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Rudoif HIESTAND*
4. A consulter surtout le livre très rare de W. HOTZEI.T, KircJrr';rt'scIzicI:te PalcY.strpras rot Zeital.
ter der Kreiizziige, Kôln, 1940 Giorgia FEDALTO. La C/riesa latina in Oriente. 111, Padova, 1973-76,
12 (1981), cl tout récemment B. HAMIL1OFi Tue latin (ItorcIt in tJre Crusader Staies. l'ire Secular
Chu rclr. London, 1980 pour la prosopographic R. RO+IR.lcrrr. Svria sacra, dans ?eit.sclrrift des dents-
(lien Palèstina yereiu,s, 10, 1887, p, 1-48 et Hans Eberhard MAYF.R. Rihho,'raphie -tir Ge.çchichie
der Krerz:iige, Hannover, 1960, n° 3913.4030.
5. Parmi les participants de la première croisade on peut nommer entre autres le chapelain
de Robert de Normandie et Futur patriarche Arnoul de Choques, l'évêque Arnoul de Marturano
en Calabre, qui aspirait au siège de Bcthkem, et le clerc flamand Baudouin, premier archevêque
de Césarée, peut-être aussi son successeur Evrémai'.
6. Petrus Vcnerabilis, Tire Letters, éd. G. Constable, Cambridge, Mas., 1967, 1, 105, n° 31, et
214. n° 80. Voir aussi B. Z. KEOAR.Palmal'ée, abbaye clunisienne du XII , siècle en Galilée, dans
Revue Bénédictine, 93, 1983, et Virrarbeitc,, : wn Oriens ponhi/ir'urs lii (voir note 17), p. 72 s.,267
n° 104 et 274 n° 108.
7. Bernard de Clairvaux, ep. 253, Migne, Pi. 182, c. 454 ss. S. Ber,rardi Ope ra. vol. VIII, Lpis!o.
lai, Il, Roma, 1977, p. 149, n° 253 ; tians E. MAYES. Sankt Samuel auf dent Freudcnher'g und sein
Besitj nach cincm unbekannten Diplom Kg. Balduiris V., dans Qiellr'rr o,,d Forç, htiru,'en ans iraliei-
sclri' p r Archirs"r inrd BiJ,liotheken, 44, 1964, p. 35.71.
8. Ep. 57, 64, 399; voir G. CONSTABLE. Monachisme et pèlerinage au Mo y en Age, dans Revue his-
torique, 258, 1977, p. 3-27, p. 20 s.
?A) )51;)
13. Sur Saint-Ruf d'Avignon voir A. Cs.taade BELLEMss. liste des abba yes, chapitres, prieurés,
églises de l'ordre de Saint-Rut de Valence en Dauphiné, Romans, 1933, qui s'appuie sur le fonds
Saint . RuF dans les Archives départementales de la Drôme et sur le ms. de Marcel Eusebi, cha-
noine et archiviste de l'abbaye (ca. 1740), Grenoble, Bibliothèque municipale, ms. 290, et coutu.
mierdu Xls. de l'ordre de Saint-Rut en usage à la cathédrale de Magnelonne. Sherbrooke, 1950.
Je n'ai pu consulter ni les copies du XVlll siècle autrefois chez M Pastoris à Snspel (Alpes-
Maritimes), ni une thèse dactylographiée de Mlle Le Brigaud (os. 1969).
14. Gallia christiana nova, XVI, 359: abh. s. Ruffi, n° 3.
15. DUCANGE . REY. Les familles d'Ouire.mer, Paris, 1879, p. 477, sur la base de la Gallia christiana
nova.
16.J. RIcHAI5D, Le chartrier (voir note Il), p. 604, note 4; C. CASIEN. La Syrie du Nord au temps
des croisades et la principauté franque d'Antioche, Paris, 1940, et B. Hstirxos, The Latin C'hurch
(voir note 4), ne mentionnent pas ces établissements religieux. Ils Sont énumérés incomplètement
dans CzatER de BELLENSE, Liste, p. 1075.
17. Les bulles ont été publiées par U. CHEVALIER, codex diplomaticus ordinis Sancti Ru fi. Col-
lection des cartulaires dauphinois, 1X/1, Valence, 1891. et par C.aaIER de BELLENSE, Liste, pass.;
pour les passages concernant l'Orient latin, voir aussi R. HlEsTD, Vorarbeiten zum Ont-os pan-
tif icius 111. Papsturkuiiden fOr Kirchen des HI. Landes. .4bhandl. d. GôttingerAkademie
no der Wis.
senschaften in G"zfingen, Phil..hist. KI. 3. Folge Ni'. 136, Géutingen, 1985, 18, 24, 71, 144.
18. JL. 6369, éd. CHEVAIJEIS. p. 18, n° 14; Hwsrstso, p. 123, n o 18.
(5) SAINT-RUF D'AVIGNON 331
Dix ans aprt.'s Pascal II, le 28 avril 1123, le pape Calixc Il énumère dans
un nouveau privilège, à l'endroit où l'on lisait autrefois la notice sur l'église
Sancti Ruffi, maintenant ecclesiam sancti Jacobi de Tripoli cwn sztffraganeis,
Artuciam et molendina iuxta ipsam ecclesiam sancti Ruffi, apud Surgenterem
et apud C'astrwn novum 24 . La différence est double. Saint-Ruf de Tripoli ou
mieux in Tripolitana regione a disparu et avec elle la mention de Raymond
de Saint-Gilles, et à sa place on trouve une église Saint-Jacques qui probable-
ment se trouvait dans la ville de Tripoli elle-même. Elle ne peut avoir été en
possession de Saint-Ruf avant 1109, quand la ville fut conquise, mais comme
Pascal 11 ne la nomma pas, probablement il faudra même reculer sa conces-
sion vers les années 1114-1122. Comme donateurs sont à prendre en considé-
ration soit le comte de Tripoli, qui était en ce temps-là le petit-fils de Raymond,
Ports, ou bien l'évêque de Tripoli, qui auraient agi, l'un ou l'autre, peut-être
sur l'intervention du légat pontifical Bérenger d'orange, qui vers li 16-1118
intervenait à Tripoli aussi en faveur de l'Hôpital de Saint-Jean 25 . D'autre part,
Saint-Jacques de Tripoli est à coup sûr une vieille église qui existait déjà au
moment de la conquête de la ville par les Francs, sans qu'on puisse détermi-
ner à quelle communauté chrétienne elle avait appartenu, car saint Jacques
ou mieux un saint de ce nom est vénéré dans toutes les Églises orientales. Il
serait pourtant prématuré de croire que la congrégation ait perdu entre temps
sa première possession, Saint-Ruf in Tripolirana regione. La bulle papale n'énu-
mère plus les possessions en détail, mais elle dit clairement ecclesiam sancti
Jacobi coin suffraganeis. Parmi celles-ci pourrait être bien sûr aussi Saint-Ruf
dans la région de Tripoli. Evidemment le centre des possessions s'était trans-
féré, comme on le comprend facilement, à l'église dans la ville, tandis que l'autre
église, située quelque part hors les murs, avait passé au rang d'une dépendance
secondaire. Le fait le plus important est toutefois que le petit-fils de Raymond,
ou un autre personnage du comté, ait suivi l'exemple de Ra y mond, ce qui prouve
que les liens entre les Tripolilains et la Provence ne s'étaient pas relâchés.
Quand en 1896 le R. P. Lammens visita Tripoli à la recherche des monuments
des croisés au cours d'une expédition dans le pa y s des Nosairis, il découvrit
non loin de la grande mosquée, sur les arcs d'un édifice qui lui semblait pro-
venir d'un ancien bain, deux inscriptions latines SCS IACOBVS et ECCE AGN
DE1 26 . Un an plus tôt, Maxvan Berchem les avait vues également et il les
décrit dans son monumental « Voyage en S y rie ,,27, niais vingt ans plus tard
24. JL. 7069 et 7101, éd. CHEVAUER. p. 20, n° 15 et U. Ronr, Bullaire de Calixte I!, vol. U, Pans,
1891, 200, O 402; HWSrAND, p. 131, n5 24.
25. Di..wu.ut. cariulaire 1, 40, n° 48 (RÔnlucn'r. Regesta, n° 78). Sur Bérenger voir aussi (allia chris-
nana iunisvinnu. VI, éd. ALBANtS. Valence, 1916, e. 37 s. Dici. d'hisn. et de geogi; eccL, VIII, 1935, 378
CI HIESTAND. Die papstlicln'n Legane,i ai if dei? Kreuzziigen und in den Kreufa1zrerstaaten, dactylogra-
phié, Kid, 1972.
26. R. P. LA 'Ns. Aux pa ys des Nosairis, dans Revue de t'Oriein chrétien. 4, 1899, p. 572.
27. Max van Beacinai. Compte rendu de ROrnicirr. Gesc/,ichte des Kônigreichs Jen4salcm, dans Jour.
na! asiatique, 91 s., vol. 19, 1902, p. 453 s., et Voyage en .Svrie, Paris, 1914, p, 119. Il croy ait à la ptuve-
nance d'un ancien hospice, mais contrairement à ce que prétend R00icsrr, Re,gesta, n° 1214a, il n'y
est nulle part question d'une confraternité de Saint-Jacques.
'
quand Camille Enlart préparait son ouvrage sur l'architecture civile des
Francs d'Outre-mer, elles avaient disparu 28 . Il n'est plus à déterminer si
effectivement ces pierres provenaient de notre église Saint-Jacques, car on
ne sait si elles se trouvaient in situ ou avaient été remployées après la fin
de la domination franque, comme tant d'autres, pour orner un édifice musul-
man. De même, on pourrait s'imaginer sans difficulté qu'il y avait à Tripoli,
aux temps des Byzantins et des Arabes comme aux temps des Croisés, plus
d'une seule église qui portait le vocable de Saint-Jacques. D'ailleurs rien ne
prouve, en plus, que l'inscription SCS IACOBUS se rapporte au patron de
l'édifice.
Pourtant, dans la décennie après 1114, non seulement une deuxième église
située à Tripoli au moins s'était ajoutée aux possessions de Saint-Ruf d'Avi-
gnon, mais Calixte H énumère aussi un endroit nommé Artucia. Ce nom dési-
gne sans doute l'ancien siège épiscopal d'Orthosias à quelque 15 km au nord
de Tripoli sur le Nahr el-Badir 29 . N'oubliant pas les ressources économi-
ques indispensables pour la subsistance d'un évêché indépendant, Ortho-
sias ne fut pas reconstitué par les croisés qui le réunirent, comme d'ailleurs
deux autres petites villes sur la côte, Boutron et Archas, avec approbation
pontificale à titre provisoire, au siège de Tripoli 30 . Comme aucun vocable
n'est ajouté au nom de Artucia, ce fut probablement l'église principale qui
passait aux chanoines réguliers de Saint-Ruf, s'il y avait plusieurs églises
dans le bourg. En somme, l'abbaye provençale avait vers 1123 au moins qua-
tre églises dans le comté de Tripoli, Saint-Jacques à Tripoli même, Saint-
Ruf in Tripolitana regione, en plus une troisième église dépendante elle aussi
de Saint-Jacques, car la bulle dit ecclesiam sancri Jacobi cum suffraganeis
au pluriel, et celle d'Artucia/Orthosias.
Il fallait cependant pourvoir au soutien matériel de ces églises. Aussi ne
s'étonnera-t-on pas de voir ajoutés trois moulins comme faisant partie des
possessions de Saint-Ruf. Un premier moulin apud ecclesiam sancti Ruffi
se trouvait par conséquent dans la plaine de Tripoli près de l'église cons-
truite hors les murs par Raymond de Saint-Gilles, dont nous avons de cette
manière au moins indirectement une confirmation pour le temps de Calixte;
le deuxième (apud Surgenterem) ne se laisse pas localiser dans l'état actuel
de nos connaissances sur la topographie du comté 31 le troisième (apud Cas-
trum novun) était situé sans doute près du Mont-Pèlerin, qui fut désigné
quelquefois par ce nom 32 . En ces temps-là un moulin voulait dire des reve-
nus réguliers en argent considérables et surtout de l'eau, dont
28. C. Eaaî. Les monuments des Croisés dans le ro yaume de Jérusalem, Paris, l926-27, 11, 433.
29. R. DissAun, Topographie historique de la Syrie antique et médiévale, Paris, 1927, p. 78-80
E. Rs y, Les colonies franques de Syrie aux Xii' et Xiii' siècles, Paris, 1883, p. 361.
30.Guillelmus Tvrensis. Historia rerum in partibus transurarinis gestarun'r, XIV. 14. éd. Recueil
des Historiens des Croisades. Historiens occidentaux, 1, Paris, 1844, p. 626. Voir Rcuxso, Le comté
de Tripoli, P. 58 $s.. et BALDWtN, Ecclesiastical Developments (voir note 10), p. 156 et note 28.
31. Voir l'index dans Rlmctt'r, Regesta, et dans DUSSÂUD. op. cil., qui ne donnent aucun lieu qui
pourrait être identifié avec Surgenterem.
32. Riciusn, Le charirier, p. 610: casfrurn noviter edificatum.
334 RUDOLF HIESTAND (8)
33. Voir p. ex. les litiges au X1H siècle entre les Hospitaliers et les Templiers à cause des mou-
lins d'Oc et de Ricordaine, DELAVILLE. Cartulaire, lI, 486, n° 2117, III, 35, n° 3032 et III, 58, n0
3045 J. RILEY-SMITH. Tin' Knighis «Si. John in Jerusalem aud Cvprus, L'. 1050-1.311, London, 1967,
p. 446.
34. X. 9874, éd. CHEvAtJa. p. 32, n° 24. sur la base d'un regeste dans Eusebi. et CARRIER de BEl..
LEN5E. p. 124, avec la variante importante ad eaudern ecclesiam (au lieu de ad cosden ecclesias):
HIESrAND.p. 209, n° 71.
35. X. 15568, éd. CHEVALIER. p. 73, n° 62, et CARRIER de BELLENSE. p. 127 }IIELrAND. p320, n° 144.
36. Pour Asouma, voir DussAtin, op. cl!., carte V (après p. 88); pour Sumeisa (non dentifi), ROH.
RICIIT. Reesta, n° 642, et DCSSAUD, op. ci ,.. p. 87.
(9) SAINT-RUF D'AVIGNON 335
Cependant c'est bien la dernière fois que les documents font mention des
possessions tripolitaines de Saint-Ruf d'Avignon. La défaite de l'armée chré-
tienne à Hattin en juillet 1187 et l'écroulement successif des Etats croisés
semblent avoir été fatals à Saint-Ruf. Bien que ni Tripoli, ni Orthosias ne soient
tombés dans les mains de Saladin, en renouvelant le privilège d'Urbain III,
Innocent III se borne k 6 mai 1206 aux seules possessions occidentales37.
Saint-Jacques de Tripoli, Saint-Ruf devant les portes de Tripoli, les églises
d'Artucia et de Somma retombent dans les ténèbres du passé, dont les qua-
tre bulles de Pascal II, Calixte II, Anastase IV et Urbain III les avaient arra-
chées. Seule Saint-Jacques pourrait avoir été mentionnée une fois plus tard,
si toutefois il s'agit de la même église. En avril 1214 l'abbé du Mont-Thabor
en Gaulée, Jean 11, permit à un certain Michel de Porta d'appuyer sa mai-
son à Tripoli contre le mur de l'église Saint-Jacques dépendant de ladite
abbaye, contre le paiement d'un cens annuel de deux besants-38. S'il s'agit
de l'ancienne église Saint-Jacques appartenant à Saint-Ruf d'Avignon, elle
devait être passée entre 1186 et 1214 ou peut-être mieux entre 1186 et 1206,
date de la bulle d'innocent III où elle ne figure plus, à l'abbaye du Mont-
Thabor, et serait passée ensuite en 1255 avec celle-ci aux Hospitaliers de
Saint-Jean39.
Ce n'est donc pas seulement une famille comtale et une structure féodale
que le Midi a fmi mc-.. au comté de Tripoli 4O, mais, à travers la congréga-
tion de SairttRul, une contribution considérable à la Constitution du monde
ecclésiastique. Des rapports étroits entre la Syrie et l'Occident réformateur
se sont maintenus pendant tout le XIP siècle, après que Ra ymond de Saint-
Gilles en personne eut consenti le premier enracinement des chanoines régu-
liers réformés en Syrie. Cependant Saint-Ruf n'a jamais franchi, à ce qu'il
semble, les frontières du comté. C'était la dynastie toulousaine qui lui avait
frayé le chemin et qui est restée son bienfaiteur bien au-delà de la mort de
Raymond de Saint-Cilles. Serait-ce par pure coïncidence que les liens se relâ-
chèrent au moment même où après la mort de Raymond III en 1187 le comté
de Tripoli passa sous la domination de la famille princière d'Antioche, qui
n'était pas toulousaine, mais normando-poitevine ?
Toutefois l'histoire des filiales orientales de l'abbaye provençale ouvre
un horizon plus large. A tort, on a cherché dans le passé presque