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5.3.

Expertise ornithologique I
Objectif :

Comprendre comment élaborer un protocole d'expertise ornithologique cohérent


avec son cahier des charges et sa problématique.
Connaître les principaux protocoles employés en France pour l'inventaire et le
suivi des populations d'oiseaux.

I. Introduction
Quels sont les objectifs de l'expertise ornithologique ?

 Inventorier les espèces présentes sur un site


 Suivre l’évolution des populations
 Analyser l’exploitation spatiale d’un territoire par les oiseaux (ex : flux migratoires,
zones de chasse)
 Actualiser la répartition d’une espèce à grande échelle
 Suivre la reproduction d’un couple ou d’une population

A quelles problématique peuvent-ils répondre ?

 Améliorer les connaissances sur un territoire ou une espèce (biologie, écologie…)


 Evaluer l’état de conservation d’une espèce
 Etudier les connectivités écologiques d’un territoire
 Evaluer la qualité d’un milieu
 Dans le cadre d’une étude réglementaire
 Suivre l’efficacité de mesures de protection ou de gestion

II. Rappel de méthodologie d'élaboration de son protocole


Etape 1 : identifier les besoins en fonction de ma problématique

 Type de données à récolter (qualitatives, semi-quantitatives, quantitatives)


 Degré d'exhaustivité nécessaire
 Degré de précision des données (localisation précise, informations sur
l’observation…)

Il s'agit de mon cahier des charges de terrain.

Etape 2 : identifier les contraintes associées à ma problématique

 Le degré d’exigence de mon cahier des charges


 L’écologie des oiseaux (ex: espèces cryptiques, nocturnes, etc.)
 La taille du territoire à étudier
 L’investissement humain
 Le coût financier (coût du temps affecté, matériel nécessaire)

Etape 3 : se poser les bonnes questions


 Quelle est ma problématique ? Quels sont mes objectifs ?

 De quelles données (type, format, informations, etc.) ai-je besoin pour répondre à ma
problématique ?

 Quel protocole peut m’apporter ces informations ?

 Ce protocole est-il compatible avec mon calendrier prévisionnel et mes moyens


(humains et financiers) ?
Piège :

Un protocole mal choisi ou mal dimensionné et c’est l’erreur assuré :

- Les données ne correspondent pas à mon cahier des charges et ne sont donc
pas exploitables pour répondre à ma problématique

- Je réalise au dernier moment que je n'ai pas les moyens financiers ou humains
pour réaliser le travail de terrain

- Mon calendrier prévisionnel n’est pas compatible avec les besoins du protocole

Etape 4 : choisir son protocole


Définition :

Méthodes absolues : elles visent à obtenir des valeurs non biaisées du nombre
d’individus et/ou des espèces présentes, se rapportant à une surface déterminée

Méthodes relatives : elles permettent d’obtenir l'abondance relative des espèces


d'oiseaux, ou plus généralement des informations partielles par rapport aux
méthodes absolues

Identifier les biais en amont du travail de terrain

 Inhérent au protocole (limites d'exhaustivité, rigueur, homogénéité, qualité de la


méthode d'inventaire employée)
 Le biais observateur
 Les facteurs aléatoires (météorologie, pollutions sonores, dérangement des
espèces…)

Réaliser un état de l'art vis-à-vis des espèces ciblées par le protocole


 Bien connaître l'écologie des oiseaux étudiés afin d'adapter au mieux la méthode
d'inventaire
 Analyser les données disponibles sur le territoire étudié (espèces potentielles
attendues) : bases de données
 Adapter son protocole aux périodes d'activité des oiseaux (figures ci-dessous ;
Blondel, 1975)

III. Les protocoles d'inventaire (phase reproduction)


Nota Bene :

Cette partie est non exhaustive et présente les protocoles utilisés couramment en
France.

La méthode des plans quadrillés


Cette méthode est basée sur la cartographie des territoires des oiseaux nicheurs sur une
surface délimitée. On cherche à dénombrer, pour chaque espèce présente, le nombre de
territoires occupés sur cette surface : la densité de nids / couples par espèce.

Au cours de 8 à 10 visites bien réparties sur la saison de reproduction, on note en se


déplaçant très lentement sur l’ensemble de la surface quadrillée tous les comportements et
manifestations sonores ou visuelles de toutes les espèces présentes (chant, cris, querelles,
parades, contacts simultanés, nids, juvéniles, transport de matériaux, etc.).

Toutes ces données sont reportées sur une cartographie de la zone d'étude sectorisée par
des quadrats avec des codes et des symboles par espèces et par comportements. Après
chaque visite, on reporte sur des plans spécifiques les données concernant chaque espèce
(une carte par espèce). En fin de saison, en croisant toutes les données, on peut alors
délimiter les territoires en repérant les concentrations de données. On peut alors en déduire
le nombre de couples nicheurs rapporté à la surface d’étude (densité).
Remaque :

Cette méthode permet d'obtenir des valeurs absolues. Néanmoins, elle se limite à
des zones d'étude de petite taille (20-30 hectares maximum en forêt, 80-100
hectares maximum en milieux agricoles ouverts). Elle nécessite un
investissement important en temps de terrain et reste donc particulièrement
couteuse. L'efficacité de la méthode reste variable en fonction de la probabilité de
détection de chaque espèce. Elle n'est que peu adaptée aux espèces présentant
un grand territoire car cela suppose des zones d'étude beaucoup plus vastes.
Enfin, elle est réservée aux ornithologues expérimentés et n'est pas adaptable aux
enquêtes de sciences participatives.

La méthode de comptage au sol ou aérien


Cette méthode relativement simple implique d'étudier des espèces dont les nids sont
facilement identifiables ou installés sur des zones dégagées. Elle est particulièrement
adaptée au recensement des laro-limicoles et Ardéïdés. Ce protocole n'est pas applicable
pour les passereaux. Il nécessite de bonnes compétences en ornithologie pour
l'identification à vue des espèces et implique parfois une perturbation partielle des oiseaux
en reproduction (voir exemples ci-dessous).
Exemple :

Recensement des nids de Sternes à pied sur les ilots de Villeneuve-lès-Maguelone

Exemple :

Comptage en hélicoptère ULM des nids de Grande Aigrette dans les roselières du
Marais du Vigueirat (Parc naturel national de Camargue)
Indices Ponctuels d'Abondance (I.P.A)
La méthode des IPA est la plus fréquemment employée en France et permet d'obtenir une
abondance relative des populations d'oiseaux nicheurs présents. Elle consiste à effectuer
des points d’écoutes d’une durée déterminée (20 minutes) et de noter tous les contacts avec
les individus vus ou entendus. Pour chaque contact, l'observateur estime la direction et la
distance approximative de l'oiseau sur une carte. Chaque observation est détaillée via un
système de cotation :

 Mâles chanteurs (1 couple)


 Nids occupés (1 couple)
 Groupes familiaux (1 couple)
 Signes caractéristiques d'une reproduction avérée (transport de sacs fécaux ou de
matériaux, nourrissage : 1 couple)
 Cris entendus (0.5 couple)
 Oiseaux observés (0.5 couple)

Deux passages sont réalisés sur le point d'écoute :

 Un premier pour inventorier les nicheurs précoces (début avril)


 Un second pour inventorier les nicheurs tardifs (fin mai - début juin)

Les points d'écoute peuvent débuter une heure avant le lever du soleil et continuer jusqu'à 3
heures après le lever du soleil (voir le graphique ci-dessus concernant l'activité vocal des
oiseaux durant la journée ; Blondel, 1975). Pour chaque milieu ou territoire étudié, il est
nécessaire de réaliser plusieurs points d’écoute répartis de manière homogène afin d’avoir
un bon échantillonnage des espèces présentes. Il est impératif d'espacer les points d'écoute
de 400 mètres afin d'éviter les risques de double comptage (certaines espèces comme le
Pic vert s'entendent sur des distances importantes).
Remaque :

Bien que très fréquemment employée, cette méthode est souvent mal
dimensionnée, la durée des points d'écoute est devenue variable selon les
protocoles, le nombre de points d'écoute est parfois trop faible, l'espacement
minimal entre les points n'est pas toujours respecté et ces biais rendent
inexploitables certains résultats. Elle ne tient pas compte du degré de
détectabilité des espèces. Enfin, dans le cas où nous chercherions à recenser des
espèces spécifiques et notamment patrimoniales, ce protocole est insuffisant et
trop généraliste.

Indices Kilométriques d'Abondance (I.K.A)


Cette méthode dérivée des transects permet, dans un milieu suffisamment homogène,
d’obtenir une abondance relative spécifique pour chaque espèce d'oiseau observée par
rapport à une unité de distance (kilomètre). La méthode des IPA qui a vu le jour plus
tardivement est inspirée de ce protocole et a transformé la densité par unité de distance en
densité par unité de surface.

De la même manière que pour la méthode des IPA, il s'agit de réaliser deux dénombrements,
l’un en début de saison pour les nicheurs précoces et l’autre en fin de saison pour les
nicheurs tardifs, durant les heures optimales pour la détection des oiseaux et en utilisant le
système de cotation détaillé dans la partie précédente.

L'itinéraire défini doit être rectiligne, d'une longueur connue et compris entre 500 et 1000
mètres. L’observateur avance à une vitesse régulière (1 à 2 km/h) en marquant un arrêt tous
les 20 mètres. Il peut choisir de dénombrer les oiseaux d’un seul côté ou des deux côtés de
l'axe de progression. L trajet peut être réalisé en aller-retour.
Remaque :

La méthode des IKA est aujourd'hui moins utilisée en France, l'approche par
linéaire limitant l'exploitation des résultats : déterminer l'abondance d'une espèce
par rapport à une unité de distance rend particulièrement difficile l'estimation de la
densité et de la taille des populations. Les résultats de ce protocole dépendent
principalement du choix judicieux des itinéraires à parcourir.

Echantillonnages Ponctuels Simples (E.P.S)


La méthode des EPS est utilisée dans le cadre du Suivi Temporel des Oiseaux Communs
(STOC-EPS). L'objectif de ce programme est d'étudier les tendances d’évolution des effectifs
reproducteurs des espèces d’oiseaux communs en France. Pour répondre à cet objectif, il
fallait développer un protocole simple, facilement reproductible dans toute la France par
n'importe quel opérateur, et permettant d'acquérir des données de présence/absence et
quantitative.

Chaque ornithologue qui le désire, se voit attribuer par le Centre de recherches sur la
biologie des populations d'oiseaux (CRBPO) un carré de 2 km de coté choisi aléatoirement
près de son lieu d’habitation (dans un rayon de 10 kilomètres). L’ornithologue doit réaliser 10
points d’écoutes (EPS) dans son carré en les répartissant de la manière la plus homogène
possible et proportionnellement aux habitats présents dans le carré. Pour chaque EPS,
l’observateur note durant 5 mn tous les individus différents d’oiseaux vus et entendus et
complète son suivi d’une fiche informative sur l’habitat échantillonné. Le protocole prévoit
deux passages chaque printemps sur chaque lot d'EPS avec 4 à 5 semaines d'intervalle.
C'est donc un protocole rapide et accessible qui nécessite un temps de terrain limité mais
un engagement bénévole sur plusieurs années.

Le programme STOC-EPS coordonné par le CRBPO est réalisé depuis 1989. Il est complété
par le STOC-capture : ce second programme repose sur des opérations de baguage
standardisées qui ont lieu dans des stations spécifiques réparties dans toute la France.

Le programme STOC est un indicateur majeur à long terme de l'état des populations en
France permis grâce à un réseau d'ornithologues bénévoles.

Remaque :

Ce protocole est reconductible, facile à prendre en main par n'importe quel


opérateur et permet un suivi à large échelle à long terme tout en limitant le temps
de travail de terrain (facilitant le développement du réseau bénévoles). La durée
des points d'écoute EPS reste néanmoins insuffisante pour contacter l'ensemble
de la diversité aviaire présente (entre 60 et 80%).

4. Conclusion
Résumé :

L'expertise ornithologique nécessite une réflexion structurée afin de définir sa


problématique, ses objectifs, ses besoins et sa méthode. Identifier le protocole qui
répond à sa problématique est l'élément clé afin de réaliser une expertise de
qualité.

5. Sources et documents complémentaires


Blondel, J. (1975). L’analyse des peuplements d’oiseaux, éléments d’un diagnostic
écologique I. la méthode des échantillonnages fréquentiels progressifs (EFP). La terre et la
viehttp://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/58479/LATERREETLAVIE_1975
_4_533.pdf

Programme STOC

https://www.vigienature.fr/fr/suivi-temporel-des-oiseaux-communs-stoc

Fiche ATEN
https://courseware.epfl.ch/assets/courseware/v1/
b280564657a48bdc40dbbaa209254b8d/asset-v1:EPFL+suivi-
eco+2017_T1+type@asset+block/4.8_-_Denombrement_des_oiseaux__global_.pdf

Méthodologie d'inventaire MNHN dans le cadre des ABC

http://spn.mnhn.fr/spn_rapports/archivage_rapports/2011/SPN%202011%20-%209%20-
%20Methodologie_volet2_ABC-version_aout-2011.pdf

Faune France

https://www.faune-france.org/

6. Liste rouge et espèces protégées


Liste rouge des oiseaux de France

https://inpn.mnhn.fr/docs/LR_FCE/UICN-LR-Oiseaux-diffusion.pdf

Liste des oiseaux protégés sur le territoire français

https://inpn.mnhn.fr/reglementation/protection/listeEspecesParArrete/713

7. Outils de détermination
Le Guide Ornitho de Lars Svensson, aux éditions Delachaux est la référence absolue de
l'identification ornithologique en France. Si on ne doit posséder qu'un livre sur les oiseaux,
c'est celui-là.

Atlas des oiseaux de France métropolitaine. Nidification et présence hivernale. ISSA N,


MULLER, Y.2015. Delachaux et niestlé.

https://www.faune-france.org/
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xeno-canto est un site web dédié au partage des sons d'oiseaux du monde entier. Que vous
soyez un chercheur, un ornitho ou simplement curieux de savoir quel est ce son que vous
avez entendu par la fenêtre de la cuisine, le site vous invite à écouter, télécharger et explorer
les enregistrements de la collection.
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