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Chapitre 2

Problèmes variationnels
Boris Kolev
11 mars 2004

Résumé
Ce chapitre est une introduction aux méthodes du calcul variationnel à travers quelques
exemples. On y présente d’abord les équations d’Euler-Lagrange et le théorème de Noether
pour un lagrangien dans Rn . On traite ensuite les géodésiques d’une variété riemannienne
comme solution d’un problème variationnel et on calcule la seconde variation. Dans la
dernière section on envisage les problèmes faisant intervenir plusieurs paramètres et en
particulier le problème des surfaces minimales dans R3 .

1 Problèmes variationnels à 1 dimension


1.1 Équations d’Euler-Lagrange
Étant donné deux points a et b dans Rn , on définit l’ensemble Ωab de tous les chemins dans
Rn joignant a et b
Ωab (Rn ) = {γ ∈ C∞ ([0, 1], Rn ); γ(0) = a, γ(1) = b} .
Cet ensemble est une sous-variété affine de l’espace vectoriel C∞ ([0, 1], Rn ) de codimension 2.
Attention, l’espace vectoriel C∞ ([0, 1], Rn ) n’est pas un espace vectoriel normé. On ne peut
donc pas y définir la différentielle d’une fonction car cette définition requiert l’existence d’une
norme. Toutefois la notion de dérivée directionnelle ou dérivée au sens de Fréchet à un sens.
Une fonction F : Ωab (Rn ) → R est dérivable au sens de Fréchet si pour tout X ∈ C∞ ([0, 1], Rn ),
la limite
F(γ + sX) − F(γ)
DF(γ)X = lim
s→0 s
1
existe. La fonction F est de classe C si DF est une application continue en γ et X. C’est à
ces définitions que nous ferons référence dans la suite lorsque nous calculerons les dérivées
d’une fonction sur Ωab (Rn ) 1 . L’espace tangent à la sous-variété affine Ωab (Rn ) au point γ est
simplement l’espace
Tγ Ωab (Rn ) = {X ∈ C∞ ([0, 1], Rn ); X(0) = 0, X(1) = 0} .
1 Pour plus de détails sur le calcul différentiel dans les espaces de Fréchet, on pourra consulter l’excellent article

de Hamilton [1]. Une autre approche du calcul différentiel sur les espaces de dimension infinie repose sur la théorie
des espaces difféologiques développée par Souriau et Iglesias (voir http ://www.umpa.ens-lyon.fr/ iglesias/)

1
Soit (x, v) 7→ L(x, v) une fonction C∞ de Rn × Rn dans R. Un problème variationnel à 1
dimension consiste à rechercher les courbes γ ∈ Ωab (Rn ) qui rendent l’intégrale
ˆ 1
S(γ) = L(x(t), ẋ(t)) dt, (1)
0

dite intégrale d’action, extrémale. La fonction L est appelée le lagrangien du problème varia-
tionnel.
La première étape consiste à rechercher les points critiques. La dérivée de la fonction S au
point γ dans la direction X s’écrit
ˆ 1 
∂L i ∂L i
DS(γ)X = X + i Ẋ dt,
0 ∂xi ∂v
où l’intégrale est prise le long de la courbe γ. Une intégration par partie nous donne, compte-
tenu que X(0) = X(1) = 0 :
ˆ 1  
∂L d ∂L
DS(γ)X = i
− i
X i dt.
0 ∂x dt ∂v
D’où le théorème
Theorème 1.1. Si une courbe γ ∈ Ωab (Rn ) est une extrémale de la fonction
ˆ 1
S(γ) = L(x(t), ẋ(t)) dt,
0

alors elle vérifie les équations dite d’Euler-Lagrange


 
d ∂L ∂L
i
− i = 0, i = 1, . . . , n. (2)
dt ∂v ∂x
Exemple 1.2. Les équations de la mécanique classique peuvent s’écrire sous forme d’un pro-
blème variationnel lorsque les « forces »dérivent d’un potentiel. En effet, dans le cas d’un point
matériel, posons
m
L = v2 −U(x) = K −U.
2
Les équations de Lagrange nous donnent alors
∂U
mẍi = − .
∂xi
Cet exemple conduit, par analogie, à introduire, dans le cas général, les définitions suivantes :
1. L’énergie
∂L
E = vi − L,
∂vi
2. L’impulsion
∂L
pi = ,
∂vi

2
3. La force
∂L
fi = .
∂xi
Remarque 1.3. Pour traiter le cas d’une intégrale d’action dont le lagrangien L est une fonction
qui dépend explicitement du paramètre t, on se ramène à l’étude précédente en posant q = (x,t)
et en se plaçant dans Rn+1 . ♣

Exercice 1.4. Montrer que si le lagrangien L ne dépend pas explicitement de t, la fonction


E(x(t), ẋ(t)) est constante le long de chaque extrémale γ. ♠

1.2 Théorème de Noether


Il arrive souvent que le lagrangien L possède certaines symétries. Soit G un groupe de Lie
agissant sur Rn et supposons que l’action de ce groupe laisse L invariant

(g∗ L)(x, ẋ) = L(g(x), Tx g(ẋ)) = L(x, ẋ).

Pour tout A dans l’algèbre de Lie g du groupe G, on pose



d
XA (x) = exp(sA)(x).
ds s=0

On a le résultat suivant

Theorème 1.5 (Théorème de Noether). Soit L un lagrangien invariant sous l’action d’un groupe
de Lie G et γ une extrémale de S. Alors pour tout A ∈ g on a
 
d ∂L i
X = 0,
dt ∂vi A

le long de γ.

Démonstration. Comme L est invariant par G on a


d 
0= exp(sA)∗ L(x, ẋ)
ds
∂L i ∂L ∂XAi j
= i XA (x) + i j ẋ
∂x
 ∂v ∂x
  
∂L d ∂L i d ∂L i
= − XA + X .
∂xi dt ∂vi dt ∂vi A

Par conséquent, la fonction


∂L
µA (x, ẋ) = (x, ẋ) XAi (x)
∂vi
est constante le long de γ.

3
On dit aussi que la fonction est une intégrale première ou une grandeur conservée des
équations d’Euler-Lagrange.
Remarquer que si le couple (x, v) ∈ Rn × Rn est fixé, l’application
∂L i
A 7→ X = pi XAi , A ∈ g
∂vi A
est une forme linéaire sur g, autrement dit un élément de g∗ . L’application
µ(x, v) = A 7→ pi XAi
 
(3)
de T Rn = Rn × Rn dans g∗ est appelé l’application moment.

1.3 Formulation hamiltonienne


Soit p(x, v) la forme linéaire sur Rn dont les composantes dans la base canonique sont les
quantités
∂L
pi (x, v) = i (x, v)
∂v
définies précédemment. On définit ainsi une application
p : T Rn → T ∗ R n ,
qui associe à (x, v) ∈ T Rn le covecteur (x, p(x, v)) ∈ T ∗ Rn . Cette application permet de ramener
la 1-forme canonique θ (ou forme de Liouville) sur T ∗ Rn sur T Rn
θL = p∗ θ.
Si l’application le lagrangien L est non dégénéré, c’est à dire si T(x,v) p est un isomorphisme
pour chaque (x, v) ou encore si  2 
∂ L
det 6= 0,
∂vi ∂v j
alors la 2-forme
ωL = dθL = p∗ ω = p∗ dθ
est non dégénérée et définie une structure symplectique sur T Rn .
Exercice 1.6. Soit U une carte locale d’une variété quelconque M. Calculer l’expression locale
de la forme de Liouville θ sur T M ainsi que de sa dérivée extérieure ω. En déduire alors une
expression de θL et ωL sur T Rn . ♠
Soit F = ( f1 , f2 ) le champ de vecteur du deuxième ordre sur Rn défini implicitement par les
équations
f1 (x, v) = v
∂2 L ∂2 L i ∂L
f2i (x, v) + v − j = 0,
∂vi ∂v j ∂xi ∂x j ∂x
et dont les courbes intégrales sont les solutions des équations de Lagrange. On peut montrer que
ce champ est le gradient symplectique de la fonction
E(x, v) = pi (x, v)vi − L(x, v).

4
Remarque 1.7. Dans ce cas, l’application moment définie par l’équation (3) s’écrit

µA = p(XA ) = θL (X̃A ),

où X̃A est le champ de vecteur engendré par A ∈ g sur T Rn (le vérifier). µ coïncide donc bien avec
l’application moment qu’on définit formellement en géométrie symplectique et dont l’origine
remonte au théorème de Noether. ♣
Si de plus la fonction p définie un difféomorphisme de T Rn sur T ∗ Rn , on dit alors que le
lagrangien L est fortement non dégénéré. On peut alors exprimer les équations de Lagrange à
l’aide des variable (x, p) à la place des variables (x, v) et on obtient le résultat suivant :
Theorème 1.8. Soit L un lagrangien fortement non dégénéré et H(x, p) l’énergie E exprimée
en fonction des variables x et p (H est la transformée de Legendre de L). Alors les équations de
Lagrange sont équivalentes aux équations de Hamilton :
∂H ∂H
ẋ = , ṗ = − (4)
∂p ∂x
Exercice 1.9. Démontrer le théorème précédent. ♠

2 Les géodésiques d’une variété riemannienne


Soit (M, g) une variété riemannienne de classe C∞ . Étant donné deux points a et b apparte-
nant à M, on introduit l’ensemble Ωab (M) des chemins joignant ces deux points dans M

Ωab (M) = {α ∈ C∞ ([0, 1], M); α(0) = a, α(1) = b} .

On peut munir cet espace d’une structure de variété de Fréchet où l’on sait faire du calcul
différentiel au sens faible, c’est à dire calculer des dérivées directionnelles. L’espace vectoriel
tangent à Ωab (M) au point α est

Tα Ωab (M) = {X ∈ C∞ ([0, 1], T M); π ◦ X = α, X(0) = 0, X(1) = 0} .

Tα Ωab (M) est donc le sous-espace des relèvements de α, que nous avons noté L(α) au chapitre
1 et qui sont nuls en a et en b.
Si F : Ωab (M) → R est une fonction C∞ , on définit la dérivée directionnelle de F en α dans
la direction X ∈ Tα Ωab (M) par
F(σs ) − F(α)
DF(α) X = lim , (5)
s→0 s
où σs (t) = σ(s,t) est tel que
∂σ
σ(s, 0) = a, σ(s, 1) = b, σ(0,t) = α(t), (0,t) = X(t).
∂s
On définit sur Ωab (M) deux fonctions, l’énergie
ˆ 1
1
K(α) = hα̇, α̇ i dt , (6)
0 2

5
et la longueur
ˆ 1p
L(α) = hα̇, α̇ i dt . (7)
0

Exercice 2.1. 1. Montrer que tout chemin α qui minimise l’énergie minimise également la
longueur.
2. Montrer que si α(t) minimise la longueur, il en est de même de α ◦ ϕ(t) pour tout dif-
féomorphisme ϕ de l’intervalle [0, 1]. En déduire que si α(t) est un minimum de la fonc-
tionnelle de longueur paramétré par sa longueur, alors c’est également un minimum pour
l’énergie.

2.1 Calcul de la première variation de l’énergie


Soit σ(s,t) = σs (t) une famille à un paramètre de chemins joignant a et b

∂σ
σ(s, 0) = a, σ(s, 1) = b, σ(0,t) = α(t), (0,t) = X(t).
∂s
On a ˆ ˆ 1
1

d 1 ∂σ ∂σ DX
DK(α)X = h , i dt = hα̇, i dt,
0 ds s=0 2 ∂t ∂t

0 Dt
du fait que    
D ∂σ D ∂σ
= .
Dt ∂s Ds ∂t
Mais
d Dα̇ DX
hα̇, X i = h , X i + hα̇, i,
dt Dt Dt
ce qui nous donne finalement, compte tenu que X(0) = 0 et X(1) = 0
ˆ 1
Dα̇
DK(α)X = − h , X i dt. (8)
0 Dt
par conséquent, les points critiques de l’énergie sont les géodésiques.

2.2 Calcul de la seconde variation de l’énergie


Soit σ(s,t) = σs (t) une famille à un paramètre de chemins joignant a et b et vérifiant

∂σ
σ(s, 0) = a, σ(s, 1) = b, σ(0,t) = α(t), (0,t) = Y (t).
∂s
Soit X(s,t) = Xs (t) un relèvement de σ(s,t) tel que X(0,t) = X(t). On va maintenant calculer
la dérivé seconde de K en un point critique α. Elle est définie par
ˆ 1
2 d d D ∂σ
D K(α)(X,Y ) = DK(σs )Xs = − h , Xs i dt,
ds s=0 0 ds s=0 Dt ∂t

6
soit ˆ 1
2 D D ∂σ Dα̇ DXs
D K(α)(X,Y ) = − h ,X i+h , i dt.
0 Ds Dt ∂t Dt Ds
Le second terme de droite est si α est un point critique. En utilisant les lemmes du chapitre 1
sur les propriétés de commutation des opérateur de dérivation covariante, on a

D D ∂σ D2Y
= + R(Y, α̇)α̇,
Ds Dt ∂t Dt 2
ce qui nous donne finalement
ˆ 1
2 D2Y
D K(α)(X,Y ) = − h − R(α̇,Y )α̇, X i dt.
0 Dt 2

On voit donc que le noyau de la forme bilinéaire symétrique D2 K(α)(X,Y ) (où α est un
point critique) est constitué par les champs de Jacobi le long de α qui vérifient de plus Y (0) = 0
et Y (1) = 0.

2.3 Exemple : Géodésiques de la sphère S2


On considère la sphère unité de R3 paramétrée par latitude et longitude

x = cos θ cos ϕ
y = cos θ sin ϕ
z = sin θ

où θ appartient à l’intervalle [−π/2, π/2] et ϕ à l’intervalle [−π, π].

Calcul de la métrique La métrique de la sphère est induite par celle de l’espace ambiant. On
a donc
ds2 = dx2 + dy2 + dz2 = dθ2 + cos2 θ dϕ2
c’est à dire
gθθ = 1, gθϕ = 0, gϕϕ = cos2 θ.

Équation des géodésiques Ce sont les extrémales de l’énergie


ˆ 1 ˆ 1
1 2
K(α) = (θ̇ + cos2 θ ϕ̇2 )dt = L(θ, ϕ, θ̇, ϕ̇) dt.
0 2 0

Ces extrémales sont définies par les équations d’Euler-Lagrange


 
d ∂L ∂L
= ,
dt ∂q̇ ∂q

7
ce qui nous donne
d
(θ̇) = − cos θ sin θ ϕ̇2 ,
dt
d
(cos2 θ ϕ̇) = 0.
dt

On a donc une intégrale première cos2 θ ϕ̇ = ω = Cste et une équation différentielle

θ̈ = ω2 tan θ(1 + tan2 θ).

Remarquez la solution particulière θ(t) = 0, ϕ(t) = ωt qui correspond à l’équateur.

Calcul des symboles de Christoffel On réécrit les équations des géodésiques sous la forme

θ̈ + cos θ sin θ ϕ̇ϕ̇ = 0,


ϕ̈ − 2 tan θ θ̇ϕ̇ = 0,

ce qui nous donne par identification

Γθθθ = 0, Γθθϕ = 0, Γθϕϕ = cos θ sin θ,


ϕ ϕ ϕ
Γθθ = 0, Γθϕ = − tan θ, Γϕϕ = 0.

Calcul des champs de Jacobi Nous commencerons par calculer le tenseur de courbure.
Comme
R(X,Y ) = −R(X,Y ),
il suffit de calculer R(∂θ , ∂ϕ ) sur la base ∂θ , ∂ϕ . On commence par calculer

∇∂θ ∂θ = 0,
∇∂θ ∂ϕ = ∇∂ϕ ∂θ = − tan θ ∂ϕ ,
∇∂ϕ ∂ϕ = cos θ sin θ ∂θ .

puis

R(∂θ , ∂ϕ )∂θ = −∂ϕ ,


R(∂θ , ∂ϕ )∂ϕ = cos2 θ ∂θ .

En particulier, le long de la géodésique θ(t) = 0, ϕ(t) = ωt, on a


 
0 −1
R(∂θ , ∂ϕ ) = ,
1 0

8
ce qui nous donne pour un champ de vecteurs quelconque de composantes (Xθ , Xϕ )

R(α̇, X)α̇ = −ω2 Xθ ∂θ ,


alors que
D2 X
= Ẍθ ∂θ + Ẍϕ ∂ϕ .
Dt 2
L’équation de Jacobi s’écrit donc
Ẍθ = −ω2 Xθ ,
Ẍϕ = 0.

Les solutions de ce système d’équations qui vérifient en plus X(0) = 0 s’écrivent


Xθ = A sin(ωt) = A sin ϕ(t),
Xϕ = Bt,

où A et B sont des constantes. On voit donc que pour ϕ = π il existe un champ de Jacobi non nul
qui s’annule aux deux extrémités de la géodésique, ce qui traduit le fait que cette géodésique
cesse d’être un minimum stricte.

3 Problèmes variationnels en dimension > 1


Un problème analogue en dimension 2 à celui qui consiste à rechercher parmi toutes les
courbes joignant deux points donnés a et b sur une surface riemannienne, ceux qui sont de
longueur minimale est le suivant :
- Soit Γ une courbe fermée dans R3 , pas nécessairement connexe. Déterminer, parmi toutes
les nappes plongées dans R3 , de bord Γ, celles qui possède une aire minimale.
Un tel problème est dit de recherche de surface minimale. Nous en traiterons un exemple
qui servira à motiver l’introduction des équations d’Euler-Lagrange à plusieurs dimensions.

3.1 Surfaces minimales dans R3


Commençons par quelques rappels sur les surfaces plongées ou immergées dans R3 . Soit D
un domaine de R2
f : D → R3 , (u, v) 7→ f (u, v)
une application de classe C∞ telle que
fu0 ∧ fv0 6= 0,
et S = f (D) ⊂ R3 . D est donc une carte locale de la surface S . L’espace tangent Tm S est un
sous-espace vectoriel de R3 ; il est engendré par les vecteurs fu0 et fv0 . La normale unitaire à la
surface S au point m s’écrit
f0 ∧ f0
n = u0 v0 .
k fu ∧ fv k

9
L’application f induit une métrique riemannienne g sur D par pull-back de la métrique
ambiante de R3
g = f ∗ (dx2 + dy2 + dz2 ).
On appelle également la métrique g la première forme fondamentale de S . Sa matrice dans la
base locale ( fu0 , fv0 ) s’écrit :  
E F
Q1 =
F G
où E = k fu0 k2 , G = k fv0 k2 et F = fu0 · fv0 .
La connexion de Lévi-Civita associé à cette métrique est donnée par

∇X Y = P⊥ (dY. X)

où P⊥ désigne, en chaque point m ∈ S , la projection orthogonale de R3 sur Tm S . La projection


normale de dY. X
(dY. X) · n
est une forme bilinéaire symétrique en X,Y mais contrairement à la projection tangentielle de
dY. X qui est un objet intrinsèque de la variété (i.e. qui ne dépend que de la métrique et non du
plongement), celle-ci ne l’est pas. On pose

q(X,Y ) = −(dY. X) · n

et on appelle q la deuxième forme fondamentale. Sa matrice dans la base locale ( fu0 , fv0 ) s’écrit :
 
L M
Q2 =
M N
00 · n, M = f 00 · n et N = f 00 · n. En chaque point m ∈ S , il existe un opérateur linéaire
où L = fuu uv vv
H : Tm S → Tm S tel que
q(X,Y ) = g(H(X),Y ) = g(X, H(Y )).
Comme on peut le vérifier facilement, on a

H(X) = dn. X .

La matrice de H dans la base locale ( fu0 , fv0 ) s’écrit Q−1


1 Q2 . Les valeurs propres de H au point m
sont appelés les courbures principales de S . Le déterminant de H est la courbure de Gauss, qui
est intrinsèque et la trace de H est la courbure moyenne qui ne l’est pas.
Considérons à présent D un domaine relativement compact de R3 , bordé par une courbe
fermée ∂D (pas nécessairement connexe) et soit γ un plongement de ∂D dans R3 . On pose

Ωγ (R3 ) = f ∈ C∞ (D, R3 ); fu0 ∧ fv0 6= 0, et f|∂D = γ .




L’aire de la surface S = f (D) s’écrit


ˆ ˆ ˆ p
0 0

A( f ) = fu ∧ fv du dv = ν( f ) du dv = det(Q1 ) du dv .
D D D

10
Comme pour le problème des géodésiques, on peut calculer les dérivées directionnelles de
la fonction A . Dans le cas qui nous intéresse, on a
ˆ  

DA ( f ). ξ = du dv ,
D ds s=0

ν(s) = ν( f + sξ)
et ξ : D → R3 est telle que ξ = 0 sur ∂D. Un calcul élémentaire nous donne
 

= n · (ξ0u ∧ fv0 + fu0 ∧ ξ0v )
ds s=0
= ( fv0 ∧ n) · ξ0u + (n ∧ fu0 ) · ξ0v .
Écrivons la formule de Stokes ˆ ˆ
dω = ω
D ∂D
avec
ω = (ξ · ( fv0 ∧ n)) dv − (ξ · (n ∧ fu0 )) du,
il vient
ˆ
∂u ( fv0 ∧ n) + ∂v (n ∧ fu0 ) · ξ du dv

DA ( f ). ξ = −
ˆD
fv0 ∧ ∂u n + ∂v n ∧ fu0 · ξ du dv .

=−
D
Soit  
a b
c d
la matrice de l’endomorphisme symétrique H dans la base locale ( fu0 , fv0 ), alors
∂u n = a fu0 + c fv0
∂v n = b fu0 + d fv0 ,
et donc
ˆ
a fv0 ∧ fu0 + d fv0 ∧ fu0 · ξ du dv

DA ( f ). ξ = −
ˆ D
= tr(H) (n · ξ) ν( f ) du dv
D
Un point critique de A est donc défini par l’équation
tr(H) = 0.
Theorème 3.1. Une condition nécessaire pour qu’une surface de R3 de bord donné soit mini-
male est que sa courbure moyenne soit nulle.
Exercice 3.2. On considère 2 cercles coaxiaux de rayon R, espacés d’une distance L. Montrer
qu’il existe une surface minimale stable joignant ces deux cercles si L/R n’est pas trop grand.
Déterminer la valeur de L/R pour laquelle cette solution perd sa stabilité.

11
3.2 Équations d’Euler-Lagrange et tenseur d’impulsion-énergie
j
Plus généralement, soit L(qi , pk ) une fonction de classes C∞ définie sur Rn × Rnp . On
cherche à déterminer les extrema de la fonction
ˆ
A ( f ) = L( f i (u), fujk (u)) du1 ∧ · · · ∧ du p ,
D
j
où on a noté fuk la dérivée partielle de f j par rapport à uk et f appartient à un espace de fonctions
de classe C∞ de R p dans Rn qui ont toutes une même valeur donnée (condition limite) sur le
bord ∂D du domaine D.
Comme nous l’avons fait dans la recherche des surfaces minimales, considérons une varia-
tions fs = f + sξ de f où la fonction ξ est nulle sur ∂D. La dérivée directionnelle de A s’écrit
alors ˆ ( )
∂L i ∂L j
DA ( f ). ξ = i
ξ + j ξuk du1 ∧ · · · ∧ du p .
D ∂q ∂p k
Écrivons la formule de Stokes avec
!
p
∂L
ω= ∑ (−1) k+1
j
du1 ∧ · · · ∧ du
ck ∧ · · · ∧ du p ,
k=1 ∂ fuk

il vient ˆ   
∂L ∂ ∂L
DA ( f ). ξ = − k ξi du1 ∧ · · · ∧ du p .
D ∂qi ∂u ∂pik
Les points critiques de A sont donc les fonctions f qui vérifient les équations d’Euler-
Lagrange  
∂L ∂ ∂L
− = 0, 1 ≤ i ≤ n. (9)
∂qi ∂uk ∂pik
dans le cas d’un problème variationnel à une dimension, nous avons vu que si le lagrangien
L ne dépendait pas explicitement du paramètre t alors la fonction
∂L
E = vi −L
∂vi
appelée énergie était constant le long d’une extrémale. Nous avons un résultat analogue en
dimension quelconque. Introduisons le tenseur
∂L
Ti j = fuki − δi j L
∂ fukj

qu’on appelle le tenseur d’énergie-impulsion et qui généralise la fonction énergie évoquée plus
haut.
Lemme 3.3. Si f est une solution des équations d’Euler-Lagrange, on a
n∂Ti j
div T = ∑ j
= 0.
j=1 ∂u

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Démonstration. On a
!
∂ ∂L
(div T )i = k ful i l − δik L
∂u ∂ fk
! !
∂L ∂ ∂L ∂L
= ful k ui l
+ k l
ful i − i .
∂ fk ∂u ∂ fk ∂u

Mais   !
i ∂L ∂L
∂L/∂u = ful i + ful k ui ,
∂fl ∂ ful k
d’où ! !
∂ ∂L ∂L
(div T )i = ful i − l
∂uk ∂ fkl ∂f

Remarque 3.4. Si le nombre de paramètres k est égal au nombre de fonctions n et si det(∂i f j ) 6=


0 sur l’espace de fonctions sur lequel on définit l’action A , alors le système des équations
d’Euler-Lagrange est équivalent à l’équation div T = 0. ♠

Références
[1] Richard S. Hamilton, The inverse function theorem of Nash and Moser, Bull. Amer. Math.
Soc. (N.S.) 7 (1982), no. 1, 65–222. MR 83j :58014

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