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PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE
a stimulé le commerce dans la région. En 2017, recettes budgétaires consécutives à la baisse des
les trois quarts des échanges intrarégionaux ont eu droits de douane seront probablement faibles, en
lieu dans le cadre des principales communautés moyenne, mais pourraient être importantes dans
sous-régionales. Le processus a fait émerger de un petit nombre de pays qui continuent d’appli-
grands pôles régionaux comme l’Afrique du Sud, quer des droits à l’exportation élevés. Qui plus
la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Sénégal (voir FMI, est, l’approfondissement de l’intégration écono-
2015). Contrairement aux exportations vers le mique peut avoir des effets néfastes sur la réparti-
reste du monde, les flux commerciaux intrarégio- tion des revenus, notamment quand l’économie
naux sont assez diversifiés, concernent des biens à est plus diversifiée et la main-d’œuvre qualifiée re-
plus forte valeur ajoutée et comprennent une part lativement nombreuse. Ces effets sont néanmoins
non négligeable de produits manufacturés (auto- d’une faible ampleur, car la taille importante du
mobiles et vêtements par exemple). secteur informel dans l’économie, tout en accen-
tuant les inégalités globales, isole certains segments
• Malgré cette expansion, il est encore possible de la population des effets à court terme des flux
d’approfondir notablement l’intégration com- commerciaux. De surcroît, ils tendent à s’estomper
merciale régionale. Nonobstant leurs niveaux de avec le temps. Enfin, les petits pays, les économies
revenus et leur poids économique plus faibles et plus diversifiées et les pôles commerciaux régio-
le fait que les distances y sont généralement plus naux établis, déjà exposés à la concurrence interna-
importantes que dans d’autres régions, ces pays tionale, sont susceptibles d’être plus avantagés par
présentent certaines particularités qui semblent l’approfondissement de l’intégration régionale que
limiter leur potentiel commercial par rapport aux les pays où l’agriculture et les ressources naturelles
pays d’autres régions. Quelques-unes sont d’ordre jouent un rôle prépondérant.
structurel et nécessiteraient un engagement à
long terme en faveur du changement. D’autres Ce chapitre montre pour l’essentiel que la ZLECAf
sont liées aux politiques conduites (droits de pourrait considérablement stimuler les échanges com-
douane, réglementations commerciales, exigences merciaux intrarégionaux en Afrique, à condition d’ac-
réglementaires, par exemple) et leur suppres- tionner à la fois les leviers tarifaires et non tarifaires.
sion permettrait de stimuler l’intégration régio- Il faudrait une baisse globale des droits de douane
nale. Les possibilités de développer le commerce pour obtenir des effets notables sur les flux commer-
intrarégional sont particulièrement importantes ciaux dans la région. À terme, l’élimination des droits
pour certains produits de base liés à l’agriculture sur 90 % des flux existants — qui constitue l’objectif
(produits alimentaires, par exemple) et aux in- le plus ambitieux visé par la ZLECAf — entraînerait
dustries manufacturières, ainsi que dans certaines une augmentation d’environ 16 % du commerce ré-
communautés économiques sous-régionales afri- gional (16 milliards de dollars). Ces réductions de-
caines où le volume des échanges est nettement vraient être complétées par des politiques ciblant les
moindre que dans d’autres communautés. obstacles non tarifaires. Dans ce domaine, des progrès
même modestes sont susceptibles de produire des ef-
• Actuellement, l’intégration commerciale intrarégio- fets appréciables. Améliorer la logistique du com-
nale est limitée par les droits de douane, mais plus merce — les services douaniers par exemple — et re-
encore par des goulets d’étranglement non tari- médier à la médiocrité de l’infrastructure pourraient
faires. En effet, l’expérience des communautés éco- être jusqu’à quatre fois plus efficace qu’une baisse
nomiques sous-régionales montre qu’il ne suffit pas des droits de douane pour stimuler les échanges. En
de réduire les droits de douane pour accélérer l’in- outre, la réduction des obstacles non tarifaires ac-
tégration régionale. Il faut s’attaquer à d’autres obs- centuerait l’effet stimulant des baisses de droits de
tacles majeurs comme la logistique du commerce douane sur le commerce, surtout dans les pays en-
et, dans une moindre mesure, l’infrastructure, en clavés et à faible revenu. Il serait donc souhaitable
particulier dans les pays enclavés et à faible revenu. que l’effort d’approfondissement de l’intégration
commerciale en Afrique consiste au premier chef à
• La suppression des obstacles au commerce en vue lever une partie des obstacles non tarifaires, en par-
de favoriser les échanges intrarégionaux peut avoir ticulier la médiocrité de la logistique commerciale et
des effets différents selon les pays. Les pertes de des infrastructures.
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3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ?
Afin que l’intégration commerciale régionale bénéficie Le total des importations (exportations) de services
effectivement à tous, des politiques devraient être mises a plus que triplé, passant de 27 (20) milliards de
en place pour réduire les coûts d’ajustement qu’elle dollars en 1990 à environ 90 (89) milliards de dol-
peut générer. Les pays dont l’économie est moins di- lars en 2017 (graphique 3.1).
versifiée ou essentiellement agricole devraient associer
leur politique commerciale à des réformes structurelles • Le commerce intrarégional s’est beaucoup dé-
pour améliorer la productivité agricole ou renforcer veloppé en parallèle. Il représentait environ
leurs avantages comparatifs. Certains pays devront 12 % du total des importations africaines en
prendre des mesures pour recouvrer les recettes fiscales 2017, contre approximativement 5 % en 1990.
et atténuer les pertes de recettes attendues en raison des Mais ces statistiques sous-estiment les flux in-
réductions tarifaires (FMI, 2018b). Il faut aussi atté- trarégionaux effectifs, car elles ne reflètent pas
nuer les effets négatifs temporaires de la libéralisation le commerce transfrontalier informel, pourtant
des échanges sur la répartition des revenus, en particu- très développé2. Néanmoins, seuls les échanges
lier dans les pays où l’économie est plus diversifiée, en commerciaux avec la Chine, en croissance ra-
lançant des programmes sociaux ciblés (soutien des re- pide depuis une dizaine d’années, et ceux avec
venus, par exemple) et des programmes de formation l’Union européenne dépassaient, en propor-
pour faciliter la mobilité de la main-d’œuvre d’une en- tion, le commerce avec les pays africains en 2017
treprise et d’un secteur à l’autre et pour promouvoir (graphique 3.2).
l’emploi (FMI, 2017a). Graphique 3.1. Afrique : ouverture commerciale, 1990–2017
(Total des importations et des exportations de biens et de services)
PRINCIPALES TENDANCES DE 120
Écart interquartile
L’INTÉGRATION COMMERCIALE 100 Médiane
RÉGIONALE EN AFRIQUE
Pourcentage du PIB
80
Ouverture plus large et potentiel
d’approfondissement de l’intégration 60
commerciale régionale 40
Pourcentage
25
tions et exportations de biens et de services) est 40
20
passée d’environ 53 % à 67 % du PIB, après avoir 30
15
culminé aux alentours de 2011, dans un contexte 20
10
de flambée des prix des produits de base. Cet essor 5 10
reflétait à la fois une augmentation des volumes et 0 0
une évolution favorable des prix, qui ont un peu 1990 95 2000 5 10 15
remodelé le paysage des partenariats commerciaux Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; calculs
de l’Afrique : de nouveaux partenariats ont été éta- des services du FMI.
Note : la part du commerce est définie comme la moyenne de deux
blis avec des pays émergents comme la Chine et le ratios : 1) part du total des exportations africaines et 2) part du total
commerce des services s’est également développé. des importations africaines. UE = Union européenne.
2
D’après les données d’enquête, le commerce informel transfrontalier est important en Afrique. Plus tôt dans la décennie, les exportations
informelles de l’Ouganda vers d’autres pays d’Afrique orientale représentaient pas moins d’un tiers du commerce formel régional. Dans la
Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), le commerce informel de certains produits alimentaires atteignait 30 % à
40 % du commerce officiel au début des années 2000 (BAfD, 2012).
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PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE
60
40
5
20
0 0
GIN
LBY
LBR
SLE
LSO
NGA
GNQ
COG
GNB
DZA
MAR
TUN
GHA
UGA
CIV
COD
TCD
RWA
COM
KEN
SEN
BWA
MOZ
BFA
SSD
BEN
MWI
SWZ
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GMB
STP
AGO
ETH
ZMB
MLI
GAB
TZA
CMR
ZWE
SOM
MRT
MDG
MUS
DJI
CAF
NAM
TGO
CPV
SDN
NER
ERI
BDI
Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; FMI, base de données des Perspectives de l’économie mondiale.
Note : Pays classés par ordre décroissant de PIB, hors Afrique du Sud (sous forme de résidu). La part de chaque pays dans le commerce est la
moyenne des exportations et des importations rapportée au total du commerce régional africain. L’intégration commerciale régionale relative est
définie comme le ratio part du commerce régional/part du PIB régional. Voir à la page vi la liste des abréviations des pays.
3
Il convient de noter que les réexportations, substantielles dans certaines sous-régions (l’Union douanière d’Afrique australe (SACU)
par exemple), peuvent contribuer à une hausse des indicateurs d’intégration commerciale intrarégionale et fausser les comparaisons.
Néanmoins, faute de données, il n’est pas possible de déterminer le rôle des réexportations dans les tendances d’importation.
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3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ?
Pourcentage
Pourcentage
Pourcentage
60 60 60 60
Pourcentage
Pourcentage
40
40 40 40 40
20
20 20 20 20
0
1990 93 96 99 2002 0 05 0 08 11 14 17 1990 93 96 99 2002 0 050 08 11 14 17
1990 1990
93 96 93 99 96 2002
99 2002
05 0805 11
08 14 11 1714 17 1990 1990
93 96 93 99 96 2002
99 200205 08 05 11 08 14 11 17 14 17
Produits manufacturés Produits alimentaires Minéraux
Produits
Produits
Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; calculs des services du FMI. manufacturés
manufacturés ProduitsProduits alimentaires
alimentaires Minéraux
Minéraux
produits manufacturés. En revanche, les exportations commerce dans d’autres régions du monde, et la créa-
intrarégionales comprennent des produits à plus forte tion de chaînes de valeur y semble limitée. Par rap-
valeur ajoutée : pendant cette période, les produits ma- port à celui d’autres régions, le commerce intrarégional
nufacturés représentaient en moyenne quelque 40 % africain est plus axé sur les minéraux et moins sur les
du commerce intrarégional (camions, automobiles, produits manufacturés (graphique 3.3). En outre, les
etc.), les minéraux, 44 % (cuivre et autres) et les pro- échanges intra-industriels sont plus faibles que dans
duits agricoles (dont le maïs), 16 % (graphique 3.5). d’autres régions, attestant d’une moins bonne insertion
dans les chaînes de valeur régionales (graphique 3.7).
Dans ce contexte, les pays dont l’économie est plus
diversifiée tendent à commercer relativement plus Communautés économiques sous-régionales :
avec les pays de la région. Même dans les commu- incidence des coûts du commerce liés aux
nautés économiques régionales (CER) africaines, la droits de douane et aux mesures non tarifaires
sophistication structurelle des exportations va de pair
avec une augmentation des exportations intrarégio- L’expérience des CER africaines apporte un éclairage
nales (graphique 3.6). sur les facteurs susceptibles d’influencer les échanges
intrarégionaux sur le continent. Le développement
Toutefois, les échanges commerciaux en Afrique des flux commerciaux régionaux observé en Afrique
concernent toujours en priorité des produits moins depuis quelques décennies est allé de pair avec la créa-
transformés et à moindre teneur technologique que le tion et l’extension de plusieurs CER, dont certaines
Graphique 3.6. Intégration commerciale régionale Graphique 3.7. Indices Grubel–Lloyd
et sophistication des exportations, 2015 (commerce intrabranche) régionaux, 2015
12 0,5
Reste de l’Afrique SADC Hors AfSS
10
Intégration commerciale
0,4
régionale relative
8
0,3
Indice GL
6
4 0,2
2 0,1
0
7,5 8 8,5 9 9,5 0,0
Sophistication des exportations ALENA UE ASEAN Mercosur PAFTA Afrique
Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; Cherif, Source : calculs des services du FMI.
Hasanov et Wang (2018) ; calculs des services du FMI. Note : L’indice (compris entre 0 et 1) mesure la propension de deux pays
Note : L’indice de sophistication des exportations est établi sur la à exporter et importer dans la même branche (code à 4 chiffres). Plus
base de l’étude de Hausmann, Hwang et Rodrik (2006). L’intégration l’indice est élevé, plus les échanges commerciaux intrabranche sont
commerciale régionale relative est définie comme le ratio part du importants (annexe 3.2 en ligne). ALENA = Accord de libre-échange
commerce régional/part du PIB régional. AfSS = Afrique subsaharienne. nord-américain ; ASEAN = Association des nations de l’Asie du Sud-Est ;
SADC = Communauté de développement de l’Afrique australe. PAFTA = Zone panarabe de libre-échange ; UE = Union européenne.
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PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Graphique 3.8. Afrique : moyenne des droits Graphique 3.9. Afrique : Intégration au sein des communautés
de douane par communauté économique régionale économiques régionales
Figure
20 3.8. Africa: Average Tariff Rates by Regional (Importations intrarégionales des CER en pourcentage
du total des importations, 2015)
25
15 Commerce intrarégional
Pourcentage
20 Commerce intra-africain
10
Pourcentage
15
5 Au sein des CER (préférentiel) Reste de l’Afrique
Reste du monde Au sein des CER (AHS) 10
0
UMA COMESA CEMAC CEDEAO SADC 5
Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; estimations des
Sources
services : Système d’analyse et d’information commerciales (TRAINS)
du FMI. 0
Notede: Un
la CNUCED et estimations
taux de droit desproche
préférentiel services
dedu FMI.dans une communauté
zéro UMA CEMAC COMESA CEDEAO SADC
économique régionale (CER) ne signifie pas nécessairement qu’aucun Sources : Banque mondiale ; Nations Unies, base de données
droit n’est applicable, car, dans certaines CER, tous les membres ne COMTRADE ; calculs
Sources : base des services
de données du FMI. des Nations Unies; Banque
COMTRADE
sont pas parties à l’accord de libre-échange. AHS = droit effectivement Note : Le commerce intra-africain exclut les échanges entre pays
appliqué. « Reste de l’Afrique » et « Reste du monde » renvoient à AHS. membres de la même communauté économique régionale (CER).
CEDEAO = Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ; CEDEAO = Communauté économique des États de l’Afrique de
CEMAC = Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale ; l’Ouest ; CEMAC = Communauté économique et monétaire de
CER = communauté économique régionale ; COMESA = Marché l’Afrique centrale ; COMESA = Marché commun de l’Afrique orientale
commun de l’Afrique orientale et australe ; SADC = Communauté de et australe ; SADC = Communauté de développement de l’Afrique
développement de l’Afrique australe ; UMA = Union du Maghreb arabe. australe ; UMA = Union du Maghreb arabe.
appliquent des droits préférentiels presque nuls aux De surcroît, les échanges entre pays membres de
échanges entre leurs pays membres (graphique 3.8). CER différentes restent limités (annexe en ligne 3.2),
À l’heure actuelle, la quasi-totalité des pays africains sans doute en raison des taux de droits encore assez
sont membres de communautés de ce type, et 75 % élevés auxquels ils sont soumis et qui avoisinent en
des échanges commerciaux intrarégionaux se répartis- moyenne 12 % à 15 % (graphique 3.8). Le faible ni-
saient entre 5 CER en 2017, la SADC représentant à veau des échanges commerciaux entre certains pays
elle seule la moitié de ces échanges4. est peut-être également lié à un problème de longue
date : de nombreux pays sont parties à plusieurs CER
Toutefois, la baisse des droits de douane sur les échanges et accords appliquant des règles commerciales dif-
commerciaux au sein des CER africaines a eu des ef- férentes (règles d’origine, par exemple), ce qui aug-
fets inégaux sur les flux commerciaux dans les sous-ré- mente le coût des transactions commerciales sur le
gions concernées, laissant entrevoir la présence d’obs- continent. Remédier à ces problèmes constitue à la
tacles non tarifaires importants. Dans la SADC, par fois un objectif et un défi pour la ZLECAf.
exemple, les flux ont atteint des sommets après la réduc-
tion des droits de douane, et la part du commerce intra- COMMENT LA ZLECAF PEUT-ELLE
communautaire a notablement augmenté. Dans d’autres SOUTENIR L’INTÉGRATION
CER, en revanche, la baisse des droits de douane ne s’est
pas traduite par un gonflement des flux commerciaux
COMMERCIALE RÉGIONALE
sous-régionaux (par exemple dans la Communauté éco- EN AFRIQUE ?
nomique et monétaire de l’Afrique centrale, CEMAC).
Il semble donc que des facteurs non tarifaires freinent le Le développement des flux commerciaux internatio-
commerce, y compris le niveau élevé des coûts du com- naux et régionaux a joué un rôle non négligeable dans
merce non liés aux droits de douane et la faible diversifi- l’accélération de la croissance en Afrique ces dernières
cation des exportations. De fait, dans les pays membres années (FMI, 2015 ; FMI, 2018c). La ZLECAf de
des CER en question, les coûts non tarifaires qui pèsent 2018 constitue un nouveau tournant sur la voie
sur le commerce sont parmi les plus élevés de la région d’une intégration régionale approfondie et d’une
(graphique 3.9) et les exportations sont relativement peu croissance plus rapide et plus durable. Néanmoins,
diversifiées (annexe en ligne 3.2). les divers résultats obtenus dans les CER africaines
4
L’analyse se concentre sur cinq grandes CER qui couvrent l’essentiel du continent africain et ne se chevauchent que très peu. Il s’agit d’un
sous-échantillon de nombreuses CER africaines (zones de libre-échange, unions douanières, unions monétaires, etc.) imbriquées les unes
dans les autres (annexe en ligne 3.2).
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3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ?
0,5
D’après les estimations, les pays africains commer- –0,5
ceraient moins que les pays d’autres régions (gra- –1,5
phique 3.10). Autrement dit, outre leur taille et leur
–2,5
degré de développement, les économies africaines
–3,5
présentent des particularités en raison desquelles le CAE CEDEAO CEMAC COMESA UMA
niveau de l’activité commerciale est plus faible que Source : estimations des services du FMI.
dans d’autres régions. Ces particularités sont entre Note : Les moustaches correspondent à un intervalle de confiance
autres des facteurs structurels propres aux économies de 95 %. Pour plus de détails sur la régression de gravité, voir
l’annexe en ligne 3.3. CAE = Communauté d’Afrique de l’Est ;
africaines et des facteurs liés aux politiques conduites CEDEAO = Communauté économique des États de l’Afrique de
(droits de douane, médiocrité de la logistique et des l’Ouest ; CEMAC = Communauté économique et monétaire de
l’Afrique centrale ; COMESA = Marché commun de l’Afrique orientale
infrastructures, offre de crédit limitée, etc.) (annexe et australe ; SADC = Communauté de développement de l’Afrique
en ligne 3.3). Il semble également ressortir de l’ana- australe ; UMA = Union du Maghreb arabe.
lyse empirique que certaines sous-régions et cer- alimentaires, les produits sylvicoles et autres produits
tains secteurs peuvent encore considérablement ap- primaires ainsi que les produits manufacturés, est
profondir l’intégration commerciale. Plusieurs CER moins important que ne le prévoit le modèle de gra-
comme la CEMAC, l’Union du Maghreb arabe vité ; les échanges dans ces secteurs pourraient donc
(UMA), le Marché commun d’Afrique orientale être davantage développés (graphique 3.12).
et australe (COMESA) et la Communauté écono-
mique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) Malgré l’effet positif sur le commerce des CER et des
couvrent une majorité de pays africains tout en droits de douane préférentiels quasi nuls qu’elles ap-
comptabilisant moins d’échanges commerciaux que pliquent, des déficits d’échanges commerciaux sont
les CER les plus performantes du continent ; il serait observés. Ils reflètent peut-être les goulets d’étran-
donc possible, semble-t-il, d’approfondir l’intégration glement non tarifaires qui subsistent dans ces com-
commerciale dans ces sous-régions (graphique 3.11). munautés, ainsi que d’autres obstacles comme la
Selon des estimations empiriques, le commerce in- disparité des régimes commerciaux, qui entrave les
trarégional des marchandises, telles que les produits échanges entre communautés.
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PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Graphique 3.12. Afrique : déficits d’échanges Graphique 3.13. Élasticité du commerce intrarégional
commerciaux intrarégionaux par secteur aux droits de douane, par secteur
1,5 (Importations intrarégionales des CER rapportées
au total des importations, 2015)
niveau de référence du secteur
1,0
Différence par rapport au
0,5 20
0,0 0
de douane
–1,0
–1,5 –40
–2,0
–60
Combustibles
fossiles
Produits
manufacturés
Matériels
Produits
alimentaires
Produits
chimiques
Produits
sylvicoles/miniers
Boissons/tabac
Huiles
alimentaires
–80
Combustibles
fossiles
Produits
manufacturés
Matériels
Produits
alimentaires
Produits
chimiques
Produits
sylvicoles/miniers
Boissons/tabac
Source : estimations des services du FMI.
Note : Les secteurs sont classés par ordre décroissant de part dans le
commerce intra-africain. Les bâtons représentent le déficit, dans chaque
secteur, par rapport au commerce intra-africain donné par le modèle Sources : Système d’analyse et d’information commerciales (TRAINS)
de gravité (annexe en ligne 3.3). Les moustaches correspondent à de la CNUCED ; estimations des services du FMI.
l’intervalle de confiance de 95 %. Rouge clair = coefficient non significatif. Note : Les secteurs sont classés par ordre décroissant de part dans le
commerce intra-africain. Les bâtons représentent la sensibilité du commerce
Avantages liés à la ZLECAf et mesures aux droits de douane selon le modèle de gravité (annexe en ligne 3.3). Les
moustaches correspondent à un intervalle de confiance de 95 %.
envisageables pour stimuler notablement
l’intégration commerciale régionale mesurés récemment (annexe en ligne 3.3). Des baisses
moins importantes auraient bien entendu des effets
Comprendre les facteurs à l’origine des déficits impor- globaux plus modestes5.
tants d’échanges commerciaux intrarégionaux et iden-
tifier les politiques pouvant contribuer à stimuler ces Outre les droits de douane, la distance paraît être, en
échanges sera essentiel pour la réussite de la ZLECAf. Afrique, un obstacle au commerce intrarégional plus
gênant que dans d’autres régions du monde (annexe en
La forme la plus visible et mesurable des obstacles ligne 3.3). C’est le signe que certains facteurs non tari-
au commerce — et l’un des aspects centraux de la faires alourdissent singulièrement le coût du commerce
ZLECAf — réside dans le niveau des droits de douane. des marchandises pour les pays africains et contribuent
Représentent-ils un frein important au commerce in- sans doute aux déficits commerciaux régionaux. L’un
trarégional en Afrique ? L’analyse empirique fondée des facteurs essentiels est la médiocrité des services fa-
sur un modèle de gravité appliqué aux pays africains cilitant les échanges, comme la logistique et les in-
montre que les baisses des droits de douane peuvent frastructures de transport, les procédures à la frontière
doper le commerce intrarégional, en particulier des et les pratiques douanières. Les barrières non tarifaires
produits minéraux, des produits manufacturés et dans courantes telles que les contingents, les licences et les
les secteurs liés à l’agriculture (graphique 3.13). Bien règles d’origine complexes ou dissemblables ainsi que
que l’élasticité estimée des flux commerciaux aux droits les obstacles sanitaires, phytosanitaires et techniques
de douane en Afrique soit relativement limitée, l’effet jouent également un rôle critique, de même que l’ab-
global d’une baisse très étendue des droits de douane, sence d’environnement économique et réglementaire
telle qu’elle est envisagée dans le cadre de la ZLECAf, approprié. À cet égard, les pays africains font partie des
pourrait être appréciable. La suppression des droits de pays où les coûts non tarifaires du commerce sont les
douane sur 90 % des flux d’échanges intrarégionaux plus élevés au monde (graphique 3.14).
actuellement frappés majorerait d’environ 16 milliards
de dollars (soit de près de 16 %) la valeur du com- Quels sont les obstacles non tarifaires qui contribuent
merce intrarégional par rapport aux niveaux moyens à expliquer les déficits commerciaux intrarégionaux
5
Il est prévu que les pays membres de la ZLECAf suppriment les droits de douane sur 90 % des produits, avec possibilité d’appliquer la
réduction soit aux lignes tarifaires, soit aux valeurs à l’importation. L’impact potentiel de ces deux options sur la libéralisation des échanges
est relativement différent. Cibler les lignes tarifaires pourrait se solder par des réductions tarifaires ne représentant pas plus de 15 % de la
valeur des importations (CEA, 2018).
48
3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ?
Graphique 3.14. Coût des mesures non tarifaires, 2015 Graphique 3.15. Élasticité du commerce intrarégional
(Équivalent tarifaire) (Équivalent tarifaire)
5 Facteurs indirects
2
150
1
100
0
50
-1
0
Logistique
Infrastructure
Crédit/PIB
Éducation
Droits de douane
affaires
d’Asie
Source : Banque mondiale, base de données sur les coûts
du commerce ; Nations Unies, base de données CESAP.
49
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Graphique 3.16. Importance des obstacles non tarifaires Graphique 3.17. Potentiel d’augmentation
(Classement optimisé (méthode de la forêt d’arbres décisionnels) du commerce intrarégional en Afrique
0,16 (Variation en pourcentage des flux d’échanges commerciaux)
35
0,14 30
Variation en pourcentage
25
Importance
du commerce
0,12 20
15
0,10 10
5
0,08
0
Logistique du
commerce
Infrastructure
Éducation
Crédit/PIB
Climat des
affaires
Crédit Logistique Infrastructure Droits de
23 19 40 douane
50
Source : estimations des services du FMI.
Sources : Banque mondiale, base de données de l’indice de Note : Les valeurs en abscisse correspondent à la variation en
performance logistique ; Forum économique mondial ; calculs pourcentage de l’indicateur nécessaire pour atteindre la moyenne
des services du FMI. mondiale.
7
Tous les indices sont des mesures synthétiques d’indicateurs existants. Par exemple, l’indice relatif à l’infrastructure couvre huit
indicateurs, dont la qualité des routes et des voies ferrées et l’accès à l’électricité.
50
3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ?
1. 1. Qualité
Qualité dede l'infrastructure
l'infrastructure 2. 2. Logistique
Logistique commerciale
commerciale
1,81,8 1,41,4
1,61,6 seuil
seuil
1,21,2
1,41,4 seuil
seuil
11
1,21,2
11 0,80,8
0,80,8 0,60,6
0,60,6
0,40,4
0,40,4
0,20,2 0,20,2
00 00
NGA
BEN
UGA
SEN
GHA
RWA
KEN
CIV
DZA
MAR
MWI
BFA
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ZAM
MOZ
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NGA
BEN
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GHA
DZA
MAR
MWI
RWA
KEN
MOZ
CIV
BFA
ETH
AGO
GAB
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BEN
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CMR
Sources : Banque mondiale, base de données de l’indice de performance logistique ; Forum économique mondial ; calculs des services du FMI.
Note : Les seuils sont estimés à partir d’un modèle de panel avec effets fixes (Hansen, 1999). Les seuils identifient les ruptures structurelles qui
partagent l’équation en deux régimes différents sur le plan de l’élasticité du commerce aux droits de douane. Voir à la page vi la liste des abréviations
des pays.
Dans les pays dotés d’une infrastructure insuffi- d’étranglement non tarifaires sont essentielles pour
sante, des progrès dans ce domaine multiplieraient dynamiser le commerce intrarégional en Afrique.
potentiellement par deux l’effet de stimulation des L’analyse se fonde jusqu’ici sur des modèles d’équi-
échanges produit par la baisse des droits de douane. libre partiel et ne rend pas compte des effets de ré-
Cet effet est particulièrement puissant dans les pays troaction. Les modèles d’équilibre général calculable
enclavés. Ces résultats sont pertinents pour l’Afrique : (EGC) tiennent compte des effets de détournement
la plupart des pays africains sont relativement mal des échanges et de création d’échanges qu’engendrent
classés en ce qui concerne la qualité de l’infrastruc- les chocs tarifaires et non tarifaires en exploitant les
ture (graphique 3.18) et un tiers environ sont en- avantages comparatifs des pays et les ajustements de
clavés, indiquant que la médiocrité de l’infrastructure salaires et de prix à l’échelle mondiale8. Appliqués au
en Afrique diminue l’efficacité des réductions tari- commerce intrarégional en Afrique, les modèles EGC
faires censées stimuler les échanges commerciaux sur confirment tous que la réduction des coûts non ta-
le continent. Pour les pays enclavés, la logistique joue rifaires a bien plus d’effets sur les flux commerciaux
aussi un rôle important. Elle influe davantage sur leur que la suppression des droits de douane. On estime
capacité à commercer, et les services logistiques de que l’élimination des droits de douane perçus dans
base renforcent considérablement l’impact des baisses le cadre du commerce intrarégional permet d’aug-
tarifaires sur le commerce. Globalement, l’améliora- menter les échanges commerciaux dans la région
tion de l’infrastructure et de la logistique commer- d’environ 15 % à 25 % à moyen terme, tandis qu’une
ciale de base est particulièrement importante pour réduction de moitié des obstacles non tarifaires pro-
que les pays enclavés puissent tirer profit des réduc- duirait des effets plus de deux fois supérieurs. Les
tions tarifaires. modèles montrent également que les baisses tarifaires
ont un effet limité sur le bien-être et que seule la ré-
Dans les pays à faible revenu, plusieurs facteurs non duction simultanée des obstacles tarifaires et non ta-
tarifaires agissent sur l’efficacité des réductions tari- rifaires peut avoir des effets bénéfiques notables sur le
faires. La médiocrité de l’infrastructure et l’insuffi- bien-être et le PIB (annexe en ligne 3.5)9.
sance du capital humain contribuent conjointement à
amoindrir l’efficacité des réductions tarifaires prévues Bien que le débat concernant la ZLECAf se soit prin-
pour stimuler l’intégration commerciale. cipalement focalisé sur le commerce des biens, la li-
béralisation du commerce des services, y compris fi-
Globalement, les travaux empiriques indiquent nanciers, est tout aussi importante pour le bien-être
que les politiques de suppression des goulets des pays, même si le manque de données empêche
8
Bien qu’ils reflètent diverses interactions économiques, ces modèles ne rendent pas compte de l’effet transformateur que le commerce
peut exercer sur l’économie d’un pays.
9
Les études récentes semblent montrer que le gain de bien-être pourrait atteindre 0,5 % à moyen terme si les droits de douane frappant
les échanges intrarégionaux étaient supprimés. En combinant suppression des droits de douane et réduction de moitié des obstacles non
tarifaires, le gain à moyen terme irait jusqu’à 0,6–3,8 % et le PIB augmenterait d’environ 1 % (annexe en ligne 3.5).
51
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE
souvent toute analyse approfondie. Dans la majo- tournées vers la production manufacturière, les pôles
rité des pays africains, le secteur des services est le commerciaux régionaux existants ainsi que les petites
pan le plus important de l’économie (FMI, 2017b) ; économies sont déjà relativement plus ouverts à la
le commerce des services peut donc être décisif pour concurrence internationale et susceptibles de mieux
leur développement. Il peut aussi avoir un effet po- tirer parti de l’intégration commerciale régionale que
sitif sur le commerce des marchandises en permet- les économies axées sur l’agriculture ou les ressources
tant aux pays de mieux exploiter leurs avantages com- naturelles (annexe en ligne 3.5).
paratifs (Banque mondiale, 2012). Néanmoins, en
Afrique, les barrières au commerce des services de- Que peuvent faire les pays pour tirer le meilleur parti
meurent relativement élevées (BAfD, 2019) et les ser- des possibilités offertes par la ZLECAf ? Les études
vices se rapportent souvent à des activités générale- sur le sujet indiquent que l’essor du commerce peut
ment réglementées. Par conséquent, la poursuite de la provoquer des changements structurels importants en
libéralisation du commerce des services nécessite de rendant la production plus efficiente et en permettant
coordonner politiques commerciales et réformes de la diffusion de connaissances et de technologies entre
la réglementation intérieure, un processus qui peut les pays (FMI, 2016). Dans ce contexte, les réformes
se révéler complexe, car il exige de disposer d’infor- structurelles complémentaires qui augmentent l’effi-
mations détaillées sur la réglementation et les restric- cience dans les secteurs où les pays en développement
tions au commerce en vigueur dans chaque secteur et détiennent des avantages comparatifs (l’agriculture,
de capacités techniques considérables, qui font défaut par exemple) peuvent amplifier l’effet positif d’une
dans bien des pays. activité commerciale plus intense et rehausser le PIB
davantage que ne le ferait le commerce à lui seul.
CONSÉQUENCES DE LA ZLECAF POUR Même si les réformes structurelles peuvent avoir leur
LES PAYS AFRICAINS : BIEN-ÊTRE, utilité dans tous les pays, il faut déterminer si elles
sont susceptibles d’aider les économies plus agricoles
RÉPARTITION DES REVENUS et moins diversifiées à mieux tirer parti de la libérali-
ET RECETTES BUDGÉTAIRES sation du commerce.
Même si l’on peut encore fortement développer le Un modèle d’équilibre général stochastique intégrant
commerce en Afrique, les avantages et les coûts liés à de multiples secteurs et différentes productivités sec-
l’expansion des échanges commerciaux peuvent se ré- torielles est utilisé pour étudier cette question. Il est
partir inégalement au sein des pays et entre eux. Le étalonné pour un pays africain stylisé exportateur de
programme continental d’intégration commerciale produits agricoles. Le scénario de référence est mo-
portera ses fruits s’il bénéficie à tous et tient compte difié en abaissant les droits de douane pour refléter
des coûts d’ajustement qui vont de pair avec l’ouver- l’impact de la ZLECAf et en augmentant la produc-
ture aux échanges. Cette section évalue l’effet poten- tivité du secteur agricole, dans lequel le pays détient
tiellement différent qu’aura la ZLECAf dans les dif- déjà un avantage comparatif, tout en tenant compte
férents pays africains ainsi que sur la distribution des de la mobilité intersectorielle de la main-d’œuvre.
revenus dans les pays et sur leurs recettes budgétaires. Cette augmentation de la productivité peut refléter
Elle recense également les politiques complémentaires des réformes structurelles permettant par exemple
à mettre en œuvre pour que l’intégration commer- d’améliorer les rendements de produits d’exportation
ciale profite à tous. essentiels (annexe en ligne 3.6).
Renforcer les effets de la ZLECAf D’après l’analyse, compléter la ZLECAf par des ré-
en procédant à des réformes structurelles formes structurelles renforcerait considérablement
ses effets sur le PIB des pays en développement et des
Pour les dirigeants, l’une des questions centrales est pays principalement agricoles. L’effet additionnel du
de savoir si la ZLECAf améliorera le bien-être dans commerce sur le PIB produit par les réformes struc-
les pays membres. D’après plusieurs études fondées turelles augmente avec l’efficacité de ces réformes.
sur des modèles EGC, la capacité des pays africains à L’impact sur le PIB du développement des échanges
tirer avantage de la ZLECAf dépend de la structure commerciaux peut même être majoré d’un tiers si les
de leur économie. Celles qui sont plus diversifiées et réformes structurelles sont efficaces (graphique 3.19).
52
3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ?
Pourcentage
Pourcentage
Pourcentage
10
Sept des dix pays les plus inégalitaires au monde sont en Afrique (www.indexmundi.com/facts/indicators/si.pov.gini/rankings).
53
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE
de revenu11. L’augmentation des exportations agri- l’effet initialement négatif de l’ouverture du régime
coles se traduit par une hausse des revenus dans commercial sur la redistribution s’estompe à mesure
les zones rurales, où vit une majeure partie de la que l’économie s’ajuste. À cet égard, les pays africains
population pauvre. L’effet est plus marqué si les ne se distinguent guère des autres pays. Certains élé-
droits de douane sur les intrants intermédiaires ments indiquent en outre que l’approfondissement de
de la production agricole (engrais, machines, l’intégration commerciale n’est pas synonyme de pau-
etc.) sont réduits, car les coûts de production s’en vreté accrue. Comme avec le modèle, les estimations
trouvent diminués, ce qui fait encore augmenter empiriques confirment que la libéralisation du com-
les revenus de la population rurale12. merce va de pair avec une meilleure répartition des
revenus dans les pays dotés d’un secteur agricole rela-
• Chez les exportateurs de produits manufacturés, tivement important et que, si les activités informelles
l’ouverture aux échanges creuse quelque peu les sont liées à une plus forte inégalité des revenus, elles
inégalités, la hausse des exportations tendant en tendent à atténuer les effets à court terme de la libé-
effet à bénéficier aux entreprises qui embauchent ralisation des échanges sur la répartition des revenus
du personnel très qualifié et mieux rémunéré, (annexe en ligne 3.7)15.
d’où des inégalités de revenu plus importantes.
La baisse des droits de douane sur les intrants in- Sauf rares exceptions, les baisses de recettes
termédiaires amplifierait cet effet sur les revenus. budgétaires sont faibles
L’importance du secteur informel dans les pays afri- L’une des craintes concernant la ZLECAf est que les
cains est une des raisons pour lesquelles le renforce- réductions tarifaires entraînent des pertes de recettes
ment de l’intégration commerciale y a des effets li- et créent des tensions budgétaires. La ZLECAf s’ac-
mités sur les inégalités. Par nature, le secteur informel compagnera-t-elle de pertes de recettes notables et
est plus inégalitaire (s’il concerne surtout des activités que peuvent faire les pays pour préserver la viabilité
peu qualifiées) et concentré dans les biens et les ser- budgétaire ?
vices non exportables, ce qui le rend relativement in-
sensible aux effets de l’intégration commerciale et L’examen des données relatives aux recettes budgé-
isole une grande partie de la population des effets du taires et aux échanges commerciaux des pays afri-
commerce (annexe en ligne 3.6)13. cains indique que, en moyenne, les pertes de recettes
budgétaires dues à la ZLECAf devraient être limi-
L’analyse empirique confirme largement les prédic- tées. En Afrique, les recettes douanières sont dans
tions du modèle et fournit certains éclairages impor- l’ensemble assez faibles et seul un petit pourcentage
tants. Globalement, une intégration commerciale de ces recettes dépend du commerce régional (gra-
plus poussée n’accentue pas les inégalités de revenu phique 3.21). Au cours de la période 2010–15, les re-
à moyen terme. Mais elle les creuse effectivement à cettes douanières s’élevaient à environ 2,5 % du PIB
court terme, car elle peut faire baisser la part des re- en moyenne (16 % du total des recettes fiscales) et les
venus revenant aux plus pauvres14. Il semble donc que importations régionales, y compris les importations
11
Selon les estimations, le coefficient de Gini baisse de 0,2 % pour chaque augmentation de 1 % des flux d’échanges commerciaux. Par
conséquent, si la ZLECAf devait entraîner une progression de 16 % des flux (voir sections précédentes), la diminution du coefficient de
Gini par rapport à son niveau initial pourrait atteindre 3 %.
12
Chez les exportateurs de ressources naturelles, les inégalités reculent moins que chez les exportateurs de produits agricoles. Les activités
liées aux ressources naturelles consomment davantage de capital et favorisent les détenteurs de capital les plus riches, mais elles sont aussi
imposées plus lourdement et génèrent donc un surcroît de ressources à redistribuer.
13
Le secteur informel est censé produire principalement des biens et des services non échangeables, sur lesquels le commerce n’a donc pas d’effets.
Pour une analyse de l’informalité en Afrique et de son poids important en Afrique subsaharienne, voir Medina, Jonelis et Cangul (2017).
14
Certaines études récentes ont constaté que l’ouverture aux échanges s’accompagnait d’un faible niveau d’inégalité (Jaumotte, Lall et
Papageorgiou, 2013). Néanmoins, ces travaux couvrent uniquement des données antérieures au début des années 2000 et l’utilisation de
données plus récentes explique la conclusion différente (annexe en ligne 3.7).
15
Il convient de préciser que l’analyse se concentre sur des mesures globales des inégalités de revenu, mais que les inégalités d’une région ou
d’un groupe social à l’autre (les femmes ou les jeunes, par exemple) au sein d’un même pays peuvent varier sensiblement en fonction du
contexte national.
54
3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ?
8
Recettes générées par les droits de douane et autres droits
6 Moyenne
Pourcentage du PIB
0
TZA
ZAF
DZA
SLE
TUN
COD
CPV
BEN
CIV
SYC
LBR
UGA
MAR
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MWI
MUS
BDI
MOZ
MDG
ZMB
ETH
EGY
RWA
AGO
COG
TGO
ZWE
Source : FMI, département des finances publiques, base de données relative aux indicateurs de recettes fiscales.
Note : À l’exclusion des pays de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU), sauf l’Afrique du Sud, car les recettes douanières de la SACU sont
mises en commun. Voir à la page vi la liste des abréviations des pays.
intra-CER frappées de droits nuls, représentaient en- 0,3 % du PIB (annexe en ligne 3.8)17. Toutefois,
viron 17 % des importations totales. La situation compte tenu des droits de douane existants et des
était radicalement différente il y a deux décennies liens commerciaux régionaux, les pertes de recettes
seulement, avant que de nombreux pays africains ne dans certains pays pourraient être importantes, de
deviennent membres de l’Organisation mondiale du plus de 1 % à 2 % du PIB (République démocratique
commerce (OMC) et signent plusieurs accords com- du Congo, Sierra Leone et Zimbabwe, notamment).
merciaux (annexe en ligne 3.8).
Les pertes statiques estimées plus haut ne prennent
Mais ces moyennes peu élevées masquent une hétéro- pas en compte le fait que les pays de la ZLECAf
généité considérable entre les pays et des exceptions pourraient vouloir détourner les échanges et substi-
importantes. Entre 2010 et 2015, les recettes doua- tuer aux importations extérieures frappées de droits
nières étaient généralement inférieures à 2 % du PIB de douane élevés des importations provenant de pays
en moyenne, mais dépassaient parfois 5 %. En outre, membres de la ZLECAf, et que la ZLECAf pourrait
dans certains pays, les importations en provenance accroître le PIB des pays. Sur la base de chiffres pru-
de la région représentaient plus de 35 % du total dents issus d’études sur ce sujet et concernant l’élas-
des importations (Côte d’Ivoire, Malawi, Zambie et ticité aux droits de douane des détournements de
Zimbabwe, par exemple), laissant entrevoir l’éventua- croissance et d’échanges, l’analyse montre que ces ef-
lité de pertes de recettes substantielles. fets dynamiques pourraient signifier des pertes plus
importantes, quoique toujours assez limitées. En
Afin d’évaluer l’impact direct de la ZLECAf sur moyenne, la perte de recettes s’élèverait d’environ
les recettes budgétaires, ce chapitre applique, pour 0,5 % à 0,8 % du PIB, selon les élasticités supposées.
chaque produit, le taux de droit moyen aux données Quelques pays pourraient néanmoins enregistrer des
d’importation des pays16. En postulant la suppression pertes de recettes allant jusqu’à 3 % à 5 % du PIB
de tous les droits de douane sur les importations in- (graphique 3.22 ; pour plus de détails, voir l’annexe
trarégionales et en tenant compte des pertes de TVA en ligne 3.8). Les autorités de ces pays devraient dé-
liées au rétrécissement des bases fiscales, la perte de finir des politiques claires de mobilisation des recettes
recettes estimée moyenne est minime, avoisinant intérieures dès leur entrée dans la ZLECAf.
16
Pour chaque pays i, le total des recettes douanières est calculé comme la somme (tous types de produits, tous les pays) du droit de
douane effectif moyen appliqué par le pays i sur la marchandise Z importée du pays y*, multipliée par la valeur de ces importations. Cette
méthode tient compte des différences de droits dues aux communautés économiques bilatérales ou sous-régionales.
17
Ceci correspond à la limite supérieure des pertes de recettes possibles, car la ZLECAf exige l’élimination des droits de douane sur
seulement 90 % des produits échangés. Les résultats sont confirmés en utilisant les taux effectifs de la nation la plus favorisée, c’est-à-dire
le droit maximal qu’un pays peut imposer à d’autres pays dans le cadre de l’OMC. Dans ce cas, la perte moyenne est estimée à environ
0,5 % du PIB.
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PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ?
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