturelle de
l'humidité contenue dans les fragments ne peut se faire librement et provoque une
condensation défavorable à leur conservation. Les fragments doivent être rangés
en caisse tels qu'ils se trouvent dans la terre, par groupes, sans opérer de sélection.
Celle-ci sera faite plus tard, selon les besoins de la recherche des collages. Les
collages proprement dits sont également déconseillés en un premier temps, même
après nettoyage des tranches et de la surface picturale, la multiplication des
épaisseurs de colle entre chaque fragment pouvant compromettre un bon assemblage
lors du remontage définitif. Un collage immédiat peut cependant être nécessaire :
écailles se détachant, fragments fragiles ou de petites dimensions pouvant se perdre
lors de manipulations ultérieures. Une fois les fragments mis en caisses, celles-ci
doivent être entreposées, en attendant la suite des opérations, dans un local à l'abri
des grandes variations de température, des infiltrations d'eau et autres sources
d'humidité. Toutes les indications utiles devraient accompagner les fragments en
caisse et être rédigées avec une encre indélébile et inaltérable sur des matériaux
résistants aux rongeurs. En rangeant les calques exécutés lors de la fouille (ou leurs
copies) en caisse avec les fragments concernés, on évite bien des retards ou pertes
qui compromettent la recomposition des plaques brisées.
Il faut insister enfin sur la nécessité absolue de marquer les caisses d'une façon
claire, en précisant leur contenu, même si l'on a pris soin de mettre à l'intérieur
une étiquette portant les données essentielles. La lecture d'ensemble des caisses
rangées devient ainsi possible, ce qui évite de les déplacer inutilement et d'égarer
les indications de provenance de certains décors. Cette méthode de rangement sera
également indispensable pour les peintures trouvées par plaques cohérentes,
l'emplacement exact au moment de la fouille devant être connu pour établir le
diagramme de situation.
En fonction du temps disponible et surtout de la qualité des mortiers et de la
couche picturale, on peut procéder, peu après la fouille, au nettoyage des fragments.
Ceux-ci se nettoient mieux tant que la terre et les concrétions diverses n'ont pas
séché mais il faut les manier délicatement et, si les fragments exigent une
consolidation préalable, il vaut mieux s'abstenir et attendre un technicien compétent.
Le plus souvent le nettoyage mécanique avec bistouri à lame amovible est suffisant
mais demande une certaine dextérité pour ne pas laisser sur le décor peint des
traces de scalpel. Il est préférable de procéder par mouvements circulaires en
orientant la lame parallèlement à la surface picturale sans vouloir enlever trop
d'épaisseur à chaque passage sur les concrétions. Une attention particulière doit
être portée au nettoyage des tranches afin d'éliminer toute trace de terre, concrétions
ou autres dépôts susceptibles de compromettre l'assemblage correct des fragments.
Le nettoyage des tranches peut s'effectuer par brossage à sec ou en humidifiant la
brosse si le fragment le supporte. On complète l'opération avec une pointe de
bistouri. Le nettoyage de la surface qui se réalise normalement à sec, peut aussi se
faire à l'aide de tampons d'ouate humides. On ne frotte jamais la peinture et on
s'assure que la terre éliminée et le coton utilisé ne portent pas de trace de couleur,
auquel cas un traitement par l'eau serait absolument proscrit.
Les fragments convenablement nettoyés et parfaitement secs, une protection de
la couche picturale par une résine acrylique en solution de 3 à 5 % dans un solvant
organique (Paraloïd B 72 dans de l'acétone) peut s'imposer. Il est toujours préférable
d'éviter cette opération sur le terrain, celle-ci pouvant être faite ultérieurement et
en de meilleures conditions en laboratoire. Quand elle est nécessaire, le fixatif est
appliqué en plusieurs couches successives à faible concentration afin d'imprégner
la couche picturale sans former un voile brillant qui donnerait à la surface un
aspect vernissé.
Les enduits en plaques cohérentes

Les enduits tombés au sol, près du mur dont ils proviennent, se présentent en
plaques plus ou moins grandes disposées le long de ce mur, sous forme ou bien de
nappes régulières, ou bien de plaques morcelées enchevêtrées (fig. 3). Les différentes
couches peuvent en effet s'interpénétrer au hasard de la chute des enduits par
décollement du support ou destruction volontaire (réemploi des matériaux) et la
relation à établir entre le mur et les couches est alors complexe, parfois même
inversée : couche inférieure — partie haute des murs, couche supérieure — partie
basse des murs.
Comme le montre la figure 3, les plafonds et toitures s'effondrent souvent les premiers, et
leurs fragments se trouvent mélangés sur le sol de la pièce. Les enduits se détachent ou glissent
et recouvrent ces décombres. Logiquement, les peintures des parties hautes tombent en
premier (ceci est toujours le cas lorsqu'il s'agit d'une destruction volontaire pour réemployer
les pierres des murs). Mais les fragments correspondant à un mur donné peuvent se trouver
éloignés de celui-ci (coup de pied, roulement lors de la chute, etc.). Finalement des pans de
mur, encore revêtus ou non, s'écroulent sur l'ensemble. Ils peuvent basculer, avec leur
peinture, de l'autre côté de leur pièce d'origine.

FIG. 3. — Schéma d'un effondrement.

A toutes les phases du travail ce type de fouille nécessite d'infinies précautions. Il


importe d'abord de veiller à ne pas écraser les enduits : des planches peuvent être
posées aux endroits de passage des fouilleurs. On procède ensuite au ramassage
des fragments en respectant les couches d'effondrement (et non au hasard de leur
découverte) afin de recueillir toutes les informations fournies par la paroi. La
fouille doit être menée sur la totalité de la superficie des enduits tombés (open area)
en dégageant entièrement les couches les unes après les autres et sans ménager de
berme (qui risquerait de cacher certaines parties du décor). Si les plaques
s'interrompent d'elles même et qu'il existe plusieurs fouilleurs, on peut leur affecter
des secteurs différents en prenant tous les repères possibles de situation en surface
et en profondeur et en les reportant sur les calques plastiques. Ces schémas
faciliteront la recherche des collages entre les différentes plaques ramassées par
chacun dans son secteur.
La fouille des enduits en plaque cohérentes peut se développer de la façon
suivante pour chaque couche d'effondrement (photo 3) :
— nettoyage de la totalité de la couche apparente afin de bien délimiter son étendue
et sa forme ;
— photographie de l'ensemble ;
— relevé sur calque plastique comme décrit ci-dessus à propos des enduits isolés.
Il est souhaitable de porter sur les calques des informations plus complètes :
— orientation avec flèche et indication du Nord ;
— identification du site, de la pièce et du mur ;
— identification de la plaque (n°) ;
— identification des points de repère choisis : il faut établir au moins deux points A et B
bien définis par rapport à des éléments fixes. Ces éléments peuvent être par exemple, les lignes
effectivement ou virtuellement visibles d'une mosaïque, les murs de la pièce, un seuil de porte,
etc. Ces points définis une fois pour toutes donnent la distribution horizontale du relevé. Les
indications d'ordre stratigraphique sont notées par rapport au sol ou à un autre point choisi
en surface (rebord de mur en place par exemple). La position de chaque plaque par rapport
à celles qui la précèdent ou la suivent est ainsi enregistrée, et la vue stratigraphique d'une
coupe donnée en un point précis de la fouille est restituable ;

PHOTO 3. — F o u i l l e des e n d u i t s peints. M a r q u a g e des f r a g m e n t s d a n s le sol.


— numérotation des fragments composant la plaque : ces numéros doivent être reportés sur
le calque et sur les fragments eux-mêmes. Les chiffres sont inscrits au revers du fragment, à
l'encre, à la gouache de couleur, ou mieux à la peinture acrylique, sur une petite surface de
fond blanc appliquée en premier. Si ce système est impossible, la numérotation peut être faite
sur du ruban adhésif (type micropore) posé avec parcimonie sur la surface picturale, le mortier
de revers étant trop rugueux pour lui permettre d'adhérer. Ce procédé n'est utilisable que sur
des couleurs très résistantes et généralement après refixage (tester préalablement leur réaction
à l'enlèvement de l'adhésif et au solvant qui peut être nécessaire pour éliminer toute trace de
colle). Il ne s'emploie que sur des fonds unis ;
— si des relevés plus minutieux et immédiats s'imposent, compte tenu d'un mauvais état de
la peinture, indiquer les couleurs par un code et les détails avec le maximum de précisions.
— remplissage d'une f i c h e (Sabrié, 1979) p a r p l a q u e avec les i n d i c a t i o n s s u i v a n t e s :
• n° a t t r i b u é à la p l a q u e ;
• p o s i t i o n de la p l a q u e d a n s la fouille en i n d i q u a n t si elle se p r é s e n t e de face o u
de d o s ;
i n d i c a t i o n de l'état de c o n s e r v a t i o n ;
•• d e s c r i p t i o n très s o m m a i r e d u d é c o r (si ces r e n s e i g n e m e n t s ne s o n t pas i m m é d i a t e -
m e n t accessibles ne p a s o m e t t r e de les p o r t e r après r a m a s s a g e et r e t o u r n e m e n t des
morceaux) ;
• i n d i c a t i o n s t e c h n i q u e s i m m é d i a t e m e n t visibles c o n c e r n a n t le m o r t i e r , particulière-
m e n t les e m p r e i n t e s d ' a c c r o c h a g e d o n t o n i n d i q u e formes et dimensions. L ' é l i m i n a -
tion de cette c o u c h e p e u t être nécessaire lors d u r a m a s s a g e , ces r e n s e i g n e m e n t s
d o i v e n t d o n c être consignés et é v e n t u e l l e m e n t p h o t o g r a p h i é s si l'ensemble est très
significatif (prise de vue n o r m a l e et lumière r a s a n t e ) ;
. u n e p a r t i e de la fiche p o u r r a être réservée à des c r o q u i s de s i t u a t i o n de la p l a q u e
d a n s la fouille, m ê m e si cela semble faire d o u b l e emploi avec les relevés s u r film
plastique ;
— r a m a s s a g e des p l a q u e s
Les relevés terminés et t o u t e s les i n d i c a t i o n s c o m p l é m e n t a i r e s enregistrées s u r
fiches o n p r o c è d e à la r é c u p é r a t i o n des enduits. Différentes m é t h o d e s de p r é l è v e m e n t
s o n t possibles en f o n c t i o n de l'état de c o n s e r v a t i o n des p l a q u e s et de la f a ç o n d o n t
elles se p r é s e n t e n t .
. p l a q u e s se p r é s e n t a n t de face et p o s s é d a n t u n m o r t i e r assez résistant
il suffit de d é t a c h e r la p l a q u e d u sol o u u n à u n les f r a g m e n t s la c o n s t i t u a n t , en
i n t r o d u i s a n t sous le m o r t i e r des spatules larges p o u r les « petits f o r m a t s » o u u n e
p l a q u e m é t a l l i q u e m i n c e p o u r les plus g r a n d s . D e s l a m e s d ' a c i e r étroites et fines
p e u v e n t aussi être glissées sous le revers des p e i n t u r e s p o u r les dégager. L ' e m p l o i
de maillets de c a o u t c h o u c p e r m e t d ' a m o r t i r les v i b r a t i o n s lors de l ' e n f o n c e m e n t
des lames.
• p l a q u e s de face altérées et fragiles
Elles p e u v e n t nécessiter u n e c o n s o l i d a t i o n de surface a v a n t t o u t e m a n i p u l a t i o n .
C l a s s i q u e m e n t , cette c o n s o l i d a t i o n c o m p o r t e u n refixage, suivi d ' u n encollage qui
solidarise les écailles, petits f r a g m e n t s , etc., prêts à se détacher. T o u t e s les t e c h n i q u e s
s u p p o s e n t u n a s s è c h e m e n t p r é a l a b l e des f r a g m e n t s et se révèlent difficiles à m a n i e r
en milieu h u m i d e . L ' a p p o r t de c h a l e u r parfois nécessaire à cet a s s è c h e m e n t d o i t
être c o n t r ô l é , c a r il p e u t p r o v o q u e r de graves a l t é r a t i o n s : fissurations, d é c o l l e m e n t s
et écaillages... ( c o m m e d u reste r é c h a u f f e m e n t éventuel d û à l'ensoleillement). Le
refixage p e u t s'effectuer a u P a r a l o ï d B 72 en faible c o n c e n t r a t i o n (3 à 5 %),
a p p l i q u é à travers u n e c o m p r e s s e (type m o u c h o i r de p a p i e r d é d o u b l é ) p o u r ne rien
déplacer lors d u p a s s a g e d u pinceau. O n p r o c è d e ensuite à l'encollage de la surface
avec u n e c o u c h e de p a p i e r j a p o n très fin (9 à 15 g/M2 ) et u n e c o u c h e ou deux -de
gaze de c o t o n , assez s o u p l e p o u r é p o u s e r le m o i n d r e f r a g m e n t ( c o n t r a i r e m e n t à la
gaze synthétique trop rigide). L'adhésif de cet encollage peut être un alcool
polyvinylique (Rhodoviol type 30-5) dilué dans l'eau de 5 à 7 % ou encore une
solution acrylique (Paraloïd B 72) dans des concentrations inférieures à 10 % (en
milieu humide, le trichloréthane est alors un meilleur solvant que l'acétone). Ces
opérations, toujours délicates, ne sont entreprises sur le terrain qu'en cas d'absolue
nécessité. A chaque stade, l'emploi d'un adhésif trop concentré peut compromettre
les traitements ultérieurs et provoquer une « plastification » de la couche picturale
difficilement réversible.
. plaques de revers
Les plaques solides sont détourées au grattoir, scalpel, etc. et soulevées avec soin
en contrôlant constamment l'état de la couche picturale située en dessous. La faible
cohésion des fragments ou la friabilité du mortier peuvent conduire à une
consolidation de l'ensemble. On recherche alors un produit assez puissamment
adhésif pour rétablir la cohésion du mortier, mais dont la diffusion puisse être
maîtrisée. Les .acryliques en émulsion aqueuse (Primai AC 33 dilué), moins
pénétrants que les solutions vues plus haut, répondent à ces critères. Pour les
fragments très altérés, la pose d'une gaze de renfort sur le revers égalisé par un
grattage minutieux d'une partie du mortier (arriccio le plus souvent) peut s'avérer
indispensable. Les acétates de polyvinyle en émulsion aqueuse (colle blanche, type
Sader) peuvent aussi être employés pour cette opération, mais les résultats sont
moins probants et les temps de séchages plus longs.
Dans les cas de dégradation extrême, la confection d'une gangue autour des
fragments menacés peut rendre le dégagement moins risqué. Chaque technique a
ses inconvénients. Le plâtre ou les bandes plâtrées peuvent exercer des tensions
lors de leur prise et soulever des difficultés au moment de leur élimination ultérieure.
La mousse polyuréthane, dangereuse aussi pour l'utilisateur, peut provoquer de
graves dégâts si sa diffusion et son expansion ne sont pas correctement maîtrisées.
. plaques « soudées » à d'autres éléments ou entre elles
Il arrive que des plaques soient très difficiles à détacher de certains éléments
avec lesquels elles font corps. Sciage et travail de sape précautionneux, injections
d'eau, d'alcool, de mélanges eau/alcool : toutes les techniques visent à provoquer
le détachement le moins contraignant possible, avec une surveillance particulière
des réactions de la couche picturale. Lorsque celle-ci est directement impliquée
(plaques adhérant entre elles par leurs faces peintes, par exemple) l'affaiblissement
de la zone de contact, qui peut à tout moment endommager la peinture, sera plus
sûrement mis en œuvre en laboratoire.
Les ensembles sortis de terre sont mis en caisse et rangés comme nous l'avons
vu plus haut, dans des locaux à l'abri des grandes variations de température et
d'hygrométrie, rappelons-le.
Les interventions de consolidation qui ont pu être nécessaires à leur prélèvement
sur le terrain exigent des précautions et une réflexion parfois difficilement
compatibles avec la hâte qui préside à certaines fouilles de sauvetage. Il faut
pourtant s'efforcer de modifier le moins possible la nature physico-chimique des
enduits (pour ne pas compromettre la possibilité ultérieure d'analyses), en optant
autant que possible pour des interventions minimales et réversibles.

Les enduits peints en place lors de la fouille

Le dégagement complet des parties de peintures conservées encore en place sur


le mur s'effectue en général parallèlement à la fouille des plaques tombées, ou
ayant glissé du mur et s'entassant devant lui. La peinture une fois découverte doit
être photographiée sans délai : ce document de l'état archéologique immédiat s'avère
précieux lorsque les enduits déterrés s'altèrent rapidement au contact de l'air ou
même se détachent du mur. Pour la préservation de ces peintures menacées,
l'archéologue devrait rapidement disposer du concours de spécialistes.
Si l'enduit est solide et adhère bien à son support et que la peinture est résistante,
on procède au nettoyage du décor par des moyens mécaniques et en appliquant
des compresses humides de ouate de cellulose que l'on enroule au fur et à mesure
de l'opération. On progresse du haut vers le bas en ayant soin d'assécher
constamment la surface peinte avec du papier absorbant.
La paroi bien nettoyée et sèche, la couche picturale peut être refixée si nécessaire
avec une solution acrylique (Paraloïd B 72) diluée de 3 à 5 % dans de l'acétone.
A ce stade, de nouvelles photographies et un relevé du décor sur film polyane sont
effectués. Ce relevé doit également faire figurer les lacunes (et leur profondeur), les
zones usées, les graffitti, l'eplacement des éventuels prélèvements, les indications
technologiques (journées de travail...), les restaurations antiques (ou récentes), etc.
Partie intégrante de la fouille proprement dite, ces opérations constituent aussi
les prémices des travaux présidant à la conservation in situ des vestiges ou bien à
leur dépose. Qu'elle que soit la décision finale, celle-ci doit intervenir assez
rapidement, dès la fin de l'enregistrement des données archéologiques. Le traitement
des peintures encore en place sur les murs doit succéder aussi vite que possible à
la fouille et, même lorsque le principe de leur dépose est dès le départ acquis, la
mise en place immédiate d'une protection temporaire est la première des mesures à
prendre.

TRAITEMENT SUR LE CHANTIER


DES ENDUITS EN PLACE

Protections temporaires

Les peintures trouvées en place au cours de fouilles de sauvetage (sur un site


généralement sans avenir...) sont normalement déposées dans des délais assez brefs.
Cependant, dès leur dégagement, elles sont exposées à de nombreux risques de
dégradation liés aux intempéries, à l'environnement immédiat, aux mouvements
dus à la poursuite de la fouille (quand il ne s'agit pas de véhicules de travaux
publics !). Si leur état de conservation se révèle médiocre, ces risques sont encore
majorés et il est préférable d'appeler un technicien spécialisé dans le traitement de
ces matériaux, souvent déconcertants pour les « non-initiés » avant de poursuivre
le dégagement. Si l'état de conservation de la peinture permet d'attendre pour
intervenir, il faudra la protéger des rayons solaires, de la pluie et des divers
phénomènes liés à l'humidité, en édifiant une toiture simple qui débordera largement
la superficie où se trouve la peinture.
La protection la plus rapide et la moins contraignante par rapport au reste de
la fouille consiste en une armature de bois (madriers et voliges ou planchettes) ou,
mieux, de tubes d'échafaudage, sur laquelle on pose des plaques ondulées en tôle,
en fibro-ciment ou en stratifié transparent. On peut également couvrir avec une
bâche de toile imperméable, ou avec du polyane armé ou du polyane assez épais,
que l'on fixe entre des croisillons de bois pour assurer la résistance de l'ensemble
au poids de l'eau et au vent. L'inclinaison de cette couverture sera calculée de sorte
que l'écoulement des eaux de pluie n'entraîne pas éclaboussures ou remontées
capillaires susceptibles d'atteindre le mur, mais aussi, afin de protéger la peinture
des radiations solaires (UV et IR). La peinture laissée à l'air libre sèche ainsi de
façon naturelle, ce qui facilite les travaux de dépose ultérieurs et ralentit le
développement des microorganismes ou végétaux que l'humidité favorise. On veille
par ailleurs à détourner les eaux de ruissellement au moyen de petits canaux de
dérivation et on s'interdit l'application de film imperméable type polyane à la
surface de l'enduit pour éviter toute condensation. Si une partie du terrain
surplombe le mur peint et se trouve à son contact immédiat (coupe stratigraphique
par exemple) les eaux d'infiltration doivent être détournées en amont : couverture,
tranchées, etc.
Une serre de maraîcher (plastique sur arceaux d'aluminium) légère, étanche, (ce
qui facilite le chauffage éventuellement nécessaire) et d'un montage aisé quand le
terrain le permet, peut rendre les mêmes services. Par fort ensoleillement une
aération contrôlée régule la température et le taux d'humidité relative interne.
Ces systèmes demandent peu de points d'appui au sol et laissent le passage libre
autour de la peinture. La fouille peut ainsi se poursuivre si l'on prend soin de ne
pas heurter la paroi peinte. Les armatures en hauteur dispensent du montage et
démontage quotidien des protections qui doivent être assurées chaque nuit et les
jours pluvieux et, au moment de la dépose les intempéries ne peuvent pas
compromettre les travaux.
Dans le cas de petites surfaces peintes (ou de petits moyens financiers ! ) il faut
élaborer un abri « sur mesure » pour chaque peinture et choisir les matériaux aussi
bien que leur mise en œuvre en fonction des délais de dépose. Quelle que soit la
protection envisagée, on doit veiller à garantir de l'humidité en sachant qu'il suffit
de 5 à 10 minutes pour qu'un mur ensoleillé et apparemment sec manifeste le cycle
évaporation / condensation / ruissellement. On doit donc être vigilant et ne pas
omettre d'aérer quotidiennement l'ensemble à protéger.
Des structures plus solides (fig. 4) doivent être mises en place lorsque les
interventions sont, pour une raison ou l'autre, retardées (attente d'une seconde
campagne de fouilles, attente de crédits, incertitude quant à la nécessité de la

FIG. 4. — Protection durable en attente d'un traitement.


dépose, etc.). On pourrait aussi imaginer de « réenfouir » l'ensemble pour protéger
des rigueurs hivernales ou des visites inopportunes. On utiliserait alors du sable
ou de la terre après avoir protégé les parois peintes d'un géotextile possédant des
qualités isolantes mais laissant circuler l'air (« Vidin » vendu dans les Points CIMA
Travaux Publics). Si on ne peut disposer du matériau mentionné, il vaut mieux
s'abstenir de couvrir la peinture d'un quelconque film étanche et se contenter de
réenfouir avec précaution. En fait la solution la plus simple consiste, le plus souvent,
à fabriquer des coffrages au moyen de planches et de madriers et d'un matériau
étanche servant de toit (plaque d'Eternit par exemple). A l'intérieur un capitonnage
de polystyrène, dans lequel sont pratiqués des trous d'aération, garantit du gel et
fait obstacle aux radiations lumineuses tandis qu'un filet du genre « toile de garde
à manger » (« Textiglass » vendu dans les magasins de matériel agricole) s'oppose
au passage d'insectes et de petits animaux.
Dans nos régions il a semblé jusqu'à présent plus sage d'extraire les enduits
peints de leur milieu d'origine (exposé à des dégradations plus ou moins contrôlables)
plutôt que de les conserver sur leur paroi antique. C'est que, en dépit de l'actuelle
tendance à construire des musées archéologiques sur les lieux de fouilles et à
conserver les décors sur leurs supports originaux, l'expérience incline à demeurer
prudent dans les choix à faire au cours d'une fouille : on sait que les phénomènes
d'altération des enduits sont de type « exponentiel » et aboutissent rapidement à
une destruction totale si les structures mises en place (crédits, personnel qualifié,
entretien à long terme) sont déficientes.
Le maintien in situ de peintures en place sur leurs murs impose presque toujours
de reprendre et de compléter les consolidations et nettoyages parfois déjà entrepris
lors de leur dégagement. Les techniques employées sont durables, mais conciliables
avec une dépose, dont elles peuvent constituer les préliminaires. Si la dépose est
écartée et le maintien in situ à long terme décidé, la réalisation d'une protection
définitive s'avère indispensable. Nous allons examiner tour à tour ces différentes
étapes du travail de conservation sur le site archéologique.

Consolidations et nettoyage « in situ »

Lors de son dégagement la peinture a été photographiée et un relevé sur film


polyane a été exécuté qui rend compte de tous les détails possibles du décor ainsi
que des différents types et niveaux d'altération. Ces altérations et leurs causes font
l'objet d'une étude technique (rédaction de fiches) et commandent un programme
d'intervention assorti d'une sélection de produits de consolidation adéquats.
Avant de commencer les consolidations, on procède à un nettoyage à sec
(utilisation de brosses souples et pinceaux) des enduits en même temps que sont
prises les premières mesures d'urgence (enduits altérés et désolidarisés de leur
support : pose de papier Japon et de gaze de coton collés avec du Paraloïd B 72 à
5 %).
Consolidation de surface
Le manque de cohésion de la couche picturale nécessite l'emploi d'une résine
acrylique en solution (Paraloïd B 72 de 3 à 5 % dans l'acétone) qui pénètre-
assez profondément pour établir des liens internes. Par ailleurs, les décollements
superficiels dus à la perte d'adhérence entre « intonaco » et « arriccio » sont traités
au moyen d'une émulsion acrylique (Primai AC 33 dilué dans de l'eau : 50 %) dont
la capacité de diffusion est moindre mais dont le pouvoir adhésif, plus important,
convient mieux à ce type d'altération. Cette émulsion est injectée au moyen d'une
seringue ou d'une poire en caoutchouc : on envoie un mélange tensio-actif
(eau/éthanol 50 %) de basse tension superficielle qui assure un bon mouillage des
parois. L'émulsion ayant bien pénétré, on exerce à l'aide d'une spatule humide une
légère pression sur la couche décollée, ce qui permet une adhérence presque
immédiate.

Consolidation en profondeur
L'emploi de caséate de chaux (100 g de caséïne pour 900 g de chaux grasse éteinte
ayant trempé plusieurs jours + 5 à 10 % de PVA comme plastifiant) ou celui de
coulis de mortier (chaux hydraulique, brique en poudre extrêmement fine, émulsion
acrylique et gluconate de sodium) expérimenté à l'ICCROM (Ferragni et al., 1984,
p. 114-115) sont particulièrement recommandés pour des injections en profondeur
lorsque les différentes couches de mortier se trouvent désolidarisées (entre elles ou
par rapport au mur), ou que l'on observe des poches d'air entre elles. Ces mélanges
sont adaptés aux mortiers antique à base de chaux : ils réagissent de la même façon
qu'eux aux contraintes extérieures, et, ne compromettent pas une éventuelle
intervention en cas de dépose ultérieure.
Les fissures et lacunes sont mises à profit pour faire pénétrer le mélange. Des
presses (par exemple des plaques de bois capitonnées et isolées par un film plastique)
sont placées sur les zones à traiter et, entre chaque injection, on observe un temps
de séchage suffisant (la pression de la masse encore liquide pourrait entraîner la
chute de la peinture). Les parois internes auront été préalablement mouillées avec
de l'éthanol mélangé à de l'eau, puis quelques doses d'émulsion acrylique diluée
(Primai AC 33).
Les bords apparents des différentes épaisseurs d'enduits sont renforcés et protégés
au moyen de solins de mortier de chaux (1 part de chaux/3 parts de charge) dont
la texture et la couleur s'inspirent du mortier original.
Le même mélange sert au colmatage des lacunes qui menacent l'équilibre (matériel
et esthétique) de la paroi. Leur comblement reste légèrement en retrait par rapport
à la surface antique.

Nettoyage
Le nettoyage est évidemment plus simple sur une peinture vierge de toute
consolidation superficielle. L'ordre des interventions doit donc être réfléchi et sur
les zones non consolidées qui peuvent supporter un nettoyage, le refixage est
effectué après.
Divers solvants ou mélanges chimiques peuvent être employés pour nettoyer la
couche picturale. Notons que l'encrassement superficiel dû à l'enfouissement des
peintures résiste rarement à l'eau (50 %) additionnée d'éthanol (25 %) et d'acétone
(25 %) passée avec un tampon d'ouate sans frotter.
Lorsque la couche picturale est couverte de concrétions ou d'une couche uniforme
de calcite (voile blanc masquant le décor) il faut recourir à des traitements chimiques
ou mécaniques particuliers. Certaines concrétions peuvent être éliminées par
humidification (eau) et travail au scalpel mais la plupart du temps elles demeurent
résistantes. Le mélange « AB57 » mis au point par P. Mora (Mora et al., 1977,
p. 400 et 401) a pour principe de laisser agir une solution de sels légèrement
basiques, applicable grâce à un gel organique en compresses transparentes et
verticales, un tensio-actif améliorant le contact solution/surface. Ce procédé,
aisément contrôlable et dont le temps d'application peut varier, s'avère parfois
efficace (voile léger de calcite), lorsque la couche picturale résiste à l'eau. Il n'est
pas rare que seules la patience et la lame de scalpel habilement maniée viennent à
bout des concrétions rebelles. Il est très important de ne jamais employer d'acide,
même faible, l'enduit calcaire n'y résistant pas.
L'application d'une solution acrylique, concentrée de 2 à 5 % selon l'état de la
couche picturale souvent inégal d'une plage de couleur à l'autre, peut se faire après
nettoyage et séchage complet des surfaces. Ce léger film fixe et protège la peinture
tout en lui conférant un aspect plus net (rétablissement d'un état de surface
homogène évitant les phénomènes optiques de dispersion de la lumière).
Il convient néanmoins de ne pas laisser de traces avec le pinceau et de se garder
de tout effet de brillance dû à des surépaisseurs.
Les problèmes de crédits faisant souvent obstacle à l'intervention d'une équipe
de techniciens spécialisés, on serait tenté de penser qu'un maçon averti ( !) pourrait
exécuter ces travaux de nettoyage et de consolidation in situ ... Il n'en n'est rien
car il n'existe pas de règle absolue, sinon des interdits stricts (bases, acides et
solvants forts, ciment et ciment prompt, matériaux métalliques, etc.) et la nécessité
d'étudier précisément chaque cas avant de commencer le chantier.
Le projet même d'une conservation in situ devrait déclencher obligatoirement
un processus financier et technique de recours à des intervenants spécialisés :
architecte, conservateur-restaurateur, archéologue, conservateur, etc. La plus effi-
cace des consolidations d'enduits ne dispense pas des mesures nécessaires à la
conservation des structures portantes et à l'aménagement du site (voir le chapitre
suivant). Mieux vaut, si ces mesures ne sont pas garanties dans leur ensemble,
programmer immédiatement la dépose des peintures et leur restauration ultérieure
en laboratoire.

Dépose

Au cours de la dépose, la peinture est détachée de son support d'origine et il en


résulte une mutilation irréversible de l'un et de l'autre. L'intervention est en outre
un traumatisme violent pour la peinture : c'est pourquoi la mise en œuvre d'une
protection efficace de la couche picturale précède son transfert proprement dit et
doit lui permettre de le subir sans dommage.
La documentation préliminaire à une dépose est identique à celle que l'on réunit
lors d'une consolidation « in situ ». On réalise un relevé graphique précis (calque
échelle 1/1 sur film polyane) où figurent des repères de situation par rapport à
l'ensemble architectural : ceux-ci serviront à l'étude archéologique aussi bien qu'à
l'éventuelle remise en place du décor peint après transfert sur support moderne.
Une couverture photographique complète la documentation et l'on consigne sur
des fiches les diverses informations concernant l'état de l'enduit et de la peinture,
la consolidation préalable, le nettoyage, la dépose et, le cas échéant, les observations
sur le déroulement de ces travaux.
Un nettoyage assez poussé avant l'encollage des couches protectrices est souhaita-
ble. On y renonce cependant sur les concrétions trop résistantes, leur retrait en
laboratoire est plus aisé et moins périlleux pour la couche picturale.
Après un refixage de la couche picturale (Paraloïd B 72 à 5 %) on procède
au colmatage des lacunes et soulèvements susceptibles de compromettre la cohésion
de l'enduit au moment de son détachement du mur. Les matériaux employés à cet
effet peuvent varier mais doivent être facilement réversibles : plâtres, mortier de
chaux, mélange de sable plus ou moins grossier et d'alcool polyvinylique (Rhodoviol
type 30-5 concentré de 5 à 10 %), etc.
A cette phase des travaux et si l'on se trouve en présence de grandes surfaces à
déposer, il faut établir un plan de découpe en plusieurs panneaux qui tienne compte
des lacunes, fissures et altérations ainsi que des lignes du décor. Les découpes
prévues et les numéros attribués aux plaques ainsi définies doivent obligatoirement
figurer sur les relevés grandeur nature pour permettre la recomposition ultérieure
de l'ensemble. Une équipe compétente et munie des équipements nécessaires peut
procéder à la dépose en un seul tenant de surfaces considérables. L'opération
prend alors une envergure exceptionnelle, que malheureusement peu de situations
permettent et justifient.
Ainsi par exemple, l'opération de dépose menée à bien récemment par l'Atelier
de Restauration de Mosaïque de Saint-Romain-en-Gal, rue Garon à Sainte-
Colombe-lès-Vienne.
Ces techniques, dont la mise en œuvre exige des moyens importants, présentent
le grand intérêt de préserver la peinture des saignées irréversibles pratiquées lors
du découpage.
Plus banalement, le plan de découpe une fois établi, on procède aux deux
premières étapes de l'encollage de surface. On évite ainsi le maximum de perte au
moment d'inciser l'enduit à l'aide de scalpels (scalpels à lame amovible ou, si le
mortier est résistant, scalpel à lame rigide ou petit ciseau à pierre légèrement
martelé).
La couche picturale est recouverte de carrés de papier Japon (9 à 15 g/m2) se
chevauchant légèrement et collés avec une solution acrylique (Paraloïd B 72)
concentrée à 5 %. La gaze de coton est posée de la même façon mais avec une
solution concentrée à 10 %. Le léger recouvrement des carrés les uns par rapport
aux autres forme une sorte d'armature semi rigide et les incisions sont pratiquées,
le décor étant encore visible dans tous les détails. On colle ensuite des carrés de
toile de jute (225 g/m2) ou de coton dont le tissage assez lâche assure souplesse et
bonne adhérence. La solution acrylique est alors concentrée de 10 à 20 %. On
prend garde de repérer le tracé du plan de découpe afin de pouvoir inciser cet
entoilage une fois sec. L'orientation (Nord) ainsi que le n° des plaques sont inscrits
au feutre indélébile sur la toile. Toile et gaze doivent dépasser d'environ 20 cm la
dimension du support provisoire prévu pour la peinture pendant son détachement
du mur et son stockage. Ce support — planche de contreplaqué épaisse, panneau
stratifié (nid d'abeille d'aluminium entre deux épaisseurs de tissu de verre imprégné
de résine époxy), ou contre forme de bois si la peinture n'est pas plate (angle,
courbure, forte déformation, ...) — est appliqué sur la peinture après qu'on ait
« capitonné » la surface, d'abord avec du papier journal, puis des plaques de
mousse ou du polystyrène. On peut aussi employer le polyuréthane expansé qui
épouse parfaitement la surface peinte et adhère aux supports de bois. Avant de
détacher la peinture du mur, on rabat et on fixe solidement au support les bords
libres de l'entoilage. Au cours de la dépose, le support doit être maintenu fermement
contre la paroi (étayage, cales, etc.) pour éviter toute déformation de la peinture
au passage des lames qui vont opérer son détachement du mur.
Affûtées à une extrémité, ces lames d'acier semi-dur et plat (2 a 3 111111 d'épaisseur)
sont introduites soit au plus près du mur (une grande partie du mortier est
emmenée) soit en profitant d'un plan de clivage naturel entre les différentes
strates de mortier. Théoriquement, on doit travailler de bas en haut pour éviter
l'accumulation des débris de mortier au revers de l'enduit ainsi que d'éventuelles
pressions sur la peinture. Pratiquement, sur les terrains de fouille, c'est le
plus souvent impossible (sol inférieur non fouillé, interdiction de creuser plus
profondément) et l'on passe les lames par le haut et sur les côtés des plaques
lorsqu'elles ne sont pas trop importantes. Selon l'état des enduits et leur résistance
au passage des lames, on emploie des maillets de caoutchouc, des marteaux courants
ou des massettes.
Une fois les plaques dissociées du mur, l'ensemble est renversé avec le support
temporaire sur lequel on porte le numéro de la plaque et l'orientation sur le terrain.
Son revers est photographié, ainsi que le mur « déshabillé » par la dépose. Si le
poids est trop considérable, ce revers de mortier peut être aminci mais il vaut mieux
le conserver pour étude et comme protection dans l'attente d'un traitement en
laboratoire. La plaque sera stockée à plat dans un local correspondant aux normes
de conservation déjà évoquées pour les fragments en caisse.

Protections définitives

L'alternative aux opérations de dépose, par nature irréversibles et réductrices,


c'est la préservation des décors « in situ » dans les sites archéologiques. Seule cette
solution préserve l'intégrité et l'identité des peintures dans l'espace, dans le temps,
dans leur matière même (aspect de surface, déformations, rapport des couleurs
avec l'environnement, etc.). Mais la protection définitive de peintures murales n'est
pas sans présenter aussi toutes sortes de problèmes. Souvent le mauvais entretien
des sites compromet à plus ou moins brève échéance l'existence des vestiges, quelles
que soient les mesures de conservation initialement prises... Généralement il faut
recourir à un système coûteux, parfois lourd, tant d'un point de vue matériel que
fonctionnel, pour obtenir des résultats satisfaisants, assurant la mise en valeur et
la protection la plus complète possible des ensembles sur leur lieu d'origine. Nous
nous contenterons ici d'exposer les grands principes qui président à un projet
« d'abri définitif ».
La conservation des peintures murales sur leur site d'origine nécessite la construction
d'un bâtiment qui réponde à des normes muséographiques et techniques. L'abri
doit protéger des altérations naturelles et des risques de dégradations dues au
vandalisme, mais doit aussi respecter des impératifs esthétiques, pédagogiques et
économiques : adaptation à la topographie et au climat local, matériaux modernes
peu coûteux et d'entretien facile. Il doit suggérer les volumes antiques sans les
« plagier ». Généralement, la grande fragilité des vestiges et les problèmes de
surveillance inhérents à la plupart des sites, interdisent l'accès direct du public dans
les salles encore décorées. Les peintures doivent dont être totalement visibles de
l'extérieur (vitres armées). Enfin, un tel projet est commandé par les problèmes
thermiques et hygrométriques, le contrôle des radiations lumineuses et la neutralisa-
tion de toute activité végétale ou animale. Quand il s'agit d'un site en milieu urbain
ou industriel sont également pris en considération les phénomènes de pollution et
les vibrations éventuelles dues au trafic.

Protection contre l'humidité et contrôle des variations thermiques


Les matériaux de construction sont choisis en fonction de leur étanchéité, de
leur résistance à l'humidité et aux variations de température. L'isolation thermique
et hygrométrique est obtenue par l'emploi de parois extérieures doubles avec
vide intermédiaire permettant d'éviter les phénomènes de ruissellement et les
changements de températures internes. Une toiture garnie de laine de verre renforce
également la protection.
La maîtrise du milieu ambiant est extrêmement importante étant donné que les
enduits conservés sont des matériaux poreux contenant du carbonate de calcium,
et contaminés, lors de leur enfouissement, par des sels hygroscopiques. Ceux-ci
peuvent se développer au moindre apport d'humidité et une atmosphère aussi sèche
que possible et stable est seule susceptible d'inhiber leur activité et tout processus
d'altération des différentes couches de mortier.
— eaux de pluies : l'inclinaison de la toiture est calculée de façon à préserver les
murs de tout ruissellement des eaux. Des gouttières, drains externes et canalisations
sont pratiqués pour que les eaux pluviales n'atteignent pas la base des murs
antiques. Ces voies d'évacuation doivent rester d'accès facile pour un entretien
régulier évitant toute obstruction ;
— remontées capillaires : autour du bâtiment, pose d'une épaisseur de graviers
revêtue d'un dallage de briques perforées (matériau poreux) pour le passage des
visiteurs. Drains de graviers en puits. Dans les sites où les nappes phréatiques sont
proches, emploi de pompes hydrauliques pour l'assèchement du terrain ;
— condensation : les surfaces intérieures (vitres, enduits peints) dont le point de
rosée est inférieur à la température ambiante, sont exposés à la condensation (voir
fig. 2). Il conviendrait d'assurer artificiellement le chauffage, la réfrigération,
l'assèchement, ou l'humidification du local par air conditionné.
Si le procédé est considéré comme trop coûteux, on pourra recourir au double
vitrage, voire, simplement, à la récupération des eaux de condensation à la base
du vitrage.
La condensation à la surface des enduits peints sera évitée par la régulation de
la température et de l'humidité relative au moyen de plaques chauffantes (chauffage
ponctuel saisonnier et nocturne : 16 à 20 °C) et de ventilateurs à déclenchement
automatique.
Le maintien d'une atmosphère stable sans moyen artificiel (faute de crédits ...)
est beaucoup plus aléatoire.
Protection contre la lumière
Il faut éviter que les radiations ultra-violettes atteignent les parois peintes et que
la température régnant dans l'abri augmente sous l'effet des infra-rouges.
L'ensoleillement direct peut être réduit grâce à une inclinaison de la toiture, au
dépassement du toit par rapport au mur (ombre sur les ouvertures vitrées) et à son
isolation thermique (laine de verre).
Faute de climatisation, on veillera à éviter l'effet de serre par la pose, devant les
fenêtres, d'auvents, de volets métalliques à lames, de claustra ou de rideaux
opaques. Les vitres laissées libres pour la visibilité du décor, seront en verre filtrant
ou recouvertes de filtres U.V., et, en certains points du bâtiment, elles possèderont
des lames orientables pour la ventilation.
Lorsque l'emploi de lumière artificielle est nécessaire pour la présentation des
peintures, on recourt à un éclairage contenant toutes les longueurs d'onde en
lumière visible pour ne pas dénaturer l'aspect des couleurs. La présence de lampes
à incandescence suppose la mise en place de filtres I-R et les éclairages fluorescents
doivent être munis de filtres U-V.

Protection contre la faune, la flore et les divers types de pollution


Contre les insectes et une partie des végétaux aériens les fenêtres sont équipées
d'écrans à mailles fines tendus sur des cadres rigides fixés aux châssis. Le grillage
risquant de s'oxyder à long terme, il est préférable d'employer du tissu nylon (type
rideau) ou de la toile de fibres de verre (Textiglass déjà mentionné).
Les microorganismes, poussières et polluants acides (d'un diamètre supérieur à
1 Ilm), ainsi que les gaz acides sont filtrés à l'entrée du système d'aération.
Mentionnons entre autres techniques, la pose de filtres aux charbons actifs (mélange
de laine de verre et de substances plastiques compressées) associés à des réactifs
alcalins en solution : ce procédé est simple et relativement peu coûteux.

Protection contre ... l'homme


Lorsque le public accède à l'intérieur de l'abri, il faut renforcer les mesures de
sécurité et de prévention en installant un système de détection (alarme : cellule,
rideau I-R, ...) et des barrières matérielles entre les visiteurs et les peintures (parois
de plexiglass anti-reflet, par exemple, montées à distance des enduits et ne pouvant
être enjambées).
Le personnel prévu pour l'inspection régulière (au moins une par saison) doit
absolument recevoir une formation de base. Il doit employer des produits et
matériaux adéquats lors de l'entretien ou de réfections, maîtriser les problèmes
d'éclairage (naturel ou artificiel) et le système d'aération/filtration ainsi que la
maintenance des voies d'évacuation des eaux, etc.
Il s'agit évidemment de mesures minimales, d'un coût assez modique permettant
de présenter au public les enduits peints dans les meilleures conditions possibles
de conservation. Elles ne peuvent cependant être parfaitement efficaces sans la
présence sur le site d'un technicien responsable.
On peut également envisager, faute de moyens, une structure semblable mais
orientée essentiellement vers la conservation et non l'exposition au public. Le coût
en serait moindre puisque aucune visibilité permanente ne serait obligatoire. Les
visites se feraient à la demande et avec accompagnateur.

TRAITEMENTS DES ENDUITS EN LABORATOIRE

Rejoignons maintenant le parcours des peintures désolidarisées (depuis peu ou


depuis des siècles...) de leur mur d'origine.
Le traitement des peintures déposées diffère quelque peu de celui des enduits
découverts à l'état de fragments mais ils répondent à des critères scientifiques et
muséographiques semblables. L'aspect scientifique, c'est-à-dire une bonne lecture
du décor conservé permettant l'étude archéologique ultérieure, exige une consolida-
tion et un nettoyage suffisants de la peinture, considérée comme document sur son
support d'origine, ainsi qu'un éventuel « conditionnement » adapté à la mise en
réserve. La présentation muséographique à un public élargi demande cependant
un travail plus élaboré. Il varie avec la nature des décors et l'état de conservation
des enduits, l'espace qui les accueille et l'intention didactique et esthétique qui
préside à leur exposition. Enfin, les crédits alloués à de telles opérations ne sont
pas sans incidences sur les résultats possibles.
La documentation (photos, calques, rapports) réunie au cours de la fouille ou
lors de traitements ou de restaurations préalables est nécessaire à l'élaboration
d'un plan de travail en laboratoire quels que soient les objectifs fixés et notamment
lorsqu'il s'agit d'enduits fragmentaires dont l'aspect est souvent détérioré. Ces
fragments qui proviennent de parois très partiellement conservées suite à leur
effondrement ou leur destruction volontaire, impliquent un travail techniquement
et théoriquement plus complexe que les peintures prélevées « in-situ », par lesquelles
nous allons commencer.
Peintures déposées

Une peinture déposée en cours de fouille se présente, sauf exception (mur


d'origine détruit et remplacé par un remblai : possibilité de dépose par le revers),
à l'inverse sur son support temporaire. Il faut procéder à son retournement, au
retrait de l'encollage de surface et au nettoyage du décor pour pouvoir l'étudier.
Ces trois étapes sont obligatoires quelle que soit la destinée de la plaque considérée
(étude simple, exposition) mais le choix des méthodes, produits et matériaux
employés à cet effet en dépend.
Traitement du revers
Une documentation réunit photos et calques si certaines empreintes ou tracés
révèlent le système d'accrochage de l'enduit (Allag, Krougly, 1987, p. 21-25), le
type d'appareil ou les matériaux de construction employés pour le mur.
Le revers est égalisé avec précaution par des moyens mécaniques (meules, râpe,
scalpel à ultra-sons, projection d'abrasif) en prenant garde au moindre indice
archéologique (tel que joint de giornate ou pontate, tracé préparatoire, réfection
antique etc.) et en consolidant immédiatement tout soulèvement par rapport à la
surface encollée. Le mortier d'origine est éliminé jusqu'à l'obtention d'une épaisseur
proche de 1 cm (intonaco ou un peu plus). L'épaisseur de chaque couche de
mortier, sa granulométrie et le type de charges contenues sont mentionnés sur la
fiche d'intervention.
Le mortier conservé est consolidé mécaniquement et chimiquement. Les lacunes
plus ou moins profondes sont rebouchées au moyen de mortier de chaux et sable
ou d'un mortier provisoire de sable lié par de l'alcool polyvinylique réversible
(Rhodoviol type 30/5 concentré de 3 à 7 % selon la granulométrie du matériau de
charge) afin d'obtenir une surface assez régulière et une épaisseur identique sur
l'ensemble de la plaque. La cohésion du revers est assurée par deux imprégnations
successives de résine acrylique en émulsion (Primal AC 33 dilué) ou de silicate
d'éthyle (Wacker H). Irréversible, ce dernier produit crée un réseau cristallin liant
entre eux les grains de charge mais laisse passer la vapeur d'eau tout en hydrofugeant
la surface du mortier. Ses deux applications doivent se faire à vingt quatre heures
d'intervalle et supposent précautions et protections (toxicité du produit).
A ce stade des opérations un support moderne est fixé au revers de l'enduit pour
assurer sa rigidité et permettre son retournement et le traitement de la couche
picturale.
Si l'on envisage uniquement l'étude du décor qui doit être stocké ensuite dans
un dépôt de fouille, on peut recourir à une méthode simple et peu coûteuse. Un
cartonnage ou « backing » de toile synthétique (deux épaisseurs) appliqué au revers
avec de l'acétate de polyvinyle (Mowilith AC 33 pur), permet de fixer l'ensemble
(agrafes) sur une planche rigide.
Lorsque des déformations subsistent ou que la peinture traitée n'est pas plane
à l'origine, de la mousse de polyuréthane dûment conditionnée entre le mortier et
le support de contre-plaqué donne une contre-forme légère évitant toute fissure
lors du retournement de la peinture et permettant une parfaite adhérence au bois.
On peut aussi choisir d'isoler le bois par un film de polyane sur lequel la mousse
n'a pas de prise.
Si une fois étudiée, la peinture est présentée au public, elle doit être directement
transférée sur un support moderne stable répondant aux impératifs de la conserva-
tion muséographique quel que soit le lieu d'exposition prévu.
O n utilise alors les m é t h o d e s mises a u p o i n t dès les a n n é e s 60 a u L a n d e s m u s e u m
de T r è v e s p a r R. W i h r . Les s u p p o r t s é l a b o r é s à p a r t i r de p a n n e a u x de nids d'abeille
en a l u m i n i u m ( e m p l o i initial : a é r o n a u t i q u e ) stratifiés e n t r e d e u x c o u c h e s de tissu
de fibres de verre i m p r é g n é e s de résine époxy, p e r m e t t e n t la réalisation de g r a n d e s
surfaces c o n f o r m e s a u c a r a c t è r e m u r a l des peintures. Imputrescibles, stables,
résistants et facilement t r a n s p o r t a b l e s ( e n v i r o n 4 kg/m2), ils s o n t utilisés p a r la
m a j o r i t é des r e s t a u r a t e u r s quelles q u e soient les variantes c o n c e r n a n t les adhésifs
choisis p o u r y fixer les e n d u i t s a n t i q u e s . Ces p a n n e a u x pré-stratifiés p e u v e n t
s ' a s s e m b l e r p a r collage (résine é p o x y et feuillures) et en fixant des systèmes types
« t e n o n et m o r t a i s e » d a n s l'épaisseur des t r a n c h e s et des profilés en d u r a l u m i n i u m
au revers.. O n réalise ainsi des s t r u c t u r e s facilement d é m o n t a b l e s et a d a p t é e s a u x
diverses formes des e n d u i t s ( d é c o u p e et mise en f o r m e possible) ( M o r a et al., 1977 ;
Blanc, 1985 ; F e t o n , 1988).
A v a n t le t r a n s f e r t de l ' e n d u i t a n t i q u e consolidé sur son s u p p o r t stratifié, son
revers est e n c o r e r e n f o r c é p a r la pose d ' u n e gaze s y n t h é t i q u e d é c o u p é e a u x c o n t o u r s
exacts et collée avec de l ' a c é t a t e de polyvinyle o u u n e é m u l s i o n acrylique, o u e n c o r e
d u c a s é a t e de c h a u x . S u r cette gaze, o n coule u n e c o u c h e de m o r t i e r s y n t h é t i q u e
(acétate de polyvinyle : M o w i l i t h et sable tamisé) afin d'égaliser le revers et d ' a s s u r e r
sa p a r f a i t e a d h é r e n c e a u n o u v e a u s u p p o r t . Cette surface s y n t h é t i q u e réversible est
fixée a u p a n n e a u stratifié définitif avec u n e résine é p o x y ( X B 3052 A et B) c h a r g é e
de silice (Aérosil 200) étalée en c o u c h e fine. L ' e n s e m b l e sec p e u t être r e t o u r n é et
l'encollage qui p r o t é g e a i t la surface picturale est éliminé a u m o y e n de c o m p r e s s e s
i m p r é g n é e s d ' a c é t o n e (un film de p o l y a n e épais p e u t r a l e n t i r l ' é v a p o r a t i o n d u
solvant). Toile de j u t e , gaze de c o t o n et p a p i e r j a p o n d o i v e n t se d é t a c h e r
d ' e u x - m ê m e s : il ne f a u t j a m a i s exercer de t r a c t i o n verticale mais tirer l'encollage
p a r a l l è l e m e n t à la surface (180°) en s ' a s s u r a n t d u p a r f a i t r a m o l l i s s e m e n t de l ' a d h é s i f
p o u r ne p a s a r r a c h e r la pellicule picturale. Les surépaisseurs et traces d ' a d h é s i f
d e m e u r é e s sur la p e i n t u r e s o n t éliminées avec le m ê m e s o l v a n t a p p l i q u é a u p i n c e a u
à travers des feuilles d ' o u a t e ( m o u c h o i r de p a p i e r d é d o u b l é ) .
N o u s n'insisterons p a s sur les m é t h o d e s de n e t t o y a g e , ni s u r les m é t h o d e s de
c o n s o l i d a t i o n (écailles, fissures, petits f r a g m e n t s ) et refixage ( p i g m e n t s pulvérulents),
décrites plus h a u t .
P o u r les v a r i a n t e s c o n c e r n a n t les p r o c é d é s de mise sur p a n n e a u stratifié n o u s
r e n v e r r o n s a u x o u v r a g e s et articles déjà m e n t i o n n é s ( M o r a et al., 1977 ; Allag et
al., 1987 ; F e t o n , 1988), et a u x bulletins d u C e n t r e d ' E t u d e s des P e i n t u r e s M u r a l e s
R o m a i n e s ( p a r t i c u l i è r e m e n t les n u m é r o s 1 à 7). C h a q u e cas p a r t i c u l i e r p e u t
e n t r a î n e r des recherches techniques. N é a n m o i n s toutes les i n n o v a t i o n s r e t e n u e s
d o i v e n t s'efforcer de r é p o n d r e a u x règles élémentaires de réversibilité et de b o n
vieillissement des p r o d u i t s .

Enduits fragmentaires

Les principes exposés p r é c é d e m m e n t s o n t é g a l e m e n t essentiels p o u r les e n d u i t s


f r a g m e n t a i r e s quelles q u e soient les m é t h o d e s mises en œ u v r e p o u r leur p r é s e n t a t i o n
m u s é o g r a p h i q u e . C e p e n d a n t le d é b a t reste o u v e r t q u a n t à la nécessité d ' e x p o s e r
de telles r e c o n s t i t u t i o n s de d é c o r et q u a n t a u x divers c o u r a n t s « d é o n t o l o g i q u e s »
qui s o u s - t e n d e n t ce type de r e s t a u r a t i o n .
L ' a s p e c t f r a g m e n t é et l a c u n a i r e d ' e n s e m b l e s ainsi réalisés peut en effet d o n n e r
a u p u b l i c u n e t o u t e a u t r e p e r c e p t i o n des décors q u e celle suscitée p a r l'exposition
de p e i n t u r e s trouvées en place, déposées et mises s u r p a n n e a u x d a n s leur intégralité.
La reconstitution du décor nécessite le nettoyage du mortier et de la couche
picturale de chaque fragment. Dans la mesure du possible les tranches et le revers
du mortier sont brossés à sec (brosse à dents), pour obtenir la jonction parfaite
des fragments entre eux. Les procédés de nettoyage et de consolidation de la
peinture demeurent identiques à ceux employés pour un enduit en place ou déposé.
Les fragments consolidés et nettoyés sont mis à plat sur du sable suivant la
position d'origine qui est déterminée en fonction des calques de fouille, de la
recherche de « collages », des lignes du décor, de traces au revers, etc. On exécute
alors un calque sur lequel figurent les contours des morceaux, les décors avec
mention des couleurs, les altérations, tracés préparatoires ou toute autre indication
intéressant l'étude archéologique. Ces relevés doivent permettre de la façon la plus
précise possible la mise sur support moderne des fragments, aussi bien que
la rédaction de rapports (étude, traitement en laboratoire) et leur éventuelle
publication.
Lors de la mise sur sable, on colle (colles en dispersions aqueuses, acrylique ou
vinylique — colle à bois —, colles en solution dans un solvant organique,
cellulosique ou vinylique — type UHU, Scotch —) les petits fragments, éclats ou
écailles, susceptibles de disparaître, mais on se garde de réaliser des plaques trop
grandes qui compromettraient un bon assemblage final.
Une fois le relevé achevé, l'attribution d'un numéro, pour chaque fragment ou
plaque cohérente, reporté sur le calque évite la perte du moindre morceau au
moment du traitement qui précède la mise sur panneau.
En France, diverses techniques ont été ou sont employées pour la préparation
des fragments et leur présentation sur support moderne. Nous n'exposerons que
l'une d'entre elles, à titre d'exemple, et renvoyons à la bibliographie pour un aperçu
général (Barbet, 1969 ; Mora, Philippot, 1977 ; Blanc, 1985 ; Allag, Krougly, 1987 ;
Kelberine, 1987 ; Feton, 1988).
Le revers des fragments est aminci de la même façon que pour une peinture
déposée. Les surfaces peintes sont protégées d'un léger film acrylique (Paraloïd B
72 de 3 à 5 %) et encollées de papier Japon (9 à 15g/m2) appliqué avec un alcool
polyvinylique (Rhodoviol type 30-5 à 5 %) et deux gazes de coton croisées fixées
avec le même adhésif concentré à 7 %. Cet encollage s'avère extrêmement solide
et laisse entrevoir les motifs peints (photo 4).
La face peinte (encollée) des fragments, ou des groupes de fragments déjà
assemblés, est posée sur une surface plane et s'ils présentent des lacunes, profondes
au point d'atteindre la couche picturale, elles sont comblées avec un mortier de
chaux et de sable fin additionné d'un liant synthétique vinylique ou acrylique en
émulsion aqueuse (PVA ou Primai AC 33). Le mortier antique conservé et aminci
est consolidé par imprégnation (Primai dilué ou Wacker H), puis le dos de chaque
fragment ou groupe de fragments est recouvert d'une couche de mortier synthétique
(sable + acétate de polyvinyle, type Rhodopas ou Mowilith), en quantité suffisante
pour obtenir une surface plane et homogénéiser l'épaisseur de tous les fragments.
Cette couche, posée en retrait par rapport aux contours pour ne pas gêner l'ajustage
des fragments entre eux, joue le même rôle que la couche appliquée au revers des
enduits déposés : elle constitue un niveau intermédiaire réversible entre l'enduit
peint et son nouveau support.
Lorsque la consolidation des revers est achevée, on désencolle la surface afin de
traiter les écailles, fissures et soulèvements éventuels avant de nettoyer et fixer la
peinture (comme vu plus haut).
Les fragments secs sont collés avec une résine époxy (XB 3052 A et B) chargée
de silice (Aérosil 200) sur le panneau stratifié équipé d'un système d'accrochage au
Photo 4

Photo 5

Photo 6

PHOTOS 4, 5, 6. — P o s e de f r a g m e n t s s u r u n s u p p o r t m o d e r n e . E n (4) : encollage de la


s u r f a c e peinte d ' u n f r a g m e n t avec d u p a p i e r j a p o n p u i s u n e gaze de c o t o n , a u R h o d o v i o l .
E n (5) : le f r a g m e n t (en h a u t à g a u c h e ) a rejoint les a u t r e s s u r leur n o u v e a u s u p p o r t ; la
c o u c h e de gravillons p e r m e t t a n t d ' a c c r o c h e r le m o r t i e r de c h a u x final est visible. En (6) . Le
p a n n e a u est achevé, s a n s a u c u n e r é i n t é g r a t i o n picturale. Les f r a g m e n t s s o n t en léger r e s s a u t
p a r r a p p o r t a u m o r t i e r final.
dos (profilés en duralumin). Très chargée en silice, la résine possède une consistance
gélatineuse qui permet son étalement au revers des fragments et assure leur mise
à niveau les uns par rapport aux autres. Le positionnement des morceaux en
fonction du décor est vérifié constamment au moyen du calque et de points de
repères tracés sur le stratifié à partir des lignes et axes essentiels de la composition
picturale. Ils sont ainsi solidarisés par leur fixation au support, et non entre eux
par collage : l'économie des joints de colle favorise la précision de leurs ajustements.
Sur les lacunes, parties où le nid d'abeille reste visible, on réalise au moyen d'un
adhésif époxy (Araldite XB 3052 A et B légèrement chargé en silice) et de
corps irréguliers voire poreux (gravillons, tuileau), une couche rugueuse capable
d'accrocher un mortier de comblement, contrairement au support stratifié lisse et
imperméable (photo 5).
Après séchage, l'excédent est aspiré dans le souci de ne pas empoussiérer la
peinture. On humidifie cette couche d'accrochage pour appliquer le premier mortier
de chaux et sable. La surface de celui-ci est travaillée de façon irrégulière afin
d'augmenter adhérence de l'enduit final. La texture et la couleur de ce dernier
enduit, le seul visible, sont choisies en fonction d'impératifs esthétiques (photo 6)
Il servira éventuellement de support à la réalisation d'un complément graphique
du décor permettant une meilleure compréhension par le public.
Toutefois, cette restitution graphique pose toujours problème pour les peintures
très lacunaires et il est rarement possible de procéder à des réintégrations picturales
(Blanc, 1987 ; Krougly, 1987). Ceci conduit à s'interroger sur l'intérêt et les limites
de la présentation en musée des enduits peints antiques retirés de leur espace
d'origine, et sur les règles déontologiques de leur restauration.
« ...respecter strictement les données fournies par l'archéologue » (....).« faire
sentir au public un peu de l'atmosphère d'un intérieur romain. Il est tout à fait
possible d'y arriver sans aucunement déformer la vérité scientifique » (Kelberine,
1987).
Ces quelques lignes résument la problématique actuelle de l'exposition des enduits
peints fragmentaires dans les musées. Pour qui ? Pour quoi ? Où, quand et
comment ? Questions simples qui devraient sous-tendre toute réflexion à ce sujet.
En effet le temps est à la réflexion. Trente ans après les premières mises sur
panneaux et l'emploi de produits modernes pour la conservation des vestiges, il
faudrait recenser le nombre de « restaurations » réalisées et de présentations
effectives en musées ; il faudrait aussi confronter les pratiques des ateliers et
laboratoires des différents pays européens.
La mise des enduits fragmentaires sur panneaux stratifiés est devenue presque
routinière et obéit à certains critères communément acceptés. Hors de leur contexte,
les panneaux, la plupart du temps quadrangulaires, apparaissent comme des
tableaux. Quel que soit l'aspect de surface et les couleurs du décor, les vides sont
comblés au moyen d'un mortier synthétique clair et lissé. Pour étayer et illustrer
des hypothèses relatives aux schémas décoratifs, on s'est parfois permis de présenter
en les juxtaposant des fragments signifiants mais non jointifs. On connaît pourtant
l'usage qui interdit de rapprocher des fragments sans jonction réelle. Pour pallier
les vides créés par de telles reconstitutions, on a recouru à des compléments
picturaux omniprésents.
On peut se demander si une décision de restauration ne doit pas dépendre de
l'intérêt esthétique présenté par la peinture antique plutôt que de considérations
didactiques — que l'esthétique peut d'ailleurs induire — ou scientifiques. Faut-il
systématiquement utiliser la mise sur support moderne lorsque le décor très
lacunaire ne parle pas de lui-même ? N'est-il pas plus judicieux de se borner à un
exposé scientifique des hypothèses que ce décor
suggère en utilisant des techniques documentai-
res telles que les restitutions graphiques et en
couleur, photos, montages vidéo, exposition
des fragments « clefs » consolidés, etc. ?
De nouvelles tendances muséologiques se
sont confirmées en faveur du maintien in situ
des découvertes récentes. La présentation au
public des vestiges en place ou sur leur lieu de
fouille a donné naissance à un nouveau type de
musée archéologique le plus souvent cons-
truit ou à construire sur l'emplacement des vestiges.
Parallèlement, un nouveau type de présenta-
tion des enduits peints pourrait être envisagé
pour « casser l'effet tableau » : selon les cas,
des pans de peintures murales possédant leurs
contours propres seraient recréés (photos 7 et
8) ou encore des fragments consolidés seraient
présentés comme « matériel archéologique
pur » tels qu'ils apparaissent au chercheur.

PHOTOS 7 et 8. — U n e n s e m b l e de f r a g m e n t s , r e m o n t é s s u r u n s u p p o r t m o d e r n e d é c o u p é à
la f o r m e de l ' e n s e m b l e ainsi r e c o n s t i t u é , s a n s i n s e r t i o n d a n s u n c a d r e g é o m é t r i q u e artificiel.
Site de St M a r t i n L o n g u e a u (Oise).
Une étude prenant en compte les diverses données scientifiques et culturelles qui
conditionnent la perception de' telles oeuvres pourrait ouvrir de nouvelles perspecti-
ves pour un système d'accrochage évoquant l'espace architectural antique. C'est
ce qu'illustrent quelques reconstitutions techniquement différentes se proposant
des objectifs didactiques précis (photos 9 et 10).
Nous terminerons sur l'idée que, quelles que soient les mesures de sauvegarde
et de mise en valeur retenues, il convient de trouver des solutions ouvertes respectant
la matière et l'histoire de. l'œuvre et permettant toujours de reprendre une
« restauration ».

PHOTOS 9 et 10. — Des fragments très altérés et peu-lisibles sont présentés sans restitution
picturale. Sous la composition la lecture du décor est suggérée par sa reprise en « silhouettes »,
figurées en blanc sur un panneau transparent avec un texte explicatif.
CHAPITRE I X

Restauration architecturale
et préservation
des sites archéologiques
Jean Pierre ADAM, Anne BOSSOUTROT

Si la fouille archéologique est considérée avant tout comme une démarche de


recherche, cet aspect, essentiel et devant avoir comme objectif la publication
exhaustive, ne doit pas occulter cet autre objectif, sans lequel l'archéologie ne serait
qu'une satisfaction égoïste, qui est la présentation au plus grand nombre des
vestiges découverts et étudiés. Cette diffusion des connaissances, devant apporter
la réponse à une légitime curiosité du Passé, suppose, d'une part les moyens écrits
et, si possible audio-visuels, permettant à tous une approche aisée de l'information
archéologique, mais aussi la possibilité de voir et de comprendre le monument ou
l'ensemble monumental révélé. Cette étape ultime suppose, outre des informations
didactiques succinctes devant figurer sur chaque site archéologique, la restauration,
et, parfois, la restitution du ou des monuments dégagés de l'ensevelissement ou
des constructions adventices qui en oblitéreraient la perception ou la compréhension.
Avant de proposer des méthodes de restauration, il convient de délimiter les
étendues possibles et les conditions du principe même de restauration et, plus
encore, de cet aspect extrapolé de la restauration qu'est la reconstitution. C'est ce
que nous ferons dans la première partie de ce chapitre en évoquant l'histoire et les
principes de la préservation du patrimoine archéologique monumental.
Mais les monuments et les ruines prestigieuses ne constituent qu'une part des
vestiges immobiliers intéressant l'archéologie. Pour cette catégorie, l'architecte
intervient souvent très tôt et de concert avec l'archéologue : sa compétence est utile
à la compréhension même des édifices (étude des élévations et des reprises, analyse
du mode de construction et de la statique, anastyloses, etc.).
Pour les structures enfouies, qui n'ont pas ou plus de caractère monumental
(murs réduits à quelques assises, fours de potiers, fonds de cabanes, fosses, puits,
restes de canalisations et de voiries...), les interventions de l'architecte et de
l'archéologue sont plus nettement séparées. Dans la pratique actuelle, le
« restaurateur-architecte » intervient lorsque la fouille est achevée : il n'y a qu'une
faible interaction entre les deux équipes.
Pourtant on a pris conscience récemment que les structures émergeant du sol,
dans lequel elles avaient été enfouies pendant des siècles, peuvent être la proie
d'une dégradation accélérée. C'est sans doute au fur et à mesure de l'avancement
de la fouille que des choix doivent être faits et des mesures de conservation
entreprises si l'on veut assurer une présentation ultérieure du site au public. Lorsque
la décision de cette présentation est prise trop tard, l'absence des premières mesures
de conservation retentit sur le résultat final. Lier fouille archéologique et mesures
de protection semble donc un préalable à tout projet de conservation à long terme.
La deuxième partie de ce chapitre est consacrée à la présentation brève de ces
mesures.
La protection à long terme des sites et monuments archéologiques revêt de multiples
aspects, autant techniques qu'économiques, esthétiques, didactiques... L'architecte
doit faire face à des situations toujours nouvelles, chaque cas présentant son lot
propre de contraintes et de contingences spécifiques. Il ne saurait donc être question
ici d'un exposé exhaustif sur ce thème. Quelques aspects techniques importants
sont décrits, concernant des problèmes et des interventions dont l'occurrence est
fréquente, avant de conclure par une présentation des diverses stratégies que suscite
la présentation au public des vestiges archéologiques.

HISTOIRE ET PRINCIPE DE LA PRÉSERVATION


DU P A T R I M O I N E M O N U M E N T A L A R C H É O L O G I Q U E

Historiquement, il est intéressant de constater que, en dépit de la présence


d'innombrables monuments antiques dans nos contrées occidentales et particulière-
ment dans les villes, ce sont les grands édifices et, plus encore, les cités mortes de
la Méditerranée occidentale ou les cités du Vésuve retrouvées presque intactes, qui
vont, grâce aux descriptions des voyageurs du XVIIIe siècle, susciter les premiers
élans à la rencontre des civilisations passées.
Il est apparu alors évident que le développement urbain, ou sa régression, ce
que l'on pourrait appeler la pulsation architecturale des villes, tout en maintenant
présents de nombreux édifices privés mais surtout publics, en avait, d'une part
provoqué l'érosion et, d'autre part modifié parfois considérablement l'aspect soit
par des restaurations et des modifications souvent en rapport avec un changement
d'usage, soit par l'enserrement dans des constructions adventices. Il était dès lors,
après plusieurs siècles d'existence, bien difficile de lire un monument, de l'imaginer
isolé dans un décor urbain différent et souvent sa fonction initiale était perdue. Il
n'est que d'évoquer, pour Paris, l'appellation populaire de « Palais de Julien »
donnée aux thermes de Cluny considérés, en raison de leur ampleur monumentale,
comme une résidence impériale.
Au contraire de ces façades étouffées, déformées ou complétées, les étonnants
vestiges de Pompéi, les somptueuses ruines d'Ephèse ou de Palmyre, en dépit de
leur aspect squelettique mais parce qu'ils demeuraient avec un environnement ayant
vieilli avec eux, révélaient à la vieille Europe la haute valeur humaine, artistique et
technique des civilisations dont la mémoire collective ne détenait que des lambeaux
devenus légendaires. Mais, avant même de comprendre et de connaître la réalité
urbaine antique, de nombreux érudits, et parmi eux ces pionniers de l'histoire
monumentale que furent les architectes italiens de la Renaissance, avaient compris
la richesse potentielle détenue par les fragments visibles, dont l'harmonie, le rythme,
FIG. 1. — Le temple dit de la Fortune Virile, en réalité dédié au dieu Portunus, sur le forum Boarium à Rom
haut Moyen-Age, puis intégré partiellement à un couvent, le monument a poursuivi jusqu'au xxe siècle son ex
d'un quartier populaire riverain du Tibre, sans perdre sa personnalité monumentale ni sa fonction orig
l'équilibre et la rigueur se lisaient encore en dépit des manques ou des masques. Il
est particulièrement significatif de trouver dans l'ouvrage à vocation académique
d'A. Palladio, I quattro libri dell' architettura, publié en 1570, une restitution du
petit temple de Rome, dit de la « Fortune Virile », considéré comme un canon de
l'architecture ionique ; or ce sanctuaire était enfermé pour plus de la moitié dans
un monastère, tandis que sa cella était transformée en église depuis le Haut
Moyen-Age. C'est du reste abrité dans cette enveloppe à couches multiples qu'il
est parvenu jusqu'à notre siècle, en conservant sa fonction religieuse sans pour autant
dissimuler ses origines antiques. Tel qu'il était, ce monument et l'accompagnement
architectural élargissant sa fonction, témoignaient de sa longue histoire et du
contact permanent qu'il avait, et ce depuis son inauguration, avec un public de
fidèles ou de visiteurs (fig. 1).
Il a fallu l'intervention, considérée comme éclairante, d'une volonté, il est vrai
plus politique que purement archéologique ou culturelle, pour que, durant
l'entre-deux-guerres, ce petit complexe constituant un organisme vivant, soit
débarrassé de ce que l'on considérait comme une écorce parasite, pour retrouver
son volume initial. L'isolement résultant, à vrai dire excessivement accentué, met
parfaitement en valeur le programme romain mais il a entraîné la désaffection de
l'église et le monument, redevenu objet antique, a été définitivement fermé au
public : tout ce qui justifiait son existence était désormais aboli (photo 1).

PHOTO 1. — D é g a g é à p a r t i r de 1921 p a r la d e s t r u c t i o n délibérée, n o n s e u l e m e n t d u c o u v e n t


m a i s de t o u t le q u a r t i e r p é r i p h é r i q u e r e m p l a c é p a r u n large b o u l e v a r d et des i m m e u b l e s
a d m i n i s t r a t i f s , le t e m p l e de P o r t u n u s , s'il a bénéficié d ' u n c h o i x p r i v i l é g i a n t s o n v o l u m e
originel, n ' e s t p l u s q u ' u n o b j e t inerte, f e r m é a u p u b l i c et isolé a u milieu d ' u n v a s t e e s p a c e
sans c a r a c t è r e . (J.-P. A.).

Fallait-il donc attendre notre siècle, sensible plus que tout autre à la préservation
du patrimoine et à son intégration dans la société, pour que des monuments dignes
de respect et d'admiration ne soient plus que des volumes désertés et sans mémoire ?
C'est en réalité le dilemme presque permanent de l'archéologie monumentale et de
la restauration ; les objectifs de l'une et les choix de l'autre sont trop souvent
contraints à une sélection unique dont le résultat final permet l'appréciation d'un
état, de préférence celui voulu par le concepteur, au détriment d'autres estimés
subalternes ou dégradants. L'argument, non dénué de valeur, tant sur le plan
archéologique qu'esthétique, plaidant en faveur d'opérations comparables à celle
du temple de la Fortune Virile, s'appuie sur un parallèle avec le principe de
restauration des peintures de chevalet. Dans ce domaine il a toujours été de rigueur
de redonner aux toiles dégradées leur aspect initial en s'efforçant de rendre les
retouches ou compléments totalement imperceptibles. Cette attitude, parfaitement
honnête, considère que la création artistique doit faire l'objet d'un respect tel que
toute altération est considérée comme quasi-blasphématoire. Transposée dans
l'architecture cette démarche se heurte à des obstacles qu'une toile ne saurait
opposer, puisque sa seule fonction est de contenter le regard. A l'encontre d'un
tableau, la réalisation architecturale a pour définition première d'abriter des êtres
humains pour rendre plus confortables leur vie quotidienne, leur travail, leur loisir
ou leur prière. Mais dans bien des cas, par son aspect général comme par ses détails
structurels ou, a fortiori, ornementaux, un édifice appartient à l'art. Si cet aspect
l'apparente à l'œuvre peinte, il ne demeure qu'accessoire ou temporaire puisque
plus le monument prolonge son existence, plus il risque de subir des modifications
qui sont autant de signes de sa vitalité mais autant d'altérations que l'on ne saurait
systématiquement considérer comme respectables. C'est généralement ainsi amputé
et pansé de bien diverses manières que le monument antique, essentiellement en
milieu urbain, parvient à celui ou ceux qui ont la charge de le restaurer. Deux
solutions sont alors offertes, que l'on ne saurait classer l'une par rapport à l'autre,
tant sont difficiles les choix faisant appel à la fois à ces critères de rigueur que sont
l'histoire, l'archéologie et la technique et à des critères de sentiments, d'esthétique
et de didactisme.
Si l'exemple évoqué plus haut laisse perplexe, comme peut l'être celui du
dégagement des forums impériaux de Rome au détriment de vieux quartiers
d'une intense richesse, d'autres, également dévastateurs, permettent aujourd'hui
d'admirer, sans aucune arrière-pensée, des sites aussi prestigieux que Delphes ou
des monuments aussi riches d'intérêt que le théâtre d'Orange ou les arènes de
Nimes. Le juste équilibre permettant d'épargner les ajouts historiquement et
architecturalement intéressants tout en révélant sans ambiguïté le monument initial,
est souvent possible à atteindre comme en témoignent le temple d'Assise, l'Athénaion
de Syracuse ou le théâtre de Marcellus à Rome. Ces monuments, non seulement
sont conservés et entretenus avec leurs additions successives et leurs juxtapositions
architecturales mais ont de surcroît, l'heureuse fortune de vivre et de remplir une
fonction active, puisque les deux premiers sont des églises et le troisième un
immeuble d'habitation.
Doit-on considérer alors que tout objet du patrimoine monumental doit avoir
nécessairement une fonction ? Doit-on négliger, voire abandonner un édifice devenu
inutile ? Il est bien évident que la situation idéale est celle du monument conservé
dans son intégralité et n'ayant jamais perdu sa fonction ; c'est dans cette catégorie
qu'il convient de classer, par exemple, les ponts, antiques ou médiévaux, toujours
en usage de nos jours. Il existe pourtant dans cette même série ou dans celle voisine
des aqueducs de nombreux et admirables témoins de l'art de bâtir dont l'utilité
pratique est totalement abolie, et que dire d'autres catégories comme celle des arcs
de triomphe ou celle des mausolées ? Leur conservation s'impose de toute évidence
au même titre que celle des monuments « actifs ».
Quelle que soit l'option du restaurateur et la nature de l'objet ou de l'ensemble
architectural, on ne saurait perdre de vue que l'entreprise de sauvegarde n'est pas
effectuée en vue d'une hibernation ou d'une mise en cocon mais, bien au contraire
pour le rendre accessible sinon à tous, du moins à la collectivité qui en a l'usage
ou qui l'environne. Nous savons pourtant que cet objectif est bien loin d'être de
règle et que, trop souvent, de multiples facteurs imposent d'isoler du public les
monuments et les sites.
Nous touchons là un des points sensibles, peut-être majeur, des rapports entre
le patrimoine monumental et ceux qui, collectivement, en sont les détenteurs en
tant qu'usagers, visiteurs et simplement héritiers. En effet, aux causes naturelles
du vieillissement d'une architecture, causes dont les intervenants sont les intempéries,
la végétation, et les catastrophes comme les inondations ou les séismes, s'ajoutent
les causes de dégradation dues précisément à la présence humaine. En excluant les
faits de guerre, dont le principe même est la destruction, les motifs de dégradation
des témoins architecturaux des époques passées abondent et leurs effets peuvent
se montrer aussi redoutables que les agressions naturelles.
C'est aux actes de vandalisme que l'on impute la majorité des dommages subis ;
ceux-ci, en vérité, ne sont le fait que d'une faible minorité, mais les résultats en
sont généralement spectaculaires en raison de leur rapidité d'exécution. Ils vont du
simple graffito (simple mais surmultiplié) jusqu'à la destruction de décor ou de
structure, sous oublier le vol. L'acte de malveillance n'est cependant pas le seul
péril humain redouté, puisque des monuments ou sites parfaitement surveillés et
entretenus subissent les effets éminemment corrosifs de cette malveillance collective
qu'est la pollution atmosphérique et, par contact plus direct, de ce qu'il est convenu
d'appeler « l'érosion touristique ». Cette érosion peut parfois conduire, et nul doute
que le fait n'aille en se multipliant dans les années à venir, à fermer à l'accès public
des monuments du plus haut intérêt, comme l'illustre la condamnation de la grotte
de Lascaux, fort heureusement remplacée par une duplication ouverte à proximité.
Ce qui s'est révélé pour ce site préhistorique, dans les limites actuelles de nos
moyens techniques, la seule et la meilleure solution, ne saurait être appliqué, on
s'en doute, à l'ensemble du patrimoine menacé. Et pourtant, l'idée du substitut,
réalisé en matériaux inaltérables ou remplaçables, proposé au public dans des
conditions optimales de fidélité à l'original, s'impose de plus en plus. Si l'on y
réfléchit, ce procédé est en fait en application dans toute entreprise de restauration ;
en effet, le remplacement progressif dans les restaurations « à l'identique » des
pièces altérées d'un édifice, transforme peu à peu celui-ci, sans préjudice apparent,
en une duplication conservant avec exactitude l'aspect technique et plastique de
l'original mais dont l'organisme est renouvelé. Le mot même d'« organisme »
définit d'ailleurs la métaphore zoomorphe susceptible d'affecter un monument dont
les éléments vieillis sont ainsi, au fil du temps, pansés puis remplacés par d'autres
en tous points semblables, suivant un processus analogue à celui de la régénération
des organismes vivants.
Dans cette optique, de nombreuses opérations, les unes discrètes, échappant à
la connaissance ou à la perception du visiteur, les autres spectaculaires et entourées
d'une intense information, ont déjà assuré le rajeunissement de multiples ensembles
monumentaux, parmi lesquels la restauration de l'Acropole d'Athènes fait figure
de vedette. Bien entendu, cette option suppose que tous les éléments déposés
possédant un intérêt artistique sont conservés dans des conditions optimales et, si
possible, présentés au public dans un musée aménagé à proximité du lieu de
provenance.
Le procédé aujourd'hui délibérément choisi ou plutôt imposé par l'accélération
des phénomènes de vieillissement, est en réalité appliqué, dans une perspective à
vrai dire différente, depuis de nombreuses générations puisque nos musées n'ont
pu constituer leurs collections que grâce au « recueil » sur place des plus beaux
témoins de l'art antique. Notre bonne conscience, aujourd'hui, est de savoir que
ces innombrables larcins ont certainement sauvé de la disparition la plupart des
objets ainsi enlevés à leur lieu d'origine.
Cette solution du substitut, qui, certes, n'était nullement envisagée par les
responsables du transfert des antiquités au siècle dernier, pourrait connaître un
développement considérable, non seulement pour les éléments de sculpture et de
modénature mais aussi pour les enduits peints, relativement aisés à déposer et à
reproduire par photographie sur support rigide et à remplacer en cas d'altération.
Il serait particulièrement souhaitable que sur un site comme Pompei, dont les seules
peintures à peu près intactes sont celles transportées au musée de Naples, on mette
en place dans les maisons, aux emplacements laissés vacants par les tableaux
découpés, des reproductions faisant disparaître les cicatrices innombrables qui
dénaturent les parois tout en restituant d'une manière satisfaisante le décor intérieur.
Ne quittons pas le site de Pompéi pour évoquer les restaurations architecturales
qui y ont été faites suivant deux formules définissant parfaitement les options
conditionnées par l'état du monument, c'est-à-dire les témoins sûrs de son état
initial. Il est en effet possible d'admirer dans la rue de l'Abondance, grand axe
traversant la cité d'est en ouest, plusieurs maisons reconstituées à l'identique
jusqu'au faîtage de leur toiture. Cette remise en état, extrêmement fidèle n'a pu
être effectuée que grâce à la méthode conjointe de fouille et de restauration
appliquée à partir de 1910 par V. Spinazzola. Ce dernier, en entreprenant le
dégagement des quartiers est de Pompéi, a modifié radicalement les méthodes de
fouilles appliquées par ses prédécesseurs. Au lieu d'avancer par tranches verticales
dans la masse des lapilli et des cendres, il a choisi de décaper le sol par strates
horizontales de grandes surfaces. Lorsque les fouilleurs rencontraient le sommet
d'une structure, ils en assuraient aussitôt la remise en état ; ainsi, lorsque
l'ensevelissement de 79 n'avait pas provoqué la destruction complète des faîtages
il était possible de connaître avec certitude la hauteur complète de l'édifice. De
cette façon, au fur et à mesure des dégagements on parvenait au niveau du sol
antique en ayant une maison totalement restaurée avec une certitude absolue. Pour
les autres constructions, trop ruinées pour que l'on connaisse leur élévation, la
seule solution consiste à en assurer la protection par la pose d'une couverture
légère, prenant appui sur une structure métallique ancrée dans les murs antiques
préalablement confortés par des injections de mortier. Là, comme ailleurs, on
proscrit toute intervention de restauration cherchant à redonner arbitrairement un
volume complet au monument, même si ce volume s'appuie, ou plutôt s'inspire de
formes analogiques. Il convient, si l'on désire respecter le document authentique,
de bannir résolument toute restauration faisant appel à l'imagination créatrice dont
les chances de retrouver avec certitude la forme originelle sont voisines de zéro.
On ne ferait qu'aboutir à un pastiche d'autant plus trompeur qu'il se donnerait
des allures d'authenticité en raison même de la présence d'une partie originelle.
Une reconstitution imaginaire, clairement présentée comme telle, étayée par de
solides documents de référence, peut, par contre, être édifiée de toutes pièces sur
un terrain neutre comme le sont la villa grecque « Kerylos » de Beaulieu ou, plus
connu, l'archéodrome de Beaune.
Enfin, rien n'interdit de protéger un vestige ancien par une architecture résolument
contemporaine, témoignant à la fois de l'époque de cette mesure de protection et,
bien loin d'offenser ce qu'il représente, de l'intérêt et du respect que notre génération
lui porte.
Bien particulière est la situation, inexistante en France, du monument de grand
appareil, disloqué par un séisme ou une destruction volontaire et dont les éléments
abattus n'ont pas été dispersés et réutilisés mais sont demeurés épars autour des
vestiges encore en place, et l'on songe aux exemples particulièrement frappants du
temple de Zeus à Olympie ou du temple G de Sélinonte, dont l'anastylose est,
théoriquement et pratiquement possible, grâce à la possession certaine des blocs
et même, surtout pour les colonnades, de leur chronologie de remontage. Le
problème, dans ces cas particuliers, n'est plus d'ordre scientifique, puisque l'on est
assuré de l'authenticité des éléments et des formes, mais relève de l'éthique et
s'inscrit, dès lors, dans un contexte sentimental ou esthétique, pour ne pas dire
romantique.
Enfin, il existe, heureusement, une situation qui permet d'écarter toutes les
autres considérations et pour laquelle le remontage, accompagné ou non d'une
reconstitution, peut être opéré sans hésitation, c'est celle des monuments détruits
ou démontés au Bas-Empire, afin de réutiliser leurs pierres pour la construction
des fondations des remparts à partir de la fin du 111e siècle... Hélas, en dépit de
l'immense richesse des lapidaires de musées, les conditions d'une reconstitution ne
sont que rarement réunies, car les blocs provenant d'un même monument, déjà
dispersés au moment de la réutilisation, ont peu de chance d'être à nouveau réunis
par la découverte. Cette circonstance s'est pourtant produite à plusieurs reprises
et nul doute qu'une étude attentive des dépôts lapidaires ne permette quelque
remontage enrichissant. A l'actif de ces réalisations il convient de citer les
monuments funéraires, dont certains sont particulièrement volumineux, remontés
au musée de Trèves et, en France, le groupe de Mithra, visible au musée de Metz.
Plus récemment, semblable opération, à une échelle plus monumentale encore, a
pu être conduite dans le nouveau musée de Sens, installé dans le Palais Synodal
jouxtant la cathédrale. Plusieurs dizaines de blocs, tous décorés, étaient conservés
dans l'ancien musée, tant en salle que dans le lapidaire, blocs ayant manifestement
une provenance commune ; l'opportunité du déménagement a autorisé, d'abord
leur isolement pour relevé et étude, puis, les possibilités spatiales du nouvel édifice
d'accueil l'autorisant, leur remontage sous la forme de la façade d'un grand
monument public : les thermes de l'antique Agedincum (photo 2).
Techniquement, cette reconstitution s'est faite en tenant compte d'une réversibilité
possible, c'est-à-dire de l'éventualité de découvertes ultérieures permettant de

PHOTO 2. — Vue partielle de l'ancien dépôt lapidaire du musée de Sens (J.-P. A.).
compléter ou éventuellement de modifier l'actuelle présentation. Les blocs consti-
tuant le mur, lequel est isolé des parois de la salle, sont posés chacun sur une feuille
de plomb, formant barrage à l'humidité et épargnant le scellement en pose, tandis
que la maçonnerie de complément est réalisée en moellons liés au mortier de chaux
et enduite (photo 3).

PHOTO 3. — La façade des thermes remon-


tée dans une salle du nouveau musée, à
partir des blocs retrouvés dans le dépôt.
Musée de Sens.

FOUILLE ARCHÉOLOGIQUE
ET MESURES DE PROTECTION

Les ouvrages consacrés à la conservation des structures et la protection des sites


durant la fouille sont encore quasiment inexistants. Quelques premiers pas ont
pourtant été faits : ainsi deux colloques, à Chypre en 1984 (Stanley Price, 1984) et
à Gand en 1985 (ICCROM, Gand, 1986) ont été réunis sur ce thème. Des efforts
de recherche particuliers ont aussi été entrepris sur des matériaux très menacés,
comme par exemple la brique crue (Alva, Chiari 1984 ; ICOM-ICOMOS, Ankara,
1980 ; Torraca, 1986a). Mais dans l'ensemble, les mesures de protection et de
conservation du site en cours de fouilles appartiennent encore à un domaine à
défricher. Ces mesures interviennent dès l'ouverture du chantier et tout au long de
celui-ci, sans oublier la prise en compte des intervalles de temps assez longs qui
peuvent s'écouler entre deux campagnes de fouilles sur le même site. Nous en
résumons ici les aspects principaux ; le lecteur peut se reporter pour un exposé plus
détaillé au texte publié par l' Unesco dans « La conservation des sites et du mobilier
archéologique. Principes et méthodes » (Bossoutrot, 1987).

A l'ouverture de la fouille

Avant même l'ouverture de la fouille, la question de son devenir doit être posée.
En effet, des mesures immédiates de conservation peuvent et doivent être entreprises
durant la fouille, guidées par l'objectif final de présentation du site au public et
permettant d'adapter progressivement opérations de fouilles et de conservation.
C'est ainsi que l'on pourra garantir la meilleure conservation possible des éléments
mis au jour. Pour l'archéologue, il sera également plus aisé de travailler sur un site
où une partie des structures a été confortée. Ayant ainsi évité leur dégradation
progressive par une consolidation effectuée au fur et à mesure de leur découverte,
la tenue de chantier (murs stabilisés, sols « traités »...) est facilitée, et les murs ne
nécessitent plus la même vigilance. Dès l'analyse des structures, on peut donc
envisager leur consolidation.
Certains choix des archéologues au cours de leur travail seront orientés en
fonction de ce devenir de la fouille. Il y aura interaction entre fouille et projet, l'un
influençant l'autre et réciproquement.
Les fouilles de sauvetage sont également parfois concernées par certaines mesures
de conservation. En effet, dans le cas de découvertes exceptionnelles, un démontage
et un transport de vestiges peuvent, par exemple, être envisagés.
Pour mieux cerner les problèmes de conservation auxquels il faudra faire face,
il est nécessaire de connaître le contexte de la fouille, l'environnement du site : sol,
climat, structures.
L'étude du sol (détermination de son humidité, acidité ou alcalinité, composition
du sol et résistance du terrain...) fournira des éléments de réponse à la conservation
des structures découvertes, d'une part, et au problème important de la tenue et du
maintien des bermes, d'autre part. La connaissance du niveau des nappes d'eau
(nappe phréatique et nappe libre) permettront d'évaluer les risques de remontées
d'eau, d'inondation possible. Des sondages et analyses du sous-sol peuvent donc
être prévus.
L'étude climatique (Dowman, 1970) fournira d'autres données importantes pour
la conservation. La pluie et l'humidité sont en effet les facteurs les plus importants de
dégradation (phénomènes d'érosion du sol et de structures fragiles, de dégradations
chimiques, croissance de végétation favorisée...). Les variations de température, le
gel, le vent, sont autant d'autres facteurs climatiques pouvant avoir une action très
néfaste sur les éléments dégagés et fragilisés par leur séjour dans le sol.
L'étude des structures environnantes est importante dans le cas de fouilles urbaines.
Toute fouille prévue à proximité immédiate d'un édifice demande la connaissance
préalable des fondations (nature et profondeur), ainsi que l'évaluation de leur état
statique. Un ingénieur pourra faire procéder aux sondages nécessaires à ces
évaluations. En effet, la stabilité d'un édifice peut être menacée par une fouille au
droit de ses fondations. Le changement d'équilibre d'un édifice lié à l'ouverture de
la fouille (avec pour conséquences un changement de l'humidité du sol, une
modification des forces d'opposition des terres), peut engendrer l'apparition de
désordres (fissures, affaissements, déformations). Lorsque l'équilibre d'un édifice
est bouleversé, un lent et peut-être imperceptible mouvement d'adaptation aux
nouvelles conditions s'amorce, pouvant avoir de graves conséquences à long terme.
Pour prévenir tout risque lorsque l'on met à nu des fondations, la fouille doit
être limitée à des tranches réduites (1 à 2 m de largeur). On peut procéder par
tranchées successives, rebouchant les premières avant d'ouvrir les suivantes. La
même prudence s'impose, en l'absence de prises de mesures particulières, pour la
fouille à l'intérieur d'édifices.
Du résultat des sondages effectués dépendra la stratégie à adopter : soit limiter
l'aire de la fouille pour éviter tout risque, soit choisir, en accord avec les spécialistes
et si les moyens dont on dispose le permettent, une technique de maintien de
l'édifice autorisant une fouille à sa base : étais ou palplanches, ou bien encore
reprise en sous-œuvre. Les étais s'appuyeront souvent sur le fond de fouilles,
condamnant une partie de l'aire. Aussi le choix de leur disposition est-il particulière-
ment important. Les palplanches nécessitent des manœuvres provoquant des
vibrations dans le sol. Si elles ont l'avantage de laisser la fouille dégagée, elles ont
pour inconvénient d'être mises en place par une méthode qui peut endommager.
La reprise en sous-œuvre d'édifice adjacent à la fouille peut être faite progressive-
ment, par parties. La coordination des travaux entre archéologues et ingénieurs
est indispensable afin que la réalisation de la reprise s'accorde avec la fouille sans
dommage.
Enfin, l'évaluation de l'état de conservation des structures enfouies doit permettre
de mieux préparer la fouille, de déterminer par exemple le cubage de terre à enlever
à la pelleteuse lors du premier décapage, ou bien la hauteur des structures
encore présentes. Sondages, enquêtes préalables (archives, écrites ou dessinées...)
permettront d'en avoir une idée.

Au cours de la fouille

Les mesures à prendre durant la fouille concernent pour une large partie les
problèmes de circulation et de sécurité, pour les fouilleurs surtout, mais également
pour les visiteurs (si le chantier est ouvert au public).
Système de circulation à établir et mesures de sécurité sont tous deux fonction
du type de fouille (préhistorique ou historique, par exemple), du nombre des
fouilleurs, de la visite éventuelle du public, du programme de fouille (sauvetage ou
fouille programmée).
La circulation sur la fouille est en constante évolution, suivant la progression du
site. Aussi les cheminements doivent-ils être régulièrement revus et contrôlés. On
garantira la sécurité des fouilleurs aussi bien que le bon état du site (risquant d'être
endommagé par les passages répétés) grâce à des cheminements larges et dégagés.
Les bords de la fouille et les bermes constituent des zones particulièrement fragiles.
Ils doivent être l'objet d'attention particulière en matière de sécurité, étant donné
les fréquents risques d'effondrement et leur fragilisation par la pénétration d'eau,
les effets du gel, et les passages répétés. Un étaiement peut parfois être indispensable,
si la paroi verticale a une grande hauteur (Carandini, 1981). Un certain nombre
de mesures simples doivent être prises pour la sécurité des fouilleurs. (Port du
casque si la fouille est profonde, stockage des terres et du matériel au-delà d'un
mètre des bords de la fouille, pose de barrières en bordure de celle-ci, évitant de
mettre en danger la stabilité des bermes par les vibrations liées aux allers et
venues...).
Si une visite du public est organisée durant la fouille, on doit prévenir tout risque
d'accident ainsi que les dégradations que peuvent occasionner les passages fréquents.
Un plan du site doit être établi pour cela, la circulation des visiteurs devant autant
que possible ne pas interférer avec les zones de circulation et de travail des
fouilleurs. Accès, cheminements, barrières de protection doivent être aménagés
(fig- 2).
Si une couverture fixe du site est établie en début de fouille, une galerie de
circulation peut être intégrée au projet (Schofield, 1986).
Le blindage d'une fouille est un travail difficile. La pose des étais doit être effectuée
par un technicien spécialisé. Les schémas de blindage de tranchées et de parois
verticales en aire ouverte que nous proposons sont indicatifs des contraintes qu'ils
occasionnent. Le système de palplanche, pouvant être mis en place pour des fouilles
profondes, a l'avantage d'éviter la pénétration d'infiltration sur la fouille.
FIG. 2. — Accès et circulation sur la fouille, maintien des structures et drainage. (A. B.)

L a surveillance de la bonne tenue des maçonneries dégagées et la prise des mesures


conséquentes au cours de la fouillé constituent une part importante de l'attention pour
la conservation et la sécurité. U n dégagement exagéré de la base des structures
mises à jour par le fouilleur peut mettre celles-ci en danger... Leur résistance est
. fonction de leur hauteur conservée, de la largeur des assises, de leur état de
conservation, de la nature du sol. U n dessèchement de la terre, par exemple, sous -
la base d'un mur trop dégagé, peut provoquer, par u n retrait important, un
mouvement du mur à sa suite. Il convient alors de laisser la terre en place sur un
côté du mur ou bien de ne dégager la base du mur que par des tranchées
perpendiculaires, limitées, et non sur toute sa largeur.
Le contrôle de la stabilité des murs dégagés par la fouille est donc important.
Lorsque la stabilité d'un mur est douteuse, la pose d'éléments de soutien doit être
envisagée. Dans le cas de structures importantes (murs de grande hauteur, voûtes),
c'est à un spécialiste que l'on confiera ce travail. La visite régulière de ce dernier
devra être prévue sur les sites où les structures sont nombreuses et importantes,
pour assurer le contrôle des étais mis en place, et repérer l'apparition de nouveaux
risques (fig. 2).
La pose d'étais servant à maintenir une construction menaçant ruine répond à des
données physiques précises. Elle résulte d'une analyse du mouvement se produisant dans les
maçonneries, des forces agissantes et des points résultants. La pose d'étais est donc une
opération délicate : inclinaison des éléments constitutifs, points d'application précis, serrage
réduit des pièces contre la maçonnerie, calage de l'étai, sections des bois à employer, sont les
données à déterminer pour le succès de l'opération.

Les archéologues n'interviendront dans ce domaine que pour des solutions


d'urgence sur des structures de petites dimensions et pour les cas les plus simples.
Lorsque le site est destiné à être présenté au public, il est préférable, autant
que possible, d'opérer rapidement la consolidation d'un mur peu stable (nous
reviendrons plus loin sur les aspects techniques de ces consolidations). L'aggravation
des dommages est ainsi évitée et la fouille libérée des étais gênants.
La protection du site durant la fouille par une couverture (toiture fixe ou mobile)
peut être utile à plusieurs titres :
— contre les effets néfastes des conditions climatiques ;
— pour permettre aux fouilleurs de travailler plus agréablement (à l'abri des
fluctuations météorologiques défavorables) ;
— et éventuellement pour créer un micro climat sur la fouille permettant de tirer
« avantage des variations d'humidité, sécheresse et lumière, révélant des nuances
dans le sol, autrement indétectables » (Barker, 1986).
Il peut également être important de protéger durant la nuit les matériaux ou
objets particulièrement fragiles, ou en cours de consolidation, contre le dépôt de
rosée. Un filet plastique ou une feuille de tissu naturel, un matériau isolant
(polyuréthane ou argile expansé, sable propre ne contenant pas de sels), puis une
couche de terre constitueront les strates de cette protection (Melucco, 1986). Dans
la majorité des cas, des toitures temporaires seront mises en place. Lorsque le site
doit être présenté au public, il pourra être, dès le début des fouilles, prévu une
couverture qui servira de protection définitive du site.
Les couvertures temporaires de site peuvent être mobiles ou fixes.
Les couvertures mobiles peuvent être constituées de tunnels de type horticole
(larges arceaux métalliques pouvant avoir jusqu'à une largeur de 10 m, soutenant
une bâche de plastique transparent). Le système a l'avantage d'être facilement
déplacé sur le site, au gré des besoins.
Un abri mobile plus sophistiqué consiste en une couverture de « type cocon »
(Barker, 1986). Il s'agit d'un type de couverture plastique utilisé pour les expositions
temporaires. Les abris sont fermés et maintenus par une légère différence de
pression entre intérieur et extérieur au moyen d'une pompe. On obtient ainsi un
micro-climat favorable à la fouille.
Un système d'échafaudage simple soutenant une couverture rigide (plaques
modulées, par exemple) permet d'adapter davantage l'abri à la configuration du
site. Le risque en est l'effet de serre.
Les toitures fixes sont utiles si le site doit rester ouvert pendant de longues
périodes. Elles sont alors adaptées au site et aux besoins de la fouille. Leur mise
en place nécessite la collaboration de l'archéologue et de l'architecte. L'ancrage au
sol doit être particulièrement étudié, les fondations des poteaux pouvant entailler
le terrain de fouille. L'intégration de telles toitures dans le paysage, et leur esthétique
sont importantes.
Les couvertures doivent être entretenues, comme l'ensemble du site, durant la
fouille. Une des fonctions principales de ces toitures est de protéger la fouille des
eaux de pluie. Elles doivent les rejeter plus loin. Des gouttières y seront donc
éventuellement ajoutées, rejetant l'eau jusqu'à des fossés ou des puits.
Les terrains en pente peuvent, malgré ces mesures amener dans la fouille des
eaux de ruissellement. Dans les cas les plus simples, l'aménagement d'un cavalier
de terre près de la fouille et l'aménagement de rigoles auxquelles on donnera une
pente suffiront. Elles seront éventuellement rendues étanches par une feuille de
plastique disposée au fond.
L'eau présente dans la fouille peut également provenir d'infiltrations. Une pompe,
disposée au fond de la fouille peut y pallier, bien qu'elle laisse le terrain
détrempé. De micro-fossés peuvent être aménagés autour d'éléments archéologiques
importants. Le drainage constitue une méthode indispensable dans certains cas :
drainage ponctuel, ou drainage périphérique (fig. 2).

E n t r e deux campagnes de fouilles


Il est impossible de laisser un site ouvert, sans protection, entre deux campagnes
de fouilles, sans que cela n'entraîne des dommages avec une perte irréversible
d'informations.
Les risques encourus peuvent être la dégradation, ou l'effondrement de structures
(sous l'action des cycles de gel et dégel, et des variations d'humidité), la chute des
bermes (avec la perte d'informations conséquente sur les coupes), la détérioration
des sols et des éléments fragiles.
La mise en place d'abris temporaires, le système de drainage et de canalisations,
la pose de couvertures sur les structures et leur consolidation constituent autant de
mesures de protection contre les effets de l'eau. Reste à pallier les variations de
température, la croissance de la végétation.
Réenterrer la fouille en fin de campagne est sans doute la mesure la plus simple.
Elle se trouvera à nouveau à l'abri des variations climatiques. Aux bâches plastiques
étanches couramment employées, on préférera les feuilles de protection constituées
de matériaux naturels, ou bien un filet en plastique permettant les échanges de
vapeur. Les bâches étanches favorisent en effet la condensation, et le développement
d'une activité biologique néfaste.
Cette première protection sera recouverte d'un matériau isolant (polyuréthane,
argile expansé ou sable propre), puis l'ensemble sera recouvert de terre.
Les fosses fouillées, les unités stratigraphiques négatives seront protégées de cette
façon. Lors de la réouverture de la fouille, la découverte de la limite entre sol et
remplissage de terre sera immédiate.
Le problème de croissance de végétation nuisible est résolu si l'on réenterre la
fouille entre deux campagnes. Si l'aire entière n'est pas protégée et que l'on craint
le développement de végétation (micro-climat favorable), on pourra avoir recours
à un désherbant. Celui-ci doit toutefois être utilisé avec beaucoup de précautions
car il peut modifier l'équilibre écologique de la zone. Son emploi doit être limité,
et le produit choisi avec précaution (voir plus loin).
Il est toujours souhaitable que les structures des sites dont on prévoit une
présentation au public puissent être consolidées (rejointoiements, injection de
coulis, pose de chape protectrice) avant la clôture de la campagne de fouille, à
condition que l'étude en ait été achevée (relevé pierre à pierre, analyse...). Elles
seront ainsi prêtes à affronter leur « retour à l'atmosphère aérienne ».
Certains éléments demandent une protection particulière. Il s'agit de sols, de
mosaïques, ou encore d'éléments architecturaux fragiles : parois avec revêtements
en place, enduits peints, fragments sculptés... (voir chap. VII et VIII). Si le site
n'est pas entièrement protégé, ces éléments recevront une protection, basée sur la
même superposition feuille/matériau isolant/terre, l'ensemble étant maintenu par
un cadre en bois sur lequel on aura tendu un filet.
Enfin, une bonne clôture du site est indispensable pour le protéger en particulier
contre le vol et le vandalisme. Si un dépôt d'objets de fouilles a été aménagé sur
un site, une surveillance est souhaitable (Sichilone, 1986).

P R O T E C T I O N A LONG T E R M E DES SITES


ET DES M O N U M E N T S

Aspects techniques : les maçonneries in situ


(Schultze, 1970 ; Monuments historiques, 1975 ; Deterioramento e conservazione
delle pietra, 1979 ; Assirco, 1981a, 1981b, et 1982 ; Peroni et al., 1981 ; Adam,
1982 ; Coignet, 1987)
Préservées durant des siècles par leur enfouissement dans le sol ou leur intégration
à des constructions postérieures, les maçonneries antiques connaissent donc une
dégradation rapide dès leur exhumation ; paradoxalement, l'archéologie, soucieuse
de révéler des témoins du Passé, assure leur rapide destruction. Nous avons
rassemblé dans un encadré (p. 362) quelques éléments de technologie, limités à
l'architecture gallo-romaine, pour rappeler au lecteur la nature et la diversité de
ces maçonneries antiques. La raison de leur vulnérabilité tient à la désagrégation
des mortiers de liaison, déjà commencée à partir du moment où ces monuments,
désaffectés ou ruinés, furent privés d'entretien et, surtout, de couverture, mais elle
est également due à la fragilisation des pierres devenues friables et gélives en raison
de la migration vers leur surface de nombreux sels minéraux et de l'imbibition
d'eau accumulée depuis des siècles.
Les édifices demeurés apparents, bien que leur survie soit sélective, c'est-à-dire
due au fait qu'ils étaient particulièrement bien construits, les autres s'étant éliminés
précocement, ne sont pas pour autant assurés d'une longévité éternelle, en raison
de la vétusté des pierres et d'agressions environnementales d'apparition récente,
telles que des constructions y prenant appui ou y provoquant des amputations, la
dégradation de leur couverture de protection, les fumées industrielles, le vandalisme
ou les troubles apportés par la proximité d'une voie à fort trafic ou bien encore,
conséquence d'une pieuse intention, un dégagement intempestif sans étude préalable
de la stabilité et de la qualité réelle de la structure.
Dans tous les cas de figure, le responsable d'une restauration devra prendre en
compte, d'une part les causes de la dégradation afin de les traiter spécifiquement
et, d'autre part, les nécessités d'une perception optimale par les visiteurs, lesquels
devront pouvoir approcher le monument et, dans la mesure du possible y pénétrer,
sans risque ni pour eux-mêmes ni pour les vestiges.
FIG. 3. — Les différents modes d'accrochage et de pénétration de la végétation dans une
maçonnerie avec ou sans enduit (J.-P. A.).

Les principales causes de dégradation des maçonneries


Etant admis que les mortiers anciens perdent ou ont perdu leur cohésion, il
convient de considérer les maçonneries comme des ensembles hétérogènes formés
d'éléments durs, les moellons et les briques, séparés par un matériau devenu friable
et perméable à la pénétration d'agents de destruction tels que l'humidité, la
végétation ou les rongeurs. Si, de prime abord, la parade à cette pénétration
consiste à redonner aux murs un épiderme résistant formant barrage, il faut dire
aussitôt qu'un tel remède ne redonne pas à la structure son vrai rôle et qu'il
convient d'intervenir d'abord dans le cœur de la maçonnerie en réactivant le mortier
de liaison, afin de retrouver un massif concret, à la fois porteur et inaltérable à
long terme.
Toutefois, avant d'entreprendre l'intervention de confortement, il faut éliminer
les effets immédiats et, dans la mesure du possible, les causes de la dégradation,
donc, avant tout, les analyser.
LA VÉGÉTATION
Pour le plus grand malheur des monuments anciens, les agents naturels se
conjuguent pour accroître les effets destructeurs grâce au couple inséparable humidité
+ végétation, puisque l'eau ouvre des brèches dans les parements donnant aux
végétaux des zones d'accrochages, puis en imprégnant les mortiers permet aux
racines de se nourrir et de pénétrer jusqu'au cœur du massif, voire de le traverser
de part en part. Une voie d'accès préférentielle se crée alors pour tous les agents
d'agression.
La couverture et l'enduit assurant la protection des murs, la disparition de la
première et l'altération du second ouvrent la maçonnerie à l'installation et la
p é n é t r a t i o n de la v é g é t a t i o n . Les effets d e s t r u c t e u r s s'y m a n i f e s t e n t de q u a t r e
manières :
— la v é g é t a t i o n s'installe s u r le faîte d u m u r , là o ù le remplissage terreux est
t o t a l e m e n t exposé. Elle y e n f o n c e là ses racines et, t r o u v a n t ainsi u n s u p p o r t solide
à l'abri de t o u t e atteinte, se d é v e l o p p e en u n e masse d é b o r d a n t l a r g e m e n t la
c o n s t r u c t i o n et d o n t le p o i d s c h a r g e celle-ci, p r o v o q u a n t des éboulis p é r i o d i q u e s ;
— la v é g é t a t i o n s ' a c c r o c h e le l o n g de la p a r o i en e n f o n ç a n t ses racines sous l ' e n d u i t
et d a n s la m a ç o n n e r i e . A f i n de retenir le p o i d s de la p l a n t e ces racines se d é v e l o p p e n t
en p r o f o n d e u r et c h e r c h e n t des a p p u i s solides. L e u r simple g o n f l e m e n t p r o v o q u e
des fissures d a n s l ' e n d u i t puis d a n s la m a s s e d u m u r , c r é a n t de nouvelles voies de
p é n é t r a t i o n p o u r l ' h u m i d i t é , la terre et de n o u v e a u x végétaux. D a n s les m u r s en
p o s i t i o n de s o u t è n e m e n t le long de la limite des fouilles, o u t r e cette s i t u a t i o n
m é c a n i q u e m e n t périlleuse, o n observe le p a s s a g e de racines venues des terres
retenues, c a p a b l e s de t r a v e r s e r la m a ç o n n e r i e ;
— la v é g é t a t i o n s ' a c c r o c h e le long de la p a r o i à p a r t i r de racines au sol, et s'y fixe
p a r des racines adventives et des c r a m p o n s . C ' e s t s u r t o u t le fait d u lierre qui, s'il
a s s u r e de cette f a ç o n une liaison solide des éléments de p a r e m e n t , n ' e n c h a r g e p a s
m o i n s l o u r d e m e n t les m a ç o n n e r i e s et p r o v o q u e l ' a r r a c h e m e n t des e n d u i t s et de
n o m b r e u x m o e l l o n s , s u r t o u t a u m o m e n t de l'enlèvement.
— en se fixant sur les enduits, les v é g é t a u x p a r leur p o i d s accroissent le p h é n o m è n e
m é c a n i q u e de décollement de cet é p i d e r m e et leur a d h é r e n c e é t a n t g é n é r a l e m e n t
s u p é r i e u r e à celle de l ' e n d u i t s u r la m a ç o n n e r i e , l ' a r r a c h e m e n t survient inévitable-
m e n t l o r s q u e l ' o n veut d é b a r r a s s e r les p a r e m e n t s de leur c o u v e r t u r e végétale.
L a pénétration des racines, ou de r a m e a u x , entre l'enduit et la maçonnerie est le
péril le plus grave, c a r il devient alors impossible de r é c u p é r e r le p a r a s i t e sans
p r o v o q u e r de d o m m a g e s . En o u t r e , les revêtements é t a n t s o u v e n t détruits a u pied
des m u r s , les p l a n t e s g r i m p a n t e s , parties d u sol, p é n è t r e n t le long de la m a ç o n n e r i e
et ressurgissent à u n niveau s u p é r i e u r p a r u n orifice o u u n e fissure qui m a r q u e n t
le d é p a r t d ' u n e ligne de r u p t u r e verticale (fig. 3).

L'EAU, L'HUMIDITÉ

Les d o m m a g e s dus à l'eau sont probablement, en dehors des régions à risque


sismique, ceux qui m e n a c e n t le plus les constructions anciennes.
L ' e a u est, bien e n t e n d u , u n a g e n t de fertilité de la végétation, elle va d o n c ,
p a r t o u t o ù elle s'infiltrera, favoriser, d a n s les m o r t i e r s d é c o m p o s é s o u terreux,
l ' é p a n o u i s s e m e n t d ' u n e v é g é t a t i o n allant des m o u s s e s a u x p l a n t e s a r b u s t i v e s voire
a u x arbres. Les brèches, les absences de c o u v e r t u r e s o n t les lieux de ces éclosions
m a i s ce p e u v e n t être é g a l e m e n t les terrasses sans é v a c u a t i o n , les c h e n a u x o b s t r u é s ,
les e x t r a d o s de v o û t e sans étanchéité, les faîtages de m u r en s o u t è n e m e n t et, bien
e n t e n d u , t o u t e s les s t r u c t u r e s a u sol telles q u e m o s a ï q u e s , o p u s s i g n i n u m o u
dallages.
L'infiltration de l'eau, par ruissellement extérieur ou capillarité, c o n t r i b u e à la
d é s a g r é g a t i o n des m o r t i e r s s u r t o u t lorsqu'elle c o n t i e n t des agents acides, et
p r o v o q u e des m i g r a t i o n s r a p i d e s vers les p a r e m e n t s des sels m i n é r a u x c o n t e n u s
d a n s les pierres, d a n s les m o r t i e r s de liaison et d a n s les enduits, d é g r a d a n t les
surfaces visibles t a n t en g r a n d a p p a r e i l q u ' e n m o e l l o n s ou, plus encore, revêtues
d ' e n d u i t s peints. M é c a n i q u e m e n t , cette h u m i d i t é p r o v o q u e la f o r m a t i o n de c l o q u e s
d a n s les e n d u i t s , suivies de leur c h u t e rapide, et en a c c r o i s s a n t le v o l u m e interne,
des g o n f l e m e n t s o u b o u f f e m e n t s de la s t r u c t u r e , e n t r a î n a n t u n e e x t r ê m e fragilité
de l'ensemble.
Enfin, l'action mécanique directe de l'eau n'est pas à négliger, non seulement pour
les murs partiellement immergés des constructions riveraines, mais plus banalement
par l'eau de pluie essentiellement sur les façades exposées aux vents dominants.
C'est surtout dans les joints de la maçonnerie, qui constituent des canaux de
ruissellement privilégiés, que l'érosion pluviale va se manifester, entraînant, comme
il se doit, une pénétration optimale de l'humidité.

LES ANIMAUX
Les mortiers décomposés et, plus encore, les maçonneries liées à l'argile, constituent
des terrains extrêmement favorables à l'installation d'animaux fouisseurs, qui trou-
vent, dans l'élévation d'un mur, un lieu d'abri difficilement accessible aux prédateurs
et permettant l'établissement de véritables réseaux à accès multiples. Ces animaux
sont généralement des rongeurs, mais aussi des oiseaux, des reptiles et des insectes.
Les cavités et boyaux, dont l'importance est indécelable depuis le parement, créent
dans l'épaisseur des murs ainsi envahis des poches de fragilisation et même des
lignes de rupture qui, souvent, se combinent avec une pénétration du couple
infernal humidité-végétation.
Il est donc important, au moment de la restauration, de détecter par chocs à la
massette et de localiser les cavités dues aux animaux, car leur volume important
nécessite une intervention directe que les injections ne sauraient combler.

L'ÉROSION TOURISTIQUE
Le but de toute restauration étant de permettre la visite des sites et monuments,
cet objectif, plus que louable puisqu'il est l'aboutissement de toute démarche
archéologique, est également l'une des causes de la dégradation de ce que l'on
désire précisément préserver.
Les dommages imputables aux visiteurs sont involontaires ou intentionnels et si
certaines formes de dégradations comme le vol ou vandalisme relèvent seulement
de la vigilance humaine et — mais c'est un tout autre problème — de la pédagogie,
il est possible à l'aide de moyens techniques appropriés, malheureusement facteurs
d'altération ou de frustration, de prévenir les dégradations par usure de passage
et de contact.

Les mesures de conservation

MAÎTRISE DE LA VÉGÉTATION
De même que les visites constituent un phénomène permanent, la végétation,
quels que soient les moyens mis en œuvre pour la limiter ou la supprimer, demeure
une constante réclamant une vigilance sans relâchement.
Comme dans tout jardin, les plantes parasites doivent être retirées régulièrement
avant que leurs racines, surtout pour les espèces arbustives et les rejets, ne soient
trop profondes ou trop ramifiées. Il s'agit là d'une mesure préventive d'une extrême
banalité et d'une efficacité éprouvée, dont la seule charge est la présence d'une
main-d'œuvre suffisante et méticuleuse.
Sur les aires dégagées et démunies de revêtement, rapidement transformées en
champ de poussière, on souhaite au contraire la présence d'un tapis végétal, tandis
qu'ailleurs on voudrait pouvoir le maîtriser. Le meilleur moyen de traiter ces deux
situation antagonistes, consiste, après avoir retourné le sol, à y semer une
graminée dense, régulièrement entretenue (arrosage, tonte, roulage), s'opposant très
efficacement au développement des autres espèces et résistant aux passages, à
condition que ceux-ci ne suivent pas, comme il est trop coutumier de le faire, un
cheminement systématique générateur de « chemins de lapins ».
Il apparaît donc que la maîtrise de la végétation est liée, non seulement à un
problème d'entretien mais aussi à un rapport harmonieux avec le public ; le
patrimoine y trouvant tout naturellement sa place et son profit. L'intérêt d'une
visite tient beaucoup à l'environnement, susceptible d'apporter un agrément
considérable, voire indispensable, à la compréhension et à l'appréciation d'un site.
A cet égard, l'organisation délibérée de grandes aires, libres de construction, à
l'intérieur du périmètre urbain de Pompéi, agrémentées de pins parasols, de lauriers
roses et de massifs de fleurs, contribue très largement à la beauté du lieu et à la
création de zones ombragées particulièrement appréciables. Par ailleurs, le propos
archéologique y trouve son compte, grâce à la reconstitution dans les péristyles et
les jardins, de la flore, identifiée par ses racines, qui y trouvait place dans l'antiquité.
La seule précaution indispensable dans la répartition des plantations, consiste à
ne pas installer les arbres à une distance des murs inférieure au plus grand
développement des branches ; à cet égard, les pins parasols doivent être plantés
avec les plus grandes précautions en raison du développement de leurs racines à
proximité de la surface.
Le retrait de la végétation enracinée dans les structures relève d'interventions plus
délicates et plus complexes. Les opérations d'extraction manuelle doivent être
effectuées avec une extrême attention, surtout lorsque les parois sont revêtues
d'enduit ; le travail ne peut être que lent et exempt d'outillage mécanisé.
Les plantes grimpantes, dont le lierre est le principal représentant, demandent un
traitement particulier, plus attentif encore, que l'on peut décomposer en plusieurs
étapes afin de proscrire l'arrachage direct :
— retrait du feuillage au sécateur pour dénuder la ramure ;
— séparation du ou des troncs des racines en les sciant au ras du sol ;
— tronçonnage des rameaux à la scie ;
— décollage, à l'aide d'une spatule de tous les éléments, rameaux, branchioles,
radicelles aériennes adhérant à la paroi ;
— extraction des racines souterraines et destruction avec un poison approprié de
celles qui demeurent prisonnières.
On traite d'une manière analogue toutes les plantes à racines volumineuses qui
ont trouvé prise dans les sols revêtus et dans les murs, en les sciant au plus près
de la naissance puis en injectant à la seringue dans les sections prisonnières un
produit s'opposant au retour de la germination.
DESTRUCTION CHIMIQUE DES VÉGÉTAUX
Les désherbants, suivant l'état de germination ou de croissance des végétaux, se
classent en deux catégories : les produits de pré-levée et les produits de postlevée...
Compte tenu du danger que représente l'utilisation abusive ou inadaptée des
herbicides, il est opportun de définir ces produits et la façon de les administrer.
Produits de pré-levée. — Ils sont destinés, par arrosage du sol, à prévenir la
germination des graines et à détruire les racines subsistantes après la suppression
de la végétation de surface. On les utilisera pour la protection des aires à revêtement,
tels que mosaïque ou opus signinum, par contre lorsqu'il s'agira de gazonner une
surface nue, il faudra, sans traitement chimique, retourner le sol puis l'ensemencer
de graminées appropriées. Les produits de pré-levée devant être actifs dans le sol
durant un certain temps, ils doivent y être fixés à faible profondeur et ne pas être
solubles dans l'eau en restant actifs, afin d'éviter qu'ils ne soient véhiculés par les
eaux d'infiltrations vers des secteurs horticoles ou maraîchers.
Deux produits répondant à ces critères ont été retenus par l'INRA :
— la sinazine, chloro-2bis (ethylamino) 4,6 triazine 1-3-5, commercialisée par
Ciba-Geigy sous le nom de Gesatope. Ce produit se caractérise par sa très faible
pénétration et une bonne fixation par les colloïdes du sol ;
— le diuron, (dichloro-3-4-phenyl) 3-dimetyl-l-l-urée, commercialisé par Karmex
sous le nom de Seppic. Ce produit possède une faible solubilité, une faible
pénétration et une bonne fixation dans le sol.
On doit proscrire absolument le chlorate de soude, NaCI03, vendu généralement
sous le nom de « désherbant total », produit toxique et très soluble dans l'eau.
Produits de postlevée. — Ils sont destinés à lutter contre la végétation sortie du sol,
à tous les stades de la croissance. Ils doivent pouvoir être pulvérisés, donc être
absorbés par les feuilles, mais demeurer peu volatils afin d'avoir une action limitée.
Il faut prévoir également des produits injectables à action très localisées. Dans
cette catégorie deux produits également ont été retenus :
— le glyphosate, C3HgNOP, acide phosphoromutylamino-2-acétique. Produit
destiné à la destruction des plantes vivaces, faiblement soluble dans l'eau et de
volatilité négligeable. Peu toxique (inscrit au tableau C, bande verte), moyennement
irritant pour la peau, irritant pour les yeux, s'applique par pulvérisation en évitant
les jours de vent.
Le glyphosate n'est absorbé que par les feuilles (mais sans effet sur les résineux),
il migre rapidement dans le végétal qui est détruit en totalité. Avantage considérable,
ce produit est neutralisé par sa dégradation dans le sol et n'est donc pas véhiculé
par les eaux de ruissellement et les nappes souterraines ;
— le 2-4-D ; c'est une phytohormone qui ne doit être utilisée qu'en injections à la
seringue. Ce produit est particulièrement efficace pour la destruction des racines
intégrées aux maçonneries (lierre notamment).
Une mention particulière doit être faite pour la lutte contre les lichens et les
mousses, dont l'élimination est relativement aisée mais dont la présence est
extrêmement fréquente dans tous les lieux où subsiste l'humidité. Le procédé est
le suivant :
— pulvérisation sur la paroi ou imprégnation à la brosse d'une solution de formol
(HCHO) à 10 %, destinée à détruire les végétaux ;
— après destruction, nettoyage par brossage mouillé de la surface traitée à l'aide
d'une brosse à poils de nylon ou de laiton (proscrire les brosses d'acier et les
« chemins de fer ») ;
— pulvérisation ou imprégnation d'une solution de sels de zinc (sels organiques
de zinc), prévenant le retour des végétaux et assurant une certaine imperméabilisa-
tion de la paroi.
L'étude et la sélection des produits de lutte contre la végétation ont été effectués
à l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), laboratoire de
Malherbologie, Domaine d'Epoisse, Bretenières, 21110, Genlis.

Restauration interne des maçonneries : les coulis d'injection


(fig. 4, 5 et 6) (Bouineau et Rocard, 1981 ; ICCROM, Rome 1981)
Avant de commencer les injections de coulis, il convient de cureter les joints
profondément, puis de les regarnir avec un mortier de chaux et sable üamais de
ciment !) bien fiché. En fonction des habitudes locales tenant à la couleur du sable
ou à la présence de tuileau, on peut ajouter au mortier une charge colorée
donnant.au produit fini une valeur chromatique proche de celle de l'original. Ce
rejointoiement préalable, outre le fait qu'il conforte le parement, assure son
FIG. 4. — Injection d'un coulis de chaux dans un mur de maçonnerie (J.-P. A.).

FIG. 5. — Dans certaines situations d'instabilité, les murs doivent recevoir un confortement
en fondations, sous la forme de micro-pieux croisés, ne nécessitant pas d'ouverture du sol,
ou de longrines de béton armé encadrant la semelle (J.-P. A.).

étanchéité, évitant que ne se produisent, durant l'injection, de multiples coulées


venant salir la surface. Par ailleurs, de multiples issues auraient tendance à canaliser
le coulis qui aurait ainsi une mauvaise diffusion.
Contrairement à ce qui est parfois pratiqué, il est inutile d'imprégner d'eau les
maçonneries à traiter, dans le but de les laver et de favoriser la prise ; en effet, le
coulis, constitué de chaux pure, additionnée d'argile, n'est pas un mortier, c'est en
fait le sable, la terre ou l'ancien mortier du mur qui vont servir d'agrégat à ce liant,
dont l'eau de dilution, en très forte proportion, servira à la fois à le véhiculer, à
imprégner le massif et à assurer la prise.
FIG. 6. — Les étapes de dégagement et de restauration d'une maçonnerie :
1 — Le mur, privé de sa couverture et de faîtage, est recouvert et pénétré par l'humidité
et la végétation.
2 — On retire manuellement la végétation et l'on écrête le sommet du mur. Les racines
volumineuses et profondes sont sciées au ras du parement puis détruites par injections à la
seringue, enfin, les joints sont curetés en profondeur.
3 — On assure un rejointoiement soigné au mortier de chaux afin de reconstruire un
épiderme imperméable aux pénétrations de la végétation, puis on fore des orifices d'injection
et l'on procède à celle-ci en commençant impérativement par la base du mur.
4 — Après achèvement des deux injections et obturation des orifices de coulée au mortier
de chaux, on peut poser, selon la nature du sous-sol, un drain au niveau de la semelle, que
l'on recouvre ensuite de cailloux. Le sommet du mur est garni d'une chape d'étanchéité à
deux versants, elle-même recouverte par une ou deux assises de protection, disposées
aléatoirement afin d'éviter l'apparence de maçonnerie finie et on laisse repousser l'herbe pour
nourrir les petits lapins (J.-P. A.).

Si la chaux hydraulique doit être impérativement utilisée et non le ciment, c'est en


raison de la combinaison homogène de ce matériau avec les constituants du mur,
reformant un mortier dont les caractéristiques mécaniques sont très voisine de
celles de la maçonnerie originelle et des moellons qui en constituent l'agrégat. Il
serait inutile et même préjudiciable, d'introduire un liant constituant un réseau de
mailles dures, peu compatible avec l'ensemble de la construction et ayant des
coefficients de dilatation fort différents. L'usage du ciment doit être réservé au
renforcement du sol et des fondations et à la réalisation d'éléments de soutien de
dimensions conséquentes juxtaposés à la maçonnerie, tels que poteaux, longrines,
poutres ou dalles. On peut également y faire appel pour obstruer une large brèche,
ce qui revient à monter un poteau dans le mur.
On procédera chaque fois à deux coulis : le premier à la chaux hydraulique, le
second au silicate de soude.
PREMIER COULIS
Cette première imprégnation est destinée à colmater les vides que les reprises de
maçonnerie n'ont pu obstruer et à s'infiltrer partout dans l'ancien mortier
décomposé ou dans la terre de liaison ; il convient donc de lui donner une très
grande fluidité par l'adjonction d'une grande proportion d'eau. Toutefois, il
apparaît que le mélange simplement agité manuellement est instable (comme une
vinaigrette) et que les particules de chaux ont rapidement tendance à se déposer
au fond du récipient de préparation. D'autre part, ce coulis, que l'on appelle une
barbotine, une fois versé dans la maçonnerie, est aussitôt filtré, les particules de
chaux étant arrêtées dès les premiers millimètres de pénétration. Il convient donc
impérativement de stabiliser le mélange, tout en conservant sa fluidité, par
l'adjonction d'argile fine, ou bentonite (une variété d'argile blanche renfermant de
l'opale), et en effectuant un mélange chaux + argile + eau, auquel on peut
avantageusement ajouter une faible quantité de fluidifiant diminuant la tension
superficielle, par exemple du gluconate de soude. Ce mélange est opéré dans un
bac à agitateur à grande vitesse (environ 4 000 tours/minute) servant en même
temps de réservoir pour l'injection. Afin d'éviter une nouvelle décantation, si l'on
est obligé de changer de bac, il est préférable de ne procéder qu'à des mélanges
par faibles quantités. On peut proposer ainsi les quantités et proportions suivantes :
— chaux hydraulique 50 kg
— bentonite hydratée à 1 000 % . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 kg
— fluidifiant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 kg
— eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 litres

106 kg
Signalons que, de toute évidence, la chaux aérienne livrée sous la forme de chaux
grasse, est totalement à proscrire, en raison de son incapacité à faire prise dans le
cœur de la maçonnerie : seule doit être employée la chaux hydraulique naturelle.
Dans un premier temps on procède, 15 jours avant l'utilisation, à la dilution de
l'argile (1 kg pour 10 litres d'eau), puis au moment du mélange on l'ajoute aux
autres ingrédients avant d'actionner les hélices de l'agitateur. Après 20 à 30 minutes
de mixage, on laisse reposer le mélange pour permettre l'évacuation des bulles en
suspension ; le coulis est alors prêt à l'injection.
DEUXIÈME COULIS
La prise et le durcissement du premier coulis étant assuré (deux à trois semaines
suivant le climat), on peut procéder à l'injection du second coulis, cette fois au
silicate de soude, destiné, grâce à son extrême fluidité, à combler les cavités les
plus fines que la chaux n'a pu atteindre. Les essais expérimentaux permettent de
proposer la composition suivante exprimée en pourcentage de poids :
— Silicate de soude, type 3.3/38/40° 50 %
— Durcisseur 2000 (Rhône-Poulenc) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 %
— Eau (à 20° degrés environ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 %
Les maçonneries, après la tin des opérations d injection, doivent recevoir une
couverture de protection afin d'être garanties contre les pénétrations d'eau, les
fissurations et le gel ; dans ce but, le faîte des murs sera garni d'une chape arrondie
ou à deux versants, constituée d'un mortier additionné d'un produit étanche. Cette
chape, dont la régularité est peu esthétique, peut être à son tour recouverte
d'une ou deux assises, liées au mortier de chaux, aisément entretenues par un
rejointoiement périodique, servant de protection contre l'effet direct des intempéries
et de la végétation.
Ces mesures évitent l'aspect fini et artificiel des chapes de protection et entrent
dans le cadre d'un programme architectural de traitement des vestiges pour la
présentation au public.

STRATÉGIES DE LA PRÉSENTATION DU SITE


AU PUBLIC

Présenter et transmettre au public présent et futur les témoins d'une époque


passée, tel est l'objectif de l'aménagement d'un site archéologique.
Celui-ci répond à une demande du public désireux de (re)connaître et préserver
les marques de son passé, un temps enfouies, puis réapparues. Cette demande est
récente, suivant d'un mouvement parallèle l'évolution scientifique de la recherche
archéologique et le développement des chantiers de fouilles.
La difficulté particulière des sites archéologiques et de leur présentation corres-
pond souvent au fait que ceux-ci constituent des ensembles d'éléments très ruinés,
peu importants en élévation, offrant une lisibilité faible aux non-spécialistes. Si,
bien sûr, la seule vision de « ruines » est évocatrice du temps passé, de la précarité
des choses..., ne doit-on pas mettre en œuvre tout ce qu'il est possible de faire pour
signifier davantage, exprimer ce que les études scientifiques ont révélé ? Quels
peuvent être les critères adoptés pour le choix d'une présentation, quelles doivent
en être les limites aujourd'hui ? Comment concilier respect de l'œuvre du temps et
l'expression de ce qui n'est plus immédiatement visible ?
C'est aux architectes et aux archéologues, et à eux seuls, qu'est laissée cette tâche
difficile : décider de la survivance de restes historiques et de leur forme, du message
qui, par la « mise en scène » qui sera réalisée autour d'eux, en sera transmis.
Chaque époque a sa propre vision, son rapport au passé, et apporte ses propres
réponses. Les architectes et les archéologues doivent donc être à cette écoute.
La présentation des restes archéologiques relève d'un phénomène bien spécifique,
de notre désir, aujourd'hui : comprendre et conserver les traces du passé, traces
qui ont un moment disparu, puis ont été retrouvées, exhumées, exprimant la
distance dans le temps qui nous sépare d'eux. C'est ce passage du temps qui est
générateur d'émotions, que notre société, consciente que ce qui est mort a encore
« quelques choses à dire », aujourd'hui souhaite vivre.
Un large débat existe quant à la légitimité à figer des restes, à geler des sols pour
« uniquement » assurer leur présentation. L'argumentation la plus fréquente est
que, jamais dans le passé, on n'a ainsi vénéré des architectures disparues, « mortes »,
dont on ne trouve plus que des « lambeaux ». Exception faite pour la période
romantique et son goût des ruines, qui refusait la restauration d'édifices au nom
d'une poétique de la ruine, de l'effet du temps sur celles-ci, chaque époque a en
effet reconstruit et adapté les édifices anciens à ses besoins. On réutilisait alors les
architectures anciennes, en ajoutant des éléments contemporains, en profitant des
structures en place. Une continuité dans le bâti, à travers le temps, était ainsi
assurée, continuité qui fait la complexité des programmes de restauration monumen-
tale évoqués au début de ce chapitre. Mais apparait nécessairement aujourd'hui
une problématique bien différente, puisque l'on déterre et présente, y compris au
cœur de nos villes, ce qui n'était à priori plus.
La trop simple opposition entre les « passéistes » et les « futuristes » nuit à une
réflexion sur la nature de la demande actuelle.
Le débat, en matière d'archéologie urbaine, comme en matière de monuments,
monuments historiques ou tissu urbain ancien, oppose fréquemment ceux qui
refusent que la ville ne devienne un musée, associant le terme « musée » à quelque
chose de figé, sans aucune évolution possible, et ceux qui souhaitent que soient
préservées ces traces. Mais progressivement, portés par la mode et l'intérêt
grandissant du public pour les vestiges du passé, ceux qui refusaient une « mise en
musée » peuvent être tentés par la « valorisation » que le patrimoine archéologique
apporte à leurs réalisations, et l'exploiter, au risque de contre-sens dans « la mise
en valeur » archéologique des sites...
Par ailleurs, l'archéologie s'est développée de façon à devenir aujourd'hui
véritablement une science. On ne peut donc plus « détruire » le matériel de l'étude,
mais au contraire, celui-ci doit être préservé de façon à pouvoir en permettre une
relecture, même si la fouille est toujours en partie destructive.
La conservation d'éléments historiques et architecturaux préexistants demande
en effet avec la restauration, l'adaptation à de nouvelles fonctions, qu'elles soient
limitées à une présentation ou bien qu'il s'agisse d'adaptation-réutilisation pour
un usage autre. Cela ne signifie pas que les éléments en seront nécessairement
altérés. Il doit y avoir au contraire cœxistence entre les ajouts modernes et
les éléments anciens. L'intervention aura deux finalités bien distinctes : l'une,
conservatoire, de nature muséologique, et l'autre, d'utilisation pratique.
En matière de fouilles archéologiques, la conservation des structures et éléments
immobiliers in situ demande sans doute l'adoption d'éléments contemporains
destinés à en transmettre une lecture aisée au public. Quelle adaptation ? Jusqu'où
aller ? Simples indications par petits panneaux pour évoquer les constructions
disparues ? Jusqu'où aller dans ces reconstructions, ces évocations ?
Nous rejoignons en cela la problématique commune à l'ensemble des objets
archéologiques, et qui devrait valoir également comme base en matière de
restauration de monuments historiques pour définir les limites de la restauration.
En effet, si la restauration de monuments historiques et celle des objets ne
diffèrent que par la nécessité de l'utilisation des premiers (dont l'incidence est
primordiale dans le projet de restauration), la présentation de sites archéologiques
rejoint davantage celle des objets. La circulation du public et la couverture qui
doivent être aménagées en constituent les contraintes supplémentaires. Importantes
très certainement, celles-ci, liées au nouvel usage qui sera fait du site, sa visite, ne
doivent néanmoins pas avoir prédominance sur le site lui-même et les données qu'il
fournit. C'est le site qui, objet des mêmes études rigoureuses que le matériel
archéologique issu de la fouille, guidera ces aménagements.
En matière de sites, l'évocation doit s'arrêter là où l'hypothèse commence. Il
s'agit davantage de conserver, de révéler, de suggérer que de projeter véritablement.
Aussi, un parfaite connaissance de la fouille effectuée est-elle nécessaire à
« l'aménageur ».

Le résultat d'une stratégie


Tous les sites ne seront pas présentés au public. Fonction tout d'abord de
l'importance des structures mises à jour, mais aussi de l'emplacement de la fouille,
et des choix d'aménagements territoriaux, la conservation d'un site dépend de
nombreux paramètres. La majorité des sites, simplement consolidée, sera réenterrée.
Cette consolidation sauvera d'une destruction trop rapide les éléments réenfouis
que l'on voudra peut-être dans le futur réétudier.
Le problème se pose dans le cas de fouilles urbaines. Précédant souvent
l'ouverture d'un chantier de travaux urbains, les découvertes doivent a priori
disparaître du site, remplacées par une construction nouvelle. La tendance actuelle
porte à l'intégration des traces anciennes aux parties inférieures de l'édifice,
reprenant ainsi la continuité des siècles passés en la matière, mais avec une
philosophie un peu différente : ce n'est plus aujourd'hui l'économie de matériaux
et de travaux qui prime, mais un désir de conserver les traces du passé, et de donner
une valeur patrimoniale à une construction nouvelle.
Il y a souvent encore séparation entre le moment de la connaissance d'un site et
le moment du choix de son devenir, de son emploi ou réemploi. En général, le
choix de la destination d'une aire archéologique est effectué une fois le travail
d'étude achevé, après que le travail de l'archéologue ait fait émerger les différentes
phases monumentales. Ne faut-il pas intégrer davantage le processus d'étude et
celui de la présentation, mieux associer les travaux de l'archéologue et ceux de
l'architecte, pour un meilleur résultat final.
La préservation future du site est pourtant trop rarement envisagée encore en
amont de la fouille. Ce problème est partiellement lié à l'indépendance des instances
concernées par l'archéologie et la conservation des sites.
Il n'y a que peu d'architectes formés à ce domaine spécifique de la restauration
préventive des ruines, des restes archéologiques. Les ruines sont beaucoup plus
exposées à la dégradation que les édifices, et les structures sorties de terre davantage
encore. Pourtant les restaurations effectuées sont souvent lourdes (rejointoiements
excessifs par exemple dénaturant l'appareillage du mur). Les procédures de
conservation des structures sont encore approximatives et la durée des réalisations
effectuées trop peu étendue. Il arrive que des restaurations soient effectuées sans
même qu'un relevé détaillé fiable n'ait été préalablement exécuté. Ces restaurations
sont souvent trop généreuses, masquant ou effaçant de façon quasi-irréversible les
structures anciennes et leur mode de construction. En effet, les ruines sorties de
terre ont cette caractéristique extrêmement précieuse de n'avoir pas été restaurées
depuis leur abandon ou leur enfouissement, d'offrir une grande quantité de données,
et de présenter des techniques de construction analysables. Des interventions trop
« violentes » peuvent gommer définitivement certaines données sur l'histoire des
techniques de construction anciennes.
On ne peut éviter la progressive dégradation des ruines, on ne peut qu'essayer
de prévenir leur chute. Les ruines, sorties de terre, doivent être capables, le mieux
possible, d'affronter à nouveau le passage du temps. On sait que les peintures
murales, les enduits et les mosaïques résistent mal, après leur « désenfouissement »,
à un nouveau séjour à l'air et aux effets du climat, qu'il est nécessaire de les
couvrir. Les maçonneries doivent aussi être l'objet d'attention afin de ralentir leur
dégradation, et d'essayer de les maintenir dans l'état dans lequel elles ont été
dégagées.

L a présentation du site
Les problèmes de présentation et les choix conséquents varient considérablement
d'un site à l'autre. Il est donc difficile d'établir des méthodes, chaque cas étant
particulier.
Plusieurs niveaux de présentation sont possibles (de nombreux facteurs politiques,
sociaux, environnementaux, etc., entrant en compte dans les choix) :
— les fouilles peuvent être réenfouies, mais la surface du sol portera d'une façon
ou d'une autre la marque des structures découvertes (dessin grâce à des pavements
différents par exemple) ;
— parc archéologique (aménagement minéral et végétal du site) ;
— présentation « muséographique » des structures (ainsi, l'aménagement des
récentes cryptes archéologiques, la crypte de Notre-Dame de Paris, et plus
récemment la crypte du Louvre présentant les bases de la tour Philippe-Auguste).
L'aménagement d'un musée de site, lié à la présentation des vestiges, favorisera
la compréhension du contexte historique du lieu. Celui-ci, conjugué à des publica-
tions et à la présentation du site lui-même, offrira au public la possibilité d'une
lecture globale, un meilleur accès aux résultats de la fouille.
Problèmes philosophiques de « mise en valeur » du site
Doit-on présenter l'ensemble des structures découvertes en fouille (avec l'enchevê-
trement souvent complexe des différentes phases), ou bien doit-on effectuer des
choix, lesquels et comment ? Quelles destructions peuvent être acceptées ? Comment
et jusqu'où restaurer ? Peut-on restituer certaines parties pour permettre une
meilleur lecture des vestiges ? Questions délicates auxquelles chaque période apporte
sa propre réponse (Balut, 1982).
« La ruine est ce qui témoigne d'un temps humain, même si cela ne fait référence
qu'à une forme perdue » (Brandi, 1963). La ruine (ou le vestige) serait donc un
document se suffisant à lui-même, la ruine tirant uniquement valeur de son passé.
La ruine « réclame » donc dans l'absolu sa conservation (dès lors qu'on lui reconnaît
cette valeur historique) et seulement cela. La tendance générale actuelle y répond,
même si des appréciations diverses peuvent être portées quant au degré des
restitutions envisageables.
La complexité des structures sur un site est souvent telle qu'il est nécessaire
d'apporter les clefs de lecture au public. Un système « pédagogique » doit être mis
en place. Panneaux explicatifs, restitutions dessinées en plan et éventuellement
restitution volumétrique (dans la limite de ce qui est reconnu), présentation
d'audiovisuels avec essais de restitution des édifices « effacés », maquettes de
présentation restituant la vie de l'édifice, dégageront les différentes phases et
aideront le visiteur à comprendre le site.
La reconstitution sur le site est à bannir, dans la confusion qu'elle peut créer. Il
est en effet très rare que les restes soient suffisants pour permettre une restitution
qui ne relève pas de l'invention (même si l'on étudie des édifices contemporains
sans doute similaires, mieux conservés, mieux connus...). L'objet ainsi « construit »
représentera l'idée que l'on se fait aujourd'hui d'une architecture passée et de
l'époque qui l'a fait naître, ceci étant établi sans bases suffisantes liées au site
lui-même.
Restauration, restitution, reconstitution : la difficulté à définir clairement ces
termes est sans doute révélatrice d'un certain flou des interventions de restauration.
S'il est clair qu'avec le recul du temps, les spécialistes peuvent toujours distinguer
l'authenticité d'un élément, il n'en va pas de même pour le grand public. Il ne faut
donc pas tromper le visiteur en lui suggérant des formes qui ne restent qu'hypothèses.
Le restaurateur doit favoriser la lecture du site, agir dans le sens d'une « révélation »
de ce qui existe, et non pas être un nouvel intervenant dans l'histoire de l'édifice.
La reconstruction d'éléments disparus sera en ce sens une opération risquée, et
nécessitera une réflexion approfondie sur sa portée.
L'anastylose d'édifices en pierre taillée, par contre, si elle est menée avec ce même
souci de « révéler », relévera véritablement de la restauration : les éléments sont
encore présents, découverts en fouille, détachés de l'ensemble primitif. L'anastylose
s'attache à les recomposer à l'image (retrouvée par l'étude) de l'édifice (ou d'une
partie de celui-ci). On ne restaure (rétablit) que ce qui est encore visible (Mertens,
1986).
L'anastylose est sans doute la seule « recomposition » possible sur le lieu d'origine
d'un édifice « disparu ».
Le travail suit plusieurs phases. On procède dans un premier temps à une analyse, l'outil
graphique étant de première importance. Tous les éléments pouvant être recomposés doivent
être enregistrés, numérotés, dessinés sur un plan d'ensemble du site dans la position dans
laquelle ils ont été trouvés. Chaque bloc reçoit donc un numéro d'enregistrement, porté sur
le bloc lui-même et sur le dessin. Le travail de recomposition peut alors être entrepris : travail
de dessin à l'échelle (1/5 ou 1/10 en général) puis mise en place, rapprochement au sol des
blocs les uns avec les autres. Des photo-montages, des maquettes accompagneront souvent
très utilement cette recherche. Dans certain cas, lorsque l'assemblage est particulièrement
complexe, il pourra être utile de procéder à la confection d'une maquette sur le site (à l'échelle
1/1). Enfin, avant de procéder au remontage des blocs, il sera utile de vérifier la statique de
l'ensemble (tenue des fondations, résistance et état de conservation des blocs...).
Le travail d'anastylose fournit, par l'analyse qu'elle implique, des éléments à
l'histoire de la construction, de l'architecture. Sur la base de ces connaissances, on
pourra ensuite déterminer la mise en œuvre de la « reconstruction », et ses limites.

L a couverture et la protection des sites


Les systèmes de protection, mis en place pour protéger de façon définitive les
structures dégagées, peuvent être variables. De la simple toiture contre les
intempéries, à l'espace clos favorisant une humidité et une température plus stables,
ceux-ci détermineront les zones muséologiques aménagées sur le site.
Certaines architectures seront plus traditionnelles, plus lourdes (briques, pierres)
aménageant des transparences et des éclairages adaptés. Ils s'adapteront à l'organi-
sation générale du site.
Des couvertures, pouvant avoir des dimensions importantes, seront réalisées en
grandes structures tridimensionnelles. Véritables créations architecturales, elles
répondront à un certain nombre de contraintes :
— accès et visite du public avec l'aménagement d'un circuit (autour de la fouille,
ou bien système de passerelles au-dessus des zones concernées) ;
— éclairement adapté ;
— adaptation du volume à la présentation des structures ;
— sécurité.
Les volumes créés pourront dans un but didactique évoquer d'une façon ou
d'une autre l'architecture initiale, sans tomber dans la copie, l'imitation de
l'architecture primitive... par l'emploi de matériaux contemporains, afin d'évoquer,
suggérer, et non tromper par une affirmation.

Aménagement à l'intérieur d'un édifice


Lorsque des fouilles sont effectuées à l'intérieur d'un édifice existant, les
problèmes de « l'après » se posent. Quelle présentation et quelle utilisation de
l'édifice ? Toutes les solutions peuvent être envisagées, depuis la simple trappe
d'accès pour accéder aux structures anciennes sous le sol, libérant l'espace
pour un usage déterminé, jusqu'à une présentation des éléments dans le nouvel
aménagement.
D'une manière ou d'une autre, rendre compatibles préservation de l'ancien et
évolution du site, adaptation à un nouvel usage, et rendre lisible la continuité du
bâti, sont les tâches essentielles de l'architecte du projet.

Elément « isolé » à présenter


Il n'est pas toujours possible de conserver in situ un élément architectural que
l'on souhaite cependant préserver ; on peut alors envisager son déplacement. La
structure pourra, selon les cas, être légèrement déplacée sur le site, ou être placée
dans un autre environnement (qui devra avoir des caractéristiques proches de celles
de l'environnement d'origine), ou bien encore être placée dans un musée.
Opération longue £t difficile, faisant appel à des méthodes complexes et
sophistiquées, le déplacement peut être fait « en bloc » (dans le cas de petites
structures) (Schofield, 1986), ou bien peut nécessiter démontage et remontage (avec
tous les problèmes d'authenticité de l'œuvre remontée que pose cette opération).
Le déplacement « en bloc » d'une structure nécessite des techniques extrêmement
complexes et coûteuses. Ceci ne pourra être envisagé que pour des structures
particulièrement précieuses. On se souvient des travaux effectués sur le temple
d'Abou Simbel en Egypte. Les blocs énormes constituant l'édifice avaient alors
dûs être coupés, déplacés et remontés.
Dans d'autres cas, on pourra envisager un démontage et remontage, assise par
assise. Si la chose est plus aisée pour une structure bien appareillée et limitée (avec
numérotation des blocs), que pour une maçonnerie de blocage, comment garantir
l'authenticité de la structure remontée ? La maçonnerie sera différente : la
« nouvelle » structure sera à l'image de la structure d'origine, réemployant les
mêmes matériaux, mais ce ne sera plus la maçonnerie ancienne. Si cette méthode
est adoptée, elle devra donc être très justifiée.
« On doit être conscient que toute intervention représente une opinion et une
interprétation qui est toujours l'expression de son époque » (Mertens, 1986).
Ainsi toute intervention lourde et irréversible doit-elle être absolument nécessaire
et justifiée.

L'entretien du site

L'ensemble d'un site étant aménagé, on ne doit pas considérer que tout est
achevé. Le site doit être entretenu. La conservation n'est en effet jamais une
opération définitive ; elle freine la dégradation, mais ne supprime pas certains des
facteurs qui l'engendrent. Surveillance, nettoyage, nouvelles mesures de conserva-
tion sont ou seront nécessaires, plus particulièrement si les fouilles restent à ciel
ouvert.
Enfin, le site archéologique étant lié à l'environnement, il est important, non
seulement d'intervenir directement sur les éléments archéologiques à protéger, mais
également de contrôler les zones dont la modification engendrerait une rupture
dans l'équilibre du site (problèmes que peut occasionner un déboisement par
exemple, ou installations pouvant modifier l'équilibre du sous-sol, etc.).

P o u r conclure...

L'opération de fouille entraîne avec elle des problèmes de conservation, de


devenir du site : c'est donc bien en amont que doivent être posées ces questions.
Nous sommes habitués à ce que les équipes se succèdent, l'architecte intervenant
lorsque le travail de l'archéologue est achevé ; il apparaît qu'une collaboration, un
travail d'équipe, doivent être envisagés. Le travail de l'un et de l'autre doivent être
complémentaires. En effet, l'architecte, préparant la présentation et la restauration
du site dès que le travail des archéologues commence sur le terrain peut ainsi
vérifier par exemple la validité d'hypothèses de présentation formulées. L'architecte
peut d'autre part aider l'archéologue dans la résolution d'hypothèses techniques.
L'architecte participe ainsi à l'étude des murs de concert avec les archéologues, la
partie technique accompagnant la partie analytique. Les compétences de l'un
complètent celles de l'autre. Le choix du parti à prendre pour la présentation du
site au public peut ainsi faire l'objet d'un débat. (Doit-on privilégier une époque,
présenter toutes les phases monumentales ?) De même, le musée de site, présentation
sur le lieu même des objet provenant de la fouille, devra être le fruit d'un travail
où connaissances de l'un et de l'autre s'éclairent réciproquement. Ces musées
tendent à être développés aujourd'hui, offrant sur le lieu même un complément
utile à la compréhension du site.
Seule la connaissance très fine des données archéologiques par le restaurateur,
l'architecte, permettra une présentation « adaptée » de l'ensemble : une restauration
adaptée au site, et non des restaurations lourdes ne prenant pas suffisamment en
compte les structures. La présentation d'un site doit avoir un objectif, et transmettre
une synthèse de son passé connu, et non pas seulement une idée d'« ancien »,
d'« antique ».
Pour un devenir cohérent de ces éléments archéologiques présentés in situ, un
programme doit être mis en place qui unit publication, présentation et musée de
site. Ainsi pourra-t-on aboutir à une compréhension par le public des « archives
du sol ».

Rappels technologiques : L'ARCHITECTURE DE LA GAULE ROMAINE.


(Adam, 1984; Froidevaux, 1986)

Entre la fin de la conquête, en 51 av. J.-C., et la mort d'Auguste, en 14 de notre ère,


soixante cinq années ont suffi pour métamorphoser la morphologie des cités gauloises.
Dès la première moitié du premier siècle, du Sud au Nord de la Gaule romanisée, se
bâtissent des monuments insolites ou inouïs pour les générations précédentes : les
aqueducs, les thermes, les théâtres, les amphithéâtres, les temples, les horreas, les arcs
de triomphe, les basiliques, les ponts et les routes. (Il n'est guère que le sanctuaire
indigène, le fanum, que les romains laissent se perpétuer dans une habile démarche
conciliatrice.)
L'usage en nombre de la pierre de taille et, plus encore, celui de la maçonnerie
concrète, va contraindre à l'ouverture de nombreuses carrières, tant pour la production
de pierre à bâtir que pour la fabrication de la chaux et entraîner rapidement la formation
d'une main-d'œuvre apte à mener à bien ces tâches, les unes sommaires et planifiées, les
autres, comme l'exécution des modénatures et de tous les expédients du décor, réclamant
un long apprentissage et un excellent savoir-faire.
Les Gaulois surent rapidement monter les échafaudages indispensables et fabriquer
les cintres nécessaires à toute construction voutée. Enfin, même si la fabrication et
l'usage des terres cuites architecturales, tuiles, briques, tubuli de chauffage, leur étaient
entièrement nouveaux, ils purent s'adapter rapidement à leur fabrication techniquement
proche de celle des céramiques mobilières.
La typologie des parements de l'architecture de la Gaule romaine, n'atteindra, certes,
jamais la variété de celle en usage dans la péninsule, mais la plupart des assemblages y
seront cependant représentés. Le grand appareil, d'abord, toujours en assises horizontales,
s'efforce de reproduire les réalisations romaines et y parvient sans peine dans la Gaule
Narbonnaise où des écoles, puis une solide tradition de taille de la pierre s'installent
précocement. Dans les régions plus éloignées de l'influence méditerranéenne, les façades,
murs et ordres, se chargent volontiers d'un décor exubérant mais d'une facture rustique
(Porte Noire de Besançon, façade des thermes de Sens). Structurellement, pourtant,
cette architecture procède des mêmes méthodes de taille, de mise en œuvre et d'assemblage,
recourant aux scellement par crampons et goujons métalliques, en conformité avec les
techniques romaines.
En maçonnerie, le premier type de parement apposé sur le massif porteur de béton,
l'opus caementicum, est l'appareil de moellons en assises réglées ou opus vittatum, dont
les joints de mortiers sont généralement soulignés d'une incision destinée à les régulariser.
L'introduction de briques dans cet appareil, sous la forme d'arases horizontales
régulièrement espacées, constitue l'opus mixtum, vérifié dès le début du IIe siècle sur
l'ensemble du territoire mais peut-être d'apparition plus précoce en Narbonnaise et dans
la vallée du Rhône (photos 4, 5, 6 et 7).
La disposition originale des moellons, à parement carré, suivant des assises inclinées
à 45°, prend le nom d'opus reticulatum, ou appareil en filet. Très répandu en Italie
centro-méridionale, ce parement est rarissime en Gaule (Aqueduc de Gier à Lyon,
photo 8).
Plus rare encore, l'opus spicatum, ou épis, n'est guère représenté que par un monument
bien conservé, la « Mansio » ou relais routier, de Thézée ; c'est surtout une disposition
utilisée en fondations ou en remplissage et un assemblage traditionnel, lié à l'argile, des
régions à galets.
Enfin, si la brique constitue l'un des matériaux de l'opus mixtum, elle n'est, en Gaule,
que localement utilisée seule, et, plus particulièrement dans la région toulousaine.
La maison gauloise, édifice éminemment rustique, à pièce unique, sans autre
aménagement que des couchettes et un foyer sur un socle d'argile et de pierre, va bientôt
faire place, dans le nouveau tissu urbain, à une domus, bâtie, au moins en Gaule
méridionale, suivant le modèle romain (Glanum, Vaison-la-Romaine).
L'exploitation agricole, le fundus, comprend un ou plusieurs bâtiments, constituant
la villa rustica, dont la partie résidentielle, tout en possédant les mêmes éléments que la
domus, s'enrichit souvent d'un système de chauffage par le sol, l'hypocauste, destiné à
l'origine au seul balnéaire et désormais étendu à la plupart des pièces d'habitation du
rez-de-chaussée.
A l'inverse de la résidence urbaine difficile à discerner, la villa est bien connue par de
multiples trouvailles archéologiques demeurées isolées en milieu rural.
A l'intérieur de la domus comme de la villa, et selon la fortune du propriétaire, les
gallo-romains vont bénéficier également d'éléments de décor constituant autant d'apports
nouveaux tant techniques que plastiques. Sur les parois, qu'elles soient en maçonnerie
de moellons ou en argile, sont apposée des revêtements dissimulant totalement les
structures, consistant en enduits peints parfois enrichis de stucs en relief ou, dans les
balnéaires, de plaques de marbre que l'on pouvait assembler suivant une composition
polychrome. La présence de ces éléments de décor dans des édifices fort modestes donne
à penser que leur usage était à peu près généralisé.
Les parois verticales n'étaient pas seules à recevoir un décor, puisque les plafonds et
les voûtes bénéficiaient du même traitement et que les sols, constitués dans les pièces
d'habitation, d'un opus signinum, c'est-à-dire un robuste mortier, étaient revêtus de
surcroît de mosaïques ou d'un opus sectile.
PHOTO 4. — Le grand monument connu sous l'appellation de Mansio (relais routier), de
Thézée (Loir-et-Cher), particulièrement bien conservé en élévation, témoigne de l'excellence
de sa maçonnerie, parementée en opus mixtum avec des insertions d'opus spicatum. En dépit
de la qualité de son mortier de liaison, cet ensemble nécessite une grande vigilance en raison
de l'envahissement périodique du lierre et de la vulnérabilité des faîtes de murs et des sections
de brèches (J.-P. A.).

PHOTO 5. — Les ouvrages aériens des aqueducs sont parmi les réalisations monumentales
romaines les plus spectaculaires en raison de leur ampleur, fonction de l'importance de
l'obstacle à franchir — ici l'aqueduc de Metz au franchissement de la vallée de la Moselle à
Jouy-aux-Arches — et de leur isolement dans un paysage naturel éloigné des masses de
l'environnement urbain. Bien que le parement de l'ouvrage en opus vittatum ait été
partiellement restauré autour des arcs, il est aisé de voir que c'est le bas des piles, occupé
jusqu'au xxl siècle par un village, qui a subi le plus de dégradations. (J.-P. A.).
PHOTO 6. — Fondations et base d'un mur parementé en opus vittatum du théâtre d'Argento-
magus (Saint Marcel, Indre). Les moellons de fondation sont sommairement disposés en
hérisson, afin de favoriser l'écoulement de l'eau d'infiltration et de s'opposer aux remontées
capillaires. La première assise réglée indique le niveau visible ; on remarque que les joints et
les lignes d'assises sont soulignées par un sillon marqué dans le mortier frais à l'aide d'un
outil étroit, dans le but de régulariser l'aspect du parement (J.-P. A.).

PHOTO 7. — Parement en opus mixtum des


thermes de Cluny édifiés au début du III'
siècle. On voit dans la brèche que le massif
porteur ne poursuit pas la régularité du
parement, c'est un véritable béton, ou opus
caementicium, de moellons « tout-venant »
et de mortier de chaux ; seules les arases de
briques traversent toute l'épaisseur du mur
en assurant un chaînage horizontal entre les
parements et le massif (J.-P. A.).
PHOTO 8. L appareil réticulé, ou opus reticulatum, n'est guère représenté que sur le
parement de l aqueduc du Gier à Lyon. La chute ponctuelle du parement visible ici illustre
le problème général des lacunes dans les parements antiques. Doit-on reprendre ces lacunes
et comment ? (J.-P. A.).
CHAPITRE X

La conservation
à long terme des objets
archéologiques
D e n i s GUILLEMARD

T â c h e i n g r a t e q u e de p a r l e r q u a n d l'essentiel a été dit. E n a r c h é o l o g i e l'essentiel


reste la fouille : c'est l'acte c o n s t i t u t i f d u fait a r c h é o l o g i q u e . M a i s ap r ès le t r a i t e m e n t ,
l ' é t u d e et la d o c u m e n t a t i o n , l'objet cesse d ' ê t r e le centre d'intérêt. Il a fourni, p o u r
u n t e m p s , t o u t e s les i n f o r m a t i o n s c o n v o i t é e s et il r e t o m b e d o u c e m e n t d a n s u n e
p é r i o d e de latence. C o m m e son é t a t p h y s i q u e n'est plus p r é o c c u p a n t , sa d e s t r u c t i o n
éventuelle n ' a g i t e plus les consciences.
O n p e u t c o n s i d é r e r dès lors qu'il r e t o u r n e à son é t a t p r e m i e r d ' e n f o u i s s e m e n t .
T o u t c o m m e il a été tenté u n e « a r c h é o l o g i e des poubelles », o n p o u r r a i t très bien
i m a g i n e r u n e a r c h é o l o g i e des d é p ô t s de fouille o ù l'on t e n t e r a i t de r e t r o u v e r la
n a t u r e d ' u n e archéologie d i s p a r u e à p a r t i r de ce qui n ' a p a s d i s p a r u de ses d é p ô t s
(du d é p ô t a u d é p o t o i r ) , ( R a t h j e , 1980, p. 251).
L ' a v e n i r de ces objets p e u t c e p e n d a n t être considéré de f a ç o n m o i n s m é l a n c o l i q u e .
Il est possible de c o n c e v o i r leur survie à long t e r m e p a r des m o y e n s simples et
a d a p t é s , en f o n c t i o n de leur n a t u r e et des lieux de c o n s e r v a t i o n . Ce n'est pas u n e
p r o p o s i t i o n e x t r a v a g a n t e et elle p e u t se réaliser avec t o u t e s sortes de m o y e n s , des plus
s o p h i s t i q u é s a u x plus m o d e s t e s , il suffit de suivre q u e l q u e s principes é l é m e n t a i r e s et
des règles de b o n sens.
L a q u e s t i o n des objets a r c h é o l o g i q u e s a p r è s la fouille pose u n d o u b l e p r o b l è m e :
la q u a n t i t é c o n s i d é r a b l e des d o c u m e n t s à c o n s e r v e r et la justification scientifique
d u c o û t de leur m a i n t e n a n c e . Quelle destinée offrir, c o m m e alternative à u n e
d e s t r u c t i o n plus o u m o i n s r a p i d e d a n s des d é p ô t s insalubres, à des d o c u m e n t s dès
lors qu'ils ne p r é s e n t e n t plus d ' i n t é r ê t p o u r les a r c h é o l o g u e s ?
Les r a i s o n s de c o n s e r v e r des objets a r c h é o l o g i q u e s p e u v e n t être assez diverses :
c o n s t i t u t i o n de collections de référence t o u c h a n t les technologies et les m a t é r i a u x ,
d o c u m e n t s p é d a g o g i q u e s p o u r la f o r m a t i o n des a r c h é o l o g u e s et des r e s t a u r a t e u r s ,
réserves p o u r des expositions, d o c u m e n t a t i o n p o u r les publications, etc.
C e p e n d a n t p o u r en a r r i v e r à ce stade, il faut intégrer la c o n s e r v a t i o n dès la
discussion d u p r o j e t de fouille et p r é v o i r les m o y e n s financiers et t e c h n i q u e s bien
avant l'exhumation des premiers objets. Généralement l'accent est plus volontiers
mis sur la « conservation curative » qui traite des effets de la dégradation, mais il
faut se préoccuper aussi de la « conservation préventive » qui se traduit par une
maintenance active des objets dans un environnement propice (Price, 1984).
L'espace de ce chapitre ne nous permettra pas d'étudier en profondeur toutes
ces questions et nous resterons pour un grand nombre d'entre elles, trop souvent
à la frange des problèmes. Mais notre but sera atteint, si à partir de ces pages le besoin
de réunir les moyens de la conservation préventive s'imposait aux responsables et
aux utilisateurs des objets de fouille. Nous aimerions qu'un intérêt nouveau soit
porté à ces documents archéologiques souvent abandonnés dans des caves trop
humides ou des greniers trop secs et que naisse à partir de cette prise de conscience,
une nouvelle catégorie d'objets que nous pourrions appeler, en contre point des
objets de fouille, les « objets de post-fouille ».

LES MODALITÉS DE LA CONSERVATION

Recréer un environnement stabilisé

Si l'objet pendant son enfouissement a pu trouver un certain équilibre avec son


milieu, après la fouille c'est le milieu qui doit être équilibré pour préserver l'objet
des agents de dégradation et ceci le plus tôt possible, dans les heures voire les
minutes qui suivent l'exhumation.
Une chaîne continue se constitue ainsi du chantier de fouille au dépôt où un
environnement stable, en accord avec la nature des matériaux, est créé. Avoir une
attitude conservatoire dès le chantier est indispensable et de simples sacs de
polyéthylène suffisent souvent à assurer un conditionnement provisoire jusqu'au
laboratoire ou la salle d'enregistrement (cf. supra chapitre II). Des boites rigides
de plexiglas ou de polyéthylène peuvent également être utilisées pour protéger les
objets fragiles et l'empaquetage à la sortie du sol est un maillon important de cette
chaîne (Meyer, 1987 ; Pye, 1984) et pour certains objets la condition de leur survie
(matériaux gorgés d'eau, objets des fouilles subaquatiques, objets contenant des
sels solubles...) (Keene, 1977 ; Ravindra, 1981).

Les facteurs de la dégradation


Extraire un objet du sol, c'est le faire passer brutalement d'un régime de
destruction lente (quand il y a eu équilibre avec ce milieu) à un régime de destruction
rapide. La sensibilité de l'objet à son nouvel environnement dépendra en partie de
la nature du milieu d'enfouissement et de la façon qu'il a eu avec plus ou moins
de bonheur de composer avec les paramètres du sol. L'archéologue en l'exhumant
hérite de toute l'histoire matérielle de l'objet : de son histoire avant l'enfouissement,
de son histoire pendant son passage dans le sol et enfin de l'histoire qu'il est en
train de vivre dans son nouvel élément, celui de la post-fouille et qui commence
dès la seconde du contact avec l'atmosphère.
Les facteurs de l'altération de ce milieu seront représentés par le climat,
c'est-à-dire le couple température/humidité, par la lumière, par la pollution
atmosphérique (poussière et gaz), par les insectes et les micro-organismes (moisissu-
res, bactéries) et enfin le dernier, mais non le moindre, par l'action de l'homme.
Les objets ayant reçu un traitement
Les agents de l'altération qui détruisent la matière constitutive des objets, ne
vont pas épargner les produits qui servent à leur conservation.
Il n'existe pas de matières naturelles ou synthétiques qui ne se dégradent pas
avec le temps (Masschelein-Kleiner, 1985 ; de Witte, 1985). Mais les processus de
vieillissement agiront plus ou moins rapidement selon les conditions du milieu et
la résistance du produit considéré. Un objet archéologique ayant reçu un traitement
de conservation devra autant qu'un autre être placé dans un milieu contrôlé.
Une tendance assez répandue consiste à penser que l'on peut se passer d'une
conservation rigoureuse dès lors que l'on dispose d'un bon restaurateur. C'est une
idée doublement fausse :
— fausse du point de vue du coût d'une intervention « réparatrice » par rapport
à la conservation. Si les investissements dans les moyens nécessaires à la conservation
préventive sont au départ importants, leur maintenance est bien moins coûteuse
que les sommes qu'il faut engager en permanence pour la restauration ;
— fausse surtout parce que tout acte de restauration est un risque pour l'objet,
« chaque intervention entraîne un danger, un dommage même si la main du
restaurateur est la plus douce possible » (Torraca, 1985). Enfin il ne faut jamais
perdre de vue ce truisme : la dégradation est irréversible et l'on ne peut jamais
revenir à l'état antérieur.
Les altérations peuvent toucher simplement l'aspect de la résine ou plus
dangereusement les propriétés mécaniques des produits qui deviennent cassants et
rigides en s'oxydant ; de façon insidieuse certaines résines naturelles ou synthétiques
deviennent insolubles si elles sont soumises à des irradiations très énergétiques
comme les ultraviolets ; enfin en se dégradant elles risquent d'émettre des vapeurs
nocives pour les objets.
A titre d'exemple et pour bien montrer l'importance de l'environnement dans la
longévité des produits de conservation, une résine comme le paraloïd B72 peut être
efficace jusqu'à 100 ans dans des conditions contrôlées. La même molécule placée
dans un environnement non contrôlé aura une espérance de vie de 10 ans et si on
place cette substance à l'extérieur sa durée de vie ne sera plus que de 5 ans (Feller,
1978).

Les paramètres à maîtriser

Le climat
Le climat sera la partie fondamentale de ce chapitre. Au sens strict le climat est
« la série des états de l'atmosphère au-dessus d'un lieu dans leur succession
habituelle» (Durand-Daste, 1985). Cette définition climatologique, qui a pour
échelle spatiale une très grande étendue, sera pour nous réduite à l'étude micro-
atmosphérique d'un local, d'une armoire, voire d'une vitrine ou d'une boîte. Nous
nous rapprocherons de ce que l'on appelle en climatologie les microclimats, qui
dépendent étroitement de caractères très limités et d'une topographie précise.
Enfin dans l'analyse des éléments du climat nous considérerons de façon
privilégiée l'humidité au détriment de la température. Cette dernière ne nous
préoccupera que par son influence sur l'humidité. La raison en est que dans un
local fermé, les amplitudes des variations thermiques sont restreintes : elles excèdent
rarement 5" et 30 °C. Peu de biens culturels sont sensibles à ces valeurs extrêmes.
Par contre la moyenne de l'humidité peut varier dans des proportions beaucoup

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
plus importantes et la majorité des objets archéologiques y est sensible. C'est aussi
le facteur dégradant le plus actif et selon la nature des objets il se manifeste sous
divers modes : par un excès de vapeur d'eau et une action hydratante et corrosive,
par un déficit de vapeur d'eau et une action desséchante et enfin en faisant alterner
les deux modes précédents par une succession plus ou moins rapide d'actions
hydratantes et desséchantes qui produit un effet mécanique sur la matière (Macleod,
1975).
De la vapeur d'eau est présente en permanence dans l'atmosphère. Pour créer
les conditions nécessaires à la sauvegarde des objets archéologiques nous devrons
en apprécier, de façon la plus exacte possible, la teneur.
Un volume d'air donné, à une température donnée, contient une certaine quantité
de vapeur d'eau : c'est l'humidité absolue. Cette quantité de vapeur d'eau ne peut
augmenter au-delà d'une certaine limite : ce seuil maximum de l'humidité absolue
est appelé quantité saturante ou limite de saturation. Plus l'air est chaud, plus il
pourra contenir d'humidité : à 10 °C un mètre cube d'air accepte 10 grammes de
vapeur d'eau maximum et à 20 °C il en accepte 18 grammes. A ces valeurs l'air est
saturé, c'est-à-dire qu'il ne peut plus accueillir une quantité d'eau supplémentaire
sous forme vapeur.
Supposons maintenant que la température du mètre cube d'air saturé à
18 grammes et 20 °C descende brusquement de 10 °C. L'air ainsi refroidi ne peut
plus contenir autant d'humidité, le seuil de saturation est en effet dépassé à cette
température pour ce volume ; il y a alors un excédent de 8 grammes de vapeur
d'eau qui va se manifester par l'apparition de gouttelettes (buée ou rosée) ; c'est le
phénomène de la condensation (passage d'un corps de la phase gazeuse à la phase
liquide). Plus l'air se refroidira et plus de vapeur d'eau condensée apparaîtra.
Dans la réalité l'humidité absolue ne correspond pas toujours à la limite de saturation :
s'il y a 10 grammes d'eau en suspension dans un mètre cube d'air à 30 °C, à 20 °C ce volume
en contiendra toujours 10 grammes et il ne commencera à être saturé qu'à IO°C; la
condensation apparaîtra en dessous de cette valeur de 10°. Par exemple à 5 °e ce volume ne
contiendra plus que 7 grammes d'eau sous forme gazeuse et 3 grammes d'eau sous forme
liquide, condensée sur les parois ou les objets.
Il y a donc une relation évidente entre la quantité d'eau contenue dans l'air,
c'est-à-dire l'humidité absolue (HA) et la température : cette relation s'appelle
l'humidité relative (HR), elle se définit comme étant « la mesure de la saturation
d'humidité de l'air en pourcentage » (Thomson, 1986, p. 86) et répond à la formule
suivante :

soit :

Un volume de 1 mètre cube à 50 % d'HR, à n'importe quelle température,


contient la moitié d'humidité qu'il peut contenir au total. Il ressort que, à une
température élevée, l'air contenant 10 grammes de vapeur d'eau aura un effet
desséchant, alors que le même volume à une température très basse sera proche de
la saturation. On peut en conclure cette règle que, dans un volume fermé et étanche :
— si la température augmente l'humidité relative diminue ;
— si la température diminue l'humidité relative augmente.
Ces variations de l'HR peuvent s'opérer rapidement dans une journée et ces
alternances de sécheresse et d'humidité vont agir sur les matières hygroscopiques,
tout comme la sécheresse ou la forte humidité.
Il faut pouvoir être en mesure d'agir sur l'air qui est en contact avec les objets :
à toute augmentation de la température, pouvoir ajouter de la vapeur d'eau et à
toute baisse de température en enlever. Mais ce qui importe c'est bien de maîtriser
l'Humidité Relative plus que la température (Guichen, 1984a).

M e s u r e des conditions climatiques


Pour connaître la situation hygrométrique d'un volume, quel qu'il soit, il est
nécessaire d'effectuer des mesures. Pour être exploitable la mesure sera continue
sur plusieurs mois et les résultats enregistrés pour être comparés. Les appareils
prévus pour ce travail se nomment des hygrographes ou des thermohygrographes :
les premiers enregistrent uniquement l'HR alors que les seconds enregistrent
simultanément la température et l'HR. On peut de cette façon connaître immédiate-
ment l'incidence de l'une sur les fluctuations de l'autre.
Ces appareils sont munis d'un tambour portant une feuille sur laquelle figure
les échelles de température et d'humidité. Un système d'horlogerie, situé dans le
tambour ou dans le socle le portant, entraîne le tambour dans une rotation
journalière, hebdomadaire ou mensuelle selon les appareils.
La partie sensible à l'humidité est constituée de fibres qui se contractent quand l'HR
diminue et inversement se relâchent quand elle augmente, mettant en mouvement une pointe
encreuse placée sur le bras relié aux leviers de transmission entre les fibres et ie tambour. La
température est captée par des pièces métalliques qui réagissent en transmettant au tambour
les indications par le même procédé. Des molettes de réglage sont placées sur les parties
sensitives pour en permettre le calibrage.
La précision d'un thermohygrographe est de + / — 2 % et son étalonnage doit
être mensuel (fig. 1).
Des appareils plus petits permettent également de mesurer l'humidité relative :
ce sont les hygromètres à cheveux. Ils fonctionnent sur le même principe que
l'hygrographe en utilisant la faculté des cheveux de s'allonger ou de se rétracter
avec les variations de l'hygrométrie. Une aiguille en relation avec les cheveux
indique sur un cadran le taux d'humidité ambiante (photo 1).

FIG. 1. — Principe de fonctionnement du thermohygrographe: (1) tambour, (2) fibres


sensibles à l'humidité, (3) plaques métalliques sensibles à la température, (4) leviers de
transmission, (5) fléaux portant les pointes encreuses, (6) molette de réglage.
PHOTO 1. — Hygromètres à cheveux et bande
à indicateur coloré d'humidité.

La précision de ces appareils est de +/— 5 %, donc moins bonne que celle des
hygrographes. Ils se déréglent plus vite, l'étalonnage devant se faire à peu près
deux fois par mois. Lors de l'achat de ces appareils il faut être bien attentif à
choisir ceux qui possèdent une molette ou une vis de réglage facilement accessible
dans le corps du dispositif.
Pour réaliser l'étalonnage de l'hygrographe et de l'hygromètre l'on doit recourir
à un autre appareil : le psychromètre. Celui-ci va indiquer une valeur toujours
exacte de l'HR. Le principe de fonctionnement en est simple et repose sur la chaleur
latente d'évaporation d'un liquide : lors du changement de phase liquide/vapeur, la
vaporisation s'accompagne toujours d'une consommation de chaleur. Cette chaleur
va être empruntée au milieu environnant, à l'air ou au corps en contact avec le
liquide, cela se traduit par un refroidissement.
C'est la sensation de fraîcheur ou de froid ressentie sur la peu mouillée, quelle que soit la
température ambiante ; c'est aussi ce qui est exploité depuis l'antiquité dans les pays chauds
pour obtenir, grâce à un vase poreux, de l'eau fraîche.
Ici l'appareil est constitué de deux thermomètres mis en parallèles (photo 2).
L'un d'eux sert à mesurer la température ambiante : il est dit à « bulbe sec » (Tbs) ;
le second, doté d'une gaze que l'on humidifie avec de l'eau distillée au moment de
la mesure, indique la baisse de la température provoquée par l'évaporation de
l'eau : c'est le « bulbe humide » (Tbh). Pour qu'une certaine quantité d'eau à l'état
liquide s'évapore (change de phase), il lui faudra une certaine quantité de chaleur.
Plus l'air autour du liquide sera sec, plus grande sera l'évaporation et donc plus
importante sera la consommation d'énergie nécessaire au départ de l'eau. La baisse
de température au Tbh n'en sera que plus importante et toujours proportionnelle

PHOTO 2. — Psychromètre.
à la température et à la quantité de vapeur d'eau de l'air. Plus l'écart entre le Tbs
et le Tbh sera important et plus l'humidité relative sera basse ; inversement moins
l'écart sera grand et plus l'air sera proche de la saturation.
Pour obtenir une lecture rapide du Tbh on accélère l'évaporation soit en tournant le
psychromètre à bout de bras (psychromètre à moulinet), soit en agitant l'air autour du bulbe
par un procédé mécanique ou électrique (psychromètre à ventilation).
La lecture de l'humidité relative n'est pas directe, mais l'on doit se servir de
tables de conversion dites tables psychrométriques ou encore de réglettes coulissantes
qui, mettant en relation les mesures du Tbs et du Tbh, donneront la valeur
correspondante de l'HR.
La lecture des valeurs des deux thermomètres doit se faire rapidement, sans
maintenir l'appareil trop près du corps pour ne pas influencer les températures :
plus la température autour du bulbe humide est élevée, plus la chaleur latente
d'évaporation diminuera. En fait la température indiquée par le bulbe humide peut
être très légèrement supérieure à celle de l'air ambiant si l'eau incorporée au
manchon de coton est plus chaude que la température ambiante (la pipette qui
contient l'eau distillée doit être à la température de la pièce). Il y a également des
modifications susceptibles d'être apportées par la mousseline de coton (son
épaisseur, sa propreté) et par la plus ou moins grande pureté de l'eau. Compte
tenu de ces éléments et de l'approximation de lecture des thermomètres, la précision
sera de + / - 2 %.
Une autre catégorie d'appareils est à signaler : ce sont les instruments électroniques à
lecture directe. Mais comme les hygromètres ces instruments doivent être calibrés et ne
peuvent en aucun cas être utilisés pour étalonner les autres appareils.
Pour un fonctionnement correct des instruments, un calibrage régulier doit être
respecté. Sa fréquence dépend des conditions climatiques. De fortes variations
nécessiteront un étalonnage mensuel et plus les conditions seront stables, plus la
fréquence se relâchera pour atteindre un calibrage trimestriel. Les hygromètres se
déréglant plus rapidement, ils devront être étalonnés plus souvent, tous les quinze
jours ou tous les mois selon les conditions atmosphériques.
On doit enfin parler d'un autre procédé de mesure de l'HR qui a tendance à se
généraliser : la carte à indicateur d'humidité. C'est une bande de carton sur laquelle
sont disposées, à distance régulière, des marques imprégnées de chlorure de cobalt.
Le passage d'une marque à l'autre correspond à une progression de l'humidité
relative de 10 % en 10 %. La couleur des marques vire avec le degré hygrométrique ;
elle passe du rose clair au bleu foncé, la lecture de l'HR se faisant au point de
changement entre le rose et le bleu dans la zone intermédiaire des deux couleurs
(photo 1 et fig. 2).

FIG. 2. — Bandelette à indicateur coloré d'humidité.


La précision de ces bandes à indicateurs est de +/— 5 %. Elles ont l'avantage
d'être de petit format et de présenter un prix très avantageux par rapport aux
autres systèmes.
La lumière

Dans le domaine des objets archéologiques la lumière n'est pas un facteur


prédominant de l'altération. Nous nous situons d'une part dans le cas d'une
conservation en dépôts archéologiques ou en réserves muséales, lieux qui excluent
un éclairage permanent. D'autre part la lumière est particulièrement nocive pour
des catégories de matériaux (papier, textile, peinture) qui ne sont pas communément
représentées, pour ne pas dire inexistantes, en archéologie.
Toute la lumière est nocive, mais ce qu'il faut bien retenir c'est que ses effets
sont continus d'une longueur d'onde à l'autre (Feller, 1964) et que cette action est
« cumulative », c'est-à-dire proportionnelle au temps d'exposition : une exposition
de 10 heures à une certaine intensité lumineuse sera égale à 1 heure d'exposition à
une intensité dix fois plus forte .
Les rayonnements les plus courts, représentés par l'ultraviolet, sont les plus
dangereux. Une résine susceptible d'être dégradée par un rayonnement de 600 nm
(lumière visible) le sera encore plus sûrement si elle est soumise à un rayonnement
plus dur. A 400 nm, l'action de la lumière sera 100 fois plus rapide ; plus on
soumettra cette résine à un rayonnement énergétique, plus la réaction sera rapide :
à 280 nm (rayonnement ultra-violet de la lumière du jour) la liaison chimique va
se rompre 10 000 fois plus vite (de Witte, 1985).

TABLEAU 1. Le spectre lumineux

Le processus de dégradation une fois amorcé se poursuivra et les réactions


continueront, même en l'absence de lumière. Une fois la molécule activée, le pôle
réactif se combine à de l'oxygène et dans cette situation une forte humidité est un
facteur aggravant. Une série de réactions s'engage, les centres réactifs se multiplient
et gagnent des chaînes moléculaires saines.
Deux types de conséquences peuvent alors se présenter : soit l'oxydation entraîne une
rupture des chaînes et un raccourcissement des molécules, le matériau peut alors changer de
couleur et s'affaiblir mécaniquement ; soit apparaissent des liaisons transversales qui entraînent
des phénomènes d'insolubilisation et rendent le produit de plus en plus rigide. S'il devient
incapable d'accompagner les mouvements de l'objet avec lequel il est en contact, des tensions
se créent, provoquant fentes, fissures ou cassures (Torraca, 1985).
Il f a u t être a t t e n t i f à u n a u t r e p h é n o m è n e , lié a u x infrarouges émis p a r certaines
sources lumineuses, qui est l'élévation de t e m p é r a t u r e a u t o u r d ' u n objet. Les résines
s y n t h é t i q u e s t h e r m o p l a s t i q u e s o n t u n e c a r a c t é r i s t i q u e p r o p r e : la t e m p é r a t u r e de
transition vitreuse ( T g ) . C ' e s t u n e limite de t e m p é r a t u r e a u - d e s s o u s de laquelle u n
c o r p s est d a n s u n é t a t solide et a u - d e s s u s de laquelle il se c o m p o r t e c o m m e u n
liquide très v i s q u e u x (cf. A i d e m é m o i r e n° 5).
Ainsi des collages exécutés avec u n e colle d o n t la T g sera s u p é r i e u r e à la
t e m p é r a t u r e a m b i a n t e ne r i s q u e r o n t rien t a n t q u e cette t e m p é r a t u r e restera d a n s
cette limite, m a i s il suffira q u ' u n s p o t soit t r o p p r o c h e de la pièce collée p o u r voir
les collages se r o m p r e , d u fait de l'élévation locale de la t e m p é r a t u r e .
U n e a u t r e c o n s é q u e n c e de la c h a l e u r est l'accélération des r é a c t i o n s c h i m i q u e s :
u n e a u g m e n t a t i o n de t e m p é r a t u r e de 10 °C p e u t faire d o u b l e r la vitesse d ' u n e
r é a c t i o n c h i m i q u e . L a c h a l e u r favorise l'ensemble des p r o c e s s u s c h i m i q u e s d ' a l t é r a -
tion.

M e s u r e de la lumière

Il est d o n c nécessaire de c o n t r ô l e r la lumière reçue p a r les objets. P o u r cela, il


f a u t d ' a b o r d p o u v o i r la m e s u r e r . D e s a p p a r e i l s s o n t utilisés et p r o d u i s e n t d e u x
types de d o n n é e s : la m e s u r e de l'éclairement et la m e s u r e d u r a y o n n e m e n t
ultra-violet.
L a m e s u r e de l ' é c l a i r e m e n t e x p r i m é en lux, se fera à l'aide d ' u n l u x m è t r e
( p h o t o 3). Il d o n n e r a la q u a n t i t é de lumière reçue p a r u n o b j e t et ne f o u r n i r a d o n c
a u c u n e i n d i c a t i o n sur les r a y o n n e m e n t s invisibles. P o u r q u e le l u x m è t r e soit
facilement utilisable, la cellule p h o t o s e n s i b l e d o i t être r a c c o r d é e p a r u n fil
p r o l o n g a t e u r o u se p r é s e n t e r sur la face de l'appareil. L a m e s u r e d o i t se faire s u r
la surface m ê m e de l'objet p o u r qu'elle soit bien r e p r é s e n t a t i v e de la lumière reçue.

PHOTO 3. — Luxmètre.
L'ultraviolet sera mesuré par un ultraviomètre. Le prix onéreux de ces appareils
(de surcroît difficile à se procurer) entrave leur usage. Ils indiquent la quantité
d'énergie ultraviolette contenue dans une certaine quantité de lumière visible : elle
s'exprime en microwatt par lumen.
Il n'y a pas d'appareil pour la mesure de l'infrarouge. Puisque l'effet de ce
rayonnement est un échauffement, il suffit de mesurer la température à la surface
des objets et d'être particulièrement vigilant pour les objets sombres susceptibles
d'absorber plus de chaleur.
La protection contre la lumière et les rayonnements nocifs consiste à réduire
l'infrarouge, éliminer les ultraviolets, réduire l'éclairement et le temps d'éclairage.
On doit avant tout distinguer deux situations. Dans le dépôt où sont stockés les
objets, aucune lumière du jour ne doit être autorisée et la lumière artificielle allumée
que le temps nécessaire. Dans la salle d'exposition éclairée pendant le temps
d'ouverture au public, on évitera un éclairage direct par la lumière naturelle ; la
lumière artificielle sera contrôlée et les éclairages calculés pour ne pas dépasser les
nombres de lux recommandés.
Dans tous les cas les ultraviolets seront éliminés soit en optant pour une source
lumineuse sans UV soit en sélectionnant des lampes présentant une émission d'UV
minimum. Dans les sources d'éclairage artificiel ce sont les lampes à incandescence
qui émettent le moins d'UV mais en revanche elles produisent beaucoup d'IR. Les
lampes à fluorescence émettent beaucoup d'UV, bien qu'il existe maintenant des
tubes à fluorescence traités pour les éliminer, mais elles ne produisent pas de
chaleur.
Les UV pourront être éliminés en interposant entre la source et l'objet un film
absorbant sous forme de vernis, de plastique souple ou rigide ou de verre traité.
Les IR seront réduits en traitant la lumière naturelle par des films réflecteurs
sur les fenêtres, en éloignant la source de l'objet et en évitant les lampes à
incandescence.

L a pollution atmosphérique
On ne peut être complet, quand on aborde la conservation préventive, si on ne
parle pas de la pollution atmosphérique.
Moins dramatique dans ses effets sur les objets archéologiques que sur d'autres
catégories de biens culturels, la pollution n'en reste pas moins un facteur de
dégradation à ne pas négliger, surtout en ce qui concerne les métaux. Elle est
omniprésente en milieu urbain et touche même les campagnes les plus reculées. La
pollution peut se présenter sous la forme de particules en suspension dans l'air
(suies, fumées, poussières) ou sous la forme de gaz (anhydride sulfureux, oxyde et
di-oxyde de carbone, chlore, ozone...).
La taille des particules est conventionnellement mesurée en microns. Un micron
(|xm) est égal à un millionième de mètre. La nature des particules est variée :
pollens, cellules mortes, pigments de peinture, poussière de ciment, grains de silice,
spores de champignons, suies, e t c . .
Les particules les plus petites sont celles qui pénètrent dans les bâtiments, leur
taille varie de 2 à 0,01 |am, les plus grosses particules restant à proximité des sources
de pollution. Une telle diversité pose de très gros problèmes de purification de
l'air.
La pollution est un agent actif de la dégradation chimique et biologique, en
créant au contact des objets un milieu acide et en favorisant la prolifération des
micro-organismes. Cette action sera fortement amplifiée par un milieu humide.
Dans la pollution gazeuse les gaz les plus dangereux pour les collections
archéologiques sont l'hydrogène sulfuré et l'anhydride sulfureux susceptibles de se
transformer au contact de l'humidité en acide sulfurique dont l'action corrosive
est particulièrement destructrice. Le gaz carbonique est un autre gaz actif de la
pollution et donnera de l'acide carbonique. Les bords de mer sont touchés par les
vents ou les brouillards salins. Les particules de chlorure de sodium ainsi
transportées dans l'air agissent comme de puissants réactifs chimiques sur certains
métaux comme le cuivre et ses alliages. Hygroscopiques, ces particules peuvent
aussi favoriser la prolifération des micro-organismes en entretenant localement un
taux d'humidité élevé.
Toutes les pollutions devraient être filtrées à l'aide d'appareils susceptibles de
bloquer à la fois les particules de poussière et les gaz. La mise en place dans un
bâtiment ancien d'un tel appareillage peut soulever de nombreuses difficultés que
seul un spécialiste sera en mesure de résoudre. Mais en l'absence de telles
installations, un nettoyage périodique et fréquent à l'aspirateur, l'étanchéité des
locaux et des unités de stockage amèneront une amélioration notable. Des normes
existent concernant le niveau de filtrage (Lafontaine, 1981), mais dans les petits
volumes une protection efficace peut consister à placer des matériaux chargés de
charbon actif pouvant absorber une partie des gaz incriminés. L'étanchéité sera
toujours un bon moyen de protéger les collections, en liaison avec un contrôle
strict de l'HR.
Les épurateurs d'air électrostatiques ou ioniseurs ne peuvent être utilisés car ils
produisent de l'ozone, nocif pour les matières organiques (particulièrement la
cellulose) et pour certains métaux (argent, fer et cuivre).

Les normes

La nécessité d'établir des normes s'imposa dès que l'on constata l'extrême
précarité, une fois retournées dans l'atmosphère, d'œuvres parfaitement conservées
pendant des millénaires de confinement dans des tombeaux où l'air était stable et
sain (Coremans, 1969b). Ainsi voulut-on se rapprocher dans les musées de ces
conditions de conservation si favorables aux objets et dont certains monuments
funéraires ou grottes donnaient l'exemple. La nécessité de contrôler les paramètres
de l'environnement est maintenant très largement admise.

L a question des normes, les normes en question


Des progrès notables ont été accomplis ces dernières décennies dans la connais-
sance des processus de dégradation et l'on maîtrise de façon toujours plus sûre les
moyens techniques de conditionnement. Mais paradoxalement, en regard de ces
progrès, la définition des normes climatiques applicables aux musées n'a jamais
bénéficié d'un programme de recherche de la même ampleur (Antomarchi, 1987).
En outre les connaissances théoriques que nous avons sur le comportement des
matériaux proviennent de secteurs très éloignés de notre propre sphère d'activité ;
elles sont issues souvent de l'industrie ou du domaine militaire et s'appliquent à
des objets manufacturés neufs.
Si bien que le choix de telle ou telle norme sera dans la pratique un compromis
entre la nature particulière des objets à conserver, un budget, des locaux et une
météorologie locale.
Les objets archéologiques constituent, du point de vue des normes, une catégorie
bien particulière. Les conditions de conservation vont dépendre de l'état d'altération
de l'objet (comme la contamination par des sels solubles) et des traitements subis
qui peuvent modifier radicalement les propriétés initiales.
La question du budget renvoit à la volonté des responsables des fouilles d'intégrer
un projet de conservation dès les premières études prévisionnelles. La conservation
préventive nécessite des moyens qu'il est indispensable d'acquérir très tôt dans le
programme des chantiers archéologiques, si l'on veut éviter le risque d'être pris de
court quand les problèmes se présenteront.
Les locaux qui recevront les objets ne peuvent être insalubres ou inadaptés et
tous les bâtiments peuvent convenir si des travaux préliminaires sont réalisés (cf.
ci-dessous les conditions de stockage).
Chaque lieu de stockage bénéficie de conditions climatiques spécifiques dont il
faut tenir compte dans l'établissement des normes. Un bulletin de l'Institut
Canadien de Conservation intitulé « Normes relatives au milieu pour les musées
et les dépôts d'archives canadiens» (Lafontaine, 1981) a représenté une première
tentative d'adaptation des normes à une situation régionale. Une même démarche
doit être appliquée pour nos latitudes en harmonie avec nos moyennes de
température et d'humidité. On ne peut se satisfaire de recommandations comportant
des valeurs dont l'application mécanique pourrait s'avérer dangereuse, coûteuse
ou parfaitement irréalisable compte tenu des conditions locales. Les normes
proposées doivent se rapprocher des conditions météorologiques moyennes pour
ne pas créer une trop grande différence entre les conditions naturelles ambiantes
et les conditions artificielles créées pour la conservation des objets.
Si pour certaines normes, comme celles de l'éclairage ou de la pollution les règles
sont assez bien définies, il en va autrement pour le climat. L'incertitude se traduit
d'ailleurs par les variations, selon les auteurs, des valeurs conseillées de l'HR. Il
n'y a guère que pour les matériaux gorgés d'eau ou de sels, les bronzes atteints par
une corrosion active et tous les métaux en général que l'on peut préciser sans risque
des conditions spécifiques de conservation. Pour le reste rien de précis. Et peut-il
en être autrement ?
L'établissement de normes concernant les objets archéologiques doit répondre à différents
critères qu'il est difficile de connaître car si nous postulons que les conditions de conservation
seront à déterminer en fonction de l'histoire de l'objet, en quelque sorte de son curriculum
vitae (Antomarchi, 1987), comment établir cette histoire, alors que la plupart des informations
sur les conditions d'enfouissement ne sont pas collectées sur le terrain, et que, pour les objets
très altérés, la reconnaissance même des matériaux constitutifs, tout autant que l'analyse des
produits de l'altération peuvent soulever de considérables difficultés ! Et nous ne ferons
qu'évoquer les fiches de traitement inexistantes ou perdues à quelque étape du parcours de
l'objet, entre la fouille et le dépôt...
Dans ce contexte et dès lors que l'archéologie elle-même n'intègre pas ces données, cette
alternative aux normes (la « normativation individualisée », en quelque sorte), proposée par
C. Antomarchi et G. de Guichen (cf. supra) devient un exercice bien difficile.

Devons-nous pour autant abandonner les normes ? Certainement pas car elles
restent nécessaires pour guider l'établissement d'un climat favorable aux objets,
mais dans l'état actuel des choses, celles dont nous disposons ne peuvent s'appliquer
crûment aux objets archéologiques. Elles furent élaborées pour des collections
d'objets typiques (peinture de chevalet, textile, métal) et non pour des collections
archéologiques beaucoup plus hétéroclites. Telles qu'elles sont présentées, elles ne
tiennent pas compte des objets traités, ni de l'histoire de l'objet, ni des conditions
météorologiques locales... Souvent elles valent pour des salles d'expositions et non
pour des réserves ou des dépôts.
Repères normatifs
En attendant des jours meilleurs proposons des normes puisqu'il ne peut en être
autrement, c'est là un rituel inévitable, mais auparavant précisons quelques principes
qui permettront au lecteur d'en faire « bon usage » :
— la plus grande stabilité sera toujours recherchée : stabilisation sèche pour les
pièces métalliques, stabilisation moyennement humide pour les matières organiques.
Mais la fourchette des extrêmes à ne pas dépasser peut être très variable et ne sera
définie qu'en tenant compte des écarts locaux entre l'intérieur des bâtiments et
l'extérieur. Toujours les normes resteront le plus proche possible des conditions
normales du local, l'équipement ne venant qu'améliorer ces conditions ;
— la permanence des conditions climatiques au cours des diverses pérégrinations
des objets (transports, expositions, etc.) est essentielle. Cette continuité peut être
assurée par un emballage adapté et s'il doit y avoir des changement, il faut y
adapter les objets progressivement ;
— on cherchera à s'aligner sur le matériau ayant la plus faible résistance aux
conditions climatiques moyennes dans le cas d'objets composites (protéger le plus
sensible) mais sans perdre de vue les interactions éventuelles de ces matériaux entre
eux dans les conditions retenues pour leur conservation.
Normes relatives à la lumière :
— dans le cas du stockage aucune lumière permanente ne peut être admise ;
— la quantité de lumière maximum tolérable pour les biens culturels ne doit pas
dépasser 300 lux pour les objets les moins sensibles et 150 lux ou 50 lux pour les
plus sensibles ;
— la quantité d'ultraviolet acceptable est fixé à 70 microwatts/lumen ;
— certains matériaux ne redoutent pas la lumière quand ils n'ont ni couche
picturale ni revêtement protecteur : ce sont la pierre, la céramique et le métal.
Normes relatives à la pollution :
— le taux de dépoussiérage est de 90 % pour les particules les plus grosses (plus
de 1 fim) et de 50 % pour les particules très fines (de moins de 1 Jlm) ;
— la filtration des gaz sera surtout réalisée dans les zones urbaines ou industrielles
très polluées.
Normes relatives au climat : il est courant d'établir les listes par type de matériaux.
Pour en faciliter l'utilisation nous présenterons les normes sous forme de tableau.

LES MOYENS DE LA CONSERVATION

Les techniques de stabilisation du climat

La sauvegarde des objets de fouille va dépendre des conditions hygrométriques


et de la stabilité de l'environnement. Il existe un certain nombre de procédés pour
« apprivoiser » le climat et le rendre conforme aux exigences des matériaux
archéologiques. Ces procédés sont plus ou moins adaptés aux options choisies pour
leur conservation.
Il existe deux grandes catégories de moyens : les moyens mécaniques qui font
appels à des machineries plus ou moins sophistiquées et qui s'appliqueront au
conditionnement de l'ensemble des locaux ou de grandes unités de stockage ; les
TABLEAU 2. Niveaux d'humidité relative recommandés pour conserver les objets archéologi-
ques et normes relatives à la lumière

moyens non mécaniques plus adaptés pour le conditionnement de très petites unités
et plus en rapport avec les particularités de chaque matériau.
L'engagement dans telle ou telle option sera guidé par de multiples critères dont
les plus importants porteront sur le climat du lieu de stockage (intérieur et extérieur),
la conformation des locaux, la nature des collections et enfin les moyens financiers
disponibles.

Les appareils de conditionnement


La seule réponse complète au contrôle du climat reste l'air conditionné (Thomson,
1986). Si cette méthode présente certains avantages et peut donner des résultats
remarquables quant à la qualité de l'air et au contrôle rigoureux de l'humidité et
de la température, son installation coûteuse n'est pas toujours réalisable et le prix
de sa maintenance peut s'avérer dissuasif.
Car l'inconvénient majeur de l'air conditionné est le coût d'exploitation du
système : il est en effet impérieux que la climatisation ne cesse jamais de fonctionner,
un arrêt pouvant entraîner des dommages catastrophiques aux collections. Il faut
donc envisager le pire et prévoir une maintenance qui peut s'avérer trop lourde à
l'usage. Un budget trop serré dès le départ amènera à réaliser une installation bon
marché qui ne répondra pas aux nécessités des locaux et la machinerie, utilisée
au-delà de ses capacités ne pourra fournir la prestation souhaitée. Tout ceci peut
amener des résultats climatiques plus mauvais que ceux existant sans la climatisation.
Il faut savoir enfin qu'une installation ne dure pas plus de 15 ou 20 ans dans des
conditions normales d'exploitation avec de grosses interventions de remise en état
tous les 10 ans.
Enfin les appareils seront adaptés aux conditions muséales et réguleront à la fois
la température et l'humidité.
Nous insisterons donc sur le caractère exceptionnel du conditionnement d'air
pour un dépôt archéologique.
Le procédé n'est en fait envisageable qu'à certaines conditions :
— le climat du local ne peut être régulé par aucun autre système ;
— les moyens sont assez conséquents pour permettre la conception d'une machinerie
garantissant la qualité, la puissance, l'extrême stabilité de l'hygrométrie et de la température,
la filtration des pollutions et donc une grande pureté de l'air, un fonctionnement silencieux
( Viry, 1978) ;
— les crédits d'exploitation sont intégrés aux budgets de fonctionnement ;
— la maintenance ne sera pas négligée : mesure des conditions thermohygrométriques,
entretien des machines et des conduits, ce dernier point nécessitant un personnel qualifié ou
des contrats avec des sociétés d'exploitation.
Si ces conditions ne peuvent être garanties de façon permanente, il est illusoire d'installer
un tel système sans courir à l'échec (Thomson, 1978).
Il existe d'autres solutions pour régulariser le climat à un niveau acceptable,
surtout dans nos régions tempérées. Ce vers quoi l'on doit tendre c'est, sur toute
l'année, obtenir une H R constante le jour comme la nuit (pas d'interruption de
chauffage, pas de fenêtres ou de portes ouvertes). Mais cela implique des locaux
bien adaptés, isolés, et l'intervention d'appareils en nombre suffisant, capables de
réguler dans un sens ou dans un autre le niveau hygrométrique. En dehors de l'air
conditionné, la diversité et la quantité des appareils nécessaires pour s'approcher
de cet idéal posent problème. Dans la pratique, on se contentera donc souvent
d'éliminer les plus grands dangers en choisissant d'agir soit sur l'excès d'humidité
soit sur son déficit, et en admettant que sur une certaine période de l'année les
conditions climatiques des locaux s'écarteront de la moyenne enregistrée sur une
autre période, l'important dans ce cas étant de passer progressivement de l'une à
l'autre.
Différents types d'appareil sont disponibles, les uns assurent l'humidification et
les autres la déshumidification ; ils permettent une régulation rapide en ajoutant
ou retranchant la quantité nécessaire de vapeur d'eau directement dans le local.
LES HUMIDIFICATEURS
Ce sont des machines qui vont émettre dans l'atmosphère de la vapeur d'eau.
Il existe différents fonctionnements, par vaporisation, par atomisation ou par
évaporation.
Dans l'humidification par vaporisation de l'eau, chauffée jusqu'à former de la vapeur, est
propulsée dans l'air et par atomisation, c'est de l'eau pulvérisée en aérosols qui est projetée
dans l'atmosphère par la rotation d'un disque. Cependant ces deux types d'appareil ne
peuvent équiper les dépôts car ils présentent des dangers : en cas de panne des systèmes de
régulation (hygrostat), la machinerie continuera de projeter dans l'atmosphère des gouttelettes
sans que la saturation de l'air arrête le processus et dans le cas des atomiseurs l'eau projetée
contient des sels qui se déposeront sur les objets.
L'humidification par évaporation est le plus adapté à la conservation des biens
culturels. Ce modèle permet une évaporation sans apport de chaleur ni projection
d'eau. Un tambour rotatif supporte une natte dont la matière est alvéolée. Un
réservoir d'eau humidifie la natte, qui tourne très lentement avec le tambour. Une
ventilation fait circuler l'air à travers d'une part des filtres qui fixent la poussière
et d'autre part la natte d'où l'eau s'évapore. Poussière et calcaire sont maintenus
dans l'appareil (fig. 3).
L'avantage de ce procédé d'humidification est que, en cas de déficience de
l'hygrostat, l'évaporation de la natte ne pourra dépasser la valeur critique de 70 %
d ' H R car l'air déjà humide n'autorise plus l'évaporation ; il y a auto-régulation et
c'est là une sécurité qui recommande cet appareil pour les musées, les réserves ou
les dépôts. Cependant le procédé par vaporisation peut être mis en place de façon
exceptionnelle et sous surveillance étroite dans des situations ou le système par
évaporation ne peut être utilisé (Vesanto, 1987).

FIG. 3a. — Un humidificateur : (1) natte humidificatrice, (2) tambour rotatif (3) hygrostat,
(4) entrée de l'air sec, (5) filtre à poussière, (6) réserve d'eau.

FIG. 3b. — Un humidificateur et son principe de fonctionnement : (1) entrée de l'air sec,
(2) filtre à poussière, (3) ventilateur, (4) réserve d'eau, (5) natte humidificatrice, (6) air
humide.
LES DÉSHUMIDIFICATEURS
Ils agissent en exploitant le principe de la condensation. Un ventilateur aspire
l'air de la pièce pour le faire circuler autour d'un serpentin de refroidissement,
l'ensemble fonctionnant comme un réfrigérateur : un compresseur fait circuler un
gaz dans un serpentin dont une partie fait office d'évaporateur et une autre de
condensateur. La vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère se condense sur la partie
« évaporateur » (partie froide du serpentin) où elle est récoltée dans un bac de
rétention. L'air est ensuite réchauffé dans la partie « condensateur » de l'appareil
avant d'être rejeté dans le local, à une température légèrement supérieure à l'air
ambiant (fig. 4).

FIG. 4. — Un déshumidificateur et son principe de fonctionnement : (1) air humide,


(2) partie froide où la vapeur d'eau de l'air humide se condense, (3) bac de rétention d'eau,
(4) partie chaude où l'air déshumidifié se réchauffe avant d'être rejeté dans la pièce, (5) air
sec.

D'autres appareils utilisent un adsorbant pour déshydrater l'air. Le flux humide


traverse des compartiments chargés de matière adsorbante qui piège la vapeur
d'eau. De l'air extérieur est chauffé et circule autour des compartiments contenant
l'adsorbant pour le régénérer. L'air sec est rejeté dans le local et l'air humide
retourne à l'extérieur. Ce type de machine nécessite une installation fixe de conduites
et ne possède pas la souplesse des autres systèmes.
Le rendement du contrôle de l'humidité relative dans un local dépendra de deux
conditions :
— l'entretien des appareils, indispensable pour répondre autant à des nécessités
d'hygiène qu'à des impératifs mécaniques. Les plus sensibles sont les humidifica-
teurs. Comme ils brassent l'air chargé de poussière, de spores et de micro-organismes
dans une humidité constante, les germes s'y développent rapidement (formation
de mousse et développement de bactéries qui peuvent provoquer des maladies) et
un nettoyage régulier est à prévoir (Learmonth, 1987). Les minéraux retenus après
l'évaporation se déposent et la membrane humidificatrice doit être détartrée pour
en assurer une efficacité complète. La rouille est aussi un problème affectant les
parties mécaniques qui doivent être régulièrement démontées et graissées.
Il est nécessaire d'établir des listes de contrôle des machines, d'effectuer les
réparations en temps voulu afin de ne pas se retrouver très rapidement en possession
d'un équipement hors d'usage : un appareil défectueux causera de plus grands
dommages que l'absence d'appareils. Le contrôle de l'HR impose des contingences
qu'il faut accepter.
Pour anticiper d'éventuels dysfonctionnements des machines, un budget de
maintenance sera destiné à l'achat de pastilles Micropur pour stériliser l'eau,
changer les filtres à poussière et la membrane humidificatrice. Les opérations de
remplissage et d'inspection des organes de sécurité demandent un personnel affecté
à ces tâches et lorsque plusieurs appareils sont en service toutes ces opérations
nécessitent une rotation et l'établissement de listes de contrôle (de Witte, 1987 ;
Marsh, 1987). Un léger suréquipement permettra de se donner une marge de
sécurité en cas de panne ;
— la mesure de l'humidité relative sera continue, le fait de contrôler l'humidité
d'une pièce ne dispense pas d'en mesurer l'hygrométrie. Cela permet de déceler les
dysfonctionnements et surtout de se rendre compte des anomalies dans la distribu-
tion de l'air. On a pu constater en effet que l'air se mélange très mal, et qu'il circule
difficilement dans un lieu clos et encombré.

Il peut se former des poches, des microclimats ou au contraire des courants d'air inopportuns
avec d'importantes variations de l'HR très localisées. Une surveillance stricte permettra d'y
remédier en changeant les appareils de place ou en disposant des ventilateurs.

Les m a t é r i a u x tampons

A côté des procédés mécaniques de contrôle de l'humidité, il en existe d'autres


utilisant les propriétés hygroscopiques de certains corps. Cette faculté d'absorber
ou de restituer de la vapeur d'eau en suivant les fluctuations ambiantes est commune
à beaucoup de produits naturels (Kamba, 1987), comme ceux à base de cellulose
(bois, papier, textile...) et comme certains sels, ou fabriqués, comme le gel de silice.
Ils sont très utiles en conservation préventive pour réguler, sans l'aide de machines,
l'atmosphère de petits volumes étanches (jusqu'à un mètre cube). Voir aide mémoire
n° 9 : Les matériaux tampons.

TABLEAU 3. Les matériaux tampons

Matières naturelles Produits fabriqués Matières tampons salines

Bois Gel de silice Sel hydraté


Papier Argile activée Solutions salines saturées
Textile (Bichromate et chlorure de sodium)
(coton, lin, jute) (Nitrate de magnésium)

Placé dans une certaine HR, le matériau tampon va adsorber ou désorber de la


vapeur d'eau jusqu'à atteindre l'équilibre avec son milieu. La quantité d'humidité
qu'il contient à ce moment est appelée Taux d'Humidité à l'Equilibre (THE) (fig. 5).
Dérivée des courbes de la THE, la Réserve Spécifique d'Humidité (RSH),
représente la quantité de vapeur d'eau perdue ou gagnée en grammes par kilo de
matière tampon quand l'HR varie de 1 %. C'est la RSH qui nous informe sur la
qualité d'adsorption de chaque matériau : une très haute valeur de la RSH traduit
un très haut pouvoir tampon (Weintraub, 1981).
F I G . 5. — C o u r b e s c o m p a r é e s d ' a d s o r p t i o n d e q u e l q u e s m a t i è r e s n a t u r e l l e s et s y n t h é t i q u e s .

TABLEAU 4. Réserve Spécifique d'Humidité (RSH), quantité de vapeur d'eau perdue ou


gagnée en gramme par kg de matière tampon quand l'HR varie de 1 %

Pour être efficace enfin, le tampon doit répondre rapidement aux variations de
l'HR et réagir plus vite que le matériau à protéger. Les courbes qui permettent,
pour chaque matériau, de visualiser ces propriétés sont appelées isothermes
d'adsorption et représentent les quantités de vapeur d'eau contenue dans la matière
tampon en fonction de l'HR (Cassar, 1985b) (fig. 5 et 6).
Les isothermes montrent les matériaux qui apportent la réponse la plus rapide
aux fluctuations de l'HR (pente de la courbe), mais aussi dans quelle gamme de
valeur de l'humidité relative le matériau aura le meilleur rendement.
Une fois choisi le produit approprié, il faut déterminer la quantité de matière
tampon à employer, en fonction de ses capacités d'absorption et désorption, du
volume d'air à traiter et de son étanchéité, de l'écart entre l'HR recherchée et l'HR
extérieure.
FIG. 6. — Comparaison de la courbe d'adsorption de quelques matériaux tampons communé-
ment employés en conservation.

Un volume clos n'est jamais totalement étanche, en tous les cas jamais suffisamment. Il
conservera toujours des échanges avec l'extérieur par l'intermédiaire des fuites aux joints des
différents assemblages et à travers les matériaux mêmes. Ainsi un volume dit « étanche »
finira par se conformer aux conditions extérieures (humidité et température) selon un rythme
qui obéit à une loi exponentielle : très rapide au début quand l'écart entre les conditions
intérieures et extérieures est grand, puis de plus en plus lent quand on se rapproche des
conditions extérieures (fig. 7).

FIG. 7. — Décroissance exponentielle de l'humidité relative d'un volume clos.


Pour passer du point A au point B dans un volume sans tampon il faudra, par exemple
24 heures. L'air à l'intérieur de ce volume aura été complètement renouvelé en une journée
et le phénomène se reproduira chaque jour, parfois avec plus de fréquences si le volume est
mal étanchéifié.
P o u r r e t a r d e r les échanges, o n p e u t r é d u i r e les fuites d ' a i r en a m é l i o r a n t les
j o i n t s d ' é t a n c h é i t é et en c h o i s i s s a n t des m a t é r i a u x n o n p e r m é a b l e s c o m m e le m é t a l
o u le verre. M a i s u n tel v o l u m e amélioré, s'il ne r é a g i r a p l u s a u x f l u c t u a t i o n s
r a p i d e s et de c o u r t e d u r é e de l ' H R extérieure, en é p o u s e r a q u a n d m ê m e les
c o n d i t i o n s m o y e n n e s . P o u r a m é l i o r e r le système o n d o i t p o u v o i r agir sur l ' h y g r o m é -
trie. C ' e s t a l o r s le rôle d u m a t é r i a u t a m p o n . D a n s la c o n c e p t i o n des unités de
s t o c k a g e o u des vitrines o n p e u t déjà utiliser des m a t i è r e s qui s o n t n a t u r e l l e m e n t
h y g r o s c o p i q u e s c o m m e le bois, les textiles (lin, j u t e o u c o t o n ) , m a i s o n p e u t
é g a l e m e n t c o n d i t i o n n e r les v o l u m e s avec d u gel de silice, des s o l u t i o n s salines o u
des argiles activées (fig. 8).

FIG. 8. — Courbe d'adsorption des matières tampons manufacturées : gel de silice et argile.

Le gel de silice
Le gel de silice est jusqu'à présent le meilleur matériau tampon, celui du moins
qui répond le mieux aux exigences de la conservation muséale. Il est à ce titre de
plus en plus employé, mais il ne saurait être la panacée à tous les problèmes
d'humidité relative (Asley-Smith, 1984).
Le gel de silice est de la silice pure de structure granulaire, constituée d'un vaste réseau de
pores très fins dont l'aire massique peut atteindre pour certaines variétés 800 m2/g. Cette
porosité confère au matériau ses propriétés adsorbantes : la pénétration de la vapeur est
rapide et la quantité d'humidité fixée par le gel peut être très élevée (jusqu'à 40 % du poids :
1 kg de gel sec pouvant adsorber 400 g d'eau) .
Le gel de silice convient aux biens culturels parcequ'il réunit les propriétés
suivantes :
— il reste stable sous l'action de la chaleur et de l'humidité ;
— il est chimiquement inoffensif ;
— il n'est pas déliquescent en présence d'humidité et il reste sec au toucher même
à des valeurs très élevées du THE ;
— il répond rapidement aux fluctuations de l'air ambiant ;
— il est aisément conditionné à toutes les valeurs de l'HR ;
— il est insensible aux attaques des micro-organismes.
Voir Aide mémoire n° 10 : Le gel de silice.

La quantité de gel de silice nécessaire pour conditionner des volumes


étanches a été calculée par G. Thomson (1977) qui préconise 20 kg de gel de
silice par mètre cube. C'est maintenant la proportion adoptée généralement.
Elle s'est avérée expérimentalement et pratiquement satisfaisante pour un
conditionnement à long terme (de Guichen 1984, Schweizer 1984). La nécessité
de régénérer le gel de silice ou au contraire de l'humidifier sera déterminée par
un hygromètre placé dans le volume conditionné.
Si l'étanchéité des volumes est correcte et la quantité de gel suffisante,
aucune manipulation du matériau tampon ne sera nécessaire autant que
dureront ces conditions (de Guichen, 1985).

Les argiles et les sels


Deux autres types de matériaux tampons, les argiles et les solutions salines,
peuvent être efficaces dans certaines conditions et ont donné des résultats satisfai-
sants dans certains musées (Astrup, 1987) (cf. Aide mémoire n° 9).
Les argiles activées agissent surtout comme déshydratant et se présentent sous
forme de boulettes ou en sachets de coton, de papier ou de non-tissé de poids
variable. Comme le gel de silice, les argiles ont une très fine porosité qui leur
permet de fixer une grande quantité de vapeur d'eau (fig. 6 et 8).
Les argiles sont surtout efficaces dans des valeurs basses de l'HR car elles ont
une forte capacité d'adsorption quand l'HR est faible. Le domaine d'emploi sera
surtout le stockage ou le transport des métaux. Leur usage est cependant moins
répandu que celui du gel de silice car elles ont l'inconvénient de former de la boue
en cas de contact avec une trop forte humidité (déliquescence) et de se transformer
en poussière après des manipulations fréquentes.
Les argiles peuvent être régénérées en les chauffant dans un four, comme le gel
de silice, mais attention au matériau employé pour les sachets, si elles se présentent
sous cette forme (seuls coton et non-tissé supportent l'opération).
Les solutions salines (nitrate de magnésium, nitrate de calcium, bromure) et les
sels hydratés sous forme solide stabilisent l'air à différentes valeurs de l'HR
(Lafontaine, 1987a ; Stolow, 1977). Mais il existe cependant un inconvénient majeur
à leur usage : c'est le risque de corrosion des métaux mis en présence de certains
sels. Lorsque les solutions saturées s'appauvrissent en eau les sels cristallisent et
les cristaux peuvent déborder du récipient et remonter jusqu'aux objets (Padfield,
1966). Enfin les solutions salines ne sont pas de bons déshumidificateurs parce que
la reprise en eau des sels cristallisés est lente (Padfield, 1966 ; Thomson, 1986,
p. 113).

Perméabilité d'un film plastique


Bien des matériaux qui servent à l'emballage ou à la protection des objets sont
perméables à la vapeur d'eau. Ils ne peuvent assurer en conséquence un barrage
total à la pénétration de l'humidité ou de la pollution (Padfield, 1966) ; c'est le cas
de certains plastiques comme le plexiglas ou le polyéthylène (Thomson, 1986,
p. 237).
La vitesse de pénétration des gaz à travers un film plastique dépend de l'épaisseur de ce
film et de la différence de pression entre l'extérieur et l'intérieur du volume. Pour un
polyéthylène ayant une épaisseur de 125 um et emballant un volume de 0,025 m\ il faudra
moins de 14 heures pour atteindre 75 % d'HR à partir d'une HR intérieure de 50 % et une
HR extérieure de 100 %.
D'autres matières plastiques sont plus efficaces, comme le polyvinylidène ou les
films plastiques doublés d'une feuille de métal (Vacumétic de chez Branoral),
(Waller, 1987).

Le stockage

Le but de tout stockage est de réunir, dans un volume le plus petit possible, la
plus grande quantité possible d'objets.
Cette prouesse ne se réalise pas à n'importe quel prix ! Comme pour le climat
des règles sont à respecter touchant les matériaux du stockage et la façon
d'entreposer les objets.
Un bon entreposage devrait :
— permettre un accès aisé et une localisation rapide des objets sans manipulations
inutiles ou dangereuses ;
— s'adapter aux exigences dimensionnelles des objets à stocker ;
— donner toutes les garanties de conservation par le choix des matériaux de
construction et par une protection contre les agents d'altération (climat, poussière,
lumière, infestation micro-organique), mais également contre les risques naturels :
feu ou inondation.

Les conditions du stockage


On doit considérer dans le stockage, bien sûr les unités de rangement mais aussi
le bâtiment dans lequel s'installent ces unités (Oxley, 1983).
La construction doit limiter les échanges avec l'extérieur et par ce fait les écarts
de température et d'HR.
L'étanchéité à l'air sera assurée en ne laissant jamais de fenêtres ouvertes et des
sas équiperont les portes d'accès. Toutes les ouvertures auront reçu des joints
d'étanchéité et les huisseries défectueuses seront remplacées.
Les salles de stockage ne communiqueront pas directement avec les combles où
une isolation devra être posée. Si des zones dans l'édifice ne sont pas contrôlées,
il faudra les faire communiquer par des sas de liaison avec les parties sous contrôle.
A ces aménagements s'ajoutera une isolation thermique pour renforcer si nécessaire la
stabilité générale du bâtiment : si des ouvertures sont maintenues, les vitres pourront être
doublées, sinon elles seront purement et simplement occultées, avec un renouvellement
mécanique de l'air associé à un filtrage des particules et des gaz si les moyens financiers le
permettent.
Enfin l'étanchéité à l'eau reste un souci constant pour les bâtiments anciens,
surtout si leur occupation est intermittente et par conséquent les fuites moins
rapidement décelables. Les toitures, chéneaux et gouttières seront inspectés ainsi
que les canalisations et les murs en sous-sol. Une surveillance régulière du bâtiment
détectera tout indice d'infiltration par les tâches, auréoles, salissures, décollements,
effritements, fissurations ou moisissures susceptibles d'apparaître sur les murs.
Les sous-sols sont souvent utilisés comme lieu d'entreposage. Cela permet de
libérer les étages pour y placer des bureaux ou les salles d'accès au public. Cette
disposition présente l'avantage de disposer de locaux ayant une isolation naturelle
et une stabilité climatique plus grande. De la même façon la filtration des pollutions
y sera plus aisée car les sous-sols comportent peu d'ouvertures sur l'extérieur.
L'utilisation de lieux souterrains comme des carrières, des mines ou des casemates peut
présenter les mêmes avantages à condition, bien sûr, d'assurer une étanchéité aux eaux
d'infiltration et de pouvoir écarter les risques d'inondation (Jonhson, 1980, p. 15). Dans ces
deux cas de figure une mesure de l'humidité des murs est nécessaire, un drainage des abords
et une étanchéité des parties enterrées seront réalisés, même à titre préventif.
Un bâtiment bien conçu ou adapté au stockage peut donner des résultats
surprenants, au point de pouvoir se passer une partie de l'année d'appareils de
contrôle. Un bon bâtiment est toujours une sécurité nécessaire pour entrer dans
un projet de conservation préventive.
Pour être pleinement efficaces, les éléments de stockage seront conçus selon les
mêmes exigences que le bâtiment : étanchéité à l'air et stabilité climatique. Dans
sa définition la plus vaste ce sera : toute structure susceptible de recevoir des objets
archéologiques, dans un volume clos, pouvant établir par lui-même ou à l'aide
d'appareils ou de matériaux tampons, les conditions climatiques requises pour leur
conservation à long terme.
Pour ce faire l'organisation de l'espace fera appel à des systèmes variés
d'entreposage comme armoires, tiroirs, rayonnages, boîtes, etc., et qui seront
déterminés en fonction des objets et des conditions de conservation recherchées .
Ce qui va donc caractériser en premier lieu les éléments ou les unités de stockage
ce sera bien « l'enveloppe » et la capacité de protéger l'objet des facteurs d'altération.

Le choix des m a t é r i a u x

Les enveloppes des éléments de stockage ne peuvent être réalisées de n'importe


quelle façon. On connaît bien le rôle de la pollution atmosphérique dans la
corrosion des métaux, mais il existe une autre cause à leur dégradation, plus
insidieuse et beaucoup moins reconnue : les exhalaisons nocives des matériaux
constitutifs des unités de rangement. Certains matériaux vieillissent en dégageant
des produits de décomposition comme de l'acide acétique (chêne, contreplaqué)
ou de l'acide formique (carton) (Nockert, 1978). Il existe d'autres sources de ce
genre de pollution : les produits d'entretien, certains fongicides ou insecticides, des
matières synthétiques et leurs colorants, les peintures ou les colles, les joints de
caoutchouc vulcanisé, etc.
L'action de ces produits est aggravée par la présence d'une H R élevée et par une
atmosphère confinée. Le cas du plomb est de ce point de vue exemplaire. Ce métal
montre une sensibilité particulièrement vive aux acides organiques, comme ceux
produits par le tannin du chêne (Plenderleith, 1966, p. 285), mais également par
l'isorel, le contreplaqué ou le latté (Oddy, 1975 ; Padfield, 1982 ; Leveque, 1986).
Afin de mieux connaître ces produits nocifs et leur action, des expériences furent menées
(Oddy, 1975 ; Blackshaw, 1978 et 1979 ; Hnatiuk, 1981 ; Padfield, 1982) et des test chimiques
simples peuvent informer sur les qualités d'un matériau comme le test à l'azoture de sodium
préconisé par Daniels (Daniels, 1982). Compte tenu de certaines divergences qui apparaissent
entre les différentes études, nous ne présenterons ici qu'une liste de matériaux courants sur
lesquels tous les auteurs s'accordent ou sur lesquels une majorité d'auteurs sont du même
avis.
Un autre obstacle se présente pour se fier à des listes, c'est l'ignorance de la composition
exacte de ces matériaux : quelle colle ou quelles essences d'arbre ont servi à faire les
contreplaqués ? A quelle famille chimique appartiennent la colle ou la peinture utilisées ?
A-t-on l'assurance de la permanence de composition des produits industriels ? Enfin certaines
résines sont stabilisées temporairement par des produits qui faussent les résultats ; après
disparition de ces adjuvants les polymères peuvent s'avérer nocifs.

TABLEAU 5. Matières et bois nocifs à la conservation des matériaux

TABLEAU 6. Matières inoffensives pour les biens culturel, recommandées pour le stockage
et les vitrines.

Les métaux
Le verre
La céramique
Les pigments inorganiques
Le polyéthylène
Les polymères acryliques (en solution plutôt qu'en émulsion)
Le nylon
Les fibres de polyesters
Les films de polyesters (mylar ou terphane)
Les fibres naturelles : coton (sauf pour l'argent), lin, jute sans apprêt ni teinture
Le plexiglass
La colle epoxy
Le carton et le papier sans acide (pur cellulose ou pur chiffon).

On trouve maintenant dans le commerce des matériaux conçus pour la conserva-


tion. Ce sont des papiers ou des cartons sans acide qui offrent la garantie d'une
innocuité totale ou réduite vis-à-vis des biens culturels (leur pH est généralement
approchant de 7 et leur composition est conçue de telle sorte qu'ils ne se dégraderont
pas en produisant des exhalaisons nocives : papier ou carton pur cellulose ou pur
chiffon). D'autres produits sont au contraire alcalins et peuvent jouer le rôle de
matériau tampon en atmosphère acide : à condition que la surface absorbante soit
suffisante et que les objets ne soit pas mis en contact direct avec eux (Padfield,
1982), ils améliorent notablement la qualité de l'air ; également des matériaux
comme le verre ou le gel de silice peuvent corriger en partie l'acidité ambiante
(Blackshaw, 1978).
Peinture ou vernis, à condition d'en connaître la composition, pourraient isoler les surfaces
des matières nocives, mais ce ne sont pas en général de bons protecteurs, du moins à long
terme, car ils restent poreux (Miles, 1986).
L'action des produits nocifs est plus importante en atmosphère close. Mais
fermer un élément de stockage est souvent nécessaire pour protéger les pièces de
la poussière, de la pollution ou des variations hygrométriques ; alors l'accumulation
des vapeurs nocives peut engendrer des dommages plus importants que la simple
action de l'atmosphère. Plus l'unité de stockage sera petite, plus cela est vrai : dans
un air ventilé ou dans un grand volume, ces vapeurs sont quasiment inoffensives.
Dans le cas où un doute subsiste quant à l'innocuité des matériaux une ventilation
est toujours préférable, si l'objet peut évidemment la supporter ou si les conditions
ambiantes sont elles-mêmes contrôlées : pour les objets contenant des sels solubles
la stabilité de l'HR doit primer sur une ventilation incontrôlée.

L a réalisation du stockage
Les formes de stockage peuvent être multiples. La mise en place de tel ou tel
système répond à des facteurs qu'il faut bien cerner avant de se lancer dans une
réalisation (Johnson, 1980, p. 35).
Il y a des facteurs d'ordre climatique : dans quelle mesure est-il nécessaire
d'intervenir sur l'humidité relative ; les objets à entreposer sont-ils sensibles plutôt
à l'humidité ou à la sécheresse, ou plutôt sensibles aux fluctuations ; pourra-t-on
contrôler l'ensemble des locaux ou seulement quelques éléments ?
La pollution est un autre facteur. Il faudrait pouvoir déterminer le degré de
pollution des locaux et agir soit de façon globale, soit en isolant les matériaux les
plus sensibles dans des unités étanches (cuir, métal, textile...) ; d'autres matériaux,
comme la céramique, peuvent par contre supporter des ambiances moins contrôlées.
Il est souhaitable de concevoir un stockage qui tienne compte des grandes
catégories de matériaux et de ne pas mélanger dans une même unité ce qui est
organique et ce qui ne l'est pas. Se pose évidemment le problème des objets
composites : pour ceux-ci on choisira de contrôler en s'approchant des conditions
les plus favorables aux deux matériaux en s'alignant sur celui susceptible de
supporter sans dommage des conditions inhabituelles (le bois ou l'os sont capables
de se bien comporter en atmosphère sèche pour peu que l'on prenne la précaution
de les y amener progressivement).
Si le dépôt à une vocation pédagogique ou d'études, il faut envisager des éléments
de stockage particulièrement accessibles. Les mauvaises manipulations sont une
source de dégradation non négligeable. Elles peuvent engendrer des vibrations
destructrices pour certaines collections comme les verres ou les céramiques.

Le soutien des objets


Un soutien peut être nécessaire aux objets archéologiques, pour les présenter en
vitrine, les stocker, ou simplement les manipuler. Un soclage dans le cas d'une
exposition en vitrine est une nécessité à la fois esthétique et mécanique. Dans le
cas du stockage la présence d'un soutien n'est pas une chose évidente en soi, mais
il faut bien comprendre que certaines pièces risquent, faute de soutien, de se
déformer sous leur propre poids. Si dans ce cas l'esthétique ne joue plus, la
contrainte mécanique gardera toute son importance et le soclage pour stockage ou
exposition répond aux mêmes impératifs :
— être suffisamment résistant pour s'opposer aux contraintes ;
— être sans danger pour la matière de l'objet : innocuité évitant les interactions
chimiques ou électrochimiques ;
— ne pas introduire de déformations secondaires par un mauvais fixage ou
positionnement de la structure : trous, mutilation, gauchissement... ;
— être facilement démontable mais suffisamment solidaire de l'objet pour éviter
les chutes (Ward, ss date).

Les g r a n d e s options

A partir de ces points trois options peuvent être envisagées :


— conditionnement de l'ensemble des locaux ;
— conditionnement de grandes unités de stockage ;
— conditionnement de petites unités pour les matériaux les plus sensibles.
Pour chacune de ces options, des méthodes spécifiques sont à mettre en œuvre,
des appareils sont à utiliser en fonction du volume à traiter et de la nature des
matériaux à conserver.

Conditionnement de l'ensemble des locaux

C'est une méthode radicale qui traite tout le volume du lieu de stockage et qui
utilise pour cela les techniques de l'air conditionné. Cette option n'est à envisager
sérieusement que si les conditions développées précédemment sont réunies. Il reste
que pour les métaux un traitement particulier sera de toute façon à prévoir, l'air
conditionné stabilisant l'atmosphère autour de 50 % d'HR, ce qui est trop élevé.
L'air conditionné apportera un confort certain aux utilisateurs, mais également une
souplesse plus grande dans l'exploitation du matériel archéologique. Tous les problèmes de
protection de la pollution devant être écartés par ce système, l'accessibilité et les manipulations
n'en seront que favorisées.

Conditionnement de grandes unités


On entend par « grandes unités de stockage », une pièce, une armoire ou un
ensemble d'armoires assez vastes pour accueillir des appareils de contrôle de l'HR.
Ces appareils ont été présentés dans les pages précédentes. Une gamme étendue de
machines, aux capacités de traitement de l'air très étendues, sont proposées par les
fabricants. Des mesures préalables diront pour quels appareils opter : humidifica-
teurs ou déshumidificateurs, et comment les disposer dans les locaux. On doit tenir
compte autant du volume à traiter que de la topographie des lieux. Placer une
machine au milieu d'une pièce ne sera pas toujours la meilleure solution. Des
microclimats peuvent se créer et il faut tenter de les résorber en plaçant les appareils
aux points stratégiques pour assurer un rendement optimal. Là encore des études
et des mesures préliminaires pour bien connaître les lieux sont indispensables.
Ces dernières années des dispositifs de régulation de l'humidité relative pour les
vitrines d'exposition ont été mis au point (Lafontaine, 1984 b ; Michalski, 1985 a).
Le principe de fonctionnement est basé sur un module de régulation, relié à
plusieurs volumes étanches (fig. 9 et 10). Ce dispositif ne nécessite pas une
installation très couteuse ni très complexe :
— il faut un module de régulation, comprenant des filtres, un humidificateur et
un déshumidificateur, une soufflerie ;

FIG. 9. — Schéma du module de régulation des vitrines : (1) entrée de l'air à traiter,
filtre à poussière, (2) serpentin de refroidissement du déshumidificateur, (3) soufflerie,
(4) humidificateur à évaporation, (5) échangeur de chaleur, (6) tampon de gel de silice dans
l'échangeur de chaleur, (7) hygrostat, (8) filtre à adsorption, (C) compresseur, les flèches
noires représentent le flux d'air à conditionner et les flèches blanches l'air ambiant brassé par @
les deux ventilateurs.

FIG. 10. — Système de régulation des vitrines, avec indiqué le diamètre type des tubes du
réseau de distribution d'air conditionné. Il n'y a pas de canalisation de reprise d'air, celui-ci
s'écoulant continuellement des vitrines.
— un réseau de tuyauterie reliant les différentes unités au module de régulation ;
— des volumes suffisamment étanches à l'air.
On peut imaginer un tel dispositif adapté au stockage en concevant des unités
étanches reliées à un seul module. On pourrait ainsi réguler jusqu'à 100 m3 ce qui
correspond à une vingtaine d'armoires. Ce système est surtout adapté pour les
matériaux organiques et d'autres procédés doivent être envisagés pour les métaux.
Le plus intéressant est un système de régulation par chauffage, là aussi mis au
point pour des vitrines, mais que l'on pourrait parfaitement adapter à des unités
de stockage (Lafontaine, 1984 b ; Parviz Redjali, 1984). Plus un air est chaud plus
il contient de vapeur d'eau. L ' H R variera donc en fonction de la température.
Quand la température augmentera, l'HR diminuera. Ce principe est exploité dans
le système par chauffage : au fur et à mesure que l'HR augmente, un système de
chauffage compense cette augmentation. Dans cette méthode le thermostat du
système de chauffage est remplacé par un hygrostat. Surtout utilisé dans les vitrines
d'exposition, ce dispositif pourrait être étendu à des unités de stockage équipés
pour le recevoir et pour des cas précis de conservation des métaux.

Conditionnement de petites unités


Cela concerne des enceintes étanches de faible volume : sacs, sachets, boîtes ; la
régulation est assurée par des matériaux tampons. Le matériau tampon le plus
adapté est le gel de silice (Meyer, 1987). Comme les volumes sont très petits et que
l'étanchéité peut être facilement obtenue dans ces conditions, le renouvellement du

TABLEAU 7. Comparaison des différents modes de stockage : A = Conditionnement de


l'ensemble des locaux ; B = conditionnement de grandes unités ; C = conditionnement de
petites unités.

Moyens Avantages Inconvénients

A Moyens mécaniques Système global


— climatisation générale — possibilité de stabiliser — installation lourde
— armoire climatique l'HR et la température — non sélective
— Contrôle de la pollution — maintenance coûteuse
— source de confort — risque de panne entraî-
nant un arrêt général de
la climatisation

B Mo -i,ens mécaniques Système sélectif


— appareils de déshumidifi- — souplesse d'utilisation — maintenance régulière
cation — installation simple d'appareils plus ou moins
— appareils d'humidifica- — modulable en fonction nombreux
tion des besoins — risque de contamination
— module de régulation microbienne

C Moyens non-mécaniques Système très sélectif


— matériaux tampons : gel — adapté à chaque volume — manipulation des pro-
de silice, argile, solution — installation minimum duits pour la régénéra-
saline tion
— disposer de volumes étan-
ches
— limité à de petits volumes
de moins de 1 m \
gel de silice sera peu fréquent. De plus les quantités à manipuler sont réduites.
L'innocuité du gel de silice permet de le laisser en atmosphère confinée. Les métaux
seront conservés avec du gel à indicateur coloré qui permet de constater rapidement
le moment nécessaire à la régénération. Pour les matériaux organiques, il n'est pas
nécessaire d'utiliser le gel à indicateur, mais il faut placer un hygromètre ou des
bandes à indicateur pour déterminer quand reconditionner le gel.
Les unités doivent être constituées de matière inoffensive : polyéthylène non
coloré (genre tupower) ou carton sans acide et pour le plomb plutôt du métal
(boîtes métalliques comme les boîtes à gâteaux secs). Chaque objet est placé dans
un sachet plastique (polyéthylène ou polyester comme le mylar). Le matériau
tampon est placé dans des sachets en non tissé ou en nylon ; la toile polyester pour
sérigraphie, résistante à la chaleur et perméable, est la plus adaptée, elle permettra
de régénérer directement le gel de silice sans le sortir du sachet (Watkinson, 1987,
p. 18) (fig. 11).

FIG. 11. — Modèle d'une boîte de stockage des petits objets métalliques ou organiques :
boîte en polyéthylène incolore, couvercle étanche, gel de silice en sachet ou boîte perforée,
sachets contenant les objets (perméables à l'air de la boîte), carte à indicateur coloré
d'humidité, étiquette présentant le contenu de la boîte.

Les objets fragiles mécaniquement seront emballés individuellement avec des


matériaux de calage comme la mousse de polyéthylène (Pye, 1984).
On a pu également préconiser l'usage de vieux réfrigérateurs. Si les qualités d'étanchéité et
d'isolation peuvent être retenues, la nature des revêtements plastiques qui tapissent l'intérieur
des parois nous est inconnue et il sera plus prudent de placer les objets dans des boîtes en
polyéthylène pour les protéger d'éventuelles émanations. Cette solution ne peut de toute
façon convenir qu'à de petites collections métalliques.

L'ARCHÉOLOGIE DANS TOUS SES ÉTATS

Le prodigieux développement des manifestations culturelles, l'engouement géné-


ral pour les « choses » du passé, la révélation de tout un patrimoine jusque là
délaissé, à un public toujours plus étendu, a entraîné une mobilité croissante des
biens culturels et une prolifération des expositions (Wangermee, 1988).
Cette mobilité s'est imposée trop souvent au détriment des objets. L'accessibilité
aux biens culturels a son revers qui est l'accélération de leur destruction. On
connaît bien maintenant les raisons qui, au cours d'une exposition, amènent ces
dégradations : climat et lumière non contrôlés, déplacements périlleux, manipula-
tions hasardeuses, vitrines désastreuses, techniques d'exposition aberrantes...
Ce paragraphe se propose d'indiquer, de façon très sommaire, les moyens et les
méthodes pour réaliser la manipulation, le transport et la présentation des objets
archéologiques dans le respect des principes définis dans la première partie. Il y
aurait bien entendu, sur chacun de ces points beaucoup à écrire et des auteurs y
ont consacré des ouvrages complets vers lesquels je prie le lecteur de se porter pour
une information plus complète (Stolow, 1987 ; Pugh, 1978).
Une exposition implique de réunir, en un lieu trop souvent quelconque, des
objets dispersés en plusieurs endroits. Avant même d'être exhibés, ces objets devront
subir des manipulations, parcourir des distances plus ou moins grandes, dans des
conditions climatiques très différentes : au cours de ces pérégrinations l'objet est
exposé à toutes sortes de risques, mécaniques, climatiques, biologiques que l'on
devra réduire ou annuler en observant là encore des règles précises.

L a manipulation
Le déplacement d'un objet n'est pas un acte innocent et peut s'avérer périlleux.
La manipulation des objets de culture ne peut être confondue avec celle des objets
de la vie courante. Pour les responsables du stockage ces actes devenus familiers
doivent répondre à des règles strictes, même si la préhension reste une chose banale
et instinctive, elle est vitale dans les professions qui ont pour vocation l'étude
des biens culturels : chercheurs, conservateurs ou restaurateurs doivent être
particulièrement attentifs. Aucun objet n'échappe à la manutention et plus les
objets sont rares et précieux, plus ils seront déplacés, empoignés, retournés, palpés...
Précautions et moyens
Les objets archéologiques sont dans l'ensemble plus fragiles que les autres biens
culturels, ils demandent en conséquence une attention particulière et surtout un
examen attentif avant la manipulation (Stolow, 1987, p. 57). Outre le fait que la
saisie d'un objet doit se faire par la partie la plus à même de résister à la contrainte
mécanique, l'évaluation du poids et de la fragilité générale de la matière sera
nécessaire avant tout déplacement.
L'itinéraire au sein du dépôt ou du musée sera reconnu et l'emplacement pour
recevoir l'objet en mouvement bien préparé par un rembourrage ou des cales (Pugh,
1978, p. 25). Plusieurs petits objets manipulés ensemble le seront dans des bacs ou
des plateaux capitonnés, toujours disponibles à proximité et en quantité suffisante
pour permettre leur usage systématique. De la même façon un ou plusieurs chariots,
voire un transpalette, attendront les objets encombrants et lourds. On aura avantage
à faciliter la manutention dès la mise en stockage des objets, d'autant que les
grandes séries d'objets exhumés par les fouilles contraignent à des réaménagements
fréquents. Des bacs plastiques gerbables, du type de ceux utilisés dans l'industrie,
souvent en polyéthylène et de dimension normalisée s'adaptant à la plupart des
systèmes de stockage et de manutention, simplifieront et réduiront les opérations.
Avant de sortir un objet d'une réserve ou d'une vitrine il faut s'assurer que la différence
d'HR entre les deux milieux ne dépasse pas 7 %. Si elle est supérieure à cette valeur l'objet
doit être acclimaté et les différences de températures brutales qui amènent de la condensation
sur l'objet ou dans les emballages en film de polyéthylène hermétique, seront évitées.
L'emballage
Il n'est plus concevable d'envisager le déplacement d'un objet sans une protection.
Selon la nature de ce déplacement, l'importance de l'enveloppe protectrice sera
plus ou moins grande, mais sa fonction sera invariable : être le prolongement de
la réserve ou du dépôt, c'est-à-dire une enceinte close où règnent les conditions
favorables à la conservation et où les chocs physiques ou climatiques ne parviennent
pas.
Les conditions du déplacement seront consignées dans un dossier spécifique
constitué pour chaque objet, comportant une photographie avant l'emballage, la
description de l'emballage et des conditions climatiques existants dans le dépôt et
celles particulières qui doivent être réunies pour exposer l'objet (certaines pièces
ne devraient pas se déplacer à cause de leur fragilité ou de leur extrême sensibilité)
(Morris, 1987).
Un bon emballage doit présenter les qualités suivantes :
— protection contre les variations de l'HR et de la température ;
— défense contre les agents biologiques ;
— résistance aux chocs ;
— amortissement des vibrations.
L'emballage peut revêtir plusieurs formes selon l'importance du déplacement et selon la
forme et la nature de l'objet : cela peut aller d'un simple emballage de carton et de papier
(transport à la main sur une courte distance) jusqu'à la caisse en bois à double parois et
amortisseurs (voyage de longue durée par camion, train ou avion).
Une sélection de matières particulièrement appropriées à l'usage de l'emballage
est maintenant disponible grâce à l'élaboration de produits adaptés en matière
synthétique. Ils sont surtout efficaces comme rembourrage, leur pouvoir d'amortis-
sement étant très grand, mais en tant que matière tampon de l'humidité ils ne
peuvent remplacer les produits comme le papier ou la fibre de bois dont la présence
suffit, en vase clos, à régulariser l'HR.
TABLEAU 8. Tableau comparatif des différents matériaux de rembourages

L'association des deux produits est en fait souhaitable quand on recherche un niveau d ' H R
moyen (55 %) et une bonne résorption des vibrations : pour le transport il est préférable
d'assurer en priorité une bonne protection contre les chocs, même avec des matériaux acides,
plutôt que de risquer un déplacement avec une mauvaise protection.
Dans la conception des emballages il faut garder à l'esprit quelques principes :
— éviter que l'objet puisse se déplacer dans l'emballage au cours des manutentions,
ce qui implique de le caler ;
— éviter que des frottements se produisent pouvant occasionner des usures ou des
rayures, il faudra donc protéger l'objet par une enveloppe (papier de soie, mylar...) ;
— éviter les phénomènes de condensation, donc utiliser des matières capables de
résorber la vapeur d'eau en excès ;
— le mode d'emballage, tout en assurant une protection efficace, sera le plus
simple possible pour faciliter le déballage et le remballage dans les mêmes conditions
de départ.
Les matériaux utilisés pour le rembourrage des emballages étaient traditionnelle-
ment le bois, le carton, des copeaux ou de la paille. Maintenant d'autres produits
sont disponibles, plus légers et plus résistants : le contreplaqué et le latté pour les
parois des caisses, la mousse de polyéthylène ou de polystyrène expansé pour le
rembourrage.
Le calage de l'objet dans la caisse est un point essentiel car aucune de ses parties
ne doit être en contact avec les parois ; si la caisse doit recevoir plusieurs pièces,
elles seront isolées les unes des autres, soit par des cloisons, soit par un matériau
de rembourrage dans lequel l'objet sera comme en « suspension » (matériau de
calage particulaire en polystyrène expansé). Les pièces particulièrement fragiles se
verront placées dans des logements découpés à leur forme exacte dans des plaques
de polystyrène ou de polyuréthane (Pugh, 1978 ; Stolow, 1987, p. 92) (fig. 12, 13
et 14).

FIG. 12. — Emballage de plusieurs objets dans une même caisse.

La conception de l'enveloppe doit être adaptée à la nature particulière des objets


à déplacer et au déplacement. On abandonnera la caisse en carton pour les longs
déplacements qui utilisent le camion, le train ou l'avion au profit de caisses solides
FIG. 13. — Procédé d'emballage par plaques de mousse pour de petits objets : (1) position
de l'objet avant d'être enveloppé dans les plaques de mousse, (2) les deux premières plaques
avec la forme en creux de l'objet, (3) assemblage des éléments : (A) lien extérieur, (B) lien
intérieur assemblant les plaques entre-elles, (C ) plaques de mousse, (D) enveloppe protectrice
extérieure composée d'un film de polyéthylène.

FIG. 14. — Différentes façons de caler un objet dans une boîte.

en bois, en contreplaqué ou en latté renforcées par des lattes de bois plus épaisses
ou par des cerclages métalliques qui répartissent plus uniformément les chocs sur
toute la surface (fig. 15).
Le couvercle ne sera pas cloué mais vissé pour éviter les martèlements lors de la
fermeture et de l'ouverture des caisses (fig. 16).
Pour les objets lourds et fragiles, l'emballage utilisera des amortisseurs. Pour
cela une double enveloppe est constituée :
— dans la première enveloppe est placé l'objet avec son matériau de rembourrage
(elle constitue l'enveloppe interne) ;
— dans la seconde (enveloppe externe) plus grande, vient se loger la première
caisse ; l'espace entre les deux enveloppes sera occupé par l'amortisseur : courroies,
tampon de caoutchouc, ressorts ou particules de matière plastique (fig. 17).
FIG. 15. — Modèle de caisse en bois.

FIG. 16. — Systèmes de fermeture : A - vis simple, B - vis écrou avec insert métallique, C -
couvercle des caisses type grenouillère.
FIG. 17. — Différents types d'amortisseurs.

Les caisses de grand format seront toujours munies de poignées ou de roulettes.


Deux patins en bois les dégageront du sol ce qui permet de les saisir par la fourche
des transpalettes ou des Fenwik, mais également de les isoler d'un sol humide.
Une signalisation extérieure montrant le sens d'ouverture, indiquant les précau-
tions de manutention, le poids, la destination, figurera tout autour de la caisse et
utilisera les symboles conventionnels.
L'on pourra prévoir un conditionnement des caisses avant le transport, soit en stabilisant
l'ensemble de l'emballage en le plaçant plusieurs jours dans les conditions du dépôt, soit en
introduisant un matériau tampon (gel de silice ou argile). Ces derniers s'utilisent comme
décrit plus haut et ne seront nécessaires que dans le cas de déplacements de longue durée,
aux conditions climatiques difficiles ; dans les autres cas et si la caisse est suffisamment
étanche, un préconditionnement des matériaux d'emballage doit suffire (Stolow, 1979, p. 87).
Il y a tout lieu de se méfier des sacs ou feuilles de polyéthylène mis en contact
direct avec les objets, car lors d'une variation importante et brutale de la température
de la condensation peut se produire. Pour les mêmes raisons et afin d'éviter un
choc climatique lors de l'ouverture, les caisses ne doivent jamais être déballées
immédiatement, mais laissées pendant une ou deux journées dans le lieu d'exposition
ou de dépôt.

Expositions, vitrines

Nous avons pu constater, "tout au long de ces pages la précarité du matériel


archéologique, nous avons pu entrevoir combien d'efforts et de soins attentifs sont
nécessaires pour préserver intacts ces objets. Tout ceci peut être remis en cause lors
d'une exposition. Ce qui devrait représenter la consécration et la reconnaissance
de la valeur scientifique d'une recherche, la récompense de tout un travail patient
et souvent ingrat de conservation, peut devenir par négligence et ignorance de la
part d'organisateurs peu scrupuleux un véritable désastre. Une exposition soumet
en effet les objets à tous les dangers.
Nous nous proposons ici, non pas de constituer un « vade-mecum » des
expositions (Bachman, ss date), mais de donner les moyens élémentaires aux
responsables des dépôts d'être avertis des risques et de pouvoir agir dans le sens
prioritaire de la protection pendant la durée d'une exposition.

Expositions permanentes ou temporaires : les risques


Les risques les plus grands sont présentés par les expositions temporaires. Si un
objet doit être montré pendant plusieurs années, l'investissement dans une structure
appropriée se justifie, mais dans le cas d'une exposition temporaire un tel coût est
plus difficile à imposer. Ceci est étayé par le fait que sur un court terme on ne se
rend pas compte de la dégradation des objets entraînée par de mauvaises conditions
de conservation. Une exposition temporaire, son installation et son démontage, se
font rarement dans la sérénité : les manipulations, l'emballage seront d'autant plus
négligés que réalisés au dernier moment, dans la confusion et la fébrilité des heures
précédant l'inauguration.
Enfin, bien que cela ne soit pas général, disons le cependant : la couleur de la
moquette ou des fonds de vitrine importe plus à certains organisateurs que le
choix de vitrines adaptées. On sacrifie volontiers le devenir de l'objet au paraître
éphémère d'une exposition.
La solution pour réduire ces dangers et qui maintenant se généralise est de
disposer de vitrines étanches. Par étanche nous entendons un volume suffisamment
isolé pour retarder ou réduire les échanges gazeux entre l'extérieur et l'intérieur de
la vitrine (Cassar, 1985a), mais également susceptible d'assurer une bonne protection
contre le vol et le vandalisme.

L a vitrine idéale

De nombreux modèles de vitrines standards sont disponibles sur le marché, très


peu satisfont aux exigences muséales. Le défaut le plus couramment constaté est
le manque d'étanchéité, ce qui entraîne la perte de deux fonctions essentielles : la
protection contre la poussière et le contrôle de l'HR. En général ces vitrines sont
constituées de deux portes coulissantes laissant un jour par chevauchement. A ces
modèles on peut préférer des dispositifs sur charnières ou dont la face vitrée coulisse
d'une seule pièce avec des joints d'étanchéité en feutre ou en élastomère (Ramer,
1984 ; Selzer, 1985) (fig. 18).

FIG. 18. — Vitrine à porte étanche.

On peut diviser une vitrine en trois éléments (fig. 19 et 20) :


— la partie inférieure doit pouvoir recevoir des bacs pour les matériaux tampon
et être facilement accessible pour permettre la manipulation des produits. Elle sera
également en communication étroite avec l'air de la partie exposition mais isolée
de l'extérieur ;
— la partie centrale est réservée à l'exposition des objets. Le fond, pour permettre
une bonne circulation de l'air entre la partie basse et le volume d'exposition, sera
discontinu (grille, claire-voie, orifices latéraux etc.) et recouvert d'une garniture
perméable. Le système d'ouverture permettra un accès aisé aux oeuvres ;
FIG. 19. — Les trois parties d'une vitrine : (A) : partie destinée à recevoir les matières
tampons (gel de silice ou sel ), (B) : partie exposition, (C) : éclairage, (1) bac des matières
tampons, (2) grille de communication entre les parties (A) et (B), (3) verre anti-calorique
ou/et anti-UV.

FIG. 20. — Vitrine avec circulation d'air ménagée latéralement.

— la partie supérieure pourra recevoir l'éclairage. Elle sera équipée de filtres ou


de verre anti-calorique en fonction de la source et de toute façon isolée de la partie
exposition pour permettre une ventilation de ce compartiment. On recherchera
plutôt des sources lumineuses produisant le moins de chaleur possible. Il faut
remarquer que dans le cas des lampes à fluorescence, si le tube ne chauffe pas, le
ballast qui permet de régulariser le courant électrique avant l'alimentation de la
lampe, produit de la chaleur ; en conséquence il devra être placé en dehors de la
vitrine. Même remarque pour les sources d'éclairage à ampoules dichroïques qui
renvoient les infrarouges à l'arrière de la lampe : le faisceau lumineux ne chauffe
pas mais le dispositif d'éclairage produit de la chaleur.
En tout état de cause on n'installera donc jamais un éclairage directement dans
la partie exposition d'une vitrine.
Le soclage
Nous avons déjà évoqué plus haut les principes généraux du soclage. Les
matériaux les plus fréquemment choisis pour réaliser les soclages sont le bois, le
métal et maintenant de plus en plus le plexiglass. Tous ces matériaux sont bons
tant qu'il n'interagissent pas avec l'objet ou si l'on a pris la précaution de les isoler.
Le plexiglass a l'inconvénient d'attirer la poussière, le métal de s'oxyder et le bois
de se déformer, il n'existe donc pas de matériau idéal et chaque cas de soclage
devra être abordé spécifiquement. Les présentations à l'aide de fils de nylon
sont également fréquentes et devraient être considérées avec circonspection. Des
déformations apparaissent à la suite de points d'arrimage mal positionnés créant
des forces de compressions ou de tractions à l'intérieur de l'objet.
En conséquence la conception d'un bon support commencera par une étude des
contraintes subies par les matériaux, en fonction de leur poids et de leur centre de
gravité.
Contrôle climatique dans la vitrine
Une vitrine bien isolée ralentira les échanges avec l'extérieur et de ce fait réduira
les variations hygrométriques. Mais on peut améliorer le comportement de la
vitrine en utilisant des matériaux tampons, soit en les choisissant dans les
matériaux constitutifs de la structure (bois, textile...), soit en y plaçant des produits
conditionnés pour cet usage (gel de silice, argile, sels) (cf. supra paragraphe sur les
matériaux tampons).
Deux cas peuvent se présenter :
— les objets sont constitués de matières organiques (cuir ou bois traités ou non
traités, os, ivoire, textile, etc.) et dans ce cas une HR moyenne est nécessaire (entre
45 et 60 % selon les cas) ;
— les objets sont constitués de matières inorganiques comme les métaux et dans
ce cas c'est une atmosphère sèche qui est exigée (inférieure à 45 %).
On doit donc adapter la vitrine à la série d'objets exposés et dans la mesure du
possible éviter de mêler matières organiques et inorganiques. Si cela est malgré
tout nécessaire, il faudra adapter l'atmosphère à l'objet le plus fragile si tant est
que l'on puisse le définir : que choisir entre un bronze chloruré et un verre crizzlé,
matériaux très sensibles mais à des taux d'humidité différents ? (Ramer, 1981).
Il faut aussi écarter certains matériaux comme le chêne, le châtaignier ou les bois
agglomérés pouvant attaquer les métaux. Cela se pose dans le cas de réemploi de
vitrines anciennes qui peuvent, après des modifications, être encore à même de
satisfaire à la muséographie moderne (Gardner, 1985 ; Kœgh, 1984). Les fuites
d'air à travers les joints ou le matériau vont être la cause des variations
hygrométriques à l'intérieur de la vitrine (Padfield, 1966). Des études ont pu mettre
en évidence la relation étroite entre ces fuites et la perte d'isotherme du matériau
tampon (Brimblecombe, 1983). Plus ces fuites sont importantes et plus la fréquence
des renouvellements du matériau tampon sera grande. D'où la nécessité de concevoir
des vitrines les plus étanches possible permettant de stabiliser l'HR sur de longues
périodes (plusieurs mois à plusieurs années) (de Guichen, 1985 ; Thomson, 1977 ;
Weintraub, 1981).
Pour un échange satisfaisant de la vapeur d'eau entre l'air de la vitrine et le matériau
tampon, la surface de contact du produit doit être la plus grande possible et la quantité
suffisante (20 kg au m3 d'après Thomson, 1977). Pour certaines vitrines de forme haute une
aide mécanique sera nécessaire pour brasser l'air et l'amener au contact du matériau tampon
(fig. 21).
FIG. 21. — Vitrine avec ventilation interne.

On peut aussi disposer le matériau tampon sur une fine épaisseur sur le fond vertical de la
vitrine. Il s'agit alors d'un conditionnement particulier du gel de silice : dans un cadre mobile
sont placés des modules de gel de silice, celui-ci est maintenu derrière un grillage fin ; les
échanges se réalisent par le fond vertical de la vitrine à travers la toile de garniture (Ramer,
1984 ; Stolow, 1978 ; Rothe, 1985)
L o r s q u e les vitrines d é p a s s e n t 1 m \ le r e c o u r s à des systèmes de c o n t r ô l e
m é c a n i q u e s s'impose. N o u s les a v o n s a b o r d é s d a n s la p r e m i è r e p a r t i e de ce
c h a p i t r e : il s'agit d ' u n m o d u l e de c o n t r ô l e relié à plusieurs vitrines c a p a b l e de
m a î t r i s e r l ' h u m i d i f i c a t i o n et la d é s h u m i d i f i c a t i o n de v o l u m e p o u v a n t a t t e i n d r e
100 m3 (fig. 9 et 10) (Michalski, 1985a et b). U n tel d i s p o s i t i f ne peut se c o n c e v o i r
q u e p o u r des e x p o s i t i o n s p e r m a n e n t e s . A u British M u s e u m , d e p u i s 17 ans, le
c o n d i t i o n n e m e n t de certaines vitrines d ' e x p o s i t i o n est é g a l e m e n t réalisé p a r des
appareils affectés à c h a q u e vitrine (Newey, 1987).
On peut encore parler d'une vitrine dont la conception permet de remplacer l'air par un
gaz inerte ce qui ralentit les processus de dégradation occasionnée par l'oxygène de l'air. Le
gaz employé est de l'azote, l'étanchéité aux poussières est excellente car la vitrine est en légère
surpression ; un procédé de compensation des variations de la pression garantit la sécurité
du système et enfin l'HR est stabilisée par du gel de silice (Pennec, 1988) .

CONCLUSION

La diversité des données qu'utilise maintenant la conservation préventive pourrait


très bien donner lieu à une spécialisation. Mais peut-on l'envisager ? Même si ce
chapitre tend à faire croire à une certaine autonomie, il ne serait pas pragmatique
d'envisager une telle évolution. Cela tient à la nature de la démarche qui est
étroitement imbriquée aux autres secteurs de la conservation-restauration : elle
imprègne même toute la discipine et c'est là son originalité. Mais si la prévention
doit se manifester de façon privilégiée dans toutes les opérations de conservation,
elle doit aussi être présente en dehors de la conservation pure (c'est-à-dire celle des
« pratiques d'atelier »). En fait elle s'étend à tous les domaines des biens culturels
et dès lors les garants de la pérennité des objets exhumés sont aussi bien les
archéologues (fouilleurs, chercheurs, responsables du matériel...) que l'étudiant
stagiaire, l'historien ou l'organisateur d'expositions. Il s'agit d'une prise en charge
collective de ces problèmes, d'une chaîne qui ne vaut que par la force de chacun
de ses maillons, un maillon s'affaiblit et c'est l'ensemble de la chaîne qui est affecté.
Le partage des responsabiltés ne pourra cependant se réaliser sans un minimum
de formation et d'information : « la conservation préventive est une affaire
d'éducation et de mentalité, c'est aussi une question de collaboration » (Naud,
1987) et bien des obstacles seront à lever (routine, insouscience, défiance) avant de
parvenir à faire admettre à l'ensemble des « usagers » du patrimoine archéologique
le bien fondé de la préservation.
Il est vrai que certaines dispositions peuvent paraître contraignantes aux
archéologues : stockage par type de matériau, boîtes closes, mesure et contrôle
permanents du climat, manipulation codifiée, etc., mais de nouvelles habitudes
sont à acquérir et une fois adoptées elles ne sont pas plus astreignantes que les
pratiques pernicieuses. L'archéologue peut très bien s'épanouir dans ce cadre et
une fois les techniques maîtrisées c'est tout le travail archéologique après la fouille
qui se trouve facilité : les objets sont rendus disponibles et accessibles, ils deviennent
exploitables en toutes circonstances dans les meilleures conditions possibles et c'est
la seule voie pour assurer leur avenir.
CHAPITRE XI

Gérer le matériel
archéologique
Nicole MEYER

Les chapitres précédents traitent de la conservation archéologique ; ils ont été


presque exclusivement conçus par des conservateurs-restaurateurs dont le point de
vue est celui d'une profession qui cotoie l'archéologie mais intervient trop souvent
en aval de la découverte ; ils sont requis lorsque le mobilier atteint un stade
manifeste, voire ultime, d'altération et tous déplorent de ne pouvoir participer en
amont à sa préservation.
Aussi a-t-il semblé important d'inclure dans cet ouvrage l'angle d'approche de
l'archéologue. Notre objectif n'est pas de proposer une position théorique,
dogmatique, mais d'offrir une série de réflexions engendrées par la gestion
quotidienne de masses de matériel nombreuses et diversifiées, comme celles issues
d'un grand chantier urbain. Loin de nous l'idée de « faire la leçon » aux
archéologues, ceux-ci sont conscients de leurs responsabilités, ils tâchent de les
assumer dans la mesure de leurs moyens, souvent très insuffisants. Il s'agit plutôt
de modérer l'opinion des restaurateurs nantis à juste raison de leur déontologie,
de leurs exigences professionnelles mais souvent peu conscients des problèmes
concrets, matériels et scientifiques, qui sont ceux des archéologues, perpétuellement
confrontés à des choix souvent difficiles dans le contexte d'une discipline encore
immature.
Longtemps « bénévole », l'archéologie se réclame aujourd'hui comme pratique
professionnelle. Construite à partir d'une mosaïque d'expériences, de compétences,
elle tend à se rationaliser en élaborant des méthodes reconnues de tous, applicables
par tous en fonction des moyens dont chacun dispose et de la spécificité de chaque
site. D'une certaine manière, les archéologues cherchent à se justifier car, ne
l'oublions pas, au milieu de toutes les destructions que vit et qu'engendre notre
société, la première étape du processus archéologique, la fouille, est une destruction.
Des zones pavillonnaires aux autoroutes, le sous-sol est journellement terrassé, en
cycle perpétuel de destruction-construction. L'importance des surfaces fouillées
croît proportionnellement au développement des travaux d'aménagement du
territoire en produisant non seulement des informations nouvelles mais surtout
une grande quantité de mobilier ; l'archéologie en milieu urbain en exhume des
masses considérables car toutes les villes ont ceci en commun qu'elles concentrent
sur une surface relativement restreinte une forte densité d'occupation humaine. Au
regard de sites aussi complexes que les villes, comportant un taux maximal de
perturbations, il a fallu, à l'instar d'autres pays européens, modifier les méthodes
de fouille et d'enregistrement, parfois inchangées depuis le début du siècle.
En ce qui concerne le mobilier, sujet qui nous occupe ici, on a dû adapter des
procédés de gestion et de conservation afin que cette masse documentaire devienne
accessible et s'inscrive à part entière dans l'étude d'un site.
A la lecture de certains manuels d'archéologie, déjà anciens ou parfois même
récents, on note que le mobilier est abordé succinctement. La fouille et ses
techniques, les grandes options de l'archéologie et sa déontologie sont largement
explicitées. Quant au mobilier, le « parent pauvre », il est traité d'un point de
vue théorique (témoin signifiant, élément datant), évoqué dans le raisonnement
archéologique, sa conservation et les méthodes d'analyse fines qui s'y appliquent
sont développées. On sait qu'il faut l'enregistrer, car il est signifiant, technologique-
ment, chronologiquement, sociologiquement parlant. Pourtant, qu'en est-il du
concret, de la pratique quotidienne ? A-t-on toujours conscience de l'importance
des travaux de gestion, de conditionnement qui suivent la fouille et précèdent la
publication ?
La tâche est ardue. Peut-on se permettre de théoriser à partir d'amoncellements
de boîtes, de montagnes de tessons, de caisses d'ossements ? Et quel serait l'intérêt
de noircir des pages avec cette philosophie de pacotille ?
Serait-ce une philosophie qui prônerait le « tout conserver » ?

LE MATÉRIEL A R C H É O L O G I Q U E

Pour définir ce que recouvre cette appellation, rappelons quelques fondements


du raisonnement archéologique.
Un certain nombre d'ouvrages ont largement développé, expliqué cette démarche
intellectuelle (Bouard, 1975 ; Môberg, 1976 ; Gardin, 1979 ; Schnapp, 1980 ; Gallay,
1986) et l'objectif n'est pas ici de paraphraser ce qui a déjà été écrit, clairement
exprimé par d'autres.
Avant, pendant et après la fouille, l'archéologue doit élaborer et régulièrement
réactualiser sa problématique de recherche ; elle seule justifie son intervention
(même s'il s'agit d'un sauvetage) et garantit l'intégration de ses résultats dans une
perspective historique.
La découverte de mobilier ou de vestiges n'est pas une fin en soi, mais un moyen,
un outil de connaissance ; ils témoignent d'événements passés mais ne reflètent
qu'une faible image de la réalité. Aussi la fonction de l'archéologue, au regard de
ce « palimpseste du temps », consiste-t-elle à « rétablir les relations liant les divers
vestiges dans l'espace et le temps » (Gallay, 1986 p. 145-146).

Mobilier, ou immobilier ? Structure, ou élément de structure ?


« L'archéologie est [...] une interprétation des traces appliquée à l'histoire de
l'homme. Toute recherche archéologique nécessite des supports de deux espèces :
— il faut se poser des questions sur les hommes ;
— et il faut avoir des traces de ces hommes » (MÕberg, 1976, p. 171-172).
Ces traces, « ces vestiges que l'on pourrait appeler la mémoire matérielle des
peuples » (Gallay, 1986 p. 126), lorsqu'ils sont visibles, palpables, sont communé-
ment regroupés sous le label de « biens culturels » (cf. Chapitre I).
« Du point de vue méthodologique, il n'y a pas de différence fondamentale
entre les témoins mobiles (les objets) et les vestiges immeubles (monuments,
constructions) » (Môberg, 1976, p 39-40) Tous deux, à part égale, sont en effet
considérés comme détenteurs d'un potentiel informatif.
Les structures correspondent à deux images, l'une matérielle, structures construites
(murs, sols, rues...) dont les matériaux varient (pierre, bois, plâtre, terre, métal...),
l'autre immatérielle, structures creusées (fonds-de-cabanes, silos, fossés...) ; elles
s'inscrivent alors en négatif dans le sol et leur matérialité n'est représentée que par
un deuxième stade de leur existence, leur occupation, et un troisième, leur abandon.
Cette différenciation implique de fait que certaines structures matérielles pourront
éventuellement, en fonction de leur intérêt, être conservées, faire l'objet d'un
programme de protection (cf. Chapitre IX). Les autres, immatérielles, seront
rapidement détruites pour la poursuite de la fouille après enregistrement, relevé et
photographie ; dans une optique muséographique, ou purement scientifique, elles
seront éventuellement moulées en totalité ou en partie (traces d'outils sur les parois,
trous de poteaux...).
Le mobilier ne se limite pas aux objets meublants, il regroupe tout ce qui crée
l'univers matériel de l'Homme :
— l'objet usuel, du quotidien, avec lequel il se vêt, se chauffe, s'alimente (le
costume et ses accessoires, l'équipement du foyer, de la cuisine et de la « table ») ;
— le témoin de son activité, ses outils et instruments, sa production et les rebuts
de celle-ci (scories, déchets de taille...), le produit de sa prédation (chasse, cueillette),
l'objet ou la valeur qu'il échange, commerce ;
— le témoin d'une pratique culturelle — cultuelle et funéraire — comprenant jeu,
musique, parure...
— les traces de son environnement naturel (aussi bien la flore, cultivée ou non
que la faune) ;
— l'homme, lui même, objet et sujet de l'étude.
Ainsi, la notion de mobilier recouvre-t-elle un champ très vaste qui pourrait se
résumer par la formule : « du pollen au chapiteau » caricaturant toutes les disparités
de dimensions, de poids et de matière.
Parfois, la frontière entre immobilier et mobilier demeure imprécise. Ainsi, les
sépultures allient-elles une structure (tranchée d'inhumation) et son aménagement,
qu'il soit objet ou construction (tombe maçonnée, sarcophage ou cercueil), sans
omettre son contenu, le squelette, accompagné d'un éventuel dépôt funéraire. Ce
seul exemple démontrerait, s'il en était besoin, qu'il est impensable d'étudier d'un
côté le mobilier et de l'autre l'immobilier car « il existe une unité profonde qui lie
meubles et immeubles » (Môberg, 1976, p. 40).
Le terme « mobilier » n'est guère satisfaisant pour qualifier l'ensemble des objets
travaillés (artefacts) ou non (écofacts), aussi l'expression « matériel archéologique »
est-elle plus usitée car assez souple pour englober tout ce qui peut être exhumé au
cours d'une fouille.

M a t i è r e et notion d'« anthropie »


Les chapitres précédents ont souligné l'infinité des matériaux constituant le
mobilier archéologique (ambre, lignite, métal, cuir, bois, fibres animales ou
végétales, os animaux ou humains...) ; il est possible de les regrouper en deux
rubriques :
— les témoins du milieu naturel dans lequel l'homme évolue (faune et flore
sauvage...) ;
— les témoins liés à l'intervention humaine incluant les objets manufacturés dont
la matière a été transformée (plâtre, céramique...) ou mise en œuvre (vannerie, bois
tourné...), les chutes et rebuts de fabrication, les matières premières non transformées
mais introduites par l'homme, les végétaux cultivés, les restes alimentaires...
Aux informations concernant la matière d'un objet, ses techniques de mise en
œuvre, s'ajoutent des données d'ordre esthétique ou culturel (technique et inspiration
des décors...). Après enregistrement, description, vient la comparaison. On ne
raisonne plus alors à partir d'un objet, mais d'un ensemble, à partir d'un seul site,
mais de plusieurs. De tels rapprochements, permettent, entre autre, l'établissement
de cartes de répartition, la mise en valeur de courants d'échanges et, dans le cas
d'objets incomplets ou dont la forme et la fonction ne sont pas reconnues, ils
offrent des possibilités accrues d'identification.
Par conséquent, l'archéologie s'intéresse en priorité à la signification du matériel
sans privilégier le « bel objet » au détriment du mobilier considéré dans sa globalité,
sa variété, dans ce qu'il a de quotidien et de répétitif, incluant aussi la trace fugitive
qui sera observée, mais jamais prélevée : l'écuelle en bois que l'on repère par une
trace vaguement circulaire que matérialisent des fibres en décomposition, ce verre
à tige, au stade ultime de son altération dont la forme luit au contact de la truelle
pour se ternir au bout de quelques heures et disparaître. Leur présence est
enregistrée, ils sont photographiés, dessinés, dans le meilleur des cas la matière
pourra être prélevée pour analyse.
L'objet-trace n'existera alors plus que par son « double », qu'il soit image,
échantillon, description et ce « double », géré et archivé, entrera en tant qu'informa-
tion dans le processus d'exploitation du mobilier.
L'archéologue ne peut et ne doit se satisfaire d'une approche intrinsèque, par
conséquent partielle du matériel. Les questions principales qui conduisent son
raisonnement sont : — Où et avec quoi l'objet a-t-il été enfoui ?
— Où?
L'objet est considéré dans son contexte de découverte : telle poterie n'aura pas
la même signification en provenant d'un dépotoir domestique, d'une sépulture,
d'une cache ou d'une tessonnière d'atelier ; il en est de même pour telle perle en
os associée à un dépôt funéraire ou bien à des rebuts d'officine de patenôtrier.
Inversement, le mobilier favorise l'identification de structures. La présence de
poids de métier à tisser, de fusaïoles à l'intérieur d'un fond-de-cabane permettront
peut-être d'y reconnaître un atelier de tisserand. Sur les sites urbains, caractérisés
par un taux maximal de perturbations, les vestiges de structures artisanales s'avèrent
souvent lacunaires. Dans bien des cas le mobilier est un indice précieux pour attester
leur présence, notamment lors de la fouille de dépotoirs associés, généralement mieux
conservés. Ainsi, sur tel secteur un artisanat potier sera mis en évidence par des
rebuts de cuisson rejetés dans une tessonnière ; sur tel autre secteur l'association
d'un brunissoir en agate, de creusets, de masses de verre colorées et de fragments
d'émaux cloisonnés révèlera le voisinage d'un atelier d'orfèvre.
Cependant, ne sous-estimons pas les difficultés d'interprétation des vestiges car
ces exemples sont loin de refléter une réalité quotidienne !
La valeur datante du mobilier (monnaies, céramiques,...) sera excessivement
variable en fonction de la nature du contexte stratigraphique dont elle provient.
Ainsi, une monnaie, est considérée comme datante dans un niveau d'occupation
(sol, rue...), un contexte clos (sépulture, dépotoir domestique...) ; par contre, dans
un remblai elle peut être résiduelle.
— Avec quoi ?
L'étude du matériel associé favorise souvent l'identification d'un objet. Ainsi,
tel élément de tabletterie en os, à décor géométrique, découvert isolé dans un
remblai sera moins pertinent que celui relié à des fibres de bois et des charnières
métalliques qui pourra correspondre à l'applique décorative d'un coffret.
Il en va de même pour tout mobilier composite dont les différents constituants
possèdent rarement des chances de conservation identiques : les mieux préservés
nous éclairent sur l'ensemble.

GESTION ET C O N D I T I O N N E M E N T

Gérer l'information : l ' a b s t r a i t

La fouille est considérée comme un programme raisonné d'une série de destruc-


tions. L'image fréquemment utilisée présente l'archéologue fouillant une stratifica-
tion, couche par couche, comme un lecteur feuillette les pages d'un livre. Toutefois,
ici, après lecture, les pages sont arrachées et le livre détruit. Chacun saisit par
conséquent l'énorme responsabilité de l'archéologue vis-à-vis de l'Histoire ; s'il
détruit au fur et à mesure l'objet de son étude, son devoir est de le restituer au
mieux après interprétation. Et pour ce faire, il ne peut bien évidemment pas se fier
à sa mémoire, ni se contenter de quelques annotations sur un cahier de fouille. Il
se doit donc d'enregistrer sur le champ, avec la plus grande objectivité, la plus
grande précision, le maximum de clarté, toutes les structures, toutes les traces en
mentionnant non seulement leur localisation dans l'espace mais aussi leurs relations.
La qualité d'un enregistrement sur le terrain est indispensable, primordiale, elle
garantit l'exploitation future d'un site.
Si la responsabilité de l'archéologue sur un chantier est une notion comprise,
acquise par tous — nous le souhaitons — en revanche, lorsqu'il s'agit de mobilier,
même si cette responsabilité est théoriquement reconnue voire revendiquée, la
pratique est toute autre. Car le matériel étant prélevé, son traitement, que dire son
enregistrement, sont bien souvent différés : « il n'y a pas urgence...on verra plus
tard !» Une telle attitude provoque immanquablement des pertes irrémédiables
d'informations.
Nous pouvons tous citer des centaines d'objets exposés dans des vitrines,
appartenant à des collections privées, stockés dans des réserves de musées, ou dans
certains dépôts archéologiques, provenant de « fouilles anciennes » (à noter que
cet épithète recouvre parfois une notion très particulière de l'« ancienneté » alignés
sur des rayonnages sans plus aucune identification de provenance. Certes, ces
objets sont conservés, disons qu'ils existent, mais leur valeur informative est
restreinte, sinon nulle pour l'archéologue. On peut étudier leur matériau, leur
technique de fabrication, apprécier leur qualité esthétique, éventuellement les
rapprocher d'un style, d'une culture. Cependant leur message relatif aux hommes
qui les ont fabriqués, utilisés, abandonnés est nulle. Ce sont des arbres secs, leur
« vie » s'est arrêtée sur une étagère, ils n'ont, pour l'archéologue, qu'un intérêt
secondaire.
De plus, ce dernier « n'est pas le propriétaire exclusif des découvertes effectuées,
mais seulement le dépositaire momentané d'une somme d'informations qu'il a le
devoir d'interpréter » (Galinié, 1980, p. 65). Aussi, devra-t-il s'astreindre à conser-
ver sa valeur archéologique à la totalité du matériel, considéré comme outil de
connaissance, et à en garantir les conditions d'exploitation immédiates et futures.
Pour ce faire il doit avant tout préserver l'identification du contexte de découverte.
Il n'y a pas lieu de proposer ici une méthode d'enregistrement du matériel. On
compte d'ailleurs plusieurs formules qui s'attachent à respecter les principes de
standardisation, de rigueur évoqués précédemment ; (Randoin, 1987) celles en
vigueur à Lattes, Tours et Saint-Denis (Galinié, 1980 ; Saint-Denis, 1983 ; Bats et
al., 1986, ), plus que de simples théories, présentent l'avantage d'avoir été testées
parfois plus de dix ans sur le même site. Aucune n'est semblable car chacune
privilégie un type de regroupement particulier : typologique ou conservant une
proximité stratigraphique ou encore favorisant le conditionnement par matériau.
Il ne peut exister une seule et même méthode et ces trois exemples l'attestent ;
ce serait un carcan bien encombrant et bien pesant. En archéologie, comme dans
d'autres disciplines, toute volonté de normalisation est d'ailleurs automatiquement
contrebalancée par des motifs d'ordre pratique : nature du site, éventuelle spécificité
chronologique, mais aussi temps accordé à l'intervention, moyens financiers dont
dispose l'équipe, et importance de cette équipe.
Retenons simplement qu'il est absolument nécessaire d'adopter un système
rigoureux et fiable, objectif et clair pour gérer le mobilier en étant conscient qu'il
sera, à terme, le support de référence permettant de localiser un objet dans un
dépôt et d'exploiter la somme d'informations qu'il aura produite.
Au demeurant, il est certain, et l'expérience l'a prouvé, que les constructions
théoriques parfaitement satisfaisantes pour l'esprit, aboutissent le plus souvent à
des systèmes de gestion lourds, complexes, impraticables. A contrario, une trop
grande subjectivité, une tendance à la « littérature » dans l'enregistrement s'avèrent
à court terme inadaptées, à long terme catastrophiques et sont à proscrire. Entre
ces deux extrêmes, une juste mesure doit être recherchée qui requiert une prise de
conscience de ses limites, au regard de la problématique d'étude préalablement
définie, une adéquation entre masse du mobilier, possibilités de stockage et
programme d'exploitation.
Pour « réussir », une gestion demande un temps considérable passé à des tâches
ingrates, routinières : maintenance conservatoire (vérification du conditionnement,
du marquage, de l'état des objets et des étiquettes), contrôle de la qualité de
l'enregistrement (Les reports ont-ils été exhaustifs ? Les fiches sont-elles lisibles ?
La saisie de l'information est-elle correcte ?).
Plus qu'une obligation mal vécue, par delà un travail répétitif et abscons, la
gestion représente un acte consciencieux et réfléchi qui s'affiche comme condition
sine qua non à la correcte exploitation scientifique du site. Elle doit être comprise
et admise par tous les membres d'une équipe et pratiquée par tous avec la même
rigueur. Car, après la publication, toute la documentation, mobilier compris, sera
léguée à un dépôt et par conséquent à d'autres utilisateurs.
En la matière, l'informatique permet des gains de temps appréciables pour toute
une série de tâches répétitives, mais peut jouer le rôle de paravent, de bonne
conscience. Des logiciels de gestion, de calcul fort bien conçus existent. Cependant,
il est important de ne pas les employer uniquement comme « gadget », comme une
fin en soi, car le stockage, l'archivage doivent suivre aussi.
Or, il est édifiant de constater, lorsque l'on consulte les différents systèmes
d'enregistrement actuellement utilisés en France, combien le côté pratique est peu
effleuré. Pourtant il apparaît essentiel que ce système soit conçu en parfaite
adéquation avec le mode de stockage et d'enregistrement retenus, et obligatoirement
assujetti aux exigences de la conservation par matériau.
Gérer le m a t é r i e l : le concret

C'est ici qu'intervient la notion de conservation préventive assurée par


l'archéologue ; elle s'applique au matériel dès la fouille puis tout au long de son
séjour — qui peut durer plusieurs années — dans le dépôt, tant avant qu' après
sa restauration, jusqu'à sa destination finale, les réserves ou les salles d'exposition
d'un Musée. Ce sera alors au conservateur de prendre le relais.
Ce type de conservation nécessite avant tout le respect de certains principes
fondamentaux précédemment évoqués (cf. Chapitre X) ; il n'implique pas nécessaire-
ment la mise en œuvre de moyens coûteux, mais plutôt un suivi consciencieux
mâtiné d'une bonne dose de persévérance. Tout chantier archéologique peut
pratiquer ce traitement conservatoire surtout si le mobilier qu'il exhume est peu
abondant ou peu diversifié. Le problème se complique si l'on a affaire à des sites
où la masse de mobilier est aussi considérable que variée ou bien lorsque la fouille
doit s'effectuer à un rythme accéléré. Que dire des programmes de recherches qui
s'étalent sur plusieurs années !
Le cas le plus flagrant est celui des sites urbains, et notamment de Saint-Denis
où, depuis quinze ans, une équipe est amenée à gérer une quantité impressionnante
de mobilier.
Les chiffres parlent d'eux mêmes : plus de 20 000 objets isolés, plus de 3000
céramiques reconstituées, près de 1000 monnaies ; le cuir, le bois, le verre se
comptent par milliers de fragments ou de tessons.
Compte tenu de la diversité des matériaux rencontrés, il a fallu, dans un
premier temps « avec les moyens du bord », puis avec l'aide et le soutien de
conservateurs-restaurateurs, établir un programme de conservation préventive.
Après quelques tâtonnements (l'expérience était alors nouvelle pour la France)
système de gestion et impératifs de conservation furent coordonnés. Il apparut
rapidement indispensable de créer un poste permettant d'assurer la gestion du
mobilier envisagée ; loin d'opérer un simple engrangement magasinier son but
consistait à conserver et organiser la documentation matérielle afin qu'elle devienne
accessible à tout moment de l'étude. Le poste est hybride, à mi-chemin entre
archéologue et conservateur-restaurateur ; il doit être occupé par un archéologue,
initié aux principes de la conservation et non par un restaurateur car la gestion du
mobilier implique des choix et des priorités de traitement ou d'étude intimement
liés à la problématique archéologique. D'un autre côté il ne se substitue aucunement
au travail du restaurateur.
Le responsable du matériel est aussi un élément « moteur », car sur ce type de
site le niveau d'« engorgement », peut rapidement être atteint. On arrive à court
terme à saturation si le mobilier n'est pas pris en compte en amont, dès la fouille,
et si son cursus, si les étapes qu'il doit franchir ne sont pas clairement définies à
l'avance. Face à l'inertie, à l'immobilisme, inhérents à la nature même du
« mobilier », il faut opposer une ténacité certaine au regard d'humbles tâches
répétitives.
A Saint-Denis, l'important effort consacré au mobilier apparaît à présent un
choix positif car le matériel offrant une accessibilité immédiate, l'étude s'en trouve
facilitée. Il ne s'agissait pas d'innover, simplement d'appliquer sur une longue durée
et sur un mobilier aux multiples facettes les principes de conservation énoncés dans
cet ouvrage (cf. chapitres II et X) en adaptant les systèmes d'enregistrement en
vigueur sur d'autres sites urbains (Londres, York) (Saint-Denis 1983, p. 133-156).
Dès la fouille le mobilier reçoit un numéro d'enregistrement mentionnant le site,
et le contexte. Dès lors, il sera scindé en trois groupes :
— la grande masse du mobilier (tessons de céramique, os animaux, tuiles, briques,
fragments de plâtre de construction...) conserve cette simple identification. Ces
éléments, qui ne posent pas de problème de conservation particulier sur le site,
suivront un cursus court ; après lavage, séchage et tri ils seront stockés en attendant
la fin de la fouille ;
— certains objets, repérés sur le terrain sous forme de traces, d'empreintes, ne
peuvent être prélevés ; ils sont alors isolés, c'est-à-dire qu'ils reçoivent un numéro
supplémentaire, par unité stratigraphique, de 1 à l'infini accompagné de la date de
l'enregistrement. Ces informations sont ensuite reportées sur plusieurs supports
(fiche d'Unité Stratigraphique, étiquette, registre d'inventaire) et ce, afin de permettre
renvois et recoupements. Après dessin, photographie, prise d'échantillon, ils
pourront alors être « abandonnés » aux déblais car leur existence sera connue et
exploitable par l'archéologue ;
— seront aussi isolés les objets volumineux (sarcophages, chapiteaux, tambours
de colonnes....), les céramiques intactes, ou encore tout objet jugé indispensable à
la compréhension immédiate du site : lots de scories, monnaies...
— l'isolation concerne aussi les matériaux nécessitant un traitement conservatoire,
en fait tous ceux évoqués au long de cet ouvrage et dont le cursus sera plus long.
Soulignons que le milieu d'enfouissement peut fragiliser des matières réputées
peu altérables. De plus, on ne saurait compter les « mauvaises surprises », « les
faux-amis » les identifications erronées de matières, qui apparaissent au fur et à
mesure de l'exploitation du mobilier. Tout archéologue conserve au fond de sa
mémoire un « mauvais souvenir » : telle céramique à peinture blanche dont le décor
s'efface au premier coup de brosse car une feuille d'étain faisait office de peinture !
Ou ce tesson, énergiquement lavé qui révèle un amas de textile minéralisé. Ces
anecdotes l'illustrent, la reconnaissance lors de la fouille et lors des manipulations
postérieures est loin d'être infaillible !
Parfois prélevés en motte, les objets seront fouillés en atelier, éventuellement
consolidés, puis photographiés. A chaque matériau correspondent des précautions
et des manipulations spécifiques déjà amplement décrites et auxquelles le lecteur
pourra se référer.
Intervient ensuite le stockage où la « règle d'or » est le conditionnement par
matériau (cf. chapitre X). Ainsi, bois et cuirs gorgés d'eau seront stockés dans des
bassines d'eau additionnées de fongicide, en attente de lyophilisation. Les métaux
séjourneront dans des boîtes hermétiques contenant du gel de silice aussi bien avant
qu'après traitement.
L'importance du principe d'isolation est parfaitement perceptible : il permet à
l'archéologue de connaître existence et lieu de stockage de chaque objet puisque,
pour des raisons d'ordre conservatoire, il lui est impossible de conditionner le
mobilier par Unité Stratigraphique (méthode la plus couramment pratiquée). Alors,
la série de manipulations, de traitements décrite dans ce manuel sera possible. Si
chaque intervenant, archéologue ou spécialiste de la restauration, de l'analyse,
respecte cet enregistrement, le caractère archéologique de l'objet sera préservé et
ce dernier pourra sans encombre être englobé dans l'étude du site.
Ces quelques lignes pourront irriter le lecteur par leur banalité, leur évidence.
Pourtant l'expérience a montré combien garantir la fiabilité d'un enregistrement,
en d'autres termes « conserver l'étiquette », « ne pas effacer le marquage » était
ardu ! A quoi bon identifier les essences de bois, procéder à des études métallographi-
ques qui nécessitent un appareillage sophistiqué et des manipulations coûteuses, si
les références des objets sont interverties ou perdues ? De même, chaque restaurateur
doit être conscient de ses responsabilités vis-à-vis de tout objet confié par un
archéologue. Egarer une référence peut occasionner des pertes irrémédiables
d'informations pour l'étude d'un site — pensons aux monnaies — ; à lui de
s'organiser, d'enregistrer, de photographier ou de dessiner le matériel dont il a la
charge, la responsabilité, même si ce travail a déjà été mené à bien par l'archéologue ;
deux précautions valent mieux qu'une !
Le plus astreignant est de loin la maintenance. Vérifier les emballages, les
étiquettes, prévenir l'infestation des objets, surveiller le développement des
chlorures ! Il faut avoir passé quinze ans de sa vie au milieu des boîtes, des caisses,
des cagettes, des sacs pour savoir ce que recouvre ce cycle infernal ! Classer, faire
et refaire ! La seule consolation à ce travail routinier, fastidieux, répétitif réside en
sa justification : il est indispensable, incontournable car il conditionne la qualité
de l'étude.
Le responsable du matériel conserve le mobilier, le rend accessible. Il décide
aussi, en accord avec le responsable de la recherche, des restaurations prioritaires,
des analyses (Radiographies X, dendrochronologie, 14C, lames minces, composition
de matière, détermination de fibres textiles, d'essences de bois...).
Le travail d'étude purement archéologique peut ainsi s'effectuer. Après établisse-
ment du diagramme stratigraphique le cursus se poursuit avec la rédaction de la
« fiche matériel » où est enregistré et décrit par Unité Stratigraphique chaque
élément du mobilier (Saint-Denis 1983 p. 133-156) permettant ainsi l'étude
d'associations d'objets. Parallèlement s'effectue la mise en périodes et en séquences
des Unités Stratigraphiques. Enfin, vient la rédaction de fiches typologiques par
objet. Ces documents de synthèse recensent à la fois les informations propres à
l'objet et celles déduites du matériel associé et de l'étude stratigraphique ; Parfois
accompagné d'un dossier (renfermant résultats d'analyses, radiographies, tirages
photographiques, références bibliographiques...) il constitue le document final
préparant la publication.
Cette documentation matérielle et son double ou son complément, à savoir la
documentation graphique et photographique, doivent théoriquement aboutir, après
séjour dans ce que l'on nomme des « dépôts sas » c'est-à-dire des dépôts transitoires,
au Musée. La maintenance de ces archives n'est pas le sujet du présent ouvrage.
Cependant en tant qu'archéologues nous devons nous préoccuper de l'avenir des
films, photographies, papiers, calques et prévoir des conditions de conservation
sûres dans les dépôts. A quoi sert toute cette masse documentaire nécessitant tant
d'heures de travail si à la fin d'un chantier tout est dispersé et engrangé en « dépit
du bon sens ? » Chaque archéologue est concerné à court ou long terme par ce
problème. Qu'advient-il de la bienheureuse théorie de l'accessibilité future à la
documentation, dans ce cas ? Il serait utile de dupliquer la totalité des données
amassées en généralisant non seulement les photocopies, mais surtout les microfiches
et saisies sur disquettes informatiques. Ce serait un premier palliatif, mais comment
vieilliront micro-fiches et disquettes ? La question reste entière !

CONSERVER, UN CHOIX DÉLIBÉRÉ ?

Un dilemme existe entre démarche archéologique et théorie de la conservation


des biens culturels.
L'archéologue se situe en amont, à la naissance de la « vie archéologique » d'un
objet. Aussi, possède-t-il un ascendant chronologique sur le mobilier ; il est par
conséquent responsable de sa découverte, mais aussi du devenir de celle-ci.
Pourtant, l'archéologie engendre ses propres contradictions car les chemins du
« savoir » ne rejoignent pas obligatoirement ceux de la « conservation ». Si, comme
le souligne Gallay (1986 p. 152), « d a n s un domaine donné le rendement d'une
découverte décroît avec le progrès des connaissances » l'archéologue doit-il privilé-
gier le « savoir », la « connaissance » et confier la sauvegarde, la conservation à
d'autres ? « Est-il plus important (ou moins important) de sauvegarder ou de
connaître » (Môberg, 1976, p. 61).
Sans tenter de clore un tel débat qui fera encore « couler beaucoup d'encre »,
recensons un certain nombre d'arguments.
La sélection s'opère déjà au niveau de la mise en place du chantier. Dans le cas
des sauvetages programmés, l'archéologue détermine les parcelles concernées par
une fouille exhaustive ; les autres sont traitées en sondages ou en surveillance de
terrassement car l'on ne peut tout fouiller. Cette planification ne relève pas pour
autant de l'arbitraire ; elle se pratique en référence à des sources écrites, à une carte
archéologique, aux résultats de fouilles précédentes.
L'un des choix possibles consisterait à privilégier la fouille de ce qui n'est pas
ou peu connu plutôt que celle de vestiges standards. L'idée mérite attention bien
qu'elle puisse engendrer de graves abus.
La multiplication des travaux d'aménagement du territoire impose la recrudes-
cence des fouilles de sauvetage qui monopolisent efforts, crédits et personnel. Par
réaction à cette urgence imposée, tend à se développer la politique des « réserves
archéologiques ». L'expression est explicite : éviter la fouilles de certaines zones, au
potentiel archéologique connu, afin de « réserver » leur exploitation à un avenir
meilleur, proche ou lointain, offrant de plus amples moyens tant logistiques que
scientifiques. Il s'agit d'une gestion raisonnée du patrimoine archéologique qui use
d'arguments fréquents dans d'autres domaines, tel l'environnement. Ainsi, le
concept de patrimoine, par réaction aux prédations fulgurantes qui minent notre
planète, a-t-il tendance à se « globaliser » afin que la protection de ce dernier ait
quelque chance de succès.
Quant au mobilier, la notion de choix a bien évolué. Les temps semblent révolus
où, pour atteindre des niveaux antiques, on éliminait les strates plus récentes,
médiévales comprises, révolu aussi le choix de l'objet intact, rejetant tout tesson
ou forme jugée trop fragmentaire.
Gérer, ne signifie pas tout conserver ; aucun archéologue n'en a le temps ni les
moyens. Ce ne serait d'ailleurs ni envisageable ni même souhaitable, comme entaché
d'un sentimentalisme déplacé et inutile. C'est avant tout pratiquer une sélection,
établir des priorités en toute conscience, en toute responsabilité mais aussi refuser
le laxisme au profit de l'intelligence, de la compréhension d'un site. De plus, des
choix dictés par une démission vis-à-vis des problèmes de conservation ou de
conditionnement de mobilier ne sauraient être justifiés raisonnablement.
Faut-il tout conserver pour des recherches ultérieures, dotées d'une infrastructure
plus importante, de méthodes d'analyse plus abouties ? L'évolution de la discipline
démontre que l'on ne peut préjuger aujourd'hui des questions qui se poseront
demain, renouvelées tant par l'évolution des problématiques que des instruments
d'analyse. « Complexé » par cette prise de conscience, l'archéologue cherche à
promouvoir un enregistrement exhaustif, sorte de leurre, car il faut se résoudre à
admettre que l'on ne trouve que ce que l'on recherche. L'Enfer est pavé de bonnes
intentions...
Les dépôts sont encombrés, le personnel chargé de la maintenance est rare ou
inexistant ; si la sécurité est en général assurée, les conditions de conservation, sont
précaires voire absentes. Nous nous débattons tous avec nos prélèvements, nos
sacs de macro-restes végétaux, nos échantillons de bois, de mortier : une « bonne
conscience » bien encombrante qui, faute de possibilité d'analyse, se retrouve un
jour ou l'autre dans une benne à ordures. Que dire des blocs lapidaires entassés
pêle-mêle sans protection, des milliards de tessons, des centaines de bacs où stagnent
des matières organiques. Le seuil de saturation est atteint depuis longtemps, et au
rythme accéléré des opérations archéologiques de sauvetage (autoroutes, chantiers
urbains, zones pavillonnaires, extension de carrières...) la situation ne cessera
d'empirer !
Si cet ouvrage propose les principes de conservation, il reste à les appliquer et
chaque archéologue sait combien il lui en coûte. Manque de moyens, de postes, de
dépôts adaptés, l'éternel leitmotiv. Souhaitons que ces quelques lignes ne soient
plus d'actualité pour les lecteurs de l'an 2000 !
Par conséquent la pratique de l'échantillonnage est urgente, nécessaire pour
l'archéologue, mais quelle méthode préconiser ?
Trouver un compromis entre un tri aléatoire (garder un tesson sur dix...) et un
échantillonnage considéré comme représentatif de nos critères de sélection (conser-
ver un exemple de chaque profil de rebord, d'anse, de décor...). Doit-on conserver
toutes les poteries reconstituées celles qui, répétitives, encombrent nos étagères ou
peut-on considérer qu'une photo, un dessin, un échantillon de matière s'y
substituent ?
Pour les métaux, le fer en particulier, la radiographie X offre aux archéologues
des moyens de sélection relativement satisfaisants. Ainsi est-il possible d'identifier
ces masses de rouille qui prolifèrent dans les dépôts. Si la forme subsiste sous
l'oxyde, la radiographie la révèle et permet de juger du bien fondé d'une
consolidation d'un traitement ou uniquement d'un dessin. Dans le cas contraire,
si le métal atteint un stade ultime de corrosion et si la forme n'est pas identifiable,
la radiographie sera conservée et l'objet pourra être éliminé sans remords.
Cependant le plus souvent, les solutions ne sont pas aussi radicales, alors on
attend. Attendre, le maître mot est lancé, puis un jour, comme l'on débarrasse un
grenier, on évacue le « problème » !
De tels propos pourront déconcerter, voire choquer le lecteur, au terme d'un
ouvrage consacré à la conservation, d'autant qu'ils émanent d'un responsable du
matériel qui met son point d'honneur à gérer « dans les règles » le mobilier d'une
fouille. Pourtant il est nécessaire, quelle que soit la théorie, de rester pragmatique.
L'archéologue recueille l'information ; à lui, responsable de sa découverte,
d'accentuer ou de stabiliser le processus de dégradation ; s'il est parfaitement
rompu aux méthodes de conservation, ses choix pourront être pris en toute
connaissance de cause.
L'archéologue est-il un « gérant du patrimoine » ou en est-il l'un des prédateurs ?
On gagnerait certainement, dans ce type de réflexion, à confronter expériences
et problèmes en Europe, à comparer les systèmes législatifs en vigueur. En la
matière Henry Cleere (Cleere, 1984, 1989) a montré la voie. A ce niveau,
l'archéologue n'est plus le seul intervenant ; il compose entre les aspects scientifiques
de sa discipline et les politiques culturelles locales, régionales, voire nationales.
Nous savons combien il est difficile d'allier les choix d'ordre purement scientifique
et ceux qui participent de la divulgation vers un vaste public des résultats d'une
archéologie considérée comme instrument de mémoire. Non seulement le public a
droit à cette information, mais il la souhaite ; le succès que rencontrent les « journées
portes ouvertes » est l'exemple concret de cet engouement. Un mouvement
comparable se dessine pour l'Histoire mais l'archéologie possède un atout majeur,
celui de renouveler ses sources.
DIALOGUE

Aucune lecture ne suffira à régler la totalité des problèmes de conservation


archéologique sur un site. L'épilogue de ce manuel ne peut être que d'encourager
la permanence du dialogue entre conservateur-restaurateur et archéologue. En
matière de conservation préventive, connaître le matériau, tenter de comprendre
les processus d'altération et appliquer des « recettes » aussi bonnes qu'infaillibles
n'est pas satisfaisant. Un bon diagnostic prime avant tout et relève généralement
des compétences d'un conservateur-restaurateur.
De plus, il existe une complémentarité manifeste entre les deux interlocuteurs et
non des relations de subordination. Ainsi, l'archéologue aura tendance à appréhen-
der un objet d'un point de vue chronologique, morphologique, technique, fonction-
nel, le restaurateur, d'un point de vue matière et technique. On conçoit alors fort
bien que la frontière entre les deux optiques n'est pas étanche.
Le premier connaît « son » mobilier et ses subtilités techniques, précise le type
de « rendu » souhaité : simple lisibilité ou dégagement, consolidation, restauration
plus poussée à des fins muséographiques, incluant éventuellement un comblage de
lacunes. Le second, lors de son intervention, sera à même de fournir des indications
précieuses, parfois inattendues sur l'objet. Par son contact direct avec l'objet, il en
percevra les particularités techniques ou les matières indiscernables au paravant :
étamage, présence d'autres matières (cuir, textile sur des boucles métalliques, par
exemple...).
Aussi l'archéologue est-il en droit de connaître l'ensemble des traitements
pratiqués sur tout objet et c'est le devoir du restaurateur de lui fournir non
seulement un dossier complet sur son travail, mais encore les conseils destinés à
la conservation après traitement : prescriptions climatiques (nombre de lux,
hygrométrie, température...) et mode de conditionnement ; la « vie » ultérieure de
l'objet en dépendra, les futures restaurations ou dé-restaurations aussi. Lorsque
l'objet partira dans un musée ou une exposition temporaire, l'archéologue sera en
droit d'exiger le respect de ces indications.
Le dialogue est facilité lorsqu'un conservateur-restaurateur est intégré à l'équipe
de fouille (principalement sur des grands chantiers), ou lorsque les distances
géographiques entre laboratoires et sites ne sont pas insurmontables. Le
conservateur-restaurateur sort de son univers quotidien, intervient sur le terrain et
dialogue ; il peut appréhender concrètement les difficultés de dégagement, de
prélèvement (il semble d'ailleurs important que tout restaurateur d'objets archéolo-
giques ait lui-même participé à des fouilles).
Les laboratoires ne traitent qu'une infime part du mobilier découvert. Faute
de crédits, l'archéologue sélectionne les objets les plus remarquables, les plus
« muséographiques », les plus signifiants ou indispensables à la datation, à la
compréhension immédiate du site. Le reste (les 9/10, les 8/10?) attend et ne sera
peut-être jamais traité. Pourtant, quelle quantité d'informations recèle cette masse
délaissée ?
Il est essentiel que les conservateurs-restaurateurs soient informés et prennent
conscience des problèmes que rencontrent les archéologues vis-à-vis du mobilier et
qu'ils se gardent d'un jugement trop hâtif à leur encontre. De plus, ils doivent
accepter les choix de ces derniers, s'ils sont dictés par une réelle problématique
archéologique et non par une démission ou un laxisme. Il faut qu'ils sachent que
l'archéologue est parfois obligé d'intervenir vite, les chantiers de sauvetage urgents
en sont l'un des aspects.
En terme de dialogue, on devine aisément la place stratégique occupée par le
responsable du matériel. Agir en médiateur afin que s'articulent au mieux les deux
disciplines, que leurs discours convergent, n'est-ce-pas le fait de ce manuel ?

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
ANNEXE

Cette liste présente les principaux produits cités dans l'ouvrage et indique les
fabricants ou distributeurs auprès desquels ils peuvent être obtenus, sans prétention
à l'exhaustivité et sur la seule base des indications dont nous disposions ou que
nous ont communiquées quelques-uns des auteurs.
D'autres fournisseurs peuvent également proposer ces produits, surtout en
province, il est donc souhaitable de s'établir à partir de cette liste d'adresses, ses
propres références, plus adaptées au marché local. Les drogueries, les grands
magasins, les magasins de matériel agricole et dans certains cas, les pharmacies (!)
peuvent aussi proposer certains matériels ou produits figurant dans cette liste : de
l'astuce et beaucoup de patience devraient permettre à chacun d'arriver à ses fins
dans cette nouvelle quête du Graal.
D. G.

LISTE ALPHABÉTIQUE DES FOURNISSEURS

A D A M : 11, bd Edgar Quinet, 75014 Paris (43 20 68 54).


ALBINET & ALLUSSON : 23-25, r. Gay-Lussac, 94430 Chennevières-sur-Marne (45 76 96
90).
A L U M I N E D U R M A X : 14, r. Louis Blériot, 86101 Chatellerault (49 21 21 54).
A N D R E C H E N U E & FILS : 5, r. de la Terrasse, 75017 Paris (47 63 03 11).
APIMEX : 1, Pl. de la Liberté, BP 7, 92252 La Garenne Colombes Cedex (47 84 92 65)
A R C H E O L O G I E ASSISTANCE : Quartier du Villard, 83780 Flayosc (94 70 58 43).
A R N A U D G R O U P E : 68, av. du Gén. Michel Bizot, 75012 Paris (43 46 Il 08).
ART & CONSERVATION : 33, r. Trudaine, 75009 Paris (48 74 95 82).
A R T H U R RICH & PARTNERS LTD., 42 Mount Pleasant Drive, Belper, Derbys, Royaume
Uni.
ATLANTIS F R A N C E : 26, r. des Petits-Champs, 75001 Paris (42 96 53 85).
BACON INDUSTRIES Inc. : 192 Pleasant Street, Waertown 02172, USA (714-863.1499).
BRANOPAPIER : 15, r. Charon, 75009 Paris, (42 85 10 59).
BROCHIER : 14, r. Beffroy, 92200 Neuilly (47 47 83 01).
CANUS PLASTICS LTD. : 340 Gladstone Ave., Ottawa K2P OX8, Ontario, Canada
(613-232.2657).
CARL ZEISS JENA (Compagnie Générale de physique) : 48, bd de la Bastille, 75012 Paris.
CASSOU : 18, r. d'Odessa, 75014 Paris (43 27 12 32).
CECA SA : 12-16, allée des Vosges, La Défense Cedex 54, 92062 Paris La Défense (49 04 12
34).
CELLIER : r. du Maroc, BP 603, 73106 Aix les Bains Cédex (79 35 05 65).
CHAUVIN A R N O U X : 190, r. Championnet, 75890 Paris Cedex 18 (42 52 82 55).
CHIM IDIS : 9, bd NEY, 75018 Paris (42 09 65 43).
CLE DESIGN Ltd. : 69 Haydons Road, London SW19 IHQ Royaume Uni (01-540 5772).
CIBA-GEIGY : 2-4, r. Lionel-Terray, 92500 Rueil Malmaison (47 49 02 02).
CONSERVATION MATERIALS Ltd. : 240 Freeport Blvd., Box 2884, Sparks (NV) 89431
USA (702-331 0582).
CORECI : 4, r. Desparmets, 69000 Lyon (74 74 09 06).
C R E A N G E : 45 bis, r. des Boulets, 75011 Paris (43 71 11 50).
D A G E I N T E R S E M Ltd. : Rabars Lane, Aylesbury, Bucks HP19 3RG, Royaume Uni.
D.D.F. : 33, r. du Père Chevrier, 69007 Lyon (78 58 19 49).
D E F E N S O R : 81-85, r. Louis Ampère, Z.I. des Chanoux, 93330 Neuilly-sur-Marne Cedex
(43 00 66 33).
DEGUSSA F R A N C E : 157, av. Char. de Gaulle, 92203 Neuilly-sur-Seine (47 47 51 00).
DE T R E Y DENSTPLY : 72, r. du Gen. Leclerc, 92270 Bois-Colombes (47 80 46 13).
D U F A Y L I T E : 57, r. Pierre Charron, 75008 Paris (42 89 51 89).
D U P O N T DE N E M O U R S : 9, r. de Vienne, 75008 Paris (43 87 59 79).
D Y D R A : 12, r. du Port de la celle, BP 11, 77670 Saint-Mammes (60 70 52 51).
G O L D S C H M I D T TH. AG : Hauptverwaltung und Werk Essen, Goldschmidtstrasse 1
Postfach 17, 4300 Essen 1, RFA (17 31).
G O L D S C H M I D T FRANCE SA. : 3, av. des Chaumes ZAS, 78800 Montigny-le-Bretonneux
(30 43 44 44).
HEALTHCO F R A N C E : 148, route de l'Empereur, BP 230, 92503 Rueil-Malmaison Cedex
(47 32 06 02) .
HERCULES FR ANCE Division chimique : 44, av. de Chatou, 92508 Rueil-Malmaison (47
51 29 19).
HILLERY : 1909 Rich Creek Road, Austin 78751, Texas USA (512-452.7146).
HOECHST : Tour Roussel Hoechst, 92080 Paris La Defense Cedex 3(47 67 40 00).
H Y D R O C U R E : 3 bis, route de l'Ile Saint-Julien, BP 45, 94380 Bonneuil-sur-Marne (43 39
44 33).
I.A.T. : 60, r. Saint-Sabin, 75011 Paris (48 06 50 50).
I.C.I. F R A N C E : 1, av. Newton, 92142 Clamart (45 37 51 11).
I.S.I. : 77, av. Parmentier, 75011 Paris (48 05 40 40).
JIBE : 18-20, r. Faubourg du Temple, 75011 Paris, (48 05 90 08).
JOLLIOT : 9, r. de Montmorency, 75003 Paris.
KULZEN & Co. : Postfach 261, Bad Hambourg 638, RFA.
LAMBERT-RIVIERE : 36, av. Gallieni, 93170 Bagnolet Cedex (43 60 37 37).
LEADAIR SA : Z.A.I. Les Richardets, 14, r. du Ballon, 93160 Noisy-le-Grand (43 05 41
06).
MAGAZIN G E N E R A L D E N T A I R E : 84, r. Bonaparte, 75006 Paris (43 54 40 23).
M A N U T A N : 32 bis, bd. de Picpus, 75012 Paris (43 46 12 60).
MORIN : 20, r. Rampal, 75019 Paris (42 49 33 66).
NILFISK : 18-20, av. des Iris, BP 19, 91421 Morangis Cedex (69 09 30 05).
NOVO DIRECT : BP 1, 67401 Illkirch Cedex ( 88 67 06 44).
O F F I C E DU F R O I D : 97, r. Aristide Briand, 92300 Levallois (47 39 45 45).
O M N I U M SCIENTIFIQUE ET INDUSTRIEL DE F R A N C E : 141, r. de Javel, 750015
Paris (45 54 97 31).
OSI : 141, r. de Javel, 75739 Cedex 15 (45 54 97 31).
O.S.I.F. : 141, r. de Javel, 75015 Paris (45 54 97 31).
PLASTIMETA-PERCHE : 83, av. Jean-Jaures, 94400 Vitry (46 80 50 88).
P O D I A F R A N C E : 71, r. de Suresnes, 92380 Garches (47 01 15 17).
PROLABO : 12, r. Pelée, 75011 Paris (43 55 44 88).
RAJA : 20, r. Rampal, 75019 Paris (42 49 33 66).
REFLECTIV : 4, pl. Maurice de Fontenay, 75012 Paris (43 47 53 53).
Agence de Lyon, 7, r. Neuve, 69001 Lyon (78 42 36 91).
RE-PLEX : 10, r. Alphand, 75013 Paris (45 80 47 77).
RHONE-POULENC : 25, q. Paul Doumer, 92408 Courbevoie Cedex (47 68 12 34).
R I C H A R D Société Jules : 116, q. de Bezons, 95102 Argenteuil (39 47 09 36).
Agence de Lyon : 506, av. du 8 mai 1945, 69300 Calvire (78 23 68 34).
Agence de Toulouse : 111, r. N. Vauquelin, 31100 Toulouse (61 41 23 02).
ROHM & H A A S : 43, r. du Général Leclerc, 92130 Issy-les-Moulineaux ou La Tour de
Lyon, 185, r. de Bercy, 75579 Paris Cedex 12 (43 45 24 21).
S C H M I D T ALFONS : St. Germanstr. 14, 6720 Speyer, RFA.
SERLABO : 26, r. Saint Gilles, 75003 Paris (42 78 15 00).
SOCIETE C H I M I Q U E DE LA C O U R N E U V E : 45, q. Lucien Lefranc, BP 151, 96304
Aubervilliers Cedex (48 34 05 30).
SOCIETE I N D U S T R I E L L E DES C H A R M I L L E S : 125, av. de Rosny, 93250 Villemomble
(47 38 21 75).
SODIEMA : 13, r. Paul Dautier, 78140 Velizy (39 46 96 97).
STOUL : Z.A. des Godets, r. des Petits Ruisseaux, 91370 Verrières-le-Buisson (69 20 44 35).
TIRANTI Ltd. : 21 Goodge Place, London Wl, Royaume-Uni.
T O U Z A R T ET M A T I G N O N : 3, r. Amyot, 75005 Paris (43 36 44 60).
TROUVA Y & CAUVIN : 4, av. Laurent Cely, 92606 Asnières (47 91 44 44).
VAAST : 17, r. Jussieu, 75005 Paris (43 31 35 38).
VITRE FILM I N T E R N A T I O N A L : 3, route d'Herblay, 95480 Pierrelaye (30 37 71 02).
VOSSCHEMIE : D-2082 Uertesen, Postfach 1355 RFA.
V.T.R. CHIMIE : 3, r. Christian de Wette, BP 1323, 69609 Villeurbanne Cedex.
YAMATO : 10, r. du Chemin Vert, 75011 Paris (43 55 17 12).

LISTE DES FOURNITURES

— Ablebond 342-1 : Atlantis, Dage Intersem.


— Aerosil (produit par Degussa) : Adam, VTR Chimie.
— Ambrex : Adam.
— Araldite XW 396/XW 397 : Sodiema.
— Aspirateur de gaz et de poussière : Manutan, Cle.
— Aspirateur de poussière à filtration absolue : Nilfisk.
— Bac plastique gerbable : Manutan.
— Bacon FFA-22 : Bacon Industries.
— Bandelettes à indicateur d'humidité : Atlantis, Dydra.
— Beva : Art et Conservation.
— Cequartyl : Société Chimique de la Courneuve.
— Cire microcristalline : Art et Conservation, Atlantis.
— Cuve en acier inox : Cellier, Novodirect.
— Cuve à ultra-sons : Novo Direct, Omnium Scientifique, Prolabo.
— Elvacite : (produit par Dupont de Nemours) : Dupont de Nemours.
— Epoxy 5 : Atlantis.
— Fibre de verre : VTR Chimie.
— Film polyéthylène transparent ou à bulle d'air, mousse de polyéthylène expansé : Albinet
et Alluson, Art et Conservation, Morin, Raja.
— Film étirable : Albinet et Alluson, Morin, Raja.
— Film polyéthylène Vacumetic : Branopapier.
— Hotte aspirante : Novodirect, Manutan, Prolabo.
— Humidificateurs et Déshumidificateurs : Defensor, Leadair, Office du Froid, Société des
Charmilles.
— Hxtal-Nyl 1 : Hillery.
— Hygrographe et Thermohygrographe : Prolabo, Richard, Trouvay Cauvin.
— Hygromètre électronique : Coreci, Richard.
— Klucel (Produit par Hercules) : Art et Conservation, Atlantis.
— Latex (caoutchouc naturel) : Adam, Ceca, Lambert-Rivière.
— Loupe binoculaire, stéréomicroscope : Carl Zeiss Jena, Vaast.
— Luxmètre : Atlantis, Chauvin-Arnoux, Elsec.
— Matériaux tampons : Ceca et Hydrocure (gel de silice), Prolabo (gel de silice, argile),
Dydra (argile).
— Matériel de dentisterie : Créange, D D F , Podiafrance.
— Matériel de laboratoire (pompe à vide, montage électrolytique, conductimètre, pH
mètre...) : Prolabo, Serlabo, Touzart et Matignon, Novo Direct.
— Micromoteur de protésiste : Créange (Kavo), Healthco (Kavo), Podiafrance (Volvere 8).
— Modelling wax : De Trey Denstply.
— Mousse polyester souple en plaque : Morin.
— Mowilith (produit par Hœchst) : Art et Conservation, Atlantis, Chimidis.
— Nids d'abeille aluminium : Ciba-Geigy ( Aerolam F Board, Aeroweb).
— Nids d'abeille carton : Dufaylite.
— Outillage de précision : Joliot.
— Papier de soie sans acide : Morin, Albinet et Alluson.
— Papier et carton sans acide : Art et conservation, Stoul, Atlantis.
— Paraloid (produit par Rohm & Haas) : Adam, Art et Conservation, Atlantis.
— Plastogen G : Schmidt Alfons.
— Plexigum (produit par Rohm & Haas) : Art et Conservation.
— Plexisol (produit par Rohm & Haas) : Art et Conservation.
— Pliantex (Produit par Arthur Rich & Partner Ltd.) : Atlantis.
— Poudre abrasive : Alumine Durmax, Adam.
— polyester C-32 : Canus Plastics.
— polyester expansé particulaire ou en plaque : Albinet et Allusson, Morin, Raja,
— Polyester en film (terphane ou mylar) : Art et Conservation, Stoul, Atlantis.
— Polyéthylène glycol : Ici, Osi, Pro-Labo.
— Polyuréthane : Arnaud, Ici-France, Lambert-Rivière.
— Préventol : Lambert-Rivière.
— Primai : (produit par Rohm & Haas), Atlantis.
— Produits chimiques ( solvants, complexants, réactifs, acides, bases, papiers indicateurs de
pH...) : Prolabo, Serlabo, Touzart et Matignon.
— Produits dentaires : Créange, DDF, Magazin Général Dentaire.
— Psychromètres et Hygromètres : Coreci, ISI, Osif, Prolabo, Richard.
— Rhodorsil (produit par Rhone-Poulenc) : Adam, Cassou, Prolabo.
— Rhodopas, Rhodoviol (produit par Rhone-Poulenc) : Art et Conservation, Prolabo,
Société Chimique de la Courneuve.
— Sachets de polyéthylène (Presbag à fermeture à pression, Minigrip ou polybag) : Albinet
et Allusson, Archéologie Assistance, Morin.
— Sécurité (armoire, bidon, masque, gants) : Manutan, Novodirect, Prolabo.
— Silicone RTV 585 (produit par Wâcker) : Cassou.
— Soclage (plexiglass ou altuglass) : Jibe, Plastimeta Perche, Re-Plex.
— Soloplast : rayon bricolage de certains grands magasins (BHV).
— Sticky wax/Vigor CA 640 : Conservation materials, De Trey Denstply.
— Symperonic N : Atlantis.
— Technovit 4000 a (produit par Kulzen & Co.) : Adam.
— Tegobétaine : Goldschmidt France, Hoechst.
— Tego trennmittel 1774 : Th. Goldschmidtag.
— Température (Thermomètres à distance et de contact) : Chauvin-Arnoux, Richard, Osif.
— Tiranti et Trylon : Tiranti.
— Toile de verre : Brochier
— Truwax : Dentsply.
— Tylose : Art et Conservation.
— Ultraviomètre : Atlantis, Elsec, Prolabo.
— Vosschemie Giessharz GTS (produit par Vosschemie) : Adam.
— Films de contrôle solaire et filtres anti UV : Apimex, Reflectiv, Vitre Film International.
— Transport : Chenue et Fils, IAT, Yamato.
AIDE-MÉMOIRE N° 1
CONSERVATION SUR LE TERRAIN :
R A P P E L S PRATIQUES
Matériaux et équipements utiles
Pour le conditionnement
Sacs congélation, Sacs polyéthylène à fermeture incorporée, avec ou sans bande
blanche (Polybag, Minigrip) ; Tailles : 60 x 80/60 x 100, Gaine polyéthylène, Film
étirable polyéthylène (Cell-O-frais), Sachets cellophane, Papiers et cartons non acides,
Plastique à bulles, Mousse de polyéthylène, Mousses de polyester, Microbilles de verre,
Boîtes hermétiques (tupperwear), Bacs plastique gerbables normalisés (Allibert).
Gel de silice, Fongicide bactéricide (panacide),
Réfrigérateur, Soudeuse à sac (Calor), Balance, Four ou étuve.
Consolidations, prélèvements, identification
Alcool (éthanol), Acétone,
Bande plâtrée, Plâtre de qualité industrielle, Polyuréthane à expanser, gazes coton et
polyester, Feuille aluminium, Polyéthylène aluminisé (couverture de survie),
Paraloïd B 72, Primai WS 24, Colle vinylique (Sader), Colle universelle (Uhu), Alcool
polyvinylique (Rhodoviol),
Loupe binoculaire, sèche-cheveux, objectif macro,
Stylos pour plastiques (Stylo Dia, Magasins photos), Polyéthylène blanc non tissé
pour étiquettes (Tyvek).

Faire une solution de concentration définie


Une méthode très simple : en poids/volume (gramme/millilitre).
Exemple : Paraloïd à 5 % dans l'acétone.
(50 : 1 000) x 100 : poids du soluté en g divisé par volume de la solution en ml
multiplié par 100.
On pèse 50 g de paraloïd qu'on dissout dans l'acétone jusqu'à obtention d'un litre de
solution (1 000 ml).
Cette méthode ne permet pas de comparer des solutions entre elles ; elle est pratique,
sa transcription en % est usuelle — générallement employée dans le livre sauf indication
contraire. On utilise toujours les mêmes unités (grammes, millilitres).

Diluer une solution réalisée en poids/volume


Exemple : passer de 45 % poids/volume à 20 % poids/volume à partir de 100 ml de
solution.
Concentration de départ (pourcentage) multipliée par volume de départ de la solution
(en ml), divisée par concentration recherchée (pourcentage) :
(45 x 100): 20 = 225 ml
Volume calculé moins volume de départ :
225 - 100 = 125
On ajoute 125 ml de solvant à la solution de départ.
AIDE-MÉMOIRE N° 2
LE PLÂTRE
Le plâtre a de multiples utilisations en conservation-restauration : chapes de prélève-
ment, réalisation de moules, rebouchage de lacunes, tirages de moulages... Ses propriétés
varient en fonction de la variété employée et de la mise en œuvre adoptée.
Le plâtre est obtenu par calcination du gypse, qui est un sulfate de calcium hydraté.
Lors de la cuisson, le gypse perd une partie de son eau pour donner un semi-hydrate :
le plâtre. Après broyage, on obtient une poudre fine qui réhydratée donne une infinité
de microcristaux de gypse enchevêtrés : c'est le phénomène de la prise.
Le temps de prise et le grain varient selon les modes de fabrication du plâtre :
— Plâtre de Paris : variété grossièrement broyée, temps de prise long.
— Plâtre à modeler : variété finement broyée, peu d'impuretés, prise rapide.
— Plâtre à mouler : variété la plus pure, grain très fin, prise rapide.
La poudre est dispersée sur l'eau jusqu'à saturation : c'est le taux de gâchage à
saturation. Après quelques secondes (poudre totalement imprégnée d'eau), on agite le
mélange pour amorcer la prise. Un malaxage énergique et prolongé diminue le temps
de prise, mais excessif (« rebattage »), il fait chuter les propriétés mécaniques du plâtre
et peut provoquer un retrait au séchage.
La prise s'accompagne normalement d'un léger gonflement, lié au taux de gâchage.
Moins il y a d'eau, plus ce gonflement est perceptible.
La vitesse de la prise peut être accélérée si on diminue la quantité d'eau de gâchage,
si on incorpore des germes de gypse de gâchées précédentes, si l'eau est très pure, si
l'eau est chauffée, si la poudre de plâtre est de fabrication très récente.
La porosité du plâtre pris est de l'ordre de 30 cm3 pour 100 g. On peut l'augmenter
en utilisant plus d'eau que nécessaire à l'hydratation du semi-hydrate : l'eau excédentaire
laisse des vides après évaporation. Le plâtre obtenu est alors plus léger, moins résistant,
plus facile à imprégner.
La densité apparente d'un plâtre pris est de l'ordre de 1,4. Il peut être utile d'évaluer
à l'avance le poids d'une pièce à réaliser (chape, tirage, etc.).
La résistance mécanique du plâtre atteint son maximum après sa prise et son séchage
complet. Elle chute rapidement et beaucoup si il est réhumidifié.
Les cristaux de gypse peuvent migrer dans un matériau poreux sur lequel le plâtre est
directement appliqué.
L'addition de certaines résines synthétiques lors de la mise en œuvre (colle vinylique)
ou après (imprégnation) augmente la résistance mécanique du plâtre et diminue sa
sensibilité à l'eau, mais peut le rendre sensible aux micro-organismes.
AIDE-MÉMOIRE N° 3
L'EAU
L'eau peut fournir des systèmes homogènes avec un grand nombre de substances. Elle
a en conservation-restauration de multiples utilisations.
Dans la molécule d'eau (H20), deux atomes d'hydrogène sont liés par des liaisons
covalentes à un atome d'oxygène. Les charges ne sont pas également réparties entre les
atomes : la molécule est polaire.
L'atome d'oxygène, chargé négativement, peut établir des liaisons hydrogène avec les
molécules d'eau voisines. L'importance de ces liaisons secondaires entre molécules d'eau
explique certaines de ses propriétés comme sa température d'ébullition et sa tension
superficielle élevées par rapport à celles des solvants de masse molaire comparable.
La polarité de l'eau lui permet de dissoudre les substances organiques qui comportent
suffisamment de groupes polaires et de dissocier de nombreux composés ioniques.
La dissociation des molécules d'eau produit des cations H+ et des anions O H - en
quantité équivalente : l'eau est neutre. Elle peut contenir des sels, acides ou bases
dissociées qui l'enrichissent en ions H+ ou en ions O H ' . Une solution acide contient
plus de cations H+ que d'anions O H - ; une solution basique contient plus d'anions
O H - que de cations H + . Le pH est une manière conventionnelle d'exprimer l'acidité ou
la basicité d'une solution à partir de sa concentration en ions H + . Il varie de 0 (très
acide) à 14 (très basique) : le pH d'une solution neutre est 7.
L'eau naturelle, l'eau du robinet, contiennent des impuretés variées, parmi lesquelles
de nombreux sels dissous. Ils peuvent être éliminés par distillation ou déminéralisation.
Dans le premier procédé, l'eau est portée à ébullition et on recueille le condensat de
vapeur d'eau.
Dans le second, qu'on appelle aussi déionisation, l'eau traverse une colonne comportant
deux résines insolubles : l'une fixe les cations à éliminer et les échange contre des cations
H + ; l'autre fixe les anions et les échange contre des OH - . Ces résines dites échangeuses
d'ions, produisent donc de l'eau pure. Quand tous leurs sites réactifs sont saturés, elles
doivent être régénérées. On surveille (mesure de la conductivité) le bon fonctionnement
de ces colonnes, si elles ne sont pas munies d'un dispositif indiquant la saturation.
Au contact de l'atmosphère, l'eau pure absorbe rapidement et dissout le gaz
carbonique, ce qui produit une solution acide. C'est pourquoi le pH de l'eau distillée
ou déminéralisée est légèrement acide.
L'expression eau dure désigne une eau riche en sels de calcium et de magnésium. Dans
les techniques d'adoucissement, les ions Ca2+ et les ions Mg2+ sont permutés par
différents procédés avec des ions Na+ : l'eau est ainsi adoucie, mais elle n'est pas pure
et contient encore de nombreux ions en solution.
Pour en savoir plus : Duval, 1962 ; Cleaning, 1986 ; Delcroix. Havel, 1988, p. 111-115.
AIDE-MÉMOIRE N° 4
LA TENSION SUPERFICIELLE
Les phénomènes superficiels, comme la tension superficielle qui caractérise les liquides,
sont une conséquence des forces de cohésion qui maintiennent ensemble les molécules
(ou les atomes) d'une substance. Ces forces s'opposent à la création de toute surface
nouvelle : pour créer une nouvelle surface dans un matériau solide, il faut le rompre,
c'est-à-dire fournir un travail contre ses forces de cohésion interne. Les corps liquides
présentent, eux aussi, une cohésion interne d'énergie plus ou moins grande.
A l'intérieur d'un liquide, chaque molécule est entourée de tous côtés par les autres.
La résultante des forces d'attraction qu'exercent sur elle ces molécules voisines est nulle.
Mais les molécules qui se trouvent à la surface du liquide sont beaucoup plus attirées
par celles de l'intérieur que par les molécules gazeuses très dispersées de l'atmosphère.
Elles forment une sorte de pellicule tendue qui comprime le liquide : c'est la tension
superficielle (Ts) des liquides. Lorsqu'un liquide a une tension superficielle élevée, il tend
à occuper le volume qui lui assure la plus petite surface possible, celui de la sphère.
Déposé à la surface d'un solide, il se ramasse en gouttes et ne s'étale pas : la tension
superficielle défavorise le mouillage. Elle est en compétition avec les attractions susceptibles
d'apparaître entre le liquide et le solide. Mais comme on peut l'observer en plongeant
dans l'eau des tubes de différents diamètres, la tension de cette membrane superficielle
favorise au contraire la migration des liquides dans les canaux de toute petite dimension :
c'est le phénomène de capillarité. Les liquides qui forment un ménisque convexe dans
les tubes fins s'élèvent le long des parois, jusqu'à une hauteur directement proportionnelle
à leur tension superficielle et à l'étroitesse du canal dans lequel ils migrent (ainsi l'eau,
dont la Ts est très élevée, s'élève à 1,47 cm de hauteur dans un tube de 1 mm de diamètre,
à 14,7 cm, dans un tube de 0,1 mm de diamètre). Certaines substances peuvent abaisser
considérablement la Ts des liquides. Ce sont des molécules capables d'affinités avec des
corps très différents, présentant par exemple une partie polaire (hydrophile) et une partie
non polaire (« hydrophobe », « lipophile »). Pour satisfaire ces affinités, elles s'étalent
et « s'interposent » à la surface du liquide, en s'orientant en fonction des corps qui se
trouvent de part et d'autre de cette interface : une très faible concentration suffit donc
à réduire le déséquilibre des attractions intermoléculaires qui engendrait la tension
superficielle du liquide. Les « tensioactifs » (on les appelle aussi surfactifs, ou surfactants)
améliorent le mouillage des liquides et diminuent leur migration capillaire.
On peut lier au phénomène de la tension superficielle des liquides celui de l'adsorption
des corps solides. Les forces de cohésion interne d'un corps sont par définition importantes
quand elles le maintiennent à l'état solide. Les molécules, les atomes ou les ions qui se
trouvent en surface ont des affinités non satisfaites : ils sont capables d'exercer des
attractions considérables sur les molécules des corps gazeux ou liquides de leur voisinage
immédiat qui forment alors une couche adsorbée, c'est-à-dire fixée à la surface du solide.
Pour en savoir plus : Grémy, Leterrier, 1975 ; Masschelein-Kleiner, 1981 ; Delcroix,
Havel, 1988, p. 145-156.
AIDE-MÉMOIRE N° 5

RÉSINES SYNTHÉTIQUES : GÉNÉRALITÉS


Les résines synthétiques sont des polymères, c'est-à-dire de très grandes molécules,
construites à partir de petites unités, les monomères, qui se lient entre eux au cours des
réactions de polymérisation. Si les unités sont identiques, leur assemblage forme un
homopolymère ; les polymères qui contiennent plus d'un type de monomères sont des
copolymères.
Chaque monomère doit pouvoir se lier au moins à deux autres. Leur enchaînement
forme ainsi une très longue molécule linéaire. Si certains monomères peuvent se lier à
trois autres, la chaîne porte de place en place de courtes ramifications : le polymère est
alors linéaire et ramifié. Ces chaînes ne sont pas fortement liées entre elles, elles peuvent
être identifiées et séparées les unes des autres, par exemple par la pénétration des
molécules d'un solvant : il s'agit de polymères solubles et fusibles. Ils appartiennent au
groupe des thermoplastiques.
S'il y a dans la construction assez de monomères capables de se lier à trois ou quatre
autres, ou encore si elle comprend des molécules ou des atomes capables de se lier
solidement à deux chaînes en établissant avec chacune une liaison covalente, le polymère
prend la forme d'un réseau tridimensionnel, dont on ne peut isoler une partie sans
rompre des liaisons chimiques fortes. Il est réticulé : insoluble et infusible. Il appartient
au groupe des thermodurcissables.
Le degré de polymérisation indique le nombre moyen de monomères liés dans un
polymère (il peut varier de quelques centaines à des millions). Plus il est élevé, plus la
masse molaire du polymère augmente.
Nous utilisons le plus souvent, en solution ou en dispersion, des résines déjà
polymérisées, mais aussi des monomères qui polymérisent in situ lors de leur utilisation
et des prépolymères : macromolécules déjà très longues, mais dont le degré de polymérisa-
tion a été maîtrisé industriellement et qui achèvent de se lier, linéairement ou en
réticulant, au moment de leur mise en œuvre.
Les résines synthétiques sont caractérisées par leur température de transition vitreuse
(Tg) : au-dessous de cette température, elles sont dures et cassantes, au-dessus, elles sont
souples et caoutchouteuses.
La température de transition vitreuse est la température au-dessus de laquelle existe
une certaine mobilité des chaînes les unes par rapport aux autres. De nombreux facteurs
freinent cette mobilité : la dimension des chaînes (degré de polymérisation), leur rigidité,
leur imbrication, l'existence entre elles de liaisons comme les liaisons OH, le degré de
réticulation enfin. La valeur de Tg varie donc beaucoup selon les polymères. Ceux qui
sont hautement réticulés ne présentent pas de Tg.
Beaucoup des résines thermoplastiques utilisées en conservation-restauration ont une
Tg voisine de la température ambiante. Cette propriété est très importante pour nous.
Au-dessous de leur Tg, les polymères ne fluent pas, mais se déforment peu sous l'effet
des contraintes avant rupture (par exemple, ils ne suivent pas les mouvements du
matériau sur lequel ils sont appliqués). Au-dessus, ils peuvent fluer sous les contraintes,
présenter une surface collante qui attire les poussières (par exemple empoussiérage d'un
vernis, déformation d'un collage). La valeur de Tg peut varier au cours du temps : elle
diminue sous l'effet d'une contrainte prolongée.
Les propriétés des résines synthétiques se modifient au cours de leur vieillissement,
plus ou moins vite selon la stabilité de chaque polymère. Les mécanismes de ce
vieillissement sont l'apparition de ruptures dans les chaînes, l'apparition de liaisons
entre les chaînes (réticulation), l'oxydation de la chaîne principale ou des groupements
latéraux qu'elle porte. Les effets possibles en sont l'affaiblissement des performances
mécaniques, l'insolubilisation, le jaunissement.
Pour en savoir plus : Horie, 1987 ; Adhesives and coatings, 1983 ; Witte (de), 1983,
Petit, Vallot, 1988.

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
AIDE-MÉMOIRE N° 6

QUELQUES RÉSINES THERMOPLASTIQUES


UTILISÉES EN CONSERVATION-RESTAURATION
Les résines cellulosiques sont des dérivés de la cellulose. Elles comprennent :
— Les esters de cellulose, parmi lesquels l'acétate de cellulose (consolidations sur le
terrain), et le nitrate de cellulose (collage des céramiques), toujours employés en solution
dans des solvants organiques. Ces résines possèdent une Tg élevée. Elles sont instables
au vieillissement. Un certain nombre de colles vendues en tube dans le commerce (« colles
universelles ») sont à base de nitrate de cellulose, additionné d'un plastifiant.
— Les éthers de cellulose, regroupant différentes sous-classes : carboxyméthyl cellulose
(CMC., épaississant, agent antiredéposition des nettoyages textiles), l'hydroxyéthyl-
cellulose (HEC.), l'hydroxypropyl-cellulose (HPC.). Ces derniers produits, solubles dans
les solvants organiques (HEC.), ou dans l'eau et les solvants organiques (HPC) sont
notamment utilisés comme adhésifs de doublage pour des matériaux souples ou comme
fixatifs de surfaces mates.
— Les résines vinyliques
En conservation-restauration, on utilise surtout l'acétate de polyvinyle (PVAC.), et
l'alcool polyvinylique (PVAL.).
Le PVAC. est un homopolymère ramifié, dont la Tg est proche de la température
ambiante. Il est fabriqué dans une grande gamme de masses molaires, et utilisable en
dispersion aqueuse (« colles à bois », « colles blanches ») ou en solution dans un solvant
organique (c'est la résine de la plupart des « colles universelles » du commerce). Le
PVAC. conserve sa solubilité au cours du temps, mais les dispersions aqueuses, qui
comprennent de nombreux additifs, se comportent plus mal au vieillissement. Le PVAC.
est surtout utilisé comme adhésif, consolidant, liant des enduits et peintures.
Le PVAL. est obtenu par hydrolyse du PVAC. et comporte de nombreux groupes
OH. Les propriétés du PVAL. varient en fonction de sa masse molaire et de son taux
d'hydrolyse (plus il est élevé, plus la résine est soluble dans l'eau et donne des solutions
de tension superficielle élevée). Le PVAL. est surtout utilisé pour la consolidation in
situ du matériel archéologique humide, en raison de sa solubilité dans l'eau. Il présente
cependant une certaine hygroscopicité à des taux élevés d'H.R. et son vieillissement
pose de sérieux problèmes (réactions avec certains substrats, notamment certains sels
inorganiques, réticulation et insolubilisation).
— Les résines acryliques sont en majorité construites à partir de deux groupes de
monomères :
—acrylates (dérivés de l'acide acrylique),
—méthacrylates (dérivés de l'acide méthacrylique). Les polymères acryliques peuvent
être utilisés en solution dans une grande gamme de solvants organiques. Le paraloïd
B 72 est une des résines les plus utilisées : c'est un copolymère d'éthylméthacrylate
(EMA.) et de méthylacrylate (MA.). Il est incolore et transparent (indice de réfraction
compris entre 1,47 et 1, 49). Sa Tg est légèrement supérieure à la température ambiante
(40 °C selon Horie, 49 °C selon De Witte). On l'emploie surtout comme consolidant. Il
est incompatible avec l'eau (blanchiment). Il est considéré comme très stable au
vieillissement, dans de bonnes conditions de conservation.
Les polymères acryliques existent aussi en dispersion aqueuse, la nature de la résine
et la taille des particules dispersées variant selon les produits. Les dispersions sont
utilisées en consolidation (matériaux humides) et comme adhésifs de doublage pour les
peintures.
Il y a quelques emplois en restauration de monomères acryliques polymérisés in situ.
Nous citerons :
— colles à base de cyano-acrylates, à prise rapide et infiltrables dans un assemblage
fermé, dont la polymérisation, inhibée dans le tube par un acide, est initiée par les
groupements OH présents sur les surfaces d'application ; leur instabilité dans le temps
est avérée ;
— monomères de méthylméthacrylate (M.M.A.) polymérisés in situ pour la consolida-
tion de la pierre par irradiation gamma ou par chauffage.
Pour en savoir plus : Adhesives and coatings, 1983 ; Witte (de), 1983 ; Horie, 1987 ;
Valot, Petit, 1988.
AIDE-MÉMOIRE N° 7

QUELQUES RÉSINES THERMODURCISSABLES


UTILISEES EN CONSERVATION-RESTAURATION
Les résines thermodurcissables présentent après polymérisation une structure tridimen-
sionnelle continue : elles sont réticulées. Les solvants pénètrent difficilement dans cette
structure, liée par des liaisons chimiques fortes. Ils ne dissolvent donc pas ces polymères,
mais peuvent parfois provoquer leur gonflement.
Cette « irréversibilité » des T.D. est le handicap majeur à leur utilisation en
conservation-restauration. Mais en contre-partie, leur forte cohésion interne leur confère
des propriétés mécaniques et une résistance aux facteurs d'altération chimique dont
nous avons parfois besoin. Ainsi :
— collage des matériaux très lourds (pierre), ou qu'il faut assembler par une toute petite
surface jointive (verre), ou encore joints très sollicités (bras étendu d'une statue par
exemple) ;
— imprégnation de matériaux poreux (pierre, céramique) soumis à des conditions
atmosphériques non contrôlables.
Les résines époxydes que nous utilisons se présentent sous la forme de produits à
deux composants : une résine linéaire, déjà polymérisée, plus ou moins visqueuse,
éventuellement en solution dans un solvant volatil, caractérisée par un groupement très
réactif, le groupement époxy et un durcisseur, ou agent de réticulation, qui mélangé à
la résine en provoque la réticulation. Cette réaction dégage de la chaleur et s'accompagne
d'un léger retrait.
Il y a une grande variété de résines époxydes. On les emploie surtout comme adhésifs,
mais aussi comme matériau de bouchage et comme consolidant. Leurs propriétés
générales sont :
— une très bonne adhésion sur la plupart des matériaux ;
— de très bonnes performances mécaniques, dans une grande gamme de températures ;
— une bonne résistance chimique en général, aux solvants et à l'humidité en particulier,
mais un jaunissement à la lumière, dans certains cas.
Le mélange résine-durcisseur durcit à une vitesse variable selon les produits. Certaines
époxydes sont assez fluides et le restent assez longtemps pour être infiltrées par capillarité
dans un assemblage fermé.
Les résines polyesters sont aussi obtenues par réticulation in situ. L'agent de réticulation
est parfois dans le mélange ; la réaction est obtenue par l'addition d'un catalyseur et
dégage de la chaleur. Les polyesters peuvent aussi être réticulés par apport de chaleur
ou rayonnement gamma (système styrène-polyester). Le retrait est plus important que
pour les époxydes. Les polyesters ne peuvent être mis en œuvre sur un matériau humide,
ni dans une ambiance très humide ou froide. Après durcissement, ils sont sensibles à la
lumière (jaunissement), aux bases, aux cétones et aux solvants chlorés. On les emploie
surtout comme matériau de bouchage (ils sont transparents et incolores), mais aussi
comme adhésifs et consolidants.
Les résines polyuréthanes ont quelques emplois en restauration, comme revêtement
protecteur (vitraux), vernis ou liant des retouches (porcelaines, faïence), matériau de
calage (mousse expansive). Ce sont des résines formées par la réaction d'un isocyanate
sur un polyalcool. Si le polyalcool est un dialcool, la résine est linéaire. Si c'est un
trialcool, la résine devient thermodurcissable. Ce sont des produits sensibles à la
photo-oxydation. L'attention doit être attirée sur leur grande toxicité.
Les silicones, appelés aussi polysiloxanes, sont des polymères formés d'une partie
inorganique (groupements -Si-O- à caractère légèrement polaire) et d'une partie organique
(groupements -CH3, -C2H5, ..., à caractère nettement polaire). Selon la nature du radical
organique lié aux atomes de silicium, on obtient des produits très différents : monomères
qui polymérisent in situ, en formant un réseau de silice liée au substrat (silicate d'éthyle),
agent de couplage qui ancre une autre résine synthétique à un matériau siliceux (silane),
prépolymères durcissant après application (résine de moulage), adhésif donnant des
joints souples et résistants à l'eau (colles silicones).
Pour en savoir plus : Adhesives and coating, 1983 ; Horie 1987 ; Valot, Petit, 1988.
AIDE-MÉMOIRE N° 8
LE COLLAGE
La résistance qu'oppose un assemblage collé aux forces susceptibles de le faire céder dépend de
deux groupes de facteurs :
— l'affinité de l'adhésif avec les surfaces à assembler ;
— la cohésion interne du film de colle qui lie ces surfaces.
La résistance souhaitable d'un collage en restauration ne s'évalue pas selon les critères habituels,
industriels ou domestiques.
Lorsqu'un objet collé est soumis à de fortes contraintes, où se produira la rupture éventuelle ?
— à l'interface colle/objet, si le film de colle est solide, mais peu adhérent ;
— dans le film de colle, si le film est très adhérent mais peu solide ;
— mais si le film est très adhérent et plus solide que l'objet : dans l'objet.
Un collage en restauration est donc si possible un compromis : l'assemblage doit être assez solide
pour garantir l'intégrité retrouvée de l'objet, mais les zones assemblées ne doivent pas acquérir des
propriétés mécaniques trop importantes, afin que l'objet cède aux endroits où il était déjà cassé en
cas de sollicitations excessives, et non pas dans des zones indemnes.
Nous avons d'autres préoccupations particulières : stabilité et réversibilité à long terme des adhésifs,
compatibilité avec le matériau à coller, lors de la mise en œuvre et après, sous l'angle mécanique (par
exemple, un joint capable de suivre les mouvements éventuels de l'objet — matériau souple,
hygroscopique, etc. —), chimique (la colle ne doit pas altérer l'objet), et parfois optique (couleur,
transparence).
En conservation-restauration, nous utilisons presque exclusivement des adhésifs mis en œuvre à
l'état liquide : ils doivent pouvoir mouiller, adhérer et durcir. On peut classer les colles que nous
employons selon le mécanisme de ce durcissement :
— les adhésifs en solution dans un solvant organique ou dans l'eau, et les adhésifs en dispersion dans
l'eau prennent par évaporation du liquide qui les véhicule. Ce sont des résines thermoplastiques déjà
polymérisées (acryliques, vinyliques, cellulosiques) ou des macromolécules naturelles (gomme laque,
par exemple) qui se rapprochent et font coalescence au cours de la prise jusqu'à former un film
solide. Le retrait qui accompagne le durcissement est important, et peut exercer une traction sur les
surfaces encollées. Le temps de prise est surtout fonction de la vitesse d'évaporation du solvant ou
de l'eau, liée à leur volatilité propre, mais aussi à leur rétention éventuelle par l'adhésif et aux
conditions ambiantes (température, hygrométrie). Le choix du solvant (plus ou moins volatil), de la
concentration (solution plus ou moins visqueuse) donne une certaine marge de manoeuvre à
l'utilisateur. Les joints sont en principe réversibles, à moins qu'une réticulation de la résine ne
survienne au vieillissement. Leur comportement mécanique dépend de la nature de la résine, de son
degré de polymérisation, de sa température de transition vitreuse ;
— les colles thermo-adhésives sont employées à chaud, au-dessus de leur température de fusion, et
durcissent par solidification au cours du refroidissement. L'objet doit pouvoir supporter cet apport
de chaleur ;
— les adhésifs à réaction chimique sont souvent des monomères (cyanoacrylates) ou des prépolymères
qui durcissent in situ dans l'assemblage au cours de leur polymérisation ou de leur réticulation
(epoxy, polyester). De nombreux paramètres peuvent influencer (accélérer, ralentir, inhiber) les
réactions qui provoquent ces durcissements (température, humidité) ; il faut souvent mélanger deux
composants pour les obtenir, mais elle peuvent aussi être initiées par un apport d'énergie (rayons
U.V.) ou certaines propriétés des surfaces à encoller. Ces colles doivent donc en général être
rigoureusement utilisées selon les prescriptions des fabricants. Beaucoup de ces colles sont des
thermodurcissables (époxy, polyester), ou des thermoplastiques à haut degré de polymérisation
(cyano-acrylates), donnant des joints mécaniquement très résistants, peu ou pas du tout réversibles
dans les solvants ordinaires.
Il existe plusieurs manières d'expliquer le phénomène d'adhérence : un accrochage mécanique, à
l'échelle micro et macroscopique, entre les surfaces à encoller ; une sorte de pontage apporté par le
polymère fortement ancré dans une surface et diffusant dans l'autre ; enfin l'apparition éventuelle
de diverses liaisons entre la colle et les surfaces, liaisons faibles, comme les forces de Van der Walls,
ou plus fortes, comme les liaisons ioniques, hydrogène, ou même covalentes. Toutes ces théories
mettent en lumière la très petite échelle à laquelle se jouent les mécanismes d'adhérence : les impuretés
superficielles, les traces infimes de graisse, les infractuosités dans lesquelles l'adhésif ne s'est pas étalé
ou les lacunes qu'il peut laisser en surface s'il a pénétré dans les pores du matériau mettent en péril
la continuité et la solidité du joint. Les surfaces à coller doivent donc être minutieusement nettoyées
pour obtenir le maximum de points de contact ; le joint doit être mince et uniforme, pour cela la
tension superficielle de l'adhésif doit être la plus basse possible, mais sa viscosité doit être adaptée
à la porosité du matériau à coller.
Pour en savoir plus : Adhesives and coatings, 1983 ; Meynis de Paulin, 1974.
AIDE-MÉMOIRE N° 9
MATIÈRE T A M P O N
C'est un moyen non mécanique de contrôle de l'humidité relative pour de petits
volumes (moins de 1 m3).
Les matières tampons se divisent en deux catégories :
— matières tampons agissant par adsorption ;
— matières tampon agissant par absorption.

Groupe 1
Les matières tampons de ce groupe sont des substances capables d'adsorber ou de
désorber de la vapeur d'eau ; l'adsorption est un phénomène physico-chimique de surface
qui permet la rétention de molécules de gaz ou de liquide à l'intérieur d'un corps poreux
ou pulvérulent.
Pour qu'un matériau puisse être utilisé comme tampon, il doit présenter les caractères
suivants :
— avoir un réseau capillaire poreux (c'est-à-dire des canaux très fins ouverts sur
l'extérieur) ;
— le réseau capillaire doit être suffisamment développé pour offrir une surface la plus
grande possible à l'adsorption (surface spécifique ou aire massique) ;
— la matière des parois doit présenter une certaine affinité avec la vapeur d'eau pour
que s'établissent des liaisons de nature physique ou chimique entre les deux phases
(cellulose ou silice par exemple).

Groupe II
Tous les corps tampons n'agissent pas sur l'atmosphère selon le processus de
l'adsorption. Les solutions salines par exemple, utilisent la capacité de certains sels
hygroscopiques de se mettre en équilibre d'absorption avec la vapeur d'eau de l'air
ambiant. Il s'agit ici d'un phénomène différent de l'adsorption dans la mesure où il y a
une véritable dissolution, plus ou moins complète, de la phase gazeuse (vapeur d'eau)
dans la phase solide (le sel déliquescent).
Un sel peut ainsi fixer de la vapeur d'eau lorsque la solution saturée possède une
tension de vapeur inférieure à la tension moyenne de la vapeur d'eau de l'atmosphère.
Il y aura absorption d'eau jusqu'à ce que la tension de vapeur de la solution corresponde
à celle de l'humidité atmosphérique.
Certains sels pourront de la sorte s'effleurir ou devenir déliquescents selon que le
degré hygrométrique de l'air sera inférieur ou supérieur à certaines valeurs limites.
AIDE-MÉMOIRE N° 10
GEL DE SILICE
Le gel de silice est utilisé pour conditionner des volumes de moins de 1 m . Le gel avec indicateur
change de couleur lors de la reprise de vapeur d'eau : du bleu intense quand il est anhydre, il vire
au rose clair quand il s'hydrate. A partir de 30 % d'HR le gel a complètement viré au rose si bien
que l'indicateur coloré n'aura aucune utilité pour un conditionnement au-delà de cette valeur.
Le gel sans indicateur reste blanc quelle que soit la valeur de l'HR.

Le gel de silice peut aussi bien servir à stabiliser, déshumidifier ou humidifier des volumes bien
étanches.
Stabiliser : c'est la tendance naturelle des matériaux tampons de rechercher un équilibre avec l'air
ambiant. Dans une boîte ou une vitrine, le gel compensera les variations de l'HR en adsorbant ou
désorbant la quantité de vapeur d'eau nécessaire pour compenser les variations.
Déshumidifier : il pourra maintenir l'HR à un taux inférieur à 40 %. Deux charges sont nécessaires,
une charge en service dans la vitrine ou la boîte de stockage et une charge activée en attente pour
remplacer le gel usagé dès que la valeur critique pour les matériaux considérés est atteinte.
Humidifier : il pourra apporter de l'humidité à un air trop sec (conditionnement des matières
organiques). Deux charges sont là aussi nécessaires : une charge en service et une autre, conditionnée
au pourcentage de l'HR souhaitée, prête à la remplacer. C'est l'emploi le plus délicat du gel de silice
car il demande une surveillance attentive de l'évolution hygrométrique du volume à traiter et des
manipulations parfois fréquentes pour rétablir les seuils d ' H R fixés.

C o m m e n t c o n d i t i o n n e r le gel de silice
Selon que l'on se propose de le déshydater ou de l'humidifier, le conditionnement du gel de silice
s'opère de différentes façons :
— pour le déshydrater on le chauffe dans une étuve ou un four ménager. Les grains sont disposés
dans un récipient métallique sur une faible épaisseur et chauffés entre 120 et 150 °C. Plus la
température est élevée, plus le temps d'activation sera court. Une fois sec le gel est placé à la sortie
du four dans un fût métallique fermant hermétiquement ;
— le gel doit être amené à adsorber la quantité de vapeur d'eau qui lui permettra de conditionner
un volume donné à un taux d ' H R voulu. Pour cela trois méthodes :
1°) en mettant le gel de silice au contact d'une atmosphère contrôlée par un humidificateur,
2°) en mettant le gel de silice dans une enceinte dont l'HR est contrôlée par un autre matériau
tampon, en l'occurence une solution saturée de sel,
3°) en calculant la quantité de vapeur d'eau nécessaire à ajouter au poids de gel de silice sec pour
atteindre un THE voulu.
Exemple : Calcul du poids de gel nécessaire pour un volume de 0,125 m (correspondant à un cube
de 0,5 m de côté), que l'on veut conditionner à une humidité relative de 55 %, sachant qu'une
quantité minimum de gel de silice de 20 kg par m3 est recommandée.
— Poids de gel requis :
20 kg x 0,125 = 2,5 kg
— Poids de gel de silice sec nécessaire : quantité de gel requis divisé par (100 + T.H.E. D U GEL
DE SILICE)*

Quantité d'eau à ajouter au gel sec :


2,5 kg - 1,95 kg = 0,55 kg (ou litre)
Il faudra donc mettre 0,55 litres d'eau à évaporer, en présence de 1,95 kg de gel de silice anhydre,
dans une enceinte étanche, jusqu'à totale adsorption de la vapeur d'eau pour obtenir un gel de silice
capable de conditionner un volume à 55 % d'HR.

* Valeur du T.H.E de l'actigel :

Pour en savoir plus : R.H. Lafontaine 1984 ; G. Thomson 1977 ; N. Stolow 1987.
AIDE-MÉMOIRE N° 11
DOSSIER D'ENREGISTREMENT
DES TRAITEMENTS
Il n'existe pas de dossier ou de fiche type, applicable à tous les matériaux, sur tous
les sites archéologiques : un bon dossier de traitement est un dossier adapté, conçu en
fonction des contingences liées à une fouille particulière, ou des caractéristiques d'une
série donnée d'objets (un exemple de fiche conçue pour les verres archéologiques est
donnée dans le chap. IV). Cependant tout dossier doit comporter quelques grandes
rubriques.

L'identification

N" d'enregistrement (références archéologiques), nom du responsable de l'objet, nom


du responsable du traitement
Désignation, datation
Nature des matériaux et techniques
Description avant traitement, avec éventuellement photo, dessins, poids et dimensions
Eventuellement, observations technologiques particulières et parallèles intéressants

L ' é t a t de conservation

Type et degré des altérations


Renvoi éventuel aux examens ou analyses complémentaires effectuées
Lien éventuel avec le contexte d'enfouissement, les conditions d'abandon, etc.

Traitement

Objectifs du traitement
Mention claire et précise de toutes les interventions effectuées, avec leur localisation
éventuelle
Eventuellement photo (en cours de travail, après), dessins, poids et dimensions après
traitement

Conservation à long t e r m e
Conseils de maintenance (Lumière, Humidité relative)
Si soclage ou emballage particuliers : notice explicative
Si surveillance particulière : rythme et modalités des inspections souhaitables
AIDE-MÉMOIRE N° 12
DANGEROSITÉ DES PRODUITS MANIPULÉS
La plupart des produits utilisés au cours des traitements de conservation-restauration
sont dangereux. Les risques qu'ils engendrent commencent dès leur transport et leur
stockage : ils peuvent être corrosifs, inflammables, explosifs. Dès l'acquisition d'un
produit, on doit pouvoir répondre aux questions suivantes : dans quel type de récipient
peut-il être stocké, doit-il être à l'abri de la lumière, au-dessous d'une certaine
température, peut-il être stocké avec les autres ou doit-il être isolé.
Les étiquetages doivent être clairs et mentionner ces risques. Dès qu'une petite panoplie
est réunie, des équipements spéciaux sont prévus pour les accueillir (armoire à solvants).
Le risque majeur, parce que méconnu, qui concerne les conservateurs-restaurateurs
est le risque toxicologique. Les solvants en sont particulièrement responsables.
Un toxique est par définition un produit qui, s'il pénètre dans l'organisme, provoque
un effet néfaste sur lui. La seule prévention possible des risques toxicologiques est
d'empêcher la pénétration du toxique dans l'organisme. Les voies de pénétration sont :
— l'inhalation ;
— la voie percutanée ;
— l'ingestion.
Pour éviter l'inhalation (particules ou goutelettes en suspension dans l'air, liquides
volatils) : ventilation des postes de travail et du local, sorbonnes, masques.
Pour éviter le contact cutané : gants, pinces, éventuellement lunettes.
Pour éviter l'ingestion : ne pas fumer, ne pas manger ou boire près des postes de
travàil, ne pas stocker de nourriture dans le local.
Il faut distinguer l'intoxication aiguë ou à court terme, immédiatement repérée, parfois
grave, mais généralement réversible avec l'elimination du toxique, et l'intoxication
chronique ou à long terme, insidieuse, liée à des contacts répétés avec des doses souvent
minimes du toxique. Lorsque les capacités d'élimination de l'organisme sont dépassées,
la « dose seuil » est atteinte et les effets toxiques apparaissent. D'autres produits enfin,
sans effet seuil, provoquent à chaque exposition des « microlésions » dont la sommation
peut conduire à une pathologie grave, souvent irréversible (effet cancérigène par
exemple).
Il faut donc appliquer des règles rigoureuses dans l'utilisation de ces produits, sans
attendre d'être alarmé par une intoxication manifeste, et connaître les caractéristiques
de chaque produit utilisé (mode de pénétration, type de toxicité) pour adopter les bonnes
mesures de protection.
Pour en savoir plus : Institut National de Recherche pour la Sécurité (I.N.R.S.). Fiches
toxicologiques et autres publications spécialisées. Adresse : 30, rue Olivier Noyer, 75014
Paris, (tél : 40 44 30 00) ; A. Clydesdale — Chemicals in conservation. A guide to possible
hazards and safe use. Scottish Society f o r Conservation and Restoration. Scottish
Development Agency, Edimburgh, 1982.
Bibliographie

Abad Casai 1982: Abad Casai L. — Aspectos tecnicos de la pintura mural romana.
Lucentum I. In : Annales de la Universidad de Alicante, 1982.
Abdurazakov 1971 : Abdurazakov A.A. — Etude chimique des verres d'Asie centrale. In :
Congrès International sur le Verre, IX, Versailles, 27 septembre-2 octobre 1971.
Adam 1982 : Adam J.P. — Bilan d'une mission à Pompéï : causes de destructions et
propositions de restauration d'un site antique. Centre Jean Bérard, Naples, missions 1981-1982.
Adam 1984: Adam J.P. — La construction romaine, matériaux et techniques. Picard,
Paris, 1984.
Addyman 1980: Addyman P.V. — The requirements of archaeologists. Conservation,
Archaeology and Museums. In : Occasional papers n° 1, UKIC, 1980.
Adhesives and coatings 1983 : Adhesives and coatings. Crafts Council Conservation Science
Teaching Sériés, 3, Crafts Council, Londres, 1983.
A.I.C. 1979 : Code of ethics and Standards of Practice. American Institute for Conservation
of Historic and Artistic Works, Committee on ethics and Standards, 1979.
Alcamo 1986 : Alcamo J.-CI. — La dénomination des productions de vaisselle commune.
Sites, n° hors série 29, Association française d'archéologie métropolitaine, Avignon, 1986.
Allag , Barbet 1972 : Allag C., Barbet A. — Techniques de préparation de parois dans la
peinture murale romaine. MEFRA, 84, 1972.
Allag et al. 1987 : Allag C., Barbet A., Galliou F., Krougly L. — Guide catalogue. Peintures
Romaines. Musée de Vaison la Romaine. Dir. Région, des Antiquités Provence-Alpes-Côte
d'Azur et Ville de Vaison la Romaine, 1987.
Allag , Krougly 1987: Allag C., Krougly L. — Aperçu des méthodes d'étude et de
restauration. In : Peintures romaines. Musées de Vaison-la-Romaine, Aix en Provence, 1987.
Allen 1984 : Allen K.W. — Adhésion et adhésifs : principe de base. In : (IIC, Paris, 1984),
p 1-8.
Alva, Chiari 1984 : Alva A., Chiari G. — Protection and presentation of excavated
structures of mudbrick. In : (Stanley Price, 1984), p. 109-120.
Amoignon, Larrat 1984 : Amoignon J., Larrat P. — Traitement des bois gorgés d'eau par
lyophilisation à la pression atmosphérique — Applications aux objets de grandes dimensions.
In : Groupe de Travail des Bois Gorgés d'Eau de l'I.C.O.M., Grenoble, CETBGE, 1984,
p. 181-186.
André 1976 : André J.M. — Restauration de la céramique et du verre. Office du livre,
Fribourg, 1976.
Andreeva, Tcheremkhin 1987 : Andreeva L.N., Tcheremkhin V.I. — On the possibility of
using burnt ceramic masses for making up damaged ceramics. In : Sixth International Restorer
Seminar, Veszprém, National Center of Museums, Budapest, 1987, p. 437-39.
Angelucci et al. 1978 : Angelucci S., Fiorentino P., Kosinkowa J., Marabelli M. — Pitting
corrosion in copper and copper alloys : comparative treatments tests. Studies in Conservation,
23, 1978, p. 147-156.
Antomarchi, Guichen 1987: Antomarchi C., Guichen (de) G. — Pour une nouvelle
approche des normes climatiques dans les musées. In : ICOM, Sydney, 1987, p. 847-852.
Aoki 1987: Aoki S. — Conservation of excavated iron objects in Japan. In : (Recent
Advances, 1987), p. 93-96.
Archer, Barker 1987: Archer P.J., Barker B.D. — Phase changes associated with the
hydrogen reduction conservation process for ferrous artifacts. In : Journal of Historical
Metallurgy Society, 21, n° 2, 1987, p. 86-89.
Argo 1981 : Argo J. — On corrosion in iron. In : ICOM, Ottawa, 1981, p. (81.23.5)1-3.
Argo 1982 : Argo J. — Treatments of corrosion with aminés. Conservation News, UKIC,
17, 1982, p. 7-9.
Arnaud 1978 : Arnaud P. — C o u r s de chimie organique. In : Coll. Enseignement de la
chimie, Gauthier-Villars, Paris, 1978.
Ashley-Smith, Moncrieff 1984 : Ashley-Smith J., Moncrieff A.J. — Experience with silica
gel for controlling humidity in showcases. In : ICOM, Copenhague, 1984, p. (84.17)1-5.
ASSIRCO 1981 a : ASSIRCO — La conservazione dei monumenti. In : Atti del 1° corso
di informazione ASSIRCO, Perugia, 6-8 Novembre 1979. Kappa, Roma, 1981.
ASSIRCO 1981 b : ASSIRCO — Il restauro delle costruzioni in muratura. In : Atti del 2°
corso di informazione ASSIRCO, Venezia, 21-23 maggio 1980. Kappa, Roma, 1981.
ASSIRCO 1982 : ASSIRCO — Il restauro delle costruzioni in muratura. In : Atti del 3°
corso di informazione ASSIRCO, Palermo, 22-25 octobre 1980. Kappa, Roma, 1982.
Astrup 1987 : Astrup E.E. — Is it worth-while re-looking at salt solutions as buffers for
humidity control of showcases. In : (ICOM, Sydney, 1987), p. 853-858.
Aubert, Boulaine 1980: Aubert G., Boulaine J. — La pédologie. Que Sais-Je ? n0352,
troisième édition, Presses Universitaires de France, Paris, 1980 (première édition 1967).
Augusti 1967 : Augusti S. — 1 colori pompeiani. Roma, 1967.
Bachmann sans date : Bachmann K.W. — La Conservation durant les Expositions Tempo-
raires. ICCROM, Rome.
Baer et al. 1971 : Baer N.S., Indictor N., Frantz J.H., Appelbaum B. — The effect of high
temperature on ivory. Studies in Conservation, 16, 1971, p. 1-8.
Baer et al. 1978 : Baer N.S., Jochsberger T., Indictor N. — Chemical investigations on
ancien near eastern archaeological ivory artifacts. Fluorine and nitrogen composition. In :
Archaeological Chemistry 11, G.F. Carter, American Chemical Society, Washington, 1978,
p. 139-149.
Baer, Indictor 1974: Baer N.S., Indictor N. — Chemical investigations of ancien near
eastern archaeological ivory artifacts. In : Archaeological Chemistry, W. Beck, American
Chemical Society, 1974.
Balfet et al. 1983 : Balfet H., Fauvet-Berthelot M.F., Monzon S. : Pour la normalisation
de la description des poteries. CNRS, Paris, 1983.
Balut 1982: Balut P.Y. — Restauration, restitution, reconstitution. Ramage, 1, 1982,
p. 95-110.
Balut, Bruneau, 1987 : Balut P.-Y., Bruneau Ph. — L'archéologie moderne et contempo-
raine, Archéologia, 1987, p. 78-81.
Barbet 1969 : Barbet A. — La restauration des peintures murales d'époque romaine, Gallia,
17, 1, 1969.
Barbet 1973 : Barbet A. — Remontage des peintures murales romaines. Recherches
d'Archéologie Celtique et Gallo-romaine, 1973.
Barbet 1987 : Barbet A. — Aperçu des techniques de la peinture antique. In : Peintures
romaines Musée de Vaison-la-Romaine, Aix en Provence, 1987.
Barett 1957 : Barett C.S. — Structure des métaux. Paris, Dunod, 1957.
Barker 1982: Barker P. — Technique of archaeological excavation. Londres, 1982, 2e
édition.
Barker 1986 : Barker P. — Temporary shelter and site protection. In : (ICCROM, Gand,
1986), p. 45-49.
Barker et al. 1982 : Barker B.D., Kendell C., O'Shea C. — The hydrogen reduction process
for the conservation of ferrous objects. In : Conservation of iron. Maritime Monographs and
Reports, 53, National Maritime Muséum. Greenwich, 1982, p. 23-27.
Barkman 1977 : Barkman L. — Conservation of rusty iron objects by hydrogen reduction.
In : Corrosion and Metal Artifacts. National Bureau of Standart Publication 479, Washington,
1977, p. 155-166.
Barov, Lambert 1984 : Barov Z., Lambert F. — Mechanical Properties of some fill materials
for ceramics conservation. In : (I.C.O.M., Copenhague, 1984), p. (84.20)1-4.
Barrelet 1985 : Bartelet J. — Art du verre. Encyclopaedia Universalis, XVII, Paris, 1985,
p. 742-748.
Barrera 1985 : Barrera J. — Les français et la table : Le verre. Catalogue de l'exposition
du musée des ATP, 20 novembre 1985-21 avril 1986, p. 295.
Barrera 1987: Barrera J. — Fouilles de la cour Napoléon du Louvre, laboratoire de
traitement de la verrerie, la typologie : 1er classement. Janvier 1987, non publié.
Bats et al. 1986 : Bats M., Bessac J.C., Chabal L., Chazelles C.A., Fiches J.L., Poupet P.,
Py M. — Enregistrer la fouille archéologique, le système élaboré pour le site de Lattes
(Hérault). Lattes, Unité de fouilles et de recherches archéologiques de Lattes, 1986, 56 p.
Baud 1972 : Baud G. — Le bâtiment. Lausanne, 1972, 3e édition.
Bayley 1987 : Bayley J. — The examination of enameled objects. In : From Pinheads to
Hanging Bowls : The Identification, Deterioration and Conservation of Applied Enamels
and Glass Decoration on Archaeologocical Artefacts, Occasional Papers, 7, UKIC, London,
1987, p. 8-9.
Benard et al. 1984 : Benard J., Michel A., Philibert J., Talbot J. — Métallurgie Générale,
Paris, Masson, 1984, 2e édition.
Bensimon 1970: Bensimon R. — Les matériaux métalliques. Tome III, Centre d'Etude
Supérieure des Techniques Industrielles, Paris, 1970.
Berducou 1980 : Berducou M. — La conservation archéologique. In : Schnapp A. dir. —
L'Archéologie Aujourd'hui, Paris, Hachette, 1980, p. 149-170.
Berducou 1987 : Berducou M. — La céramique et le verre. In : Conservation-restauration
du mobilier archéologique, Journées archéologiques de Paris-Ile de France, St Denis, 13-14
juin 1987, p 11-19. Repris In : (Unesco, 1987)
Bertholon 1986 a : Bertholon R. — Traitement et conservation d'une collection d'objets
en plomb d'époque médiévale. Electricité de France — Direction des Etudes et Recherches,
VAL/004/86, Saint-Denis, 1986.
Bertholon 1987 : Bertholon R. — Le traitement par électrolyse d'objets en fer minéralisés
provenant de fouilles archéologiques terrestres. Electricité de France — Direction des Etudes
et Recherches, VAL/009/87, Saint-Denis, 1987.
Bertholon et al. 1986 b : Bertholon R., Lacoudre N., Montluçon J., Volfovsky
C. — Traitements électrochimiques appliqués à un canon du début du xvie siècle provenant
de l'épave de Villefranche-sur-mer. Electricité de France-Direction des Etudes et Recherches,
VAL/008/86, Saint-Denis, 1986.
Bertholon et al. 1988: Bertholon R., Blanchet J.C., Rapin A. — La conservation des
métaux archéologiques : le problème des grandes collections. Les Nouvelles de l'Archéologie,
32, 1988, p. 6-9.
Bertholon, Païn 1987 : Bertholon R., Païn S. — L'électrodialyse appliquée à la déchlorura-
tion des métaux ferreux. In : Conservation-Restauration des Biens Culturels — Recherches
et Techniques Actuelles, A.R.A.A.F.U., Paris, 1987, p. 14-19.
Besson 1979 : Besson J. — L'électrochimie. Presses Universitaires de France, Paris, 1979.
Bettembourg 1976 : Bettembourg J.M. — Composition et altération des verres de vitraux
anciens. Verres et réfractaires, 30, 1, 1976, p. 36-42.
Bimson, Werner 1964 : Bimson M., Werner A.E. — The danger of heating glass objects.
Journal o f glass studies, 6, 1964.
Binford 1981 : Binford L.R. — Bones : ancien men and modern mythes studies in
archaeology. Londres, Academic Press, 1981.
Blackshaw 1975 : Blackshaw S.M. — Comparison of different makes of PEG and results
on corrosion testing of metals in PEG solutions. In : Problems of the Conservation of
Waterlogged wood, Maritime Monographs and Reports, N° 16, 1975.
Blackshaw, Daniels 1978 : Blackshaw S.M., Daniels V. — Selecting safe materials for use
in the display and storage of antiquities. In : (ICOM, Venise 1978).
Blackshaw, Daniels 1978 : Blackshaw S.M., Daniels V.D. — Selecting safe materials for
use in the display and storage of antiquities. In : (ICOM. Zagreb, 1978), p. (78.23.2)1 9.
Blackshaw, Daniels 1979 : Blackshaw S.M., Daniels V.D. — The testing of materials for
uses in storage and display in Museums. The Conservator, 3, 1979.
Blanc 1985 : Blanc P. — Peintures murales de la rue Amyot à Paris. Cahiers de la Rotonde,
8, 1985.

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com
Blanc 1987 : Blanc P. — La réintégration dans la peinture murale romaine. In : séminaire
de l'AFPMA, IX, Paris 27-28 avril 1985. La peinture murale antique : restitution et
iconographie. DAF, 10, 1987.
Borrelli, Fiorentino 1975 : Borrelli L.V., Fiorentino P.A —Preliminary note on the use
of adhesives and fillers in the restoration of ancient materials with special reference to glass.
Studies in Conservation, 20, 4, 1975, p. 201-205.
Bossoutrot 1987: Bossoutrot A. — La conservation des sites archéologiques. In :
(UNESCO, 1987),p. 5-21.
Bost 1982 : Bost J. — Matières plastiques. Tome I, Technique et Documentation, Paris,
1982.
Boüard 1973: Boüard (de) M. — Manuel d'Archéologie Médiévale. De la fouille à
l'Histoire, Paris, Société d'Edition d'Enseignement Supérieur, 1975, 340 p. (Regards sur
l'Histoire, 23).
Bouineau, Rocard 1982 : Bouineau A., Rocard J. — Renforcement des maçonneries par
injections de coulis dans la région nord-est de la France. In : The Conservation of Stone II.
Preprints to the International Symposium, Bologne, oct. 1981 (844 p.). Centro per la
Conservacione delle sculture all'aperto, Bologne, 1981, p. 807-826. Repris In : (ICCROM,
Rome, 1981) p. 165-184.
Bradley, Wilthem 1984 : Bradley S.M., Wilthem S.E. — The evaluation of some polyester
and epoxy resins in the conservation of glass. In : (ICOM, Copenhague, 1984), p. (84.20)5-9.
Brandi 1963 : Brandi C. — Teoria del Restauro. Edizioni di Storia e Letteratura, Roma,
1963. Réed. Einaudi, Turin, 1977.
Bresse 1953: Bresse G. — Morphologie et physiologie animales. Larousse, Paris, 1953,
p. 52-58.
Brill 1961 : Brill R.H. — The record of time in weathered glass. Archaeology, 14, 1, p. 18-22.
Brill 1975: Brill R.H. — Crizzling — a problem in glass conservation. In : (I.I.C.,
Stockholm, 1975) p. 121-134.
Brill et al. 1984 : Brill R.H., Errett R.F., Lynn M. — L'utilisation des silanes pour la
conservation des verres. In : (IIC, Paris, 1984), p. 198-202.
Brimblecombe, Ramer 1983 : Brimblecombe P., Ramer B. — Museum display cases and
exchange of water vapours. Studies in Conservation, 28/4, 1983, p. 179.
Brinch Madsen 1967 : Brinch Madsen H. — A preliminary note on the use of benzotriazole
for stabilizing bronze objects. Studies in Conservation, 12, 1967, p. 163-167.
Brothwell 1986 : Brothwell D. — The Bog Man and the archaeology of people. British
Museum Publications Ltd., Londres, 1986.
Brown 1980 : Brown D. — Data sheet 1 : Anglo-saxon shields. Conservation, Archaeology
and Museums. In : Occasional Papers n° 1, UKIC, 1980.
Bruckbauer, Geilmann 1954 : Bruckbauer T., Geilmann W. — Contribution to knowledge
of old glasses, the manganese content of old glasses. Glas tech. Ber, 1954, p. 456-459.
Bulletins de liaison du Centre d'Etude des Peintures Murales Romaines. Paris, n° 1 à 7.
Bulletins A.I.E.M.A. 1968 et suivantes: Bulletin de l'Association Internationale pour
l'Etude de la Mosaïque Antique, Institut d'Art et d'Archéologie, Paris. 1, 1968 : Bibliographie
1963-67 ; 2, 1970 : Bibliographie 1968-69 et complément des années antérieures ; 3, 1971 :
Bibliographie 1970 et complément; 4, 1973 : Répertoire graphique du décor géométrique
dans la mosaïque antique ; 5, 1973 : Bibliographie 1971 et complément ; 6, 1976 : Bibliographie
1972-74 et complément ; 7, 1978 : Bibliographie 1974-76 et complément ; 8/1, 1980 : Articles
et Comptes rendus ; 8/2, 1980 : Bibliographie 1976-79 et complément ; 9, 1983 : Bibliographie
1980-81 et complément ; 10, 1985 : Articles et Comptes rendus ; 11, 1986-87 : Bibliographie
1982-84 et complément.
Burnham 1974 : Burnham B. — La protection du patrimoine culturel, manuel des législa-
tions nationales, I.C.O.M., Paris, 1974.
Byrne 1984 : Byrne G.S. — Formulation d'adhésifs transformés par addition d'aérosols de
silice colloïdale. In : IIC, Paris, 1984, p. 80-82.
Caley 1955 : Caley E.A. — Coatings and Incrustations on Lead Objects from the Agora
and the Method Used for their Removal. Studies in Conservation, 2, 1955, p. 49-54.
Caillère, Henin 1963 : Caillère S., Henin S. — Minéralogie des argiles. Ed. Masson, Paris,
1963.
Carandini 1981 : Carandini A. — Storie della terra. In : Manuale dello scavo archeologico,
Bari, 1981.
Carbonnaux 1983 : Carbonnaux E. — Restauration de l'objet archéologique. Publication
du Musée de Normandie, 4, Caen, 1983, 60 p.
Carron, Poupeau 1985 : Carron J.P., Poupeau G. — Les roches vitreuses. Encyclopedia
Universalis, 18, 1985, p. 979-980.
Cassar 1985 a: Cassar M. — Modèles de vitrines et contrôle climatique: une analyse
typologique. Museum, 37, 2, 1985, p. 104-107.
Cassar 1985 b: Cassar M. — Checklist for the establishment of a microclimate. The
Conservator, 9, 1985, p. 14-16.
Cataliotti-Valdina 1987 : Cataliotti-Valdina J. — Mollusques marins. In : Miskovsky J.C.
dir. — Géologie de la Préhistoire, Paris, 1987, p. 717-719.
Chahine et al. 1988: Chahine C., Vilmont L.B., Rottier C. — Traitement du cuir
archéologique gorgé d'eau, in Les documents graphiques et photographiques — Analyse et
conservation. Archives Nationales — La Documentation Française, Paris, 1988.
Chahine, Vilmont 1984 : Chahine C., Vilmont L.B. — L'Assèchement du cuir par
lyophilisation. In : (I.C.O.M., Copenhague, 1984), p. (84.9)22-29.
Chahine, Vilmont 1987 : Chahine C., Vilmont L.B. — Nettoyage des cuirs archéologiques
gorgés d'eau. In : (I.C.O.M., Sydney, 1987), p. 939-944.
Charalambous, Oddy 1975: Charalambous D., Oddy W.A. — The « consolidative »
reduction of silver. In : (IIC, Stockholm, 1975), p. 219-227.
Charlot 1974 : Charlot G. — Chimie Analytique Quantitative. Paris, Masson, 1974.
Charola et al. 1984 : Charola A.E., Freund G.E., Wheeler G.G. — The influence of relative
humidity in the polymerisation of methyl trimetoxy silane. In : (IIC, Paris, 1984), p. 189-195.
Chavigner 1987 : Chavigner F. — Le prélèvement d'objets archéologiques. In :
Conservation-restauration du mobilier archéologique. Journées archéologiques de Paris
Ile-de-france, St Denis, 13-14 juin 1987, p. 78-86. Repris In : (UNESCO, 1987)
Chavigner 1987 : Chavigner F. — Le moulage et ses applications en archéologie. In :
(UNESCO, 1987), p. 88-90.
Chêne, Drisch 1967 : Chêne M., Drisch N. - La cellulose. Que Sais-Je ? N° 1282, Presses
Universitaires de France, Paris, 1967
Chevillot 1976 : Chevillot Ch. — Un atelier de bracelets en lignite décorés à Chalucet
(Saint-Jean-Ligoure, Haute-Vienne). Bulletin de la Société préhistorique française, 73, 1976,
p. 422-436.
Cleaning 1983 : Cleaning. Crafts Council Conservation Science Teaching Sériés, 2, Crafts
Council, Londres, 1983.
Cleere 1984 : Cleere H. dir. — Approaches to the archaeological héritage. Cambridge
University Press, 1984.
Cleere 1988 : Cleere H. dir. — Archaeological heritage management in the modern world.
World Archaeological Congress, Southampton, 1986, Unwin Hyman, Londres.
Cleuziou 1987 : Cleuziou S. — Science de la pelle ou science de l'homme. Préface, 7, 1987,
p. 55-57.
Cleuziou, Demoule 1980 : Cleuziou S., Demoule J.-P. — Enregistrer, gérer, traiter les
données archéologiques. In : Schnapp A. dir. — L'Archéologie aujourd'hui. Paris, Hachette,
1980, p. 87-132.
Coignet 1987 : Coignet J. — Réhabilitation, arts de bâtir traditionnels, connaissance et
technique. Aix en Provence, Edisud, 1987.
Colbeck 1976 : Colbeck J. — La poterie. Technique du tournage. Dessain et Tolra, Paris,
1976.
Conservation Today, 1988 : Conservation Today, Todd V. ed., Preprints for the UKIC
30th Anniversary Conference, UKIC, London, 1988.
Conti 1973 : Conti A. — Storia del Restauro e della Conservazione delle Opere d'Arte.
Electa Editrice, Milano, 1973.
Conway 1975 : Conway V. — Initiation à l'émail. Dessain et Tolra, Paris, 1975.
Cook et al. 1984 : Cook C., Dietrich A., Grattan D.W., Adair N. — Experiments with
aqueous treatments for waterlogged wood — metal objects. In : Groupe de Travail des Bois
Gorgés d'Eau de l'I.C.O.M., Grenoble, CETBGE, 1984, p. 147-160.
Coremans 1969 a : Coremans P. — Problems of Conservation in Muséums : The training
of restorers. Travaux et Publications VIII, I.C.O.M., Eyrolles, Paris, 1969, p. 7-32.
Coremans 1969 b : Coremans P. — Climat et microclimat. In : (U.N.E.S.C.O,
1969),p. 29-43.
Corfield 1985 : Corfield M.C. — Tinning of iron. In : Lead and Tin Studies in Conservation
and Technology, Occasional papers, 3, UKIC, London, 1985, p. 40-43.
Corfield 1988 : Corfield M. — Towards a conservation profession. In : (Conservation
Today, 1988), p. 4-7.
Corrieu 1988 : Corrieu J.M. — Etude du comportement semi-conducteur du fer passif en
milieu de pH neutre. Thèse de doctorat, Université Paris VI, 1988.
Courtois 1976 : Courtois L. — Examen au microscope pétrographique des céramiques
archéologiques. CRA, Notes et Monographies techniques n°8, CNRS, 1976. 49 p.
Courtois 1980 : Courtois L. — Etude des techniques anciennes et recherches sur l'altération
des céramiques. In : Compte rendu du 105ème Congrès des Sociétés savantes, Caen, 1980,
fasc.V, p. 122-133.
Damour 1951 : Damour E. — Cours de verrerie professé au conservatoire national des
arts et métiers, Paris-Liège, 1951.
Daniels et al. 1978 : Daniels V.D., Holland L., Pascoe M.W. — Plasma reactions in the
conservation of antiquities. In : (ICOM, Zagreb, 1978), p. (78.23.1)1-8.
Daniels, Ward 1982 : Daniels V., Ward S. — A rapid test for the detection of substances
which tarnish silver. Studies in Conservation, 27, 1982, p. 58-60.
Daum 1983 : Daum N. — La pâte de verre à travers les âges. In : Congrès de l'Association
Internationale pour l'Histoire du Verre, IX, Nancy, 22-28 mai 1983, p. 27-34.
Daumas 1962 : Daumas M. — Les origines de la civilisation technique. In : Histoire
générale des techniques, tome 1, Presses Universitaires de France, Paris, 1962.
Davidge 1970 : Davidge R. W. — Les céramiques. La Recherche, 1, mai 1970, p. 35-45.
Davison 1984 : Davidson S. — Recensement des adhésifs et consolidants utilisés pour les
verres archéologiques. In : (IIC, Paris, 1984), p. 203-206.
Da vison, Harrison 1987 : Davison S., Harison P. — Refiring archaeological ceramics. The
Conservator, 11, 1987, p. 34-37.
Degrigny, 1987 : Degrigny C. — Le traitement de pièces en alliage léger. L'archéologie
aéronautique, VAL/016/87, Electricité de France — Direction des Etudes et Recherches,
Saint-Denis.
Delamare 1984 : Delamare F. — Analyses des couches picturales. In : La Peinture Romaine.
Dossier Histoire et Archéologie, 89, 1984.
Delcroix 1973 : Delcroix G., Tortel C. — Contribution à l'élaboration d'une Méthodologie
de la Sauvegarde des Biens Culturels. Imprimerie CNRS, Paris, 242 p.
Delcroix, Havel 1988 : Delcroix G., Havel M. — Phénomènes physiques et peinture
artistique. Erec, Paris, 1988, 354 p.
Deterioramento e conservazione della pietra, 1979 : Congresso Internazionale di Venezia
— Deterioramento e conservazione della pietra. Atti del 3° Congresso Internazionale,
Università degli studi di Venezia, Venise, 1979.
De Sy, Vidts 1968 : De Sy A., Vidts J. — Métallurgie structurale. Paris, Dunod, 1968.
Di Matteo 1985 : Di Matteo C. — Restauration des œuvres d'art. Encyclopaedia Universalis,
XV,Paris, 1985, p. 1035-1043.
Domaslowski 1982: Domaslowski W . — La conservation préventive de la pierre.
U N E S C O - ICOMOS, Musées et Monuments XVIII, Paris, 1982.
Douglas, El Shamy 1967 : Douglas R.W., El Shamy T.M.M. — Reactions of glasses with
aqueous solutions. Journ. Amer. Ceram. Soc., 50, 1967, p. 1-7.
Dowman 1970 : Dowman E.A. — Conservation in Field Archaeology. Methuen and Co
LTD, Londres, 1970.
Down 1984 : Down J.L. — The yellowing of epoxy resin adhesives : report on natural dark
ageing. Studies in Conservation, 29, 1984, p. 63-76.
Down 1986 : Down J.L. — The yellowing of epoxy resin adhesives : report on high intensity
light ageing. Studies in Conservation, 31, 4, 1986, p. 159-170.
Drayman-Weisser 1987: Drayman-Weisser T. — The use of sodium carbonate as a
pretreatment for difficult-to-stabilise bronzes. In : (Recent Advances, 1987), p. 105-108.
Drilhon 1976 : Drilhon F. — Radiographies de quelques objets archéologiques. In : Annales
du LRMF, Paris, 1976, p. 35-45.
Dufournier 1976 : Dufournier D. — Recherches sur la signification et l'interprétation des
résultats des analyses chimiques des poteries anciennes (éléments majeurs et mineurs). CRA,
Notes et Monographies techniques n° 9, CNRS, 1976. 64 p.
Dufournier 1979 : Dufournier D. — Deux exemples de contamination des céramiques
anciennes par leur milieu de conservation. Figlina, 4, 1979, p. 69-83.
Dupuis 1967 : Dupuis J. — Notice explicative de la carte de France au 1/1 000 000, INRA,
Service de la carte pédologique de France, Paris, 1967.
Durand-Daste 1985 : Durand-Daste — Climatologie. Encyclopaedia Universalis, IV, Paris,
1985, p. 1222.
Dutter-Georges 1983 : Dutter-Georges I. — Les verres : description, corrosion, conserva-
tion. Mémoire de l'Institut Français de Restauration des Oeuvres d'Art, Paris, 1983.
Duval 1962 : Duval C. — L'eau. Que Sais-Je ?, N° 266, Presses Universitaires de France,
Paris, 1962.
Duval 1974 : Duval C. — Le verre. Que Sais-Je ?, N° 264, Presses Universitaires de France,
Paris, 1974.
Echallier 1984 : Echallier J.-Cl. — Eléments de technologie céramique et d'analyses des
terres cuites archéologiques. Documents d'Archéologie Méridionale, série Méthodes et
Techniques, 3, 1984. 39 p.
E.D.F. 1973: Les Métaux. Fascicule n° 62 A. Electricité de France—Direction de la
Production et du Transport, Service de la Production Thermique, Paris, 1973.
Eichhorn 1983 : Eichhorn P. — Beobachtungen bei der Freilegung von originalen
Oberflâchen archâologischen Bronzen mit dem Fasserhammer. Arbeitsblàtter für Restaurato-
ren, Heft 2, 1983, p. 130-137.
Eluère 1982 : Eluère C. — Les os préhistoriques. In : L'Age du Bronze en France, n° 2,
Picard, Paris, 1982.
Enderly, Lane 1985 : Enderly C., Lane H. — The Conservation of the Lead Figure from
Toprakale. In : Lead and Tin Studies in Conservation and Technology, Occasional papers,
3, UKIC, London, 1985, p. 47-51.
Escalopier 1943 : Comte de l'Escalopier Théophile, prêtre et moine, essai sur divers arts,
traduction de Diversarum artium écrit par Théophile, Paris, 1943.
Eudier 1976: Eudier. — Les alliages métalliques. Que Sais-Je? Presses Universitaires de
France, Paris, 1976.
Evans 1960 : Evans U.R.I. — The Corrosion and Oxydation of Metals. London, Edward
Arnold Ltd, 1960.
FAO/UNESCO 1975 : Carte mondiale des sols au 1/5 000 000. Légende UNESCO, Paris,
1975.
Feilden 1978: Feilden B. — Une introduction à la Conservation des Biens Culturels.
I.C.C.R.O.M., Rome, 1978.
Feller 1964 : Feller R.L. — Contrôle des effets détériorants de la lumière sur les objets de
musée. Museum, 27/2, 1964, p. 57-84.
Feller 1975 : Feller R.L. — Studies on photochemical deterioration. In : (ICOM, Venice,
1975).
Feller 1978: Feller R.L. — Standards in the Evaluation of Thermoplastic resins. In :
(ICOM, Zagreb, 1978) p. 78/16/4.
Fenn, Foley 1975 : Fenn J.D., Foley K. — Passivation of iron. In : (IIC, Stockholm, 1975)
p. 195-198.
Feton 1988: Feton A. — Travaux de restauration des peintures murales de Boult-sur-
Suippe. In : Allag C., Bardoux B., Chossenot D. — La mort d'Adonis : une peinture
gallo-romaine à Boult-sur-Suippe. Bull. de la Société Archéologique Champenoise, 81, 2, 1988.
Fimtm, 1981 : Propriétés des matériaux. In : Les matériaux et leur emploi en mécanique.
Tome I, Fédération des Industries Mécaniques et Transformatrices des Métaux, Paris, 1981.
First aid for finds 1987 : First aid for finds. D. Watkinson ed., UKIC, Londres, 1987.
Flieder et al. 1981 : Flieder F., Talbot R., Flieder C., De Reyer D. — Etude expérimentale
sur les fixatifs des traces pulvérulentes. In : (ICOM, Ottawa, 1981), p. 81/14/8
Florian 1981 : Florian M.L.E. — Analyses of different states of deterioration of terrestrial
waterlogged wood — Conservation implication of the analyses. In : (I.C.O.M., Ottawa, 1981).
Florian 1987 : Florian M.L.E. — Deterioration of organic materials other than wood. In :
Pearson C. dir. — Conservation of Marine Archaeological Objects, Butterworths, Londres,
1987.
Fluzin 1983 : Fluzin P. — Notions élémentaires de sidérurgie. In : Métallurgies africaines,
Mémoires de la Société des Africanistes, 9, Paris, 1983.
Foley 1984 : Foley K. — The role of the objects conservator in Field Archaeology. In :
(Stanley Price 1984), p. 11-20.
Forbes 1966 : Forbes R.J. — Studies in ancient technology. Vol VII, Brill, Leiden, 1966,
2nd Ed.
Forbes 1971 : Forbes R.J. Studies in ancient technology. Vol VIII, Brill, Leiden, 1971, 2nd
Ed.
Forbes 1972: Forbes R.J. — Studies in ancient technology. Vol IX, Brill, Leiden, 1972,
2nd Ed.
Foy 1988 : Foy D. — Le verre médiéval et son artisanat en France méditerranéenne, CNRS,
1988.
Franc 1960 : Franc A. — Classe des Bivalves. In : Grassé P.P. dir. — Traité de Zoologie.
Tome V, fasc.II, Paris, 1960.
Franc 1985: Franc A. — Mollusques. Encyclopaedia Universalis, XII, Paris, 1985,
p. 192-199.
France-Lanord 1965 : France-Lanord A. — La conservation des antiquités métalliques.
CRHS, Jarville, 1965.
France-Lanord 1980 : France-Lanord A. — Métaux anciens, structure et caractéristiques.
Fiches techniques, I.C.C.R.O.M., Rome, 1980.
France-Lanord 1983: France-Lanord A. — La notion d'acier au cours des âges. In :
Journées de Paléométallurgie, Université de Technologie de Compiègne, Compiègne, 1983,
p. 17-35.
Frizot 1975 : Frizot M. — Mortiers et enduits peints antiques. Etudes technique et
archéologique. Université de Dijon, Centre de Recherches sur les Techniques Gréco-romaines,
4, Dijon, réed. 1982.
Froidevaux 1986: Froidevaux Y.M. — Techniques de l'architecture ancienne. Lièges-
Bruxelles, Pierre Mardaga, 1986.
Galinié 1980 : Galinié H. — De la stratigraphie à la chronologie. In : Schnapp A.
dir. — L'Archéologie aujourd'hui. Paris, Hachette, 1980, p. 63-85.
Gallay 1986 : Gallay A. — L'archéologie demain, Belfond/Sciences, Paris, 1986, 320 p.
Ganorkar et al. 1988 : Ganorkar M.C., Pandit Rao V., Gayathri P., Sreenwasa Rao
T.A. — A novel method for conservation of copper-based artifacts. Studies in Conservation,
33, 1988, p. 97-101.
Gardin et al. 1976 : Gardin J.-Cl, Chevalier J., Christophe J., Salomé M.-R. — Code pour
l'nanlyse des formes de poteries. C.R.A. Analyse documentaire et Calcul en Archéologie,
Editions du CNRS, Paris 1976.
Gardin 1979 : Gardin J.-Cl. — Une archéologie théorique. Paris, Hachette Littérature,
1979, 339 p.
Gedye 1969 : Gedye I. — Céramique et Verre. In : (UNESCO, 1969), p. 119-124.
Gedye 1987: Gedye I. — Forty years o f Conservation at the Institute. In : (Recent
Advances, 1987), p. 16-19.
Genin et al. 1987 : Genin G., Dewanckel G., Masschelein-Kleiner L. — Vade-Mecum pour
la protection et l'entretien du patrimoine artistique. Bulletin de l'IRPA, XXI, 1987, p. 82-89.
Gibson 1971 : Gibson B.M. — Methods of removing white and black deposits from ancient
pottery. Studies in Conservation, 16, 1971, p. 18-23.
Gilberg, Seeley 1981 : Gilberg M.R., Seeley M.J. — The identity of compounds containing
chloride ions in marine iron corrosion products ; a critical review. Studies in Conservation,
26, 1981, p. 50-56.
Gilberg, Seeley 1982 a : Gilberg M.R., Seeley M.J. — The alkaline sodium sulfite reduction
process for archaeological iron : a closer look. Studies in Conservation, 27, 1982, p. 180-184.
Gilberg, Seeley 1982 b : Gilberg M.R., Seeley M.J. — Liquid ammonia as a solvant and
reagent in conservation. Studies in Conservation, 27, 1982, p. 38-44.
Ginier-Gillet et al. 1984 : Ginier-Gillet A., Parchas M.D., Ramière R., Quôc Khôi
T. — Méthodes de conservation développées au Centre d'Etude et de Traitement des Bois
Gorgés d'Eau (Grenoble — France) : imprégnation par une résine radio-durcissable et
lyophilisation. In : Groupe de Travail des Bois Gorgés d'Eau de l'I.C.O.M., Grenoble,
CETBGE, 1984, p. 125-138.
Godron 1976 : Godron Y. — Bibliographie raisonnée de l'attaque par les agents atmosphéri-
ques des verres utilisés dans le bâtiment. Verres et réfractaires, 30, 4, 1976, p. 495-518, 30, 5,
1976, p. 635-650.
Goubitz 1984: Goubitz O. — The drawing and registration of archaeological footwear.
Studies in Conservation, 29, 1984, p. 187-196.
Goudineau 1983 : Goudineau C. — In : Architecture de terre et de bois. Actes Congrès
archéologique de Gaulle méridionnale, II, Lyon, 2-6 nov. 1983, DAF, 2.
Graedel et al. 1985 : Graedel T.E., Francy J.P., Gualtierie G.J., Kammlott G.W., Malm
D.L. — On the mechanism of silver and copper sulfidation by atmospheric H2S and OCS.
In : Corrosion Science, vol. 25, n° 12, 1985, p. 1163-1180.
Grattan et al. 1981 : Grattan D.W., Mac Cawley J.C., Cook C. — The conservation of a
waterlogged dug-out canœ using natural freeze-drying. In : (I.C.O.M., Ottawa, 1981).
Greene 1975 : Greene V. — The use of benzotriazole in conservation. In : (ICOM, Venice,
1975), p. (75.25.6)1-10.
Gregson 1977 : Gregson C.N. — Aspect of waterlogged wood conservation, dans Sources
and Techniques in Boat Archaeology, ed. Sean Mc Grail, National Maritime Museum,
Greenwich, Archaeological series, 1, BAR Supplementary Série 29, 1977, p. 45-53.
Grémy, Leterrier : Grémy F., Leterrier F. — Eléments de biophysique. Tome I. Flammarion,
Paris, 1975, 790 p.
Grosso 1981 : Grosso G.H. — Experiments with sugar in conserving waterlogged wood.
In : (I.C.O.M., Ottawa, 1981).
Guichen 1981 : Guichen (de) G. — Pourquoi les conservateurs n'utilisent-ils pas le gel de
silice ou les trois usages du gel de silice. In : (I.C.O.M., Ottawa, 1981), p. 81/18/7.
Guichen 1984 a : Guichen (de) G. — Climat dans le Musée : Mesure et Fiches Techniques.
I.C.C.R.O.M., Rome, 1984, 2e édition.
Guichen 1984 b : Guichen (de) G. — Object interred, object disinterred. In : (Stanley Price
1984), p. 21-30.
Guichen 1985: Guichen (de) G. — Contrôle du climat autour de 197 instruments de
musique. Museum, 37, 2, 1985, p. 95-98.
Guillemard 1987 : Guillemard D. — Conservation des couches pigmentées pulvérulentes
de Mélanésie : choix d'un fixatif. In : Conservation-Restauration des Biens Culturels.
Recherches et Techniques actuelles. ARAAFU, Paris, 1987, p. 132-136.
Haines 1984: Haines B. — La conservation des reliures en cuir. In : (IIC, Paris, 1984),
p. 48-52.
Halbout et al. 1987 : Halbout P., Pilet C., Vaudour C. — Corpus des objets domestiques
et des armes en fer de Normandie du Ier au xve siècle. Centre Archéologique de Normandie,
Caen, 1987.
Hamer 1986 : Hamer F, Hamer J. — The potter's dictionnary of Materials and Techniques.
A. and G. Black, London, 2nd ed. 1986. 374 p.
Hamilton 1976 : Hamilton D.L. — Conservation of metal objects from underwater-sites :
a study of methods. The Texas Memorial Museum, Austin, 1976.
Harrison 1988 : Harrison P. — The conservation of archaeological iron with aminés. In :
ICOM Metal Working Group, Newsletter n° 4, sept. 1988, p. 10-13.
Hedges 1985 : Hedges R.E.M. — On the occurence of bromine in corroded silver. Studies
in conservation, 21, 1985, p. 44-46.
Heimann, Magetti 1981 : Heimann R. B., Magetti M. — Experiments on simulated burial
of calcareous terra sigillata (mineralogical change) : preliminary results. In: M. J. Hughes
ed. — Scientific Studies in Ancient Cêramics. British Muséum Occasional Paper N° 19, 1981.
p. 163-177.
Hejdova, Reznickova 1973 : Hejdova D., Reznickova M. — Contribution à la méthode de
reconstitution de récipients de verre du Moyen-Age. Revue du Verre, 4, 1973.
Hillman, Florian 1985 : Hillman D., Florian M.L.E. — A simple conservation treatment
for wet archaeological wood. Studies in Conservation, 30, 1985.
Hiron 1987 : Hiron X. — Restauration des bois d'origine archéologique : exemple d'une
activité particulièrement dépendante du choix de la méthode de traitement. In : Conservation-
Restauration des Biens Culturels—Recherches et Techniques Actuelles, A.R.A.A.F.U.,
Paris, 1987, p. 46-52.
Hiron et al. 1989 : Hiron X., Ginier-Gillet A., Delattre N. — Apport et utilisation des
supports dans le traitement des matières organiques provenant de milieux archéologiques
gorgés d'eau. A paraître In : Conservation-Restauration des Biens Culturels — Recherches
et Techniques Actuelles, A.R.A.A.F.U., Paris, 1989.
Hjelm-Hansen 1984 : Hjelm-Hansen N. — Cleaning and stabilization of sulphide corroded
bronzes. Studies in Conservation, 29, 1985, p. 17-20.
Hnatiuk 1981 : Hnatiuk K. — Effets des matériaux d'étalage sur les objets de métal. La
Gazette de l'Association des Musées Canadiens, 14, 3-4, 1981, p. 42-50.
Hodges 1975 : Hodges H.W.M, — Problems and ethics of the restoration of pottery. In :
(I.I.C., Stockholm, 1975), p. 37-38.
Hodges 1981 : Hodges H. —Artifacts. London, John Baker Publishers Ltd, 1981.
Hodges 1982 : Hodges H.W.M. — Les matériaux chimiquement instables dans la cons-
truction de vitrines. Museum, 34, 1, 1982, p. 56-58.
Hodges 1987 a : Hodges H. — From Technical Certificate to Diploma in Conservation,
1957 to 1974. In : (Recent Advances, 1987), p. 20-23
Hodges 1987 b : Hodges H.W.M.— The conservation Treatments of ceramics in the field.
In : In situ archaeological conservation. Proceedings of meeting, april 1986, Mexico, Instituto
nacional de Antropologia e Historia (Mexico) and J.P. Getty Trust (California), 1987,
p. 144-151.
Hoffmann 1984: Hoffmann P. — On the stabilization o f waterlogged oakwood with
PEG-Molecular size versus degree of degradation. In : Groupe de Travail des Bois Gorgés
d'Eau de l'I.C.O.M., Grenoble, CETBGE, 1984, p. 95-116.
Hoffmann 1986 : Hoffmann P. — On the stabilization of waterlogged oakwood with PEG,
II. Designing a two-step treatment for multi-quality timbers. Studies in Conservation, 31, 3,
1986.
Horie 1983 : Horie C.V. — Reversibility of polymer treatments. In : Resins in conservation.
Scottish Society for Conservation and Research, Tate J.O., Tennent N.H., Townsend J.H.,
eds, University of Edinburgh, 1983.
Horie 1987 : Horie C.V. — Materials for Conservation. Organic consolidants, adhesives
and coatings. Butterworths, London, 1987.
Howells et al. 1984 : Howells R., Burnstock A., Hedlez G., Hackney S. — Dispersions
de polymères artificiellement vieillis. In : (IIC, Paris, 1984), p. 33-40.
Hundt 1987 : Hundt H.J. — Les textiles de la tombe de Hochdorf. De surprenants
témoignages sur les anciennes techniques artisanales. In : Trésors des Princes celtes. Ed. de
la réunion des Musées Nationaux, Paris, 1987.
Hurley 1979 : Hurley W. M. — Prehistoric Cordage, Identification of Impressions on
Pottery. Adline Manuals on Archaeology, 3, Taraxacum-Washington, 1979. 184 p.
I.C.C.R.O.M., Gand, 1986 : Mesures préventives en cours de fouilles et protection du site.
Centre International d'Etudes pour la conservation et la restauration des Biens Culturels
(I.C.CR.O.M.), Conférence de Gand, 1986, 318 p.
I.C.C.R.O.M, Rome, 1981 : Centre International d'Etudes pour la Conservation et la
Restauration des Biens Culturels — Symposium sur les mortiers, ciments et coulis utilisés
dans la conservation des bâtiments historiques. Rome, 3-6 novembre 1981, 414 p. (Ed.
ICCROM, Rome, 1982.)
I.C.O.M. 1987 : Le conservateur-restaurateur : une définition de la profession, Texte adopté
par le Comité pour la Conservation de l'I.C.O.M. à sa 7e réunion triennale, Copenhague,
1984. Museum, 156, 1987, p. 231-233.
I.C.O.M., Copenhague, 1984 : The International Council of Museums Committee for
Conservation, Seventh Triennal Meeting, Copenhagen, 1984, Preprints, 3 vol.
I.C.O.M, Grenoble, 1984 : Groupe de Travail des Bois Gorgés d'Eau de l'I.C.O.M.,
Grenoble, CETBGE, 1984.
I.CO.M.-I.C.O.M.O.S, Ankara, 1980 : International Symposium on mud-brick préserva-
tion, III. Comité de l'ICOM/ICOMOS de la Turquie, Ankara, Université ODTU, 1980.
I.C.O.M., Ottawa, 1981 : The International Council of Museums Committee for Conserva-
tion, Sixth Triennal Meeting, Ottawa, 1981, Preprints, 4 vol.
I.C.O.M., Sydney, 1987 : The International Council of Museums Committee for Conserva-
tion, Eigth Triennal Meeting, Sydney, Australia, 1987, Preprints, 3 vol.
I.C.O.M., Venice, 1975 : The International Council of Museums Committee for Conserva-
tion, Fourth Triennal Meeting, Venice, 1975, Preprints, 3 vol.
I.C.O.M., Zagreb, 1978 : The International Council of Museums Committee for Conserva-
tion, Fifth Triennal Meeting, Zagreb, 1978, Preprints.
I.I.C. - C.G. 1986 : Institut International pour la Conservation - Groupe canadien,
Association canadienne des restaurateurs professionnels. — Code de déontologie et guide du
praticien., Ottawa, I.I.C.-C.G., 1986.
I.I.C., Paris, 1984 : Adhésifs et consolidants, Xème congrès de l'Institut International de
Conservation, Paris, 1984, Edition française des communications par la section française de
l'I.I.c., 228 p. Edition anglaise : Adhesives and consolidants, Brommelles N.S., Pye E., Smith
P., Thomson G., eds., IIC, Londres, 1984.
I.I.C., Stockholm, 1975 : Conservation in Archaeology and the Applied Arts, Stockholm
Conference Preprints, I.I.C., London, 1975.
Jackson 1982 : Jackson P. — A dowelling technique for glass restoration, The Conservator,
6, 1982, p. 35-36.
Jackson 1983 : Jackson P. — Restoration o f an italic glass oinochœ with technovit 4 0 0 4 a .
The Conservator, 7, 1983, p. 44-47.
Jackson 1984 : Jackson P. — Restoration of glass antiquities. In : (ICOM, Copenhague,
1984), p (84.20)13-17.
Janaway 1985 : Janaway R.C. — Dust to dust : the preservation of textile materials in metal
artefact corrosion products with reference to inhumation graves. Science and Archaeology, 27,
1985, p. 29-34.
Jedrzejewska 1970 : Jedrzejewska H. — Removal of soluble salts from stone. In : Preprints
of the IIC New York Conference on Conservation of Stone and Wooden Objects. IIC, 1970.
p. 19-33.
Jenssen 1987 : Jenssen V. — Conservation of wet organic artefacts excluding wood. In :
Pearson C. dir. — Conservation of Marine Archaeological Objects, Butterworths, Londres,
1987.
Jespersen 1984 : Jespersen K. — Extebded storage of waterlogged wood in nature. In :
Groupe de Travail des Bois Gorgés d'Eau de l'I.C.O.M., Grenoble, CETBGE, 1984, p. 39-54.
Johnson 1984 : Johnson R.M. — Enlèvement de la cire microcristalline des objets archéolo-
giques en fer. In : (IIC, Paris, 1984), p. 111-113.
Jonshon, Horgan 1980 : Jonshon E.V., Horgan J.C. — La Mise en Réserve des Collections
de Musées, U.N.E.S.C.O., Cahiers Techniques : Musées et Monuments n° 2, 1980.
Kamba 1987 : Kamba N. — A study of natural materials as relative humidity buffers and
application to a showcase. In : (ICOM, Sydney, 1987), p. 875-879.
Katzev, Van Doorninck 1966: Katzev M.L., Van Doorninck F.H. — Replicas of Iron
Tools from a Byzantine Shipwreck. Studies in Conservation, 11, 1966, p. 133-142.
Keene 1977 : Keene S. — An approach to the sampling and storage of waterlogged timbers
from excavations. The Conservator, 1, 1977, p. 8-11.
Keene 1984 : Keene S. — Efficacité des revêtements et consolidants utilisés pour les objets
archéologiques en fer. In : (IIC, Paris, 1984), p. 108-110.
Keene, Orton 1985 : Keene S., Orton C. — Stability of treated archaeological iron : an
assessment. Studies in Conservation, 30, 1985, p. 136-142.
Keepax 1975 : Keepax C. — Scanning electron microscopy of wood replaced by iron
corrosion products. Journal of Archaeological Science, 2, 1975.
Kelberine 1987 : Kelberine C. — Les enduits peints. In : Conservation-Restauration du
Mobilier Archéologique, Journées Archéologiques de Paris Ile-de-France, Saint-Denis, 1987,
p. 33-38. Repris In : (UNESCO, 1987)
Klejn 1980 : Klejn L.S. — Panorama de l'archéologie théorique. In : Schnapp A. dir. —
L'Archéologie Aujourd'hui. Paris, Hachette, 1980, p. 263-303.
Knight 1982 : Knight B. — Why do some iron objects break up in store ? In : Conservation
of iron, Maritime Monographs and Reports, 53, National Maritime Museum, Greenwich,
1982, p. 50-55.
Kny, Nauer 1978 : Kny E., Nauer G. — On the possibility of devitrification of ancient
glass. Journ. non cristalline solids, 29, 1978, p. 207-214.
Kollmann, Côté 1968 : Kollmann F.F.P., Côté W.A.Jr. — Principles of wood science and
technology. 1 solid wood. Springer — Verlag, Berlin, 1968.
Koob 1979 : Koob S. - T h e removal of aged shellac adhesives from ceramics. Studies in
Conservation, 24, 1979, p. 134-135.
Koob 1981 : Koob S.P. — Consolidation with acrylic colloidal dispersions. In : Congrès
annuel de l'American Institute for Conservation of Historic and Artistic Works, IX,
Pennsylvanie, 27-31 mai 1981, p. 86-94.
Koob 1982 : Koob S.P. — The instability of cellulose nitrate adhesives. The Conservator,
6, 1982, p. 31-34.
Koob 1984: Koob S.P. — Consolidation des os archéologiques. In : (IIC, Paris, 1984),
p. 101-105.
Koob 1986 : Koob S.P. — The use of paraloid B-72 as an adhesive : its application for
archaeological ceramics and other materials. Studies in Conservation, 31, 6, 1986, p. 7-14.
Kronberg et al. 1984 : Kronberg B.I., Coatsworth L.L., Usselman M.C. — Mass spectrome-
try as an historical probe : quantitative answers to historical questions in metallurgy. In :
Archaeological Chemistry III, American Chemical Society, Washington DC, 1984, p. 295-310.
Krougly 1987 : Krougly L. — Réintégration picturale des décors de Nizy-Ie-Comte (Aisne).
In : séminaire de l'AFPMA, IX, Paris 27-28 avril 1985. La peinture murale antique : restitution
et iconographie. DAF, 10, 1987.
Kruger 1977 : Kruger J. — Some brief remarks on electrochemical reduction. In : Corrosion
and Metal Artifacts, National Bureau of Standart Publication 479, Washington, 1977,
p. 59-65.
Kushelevsky 1975 : Kushelevsky A.P. — A simple instrument for measuring the density of
solid objects. Archaeometry, 17, 1, 1975, p. 99-138.
La Baume 1987 : La Baume (de) S. — Dessalage des bois archéologiques par électrophorèse.
In : Conservation-Restauration des Biens Culturels — Recherches et Techniques Actuelles,
A.R.A.A.F.U., Paris, 1987, p. 20-28.
La Niece 1983 : La Niece S. — Niello : an historical and technical survey. The Antiquaries
Journal, 63, 1983, p. 279-297.
Lacoudre 1987 : Lacoudre N. — Electricité et Archéologie. Saint-Denis, Electricité de
France — Direction des Etudes et Recherches, 1987.
Lacoudre, Volfovsky 1983: Lacoudre N., Volfovsky C. — Application des techniques
électrochimiques à la conservation des pièces archéologiques sous-marines métalliques.
Electricité de France — Direction des Etudes et Recherches, P539/83/16, Saint-Denis, 1983.
Lafontaine 1981 : Lafontaine R.H. — Normes Relatives au Milieu pour les Musées et les
Dépôts d'Archives Canadiens. I.C.C., Bulletin Technique, 5, 1981, 2e édition.
Lafontaine 1984a : Lafontaine R. — Le gel de silice. Bulletin technique, 10, ICC, Ottawa,
1984.
Lafontaine, Michalski 1984 a : Lafontaine R.H., Michalski S. — The control of relative
humidity, recent developments. In : (I.C.O.M., Copenhague, 1984), p. (84.17)33-37.
Lafontaine, Wood 1982 : Lafontaine R.H., Wood P.A. — The stabilization of ivory against
relative humidity fluctuations. Studies in Conservation, 27, 1982, p. 109-117.
Lahanier 1970 : Lahanier C. — Analyse de verres orientaux. In : Annales du L.R.M.F.,
1970, p. 38-43.
Lahanier 1971 : Lahanier C. — Analyse de verres de vitraux par spectrométrie de fluores-
cence X. In : Congrès International du Verre, IX, Versailles, 27 septembre-2 octobre 1971.
Lajarte 1969 : Lajarte S. — L'arsenic dans le verre. Arsenic development commitee, 1969.
Lajarte 1979 : Lajarte S. — Les verres colorés. L'Actualité chimique, octobre 1979, p. 30-36.
Landford 1977 : Landford W.A. — Glass hydratation, a method of dating glass objects.
Science, 196, 1977.
Lane 1975 : Lane H. — The reduction of lead. In : (IIC, Stockholm, 1975), p. 215-217.
Lane 1987 : Lane H. — The conservation and storage of leads coins in the department of
coins and medals, British Museum. In : (Recent Advances, 1987), p. 149-153.
Laver 1978 : Laver M. — Spots tests in conservation : metals and alloys. In : (ICOM,
Zagreb, 1978), p. (78.23.8)1-11.
Lapierre 1976 : Lapierre.F. — Les Processus de fossilisation. Ed. 'Boubée, 1976, 31 p.
Larney 1978 : Larney J. — Restoring ceramics. Barrie and Jenkins, Londres, 1978.
Lavagne 1977 : Lavagne H. — La conservation des mosaïques de pavement avant l'époque
moderne. In : (Mosaïque 1977).
Lawson 1980 : Lawson G. — Data sheet 2 : Stringed musical instruments, Conservation,
Archaeology and Museums. In : Occasional Papers, 1, UKIC, 1980.
Lazzarini, Laurenzi Tabasso 1986 : Lazzarini L., Laurenzi Tabasso M. — Il restauro della
pietra. Padova, 1986.
Leach 1979 : Leach B. — Le livre du potier. Dessain et Tolra, Paris, 1979. 297 p.
Le Tiec 1983/84: Le Tiec N. — La verrerie médiévale de Saint-Denis du VIIIème au
XlVème siècle — Etude archéologique. Mémoire de Maitrise, Université de Paris X —
Nanterre, Paris, 1984.
Le Tiec 1985: Le Tiec N. — Notes sur les traitements des verres médiévaux (fouilles
archéologiques de St Denis), R.A.C.F., 24, 1, 1985, p. 97-100.
Learmonth 1987 : Learmonth G.S. — Legionnaire's disease and water treatment for mobile
humidifiers. In : (Recent Advances 1987), p. 315-317.
Lévèque 1986 : Lévèque M.A. — The problem of formaldehyde, a case study. In : AIC,
Annual Meeting, IV, Chicago, 1986, p. 56-65.
Logan 1984: Logan J.A. — An approach to handling large quantities of archaeological
iron. In : (ICOM, Copenhague, 1984), p. (84.22)14-17.
Long 1987 : Long L. — Quelques précisions sur le conditionnement des lingots d'étain de
l'épave antique Bagaud 2 (Var). In : Mines et Métallurgies en Gaule et dans les provinces
voisines, Errance, Paris, 1987, p. 149-163.
L R M F 1985: L R M F — Les méhodes scientifiques dans l'étude et la conservation des
œuvres d'art. Paris, La Documentation Française, 1985.
Lucas 1924 : Lucas A. — Antiquities, their Restoration and Préservation. Edward Arnold,
London, 1924.
Mac Cawley 1984 : Mac Cawley C. — Current research into the corrosion of archaeological
iron. In : (ICOM, Copenhague, 1984), p. (84.22)25-27.
Mac Cawley 1988 : Mac Cawley C. — Reports on research, Canadian Conservation
Institute. In : ICOM Metal Working Groupe, Newsletter n°4, sept. 1988, p. 5-9.
Mac Kerrell et al 1972: Mac Kerrell H., Roger E., Varsanyl A. — The acetone/rosin
method for conservation of waterlogged wood. Studies in Conservation, 17, 1972.
Mac Leod, 1983 : Mac Leod I.D. — Stabilization of corroded Duralumin. Studies in
Conservation, 28, p. 1-7.
Mac Leod 1984 : Mac Leod I.D. — Conservation applied science and why treatments must
be monitored. I C C M Bulletin, vol 10, june 1984, p. 19-41.
Mac Leod 1987 a : Mac Leod I.D. — Conservation of corroded copper alloys : a comparison
of new and traditional methods for removing chloride ions. Studies in Conservation, 32, 1987,
p. 25-40.
Mac Leod 1987 b : Mac Leod I.D. — Stabilization of corroded copper alloys : a study of
corrosion and desalination mechanisms. In : (ICOM, Sydney, 1987), p. 1079-1085.
Mac leod, Davies 1987 : Mac Leod I.D., Davies J. A. — Desalination of glass, stone and
ceramics recovered from shipwreck sites. In : (ICOM, Sydney, 1987), p. 1003-1007.
Mac Leod, North 1979 : Mac Leod I.D., North N.A. — Conservation of corroded silver.
Studies in Conservation, 24, 1979, p. 165-170.
Macleod 1975 : Macleod K.J. — L'Humidité relative dans les Musées : importance, mesure
et régulation. I.C.C., Bulletin Technique, 1, Ottawa, 1975.
Mahan 1970 : Mahan B.H. — Chimie. Montreal, Editions du renouveau pédagogique Inc,
1970, 2nd Ed.
Marchand 1987 : Marchand C. — Rapport sur les essais préliminaires de nettoyage des
cuirs gorgés d'eau par électrophorèse. Electricité de France — Direction des Etudes et
Recherches, Val/003/87, Saint-Denis, 1987.
Marchesini, Badan 1981 : Marchesini L., Badan B. — Phénomènes de corrosion sur les
chevaux de Saint Marc. In : Les chevaux de Saint Marc. Réunion des Musées Nationaux,
Paris, 1981, p. 194-204.
Maréchal 1983 : Maréchal J.R. — La préhistoire- de la métallurgie. Revue Archéologique
Sites, Avignon, 1983.
Marian, Wissingl960 : Marian J.E., Wissing A. — The chemical and mechanical deteriora-
tion of wood in contact with iron. Svensk Papperstidning, arg. 63, 4, 1960.
Marsh 1987 : Marsh D. — Some practical problems in running a humidification system in
huntly house Edinburgh. In : (I.C.O.M., Sydney, 1987), p. 885-887.
Masschelein-Kleiner 1981 : Masschelein-Kleiner L. — Les solvants. IRPA, Bruxelles, Cours
de Conservation, 2, 1981.
Masschelein-Kleiner 1985 : Masschelein-Kleiner L. — Vieillissement naturel et artificiel des
produits synthétiques comparé à celui des produits naturels. In : Séminaire sur les Produits
Synthétiques pour la Conservation et la Restauration des Oeuvres d'Art, Berne, 1985, p. 65.
Masson 1987 : Masson A. — L'homme et le matériel lithique et céramique. Pétrographie,
roches siliceuses. In : Miskovsky J.C. dir. — Géologie de la Préhistoire, Paris, 1987, p. 841-857.
Masurel 1982 : Masurel H. — Les tissus antiques de l'âge des métaux à l'époque mérovin-
gienne. Fabrication — gisements — traitements. Sites, 13, 1982, p. 11-25.
Masurel 1987 : Masurel H. — Les vestiges textiles de la motte d'Apremont. In : Trésors
des Princes celtes. Ed. de la réunion des Musées Nationaux, Paris, 1987.
Matienzo, Snow 1986 : Matienzo L.J., Snow C.E. — The chemical effects of hydrochloric
acid and organic solvents on the surface of ivory. Studies in Conservation, 31, 1986, p. 133-139.
Matteini, Moles 1981 : Matteini M., Moles A. — Kinetic control of the reactivity of some
formulations utilized for the cleaning of works of arts. In : (ICOM, Ottawa, 1981),
p. (81.23.4)1-7
Mazurowski 1986 : Mazurowski R.F. — History, state and further directions o f research
on amber working in the stone and early bronze ages in Europe. Siatowit, XXVI, Warszawa,
1986, p. 7-32.
Melucco 1986 : Melucco A. — Archéologie de fouille et conservation : limites et domaines
d'intervention, respectivement de l'archéologue et du restaurateur. In : (ICCROM, Gand,
1986), p. 1-12.
Merk 1978 : Merk L.E. — A study or reagents used in the stripping of bronzes. Studies in
Conservation, 23, 1978, p. 15-22.
Merk 1981 : Merk L.E. — The effectiveness of benzotriazole in the inhibition of the
corrosive behaviour of stripping reagents on bronzes. Studies in Conservation, 26, 1981,
p. 73-76.
Mertens 1984 : Mertens D.— Planing and executing anastylosis of stone buildings. In :
(Stanley Price, 1984), p. 121-144.
Meyer 1987: Meyer N. — Problèmes de stockage, ou l'art de la mise en boîte. In :
Conservation-Restauration du Mobilier Archéologique, Journées Archéologiques de Paris
Ile-de-France, Saint-Denis, 1987, p. 89-98. Repris In : (UNESCO, 1987)
Meyers 1978 : Meyers P. — Applications o f X-ray radiography in the study of archaeological
objects. In: Archaeological Chemistry II, Advances in Chemistry Series 171, American
Chemical Society, Washington, 1978, p. 79-86.
Meynis de Paulin 1974 : Meynis de Paulin J.J., dir. — Les colles et adhésifs et leurs emplois
industriels. Ed. Guy Le Prat, Paris, 1974, 271 p.
Miccio, Ronchi 1974 : Miccio M., Ronchi M. — Metodo B 70, proposta di un nuovo
trattamento per l'eliminazione della corrosione « cyclica » nei bronzi archeologici. In :
Conservazione dei Monumenti, Atti delle Sezione II del XXIX Congresso del ATI, Firenze,
1974, p. 204-210.
Michalski 1985 a : Michalski S. — Module de régulation de l'humidité relative. Museum,
37, 2, 1985, p. 85-88.
Michalski 1985 b : Michalski S. — Relative Humidity Control Module : Construction and
Assembly Manual. I.C.C., Ottawa, 1985.
Miles 1986: Miles C.E. — Wood coatings for display and storage cases. Studies in
Conservation, 31, 1986, p. 114-124.
Millot 1964 : Millot G. — La géologie des argiles. Ed. Masson, Paris, 1964, 499 p.
Millot 1985: Millot G. — Argiles et minéraux argileux. Encyclopaedia Universalis, II,
1985, p. 629-634.
Mills, White 1987: Mills J.S., White R. — The organic chemistry of museum objects.
Butterworths, London, 1987.
Miskovsky 1987 : Miskovsky J.-C. dir. — Géologie de la Préhistoire : Méthodes, Techni-
ques, Applications. Association pour l'Etude de l'Environnement Géologique de la Préhistoire,
Paris, 1987.
MÕberg 1976: Môberg C.A. — Introduction à l'Archéologie, Edition française François
Maspero, Paris, 260 p. Edition originale Introduktion till Arkeologi, Stockhlom, 1969.
Môberg 1980 : Môberg C.A. — Vers une analyse sociologique en archéologie. In : Schnapp
A. dir. — L'Archéologie Aujourd'hui. Paris, Hachette, 1980, p. 305-317.
Mofatt 1979 : Mofatt E. — Analysis of scotch mounting adhesive N° 567. ARS. N° 1671,
ICC, Ottawa, 9 octobre 1979.
Mofatt 1981 : Mofatt E. — Ablebond 342-1 epoxy. ARS N° 1877, ICC, Ottawa, 8 décembre
1981.
Mofatt 1982 : Mofatt E. — Archivai tapes and laminating materials. ARS N° 1844, ICC,
Ottawa, 2 juin 1982.
Montembault 1987: Montembault V. — La restauration du cuir archéologique. In :
Conservation-Restauration des Biens Culturels — Recherches et Techniques Actuelles,
A.R.A.A.F.U., Paris, 1987, p. 36-45.
Monuments Historiques 1975 : La maladie de la pierre. Monuments Historiques , numéro
hors série, éditions de la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des sites, 1975.
Monuments Historiques 1977 : Les restaurations françaises et la Charte de Venise,
Monuments Historiques, numéro hors série, éditions de la Caisse Nationale des Monuments
Historiques et des sites, 1977.
Mora et al. 1977 : Mora P. et L., Philippot P. — La Conservation des peintures murales.
Bologne, Ed. Compositori, ICCROM, 1977.
Morrison 1987 : Morrison L. — The treatment, mounting and storage of a large group of
archaeological textile fragments. In : (I.C.O.M., Sydney, 1987), p. 391-396.
Morrison 1988 : Morrison L. — Some suggested materials for the repair and reconstruction
of archaeological leather. In : (Conservation today, 1988), p. 107-111.
Mosaïque 1977 : Mosaïque n°I. Détérioration et Conservation. Comité International pour
la Conservation des Mosaïques. I.C.C.R.O.M., Rome, 1977.
Mosaïque 1981 : Mosaïque n°2. Sauvegarde. Comité International pour la Conservation
des Mosaïques, Carthage 1978-Périgueux 1980, I.C.C.R.O.M., 1981.
Mosaïque 1985 : Mosaïque n° 3. Conservation in situ. Comité International pour la
Conservation des Mosaïques, Aquilea 1983, I.C.C.R.O.M., 1985.
Mosaïque 1987 : Mosaïque n°4. Conservacion in situ. Comité International pour la
Conservation des Mosaïques, Soria 1986, Servicio de Investigaciones Arqueologicas, Diputa-
cion de Soria, 1987.
Moss 1952 : Moss A.A. — Niello. Studies in Conservation, 1, 1952, p. 49-62.
Mourey 1987 a : Mourey W. — La conservation des antiquités métalliques, de la fouille
au musée. LCRRA, Draguignan, 1987.
Mourey 1987 b : Mourey W — Etude comparée de la résistance à diverses formes de
corrosion des revêtements protecteurs utilisés en conservation des métaux. In : (ICOM,
Sydney, 1987), p. 1087-1091.
Nansenet 1982 : Nansenet V. — Rapport de stage au Corning museum of glass. Mémoire
de Maitrise de Sciences et Techniques, Université de Paris 1 — Panthéon — Sorbonne, Paris,
1982.
Naud 1987 : Naud C. — Conservation préventive. In : Conservation-Restauration des Biens
Culturels-Recherches et Techniques Actuelles, A.R.A.A.F.U., Paris, 1987, p. 74-77.
Newey 1987 : Newey H. — 17 years of dehumidified showcases in the British Museum. In :
(I.C.O.M., Sydney, 1987), p. 901-907.
Newton 1974: Newton R.G. — The deterioration and conservation o f painted glass : a
critical bibliography and three research papers, London, 1974.
Newton, Shaw 1988 : Newton R.H., Shaw G. — Another unsolved problem concerning
weathering layers. Glass Technology, 29, 2, avril 1988.
Nockert, Wadsten 1978 : Nockert M., Wadsten T. — Storage of archaeological textile finds
in sealed boxes. Studies in Conservation, 23, 1978, p. 38-41.
Noël, Bocquet 1987 : Noël M., Bocquet M. — Les Hommes et le bois : histoire et
technologie du bois de la préhistoire à nos jours. Paris, Hachette, 1987.
North 1987 : North N.A. — Corrosion of metals, Conservation of metals. In : Pearson C.
dir. — Conservation of marine archaeological objects, Butterworths, London, 1987, p. 68-98,
p. 207-252.
North, Pearson 1975 : North N.A., Pearson C. — Alkaline sulfite reduction treatment of
marine iron. In : (ICOM, Venice, 1975), p. (75.13.3)1-14.
North, Pearson 1978 : North N.A., Pearson C. — Washing methods for chloride removal
from marine iron artifacts. Studies in Conservation, 23, 1978, p. 174-186.
Oddy 1974: Oddy W.A. — Toxicity of benzotriazole. Studies in Conservation, 19, 1974,
p. 188-189.
Oddy 1975: Oddy W.A. — The corrosion of metals on display. In : Conservation in
Archaeology and the Applied Arts, I.I.C., London, 1975, p. 235-237.
Oddy 1987 : Oddy W.A. — New method for the conservation of iron : ionophoresis in a
non aqueous electrolyte. In : (Recent Advances, 1987), p. 155-158.
Oddy et al. 1983: Oddy W.A., Bimson M., La Niece S. — The composition of niello
decoration in gold, silver and bronze in the antique and mediaeval periods. Studies in
Conservation, 28, 1983, p. 29-35.
Oddy, Bimson 1985 : Oddy W.A., Bimson M. — Tinned bronze in antiquity. In : Lead and
Tin Studies in Conservation and Technology, Occasional papers, 3, UKIC, London, 1985,
p. 33-39.
Oddy, Hughes 1970 : Oddy W.A., Hughes M.J. The stabilization of active bronze and
iron antiquities by the use of sodium sesquicarbonate. Studies in Conservation, 15, 1970,
p. 183-189.
Olive, Pearson 1975 : Olive J., Pearson C. — The conservation of ceramics from marine
archaeological sources. In : (IIC, Stockholm, 1975), p. 199-204.
Organ 1953 : Organ R.M. — Use of ion exchange resin in the treatment of lead objects.
Museums Journal, 53, 1953, p. 49-52.
Organ 1959 : Organ R.M. — Treatment using Ultra-sonic Vibrations. Studies in Conserva-
tion, 1, 1959, p. 35-37
Organ 1961: Organ R.M. — The conservation of cuneiform tablets. British Muséum
Quarterly, XXIII, 2, 1961, p. 52-58.
Organ 1965 : Organ R.M. — The Réclamation of the Wholly Mineralized Silver in the Ur
Lyre. In : Application of Science in Examination of Works of Art, Museum of Fine Arts,
Boston, 1965, p. 126-144.
Organ 1977 : Organ R.M. — The current status of the treatment of corroded métal artifacts.
In : Corrosion and Metal Artifacts, National Bureau of Standard Publication 479, Washington,
1977, p. 107-142.
Oxley, Gobert 1983 : Oxley T.A., Gobert E.G. — The Professionals and Home Owners
Guide to Dampness in Buildings, Butterworths, London, 1983.
Padfield 1966 : Padfield T. — The control of relative humidity and air pollution in show
cases and picture frames, Studies in Conservation, 11, 1966, p. 8.
Padfield et al. 1982 : Padfield T., Erhardt D., Hopwood W. — Trouble in store. In : Science
and Technology in the Service of Conservation, Congrès de Washington, I.C.C., 1982,
p. 24-27.
Païn, Bertholon 1988 : Païn S., Bertholon R. — Le traitement électrolytique des objets
archéologiques en alliage cuivreux. Electricité de France-Direction des Etudes et Recherches,
VAL/006/88, Saint-Denis, 1988.
Parrent 1985 : Parrent J.M. — The conservation of waterlogged wood using sucrose. Studies
in Conservation, 31, 1985.
Parviz Redjali 1984 : Parviz Redjali M.H. — Déshumidification d'une vitrine par un
système de chauffage. In : (I.C.O.M., Copenhague, 1984), p. (84.17)43-45.
Pascoe 1982: Pascoe M.W. — Organic coatings for iron : a review for methods. In :
Conservation of iron, Maritime Monographs and Reports, n° 53, National Maritime Museum,
Greenwich, 1982, p. 56-57.
Paterakis 1987 a : Paterakis A.B. — A comparative study of soluble salts in contaminated
ceramics. In : (ICOM, Sydney, 1987), p. 1017-1021.
Paterakis 1987 b : Paterakis A. B. — The Deterioration of Ceramics by Soluble Salts and
Methods for Monitoring their Removal. In : (Recent Advances, 1987), p. 67-72.
Patscheider, Veprek 1986 : Patscheider J. Veprek S. — Application of low-pressure hydro-
gen plasma to the conservation of ancient iron artifacts. Studies in Conservation, 31, 1986,
p. 29-37.
Peacock 1983: Peacock E.E. — The conservation and restoration of some anglo-
scandinavian leather shoes. The Conservator, 1983, p. 18-23.
Peacock 1987: Peacock E.E. — Anthropological textiles: a mounting solution. In :
(I.C.O.M., Sydney, 1987), p. 407-412.
Pearson 1979 : Pearson C. — The use of PEG for the treatment of waterlogged wood —
its past and futur. In : International Symposium o f conservation of large objects of waterlogged
wood, Amsterdam, 1979, p. 51-56.
Pearson 1987 : Pearson C — Conservation of ceramics, glass and stone. In : Pearson
C. dir. — Conservation of Marine Archaeological Objects. Butterworths, London, 1987.
p. 253-267.
Pennec, Saillant 1988 : Pennec S., Saillant P.Y. — Vitrine sous gaz inerte. Paris non publié,
1988.
Peroni et al. 1981 : Peroni et alii — Lime-based mortars for the repair of ancient masonry
and possible substitute. In : (ICCROM, Rome, 1981).
Pétrequin et al. 1987 : Pétrequin P., Beck C.W., Piningre J.F., Hartman P., Simone (De)
S.R. — L'Importation d'ambre balte : un échantillonnage chronologique de l'est de la France.
R.A.E., XXXVIII, 3-4, 1987, p. 273-284.
Petrou-Lykiardopoulou 1987 : Petrou-Lykiardopoulou M. Coping with the problem of the
decay of byzantine leads seals in the Numismatic Museum at Athens. In : (Recent Advances,
1987), p. 165-167.
Peyches 1970: Peyches I. — Pouquoi le verre est-il transparent? Le courrier, décembre,
1970.
Peyches 1971: Peyches I. — Qu'est-ce que le verre? Verres et réfractaires, 25, 4/5,
juillet-octobre 1971.
Peyches 1985 : Peyches I. — Etat vitreux. Encyclopedia Universalis, 18, p. 980-982.
Péguin 1970 : Péguin P. — La physique du métal. Que Sais-Je ? Presses Universitaires de
France, Paris, 1970.
Philippot 1972 : Philippot P. — Restauration : phylosophy, criteria, guidelines. In : Preser-
vation and Conservation : principles and practices. North American Conférence, Williamsburg
and Philadelphia, 1972.
Philippot, Philippot 1959 : Philippot A., Philippot P. — Le problème de l'intégration des
lacunes dans la restitution des peintures. Bull. de l'IRPA, II, Bruxelles, 1959.
Philippot 1977 : Philippot P. — Le problème des lacunes dans les mosaïques. In : (Mosaïque
1977)
Picon 1973 : Picon M. — Introduction à l'étude technique des céramiques sigillées de
Lezoux. Laboratoire du C.E.R.G.R., N° 2, Lyon, 1973.
Picon, 1976 : Picon M. — Remarques préliminaires sur deux types d'altération de la
composition chimique des céramiques au cours du temps. Figlina, 1, 1976, p. 159-166.
Piponnier 1989 : Piponnier D. — La Conservation-Restauration des bois polychromes.
Institut Français de Damas, Damas, 1989.
Plenderleith 1934: Plenderleith H.J. — The Preservation of Antiquities. The Museum
Association, London, 1934.
Plenderleith 1966: Plenderleith H.J. — La Conservation des Antiquités et des Oeuvres
d'Art. Edition française Eyrolles, Paris, 1966.
(réédition en anglais seulement : Plenderleith H.J., Werner A.E.A., Oxford University Press,
1971.)
Plenderleith, Torraca 1979 : Plenderleith H., Torraca G. — La conservation des métaux
sous les tropiques. In : (UNESCO, 1969), p. 255-268.
Poirot 1987 : Poirot J.P. — Les Perles. Monde et minéraux, 81, sept-oct. 1987. p. 28-38.
Pollard 1985 : Pollard S.C. — Conservation of Pewter Objects from the Roman Reservoir
at Bath. In : Lead and Tin Studies in Conservation and Technology, Occasional papers, 3,
UKIC, London, 1985, p. 57-63.
Pourbaix 1963 : Pourbaix M. — Atlas d'équilibres électrochimiques. Paris, Gauthier-Villars,
1963.
Pourbaix 1975 : Pourbaix M. — Leçons en corrosion électrochimique. Bruxelles, Cebelcor,
1975.
Price, MacQueen 1988 : Price J., MacQueen M. — Reflections on lifting neolithic structures.
A tale of two archaeological sites. In : (Conservation Today,1988), p. 117-122.
Pugh 1978 : Pugh F. — Handling and Packing Works of Art. Art Council of Great Britain,
1978.
Pye 1984 : Pye E. — Conservation and storage : archaeological material. In : Manual of
Curatorship : a Guide to Museum Practice. Ed. Thomson M.A., Bassett D.A., Davies D.G.,
Butterworths, London, 1984.
Pye, Cronyn, 1987 : Pye E., Cronyn J. — The Archaeological Conservator Re-examined :
a personal view. In : (Recent Advances, 1987), p. 355-357.
Rado 1988 : Rado P. — An Introduction to the Technology of Pottery. Pergamon Press,
2nd ed., 1988, 266 p.
Ramer 1981 : Ramer B.L. Stabilising relative humidity variation within display case :
the role of silica gel and case design. In : (ICOM, Ottawa, 1981), p. 81/18/6.
Ramer 1984: Ramer B.L. — The design and construction of two humidity-controlled
display cases. In : (ICOM, Copenhague, 1984), p. (84.17)46-59.
Randoin 1987 : Randoin B. dir. — Enregistrement des données de Fouilles Urbaines,
première partie. Tours, Centre National d'Archéologie Urbaine, 1987, 98 p.
Rathje 1980 : Rathje — L'archéologie des poubelles. In : Schnapp A. dir. — l'Archéologie
Aujourd'hui, Hachette, Paris, 1980, p. 251.
Ravindra et al. 1981 : Ravindra R., Dawson J.E., Lafontaine R . H . — T h é storage of
untreated waterlogged wood. Journal de IIC-CG, 5/1-2, 1981, p. 25-31.
Recent Advances, 1987 : Recent Advances in the Conservation and Analysis of Artifacts,
University of London, Institute of Archaeology, Jubilee Conservation Conférence, ed. J.
Black, Summer Schools Press, London, 1987.
Reid et al. 1984 : Reid N.K.M., Mac Leod I., Sander N. Conservation of waterlogged
organic materials : comments on the analysis of Polyethylene Glycol and the treatment of
leather and rope. In : (I.C.O.M., Copenhague, 1984), p. (84.7)16-20.
Renault 1987 : Renault Ph. Phénomènes karstiques. In : Miskovsky J.C. dir. Géologie
de la Préhistoire, Paris, 1987, p. 170-196.
Revista Internazionale del vetro 1984 : Le verre et l'eau, Revista della stazione sperimentale
del vetro, N° 5, 1984
Rhodes 1976 : Rhodes D. —Terres et Glaçures. Ed Dessain et Tolra, Paris, 1976.
Richey 1975: Richey W.D. — Chelating agents, a review. In : (IIC, Stockholm, 1975),
p. 229-234.
Richey 1982 : Richey W.D. — Recent advances in corrosion science. In : Science and
technology in the service of conservation, IIC Congress, Washington, 1982, p. 108-118.
Rinuy 1982 : Rinuy A. — Vergleichende Untersuchungen zur Entzalzung von Eisenfunden.
Arheithliitter fur Restauratoren, Heft 1, 1982, p. 130-140.
Rinuy, Schweitzer 1981 : Rinuy A., Schweitzer F. — Méthodes de conservation d'objets
de fouilles en fer : étude quantitative comparée de l'élimination des chlorures. Studies in
Conservation, 26, 1981, p. 29-41.
Robbiola 1987 : Robbiola L. — La corrosion des bronzes archéologiques. La maladie du
bronze : un aperçu scientifique. In : Conservation-restauration des biens culturels —
Recherches et Techniques Actuelles, A.R.A.A.F.U., Paris, 1987, p. 9-13.
Robbiola 1989 : Robbiola L. — Travaux non publiés.
Robbiola et al. 1988 : Robbiola L., Queixalos I., Hurtel L.P., Pernot M., Volfovsky
C. — Etude de la corrosion des bronzes archéologiques de Fort-Harrouard : altération externe
et mécanismes d'altération stratifiée. Studies in Conservation, 33, 1988, p. 205-215.
Robert, Delmas, 1984: Robert M., Delmas A. B. — La pédologie expérimentale et les
aspects géochimiques et minéralogiques de l'évolution des sols. In : Livre Jubilaire du
Cinquantenaire, Association Française pour l'Etude du Sol, 1984, p. 195-209.
Roberts 1984: Roberts J.D. — Acrylic colloidal dispersions as pre-consolidants for
waterlogged archaeological glass. In : (ICOM, Copenhague, 1984), p. (84.20)21-22
Roche 1987 : Roche A. — Paraloid B-72. Conservation Restauration. Revue technique des
artistes restaurateurs des objets d'art, 7-8, 1987, p. 37-38.
Rose 1975: Rose C.L. — A new approach to archaeological conservation. In : (I.I.C.
Stockholm 1975), p. 165-167.
Rothe 1985 : Rothe A. — Vitrines climatisées pour peintures fragiles. Museum, 146 (37/2),
Paris, 1985, p. 89-91.
Sabrie 1979 : Sabrie R. — La fouille des enduits peints. In : Peintures murales en Gaulle.
Université de Dijon, Centre de Recherches sur les Techniques Gréco-romaines, 9, Dijon,
1979.
Saint-Denis 1983 : Ville de Saint-Denis Unité d'Archéologie. Rapport 1982. Saint-Denis,
Unité d'Archéologie, 1983, 199 p.
Saint-Denis 1987 : Conservation-Restauration du Mobilier Archéologique, Journées
Archéologiques de Paris Ile-de-France, Saint-Denis, 1987. Ville de Saint-Denis, Unité
d'Archéologie.
Salin 1957: Salin E. — La civilisation mérovingienne, troisième partie, les techniques.
Paris, Picard, 1957.
Schiavi 1957 : Schiavi E. — Ritrovamento della tecnica pittorica greco-romana ad encausto.
In : Atti e Memorie della Academia di Scienze e Lettere di Verona, ser.VI.VIII, 1957.
Schnapp 1980 : Schnapp A. dir. — L'Archéologie Aujourd'hui. Hachette, Paris, 1980.
Schnapp 1987 : Schnapp A. — L'archéologie apparente. Préface, 7, 1987, p. 58-61
Schofield 1986: Schofield J. — Practical problems in the excavation of Roman and
Medieval London. In : (ICCROM, Gand, 1986), p. 51-59.
Scholze 1980: Scholze H. — Le verre, nature, structure et propriétés. Institut du verre,
Paris, 1980, 2e édition.
Schultze 1970 : Schultze E. — Techniques de conservation et de restauration des monu-
ments. Faculté d'Architecture, Rome, 1970.
Schweingruber 1982: Schweingruber F.H. — Anatomie microscopique du bois. Ed. F.
Flück-Wirth, Internationale Buchhandlung für Botanik und Naturwissenschaften, Teufen,
Suisse, 1982.
Schweizer 1984 : Schweizer F. — Stabilization of RH in exhibition cases : an experimental
approach. In : (I.C.O.M., Copenhague, 1984), p. (84.17)50-53.
Scichilone 1986 : Scichilone G. — The site of the Cthedral at Atri : a case study of in situ
conservation of archaeological remains. In : (I.C.C.R.O.M., Gand, 1986), p. 309-314.
Scott 1983: Scott D.A. — The deterioration of gold alloys and some aspects of their
conservation. Studies in Conservation, 28, 1983, p. 194-203.
Scott 1985 : Scott D.A. — Periodic corrosion phenomena in bronze antiquities. Studies in
Conservation, 30, 1985, p. 49-57.
Scott, Seeley 1987 : Scott D.A., Seeley N.H. — The washing of fragile iron artifacts. Studies
in Conservation, 32, 1987, p. 73-76.
Sease 1978 : Sease C. — Benzotriazole : a review for conservators. Studies in Conservation,
23, 1978, p. 76-85.
Sease 1981 : Sease C. — The Case against using soluble nylon in conservation work. Studies
in Conservation, 26, 3, 1981, p. 102-110.
Sease 1984 : Sease C. — Firts aid treatment for excavated finds. In : (Stanley Price ed.,
1984),p. 31-54.
Segal, Mac Donald 1984: Segal M., Mac Donald M. — Current research into the
conservation of frozen skins from the artic. In : (I.C.O.M., Copenhague, 1984), p. (84.18)14-15.
Selberg-Daldorff 1987 : Selberg-Daldorff A. — Microbial corrosion and museum objects.
In : (ICOM, Sydney, 1987), p. 1063-1066.
Selwitz 1988 : Selwitz Ch. — Cellulose Nitrate in Conservation. Research in Conservation,
2, The Getty Conservation Institute, 1988, 69 p.
Selzer 1985 : Selzer W. — Un nouveau système « souple » de vitrines. Museum 146 (37/2),
1985, p. 108-111.
Semczak 1977 : Semczak C.M. — A comparison of chloride tests. Studies in Conservation,
22, 1977, p. 40-41.
S.F.I.I.C. 1986 : Section Française de l'Institut International pour la Conservation, Charte
française de la restauration. Bulletin de la S.F.I.I.C., 2, 1986.
Shepard 1985: Shepard A.O. — Ceramics for the archaeologist. Carnegie Institution,
Washington D.C., 1985. (lre ed. 1956)
Shreir 1977 : Shreir L.L. — Corrosion. Vol.l. London, Newnes-Butterworths, 1977.
Skerry 1985 : Skerry B.S. — How corrosion inhibitors work. In : Corrosion inhibitors in
conservation, Occasional papers, 4, UKIC, London, 1985, p. 5-12.
Smith 1976 : Smith C.S. — Some speculations on the corrosion of ancient metals.
Archaeometry, 18, 1976, p. 114-116.
Sotton 1986 : Sotton M. — Les fibres textiles et leur transformation. In : Tissu et Vêtement,
Musée Archéologique du Val-d'Oise, 1986, p. 11-20.
Spriggs 1988: Spriggs J.A. — The Worcester Pilgrim Project. In : (Conservation today,
1988), p. 112-116.
Sràmek et al. 1978 : Sràmek J., Jacobsen T.B., Pelikàn J.B. — Corrosion and conservation
of a silver visceral vessel from the beginning of the seventeenth century. Studies in Conservation,
23, 1978, p. 114-117.
Stambolov 1978: Stambolov T. — Corrosion inhibitors. In : (ICOM, Zagreb, 1978),
p. (78.23.9)1-6.
Stambolov 1985 : Stambolov T. — The corrosion and conservation of metallic antiquities
and works of arts. Central Research Laboratory for Objects of Art and Sciences, Amsterdam,
1985.
Stambolov, Van Asperen de Boer 1976 : Stambolov T., Van Asperen de Boer J.R.J. — The
deterioration and conservation of porous building materials in monuments. Rome, 1976, 2e
édition.
Stambolov, Van Rheiden 1968 : Stambolov T., Van Rheiden B. — Note on the removal
of rust from old iron with thioglycolic acid. Studies in Conservation, 1, 1968, p. 142-144.
Stanley Price 1984 : Stanley Price N. — Excavation and conservation. In : (Stanley Price,
1984), p. 1-10.
Stanley Price 1984 : Stanley Price N. Ed. — Conservation on archaeological excavation,
with particular reference to the mediterranean area. I.C.C.R.O.M., Rome, 1984.
Starling 1984 : Starling K.M. — The freeze-drying of leather pre-treated with glycerol. In :
(I.C.O.M., Copenhague, 1984), p. (84.18)19-21.
Stevels 1948 : Stevels J.M. — Progress in the theory of the physical properties of glass.
Elsevier publishing company Inc, Amsterdam, 1948.
Stevels 1961 : Stevels J.M — Nouvelles idées sur la structure du verre. Revue techn. Pilips,
22, p. 325-337.
Stevens 1986 : Stevens A. — Structures nouvelles de protection des sites archéologiques du
Tiers-Monde. In : (ICCROM, Gand, 1986), p. 225-244.
Stolow 1977 : Stolow N. — The microclimate : a localized solution. Museum News, 56, 2,
Washington, 1977, p. 52-63.
Stolow 1978: Stolow N. — The effectiveness of preconditioned silica gel and related
sorbents for controlling humidity environments for museum collections. In : Musées, Conserva-
tion, Climat, Conférence de Rome, ICCROM, 1978, non publié.
Stolow 1979 : Stolow N. — La Conservation des Oeuvres d'Art pendant leur Transport et
leur Exposition. Musées et Monuments XVII, UNESCO, 1979.
Stolow 1987: Stolow N. — Conservation and Exhibitions: Packing, Transport, Storage
and Environmental Considerations. Butterworths, London, 1987.
Taborin 1974: Taborin Y. — La Parure,en coquillage de l'Epipaléolithique au Bronze
ancien en France. Gallia Préhistoire, 17, 1, 1974, p. 101-199 et 17, 2, 1974, p. 307-417.
Tassigny 1979 : Tassigny (de) C. — The suitability of gamma radiation polymerization for
conservation treatment of large size waterlogged wood. In : International Symposium of
conservation of large objects of waterlogged wood, Amsterdam, 1979, p. 77-84.
Tennent, Townsend 1984 a : Tennent N.H., Townsend J.H. — La signification de l'indice
de réfraction des colles pour la restauration du verre. In : (IIC, Paris, 1984), p. 218-225.
Tennent, Townsend 1984 c : Tennent N.H., Townsend J.H. — Factors affecting the
Refractive Index of Epoxy Resins. In : (ICOM, Copenhague, 1984), p. (84.20)26-28.
Teutonico 1988 : Teutonico J.M. — A laboratory manual for architectural conservation.
I.C.C.R.O.M., Rome, 1988, 168 p.
Thomas-Goorieckx 1963 : Thomas-Goorieckx D. — Le plat de Hartogsz du Rijksmuseum,
examen et traitement particulier d'un étain. Bulletin de l'IRPA, VI, Bruxelles, 1963, p. 69-78.
Thompson 1981 : Thompson M.W. — Ruins, their preservation and display. Londres,
1981.
Thomson 1977 : Thomson G. — The stabilization of relative humidity in exhibition cases :
hygrometric half-time. Studies in Conservation, 22, 1977, p. 85-102.
Thomson 1978: Thomson G. — Climate control policy. In : (I.C.O.M., Zagreb, 1978),
p. 78/18/1.
Thomson 1986 : Thomson G. — The Museum Environment. Butterworths, London, 1986,
2e édition.
Thouvenin 1970 : Thouvenin A. — L'étamage des objets de cuivre et de bronze chez les
anciens. Revue d'Histoire des Mines et de la Métallurgie, 2, 1970, p. 101-109.
Torraca 1975 : Torraca G. — Solubility and solvents for conservation problems. In : CIC,
Rome, 1975.
Torraca 1985 : Torraca G. — Dangers présentés par l'utilisation des produits synthétiques
pour les œuvres d'art et pour les restaurateurs. In : séminaire Produits Synthétiques pour la
Conservation et la Restauration des Oeuvres d'Art, Berne, 1985, p. 41-55.
Torraca 1986 a : Torraca G. — Matériaux de construction poreux. Rome, ICCROM, 1986.
Torraca 1986 b : Torraca G. — Scientific Methodologies applied to works of art. In :
Proceedings of the Symposium Florence, Italy, 2-5 may 1984, Paolo L. Parrini editor,
Montedison Progetto Cultura, Milan, 1986.
Toutain 1984: Toutain F. — Biologie des sols. In : Livre Jubilaire du Cinquantenaire,
Association Française pour l'Etude du Sol, 1984, p. 253-271.
Trotignon 1982 : Trotignon J.P. — Précis de matières plastiques. AFNOR, Nathan, Paris,
1982.
Tsoumis 1968 : Tsoumis G. — Wood as a raw material. Pergamon Press, 1968.
Tubb 1987 : Tubb K.F. — Conservation of the Lime Plaster Statues of Ain Ghazal. In :
(Recent advances, 1987) p. 387-391.
Tuck, Logan 198 : Tuck J.A., Logan J.A. — Archaeology and conservation: working
together ? In : In situ archaeological conservation. Proceedings of meeting, april 1986, Mexico,
Instituto nacional de Antropologia e Historia (Mexico) and J.P. Getty Trust (California),
1987, p. 56-63.
Tuleff 1961 : Tuleff J. — Evolution des vides des produits céramiques en fonction de leur
température de cuisson. Bulletin de la Société Française de Céramique, 50, 1961, p. 17-24.
Turgoose 1982: Turgoose S. — Post excavation changes in iron antiquities. Studies in
Conservation, 27, 1982, p. 97-101.
Turgoose 1985 a : Turgoose S. — The corrosion of Lead and Tin: before and after
excavation. In : Lead and Tin. Studies in Conservation and Technology, Occasional papers,
3, UKIC, London, 1985, p. 15-26.
Turgoose 1985 b : Turgoose S. — Corrosion inhibitors in conservation. In : Corrosion
inhibitors in conservation, Occasional papers, 4, UKIC, London, 1985, p. 13-17.
Turisheva 1984 : Turisheva R.A. — The application of new materials to the conservation
of ferrous metals in a museum collection. In : (ICOM, Copenhague, 1984), p. (84.22)41-43.
Tylecote 1962 : Tylecote R.F. — Metallurgy in archaeology. London, Edward Arnold,
1962.
Tylecote 1984: Tylecote R.F. — A history of metallurgy. London, The Metals Society,
1984.
Tylecote 1987: Tylecote R.F. — The early history of metallurgy in Europe. London,
Longman, 1987.
Tylecote, Black 1980 : Tylecote R.F., Black J.W.B. — The effect of hydrogen reduction on
the properties of ferrous materials. Studies in Conservation, 25, 1980, p. 87-96.
U.K.I.C. 1980 : Conservation, Archaeology and Museums. In : Occasional papers, 1,
UKIC, 1980 .
U.K.I.C. 1981 : United Kingdom Institute for Conservation — Guidance for Conservation
Practice. UKIC, London, 1981.
U.K.I.C. 1987 : United Kingdom Institute for Conservation — From pinheads to hanging
bowls : the identification, deterioration and conservation of applied enamel and glass
decoration on archaeological artefacts. In : Occasionnai papers, 7, 1987, p. 3-18.
U.N.E.S.C.O. 1969 : La Préservation des Biens Culturels, notamment en milieu tropical.
Musées et Monuments XI, U.N.E.S.C.O., Lausanne, 1969, 363 p.
U.N.E.S.C.O. 1970 : Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et
empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels,
adoptée par la Conférence Générale à sa seizième session, UNESCO, Paris, le 14 novembre
1970.
U.N.E.S.C.O. 1987 : Conservation des sites et du mobilier archéologique. Principes et
méthodes. Meyer N., Relier C., dir., Etudes et Documents sur le Patrimoine Culturel, 15,
117 p.
Valot, Petit 1988 : Les résines synthétiques et les substances naturelles. Ministère de la
Culture et de la Communication, Ecole du Louvre, Paris 1988, 174 p.
Van Dienst 1985 : Van Dienst E. — Some remarks on the conservation of wet archaeological
leather. Studies in Conservation, 30, 1985, p. 86-92.
Van Soest et al. 1984 : Van Sœst H.A.B., Stambolov T., Hallebeek P.B. — Conservation
of leather. Studies in Conservation, 29, 1984, p. 21-31.
Veloccia 1977 : Veloccia M.L. — Problèmes de conservation provenant des mosaïques in
situ. In : (Mosaïque 1977).
Veprek et al. 1987 : Veprek S., Elmer J.Th., Eckmann Ch., Jurcik-Rajman M. — Restoration
and conservation of archaeological artifacts by means of a new plasma-chemical method.
Journal of the electrochemical society, vol. 134, 10, 1987, p. 2398-2405.
Verhaegue 1968 : Verhaegue F. — La céramique médiévale : problèmes concernant la
glaçure. Berichten R.O.B., 1968, p. 193-208.
Vesanto 1987 : Vesanto A. — Problems with the humidification system at the handicraft
Museum of Finland. In : (I.C.O.M., Sydney, 1987), p. 927-929.
Viry 1978 : Viry C. — Création et fonctionnement d'une installation de conditionnement
d'air. In : Musées, Conservation, Climat, Conférence de Rome, ICCROM, 1978, non publiée.
Vogel 1985 : Vogel W. — Chemistry of glass. The American Ceramic Society, 1985.
Volfovsky et al. 1984: Volfovsky C. — Ordre séquentiel d'intervention sur un objet
métallique au sortir de la fouille archéologique. Lettre d'information archéologique orientale,
7, avril 1984, p. 43-51.
Walker 1982 : Walker R. — The role of corrosion inhibitors in the conservation of iron.
In : Corrosion inhibitors in conservation, Occasional papers, 4, UKIC, Londres, 1982,
p. 58-65.
Waller 1987 : Waller C. — Protection temporaire d'objets techniques. In : Conservation-
Restauration des Biens Culturels : Recherches et Techniques Actuelles, A.R.A.A.F.U., Paris,
1987, p. 94-97.
Wangermee 1988 : Wangermee — La politique culturelle de la France. In : Rapport du
Groupe d'Experts Européens, Programme Européens d'Evaluation, La Documentation
Française, Paris, 1988.
Ward sans date : Ward P.R. — In Support of Difficult Shapes. British Columbia Provincial
Museum, manual n° 6.
Watkinson 1979 : Watkinson D. — Lithium hydroxyde : an interim report. In : The
conservation and restoration of metals, Scottisch Society for Conservation and Restoration,
Edinburgh, 1979, p. 24-31.
Watkinson 1982: Watkinson D. — An assessment of lithium hydroxyde and sodium
hydroxyde treatments for archaeological ironworks. In : Conservation of iron, Maritime
Monographs and Reports, 53, National Maritime Museum, Greenwich, 1982, p. 28-40.
Watkinson 1983 : Watkinson D. — Degree of mineralization : its significance for the
stability and treatment of excavated iron work. Studies in Conservation, 28, 1983, p. 85-90.
Watson 1985 : Watson J. — Conservation of Lead and Lead Alloys using EDTA Solutions.
In : Lead and Tin. Studies in Conservation and Technology, Occasional papers, 3, UKIC,
London, 1985, p. 44-45.
Weast 1980 : Weast — CRC Handbook of Chemistry and Physics. CRC Press, Boca Raton,
1980, 60th ed.
Weier 1973 : Weier L.E. — The détérioration of inorganic material under the sea. Institute
o f Archaeology Bulletin, University of London, Tome 2, 1973, p. 131-163.
Weil 1977 : Weil P.D. — A review of the history and practice of patination. In : Corrosion
and Metal Artifacts, National Bureau of Standard Publication 479, Washington, 1977,
p. 77-92.
Weintraub, Miura 1981 : Weintraub S., Miura S. — Studies on the behavior of relative
humidity within an exhibition case. In : (ICOM, Ottawa, 1981), p. 81/18/4 et 81/18/5.
Weisser 1975 : Weisser T.S. — The de-alloying of copper alloys. In : (IIC, Stockolm, 1975),
p. 207-214.
Werner 1965 : Werner A.E. — Two Problems in the Conservation of Antiquities : Corroded
Lead and Brittle Silver. In : Application of Science in Examination of Works of Art, Muséum
of Fine Arts, Boston, 1965, p. 96-104.
Werner 1966 : Werner A.E. — The care of glass in museums. Glass technical supplement,
13, juin 1966, p. 45-49.
Werner 1987 : Werner A.E. — Corrosion of metal caused by wood in closes spaces. In :
(Recent Advances, 1987), p. 185-187.
Wihr 1964 : Wihr R. — Bergung und Konservierung romischer Wandmalereien. In :
Berliner Jahrbuch für Vor und Frühgeschichte, I, 1964.
Wihr 1977 : Wihr R. — Restaurierung von Keramik und Glas. Callwey, Munich, 1977.
Wihr 1986 : Wihr R. — The Preservation of damaged stone by the so-called acrylic-total-
impregnation process : experience over seven years. In : Case studies in the Conservation of
Stone and Wall Paintings, Preprints of the I.I.C. Conference, Bologne, 1986, p. 62-65.
Wills et al. 1987 : Wills B., Calver A., Cruickshank P. — Experimental freeze-drying of
ethnographic skins and gut. In : (I.C.O.M., Sydney, 1987), p. 225-231.
Winter 1982 : Winter A. — Altération des surfaces de verres anciens. Verres et réfractaires,
36, 1, Janvier-février 1982.
Witte 1983 a : Witte (de) E. — Resins in conservation. Introduction to their properties and
applications. In : Resins in conservation. Scottish Society for Conservation and Research,
Tate J.O., Tennent N.H., Townsend J.H., eds, University of Edinburgh, 1983.
Witte 1983 b : Witte (de) E. — Verlijkend onderzœk van enkele « aleslijmers » (étude
comparative de quelques colles « universelles »). Bulletin de l'IRPA, 19, 1982-83, p. 105-114.
Article traduit par Christians J.-J. et paru dans Conservation Restauration, Revue technique
des Artistes Restaurateurs des Oeuvres d'Art, 7/8, ss d., p. 34-37.
Witte 1985 : Witte (de) E. — Vieillissement naturel et artificiel des produits synthétiques
comparé à celui des produits naturels. In : Séminaire sur les Produits Synthétiques pour la
Conservation et la Restauration des Oeuvres d'Art, Berne, 1985, p. 87-97.
Witte 1987 : Witte (de) E. — Maintenance of the Defensor 2000-V. In : (I.C.O.M., Sydney,
1987), p. 863-866.
Witte (de) et al. 1978 : Witte (de) E., Goessens-Landrie M., Goethals E.J., Simonds
R. --- The structure of « old » and « new » paraloid B 72. In : (ICOM, Zagreb, 1978),
p. 78/16/3.
Witte (de) et al. 1984 : Witte (de) E., Florquin S., Goessens-Landrie M. — L'influence de
la modification des dispersions sur les propriétés des films. In : (LLC., Paris, 1984), p. 29-32.
Wouters 1984 : Wouters J. — The lyophilization of impregnated wet leather. Bulletin de l'
I.R.P.A. — KIK, 20, 1984, p. 215-227.
Yon 1981 : Yon M. dir. Dictionnaire illustré multilingue de la céramique du Proche
Orient Ancien. Institut Français d'Archéologie du Proche Orient, publication hors série,
Maison de l'Orient, Lyon, 1981. 310 p.
INDEX

AB 57 mélange 101, 320 Alliages cuivreux,


Abris 298-300, 323, 324, 360 corrosion 174-176, 178-180,182, 183
temporaires 317-319 nettoyage chimique 203
sur la fouille 345, 346 protection 218, 219
Accès du public 325, 338, 343, 344, 347, 350, stabilisation 214
351, 359 sur le terrain 62
Accord dilatométrique 87, 129 utilisation 169
Acétonitrile 216 Allotropique 167
Acide aminé 229, 230 Altération biologique 237-239
Acide ascorbique 250 voir aussi Microorganismes, Végétaux,
Acide chlorhydrique 102, 204, 286 Animaux
Acide citrique 102, 203, 204, 216 Ambre 73, 74
Acide formique 203 Aménagement de site 351, 356-362
Acide orthophosphorique 102, 204, 250 Amines 214
Acide oxalique 102, 204, 250 Ammoniac 214
Acide phosphorique 204, 218 Amortisseur 402
Acide tannique 218 Anastylose 340, 360
Acide thioglycolique 204 Animaux fouisseurs 296 350
Acides, utilisation 41, 101, 102, 286, 321 Anisotropie 229, 230, 231, 236
Acryliques 429, 430 Aragonite 75, 76
adhésifs (emploi commenté) 103, 111, 149, Archéologie,
150, 266, (emplois cités) 269, 316, 322, contexte 24, 25, 26, 411, 412
328 enregistrement 17, 412, 413, 415, 416
consolidants (emploi commenté) 37, 45, sélection 17, 417, 418
46, 53, 104, 105, 108, 109, 259, 316, sources 15, 16, 25, 26, 409-411
(emplois cités) 52, 56, 61, 74, 76, 77, voir aussi Chantier de fouilles
112, 115, 144, 207, 255, 320, 326, 328 Argent,
fixatifs 312, 315, 317, 319, 321, 328 utilisation 169
liants des mortiers 297, 328 corrosion 182
liants des peintures 158 nettoyage 203, 206
vernis-film protecteur 54, 60, 158, 219, protection 219
220, 267, 269 Argile,
résines de comblement 157 matériau tampon 384, 388
Adhérence 432 minéraux argileux 80-82
Adsorption 428 plasticité 82
Air conditionné 380, 381, 393 roche argileuse 82
Alcalino-terreux, voir Stabilisants séchage 84, 85
Alcalins, voir Fondants Arriccio 307
Alliage métallique 165 Assemblage, voir Collage
Assise, voir Infrastructure des pavements Cémentation du verre 124
Assombrissement 108 Céramique (chap. III et)
Attaque acide du verre 133, 134 collage 148-151
Attaque alcaline du verre 135 sur le terrain 54-60
Céramologie 78
Chantier de fouilles,
B 70 méthode 216 organisation 29, 39, 43, 44, 341, 342
tenue de chantier 342-346
Backing, voir Entoilage du revers fermeture 346, 347
Bain de pose 304
Bains dynamiques 98 Charbons de bois 72, 73
Bains statiques 98 Chaux hydraulique 354, 355
Benzotriazole 217, 218 Chélateur 201
Béton 298 Chlorophyle 219
Bien culturel 4 Chlorures,
accessibilité 5, corrosion active 179-181
intégrité 5, 6 dosage 212
pérennité 5, 6 extraction 211-216
Blindage de la fouille 343 identification
Bois isolation 216, 217
altération 240, 241 test 180
collage 267 Chromate de sodium 218
consolidation 255-259 Ciment 280, 281, 297, 298, 354
lyophilisation 263, 264 Cinétique de la corrosion 171
restauration 268, 269 Circulation sur la fouille 39, 313, 343, 344
structure 225, 226 Cire,
sur le terrain 63-67 collante, batonnets 147
Bois de cervidés 51, 233 dentaire, rebouchage 153
Brillance 108 microcristalline 220
Bromure 388
peinture à la 306
Bronze, voir Alliages cuivreux
Cire-résine, rebouchage 117
Burin de graveur 197
Citrate d'ammonium 204, 250
Citrate de sodium 103
Climat 369,
Calage 399, 400 mesure 371-374
Calcite 87, 88,, 94, 284, 309, 320 normes 377-380
Calcitisation 77, 94 contrôle 324, 380-389, 393-396
Calgon, voir Hexamétaphosphate de sodium Climatisation 380, 381
Capillarité 248, 428 Collage 432,
Carbonatation 306, 307 adhésifs 111, 112, 149-151, 266, 267, voir
Carboxyméthylcellulose 250 aussi Acryliques, Cellulosiques, Cya-
Carte à indicateur 373 noacrylates, Epoxy, Silicones, Vinyli-
Cartonnage, voir Entoilage ques
Cavitron 197 céramique et verre 111, 112, 148-152
Cellulases 241 matériaux organiques 266-268
Cellules animales 229 métaux 208
Cellules végétales 223 réversibilité 103, 104
parois 224 technique 149-151
Cellulose 223 Collagénase 242
Cellulosiques 429, 430 Collagène 52, 232
adhésifs (emploi commenté) 103, 111, 112, Colles acryliques I l l , 149, 150
(emploi cité) 266, 268, 328 Colles cellulosiques 103, 111, 112
agents de nettoyage 250 Colles cyanoacrylates 150, 208
consolidants 45, 46, 259 Colles époxy 103, 112, 150, 151, 208
fixatifs 109 Colles vinyliques 103, 111, 149, 150
liant pour rebouchage 268 Colles silicones 150
Collophane 258 Corrosion
Colorants du verre 123, 124 des métaux 170-184
Comblement de lacune active 179-182
des céramiques 113-119 définition 171
des enduits peints 320, 321 galvanique 179
des matériaux organiques 268 généralisée 178
des métaux 209 localisée 177, 178
des mosaïques 288-293, 297 produits de la 182-184
des verres 152-159 uniforme 175-177
sur noyau 117 du verre
sur gabarit 155, 156 aspects 135, 139, 140
voir aussi Résines de comblement mécanismes 133-135, 139, 141
Compatibilité 12 produits 139-141
Complexants 101, 201 Coton 225
Concentration des solutions 425 Coulis d'injection 297, 320, 352-355
Conchyoline 76 Couverte 129
Concrétions 94, 309 Couvertures, voir Abris
élimination 101, 102, 286, 320 Crizzling 137
Condensation, 309, 318, 370 Crustae 304
Conditionnement 30, 42, 43, 62, 63, 65, 69, Cryoprotecteur 264
71, 73, 74, 191, 269, 368, 395, 396 Cuir, 233
d'air 380, 381, 393-395 altération 242, 243
humide 40, 42, 53, 66, 251, 252 collage 267
du gel de silice 434 consolidation 255, 259
Conductibilité électrique 165 lyophilisation 264
Conductibilité thermique 165 restauration 265, 266, 268, 269, 270
Congélation 263 sur le terrain 69
Conservation préventive 11, 368, 369, 407, Cuisson des céramiques 85-87
414, 419 Cuivre, voir Alliages cuivreux
Conservation-restauration 9, Cyanure 103
objectifs 5, 6,
principes 10-13
Consolidation 32
Décolorants du verre 124
bermes, 343
Découpe, découpage, voir Plan de découpe
céramique et verre 104-110 Dégagement 39, voir aussi Prélévement
enduits peints 315, 316, 319, 320, 326, 328 Dégraissants 83, 86
maçonneries 352-356
matériaux organiques humides 256-260 Degré de polymérisation 429
Dendrite 168
matériaux organiques secs 253, 255
métaux 207, 208 Dents 51, 53
mosaïques 285, 286, 296, 297 Dépose,
produits consolidants 104, 105, 255, voir architecture 361
aussi Acryliques, Cellulosique, Epoxy, mosaïques 272-278, 303
Silicate d'éthyle, Styrène-polyester, peintures murales 321-323
Vinyliques techniques anciennes 272, 280
solution/dispersion 104, 105 Dé-restauration 6
sur le terrain 45, 46, 52, 53, 74, 77, 296, Derme 232
297, 315, 316, 319, 320, 425 Désentoilage 284, 327
techniques 106-109, 253-255 Déshumidificateurs 383
voir aussi Imprégnation, Solvants Dessalage, voir Sels solubles
Constituants secondaires des céramiques 88 Détergents 249, 250, voir aussi Tensio-actifs
Construction galloromaine, technologie Détrempe 307
362-366 Dévitrification 125
Copie, voir Substitut Diagrammes de Pourbaix 174
Coquillages, coquilles 74-76 Différence de potentiel 173, 174
Corne 231 Dispersions 105
Distribution du consolidant 107 Epoxy 431
Dithionite alcalin 203, 216 adhésifs 103, 112, 150-152, 208, 267, 281,
Documentation, voir Enregistrement des 327, 328
informations consolidant 207, 208
Dosage des chlorures 99, 212 liants des mortiers 330
Dossier de traitement, voir Enregistrement résine de comblement 157, 209
des informations
Erosion touristique 338, 350
Double couche électronique 173 Esters de cellulose 259,
D.T.P.A. 101, 102 Etain
corrosion 178, 184
nettoyage chimique 204
Eau 427 protection 219
adoucie 427 sur le terrain 62, 63
déminéralisée, distillée 202, 427 utilisation 169
libre 84, 85, 228 Etais 342-345
liée 85, 228 Etanchéité
Eau, facteur d'altération 91, 92, 133-135, bâtiment 389, 390
172, 235, 236, 239, 241, 295, 296 emballage 42, 43, 66, 251, 388, 389
mesures contre l'humidité 297, 345, 346, pavements 297
389, 390 vitrines 403
sources d'humidité 308, 309 Etat vitreux 125
voir aussi Attaque acide, Attaque alcaline, Examen diagnostique 10, 27
Humidité
métaux 192-195
Eau oxygénée 102 Exposition 397, 402-406
Ecaille 231
Eclairage 376, 404
Eclairement 375
E.D.T.A. 101, 102, 103, 201, 204, 217, 250 Facing, voir Entoilage
Efflorescences 59, 92 Façonnage des céramiques 83, 84
Faïence 79
Electrodialyse 98, 215 Failles de Griffith 132
Electrolyse 205, 215, 216, 217
Fer
Electrophorèse 98, 206, 215, 251
Electrum 169 corrosion 178, 180, 183
Elément métallique 164 nettoyage mécan. et électrolyt. 199-200,
Eléments accessoires 123 204, 206
protection 218, 219
Eléments amphotères 123, 127, 131
stabilisation 214, 215
Eléments formateurs 126, 130 sur le terrain 62
Eléments intermédiaires 123
utilisation 169
Eléments modificateurs 126, 127, 130
Email 124, 129 Fondant 86, 122
Emballage, 388, 389, 397-402, voir aussi Fongicide-bactéricide 53, 67, 251
Conditionnement Fouilles archéologiques, voir Chantier
Emulsions 105, 320 Four à hydrogène 215
Encastrement 48 Fresque 307, 308
Engobe 129 Fritte 131
Enregistrement des interventions 10, 27, 95,
142, 143, 144, 275-278, 321, 328, 398,
dossier type 143, 144, 435 Gardiennage 300, 301, 325
Entoilage 273, 322, 328 Gel de silice 261, 384, 387, 388, 396, 434
du revers 326 Gélivité 91, 92
Entretien in situ 300, 301, 323, 325, 344, 345, Giornate 308
356, 361 Glaçure 129
Epiderme Glycérol 264
peau, 232 Glycérol alcalin 203
surface originelle 185, 287 Gomme laque 104
Grain Joints de grain 168
argile 80
métaux, 168
Granulométrie 86 Kératine 231
Grésage 86
Grisaille 124
Groisil 131
Laine 231
Lacunes, voir Comblement de lacune, Resti-
tution, Réintégration, Soclage
Hémicellulose 224 Lampes, voir Eclairage
Hexamétaphosphate de sodium 101, 203, Latex 57, 116
250 Lavage voir Nettoyage
Humidificateur 381, 382 Liaison ionique 167
Humidité Liaison métallique 164, 165
absolue, 370 Liaison peptidique 230
relative, 370-373 Lichens 296, 352
voir aussi Climat, Eau, facteur d'altéra- Lignine 224
tion Lignite 69-71
Hydrogénocarbonate d'ammonium 101 Lipases 242
Hydrolyse 223, 236, 238 Lipides 229
Hydrosulfite de sodium 101, 103 Lisibilité 11
Hydroxyapatite 52, 233 Lixiviation 101, 134, 135
Hydroxyde de lithium 215 Lumière
Hygrographes, 371 altération par 140, 141, 310, 374-376, 379
380
Hygromètres, 371
mesure et contrôle 375, 376
Hypostracum 75 normes 379, 380
Hystérésis 228
voir aussi Climat, Eclairage, Solarisation
Luxmètre 375
Lyophilisation 262, 264, 265
Identification 44 dessication primaire et secondaire 264
naturelle 265
Imprégnation,
effets optiques 108
réversibilité 107
sous vide partiel 106 Maçonnerie
techniques 106, 107, 254, 257-259 consolidation 352-356
voir aussi Solvants entretien 344, 345, 356
Immunité 174, 206 technologie 362, 363
Indice de réfraction 148 Maintenance
du climat 384
Infrarouge 375, 376
Infrastructure des pavements 274, 275, 295, du stockage 416
304 Manipulation 161, 397
Marquage 41
Inhibiteurs 217-219, 258
Intervention minimum 11 céramique 60
Intonaco 307 enduits peints 314, 315
os 54
Irisation 135 verre 60
Isotherme d'adsorption 385, 386 Matériaux tampons 384-388, 394, 395, 405,
Ivoire 406, 433
altération 244, 245 Mécanismes d'altération 13, 23
collage 268 Métaphase argileuse 86
consolidation 255, 259 Métaux (chap. V et )
restauration 266, 268, 270 sur le terrain 60-63
structure 233 Meulage 198
sur le terrain, 51, 53 Microclimat 369
Microorganismes Objets composites 258, 392
altération par 172, 241, 242, 296, 310, Opacifiants du verre 124
237-239 Opus caementicum 363
lutte contre 301, 325 Opus mixtum 363
Migration par capillarité 106 Opus reticulatum 363
Milieu aquatique 237, 239, 240 Opus spicatum 363
Milieu d'enfouissement Opus vittatum 363
altération par le milieu 23, 24, 92-95, Opus sectile 304, 363
133-140,171, 172, 235-239 Opus signinum 304, 363
équilibre avec le milieu 19, 21, 22, 171, Or 169, 170, 204
368 Os,
rupture/exhumation 19, 20, 296 altération 244-245
voir aussi Réenfouissement collage 54, 268
Minerai 171 consolidation 255, 259
Minéraux primaires des céramiques 88, restauration 266, 268, 270
Mobilier de rangement, voir Stockage structure 233
sur le terrain 50-54
Mortier de chaux 297, 298, 306, 320, 322,
326, 341, 354, 356, voir aussi Chaux Ostracum 75
hydraulique Oxyde d'argent 216
Mortier
de comblement 289, 290, 297, 322
de terre 306 Palplanches 342, 343
synthétique 282, 283, 297, 298, 320, 322, Passivation 176
326, 327 Pâte AJK 118
Moulage 31, voir aussi Substitut Pâte de verre 128, 285
Patine du bronze 175
Peau
structure 232
Nettoyage 6, 32, 41 altération 242
chimique 101 consolidation 255
électrolytique 103, 205-207 Pérennité 5
mécanique 101, 196-200, 247, 249 Périostracum 75
par matériau, Perles 76, 77
bois 66, 247, 249, 251 Phase 168
céramique 59, 96-104 Phosphate de sodium 103
cuirs 247, 249, 251 Phyllosilicates 80
enduits peints 312, 317, 320 Pile 174, 178
métaux 60-63, 196-207 Plan de découpe 273, 274, 322
mosaïques 284, 286 Plasma d'hydrogène 205, 215
os 53, 147, 149 Plasticité
perles 77 argile 82
résidus de colles 103, 104 métaux 166
textiles 250
Plâtre, 426
verre 59, 97
comblement 115, 116, 117, 321
Nid d'abeille 281, 282, 298, 327 prélevement 49, 58, 79, 278, 316
Nitrate de calcium 388 support provisoire 260
Nitrate de magnesium 388 Plomb
Nitrite de dicyclohexylamine 218, 219 corrosion 178, 181-183
Nitrite de sodium 218 nettoyage 204
Noblesse thermodynamique 173 protection 219, 220
Normes climatiques 377-380 sur le terrain 62
métaux 220, 221 utilisation 169
verre 140, 161 Point de saturation des fibres 227
Nucleus 274, 304 Polarisation 178
Nylon soluble 110 Polissage 208
Pollution Réenfouissement 22, 301, 302, 319, 346, 347,
atmosphérique 296, 309, 310, 376, 377 359
domestique 390 intermittant 300
lutte contre 325, 377 Réfections antiques 280, 317
par le sol 95 Refixage 104, 107, 259, 312, 315, 317, 321
Polyester 431 Relevés 276, 277, 311, 314, 315, 317, 321,
adhésif 112 328
résine de comblement 118, 157, 158, 209 Rembourrage 398
Polyéthylèneglycols 257-259, 264, 265, 267 Remise en forme
Polyuréthane 49, 50, 431 cuir 265
mousse 49, 50, 65, 260, 278, 316, 322, 326 métaux 209
peinture 118 Remontage 32,
Ponctuation 227 architecture 340, 361
Pontate 308 céramique 110
Porométrie 91 cuir 266
Porosité verre 145-148
céramique 91 voir aussi Anastylose, Reconstitution
enduits 309 Repose in situ 284, 294, 297, 298
plâtre 426 Reprise en sous-oeuvre 343,
sol 172 Réseau siliceux 125-128
verre 132 Réserve Spécifique d'Humidité 385
Potentiel standard 173 Résines de comblement
Prélèvement 30, 40, 425 caractéristiques 157
bois 65 coloration 158, 159
céramique 55, 58 matification 159
enduits peints 311-316 voir aussi Acryliques, Cellulosiques,
en motte 47, 48, 142, 253, 255, 260 Epoxy, Polyester
lignite 71 Résines échangeuses d'ions 217
os 52, 53 Résines synthétiques 429, 430, 431
sous chappe 48-50 thermoplastiques 430
tissus 68, 69 thermodurcissables 431
verre 56, 57, 142, 144 solution/dispersion 105
voir aussi Dépose stabilité 369, 374, 375, 429
Présentation muséographique 281, 282, 289, voir aussi Acryliques, Cellulosiques,
330-332, 357, 359, 360, 362 Epoxy, Polyester, Polyéyhylèneglycols,
Produits de corrosion Polyuréthanes, Silicate d'éthyle, Sili-
métal 182-184, 188 cone, Styrène-polyester, Vinyliques
externes 185 Restauration architecturale
internes 185 histoire 334-337
verre, 139-141 principes 337-341
Protection de surface 33 Restitution
Protection in situ, voir Abris, Entretien de décor 289-292, 330, 331
architecturale 334, 336, 359
Protéine, point isoélectrique 230
Réversibilité 11
Psychromètre 372
Pyridine 104 Rosenberg (méthode de) 216
Rubans adhésifs 146, 147
Rudus 274, 304
Radiodurcissable 109, 259
Radiographie X 60, 61, 192, 193
Rebouchage, voir Comblement de lacune Sablage 198
Recuisson 110 Saturation 370
Recuit Séchage 41
verre 132 argile 59
métal 167 contrôlé 261
Reconstitution 328, 329, 330, 339, 359 enduits peints 318
matériaux organiques 260-265 Surface originelle 185-190, 195
métaux 60-63, 219 Surfactant voir Tensio-actif
os 53 Support moderne (transfert sur) 280-284,
par échanges de solvants 261 326-330
par lyophilisation 262-265 Succin 73
verre 59 Système Haversien 233
Sel de Rochelle 203
Sels insolubles, voir Concrétions
Sels solubles 59, 77, 92-94, 306, 308, 309 Tables psychrométriques 373
élimination des sels solubles 97-100, 248 Taches 102
Sesquicarbonate de sodium 215 de rouille 102, 103
Silane 149, 219 Tamisage 40, 56
Silicate de soude 355 Tannage 233
Silice 126 Taux d'humidité à l'équilibre 384
Silicate d'éthyle 110, 285, 286, 326 Technique mixte 308
Silicone, Tempera 307
adhésif 150 Température de transition vitreuse 111, 375,
agent de moulage utilisé au prélèvement 429
72, 278 Tensio-actif 212, 249, 250, 320, 428
au rebouchage 155 Tension superficielle 248, 428
Terrazo 304
Soclage 392, 393, 405
métal 208 Tessellatum, voir Tesselles
verre 160, 161 Tesselles 304,
altérations 285-287,
Soie 232
remplacement 285
Sol Textiles
étude, 29, 30, 342 altération 243, 244
voir aussi Milieu d'enfouissement
consolidation 255, 259
Solarisation 141 minéralisation 243
Solutions 105, 425 nettoyage 248, 250
Solutions salines 384, 388, 433 stockage 269
Solvants sur le terrain 67-69
propriétés physiques 247 teintures 244
solution/concentration 425 voir aussi Coton, Laine, Soie
Soubassement, voir Infrastructure des pave- Thermohygrographes 371
ments Thiourée 203, 216
Stabilisants du verre 122 Thiosulfate d'ammonium 203
Stabilisation 33, Tissus, voir Textiles
des chlorures 210-217 Toiture, voir Abris
Statumen 304 Toxicité 436
Stockage, 389-393, 415, 416 Transpiration du verre 137
céramique 119 Transport 43, 119, 397-402
enduits peints 312, 326 Trempe (verre) 132
matériaux organiques 251, 252, 269 Tropocollagène 232
métaux traités 220, 221
métaux non traités 190, 191
verre 161, 162 Ultrasons 98, 197
Ultraviolet 374
mosaïques 279, 281
Ultraviomètre 376
voir aussi Conditionnement, Emballage
Structure amorphe du verre 125, 126
Structure cristalline des métaux 167
Structure métallurgique 167, 168 Vandalisme 338
Styrène-polyester, consolidant 109, 258, 259 Vannerie 72, 240, 241, 268
Substances vitrifiantes 121 Végétation
Substitut 302, 338, 339 altération par 296, 310, 348, 349
Sulfite alcalin 214 lutte contre la 301, 324, 346, 350-352
Verre (chap. IV et) consolidants (emploi commenté) 104, 105,
consolidation 104-110 316, (emplois cités) 46, 52, 144, 207, 255
nettoyage 97 liants pour rebouchage 118, 426
sur le terrain 54-60 liants des mortiers 282, 289, 298, 322, 326,
Verre naturel 128 327
Verre organique 161 vernis-film protecteur 152, 153, 219
Verre potassique 130 Viscosité du verre 125
Verre sodique 130 Vitrification 86, 121
Vide partiel 106, 202, 207, 212, 218, 254 Vitrine 394, 403-406
Vinyliques 429, 430
adhésifs (emploi commenté) 103,111, 149,
266, 273, (emplois cités) 69, 76, 115, Zone amorphe 224, 232
267, 268, 269, 316, 326, 328 Zone cristalline 224, 232
MASSON. Editeur
120, bd Saint-Germain
75280 Paris Cedex 06
Dépôt légal : octobre 1990

1862 - La Bayeusaine graphique


6-12, rue Royale, 14401 Bayeux
Dépôt légal : n° 7756
Septembre 1990
LA CONSERVATION
EN ARCHÉOLOGIE
? Méthodes et pratique
de la conservation-restauration
des vestiges archéologiques

Le premier objectif de cet ouvrage collectif est de rassembler et


d'exposer clairement les principaux aspects de la conservation des
objets archéologiques, depuis les principes auxquels elle se rattache
jusqu'à ses modalités pratiques, en incluant de façon résumée la
connaissance des matériaux archéologiques sur lesquels elle agit.
Les treize auteurs, tous des spécialistes dans leur domaine, issus
d'instituts de recherches, de centres de formation, de musées, labo-
ratoires et ateliers français, ont poursuivi un triple but :
— contribuer à la formation des étudiants en archéologie (nature
des matériaux, rappels technologiques, apports de la conservation-
restauration à leur discipline) ;
— créer un instrument utile, concrètement, aux archéologues de
terrain et aux responsables de collections archéologiques ;
— créer un instrument de formation et de mise à jour des connais-
sances destiné aux conservateurs-restaurateurs.
Interventions sur le chantier, traitements de conservation et de res-
tauration des principaux matériaux trouvés en fouille (céraillique, verre;
métaux, matériaux organiques, mosaïques, peintures murales, architec-
ture), conservation dans les dépôts et les réserves de musées : onze
chapitres s'efforcent de décrire les causes et les conséquences de
l'altération des vestiges archéologiques, de présenter une sélection des
méthodes utilisables pour les sauvegarder et de montrer l'enjeu que la
conservation de ces vestiges constitue pour notre patrimoine et notre
connaissance du passé.
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès
par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement
sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012
relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au
sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.
Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire
qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections


de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*
La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia
‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒
dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

Licence eden-19-7-6070657-7-104229032-24519801 accordée le 14


août 2022 à 6070657@7.com

Vous aimerez peut-être aussi