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CM5 Histoire médiévale

Chapitre 5 : Réforme, vie religieuse et culture en Flandre à l’âge classique (XI-XIIIème siècle)

Au décollage tardif des villes, répond un décollage assez lent de l’influence culturelle de la Flandre. Le
rayonnement culturel dépend surtout de l’évolution de l’Eglise. Or, l’Eglise du XIème siècle est
traversée par des courants de réforme comme la réforme monastique puis, la Paix de Dieu et enfin
au XIème siècle la réforme grégorienne. Les comtes de Flandre vont chercher à s’associer à ces
évolutions ou s’opposer.

La Flandre n’est pas le centre culturel de l’Europe. Le trilinguisme se traduit dans la monarchie
sociale : latin, français puis flamand.

I/ La place de la piété et des dévotions en Flandre

A/ Les comtes et la réforme de l’Eglise

Dès le Xème siècle, les comtes accompagnent certains mouvements de la réforme monastique. L’idée
de revenir à la réforme de Saint-Benoît est déjà présent chez les Carolingiens et l’abbaye de Cluny.
Les comtes ont un rapport privilégié avec les grandes abbayes comme Saint-Pierre et Saint-Bertin. Ils
les favorisent et essayent de les contrôler. Il y a une promotion de ces abbayes.

En 937, le comte Arnoul fait ramener à Saint-Bavon de Gand les reliques du saint car les moines les
avaient envoyés en France à l’abri des raids scandinaves. Arnoul favorise la réforme de Saint-Pierre
de Gand. Il supprime l’abbatial laïc.

Arnoul réforme l’abbaye Saint-Pierre en 941 en faisant venir un moine appelé Gérard de Bvogne. En
941 à lieu une réforme car l’abbaye passe sous la règle de Saint-Benoît à la place d’une règle des
chanoines. En 930, Arnoul est malade. Il fait le vœu d’enrichir Saint-Pierre s’il guérit. Gérard de
Bvogne est un sérial réformateur. Il est formé à Saint-Denis. Il passe sa vie à réformer les
communautés. Il est envoyé ensuite à Saint-Bavon de Gand puis, Saint-Bertin et enfin Saint-Amand.

Arnoul utilise les terres des abbayes pour caser des vassaux. Il réduit une partie des biens des
abbayes. Les comtes de Flandre se présente comme les protecteurs des églises comme Baudouin IV.
Ils interprètent cette mission dans un sens très autoritaire. En 1029, Baudouin IV, lors de l’élection de
l’évêque de Thérouanne, il intervient pour le choix de l’évêque. La stratégie des comtes de Flandre
est d’essayer d’affirmer une autonomie des églises sur leurs terres pour éviter que des puissantes
familles s’en emparent. Les riches familles pratiquent l’avouerie. Lorsque qu’une église possède de
nombreuses terres, …, les religieux désignent un avoué, c’est-à-dire un laïc qui va les représenter.
Baudouin IV essaye d’interdire cette pratique pour éviter que des nobles s’emparent indirectement
du contrôle des terres d’Eglise. Il se nomme avoué de tous les monastères.

Les églises flamandes disposent d’une certaine liberté permise par les comtes de Flandre. Le pouvoir
comtal est important car il n’y a pas de grandes villes épiscopales. Les comtes veulent récupérer le
mouvement de la Paix de Dieu.

Les comtes favorisent l’émergence de nouveaux établissement ecclésiastiques en plus de la première


génération des abbayes datant du VIIème siècle. Baudouin V, au milieu du XIème siècle, crée
plusieurs collégiales. Ce sont des églises où plusieurs prêtres gouvernent collégialement. La plus
célèbre est la collégiale Saint-Pierre de Lille mais aussi celle d’Aire-sur-la-Lys. Sa femme, Adèle de
France, fonde l’abbaye féminine de Messine près d’Ypres.

Le principe de la réforme grégorienne est l’autonomie de l’Eglise. En Flandre, son écho est limité.
Mais, les comtes de Flandre sont plutôt réceptifs à la papauté. Les papes et les comtes ont le même
ennemi qui est l’empereur. Les évêchés d’Arras et de Cambrai sont divisés.

Clémence de Bourgogne promeut les ordres monastiques en Flandre et notamment Cluny qui est l’un
des moteurs de la réforme. En 1099, il y a une crise à l’élection de l’évêché de Thérouanne. L’évêque
est considéré hostile à la réforme. Clémence contribue à élire Jan van Waasten.

Charles le Bon est un défenseur des libertés. Il a 34 chartes connues. Toutes concernent des
établissements ecclésiastiques. Les comtes de Flandre favorisent l’émergence d’établissement
ecclésiastique. Entre le XIème et le XIIIème siècle, il y a la fondation de 11 églises collégiales.

Le principal diocèse reste celui de Tournai. Or, il est très périphérique à la Flandre et il n’est pas en
pays néerlandais. Cela a parfois tendance à marginaliser les évêques de Tournai qui apparaissent des
fois comme des étrangers. La plupart des évêques de Tournai ne sont pas néerlandophones. Le
premier à parler flamand est élu en 1274 et c’est Philippe Muse. C’est un Gantois.

Un archidiacre de Flandre est créé au sein de Tournai. Mais, les Flamands demandent la création d’un
évêché. La Flandre n’arrivera pas à avoir leurs propres évêchés avant le XVIème siècle.

B/ Les nouvelles formes de piété

Il y a des tendances dans l’évolution de la foi chrétienne qui sont générales en Occident. Les
tendances de la dévotion générale en Occident se retrouvent en Flandre.

A partir du XIème siècle, il y a le développement de l’érémitisme. C’est vivre à l’écart du monde dans
la foi et la prière. Il y a des échos de ce mouvement en Flandre comme avec l’ancien chevalier
Gerlach de Houtem. Il est rejoint par une communauté des Prémontrés. Ce sont des chanoines
réguliers. Ils forment une communauté.

Les ordres mendiants vivent au contact des fidèles et en, particulier dans les villes. C’est donc normal
qu’ils s’installent en Flandre. Les Franciscains sont à Lille et Gand dès 1226. Les autorités urbaines
favorisent leur installation. Dans les grandes villes, il y a un problème d’encadrement des populations
urbaines. A Gand, en 1297, il y a 99 dominicains et 44 franciscains. Ces gens sont d’abord là pour
prêcher. Les prédications se font en flamand.

Il y a la volonté dans la population flamande d’aller plus loin dans la connaissance des textes.
Certaines personnes cherchent à avoir un mode de vie plus évangélique mais sans pour autant
rompre avec leur milieu familial. Des groupes se créent. Ils restent dans la ville d’où ils viennent et
forment des communautés. Ce sont des béguinages.

L’hérésie en Flandre est présente. Les grandes villes en possèdent quelques mentions. Des
mouvements hérétiques naissent au sein des communautés de clercs. A Arras, en 1182, Philippe
d’Alsace réprime une hérésie.

Les liens entre la Flandre et l’Orient entretiennent une certaine dévotion en Flandre du fait des
croisades et des pèlerinages. Il y a une arrivée de reliques en Flandre. L’attraction de la croisade va
au-delà des cercles de la noblesse. Pour la première croisade, il y a mention de pauvres flamands. En
retour, en Flandre, des éléments venus de Terre sainte influence la piété comme le saint sang de
Bruges qui provient de la deuxième croisade. C’est une relique exceptionnelle trouvée lors de la
deuxième croisade rapportée en Flandre par l’abbé de Saint-Bertin Leonius de Furnes. Il ramène une
relique censée contenir un peu de sang du Christ. A partir de 1203, une procession est réalisée à
Bruges.

L’essor des fondations charitables est un phénomène européen mais dans le cadre flamand, la
particularité est que beaucoup de ces fondations, au départ privées, ont progressivement passé sous
le contrôle des autorités urbaines. C’est le cas d’une léproserie gantoise, la Rijke Gasthuis, qui passe
sous le contrôle du pouvoir des échevins.

C/ La prédominance de l’écrit clérical

Ce phénomène dure jusque-là fin du XIIème siècle. La littérature en langue latine domine en Flandre
en particulier. Les endroits d’écriture sont les abbayes et les chapitres de chanoines. Une vie de
Saint-Bavon est écrit vers 1090 par Thierry de Saint-Trond. Les Annales de Saint-Bertin sont écrites à
l’abbaye de Saint-Omer. Le Liber floridus de Lambert de Saint-Omer est un bestiaire mais possède
aussi des plantes. Cela date des environs 1120.

Ce n’est pas parce que les clercs dominent l’écrit qu’il y a un qu’un reflet d’une culture monastique.
Les clercs maitrisent le latin et n’hésitent pas à diversifier leurs écrits en écrivant des textes
novateurs et une des racines du roman de Renard se trouve en Flandre. Vers 1149, Nivard de Gand
écrit Isemgrimus.

Les grandes écoles qui forment les clercs se trouvent plus au sud de la Flandre. De plus, il n’y a pas
d’université en Flandre.

Guillaume de Moerbeke est un Dominicain flamant du XIIIème siècle. Il séjourne à Nicée et Thèbes. Il
réalise la première traduction du grec en latin des œuvres d’Aristote.

Guillaume de Rubrouck est un Franciscain connu pour son voyage. Il a lieu entre 1253 et 1255. Il le
conduit au contact des Mongoles. Il fait carrière au près de Saint-Louis. Le roi l’envoie en Orient avec
un espoir un peu fou de convertir les Mongoles ou au moins de faire un pacte contre les musulmans.
En 1253, il part de Constantinople. En 1254, il arrive à Karakorum qui « ne vaut pas Saint-Denis ».

II/ L’émergence de cultures laïques entre la cour du comte et les villes

A/ La cour des comtes de Flandre

La cour fait partie d’une série de cours princières qui partagent un bout de la culture chevaleresque.
Dans ces cours, les langues romanes sont le moyen d’expression. La fin du XIème siècle est
l’émergence d’une littérature courtoise en langue d’oïl. La langue commune à ces cours, celle d’Henri
II en Angleterre, des comtes et du roi de France, est le roman et notamment les langues latines du
Nord. Cela permet la circulation de textes. Il n’y a pas un milieu spécifique flamand mais une
communauté. Les princesses et princes font voyager le coût pour les auteurs. Chrétien de Troyes est
venu à la cour de Philippe d’Alsace car il est réputé comme un grand mécène. Cela se traduit par un
texte connu qui est le prologue de Perceval ou Conte du Graal.

Chrétien explique que lui-même va semer des grains dans des bonnes terres, ici en Flandre.

Philippe d’Alsace ne maitrise pas le néerlandais comme beaucoup de comtes de Flandre. Il est plus
de culture germanique mais cela ne se traduit pas dans la culture de sa cour. Il y a une culture
littéraire et du mécénat forte. Baudouin de Constantinople s’illustre dans la poésie provençale. Il
commande des Histoires dites de Baudouin. Ce n’est pas un hasard s’il est intéressé par la littérature
parce qu’il épouse en 1186 Maire de Champagne, descendante des comtes de Champagne et
d’Aliénor d’Aquitaine, autre lieu de culture.

C’est une tradition qui persiste sous Jeanne de Flandre comme avec Manessier qui écrit la suite du
Perceval. Sa sœur, Margueritte, est la destinataire du Conte de l’Eléphant.

B/ Le flamand, de l’oral à l’écrit

Comme souvent, les frontières linguistiques et politiques ne coïncident pas. Il n’existe pas
d’unification des dialectes néerlandophones. Les frontières linguistiques ne coïncident pas avec celles
du comté de Flandre.

La langue parlée au sud est le Picard. C’est une langue romane. La Flandre perd des territoires entre
le XIIème et le XIVème siècle. Les terres perdues sont d’abord des terres francophones liées à la
poussée du roi de France.

Les élites de la Flandre continuent de maîtriser les langues romanes comme à la cour, par les
marchands qui font des affaires avec la France et le haut clergé de Flandre vu que les grands évêchés
sont au sud de la Flandre comme Arras et Cambrai.

Cette réputation négative de la langue flamingante se voit sous Guillaume le Breton. L’évêque
Foulques de Reims présente cette langue comme une langue barbare. Il est estimé que c’est la
langue des paysans et du populaire. Cela n’est pas très bien vu.

En dehors des élites, l’immense majorité de la population ne parle que le flamand. Dans une
population essentiellement néerlandophone, il est logique que le développement de l’écrit
commence à intégrer la langue flamande. Progressivement, il y a une alphabétisation rapide de la
population. Des textes en langue néerlandaise apparaissent.

La Légende de Saint-Servais date de 1170. Elle est écrite par Henri de Veldeke. Il est originaire du
Brabant qui est en dehors du royaume de France. Au XIIème siècle, une littérature en langue
germanique nait. Henri de Veldeke fait sa carrière dans le Saint-Empire. Il écrit en brabançon le
premier texte.

Arnold puis, Guillaume moine de Saint-Pierre de Gand rédige une traduction du roman de Renard qui
est une satire de la cour de Flandre. Dans le Van den vos Reynaerde, un chien parle français. C’est un
texte nationaliste qui critique ceux qui font des arrangements avec la France.

C/ La culture urbaine

En Flandre, l’essor d’une culture de langue néerlandaise se fait beaucoup dans les villes. Il y a un effet
de singulariser, de distinguer la culture des bourgeois de celle de la cour des comtes de Flandre. Il y a
un décalage progressif qui apparait. Des princes écrivent leur charte en latin, puis éventuellement en
français alors qu’au même moment, le néerlandais s’impose dans des villes de Flandre. C’est un effet
de l’alphabétisation dans les villes. Les individus apprennent en langue vernaculaire et non en latin.
Des maîtres privés laïcs font le métier d’enseigner. Il y a un enseignement primaire qui existe. Ces
maîtres enseignes la langue utilisée dans les affaires. Le flamand ne s’impose pas partout. A Ypres, le
français supplante le latin dans les actes. A Gand, ceux-ci passent du latin au flamand.

La culture des nobles exerce une fascination chez les bourgeois. Il y a la volonté d’imiter la noblesse
et en particulier cela se voit dans l’adoption des pratiques nobles par les bourgeois. Les bourgeois
participent aux joutes et tournois. Bruges et Lille développent ceux-ci.

Il y a des traductions de textes en roman vers le flamand. Il y a une attirance de la culture


francophone par des gens qui ne la maîtrisent pas. La traduction du Roman de Troie à Gand par Zeger
Dievegodgaf est un bon exemple. Les cycles arthuriens sont aussi traduits en flamand.

La principale figure littéraire de cette époque est Jacob van Maerlant (v 1235-1300). Il est né à
Damme. Il écrit une Historie van Troyen et traduit en flamand un ouvrage pseudo aristotélicien
Secreta Secretorum. Il rédige aussi des ouvrages de piété comme une Vie de Saint-François. Il
possède une démarche militante car il exalte l’histoire de Flandre. Il milite pour rejeter l’usage du
français. Il dit que c’est une langue perverse.

Il y a des éléments qui montrent une certaine évolution comme la haine du français ou la méfiance
vis-à-vis de la noblesse. Il y a aussi des éléments qui singularisent la Flandre. Des éléments montrent
des changements dans l’exercice du droit. Le noyau familial est promu. Des droits féminins sont
également concernés. Il y a des évolutions, retrouvables en Italie, vis-à-vis des pratiques
économiques comme avec l’usure. Des contrats sont facilement effectués avec des taux d’intérêts. Il
en existe un de Douai de 1229. Cette mentalité influe sur la vision du pouvoir princier. Une table de
Lombards est établie à Lille. Les plus grands usuriers du Nord de l’Europe sont les habitants d’Arras.
En sortant de la Flandre, ils deviennent banquiers des Flamands. La famille des Crespin sont parmi les
plus voraces usuriers du XIII et XIVème siècle.

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