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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2006, N° 287 (1)

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I N V EN TA I RE FAU N I QU E / LE POINT SUR…

Méthode d’inventaire
Luc Mathot1
Jean-Louis Doucet2 faunique pour le zonage
1 Nature Plus
s/c Laboratoire de foresterie
des concessions
tropicale et subtropicale
Faculté universitaire des sciences
en forêt tropicale
agronomiques de Gembloux
Passage des Déportés, 2
5030 Gembloux
Belgique

2 Laboratoire de foresterie tropicale


et subtropicale
Unité de gestion des ressources
forestières et des milieux naturels
Faculté universitaire des sciences
agronomiques de Gembloux
Passage des Déportés, 2
5030 Gembloux
Belgique

Les inventaires de faune constituent une base indispensable à la protection de la faune


dans les concessions forestières, pour autant que la méthodologie utilisée soit adéquate.

Photo 1.
En facilitant le transport du gibier et l’accès à des zones reculées, les routes forestières représentent une des
principales menaces pour la faune. Ici, une route traverse une unité forestière, dans le sud-est du Cameroun.
Photo L. Mathot.
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FOCUS / FAUNA INV EN TORY

Luc Mathot, Jean-Louis Doucet

RÉSUMÉ ABSTRACT RESUMEN


MÉTHODE D’INVENTAIRE FAUNIQUE A FAUNA INVENTORY METHOD MÉTODO DE INVENTARIO
POUR LE ZONAGE DES TO SUPPORT ZONING PLANS FOR FAUNÍSTICO PARA LA ZONIFICACIÓN
CONCESSIONS EN FORÊT TROPICALE TROPICAL LOGGING CONCESSIONS DE LAS CONCESIONES EN BOSQUES
TROPICALES
Depuis l’instauration de lois nationales Since the introduction of national for-
et l’émergence de la certification exi- est legislation and certification pro- Desde la instauración de leyes naciona-
geant l’aménagement durable des cedures requiring sustainable man- les y la aparición de la certificación que
forêts d’Afrique centrale, la mise en agement of Central Africa’s forests, it exige la ordenación sostenible de los
place d’un plan de gestion de la faune has become essential for logging bosques de África central, se ha hecho
par les sociétés forestières devient une companies to implement fauna man- necesario el establecimiento de un plan
nécessité. Par conséquent, des inven- agement plans. These require inven- de manejo de la fauna por parte de las
taires fauniques sont indispensables tories to assess the abundance and empresas madereras. Por ello, los
afin d’estimer l’abondance et la réparti- distribution of fauna, which should inventarios faunísticos son indispensa-
tion de la faune. Ces estimations doi- allow zones of particular interest for bles con el fin de evaluar la abundancia
vent permettre de délimiter les zones their fauna to be determined. Unfor- y distribución de la fauna y permitir
très intéressantes d’un point de vue tunately, it has become only too clear delimitar las zonas especialmente inte-
faunique. Malheureusement, force est that these fauna surveys are often resantes desde un punto de vista fau-
de constater que ces études faunis- ineffective because of the inade- nístico. Desgraciadamente, hay que
tiques sont souvent inefficientes en rai- quate means implemented by the reconocer que estos estudios faunísti-
son des faibles moyens mis en œuvre logging companies and the resulting cos suelen ser ineficaces debido a la
par les sociétés forestières et du lack of precision. It is therefore essen- escasez de medios que dedican las
manque de précision consécutif. Il est, tial to introduce a methodology for madereras, que se refleja en una falta
donc, indispensable de mettre en place fauna inventories that is at once prac- de precisión. Es, pues, indispensable
une méthodologie d’inventaire de tical, inexpensive, suited to the log- establecer una metodología de inventa-
faune qui soit pragmatique, peu coû- ging company context and capable of rio de fauna pragmática, barata, adap-
teuse, adaptée au contexte des socié- producing a sufficiently accurate esti- tada al contexto de las compañías
tés forestières et qui garantisse une mation of fauna distribution. Many madereras y que garantice una estima-
estimation suffisamment précise de la authors have discussed and studied ción lo bastante precisa de la distribu-
répartition de la faune. De nombreux the effectiveness of the method ción de la fauna. Numerosos especialis-
auteurs ont développé et étudié l’effica- known as Distance sampling, which tas desarrollaron y estudiaron la
cité de la méthode baptisée « Distance estimates absolute animal densities eficacia del método bautizado
sampling », qui estime les densités ani- by means of line sampling. However, «Distance sampling», que estima las
males absolues, à partir d’un échan- the purpose of fauna inventories in densidades animales absolutas a partir
tillonnage par layon linéaire. logging concessions is mainly to de un muestreo por transectos lineales.
Néanmoins, les inventaires fauniques locate zones of interest with a view to Sin embargo, los inventarios faunísti-
réalisés dans les concessions fores- setting up a conservation sector. cos realizados en las concesiones
tières sont principalement destinés à Therefore, estimations of absolute forestales están destinados principal-
localiser les zones intéressantes dans density are by no means essential, mente a localizar las zonas interesantes
la perspective de la mise en place du and neither are they warranted, given con miras a establecer el sector de con-
secteur de conservation. L’estimation the difficulties, lack of precision and servación. Ello hace que la estimación
d’une densité absolue n’est donc nulle- additional costs of the method. In de la densidad absoluta no sea en
ment indispensable et ne se justifie order to gather as much data as pos- absoluto indispensable y no estaría jus-
pas, vu les nombreuses difficultés, sible with minimum effort, it would tificada debido a las numerosas dificul-
imprécisions et coûts supplémentaires be more appropriate to take as a tades, imprecisiones y costos suple-
qui sont liés à cette méthode. Afin d’ac- basis all signs of animal presence mentarios que acarrea este método.
cumuler un maximum de données en along management inventory trails, Con el fin de acumular un máximo de
un minimum d’effort, il serait, en effet, without converting them into datos con un esfuerzo mínimo, sería
plus pertinent de s’appuyer sur l’en- absolute animal densities. más conveniente basarse en el con-
semble des indices de présence ani- junto de los indicios de presencia ani-
male recensés sur les layons d’inven- Keywords: forest development, fauna mal contabilizados en los transectos de
taire d’aménagement, sans les conver- inventory, fauna management, con- inventario de ordenación sin convertir-
tir en densités animales absolues. servation sector, Central Africa. los en densidades animales absolutas.

Mots-clés : aménagement forestier, Palabras clave: ordenación forestal,


inventaire faunique, gestion de la inventario faunístico, manejo de la
faune, secteur de conservation, fauna, sector de conservación, África
Afrique centrale. central.
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In t r o du c t i on
Bien que divers facteurs socio- ces zones pourraient ensuite être inté- forestière d’aménagement (Ufa) 10-
économiques puissent expliquer la grées dans un secteur de conserva- 030, attribuée à la société Pallisco,
pression croissante dont est victime la tion intégrale clairement délimité basée à Mindourou, dans le sud-est du
faune d’Afrique centrale, l’exploitation dans le plan d’aménagement. Enfin, il Cameroun (figure 1). Un inventaire fau-
forestière est souvent évoquée conviendrait de proposer des mesures nique a été mis en œuvre dans cette
(Wilkie et al., 2000 ; White, 1992). adéquates de gestion de la chasse en Ufa, dans le cadre de la convention de
Nécessitant l’implantation d’un dehors de ce secteur. collaboration établie entre Pallisco et le
réseau routier, elle permet l’accès à Le présent article s’attache plus projet « Réseau de partenariat pour la
des zones autrefois inaccessibles particulièrement à la définition d’une gestion durable des forêts en Afrique
(photo 1) et l’installation de campe- méthode d’inventaire faunique et centrale (UE B7-6200/01/391/TF) »,
ments de chasseurs qui peuvent opé- d’analyse destinée à identifier des mis en œuvre par deux Ong de conser-
rer en toute impunité en l’absence de zones de la concession aptes à consti- vation et de gestion des ressources
contrôle (photo 2). Par ailleurs, le tuer le secteur de conservation, dans la naturelles : le Wwf qui est responsable
front d’exploitation est généralement perspective d’une mise en réserve. du volet stratégique et Nature Plus qui
suivi d’un front de colonisation entraî- Nous prendrons pour exemple l’unité gère le volet technique du projet.
nant une augmentation de la
demande locale de gibier et, par
conséquent, du nombre de chasseurs,
en particulier dans un contexte de
crise économique (Delvingt, 1995).
L’évolution récente des législa-
tions forestières en Afrique centrale
contraint à présent les entrepreneurs
forestiers à réaliser et à mettre en
œuvre des plans d’aménagement
forestier intégrant des objectifs de
protection des écosystèmes et de
conservation de la biodiversité.
Toutefois, les modalités concrètes
d’une telle intégration demeurent
très lacunaires. La certification fores-
tière est une seconde innovation
dont l’objectif est le renforcement de
la gestion durable des concessions
forestières en favorisant l’accès des
bois tropicaux certifiés à des mar-
chés dits « sensibles ». Elle se fonde
sur un ensemble de principes, cri-
tères et indicateurs (Pci) garants de la
gestion durable.
Logiquement, une intervention
en plusieurs étapes semble se justi-
fier. La première consisterait en la réa-
lisation d’inventaires fauniques desti-
nés à estimer l’abondance et la
répartition de la faune. Vu les faibles
moyens investis par les sociétés fores-
tières et les gigantesques superficies
à prospecter, il est indispensable
d’appliquer une méthode d’inventaire
pragmatique et peu coûteuse permet-
tant une délimitation suffisamment
précise des zones intéressantes d’un
point de vue faunistique. Certaines de
Photo 2.
Au cours de l’exploitation forestière, les campements de chasse se multiplient.
Les ouvriers forestiers constituent une demande solvable importante.
Photo L. Mathot.
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Contexte : révision
des méthodes
visibilité et à la difficulté d’approcher née par la formule suivante (Buck-
existantes suffisamment la plupart des espèces land et al., 1993) :
(Buckland et al., 1993 ; Plumptre,
L’i nve ntaire p ar t r an se c t s 2000 ; White, Edwards, 2001). En
l i n é aire s de s effet, seuls les petits primates sont
o b s e r va t io n s in dire c t e s suffisamment bruyants et détectables
pour permettre un suivi des popula- où Dc est la densité, n est le
Afin d’estimer les ressources tions par observation diurne directe. nombre d’observations réalisées, L
ligneuses de leurs concessions, les Toutefois, des inventaires nocturnes est la longueur du layon, g(x) est la
sociétés forestières engagées dans le sont envisageables pour estimer les fonction de détection, w est la lar-
processus d’aménagement mettent densités absolues des artiodactyles et geur du layon et y(x) est la largeur
généralement en place un réseau sys- des carnivores grâce à des taux de effective de transect, c’est-à-dire l’in-
tématique de layons linéaires espacés contact beaucoup plus élevés, comme tégrale de g(x) sur la largeur du layon.
de 1 à 3 km. Ces transects, divisés en décrit récemment par Julve (2005). Cette fonction caractérise l’évolution
parcelles géoréférencées, parcourent de la probabilité de détection en
l’entièreté du massif forestier. Afin Dis t an ce s amplin g, fonction de la distance perpendicu-
d’assurer un gain de temps et de coût p os s ibilit é d ’es t ima t io n laire à l’axe du layon.
considérable, ils peuvent être avanta- d e d en s it é a bs olue : Le cœur du problème du traite-
geusement utilisés dans le cadre des illus ion ou n éces s it é ? ment des données va être d’estimer
inventaires fauniques (Mathot, la relation entre la distance à la ligne
2003 b). En effet, l’échantillonnage par Par la méthode du transect de marche d’un animal et sa probabi-
layon linéaire est actuellement consi- linéaire (line transect), il est possible lité d’être détecté, soit la fonction de
déré par de nombreux auteurs comme d’estimer des densités animales par détection g(x). Le nombre d’observa-
la meilleure méthode pour assurer le observation directe (contact visuel tions nécessaires à la modélisation
suivi de la grande et moyenne faune en avec l’animal), voire indirecte (comp- de la probablilité de détection est
forêt tropicale humide, en particulier si tage de crottes, nids, etc.). Cette esti- compris entre 25 et 40 au minimum
l’utilisation de layons préexistants est mation repose sur le constat que la (Buckland et al., 1993).
envisageable. probabilité de détecter un animal, un Les observations directes d’ani-
Les techniques se basant sur les nid ou une crotte diminue avec la dis- maux étant très peu fréquentes en
comptages directs sont difficilement tance (perpendiculaire) au transect. forêt dense humide, la longueur
applicables en forêt dense, vu le faible L’estimation d’une densité le totale de transect à parcourir s’avère
taux de contact consécutif à une faible long d’un transect linéaire est don- trop importante. Par conséquent,
l’estimation d’une densité animale
en forêt dense humide n’est envisa-
geable que par voie indirecte (esti-
mation de la densité de crottes ou de
nids). En effet, les densités animales
peuvent théoriquement être obte-
nues grâce à l’estimation des fac-
teurs de conversion, c’est-à-dire du
taux de production et de dégradation
des crottes ou des nids. La relation
qui en résulte est la suivante :
D = Dc x Td/Tp
où D représente la densité ani-
male, Dc la densité de crottes ou de
nids sur le transect, Td le taux moyen
de dégradation des crottes ou des
nids, Tp le taux moyen de production
des crottes ou des nids (White,
Edwards, 2001).
Les résultats de Koster et Hart
(1998) sont généralement utilisés pour
calculer les densités de Cephalophus
Figure 1.
Concessions forestières de la société Pallisco, localisée à Mindourou,
dans le sud-est du Cameroun.
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Tableau I.
Inventaire des espèces et longueurs de transect à parcourir
pour obtenir une précision déterminée.
monticola et Cephalophus dorsalis à
partir des taux de défécation estimés. Espèce Nombre Longueur idéale
d'observations de transect en km
Ces derniers sont évalués respective-
directes de la (coefficent de variation
ment à 4,9 et 4,4 fèces par jour, avec présente étude de 15 %)
un coefficient de variation de 26,5 % et
29,5 %. La variabilité de ces facteurs Atherurus africanus 5 6 340
de conversion est donc beaucoup trop
élevée pour garantir une quelconque Cephalophus callipygus 18 1 761
précision dans l’estimation d’une den- Cephalophus dorsalis 7 4 529
sité (Plumptre, 2000 ; Walsh et al., Cephalophus monticola 2 15 850
2001 ; White, 1992). Même si les taux
Cephalophus sylvicultor 3 10 567
de défécation et de dégradation des
crottes d’éléphant (Loxodonta africana) Cephlophus monticola 8 3 963
sont mieux connus, Chifu Nchanji et Cercocebus galeritus 49 647
Plumptre (2001) ont montré la très Cercopithecus cephus cephus 88 360
grande variabilité de ces facteurs de
Cercopithecus negletus 1 31 700
conversion en fonction de plusieurs
variables : conditions climatiques, acti- Cercopithecus nictitans 78 406
vité biologique, conformation des Cercopithecus pogonias 264 120
crottes, insolation, couvert forestier, Colobus guereza 38 834
etc. Plumptre (2000) a également
Lophocebus albigena 180 176
montré que plusieurs centaines de
nids de chimpanzés ou de gorilles Manis tricuspis 2 15 850
étaient nécessaires pour détecter des Neotragus batesi 2 15 850
changements de 20 % dans une popu- Pan troglodytes troglodytes 1 31 700
lation étudiée. Il en est de même pour
Perodicticus potto 2 15 850
les études des groupes de petits pri-
mates qui doivent comptabiliser Tragelaphus spekei 2 15 850
encore plus d’observations directes.
De manière plus concrète, les
distances parcourues, le nombre
d’indices comptabilisés et les don-
nées relatives aux facteurs de conver-
sion sont souvent trop sommaires
pour permettre l’estimation des den- pilote, L0 la longueur du transect par- Finalement, précisons que l’esti-
sités animales de manière suffisam- courue au cours de l’étude pilote et mation d’une densité absolue néces-
ment précise, du moins dans le cadre CV(D) la précision voulue sur l’esti- site l’ouverture de nouveaux layons afin
des inventaires réalisés dans les mation de la densité. de ne pas biaiser les résultats, ce qui se
concessions forestières. Le tableau I reprend les lon- traduit par un supplément de travail et
Afin d’estimer la longueur de gueurs de transect à parcourir pour de coût important. Les anciens layons
transect à parcourir pour obtenir une obtenir une précision déterminée (ici, d’inventaire d’aménagement sont en
précision voulue, nous devons utili- coefficient de variation de 15 %). effet parcourus préférentiellement par
ser la formule : On constate que les longueurs à certaines espèces animales, ce qui
parcourir sont très importantes, hor- entraîne une surestimation de leurs
mis pour les primates. Toutefois, densités. De plus, l’ouverture de nou-
pour passer du nombre de groupes veaux layons doit être évitée dans la
de primates à celui du nombre de pri- mesure du possible car ils favorisent la
où sd(s) est l’écart-type de la mates, des études complémentaires chasse en servant de pistes aux chas-
taille des groupes, & la taille moyenne sont indispensables afin d’étudier la seurs (Mathot, 2003 a).
des groupes, n 0 le nombre d’ani- taille moyenne des groupes et l’écart-
maux détectés au cours d’une étude type de la taille des groupes.
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Mé th o de p r o p o s é e
Mé t hod olog ie
p ra t iq u e
La méthode proposée est celle bois dense et touffu rend plus difficile
des indices de comptage kilométrique la détection des indices de présence,
(Ick), une méthode simple et efficace de sorte qu’une diminution de l’Ick Taille d es éq uipes ,
d’estimation d’abondance relative. peut être due à une diminution de la v it es s e d e pro gres s ion,
Compte tenu des considéra- visibilité. Cette probabilité de détection réco lt e d e d o n n ée s
tions précédentes, il est indispen- en fonction de la distance au layon
sable d’accumuler un maximum de diminue d’autant plus vite que le milieu Dans le cadre de l’inventaire de
données en un minimum d’effort et est fermé. Il serait donc envisageable l’Ufa 10-030, réalisé en saison plu-
donc de se fonder uniquement sur de pondérer l’Ick obtenu à l’aide d’un vieuse, la technique a consisté à par-
les indices de présence animale sans coefficient de visibilité. Cependant, courir à une vitesse idéalement
les convertir en densité animale. Genet (2002) a montré que la visibilité constante et comprise entre 500 et
La méthode des indices de en sous-bois n’influence pas significati- moins de 1 000 m à l’heure les tran-
comptage kilométrique ou indices vement la valeur de l’Ick, qui apparaît sects linéaires. Ceux-ci sont espacés de
kilométriques d’abondance ( Ika) donc comme un indicateur pertinent et 3 km et divisés en parcelles de 50 m.
consiste simplement à calculer le stable pour estimer l’abondance rela- Chacune des deux équipes
nombre d’observations recensées tive des populations animales en forêt nécessaires à la réalisation du travail
par kilomètre : dense. Il permet d’accumuler un maxi- de terrain était composée de six per-
Icktotal = N/L mum d’informations en un minimum sonnes : un chef d’équipe, trois pis-
où N est le nombre total d’ob- d’effort et de coût. teurs et finalement deux porteurs,
servations sur le layon et L la lon- Néanmoins, afin de garantir une dont on peut généralement se passer.
gueur du layon en km. certaine fiabilité, la méthode des Ick Un des deux pisteurs se chargeait de
Le calcul des Ick présente l’avan- implique théoriquement deux à trois recenser les contacts visuels, alors
tage de la simplicité mais néglige la passages successifs sur les mêmes que les deux autres, légèrement en
diminution de probabilité de détection transects, en vue d’atténuer la varia- retrait par rapport au premier, invento-
des objets en fonction de la distance bilité liée à des conditions clima- riaient les observations indirectes. Le
par rapport au layon. En effet, un sous- tiques, phénologiques, etc. chef d’équipe notait en fonction de la

Tableau II.
Espèces prises en compte dans le cadre de l’inventaire de l’Ufa 10-030.

Observations directes et indirectes : Observations directes seulement :

Éléphant (Loxodonta africana cyclotis) Petits primates


Sitatunga (Tragelaphus spekei)
Céphalophe à dos jaune (C. sylvicultor)
Céphalophe « rouge » (C. dorsalis, C. leucogaster, C. nigrifons Signes d'activité cynégétique :
et C. callipygus)
Céphalophe bleu (C. monticola) Cabanes de chasse
Potamochère (Potamochoerus porcus) Campements
Gorille (Gorilla gorilla gorilla) Douilles
Chimpanzé (Pan troglodytes troglodytes) Pièges
Panthère (Panthera pardus) Pistes humaines
Pangolin géant (Smutsia gigantea)
Pangolin commun (Manis tricupsis)
Pangolin à longue queue (Uromanis tetradactyla)
Bongo (Tragelaphus euryceros)
Chevrotain (Hyemoschus aquaticus)
Buffle (Syncerus caffer)
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distance parcourue les observations Ca r t ogra ph ie d’activité cynégétique, répartition


de fèces, traces, nids, restes de repas, des rés ult a t s relative des indices de perturbation
dégâts, souilles et terriers ainsi que du milieu) selon la méthode Kernel,
les contacts visuels directs et les voca- L’utilisation d’un système d’in- qui analyse la distribution et la quan-
lisations. Les indices d’exploitation formation géographique (Sig) assure tité mesurée des objets d’un thème en
forestière sont également considérés. l’extrapolation à l’entièreté de l’Ufa mode points pour produire, en mode
Afin d’éviter tout risque de des résultats obtenus par échan- raster, une représentation spatiale de
confusion et de surcharger inutile- tillonnage systématique. l’abondance en surface continue.
ment l’analyse des données, seules Dans le cas présent, le logiciel Pour ce faire, un calcul de l’abon-
certaines espèces sont prises en Arcview et son extension Spatial ana- dance relative des observations est
compte. Il s’agit des espèces regrou- lyst ont été utilisés pour extrapoler opéré dans un rayon d’analyse déter-
pées dans le tableau II. des données ponctuelles à l’ensemble miné. Ce dernier doit être supérieur à
Trente-six jours ont suffit à inven- de la zone d’étude. La technique la distance entre deux layons paral-
torier les 237,75 km de layons divisés consiste à représenter des densités lèles consécutifs afin d’assurer une
en 4 755 parcelles de 50 m de lon- relatives d’observations (abondance représentation spatiale continue sur
gueur. Cela correspond à une moyenne des différentes espèces et des indices toute la zone d’étude.
d’un peu plus de 3 km de layon inven-
torié par jour et par équipe.

I mp a c t d e la c h as se

Outre les observations directes


des indices de chasse (douilles, lignes
de pièges, pistes, campements) quan-
tifiées sous forme d’Ick, d’autres para-
mètres permettent d’évaluer la pres-
sion de chasse. Ainsi, l’évolution du
rapport entre le nombre de cépha-
lophes « rouges » (C. callipygus, C. dor-
salis, C. leucogaster) et le nombre de
céphalophes bleus (C. monticola) offre
une idée de l’impact de la chasse sur la
faune. En effet, C. callipygus est sen-
sible aux activités anthropiques alors
que C. monticola (photo 3) est réputé
pour son caractère anthropophile,
C. dorsalis présentant un caractère
intermédiaire. La proportion de cépha-
lophes rouges et bleus est donc un
indicateur de la perturbation du milieu
(Delvingt, 1997) : plus la proportion
de céphalophes bleus est importante,
plus le milieu est perturbé.
Les primates constituent égale-
ment un indicateur de l’importance
et de l’impact de la chasse puisqu’ils
ne sont généralement chassés que
pour pallier une insuffisance de cap-
tures des autres animaux (Delvingt,
2001). En effet, l’importance de la
chasse aux primates et de la chasse
au fusil est généralement indicatrice
d’un milieu perturbé, car cette
méthode est efficace mais plus coû-
teuse (photos 4 et 5).
Photo 3.
Les céphalophes sont généralement les gibiers les plus chassés. Ici, un
céphalophe bleu (Cephalophus monticola), dont le taux de reproduction est élevé.
Celui-ci présente un énorme avantage dans un contexte de chasse intensive.
Photo L. Mathot.
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Précisons qu’en périphérie de la


zone inventoriée la couverture des
transects n’est pas uniforme et que le
rayon d’analyse intègre des surfaces
situées à l’extérieur de la zone d’étude
et ne comportant donc pas de don-
nées. Par conséquent, le potentiel
faunistique des zones périphériques
des Ufa sera sous-estimé. Toutefois,
cette sous-estimation n’est pas vérita- Photo 4. Photo 5.
blement problématique, sachant que Généralement, les hominidés sont La généralisation de la chasse au
les plus menacés par la chasse, fusil est l’une des menaces les plus
les zones périphériques conviennent notamment en raison d’un taux de sérieuses pour les forêts d’Afrique
moins pour la localisation du secteur reproduction faible et de la centrale. Ici, un hocheur (Cercopi-
de conservation. Elles sont en effet disparition progressive des thecus nictitans), tué par balle, sera
plus accessibles aux chasseurs, voire interdits ancestraux. commercialisé pour sa chair.
Photo L. Mathot. Photo L. Mathot.
aux exploitants illégaux.

Tableau III.
Résultats globaux (directs et indirects regroupés) de l’inventaire faunique réalisé dans l’Ufa 10-030.

Nom scientifique Nom pilote Indices Indices de Pourcentage


spécifiques comptage de présence**
de présence kilométrique
(Ick)*

Cephalophus callipygus, Céphalophe « rouge » (C. de 3 097 13,03 37,5


C. dorsalis, C. leucogaster, Peeters, C. à bande dorsale noire,
C. nigrifions C. à ventre blanc, C. à front noir)
Cephalophus monticola Céphalophe bleu 2 177 9,16 26,4
Cephalophus sylvicultor Céphalophe à dos jaune 427 1,8 5,2
Cercocebus agilis Cercocèbe agile 70 0,29 0,8
Cercopithecus cephus Moustac 89 0,37 1,1
Cercopithecus neglectus Singe de Brazza 1 0,004 0,0
Cercopithecus nictitans Hocheur 120 0,5 1,5
Cercopithecus pogonias Mone couronnée 302 1,27 3,7
Colobus guereza Magistrat 38 0,16 0,5
Gorilla gorilla gorilla Gorille 256 1,08 3,1
Hyemoschus aquaticus Chevrotain aquatique 52 0,22 0,6
Lophocebus albigena Mangabé à joues blanches 224 0,94 2,7
Loxodonta africana Éléphant de forêt 290 1,22 3,5
Manis gigantea Pangolin géant 133 0,56 1,6
Manis tricupsis, tetradactyla Pangolin commun, à longue queue 35 0,15 0,4
Pan troglodytes troglodytes Chimpanzé 51 0,21 0,6
Panthera p. pardus Panthère 2 0,01 0,0
Potamochoerus porcus Potamochère 696 2,93 8,4
Syncerus caffer nanus Buffle de forêt 35 0,15 0,4
Tragelaphus speke gratusi Sitatunga 155 0,65 1,9

* Regroupe tous les types d'indice de présence (empreintes, crottes, restes de repas, observations directes).
** Indices spécifiques de présence/total des indices de présence x 100.
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I d en t ifi ca t io n
du s ect eur
d e co n s er va t io n

Les différents paramètres à


considérer en vue de déterminer
les zones les plus intéressantes
d’un point de vue faunistique, dans
Figure 2.
Répartition de la faune et des activités anthropiques dans l’Ufa 10-030, la pe rspe cti ve d e le ur mis e e n
au Cameroun. En valeurs relatives et sans unités. réserve, sont : l’abondance de la
faune dans sa globalité (A) ; l’abon-
dance des espèces menacées et
sensibles (B) ; l’importance des
activités anthropiques et en parti-
culier de la chasse (C).
Afin de donner la même impor-
tance à ces trois variables, il est
nécessaire de les standardiser :
vsi = (vi – mv) / s (i = 1,…..n)
où vsi est la valeur standardisée de la
ième parcelle de la variable considé-
rée, vi la valeur de la ième parcelle de
la variable considérée, m v la
moyenne arithmétique et s l’écart-
type estimé.
Pour chaque parcelle d’inven-
taire, nous additionnerons ensuite la
valeur standardisée de l’abondance
animale avec la valeur standardisée
Figure 3. de l’abondance en espèces mena-
Évolution de la proportion de céphalophes rouges et bleus dans l’Ufa 10-030, cées, desquelles nous soustrairons
au Cameroun. En valeurs relatives et sans unités.
la valeur standardisée de l’activité
cynégétique (A + B – C). L’indice
obtenu sera appelé « potentiel de
conservation faunistique ».
D’un point de vue botanique,
la richesse spécifique, la diversité
spécifique, l’endémisme et la rareté
sont les quatre paramètres à consi-
dérer (Doucet, 2003). Le calcul des
valeurs standardisées de ces quatre
variables est également envisa-
geable, quoique plus complexe
étant donné les centaines d’es-
pèces à considérer et les difficultés
liées à leur détermination précise.
Les valeurs standardisées floris-
tiques et faunistiques peuvent alors
constituer des couches de données
superposables.

Figure 4.
Évolution du potentiel de conservation au sein de l’Ufa 10-030, au Cameroun.
En valeurs relatives et sans unités.
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2006, N° 287 (1)
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FOCUS / FAUNA INV EN TORY

R és u l t a t s D is c u s s ion concessions forestières, qui consiste


principalement à localiser les zones
Le tableau III donne les résul- Afin d’améliorer la représentati- riches d’un point de vue faunique.
tats globaux (directs et indirects vité des résultats, il est nécessaire de Le tableau IV résume les avan-
regroupés) de l’inventaire faunique garantir un taux d’échantillonnage tages des deux méthodes existantes,
basé sur la méthode des Ick dans élevé. L’inventaire systématique à dont la complémentarité est mani-
l’Ufa 10-030. partir des layons d’inventaire d’amé- feste. Si les moyens mis à disposition
La répartition globale de la nagement apparaît dès lors comme le et le temps imparti le permettent, en
faune et des activités anthropiques meilleur compromis en regard des regard des objectifs de l’étude, nous
est représentée par la figure 2. objectifs et des moyens mis en œuvre proposons l’estimation d’une densité
Globalement, les indices de présence par les sociétés forestières (Doucet et absolue à partir des layons préexis-
animale sont moins nombreux dans al., 2002 ; Genet, 2002 ; Mathot, tants afin de limiter les coûts et les
l’ouest de l’Ufa, zone déjà exploitée. 2003 b). Il est envisageable d’invento- voies d’accès en forêt. Les résultats
Plus précisément, c’est l’extrême sud- rier seulement une parcelle sur deux seront biaisés puisque certaines
est de l’Ufa et plus encore la base de dans l’ensemble des layons étant espèces, dont l’homme, parcourent
la pointe de l’Ufa qui s’étend vers le donné la grande densité du réseau de préférentiellement les layons, mais
nord-est qui sont les plus riches. On layons d’inventaire d’aménagement. cela permettra la prise en compte de
remarque également que c’est dans Par contre, l’inventaire d’un layon sur la diminution de probabilité de détec-
cette dernière zone que l’on rencontre deux diminuerait la couverture de la tion des crottes et nids en fonction de
la plus grande abondance cumulée zone étudiée et rendrait les résultats la distance par rapport au layon.
en espèces sensibles (gorille, chim- moins représentatifs. Divers facteurs sont suscep-
panzé, buffle, éléphant, chevrotain Le but principal étant de délimi- tibles d’influencer la qualité et la
aquatique, colobe guereza). ter des zones riches en espèces ani- représentativité des résultats obte-
À titre illustratif, la figure 3 males en vue de leur intégration nus : la taille des équipes d’inven-
considère l’évolution du rapport éventuelle dans le secteur de conser- taire, le laps de temps séparant l’ou-
céphalophes rouges/céphalophes vation, l’estimation d’une densité verture du layon d’inventaire, le
bleus au sein de l’Ufa 10-030. On y absolue n’est pas indispensable. Elle nombre de passages par layon ainsi
perçoit l’impact négatif de l’activité constitue effectivement un travail de que la saison et la disponibilité en
cynégétique (présence de pièges, longue haleine qui surcharge le tra- ressources alimentaires qui lui est
campements, douilles) sur la faune vail de terrain et entraîne un surcoût liée (Mathot, 2003 a ; White, 1992).
et en particulier les céphalophes. On important, conduisant à une diminu- Il est donc indispensable de
remarque, en effet, que la proportion tion inacceptable du taux d’échan- standardiser la méthodologie déve-
de céphalophes rouges diminue par tillonnage et du nombre d’indices de loppée au sein des concessions
rapport à celle de céphalophes bleus présence relevés par unité de temps. forestières :
dans les zones renfermant davantage En outre, la qualité des estimations ▪ Une équipe minimale serait composée
d’indices d’activité cynégétique, en de densités absolues est générale- d’un prospecteur recensant les traces
particulier dans le nord-est de l’Ufa. ment insuffisante, comme nous au sol, d’un prospecteur spécialisé
Enfin, la figure 4 identifie les l’avons expliqué. Il est donc préfé- dans la recherche des nids d’homini-
zones prioritaires de conservation sur rable de se fonder sur la détermina- dés et dans la reconnaissance des
la base du potentiel faunistique (en tion des Ick ou Ika, qui constitue une petits primates, ainsi que d’un techni-
noir sur la figure). Ces zones devront méthode pragmatique, fiable et cien assurant la prise de notes. Par rap-
être privilégiées dans la perspective moins onéreuse. port au protocole de l’inventaire utilisé
de leur mise en conservation, en par- En effet, les Ick présentent comme référence pour cet article, nous
ticulier si leur richesse botanique est l’avantage de la simplicité et consti- préconisons donc le recrutement d’un
confirmée. En raison de l’accessibilité tuent des indicateurs pertinents et seul pisteur ayant pour mission le
supérieure, de l’abondance en pièges suffisamment stables pour pouvoir recensement des traces au sol. En effet,
et du caractère anthropisé (forte pro- estimer l’abondance relative des cela ne diminue pas la vitesse de pro-
portion de céphalophes bleus) de la populations animales en forêt dense. gression et n’influence pas la qualité
zone située au nord-est de l’Ufa, c’est Les investissements et l’effort à des résultats, pour autant que le travail
finalement la zone riche localisée consentir par unité de longueur sont du pisteur soit contrôlé consciencieuse-
dans l’extrême sud-est qui consti- minimes par rapport à la méthode ment par le chef d’équipe. En outre,
tuera le secteur de conservation. visant à estimer des densités abso- l’abondance des indices de présence
lues, ce qui garantit un taux de son- au sol et la base de données consécu-
dage supérieur. De plus, les Ick sont tive sont généralement suffisantes et
bien adaptés à l’objectif des inven- ne nécessitent pas le recensement de
taires fauniques réalisés dans les l’ensemble des empreintes.
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2006, N° 287 (1)
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I N V EN TA I RE FAU N I QU E / LE POINT SUR…

Tableau IV.
Avantages des deux méthodes existantes d’inventaire, densité absolue et Ick.

Ick ou Ika Distance sampling

Taille des équipes réduite Estimation éventuelle mais imprécise


d'une densité absolue
Utilisation des layons préexistants Prise en compte de la diminution de probabilité
de détection des nids et crottes en fonction de la
distance par rapport au layon
Vitesse de progression plus élevée
Coût par unité de longueur moindre
Taux d'échantillonnage plus élevé
Prise en compte de l'ensemble des indices de présence animale
Adapté à l'objectif de localisation du secteur de conservation

▪ Les inventaires doivent être réalisés çant la répartition de la faune. La capa- cifique, la diversité spécifique, l’endé-
après un intervalle de temps constant cité d’accueil du milieu est le second misme et la rareté sont les quatre
entre l’ouverture des layons et ces facteur à prendre en compte. Une paramètres botaniques à considérer.
inventaires, afin de limiter la pertur- étude réalisée ultérieurement par Après standardisation, ils pourront
bation inhérente à leur création et de Sonke et Achoundong (2004) être additionnés aux paramètres fau-
permettre la comparaison des résul- confirme l’intérêt des zones priori- nistiques : l’abondance de la faune
tats d’une étude à l’autre. taires de conservation définies grâce dans sa globalité, l’abondance des
▪ Finalement, la saison des pluies est aux inventaires de faune (en noir sur la espèces menacées et sensibles et
préférable car les empreintes sont figure 4), non plus d’un point de vue enfin l’importance des activités
davantage visibles. Toutefois, il faunistique mais floristique. En effet, anthropiques, en particulier de la
s’avère aussi intéressant de réaliser ces auteurs montrent que les zones chasse.
des inventaires fauniques complé- identifiées initialement comme inté- L’utilisation d’un Sig, Arcview et
mentaires en saison sèche afin d’étu- ressantes d’un point de vue faunis- son extension Spatial analyst dans le
dier les mouvements de la faune tique présentent une richesse et une cas présent, assure une meilleure
d’une saison à l’autre. diversité spécifiques botaniques très visualisation des résultats ponctuels
Afin d’estimer l’impact de la élevées (indice d’équitabilité de qui sont extrapolés à l’ensemble de
chasse, le bien-fondé du rapport Piélou, de Shannon et de Simpson la zone d’étude grâce à une représen-
céphalophes rouges/céphalophes variant respectivement de 0,85 à 0,94, tation spatiale des observations en
bleus a déjà été documenté dans de 5,08 à 5,88 et de 18,35 à 32,43 surface continue. Un certain biais
plusieurs études cynégétiques pour 8 layons de 1 km de long et 5 m des résultats est toutefois inévitable
(Delvingt, 1997 ; Delvingt, 2001). de large). Une diversité spécifique éle- puisque la couverture des transects
Comme le montre la figure 3, le nord- vée correspond d’ailleurs générale- n’est pas uniforme et que le rayon
est de l’Ufa 10-030, qui renferme une ment à un biotope dont la capacité d’analyse peut intégrer des segments
grande abondance d’indices d’acti- d’accueil est élevée (Gillet et al., de transects de longueurs diffé-
vité cynégétique, est caractérisé par 2003). En outre, 83 % des espèces rentes, en particulier en bordure de
une très faible proportion de cépha- recensées par Sonke et Achoundong la zone d’étude. Malgré ces biais
lophes rouges. Le présent article (2004) sont sarcochores, c’est-à-dire inévitables mais peu significatifs,
confirme encore l’intérêt de cet indice que leurs diaspores sont totalement cette méthode assure une localisa-
qui apporte une information essen- ou partiellement charnues et dissémi- tion plus visuelle et objective des
tielle au gestionnaire de la faune. nées par les animaux (zoochorie). Cela zones intéressantes d’un point de
Les noyaux d’affluence de la souligne l’importance du rôle des ani- vue faunistique et/ou floristique,
figure 2 (répartition globale de la maux, y compris des grands mammi- dans la perspective de leur mise en
faune) ne correspondent pas à ceux de fères, dans la dissémination des dia- conservation.
la figure 3 car l’activité cynégétique, spores et la régénération au sein de La prise de décision concernant
dont l’influence est considérée grâce à ces forêts qui correspondent, par leur la délimitation du secteur de conser-
l’évolution de la proportion de cépha- production fruitière, à un biotope riche vation consiste alors en un compro-
lophes « rouges » et bleus, n’est évi- et favorable à la faune. Comme l’ex- mis entre l’intérêt économique et
demment pas le seul facteur influen- plique Doucet (2003), la richesse spé- environnemental des zones étudiées.
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FOCUS / FAUNA INV EN TORY

Remerciements
Nous tenons à remercier particulière-
ment MM. Rougeron, Pasquet,
Douaud et Mme Douaud de la société
R. Pallisco ainsi que MM. Vanden-
haute et Hubert de Nature Plus,
Ekodeck et Meigari du Wwf Carpo et
M. Odounkang ainsi que les dix pis-
teurs qui ont participé aux inven-
taires.

Références
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