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Fidic
Fidic
Ali Bennani
Discipline :
Droit
Mots-clés :
FIDIC- Droit transnational de la construction- Lex constructionis- Contrats-
3
Remerciements
L'auteur tient à remercier Monsieur le professeur Jean-Baptiste Racine pour avoir accepté de
siéger au jury de soutenance en qualité de rapporteur.
L'auteur tient à remercier Madame Pascale Tréfigny pour avoir accepté de siéger au jury de
soutenance en qualité de rapporteur.
L'auteur tient à remercier Monsieur le professeur Pierre Mousseron pour avoir dirigé la thèse
du candidat ainsi que pour l'avoir accompagné et soutenu de manière régulière, active et
constructive tout au long du travail de recherche et de rédaction.
L'auteur tient à remercier Madame Marie Bourdeau pour avoir accepté de siéger au jury de
soutenance en qualité d'examinateur.
L'auteur remercie également toutes les personnes, amis, proches l'ayant soutenu durant le
travail de recherche et de rédaction. L'auteur remercie tout particulièrement Monsieur Ismaïl
Bennouna Zhar, Monsieur Fayçal Fadil, Monsieur Abdeslam Mernissi, Monsieur Youssef
Tazi, Madame Amal Ellorhaoui, Monsieur Pierre Fernandez, Madame Chloé Colin, Monsieur
Benoit Cassagne, Madame Maëva Massoud, Madame Souad Mestiri, Monsieur Thomas
Hugues, Monsieur Abdallah Ziouch, Monsieur Vivien Bon, Monsieur Pascal Rouanet,
Monsieur Mehdi Boumedine, Madame Marie-Christine O'Mahony, Madame Wassila Blouz,
Madame Ghita Razki, Madame Zineb Jarifi, Monsieur Fayçal Meziati, Monsieur Hassan
Abbad, Monsieur Dominic Isgrow, Monsieur Zakaria Ayche, Madame Hélène Guillois.
Enfin, l'auteur tient à remercier ses parents Monsieur Saïd Bennani et Madame Madiha
Ragala ainsi que son frère Monsieur Sami Bennani pour leur soutien intemporel,
inconditionnel et indéfectible. Ce travail leur est dédié.
4
Sommaire
INTRODUCTION .................................................................................................................. 10
§1Un mouvement d'édification des normes par des organismes privés ................................... 10
§2 La FIDIC ............................................................................................................................. 11
5
Partie II: L’APPLICATION DES CONTRATS FIDIC ................................................... 170
Section 1 L'adaptation des contrats FIDIC aux projets internationaux .................................. 171
Section 2 L'adaptation des contrats FIDIC aux projets nationaux ......................................... 185
Chapitre 1 Les mécanismes de résolution des différends spécifiques aux contrats FIDIC .... 266
Chapitre 2 Les mécanismes généraux de résolution des différends des contrats FIDIC ...... 316
§1 L'existence de la lex constructionis au travers de la formation des contrats FIDIC ......... 334
§2 L'existence de la lex constructionis par l'application des contrats FIDIC ......................... 338
§3 Les champs de recherche potentiels concernant les contrats FIDIC ................................. 341
INDEX………………………………………………………………………………………353
6
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
7
« La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. »
8
"I have always believed
that hope is that stubborn thing
inside us that insists,
despite all the evidence to the contrary,
that something better awaits us,
so long as we have the courage
to keep reaching, to keep working, to keep fighting."
Barack Obama
9
Introduction
Alors que l'émission de normes impératives relève majoritairement des prérogatives de la
puissance publique, les contrats FIDIC s'inscrivent dans un mouvement global mais ancien
d'édification de normes par des organismes privés (§1). La Fédération Internationale des
ingénieurs conseils (FIDIC) qui rassemble plusieurs associations nationales d'ingénieurs-
conseils travaillant dans le domaine du conseil en génie civil et en électromécanique(§2),
émet et diffuse les contrats FIDIC (§3). Ces contrats participent potentiellement à une
"transnationalisation" du droit applicable aux projets de travaux pris en charge par les
ingénieurs1 en génie civil et en électromécanique (§4). La démonstration de l'existence d'un
droit transnational dont les contrats FIDIC serait un élément central constitue l'objet de la
présente étude (§5).
1
Nous utiliserons tout au long de cette étude le terme générique d'"ingénieur" pour nous référer aux ingénieurs
en génie civil, ingénieurs-conseils qui interviennent sur les contrats FIDIC.
2
J.GHESTIN, "Traité de droit civil, La formation du contrat",4ème édition Tome 2 LGDJ 2013, p.61.
3
D.MAINGUY, "Jurisclasseur Contrats-Distribution, Conditions générales de vente et contrats-types" ; éd.
Lexis Nexis, dernière mise à jour, Octobre 2012.
10
§2 La FIDIC
Présentons la FIDIC (I) avant d'étudier les structures qui la composent (II).
I) Présentation de la FIDIC
« FIDIC » est l’acronyme désignant la Fédération Internationale des Ingénieurs Conseils.
Cette fédération fut fondée le 22 juillet 1913 par des associations d’ingénieurs de France, de
Belgique et de Suisse4. La FIDIC est chargée de promouvoir et de mettre en œuvre les
objectifs stratégiques de l’industrie de l’ingénierie conseil. Elle le fait au nom des associations
qui en sont membres (« Les Associations Membres »). Elle a également pour mission de
diffuser les informations pertinentes en direction de ses membres. La FIDIC compte
aujourd’hui des membres issus de plus de 94 pays dont les Etats-Unis d’Amérique, l’Australie
et l’Afrique du Sud. Malgré la prévalence de la langue anglaise au niveau des contrats de
construction internationaux, elle a conservé son acronyme français en hommage aux pays
fondateurs. Son siège social est situé à Genève, en Suisse5.
4
Sur l’histoire de la FIDIC : http://fidic.org/about-fidic/fidic-history
5
A la recherche d’experts indépendants pour la préparation de l’Exposition Universelle de 1913, des ingénieurs
se rencontrèrent pour discuter de la possibilité de constituer une fédération internationale5. La rencontre fut
couronnée de succès en ce qu’elle fût à l’origine de la constitution formelle de la FIDIC. Trois principes
fondateurs furent adoptés : la qualité, l’intégrité et la durabilité. 59 Etats étaient représentés au meeting
inaugural. Des délégations officielles d’Autriche, du Canada, de Belgique, du Danemark, de la France,
d’Allemagne, d’Hongrie, des Pays-Bas, de Russie, de Suisse, du Royaume-Uni, du Canada, et des Etats Unis
d’Amérique étaient présentes. Sur ces délégations, la Suisse, la France et la Belgique fondèrent effectivement la
FIDIC. Les autres pays entretenaient des contacts provisoires avec la fédération durant les premières années
d’existence de la FIDIC. D’abord rejointe par des pays européens, la FIDIC accueille en 1959 l’Australie, le
Canada, l’Afrique du Sud et les Etats-Unis d’Amérique. C’est ainsi que la FIDIC acquiert un véritable statut
international.
6
Executive Committee (EC) of the FIDIC : http://fidic.org/node/788
7
Executive Committee (EC) of the FIDIC : http://fidic.org/node/788
11
Générale l’élection d’un président, d’un vice-président, ainsi que d’un trésorier. Le Comité
Exécutif est responsable du Secrétariat, dont la direction est assurée par un directeur général.
Quant aux autres comités, la FIDIC en compte huit.
B) Les comités non exécutifs
Les comités non exécutifs de la FIDIC sont au nombre de huit. Nous les étudierons
successivement.
1)Le comité d’évaluation des membres des comités de résolution des différends8
Ce comité a pour but d’organiser, en coordination avec le secrétariat, la formation adéquate
pour les candidats à l’inscription sur la liste la plus importante des membres des comités de
résolution des différends, la liste du président . Ce comité aide également à la sélection des
formateurs.
2) Le comité des pratiques commerciales9
Ce comité a plusieurs missions. Parmi celles-ci :
a) Chercher à déterminer auprès des Associations Membres les problèmes commerciaux que
leurs membres rencontrent ;
b) Repérer parmi ces problèmes ceux sur lesquels la FIDIC a la capacité de fournir une réponse.
Cette réponse peut être apportée de deux manières. La première manière consiste en l’édition
d’une réponse originale, la seconde en le recensement et la présentation des connaissances
disponibles sur des problèmes spécifiques10.
3) Le comité de renforcement des capacités11
Ce comité a également plusieurs missions, notamment celle d'évaluer les lacunes de capacité
au sein des Associations Membres et auprès de leurs consultants externes, sur la base de
critères objectifs et d’informations disponibles. Dans le but d’optimiser ses travaux, le comité
doit opter pour la méthode de l’analyse des lacunes et recommander la collecte de données
par la FIDIC et les Associations Membres.
8
Assessment Panel for Adjudicators (APA) : http://fidic.org/node/773
9
Business Practice Committee (BPC) : http://fidic.org/node/774
10
Parmi les autres missions du comité des pratiques commerciales: a)Développer des guides de bonnes pratiques
et recommander au Comité Exécutif des mécanismes de livraison pour les produits ;
b)Recommander la création de groupes de travail en vue de développer des produits en cas de besoin ;
c)Assurer une veille des actualités dans les domaines clés et en informer les Associations Membres de manière
pertinente. La FIDIC inclut parmi les domaines-clés l’identification et la gestion des Risques, les tendances du
marché de l’assurance, les pratiques de management, la Sélection Basée sur la Compétence, les Systèmes de
Management de la Qualité ;
d)Communiquer avec les Associations Membres et promouvoir les Guides FIDIC.
11
Capacity Building Committee (CBC) : http://fidic.org/node/775
12
4) Le comité de gestion de l’intégrité12
Ce comité a plusieurs missions parmi lesquelles :
a) Promouvoir et commercialiser le système FIDIC de gestion de l’intégrité ainsi que le système
de gestion de l’intégrité des marchés gouvernementaux en tant qu’outils efficaces pour faire
diminuer la corruption au niveau de l’offre (appel d’offres) ;
b) Mettre à jour les systèmes précités et développer des outils plus accessibles en termes
d’ergonomie et de coût en direction des entreprises et des organismes d’achat.
5) Le comité des adhésions13
Le comité des adhésions assure plusieurs missions auprès de différents publics dont il a la
charge, parmi celles-ci :
Auprès des Associations Membres potentielles dans les nouveaux pays, le comité doit :
Identifier les pays où il existe une industrie de l’ingénierie-conseil.
6) Le comité des risques et de la responsabilité14. Ce comité a également plusieurs
missions, parmi celles-ci :
a) Identifier les enjeux significatifs concernant les risques et la responsabilité des ingénieurs
conseils et élaborer des stratégies pour répondre à ces enjeux.
b) Contrôler les conditions de responsabilité professionnelle et d’assurance au niveau mondial et
périodiquement faire un rapport des tendances significatives au Comité Exécutif.
c) Contrôler et faire des rapports sur les tendances au niveau des contrats, des stratégies
d’atténuation des risques et des cadres législatifs dans les différents pays.
7) Le comité du développement durable15
Ce comité a parmi ces missions de :
a) Développer la reconnaissance et l’application du système de gestion de la durabilité des
projets (« Project Sustainability Management ») auprès des organisations connexes à
l’industrie, organismes de financement et des agences des Nations Unies.
b) Faire de ce système le standard reconnu pour la mise en place d’objectifs de développement
de projets et de paramètres durables.
8) Le comité des contrats16
Ses missions sont multiples :
12
Integrity Management Committee (IMC) : http://fidic.org/node/777
13
Membership Committee (MemC) : http://fidic.org/node/778
14
Risk and Liability Committee (RLC) : http://fidic.org/node/780
15
Sustainable Development Committee (SDC) : http://fidic.org/node/781
16
Contracts Committee (CC) : http://fidic.org/node/776
13
a) Recommander au Comité Exécutif quels contrats et documents afférents doivent être établis
ou mis à jour par la FIDIC.
b) Assister le Secrétariat dans l’établissement des groupes de travail s’il lui en est fait la
demande pour la rédaction des contrats FIDIC, contrôler leur travail à intervalles convenus et
mener une révision finale des documents pour soumission au Comité Exécutif.
c) Assister le Secrétariat dans la réponse aux questions sur l’interprétation des documents.
d) Contacter conjointement au Secrétariat, les organisations intéressées par les contrats FIDIC.
e) Suggérer des thèmes et des conférenciers pour des séminaires et ateliers pratiques.
Ce comité joue donc un rôle essentiel dans l’élaboration des contrats FIDIC qui seront par la
suite approuvés par le comité Exécutif.
17
Edward CORBETT, FIDIC's new rainbow, an overview of the red, yellow, silver and green test editions,
ICLR, numéro 16-1, pp.39-46, Lloyds of London Press, 1999
18
The Green Book- ‘Short Form of Contract’ in « Introduction to FIDIC contracts » A Lexis PSL document
produced in partnership with Mayer Brown LLP, 2012, op.cit.
19
La FIDIC a indiqué que le champ d’application du Livre Vert recouvrait potentiellement des contrats pour des
travaux d’une valeur inférieure à 500 000 USD ou dont le temps de construction prévu était de moins de six
mois. Toutefois, le Livre Vert est également adapté pour des travaux simples et répétés.
Bien que l’usage veuille que dans ce type de contrats l’entrepreneur exécute les travaux conçus par le maître
d'ouvrage, il importe cependant peu que la conception soit l’œuvre de ce dernier. Il n’y a pas d’ingénieur et les
paiements sont effectués à intervalles mensuels.
20
The Red Book- Conditions of Contract for construction for Building and Engineering Designed by the
Employer in « Introduction to FIDIC contracts », op.cit.
14
la version originale du Livre Rouge. Le Livre Rouge est le contrat-type recommandé par la
FIDIC pour les travaux d’ingénierie ou de construction dont le maître d'ouvrage est l’auteur
de la conception21.
3) Le Livre Rose22
Il s'agit d'une version harmonisée du Livre Rouge de la FIDIC. Il est rédigé pour des projets
ayant vocation à être financés par des Banques Multilatérales de Développement (telles la
Banque Mondiale)23.
usuellement modifiées par les Banques Multilatérales de Développement dans le Livre Rouge.
4) Le Livre Jaune pour les opérations de conception-construction24
Ce contrat-type a été rédigé pour des projets pour lesquels l’entrepreneur se charge de la
majeure partie de la conception. L’entrepreneur réalise la conception en suivant le cahier de
charges et les spécifications établies par le maître d'ouvrage25.
21
La FIDIC affirme que le Livre Rouge est le contrat-type usuellement utilisé au niveau international pour les
ouvrages dont le maître d'ouvrage est le concepteur.
Une des caractéristiques principales du Livre Rouge est que le paiement est effectué selon un devis quantitatif («
Bill of Quantities »). Le paiement peut cependant être effectué sur la base de montants forfaitaires convenus
pour chaque type d’équipement.
Le Livre Rouge accorde une place importante à l’ingénieur par rapport à l’entrepreneur ou au maître d'ouvrage.
En effet, il est responsable du contrôle des travaux de construction (tout en informant pleinement le maître
d'ouvrage afin qu’il puisse s’il le souhaite apporter des modifications). Il en va également ainsi de la certification
des paiements.
22
The Pink Book- ‘MDB Harmonised Edition’ in « Introduction to FIDIC contracts », op.cit.
23
Les parties au contrat de construction ne doivent pas utiliser ce Livre quand le projet est financé par une
Banque Multilatérale de Développement et que le maître d'ouvrage n’est pas responsable de la conception. Elles
doivent dans ce cas là utiliser et modifier d’autres contrats FIDIC.
Avant la parution du Livre Rose, les Banques Multilatérales de développement utilisaient le Livre Rouge dont
elles modifiaient les Conditions Générales pour les projets qu’elles finançaient. A la suite de négociations entre
la FIDIC et les Banques Multilatérales de Développement, le Livre Rose fut édité par la FIDIC. Ce dernier
contenait les clauses
24
The Yellow Book-‘Conditions of Contract for Plant and Design-Build for Electrical and Mechanical Plant and
for Building and Engineering Works’ in Introduction to FIDIC contracts, op.cit.
25
Le Livre Jaune est un contrat à prix forfaitaire dont les paiements sont effectués en fonction de l’atteinte
d’étapes sur la base de certifications (contrôles) réalisés par l’ingénieur. Comme pour le Livre Rouge, c’est
l’ingénieur qui contrôle l’exécution du contrat.
Le Livre Jaune constitue un standard de référence pour les acteurs du secteur de l'électromécanique à l'export.
Par électromécanique, il convient d'entendre les activités relatives à l'électricité et à la mécanique.
26
The Silver Book- ‘Conditions of Contract for EPC/Turnkey Projects’ in Introduction to FIDIC contracts,
op.cit.
15
a) Champ d'application du Livre Argent
Le Livre Argent est utilisé pour les projets incluant la réalisation d’études techniques, les
achats et la construction (EPC, Engineering, Procurement, Construction)27.
b) La réticence quant à l'utilisation du Livre Argent
L'entrepreneur peut faire preuve de réticence quant à l'utilisation du Livre Argent. Parmi les
raisons de sa réticence, l'absence potentielle de récompense de la prise de risque (i) et
l'absence de maîtrise sur les spécifications techniques (ii)
i) L'absence de récompense de la prise de risque de l'entrepreneur
Si l'entrepreneur est théoriquement appelé à exiger un prix plus élevé pour la réalisation de sa
prestation aux termes du Livre Argent du fait que le risque qu'il couvre est plus important, il
n'en est pas de même en pratique28.
ii) L'absence de maîtrise sur les spécifications techniques
Il n’y a pas d’ingénieur aux termes du Livre Argent. Ses responsabilités sont entièrement
assumées par le maître d'ouvrage. Comme dans le Livre Jaune, l’entrepreneur est soumis à
une obligation d’adéquation (adaptation) à l’usage (destination) prévu (fitness for purpose
obligation) pour le projet réalisé29.
6)Le Livre Or30
Le Livre Or est le contrat réservé pour les opérations de conception-construction exploitation
(Design Build Operate)31.
27
Dans ce type de projets, l’entrepreneur a l’obligation de livrer au maître d'ouvrage une installation
complètement achevée et (“clés en main”). Ainsi, le Livre Argent fait reposer l’entière responsabilité de la
conception et de la construction sur les épaules de l’entrepreneur.
Le Livre Argent peut également être utilisé pour des projets où le prix déterminé par les parties et la date
d’achèvement des travaux sont les causes objectives de conclusion du contrat.
Le Livre Argent peut également être utilisé pour les projets de construction-exploitation-transfert (Build Operate
Transfer, BOT ). Ce sont des projets où le maître d'ouvrage assume l’entière responsabilité quand à la
conception, la construction, la maintenance et l’exploitation du projet. Il souhaite transférer la responsabilité
quant à la construction à l’entrepreneur.
Le Livre Argent permet au maître d'ouvrage de bénéficier de garanties plus importantes que dans le Livre Jaune
par rapport au coût du projet. En effet, l’entrepreneur assume une part plus importante des risques concernant le
coût et les délais de réalisation des travaux qu’aux termes du Livre Jaune.
28
En effet, la procédure d'appel d'offres entraîne une baisse du prix que peut demander l'entrepreneur ayant
remporté l'appel d'offres. De fait, l'entrepreneur est privé de cette potentielle prise de risques supplémentaires ce
qui pousse certains acteurs au scepticisme quant à cette forme de contrat.
29
Cette obligation est sujette à difficulté dans la mesure où en pratique, il peut arriver que les maîtres d'ouvrage
imposent leurs sous-traitants et l'utilisation de pièces ou de matériels spécifiques, ne laissant aucune réelle marge
de manœuvre à l'entrepreneur.
30
The Gold Book ‘Conditions of Contract for Design, Build and Operate Projects’ (the design build operate
contract) in Introduction to Fidic contracts, op.cit.
31
La FIDIC déclare que le Livre Or est destiné à minimiser le risque rapide de détérioration après la livraison du
projet. Cette détérioration peut être le fait d’une conception vétuste, d’une main d’œuvre insuffisamment
qualifiée ou d’équipements obsolètes. Le Livre Or est donc adapté pour les projets où l’exploitation et la
maintenance de l’installation conçue et construite sont nécessaires sur une longue durée.
16
7) Le Livre Bleu32
La FIDIC déclare que le Livre Bleu est adapté pour tous les travaux de Dragage et de
Remblayage ainsi que pour les travaux de construction auxiliaires33.
8)Le Livre Blanc34
Le contrat-type de prestation de services n’est pas conçu pour les travaux d’ingénierie et de
construction même s’il y est également fait allusion par le qualificatif de Livre Blanc35.
La précision des différentes formes de contrats FIDIC, leur large diffusion auprès des
associations nationales d'ingénieurs en génie civil nous incite à mener une réflexion. Le
premier élément de la réflexion consiste à vérifier si les contrats FIDIC ne participent pas
d'une "transnationalisation" du droit applicable aux projets de construction internationaux.
17
§4 La "transnationalisation" du droit par les contrats FIDIC
La transnationalisation du droit applicable aux projets de construction internationaux est un
phénomène observé (I) qu'il convient, au nom de la sécurité juridique, de reconnaître (II).
38
Introduction to Fidic contracts, op.cit.
39
Code civil, Article 1101 : «Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent,
envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. »
40
D.MAINGUY, Contrats-types in JurisClasseur Contrats-Distribution, 2 et s.
41
J. LEAUTE, Les contrats-types, RTD com. 1953, p. 429
42
P.NEAU-LEDUC, "La réglementation de droit privé" : Bibliothèque dr. entreprise, Litec, 1998, n° 38
43
D.ZHUANG, "Les inégalités des conditions FIDIC et les applications dans le marché chinois", Mémoire
pour l’obtention du Master Développement Urbain Durable (DUD), Mention Génie Urbain, Université Paris-Est
Marne-La Vallée,2007.
44
P.DURAND-BARTHEZ, "Identifier les modes d’influence : commoditization du droit, contrats-types et droit
applicable", JCP G Semaine Juridique (Edition Générale), n°17, p.844, 2013.
18
Au niveau du commerce international, l’objectif de libre circulation des biens a provoqué une
uniformisation des règles applicables en ce qui concerne les opérations contractuelles. Ainsi,
« les conditions générales et contrats-types matérialisent souvent un droit professionnel
supranational, une sorte de lex mercatoria des contrats internationaux »45.
Au-delà de l'observation de la "transnationalisation" du droit applicable aux projets de
construction internationaux, la reconnaissance de celle-ci semble être une nécessité.
45
F.OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria: contribution à l'étude d'un ordre juridique
anational; préface de Eric Loqui, Collection: Bibliothèque de Droit Privé.vol.Tome 224, LGDJ, 1992.
.
19
§5 L'objet de l'étude des contrats FIDIC
Cette étude vise à démontrer l'existence d'un droit transnational de la construction dont les
contrats FIDIC seraient un composant (I). Pour conduire cette démonstration, nous utiliserons
une méthodologie adaptée (II). Les applications de cette étude semblent prometteuses (III).
20
- La première est de démontrer que l'appréhension d'un phénomène transnational tel que
semble l'être celui de aboutissant à l'émergence d'un droit transnational de la construction
peut tout à fait s'effectuer en ayant pour point de départ les conceptions du droit français.
La seconde volonté est de faire contribuer le droit et la recherche en droit français à
l'élaboration et au développement de ce phénomène de transnationalisation du droit applicable
aux projets de construction internationaux aboutissant à l'émergence d'un droit transnational.
Cette implication semble plus que jamais nécessaire à l'heure où les relations juridiques
internationales s'effectuent par le biais de standards transnationaux d'influence "anglo-
saxonne".
- La seconde est d'effectuer un travail d'analyse est également la raison pour laquelle les
contrats FIDIC ne seront pas tous étudiés dans le détail; seuls le seront ceux présentant un
intérêt dans le cadre de notre étude, entièrement ou partiellement.
Dans le même esprit, il apparaît malaisé de conduire cette étude d'ensemble des contrats
FIDIC sans recourir à toutes les sources d'information disponibles.
B) L'étude de toutes les sources d'information disponibles relatives aux contrats FIDIC
Si dans le cadre de notre étude, nous avons eu recours à une revue bibliographique (1), nous
avons également ressenti la nécessité de nous adresser à des professionnels travaillant avec les
contrats FIDIC. Ces échanges ont constitué une source d'information précieuse (2).
1) La revue bibliographique
Nous avons consulté les ouvrages ainsi que les bases de données juridiques "classiques" en
langue française, notamment dans le cadre du travail d'analyse que nous effectuons en
confrontant les contrats FIDIC aux notions générales du droit français. Pour certaines notions
nous avons également recouru à des ouvrages autres que juridiques (mémoires d'ingénieurs en
génie civil, publications scientifiques).
Cependant, la majorité des éléments bibliographiques exploités sont rédigés en langue
anglaise. La raison du choix de la langue anglaise pour ces éléments résulte du fait que les
contrats FIDIC, dans leur version originale, sont rédigés en langue anglaise. Il convient
également de rappeler que le champ d'application des contrats FIDIC concerne les projets
internationaux, où l'anglais demeure la langue de référence. La traduction des contrats FIDIC
en langue française existe, mais n'a pas de valeur officielle. Au demeurant, cette dernière
demeure perfectible (cf infra).
21
Dans les publications citées, il convient de citer les articles issus de revues spécialisées telle
l'International Construction Law Review, l'International Business Law Journal (bilingue),
ainsi que certains ouvrages spécialisés relatifs notamment aux Dispute Boards.
De plus, il faut citer les présentations de différents acteurs travaillant avec les contrats FIDIC.
Les publications des cabinets d'avocats anglo-saxons conseillant des clients au contentieux, en
arbitrage ou dans le droit de la construction se sont également révélées utiles.
Au-delà de ces éléments bibliographiques, les échanges avec les acteurs travaillant avec les
contrats FIDIC ont été cruciaux dans l'élaboration de ce travail.
2) Les échanges avec les acteurs travaillant avec les contrats FIDIC
Nous avons eu l'occasion de rencontrer différents acteurs travaillant avec les contrats FIDIC:
avocats, juristes d'entreprises, gestionnaires de projet, représentants des banques
multilatérales et agences de développement, ingénieurs en génie civil… Ces rencontres ont pu
avoir lieu dans le cadre d'entretiens individuels ou à l'occasion d'évènements collectifs.
L'auteur de cette étude a notamment eu l'opportunité d'être invité à la conférence organisée
par la FIDIC à destination des banques multilatérales de développement ayant eu lieu à
Bruxelles en 2014.
Les échanges avec ces acteurs furent productifs dans la mesure où ces échanges ont aiguillé
notre recherche et nous ont permis d'avoir des impressions de l'application pratique des
contrats FIDIC dans leurs réalités professionnelles. Cela est notamment le cas concernant les
difficultés rencontrées par ces professionnels justifiant certaines pistes d'amélioration
possibles (cf infra).
Les efforts conjugués ayant permis l'aboutissement de la présente étude permettent
d'envisager des applications prometteuses de ses résultats aux contrats FIDIC.
22
présente étape est celle de la démonstration de l'existence d'un droit transnational de la
construction dont les contrats FIDIC sont une composante essentielle.
Au travers de notre étude, nous tenterons donc de démontrer que les contrats FIDIC
constituent effectivement une entité significative autonome incitant à soutenir l'existence d'un
droit transnational de la construction.
A cette fin, nous étudierons la formation des contrats FIDIC (Partie I) ainsi que leur
application (Partie II).
23
Partie I: LA FORMATION DES CONTRATS FIDIC
Le processus d'élaboration des contrats FIDIC est sophistiqué et révèle un haut degré
d'autonomie de la part de ses auteurs. Les contrats FIDIC sont notamment réalisés par les
acteurs du secteur de la construction internationale auxquels les contrats FIDIC vont
s'appliquer. Cette autonomie interroge sur la place de ces contrats dans l'ordre juridique et
plus généralement dans l'écosystème du secteur de la construction internationale.
Dans ce cadre, il conviendra d'étudier l'élaboration des contrats FIDIC (Titre I) avant
d'aborder dans un second temps leur qualification (Titre II).
Les comités de rédaction des contrats FIDIC reprennent des contrats existants (Chapitre 1) et,
au terme d'un retour d'expérience des utilisateurs, améliorent ces contrats (Chapitre 2).
24
I) Une volonté affirmée
La première édition du Livre Rouge de la FIDIC consacrée aux ouvrages de construction dont
la conception était assurée par le maître d'ouvrage vit le jour en 1957. Elle était inspirée des
contrats-types standards britanniques pour les projets nationaux en Grande-Bretagne. Elle
avait pour objectif de fournir aux ingénieurs britanniques et d'autres nationalités travaillant
dans pays du Commonwealth un contrat pour la réalisation des projets de construction46. Ce
contrat devait être le plus proche possibles des contrats-types utilisés pour les projets en
Grande Bretagne ainsi qu'en attestent des témoignages d'ingénieurs de l'époque.
Un témoignage illustratif est celui d'Ian Wallace, ingénieur: " De manière générale, il est
difficile d'échapper à la conclusion selon laquelle au moins l'un des objectifs principaux de la
préparation de ce contrat international était de s'éloigner le moins possible des contrats
anglais47 [basés sur le droit anglais]."
Cette volonté fut exaucée notamment au regard de l'étude de la notion (i) de violation
contractuelle et de son régime dans les contrats FIDIC (ii).
46
C.WADE, "The FIDIC Contract Forms and the new MDB Contract", ICC FIDIC Conference, Paris, 2006,
p.2.
47
J.GLOVER, « FIDIC, an overview: the latest developments, comparisons, claims and look into the future »,
site Web Fenwick Elliot, en ligne : <www.fenwickelliott.co.uk>.
48
Pinsent Masons LLP, «The Basics of English Law for Contractors», Mars 2011, p. 1.
25
l’évènement improbable.49 Pour savoir si la violation contractuelle ouvre droit à réparation
pour la victime de cette dernière, il convient de soumettre la violation au « test
d’éloignement »50 (« remoteness test ») dégagé par l’arrêt "Halley vs Baxendale" de 1854. Cet
arrêt met en place un test et détermine deux types de dommages ouvrant droit à réparation. Il
s’agit des pertes directes et des pertes indirectes.
Les pertes directes sont définies comme celles survenant naturellement, c’est-à-dire
conformément au cours habituel des choses ou dans les circonstances ordinaires d’une
violation contractuelle par un homme raisonnable. Les pertes sont alors qualifiées ici de pertes
directes et ouvrent droit à réparation de la part de l’auteur de la violation.
Les pertes indirectes désignent celles n’étant pas survenues naturellement mais ayant pu être
considérées par les parties comme la conséquence potentielle d’une violation d’une obligation
par l’une des parties de ses obligations contractuelles. Les qualifications de pertes directes,
indirectes (également appelées « conséquentes »), sont du ressort des tribunaux.
Ainsi, toutes les pertes ne s’inscrivant pas dans le champ d’application du « test
d’éloignement », n’arrivant pas à obtenir la qualification de pertes indirectes ou indirectes
seront considérées comme trop éloignées de la violation contractuelle et ne pourront donc
ouvrir droit à réparation51. De plus, en pratique, si les pertes directes ouvrent généralement
droit à réparation, les parties essayent de limiter leur responsabilité en ce qui concerne les
pertes indirectes et pour certains types de contrats directs. Cela est notamment le cas dans les
contrats FIDIC.
49
On évoque en droit anglais le terme de « remoteness » pour qualifier un dommage ou une perte inhabituelle ou
improbable quant à son occurrence.
50
Cette notion est proche de la détermination du lien de causalité en droit de la responsabilité civile français.
51
Pinsent Masons LLP, «The Basics of English Law for Contractors», Mars 2011.
26
anglais sur la rédaction des contrats FIDIC est par conséquent manifeste à travers cet
exemple.
Ainsi aux termes de cette rédaction de l’article 17.6, seuls quelques éléments ouvriront droit à
réparation dont :
- les pertes et dépenses et directes si elles rentrent dans le champ d’application de la définition
de « Coûts » telle que prévue par les contrats FIDIC ;
- les dépenses préalables.
C’est également le droit anglais qui a inspiré les différents contrats-types émis par la
fédération d’ingénierie britannique sur lesquels les comités des contrats FIDIC se sont basés
pour rédiger les premiers Livres. Ces contrats FIDIC initiaux ont été élaborés sur les contrats-
types "ICE" et "JCT".
Ces contrats couvrent une large variété des constructions et opérations possibles, allant même
jusqu'à la prévention de contrats pour les constructions de maison individuelle en ce qui
concerne les JCT.
L'objectif principal des ingénieurs conduits à travailler dans les pays du Commonwealth était
de disposer d'outils contractuels leur étant familiers et étant à même de leur conférer le
sentiment d'une relative sécurité juridique. Cette volonté s'est ainsi concrétisée par l'apparition
de la 1ère édition du Livre Rouge en 1957.
52
J.GLOVER, « FIDIC, an overview: the latest developments, comparisons, claims and look into the future »,
site Web Fenwick Elliot, en ligne : <www.fenwickelliott.co.uk>.
27
La 1ère édition du Livre Rouge fut publiée en 1957 mais elle était déficiente en ce qu'elle
n'était pas adaptée à la prise en compte de travaux non réalisés sur le site du projet, tels que
les travaux de conception. Ainsi, dès 1963, la 1ère édition du Livre Jaune relative aux travaux
de conception-construction vit le jour.
Le Livre Rouge connut un grand succès puisqu'il connut plus de cinq éditions. La quatrième
édition du Livre Rouge de la FIDIC éditée en 1987 est particulièrement importante. En effet,
elle confère de manière novatrice des pouvoirs quant à la résolution des différends pouvant
survenir entre les parties. Il s'agit d'une étape précédant l'avènement du comité de résolution
des différends (cf infra, p.227 et s.).
Les Livres Rouge et Jaune de la FIDIC constituent des exemples de la reprise des contrats-
types nationaux britanniques par le comité de rédaction des contrats FIDIC ce qui a constitué
une étape significative dans la formation des contrats FIDIC. Il nous est d'ailleurs d'ores et
déjà loisible de remarquer le processus de retour face aux acteurs du secteur de la construction
internationale ayant conduit à l'édition du Livre Jaune de la FIDIC.
53
FIDIC Book for Design Build and Operate Projets (Gold Book), Fidic ed., 2008.
28
§1 Le contexte de la création du Livre Or
La FIDIC souhaitait inclure les contenus du Livre Jaune et traiter la phase d'opération dans
un même contrat (I) ce qui n'était pas le cas auparavant (II). Elle a donc mis en place un
groupe de travail chargé de la rédaction du Livre Or (III).
II) L’absence dans les contrats FIDIC de contrat unique incluant les trois phases
Avant le Livre Or, il n’existait pas de contrat-type incluant les trois phases de conception,
construction et exploitation au sein d’un même contrat. L’élaboration de ce contrat constituait
en fait une réponse à la demande exprimée par les opérateurs de la construction
internationale. Il s'agit notamment des maîtres d’Ouvrage et de leurs partenaires
institutionnels (Etats/ Agences de Développement/ Banques Multilatérales de
Développement…).
De leur côté, les entrepreneurs utilisant les contrats-types FIDIC alors disponibles (tels les
Livres Jaune ou Argent) développaient un objectif de rentabilité à court-terme justifié
notamment par des investissements de départ très importants. Leur objectif était de concevoir
et de construire des installations équipées des technologies les plus récentes et de fait les plus
onéreuses sans réelle considération pour la phase d’exploitation55. Ainsi, peu importait que
les Travaux et Installations réalisés ne soient pas durables, qu’ils présentent des défaillances
importantes peu de temps après la réception de l'installation par le maître d'ouvrage.
54
FIDIC Book for Design Build and Operate Projets (Gold Book), Fidic ed., 2008.
55
B. CAZALET, « Les nouvelles conditions de contrat FIDIC Conception-construction-Opération (le livre
or), RDAI/IBLJ », 2012, p. 439.
29
En effet, dans leur objectif légitime de rentabilité, les entrepreneurs sous ce schéma n’avaient
que peu d’égard quant aux défaillances de la conception ou à la qualité parfois incertaines des
matériaux utilisés.
De la même manière, peu importait que les maîtres d’ouvrage ne disposent pas des
compétences nécessaires pour assurer l’Exploitation et la Maintenance des ouvrages et
Installations réalisés. La conséquence immédiate de l'ensemble de ces éléments était la
détérioration rapide des ouvrages et Installations après remise au maître d'ouvrage, sans
recours aucun de ce dernier contre l’entrepreneur. Les maîtres d’Ouvrage et leurs partenaires
ont donc cherché un moyen d’inciter les entrepreneurs à avoir une vision à plus long terme,
une « vue d’ensemble » sur le projet. Cette vision devait satisfaire des intérêts mutuels
communs et légitimes. Il fallait pour cela intéresser les entrepreneurs à l'exploitation de
l'installation livrée.
Ces éléments ont induit la mise en place par la FIDIC d'un groupe de travail chargé de la
rédaction du Livre Or.
56
C.WADE, «Fidic introduces the new form of contract- The new gold book for design build operate
projects», ICLR, 2008, p. 14.
30
- Déterminer la durée de la phase d’exploitation retenue dans le Livre Or.
C’est ainsi qu’au terme de ce travail, l’édition précitée de ce nouveau contrat-type a vu le jour
en 2007 puis la version officielle sortie en 2008 dite du Livre Or. Le scénario retenu
finalement fut celui dit « greenfield » et la durée d’Exploitation retenue fut de 20 ans, même
si le scénario dit « brownfield » était également présent en pratique57. Pour ce dernier, le Livre
Or contient des lignes directrices permettant aux utilisateurs du Livre de s’adapter à un
scénario « brownfield ». Par la suite un Guide des Contrats édité en 2011 pour apporter plus
de précisions en la matière.
Le contexte de création des contrats FIDIC explique en partie les caractéristiques du Livre Or
de la FIDIC. Il est également le symbole de l'émergence d'un droit transnational de la
construction puisqu'en l'espèce la FIDIC produit elle-même les contrats FIDIC.
Il convient à présent de faire une présentation plus détaillée du Livre Or de la FIDIC.
§2 La présentation du Livre Or
Dans le cadre de notre étude, il est important pour mieux saisir l'action de reprise du Livre
Jaune en vue de la rédaction du Livre OR de passer en revue de manière analytique (I) les
principales dispositions du Livre Or avant d’en faire une présentation plus synthétique (II).
57
La FIDIC travaille sur un potentiel projet de seconde édition du Livre Or avec un scénario "brownfield". Il
convient cependant de remarquer que l'édition de ce contrat n'est pas certaine au vu de l'accueil réservé par les
parties au Livre Or avec un scénario "greenfield".
31
1) Forme et structure du Livre Or
Comme les autres livres de la Suite Arc en Ciel, notamment le Livre Jaune, le Livre Or
comprend vingt articles. La plupart des définitions du Livre Jaune au sein de l’article 1 sont
également reproduites dans le Livre Or. Le groupe de travail de la FIDIC a pris en compte les
recommandations de l’EIC (European International Contractors-Association Internationale
des entrepreneurs Européens) d’inclure ces définitions de manière alphabétique58. Des
définitions relatives à la phase d’Exploitation ont été introduites à l’Article 1.1 du Livre Or de
la FIDIC.
Examinons de manière plus détaillée les nouveautés apportées par les définitions du Livre Or.
2) Définitions du Livre Or
Les définitions présentes au sein du Livre Or sont notamment celles de la « Date Butoir », du
« Service d’Exploitation » ou du « Protocole de Financement » (« Financial Memorandum »).
L’article 1.2 fournit des lignes directrices quant à l’interprétation de certains termes. Ils ne
sont pas inclus dans l’article 1.1 de par leur caractère générique. Ces termes ne sont pas assez
individuels pour être définis en tant que tels dans l’article 1.1 mais sont pour autant essentiels
à l’interprétation et à la compréhension du contrat.
A titre d’exemple, l’article 1.2 explicite le concept d’ « écrit » (written or in-writing). Ce
terme inclut les documents rédigés à la main, tapés à la machine, imprimés ou réalisés
électroniquement et donnant lieu à enregistrement permanent. Il est important ici de préciser
les différents types que peuvent prendre le document écrit même s’ils peuvent apparaître
comme évidents. Cette précision simple peut éviter des difficultés dans l’interprétation et
éviter ainsi de nombreux contentieux. Cet article pose deux conditions cumulatives pour
emporter la qualification d’écrit. Potentiellement, ces conditions excluent donc les documents
écrits et qui ne donnent pas lieu à un enregistrement permanent, tels des notes de service.
Cependant avec la dématérialisation des échanges, notamment électroniques, on peut se
demander si la seconde condition à savoir l’enregistrement permanent demeure pertinente.
Dans le même esprit, l’article 1.2 stipule que toutes les mentions contenant le terme « agréé »
ou « consenti » doivent s’entendre comme un consentement donné par écrit. Là encore, il
s’agit essentiellement d’une question de preuve. Le consentement donné ne peut réellement
être prouvé que s’il est donné par écrit. En effet, les relations de travail ou les usages comme
cela est le cas en droit français pourraient potentiellement suppléer le consentement écrit. Il
58
F. H.BROMAN, «EIC Contractor's Guide to the fidic conditions of contract for design build and operate
projects (Fidic Gold Book)», ICLR, 2010, p. 77.
32
s’agit dans un contexte international et donc susceptible d’éliminer toute incertitude quant aux
consentements donnés pour limiter les possibilités de contentieux. Les parties choisissent
certes une loi applicable au contrat. Culturellement, les parties provenant souvent de pays
différents même si elles opèrent dans le même secteur de la construction internationale
peuvent avoir des cultures de travail différentes. Cette diversité professionnelle et culturelle
justifie l’importance de s’accorder sur des termes communs. Ces deux sous-articles hormis
quelques modifications ont été repris du Livre Jaune.
59
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
33
Nous remarquons la reprise de certaines définitions précitées du Livre Jaune et la présence de
nouvelles définitions. La FIDIC produit ainsi de manière autonome de nouveaux contrats qui
lui sont propres et qui dans certaines conditions seront source d'obligations pour les parties.
Ces parties sont notamment le maître d'ouvrage, son représentant ainsi que l'entrepreneur.
1) Le maître d'ouvrage
L’article 2 aborde les prérogatives et les obligations du maître d'ouvrage60. Les 4 sous-articles
de l’article 2 abordent :
- L’obligation pour le maître d'ouvrage de donner accès à l’entrepreneur au site de réalisation
des travaux ainsi que ses modalités ;
- L’obligation du maître d'ouvrage d’assistance raisonnable envers l’entrepreneur en vue de
l’obtention des différents permis et autorisations nécessaires à l’accomplissement et à la
poursuite des travaux ;
- L’obligation de coopération du personnel sous l’autorité du maître d'ouvrage avec celui de
l’entrepreneur ;
- L’obligation du maître d'ouvrage de détailler les modalités de financement du Projet,
notamment, les modalités de paiement du Prix du Contrat à l’entrepreneur.
Tous ces articles ont été repris des stipulations prévues au sein du Livre Jaune de la FIDIC
relatif aux travaux de conception-construction.
Au travers de ces stipulations, tout est fait pour que les parties puissent coopérer sous la plus
grande transparence et la plus grande lisibilité en abordant directement les points potentiels de
friction. En effet, les modalités de financement du projet sont cruciales pour l’entrepreneur
qui est sur le point d’engager de grosses sommes d’argent en vue de réaliser les travaux, pour
une question de prévisibilité. La question de la coopération entre les employés du maître
d'ouvrage et ceux de l’entrepreneur est également importante. Des tensions, voire des conflits
60
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
34
peuvent apparaître au sein des différentes équipes, tous ces évènements pouvant ralentir les
travaux. Les régler par des stipulations contractuelles se révèle être la solution idoine pour
éviter les conflits potentiels.
Cependant, théoriquement, le maître d'ouvrage n’est pas présent sur le Site de réalisation des
Travaux. Il délègue son pouvoir à un représentant qui est en général une société d’ingénierie-
conseil. Les prérogatives et obligations du représentant du maître d'ouvrage font l’objet de
l’article 3.
61
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
35
3) Les clauses relatives à l'entrepreneur dans le Livre Or de la FIDIC
L’article 4 du Livre Or62 aborde les pouvoirs et obligations de l’entrepreneur. L’entrepreneur
est un acteur essentiel de ce contrat puisqu’aux termes du Livre Or, il est chargé de la
conception de l’installation, de sa construction, puis de son exploitation. Comparativement au
Livre Jaune, il prend en plus en charge l’Exploitation de l’Installation qu’il a construite et
conçue. Si les stipulations du Livre Jaune et Or sont relativement similaires sur les phases de
conception et de construction, les mentions relatives à l’exploitation font une apparition
fréquente tout au long des sous-articles formant l’article 4 du Livre Or.
Cet article aborde notamment :
- Les obligations générales de l’entrepreneur ;
- La coopération de l’entrepreneur avec les autres opérateurs présents sur le chantier ;
- La configuration de l’Installation (« Setting Out ») ;
- Les procédures de sécurité.
Ces clauses ont été principalement reprises du Livre Jaune. Il convient à présent d'étudier les
clauses relatives aux opérations dans le livre Or de la FIDIC.
62
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
63
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
36
a) Les clauses relatives au travail du personnel
L’article 6 traite au travers de plusieurs sous-articles des obligations de l’entrepreneur à la
charge du personnel. Au travers de plusieurs sous-articles, l’article 6 aborde notamment :
- La question du recrutement et de l’emploi du personnel ;
- Leur niveau de rémunération et leurs conditions de travail ;
- L’interdiction de recruter du personnel employé par le maître d'ouvrage ;
- Le nécessaire respect de la législation en vigueur en fonction de la loi applicable au contrat.
64
C.WADE, «Fidic introduces the new form of contract- The new gold book for design build operate
projects», ICLR, 2008, p. 14.
37
- Le délai de commencement des travaux de conception/construction dans un délai de 28 jours.
- Les délais d’achèvement des opérations de conception/construction.
Ces deux derniers points constituent également des innovations du Livre Or puisqu’ils
abordent la Phase d’Exploitation, ce qui n’est pas le cas dans le Livre Jaune.
65
F-J.PANSIER, Délai, Répertoire Civil Dalloz éd., Dalloz, 2010,p.1,n°5.
66
P.MOUSSERON, Les conventions sociétaires, L.G.D.J éd., Lextenso éditions, 2013, p.271.
67
Ces questions seront traitées avec plus de détail dans une partie spécifiquement dédiée.
38
iv) Clauses relatives à l'achèvement de la phase de conception/construction
L’article 9.12 énonce les conditions requises pour déclarer l’achèvement de la phase de
conception/construction et l’émission du Certificat de Mise en Service (« Commissioning
Certificate »). Ici, le Certificat de Mise en Service donne également le point de départ de la
Phase d’Exploitation. C’est une particularité notoire du Livre Or par rapport aux autres Livres
qui prévoient des certificats de même nature. Dans le Livre Jaune, l’émission du Certificat de
Mise en Service constitue un passage de témoin entre l’entrepreneur et le maître d'ouvrage.
L’article 9.13 autorise le maître d'ouvrage à résilier le contrat de manière unilatérale si
l’entrepreneur n’achève pas les travaux avant la date butoir ou date limite (« Cut off date »).
Cette clause constitue une garantie pour le maître d'ouvrage s’il venait à subir des retards trop
importants, préjudiciables à son activité du fait de l’absence de diligence du maître d'ouvrage.
Le Livre permet le commencement immédiat de la Phase d’Exploitation après émission du
Certificat de Mise en Service. Ainsi, il existe une présomption de Commencement de la Phase
d’Exploitation dès émission du Certificat. Cette présomption au bénéfice de l’entrepreneur à
l’encontre du maître d'ouvrage peut être soulevée par ce dernier si des retards à la Phase
d’Exploitation sont constatés. L’entrepreneur aura donc droit à réparation sur ce point contre
le maître d'ouvrage.
Examinons à présent les stipulations de l'article 10 du Livre Or de la FIDIC (e).
68
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
39
Durant la Phase de conception/ construction, le maître d'ouvrage dispose de son représentant
pour vérifier que l’entrepreneur remplit ses obligations telles que définies par le Livre Or69.
Durant la Phase d’Exploitation de 20 ans, les deux parties ont un rôle important à jouer, quand
bien même l’entrepreneur est en charge de l’Exploitation. Ainsi, le groupe de travail chargé
de la rédaction du Livre Or a remplacé pour les besoins de cette phase le représentant du
maître d'ouvrage (lié au maître d'ouvrage par un lien de dépendance notamment économique)
par un organisme d’audit indépendant. La mission de cet organisme est d’évaluer les
prestations des deux Parties afin de déterminer si ces dernières respectent leurs obligations
contractuelles. L’organisme d’audit ne peut ni instruire à charge ou à décharge ni prendre de
décisions. Sa mission est une mission d’évaluation et de conseil. Il est désigné par le maître
d'ouvrage et est rémunéré par une Somme Provisionnelle prévue au contrat. C’est une mesure
heureuse susceptible de limiter le contentieux puisque l’indépendance de l’organisme d’audit
est une garantie notamment pour l’entrepreneur. L’entrepreneur a des objectifs d’exploitation,
il est payé par le Prix du Contrat, le représentant du maître d'ouvrage n’était pas le mieux à
même d’assurer cet audit.
vi) Les clauses relatives aux matières premières dans le Livre Or de la FIDIC
L’article 10.4 stipule que la livraison de Matières Premières relève de la responsabilité du
maître d’Ouvrage à l’exclusion de celle de son représentant ou encore de celle de
l’entrepreneur. Si le maître d'ouvrage ne s’acquitte pas de ses obligations en ce qui concerne
la livraison de matières premières et que cela entraîne une augmentation des coûts pour
l’entrepreneur, celui-ci aura droit au remboursement. L’entrepreneur doit pour cela en notifier
le maître d'ouvrage. Cependant, l’entrepreneur ne sera pas remboursé si les retards sont dus au
fait de l’entrepreneur.
L’article 10.5 traite de la formation du personnel affecté à l’Exploitation par le maître
d'ouvrage. C’est un article qui n’a pas connu de modifications majeures dans le Livre Or par
rapport aux autres Livres et notamment par rapport au Livre Jaune. Aux termes de cet article,
l’entrepreneur a l’obligation d’assurer la formation du personnel du maître d'ouvrage quant à
l’Exploitation et à la Maintenance des Travaux. Le contenu de la formation doit correspondre
aux spécifications requises par le maître d'ouvrage. L’entrepreneur doit fournir du personnel
de formation qualifié et adapté. Le maître d'ouvrage doit fournir une main d’œuvre apte et
adaptée en vue de recevoir cette formation.
69
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
40
vii) Les clauses relatives aux retards dans l'exploitation
L’article 10.6 du Livre Or de la FIDIC70 aborde les retards ou interruptions du fait de
l’entrepreneur, du maître d'ouvrage ainsi que la suspension de l’Exploitation sur décision du
maître d'ouvrage. Tous ces cas appellent à réparation financière et n’entraînent aucune
extension de la Phase d’Exploitation.
L’article 10.7 traite des conséquences de l’absence d’atteinte des objectifs de production
prévus par le Contrat. Comme pour l’article précédent, les conséquences ne peuvent être que
pécuniaires. Seul un droit à réparation financière est prévu. Si ces objectifs ne sont pas atteints
sur une durée prolongée, une résiliation du contrat peut être demandée par le maître
d'ouvrage.
L’article 10.8 traite des conséquences de l’achèvement de la Phase d’Exploitation et établit
notamment toutes les conditions préalables à la délivrance par le représentant du maître
d'ouvrage du Certificat de Mise en Service.
70
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
41
ou défaut qui pourrait survenir durant les Phases de conception/construction ou
d’Exploitation.
L’article 13 stipule que des variations peuvent être proposées par le représentant de
l’Employeur et que l’entrepreneur est tenu de les appliquer sans pour autant négliger ses
autres obligations aux termes du Livre Or71. Les stipulations de l’article 13 sont similaires à
celles du Livre Jaune.
71
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
42
α) Les articles 15 et 16 du Livre Or
L’article 15 du Livre Or de la FIDIC72 stipule que durant la Phase de conception/construction,
le maître d'ouvrage peut résilier unilatéralement le contrat le liant à l’entrepreneur. C’est une
faculté laissée à la convenance du maître d'ouvrage qui peut trouver sa cause dans un
manquement de l’entrepreneur.
L’article 16 donne à l’entrepreneur une faculté de résiliation unilatérale en cas de
manquement grave du maître d'ouvrage (par exemple, en cas de non-paiement du prix dû) ou
en cas de suspension prolongée de l’activité de construction. Toutefois, l’entrepreneur ne
dispose pas de faculté de résiliation unilatérale pour raisons de convenance durant la Phase de
conception/construction.
72
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
43
Le projet n’est pour autant pas abandonné et le maître d'ouvrage se retrouve dans une
situation difficile. En effet, même s’il ne s’agit pas d’un modèle dit BOT (Construction,
Exploitation, Transfert), où l’essentiel des revenus générés par l’Installation servent à
rembourser les partenaires financiers, la situation demeure problématique. L’entrepreneur
exploite pour le compte du maître d'ouvrage l’Installation ce qui provoque des pertes
financières importantes pour ce dernier. L’arrêt de l’exploitation entraîne en effet des pertes,
l’absence de compétences internes pour exploiter et entretenir le matériel existant fait baisser
la valeur du matériel existant puisqu’il n’est pas exploité.
Le groupe de travail a donc souhaité trouver une solution pour pallier à d’éventuelles
difficultés financières de l’entrepreneur sans pour autant que celui-ci puisse tirer un
quelconque profit de cette résiliation unilatérale. La faculté de résiliation unilatérale pour
raisons de convenance lui a donc été accordée y compris durant la Phase d’Exploitation.
Toutefois, cette faculté ne peut être exercée dans le but d’obtenir le remplacement de
l’entrepreneur au cours de la Phase d’Exploitation. Cela se comprend dans la mesure où si
cette faculté était accordée, il n’y aurait aucune possibilité d’exécuter le contrat de manière
pérenne et le maître d'ouvrage serait constamment à la recherche d’exploitants plus
compétitifs. Cela priverait l’entrepreneur de ressources provisionnelles établies et de marchés
qu’il aurait pu prospecter s’il n’avait pas contracté initialement avec le maître d'ouvrage sous
les conditions du Livre Or.
La résiliation unilatérale à la convenance des parties, dans un souci de protection des
cocontractants est interdite dans un certain nombre de pays. Cela explique que le groupe de
travail ait également limité la possibilité de recourir à cette faculté dans les pays où la loi
l’interdit pour les contrats d’entreprise. L’enjeu est certainement plus ici une question de
cohérence que d’efficacité, les parties choisissent un droit applicable qui s’applique aux
contrats sous lequel les parties ont soumis ces derniers.
xi) Les clauses relatives aux risques et à l'assurance dans le Livre Or de la FIDIC
Il convient d'étudier dans un premier temps les stipulations relatives au risque (α), notamment
celles relatives aux risques exceptionnels (β) avant d'étudier les stipulations relatives aux
assurances (µ).
44
groupe de travail du Livre Or a opéré les modifications les plus substantielles par rapport aux
autres Livres et notamment par rapport au Livre Jaune.
Il a tout d’abord décidé de traiter de ces évènements dans un ordre logique, ce qui n’était pas
le cas auparavant. Ainsi, au travers de ces trois clauses, le Livre Or aborde successivement les
questions suivantes :
- Risques ;
- Responsabilité de la bonne marche des Travaux ;
- Responsabilité en cas de préjudice ;
- Indemnité ;
- Assurances.
Le groupe de travail a également tenu compte du fait que les facteurs de risque lors de la
phase de conception/construction sont différents de ceux pouvant être rencontrés lors de la
Phase d’Exploitation.
Une différenciation est également faite dans le Livre Or73 entre les risques « matériels »
pouvant induire des dommages, et les risques induisant des pertes financières et/ou
temporelles.
Aussi, le groupe de travail a pris soin d’aborder plus spécifiquement les risques pris en charge
par le maître d'ouvrage et a instauré la présomption selon laquelle tous les risques non pris en
charge par ce dernier le seraient par l’entrepreneur.
Enfin, le groupe de travail a décidé que le Livre Or ne traiterait pas de certains risques,
notamment en ce qui concerne certains évènements imprévisibles. Dans la partie analytique
(cf infra) nous étudierons l’opportunité de ne pas avoir retenu la notion connue en droit civil,
notamment français de force majeure. Etudions à présent ces clauses dans le détail.
L’article 17 stipule que les Risques supportés par le maître d'ouvrage et l’entrepreneur sont
définis tant pour la Phase de conception/construction que pour la Phase d’Exploitation.
Ensuite, il établit une distinction entre les Risques de Pertes ou de Dommages et les risques de
retard ou de pertes de financières. Tous ces risques sont clairement répartis entre le maître
d'ouvrage et l’entrepreneur. En cas de litige, c’est le Comité de Conciliation (Dispute
Adjudication Board) qui déterminera la responsabilité de chacun.
L’article 17 du Livre Or contient enfin des dispositions concernant les conséquences de
l’avènement des Risques précités. Il reprend certaines dispositions des autres Livres de la
73
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
45
Suite Arc-en Ciel concernant la limitation de responsabilités. Le Livre Or ne couvre pas les
pertes indirectes et les dommages collatéraux.
74
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
46
tradition de common law que la notion de Force Majeure a été supprimée. Il est vrai que la
Liste des évènements exceptionnels telle qu’elle a été conservée est dense et se veut non
limitative. A première vue, cette ablation se veut sans conséquences. Cependant, la mention
de force majeure fournit des indications supplémentaires aux Parties et éventuellement aux
arbitres et aux juridictions nationales des lignes directrices pour appréhender des situations
particulières qui ne seraient pas prévues dans les textes. D’une part, elle offrait les 4 critères à
l’aune desquels les intéressés pouvaient déclarer ou non l’avènement d’un cas de force
majeure. Ces critères sont désormais sous-jacents, ce qui ne peut qu’ajouter de la confusion en
cas d’avènement de ces évènements exceptionnels. En effet, au-delà des critères proposés, les
parties, juges ou arbitres peuvent se référer à une jurisprudence large et fournie tant au niveau
des juridictions arbitrales que des juridictions nationales pour résoudre les cas qui se
présentaient.
Le groupe de travail a par ailleurs décidé de situer l’article traitant des Risques Exceptionnels
avant les stipulations concernant l’Assurance. Auparavant, l’article traitant de la force
majeure se situait au sein des stipulations concernant l’Assurance, ce qui pouvait engendrer
une certaine confusion.
75
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
76
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
47
indications plus précises quant à la démarche à suivre en cas de Plainte de l’entrepreneur.
Aussi, certains passages de cet article ont été supprimés, étant sujets à une interprétation
fallacieuse et abusive de la part de certaines parties de mauvaise foi. L’article 20.4 dispose
d’une section « Prévention des Litiges ». Aux termes de cet article, le comité de résolution des
différends a la capacité d’agir en tant que conseil des deux Parties, au-delà de leur rôle
traditionnel d’ «adjudicateurs ». L’octroi de cette nouvelle capacité aux membres du Bureau
est de permettre aux Parties de dépasser leurs différends et trouver une solution amiable à leur
litige. Comme dans les Autres Livres, le recours aux méthodes de résolution alternatives des
litiges (Alternative Dispute Resolution) est suggéré, voire encouragé et sied particulièrement à
cette nouvelle capacité donnée aux membres du Bureau .
Enfin, le groupe de travail a dû établir des règles pour le travail du Bureau lors de la Phase
d’Exploitation. Auparavant, son rôle était fixé puisqu’il n’y avait que des Phases de
construction ou de conception/construction. L’article 20.9 stipule donc que les deux Parties
ont le pouvoir de nommer un Bureau constitué d’une personne nommé pour une période de
cinq ans, renouvelable une fois. Ainsi, au terme des cinq ans, le mandat de la personne
nommée est renouvelé ou une nouvelle personne est nommée.
A travers cette étude analytique, nous avons remarqué que certaines clauses étaient reprises
des anciens Livres, et notamment du Livre Jaune d’une part. D’autre part, le Livre Or a vu
apparaître de nouvelles clauses relatives à la Phase d’Exploitation. Au travers de la lecture
analytique, nous constaterons que certaines reprises sont heureuses, quand d’autres inclusions
ou reprises appellent à être précisées car générant une confusion.
B) Présentation synthétique
Le Livre Or a bénéficié de la notoriété et de l'ancienneté du Livre Jaune de la FIDIC (1). S'il
en a conservé les points forts (2), il en a également conservé certaines faiblesses (3).
48
1) Le bénéfice de la notoriété et de l'ancienneté du Livre Jaune de la FIDIC
Le Livre Or de la FIDIC a bénéficié de la notoriété (a) du Livre Jaune et de son ancienneté
(b).
77
FIDIC, "FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book"), FIDIC ed.,
2008.
49
a) Les clauses reprises du Livre Jaune figurant dans le Livre Or de la FIDIC
Parmi les clauses reprises du Livre Jaune figurent celles de l'obligation d'information du
maître d'ouvrage (i), l'obligation de poursuite des travaux (ii), l'obligation du rapport mensuel
(iii), ainsi que la soumission d'un calendrier détaillé (iv).
78
S.LANDSBERRY, «FIDIC Design Build Operate DBO-Glitter or Gold?», ICLR, 2008, p. 156.
50
Dans le même esprit, l’article 7.6 autorise le représentant du maître d'ouvrage à exiger de
l’entrepreneur de procéder à des travaux de restauration sans nécessité d’évaluation ou de
certification préalables. L’entrepreneur doit s’exécuter, peu important qu’il conteste cet ordre
ou non. Ces articles sont bienvenus puisqu’ils permettent d’éviter des dépenses et retards
inutiles en privilégiant la tenue du calendrier et la bonne marche du projet.
79
S.LANDSBERRY, «FIDIC Design Build Operate DBO-Glitter or Gold?», ICLR, 2008, p. 156.
51
succès d’une suite de contrat concurrente, les contrats NEC80. Cette clause fonctionne sur le
même principe et sur des modalités similaires. Les auteurs du groupe de travail ont donc
voulu ajouter à l’article 8 cet article 8.4 pour rétablir les deux suites de contrat NEC et FIDIC
sur un pied d’égalité en termes de concurrence et d’attractivité. Il est fort à parier que lors des
prochaines éditions des Livres FIDIC ou si des nouveaux Livres sont édités, cette clause y
sera reprise. Aux côtés des clauses reprises telles quelles ou améliorées du Livre Jaune, l’on
trouve également des innovations du Livre Or rédigées par le groupe de travail.
80
B. CAZALET, «Les nouvelle conditions de contrat FIDIC Conception-Construction-Opération (le Livre
Or)», RDAI/IBLJ, 2012, p. 439.
52
iii) La mise en place d'un fonds de rétention pour la maintenance
Instauré par l’article 14.19 du Livre Or, le fonds de rétention pour la maintenance est un
mécanisme destiné à inciter l’entrepreneur à assurer la maintenance du Site. Cependant,
l’article 14.19 n’est pas clair concernant l’étendue des pouvoirs des Parties sur ce Fonds. Il
stipule que si l’entrepreneur dépense un montant supérieur en frais de maintenance à celui
présent au sein du fond de rétention, il a une créance exigible auprès du maître d'ouvrage pour
la différence des deux sommes. L’article ne va toutefois pas jusqu’à instaurer une
présomption de responsabilité à l’encontre de l’entrepreneur pour les dépenses de
maintenance engagées par le maître d'ouvrage. Il ne stipule pas non plus que la différence
doive être imputée sur le Prix du Contrat, même si cela est sous-entendu. Selon certains
auteurs, dont Samantha Landsberry, il y a également lieu ici à amélioration : il faudrait
pouvoir donner la possibilité à l’entrepreneur d’assurer ses obligations de maintenance avant
que le maître d'ouvrage intervienne81. Le meilleur moyen d’y parvenir serait de le stipuler
expressément par une clause. Ainsi en cas de refus express de l’entrepreneur d’assurer ses
obligations, les dépenses engagées créeraient de manière certaine une créance au bénéfice du
maître d'ouvrage.
81
S.LANDSBERRY, «FIDIC Design Build Operate DBO-Glitter or Gold?», ICLR, 2008, p. 156.
53
Les points forts du Livre Or étant étudiés, il convient à présent de s'intéresser aux points
faibles du Livre Or.
82
Voir par ex. F. H.BROMAN, «EIC Contractor's Guide to the fidic conditions of contract for design build and
operate projects (Fidic Gold Book)», ICLR, 2010, p. 77.
83
B. CAZALET, «Les nouvelle conditions de contrat FIDIC Conception-construction-Opération (le livre
or)», RDAI/IBLJ, 2012, p. 439.
54
ou l’Installation qu’il livre. Il est donc normal qu’aux termes du Livre Argent, l’entrepreneur
supporte la majorité des Risques. Cependant en Roumanie et en Pologne, le législateur a
modifié la loi nationale sur les travaux publics et la passation de marchés pour les travaux
publics. Il a repris l’allocation des risques du Livre Argent pour des contrats conclus sur la
base du Livre Jaune et Livre Rouge. Le législateur a donc rompu l’équilibre prévu quant à
l’allocation des risques ce qui a eu pour conséquence de multiplier les contentieux pour les
contrats passés au sein de ces pays. Il faut donc apprécier avec un regard distancié les
commentaires des Parties, qu’elles soient du côté du maître d'ouvrage ou de l’entrepreneur et
des sociétés d’ingénierie conseil les changements proposés.
Ainsi, l’EIC décrie le choix qu’a fait le Comité des Contrats dans l’Article 3.5 sur la
Détermination que fait le représentant du maître d'ouvrage en cas de différend entre les Parties
de reprendre la solution du Livre Jaune84. La critique porte sur le caractère contraignant de la
décision que prend le représentant du maître d'ouvrage. Les Parties ne peuvent contester cette
décision que devant le comité de Conciliation ou les arbitres alors qu’aux termes du Livre
Argent, la contestation peut avoir au vu de la seule insatisfaction de l’une des Parties des
décisions prises par le représentant du maître d'ouvrage. L’EIC a critiqué le Livre Argent
notamment pour cette position et dénonce dans le même temps la modification de cet article
au sein du Livre Or comme une régression par rapport à la suite des Contrats de 199985.
Pour autant, même si ces appréciations comprenant celles sur la forme sont forcément
orientées, elles doivent être accueillies avec considération puisque les entrepreneurs sont des
acteurs essentiels dans l'élaboration des contrats-types de la FIDIC.
84
B. CAZALET, «Les nouvelle conditions de contrat FIDIC Conception-construction-Opération (le livre
or)», RDAI/IBLJ, 2012, p. 439 (voir p. 450).
85
B. CAZALET, «Les nouvelle conditions de contrat FIDIC Conception-construction-Opération (le livre
or)», RDAI/IBLJ, 2012, p. 439 (voir p. 450).
86
S.LANDSBERRY, «FIDIC Design Build Operate DBO-Glitter or Gold?», ICLR, 2008, p. 156.
55
Par ailleurs, il semblerait que suite à la crise financière de 2008 ayant causé in fine une
contraction du budget des pays et des banques multilatérales de développement, le concept
même du Livre Or ait soulevé quelques réserves de la part des entrepreneurs. Ces réserves
sont notamment dues aux prises de risques par les uns et les autres. Le marché ne comprenait
pas forcément à l'époque d'entrepreneur capable de concevoir, construire, puis exploiter
l'installation livrée. Il aurait donc fallu que différents opérateurs ayant des cœurs de métier
différents s'unissent et règlent la question délicate des transferts de risque87.
L'autre raison de ce manque d'attractivité était alors la demande du marché pour une suite de
contrats couvrant le scénario "brownfield", alors que la FIDIC a retenu un scénario
"greenfield" (cf supra).
56
α) Etat des lieux quant aux pouvoirs du représentant du maître d'ouvrage
Pour tenter de pallier à cette dépendance de l’ingénieur, le Comité des Contrats a mis en
place un comité de résolution des différends (Dispute Adjudication Board) au sein de la suite
Arc en Ciel et notamment au sein du Livre Jaune de 1999. Le comité de résolution des
différends est une instance collégiale, il doit siéger à 3 personnes et doit être sollicité en
première instance89. De plus, dans le même temps, les Livres de la suite de 1999 stipulent
l’obligation pour l’ingénieur et pour le maître d'ouvrage de se lier contractuellement par
l’intermédiaire d’un contrat d’entreprise. L’avantage de cette stipulation est une clarification
du lien de dépendance économique entre l’ingénieur et le maître d'ouvrage et l’affirmation
dans le même temps d’une indépendance juridique de l’ingénieur par rapport au maître
d'ouvrage. Aussi, la plupart des litiges relèvent désormais du Comité de Résolution des
Différends. Ce sont des garanties objectives supplémentaires pour l’entrepreneur.
Malgré ces avancées notables, il n’en demeure pas moins que l’ingénieur continue à détenir
aux termes de l’article 3.5 de ces Livres de la Suite de 1999 d’importantes prérogatives. Ainsi
aux termes de l’article 3.5 du Livre Jaune, l’ingénieur, en vue de mener des inspections et
donner des certificats de conformité, doit mener des consultations avec les Parties en vue
d’arriver à un accord. En cas d’échec, il est dans l’obligation de prendre une décision (appelée
fair determination) juste concernant le litige entre les parties au regard des circonstances,
conformément aux termes du Contrat. L’ingénieur doit prendre position sur des questions
« délicates » telles que la prolongation de délais accordés, les dépassements de coûts au
bénéfice de l’entrepreneur. Dans ce cadre son impartialité ne cesse d’être remise en cause de
par sa dépendance, fût-elle économique, au maître d'ouvrage.
Ce problème se retrouve au sein du Livre Or. Malgré le changement de dénomination
(passage de « l’ingénieur » au « représentant du maître d'ouvrage »), le représentant du maître
d'ouvrage continue à disposer de prérogatives importantes. Il est présumé agir au nom et pour
le compte du maître d'ouvrage tout en ayant la faculté de prendre des décisions réputées
« équitables » sur de nombreux points potentiellement litigieux.
Une amélioration notable réside dans l’obligation qu’a le maître d'ouvrage de nommer son
représentant avant la conclusion du Contrat ce qui n’était pas le cas auparavant. C’est une
disposition positive dans la mesure où elle aiderait à renforcer la perception selon laquelle le
contrat sera administré en toute impartialité par le représentant du maître d'ouvrage. Aussi, si
l’entrepreneur sait par avance qu’un professionnel reconnu va administrer le contrat, il sera
89
S.LANDSBERRY, «FIDIC Design Build Operate DBO-Glitter or Gold?», ICLR, 2008, p. 156.
57
moins enclin à entamer des procédures arbitrales ou judiciaires pour l’empêcher d’exercer ses
attributions. Cependant, toutes ces avancées n’empêchent pas le scepticisme de persister. Des
solutions inspirées de législations nationales pourraient apporter des solutions concrètes au
problème de l’indépendance de l’ingénieur.
90
S.LANDSBERRY, «FIDIC Design Build Operate DBO-Glitter or Gold?», ICLR, 2008, p. 156.
58
c) L’absence préjudiciable de définition claire du consortium ou de la joint venture
La FIDIC n'a pas défini la joint venture ou le consortium dans le Livre Or91 (i), laissant ce
rôle à la doctrine (ii et iii).
91
La FIDIC procède à une nouvelle édition de son guide relatif aux contrats de joint venture et consortium dont
la première et seule édition date de 1992. Une clarification nécessaire de ces notions interviendra sans doute à
l'occasion de cette nouvelle édition.
92
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008,
particular.
93
B. CAZALET, «Les nouvelles conditions de contrat FIDIC Conception-construction-Opération (le livre
or)», RDAI/IBLJ, 2012, p. 439.
59
α) Une tentative de définition de la joint venture par ses éléments caractéristiques
La joint venture est un instrument utilisé par les commerçants exerçant leurs activités sous
différentes formes à travers le monde (y compris les acteurs des contrats FIDIC). Cependant,
aucune définition faisant l’unanimité n’a pu se dégager tant au niveau des juridictions
nationales qu’internationales (arbitrales notamment). Par contre, des éléments de qualification
ont pu être déterminés notamment par V.Pironon94.
La joint venture a évidemment un aspect contractuel de contrat-cadre. C’est un contrat qui est
amené à régir les modalités de conclusion de contrats d’application ultérieurs. Elle a
également par son objet un caractère de contrat de coopération, la rapprochant du contrat de
société aux termes duquel les parties décident de mettre en commun une partie de leurs
activités, actifs en vue de la réalisation de bénéfices et de la contribution aux pertes. L.Olavo
Baptista et P. Durand-Barthez synthétisent les caractéristiques d’une joint venture à la
lumière de la pratique de la common law sur les 3 éléments suivants.95
94
V.PIRONON, Les joint ventures: contribution à l'étude juridique d'un instrument de coopération
internationale, Nouvelle bibliothèque des thèses éd., Paris : Dalloz, 2004.
95
L. OLAVO BAPTISTA et P. DURAND-BARTHEZ, "Les joint ventures dans le commerce international",
Bruylant éd., Bruxelles : Groupe de Boeck s.a. , 2012, P.552.
96
L. OLAVO BAPTISTA et P. DURAND-BARTHEZ, "Les joint ventures dans le commerce international",
Bruylant éd., Bruxelles : Groupe de Boeck s.a. , 2012, P.552.
60
de loi effectué par les parties. Une question intéressante est de savoir si les parties constituant
une joint venture ou un consortium sont dans l’obligation de choisir la même loi que celle
prévue dans le contrat-type de la FIDIC. Cela relève évidemment de la volonté des parties
désirant s’associer sous ces formes de joint venture ou de consortium mais la réponse n’et
pas unique. L’avantage de choisir la même loi applicable que la loi applicable pour le Contrat
basé sur le Livre Or de la FIDIC 97 peut sembler cohérent a priori. Les entreprises formant la
joint venture seront amenées à travailler sur un même site sur une longue période, il vaut donc
mieux qu’en cas de litige sur un même site, la loi applicable soit la même que celle
gouvernant le Contrat même si la joint venture n’a pas de régime propre.
97
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
61
travail98 ou le droit immobilier99. Cette obligation n’est pas le cas en matière de common law.
Une obligation de loyauté renforcée qui se rapprocherait de cette obligation de contracter et
d’exécuter les contrats de bonne foi ne se retrouve en common law que s’il est établi
l’existence d’une relation fiduciaire entre les Parties. Cette lacune a été comblée par
l’introduction dans le Code de Commerce Américain (Uniform Commercial Code) de la
notion de bonne foi100. Mais ce code n’a qu’une valeur de modèle utilisé par les Etats pour
faire évoluer de façon cohérente leurs droits commerciaux. Cette obligation fiduciaire
(fiduciary duty) va plus loin que la bonne foi puisqu’elle astreint aux Parties une obligation de
conseil ou d’agir dans le cadre de leur relation, une obligation donc positive.
Ces trois éléments font bien ressortir la nature hybride de la joint venture : plus qu’un contrat,
moins qu’une société. En cas d’investissement financier cependant, la forme de société dite
officielle semble la plus adaptée, les parties mettent en place des Sociétés dédiées au Projet ou
des Véhicules Spéciaux d’Investissement qui sont plus des entités destinées à recevoir des
financements (Special Purpose Vehicles).
98
PACOTTE P., HALIMI G., "Licenciement- L'interrogation sur le bien-fondé du licenciement d'un collègue,
sur un site internet, ne constitue pas un usage abusif de la liberté d'expression", Revue Jurisprudence Sociale
Lamy, n°390, Juin 2015,p.23.
99
P.BATTISTINI, " De la garantie d'éviction de servitudes non apparentes due par le vendeur immobilier", Les
Petites Affiches, Avril 2015,n°76,p.11.
100
L. OLAVO BAPTISTA et P. DURAND-BARTHEZ, "Les joint ventures dans le commerce international",
Bruylant éd., Bruxelles : Groupe de Boeck s.a. , 2012,p.552 et s.
101
L. OLAVO BAPTISTA et P. DURAND-BARTHEZ, "Les joint ventures dans le commerce international",
Bruylant éd., Bruxelles : Groupe de Boeck s.a. , 2012, p.552 et s.
62
Cette philosophie rappelle celle qui a prévalu à la rédaction du Livre Or de la FIDIC. Il s’agit
en effet d’intéresser l’entrepreneur à la Phase d’Exploitation suite à la livraison. Cela l’enjoint
donc mieux investir et à réaliser des équipements durables pour son client le maître d'ouvrage.
En ce sens, l’on peut dire que la pratique des acteurs a amené le Comité des Contrats à
envisager un ouvrage traitant des trois phases (conception-construction puis Exploitation).
α) La notion de consortium
La doctrine a défini la notion de consortium (1.), définition de laquelle il est possible de
déduire les caractères du consortium (2.).
102
C.-H. CHENUT, "Le contrat de consortium", Bibliothèque de Droit privé éd., vol.Tome 390, L.G.D.J, 2001,
p.3.
63
2. Caractères du consortium
Les deux caractères principaux du consortium sont son caractère exclusivement contractuel
(a.) ainsi que la difficulté récurrente à distinguer ce contrat de la joint venture (b.) Deux
facteur de différenciation se dégagent: l'intégration (c.) et la personnalité juridique (d.)
103
C.-H. CHENUT, "Le contrat de consortium", Bibliothèque de Droit privé éd., vol.Tome 390, L.G.D.J, 2001,
p.7.
104
C.-H. CHENUT, "Le contrat de consortium", Bibliothèque de Droit privé éd., vol.Tome 390, L.G.D.J, 2001,
p.7.
64
commun des moyens et une certaine contribution à l’égard des pertes. Elle introduit surtout
une responsabilité solidaire entre ses membres. Dans le contrat de consortium , il y a une
responsabilité conjointe mais pas solidaire entre les membres. Cependant, le cocontractant du
consortium à savoir le maître d'ouvrage exige souvent l’ajout d’une clause de responsabilité
solidaire entraînant les mêmes effets que lors de l’application du régime de responsabilité de
la joint venture. Les parties au contrat de consortium prévoient bien un mécanisme de
décroisement des responsabilités mais celui-ci n’a que pour effet de régler le sort des
contributions des parties entre elles. L’idée majeure dans le contrat de consortium est celle
d’une stricte répartition des risques au prorata des travaux entrepris par les partenaires. Cette
idée se retrouve également dans la stricte répartition des bénéfices alors qu’au niveau de la
joint venture, cette répartition est différente. La joint venture implique en effet une obligation
de contribution aux pertes et de mise à disposition de moyens alors que dans le consortium ,
cette mise à disposition de moyens est réduite à sa portion congrue. De plus, au sein du
contrat de consortium il n’y a pas de vocation à partager les résultats.
β) Le régime du consortium
Le régime du consortium se caractérise par un contexte d'apparition particulier (1.) Ce
contexte a induit un régime basé sur deux organismes: un organe de direction (2.) et un organe
de contrôle de la coopération (3.).
105
L. OLAVO BAPTISTA et P. DURAND-BARTHEZ, "Les joint ventures dans le commerce international",
Bruylant éd., Bruxelles : Groupe de Boeck s.a., 2012,p.38.
65
sous-traitant. Toutes ces procédures génèrent des coûts substantiels de nature à entraver la
bonne marche des travaux et la rentabilité des projets élaborés.
Le maître d’ouvrage (en l'espèce, celui du Livre or de la FIDIC) ne souhaite en effet pas
devoir diviser les recours entre les différents membres du consortium . Ce régime est sans
grande différence par rapport à celui du régime général des obligations en droit français. L’on
pourrait toutefois se poser la question du régime de responsabilité qui sera appliqué. Toutes
les sociétés ou personnes faisant partie du contrat de consortium sont des personnes morales
qui auront certainement la forme commerciale. Entre commerçants la responsabilité est
solidaire. Toutefois, la nature du contrat de consortium induit une stricte répartition des
tâches et des risques. Il est fort à parier que malgré la clause de solidarité exigée par le maître
d'ouvrage, un mécanisme de décroisement des responsabilités fera en sorte de rétablir la
responsabilité conjointe telle qu’elle avait été voulue par les parties. « La contrepartie de
cette responsabilité commune est le droit de participer pleinement aux décisions gouvernant
la vie du marché, qui sont normalement prises par un « comité de direction » statuant à
l’unanimité. Une entreprise chef de file joue le rôle d’exécutif, centralisant les relations avec
le maître d’ouvrage et assurant l’indispensable coordination technique. » De manière plus
précise, les stipulations contractuelles au sein du contrat de consortium mettent en place
deux types de structures108 : un organe de direction de la coopération et un organe d’exécution
de la coopération.
66
direction de la coopération. Ce comité est par essence collectif et est organisé en fonction des
stipulations introduites par les parties au contrat de consortium . C-H. Chenut distingue
plusieurs missions109 pour ce comité. Ces dispositions sont tout à fait applicables aux projets
sous contrat FIDIC.
Examinons les:
-Une mission d’agencement. Le comité doit prendre les décisions qui s’imposent afin de
permettre la poursuite de la coopération. Le comité peut adopter en cours d’exécution du
projet, toute décision à vocation générale de nature technique, commerciale ou économique.
Il peut également ordonner au mandataire commun la réalisation de certains actes précis que
celui-ci a omis d’effectuer ou que ses compétences ne lui permettent normalement pas de
prendre.
- Une mission de conciliation. Le comité a pour mission de régler les divers différends qui
peuvent naître en cours de coopération. La mission peut être proprement interne à l’accord
de groupement. La vocation du comité de coordination est alors de concilier les membres du
consortium en désaccord, avant d’entamer toute procédure contentieuse. La mission peut
également être externe. Bien que plus rare, celle-ci peut en effet consister à purger les litiges
nés entre un ou plusieurs coopérants et le maître d'ouvrage ou un tiers110. »
109
C.-H. CHENUT, "Le contrat de consortium", Bibliothèque de Droit privé éd., vol.Tome 390, L.G.D.J, 2001,
p.56.
110
C.-H. CHENUT, "Le contrat de consortium", Bibliothèque de Droit privé éd., vol.Tome 390, L.G.D.J, 2001,
p.56.
67
commune. Cette dernière ne vient pas en lieu et place du mandataire ou d’autres structures
prévues au sein du contrat de consortium , mais elle vient en complément de ces structures. Il
se caractérise par un mandataire commun (a.) ayant des missions à réaliser (b.). Par ailleurs,
l'organe de coopération est utilisé dans certaines circonstances (c.) et a également des
missions particulières (d.) L'étude du régime du consortium démontre une nouvelle fois la
proximité de celui-ci avec celui de la joint venture (e.).
b. Missions du mandataire
-Une mission de représentation. Le mandataire commun a une mission de représentation
« externe » du consortium auprès des interlocuteurs externes à celui-ci. Les rapports
strictement internes au groupement ne le préoccupent pas directement. Sa mission consiste
alors à représenter les coopérants auprès du maître d'ouvrage. D’autre part, il doit négocier,
contracter, informer et revendiquer au nom et pour le compte des membres du groupement,
tels sont entre autres les fonctions du chef de file à l’égard du donneur d’ordres. D’autre part,
le mandat de représentation peut être étendu à certains tiers tels les banquiers, l’assureur,
l’administration…
-Une mission de coordination. C’est cette fois une tâche interne à laquelle ni le maître
d'ouvrage, ni un tiers ne sont associés. Son rôle du chef de file s’éloigne des pouvoirs
111
C.-H. CHENUT, "Le contrat de consortium", Bibliothèque de Droit privé éd., vol.Tome 390, L.G.D.J, 2001,
p.56.
68
traditionnellement dévolus à un mandataire commun consiste alors à assurer une bonne
coordination des actions individuelles et de rendre efficace l’action commune.
-L'assurance de prestations matérielles. Le comité se situe alors dans l’action et non plus
dans la consultation. L’équipe exécute des tâches de coordination, sans pour autant empiéter
sur les prérogatives du mandataire commun qui dispose de cette fonction aux termes du
112
C.-H. CHENUT, "Le contrat de consortium", Bibliothèque de Droit privé éd., vol.Tome 390, L.G.D.J, 2001,
p.56.
69
contrat de consortium . Le domaine d’intervention de l’équipe commune se situe plus dans la
gestion de tâches particulièrement techniques, nécessitant la participation de plusieurs
coopérants. Théoriquement, l’équipe commune peut assurer des tâches d’exécution. Mais
comme l’explique Charles-Henry Chenut, l’hypothèse est litigieuse113. Il est de l’essence
même du consortium que les prestations du marché ne peuvent être indivises entre les
membres de l’accord du groupement. Chaque coopérant réalise indépendamment son travail
dans un esprit de coopération. Ce n’est pas une action groupée. De ce fait, si la part exécutée
par l’équipe commune était prépondérante, le juge pourrait requalifier le contrat de
consortium en société créée de fait.
Les critères juridiques les plus pertinents à nos yeux pour distinguer entre une joint venture et
un consortium sont ceux que dégagent Stéphane Bénézant et Eric Séassaud : « Ces
partenariats peuvent néanmoins être classés par les praticiens selon une matrice croisant
deux familles de critères : l’intégration et la personnalisation juridique. L’intégration fait
référence à la manière dont sont répartis entre les partenaires le résultat et les risques, alors
que la personnalisation juridique indique si le partenariat constitue une personne morale
distincte des partenaires qui la composent114. »
Deux familles de critères permettent donc d’établir la différenciation selon les auteurs :
l’intégration et la personnalisation juridique.
113
C.-H. CHENUT, "Le contrat de consortium", Bibliothèque de Droit privé éd., vol.Tome 390, L.G.D.J, 2001,
p.56.
114
S. BÉNÉZÉANT et E. SÉASSAUD, "Les accords de groupements dans les appels d'offres internationaux (I):
caractéristiques", en ligne : <http://www.usinenouvelle.com/article/les-accords-de-groupements-dans-les-
appels-d-offres-internationaux-i-caracteristiques.N118557>, accès : 16/Avril/2014.
70
c. La différenciation par le critère de l'intégration
Deux définitions de l'intégration existent: examinons les successivement (i. et ii.)
Aux termes de cette définition, l’intégration est donc une forme d’organisation caractérisée
par la perte d’indépendance économique et d’une autonomie de décision que subit une
entreprise au détriment d’une autre. Ce critère nous semble pertinent. En effet, l’intégration
semble plus importante au sein d’une joint venture que celle-ci soit contractuelle ou prenne
une forme de société puisque celle-ci implique la mise en commun des risques et des résultats.
Au sein d’un consortium , cette perte d’autonomie est en général limitée à ce qui est
strictement nécessaire pour pouvoir réaliser des opérations communes, l’intégration est donc
moins importante. Il y a généralement une stricte répartition des résultats et des risques et les
parties entre elles au sein du contrat de consortium établissement des « mécanismes de
décroisement des responsabilités »116. Au sein de la joint venture l’intégration est plus
importante.
115
G. C. CAPITANT, "Vocabulaire Juridique", PUF éd., 2007.
116
S. BÉNÉZÉANT et E. SÉASSAUD, "Les accords de groupements dans les appels d'offres internationaux (I):
caractéristiques", en ligne : <http://www.usinenouvelle.com/article/les-accords-de-groupements-dans-les-
appels-d-offres-internationaux-i-caracteristiques.N118557>, accès : 16/Avril/2014.-d-offres-internationaux-i-
caracteristiques.N118557>, accès : 16/Avril/2009.
71
ii. Seconde définition de l'intégration
En définissant la société momentanée prévue par l’article 47 du Code des Sociétés Belge,
Stéphane Mercier, comptable fiscaliste belge, évoque les deux types de sociétés momentanées
que le droit belge rencontre117. On retrouve principalement les sociétés momentanées dans le
secteur de la construction : « Dans la pratique, il existe deux types de sociétés momentanées :
les sociétés intégrées et les sociétés non intégrées. Les sociétés momentanées intégrées
supposent un partage des moyens propres pour la réalisation du projet commun. Dans les
sociétés non intégrées, chaque associé réalise une ou plusieurs phases distinctes du projet. »
Pour la joint venture, on imagine parfaitement le « partage des moyens propres pour la
réalisation du projet commun. » Il s’agit ici de partager ses moyens, de les mettre en commun
pour la réalisation du projet. Si le partage des moyens ne suffit pas à lui seul à déterminer la
joint venture, il peut aussi constituer un des faisceaux d’indice en vue de distinguer une joint
venture par rapport à un consortium .
En conclusion, peu importe la définition de l’intégration que l’on retient puisque ce sont
autant d’éléments qui permettront de distinguer le consortium de la joint venture et à la
relecture des deux définitions il semblerait que Stéphane Bénézéant et Eric Séassaud avaient
sans doute à l’esprit la conception d’intégration telle que définie dans le Vocabulaire juridique
puisqu’ils évoquent la répartition des risques et résultats118.
Le droit luxembourgeois reconnait également à l’article 138 de la loi de 1915 sur les sociétés
commerciales un concept similaire dénommé cette fois d’association momentanée.
117
S.MERCIER, «La société momentanée», Pacioli: Bulletin de l'Institut Professionnel des Comptables et
Fiscalistes Agréés, 10-23 Novembre 2008, n° 263, p.1.
118
S.BÉNÉZÉANT et E.SÉASSAUD, Les accords de groupements dans les appels d'offres internationaux (I):
caractéristiques, en ligne : <http://www.usinenouvelle.com/article/les-accords-de-groupements-dans-les-appels-
d-offres-internationaux-i-caracteristiques.N118557>, accès : 16/Avril/2014.
72
d. La différenciation par le critère de la personnalité juridique
Le critère de la personnalité semble pertinent (i.); un critère subsidiaire existe à ses côtés:
celui de la stratégie des entreprises (ii.)
119
B. DE CAZALET, « Les nouvelles conditions de contrat FIDIC Conception-construction-Opération (le livre
or) », RDAI/IBLJ, 2012, p. 439.
73
ii. Le critère subsidiaire de la stratégie des entreprises.
E. Séassaud et S. Bénézéant apportent également ce qui nous semble être un troisième critère
subsidiaire pour établir la distinction entre les deux entités120. Ce critère est issu de la
pratique. Ils estiment que les parties qui ont des métiers différents manifesteront davantage
leur volonté de collaborer par un contrat de consortium . L'objectif de cette collaboration est
de pouvoir bénéficier de la complémentarité de leurs activités et obtenir le marché soumis par
le maître d’ouvrage (notamment dans le cadre du Livre Or de la FIDIC). En revanche les
parties qui choisiront la joint venture auront souvent la même activité. Il s’agira davantage ici
de mettre en place une synergie de moyens, augmenter la taille critique de l’entité ainsi créée,
pour pouvoir être à même de réaliser les travaux ainsi demandés par le maître d'ouvrage.
L’objectif selon les auteurs est celui d’éviter à avoir à recourir à la sous-traitance qui est
génératrice d’un surcoût important car le prix comprendra en cas de sous-traitance une marge
parfois substantielle prise sur le sous-traitant tout en empêchant une répartition intéressante
des risques. Au sein du contrat de sous-traitance la majorité du risque repose sur le client du
sous-traitant. Les auteurs ajoutent par ailleurs qu’une joint venture dans le cas de deux ou
plusieurs sociétés exerçant la même activité est plus intéressante qu’un contrat de consortium
. La raison en est que l’indépendance des parties et les mécanismes de décroisement de
responsabilité prévus dans le contrat de consortium induisent la mise en place de provisions
pour couvrir les risques.
La distinction n’est pas que purement formelle. Si les régimes de traitement fiscal et
comptable sont proches en ce qui concerne le consortium ou la joint venture, ils ne sont pas
similaires. Les obligations fiscales et comptables au sein des pays dont le droit applicable a
été choisi sont différentes en fonction des pays. Certains systèmes n’ont pas de législations
fiscales spécifiques concernant les joint ventures et les contrats de consortium « ce qui peut
générer un risque fiscal et comptable substantiel pour les entrepreneurs ».121
120
S.BÉNÉZÉANT et E.SÉASSAUD, Les accords de groupements dans les appels d'offres internationaux (I):
caractéristiques, en ligne : <http://www.usinenouvelle.com/article/les-accords-de-groupements-dans-les-appels-
d-offres-internationaux-i-caracteristiques.N118557>, accès : 16/Avril/2014.
121
S. BÉNÉZÉANT et E. SÉASSAUD, "Les accords de groupements dans les appels d'offres internationaux
(II): les principaux écueils", en ligne : <http://www.usinenouvelle.com/article/les-accords-de-groupements-dans-
les-appels-d-offres-internationaux-ii-les-principaux-ecueils.N118556>, accès : 16/Avril/2014.
74
Dans les pays de l’Europe de l’Est tels la Pologne ou la Hongrie, la joint venture est souvent
inconnue des législations nationales122. Dans ces pays, l’administration fiscale exige souvent
que le leader ou le chef de file enregistre dans ses livres comptables la totalité du chiffre
d’affaires du projet. Comme l’expliquent Stéphane Bénézéant et Eric Séassaud, cela rend ces
entreprises chefs de file imposables au titre de la TVA et de l’Impôt sur les Sociétés pour la
totalité du Chiffre d’affaire alors que les chefs de file n’en généreront qu’une partie. Cela
constitue indéniablement des coûts extrêmement importants pour les chefs de file des
consortium s. Pour pouvoir déduire ces frais, les chefs de consortium auront besoin d’un
instrument juridique particulier au support de leurs écritures. Ce problème se prolonge en ce
qui concerne la facturation. Ces problèmes trouvent cependant des solutions quand une
société de projet est réellement créée pour l’occasion, notamment dans les pays de tradition
civiliste.
Nous avons identifié les problèmes relatifs aux Livre Or. Tentons d'en effectuer un bilan.
122
S. BÉNÉZÉANT et E. SÉASSAUD, "Les accords de groupements dans les appels d'offres internationaux
(II): les principaux écueils", en ligne : <http://www.usinenouvelle.com/article/les-accords-de-groupements-dans-
les-appels-d-offres-internationaux-ii-les-principaux-ecueils.N118556>, accès : 16/Avril/2014.
75
contrat-type que la FIDIC a prévu pour les opérations englobant la conception et la
construction. Le Livre Argent couvre quant à lui les contrats « clés en main ».
Ce sont donc des opérations diverses couvrant déjà un large secteur d’application. Depuis
1999, la FIDIC et les praticiens ont eu le temps de s’adapter à ces contrats. Il faut de plus
signaler qu’au-delà des versions précédentes, il y a eu des versions intermédiaires pour
quelques uns de ces contrats-types, notamment pour le Livre Argent. Le Livre Orange est
paru à partir de 1995. C’est la version intermédiaire qui a précédé la parution du Livre Argent
et qui amorçait d’ores et déjà une répartition des risques différente par rapport aux Livres
Rouge et Jaune. Dans ces derniers, la répartition des risques est plutôt équilibrée entre
l’entrepreneur et le maître d'ouvrage.
En revanche aux termes du Livre Argent, les risques reposent plus largement sur
l’entrepreneur. Il livre l’usine clés en main. L’entrepreneur n’est donc pas concerné que par
une étape de la commande du maître d’Ouvrage, il doit livrer une usine ou une installation
prête à l’emploi.
Cette installation doit à tout le moins passer le cap des différents tests de fonctionnement sur
un temps court après réception des Travaux. L’installation doit être opérationnelle à la
livraison de ceux-ci. Les Risques sont donc plus grands que si l’entrepreneur s’occupait
uniquement de la construction. En cas de problème, il pourrait toujours arguer en cas de litige
que le problème vient de la conception même si ce n’est pas forcément la réalité.
Si l’entrepreneur s’occupe de la conception et de la construction, comme dans le cas du Livre
Jaune, ses deux principales obligations sont de concevoir une installation opérationnelle en
accord avec le maître d'ouvrage et de la construire conformément à la conception prévue.
Dans le cadre du Livre Argent, il y a une exigence de fonctionnement. Les obligations et les
responsabilités sont donc plus grandes pour l’entrepreneur. C’est une particularité de ce type
de contrat mais qui a été amorcée, préparée par une version intermédiaire.
123
FIDIC, FIDIC Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
76
vouloir intégrer dans un même Contrat les opérations de conception de construction et
d’Exploitation repose en grande partie sur les stipulations prévues du Livre Jaune. Les
stipulations concernant la phase d’Exploitation ou d'opération ne sont pas assez précises.
II) Un exemple de la création d'un contrat FIDIC à partir d'un ancien contrat FIDIC
Le Livre Or de la FIDIC, malgré les réserves précitées, constitue un exemple significatif de la
création d'un contrat FIDIC sur la base d'un contrat FIDIC préexistant. Un travail préalable de
fond a été effectué par le comité des contrats de la FIDIC, l'objectif de la cohérence par
rapport au Livre Jaune était clairement énoncé.
Ces éléments seront pris en compte dans la synthèse de notre étude sur la reprise des contrats
dans le cadre de l'élaboration des contrats FIDIC.
Synthèse
Le processus d'élaboration des contrats FIDIC repose sur la reprise de divers contrats-types
(§1). Ce processus a évolué dans la mesure où les acteurs de la construction internationale ont
eux-mêmes repris le Livre Jaune de la FIDIC pour créer le Livre Or (§2).
§1 L'élaboration par la reprise des contrats
Le Livre Rouge et le Livre Jaune de la FIDIC ont été élaborés par la reprise des contrats
nationaux britanniques ICE et JCT.
A leurs côtés, le Livre Or de la FIDIC124 a été élaboré par la reprise du Livre Jaune.
Au-delà, le Livre Or de la FIDIC constitue un exemple concret de la transnationalisation du
droit applicable aux projets de construction internationaux. Dans ce cadre, les lois nationales
relatives aux projets de construction revêtent une force moins importante au profit d'un droit
potentiellement autonome, "transnational". Le terme de "transnational" au lieu du terme
"international" est utilisé ici car il n'existe pas de traité international relatif à la construction.
Ce sont des concepts qui sont issus des droits nationaux (pas uniquement ceux applicables) et
transitant par les contrats FIDIC qui sont un vecteur de leur circulation qui s'appliquent au
travers de ces contrats. Les contrats FIDIC puisent leur substance dans ces sources nationales
ainsi que dans les contrats qu'elle édite. Ce droit transnational de la construction serait
autonome des droits nationaux et serait libre d'en choisir les sources. En l'espèce, l'élaboration
du Livre Or est un exemple significatif de l'élaboration d'un droit transnational de la
124
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book), 2008.
77
construction. Nous pouvons considérer que le Livre Or possède deux types de sources: l'une
directe et l'autre indirecte.
La source d'inspiration directe est le Livre Jaune de la FIDIC, qui est l'un des contrats-types
de la FIDIC issu de la Suite Arc-en-Ciel de 1999. Ce Livre Jaune constitue également une
nouvelle édition en termes de fond et de forme par rapport aux précédentes éditions du Livre
Jaune dont la première édition remonte à 1963. Le Livre Or s'inspire directement du Livre
Jaune en reprenant plusieurs de ses articles.
Ce Livre Jaune est lui-même inspiré des formes de contrat ICE et JCT en pratique chez les
ingénieurs en génie civil britanniques. Les contrats ICE et JCT inspirant notamment les
premières éditions du Livre Jaune, ils constituent également une source indirecte pour le Livre
Or. L'influence de cette source indirecte est plus ou moins lointaine au gré des multiples
développements connus par le Livre Jaune et la pratique internationale, certains concepts de
droit britannique demeurent cependant. Il en va ainsi de l'obligation pour les parties au Livre
Or de la FIDIC de minimiser les dommages.
§2 La création du Livre Or par les acteurs de la construction internationale
La création du Livre procède d'une demande des acteurs de la construction internationale (I)
caractérisant l'existence d'éléments constitutifs d'un droit transnational de la construction125
(II).
I) La demande des acteurs du secteur de la construction internationale
Un élément relevé dans notre étude laisse présumer de l'existence d'un droit transnational de
la construction, dont le Livre Or de la FIDIC fait partie: l'apparition du Livre Or de la FIDIC a
procédé d'une demande des acteurs de la construction internationale. La plupart de ces
acteurs, notamment les maîtres d'Ouvrage, souhaitaient disposer d'un contrat unique englobant
les phases de conception, construction et exploitation.
Le Livre Or de la FIDIC repose donc sur une communauté ayant demandé son élaboration.
Cette communauté est constituée des utilisateurs des contrats FIDIC qui sont également les
acteurs du secteur de la construction internationale. Cette dernière est une entité réelle, sa
manifestation pour la demande de la création du Livre Or prouvant son existence.
II) Les éléments constitutifs du droit transnational de la construction
Deux éléments fondamentaux apparaissent ici: un contrat FIDIC constituant d'un possible
droit transnational de la construction ainsi que la manifestation éventuelle d'une communauté
ayant demandé son élaboration. Ces éléments illustrent une transnationalisation du droit
125
Les expressions "Droit transnational de la construction" et "Lex constructionis" seront indistinctement
utilisées.
78
applicable aux projets de construction internationaux. et permettent de présumer l'existence
d'un éventuel droit transnational de la construction. Ce droit transnational inclurait les contrats
FIDIC et régirait la communauté des acteurs du secteur de la construction internationale.
Ces éléments transparaissent également au regard de l'amélioration potentielle des contrats
FIDIC.
79
80
Chapitre 2 L'amélioration des contrats
La FIDIC ne se contente pas de reprendre des contrats-types: elle a un souci constant
d'amélioration de ceux-ci. Cette amélioration des contrats s'effectue aussi bien sous un régime
de propriété (Section 1) ou hors pareil régime (Section 2).
Nous examinerons donc dans un premier temps l'application du droit d'auteur aux contrats
FIDIC (§1) avant de nous intéresser à l'application du droit de propriété industrielle aux
éléments annexes des contrats FIDIC (§2).
126
Nous choisissons cette division en commençant par la qualité potentielle d'auteur de la FIDIC plutôt que de
commencer par le critère d'originalité de l'œuvre puisque l'objet de cette étude est également d'étudier les pistes
de protection possibles de la FIDIC relativement à ces contrats, si ces dernières existent. Nous estimons
cependant que les contrats FIDIC ne rentrent pas dans le champ d'application du droit d'auteur. Nous étudions
simplement l'hypothèse de l'existence potentielle d'un droit d'auteur ainsi que la manière de le protéger.
81
les différents comités des contrats chargés de la rédaction des contrats FIDIC qui ont eu en
charge de rédiger en premier lieu les différents contrats FIDIC. Les membres de ces comités
ne pourraient-ils pas revendiquer la qualité d’auteur ? Explorons les arguments en faveur (1)
et en défaveur de cette hypothèse (2).
La FIDIC se comporte par ailleurs en auteur de ces contrats quand elle estime que pour
modifier ses conditions générales, il y a nécessité de contracter auprès d'elle une licence. C'est
ce qu'ont notamment fait les banques multilatérales de développement pour pouvoir amender
le Livre Rouge de la FIDIC et qui a abouti à la création du Livre Rose de la FIDIC.
Il est par ailleurs important de rappeler que les rédacteurs des contrats FIDIC sont pour
certains d'entre eux ingénieurs en génie civil, souvent consultants dans les domaines qui sont
les leurs. Plusieurs raisons peuvent conduire les rédacteurs à céder leurs droits à la FIDIC.
La première raison est que la FIDIC est une fédération de taille globale. Les contrats types de
la FIDIC sont utilisés dans une proportion importante dans le secteur de la construction
internationale. En contribuant non pas en tant que personne, mais en tant que membre d’un
comité, d’une fédération, les rédacteurs bénéficient de l’aura apportée par la commune
renommée de la FIDIC dans leur activité professionnelle.
127
Article L 113-1 du Code de la Propriété Intellectuelle Français : « La qualité d'auteur appartient, sauf preuve
contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée. »
82
La seconde raison pourrait être que la FIDIC bénéficie également de la renommée et de
l’expertise de ses membres pour élaborer les contrats les plus adaptés à ses objectifs et aux
demandes du marché. Il ya donc bien un intérêt commun à la renonciation des uns et des
autres à leurs qualités et à leurs prétentions. Gageons donc ici que la FIDIC, par renonciation
des membres du comité des contrats, co-auteurs, soit détentrice des droits d’auteurs sur les
contrats.
La troisième raison serait la nature de "création collaborative internationale128" des contrats
FIDIC qui justifierait la gestion des droits d'auteurs par une organisation qui serait en
l'occurrence la FIDIC.
Il n'en demeure cependant pas moins qu'au regard des conceptions du droit de la propriété
littéraire artistique français et des droits d'inspiration civiliste, la qualité d'auteur de contrats
de la FIDIC, bien que séduisante, soit difficile à démontrer131.
128
L'expression a été utilisée par le Professeur N.Binctin dans une contribution intitulée "Standardisation
Internationale privée et droit de la propriété intellectuelle" parue dans l'ouvrage de R.Bismuth, "La
standardisation internationale Privée: aspects juridiques", éditions Larcier, Juillet 2014, p.77. Cette expression
semble adéquate à la nature factuelle des contrats FIDIC. Il s'agit effectivement d'une création collaborative
internationale, malgré le fait que cette création soit basée ab initio sur des contrats nationaux (cf supra, p.15 et
suivants).
129
P.TREFIGNY, "Les situations entre deux, la maîtrise nécessaire par le contrat", in J.BRUGUIERE "Les
contrats de la propriété intellectuelle", Actes du colloque du 7 Décembre 2012, Dalloz éditions, 2013, p.39.
130
P.TREFIGNY, "Les situations entre deux, la maîtrise nécessaire par le contrat", in J.BRUGUIERE "Les
contrats de la propriété intellectuelle", Actes du colloque du 7 Décembre 2012, Dalloz éditions, 2013, p.44.
131
Entretien avec le Professeur Christian Le Stanc, 21 juillet 2015.
83
2) Les arguments défavorables de la qualité d'auteur des contrats FIDIC
Les arguments en défaveur de la qualité d'auteur de la FIDIC en droit suisse et en droit
français ont une assise réelle.
Tout d'abord la conception du droit d'auteur de ces pays accorde une place prédominante au
caractère personnel du droit d'auteur. La personne morale ne peut avoir la qualité d'auteur que
s'il s'agit d'une société de gestion collective des droits d'auteurs. Pour le reste, seuls les auteurs
personnes physiques sont admis.
Ensuite, l’affirmation selon laquelle la FIDIC a la qualité d'auteur des contrats FIDIC est
discutable au regard de la loi fédérale sur le d’auteur suisse132 (communément appelée
« LDA ») en date du 9 octobre 1992. L’article 6 de cette loi dispose que « par auteur, on
entend la personne physique qui a crée l’œuvre ». L’article 7 de cette même loi dispose que
plusieurs auteurs ayant contribué à la création d’une même œuvre peuvent se voir attribuer la
qualité de co-auteurs leur donnant des droits égaux et concurrents sur la dite œuvre. Si l’on en
revient donc aux contrats FIDIC, ce seraient donc les membres des comités des contrats et
non la FIDIC qui serait auteure.
132
La FIDIC a son siège à Genève en Suisse, le droit Suisse relatif à son statut d'association est donc le droit
suisse.
84
plusieurs prérogatives (2). Il se rattache davantage à la conception moniste-personnaliste du
droit d’auteur (3).
Ces caractères se retrouvent tant dans la législation française sur le droit d’auteur qu’au
niveau de la loi suisse sur le droit d’auteur. Il convient donc pour la FIDIC de bien veiller à
délimiter clairement le droit moral qui demeure en principe aux auteurs des différents comités
des contrats des droits patrimoniaux dont elle use pour assurer en partie sa survie.
133
Les aspects moral et patrimonial du droit d’auteur ici exposés sont repris du portail internet de la SACD :
http://www.sacd.fr/Droit-moral-droit-patrimonial.91.0.html
134
Ces prérogatives sont reprises du portail internet de la SACD, http://www.sacd.fr/Droit-moral-droit-
patrimonial.91.0.html
85
- Le droit de paternité : L'auteur a le droit de se faire connaître publiquement en sa qualité
d'auteur de l'œuvre divulguée. Il peut choisir de demeurer anonyme, de se faire connaître sous
un pseudonyme, mais aussi interdire à quiconque d'usurper la paternité de son œuvre.
- Le droit au respect de l'œuvre : L'auteur peut s'opposer à toute modification, suppression ou
ajout susceptible de modifier son œuvre initiale, dans la forme comme dans l'esprit.
- Le droit de retrait et de repentir : Moyennant une juste indemnisation de celui auquel
l'exploitation de l'œuvre a été cédée, l'auteur peut décider de mettre fin avant la fin de son
contrat à l'exploitation et à la diffusion de son œuvre, sans autre justification.
Concernant ces prérogatives, il apparait difficile que les membres des comités des contrats
puissent les exercer, notamment en étant co-auteurs. Ces derniers ont des droits concurrents
sur l’œuvre. Cette prérogative est d’ailleurs à l’image de la conception moniste personnaliste
selon laquelle le droit d’auteur est lié de manière intime à la personnalité.
135
A. BOISSON, "La licence de droit d'auteur, Bibiothèque de droit de l'entreprise", Tome 86, Lexis Nexis,
2013, p. 59.
136
A. BOISSON, "La licence de droit d'auteur, Bibiothèque de droit de l'entreprise", Tome 86, Lexis Nexis,
2013, p. 59.
137
A. BOISSON, "La licence de droit d'auteur, Bibiothèque de droit de l'entreprise", Tome 86, Lexis Nexis,
2013, p. 59.
138
Aux termes de cette théorie, majoritaire en France, le droit d’auteur contient bien deux prérogatives morale et
patrimoniale, elles sont cependant irréductibles à une nature unique. Les tenants de cette thèse ont très souvent
pris parti contre la distinction cession/licence.
86
La qualité de propriétaire pourrait être déterminante quant à la réalisation d’une telle
possibilité, la FIDIC pouvant potentiellement être qualifiée de propriétaire.
139
Nous considérons en effet que la FIDIC adopte une attitude de propriétaire lorsqu'elle négocie les contrats de
licence avec les banques multilatérales de développement.
140
A. BOISSON, "La licence de droit d'auteur", Bibiothèque de droit de l'entreprise, Tome 86, Lexis Nexis,
2013, p. 57.
87
Comme le résume parfaitement Monsieur Alexis Boisson, Madame Alma-Delettre s’appuie
sur une analyse dont on trouve les sources chez Jhering. Ce dernier a été suivi en France par
des auteurs tels que Rigaud puis Josserand, et dont on peut voir l’accomplissement en droit
positif dans l’Ecole de Montpellier, dont le fondateur est Jean-Marc Mousseron. Dans sa thèse
de doctorat, Jean-Marc. Mousseron démontre que le droit du breveté est un droit de propriété.
Cette qualification s’appuie sur le contenu du droit qui réunit les trois éléments
caractéristiques du droit de propriété, l’usus, le fructus et l’abusus et sur le rejet des arguments
contraires tirés du caractère temporaire du droit et de la nature incorporelle de l’objet. Cette
analyse est une analyse traditionnelle qui ne constitue pas une véritable rupture mais un rappel
de l'origine du droit du brevet, qui est un droit de propriété intellectuelle141. La rupture
interviendrait en considérant que les personnes morales peuvent être "propriétaires" des droits
sur les contrats FIDIC, ce qui faciliterait la cession des droits d'auteurs142. Par ailleurs, il
conviendrait de modifier la nécessité d'une œuvre originale, ce qui semble peu réaliste pour
des contrats-types143.
141
Entretien avec le Professeur Christian Le Stanc, le 21 juillet 2015, Montpellier.
142
Nous évoquons à dessein ici le terme de cession plutôt que celui de licence. En effet, comme l'estime le
professeur Jacques Raynard dans sa thèse de doctorat, " le caractère temporaire du droit de propriété
intellectuelle ne suffit pas à évincer la distinction fondamentale, qui, au sein des contrats de mise à disposition
d'une chose, distingue ceux qui comportent espoir de retour de ceux qui emportent transfert définitif des
avantages de la chose dans le patrimoine du contractant." in A.Boisson "La licence de drot d'auteur",
Bibliothèque de droit de l'entreprise N°86, Lexis Nexis, 2013.
143
Entretien avec le Professeur Christian Le Stanc, le 21 juillet 2015, Montpellier.
88
ADPIC dans ce mouvement de standardisation internationale du modèle propriétaire de la
propriété intellectuelle est grande, que ce soit au Brésil, en Inde, en Chine ou en Russie."144
Il ne fait nul doute que la reconnaissance du caractère patrimonial du droit d'auteur s'inscrirait
dans ce mouvement et donnerait des arguments supplémentaires à la FIDIC pour que celle-ci
puisse bénéficier de la qualité de propriétaire des contrats FIDIC. La réserve demeure
cependant la qualité d'œuvre originale des contrats FIDIC (cf infra, p.79 et s.).
Si cette qualité était reconnue, la FIDIC pourrait elle-même gérer de manière collective les
droits des membres des comités de rédaction ou le faire par le biais d'un intermédiaire. Cette
démarche s'inscrirait dans le cadre de la "standardisation de la gestion collective volontaire"
en cours au niveau mondial et pourrait potentiellement protéger la FIDIC145.
« Le droit patrimonial se caractérise par la propriété de l'auteur sur son œuvre. L'auteur a la
faculté d'exploiter son œuvre par la représentation ou la reproduction, sous quelque forme
que ce soit, aux fins éventuelles d'en tirer un bénéfice. C'est dans l'exercice de ce droit qu'il
peut autoriser ou interdire l'exploitation de son œuvre, laquelle génère une rémunération
pour l'auteur.
Les droits patrimoniaux sont exclusifs, l'auteur étant le seul à même de définir les conditions
d'exploitation de son œuvre. Ils sont cessibles aux tiers, à titre gratuit ou onéreux. Ils sont
également limités dans le temps, contrairement aux droits moraux qui eux demeurent
144
N. BINCTIN, "Standardisation Internationale privée et droit de la propriété intellectuelle" parue dans
l'ouvrage in R. BISMUTH, "La standardisation internationale Privée: aspects juridiques", éditions Larcier,
Juillet 2014, p.74.
145
N. BINCTIN, "Standardisation Internationale privée et droit de la propriété intellectuelle" parue dans
l'ouvrage in R. BISMUTH, "La standardisation internationale Privée: aspects juridiques", éditions Larcier, Juillet
2014, p.79.
89
perpétuels. Ces prérogatives patrimoniales sont reconnues à l'auteur durant toute sa vie,
ainsi qu'à ses ayant droits 70 ans après le décès de ce dernier146. »
Aux termes de cette définition, les membres des comités des contrats disposent aussi d’un
droit patrimonial sur leur œuvre. Pour les mêmes raisons d’intérêt mutuel commun il est à
supposer que les membres des comités des contrats ont cédé leurs droits patrimoniaux à la
FIDIC ainsi que les prérogatives y étant attachées. Pour l'heure, les prérogatives patrimoniales
de l'auteur sont à la disposition de celui-ci.
146
Ces prérogatives sont reprises du portail internet de la SACD, http://www.sacd.fr/Droit-moral-droit-
patrimonial.91.0.html
147
Ces prérogatives sont reprises du portail internet de la SACD, http://www.sacd.fr/Droit-moral-droit-
patrimonial.91.0.html
90
- Le droit de reproduction:
L'auteur la faculté d'autoriser la fixation matérielle (enregistrement) de son œuvre sur les
supports et par les procédés de son choix, en vue d'une communication indirecte au public. Ici
encore la FIDIC en fait pleinement usage.
- Le droit de suite:
- Le droit de destination:
L'auteur a le droit de faire respecter la destination première qu'il a souhaité donner à son
œuvre. Ce droit s’applique aux contrats FIDIC. Certaines copies des contrats FIDIC ne sont
délivrées qu’à titre de spécimen et ne peuvent par exemple pas servir de base pour établir un
148
Informations extraites du portail internet de l’Institut National pour la Propriété Intellectuelle :
http://www.inpi.fr/fr/l-inpi/la-propriete-industrielle/comment-proteger-vos-creations.html#c324
91
contrat basé sur les conditions FIDIC. Cela pourrait en effet être considéré comme un motif
de contrefaçon.
Il est à préciser ici que la FIDIC a elle-même émis des « licences149 » (contrats de
concession) concernant l’utilisation des contrats qu’elle édite, se comportant de facto comme
propriétaire des contrats FIDIC. Après avoir déterminé la qualité des auteurs de la FIDIC, il
convient à présent de déterminer la nature de ces contrats FIDIC même si les développements
précédents ont clairement permis d’en entrevoir l’issue.
Nous remarquons ici que les prérogatives patrimoniales de la FIDIC sur les contrats sont
limitées et que la protection qu'offre le droit de la propriété intellectuelle se limite aux
marques et aux logos.
149
Pour des informations complémentaires relatives aux licences octroyées par la FIDIC:
http://fidic.org/sites/default/files/fidic_licence_agreements.pdf
150
L’expression « droit d’auteur économique » semble avoir été théorisée par C. CARON parmi d’autres
auteurs tels qu’A.BORIES dans sa thèse « Le formalisme dans les contrats d’auteur- Contribution à l’édification
d’un droit d’auteur économique. », éd. Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2010.
92
Comme le décrit Alexis Boisson dans son ouvrage sur la licence de droit d’auteur 151, le droit
d’auteur a été conçu dans une optique de protection de l’auteur, d’où le formalisme important
notamment dans la rédaction du contrat de licence. Cependant en termes d’exploitation de
l’œuvre, l’intérêt de l’auteur n’est pas unique et le formalisme imposé par le code de propriété
intellectuel, notamment français et par les législations civilistes qui s’en inspirent, freinent la
circulation économique de cette œuvre. « A l’image du régime du droit de la propriété, qui
ne peut avoir pour unique objet la protection du propriétaire, la propriété littéraire et artistique
ne saurait avoir pour unique objet la protection de l’auteur. Elle protège l’œuvre et son
exploitation, chose qui n’est possible qu’à travers la protection de l’auteur. »
La qualité d'auteur de la FIDIC concernant les contrats FIDIC est difficile à démontrer en
l'espèce, même si certains éléments tendent à ouvrir cette possibilité. Il convient à présent
d'étudier la qualité d'œuvre originale des contrats FIDIC.
Concernant le critère de forme, ce dernier nécessité d'être explicité. Le fond de l’œuvre doit
être dissociable de la forme de l’œuvre, cette dernière devant être perceptible par les sens. Ce
critère est aisément rempli concernant les contrats FIDIC. Ceux-ci ont un support papier,
151
A. BOISSON, "La licence de droit d'auteur", Bibliothèque de droit de l'entreprise, Tome 86, Lexis Nexis,
2013, p. 57.
.
93
électronique dépendant des versions FIDIC auxquelles on fait référence, le fond y est
aisément distinguable de la forme.
L'autre argument pouvant potentiellement aller dans le sens de la qualité d'œuvre originale des
contrats FIDIC est la distinction de la suite des contrats FIDIC des autres contrats-types de
même genre par l'existence d'une clause spécifique abordant la résolution des différends. Il
s'agit notamment de la clause relative au comité de résolution des différends qui est
particulièrement distinctive des contrats FIDIC. Il convient cependant de rappeler que
l'institution du comité de résolution des différends n'est pas unique aux contrats FIDIC. Celle-
ci s'est progressivement instituée au fil des différents contrats relatifs aux différents projets.
Le critère d'originalité, même s'il peut être défendu, est loin d'être assuré.
152
Informations issues du portail internet du ministère de la culture et de la communication :
http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/oeuvres.htm
94
Ensuite, l'idée dominante dans la doctrine civiliste relative à la propriété intellectuelle est que
les idées ne sont pas protégeables153. Par ailleurs, les contrats ainsi que les clauses ne rentrent
pas non plus dans le cadre du droit d'auteur en droit français parce qu'il s'agit souvent de
clauses similaires qui se retrouvent dans beaucoup de contrats du même secteur. Ces clauses
sont ensuite modifiées en fonction de la volonté consensuelle des parties. Nous pouvons ainsi
prendre l'exemple de la comparaison des contrats FIDIC avec les Cahiers des Clauses
Administratives Générales des marchés de travaux publics. Ces derniers sont les contrats-
types proposés par le ministère de l'économie et des finances pour les marchés de travaux
publics. Un travail de comparaison que nous effectuons plus loin (cf infra) montre que les
clauses de ces deux contrats-types sont très proches.
Ainsi les arguments en défaveur du caractère original des contrats FIDIC sont sérieux. Cela ne
veut pas pour autant dire que la politique d'octroi de licences est inefficace, loin s'en faut.
Celle-ci présente un intérêt majeur: augmenter la crédibilité et la rentabilité de la FIDIC pour
financer ses diverses activités. De plus, ces licences constituent un frein psychologique plus
ou moins efficace pour les personnes souhaitant utiliser les contrats FIDIC dans des
conditions non prévues par la FIDIC. Enfin, si les législations civilistes n'admettent pas ce
copyright sur les contrats, les législations des pays anglo-saxons sont susceptibles d'être plus
accueillantes concernant cette possibilité.
Les contrats FIDIC ne semblent donc pas rentrer dans le champ d'application du droit d'auteur
au regard du droit français. Ils demeurent cependant un actif qu'il convient de protéger.
Examinons à présent les autres moyens pour protéger les contrats FIDIC.
153
Entretien avec le Professeur Christian Le Stanc, le 21 juillet 2015, Montpellier.
95
§1 L'amélioration du fait de l'évolution du marché de la construction internationale
L'évolution du marché de la construction amène les FIDIC à prendre des initiatives (I) qui
suscitent des réactions de la part des acteurs du secteur (II).
Cette notion, tirée du droit civil et bien connue du droit français a toujours fait l’objet de
scepticisme et de circonspection de la part des ingénieurs et juristes évoluant dans le cadre de
législations basées sur la common law.
96
Pour autant, l’expansion de l’utilisation des contrats FIDIC dans les pays de l’Est ainsi que
dans les pays d’Afrique francophone, ajoutée à leur utilisation en France154 ont conduit les
différents comités de rédaction des contrats et notamment celui de réaliser la première « suite
Arc-en-ciel » (« rainbow suite ») à prendre en considération de manière plus importante les
aspects relatifs au droit civil. C’est ainsi que la suite Arc-en-ciel de 1999 a vu apparaître en
son sein la notion de force majeure, bien connue du droit civil, appréhendée par la suite par
les juridictions basées sur la common law ainsi que par les juridictions arbitrales.
L’introduction de la notion de force majeure est l’un des multiples symboles de l’amélioration
des contrats FIDIC et ce même si cette évolution fut ponctuelle. En effet les éditions
postérieures des Livres FIDIC ne contiennent pas la notion de force majeure. Dans le même
esprit, la 2ème édition de la suite Arc-en-Ciel dont la sortie est prévue en 2016 ne prévoit pas
plus le retour de cette notion.
Il convient d'indiquer que les stipulations contractuelles des contrats FIDIC dans leur objectif
d'équilibre suscitent des réactions diverses.
154
Nous pensons notamment au projet du Tunnel sous la Manche qui a amené comme évolution majeure la mise
en place du Comité de Résolution des Différends (Dispute Adjudication Board) composé d’un collège dans les
contrats FIDIC alors qu’auparavant, la tâche de résoudre les litiges préalablement à l’arbitrage revenait
principalement à l’ingénieur. Ce dernier était (et demeure) sous le coup d’une présomption de partialité de la part
des parties notamment de la part de l’entrepreneur. En effet, l’ingénieur était auparavant sous la subordination
tant juridique qu’économique du Maître d'ouvrage. Il disposait en effet de prérogatives importantes quant à la
résolution des litiges. Le Comité de Résolution des Différends s’est vu attribuer une partie des prérogatives quant
à la résolution des Différends. Son caractère collégial, l’accord des parties quant à la nomination de ses
membres, ainsi que le suivi régulier sans pour autant être quotidien ont permis d’amenuiser quelque peu le
contentieux lié à la partialité de l’ingénieur, sans pour autant le faire disparaître, loin de là.
97
quatrième version et une cinquième est prévue pour début 2015. Il était donc d’une certaine
manière logique pour la FIDIC de s’appuyer sur la structure du Livre Rouge, de choisir une
couleur de référence dérivée de la couleur Rouge (en l’occurrence le Livre Rose) pour définir
le nouveau Livre. Il en allait également de même en termes de lisibilité. De plus, toute la
jurisprudence arbitrale ainsi que celles des juridictions nationales amenées à se prononcer sur
des clauses relatives au Livre Rouge ont pu démontrer toute leur utilité puisque l’essentiel de
ces clauses ont été reprises dans le Livre Rose. Cela facilite de manière importante le travail
des praticiens en leur épargnant un travail déjà accompli. Cependant, les réactions positives
s'accompagnent également de réactions négatives.
B) Les réactions négatives
Des critiques récurrentes envers le contenu des obligations des parties notamment dans le
Livre Rose sont prononcées. Témoignant d'un certain immobilisme, ces critiques émanent tant
de la part des maîtres d’Ouvrage (1) que de la part des entrepreneurs (2).
155
New Engineering Contracts, suite de contrats qui se veut concurrente de la FIDIC et réputée pour certaines de
ses clauses comme celle de «early warning » ou offrant des solutions alternatives de paiement (« lump sum »)
98
b) Le développement des législations des pays cibles des banques de développement
Une réflexion est en cours depuis plus d’une dizaine d’années156 sur l’efficacité de l’aide au
développement. L’un des objectifs primordiaux des conférenciers réunis à Accra et à Paris
était de faire un état des lieux sur la politique d’aide au développement en vue de l’évaluer
d’une part, et d’autre part d’en accroître l’efficacité.
L’un des constats récurrents étaient que les contrats FIDIC étaient extrêmement utiles dans le
contexte de l’époque, à savoir que les législations des pays cibles de l’aide au développement
ne possédaient pas le degré de sophistication nécessaire pour donner des garanties suffisantes
aux différentes parties engagées sur des contrats de construction relatifs à des ouvrages d’art
ou d’usines. Les contrats FIDIC, insérés dans les documents d’appel d’offres des Banques
Multilatérales de Développement, apportaient une matrice contractuelle opérationnelle,
éprouvée. Ils ont contribué progressivement à mettre à niveau les législations des différents
pays sollicitant l’aide des Banques Multilatérales de Développement. Ces pays, eux-mêmes
désireux de bénéficier des financements des Banques Multilatérales de Développement ont
mis à niveau leurs législations, parfois en s’inspirant directement des Livres de la FIDIC 157.
La question que se posaient donc les participants à cette conférence était la pertinence du
recours aux contrats FIDIC alors que la législation remplissait selon les participants à cette
conférence le degré de sophistication nécessaire. Dans un contexte de stagnation, voire de
diminution de l’aide au développement, décision a été prise de s’adapter au mieux aux réalités
locales en envisageant d’accepter les documents des appels d’offre des pays cibles des
financements des Banques Multilatérales de Développement. Coller au mieux à la réalité en
vue d’accroître l’efficacité, tel pourrait être le slogan des conclusions dégagées par les
conférenciers d’Accra et Paris.
Toutefois, la FIDIC, l’EIC ainsi que l’EFCA se sont opposés à cette orientation158.
L’argument le plus consistant présenté par ces derniers était la mise en avant de l’expérience
acquise et accumulée par les différents praticiens du secteur de la construction internationale
dans l’utilisation des contrats FIDIC. Autrement dit, les professionnels du secteur de la
construction internationale avaient acquis des décennies de pratique sur les contrats FIDIC, de
la jurisprudence arbitrale et nationale avaient été accumulés sur les clauses posant problème et
156
Nous faisons ici aux références sur les différentes conférences relatives à l’efficacité de l’aide au
développement.
157
La Roumanie s’est ainsi inspiré directement des Livres Rouge Jaune et Argent pour revoir sa législation sur la
construction d’ouvrages d’art et celle des appels d’offre.
158
« Joint position paper of CICA, FIDIC and EIC on the Revised Proposed New Framework for the World
Bank's Procurement Policy (dated October 18,2013) », Site Web FIDIC, en ligne :
<http://fidic.org/sites/default/files/JointPP_CICA-FIDIC-EIC_WBProcurement_NewFramework_final.pdf>.
99
ces dernières étaient également révisées. Ces organisations craignaient ainsi que l’admission
de tout document type d’appel d’offre puisse nuire à cette efficacité, fasse perdre des repères
aux professionnels et de fait génère des risques importants au vu des coûts envisagés pour la
réalisation des travaux.
Il s’agit d’un argument consistant, toutefois non dénué d’arrière-pensées commerciales dans
la mesure où la FIDIC négocie l’octroi de licences d’utilisation de ses contrats avec ces
mêmes maître d’Ouvrage. Ainsi, si la référence aux contrats FIDIC dans les appels d’offres
n’était plus quasi-automatique, la pérennité l’expansion, le rayonnement de la FIDIC et des
organisations affiliées et partenaires seraient entièrement remises en question. La réflexion
entamée par les Banques Multilatérales de Développement est en cours, mais il est acquis que
le partenariat et la coopération entre les Banques et la FIDIC perdure et a vocation à
perdurer159.
Les critiques n’émanent pas seulement des maîtres d’Ouvrage, les entrepreneurs n’étant pas
en reste.
159
Les contacts entre ces diverses organisations ont vocation à perdurer. Un exemple récent de ces contacts est
la rencontre entre les diverses parties au mois de Février 2015. Source: http://www.eic-
federation.eu/newsletters/public/eic-newsletter-march-2015/#fuenf
160
FIDIC Rainbow Suite, 1ere éd., 1999.
100
technologiques financiers humains commerciaux, sanitaires liés à l’exécution des Travaux ou
plus simplement à l’inexécution de la part de l’entrepreneur de ses obligations envers le
maître d'ouvrage.
· Livre Argent : le Livre Argent est le contrat que la FIDIC a élaboré pour les contrats d’usine
« clés en main ». Il est paru en 1999, comme un des Livres de la suite Arc-en-Ciel. Une
version intermédiaire est parue en 1995 sous la couleur orange. Au sein du Livre Argent,
l’essentiel des risques relatifs aux contrats d’usine clés en main reposent sur l’entrepreneur,
quand les risques au sein des Livres Jaune, Rouge et Vert sont répartis de manière plus
équilibrée. Il s’agit d’une réponse de la FIDIC aux attentes du marché, notamment à la
nécessité d’avoir un contrat répondant à ce type d’opération spécifique, qui a suivi le
processus normal d’élaboration de la part de la FIDIC. Le cas contraire en revanche s’est
présenté pour la Roumanie.
· La Roumanie : désireuse de recueillir divers financements de diverses Institutions Financières
Internationales, la Roumanie a décidé de réformer sa législation concernant les appels d’offre
ainsi que la construction des ouvrages d’art en s’inspirant directement des Livres Rouge et
Jaune de la FIDIC, dans un premier temps. Dans un second temps, la Roumanie a modifié
l’équilibre des risques de ces contrats. Supprimant l’équilibre retenu par les Livres Jaune et
Rouge, elle a retenu les stipulations de ces derniers en y ajoutant la répartition des risques
prévus dans le Livre Argent161. Rappelons que ce Livre met l’essentiel des risques liés à la
réalisation du contrat à la charge de l’entrepreneur. La nouvelle législation ainsi en cause a
donc suscité la désapprobation de la FIDIC, mais aussi celle des entrepreneurs qui se sont
plaints de prendre en charge de plus en plus de risques.
En réalité, ainsi que l'estime Enrico Vink, directeur exécutif de la FIDIC, si les critiques
émanent des deux parties, cela veut dire que l'objectif d'équilibre des obligations à la charge
des parties est vraisemblablement atteint162.
161
FIDIC Silver Book, FIDIC éd., 1999.
162
Entretien avec E.VINK, secrétaire général de la FIDIC, 2014.
101
Au-delà, les différentes parties ne peuvent contester l'amélioration du contenu des contrats
FIDIC.
1) L’article 2.5 du Livre Rose relatif aux réclamations contre le maître d'ouvrage
Le comité chargé de la rédaction du Livre Rose a savamment repris les clauses ayant posé
difficulté aux professionnels dans le Livre Rouge et les ont clarifiées dans le Livre Rose.
Ainsi que le rapporte L. Grutters lors de la conférence de Bruxelles entre la FIDIC et des
Banques Multilatérales de Développement utilisatrices des contrats FIDIC 163, plusieurs
clauses du Livre Rouge ont ainsi été modifiées avant d’être incorporées dans le Livre Rose.
A titre d’exemple, l’article 2.5 du Livre Rose concernant les réclamations du maître d’ouvrage
fait désormais mention d’un délai de prescription qui sanctionne le maître d’ouvrage n’étant
pas assez diligent. Le maître d'ouvrage s’estimant créancier d’un paiement ou d’une extension
du délai de notification des vices de la part de l’entrepreneur a l'obligation de notifier à ce
dernier l’évènement en cause. Cette notification doit se faire soit au moment de l'avènement.
de l'évènement soit à la période à laquelle le maître d'ouvrage aurait dû prendre conscience de
l’évènement ou des circonstances ayant donné lieu à la réclamation. Cette disposition n’était
pas présente dans le Livre Rouge. Une certaine confusion et donc une insécurité régnaient
163
L.GRUTTERS, «Dispute Avoidance with Pink Book », in FIDIC MDB Conference, 02-03 Juin 2014.
102
quant aux conditions requises par l’entrepreneur pour établir cette notification. La mention
ajoutée dans le Livre Rose « aurait dû prendre conscience » est particulièrement décisive dans
ce cas. En effet, elle établit une prescription plus rapide basée non plus la seule survenance de
l’évènement (qui peut être modulée par l’entrepreneur) mais au professionnalisme du maître
d'ouvrage ou de son représentant (l'ingénieur). Ainsi, passée une certaine période après la
survenance de l’évènement, si les parties ne se rendent compte de rien, il s’agit d’une
négligence, qui n’est pas susceptible de donner lieu à réparation. Cela oblige le maître
d'ouvrage et l’ingénieur à faire preuve de diligence. Si le délai de prescription passe, les
parties ne peuvent s’en prendre qu’à elles-mêmes ou prendre l’initiative d’un contentieux.
Dans une certaine mesure, cela améliore la productivité sur le chantier puisque la diligence
permet une prise de décision et donc une recherche de solutions plus rapide.
Le travail d'amélioration des contrats FIDIC se remarque à l'étude d'autres articles du livre
rose.
2) L’article 4.6 du Livre Rose relatif à la coopération entre les différentes parties
Les membres du comité de Rédaction du livre rose ont également amélioré certaines clauses
susceptibles de porter à confusion présentes dans le Livre Rouge164. Il en va ainsi de l’article
4.6 concernant la coopération entre les différentes parties au contrat FIDIC. Aux termes de cet
article, l’entrepreneur a l’obligation de donner la possibilité à d’autres personnes liées au
maître d'ouvrage la possibilité d’exécuter leurs propres travaux. L’article 4.6 donne ensuite
une liste de ces personnes qui doivent remplir deux sortes de conditions.
La première est une condition de qualité. Ces personnes doivent être :
- le personnel du maître d'ouvrage ;
- tout autre entrepreneur employé par le maître d'ouvrage ;
- les personnels de toute autorité publique légalement constituée ;
Il s’agit ici de critères alternatifs et non cumulatifs.
La seconde condition est que ces personnes soient employées dans l’exécution de travaux non
relatifs au Projet sur le Site des Travaux ou à proximité de ce Site.
Toute instruction donnée en ce sens constitue une Variation si elle implique la nécessité pour
l’entrepreneur de subir des retards et/ou des coûtes imprévus. Les services pour les personnels
précités peuvent inclure l’utilisation des équipements de l’entrepreneurs, des Travaux
164
L.GRUTTERS, «Dispute Avoidance with Pink Book », in FIDIC MDB Conference, 02-03 Juin 2014.
103
Temporaires sur le Site du Contrat, où des accords d’accès qui sont sous la responsabilité de
l’entrepreneur.
Au sein du Livre Rouge, il n’était pas fait mention des retards. Pourtant, dans le secteur de la
construction internationale comme dans nombre d’autres secteurs, le facteur temps a une
influence décisive quant aux coûts du projet. Il s’agit en effet de payer les entreprises sous-
traitantes, leur main-d’œuvre, les frais de location des équipements. Tout retard suppose donc
une prolongation de la nécessité de recourir aux services des sous-traitants qui auront eux
même besoin d’équipements, et ces quelques exemples sont loin d’être exhaustifs. Ce sont ces
derniers éléments qui ont été introduits au sein du Livre Rose.
104
B) L’article 12.1 du Livre Rose relatif à l'évaluation des travaux
L’article 12.1 du Livre Rose de la FIDIC stipule que l’ingénieur a désormais l’obligation
spécifique de certifier les parties non contestées d’une demande de paiement pour les travaux
effectués, ce qui n’était pas non plus le cas auparavant dans le Livre Rouge. Cela avait pour
conséquence la remise en cause de tous les paiements déjà effectués. Cette remise en cause
élargissait le champ du contentieux et générait donc des frais de contentieux supplémentaires
(réunions du comité de résolution des différends, médiation, arbitrages potentiels, procès
devant les tribunaux étatiques…). Ainsi la réduction du litige aux parties du paiement non
certifiées par l’ingénieur permet de se concentrer et donc de trouver une solution plus
rapidement en vue de la poursuite de l’exécution des travaux.
Les améliorations ne se limitent pas aux contrats FIDIC mais se prolongent également à leur
écosystème166.
S’ils permettent la répartition des risques, ces types d’accord (les accords de coopération tels
le contrat de consortium ) n’ont pas pour but la répartition de résultats : chacun y garde la
maîtrise du prix de revient et du prix de vente de ses travaux et en supporte les conséquences.
166
Nous définissons l'écosystème comme les éléments annexes au contrat FIDIC mais nécessaires à leur
élaboration, leur formation et à leur application (dossier de soumission d'appels d'offre, correspondances…).
105
Dans certains cas cependant, les entreprises souhaitent réellement effectuer un partage des
résultats. Les risques inhérents à la constitution d’une société de fait (risque fiscal, risque
juridique de voir leur solidarité étendue à l’égard de tous les tiers) les amènent alors, en droit
français du moins, à mettre en place une société en participation. » Cette société est définie à
l’article 1781 du Code Civil Français. Elle est définie comme une société que les associés ont
convenu de ne pas faire immatriculer. Celle-ci n’a donc pas la personnalité morale et n’est
donc pas soumise aux formalités de publicité. Il est à noter ici que cette volonté de partager
les résultats éloigne le contrat de la qualification de consortium et le rapproche plus du
régime de la joint venture, au pire (le pire étant les conséquences pécuniaires d’une telle
requalification) d’une société de fait. Pour éviter ces risques, certains auteurs167 rappellent que
« D’autres droits fournissent des procédés statutaires qui permettent également, sans création
d’une entité dotée de la personnalité morale, de partager bénéfices et pertes (voire, dans
certains cas, les seuls bénéfices) » comme la Société momentanée prévue en droit belge ou
l’Union Temporal de Empresas (union temporaire d’entreprises, plus connue sous le sigle
UTE) en droit espagnol. « C’est ce type d’association comportant un partage des résultats
que les professionnels appellent plus volontiers joint venture qui réunit les autres
caractéristiques retenues précédemment. »168
Par ailleurs, L.Olavo Baptista et P. Durand Barthez indiquent que « ces accords de partage de
résultats sont devenus suffisamment courants dans le domaine de la construction pour être
parfois conclus, non dans le cadre d’un marché (contrat) ponctuel, mais pour un ensemble
d’affaires sur un marché (territoire géographique ou type de clientèle), ce qui ne manque pas
de poser de sérieux problèmes de droit et peut aisément s’assimiler à une entente de partage
de marchés169. »
167
L. OLAVO BAPTISTA et P. DURAND-BARTHEZ, "Les joint ventures dans le commerce international",
Bruylant éd., Bruxelles : Groupe de Boeck s.a., 2012
168
L. OLAVO BAPTISTA et P. DURAND-BARTHEZ, "Les joint ventures dans le commerce international",
Bruylant éd., Bruxelles : Groupe de Boeck s.a., 2012.
169
L. OLAVO BAPTISTA et P. DURAND-BARTHEZ, "Les joint ventures dans le commerce international",
Bruylant éd., Bruxelles : Groupe de Boeck s.a., 2012.
170
B. CAZALET, Les nouvelle conditions de contrat FIDIC Conception-construction-Opération (le livre
or), RDAI/IBLJ, 2012, p. 439.
106
responsabilité conjointe et solidaire n’est pas réaliste. La présence de sous-traitants sur le site
tels que mentionnés à l’article 4.5 du Livre Or rend la situation encore plus compliquée. La
situation est porteuse de conflits d’intérêt en ce que des entreprises différentes ayant des
activités précises et ponctuelles de conception ou construction auront également des
obligations pendant la phase d’Exploitation/Opération. De même l’Opérateur n’est pas enclin
à assumer cette obligation conjointe et solidaire durant la Phase de conception/ construction,
alors que celle-ci incombe à d’autres entités. Ainsi selon l’auteur, ce n’est qu’à travers un
special purpose vehicle que ce type de structure peut être envisagé avec succès au long terme.
L’auteur relève plusieurs avantages à cette forme sociétaire. Il pointe justement que les
engagements contractuels peuvent être facilement modifiés et n’offrir droit qu’à
indemnisation171. Un pacte d’actionnaires a le mérite de définir clairement les droits, les
obligations, les rapports de force entre chacun des membres formant le SPV ou membres de
la société de projet. Il a également le mérite de pouvoir évoluer, de pouvoir s’adapter en
fonction de l’évolution du projet, de prévoir par exemple les rémunérations en fonction des
développements du projet. Cette structure est déjà largement utilisée dans les partenariats
publics privés en matière de financement de projets.
107
2) L'attractivité de la SAS
L’hypothèse devient d’autant plus attractive que l’Acte Uniforme relatif aux Sociétés
Commerciales en droit de l’OHADA (L’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des
Affaires en Afrique) vient d’insérer la SAS comme société à la disposition des parties en
2014172. L’OHADA regroupe une quinzaine de pays au niveau de l’Afrique subsaharienne. Se
montrer plus flexible quant aux législations des pays OHADA en incorporant la possibilité
d’utiliser une forme sociétaire pour prescrire une joint venture favoriserait les investissements
et pérenniserait plus encore le recours aux contrats FIDIC. Le régime de la SAS en droit de
l’OHADA est très proche de celui prévu par le droit français. Le droit de l’OHADA a donc
une vocation internationale ce qui la rapproche par conséquent de l’objectif poursuivi par la
FIDIC qui est d’étendre l’utilisation de ces contrats de manière plus importante. Les pays de
l’OHADA ont de plus une expérience importante avec les contrats FIDIC. Plusieurs projets y
ont notamment été financés par la Banque Africaine de Développement. Cette banque est une
banque multilatérale de développement. En général, comme les autres banques multilatérales
de développement, elle se conforme à la politique suivie par la Banque Mondiale en matière
d’appel d’offres d’une part. D’autre part, la Banque Africaine de Développement se conforme
à la politique suivie par la Banque Mondiale quant aux documents qu’elle impose lors de cette
phase de passation de marchés. Cela est notamment le cas concernant les contrats FIDIC,
même si cette situation pourrait être amenée à évoluer suite à la redéfinition par la Banque
Mondiale de sa politique d’investissement173 . La SAS pourrait parfaitement s'inscrire dans ce
contexte et servir l'objectif d'efficacité des contrats FIDIC.
172
B.DERIEUX, A.VOISIN et al., OHADA, Linklaters LLP, La réfome du droit des sociétés de l’OHADA, une
évolution majeure du régime du droit des sociétés en Afrique sub-saharienne en ligne :
<http://www.ohada.com/actualite/2110/la-reforme-du-droit-des-societes-de-l-ohada-une-evolution-majeure-du-
regime-du-droit-des-societes-en-afrique-sub-saharienne-article-cabinet-linklaters.html>, accès : 13/Mai/2014.
173
La Banque Mondiale a notamment imposé aux porteurs des projets qu’elle finançait de se référer aux
contrats-types de la FIDIC ainsi qu’aux lignes directrices de cette dernière quant à la passation des appels
d’offre. Cette position pourrait être amenée à évoluer vu que la Banque Mondiale a amorcé à la fin de l’année
2012 un travail de révision de ses lignes directrices quant à sa politique d’investissement. Cette révision aura un
impact sur la position de la Banque Mondiale quant aux contrats FIDIC même si la Banque Mondiale a réaffirmé
à une délégation de la FIDIC l’engagement de préserver la place des contrats FIDIC en tant que standard
international. Cette révision découle de plusieurs raisons. La première est une raison financière : les moyens de
la Banque Mondiale s’amenuisent et le nombre des projets qu’elle finance s’est réduit. Selon Enrico Vink,
directeur exécutif de la FIDIC, le taux de projets financés par la Banque Mondiale représentent aujourd’hui
environ 5% des projets dans le secteur de la construction internationale. La part était précédemment plus
importante. Il convient cependant de rappeler que la Banque Mondiale n’a pas dès la 1 ère édition des contrats
types FIDIC imposé leur utilisation. Cette imposition s’est faite progressivement. La Banque Mondiale (ainsi
que les autres Banques Multilatérales de Développement) ont eu recours au Livre Rouge de la FIDIC
principalement et aux autres Livres de manière plus épisodique. Elle les amendait fréquemment, jusqu’à aller à
imposer les lignes directrices de la FIDIC quant à la passation des marchés publics et l’imposition des contrats
FIDIC pour les projets financés par elle. En 2005 la FIDIC a édité une version harmonisée du Livre Rouge
connue sous le dénominatif « Livre Rose » incorporant les amendements pratiqués systématiquement par la
108
3) La SAS au service de l'objectif d'efficacité des contrats FIDIC
Les contrats-types produits par la FIDIC reposent théoriquement sur un équilibre dans la
répartition des risques et obligations entre les parties. La FIDIC se prévaut par ailleurs de cet
équilibre, tant pour des raisons d’efficacité que pour des raisons d’attractivité.
Il est difficile de donner une définition juridique unique de l’efficacité du contrat en ce sens
que celle-ci est plutôt une notion économique. Le Dictionnaire Larousse définit l’efficacité
comme le caractère de ce qui est efficace174. Il définit le terme « efficace » comme un adjectif
qualifiant ce qui atteint bien sa tâche, son but, qui aboutit à des résultats utiles175. Sur le plan
juridique, le contrat est efficace par essence c’est-à-dire qu’il est l’expression de la volonté
des parties débitrices et créancières d’obligations réciproques pour l’avenir. L’avenir peut être
plus ou moins immédiat. On retrouve ici la distinction entre contrats à exécution instantanée
ou à exécutions successives telles que les prévoient le Code Civil français. Il s’agit en somme
de prévoir des effets pour l’avenir, d’atteindre un but, les causes subjectives qui ont poussé les
Banque Mondiale. La Banque Mondiale finance principalement des projets dans les Pays En Développement
(PED). Les législations de ces pays ne connaissaient pas à l’époque de dispositions assez élaborées permettant
d’envisager des opérations de construction impliquant des acteurs internationaux et fournissant des garanties
suffisantes aux investisseurs et aux entrepreneurs. La Banque Mondiale reconnaît que la situation a évolué et que
plusieurs de ces pays ont établi des législations nationales offrant des garanties suffisantes dans le but de capter
la part la plus importante possible de ces investissements. Certains pays ont repris les stipulations des Livres de
la FIDIC dans leurs lois quand d’autres ont adopté des législations inspirées soit d’autres législations nationales
soit d’organisations internationales telles la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial
International (CNUDCI). Une fois que les pays ont mis à niveau leur législation à un niveau acceptable pour les
investisseurs internationaux, il apparait moins évident à la Banque Mondiale de continuer à exiger l’utilisation
des contrats FIDIC. En effet, l’objectif de la Banque Mondiale est de favoriser par l’intermédiaire de ses
financements le développement des pays où elle intervient. Le développement d’un pays se reflète au travers de
multiples aspects, il inclut également le degré de sophistication d’une législation. Ne pas prendre en compte cette
évolution des législations nationales serait ne pas reconnaître les progrès effectués par ces pays. Cependant, ainsi
que l’ont souligné dans un communiqué conjoint la FIDIC, l’EIC et la CICA (Confederation of International
Contractors’ Associations)173, plusieurs raisons nous laissent considérer que l’utilisation des contrats FIDIC par
les Banques Multilatérales de Développement demeure primordiale. La première de ces raisons est la notoriété
des contrats FIDIC et leur utilisation importante dans le secteur de la construction internationale. Ce sont des
contrats qui sont connus, sur lesquels les différents opérateurs du Secteur de la construction Internationale ont
une expérience ainsi que des références. Grâce aux travaux continus de la FIDIC, des différents opérateurs et
consultants du secteur de la construction internationale travaillant avec ces contrats, les forces et faiblesses de
ces contrats sont exactement connues, des pistes d’amélioration sensibles sont constamment proposées. Reléguer
les contrats FIDIC comme des contrats-type parmi d’autres possibles (ce qui au travers de l’analyse des
déclarations de la Banque Mondiale) comme source d’inspiration entraînerait des modifications majeures. Il faut
cependant être clair : en pratique certains praticiens ne font que s’inspirer des contrats FIDIC quand ils ne les
utilisent pas parce que les jugeant trop « équilibrés » entre le maître d'ouvrage et l’entrepreneur. Ces praticiens
« piochent » ici ou là quelques clauses quand ils ne se réfèrent pas directement à des modèles qu’ils ont
précédemment établis (ce que l’on appelle parfois le know how (savoir faire). Cette pratique de piocher peut se
révéler parfois dangereuse puisque les contrats-types sont conçus comme un tout. Il ne s’agit aucunement ici de
critiquer cette pratique, les circonstances faisant que les praticiens, défendant les intérêts des entreprises qu’ils
représentent ou par lesquelles ils sont employés, ont une obligation d’imposer ou de tenter d’imposer les clauses
favorisant leurs clients, de manière générale. C’est tout l’enjeu de la négociation contractuelle.
174
LAROUSSE, en ligne :
<http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/efficacit%C3%A9/27928?q=efficacit%C3%A9#27784>, accès :
17/Mai/2014.
175
LAROUSSE, en ligne : <http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/efficace/27925>, accès : 17/05/2014
109
cocontractants à contracter. Le contrat est l’expression de la volonté des parties. Cette
efficacité est présumée exister dès lors que les parties exécutent leurs obligations de bonne
foi, ainsi que le prévoit à titre d’exemple l’article 1134 alinéa 3 du Code Civil français. En
termes économiques, l’on pourrait tenter de définir l’efficacité d’un contrat par la faiblesse ou
à tout le moins la fixité, la prévisibilité des coûts générés par les cocontractants pour exécuter
ou non leurs obligations réciproques. Ce qui, il est vrai se rapproche de la notion juridique,
mais la dépasse puisqu’elle implique également l’occurrence de contentieux, la mise en place
d’arbitrages, d’imprévus, qui peuvent générer des coûts supplémentaires rendant caduques les
projections économiques des cocontractants. Effectivement, ces notions sont évidemment
prises en compte par les praticiens du droit notamment dans la rédaction de leurs clauses
(clauses d’imprévision, modalités de calcul du prix…) Cependant, elles sont souvent prises en
compte en fonction des projections économiques que les parties ont faites et les clauses sont
souvent le fruit de la négociation, le contrat étant le résultat des compromis trouvés entre les
différentes parties sur les différentes obligations . Dans les contrats de construction
internationaux, les enjeux financiers et de garantie sont particulièrement cruciaux puisque les
moyens matériels humains et financiers engagés par les parties sont très élevés. La moindre
interruption de l’exécution d’une seule obligation peut très vite entraîner des coûts importants,
voire exorbitants pour les parties. La FIDIC a donc jugé nécessaire d’adopter certains
principes de base de gestion du risque176 (risk management) (cf infra).
110
Cette définition a également pour objectif d’empêcher les membres du consortium ou de la
joint venture de ne pas assumer leur responsabilité conjointe et solidaire qui est l’objectif
principal de la FIDIC. Cet objectif se retrouve à l’article 1.15 du Livre Or de la FIDIC.
Pourtant, sur de tels contrats à long terme, l’auteur rappelle à raison que l’entrepreneur doit se
prévaloir de la possibilité de modifier sa composition ou son statut légal (art.1.15) sans
l’autorisation préalable du maître d’ouvrage au cours de la période d’Opération/
d’Exploitation. La limite devant être que cette modification ne réduise pas sensiblement la
valeur des garanties données au maître d'ouvrage. La raison en est simple : la mobilisation
pour un très long terme des entreprises en cours les empêche de prospecter de nouveaux
marchés ou de transférer ces mêmes équipes sur les différents chantiers. Souvent cependant, il
est fait recours à la main d’œuvre locale pour réaliser les travaux. Cette main d’œuvre fait
d’ailleurs l’objet d’un article 6 au sein du Livre Or. Les capacités techniques ne sont en
général pas locales même si cette dernière tendance a vocation à évoluer. La FIDIC a émis un
nouveau contrat-type dit « Livre Violet177 » pour un modèle de contrat-type pour les
entrepreneurs souhaitant ou nécessitant recourir à des consultants locaux. Cela témoigne
d’une évolution des pratiques puisque pour certains travaux spécifiques, les entrepreneurs
peuvent recourir à des experts locaux.
Toutefois, si ces compétences sont géographiquement situées sur un point A, elles ne peuvent
géographiquement et simultanément être situées sur un point B sur un autre chantier.
L’entreprise perd donc de l’argent. L’exigence d’un consentement du maître d'ouvrage pour
tout changement de composition de l’entité contractante ne se justifie donc pas, notamment si
ces changements ne concernent que des remplacements par des entités affiliées et si la société
mère accepte de maintenir sa garantie.
Cependant, tout est une question de dosage : il ne faudrait pas dans le même temps que
l’actionnariat de la société soit volatile, que les entreprises engagées puissent librement quitter
le navire car cela amoindrirait les garanties apportées au maître d'ouvrage. L’auteur souligne
que le modèle du Livre Or ne prévoit pas de restrictions de cette nature quant au capital de la
joint venture. Il propose des solutions intermédiaires inspirées du droit des sociétés, au travers
de certaines clauses.
177
Model Representative Agreement 1st edition, FIDIC editions, 2013.
111
2) La nécessaire augmentation de la flexibilité dans l'actionnariat
A titre d’exemple, Bruno de Cazalet estime possible de mettre en place un actionnaire
référent pour chaque Phase (conception/construction d’une part et Exploitation ou Opération
d’autre part). Cela donnerait la garantie au maître d'ouvrage d’avoir un actionnaire de
référence à permanence et dans le même temps cela donnerait de la latitude aux actionnaires.
En effet, un actionnaire dont la compétence sera plutôt requise en phase de conception/
construction pourra se retirer ou à tout le moins réduire sa participation dans la phase
d’Exploitation. Le raisonnement inverse peut s’appliquer de la même manière. Dans ce sens,
il faudrait veiller à ce que l’actionnaire de référence dans la phase de conception/construction
garde une participation suffisamment important à la Phase d’Exploitation. L’objectif est de
maintenir la relation privilégiée entre l’entrepreneur et le maître d'ouvrage sur la durée de 20
ans que le Comité des Contrats a fixée pour le Livre Or au travers de la stabilité.
Certaines clauses fréquentes en droit des sociétés pourraient toujours selon Bruno de Cazalet
être appliquées : ainsi, les membres de la joint venture pourraient par exemple stipuler que le
partenaire stratégique qui serait l’actionnaire majoritaire le demeure durant toute la durée du
contrat178. Il disposerait dans le même temps de la faculté de disposer d’une partie de ses titres
après l’écoulement d’une durée de la Phase d’Exploitation qui serait couronnée de succès.
Cette solution permettrait de ménager les intérêts du maître d'ouvrage quant au besoin de
stabilité et des entités se constituant en tant qu’entrepreneur qui seraient ainsi en capacité
d’investir et de prospecter de nouveaux marchés.
L'amélioration des contrats FIDIC est nécessaire mais non suffisante: l'amélioration de
l'environnement des contrats FIDIC est tout aussi importante.
178
B. CAZALET, «Les nouvelles conditions de contrat FIDIC Conception-construction-Opération (le livre
or)», RDAI/IBLJ, 2012, p. 439.
112
A) La reconnaissance de la qualité de produit commercial des contrats FIDIC
L’appellation « produit » est volontairement mise entre guillemets car il s’agit ici de la
qualification commune du terme et non de l’appellation juridique.179 Il est plus ici question de
l’appellation commune d’un produit, telle qu’une marchandise destinée à la vente qu’une
simple œuvre de l’esprit. La FIDIC tire une part importante de ses revenus de la vente des
contrats qu’elle publie. Nous sommes donc moins ici devant le cas d’un auteur et de son
œuvre, qu’en face de celui d’un vendeur et de l’objet de la vente. La marque de la
personnalité des auteurs, si elle est bien présente, se dissout dans l’intérêt plus immédiat, plus
important et plus partagé avec ses mêmes auteurs de la viabilité économique de la FIDIC.
D’autant que le respect effectif des termes et conditions posés par la FIDIC dans ses contrats
de « licence » (concession, cf infra) n’est pas toujours suivi d’effet dans l’application.
Il faut de plus ajouter à cela que la FIDIC ne gagne pas de revenus pour tous les précédents
qui sont utilisés180.
179
Nous ne faisons donc pas mention à la qualification de produits telle que l’on peut la trouver dans le code
civil.
180
Cette affirmation est toutefois à nuancer puisque si l’utilisation des précédents ne rapporte pas de contrat,
l’exécution de celui-ci et notamment les recours aux Bureaux de Conciliation (DAB) ont comme conséquence la
perception par la FIDIC de frais.
113
Une fois cette qualification établie, il s'agit de rechercher la meilleure protection pour ce
produit commercial que constitue le contrat FIDIC: continuer et augmenter sa
commercialisation et sa diffusion.
181
G.BABINET, « Ne protégez plus vos innovations; partagez-les! », site Web Les Echos, en ligne :
<http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021232305409-ne-protegez-plus-vos-innovations-
partagez-les-1141678.php>.
182
G.BABINET, « Ne protégez plus vos innovations; partagez-les! », site Web Les Echos, en ligne :
<http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021232305409-ne-protegez-plus-vos-innovations-
partagez-les-1141678.php>.
183
Entretien avec Maître Mehdi Haroun, Avocat Associé, King & Spalding LLP, 03 juin 2014.
114
C'est donc de manière opportune que la FIDIC organise régulièrement des conférences
d'utilisateurs de contrats FIDIC, à présent sur tous les continents 184. Ces évènements
médiatisent les contrats FIDIC, mettent en relation les personnes intéressées par les contrats
FIDIC et donnent lieu à de nombreux ateliers. Ces différentes opérations aboutissent à une
mise à jour constante des contrats FIDIC. Enfin par la médiatisation, les diverses utilisations
des contrats FIDIC tendent à être connues, ce qui aboutira in fine par la circulation de
l'information à la protection de la réputation et de la qualité des contrats FIDIC. La réputation
de la FIDIC en sera elle-même protégée.
Nous estimons donc que la FIDIC doit poursuivre dans la voie qu'elle a adoptée et suivre le
modèle des entreprises digitales pour protéger au mieux ses contrats, hors du droit de
propriété. En effet, ces entreprises digitales partagent leur recherche de la manière la plus
large possible et ne figure pas en première position dans le dépôt de brevet dans leurs pays
respectifs. Ces entreprises sont dans une logique transnationale La FIDIC s'ouvrirait ainsi la
possibilité d'une meilleure circulation des contrats, de leur utilisation et de leur potentielle
amélioration. La rétention des améliorations effectuées par certaines parties est compensée
par les échanges fréquents et réguliers des professionnels autour d'évènements formels ou
informels de la FIDIC.
II) La poursuite des évènements organisés pour les utilisateurs des contrats FIDIC
La FIDIC organise divers évènements185 (A) permettant un suivi de la tendance du marché,
des pratiques et usages du secteur de la construction internationale. Des améliorations
s'observent ainsi sur l'écosystème des contrats FIDIC (B).
184
Pour la première fois en octobre 2015 a eu lieu la conférence des utilisateurs africains des contrats FIDIC à
Livingstone, en Zambie.
185
Par exemple: conférence des utilisateurs des contrats FIDIC Afrique, Livingstone (Zambie), 31 Octobre 2015.
115
1) Les réunions d'utilisateurs des contrats FIDIC
Les différents comités de rédaction des contrats FIDIC partagent la même ambition d' avoir
des contrats opérationnels et suscitant le moins de litiges possibles.
A cette fin, les différents comités ayant rédigé les différents Livres n’ont cessé par
l’intermédiaire de l’enquête annuelle auprès des utilisateurs des contrats de « prendre le
pouls » des professionnels du secteur de la construction internationale.
Au-delà de ces enquêtes annuelles, des rencontres des utilisateurs des contrats sont organisés
régulièrement dans l’année. Elles sont dénommées en anglais « contract users conference »
Les différents comités prennent notamment en compte les remarques concernant le manque de
clarté de certaines clauses.
Ces conférences ont lieu 4 fois dans l’année sur les continents où les contrats FIDIC sont les
plus utilisés186. Cela confirme la dimension internationale voire globale que la FIDIC entend
et souhaite donner à ses contrats et de l’utilisation très courante de ces contrats. Elle organise
de plus des conférences avec les institutions partenaires telles que la CCI ou les banques
multilatérales de développement en vue de répondre à leurs attentes spécifiques187.
Il convient également de noter que parmi ces divers évènements, la FIDIC a mis en place un
programme de conférences et de formation à l'égard des jeunes professionnels. Outre
l'entretien d'un réseau professionnel transnational, ces initiatives permettent de former les
futurs membres des comités de résolution des différends de la FIDIC. L'investissement sur ces
jeunes professionnels se fait de manière anticipée en vue de former des personnes
compétentes sur les contrats FIDIC et ainsi favoriser leur diffusion. Ces évènements ont pour
thème principal l'utilisation des contrats FIDIC et leur potentielle amélioration.
Les conférences d'utilisateurs des contrats sont également l'occasion de recueillir les avis des
utilisateurs des contrats FIDIC en vue d'améliorer ceux-ci.
Au-delà de ces conférences, la FIDIC organise régulièrement des sessions de formation pour
l'utilisation de ces contrats.
186
La première conférence des utilisateurs en Afrique a eu lieu le 31 Octobre 2015 à Livingstone (Tanzanie).
187
Pour un exemple, Conférence FIDIC/Banques Multilatérales de Développement des 02 et 03 Juin, Bruxelles.
116
Tout d'abord les conférences d'utilisateurs des contrats contiennent en leur programme des
conférences portant sur quelques retours d'expérience des professionnels dans leur utilisaion
des contrats FIDIC.
De plus dans la plupart des conférences d'utilisateurs, des ateliers pratiques relatifs à la
pratique des contrats FIDIC sont organisés ce qui permet des échanges productifs entre la
FIDIC et ces utilisateurs susceptibles de faire évoluer les contrats FIDIC.
La FIDIC développe par ailleurs des sessions de formation physiques ou en ligne dans
diverses parties du monde en accréditant des formateurs qui sont également l'occasion de
retours d'expérience informels. Autant de sources d'information pour les comités de rédaction
et de mise à jour des contrats FIDIC.
L'exemple de ce flux d'information continus et d'échange d'informations entre la FIDIC et ses
utilisateurs s'illustre notamment à travers de l'exemple de la rédaction du Livre Rose de la
FIDIC188.
188
Le comité chargé de la rédaction de la version harmonisée des contrats de travaux de construction à usage des
Banques Multilatérales de Développement dont la conception est assurée par le maître d'ouvrage ( le « Livre
Rose »). Le Livre Rose a été rédigé sur la base du Livre Rouge relatif aux contrats de travaux de construction
dont la conception est assurée par le maître d'ouvrage.
117
Cette démarche obéit également un second objectif de la part de la FIDIC. En encadrant la
démarche de la passation des marchés publics, la FIDIC espère orienter les différents
intervenants des contrats FIDIC à l'utilisation des contrats FIDIC.
Malgré une conjoncture économique difficile, les maîtres de l’Ouvrage dépendant d’une entité
publique (Etat, Région, Agence Gouvernementale, Banque de Développement…) continuent
d’être de gros clients pour les entrepreneurs. Ces maîtres d’Ouvrage ainsi que les
entrepreneurs soumissionnaires sont habituellement tenus de suivre la règlementation relative
à la passation des marchés publics et au recours à la technique de l’appel d’offre. Les
législations des pays où les marchés disponibles ne sont dans certaines hypothèses pas au
niveau des standards internationaux. Dans le même temps, ces pays lèvent des financements
après d’institutions comme les Banques Multilatérales de Développement, ces dernières
exigent (de manière quasi systématique) émettent des documents de soumission d’appels
d’offre standards (« Standard Bidding Documents »). Parmi ces documents figurent les
contrats FIDIC. Il est intéressant d’étudier la pratique des acteurs du marché de la commande
publique et l’impact de celle-ci sur les contrats FIDIC . La FIDIC, bien consciente de ces
enjeux et de la remise en cause potentielle de ces contrats lors des dernières réunions des
Banques Multilatérales de Développement, continue de défendre la pertinence de son modèle,
en ayant publié en 2011 une première édition d’un guide pour les passations de marchés189.
Ce modèle bien que performant, ne suffit pas toujours à écarter les potentielles confusions
relatives à l'écosystème des contrats FIDIC.
189
FIDIC Procurement Procedures Guide, 1st Edition, FIDIC, 2011.
190
FIDIC MDB Conference, Bruxelles, 2-3 Juin 2014.
191
Concernant les addendum et les avenants, il n y’a pas d’hésitation quant à la qualification d’éléments
contractuels du moment qu’ils ont reçu l’approbation des parties, du moins en droit français et dans les
législations de droit civil qui en sont inspirées. Quant aux questions-réponses, elles font évidemment partie du
118
en substance que le contrat est l’instrument de travail des parties : une délimitation claire, une
présentation soignée des différentes composantes du contrat qui sera certes un peu plus
exigeante en termes de volume de travail demandé aux parties et à leurs conseils épargnera
aux « administrateurs du contrat » (« contract managers ») et aux Parties (entrepreneur,
Employeur, ingénieur) d’inévitables différents quant au contenu exact du contrat tout au long
de la durée des Travaux. Cette confusion amène des acteurs parties aux contras FIDIC, et
notamment A.Sullivan d'émettre des propositions en vue d'améliorer l'écosystème des contrats
FIDIC
contrat dans la mesure où elles servent soit à interpréter des clauses dont la compréhension ferait défaut pour
l’une ou l’autre des parties, soit à introduire de nouveaux éléments dans le champ d’application du contrat.
192
L’auteur de ces lignes reconnait volontiers que l’exposé de ces remarques sur les fonctions informatiques tel
que le « reverse track change » et le « copier coller » n’ont pas de lien direct avec la science juridique au sens
strict du terme, en ce sens que ces techniques sont potentiellement utilisables par toutes les personnes recourant
aux solutions logicielles fournissant ces fonctionnalités. Cependant, de manière indirecte, ces techniques ont une
liaison certaine avec le droit et notre étude s’intéressant à la pratique des contrats FIDIC puisque ces actions ont
une conséquence directe sur le régime juridique applicable à ces contrats. En effet, l’omission d’une mention, le
fait de copier une version d’un document similaire mais non identique peut amener à des divergences
d’interprétation entre les parties et donc à des litiges allant potentiellement être réglés devant une juridiction
arbitrale ou judiciaire. C’est le droit des contrats FIDIC en application, en pratique. C’est pour cette raison qu’il
nous semble important d’évoquer ces aspects. La même logique prévaut en ce qui concerne l’exposition de la
fonctionnalité « reverse track change ». Très utilisée chez les rédacteurs d’actes comme à titre d’exemple les
avocats, l’exposé de cette fonctionnalité est essentiel à la description de l’application des contrats FIDIC et du
Droit de manière générale. L’impératif de recherche académique nous enjoint donc d’évoquer ces techniques et
de tenter de déterminer leur influence sur le Droit au sens strict du terme, en tant que faits juridiques.
119
A. Sullivan établit d’autres remarques intéressantes193. Il estime d’une part que si la plupart
des projets dans le secteur de la construction internationale sont conçus sur le modèle « clés
en main », la tendance actuelle veut que le projet soit divisé en plusieurs contrats concernant
les différentes opérations plutôt qu’un contrat concernant la plupart des opérations. Ces divers
contrats interagissent entre eux notamment concernant la conception des Travaux, leur
planification, l’accès au site et les modalités des phases de test. Le conférencier évoque ici le
terme d’interface pour qualifier cette relation. En droit français et civil de manière générale,
on pourrait qualifier cette relation de groupe de contrats ou d’ensemble contractuel. Il
n’empêche que même si ces contrats peuvent potentiellement emporter la qualification
d’ensemble contractuel, l’enjeu à ce moment du Projet n’est pas tant la qualification que la
prise en compte la proximité des « interfaces » entre les différents contrats et de leur
traitement. En effet, l’interface des contrats entraîne également l’interface des différentes
parties aux différents contrats qui ont toutes un intérêt dans l’accès au Site des Travaux par
exemple. A.Sullivan considère que le traitement de ces interfaces par la FIDIC est jusqu’ici
lacunaire et il invite cette dernière à traiter dans ses prochains Livres.
Au-delà de ces améliorations proposées et réalisées par la FIDIC concernant les contrats
FIDIC et leur écosystème, d'autres améliorations demeurent possibles.
193
FIDIC MDB Conference, Bruxelles, 2-3 Juin 2014.
120
d’affaires puissent s’associer. Le risque est alors de voir surgir des montages qui iraient à
l’encontre des lignes directrices prévues par la FIDIC, notamment par rapport à la stabilité des
partenaires qui constitueraient une joint venture ou se lieraient contractuellement par un
consortium . En insistant sur le caractère contractuel des entités prévues, la FIDIC a insisté sur
la nécessaire stabilité des partenariats ainsi établis. Il convient également de dire que la FIDIC
a conscience de la différence qui existe entre le consortium et la joint venture même si cela
n’apparait a priori pas dans les documents officiels qu’elle a édités sur le sujet. En 1992 la
FIDIC a édité un modèle type pour les contrats de Joint Venture et de consortium dont
l’intitulé est le suivant : Joint Venture (Consortium) Agreement.194 A la lecture de ce simple
intitulé, le lecteur pourrait croire que la FIDIC assimile les deux concepts. La FIDIC prend
cependant acte de la différence des deux notions. Il convient cependant de préciser ces termes.
194
FIDIC, Joint venture (consortium) agreement , FIDIC éd., 1992.
195
FIDIC, Joint venture (consortium) agreement , FIDIC éd., 1992.
196
FIDIC, Joint venture (consortium) agreement , FIDIC éd., 1992.
121
manque d’intérêt, ce qui rendait sans intérêt la perspective de le faire évoluer. Cette seconde
hypothèse semble d’autant plus crédible que le Livre Blanc concernant les contrats de
prestation entre services entre professionnels et mentionnant les consortium s a été réédité en
2006. Le contrat-type concernant le contrat de consortium aurait dû être republié dans le
même temps que le Livre Blanc mais ne l’a pas été. Ces améliorations impacteraient
positivement l'écosystème des contrats FIDIC.
Synthèse
L'étude de l'amélioration continue des contrats FIDIC met en lumière deux éléments
fondamentaux concernant les contrats FIDIC: leur contribution droit transnational autonome
de la construction régissant une communauté (§1). Cette communauté est celle des acteurs du
secteur de la construction internationale (§2).
Le premier aspect concernant le système de licences mis en place par la FIDIC pour modifier
les conditions générales des contrats FIDIC est un élément démontrant l'autonomie des
contrats FIDIC par rapport aux droits nationaux. Nous avons en effet tenté de démontrer que
les contrats FIDIC n'entraient pas dans le champ d'application du droit d'auteur français et des
droits d'auteurs voisins (cf supra). Il n'en demeure pas moins que les banques multilatérales
de développement ont contracté avec la FIDIC des licences en vue d'introduire dans les
conditions générales du Livre Rouge les amendements qu'ils introduisaient de manière
systématique. Ce travail a abouti à la création d'une version harmonisée du Livre Rouge, le
Livre Rose. La FIDIC a réussi à imposer à certains acteurs majeurs de la construction
internationale des règles dépourvues de contrainte juridique dans certains systèmes nationaux.
Contracter une licence avec la FIDIC n'était pas nécessaire au vu des législations relatives au
droit d'auteur. Pourtant, les banques multilatérales de développement l'ont fait. Cet exemple
constitue une illustration intéressante de l'existence d'un ordre juridique autonome auxquels
obéissent certains acteurs. Il s'agit en l'occurrence de la communauté des acteurs de la
construction internationale. Le second aspect de l'autonomie d'un droit transnational de la
construction incluant les contrats FIDIC réside dans le recours des acteurs et de la doctrine
aux solutions des législations nationales pour compléter le cas échéant les carences des
122
contrats FIDIC. Ainsi en va-t-il des carences relatives à l'imprécision des définitions relatives
au consortium ou à la joint venture (cf supra, p.100).
L'étude de l'amélioration des contrats FIDIC permet également de mettre en valeur le travail
des acteurs du secteur de la construction internationale dans l'élaboration et l'amélioration des
contrats FIDIC. Les ingénieurs, à l'image d'A. SULLIVAN (cf supra) font remonter leur
expérience professionnelle pour améliorer la pratique des contrats FIDIC. D'autres acteurs, à
l'image de B. CAZALET puisent dans le droit français ainsi que dans leur expérience
professionnelle de rédaction de contrats de société pour compléter les compositions des
parties constituant l'entrepreneur. L'implication des acteurs de la construction internationale
dans l'amélioration des contrats FIDIC et leur diffusion crée entre eux des liens une
communauté. Cette communauté est celle des acteurs du secteur de la construction
internationale à laquelle s'applique ce droit transnational incluant les contrats FIDIC.
***
123
Titre II- La qualification des contrats FIDIC
La qualification constitue un exercice de référence en droit français. Ainsi que l'écrit François
Terré: "A la charnière du fait et du droit, la qualification est un mode de réalisation
méthodique de celui-ci. Mode de logique appliquée, autant que manifestation d'épistémologie
juridique, la qualification est à la fois instrument de la science du droit et technique
d'application de celui-ci.197." Cette dichotomie s'applique également aux contrats FIDIC. La
qualification juridique consiste à décrire avec un langage juridique une situation de fait en vue
de déterminer le régime juridique lui étant applicable. La qualification est une qualification
"conceptuelle" en ce que la qualification retenue, à l'image de la "notion fonctionnelle" "se
définit en elle-même et conserve le même sens dans toutes les disciplines198."
Si cette qualification juridique semble fondamentale dans la logique du droit français et dans
un système d'inspiration "civiliste", il convient de relativiser cette importance dans la logique
de l'étude des contrats FIDIC. En effet, la détermination de la technique d'application des
contrats FIDIC est fondamentale et nous incite à nous intéresser à la qualification
"fonctionnelle" de ces contrats.
197
F.TERRE. P.SIMLER, Y.LEQUETTE, "Droit civil: les obligations", Précis Dalloz, 10 éditions, Dalloz,
2009.
198
O.PIGNATARI, "Le support en droit d'auteur", éditions Larcier, 2013.
124
Dans ce cadre, avoir tenté de donner une qualification conceptuelle aux contrats FIDIC
(Chapitre 1), il conviendra de nous intéresser à une éventuelle qualification "fonctionnelle199"(
Chapitre 2).
A l’image de ce qu’a étudié Emmanuel Jolivet pour les Incoterms 201, l’établissement des
contrats FIDIC part d’un travail d’observation déterminant l’existence d’une pratique. La
démarche de la FIDIC procède d’une volonté d’appréhension du secteur de la construction
internationale tel qu’il est et non tel qu’il devrait être, d’où la prise en compte de notions
relatives par exemple au droit civil, telle la force majeure, alors que les contrats sont inspirés
199
La "qualification fonctionnelle" est une création dont l'origine se situe dans une distinction élaborée par le
doyen Vedel entre les notions "fonctionnelles" et les notions "qualificationnelles". Cette distinction a été reprise
par le professeur François Terré et appliquée au droit privée. Nous reprenons ici cette dichotomie et nous
l'appliquons aux qualifications dans le cadre de notre étude des contrats FIDIC. Nous définirons la qualification
fonctionnelle plus en détail en introduction du chapitre 2 (cf infra, p.121).
200
Nous définirons ici les contrats-types comme les contrats contenant des clauses standards préalables à la
volonté des parties et admettant peu de modifications de leur part.
201
E.JOLIVET, Les incoterms: étude d'une norme du commerce international, Litec, Bibliothèque du Droit de
l'entreprise Tome 62, 2003, [Droit : Montpellier : 2003].
125
du droit anglais. Cependant la réflexion concernant les contrats FIDIC est différente de celle
relative pour les contrats FIDIC que pour les Incoterms. Les Incoterms ont l’ambition et la
volonté de servir de référentiels dans des contrats de vente internationaux, d’autant que la
majorité des auteurs se retrouvent pour dire qu’il s’agit d’une codification des usages existants
202
en la matière. Si la FIDIC affiche la même ambition pour les contrats qu’elle émet,
plusieurs obstacles se dressent sur son chemin. Le premier concerne la prégnance dans les
matières relatives au droit de l’immobilier, de l’urbanisme et de la construction de chaque
puissance publique nationale. Qu’il s’agisse des autorisations à donner, du caractère
contraignant de règles liées aux normes de construction, du fait que souvent la puissance
publique ou son délégataire sont clients (et donc parfois parties) à ces contrats, la souplesse, la
simplicité relative et la quasi-automaticité de l’application des Incoterms ne se retrouvent pas
dans les contrats FIDIC.
La FIDIC, dans la logique d’expansion des contrats qui est la sienne, ne se contente pas de
reprendre des pratiques en vigueur dans le secteur de la construction internationale. De
manière indirecte, elle exporte les concepts fondateurs du droit qui a inspiré ces premiers
contrats, à savoir le droit anglais203. Nous pensons notamment au concept de paiement par
forfait ou paiement ou métré, à l’obligation de minimiser les dommages ou encore à la
violation contractuelle (« breach of contract »). Ce dernier exemple est particulièrement
probant. La FIDIC autorise évidemment des modifications aux Conditions Générales, offre la
possibilité de choisir la loi applicable aux parties, autant de possibilités d’adapter le contrat
aux spécificités locales. Cela n’empêche cependant pas que l’application des contrats FIDIC
dans le contexte d’un contrat de construction internationale est moins automatique que le sont
l’application des Incoterms.
Contrairement aux Incoterms, les contrats FIDIC se sont vus refuser la qualification d’usages
par une sentence arbitrale de la CCI en date de 1997204. Si la décision rendue par la juridiction
202
E.JOLIVET, Les incoterms: étude d'une norme du commerce international, Litec, Bibliothèque du Droit de
l'entreprise Tome 62, 2003, [Droit : Montpellier : 2003].
203
Nous évoquons le droit anglais, puisque la première version des contrats FIDIC est tirée des contrats ICE
relatifs aux travaux de construction et d’ingénierie dont la conception est assurée par le Maître d’Ouvrage. L’ICE
étant la fédération anglaise des ingénieurs conseils, les contrats-types que l’ICE émet sont conçus et rédigés en
langue anglaise. Ainsi, au-delà du droit anglais, l’on retrouve des concepts fondateurs de la common law
notamment en matière de violation du contrat (« breach of contract »)
204
Chambre de Commerce Internationale, Affaire n°8873, 1997, obs. C.R. Seppäla, RDAI 1999 n°6, p.722
126
arbitrale est discutable, il n’en demeure pas moins que dans le même temps, les Incoterms se
sont vus reconnaître la qualification d’usage par une juridiction européenne.205
Au regard des éléments précités, nous étudierons dans un premier temps si la qualification
d'usage s'applique aux contrats FIDIC (Section 1) avant d'examiner dans un second temps si
la qualification de norme s'applique (Section 2).
Les usages sont donc "des pratiques répétées, dotées d'une force contraignante observées,
soit au sein des entreprises, soit encore dans les relations entre les entreprises et leurs
partenaires privés et publics soit, enfin, sur le marché sur lequel ces entreprises évoluent206."
Des arguments existent en faveur de la reconnaissance des contrats FIDIC comme usages du
commerce international (§1). Face à la position arrêtée de la CCI sur le sujet (§2), ces
arguments permettent d’ouvrir la discussion sur cette qualification (§3).
205
(CJUE, 9 juin 2011, Electrosteel Europe SA c/ Edil Centro SpA, C-87/10) reprise par PG Avocats, site Web
PG Avocats, en ligne : <http://www.pg-avocats.eu/index.php/actualites/168-incoterms-et-competence-judiciaire-
dans-les-ventes-internationales-de-marchandises>, accès : 15/Septembre/2014.
206
P.MOUSSERON, Les usages en droit de l'entreprise, Lexis Nexis, 2010.
127
§1 Les arguments en faveur de la reconnaissance comme usage des contrats FIDIC
Les arguments sont la notoriété des contrats FIDIC (I) et l’existence d’une sentence arbitrale
de la CCI sur la question (II).
A) Contexte de la sentence
Le 30 Avril 1981, à l’occasion d’une sentence arbitrale rendue sous l’égide de la CCI, les
arbitres se sont référés pour trancher une affaire relative à un contrat de construction aux
conditions FIDIC pour clarifier les termes et ainsi les obligations des parties. Le contrat
FIDIC en question ne constituait pourtant pas la base du contrat. Seuls étaient repris trois
sous-articles dans la version française du contrat. Il s’agissait d’un contrat de construction
internationale traduit en plusieurs langues. L’une de ces langues était certainement l’anglais.
Il n’empêche que pour déterminer les obligations des parties dans le cadre du litige à
trancher, les arbitres se sont référés aux contrats FIDIC alors que rien n’y obligeait.
Qu’attendu les paragraphes précédents de la sentence, les arbitres sembleraient clairement
avoir assimilé les contrats FIDIC à des usages. En effet, ils estimaient ne pas avoir assez
d’éléments au niveau du contrat pour déterminer les obligations des parties. Ils rappellent que
dans ces situations, le règlement de l’arbitrage CCI de l’époque à son article 13.5 indiquait
207
P.MALINVAUD, L'expérience du Tunnel sous la Manche, DRBF Paris Regional Conference, 2013.
208
E.PETERSEN, «Vente d'ensembles industriels et conditions FIDIC», DPCI, tome 4, 2, 1978, p. 221 et s.
128
que les arbitres devaient tenir compte des principes et usages du commerce international.
Nous serions donc en présence d’une sentence arbitrale rendue par la Cour Internationale
d’Arbitrage de la CCI, non publiée qui assimilerait les contrats FIDIC à des usages. Cette
sentence n’a pas été publiée mais a fait l’objet d’un commentaire à l’occasion d’un séminaire
de l’Institut du Droit et des Pratiques des Affaires dépendant de la Chambre de Commerce
Internationale. L’auteur de cette contribution citant cette sentence était avocat et enseignant
chercheur à l’Université Catholique de Louvain (Belgique). Le titre de ce séminaire ayant
donné lieu à publication de la part de la CCI est « L’apport de la jurisprudence arbitrale ».
Ainsi, même si la sentence n’a pas été publiée au Bulletin Annuel de la Cour d’Arbitrage de la
CCI, elle a quand même reçu un certain écho et a été reprise dans quelques publications.209
Nous reconnaissons ici le fait que les contrats FIDIC ont aujourd’hui prospéré, qu’ils ont
muté, qu’ils se sont diversifiés, que des suites de contrat concurrentes internationales se sont
également développées. Nous considérons cependant que les arguments apportés par les
arbitres lors de la fameuse sentence n°8873 de la CCI de l’année 1997210, ayant fait les
honneurs de la publication au Bulletin Annuel de la CCI méritent discussion. Cette discussion
sera menée au travers de l'analyse de cette sentence.
A) Enoncé de la sentence
La position de la CCI résumée dans cet extrait peut être décomposée en trois parties:la
qualification des contrats FIDIC et ENAA de contrats-types (1), l’énumération des conditions
pour que les contrats-types deviennent des usages (2) et l’application de ces conditions aux
conditions FIDIC qui ne sont pas remplies en l’espèce (3).
209
Sentence partiellement reproduite au JDI Clunet 1998 p. 1018.
210
Sentence partiellement reproduite au JDI Clunet 1998 p. 1018.
129
principes contenus dans des contrats type utilisés avec grande fréquence dans une certaine
branche peuvent devenir, en vertu de leur répétition constante, des véritables usages.
Toutefois pour arriver à une telle conclusion, il faut prouver que le principe en question
représente désormais une règle qui s’impose-sans nécessité d’accord- aux entreprises de la
branche dans laquelle il est appliqué.
130
particuliers (comme le rôle de l’Engineer dans les conditions FIDIC ou l’obligation
d’indiquer tout de suite le montant des surcoûts réclamés dans les conditions ENAA) visant à
réaliser un équilibre des intérêts des parties qui ne peut pas être obtenu hors de contexte sans
négocier une série d’éléments supplémentaires.
En ce qui concerne le second aspect, aucune preuve n’a été apportée que en présence de
clauses de force majeure classiques (comme celle contenue dans le contrat) se limitant à
prévoir une exemption de responsabilité du débiteur qui n’exécute pas ses obligations, les
entreprises travaillant dans la branche de la construction se considèrent liées, dans l’absence
de toute clause contractuelle en ce sens, par un usage qui imposerait au maître d'ouvrage de
rembourser les surcoûts supportés par l’entrepreneur comme conséquence de la force
majeure »211.
211
Sentence partiellement reproduite au Journal de Droit International Clunet 1998, p. 1018.
131
pas forcément exactement les mêmes la trame de ces contrats-types ne diffère
fondamentalement pas d’un contrat à l’autre.
212
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2015.
213
M. BOURDEAU, "L'invocabilité des usages en matière contractuelle", Revue de Jurisprudence de Droit des
Affaires, éd. Francis Lefebvre, Juin 2011, p.464, n°20.
214
J-B. RACINE, " Les usages dans l'arbitrage commercial international: une place à géométrie variable",
Journal des Sociétés N°92, Novembre 2011, p.38.
132
professeur Jean-Baptiste Racine, "un arbitre a la possibilité d'écarter la loi choisie par les
parties si elle s'avère être contraire à l'ordre public transnational. Il n'est pas douteux dans
notre esprit que les usages sont une source parmi d'autres, de cette forme originale d'ordre
public215". La reconnaissance des contrats FIDIC comme usages du commerce international
permettrait à l'arbitre de recourir avec plus de certitude aux contrats FIDIC dans les litiges de
contrats de construction internationaux.
Il convient cependant, en l'attente d'une reconnaissance de la qualité d'usage aux contrats
FIDIC, de nous intéresser à une qualification alternative possible: celle de norme.
§1 La définition de la norme
Nous donnerons une définition générale de la norme (I) avant de voir si les contrats FIDIC
rentrent dans le champ d’application de cette définition (II).
215
J-B. RACINE, " L'arbitrage commercial international et l'ordre public", Préf. Ph. Fouchard et avant-propos
L.BOY, LGDJ, 1999, n°669 et s., p.373 et s. in J-B. RACINE, " Les usages dans l'arbitrage commercial
international: une place à géométrie variable", Journal des Sociétés N°92, Novembre 2011, p.38.
133
II) Contrats FIDIC et norme
Les contrats FIDIC répondent-ils à cette définition ? En tant que contrats-types amenant une
série d’obligations (et donc de règles) à respecter pour les parties (tant en ce qui concerne les
contrats-types que les contrats individuels passés entre les parties), les contrats FIDIC ont une
vocation potentielle à s’inscrire dans cette catégorie de normes.
La difficulté quant à la qualification de norme, à l'image de la qualification d'usages , relève
de la difficulté de démontrer le caractère contraignant des contrats FIDIC. Or par essence, une
norme doit receler un caractère normatif plus ou moins marqué. La difficulté de le démontrer
met potentiellement en doute ce caractère existant de norme. Il n'en demeure pas moins vrai
qu'un nombre significatif de professionnels du secteur de la construction internationale, se
réfèrent aux contrats FIDIC pour mesurer de la qualité d'appel d'offres. L'utilisation des
contrats FIDIC, la proximité des contrats utilisés avec ceux de la FIDIC, constituent un
standard de qualité. En vue de prolonger cette réflexion, il convient de vérifier que les
contrats FIDIC ont bien suivi le processus d’élaboration des normes telles que définies par la
doctrine.
134
réunions sont préalables à la mise en place du comité de rédaction des contrats. L’information
remonte des associations nationales représentant les ingénieurs en génie civil217 et au travers
des différentes rencontres précédemment évoquées. Il y a ainsi des contacts directs avec les
utilisateurs des contrats, et indirects avec les clients qui ne sont pas directement impliqués
dans l’élaboration des contrats FIDIC. Si la concertation avec les clients est décisive, la
FIDIC estime que les clients ont souvent en leur possession leurs propres solutions de
contrats, la divergence des pratiques rendant difficiles leur implication plus avant.
217
En France, il s’agit de SYNTEC. La FIDIC émet des conditions de quota quant à la représentativité des
associations et syndicats membres. L’objectif de la FIDIC est d’atteindre pour les associations ou syndicats
membres une représentativité minimale de 50 % des ingénieurs en génie civil d’un pays.
135
unit ne s’oppose aucunement à leur mutuelle. Le Comité Exécutif aurait ainsi la qualité
d’organisme qualifié.
Pour reprendre l’expression d’E. Jolivet sur les Incoterms, la procédure d’élaboration des
contrats FIDIC est identique à une procédure normative218.
En second lieu, l’autorité dont jouit la FIDIC auprès des acteurs du secteur de la construction
internationale de la doctrine présenterait des arguments à même de lui conférer cette qualité.
218
E.JOLIVET, Les incoterms: étude d'une norme du commerce international , Litec éd., Litec, 2003, [Thèse
doctorale : Droit : Montpellier I], p. 235 et s.
219
E.JOLIVET, "Les incoterms: étude d'une norme du commerce international", Bibliothèque de droit de
l'entreprise Tome 62, Litec, 2003, p. 235 et s.
136
Ces versions susciteront par ailleurs de manière systématique le commentaire les
commentaires de l’EIC (European International Contractors Association), l’Association
Internationale des entrepreneurs Européens qui élaborera par suite un guide de lecture et
d’utilisation du contrat nouvellement produit par la FIDIC à destination des entrepreneurs et
dans une interprétation qui leur sera favorable.
Il apparait que plusieurs élément seraient susceptibles d'emporter la qualification de norme
concernant les contrats FIDIC. La faiblesse de cette position tient cependant de l'impossibilité
à justifier du caractère contraignant des contrats FIDIC.
A défaut de justifier de ce caractère contraignant, il convient de nous intéresser à la
qualification de standard pour les contrats FIDIC.
Synthèse
Pour conclure ce chapitre, il convient d'insister sur la difficulté de qualifier juridiquement les
contrats FIDIC (§1) avant d'examiner les arguments incitant à déterminer la qualification
fonctionnelle des contrats FIDIC (§2).
220
P.MOUSSERON, "Les usages: l'autre droit de l'entreprise", Lexis Nexis, 2014, avant-propos, p.XII.
137
professionnalisme pour les acteurs du secteur de la construction internationale. Cela ouvre
donc la discussion sur la qualification d'usages des contrats FIDIC, au regard des autres
éléments précités.
221
Nous définissons la qualification fonctionnelle en introduction du chapitre 2.
222
Il convient de rappeler que dans les enseignements de droit international privé français, les règles matérielles
sont celles directement applicables dans des situations où un élément d'extranéité est présent. Ces règles
procurent une solution directement applicable à la situation donnée, évitant ainsi le recours à la méthode du
conflit de lois. Ces règles trouvent principalement leur source dans les traités internationaux. En l'espèce
cependant, il ne semble pas exister de traités internationaux relatifs aux projets de construction internationaux, ce
qui nous conduit à envisager les contrats FIDIC comme source de droit pour ces projets.
138
les contrats FIDIC appartiendraient à un ordre juridique autonome. Cet ordre serait un droit
transnational de la construction. De ce fait, les qualifications juridiques telles qu'on peut les
retrouver dans le droit français sont peut-être inadaptées à la réalité des contrats FIDIC. Peu
important la qualification juridique (norme, usage…), les contrats FIDIC constituent des
règles matérielles régissant la société des acteurs du secteur de la construction internationale.
Il n'en demeure cependant pas moins vrai que cette qualification s'opère de facto par des
juridictions nationales amenées à connaître de litiges concernant ces mêmes contrats.
Les différentes juridictions (Cour d'Appel de Singapour, UK Privy Council…) ont interprété
les contrats FIDIC notamment en appliquant les règles d'interprétation de leurs législations
nationales. Les décisions de ces juridictions ont permis des avancées notables dans
l'interprétation et la compréhension des contrats FIDIC et leur fonctionnement (cf infra).
Il convient, pour mieux saisir la réalité des contrats FIDIC, de se concentrer non pas sur la
qualification juridique des contrats FIDIC, mais sur leur qualification "fonctionnelle". Par
qualification fonctionnelle, nous entendons nous référer à l'utilité et à la place des contrats
FIDIC dans le secteur de la construction internationale. Cette qualification fonctionnelle
apparait comme étant décisive pour la pensée juridique d'une part, car elle permet de situer les
contrats FIDIC dans le vaste répertoire des sources de droit applicables. Cet exercice est
fondamental pour les juristes de toutes les cultures. Par ailleurs, il permet aux acteurs du
secteur de la construction internationale d'avoir une idée plus claire d'une importante
composante du droit qui leur est applicable.
§1 La définition de la norme
Nous donnerons une définition générale de la norme (I) avant de voir si les contrats FIDIC
rentrent dans le champ d’application de cette définition (II).
139
I) Définition générale de la norme
Qu’est ce qu’une norme ? Aux termes du dictionnaire juridique de l’Association Henri
Capitant, la norme serait un terme scientifique employé parfois dans une acception générale,
comme équivalent de règle de droit (proposition abstraite et générale), qui évoque non pas
l’idée de normalité (comme par exemple en biologie), ni celle de rationalité, ou de type
convenu (standardisation), mais spécifiquement la valeur obligatoire attachée à une règle de
conduite, et qui offre l’avantage de viser d’une manière générale toutes les règles présentant
ce caractère, quels qu’en soient la source (loi, traité voire règle de Droit naturel) ou l’objet
(règle de conflit, droit substantiel, etc.).
140
I) La détermination des besoins à satisfaire
« La première phase correspond à la détermination des besoins à satisfaire, du calendrier,
des partenaires et des commissions de travail. Le rôle technique et financier des partenaires
représentatifs d’un secteur d’activité, d’une profession etc., retenus pour participer au projet
est fixé pendant cette phase. Une étude de faisabilité est généralement entreprise. »
Nous pouvons affirmer que le processus d’élaboration des contrats FIDIC remplit le premier
critère dégagé par la doctrine. En effet, la FIDIC établit plusieurs enquêtes annuelles, a un
comité dédié au suivi des pratiques. De plus, elle organise, seule ou des organismes
partenaires (nous pensons notamment au Dispute Resolution Board Foundation ou la CCI)
des conférences d’utilisateurs des contracts (« contract users conference »). Toutes ces
réunions sont préalables à la mise en place du comité de rédaction des contrats. L’information
remonte des associations nationales représentant les ingénieurs en génie civil224 et au travers
des différentes rencontres précédemment évoquées. Il y a ainsi des contacts directs avec les
utilisateurs des contrats, et indirects avec les clients qui ne sont pas directement impliqués
dans l’élaboration des contrats FIDIC. Si la concertation avec les clients est décisive, la
FIDIC estime que les clients ont souvent en leur possession leurs propres solutions de
contrats, la divergence des pratiques rendant difficiles leur implication plus avant.
224
En France, il s’agit de SYNTEC. La FIDIC émet des conditions de quota quant à la représentativité des
associations et syndicats membres. L’objectif de la FIDIC est d’atteindre pour les associations ou syndicats
membres une représentativité minimale de 50 % des ingénieurs en génie civil d’un pays.
141
Cependant en termes de représentativité pour les contrats FIDIC, nous pouvons affirmer sans
risque inconsidéré que le Comité Exécutif, de par sa composition, sa mise en place et par le
système des diverses associations représentatives aux niveaux nationaux et professionnels est
l’organisme le plus qualifié pour autoriser la publication des contrats FIDIC.
Reprenant les développements d’E. Jolivet sur les Incoterms, la réponse à la question de la
qualification de la FIDIC tient à trois observations.
En premier lieu, P. Kahn a montré qu’il existe une similitude de structure des organisations
professionnelles et privées de l’Etat, voire de certaines organisations internationales.
L’existence des différents comités, notamment la séparation entre le Comité Exécutif et le
Comité des Contrats révèle une absence de confusion de ces organes et le respect d’un
« principe de séparation des pouvoirs » permettant d’affirmer que le lien organique qui les
unit ne s’oppose aucunement à leur mutuelle. Le Comité Exécutif aurait ainsi la qualité
d’organisme qualifié.
Pour reprendre l’expression d’E. Jolivet sur les Incoterms, la procédure d’élaboration des
contrats FIDIC est identique à une procédure normative225.
En second lieu, l’autorité dont jouit la FIDIC auprès des acteurs du secteur de la construction
internationale de la doctrine présenterait des arguments à même de lui conférer cette qualité.
225
E.JOLIVET, Les incoterms: étude d'une norme du commerce international , Litec éd., Litec, 2003, [Thèse
doctorale : Droit : Montpellier I], p. 235 et s.
142
Des révisions interviennent en cas de décalage avec les besoins 226. » Qu’en est-il concernant
les contrats FIDIC ?
Il n’y a pas d’enquête publique à proprement parler concernant les contrats FIDIC mais une
phase similaire est prévue lors de l’approbation par le Comité Exécutif de la FIDIC de
l’élaboration d’un nouveau contrat. Il est ainsi fréquent que le Comité des Contrats publie une
première édition du Contrat (nous pensons ici à la première édition du Livre Or parue en
2007) ou élabore une version intermédiaire (nous pensons ici au Livre Orange dont la sortie a
précédé celle du Livre Argent pour les contrats « clés en main ») qui suscitera les
commentaires plus ou moins immédiats des praticiens du secteur de la construction
internationale.
Ces versions susciteront par ailleurs de manière systématique le commentaire les
commentaires de l’EIC (European International Contractors Association), l’Association
Internationale des entrepreneurs Européens qui élaborera par suite un guide de lecture et
d’utilisation du contrat nouvellement produit par la FIDIC à destination des entrepreneurs et
dans une interprétation qui leur sera favorable.
Il apparait que plusieurs élément seraient susceptibles d'emporter la qualification de norme
concernant les contrats FIDIC. La faiblesse de cette position tient cependant de l'impossibilité
à justifier du caractère contraignant des contrats FIDIC.
226
E.JOLIVET, "Les incoterms: étude d'une norme du commerce international", Bibliothèque de droit de
l'entreprise Tome 62, Litec, 2003, p. 235 et s.
143
La "qualification fonctionnelle" a pour origine une distinction émise par le doyen Vedel entre
la notion conceptuelle et la notion fonctionnelle. Cette notion fonctionnelle est une notion
"qui se définit par sa fonction227". Selon le doyen Vedel, "les notions fonctionnelles […]
procèdent directement d'une fonction qui leur confère seule une véritable unité228." Cette
dichotomie a été reprise et appliquée en droit privé par le professeur François Terré,
notamment dans ses travaux de thèse229. La qualification fonctionnelle s'inscrit dans cette
même logique.
Cette qualification fonctionnelle est essentielle dans le cadre des contrats FIDIC, qui sont
des contrats transnationaux et pour lesquels l'exercice de qualification juridique conceptuelle
est possible mais malaisé, voire inopportun. En effet, le caractère évolutif des contrats FIDIC
participe d'une émancipation vis-à-vis d'un modèle national et d'une qualification juridique
conceptuelle unique. Nous considérons que la qualification fonctionnelle est la plus adaptée
aux besoins des acteurs du secteur de la construction internationale dans un cadre
transnational ainsi que dans le cadre de cette analyse.
227
O.PIGNATARI, "Le support en droit d'auteur", éd. Larcier, 2014, n°14.
228
O.PIGNATARI, "Le support en droit d'auteur", éd. Larcier, 2014, n°14.
229
O.PIGNATARI, "Le support en droit d'auteur", éd. Larcier, 2014, n°14.
144
§1 La définition de la norme
Nous donnerons une définition générale de la norme (I) avant de voir si les contrats FIDIC
rentrent dans le champ d’application de cette définition (II).
145
§2 Les différentes phases d’élaboration des contrats FIDIC
Ainsi que l’indique E. Jolivet230, la doctrine a distingué trois phases dans l’élaboration d’une
norme que nous comparerons à celle des contrats FIDIC : la détermination des besoins à
satisfaire (I), l’élaboration de la norme par l’organe de travail (II), et enfin la validation du
projet (III).
230
E.JOLIVET, Les incoterms: étude d'une norme du commerce international , Litec éd., Litec, 2003, [Thèse
doctorale : Droit : Montpellier I].
231
En France, il s’agit de SYNTEC. La FIDIC émet des conditions de quota quant à la représentativité des
associations et syndicats membres. L’objectif de la FIDIC est d’atteindre pour les associations ou syndicats
membres une représentativité minimale de 50 % des ingénieurs en génie civil d’un pays.
146
l’élaboration de la norme). La décision est généralement prise à l’unanimité. La seconde
phase de l’élaboration de la norme apparait donc satisfaite.
En ce qui concerne la seconde étape, toute la question de savoir si le Comité Exécutif de la
FIDIC est qualifié sur le plan régional, national et international pour approuver les versions
des contrats ainsi amendés. La question serait plus malaisée s’il s’agissait de valider des
contrats ou des normes autres que celles élaborées par la FIDIC elle-même.
Cependant en termes de représentativité pour les contrats FIDIC, nous pouvons affirmer sans
risque inconsidéré que le Comité Exécutif, de par sa composition, sa mise en place et par le
système des diverses associations représentatives aux niveaux nationaux et professionnels est
l’organisme le plus qualifié pour autoriser la publication des contrats FIDIC.
Reprenant les développements d’E. Jolivet sur les Incoterms, la réponse à la question de la
qualification de la FIDIC tient à trois observations.
En premier lieu, P. Kahn a montré qu’il existe une similitude de structure des organisations
professionnelles et privées de l’Etat, voire de certaines organisations internationales.
L’existence des différents comités, notamment la séparation entre le Comité Exécutif et le
Comité des Contrats révèle une absence de confusion de ces organes et le respect d’un
« principe de séparation des pouvoirs » permettant d’affirmer que le lien organique qui les
unit ne s’oppose aucunement à leur mutuelle. Le Comité Exécutif aurait ainsi la qualité
d’organisme qualifié.
Pour reprendre l’expression d’E. Jolivet sur les Incoterms, la procédure d’élaboration des
contrats FIDIC est identique à une procédure normative232.
En second lieu, l’autorité dont jouit la FIDIC auprès des acteurs du secteur de la construction
internationale de la doctrine présenterait des arguments à même de lui conférer cette qualité.
232
E.JOLIVET, Les incoterms: étude d'une norme du commerce international , Litec éd., Litec, 2003, [Thèse
doctorale : Droit : Montpellier I], p. 235 et s.
147
La seconde étape est la décision de l’organisme de normalisation qui sanctionne l’adoption
du projet définitif. Il s’agit là de l’approbation de la norme par « un organisme qualifié sur le
plan national, régional ou international ». La norme est ensuite publiée. Après publication, la
pertinence de la norme est périodiquement réexaminée afin d’en éviter toute obsolescence.
Des révisions interviennent en cas de décalage avec les besoins 233. » Qu’en est-il concernant
les contrats FIDIC ?
Il n’y a pas d’enquête publique à proprement parler concernant les contrats FIDIC mais une
phase similaire est prévue lors de l’approbation par le Comité Exécutif de la FIDIC de
l’élaboration d’un nouveau contrat. Il est ainsi fréquent que le Comité des Contrats publie une
première édition du Contrat (nous pensons ici à la première édition du Livre Or parue en
2007) ou élabore une version intermédiaire (nous pensons ici au Livre Orange dont la sortie a
précédé celle du Livre Argent pour les contrats « clés en main ») qui suscitera les
commentaires plus ou moins immédiats des praticiens du secteur de la construction
internationale.
Ces versions susciteront par ailleurs de manière systématique le commentaire les
commentaires de l’EIC (European International Contractors Association), l’Association
Internationale des entrepreneurs Européens qui élaborera par suite un guide de lecture et
d’utilisation du contrat nouvellement produit par la FIDIC à destination des entrepreneurs et
dans une interprétation qui leur sera favorable.
Il apparait que plusieurs élément seraient susceptibles d'emporter la qualification de norme
concernant les contrats FIDIC. La faiblesse de cette position tient cependant de l'impossibilité
à justifier du caractère contraignant des contrats FIDIC.
A défaut de justifier de ce caractère contraignant, il convient de nous intéresser à la
qualification de standard pour les contrats FIDIC, celle-ci apparaissant comme plus générale
que celle de norme.
233
E.JOLIVET, "Les incoterms: étude d'une norme du commerce international", Bibliothèque de droit de
l'entreprise Tome 62, Litec, 2003, p. 235 et s.
148
§1 La notion de standard
Ainsi que l'indique R.BISMUTH, "si le contenu du standard est difficilement définissable, il
est toutefois possible d'identifier les fonctions que celui-ci ambitionne d'accomplir. Règle ou
un ensemble servant de point de référence à une catégorie d'acteurs donnée, le standard vise
à assurer la sécurité, l'efficacité, l'efficience, la qualité, la compatibilité ou l'interopérabilité
des biens, produits, services, activités et processus234."
Les contrats FIDIC semblent répondre à cette définition. Ils servent en effet de référence pour
de nombreux acteurs du secteur de la construction et de l'électronique au niveau international,
notamment dans les grands projets financés par les banques de développement. Les objectifs
de sécurité, d'efficience et de qualité sont également repris par la FIDIC dans la présentation
de ses contrats et dans l'allocation des risques proposée, voulue équilibrée. La compatibilité
ou l'interopérabilité de ces contrats avec la variété des situations est également un objectif des
contrats FIDIC, expliquant le système des conditions générales et particulières.
I) La reconnaissance de facto
"Dans le contexte d'une reconnaissance de facto, le standard est considéré comme
contraignant dans les faits sans pour autant être juridiquement obligatoire, la reconnaissance
s'effectuant essentiellement par le biais du marché, spontanément ou par le biais d'une
"alliance normative" entre l'entité à l'origine du standard et ses utilisateurs. Une étude
souligne en ce sens que "de facto standards usually result from a successful marketing
strategy that makes a particular product or process the most economically relevant standard
for any competitor in a given field."[…]Les opérateurs se conforment donc à ces standards
car ceux-ci ont été intégrés ou spontanément intégrés par le marché. Une question restant en
suspens- et sur laquelle il est difficile d'apporter une solution à ce stage-est celle de seuil à
234
R.BISMUTH "Une cartographie de la standardisation internationale privée: tentative d'identification de
l'objet et de ses enjeux", in R.BISMUTH, "La standardisation internationale privée: aspects juridiques", éditions
Larcier, 2014, p.17 et s..
149
partir duquel l'intégration du standard au sein du marché peut être considéré comme une
reconnaissance de facto235."
Il semble que les contrats FIDIC soit reconnus de facto par les acteurs du marché du secteur
de la construction internationale comme un standard. Certains acteurs, comme ceux du secteur
de l'électrotechnique, considèrent les contrats FIDIC comme une référence dans le cadre d'une
négociation entre entrepreneur et maître d'ouvrage236. La FIDIC adopte également une
stratégie marketing visant à diffuser et à faire reconnaître les contrats FIDIC comme une
référence auprès des divers acteurs du secteur de la construction internationale. Elle présente
les contrats FIDIC comme ceux présentant l'allocation de risques la plus équilibrée,
garantissant ainsi leur efficacité. Les opérateurs tendent à se conformer à ces standards parce
qu'ils ont été intégrés par le marché. Les banques multilatérales de développement ayant
intégré les contrats FIDIC dans la documentation contractuelle obligatoire dans le cadre
d'appel d'offres a initié un mouvement de conformité des acteurs envers ces contrats.
Examinons à présent si les standards ont pu être reconnus de jure.
235
R.BISMUTH "Une cartographie de la standardisation internationale privée: tentative d'identification de
l'objet et de ses enjeux", in R.BISMUTH, "La standardisation internationale privée: aspects juridiques", éditions
Larcier, 2014, p.17 et s.
236
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2014.
150
facie extérieure au standard et indépendante de ses effets autonomes. La reconnaissance de
jure peut prendre des formes très variées237."
1) La décision étatique
- "Une décision peut rendre obligatoire le standard en l'intégrant directement dans le droit
positif et se trouvant in fine confondu à celui-ci238." Les contrats FIDIC ont pu bénéficier de
ce type de reconnaissance dans certains pays. A titre d'exemple, en Roumanie, une réforme de
la législation relative aux marchés publics a intégré les Livres Rouge et Jaune au sein même
de la documentation contractuelle relative aux appels d'offres239. De cette manière, les
contrats FIDIC ont été intégrés au droit positif, se trouvant in fine confondu à celui-ci.
Tous ces éléments, tant sur le fond que sur la forme, témoignent du travail de création réalisé
par la FIDIC d'un droit transnational de la construction applicable aux projets de la
construction. Si la FIDIC est une organisation émettrice de contrats pouvant potentiellement
être source de droit, il convient de déterminer la qualification fonctionnelle des contrats
FIDIC, essentielle pour les opérateurs de la construction internationale.
2) Le contrat
-"En second lieu, la reconnaissance peut également s'effectuer par le biais du contrat. Si une
référence à un standard dans la pratique contractuelle des acteurs peut éventuellement
aboutir à une reconnaissance de facto et un processus relevant de la lex mercatoria, une
même référence au sein des contrats conclus par des personnes publiques pour l'organisation
237
R.BISMUTH "Une cartographie de la standardisation internationale privée: tentative d'identification de
l'objet et de ses enjeux", in R.BISMUTH, "La standardisation internationale privée: aspects juridiques", éditions
Larcier, 2014, p.18 et s.
238
R.BISMUTH "Une cartographie de la standardisation internationale privée: tentative d'identification de
l'objet et de ses enjeux", in R.BISMUTH, "La standardisation internationale privée: aspects juridiques", éditions
Larcier, 2014, p.19 et s.
239
Il convient cependant de rappeler que le législateur roumain ne s'est pas tenu à la lettre des conditions
générales de la FIDIC et a modifié l'allocation des risques prévues, notamment celle des Livres Rouge et Jaune
pour la remplacer par celle prévue par le Livre Argent. Celle-ci selon plusieurs acteurs majeurs du secteur de la
construction internationale, tels L.KLEE, juriste et auteur reconnu dans le domaine des contrats FIDIC et
E.VINK secrétaire général de la FIDIC, à regretter cette initiative du législateur roumain. Celle-ci a en effet
selon eux, provoqué une multiplication des contentieux relatifs aux contrats FIDIC.
151
d'activités de service public est susceptible de produire des effets juridiques sur des tiers au
contrat240." Dans le cas des contrats FIDIC, la reconnaissance a pu s'effectuer par le biais des
contrats par les banques multilatérales de développement à l'exemple de la Banque Mondiale.
Celle-ci a en effet inclus les contrats FIDIC dans la documentation contractuelle relative aux
appels d'offres pour les projets de construction qu'elle finance. Le standard a donc été ici
reconnu par le contrat. L'entreprise remportant l'appel d'offres admet donc la possibilité de se
conformer au standard FIDIC, la reconnaissance de jure ayant lieu par l'intermédiaire du
contrat.
3) Le renvoi au standard
-"En troisième et dernier lieu, la pertinence du standard peut se manifester par le biais d'une
règle qui, sans le rendre obligatoire, va indiquer qu'une situation ou décision fondée sur ce
que prescrit un standard sera réputée ou présumée en conformité avec le droit positif241." Les
contrats FIDIC ne sont pas à notre connaissance utilisés dans ce cadre.
Les contrats FIDIC ont ainsi pu être reconnu comme standards de jure. La qualification de
standard pourrait donc seoir aux contrats FIDIC.
240
R.BISMUTH "Une cartographie de la standardisation internationale privée: tentative d'identification de
l'objet et de ses enjeux", in R.BISMUTH, "La standardisation internationale privée: aspects juridiques",
éditions Larcier, 2014, p.19 et s.
241
R.BISMUTH "Une cartographie de la standardisation internationale privée: tentative d'identification de l'objet
et de ses enjeux", in R.BISMUTH, "La standardisation internationale privée: aspects juridiques", éditions
Larcier, 2014, p.19 et s.
152
transnational". En effet, ce dernier se manifeste par l'existence de multiples ordres juridiques
transnationaux (sportifs, religieux, etc.) qui "fonctionnent en vase clos" les uns par rapport
aux autres. Si des interactions entre ordres juridiques transnationaux, droits nationaux et
droit international peuvent se manifester, les premiers ont pour ambition d'affirmer leur
autonomie et pas celle, en premier lieu, d'assurer la reconnaissances des règles qui les
constituent au sein des ordres juridiques nationaux ou de l'ordre juridique international. Si
un ordre juridique international peut marquer son indifférence par rapport aux phénomènes
juridiques qui lui sont extérieurs, l'ambition spécifique de la standardisation internationale
privée est au contraire d'assurer la diffusion et la reconnaissance du standard -qui ne
constitue à l'origine qu'une proposition de règle- par le marché lato sensu (reconnaissance de
facto) et par les ordres juridiques nationaux et international (reconnaissance de jure)242."
242
R.BISMUTH "Une cartographie de la standardisation internationale privée: tentative d'identification de l'objet
et de ses enjeux", in R.BISMUTH, "La standardisation internationale privée: aspects juridiques", éditions
Larcier, 2014, p.26 et s.
153
suit les évolutions du marché international de la construction qui est lui-même susceptible
d'évoluer.
Conclusion de la Partie I
Les contrats FIDIC sont un instrument de la privatisation du droit (§1),une illustration de
l'extraterritorialité du droit (§2) et un instrument d'élaboration de la lex constructionis243 (§3).
243
Dorénavant, l'expression "lex constructionis" et "droit transnational de la construction" seront utilisées de
manière indistincte.
154
contrats-types n'ayant a priori aucune force juridique propre. Les parties décidant de recourir
aux modèles des contrats FIDIC ne font qu'une application présupposée de la disposition
selon laquelle les contrats font office de loi entre les parties.
Quant à l'application, les contrats FIDIC sont largement diffusés dans le monde, notamment
au travers de la réalisation d'un nombre significatif de projets d'infrastructure, d'ouvrages de
génie civil ou d'usines.
Cette application des contrats FIDIC est parfois imposée de facto par les bailleurs de fond de
ces projets, notamment dans les pays en développement par les banques multilatérales de
développement au travers des appels d'offre soumis245. Cette configuration diffuse
l'application des contrats FIDIC et transforme les contrats FIDIC en un instrument de la
privatisation du droit.
Il convient enfin de revenir sur un autre aspect de l'application des contrats FIDIC qui
démontre également que ceux-ci sont un instrument de la privatisation du droit, l'application
"extraordinaire" des contrats FIDIC. Nous définissons l'application extraordinaire des contrats
FIDIC comme l'application des contrats FIDIC dans le cas où les parties ne respectent pas
leurs obligations contractuelles. Il s'agit d'étudier le système de résolution des différends mis
en place par la FIDIC. Ce système de résolution des différends se constitue de différentes
étapes. La particularité de ce système de résolution des différends de la FIDIC réside dans le
244
http://fidic.org/about-fidic
245
La Banque Mondiale exige pour l'heure dans son dossier d'appel d'offres une documentation contractuelle
basée sur les contrats FIDIC. Cette exigence est à mettre en perspective puisque la Banque Mondiale est en cours
de révision de sa politique de financement et de la documentation qu'elle est appelée à exiger en concertation
avec toutes les parties intéressées.
155
fait qu'il ne prévoit aucunement le recours à la puissance publique: l'arbitrage est en effet la
dernière étape de résolution des différends des contrats FIDIC. Si l'arbitrage est reconnu et
parfois régulé par les législations nationales et internationales, l'arbitrage demeure cependant
fondamentalement un mode privé de résolution des différends.
Un dernier élément démontrant également l'extraction des contrats FIDIC des ordres
juridiques nationaux mérite d'être relevé. Il s'agit du dépôt de marques effectué par la FIDIC.
Si celui-ci n'a aucune influence sur l'application des dispositions relatives aux droits d'auteurs
relatives aux contrats FIDIC, celui-ci démontre a minima une volonté de la FIDIC d'extraire
les contrats FIDIC de la dépendance d'ordres juridiques nationaux.
Ainsi, tant par leur formation que leur application, les contrats FIDIC constituent un
instrument privilégié de la privatisation du droit. Il s'agit d'un phénomène similaire à celui
observé par E. JOLIVET concernant les incoterms246.
- elle est portée par la sphère privée pour assurer une meilleure sécurité juridique dans les
relations économiques;
246
E.JOLIVET, Les incoterms: étude d'une norme du commerce international, Bibliothèque de droit de
l'entreprise Tome 62, Litec, 2003
247
N.MAZIAU, « L'extraterritorialité du droit entre souveraineté et mondialisation des droits », La Semaine
Juridique (Entreprises et Affaires), 9 Juillet 2015, n° 28, 1343, p. 23.
156
-elle est promue par la puissance publique, qu'elle soit législateur, Gouvernement au juge
pour la défense des intérêts collectifs ou la meilleure protection des droits de l'homme."
En effet, il convient de rappeler de prime abord que les contrats FIDIC sont des contrats
d'initiative privée. Il ne s'agit pas de lois émanant d'un Etat ou autre autorité étatique.
Pour le reste, ainsi que N. Maziau le souligne, la FIDIC délivre effectivement des contrats-
types avec des clauses standardisées, notamment extraterritoriales. L'une des clauses
démontrant le mieux ce phénomène d'extraterritorialité non propre aux contrats FIDIC est
l'article 1 de ces contrats relatif au droit applicable. Prévoir la possibilité même d'un droit
applicable constituer à envisager a fortiori que la loi du for ne s'applique pas.
De plus, les contrats FIDIC sont inspirés des contrats Joint Contracts Tribunal (JCT) et
Institution of Civil Engineers (ICE) qui sont les contrats-types les plus utilisés dans le cadre
de la législation britannique. En droit de la construction britannique, une place plus
importante est laissée aux contrats avec les parties, comparativement au droit français où la loi
a une place très importante. Le Livre Rouge de la FIDIC a initialement été conçu pour
s'éloigner le moins possible de ces contrats. Ainsi que l'indique Ian Duncan Wallace en 1974:
"De manière générale, il est difficile d'échapper à la conclusion selon laquelle au moins l'un
248
N.MAZIAU, « L'extraterritorialité du droit entre souveraineté et mondialisation des droits », La Semaine
Juridique (Entreprises et Affaires), 9 Juillet 2015, n° 28, 1343, p. 23 (voir p. 25).
157
des objectifs principaux de la préparation de ce contrat international était de s'éloigner le
moins possible des contrats anglais249."
A titre d'exemple, l'obligation de limiter les dommages à laquelle il est fait une référence
indirecte dans les contrats FIDIC sont inconnus à titre d'exemple a priori dans la loi française.
Il en va de même pour les différentes étapes relatives à la certification des étapes relatives aux
travaux, le droit français ne connaissant que la réception des ouvrages, sous ses différentes
formes, sauf dans le cas de la Vente en Etat Futur d'Achèvement (VEFA) (cf infra). Ces
concepts du droit anglais se voient alors introduits dans le système juridique de pays à
législation d'inspiration civiliste par le biais des contrats FIDIC.
Nous considérons cependant que l'hypothèse selon laquelle les contrats FIDIC seraient un
instrument de l'extraterritorialité du droit, si elle est juste, est insuffisante à appréhender la
globalité du phénomène que les contrats FIDIC engendrent.
249
J.GLOVER, « FIDIC, an overview: the latest developments, comparisons, claims and look into the future »,
site Web Fenwick Elliot, en ligne : <www.fenwickelliott.co.uk>.
250
A. DE JESÚS O., « The prodigious Story of the Lex Petrolea and the Rhinoceros. Philosophical Aspects of
the Transational Legal Order of the Petroleum Society. », TPLI Series on Transnational Petroleum Law, 2012,
n° 1, 1.
251
C.MOLINEAUX, « Moving Toward a Construction Lex Mercatoria- A Lex Constructionis », International
Arbitration Journal, 1997, n° 14, 1, p. 55.
252
C.JANSEN, « The Case for the European Lex Constructionis », ICLR, 2000, n° 4, p. 593.
158
ou de A.DE JESÚS O. lui-même253 qu'une lex constructionis autonome des droits nationaux
de la construction existe. Cette loi serait une branche dérivée spécifique de la lex mercatoria.
Elle serait celle des acteurs du secteur de la construction internationale lors des projets de
construction internationaux. Celle-ci serait indépendante des droits nationaux de la
construction qui auraient matière à s'appliquer à un projet de construction internationale.
Celle-ci engloberait certains éléments des législations nationales, les contrats-types utilisés au
niveau du secteur de la construction internationale tels les FIDIC (objets de notre étude) ou les
NEC. La lex constructionis engloberait d'autres éléments tels les sentences arbitrales ou les
juridictions étatiques. Elle reposerait sur l'existence d'une communauté, la communauté du
secteur de la construction internationale. Elle contiendrait certains principes. Ces principes
serviraient de guide d'interprétation aux arbitres ou aux personnes amenées à connaître d'un
différend ou d'un litige relatif aux contrats des projets internationaux de construction. Une lex
constructionis autonome des droits nationaux de la construction peut sembler difficile à
envisager a priori dans un domaine où les législations nationales semblent posséder une
importance fondamentale. Il convient cependant de prendre en compte un certain nombre de
facteurs mettant en perspective cette importance (cf infra).
Ces étapes sont: l'affirmation de l'existence d'un droit transnational de la construction (A), le
rattachement de la lex constructionis à la lex mercatoria (B) ainsi que l'existence d'une
société des acteurs du secteur de la construction international (C).
253
A. DE JESÚS O., « The prodigious Story of the Lex Petrolea and the Rhinoceros. Philosophical Aspects of
the Transational Legal Order of the Petroleum Society. », TPLI Series on Transnational Petroleum Law, 2012,
n° 1, 1.
159
A) L'affirmation de l'existence d'un droit transnational de la construction
L'existence d'un droit transnational de la construction a été affirmée à diverses occasions par
divers auteurs, nous citons ici C.MOLINEAUX, C.Jansen qui plaide pour l'existence d'une lex
constructionis européenne, L.Klee254 ou A.DE JESÚS O.255. Ce dernier estime que la FIDIC
par ses contrats effectue un travail de collecte des éléments constituant la lex constructionis à
l'image que les contrats du secteur pétrolier international sont des éléments de la lex petrolea.
C.MOLINEAUX affirme par ailleurs que les contrats FIDIC constitueraient le socle de cette
lex constructionis et tente de citer les principes qui selon lui constitueraient cette loi256.
1) Le choix du modèle de la lex mercatoria plutôt que celui du contrat sans loi
Le rattachement de cette lex constructionis à un modèle de droit transnational existant parmi
deux modèles possibles devait être effectué: celui du contrat sans loi ou celui de la lex
mercatoria. L'hypothèse du contrat sans loi était intéressante au motif qu'elle aurait pu
conférer aux contrats FIDIC la place centrale relative à l'émergence de ce droit transnational
de la construction. Ce projet est cependant relativisé par l'article 1 des contrats FIDIC qui
s'attache, pour des raisons de sécurité juridique pour les parties et de facilitation des échanges,
au choix d'une loi applicable. Ce fut au final la lex mercatoria qui sera retenue ici. La lex
constructionis (dont les contrats FIDIC feraient partie intégrante) serait ainsi une loi spéciale
dérivée de la lex mercatoria. Cette dernière serait une loi générale et qui pourrait librement
puiser ses éléments des autres droits existant. Cet élément différencie notamment la lex
mercatoria des contrats sans loi.
254
L.KLEE, International Construction Contract Law, 1e éd., Wiley-Blackwell, 2015.
255
A. DE JESÚS O., « The prodigious Story of the Lex Petrolea and the Rhinoceros. Philosophical Aspects of
the Transational Legal Order of the Petroleum Society. », TPLI Series on Transnational Petroleum Law, 2012,
n° 1, 1.
256
C.MOLINEAUX, « Moving Toward a Construction Lex Mercatoria- A Lex Constructionis », International
Arbitration Journal, 1997, n° 14, 1, p. 55.
160
Cependant pour que la lex mercatoria puisse être retenue comme base et loi générale dont la
lex constructionis dérivée, il est nécessaire de reconnaître un changement de paradigme
concernant la lex mercatoria.
257
P. JUIGNET, "Paradigme scientifique selon Thomas Kuhn", Philosophie, science et société. 2015. [en ligne]
http://www.philosciences.com
258
Le pluralisme juridique est une école de pensée tendant à reconnaître l'existence d'une multitude d'ordres
juridiques coexistant et pouvant de ce fait s'appliquer à une même situation. L'existence de ce pluralisme
juridique est notamment étudiée par F.OST et M.VAN DE KERCHOV dans leur ouvrage " De la pyramide au
réseau ? Pour une théoriedialectique du droit", Publications des Facultés universitaires de Saint-Louis,
Bruxelles, 2002,p. 184, citée par A. Jesus.
259
A. DE JESÚS O., « The prodigious Story of the Lex Petrolea and the Rhinoceros. Philosophical Aspects of
the Transational Legal Order of the Petroleum Society. », TPLI Series on Transnational Petroleum Law, 2012,
n° 1, 1.
161
mercatoria serait une entité complètement autonome des droits nationaux qui s'inspirerait
cependant de ceux-ci. Ces règles sont sélectionnées par un critère de pertinence tel que défini
par le professeur Loquin dans sa conférence "Les règles matérielles internationales260".
Dans cette incertitude relative quant au contenu de la lex constructionis, les contrats FIDIC
constituent, parmi d'autres sources, un point de stabilité certain.
260
E.LOQUIN, "Les règles matérielles internationales", Cours de l'Académie de Droit International de La Haye,
2008, Tome 322, Martinus Nijhoff Publishers, 2007, p. 9.
.
261
A. DE JESÚS O., « The prodigious Story of the Lex Petrolea and the Rhinoceros. Philosophical Aspects of
the Transational Legal Order of the Petroleum Society. », TPLI Series on Transnational Petroleum Law, 2012,
n° 1, 1.
262
L.AYNES, « Cession de contrat », RJC, 1999, n° 43, 4, p. 194.
162
par leur multitude et leur variété notamment, ne sont pas toujours d'un accès aisé. Nous
considérons cependant que certains usages connaissent une diffusion importante. A cet égard,
l'étude des contrats FIDIC est intéressante. Une sentence arbitrale sous l'égide de la CCI a pu
dénier aux contrats FIDIC la qualité d'usage du commerce international, notamment en
soulignant l'absence de respect du critère de généralité et de caractère contraignant au regard
des éléments suivants. Cependant, à la lumière des travaux de l'Institut des Usages de
Montpellier, sous l'égide de P.Mousseron263, les critères de qualification et d'application du
régime des usages sont variables. Ainsi, selon les tenants de cette école, les usages n'ont pas
nécessairement à se prévaloir d'un caractère contraignant ou obligatoire. Les contrats FIDIC
sont largement répandus et diffusés dans le secteur de la construction internationale,
notamment dans les projets impliquant des banques multilatérales de développement. La
FIDIC recense et améliore les "bonnes pratiques" des acteurs de la construction internationale
et insèrent dans leurs contrats les clauses présentant le meilleur potentiel d'efficacité. Cette
utilisation répandue répétée et généralisée des contrats FIDIC contribue à permettre aux
acteurs du secteur de la construction internationale de présenter une image de
professionnalisme. C'est l'un des effets recensés par l'application des usages. Les contrats
FIDIC à la lumière de ces derniers éléments pourraient donc ainsi être potentiellement
qualifiés d'usages du commerce international. A ce titre et par leur nature même de contrats,
ils font donc partie intégrante de la lex constructionis.
263
P.MOUSSERON, Les usages: l'autre droit de l'entreprise, Lexis Nexis, 2014, p.54. Par exemple sur
l'application du critère de généralité par le juge: "La cour d'appel de Rouen s'est satisfaite de deux assemblées
pour ériger une règle d'élection biannuelle d'un président contraire aux statuts".
264
C.R. SEPPÄLA " The development of a case law in construction disputes relating to FIDIC contracts" in
E.GAILLARD, Y.BANIFATEMI "Precedent in International Arbitration", Jurisnet LCC, 2008, p.67 et s., cité
par G.HÖK "Significant Case Law on the FIDIC Forms of Contract- Development of a FIDIC Case Law?" en
ligne: http://www.dr-hoek.de/FR/beitrag.asp?t=FIDIC-Significant-Cases, dernière mise à jour Juillet 2015
163
manifestation significative de cette reconnaissance réside dans un certain nombre de décisions
récentes rendues par différentes par juridictions étatiques. Il s'agit de l'arrêt de la cour d'appel
de Singapour en date du 14 Juin 2015265 ainsi que d'une autre décision rendue par la
"Technology and Construction Court (TCC)" britannique (juridiction spécialisée dans les
contentieux relatifs à la construction.) Ces arrêts reconnaissent notamment la nécessité
préalable de respecter ou de prendre en compte la procédure et la décision du comité de
résolution des différends de la FIDIC s'il y a été fait recours. Par ces décisions, ces différentes
juridictions ont reconnu l'existence d'un ordre juridique distinct, dont le comité de résolution
des différends de la FIDIC fait partie intégrante. Par ailleurs d'autres institutions essentielles
du secteur de la construction internationale telles que la Chambre de Commerce Internationale
reconnaissent également l'existence de cet ordre. Une illustration de cette reconnaissance
réside notamment par la publication périodique par la CCI d'un bulletin spécifique relatif aux
comités de résolution des différends de la FIDIC266. La symbolique est importante: la CCI,
organisant une partie des règles relatives à l'arbitrage international, reconnait la singularité
d'un élément constitutif d'un droit transnational des projets internationaux de construction.
Cette reconnaissance bienvenue en appelle une autre: la reconnaissance d'une société des
acteurs du secteur de la construction internationale régie par ce droit.
265
PT Perusahaan Gas Negara (Persero) TBK v CRW Joint Operation [2015] SGCA 30.
266
ICC Dispute Resolution Bulletin 2015 Issue 1, 2014 Statistics & Dispute Adjudication Boards under FIDIC
Contracts, ICC Editions, 2015.
164
bien et nous considérons également que les contrats FIDIC, tant par leur formation que par
leur application en constituent un élément central.
267
C.MOLINEAUX, « Moving Toward a Construction Lex Mercatoria- A Lex Constructionis », International
Arbitration Journal, 1997, n° 14, 1, p. 55.
268
C.MOLINEAUX, « Moving Toward a Construction Lex Mercatoria- A Lex Constructionis », International
Arbitration Journal, 1997, n° 14, 1, p. 55 (voir p. 64).
165
2) Le principe "rebus sic stantibus"
Selon C. MOLINEAUX, le principe "rebus sic stantibus" est considéré par certains
commentateurs comme une sorte de principe contraire au pacta sunt servanda mais il est
nécessaire en vue de prendre en compte l'imprévision, la force majeure. Ce principe indique
que les obligations ne valent que s'il n'y a pas de changement de circonstances majeures. Ce
dernier est évidemment à mettre en perspective avec les enjeux du projet sur lequel les parties
collaborent. Les contrats FIDIC ont retenu une approche favorisant une communication
permanente entre les acteurs (ingénieur, maître d'ouvrage, entrepreneur) permettant justement
d'appréhender au mieux les changements de circonstance et de s'y adapter. Si les parties
n'arrivent pas à s'accorder face aux changements de circonstance, la FIDIC a mis en place un
système de résolution des différends.
Aux côtés de ces principes classiques relatifs à l'application ordinaire de la lex constructionis,
d'autres principes relatifs à l'application extraordinaire de la lex constructionis peuvent être
recensés.
269
C.MOLINEAUX, « Moving Toward a Construction Lex Mercatoria- A Lex Constructionis », International
Arbitration Journal, 1997, n° 14, 1, p. 55.
166
maître d'ouvrage, par l'intermédiaire de l'ingénieur ou du représentant du maître d'ouvrage
d'assurer l'accès au site de réalisation des travaux. Aux côtés de ce principe de bonne foi, se
trouve le principe d'admission de variation du prix du contrat initial.
D'autres éléments peuvent être prévus mais nous pouvons conclure que les contrats FIDIC
respectent et sont dans le même temps une composante intégrale de la lex constructionis. Ces
contrats FIDIC sont même un élément central de la lex constructionis par leur notoriété et leur
large diffusion.
A la suite de A.DE JESÚS O. pour la lex petrolea270, nous considérons que la lex
constructionis peut prendre dans les ordres juridiques internes qui ne sont pas la lex
constructionis les règles pertinentes à l'application de celle-ci. Nous considérons ainsi à titre
d'exemple que les règles considérées comme "impératives" dans les législations nationales
telle que la responsabilité décennale font partie de la lex constructionis. C'est en termes de
principe que ces règles impératives font partie de la lex constructionis, elles n'en font pas
partie de manière nominative. Si ces règles faisaient partie de la lex constructionis de manière
nominative, il conviendrait d'appliquer ces règles sans prendre en compte le lieu de situation
du projet et à introduire des règles non prévues voire non pertinentes pour le projet en
question.
Il convient par ailleurs de rappeler que l'ordre juridique de la lex constructionis n'est pas si
éloigné des autres juridiques nationaux; cette distance semble moins importante que celle
270
A. DE JESÚS O., « The prodigious Story of the Lex Petrolea and the Rhinoceros. Philosophical Aspects of
the Transational Legal Order of the Petroleum Society. », TPLI Series on Transnational Petroleum Law, 2012,
n° 1, 1.
167
considérée par A.DE JESÚS O. concernant la lex petrolea. Ce dernier estime en effet que le
lien commun entre les acteurs du secteur pétrolier réside en la possibilité d'extraire du pétrole
et d'en faire commerce avec le moins de contraintes possibles.
Synthèse
L'étude de la qualification fonctionnelle des contrats FIDIC est riche d'enseignements sur
deux points: les contrats FIDIC constituent un élément essentiel du droit transnational de la
construction (§1) en même temps qu'ils sont l'instrument de divers phénomènes (§2).
Ainsi, les contrats FIDIC, en conjonction avec d'autres éléments constituent un instrument de
la privatisation du droit applicable aux projets internationaux de construction. Les projets
internationaux de construction demeurent malgré tout sous une influence juridique certaine
des droits nationaux, à tout le moins celui du lieu de situation de l'ouvrage étant réalisé. Il
s'agit souvent des règles de police: ainsi en va-t-il pour l'application pour des projets
internationaux de construction en France de la loi du 31 Décembre 1975 sur la sous-traitance.
168
Il convient également de rappeler qu'un nombre important de pays prévoient des renvois à des
suites de contrats élaborées au niveau national. Les contrats FIDIC viennent modifier cet
équilibre. Par ce biais, ils sont également un vecteur de l'extraterritorialité du droit. En effet,
les contrats FIDIC constituent un vecteur de circulation de concepts provenant de systèmes
juridiques divers: ainsi en va-t-il des concepts de droit anglais comme l'obligation de limiter le
dommage. Il en va également ainsi des concepts connus en droit français: l'exemple le plus
marquant en est la reprise dans la suite Arc-en-Ciel des contrats FIDIC de la notion de force
majeure.
***
169
Partie II: L’APPLICATION DES CONTRATS FIDIC
Introduction
Etudier l'application des contrats FIDIC conduit à analyser la mise en œuvre de ces contrats
par les parties. Deux situations d'application des contrats FIDIC semblent se dégager: leur
application "ordinaire" (§1) et leur application "extraordinaire" (§2).
170
à leur capacité d'adaptation aux projets nationaux et internationaux. Ces éléments nous
permettront d'affirmer avec plus de certitude l'appartenance des contrats FIDIC au droit
transnational de la construction.
Etudions donc un premier temps l'application ordinaire des contrats FIDIC (Titre I) avant
d'étudier l'application extraordinaire des contrats FIDIC (Titre II).
Parmi ces acteurs principaux, nous nous intéresserons principalement aux bureaux d’étude ou
sociétés d’ingénierie. La conception « anglaise » de ces sociétés d’ingénierie et de leur
activité a en effet joué un rôle déterminant dans le succès et l’expansion des contrats FIDIC,
dans le contexte d'une influence grandissante de la gestion de projets271.
A) La conception « latine »
La première conception a prédominé dans les pays de tradition romaine (Allemagne, France,
Belgique) tandis que la seconde conception a initialement prédominé dans les pays de
tradition « anglo-saxonne » avant de s’étendre au-delà.
« Dans les pays de droit romain, depuis l’Antiquité, le rôle essentiel de la puissance publique
a conduit à privilégier la relation maître d’ouvrage-entrepreneur. La conséquence en a été le
271
D.BARJOT, «Existe-il un modèle français de l'ingénierie?», Entreprises et histoire, Février 2013, n° 71, p. 6.
272
Les termes « latine » et « anglo-saxonne » sont de l’auteur de ces lignes. Ces termes ne prétendent pas à
l’exactitude mais plutôt à synthétiser pour le lecteur les conceptions en vue des développements qui suivent.
273
Ce rappel est important dans la mesure où il permet de comprendre le « donné » qui a permis de construire
l’expansion et le succès des contrats FIDIC dans les projets internationaux.
172
développement d’importants bureaux d’études internes aux entreprises, au détriment des
bureaux d’ingénieurs-conseils ou d’architectes, chargés de la maîtrise d’œuvre, et
l’apparition précoce, en Allemagne, en Belgique ou en France, du concept d’entreprise
générale. En France, la situation s’est même trouvée renforcée par l’absence de formation
technique des architectes, passés en général par les Beaux-Arts ».274
B) La conception « anglo-saxonne »
Dans les pays anglo-saxons, notamment en Grande-Bretagne, l’ingénieur-conseil, en même
temps architecte occupe la place privilégiée de la filière. « Au Royaume-Uni au contraire,
c’est l’ingénieur-conseil, en même temps architecte, qui occupe dès l’origine la place
privilégiée au sein de la filière. Une telle formule s’est avérée, avec le temps, plutôt un frein
aux innovations constructives : en effet, parce qu’ils sont responsables des travaux, les
bureaux d’ingénieurs-conseils, même de grande taille, ont eu tendance à privilégier les
solutions techniques éprouvées, d’où, à la longue, un freinage de l’innovation technologique,
qui n’a pas peu contribué au rattrapage de la Grande-Bretagne par la France, la Belgique,
l’Allemagne et d’autres pays européens en matière de techniques constructives. Dans
l’immédiat cependant, cette vision a favorisé la naissance, outre-Manche, des premiers
grands bureaux d’ingénieurs-conseils à vocation mondiale : pour preuve la dynastie des
Stephenson, celle des Brunel et le rayonnement d’ingénieurs de la trempe de Sir Joseph
Paxton, le créateur du Crystal Palace, ou de Sir Benjamin Baker et Sir John Fowler, les
concepteurs du grand pont sur le Firth of Forth. Ils ne tardèrent pas à rayonner dans le
monde entier, notamment dans l’Empire britannique et dans les zones d’influence privilégiées
des capitaux anglais : ainsi en Égypte, entre les deux guerres, en matière de barrages. Cette
réputation des grands ingénieurs-conseils britanniques se maintint longtemps après la
Seconde Guerre mondiale : ainsi Gibbs & Partners, toujours pour les barrages. Toutefois, à
partir de 1945, ils furent de plus en plus supplantés par leurs homologues américains. »275
274
D.BARJOT, «Existe-il un modèle français de l'ingénierie?», Entreprises et histoire, Février 2013, n° 71, p. 6.
275
D.BARJOT, «Existe-il un modèle français de l'ingénierie?», Entreprises et histoire, Février 2013, n° 71, p. 6.
173
américaine276 a favorisé le développement de l’expansion des contrats FIDIC où les
ingénieurs occupent une place centrale.
Dans les pays de tradition romaine, la confrontation maître d’ouvrage/ entrepreneur laissait
très peu de place à la négociation. Chaque partie disposant d’atouts pour imposer ses
conditions.
276
D.BARJOT, «Existe-il un modèle français de l'ingénierie?», Entreprises et histoire, Février 2013, n° 71, p. 6.
277
D.BARJOT, «Existe-il un modèle français de l'ingénierie?», Entreprises et histoire, Février 2013, n° 71, p. 6.
174
Dans le même temps, les pouvoirs importants de l'ingénieur ont conduit certains bailleurs de
fond dont les dossiers d'appels d'offre s'inspiraient des contrats FIDIC à limiter les pouvoirs
de l'ingénieur-conseil dans une proportion importante. Cela est notamment le cas pour
l'Agence Française de Développement (AFD) qui a limité de manière significative les
pouvoirs de l'ingénieur, au-delà de la simple résolution des différends.
Ainsi, dans le document technique d'appel d'offres utilisés dans les pays régis par un système
de common law, inspiré par les contrats FIDIC l'article 3.5 définissant les pouvoirs de
l'ingénieur a été modifié. La raison de cette modification est que l'AFD a rencontré des
difficultés avec ces pouvoirs importants de l'ingénieur278. Au-delà de cette difficulté, il s'agit
d'une illustration indirecte de la confrontation de la conception anglo-saxonne où l'ingénieur a
une place prépondérante et la conception latine, dont se réclame l'AFD utilisant les Cahiers
des Clauses Administratives Générales (CCAG) pour les pays de droit civil. Les CCAG
constituent les contrats-types utilisés en France pour les marchés de travaux publics en France
(cf infra, p. 153).
Cependant la conception anglo-saxonne continue de s'imposer au travers des contrats FIDIC,
notamment par le biais de la présence de la clause compromissoire.
A) La notion de bancabilité
Il convient de bien avoir à l’esprit que dans les financements de projets, la rentabilité ou la
« bancabilité » du projet en lui-même constitue l’unique source de revenus à même de payer
les créanciers et de contribuer au service de la dette.
278
Entretien avec B.CHASSATTE, Agence Française de Développement, Bruxelles, 2 Juin 2014.
175
Pour assurer cette rentabilité, l’allocation des risques doit être organisée de manière optimale
entre les différentes parties et constitue un critère fondamental pour l’accord sur l’octroi des
financements.
De plus, selon ces deux auteurs, "La notion de bancabilité est caractérisée par sa subjectivité.
Le caractère bancable d’une opération varie d’une banque à l’autre, comme d’un projet à un
autre. Il est le résultat de l’allocation des risques identifiés au cas par cas par les banques
prêteuses en considération des usances sectorielles.
Elle évolue par ailleurs avec le temps et les personnes qui en font l’analyse. L’expérience des
diverses crises financières l’a ainsi démontré.
Comme le souligne Graham Vinter, la bancabilité est « un art, non une science ». Elle n’est ni
une réalité juridique, ni une notion financière. »280
Pour réaliser cet art, les parties concernées recourent à différents outils constituant le régime
de la "bancabilité".
B) Le régime de la bancabilité
Les banques recourent principalement aux sûretés pour assurer cette "bancabilité" (1). Parmi
ces sûretés, la garantie à première demande occupe une place importante (2).
279
G.ANSALONI et V.HAUBERT-MCGETRICK, Financement de projet: Enjeux juridiques et bancabilité
d'une opération, Revue Banque Editions, 2011, 184 p. (voir p. 27)
280
G.ANSALONI et V.HAUBERT-MCGETRICK, Financement de projet: Enjeux juridiques et bancabilité
d'une opération, Revue Banque Editions, 2011, 184 p. (voir p. 27)
176
1) Le recours aux sûretés
Les banques sont directement intéressées à la bonne exécution du projet, en qualité de
prêteuses au bénéfice du maître d'ouvrage des fonds nécessaires. Elles ne sont pas parties aux
contrats FIDIC. Elles recherchent au travers de leurs conseils juridiques des moyens de
s'assurer que le projet soit "bancable" d'une part et qu'elles soient immunisées de tous les
risques pouvant émaner du projet. Il s'agit notamment des risques industriels ou opérationnels
pouvant amener une modification du calendrier prévisionnel ou des coûts initiaux281.
L'une des techniques de prédilection des banques et de leurs conseils pour satisfaire aux
objectifs des banques passe par le recours aux sûretés. Pour les projets n'ayant pas encore
commencé à dégager de revenus, il peut être fait recours aux nantissements des actifs de la
société ou encore le recours aux mécanismes de nantissement ou de cessions de créances.
Pour les cessions de créance, nous faisons notamment référence aux cessions Dailly.
Le champ des possibles en matière de sûretés est important. L'une des sûretés les plus
utilisées dans ce type de projets complexes demeure la garantie à première demande282.
281
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2015.
282
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2015.
177
b) La mise en œuvre problématique de la garantie à première demande
Plusieurs acteurs interrogés dans le cadre de cette étude, dont un avocat283 travaillant sur les
financements de projets ainsi qu'un juriste284 ayant travaillé dans le domaine de l'énergie ont
relaté des difficultés quant à la mise en œuvre de la garantie de première demande. Ces
difficultés sont au nombre de deux.
La première difficulté concernant la garantie à première demande est qu'elle ne stipule pas de
manière assez précise les modalités de règlement des différends en cas d'occurrence d'un
différend relatif à cette garantie. Ainsi, certaines garanties à première demande ne
contiendraient pas de clauses compromissoires alors que le contrat principal relatif au projet
en contiendrait, ce qui conduit à une multiplication des contentieux devant les juridictions285.
Ces juridictions seraient pour une part étatiques, mais les tribunaux arbitraux pourraient
potentiellement connaître des problèmes relatifs à l'appel en garantie. L'une des solutions
proposées à ce problème est de requérir une consolidation de l'arbitrage pour que les arbitres
puissent également connaître du problème de l'appel en garantie.
La seconde difficulté concerne les appels en garantie parfois abusifs réalisés par les maîtres
d'ouvrage bénéficiaires. Il convient de rappeler dans ce contexte que de manière fréquente,
dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres, dans le domaine de l'électrotechnique par
exemple, le maître d'ouvrage va avancer 30% du prix total du projet à l'entrepreneur. En
échange celui-ci souscrit une garantie à première demande au bénéfice du maître d'ouvrage.
En temps de crise cependant, certains maîtres d'ouvrage bénéficiaires de ces garanties les ont
actionnées de manière abusive. L'absence de stipulations relatives à la résolution des
différends induisait un recours aux tribunaux nationaux pour faire reconnaître le caractère
frauduleux ou abusif de l'appel en garantie à première demande. Cette pratique a pu connaître
un développement significatif pendant la crise économique des années 2007 et 2008286.
Pour éviter ces problèmes et assurer une "bancabilité" réelle des projets, la meilleure solution
demeure la définition une allocation équilibrée des risques, ce qui est le globalement le cas
des contrats FIDIC.
283
Entretien avec Maître M. HAROUN, Avocat Associé, King & Spalding LLP, 03 Juin 2014.
284
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2015.
285
Entretien avec Maître M. HAROUN, Avocat Associé, King & Spalding LLP, 03 Juin 2014.
286
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2015.
178
II) L’allocation équilibrée des risques
Les principes de l’allocation équilibrée des risques sont simples : les risques doivent être
définis avec le plus de précision et de prévisibilité possibles, ils doivent être alloués à la partie
qui peut le mieux les supporter. Plus ces risques seront alloués de manière équilibrée,
meilleure sera la chance du projet d’accéder au financement. Les cabinets d’avocat et les
services juridiques des différents acteurs tentent de manière continue de promouvoir leurs
propres contrats personnels qui les avantagent, mais l’équilibre de l’allocation des risques en
pâtit. Le coût des projets augmente également, ce qui provoque par un intéressant effet de
balancier, le renouveau de l’attrait de contrats peu modifiés tels que les Conditions Générales
des contrats FIDIC.287
Dans ce cadre, l’équilibre de l’allocation des risques est souvent présenté comme une des
principales caractéristiques des contrats FIDIC par les défenseurs et experts de ces derniers.288
III) La définition précise des obligations des acteurs du projet dans les contrats FIDIC
Les obligations du maître d’Ouvrage289 sont définies avec précision (A). Les contrats FIDIC
font preuve d’une sophistication importante ; le traitement réservé aux fossiles le prouve (B).
Cela démontre une adaptation possible des contrats FIDIC aux projets en France (C).
287
T.SHNOOKAL et D.CHARRETT, «Standard form contracting; the role for fidic contracts domestically and
internationally», in Society of Construction Law Conference , 2010, p. 30.
288
T.SHNOOKAL et D.CHARRETT, «Standard form contracting; the role for fidic contracts domestically and
internationally», in Society of Construction Law Conference , 2010, p. 30.
289
Il est important de s’arrêter sur les obligations relatives au Maître d’Ouvrage car ses attributs de puissance
publique sont de nature à créer un déséquilibre entre les parties, notamment quant à la nécessité de respecter ses
obligations. Si celles-ci sont bien définies, il y a plus de chance que celles-ci soient respectées.
179
A titre d’exemple, en France, les Cahiers des Clauses Administratives Générales (CCAG)
relatifs aux marchés de travaux publics dans sa version la plus récente290 constituent un point
de comparaison intéressant291.
L’article 3 du CCAG aborde bien sous un titre les obligations générales des parties.
Cependant, seules sont explicitées de manière suffisante les obligations du titulaire du
marché. Ce dernier correspond à l’entrepreneur dans la terminologie des contrats FIDIC 292.
L’article 2 du Livre Rouge du contrat FIDIC est consacré aux obligations du maître
d'ouvrage. Si dans la majorité des contrats de construction, la nature de ces derniers implique
que la quantité d’obligations reposant sur l’entrepreneur/titulaire soit la plus importante, il est
appréciable que le maître d'ouvrage se voit clairement signifier ces obligations. Il en va ainsi
de la nécessité de garantir à l’entrepreneur l’accès au chantier, la nécessité pour le maître
d'ouvrage d’obtenir les diverses autorisations nécessaires. L’autre obligation fondamentale
pour le maître d'ouvrage au sein des contrats FIDIC est la nécessité d’apporter la preuve sur
ses capacités à financer les travaux.
A notre sens, il semblerait que les CCAG aux travaux soient plus fournies en détail sur les
modalités de paiement et les délais de règlement que sur la nécessité pour le maître d'ouvrage
d’apporter la preuve de sa capacité financière. Il est cependant entendu que le contexte est
différent.
Une des difficultés récurrentes pour les utilisateurs habitués à l'utilisation des CCAG est
l'architecture des contrats FIDIC malgré leur similarité initiale293. En effet, si les deux
modèles de contrats proposent des conditions générales et particulières, la difficulté provient
du fait que les conditions générales et particulières des contrats FIDIC sont "fusionnées".
290
Au moment où nous écrivons, la version de l’arrêté du 8 Septembre 2009 modifiée par l’arrêté du 3 Mars
2014 sur certains points, notamment ceux relatifs aux délais de paiement, au Décompte Général Définitif (DGD).
291
Les CCAG constituent un point de comparaison intéressant pour plusieurs raisons. La première d’entre elles
est une similarité de structure. Comme en ce qui concerne les contrats FIDIC, les CCAG constituent des
conditions générales que viennent compléter un Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP), ainsi
que d’autres pièces à valeur technique. Tout comme les contrats FIDIC, les CCAG ont une valeur contractuelle
conventionnelle : les parties doivent expressément décider de s’y référer pour que ceux-ci soient applicables. Les
CCAG ont vocation à s’appliquer aux travaux publics. Les contrats FIDIC ne se fixent officiellement pas ces
limites mais la nature des projets que ces contrats viennent régir relèvent souvent d’un intérêt pour la puissance
publique même si certains ouvrages peuvent être la propriété de personnes privées. Cette liste de raisons n’est
pas exhaustive mais ils permettent ici de proposer quelques arguments justifiant l’utilisation des CCAG comme
point de comparaison aux contrats FIDIC.
292
Outre la différence de conception entre les CCAG et les contrats FIDIC due à des raisons historiques, il
importe que la FIDIC a chargé Vincent LELOUP, ingénieur, d’une nouvelle traduction en langue française des
contrats FIDIC. Cette traduction devra mieux prendre en compte la terminologie spécifique française,
notamment celle contenue dans les CCAG.
293
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2015.
180
Dans les CCAG, la séparation physique entre conditions générales et particulières demeure la
règle ce qui explique le sentiment de confusion que peuvent parfois éprouver les acteurs
habitués à travailler avec les CCAG à l'heure de travailler avec les contrats FIDIC. Nous
maintenons cependant que ces différences, une fois le travail d'adaptation réalisé ne sont pas
insurmontables et que les CCAG et FIDIC manifestent une similarité importante.
Nous tenons à souligner un autre point qui selon nous met en valeur les contrats FIDIC. Ils
tendent à faire preuve d’un degré de sophistication similaire aux CCAG sur divers thèmes. Il
en va ainsi par exemple du traitement des vestiges et des fossiles.
(a) A une prolongation du délai pour tout retard de ce type, si l’achèvement est ou sera retardé
conformément à la Sous-Clause 8.4 [Prolongation du Délai d’Achèvement], et
(b) Au paiement des Coûts, qui doivent être ajoutés au Prix Contractuel.295
294
Nous reproduisons l’article 4.24 tel qu’il apparait dans la traduction française du livre rouge de la FIDIC
réalisée par le Dr. HÖK.
295
Remarquons à travers cette citation l’effort louable mais néanmoins perfectible de la traduction des contrats
FIDIC. A titre d’exemple, l’emploi des termes « sous-clause » ou « prix contractuel » sont linguistiquement
corrects, mais il serait à notre sens plus judicieux d’employer les termes de sous-article voir de prix tout
181
Après réception de cet avis supplémentaire, l’ingénieur doit procéder conformément à la
Sous-Clause 3.5 pour convenir ou constater ces questions. »
simplement sachant que celui-ci a été décidé par les parties aux termes du présent contrat. Il peut s’agir de
détails, mais ces détails permettent d’asseoir la crédibilité des contrats FIDIC quant à leur potentielle application
en France par exemple. A l’heure où nous écrivons, à notre connaissance, trois projets localisés en France ont eu
recours à une structure contractuelle inspirée des contrats FIDIC : le Tunnel sous la Manche, la Ligne à Grande
Vitesse Sud Est Atlantique (projet non encore réalisé), le Viaduc de Millau.
182
d'objets ou de vestiges, est un cas d'ajournement des prestations selon les dispositions de
l'article 49 du présent CCAG. »296
Nous pourrions envisager cette donnée sous un aspect différent en estimant que les contrats
FIDIC comme les CCAG aux travaux abordent cette question, ce qui démontre un degré de
sophistication des contrats FIDIC similaire à celui des CCAG. Les contrats FIDIC ont
vocation à s’appliquer dans des territoires où la législation, notamment concernant les vestiges
n’est pas aussi développée qu’elle pourrait l’être en France.
D’une certaine manière, l’article des contrats FIDIC relatif aux fossiles est plus intéressant
puisqu’il appelle à plus de communication entre les parties, quand les CCAG définissent
directement les droits et obligations des parties.
Mis à part ces quelques remarques secondaires, force est de constater que les deux articles
comparés contiennent à peu près les mêmes éléments297.
La différence entre les deux contrats tient surtout de la différence d’objet des deux contrats :
les CCAG travaux ont vocation à s’appliquer de manière principale en France tandis que les
contrats FIDIC ont une vocation d’utilisation internationale.
Cette différence n’est toutefois pas insubmersible, loin s’en faut. Les contrats FIDIC
s'adaptent aux projets nationaux, ils pourraient potentiellement s'adapter aux projets réalisés
en France.
296
JORF, «Arrêté du 8 Septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales
applicables aux marchés publics de travaux» (CCAG Travaux), en ligne : <
http://legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2009/9/8/ECEM0916617A/jo/texte >.
297
L’exemple pris concernant les fossiles vise uniquement à démontrer le degré de sophistication des contrats
FIDIC. Il demeure des différences importantes concernant les scénarios retenus, notamment concernant la forme
des prix et le mode de paiement de ceux-ci. Les CCAG travaux prévoient deux types de prix : le prix forfaitaire
et le prix unitaire. Le prix forfaitaire est le prix payé de manière forfaitaire par le maître d'ouvrage à
l’entrepreneur/titulaire du marché. Le prix unitaire quant à lui est payé à chaque partie d’ouvrage réalisée. Le
prix n’étant inséré dans le contrat de départ qu’à titre estimatif. Il semblerait que ce soit le mode de prix unitaire
qui soit privilégié dans le contrat FIDIC. Il semble également possible de modifier cette disposition.
183
Synthèse
Les contrats FIDIC sont un élément central de la transnationalisation du droit de la
construction par leur adaptation au secteur de la construction internationale (§1) et par le
respect des conditions nécessaires au succès de ces projets (§2). Il convient cependant d'y
ajouter certaines règles impératives des législations nationales (§3).
§2 Le respect des contrats FIDIC des conditions de succès des projets de construction
Au-delà, les contrats FIDIC prennent en compte les impératifs de succès des projets de
construction internationaux, à savoir l'objectif avoué d'une allocation équilibrée des risques
entre les différentes parties, la tentative de respect de leurs intérêts divers. Cette tentative de
conciliation transparait au travers du mécanisme de résolution des différends mis en place par
la FIDIC ainsi que par des obligations définies pour chaque partie.
Les contrats FIDIC sont donc adaptés aux projets internationaux et forment de facto un
élément important de la lex constructionis applicable aux acteurs du secteur de la construction
internationale. La gestion des délais et des risques par les contrats FIDIC en constitue un
exemple significatif (cf infra). C'est la raison pour laquelle les acteurs majeurs de ce secteur
sont partie prenante de la création et de l'élaboration de ces contrats FIDIC.
Nous constaterons que les contrats FIDIC s'adaptent également aux projets nationaux sous
certaines conditions, notamment la satisfaction des règles impératives présentes dans les
législations nationales.
184
Section 2 L'adaptation des contrats FIDIC aux projets nationaux298
Les contrats FIDIC sont adaptables aux projets nationaux. Pour le démontrer, nous prendrons
l'exemple d'une adaptation potentielle au droit français, où les contrats FIDIC ont été utilisés
de manière parcellaire (Tunnel sous la Manche, Viaduc de Millau, future Ligne à Grande
Vitesse de l'Atlantique…)
L’adaptation des contrats FIDIC au contexte national français est possible de par la proximité
des contrats français types tels que ceux de la CCAG d’une part (§1) et grâce au potentiel
d’adaptation de ces contrats au contexte français d’autre part (§2).
Dans les contrats FIDIC, la première partie est consacrée aux conditions générales. Il est
possible d’édicter des conditions particulières.
Dans les deux formes de contrat, il y a, en respect des règles de l’art, des documents
techniques. Les contrats FIDIC se distinguent par la présence de multiples annexes contenant
des documents utiles, tels des modèles de garantie à première demande ou de lettre
d’intention. Les CCAG ne disposent pas de tels contrats-types.
Les contrats FIDIC permettent une double flexibilité : le choix de la loi applicable et la
possibilité d’édicter des conditions particulières au projet.
Concernant le choix de la loi applicable, il est aisément compréhensible et de bon sens quand
il s’agit d’un contrat ayant vocation à s’appliquer à un projet international. Concernant un
projet national, ce choix de loi applicable de la part des parties est extrêmement utile aux
personnes qui seront amenées à lire et à interpréter les contrats notamment en cas de conflit.
Il est intéressant de noter que les contrats FIDIC ne prévoient pas de recours à la justice
étatique299. L’étude des décisions de jurisprudence étatiques relatives aux contrats FIDIC
298
L’adjectif « nationaux » se réfère aux projets réalisés sur le territoire français où les CCAG ou leur pendant
privé, les contrats basés sur la norme NFP-003-001, ont vocation à s’appliquer.
299
On définira par commodité la jurisprudence étatique comme étant celle éditée par les tribunaux nationaux
étatiques, comme peuvent l’être par exemple en France les arrêts de la cour de cassation ou de la cour d’appel de
Paris, par opposition aux tribunaux arbitraux.
185
démontrent bien que les parties ne s’arrêtent pas à la lettre des contrats FIDIC et soumettent
parfois pour diverses raisons leurs différends aux juridictions nationales. Cela permet
d’améliorer le système des contrats FIDIC lui-même ainsi que leur reconnaissance mais
permet également une meilleure compréhension des différents systèmes et concepts qu’il
propose. A cet égard, l’apport des arrêts Persero 1300 et 2301 de la cour d’appel de Singapour
concernant l’interprétation à donner au système du comité de résolution des différends illustre
bien cette réalité.
Il n’en demeure pas moins qu’il est difficile d’établir une comparaison complète et exhaustive
au vu de plusieurs difficultés. Les difficultés de la comparaison tiennent à la réalité complexe
des ensembles contractuels mis en place pour réaliser les projets de construction et/ou des
opérations de conception/construction. Ces difficultés rendent nécessaire la poursuite du
travail d’adaptation des contrats FIDIC. Ce travail est possible au vu du potentiel d'adaptation
des contrats FIDIC.
300
C.R.SEPPÄLA, «Singapore Contributes to a Better Understanding of the FIDIC Dispute Clauses», ICLR, 01
Janvier 2015, vol. 32, n° 1, p. 4.
301
C.R SEPPÄLA, "An Excellent Decision From Singapore Which Should Enhance the Enforceability of
Decisions of Dispute Adjudication Boards - the Second Persero Case before the Court of Appeal", Construction
Law Journal, Issue 7, éditions Thomson Reuters, 2015, p.367 et s.
186
A) La confidentialité
Le premier écueil est celui de la confidentialité : les dispositions clés résident souvent dans les
conditions particulières qui aménageront les conditions générales des contrats FIDIC, quand
leur système de fonctionnement est respecté. Il en va de même pour les Cahiers des Clauses
Administratives Générales. En ce qui concerne les marchés publics, les Cahiers des Clauses
Administratives Particulières sont communiquées302.
La plupart des contrats inspirés des conditions FIDIC que les tribunaux français tendent à
connaître sont relatives à des affaires d’arbitrage. Il s’agit en effet de recours contre des
sentences arbitrales liées à des contentieux liés aux contrats FIDIC.
302
Pour un exemple de Cahier de Clauses Administratives Particulières:
http://www.var.gouv.fr/IMG/pdf/marche_public_toulon_cle79f41a.pdf
303
Entretien avec Maître M. HAROUN, Avocat Associé, King & Spalding LLP, 03 Juin 2014.
187
Ces écueils dépassés, il convient aussi d'adapter les contrats FIDIC au régime de
responsabilité spécifique des constructeurs en droit français.
La première raison est que ces dispositions paraissent d’ordre public, c’est-à-dire qu’il ne peut
y être dérogé par la convention. C’est ainsi le cas de la responsabilité ou garantie décennale,
la garantie biennale et la garantie de parfait achèvement. Il conviendra donc d’être vigilant
dans la rédaction des conditions particulières des contrats FIDIC au sort réservé à ces
garanties ainsi qu’à leurs modalités d’exécution, notamment concernant la réception.
La seconde raison est que la responsabilité décennale est une spécificité du droit de la
construction français, aux côtés de l’assurance dommage-ouvrages obligatoire ou de la loi de
1975 sur la sous-traitance. La responsabilité décennale ainsi que l’assurance dommage-
ouvrages sont spécifiques à la France, les législations des autres pays européens comparables
ne disposent de lois comparables relatives à ces notions. C’est dire l’importance d’étudier de
304
B.KOHL, Droit de la construction et de la promotion immobilière en Europe: Vers une harmonisation de la
protection du consommateur en droit de la construction?, Bruylant-LGDJ, 2008, p. 155.
188
manière détaillée ces notions et les implications en résultant en vue de l’adaptation des
contrats FIDIC.
C’est la raison pour laquelle nous aborderons successivement les garanties décennale,
biennale et de parfait achèvement en tentant de manière systématique de rattacher les
développements à venir aux contrats FIDIC et à leur potentielle adaptation.
Selon F. LINDITCH307, la responsabilité décennale est une "institution commune aux droits
public et privé". Elle " peut être définie comme une responsabilité présumée destinée à
protéger le maître d'ouvrage contre les désordres affectant la construction durant les dix
305
Certains auteurs, à l’image de F.Linditch que nous citons à diverses reprises, semblent employer de manière
indistincte les termes « garantie décennale » et « responsabilité décennale ». Il semblerait cependant que la
terminologie la plus adéquate soit celle de « responsabilité puisque l’article 1792-1 du Code Civil évoque la
responsabilité de plein droit.
306
B.KOHL, Droit de la construction et de la promotion immobilière en Europe: Vers une harmonisation de la
protection du consommateur en droit de la construction?, Bruylant-LGDJ, 2008, p. 1.
307
F.LINDITCH, Répertoire de droit immobilier, Dalloz, 2010 (dernière mise à jour: Octobre 2014).
189
années suivant la réalisation des travaux. Ne garantissant que les désordres non apparents
lors de la réception, elle couvre par conséquent les vices de conception ou de construction
affectant les bâtiments, mais également les ouvrages de génie civil (CE 11 juill. 1986, Ville de
Castres, Lebon T. 617)."
-une institution commune aux droits public et privé: la responsabilité décennale est
commune aux droits publics par ses fondements et son objet. Il s'agit d'une responsabilité
civile qui trouve son fondement aux articles 1792 et 2270 du Code Civil. Elle protège les
maîtres d'ouvrage publics et privés. Son régime et ses modalités d'application sont en grande
partie déterminées par diverses lois mais également par la jurisprudence administrative. Telles
sont les raisons pour lesquelles la responsabilité décennale est une institution commune aux
droits public et privé.
-Une couverture des vices de conception et de construction affectant les bâtiments, mais
également les ouvrages de génie civil: le champ d'application de la responsabilité décennale
s'étend aux ouvrages de génie civil (infrastructures, gros œuvre, bâtiment). Ces ouvrages de
génie civil rentrent également dans le champ d'application du Livre Rouge et du Livre Jaune
de la FIDIC. On rappellera que le Livre Rouge de la FIDIC est recommandé pour les travaux
de construction et d'ingénierie dont la conception est assurée par le maître d'Ouvrage. Le
Livre jaune quant à lui est le livre recommandé par la FIDIC pour les travaux dont la
conception ainsi que la construction sont assurées par l'entrepreneur. Nous pouvons dès à
présent affirmer que les dispositions concernant la responsabilité décennale seront applicables
dans deux cas. Le premier cas est celui où les parties choisissent la loi française comme loi
applicable à leurs relations contractuelles. En effet, dans les contrats FIDIC, les parties
doivent indiquer la loi applicable à leurs relations contractuelles308.
308
FIDIC, Conditions de Contrat applicables aux Travaux de Construction: pour les travaux de construction et
de génie civil conçus par le maître d'ouvrage (Livre Rouge), 1e ed. éd., FIDIC, 1999.
190
ii) Origine de la responsabilité décennale
La responsabilité décennale trouve son origine dans le code civil (α). La jurisprudence
administrative a joué un rôle important dans le développement de son régime (β).
"-l'article 1792, dans le chapitre consacré au contrat de louage d'ouvrage, qui posait le
principe de la garantie dans les termes suivants : « Si l'édifice, construit à prix fort, périt en
tout ou partie par vice de construction, même par vice du sol, les architectes et entrepreneurs
en sont responsables pendant dix ans » ;
- l'article 2270, dans le chapitre consacré aux prescriptions, qui tire la conséquence du
caractère temporaire de la garantie ainsi instituée : « Après dix ans l'architecte et les
entrepreneurs sont déchargés de la garantie des gros ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés »."310
Ces dispositions du code civil ont été modifiées plusieurs fois mais constituent le principe de
la garantie décennale. Cela explique que le juge administratif continue de s'y référer dans le
but de délimiter les contours de cette responsabilité décennale pour les ouvrages publics311.
β) La jurisprudence administrative
La jurisprudence administrative a contribué de manière importante à définir le régime de la
responsabilité décennale et à adapter celle-ci aux spécificités du droit public. La raison de
l'intervention du juge administratif est que la responsabilité décennale s'applique également
aux ouvrages de génie civil dont le maître d'ouvrage est une personne publique.
Cette dernière hypothèse constitue l'une des trois hypothèses possibles de maîtrise d'ouvrage.
La première hypothèse est donc la maîtrise d'ouvrage publique (régie en partie par la loi sur la
maîtrise d'ouvrage publique du 12 Juillet 1985 dite "loi MOP", la seconde est la maîtrise
309
Signalons dès à présent que les dispositions des articles 1792 et 2270 ont été profondément modifiées mais
que les juges notamment administratifs continuent de se référer à ces articles parce qu’ils ont institué le principe
de la responsabilité décennale.
310
F.LINDITCH, Répertoire de droit immobilier, Dalloz, 2010 (dernière mise à jour: Octobre 2014).
311
E.LANGELIER, « Mise en oeuvre de la garantie décennale et faute du maître d'ouvrage », Semaine juridique
Edition Générale, 27 Avril 2015, n° 17, 510.
191
d'ouvrage privée (celle relative aux bâtiments privés). La troisième est la maîtrise d'ouvrage
mixte qui s'applique notamment aux Sociétés d'Economie Mixte (SEM).
Dans le cadre de notre étude, nous porterons un intérêt particulier au régime de la maîtrise
d'ouvrage publique, étant donné que les contrats FIDIC sont utilisés de manière fréquente par
des maîtres d'ouvrage publics312.
A cette fin nous citerons à nouveau Florian Linditch: ". Autonomie de la responsabilité
décennale administrative. - Le droit public, selon la célèbre formule de l'arrêt Blanco, « a ses
règles spéciales qui varient selon les besoins du service et la nécessité de concilier les droits
de l'État avec les droits privés ». Ceci explique que, sans appliquer la lettre de ces textes, le
juge administratif se réfère aux principes dont ils s'inspirent (T. confl. 12 juin 1961, Dame
veuve Lannoy, Lebon 870)."
Ces arrêts, avec d'autres, constituent le fondement de l'action du juge administratif dans la
définition du régime de la garantie décennale. Les juges administratifs continuent de viser
leurs arrêts sur les articles 1792 et 2270 du code civil, alors même que la numérotation de ces
derniers a changé313. Il s'agit d'une des raisons pour lesquelles le régime de la responsabilité
décennale n'est pas d'ordre public. Sans déflorer les développements à venir sur les caractères
et le régime de la responsabilité décennale, il est opportun d'affirmer dès à présent
l'importance de ce caractère quant aux contrats FIDIC. L'absence de caractère d'ordre public
laisse place à la liberté contractuelle des parties et donc à la possibilité potentielle de recourir
aux contrats FIDIC pour aménager le régime de cette responsabilité décennale. Ils expliquent
également en partie les caractères de la responsabilité décennale.
312
C.R.SEPPÄLA, Intervention Orale lors du webinaire " "Introducing FIDIC Contracts: role and principles", 18
Mars 2015.
313
E.LANGELIER, « Mise en œuvre de la garantie décennale et faute du maître d'ouvrage », Semaine juridique
Edition Générale, 27 Avril 2015, n° 17, 510.
192
i) La dualité de la responsabilité décennale
La responsabilité décennale est duale à deux niveaux: la dualité de ses fondements (α) ainsi
que celle de son caractère contractuel (β).
Les principes fondateurs de la responsabilité décennale sont contenus dans le code civil. Des
dispositions relatives à la responsabilité décennale sont également présentes au sein du Code
de la construction et de l'Habitation (CCH).
314
Cour Administrative d'Appel de Lyon, 07 Octobre 2010, arrêt n°07LYO1210, Société Fondasol, commentaire
J. Roussel, www.cea-assurances.fr/sites/cea/files/Commentaire_JR.pdf
193
travers des seuls articles 1792 et 2270315 dans leur rédaction originelle, il est malaisé
d'apporter une réponse.
L'article 1792-1 du Code Civil français ajouté lors d'une des réformes du régime de la
responsabilité des constructeurs dispose qu'est réputé constructeur "1° Tout architecte,
entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître d'ouvrage par un contrat de louage
d'ouvrage ;"
Cet article " consacre la solution dégagée tant par la jurisprudence judiciaire
qu'administrative. Il est depuis longtemps admis que la responsabilité décennale pèse aussi
sur d'autres catégories de constructeurs qui n'étaient, à proprement parler, ni architectes ni
entrepreneurs, mais qui avaient néanmoins passé un contrat avec le maître d'ouvrage en les
faisant participer aux travaux, notamment les ingénieurs-conseils et les bureaux d'études
(nous soulignons).
Trois catégories de personnes se trouvent par conséquent soumises à la responsabilité
décennale : les architectes, les entrepreneurs et divers autres constructeurs."316
Les fondements de la responsabilité civile sont donc duaux, trouvant leur source tant dans le
droit public que dans le droit privé. Si les principes seuls de la responsabilité décennale
servent à inspirer le juge législatif, c'est qu'une certaine latitude est laissée aux parties dans la
mise en place de cette notion. Cette possibilité s'explique par l'une des caractères de la
responsabilité décennale: son régime n'est pas d'ordre public.
315
L'article 2270 a été modifié puisqu'il traite à présent de dispositions relatives à la prescription acquisitive.
Les dispositions de l'ancien article 2270 ont été "reprises" et modifiées. .
316
F.LINDITCH, Répertoire de droit immobilier, Dalloz, 2010 (dernière mise à jour: Octobre 2014), n°46
194
- d'une part, la responsabilité décennale ne peut jouer que vis-à-vis du cocontractant de
l'administration, le maître d'ouvrage ne saurait rechercher la responsabilité d'un tiers, par
exemple celle du sous-traitant sur son fondement ;
- d'autre part, le contrat qui lui donnera naissance doit avoir existé, ce qui suppose qu'il n'a
pas été frappé d'une nullité originaire (CAA Nancy, 25 mai 2000, Sté Baudin-Chateauneuf,
req. no 991807, inédit, BJCP 2000, no 12, p. 376 ; CAA Paris, 22 mai 2007, Richard c/ Sté
Socotec, req. no 05PA01944, Contrats Marchés publ. 2007. comm. 307, note F. Llorens et
P. Soler-couteaux) ;
- enfin, la responsabilité décennale n'étant pas d'ordre public, le contrat pourra parfaitement
aménager son régime juridique (CE 14 mars 1969, Cne de Voutezac, Lebon T. 881). Cette
dernière règle vient du fait que le juge administratif entend appliquer uniquement les
principes dont s'inspire la loi, mais non celle-ci."317
317
F.LINDITCH, Répertoire de droit immobilier, Dalloz, 2010 (dernière mise à jour: Octobre 2014).n°12.
318
F.LINDITCH, Répertoire de droit immobilier, Dalloz, 2010 (dernière mise à jour: Octobre 2014).n°12.
195
définitions"319.
La définition souvent reprise par la doctrine est celle proposée par le Professeur Philippe
Malaurie dans sa thèse de doctorat: "l'ordre public, c'est le bon fonctionnement des
institutions indispensables à la collectivité"320.
La définition étant retenue, la doctrine distingue donc traditionnellement entre deux catégories
d'ordre public: l'ordre public de direction et l'ordre public de protection.
Dans la même logique, en silence de la convention des parties, les dispositions d'ordre public
auront vocation à s'appliquer aux contrats, notamment aux contrats inspirés des contrats
FIDIC. Les dispositions relatives à l'ordre public seront donc à prendre en compte lors de la
rédaction des contrats FIDIC.
319
J.HAUSER et J-J.LEMOULAND, « Ordre public et bonnes moeurs », in Répertoire de Droit Civil , Dalloz,
2015,n°1.
320
J.HAUSER et J-J.LEMOULAND, « Ordre public et bonnes mœurs », in Répertoire de Droit Civil , Dalloz,
2015,n°1.
321
J.HAUSER et J-J.LEMOULAND, « Ordre public et bonnes mœurs », in Répertoire de Droit Civil , Dalloz,
2015,n°1.
196
Cependant, certains auteurs, à l'image du Professeur Marie-Anne Frison-Roche322, estiment
que la distinction traditionnelle établie entre l'ordre public de direction et l'ordre public de
protection n'est pas efficace à l'aune de ce qui concerne le droit de la construction.
Lorsque le maître d'ouvrage est une personne privée, le régime de la responsabilité décennale
s'applique de manière stricte, sous le contrôle des juridictions civiles.
Il est donc intéressant d'étudier de manière concrète comment les FIDIC peuvent traiter de la
question de la responsabilité décennale.
322
M-A.FRISON-ROCHE, « La portée de la réglementation de l'ordre public dans le domaine de la
construction et du bâtiment », Gazette du Palais, 26 Juin 2001, n° 177, p. 2.
323
M-A.FRISON-ROCHE, « La portée de la réglementation de l'ordre public dans le domaine de la construction
et du bâtiment », Gazette du Palais, 26 Juin 2001, n° 177, p. 2.
324
F.LINDITCH, Répertoire de droit immobilier, Dalloz, 2010 (dernière mise à jour: Octobre 2014).
197
γ) La faculté d’aménagement de la responsabilité décennale par les contrats FIDIC
La marge d'aménagement du régime de la responsabilité décennale dépend de la qualité du
maître d'ouvrage: personne privée (1.) ou personne publique (2.). Cet aménagement aura des
conséquences sur l’assurance (3.).
Ainsi l’article 11.1 du Livre Rouge de la FIDIC stipule qu’«afin que les travaux et les
documents de l’entrepreneur, ainsi que chaque section, soient dans l’état exigé par le Contrat
(à l’exception de l’usure normale) à la date d’expiration du Délai de Notification des Vices
pertinent ou dès que possible par la suite, l’entrepreneur doit :
(a) Achever les travaux qui ne sont pas encore terminés à la date fixée dans un Certificat de
Réception et ceci dans un délai raisonnable comme il a été ordonné par l’ingénieur, et
(b) Exécuter tous les travaux nécessaires pour supprimer les vices ou dommages tels que notifiés
par le (ou au nom du) maître d'ouvrage à la date de ou avant l’expiration du Délai de
325
FIDIC, Conditions de Contrat applicables aux Travaux de Construction: pour les travaux de construction et
de génie civil conçus par le maître d'ouvrage (Livre Rouge), 1e ed. éd., FIDIC, 1999, p. 35.
198
Notification des Vices pour les Travaux ou une section (selon le cas).
L’article 11.3 stipule par ailleurs que le maître d'ouvrage aura droit selon la Sous-Clause 2.5
[Réclamations du maître d'ouvrage] à une prolongation du Délai de Notification des Vices
pour les Travaux, une Section, ou la majeure partie des Installations Industrielles (selon le
cas, et après la réception) ne peuvent pas être utilisés pour les besoins auxquels ils étaient
destinés, du fait d’un désordre ou d’un dommage. Toutefois, le Délai de Notification des Vices
ne doit pas être prolongé d’une durée supérieure à deux ans.
Si la livraison et/ ou le montage des Installations Industrielles et/ou des Matériaux a/ont été
suspendu(s) par application de la Sous-Clause 8.8 [Suspension des Travaux] ou de la Sous-
clause 16.1 [Autorisation de l’entrepreneur de Suspendre les Travaux], les Obligations de
l’entrepreneur nées de cette Clause sont inapplicables aux vices et dommages survenant plus
de deux ans après que le Délai de Notification des Vices pour les Installations Industrielles et.
Ou des Matériaux, eût autrement expiré. »
Cependant, dans le texte des contrats FIDIC et notamment celui du Livre Rouge, la mention
d'une éventuelle garantie décennale n'apparait pas.
En effet, le juge administratif doit respecter les principes de la loi sans pour autant devoir
l'appliquer strictement, au nom du principe de l'autonomie des règles du droit administratif, tel
que dégagé par l'arrêt Blanco.
Les rédacteurs des contrats inspirés des contrats FIDIC auront donc une attention particulière
au regard de la jurisprudence administrative relative aux clauses aménageant le régime de la
responsabilité décennale.
199
Son champ d'application pourra éventuellement être réduit, sa durée modifiée, mais il semble
difficilement concevable que cette modification aille dans le sens d'une réduction (cf infra).
no 89PA00697, AJDA 1993. 96, note J.-P. Jouguelet, J.-F. Gipoulon, P. Cadenat ). Dans
l'arrêt Borg Warner, le conseil d'État admet la légalité des seules « clauses qui se bornent à
prévoir un simple aménagement ou une simple limitation de la responsabilité du
cocontractant », mais non pas de celles qui suppriment toute possibilité d'engager la
responsabilité du cocontractant (CE 28 janv. 1998, Sté Borg-Warner, req. no 138650 ,Lebon
287, CJEG 1998. 269, note F. Moderne)."326
Il conviendra aussi d'affiner les termes présents dans le chapitre 18 consacré aux assurances
pour introduire la terminologie adéquate concernant l'assurance dommage-ouvrage destinée à
"couvrir" la garantie décennale due au maître d'ouvrage.
Nous soulignons cependant ici que les constructeurs d'ouvrages de génie civil ("tels que listés
à l'article L L.243-1-1 du code des assurances327) ne sont pas tenus de souscrire cette
assurance, contrairement aux ouvrages de bâtiment "sauf s'ils sont accessoires aux ouvrages
326
F.LINDITCH, Répertoire de droit immobilier, Dalloz, 2010 (dernière mise à jour: Octobre 2014).
327
L'article L243-1-1 du code des assurances dispose: ".-Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance
édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages
d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de
résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces
ouvrages.
Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes
ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les
ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de
télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également
exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement
est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance. "
200
de bâtiment"328. La souscription de cette assurance relève donc de la liberté contractuelle des
parties. Les constructeurs auront cependant tout intérêt à souscrire une assurance couvrant la
responsabilité décennale parce qu'ils restent tenus de celle-ci auprès du maitre d'ouvrage.
Lorsque le maître d'ouvrage est une personne privée, les marges de manœuvre pour modifier
le champ d'application ainsi que le régime de la responsabilité décennale sont réduites. Les
dispositions relatives à la garantie décennale, présentes aux articles 1792 et suivants du Code
Civil devront être mentionnées. Il conviendra également, pour "baliser le contrat" d'affiner
dans la mesure du possible, les arrêts de jurisprudence complémentaires aux articles 1792 et
suivants, notamment dans la définition du régime.
Nous constaterons que tous ces éléments ont leur importance dans la définition du régime de
la responsabilité décennale.
a) Conditions générales
Pour que s'applique le régime de la responsabilité décennale, trois éléments doivent être
déterminés : il faut qu’il y ait un ouvrage (i), « relevant de la construction (ii), ayant fait
328
Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, « La responsabilité civile décennale »,
Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, en ligne :
<http://www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/dgaln_la_responsabilite_civile_decennale.pdf>.
329
Le point de départ des garanties de parfait achèvement et biennale est le même : le délai de forclusion
commence à courir à partir de la réception. Les conditions d’application de leurs régimes sont également
similaires. Leur champ d’application diffère. C’est pour cette raison que lorsque nous étudierons ces deux
dernières garanties, nous nous permettrons de renvoyer en partie au régime de la responsabilité décennale. Nous
préférons ici nous concentrer sur le domaine de la responsabilité décennale puisqu’elle se singularise par sa
nature et par sa durée, en Europe du moins.
330
Nous reprenons ici le plan adopté par Hugues Périnet-Marquet dans son ouvrage ( H.PERINET-MARQUET,
J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd., Lextenso éditions, 2012,
p. 721.) Nous pensons en effet qu’il est pertinent parce que les diverses garanties sont de nature proche et que
plusieurs des conditions nécessaires à l’application de leurs régimes leur sont communes. Nous tenterons
cependant systématiquement de rattacher ces développements aux contrats FIDIC.
201
l’objet d’une réception (iii), d’un dommage (iv) et enfin d’une interruption valable du délai de
garantie (v). »331
i) Un ouvrage
La loi française ne donne pas de définition de l’ouvrage (α). La jurisprudence a donc été
décisive dans la définition de cette notion (β).
Cette dernière définition est large et les ouvrages de génie civil couverts notamment par le
livre Rouge de la FIDIC relatif aux contrats de construction semblent rentrer dans le champ
d’application de cette définition. Il convient cependant de préciser plus avant cette notion en
examinant rapidement quelques apports de la jurisprudence française sur cette notion.
β) La définition jurisprudentielle
Comme l’explique le Professeur Hugues Périnet-Marquet « Au regard du caractère limité de
ces définitions, la jurisprudence a dû faire œuvre d’interprétation dans de nombreux
domaines, notamment en ce qui concerne la réalisation d’ouvrages autres que des bâtiments,
les travaux sur existants et les éléments d’équipement333. »
Comme le résume par ailleurs le Professeur Philippe Malinvaud, « l’ouvrage est d’abord pris
dans le sens de l’ensemble de la construction avec tous ses éléments constitutifs et
d’équipement334. »
Cela explique que la garantie décennale s’applique également « à tous les travaux de génie
civil, dès lors qu’ils comportent «l’incorporation de métaux dans le sol, au moyen de travaux
331
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 721.
332
G.CORNU, Vocabulaire juridique, 10e éd., PUF, 2013.
333
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 723.
334
P.MALINVAUD, et al.,Droit de la promotion immobilière , 9e éd., Dalloz, 2014, p. 107.
202
de construction » (Civ.3e, 12 Juin 2002)335. »
La jurisprudence a déterminé un champ d’application large. Cette dernière fait rentrer les
travaux sur les ouvrages existant rentrent également dans le champ d’application de la
responsabilité décennale. En effet, si « la garantie ne s’applique pas en théorie pour les
dommages affectant l’ouvrage préexistant, qui relèvent de l’article 1789 ; mais la
jurisprudence est favorable aux propriétaires, présumant en fait la responsabilité de
l’entrepreneur. L’entrepreneur défaillant doit payer la reconstruction totale, et ne peut
prétendre être rémunéré de ses travaux antérieurs au sinistre336. » Cette déduction a pour
conséquence l’extension du champ d’application de la garantie décennale aux travaux sur un
ouvrage déjà existant.
Il conviendra donc dans les conditions particulières des contrats s’inspirant du Livre FIDIC
Or mais également aux contrats s’inspirant des autres livres FIDIC de prévoir des dispositions
particulières concernant la responsabilité décennale. Il faudra également être vigilant
concernant aux clauses relatives à l’assurance-construction et à l’assurance responsabilité.
Nous proposerons à la fin de l’étude du régime des clauses à insérer aux contrats FIDIC 337.
335
P.LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats; Régimes d'indemnisation, 10e éd., Dalloz,
2014, p. 1387.
336
P.LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats; Régimes d'indemnisation, 10e éd., Dalloz,
2014, p. 1389.
337
Ces clauses ne sauraient être transposées directement à un contrat FIDIC sans une étude préalable réalisée par
un professionnel du droit habilité à rédiger de telles clauses et à délivrer des conseils juridiques. Ces clauses ont
simplement une valeur suggestive et sont réalisées dans le cadre d’un travail académique.
203
régime très intéressant de la responsabilité des constructeurs était parfois utilisé pour réparer
des désordres d’ouvrage ou d’éléments d’équipements industriels. La loi de 1978 n’avait
pourtant aucunement été conçue dans un tel but.
Le droit positif s’infléchit donc pour éviter de telles dérives sous l’égide de la jurisprudence
puis de la loi338. »
-Les travaux devaient pour emporter la qualification d’ouvrage avoir été réalisée en vertu d’un
contrat de louage d’ouvrage et non pas par exemple en vertu d’un contrat de vente où il n’y
aurait pas eu d’opération de construction.
- L’ouvrage doit également avoir une nature immobilière. Le critère de la fixation au sol est
décisif.
Nous rappelons ici que la FIDIC envisage d’éditer une nouvelle version du Livre Or dédié aux
opérations de conception-construction et exploitation basé sur un scénario « brownfield ».
Les praticiens envisageant de tels travaux seront requis à la vigilance à l’heure de décider ou
non que les opérations envisagées sont soumises à la responsabilité décennale. Une étude de
la jurisprudence sera également requise. Il est en effet potentiellement que dans certains cas
précis et à déterminer avec précision et rigueur, la responsabilité décennale puisse être exclue,
ce qui aura une influence sur le coût de l’assurance. Il ne demeure pas moins sur le principe
que les ouvrages industriels sont soumis à la responsabilité décennale. Une clarification
s’avérait néanmoins nécessaire.
338
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 732.
339
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 733.
204
β) Le lien avec la jurisprudence selon la loi
« S’il est normal que la responsabilité décennale s’applique autant à un ouvrage industriel
ou commercial que d’habitation, il est, en revanche, exclu que les éléments d’équipement
spécifiques qui peuvent être installés dans cet ouvrage, pour l’exercice d’une activité donnée,
entrent dans le champ de la responsabilité décennale. La réalisation de ces équipements ne
constitue pas des travaux de construction et les techniques de l’assurance construction sont
d’évidence, totalement inaptes à résoudre ce type de désordre.
Huit ans plus tard, cette proposition a été reprise par le législateur dans l’ordonnance 2005-
658 du 8 Juin 2005. L’article 1792-7 vient préciser que « ne sont pas considérés comme des
éléments d’équipement d’un ouvrage, au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4, les
éléments d’équipement, y compris leurs accessoires dont la fonction exclusive est de
permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage340. »
Il conviendra donc de regarder avec soin les articles 1792 et suivants du code civil à l’heure
de rédiger des contrats inspirés des conditions FIDIC et déterminer avec le plus de précision
la nature des ouvrages réalisés. L’objectif de cette démarche sera notamment de bien définir
les ouvrages susceptibles d’entrer dans le champ d’application de la garantie décennale.
340
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 734.
205
d’autant plus importante qu’elle est définie de manière différente, à la lumière de la
conception anglaise de la réception (cf infra).
« La réception des travaux constitue aux termes des articles 2270341 et 1792-6, le point de
départ unique des trois garanties offertes par les articles 1792 et suivants. Elle constitue donc
une condition indispensable à leur mise en œuvre.
Elle est définie comme étant « l’acte par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter
l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente
soit à l’amiable, soit, à défaut judiciairement. Elle est en tout état de cause prononcée
contradictoirement. » (Article 1792.6 al.1) »342
Le droit français connaît trois types de réception : les deux premières, la réception expresse et
la réception judiciaire. La jurisprudence a reconnu une troisième forme de réception possible,
au regard de la pratique : la réception tacite.
Cette acceptation fut progressive. « En qualifiant la réception d’acte juridique, l’article 1792-
6 semblait exclure toute possibilité de réception tacite. Cette impression était confirmée par
les travaux préparatoires de la loi puisqu’un amendement organisant une forme de réception
tacite avait été expressément repoussé343.»
Mais au regard de la pratique, les juges, après avoir sollicité l’avis du Comité pour
l’application de la loi Spinetta (COPAL) sur l’application de la loi Spinetta, la Cour de
Cassation et le conseil d’Etat ont fini par reconnaître le principe de la réception tacite. Celle-ci
demeure cependant très encadrée. La réception est importante car elle constitue le point de
départ des différentes garanties. Il convient donc d’étudier la manière d’adapter les contrats
FIDIC aux spécificités françaises de la règlementation.
341
La rédaction de l’article a été modifiée (cf supra).
342
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 736.
343
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 741.
206
1. Les clauses des contrats FIDIC relatives à la réception
Selon P. ROSHER, la « procédure de réception par le maître d'ouvrage est organisée par les
clauses 10 et 11 du Livre Rouge344. Selon cette procédure :
-L’ingénieur doit dans un délai de 28 jours après la réception de la demande délivrer le certificat
de réception à la demande de l’entrepreneur ou rejeter la demande. Si l’ingénieur ne délivre
pas de certificat de réception et ne rejette pas non plus la demande dans le délai de 28 jours,
le certificat sera considéré comme yant été délivré le dernier jour de cette période.
- En cas de rejet, l’ingénieur spécifiera les travaux, l’ingénieur spécifiera les travaux que
l’entrepreneur doit exécuter pour que le certificat de réception soit délivré.
- Après que l’ingénieur ait délivré le certificat, le délai de notification des vices commence à
courir- la durée de cette période sera fixée par les parties en [annexe] de l’offre (en l’absence
de toute stipulation contractuelle, le délai sera fixé à 365 jours).
- Pendant le « Délai de notification des Vices, l’entrepreneur doit exécuter à ses frais tous les
travaux nécessaires à la disparition des vices qui figurent dans le certificat de réception ou
dans toute notification du maître d'ouvrage à la date de/ avant l’expiration du délai de
notification des vices. Ces vices peuvent résulter :
(b) des installations industrielles, des matériaux et de la finition, qui ne sont pas conformes au
contrat, ou
- Lorsque le délai de notification des vices a expiré, l’ingénieur rend le certificat d’exécution
dans un délai de 28 jours. Ce certificat constitue la réception définitive des travaux.
- Après que le Certificat d’exécution ait été délivré, chaque partie reste responsable de
l’exécution de toutes les obligations qui demeurent encore inexécutées345. »
344
P.ROSHER, « Adapting FIDIC Provisions for use in contracts governed by French Law », RDAI/IBLJ, 01
Avril 2015, n° 2, p. 123-141 (voir p. 133).
345
P.ROSHER, « Adapting FIDIC Provisions for use in contracts governed by French Law », RDAI/IBLJ, 01
Avril 2015, n° 2, p. 123-141 (voir p. 134).
207
2. Origine de ces stipulations
Les stipulations des contrats FIDIC trouvent leur origine dans le droit anglais (a) ainsi que
dans le contexte de la réception dans les projets internationaux (b).
a) Le droit anglais
Peter ROSHER explique l’origine de ces stipulations : « En droit anglais, l’exécution du
contrat n’est possible que dans des circonstances relativement limitées. Si un défaut survient
soit avant, soit après l’émission du certificat de réception, un juge de Common Law n’aura
pas le pouvoir d’octroyer l’exécution forcée du contrat. Il n’octroiera que des dommages-
intérêts correspondant au coût des mesures de remise en état, et ce, même si l’entrepreneur
principal est le mieux placé pour remédier aux vices.
C’est pour cette raison que les contrats de Common Law prévoient une période pendant
laquelle le maître d'ouvrage a le droit d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il remédie aux
vices des travaux. Dans les conditions FIDIC, cette période correspondant au « Délai de
Notification des Vices » qui précède l’émission du certificat d’exécution Cette période est
librement déterminée par les parties, et à défaut d’accord contractuel, le contrat FIDIC fixe
un délai d’un an346. »
Peter ROSHER précise enfin qu’«Il convient de souligner le fait que le délai de notification
des vices est distinct de toutes les garanties légales qui entrent en jeu après la réception des
travaux. Ces garanties légales sont imposées par le droit applicable au contrat et le droit du
lieu de réalisation du projet347.» Au-delà du lieu de réalisation du projet, le contexte de la
réception dans le cadre du projet international explique les stipulations FIDIC relatives à la
réception.
L'une des illustrations de ce point d'achoppement est la difficulté pour l'ingénieur à délivrer
pour le compte du maître d'ouvrage le "taking over certificate" marquant la réception
346
P.ROSHER, « Adapting FIDIC Provisions for use in contracts governed by French Law », RDAI/IBLJ, 01
Avril 2015, n° 2, p. 123-141 (voir p. 134).
347
P.ROSHER, « Adapting FIDIC Provisions for use in contracts governed by French Law », RDAI/IBLJ, 01
Avril 2015, n° 2, p. 123-141 (voir p. 134).
348
Entretien avec Maître Mehdi Haroun, Avocat Associé, King & Spalding LLP, 03 juin 2014.
208
définitive par le maître d'ouvrage de l'ouvrage réalisé par l'entrepreneur. Le maître d'ouvrage
émet de manière fréquente des résistances quant à la délivrance de ce certificat, les contrats
FIDIC ne prévoyant pas de stipulations réelles en cas de refus de délivrance de certificats. Ne
sont pas prévues non plus de stipulations relatives à la réception provisoire. Ces circonstances
ont poussé certains cabinets d'avocats d'entrepreneurs à adopter des solutions originales. Ainsi
si l'entrepreneur commençait à exploiter l'installation, la réception était acquise349.
« Le « Délai de Notification des Vices » est une stipulation contractuelle permettant au maître
d'ouvrage d’obtenir une réparation de tous les vices avant la réception finale des travaux.
Le droit français imposant une garantie de parfait achèvement pendant une période d’une
année après la réception des travaux, l’entrepreneur principal pourrait donc être exposé à
une obligation de réparation des vices d’une durée de deux ou trois ans.
Par conséquent, il est suggéré que, lorsque le contrat est soumis au droit français, les clauses
10 et 11 soient adaptées afin de tenir compte de la période de la garantie de parfait
achèvement. Les parties devraient logiquement réduire le délai de notification des vices.
Cette modification garantirait ainsi à l’entrepreneur principal de ne pas être exposé à une
période excessivement longue pendant laquelle il serait obligé de réparer l’ouvrage à ses
propres frais, auquel cas cette obligation serait très onéreuse.
En ce qui concerne les garanties biennales et décennales, il est possible pour les
entrepreneurs en France de souscrire à une assurance qui couvre les éventuels coûts de
réparation350. »
349
Entretien avec Maître Mehdi Haroun, Avocat Associé, King & Spalding LLP, 03 juin 2014.
350
P.ROSHER, « Adapting FIDIC Provisions for use in contracts governed by French Law », RDAI/IBLJ, 01
Avril 2015, n° 2, p. 123-141 (voir p. 134).
209
aux membres du comité de résolution des différends, mais également aux juges d’un potentiel
tribunal arbitral, voire d’un tribunal étatique.
L’option du tribunal étatique n’est en effet pas à écarter dans la mesure où la loi applicable est
dans notre hypothèse la loi française. Paris étant par ailleurs une place importante d’arbitrage,
il n’est pas impossible que si les parties choisissaient recourir à la voie arbitrale, l’arbitrage
CCI prévu par les contrats FIDIC ait comme lieu de situation Paris. La cour d’appel de Paris
pourrait donc être à même de connaître du contrat. Les juges pourraient être amenés à user de
leur pouvoir d’interprétation du contrat en vertu des article 1150 et suivants du Code civil
français.
Il conviendra également de définir avec précision le moment exact de la réception dans les
contrats FIDIC, en choisissant notamment quel moment entre l’émission du certificat de
performance ou la prise de possession des lieux correspond à la réception expresse.
iv. Un dommage
« Le dommage doit être constitué par un désordre à l’ouvrage [(1.)], il ne doit pas être
apparent à la réception [(2.)], son origine est indifférente [(3.)], ils peuvent être futurs,
évolutifs [(4.)] ou annexes [(5.)] et doit être relié à l’activité des constructeurs [(6.)]351. »
Pour tomber sous le coup de la garantie décennale, les vices doivent rendre l’ouvrage (peu
important sa nature) impropre à la destination voulue par ses promoteurs. Il conviendra donc
de définir avec exactitude les vices rencontrés par le maître d'ouvrage une fois la réception
opérée.
351
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012.
352
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012.
210
Nous remarquons à cet égard que l’article 1.1 des contrats FIDIC relatifs aux définitions ne
contient pas de définition des vices. Les articles 10 et 11 relatifs à l’achèvement de l’ouvrage
et à la notification des vices ne contiennent pas non plus de définition des vices.
Cependant, le dommage pour être retenu comme critère d’application du régime de la garantie
décennale doit avoir une caractéristique particulière : il ne doit pas être apparent à la
réception.
La responsabilité décennale révèle in fine toute son utilité, à la lumière de certaines critiques
relatives à la pratique des contrats FIDIC dans certaines hypothèses particulières. Il a en effet
été rapporté par certains auteurs tels Bruno Cazalet que les contrats inspirés des livres rouge
jaune et argent de la FIDIC présentaient certaines difficultés ponctuelles. Ces difficultés se
caractérisaient par le fait que certains entrepreneurs ne se préoccupaient pas de manière
353
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 754
211
prioritaire de l’avènement de l’installation une fois la réception effectuée.
Cet état d’esprit avait pour conséquence que les entrepreneurs et leurs fournisseurs tentaient
de fournir du matériel et/ou des ouvrages inadaptés en termes de prix et d’opérabilité pour les
maîtres d’ouvrage au vu de la main d’œuvre disponible. La conséquence immédiate de ces
actions était un délabrement très rapide des ouvrages réalisés ou livrés clés en main dans le
cadre des contrats inspirés du livre argent par exemple.
Les opérateurs du marché ont donc ressenti le besoin d’une forme de contrat permettant la
prise en compte de la période succédant à la réception par les entrepreneurs. Cela a donné
naissance au livre or qui prévoit au-delà des opérations de conception-construction déjà prises
en compte dans le livre jaune de prévoir des stipulations relatives à la maintenance. La
période de la maintenance retenue est intéressante au regard de notre étude : elle est de 20 ans.
Cette période correspond donc au double de la période prévue pour la responsabilité
décennale. Au-delà des stipulations précises et des objectifs alloués à la maintenance, c’est la
durée de la période maintenance qui est importante. Elle montre l’importance de se
préoccuper au long terme de l’ouvrage réalisé et la période de dix ans apparaît comme un
compromis intéressant réalisé par le législateur. Ces intérêts sont la protection du maître
d’ouvrage sur une durée raisonnable pour découvrir des vices non apparents affectant la
solidité de l’immeuble d’une part. D’autre part, l’intérêt du constructeur est également protégé
puisque passé le délai de dix ans, le maître d’ouvrage n’a plus de recours hormis un potentiel
recours de droit commun contre l’entrepreneur. Il pourrait même être affirmé que la garantie
décennale constitue un compromis intéressant effectué par le législateur354.
Tant que le dommage n’est pas apparent à la réception, l’origine de celui-ci est indifférente.
354
Entretien avec Mme le Professeur Solange Becqué-Ickowicz, 28 Mai 2015.
212
a. Principe
Le dommage entre dans le champ d'application de la garantie décennale dès que les critères
d'application du régime de cette dernière sont réunis, peu important la cause des dommages:
ainsi, y compris en cas de vice du sol, la responsabilité du constructeur sera engagée 355.
"Les constructeurs peuvent cependant se dégager lorsque le vice du sol est constitutif d’une
force majeure (rarement admise ; cf. toutefois Cass 3eciv., 5 déc. 1990, Mon.TP, 3 Mai 1991,
p.53, où des sondages normaux ne permettaient pas d’imaginer l’hétérogénéité du terrain
entre des points rapprochés) ou lorsque le choix du terrain a été fait ou maintenu par le
maître d’ouvrage356. "
Ainsi, tant les dommages relatifs à l’ouvrage stricto sensu que les dommages ayant pour
origine le sol sont acceptés dans le cadre du régime d’application de la responsabilité
décennale. L’indifférence de l’origine du dommage a donc vocation à s’appliquer concernant
les projets organisés par les contrats FIDIC, notamment concernant les vices du sol.
La différence sur ce point précis entre les projets nationaux et les projets internationaux réside
cependant sur le fait que le contentieux sur la géologie des sols naît dans les projets
internationaux pendant la phase d’exécution de l’ouvrage. Une découverte tardive d’une
structure géologique différente de celle prévue par les parties amènera une modification du
calendrier initial prévu par les parties.
Elle amènera également une augmentation des coûts si par exemple, les fondations devant être
creusées sont plus profondes ou si les matériaux utilisés doivent être changés. Nous notons
donc que la garantie décennale peut constituer un recours supplémentaire pour le maître
d’ouvrage contre l’entrepreneur en cas de contentieux sur le sondage des sols. Cependant, ce
recours semble être limité, notamment si le maître d’ouvrage a décidé du choix du terrain. Là
encore, il conviendra de la part de l’entrepreneur d’être vigilant sur les modalités d’attribution
du terrain.
355
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 758.
356
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 758 et s..
213
décennale apparait comme relativement étendue. Elle l’est également du fait que cette notion
prend en compte tant les dommages futurs qu’évolutifs.
comme d’ores et déjà certains (Cass., Civ. 3ème 19 Novembre 2008 pour un sous-dosage
généralisé en ciment du béton, mettant en cause la pérennité de la structure.)
Le conseil d’Etat, quant à lui, continue à favoriser une conception beaucoup plus large du
désordre futur, comparable à celle retenue par la cour de cassation avant 2003 », c’est-à-dire
qu’il accepte potentiellement des désordres en dehors du délai décennal.
Tant les dommages futurs que les désordres évolutifs sont pris en compte.
214
réparables comme eux.
En cas d’aggravation d’un désordre constaté par un arrêt définitif, le maître d’ouvrage
pouvait invoquer l’interruption de la prescription découlant de l’autorité de la chose jugée
pour ces désordres évolutifs.
Elle refuse ainsi le critère évolutif à des désordres dénoncés postérieurement au délai de la
garantie et qui affectaient d’autres villas que celles ayant l’objet de l’interruption du délai.
Elle tend même à réduire à la portion congrue les désordres évolutifs à l’intérieur d’un même
ouvrage.
Le conseil d’Etat n’a pas suivi la même évolution et reste ouvert à la réparation de désordres
évolutifs359.»
Dans le cadre de l’adaptation des contrats FIDIC, il conviendra pour ce dernier type de
désordres d’être extrêmement vigilant à la qualité du maître d'ouvrage, personne publique ou
privée. Dans le cas où le maître d’ouvrage est une personne publique et la loi applicable est la
loi française, ces désordres pourraient donc tomber sous le coup de la responsabilité
décennale, si le contrat venait in fine à être connu d’une juridiction administrative.
En revanche, si le maître d’ouvrage est une personne privée, les désordres évolutifs ne
seraient théoriquement pas dans le champ d’application du régime de la responsabilité
décennale.
Les dommages futurs et les désordres évolutifs peuvent donc être potentiellement pris en
compte, tout comme les troubles annexes.
359
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 761-762.
215
alentours. Il conviendra pour les parties, et notamment pour l’entrepreneur, de les respecter
strictement. En effet, le champ d’application de ces troubles annexes semble très large.
Encore faut-il qu’il ait commis une faute. Ni le fait pour le maître d'ouvrage de n’avoir pas
souscrit une assurance dommages-ouvrage, ni le fait de ne pas avoir appel à un maître
d’œuvre ne constituent des fautes.
Il en va souvent de la sorte lorsqu’il s’est immiscé dans l’activité de construction alors qu’il
était notoirement compétent dans le domaine en cause. Les juges doivent relever la
compétence et son caractère notoire.
A l’inverse, si le maître d'ouvrage était notoirement incompétent, son immixtion serait sans
conséquence car, dans ce cas, le professionnel est tenu de résister à ses suggestions ou à ses
injonctions361. »
Dans le cadre des contrats FIDIC, l’ingénieur joue le rôle du maître d’œuvre pour le compte
du maître d’ouvrage même si celui-ci a une certaine présence dans le chantier. Son immixtion
est donc contrôlée et voulue par les parties.
360
H.PERINET-MARQUET, J-B.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 763.
361
P.LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats; Régimes d'indemnisation, 10e éd., Dalloz,
2014, p. 1379.
216
5) Une interruption valable du délai de garantie
Les délais prévus pour la responsabilité décennale sont d'ordre public. Ils peuvent être
modifiés s'ils ne conduisent pas de facto à limiter la responsabilité de l'entrepreneur362.
Trois cas peuvent interrompre le délai de garantie: la citation en justice, des conclusions
reconventionnelles, une reconnaissance de responsabilité.
Il conviendra de prévoir dans les conditions particulières des cas d'interruption de la garantie,
puisque le recours aux juridictions étatiques n'est pas prévue dans les contrats FIDIC. Il
s'agira notamment de préciser les cas où la garantie s'interrompt, en gardant en mémoire que
le juge a un pouvoir d'interprétation du contrat en vertu des articles 1150 et suivants du code
civil.
De nombreux exemples illustrent ces conditions. Nous prendrons des exemples illustrant une
impropriété de destination. Comme l'explique le Professeur H.Périnet-Marquet363, il peut
s'agir du non-respect des règlements de sécurité, du défaut de conformité aux règlements
362
H.PERINET-MARQUET, J.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 763.
363
H.PERINET-MARQUET, J.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 778.
217
parasismiques, de la mauvaise implantation de la construction, ou des défauts du sol364.
Ces conditions ne sont pas directement mentionnées dans les contrats FIDIC, notamment le
Livre Rouge relatif aux contrats de construction. L'article 11 du livre rouge relatif vise à ce
que le maître d'ouvrage puisse jouir du bien réalisé par l'entrepreneur conformément à la
destination de ce bien. Il faut que le bien soit dans l'état exigé par le contrat. La seule
exception relevée est l'usure normale. Cette dernière expression devra être précisée en
fonction des règles de l'art telles qu'évaluées par les acteurs en présence. A défaut, ce sera au
comité de résolution des différends de se prononcer.
Il conviendra cependant aussi de détailler au mieux les spécifications de l'ouvrage devant être
livré pour préciser les conditions d'application du régime de la responsabilité décennale dans
le cadre du contrat FIDIC.
364
H.PERINET-MARQUET, J.AUBY et R.NOGUELLOU, Droit de l'urbanisme et de la construction, 9e éd.,
Lextenso éditions, 2012, p. 778.
365
D’autres critères ont également été établis pour distinguer les éléments d’équipement mais ces derniers ne
sont pas l’objet de notre présente étude.
218
L’article 1792-3 du Code civil a donc instauré une seconde garantie, appelée garantie biennale
ou de bon fonctionnement reprenant ces éléments : « Les autres éléments d’équipement font
l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée de deux ans à compter de la
réception de l’ouvrage366. »
S.Bertolaso explique par ailleurs qu’ « A l’instar des articles 1792 et 1792-2 du Code Civil,
l’article 1792-3 du Code Civil ne propose aucune définition de l’élément d’équipement367. »
La jurisprudence a ainsi déterminé que constituaient des éléments d’équipement ceux qui
présentaient le caractère de dissociabilité, c’est-à-dire détachables et démontables sans porter
atteinte à l’ouvrage principal. Ont été qualifiés de désordres atteignant des éléments
d’équipement entrant dans le champ d’application de la garantie biennale, ceux atteignant :
Nous remarquons que ces éléments d’équipement, cités parmi de nombreux autres, ont tout à
fait vocation à être présents sur des contrats FIDIC portant construction et/ou conception ainsi
366
S.BERTOLASO, Jurisclasseur Civil Code Fascicule 22 Construction: Objet des garanties légales du
constructeur, Lexis Nexis, 2013.
367
S.BERTOLASO, Jurisclasseur Civil Code Fascicule 22 Construction: Objet des garanties légales du
constructeur, Lexis Nexis, 2013.
368
S.BERTOLASO, Jurisclasseur Civil Code Fascicule 22 Construction: Objet des garanties légales du
constructeur, Lexis Nexis, 2013.
369
S.BERTOLASO, Jurisclasseur Civil Code Fascicule 22 Construction: Objet des garanties légales du
constructeur, Lexis Nexis, 2013.
219
que l’opérabilité d’installations ou d’ouvrages de génie civil. Il convient à présent de
s’intéresser au régime de la garantie biennale.
370
Conditions de Contrat applicables aux Travaux de Construction pour les travaux de construction et de génie
civil conçus par le maître d'ouvrage (Livre Rouge de la FIDIC, FIDIC éditions 1999), p.35.
220
Il conviendra donc dans les conditions particulières d'insérer une stipulation particulière selon
laquelle les parties s'engagent à respecter les stipulations de l'article 1792 et suivants du code
civil.
Nous rappelons ici que les dispositions relatives à la garantie biennale, ainsi que celles
relatives à la garantie décennale et à la garantie contractuelle de parfait achèvement sont
considérées comme étant d'ordre public de direction.
La distinction traditionnelle entre ordre public de protection et ordre public de direction
demeure utile et suivie en partie dans la jurisprudence. Les dispositions considérées comme
appartenant à l'ordre public de direction sont celles auxquelles il est impossible de déroger par
des conventions particulières aux termes de l'article 6 du Code Civil. Cette particularité n'est
cependant pas la seule: il convient également que cette disposition soit considérée comme
relative à la protection de l'intérêt général et non à la protection de l'intérêt particulier. Dans
ce dernier cas, la sanction prévue en cas de présence d'une stipulation contrevenant à l'ordre
public de protection est la nullité relative. Cela veut dire que les parties ont la faculté de faire
constater la nullité de la stipulation litigieuse devant le juge.
Dans le cas où il s'agit d'une stipulation contraire à l'ordre public de direction, la clause est
réputée non écrite, sans besoin d'aucune diligence de la part des parties.
Le système de garanties a été mis en place pour protéger les maîtres d'ouvrage, notamment
pour la construction d'immeubles à usage d'habitation. Il est donc logique que les dispositions
relatives à ces garanties relèvent de l'ordre public de direction. La question peut toutefois se
poser concernant des projets internationaux où les parties sont de taille et ont des moyens
importants comme cela est le cas des projets internationaux de construction.
Nous avons étudié les garanties biennale et décennale dans le cadre des contrats FIDIC. Il
nous reste à étudier une garantie particulière par sa nature et sa durée: la garantie de parfait
achèvement.
221
1) La notion de garantie de parfait achèvement
Il s'agit d'une garantie de nature contractuelle présentant une spécificité: son exécution "en
nature". " À l'inverse de la garantie décennale et de la garantie de bon fonctionnement qui
permettent au propriétaire de l'ouvrage d'accéder à une réparation pécuniaire des désordres,
la garantie de parfait achèvement est une garantie d'exécution en nature, décrite comme une
"garantie d'exécution parfaite et d'achèvement complet de l'ouvrage" (N. Coudoing, La
garantie de parfait achèvement : une garantie insolite : RD imm. 2011, p. 318. – Sur cette
question, V. JCl. Responsabilité civile et Assurances, Fasc. 353-11 préc.). Le législateur tient
compte de ce particularisme au moment de déterminer le processus de mise en œuvre de cette
garantie . La norme Afnor P 03-001 complète le dispositif prévu par l'article 1792-6 du Code
civil, en l'adaptant aux marchés privés371."
Ainsi la garantie de parfait achèvement comme son nom l'indique est une garantie qui n'est
pas pécuniaire comme peut l'être la garantie biennale ou la garantie décennale. C'est la
garantie de l'immédiateté, celle permettant d'assurer au maître d'ouvrage que l'ouvrage est
parfaitement achevé conformément aux stipulations des parties.
C'est une garantie proche de celle prévue dans les contrats FIDIC (notamment le Livre Rouge)
dans le délai de notification des vices (Articles 11 et suivants372).
Cette proximité sera illustrée par l'étude du régime de la garantie de parfait achèvement.
371
S.BERTOLASO, Jurisclasseur Civil Code Fascicule 22 Construction: Objet des garanties légales du
constructeur, Lexis Nexis, 2013.
372
Conditions de Contrat applicables aux Travaux de Construction pour les travaux de construction et de génie
civil conçus par le maître d'ouvrage (Livre Rouge de la FIDIC, FIDIC éditions 1999), p.35.
222
Il faut que ceux-ci soient notifiés dans l'année de la réception en principe. Par exception,
certains défauts d'achèvement peuvent être dénoncés dans l'année de leur découverte (cela est
notamment le cas pour les défauts d'isolation phonique).
Nous observons, à la suite de S. Bertolaso, que l'article 1792-6 est lacunaire concernant
certaines modalités de la mise en œuvre du régime de la garantie de parfait achèvement.
En effet l'article 1792-6 alinéa 3 du code civil prévoit que les parties conviennent d'un
commun accord du délai nécessaire pour effectuer les réparations.
L'article ne prévoit pas la conduite à tenir en cas de détérioration des relations contractuelles
entre les parties qui pourraient survenir à la suite d'une réception effectuée par le maître
d'ouvrage qui pourrait potentiellement intervenir selon plusieurs auteurs dont S.Bertolaso.
C'est la raison pour laquelle la norme AFNOR NFP 03-001 relative aux contrats-types de
construction pour les marchés privés prévoit des stipulations spécifiques à cette garantie de
parfait achèvement.
" En cas de réserves à la réception ou de désordres notifiés dans le délai d'un an, les relations
du maître d'ouvrage et de l'entrepreneur risquent de se détériorer. La norme Afnor P 03-001
anticipe la survenance d'un éventuel désaccord, en énonçant, en cas de réserves, que
“l'entrepreneur dispose d'un délai fixé, sauf commun accord, à soixante jours au maximum à
compter de la réception du procès-verbal pour exécuter les corrections et les compléments
demandés”(norme Afnor P 03-001, art. 17-2-5-2). L'entrepreneur doit également répondre
dans un délai de soixante jours, aux réclamations écrites formées dans l'année suivant la
réception des travaux (norme Afnor P 03-001, art. 18-5). Lorsque le délai de soixante jours
est expiré, le maître d'ouvrage peut enclencher le dispositif prévu par l'article 1792-6, alinéa
4 du Code civil (sur ce dispositif, V. supra n° 34).
L'entrepreneur est tenu de demander la levée des réserves par lettre recommandée avec avis
de réception immédiatement après l'achèvement des travaux de reprise ou la réalisation des
finitions (norme Afnor P 03-001, art. 17-2-5-4)373."
Nous rappelons ici que la norme Afnor tire sa force obligatoire de son caractère
conventionnel. Autrement dit, ce sont les parties qui décident de s'y référer et incluent leurs
relations contractuelles sous le prisme de ce contrat-type. Cela implique l'existence d'un
espace pour d'autres contrats-types, à l'image des contrats FIDIC.
373
S.BERTOLASO, "Jurisclasseur Civil Code Fascicule 22 Construction: Objet des garanties légales du
constructeur", Lexis Nexis, 2013.
223
b) Les stipulations des contrats FIDIC relatives au parfait achèvement
Comme nous l'avons précédemment indiqué, les contrats FIDIC prévoient un article 11
composé de plusieurs sous-articles relatifs à la notification des vices.
Les termes employés ont beau être quelque peu différents par rapport à ceux employés par le
législateur français, la philosophie est similaire. En effet, le maître d'ouvrage doit pouvoir
jouir d'un ouvrage conforme en tous points aux stipulations convenues mutuellement avec
l'entrepreneur.
L'article 11.1 du Livre Rouge de la FIDIC stipule qu' "Afin que les Travaux et les Documents
de l'entrepreneur, ainsi que chaque Section, soient dans l'état exigé par le Contrat (à
l'exception de l'usure normale) à la date d'expiration du Délai de Notification des Vices
pertinent ou dès que possible par la suite, l'entrepreneur doit:
(a) achever les travaux qui ne sont pas encore terminés à la date fixée dans un délai de
Certificat de Réception, et ceci dans un délai raisonnable comme il a été ordonné par
l'ingénieur, et
(b) Exécuter tous les travaux nécessaires pour supprimer les vices ou dommages tels que
notifiés par le (ou au nom du) maître d'ouvrage à la date de ou avant l'expiration du Délai de
Notification des Vices pour les Travaux ou une Section (selon le cas).
Si des vices apparaissent ou des dommages surviennent, l'entrepreneur doit en être avisé, par
le (ou au nom du) maître d'ouvrage374."
Les contrats FIDIC prévoient donc également un délai de notification des vices et une
procédure idoine pour permettre au maître d'ouvrage de jouir de son ouvrage conformément
aux stipulations contractuelles convenues mutuellement avec l'entrepreneur. Des systèmes
d'extension de temps et/ou d'augmentation des coûts sont également prévus.
Les stipulations du Livre Rouge sont détaillées concernant les modalités pratiques en oeuvre
de la réparation des vices détectés par les parties.
Le contrat de construction est en effet le lieu privilégié pour convenir mutuellement des
démarches à accomplir pour les réparations, comparativement à des dispositions législatives
qui sont détaillées mais qui ont pour objectif de fixer le principe général de la garantie.
Nous remarquons cependant que la stipulation du contrat FIDIC soit aussi détaillée permet
d'effectuer trois observations
374
Conditions de Contrat applicables aux Travaux de Construction pour les travaux de construction et de génie
civil conçus par le maître d'ouvrage (Livre Rouge de la FIDIC, FIDIC éditions 1999), p.35.
224
La première observation est la sophistication et la grande qualité des contrats FIDIC. Les
contrats FIDIC confirment qu'ils sont bien le fruit de standards internationaux.
La seconde observation est la confirmation de la sophistication de loi française en ce qu'elle
prévoit également un dispositif permettant au maître d'ouvrage de jouir correctement de son
bien, en mettant en place la garantie de parfait achèvement.
La troisième observation est que les parties peuvent également se référer aux contrats FIDIC
pour organiser partiellement les relations des parties et leurs obligations durant la période de
notification des vices, une fois rappelé le principe de l'article 1792-6 du Code Civil. Cette
mention aux contrats FIDIC peut se faire en lieu et place des conditions CCAG aux travaux
ou de la norme AFNOR NF P 003-001.
375
Cette clause s'inscrit dans le cadre d'un travail académique et ne peut être reprise sans validation préalable par
un professionnel assermenté ou habilité à juger de la validité de telles clauses. L'auteur décline toute
responsabilité en cas de reprise de cette clause.
225
III) L’adaptation au régime de la sous-traitance
La sous-traitance est un élément essentiel dans la réalisation des projets de construction.
Examinons d'abord la sous-traitance dans le droit français (A) avant d'examiner ensuite les
stipulations des contrats FIDIC y étant relatives (B).
1) La notion de sous-traitance
La loi phare régissant la sous-traitance en France est la loi du 31 décembre 1975. Elle donne
une définition (a) de la sous-traitance. L'étude du contexte d'apparition de la loi (b) constitue
un préalable nécessaire à l'étude de son régime.
226
b) Contexte d'apparition de la loi du 31 décembre 1975
Le contexte d'apparition de la loi s'explique tant par le poids du secteur du BTP dans
l'économie française (α) que par la réponse de la sous-traitance aux besoins des entrepreneurs
(β).
376
P.ROSHER, « Forty Years on: French Law on subcontracting », ICLR, 2015, n° 1, p. 44.
377
P.ROSHER, « Forty Years on: French Law on subcontracting », ICLR, 2015, n° 1, p. 44.
378
P.ROSHER, « Forty Years on: French Law on subcontracting », ICLR, 2015, n° 1, p. 44.
227
β) La réponse de la sous-traitance au besoin des entrepreneurs
Le recours à la sous-traitance s'explique également parce que celle-ci répond à des besoins
essentiels comme l'explique le Professeur A.Bénabent379. "Qu'elle soit envisagée dans son
sens large ou dans son contenu juridique, la sous-traitance répond en fait à deux besoin
essentiels.
Le premier correspond à une tendance de spécialisation: l'opérateur principal, tant pour des
raisons de compétence que de stratégie économique, ne peut ou ne veut investir dans des
secteurs précis et trouve intérêt à se tourner vers une entreprise plus spécialisée pour cette
part de son travail. On parle alors de "sous-traitance de spécialité". Elle est le plus souvent
partielle, n'affectant que la part relevant du spécialiste. S'il s'agit d'une spécialité technique,
le sous-traitant peut fort bien ne pas être en état de dépendance économique. Celle-ci existera
en revanche si la spécialisation est due à une rationalisation des investissements.
Le second besoin auquel peut répondre la sous-traitance, plus occasionnel, a trait à la
capacité de travail ou de production; l'opérateur principal, débordé par un marché trop
important pour ses propres structures, en sous-traite tout ou partie à une entreprise du même
secteur: on parle alors de sous-traitance de capacité380."
Dans les projets de construction internationaux tels que régis par les contrats FIDIC, la sous-
traitance constitue évidemment un élément essentiel dans l'exécution des travaux consentis
par les parties.
Les deux types de besoin se présentent en effet dans les projets de large échelle: un besoin de
spécialisation pour les installations à haut degré de sophistication (usines, éoliennes par
exemple) ou à un besoin relatif à la capacité de travail. Dans ce cas-là, il s'agira souvent de
sous-traitance relative à la main-d'œuvre. L'entrepreneur ou le groupe d'entrepreneurs ne
disposeront sans doute pas de la main-d'œuvre nécessaire en termes d'effectifs et auront donc
recours à des sous-traitants. Ces sous-traitants fourniront la main-d'œuvre nécessaire à la
réalisation du projet. Comme l'explique le Professeur A.Bénabent, cette logique répond à la
tendance d'externalisation des entreprises. La sous-traitance de main-d'œuvre a également
pour but d'externaliser les risques en matière de législation sur le droit du travail, la santé et la
sécurité. Cette externalisation des risques s'accompagne d'une stratégie économique de réduire
les coûts réels et potentiels du projet de manière générale et de la main-d'œuvre particulière.
Tous ces éléments ont amené le législateur à prévoir un régime protégeant les entreprises de
sous-traitance.
379
P.MALINVAUD Et AL., Dalloz Action: Droit de la construction , 6e éd., Dalloz, 2014-2015, p. 1627.
380
P.MALINVAUD Et AL., Dalloz Action: Droit de la construction , 6e éd., Dalloz, 2014-2015, p. 1627.
228
2) Le régime de la sous-traitance en droit français
Le régime de la sous-traitance se distingue par son caractère protecteur du sous-traitant. Nous
examinerons ici les principales dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-
traitance (a) avant d'étudier l'application de celle-ci dans un contexte international (b).
Le législateur n'a octroyé le droit d'action du sous-traitant à l'encontre du maître d'ouvrage que
dans le cas de marchés privés de travaux. L'article 12 de la loi du 31 Décembre 1975 relative
381
P.ROSHER, « Forty Years on: French Law on subcontracting », ICLR, 2015, n° 1, p. 44.
382
P.ROSHER, « Forty Years on: French Law on subcontracting », ICLR, 2015, n° 1, p. 44.
229
à la sous-traitance dispose: "Le sous-traitant a une action directe contre le maître d'ouvrage si
l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes
qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est
adressée au maître d'ouvrage.
Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des
biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.Les dispositions du
deuxième alinéa de l'article 1799-1 du code civil sont applicables au sous-traitant qui remplit
les conditions édictées au présent article."
Ω) La responsabilité du sous-traitant
Les juges de la 3ème chambre civile de la cour de cassation ont apporté des précisions
décisives quant à la responsabilité des sous-traitants apportant au pendant des dispositions
législatives favorables des obligations de conseil proportionnelles à leurs "avantages".
Le sous-traitant a donc une obligation de résultat383 quant à la réalisation des travaux sans
présence de vices cachés. Les seules exonérations possibles sont celles usuellement prévues
pour l'obligation de résultat, à savoir un évènement extérieur présentant les caractères de la
force majeure.
Le sous-traitant spécialiste a une obligation de conseil envers l'entrepreneur et ne peut arguer
de suivre les instructions de l'entrepreneur pour s'exonérer de son obligation. Cependant, cette
obligation de conseil n'existe pas s'il n'est pas apporté la démonstration que le sous-traitant
avait plus de compétence ou de connaissances que l'entrepreneur.
Dans le cas des projets de construction internationaux encadrés par les contrats inspirés des
conditions FIDIC, il sera fait recours aux deux types de sous-traitance, la sous-traitance de
spécialisation et la sous-traitance de production.
383
P.ROSHER, « Forty Years on: French Law on subcontracting », ICLR, 2015, n° 1, p. 44 (voir p. 49).
230
Dans le cas de la sous-traitance de spécialisation, l'obligation d'information et de conseil du
sous-traitant sera renforcée. Le sous-traitant devra se ménager les moyens de preuve adéquats
de la délivrance des conseils nécessaires.
Dans le cas de la sous-traitance de production, l'obligation de conseil sera moindre, puisque
l'entrepreneur n'aura recruté ce sous-traitant que pour atteindre une capacité opérationnelle
adéquate en termes de ressources humaines en vue de réaliser le projet. Nous faisons
notamment référence aux sociétés d'intérim. Il conviendra d'être vigilant concernant la
législation relative au droit du travail ou de la sécurité sociale. Le sous-traitant s'il est recruté
localement sera présumé avoir une connaissance plus grande de la législation locale.
Le sous-traitant, de par ces divers aspects est un élément essentiel des projets de construction.
C'est la raison pour laquelle le maitre d'ouvrage doit approuver le sous-traitant.
Les projets sous contrats FIDIC devront donc respecter ces diverses dispositions. En effet, à
l'occasion d'un arrêt de la Chambre Mixte de la cour de cassation en date du 30 novembre
2007, les juges de la cour de cassation ont estimé que les dispositions de la loi 31 décembre
1975 relatives à la protection des sous-traitants étaient des lois de police. Cela veut dire que
même en présence d'un contrat international, il ne peut être dérogé à ces dispositions par voie
de convention. S'il n'est pas possible de modifier ces dispositions par convention, il convient
384
P.ROSHER, « Forty Years on: French Law on subcontracting », ICLR, 2015, n° 1, p. 44.
385
l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
231
alors de changer les conventions (les contrats FIDIC) pour l'adapter à ces dispositions
relatives à la sous-traitance.
232
(c) le contrat de sous-traitance ne spécifie pas que pour le travail sous-traité ( y compris la
conception, s'il y en a), le sous-traitant désigné doit:
(i) s'engager envers l'entrepreneur à assumer des obligations et des responsabilités qui
permettront à l'entrepreneur de se décharger de ses obligations et responsabilités selon le
Contrat, et
(ii) indemniser l'entrepreneur de toutes les obligations et responsabilités survenant du ou en
rapport avec le contrat et des conséquences de toute défaillance du sous traitant dans
l'exécution de ces obligations ou la satisfaction de ces responsabilités."387
Il conviendra donc de prévoir dans les contrats FIDIC une procédure d'approbation du sous-
traitant par le maître d'ouvrage. Les parties devront veiller à s'accorder sur le ou les sous-
traitants avec qui ils souhaitent travailler.
Les contrats FIDIC transcrivent cependant une réalité économique. Dans la procédure
d'appels d'offres, les maîtres d'ouvrage désignent parfois, pour des raisons de nature diverses,
certains sous-traitants avec lesquels les entrepreneurs sont tenus de travailler. Satisfaire à ces
conditions est essentiel pour les entrepreneurs dans le but de remporter l'appel d'offres. Il se
peut cependant que les sous-traitants soient défaillants. Cette stipulation précitée des contrats
FIDIC vise à protéger l'entrepreneur d'un sous-traitant défaillant, incompétent ou dont les
termes d'engagement au sein du chantier mettraient à mal le modèle économique du projet.
C'est la raison pour laquelle les stipulations FIDIC relatives à la sous-traitance concernent
également le paiement.
387
Conditions de Contrat applicables aux Travaux de Construction pour les travaux de construction et de génie
civil conçus par le maître d'ouvrage (Livre Rouge de la FIDIC, FIDIC éditions 1999), p.22.
233
directement au sous-traitant désigné, une partie ou l'intégralité des sommes antérieurement
certifiées (moins les déductions applicables) dues au sous-traitant désigné et pour lesquelles
l'entrepreneur n'a pas fourni la preuve décrite dans les sous-paragraphes (a) ou (b) ci-dessus.
L'entrepreneur doit alors reverser au maître d'ouvrage, la somme que ce dernier a
directement payée au sous-traitant désigné388."
Les stipulations 5.3 et 5.4 viennent directement contredire l'article 7 de la loi du 31 décembre
1975 selon laquelle "toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite." Cette
renonciation se fait par le contrat FIDIC en acceptation du paiement par l'entrepreneur. Il
conviendra donc ici aussi de modifier l'article 5 des contrats FIDIC pour le rendre conforme
aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975.
Synthèse
Plusieurs éléments ressortent de l'étude de l'adaptation des contrats FIDIC. Nous retenons que
les contrats FIDIC ne sont pas l'élément exclusif constituant un droit transnational de la
construction même s'ils participent à sa transnationalisation. Il est nécessaire d'y adjoindre
notamment les règles impératives des droits nationaux, à l'image des règles concernant les
garanties spécifiques des constructeurs ainsi que le régime relatif à sous-traitance. Les
adaptations des contrats FIDIC et de l'application de ces régimes demeurent cependant
possibles et les règles du droit national français intègrent de facto un ordre juridique
autonome, à savoir un potentiel droit transnational de la construction. Il y a une
388
Conditions de Contrat applicables aux Travaux de Construction pour les travaux de construction et de génie
civil conçus par le maître d'ouvrage (Livre Rouge de la FIDIC, FIDIC éditions 1999), p.23.
389
L.KLEE, International Construction Contract Law, 1e éd., Wiley-Blackwell, 2015.
234
communication mutuelle de concepts juridiques entre ce droit transnational et les législations
nationales applicables.
Cette communication s'observe également au regard de l'étude des risques et de la gestion des
délais dans les contrats FIDIC conditionnant leur application efficace.
235
Section 1 L'application efficace par la gestion des risques
Dans les projets de construction internationaux tels que couverts par les contrats FIDIC, la
gestion du risque par les différents acteurs est cruciale quant au succès de ces projets, ce qui
explique l'impératif d'efficacité des contrats FIDIC quant à cette question. L'efficacité passe
par l'information suffisante des données à traiter. La gestion du risque est une discipline
autonome. C'est par rapport à cette gestion du risque par "la science", acronyme regroupant
les divers types de risques encourus (financiers, géologiques, politiques…), que les parties
traitent le risque. L'un des outils à la disposition des parties est le droit.
C'est la raison pour laquelle nous étudierons dans un premier temps le traitement du risque par
"la science" (I) avant d'étudier, notamment dans les contrats FIDIC, le traitement du risque
par "le droit" (II).
A) Définition du risque
Trois types d'éléments sont nécessaires pour définir la notion de risque: des éléments
généraux (1), des éléments spécifiques (2) et des éléments complémentaires (3).
390
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/risque/69557
236
N.G. BUNNI, auteur reconnu et spécialiste des contrats FIDIC, définit le risque comme la
combinaison de la probabilité ou la fréquence de l’occurrence d’un risque/danger défini et de
la magnitude ou de l’impact de la dite occurrence391. Cette définition est technique et est la
plus précise de celles jusqu’alors citées. Le domaine de la construction internationale est un
domaine technique, scientifique en grande partie, il faut donc pouvoir établir des modèles de
gestion de risques, pouvoir poser des hypothèses avec la plus grande précision possible. C’est
pour cette raison que l’on ne peut définir le risque sans définir le contexte dans lequel le
risque peut se réaliser. Par contexte du risque, on entend l’environnement dans lequel les
risques peuvent se réaliser. Des facteurs différents constituent cet environnement. Il peut
s’agir tant de l’attitude ou du comportement des parties, du contexte politique du pays de
réalisation du projet, le climat social et politique, le cadre législatif et l’environnement
contractuel (compris comme l’environnement autour des contrats signés par les parties, leur
force exécutoire et la capacité d’un Etat à assurer l’exécution des obligations entre les parties
dans les pays de réalisation du projet.)
Ces éléments de définition restent cependant généraux et nécessitent d'être complétés par des
éléments plus spécifiques
237
Non Souhaité (ENS) pouvant avoir un impact en général destructeur sur une ou plusieurs des
quatre cibles possibles :
- Un ou des individus ;
- Une ou des populations ;
- Un ou des écosystèmes ;
- Un ou des systèmes matériels ou symboliques.
Ces éléments spécifiques permettent d'apporter plus de technicité aux éléments de définition
généraux présentés précédemment et sont pris en compte par les projets couverts par les
contrats FIDIC.
Il convient à présent d'apporter des éléments complémentaires de définition à ceux présentés
précédemment.
394
J-C.JACQUIOT, «L'analyse de risques pour les débutants», en ligne : <http://www.case-
france.com/L'analyse%20de%20risque%20pour%20les%20d%C3%A9butants.pdf>, accès : 28/Mai/2014.
395 395
J-C.JACQUIOT, «L'analyse de risques pour les débutants», en ligne : <http://www.case-
france.com/L'analyse%20de%20risque%20pour%20les%20d%C3%A9butants.pdf>, accès : 28/Mai/2014.
238
B) Méthodologie de la gestion du risque
Présentons de manière générale les facteurs pris en compte dans la gestion du risque (1) avant
d'identifier les étapes de la gestion du risque (2). Nous déterminerons ensuite que l'atteinte des
objectifs financiers prévalent quant à l'allocation des risques (3).
239
Ainsi, A. BRUNET et F. CESAR396 sont parvenus à prouver que la répartition des risques a
une influence sur le coût final du projet. Il est donc important pour les parties de procéder à la
répartition la plus efficiente possible et de dépasser la simple négociation commerciale pour
essayer de mettre le plus de risques sur l’autre.
Cette répartition équilibrée des risques constitue par ailleurs un argument d'utilisation des
contrats FIDIC présenté par la FIDIC elle-même. L’enjeu de cette répartition des risques se
situe in fine dans l’efficacité du contrat, sans toutefois minimiser les autres facteurs et intérêts
des parties en présence, les facteurs psychologiques et contextuels, la politique juridique de
l’entreprise par exemple qui influent sur les marges de négociation des parties pour la
conclusion de ces contrats. Il est possible de définir ici l'efficacité du contrat comme le fait
pour ce dernier de répondre aux aspirations mutuelles des parties et à être de nature à générer
le moins de contentieux possible pour elles.
Une fois ces facteurs présentés, il convient de présenter les étapes constituant la méthodologie
de gestion des risques.
396
A.BRUNET et F.CESAR, Le contract management. Performance contractuelle, renégociations, claims :
comment sauvegarder et accroître les marges, Eyrolles éd., 2013.
397
A.COSTERG-KARSENTY, Risk Allocation and Responsibilities in FIDIC Contracts, [Scientifique :
Management de Projet : Northumbria University/EI.CESI : 2014].
240
surveillance de l’évolution des risques, notamment si des évènements non souhaités se sont
réalisés. A savoir qu’il existe une profession spécifique pour identifier et analyser ces risques :
il s’agit de la profession d’analyste de risque.
398
A.COSTERG-KARSENTY, Risk Allocation and Responsibilities in FIDIC Contracts, [Scientifique :
Management de Projet : Northumbria University/EI.CESI : 2014].
241
- Les risques financiers ;
- Les risques managériaux ;
- Les risques externes399.
D’autres risques additionnels peuvent également surgir au-delà de ceux évoqués. Il s’agit des
risques relatifs à la construction, à la performance, à la société. Il y a donc une multitude de
risques, mais les risques les plus importants dépendent surtout des acteurs concernés et de
leurs perspectives sur la question. Pour déterminer le niveau d’importance de chaque risque
pour les acteurs, il est donc essentiel de déterminer les risques principaux des acteurs en ce
qui concerne les contrats de construction.
399
A.COSTERG-KARSENTY, Risk Allocation and Responsibilities in FIDIC Contracts, [Scientifique :
Management de Projet : Northumbria University/EI.CESI : 2014].
242
entrepreneur au moyen d’une joint venture vont donc tenter de réaliser une performance
optimale en allouant les ressources financières matérielles et humaines nécessaires.
En réalisant ces performances, l’entrepreneur créera de la valeur qui sera redistribuée aux
entreprises qui se sont constituées entrepreneur. Une autre partie de cette valeur sera
réinvestie dans d’autres projets.
Cette primauté des objectifs financiers a une certaine influence dans l'allocation des risques
dans les contrats de construction internationaux
400
A.COSTERG-KARSENTY, Risk Allocation and Responsibilities in FIDIC Contracts, [Scientifique :
Management de Projet : Northumbria University/EI.CESI : 2014].
401
A.COSTERG-KARSENTY, Risk Allocation and Responsibilities in FIDIC Contracts, [Scientifique :
Management de Projet : Northumbria University/EI.CESI : 2014].
243
A ces principes édictés en 1975, d’autres se sont dégagés vers 2007. L’allocation des risques à
une partie ou à une autre dépend donc également de :
- La capacité de la partie à percevoir et à anticiper le risque ;
- La capacité de la partie à évaluer la magnitude potentielle et la conséquence du risque ;
- La capacité de la partie à contrôler l’occurrence potentielle du risque, c’est-à-dire la capacité
de la partie à maîtriser le fait que le risque ne se réalise ou pas ;
- La capacité de la partie à gérer le risque si celui-ci venait à se réaliser ;
- La capacité de la partie à bénéficier de la prise en charge du risque si celle-ci le supporte
- L’acceptabilité par le propriétaire de la prime pour risque demandée par la partie qui supporte
le risque.
Une fois ces principes édictés, il s’agit de voir comment les rédacteurs des contrats liant les
différentes parties intervenant aux divers contrats de construction, appréhendent ces risques.
Ces contrats sont souvent rédigés par ou avec l’assistance de juristes. Il convient donc à
présent d’examiner le traitement juridique de ces risques dans les contrats en général, les
clauses par lesquelles les risques sont répartis, les différentes techniques qu’il est possible de
mettre en place. Il conviendra par la suite de voir comment les contrats FIDIC appréhendent
les risques inhérents à ces contrats de construction.
244
convenues402. » C’est une définition plus neutre que celles, plus scientifiques, plus techniques
que nous avons exposées précédemment. En étant plus neutre, cette définition a de plus un
champ d’application plus large du fait que le risque n’a plus forcément une connotation
négative. Le risque n’est pas forcément vecteur de danger, il peut être favorable à l’une ou
l’autre des parties, ou aux deux parties. Cette observation vaut pour les contrats FIDIC.
Une fois cette définition apportée, il est possible de distinguer différentes catégories de
risques.
402
J-M.MOUSSERON, «La gestion des risques par le contrat », Revue trimestrielle de droit civil, 1988, p. 481.
403
J-M.MOUSSERON, «La gestion des risques par le contrat », Revue trimestrielle de droit civil, 1988, p. 481.
245
3) La prévention des risques
Jean-Marc Mousseron établit une distinction entre les risques internes de l’opération, c’est-à-
dire aux risques qui tiennent au comportement de l’une des parties, notamment les risques
d’inexécution et entre les risques externes. Ces derniers tiennent à l’environnement de
l’opération dont la convention est l’instrument. Jean-Marc Mousseron rappelle les principes
du droit des contrats français relatifs à la contrainte à l’exécution telle que prévue par l’article
1142 du Code Civil français et propose aux parties de rédiger des clauses d’astreinte, de
consignation par exemple. Quant à la gestion de l’inexécution, Jean-Marc Mousseron
s’inspire de l’article 1144 du Code civil français. Cet article dispose que le créancier peut
aussi en cas d’inexécution être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation aux dépens du
débiteur. Il propose ainsi des clauses de suspension des contrats en cas d’inexécution d’une
des parties par les obligations. Il mentionne également la possibilité d’introduire des sûretés
personnelles ou réelles. Quant aux risques externes, Jean-Marc Mousseron en appelle à la
célèbre clause dite de « hardship » ou d’imprévision404.
404
J-M.MOUSSERON, «La gestion des risques par le contrat », Revue trimestrielle de droit civil, 1988, p. 481.
246
b) Les risques liés à la mort du contrat
Concernant les risques liés à la mort du contrat, Jean-Marc Mousseron évoque les possibilités
de « destruction » du contrat : « Permettre (dans le cas des contrats à durée déterminée) ou
faciliter (dans le cas des contrats à durée indéterminée) la destruction du contrat limite les
risques tenant à son inexécution et, par delà celle-ci, aux causes qui la provoquent et dispense
de leur charge le partenaire à qui préjudicierait une exécution maintenue. » Enfin, Jean-Marc
Mousseron évoque aussi des clauses mettant les risques et périls au profit d’une partie ou
d’une autre. Jean-Marc Mousseron effectue ici une étude globale et louable des différents
aménagements contractuels possible en vue de prévenir et d’imputer les risques. Ces risques
sont également traités dans les contrats FIDIC notamment au travers de mécanismes de
résiliation du contrat. Ainsi il est stipulé dans le livre rouge de la FIDIC que l'entrepreneur est
autorisé à résilier le contrat sous certaines conditions, notamment en cas de non-paiement par
le maître d'ouvrage.
Il nous appartient à présent de voir plus en détail quels sont les aménagements contractuels
qui ont été mis en place par le comité de rédaction des différents contrats FIDIC et de les
analyser dans la mesure du possible à l’aune de ce qu’a pu faire Jean-Marc Mousseron.
1) Le risque contractuel
Tentons de définir le risque contractuel (a) avant de voir comment ce risque est traité par les
contrats FIDIC (b).
247
dans son ouvrage sur le « contract management405 » tente de définir et de cerner la nature de
ce risque contractuel : « Malgré les controverses qui entourent la définition du « risque
juridique, il est d’usage de considérer que les risques contractuels sont une composante du
risque juridique, distincte du risque légal. En s’inspirant d’un des exemples cités par
Christophe Collard et Christophe Roquilly406, une définition opérationnelle pourrait être :
· Le risque contractuel est spécifiquement lié à « l’imprécision, lacunes ou autres insuffisances
de la documentation contractuelle, l’amenant à ne pas traduire de façon complète et claire la
volonté des parties ou à ne pas assurer suffisamment la protection des intérêts (du
contractant) en lui évitant les risques de mise en cause de sa responsabilité
· Le risque légal, quant à lui, recouvre « le non-respect des dispositions légales, règlementaires
ou jurisprudentielles qui encadrent l’exercice des activités de l’entreprise.
Le risque contractuel se situe donc au croisement de ces différentes dimensions qui lui
confèrent la nature d’un risque entrepreneurial consenti par chacune des parties à la
signature d’un contrat, eu égard à :
· Son interprétation des obligations souscrites par chacune des parties à l’instant t ;
· L’évolution probable de la relation contractuelle sur la durée du contrat.
Nous soulignerons ici trois points majeurs :
· Le risque contractuel n’est pas un risque stable ou linéaire sur la durée du contrat : il est en
effet évolutif dès la date de signature du contrat, et son évolution sera influencée par
l’ensemble des évènements opérationnels jalonnant la vie du projet :
· Le risque contractuel est affecté au contrat par les capacités des parties à exécuter leurs
obligations contractuelles. Il entre ainsi dans la famille des risques « d’exécution » et
s’inscrit dans une dimension temporelle et opérationnelle forte.
· Le risque contractuel est protéiforme : il n’incombe pas uniquement à la direction juridique
en ce qu’il reflète la stratégie de l’entreprise et traduit son degré d’appétence ou d’aversion
du risque.407"
405
A.BRUNET et F.CESAR, Le contract management. Performance contractuelle, renégociations, claims :
comment sauvegarder et accroître les marges, Eyrolles éd., 2013.
406
C.COLLARD et C.ROQUILLY, La performance juridique: pour une vision stratégique du droit dans
l'entreprise, 1e éd., Paris : L.G.D.J, 2010.
407
C.COLLARD et C.ROQUILLY, La performance juridique: pour une vision stratégique du droit dans
l'entreprise, 1e éd., Paris : L.G.D.J, 2010.
248
- La présence de définitions détaillées en préambule du contrat ;
- La fixation d'un ordre d'interprétation de la documentation à la disposition des parties ;
-La prévoyance de délais, de calendriers, de notification et de modification des coûts pour
pallier aux risques d'exécution ; voir des mécanismes de contrainte d'exécution. La FIDIC
dans plusieurs de ses livres et notamment dans le Livre Rose relatif aux opérations dont les
Banques Multilatérales de Développement sont les principaux sponsors établit dès la clause
1.14 du contrat une responsabilité conjointe et solidaire entre les membres potentiels du
consortium et d’une joint venture408. Cette clause établit l’impossibilité de changer la
composition de l’une ou l’autre des formes choisies entre les entreprises ainsi partenaires
constituant l’entrepreneur. En établissant cette solidarité entre les entreprises, la FIDIC a
clairement voulu prévenir les manœuvres contractuelles qui feraient en sorte que les parties
constituant l’entrepreneur puissent se délier de leurs obligations. Nous pensons notamment
aux opérations d’augmentation ou de réduction de capital, d’entrées de nouveaux partenaires.
408
L’article 1.14 du Livre Rose stipule en effet que si l’entrepreneur constitue (en vertu des lois applicables) une
joint venture, un consortium ou toute autre forme d’associations sans personnalité morale de deux ou plusieurs
personnes : a) ces personnes seront responsables conjointement et solidairement auprès du Maître d'ouvrage
concernant l’exécution du contrat ; b) ces personnes doivent notifier leur chef de file au Maître d'ouvrage qui
aura autorité pour engager l’entrepreneur et chacun des membres constitutifs de cette association ; et
l’entrepreneur ne doit pas modifier la composition ou son statut légal sans consentement préalable du Maître
d'ouvrage. (Extrait traduit par l’auteur de ces lignes du FIDIC Conditions of Contract for Construction MDB
Harmonised Edition For Building and Engineering Works Designed By The Employer).
249
L'un des risques relatifs aux contrats FIDIC résulte dans le choix de la langue utilisée. Si les
contrats FIDIC ont initialement été conçus et rédigés en langue anglaise, plusieurs traductions
existent.
Ces traductions résultent d’une initiative bienvenue mais sont confrontées à l’écueil de la
barrière de la langue : en effet, au-delà de la langue, certains concepts juridiques n’ont pu être
correctement retranscrits dans les langues de traduction de ces contrats.
La FIDIC indique par conséquent en préambule de ses livres que la seule version faisant foi
est la version anglaise, les autres ayant une valeur purement indicative. De plus l’anglais étant
la langue principale utilisée au sein des contrats de construction internationaux 409, les
différents acteurs du secteur seront d’accord pour donner priorité à la version anglaise des
contrats. De plus, il convient de signaler que les contrats FIDIC rencontrent un succès
important dans les pays du Commonwealth où l’anglais est une des principales langues
utilisées. Cependant, dans les pays d’Amérique Latine ou d’Afrique francophone, si l’anglais
est également pratiqué et prédominant dans le secteur de la construction internationale,
l’espagnol et le français ont également une place importante dans le milieu des affaires de ces
pays-là. Le problème de la langue et, au-delà de la langue, du système juridique dont la langue
est un vecteur privilégié se pose ici avec plus d’acuité.
b) Le lien de la langue avec le droit applicable envisagé par les parties au contrat FIDIC
Il existe une relation intime entre un système juridique donné et la langue avec laquelle ce
système a été conçu et a évolué410. Les différentes versions des contrats FIDIC sont
directement inspirées des contrats publiés par les contrats de l’association britannique
d’ingénierie, l’ICE. Ils ont donc été pensés et rédigés en langue anglaise et en s’inspirant du
droit anglais. Les contrats FIDIC reposent donc sur la "common law" avec ses traditions, ses
conceptions, concernant la responsabilité, les délais et d’autres notions fondamentales
s’appliquant au contrat de construction. Il sera par ailleurs intéressant de voir comment
s’appliquent ces contrats FIDIC dans les pays de tradition « civiliste » et la confrontation de
ces concepts, notamment la garantie décennale, les obligations de faire ce qui est en son
possible pour réduire les dommages subis (« mitigation of damages ».)
S'agissant des stipulations des contrats FIDIC concernant la langue utilisée, comme dans la
plupart des contrats inspirés de common law, une part importante est consacrée à la définition
409
M.FONTAINE et F.DELY, Droits des contrats internationaux: Analyse et rédaction de clauses, 2e éd.,
Bruxelles : Bruylant, 2003.
410
G.HÖK, « Difficulties encountered in the English-French Translation of FIDIC standard Forms », ICLR,
2007, n° 3, p. 271.
250
des différents termes que la FIDIC juge sensible. Elle explique ensuite les modalités
d’interprétation des différents documents et établit une hiérarchie d’importance. Enfin signe
de l’intime relation entre la loi applicable et la langue que nous avons évoquée, la FIDIC les
traite, notamment au sein du Livre Rose par une seule et même une clause, la clause 1.4,
dénommée « Langue et Loi Applicable ». L’article 1.4 alinéa 1 stipule que le droit
applicable au contrat sera celui de la loi ou de l’Etat ou de toute juridiction qui sera stipulée
dans le Contrat par les parties. Immédiatement après, l’alinéa 2 stipule que la langue du
contrat sera celle stipulée par les parties au Contrat. L’expression qu’emploie la FIDIC n’est
pas neutre, elle parle de « Ruling language ». « Ruling » en anglais provient du terme « Rule »
qui signifie « Règle » en anglais. D’une perspective française et civiliste, c’est donc la langue
avec laquelle les parties vont s’astreindre à traiter. Cela va également avoir une conséquence
potentielle sur la manière dont le contrat va également être interprété par les parties ainsi que
les tiers intéressés comme leurs conseils. Nous avons évoqués les risques liés à la langue et les
risques liés au droit applicable. Examinons à présent les risques relatifs aux évènements
climatiques et autres évènements externes à la volonté des parties.
251
ii) La précision de la clause de force majeure dans la suite des contrats FIDIC de 1999
Il convient de définir brièvement la clause de force majeure (α) avant de décrire celle
présente dans les contrats FIDIC (β).
412
M.FONTAINE et F.DELY, Droits des contrats internationaux: Analyse et rédaction de clauses, 2e éd.,
Bruxelles : Bruylant, 2003, p. 442 et s.
413
M.FONTAINE et F.DELY, Droits des contrats internationaux: Analyse et rédaction de clauses, 2e éd.,
Bruxelles : Bruylant, 2003, p. 442 et s.
252
L’article 19.1 se poursuite en listant une série d’évènements que les parties considèrent
comme entrant dans le champ d’application de la force majeure, du moment que ces
évènements ne sont pas sous contrôle des parties, et qu’on ne puisse pas leur imputer.
Et le Livre Jaune d’évoquer les cas de guerre, de rébellion, d’émeutes, de munitions ou
d’ondes radioactives parmi d’autres évènements étant qualifiés par les parties comme une
clause de force majeure.
Au travers de cette définition et de ces différents exemples apparaissent les critères
traditionnels de la force majeure. Il s’agit de l’imprévisibilité, l’inévitabilité, l’extériorité par
rapport à la volonté des parties et l’effet sur l’obligation, de rendre l’exécution de celle-ci
impossible comme l’indiquent Marcel Fontaine et Fabrice Dély. C’est une définition somme
toute classique et générale, il n’y a pas de volonté des parties de la part des rédacteurs du
Contrat d’atténuer les critères. On remarque également que la clause de force majeure du
Livre Jaune ne fait pas référence à la « due diligence » qui permet une interprétation plus
souple des critères en vue d’invoquer la force majeure. C’est dire que malgré la vigilance et la
rigueur des parties, l’évènement est d’une importance telle que le critère de force majeure
s’impose.
Par la suite, la clause de force majeure présente dans le contrat FIDIC énumère différents
évènements pouvant revêtir la qualification de force majeure. Cette énumération débute par
les conflits armés. La clause de la FIDIC se distingue par son souci d’exhaustivité (deux sous-
articles avec des évènements divers précis, telle que la rébellion, l’usurpation du pouvoir, la
guerre, le terrorisme).
La liste continue par l’énumération de ce que Filip Dély et Marcel Fontaine appellent Les
« conflits du travail414 ». Il est à noter ici que la clause du contrat FIDIC ne considère comme
ayant la qualification de force majeure les conflits non causés par l’entrepreneur ou ses sous-
traitants. Cette clause ne considère donc que les conflits externes au projet. Remarquons
également que le comité de rédaction des contrats FIDIC a quand même listé cinq
évènements, dotant la clause d’une certaines précision (émeutes, grèves, désordre, lockout…)
La liste se poursuit ensuite avec les munitions, les ondes radioactives, des matériaux
explosifs, des radiations ionisantes, une contamination par ces radiations. La FIDIC exclut le
cas où des accidents seraient provoqués par l’entrepreneur et son utilisation de ces différents
éléments.
414
M.FONTAINE et F.DELY, Droits des contrats internationaux: Analyse et rédaction de clauses, 2e éd.,
Bruxelles : Bruylant, 2003, p. 442 et s.
253
La liste se conclue enfin par une liste classique des différents évènements naturels pouvant
être qualifiés de force majeure (ouragans, tornades…).
415
M.FONTAINE et F.DELY, Droits des contrats internationaux: Analyse et rédaction de clauses, 2e éd.,
Bruxelles : Bruylant, 2003, p.442 et s.
254
Section 2 L'application efficace par la gestion des délais
Dans les contrats impliquant des opérations de construction, la question des délais est une
question fondamentale pour les cocontractants. Le respect des délais pour exécuter leurs
obligations respectives constitue une partie essentielle de leurs obligations, notamment en
termes de réalisation des travaux. Il en va de même pour l'émission ou la réception des
paiements du prix ou pour l'exercice des recours prévus par le système de résolution de la
FIDIC, pour la période de notification des vices par exemple. Les délais sont donc au cœur
des obligations respectives des parties au contrat FIDIC.
Dans ce cadre, il convient d'étudier les délais en général (I) avant d'étudier de manière plus
précise les délais dans les contrats FIDIC en particulier (II).
I) Le délai en général
Etudions dans un premier temps la notion de délai (A) avant d'étudier le régime des délais
dans les contrats en général (B).
A) La notion de délai
Il convient dans un premier temps de donner une définition du délai (1) avant d'étudier l'objet
du délai (2).
1) Définition du délai
« L'étymologie du terme « délai » vient de l'ancien français (XIIe siècle) « deslaier », qui
signifiait différer. Le sens actuel du mot désigne le temps, la durée dont on dispose, en vertu
de la loi, d'une décision de justice, ou d'une convention, pour accomplir une prestation, ou
réaliser un acte, mais aussi le laps de temps au cours duquel il sera interdit de faire un tel
acte.»416
En l’espèce, dans les contrats FIDIC, il s’agit de délais pour accomplir les travaux, pour
notifier aux autres parties des réclamations, plaintes, ou pour accomplir des paiements, aux
termes du contrat. Plusieurs interrogations se posent alors, dans le cadre général que constitue
la durée du contrat FIDIC417. L'une d'elles concerne l'objet du délai.
416
F-J.PANSIER, "Délai", Répertoire Civil Dalloz éd., Dalloz, 2010,p.1,n°5.
417
P.MOUSSERON, Les conventions sociétaires, L.G.D.J éd., Lextenso éditions, 2013, p.271.
255
2) L’objet du délai418
Le délai peut avoir différents objets .Il peut s’agir d’un délai relatif à l’exécution d’une
obligation (délai de diligence). Dans ce cas, la sanction du non-respect du délai consistera en
des dommages et intérêts. Il peut également s’agir d’un délai afférent à l’existence d’un droit
(délai de droit). Dans ce cas, la sanction de l'absence de respect des délais sera une déchéance
au terme duquel les parties ne pourront plus revendiquer leurs droits. L’on peut également
avoir un délai pour introduire une action en justice (délai d’action). Dans ce cas la sanction du
non respect sera une forclusion. Enfin, il pourra s’agir d’un délai pour exercer un droit (délai
de prescription). Dans ce cas, la sanction sera la prescription extinctive. Les contrats FIDIC
contiennent les trois types de délais (cf infra).
Ces éléments sur la notion de délai apportés, il convient de rappeler quelques éléments
généraux sur le régime des délais.
B) Le régime du délai
Il convient de déterminer si la computation des délais vient à s'appliquer (1) avant de nous
interroger sur la question de l'exécution des délais (2). Ces éléments sont à interpréter à la
lumière du droit civil (3).
418
P.MOUSSERON, Les conventions sociétaires, L.G.D.J éd., Lextenso éditions, 2013, p.272.
419
P.MOUSSERON, Les conventions sociétaires, L.G.D.J éd., Lextenso éditions, 2013, p.271.
256
lieu d’exécution des délais ? Il peut s’agir d’une des modalités d’exécution de l’obligation ;
ainsi à titre d’exemple, les travaux devront être finis à une date donnée sur le site d’exécution
des travaux. Dans le même sens, la notification d’une réception qui fera courir un délai
quelconque devra avoir lieu dans les locaux de l’une des parties. Il peut également s’agir en
matière de notification justement d’un renvoi à la théorie de l’émission ou de la réception,
bien connue en droit civil et procédure civile française : le délai concernant la notification de
l’offre commence-t-il à courir à l’émission de cette notification par le débiteur de l’obligation
ou à la réception de cette notification par le créancier de cette obligation ? Dans le premier
cas, le lieu d’exécution du délai sera lieu de situation du débiteur de cette notification ; dans le
second, ce sera le lieu de situation du créancier. En réalité, la solution dépendra de la
conception du système juridique applicable choisi par les parties. En l'espèce, ce choix se fera
par les parties pour le contrat FIDIC.
420
FIDIC, Conditions of Contract for Construction ; MDB Harmonised Edition For Builiding and engineering
works designed by the employer (« Pink Book »)., 2010.
257
A) La définition des délais dans les contrats FIDIC
Plusieurs délais sont définis par les contrats FIDIC. Il en va ainsi par exemple pour la date de
référence (1), la date de commencement (2) ou du délai de notification des vices (3).
. Le point de départ est donc ici la date du dernier délai de soumission de l’offre. C’est un
délai de droit dans la mesure où les parties sont censées avoir contracté passé le délai de 28
jours sans réponse de la part du maître d'ouvrage après la soumission de l’offre par
l’entrepreneur potentiel, les parties sont réputées avoir contracté, aux termes de l’article 1.6
du Livre Rose. Ainsi, passé ce délai, les parties ne pourront plus se rétracter, d’où
l’importance d’être extrêmement réactif.
Le jour mentionné dans le délai de 28 jours est lui-même défini comme calendaire et l’année
est définie comme étant l’année civile de 365 jours à l'article 1.1.3.9 du Livre Rose. Pour la
définition du jour, du mois et de l’année, d'autres calendriers existent, à l'exemple de l'année
lombarde de 360 jours. En effet, les banquiers peuvent avoir la tentation de prendre l'année
lombarde. La raison de cet intérêt est que la base des taux d’intérêt étant moins importante en
termes de jours, les intérêts qui pourront être requis seront donc plus importants.
2) La date de commencement
Le comité de rédaction du Livre Rose de la FIDIC a également pris le soin de définir la « date
de commencement » (« commencement date »421) puis renvoie à l’article 8.1 pour plus de
précisions quant à cette définition. Il s’agit de la date à laquelle débutent les travaux et qui
421
FIDIC, Conditions of Contract for Construction ; MDB Harmonised Edition For Builiding and engineering
works designed by the employer (« Pink Book »)., 2010, p. 2.
258
fixera la date du départ du calendrier devant aboutir à l’exécution des travaux pour lesquels
l’employeur a contracté avec le maître d'ouvrage.
Le comité de rédaction du livre rose a également défini le délai de notification des vices.
L’entrepreneur doit s’assurer que la garantie bancaire est valide et qu’on peut demander son
exécution en justice jusqu’à ce qu’il ait exécuté les Travaux et réparé tous les vices. Si le
422
FIDIC, Conditions of Contract for Construction ; MDB Harmonised Edition For Builiding and engineering
works designed by the employer (« Pink Book »)., 2010, p. 14.
259
terme de la garantie bancaire n’est pas précisé et que l’entrepreneur n’est pas encore apte à
recevoir le certificat de bonne exécution (« Performance Security ») dans un délai de 28 jours
précédant le terme de la garantie, l’entrepreneur étendra le terme de la garantie jusqu’à
l’achèvement des travaux et jusqu’à ce que tous les vices aient été réparés. Ici, nous sommes
en présence d’un délai de prescription, mais cette prescription n’est pas extinctive mais
acquisitive, du moins pour le maître d'ouvrage. En effet, si l’entrepreneur n’est pas qualifié à
recevoir son certificat d’exécution dans un délai de 28 jours précédant le terme de la garantie,
par le mécanisme de la prescription acquisitive prévu contractuellement, le maître d'ouvrage
bénéficiera d’une extension de la garantie bancaire le temps de la fin des tous les travaux. Il
s’agit d’une prescription acquisitive pour le maître d'ouvrage et extinctive donc pour
l’entrepreneur dans la mesure où l’entrepreneur a pour lui un terme à la garantie. La garantie,
si elle est apportée par une banque ou une institution financière tierce au contrat, est
supportée in fine (par l’intermédiaire du coût, où des sûretés que le tiers ne manquera pas de
prendre sur le prix des Travaux tels que prévus par les parties) par l’entrepreneur. S’il
respecte le programme des Travaux tel que défini contractuellement avec le maître d'ouvrage,
il garde le bénéfice du terme déterminé, reste dans ses frais, supporte de manière indirecte la
garantie pour une période déterminée à l’avance. S’il ne respecte pas les termes du
programme des Travaux, il perd ce bénéfice et ces droits à ne plus avoir à supporter les coûts
d’une extension de la garantie. Il s’agit bien évidemment également d’un délai d’action pour
l’entrepreneur dont la sanction ne constitue pas en des dommages-intérêts mais en une
prolongation du délai de garantie au profit du maître d'ouvrage.
Enfin l’article 4.2 concernant la garantie bancaire d’exécution stipule un troisième délai de 21
jours au terme duquel le maître d'ouvrage devra retourner le document de garantie bancaire à
l’entrepreneur après avoir reçu une copie du certificat de bonne exécution423. Il s’agit ici d’un
délai d’action mais il ne semble pas y avoir de sanction contractuelle prévue. Il s’agira alors
d’aller rechercher classiquement la responsabilité civile contractuelle du maître d'ouvrage et
de demander des dommages-intérêts.
Une question se pose cependant concernant les délais ayant été choisis : pourquoi la
dénomination a-t-elle été faite en jours et non pas en semaines ? Pourquoi ne pas évoquer 3 et
4 semaines. Pourquoi 21 et 28 jours plutôt que d’autres jours. Est-ce justement pour des
raisons de décompte des jours ou pour éviter de prendre en compte les jours non ouvrables ou
423
FIDIC, Conditions of Contract for Construction ; MDB Harmonised Edition For Builiding and engineering
works designed by the employer (« Pink Book »)., 2010, p. 15.
260
fériés ? Est-ce pour des simples raisons techniques ? La réponse semble être la même que
pour le délai de notification de la force majeure. Si à la lecture ces délais peuvent sembler
généreux, l’intervention de tiers, notamment l’ingénieur, la banque ou l’institution financière,
la nécessité de négocier ces garanties pour des montants importants font que ces délais sont en
réalité nécessaires. En effet, les processus de décisions pour la délivrance du certificat de
bonne exécution de la part de l’ingénieur, de l’octroi de la Garantie Bancaire par la Banque à
l’entrepreneur puis de la rétrocession de celle-ci par le maître d'ouvrage à l’entrepreneur
prennent du temps. Un temps nécessaire pour s’assurer que les parties assument bien toutes
leurs obligations.
Nous pouvons cependant supposer que l’absence de notification ou une notification tardive
de la livraison de l’Usine ou des Pièces majeures précitées est préjudiciable par nature au
maître d'ouvrage. Il ne s’agit simplement pas d’une livraison de marchandises pure et simple,
il s’agit d’une livraison d’une Usine ou à tout le point de pièces majeures de l’Ouvrage à être
construit. La disposition de ces dernières, la préparation des autorisations émanant des
différentes autorités, les dispositions nécessaires à prendre en termes de sécurité font que ce
délai est à peine suffisant pour mettre les choses en place. Elles engendrent automatiquement
des coûts. L’imprévision résultant d’une notification tardive ou d’une absence totale de
notification engendrera forcément des coûts supplémentaires. Il faut compter une interruption
potentielle et temporaire du travail de la main-d’œuvre déjà présente sur le chantier, une main
d’œuvre non employée est quand même payée. Or si elle est payée et qu’elle ne peut effectuer
le travail pour lequel elle est payée, elle est génératrice de pertes pour l’entrepreneur qui devra
quand même la payer, d’autant qu’il s’agira souvent de personnels appartenant à ce dernier. Et
ce dernier aura la tentation de répercuter le coût sur le maître d'ouvrage.
424
FIDIC, Conditions of Contract for Construction ; MDB Harmonised Edition For Builiding and engineering
works designed by the employer (« Pink Book »)., 2010, p. 19.
261
Les membres du Comité de rédaction des contrats ont cependant pallié à cette éventualité. En
effet, au (c) de l’article 4.16, ces membres ont introduit la stipulation selon laquelle
l’entrepreneur devait indemniser et prémunir le maître d'ouvrage de tous les dommages,
pertes et coûts supplémentaires (frais de justice et autres dépenses) résultant du transport des
Biens. Il a également l’obligation de négocier et de payer le coût de toutes les réclamations
concernant le transport de ceux-ci. Comme nous l’avons vu les coûts supplémentaires
engendrés par l’absence de notification ou une notification tardive peuvent rentrer dans le
champ d’application de cet alinéa dans la mesure où des réclamations concernant le transport
(dont la notification fait partie). C’est donc une sorte de sanction indirecte dont peut être objet
l’entrepreneur s’il ne respecte pas la stipulation concernant la notification.
262
extrêmement lourde. Il est en effet stipulé que l’entrepreneur qui n’aura pas reçu
d’instructions de la part de l’ingénieur dans un délai de six mois aura la faculté de résilier de
manière unilatérale le contrat.
En parallèle, l’entrepreneur doit commencer dans les meilleurs délais les travaux après la date
de début telle qu’elle a été définie par les parties, et doit faire preuve de diligence pour
respecter les différentes échéances et cela sans délai.
Ainsi à moins que l’ingénieur, dans les 21 jours de la réception du programme, notifie à
l’entrepreneur déclarant que l’application du programme n’est pas conforme aux stipulations
du contrat, l’entrepreneur doit exécuter ses obligations conformément au programme ainsi que
les autres obligations contenues dans le contrat signé avec le maître d'ouvrage. Le personnel
du maître d'ouvrage est autorisé à se reposer sur le programme pour planifier ses activités. Ici
encore ce sont des délais fondamentaux à la bonne exécution des travaux. Il n’y a pas de
sanction. Mais tout irrespect des dispositions calendaires et de celles des programmes
engendrent forcément des coûts pour l'une et/ou l'autre des parties qui sont des sanctions en
soi.
Les délais ont ainsi une importance fondamentale dans la bonne exécution des contrats
FIDIC. Les praticiens devront porter une attention particulière aux usages en vigueur relatifs
aux délais, sur les projets sur lesquels les praticiens sont amenés à travailler. Il s'agit
notamment de la détermination des évènements déclenchant les points de départ des délais de
notification par exemple.
426
FIDIC, Conditions of Contract for Construction ; MDB Harmonised Edition For Builiding and engineering
works designed by the employer (« Pink Book »)., 2010, p. 31.
263
Synthèse
L'étude de la gestion des risques et des délais dans les contrats FIDIC constitue une
illustration significative de l'efficacité de l'application des contrats FIDIC.
Les risques sont répartis entre les parties dans un esprit voulu équilibré par la FIDIC.
Quant aux délais, leur précision et leur juste étendue permettent de limiter les coûts, cantonner
les obligations des parties dans des délais précis en vue notamment d'aboutir à l'exécution des
obligations entre les parties. Certains auteurs estiment cependant que certains délais devraient
être raccourcis, à l'image du délai de 56 jours latent. Ce délai est laissé aux parties dans
l'objectif de tenter de résoudre leur différend avant d'aller à l'arbitrage après que la décision du
comité de résolution des différends de la FIDIC soit devenue définitive.
L'ensemble, auquel il convient d'adjoindre d'autres éléments tels que les autres contrats-types
constituent un potentiel droit transnational de la construction s'appliquant aux acteurs du
secteur de la construction internationale. Le pragmatisme, l'efficacité et la cohérence des
contrats FIDIC ressort de leur application ordinaire par les acteurs du secteur de la
construction internationale. Ces mêmes éléments ressortent à la lumière de l'étude de
l'application extraordinaire des contrats FIDIC.
***
264
Titre II- L’application extraordinaire des contrats FIDIC
A travers l'application "extraordinaire" des contrats FIDIC, nous étudierons l'application des
contrats FIDIC à l'occasion de l'occurrence d'un différend entre les parties (sur les raisons de
ce choix, cf supra, p.144).
Ainsi, nous étudierons dans un premier temps les mécanismes de résolution spécifiques aux
contrats FIDIC (Chapitre 1) avant d'étudier dans un second temps les mécanismes généraux
de résolution des différends des contrats FIDIC427 (Chapitre 2).
427
Les moyens généraux de résolution des contrats FIDIC qui seront étudiés ne sont pas tous nécessairement
mentionnés dans les contrats FIDIC: si l'arbitrage est cité dans les contrats FIDIC, la médiation n'est pas
directement citée et le recours à la justice étatique, fréquent, ne le sont pas.
265
Chapitre 1 Les mécanismes de résolution des différends spécifiques aux contrats FIDIC
Les contrats FIDIC prévoient deux mécanismes de résolution leur étant spécifiques et
caractérisant ou ayant caractérisé leur notoriété (cf infra): la "détermination" (Section 1) de
l'ingénieur et le comité de résolution des différends (Section 2).
428
Il convient de souligner ici que le terme de "détermination" procède d'une traduction de l'auteur de ces lignes
qui n'est pas la traduction de la FIDIC. En réalité, dans les contrats FIDIC, la procédure est décrite sans qualifier
la nature de la décision de l'ingénieur. Nous choisissons le terme "détermination" puisqu'au-delà du processus de
décision, il détermine s'il y a lieu à prolongation du délai d'achèvement des travaux ou d'extension des coûts,
détermination au terme de laquelle il prend une décision.
266
§2 Présentation synthétique de la détermination
Malgré la réduction du champ des compétences de l'ingénieur dans la suite Arc-en-Ciel (I), la
détermination de l'ingénieur telle que prévue dans les contrats FIDIC demeure dans certains
secteurs le mode privilégié de résolution des différends (II).
429
J.GLOVER, « FIDIC, an overview: the latest developments, comparisons, claims and look into the future »,
site Web Fenwick Elliot, en ligne : <www.fenwickelliott.co.uk>.
430
N.A.BROWN, I.SHAN, "Chasing Rainbows-Initial Vagaries in the FIDIC Book Claims Procedure", ICLR
Vol.32-1, 2015, p.99.
267
pourtant nécessaires pour accomplir sa mission. L'une des raisons récurrentes de ces
difficultés est la suspicion sur l'indépendance et l'impartialité de l'ingénieur.
Toutefois, dans d'autres secteurs, la détermination de l'ingénieur demeure le mode privilégié
de résolution des différends.
431
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2015.
432
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2015.
433
Les parties, et notamment l'entrepreneur, n'hésitent pas à recourir à des entreprises spécialisées dans les
"claims" dont le formalisme est comparable à celui d'assignations ou de mémoires dans le cadre d'un arbitrage
étatique. L'auteur a eu l'opportunité de consulter un exemplaire de claim extrêmement structuré dans ce cadre.
268
membres sont externes au projet. Il s'agit d'une démarche plus officielle avec des
personnalités externes au projet, les perspectives de recours aux tribunaux arbitraux ou
étatiques n'apparaissent plus comme étant illusoires. Il convient également de dire que cette
appréciation dépend également de la subjectivité des acteurs de ces contrats. Les cultures des
différents secteurs sont également à prendre en compte. La culture dans le secteur de
l'électromécanique appellerait plus au compromis et à la négociation que la culture dans la
construction et le génie civil où la confrontation et le contentieux sont plus prégnants 434.
434
Entretien avec R.LANGLOIS, juriste, 15 Octobre 2015.
269
Section 2 Le comité de résolution des différends
Devenu le mode de résolution privilégié des différends internationaux relatifs à la
construction et au génie civil435, le comité de résolution des différends de la FIDIC apparait
comme un mécanisme crucial dans le secteur de la construction internationale.
435
C.R SEPPÄLA, "Commentary on Recent ICC Arbitral Awards dealing with Dispute Adjudication Boards
under FIDIC Contract", ICC Dispute Resolution Bulletin 2015, Issue 1, p.22. L'auteur tient cependant ici à
préciser que le mode de résolution est privilégié dans la mesure où le différend est avéré et que l'aspect
"pathologique" du projet ne permet plus de régler le différend par la détermination de l'ingénieur.
436
L’auteur a conscience que la terminologie du « comité de résolution des différends » ne renvoie pas à la
terminologie de la traduction française faite au nom de la FIDIC par le Dr. Hök. Elle est utilisée par Philippe
Malinvaud pour décrire la structure chargée de Résoudre les Différends dans les contrats relatifs au projet du
tunnel sous la Manche. Il l’a notamment fait dans une conférence qu’il a donnée devant la Dispute Resolution
Board Foundation en 2013. Cette terminologie de « comité de résolution des différends » nous semble
cependant refléter de manière plus précise la réalité de la nature et des fonctions de l’organisme chargé de
résoudre les Différends dans la mesure du possible. A titre subsidiaire cette précision vient également rappeler la
difficulté de traduire des termes à caractère juridique. Comme l’expliquait le Dr Hök lui-même, au moment de
traduire des termes inscrits dans un contrat potentiellement amenés à être interprétés, les termes ont été conçus
dans une langue particulière. Cette dernière était la plus adaptée pour décrire un concept d’une culture juridique
particulière. Dès lors, dès qu’il s’agit de traduire un terme d’une langue ou d’un autre, la difficulté de retranscrire
au mieux la conception juridique qui a entouré sa création surgit. Aussi, toute œuvre de l’esprit est par nature
perfectible et évolutive. La FIDIC a donc mandaté Vincent Leloup, ingénieur et membre de la Liste des
Adjudicateurs en vue de traduire de nouveau les contrats FIDIC en prenant notamment pour modèle les Cahiers
des Clauses Administratives Générales, contrats-types obligatoires pour les travaux et la fourniture de services
en France.
437
Nous précisons également que la présente étude est spécifique au comité de résolution des différends prévu
par la FIDIC, à savoir le « Dispute Adjudication Board. » Il existe en effet trois types de Dispute Board : le
Dispute Advisory Board, ayant un pouvoir de conseil et de médiation, le Dispute Adjudicatory Board ayant un
pouvoir décisionnel, dont un exemple est le Board prévu par la FIDIC, et un Board cumulant les deux fonctions
alternatives. Un exemple de la dernière structure est mis en place par la Chambre de Commerce Internationale.
270
I ) La notion de comité
La notion de comité de résolution des différends a une origine (A) spécifique qui permet de
mieux en saisir les caractères (B).
Sa première apparition pour un projet international remonte aux années 1980 pour un projet
financé en partie par la Banque Mondiale au Honduras (Projet de Barrage "El Cajon" et
centrale hydroélectrique) grâce à l’intervention d’un ingénieur américain sur le projet 440. Ce
dernier a convaincu les parties en présence qu’un « Dispute Review Board » serait de nature à
dépasser les différends pouvant survenir sur le chantier entre des entités d’au moins trois
nationalités différentes441. Au vu du succès, la pratique des « Dispute Review Boards » sur les
grands projets internationaux s’est développée.
Il convient cependant de rapporter que ces « Dispute Review Boards » n’avaient pas vocation
à prendre de décisions contraignantes pour les parties. Ils émettaient un avis amenant les
Parties en présence à négocier pour surmonter leur Différend. Il n’en demeure pas moins que
le lien de parenté entre le "Dispute Review Board" et le « Dispute Adjudication Board » ou
438
C.CHERN, Chern on Dispute Boards, 2e éd., Wiley-Blackwell, 2011, 448 p. (voir p. 8)
439
C.CHERN, Chern on Dispute Boards, 2e éd., Wiley-Blackwell, 2011, 448 p. (voir p. 8)
440
C.CHERN, Chern on Dispute Boards, 2e éd., Wiley-Blackwell, 2011, 448 p. (voir p. 8)
441
C.CHERN, Chern on Dispute Boards, 2e éd., Wiley-Blackwell, 2011, 448 p. (voir p. 8)
271
comité de résolution des différends est évident. Le lien manquant a été opéré par référence au
système d'"adjudicator" prévu par la législation britannique.
2) Le système d'"adjudicator"
La législation britannique relative à la construction a la spécificité de connaître en son sein la
notion d'"adjudicator". En effet, aux termes du Housing Grants, Regeneration and
construction Act de 1996, l'une ou l'autre des parties au contrat de construction peuvent exiger
l'avis d'un expert indépendant et impartial. Cet avis concerne tous les contrats de construction
et liera les parties jusqu'à la fin du projet442.
Nous remarquons ici que les deux influences du "Dispute Review Board" ainsi que l'instituion
de l'"adjudicator" ont conduit progressivement à l'avènement du comité de résolution des
différends de la FIDIC ("Dispute Adjudication Board"). Ce dernier comité est un comité
d'experts se réunissant en théorie443 régulièrement tout au long de la durée du projet et chargé
de résoudre les différends entre les parties en émettant un avis ainsi qu'une décision. Cette
dernière liera les parties sous certaines conditions.
C’est donc l’adjonction des compétences de l’ingénieur de la FIDIC à la forme et aux
compétences des « Dispute Review Boards » à l’occasion du projet du Tunnel sous la Manche
qui a inspiré la FIDIC à donner naissance aux comités de résolution des différends. Le comité
de résolution des différends de la FIDIC a un caractère décisionnel plus marqué que le
"Dispute Review Board" et prévalant à la simple expertise .
442
Les modes de Prévention et de Règlement des Différends "En temps réel", Institution de Médiation et
d'Arbitrage du Québec, 2014, p. 25, en ligne : <http://imaq.org/wp-content/uploads/2014/07/Mémoire-
Commission-Charbonneau-déposé-19-juin-2014.pdf>.
443
Le comité de résolution des différends de la FIDIC peut également être constitué de manière "ad hoc" c’est-à-
dire uniquement en cas d'apparition d'un différend. Cette forme de comité est possible mais non recommandée
par la FIDIC.
272
emploie l’ingénieur. C’est donc la question de l’impartialité et de l’indépendance qui était
problématique pour les parties. C’est la raison pour laquelle les concepteurs du Projet se sont
inspirés du système des « Dispute Review Boards » pour modifier les aspects du contrat
relatif à la Résolution des Différends. Ils ont transféré une grande partie des compétences de
l’ingénieur qui lui avait la compétence de « trancher » certains Différends à un Comité de
résolution des différends composé de trois personnes. Cette capacité à prendre des décisions, à
trancher le litige de manière « quasi-juridictionnelle » n’existait pas dans les « Dispute Review
Boards ».
Il n'en demeure pas moins qu'au vu de ses caractères, la notion de comité de résolution des
différends telle que prônée par la FIDIC semble plus efficiente pour les acteurs de la
construction internationale que le Dispute Board prôné par la FIDIC444.
444
Les acteurs du secteur de la construction internationale ont besoin d'une structure souple qui permette de
résoudre les différends. Ils ont besoin d'une décision opérationnelle, peu contestable, qui est nécessairement
basée sur une expertise. Ils ne peuvent se contenter d'une recommandation qui ne peut à elle seule résoudre le
différend, si cette recommandation n'est pas suivie d'effet. Le comité de résolution des différends de la FIDIC
semble plus efficient en ce sens même si les institutions de la CCI et de la FIDIC sont très proches. Il convient de
rappeler par ailleurs que la FIDIC renvoie à un arbitrage CCI en cas d'échec de la procédure de résolution des
différends.
273
1) L’absence de personnalité morale
La notion de comité à laquelle nous faisons référence dans le "comité de résolution des
différends" est une traduction de la notion de « Board », traduction utilisée par une doctrine
majoritaire. A la différence de certains comités prévus par exemple en droit français 445, le
comité de résolution des différends n’a pas la personnalité morale. C’est une institution
contractuelle prévue par les Parties, à vocation temporelle. Il n’a pas les attributs allant avec la
personnalité morale.
Le comité de résolution des différends de la FIDIC n'ayant pas la personnalité morale, il n'en
a par conséquence pas les attributs. Ainsi, il n’a pas par exemple pas d’adresse, pas de
patrimoine propre; les membres qui le constituent perçoivent une rémunération en échange de
leur travail ou une rémunération forfaitaire. Le comité de résolution des différends ne possède
pas non plus la capacité d’ester en justice, ni celle de contracter.
Il a une mission : résoudre les différends soulevés devant lui par les parties. La personnalité
morale est en inadéquation avec l’objet et l’esprit du comité de résolution des différends.
L’objet du comité de résolution des différends est de résoudre les Différends que lui
présentent les Parties. C’est une instance qui se veut flexible et réactive pour apporter des
réponses rapides aux Parties. La procédure devant le comité est également une procédure
dont l’esprit se veut en opposition avec celle devant un tribunal arbitral censé être plus
coûteuse et plus longue en termes de procédure. Il n’en demeure pas moins vrai que la période
prévue dans le Projet du Tunnel sous la Manche est relativement courte (environ 90 jours)
quand on la compare aux procédures devant les tribunaux arbitraux ou judiciaires.
274
a) L’obligation d’indépendance
Deux arrêts de la Cour d’Appel de Paris en date du 02 Juin 1989446 proposent une de
l'indépendance de l'arbitre. Nous la reprenons ici (i) avant de constater que cette obligation
s’applique aux membres du comité de résolution des différends (ii).
Les arbitres doivent donc être à l'abri de toutes pressions de la part des parties à l'arbitrage.
Cette obligation d'indépendance vaut également pour les membres du comité de résolution des
différends de la FIDIC.
446
P.FOUCHARD, E.GAILLARD et B.GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec,
1996, p.18 et s.
447
Extrait d'un arrêt de la Cour d'Appel de Paris en date du 02 Juin 1989 cité par P.FOUCHARD, E.GAILLARD
et B.GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996, p.18 et s.
448
D.FERRIER et J.MAGENDIE, « La transparence: une exigence raisonnable pour l'indépendance de l'arbitre?
», Recueil Dalloz Sirey, 08 janvier 2015, n° 1, p. 29.
275
ii) L’application de l’indépendance au comité de résolution des différends de la FIDIC
Dès leur désignation, les personnalités sélectionnées accèdent au statut de membres du
Comité de résolution des différends.
Les rédacteurs des contrats FIDIC ainsi que ceux du Comité du Tunnel sous la Manche se
sont inspirés de la procédure de désignation des arbitres pour la constitution du tribunal
arbitral. Le comité de résolution des différends de la FIDIC se compose de trois personnes.
Les critères de désignation des Membres du Comité sont extrêmement stricts et résident en
grande partie à l’article 4 de l’Annexe au contrat FIDIC449 relatif au Comité de résolution des
différends.
Ainsi les Membres du Comité ne doivent pas avoir d’intérêts financiers auprès de
l’entrepreneur, du maître d’Ouvrage ou de l’ingénieur. Ils ne doivent pas avoir été employés
ou avoir été en relation avec l’un des employés de l’entrepreneur, de l’ingénieur ou du maître
d’Ouvrage. A défaut, les Membres ont une obligation de divulgation extensive de ces
relations passées ou présentes avec ces trois Parties.
b) L’obligation d’impartialité
Contrairement à l’indépendance, l’impartialité se définit de manière subjective450. Elle
renvoie à deux hypothèses :
- Celle où les Membres du Comité auraient connu du Différend dans des fonctions
différentes ;
- L’attitude antérieure de l’un des membres du comité envers l’une des Parties que celle-ci
peut juger hostile à son égard.
449
Nous utilisons l'appellation générique "contrat FIDIC" pour désigner l'ensemble des contrats FIDIC de la
suite Arc-en-ciel de 1999 et les éditions suivantes des contrats qui reprennent globalement la même architecture
avec néanmoins quelques modifications.
450
P.FOUCHARD, E.GAILLARD et B.GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec,
1996.
276
La première hypothèse ne semble pas pertinente dans la perspective du Comité de
résolution des différends. En effet, le Comité dans sa version « normale » est censé
accompagner le Projet dès son commencement de manière à arriver à une solution rapide.
La seconde hypothèse est difficile à qualifier, souvent rejetée par les tribunaux. En matière
internationale, P.Fouchard, E.Gaillard et Berthold Goldman précisent que ces deux notions se
regroupent sous l’exigence de neutralité451. Cette neutralité est nécessaire pour remplir la
mission assignée au Comité à savoir la résolution des différends.
Cette impartialité ou apparence d'impartialité sont également requises de la part des membres
du comité de résolution des différends. Elles sont cependant requises dans une moindre
mesure parce que la nomination des membres des comités de résolution des différends.
A) La notion de résolution
Tentons de définir la notion de « résolution » (1) avant de la délimiter (2).
1) Définition
Comme pour le terme « comité », le terme, « résolution » est une traduction du terme
« Adjudication » consacré par la FIDIC pour désigner l’action du « Dispute Board » mis en
451
P.FOUCHARD, E.GAILLARD et B.GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec,
1996.
452
D.FERRIER et J.MAGENDIE, « La transparence: une exigence raisonnable pour l'indépendance de l'arbitre?
», Recueil Dalloz Sirey, 08 janvier 2015, n° 1, p. 29.
277
place par la FIDIC. Cette réserve étant apportée, il est bien évident qu’il n’est nullement ici
question du mécanisme de la résolution tel qu’il est connu en droit civil français des
obligations. Le terme « résolution » doit être pris dans son sens premier, à savoir le fait de
trouver une solution à un Différend. Il ne s’agit donc pas de trancher un litige en faveur de
l’une ou l’autre Partie comme cela est le cas dans un arbitrage. L’esprit est différent : le
Comité est censé suivre le déroulement des Travaux de manière régulière. Son rôle est
d’apporter des solutions concrètes, techniques qui vont débloquer une situation suite à
l’avènement d’un imprévu. Cet imprévu pourra parfois être provoqué par l’ingénieur lui-
même. Celui-ci a des prérogatives importantes, notamment quant à l’accès au chantier. Il a
également des prérogatives qui demeurent importantes quant à la réception des
« réclamations »453 et dans certains cas précis, prendre des décisions qui s’imposent à
l’entrepreneur. Les Membres du Comité de résolution des différends sont impliqués dans les
Travaux mais n’y sont pas partie prenante. La procédure devant le Comité (cf infra)
ressemble à celle d’un arbitrage, les Membres du Comité rendent une ou plusieurs décisions
par écrit.
La procédure se distingue par sa courte durée de 84 jours. Elle est exigeante mais rendue
possible par l’expertise et l’expérience des membres du comité de résolution des différends.
2) Délimitation
La décision du comité de résolution des différends de la FIDIC est différente de la
"détermination"454 telle que celle-ci peut être pratiquée par l’ingénieur concernant l’extension
des Délais prévus pour la réalisation des Travaux où l’accès au site. Il ne s’agit pas non plus
d’un jugement puisque même si les Parties, l’objectif du Comité est quand même de trouver
une solution efficiente pour les Parties. Il ne s’agit pas non plus d’une médiation parce que la
solution s’impose aux Parties sauf si celles-ci notifient leur désaccord quant à celle-ci. La
solution peut être consensuelle ou s’imposer aux parties, ce qui différencie aussi un arbitrage
de la majorité des décisions de justice ou des décisions d’arbitrage. La décision d’un arbitrage
s’impose en effet très souvent aux parties qui y ont consenti. C’est aussi une décision qui est
453
Il s’agit là encore d’une traduction, la version anglaise des contrats FIDIC mentionnant le terme de
« Claims ».
454
La « détermination » est la traduction du terme anglais « Determination ». Il s’agit de l’acte établi par
l’ingénieur concernant les demandes d’extension de délai ou d’accès au site des travaux. La procédure devant
l’ingénieur constitue la première étape du mécanisme de résolution des différends mis en place par la FIDIC.
Avant la version de 1999 des contrats FIDIC, l'ingénieur exerçait également les attributions du comité de
résolution des différends.
278
prise en concertation avec les parties. La différence avec les sentences arbitrales est ténue
puisque l’arbitre peut également tenir compte des transactions s’opérant entre les parties au
cours de l’instance devant la juridiction arbitrale. La Résolution se situe donc au carrefour de
toutes ces solutions, ce qui en fait son originalité.
B) La notion de différend
Tentons de définir la notion de différend (1) avant de la délimiter (2).
1) La définition du différend
Comme pour les autres notions, le terme « Différend » est une traduction apportée par le
Professeur Philippe Malinvaud et exposée lors d’une présentation opérée devant la Dispute
Review Board Foundation en 2013455. Cette traduction semble plus pertinente que celle
apportée par le Dr. Hök qui évoquait le « Bureau de Conciliation ». Le Différend est donc une
différence de conception amenant un désaccord entre les Parties sur leurs droits et obligations
concernant les Travaux.
2) La délimitation du différend
Il ne s’agit donc pas d’une « Réclamation » telle que celle-ci se présente devant l’ingénieur.
Le champ du Différend est plus large et va au-delà de l’accès au Site ou de l’extension des
Délais. Il concerne tous les droits et obligations contenus dans le Contrat. Celle-ci peut
évoluer en situation conflictuelle ou litige laissant le champ libre aux Techniques Alternatives
de Résolution des Différends telles la médiation. Il ne s’agit donc pas non plus d’un litige qui
va être porté devant une juridiction arbitrale. Tout l’esprit de la procédure de la Résolution
des Différends mis en place par la FIDIC consiste en une gradation des techniques à laquelle
correspond une terminologie adéquate en langue anglaise. Il convient donc d’essayer de
retranscrire cette gradation en langue française, tout en ayant conscience de la difficulté de la
tâche, avec les conséquences d’interprétation de la part de juristes francophones. Ces
précisions sont importantes en vue de déterminer le régime du Comité de résolution des
différends.
455
P.MALINVAUD, L'expérience du Tunnel sous La Manche, DRBF Paris Regional Conference, 2013
279
II) Le régime du comité de résolution des différends
La procédure devant le comité de résolution des différends est extrêmement encadrée (A).
Cette procédure donne lieu à une décision de la part du comité (B).
1) La constitution du Comité
Les règles concernant tant le type de Comité que les parties peuvent mettre en place (a) que
les membres du comité eux-mêmes (b).
- Les comités peuvent être constitués au choix d’un ou trois membres 456. En cas d’absence de
précision des parties, le comité de résolution des différends est réputé être constitué de trois
personnes.
- Le comité peut être désigné pour la durée des travaux. Ce type de comité est notamment
prévu dans le Livre Rouge réservé par la FIDIC aux Travaux dont la conception est assurée
par le maître d’Ouvrage. Cette forme de comité a ses avantages. Des visites régulières ainsi
qu’une consultation régulière des documents sont prévus. Les membres du comité ont donc
456
Livre Rouge de la FIDIC, 1999.
280
une connaissance poussée des Travaux et des difficultés potentielles à survenir lors du
chantier. Il est donc plus aisé pour eux de trouver des solutions rapidement aux problèmes se
présentant aux parties. L’inconvénient d’un tel comité est le coût puisque la durée de
constitution est plus longue et que le comité doit être rémunéré pour la durée de sa nomination
ainsi que pour ses interventions.
- Le comité peut être désigné uniquement en cas de nécessité, à savoir en cas
d’occurrence d’un différend. Il s’agit alors d’un comité dit « ad hoc ». Ce type de comité est
notamment prévu dans les Livres Jaune et Argent de la FIDIC. Le Livre Jaune est l'ouvrage
réservé par la FIDIC pour les contrats de conception-construction dont la conception est
assurée par l’entrepreneur.457 Le Livre Argent est le contrat que réserve la FIDIC pour les
contrats clés en main. A l’inverse du Comité que l’on désignera par convenance comme
« permanent » à savoir désigné pour la durée des Travaux, le coût moins important de la
procédure apparait comme le principal avantage de cette seconde forme de comité .
Toutefois, cette forme présente également deux inconvénients. Le choix d’un comité « ad
hoc » convoqué en cas de besoin a comme conséquence une moins bonne connaissance de la
part des Membres du Comité de l’avancée générale des Travaux. Cela entraîne un retard
potentiel dans la Résolution du Différend s’il se présente.
Le second inconvénient réside dans la possibilité pour les parties, comme l’a démontré D.H.
Kondev, de pouvoir présenter directement sous certaines leur litige à l’arbitrage sans passer
par le comité458. Cette démarche est contraire à l’esprit du système de résolution des
différends conçu par la FIDIC, adapté aux travaux de longue durée pour lesquels les contrats
FIDIC ont été rédigés (cf infra).
281
Parties peuvent également soumettre des listes de Membres potentiels parmi lesquels
sélectionner les Membres du Comité. Chaque Partie désigne un Membre du Comité et
s'accordent sur le troisième membre.
1) Le déroulement de la procédure
Une brève description de la procédure (a) est nécessaire en vue d’une analyse (b) de celle-ci.
a) La description de la procédure
Nous étudierons dans un premier temps l'objet (i) de celle-ci avant d'en examiner le
déroulement de manière plus précise (ii).
En cas d’un comité de résolution des différends constitué de trois personnes, la date de saisine
459
du comité sera réputée être la date de réception de l’acte par le président du Comité . Des
copies de l’acte de saisine doivent être communiquées à l’ingénieur.
A partir de cette date, le Comité de résolution des différends dispose d’un délai de 84 jours
pour rendre sa décision. Durant ce délai, les Parties ont une obligation de diligence envers les
Membres du Comité de résolution des différends. Les Parties doivent fournir aux Membres
du Comité tous les documents relatifs aux Travaux, faciliter leur accès au Site en vue de
résoudre leur arbitre. L’article 20.4 édicte également cette précision importante : les membres
du comité de résolution des différends sont réputés ne pas agir en tant qu’arbitres.
Il est à noter que les parties peuvent convenir conjointement de modifier le délai entre la
saisine du comité de résolution des différends et celui de la notification de la décision. La
procédure est donc extrêmement encadrée.
459
FIDIC Red Book, 1st Ed. 1999, p.60.
282
ii) Déroulement de la procédure
Nous ne reviendrons ici que sur les éléments essentiels de la procédure. Tout d’abord, la
saisine du comité de résolution des différends doit être effectuée par l’une des Parties par
écrit. L’acte de saisine du comité de résolution des différends doit mentionner l’article 20.4 du
contrat FIDIC qui organise la procédure devant le comité.
De manière plus précise, C.R.Seppäla a eu l’occasion de décrire les diverses étapes menant à
l’arbitrage dans le cadre du contentieux FIDIC 460, la saisine du Comité de Résolution des
Différends étant un préalable nécessaire à l’arbitrage, en principe461.
La première étape est la nécessaire occurrence d’un différend, qui doit dépasser le stade de la
réclamation notamment de la part de l’entrepreneur. L’ingénieur ou le représentant du maître
d'ouvrage ne doit pas avoir donné suite à cette réclamation (« claim »). Autrement dit, la
réclamation doit avoir l’objet d’un rejet de la part de l’ingénieur. Dans ce cas précis,
l’entrepreneur aura quand même la volonté de passer la décision de l’ingénieur, raison du
recours au Comité de Résolution des Différends.
C. R Seppäla donne notamment l’exemple de la réclamation par l’entrepreneur de délais,
dépenses supplémentaires au maître d'ouvrage pour refus ou retard d’accès au Site où doivent
être réalisés les Travaux. Si l’ingénieur a rejeté cette réclamation au motif que l’entrepreneur
a demandé la possession matérielle du terrain bien avant d’y être autorisé, il y aura à ce
moment là un Différend qui pourra être soumis au Comité de Résolution des Différends.
Lors de la seconde étape, la Partie s’estimant lésée (en général l’entrepreneur) va porter le
différend à la connaissance du Comité par écrit en vue que ce dernier prenne une décision,
conformément aux stipulations de l’article 20462.
460
C.R SEPPÄLA, «The arbitration clause in FIDIC contracts for major works», ICLR, 2005 ICLR n°22-1,
2005, pp.4-15.
461
C.R SEPPÄLA rapporte (ICC Dispute Resolution Bulletin ICC Issue 1 2015 p.28) une sentence arbitrale CCI
(ICC Case 16083) selon laquelle le tribunal arbitral a validé le recours direct de l'une des parties à l'arbitrage car
l'article 20 organisant le mécanisme de résolution des différends du Livre Argent avait été modifié. Aux termes
de l'article 15 des conditions spéciales du contrat FIDIC objet du litige, le mécanisme de résolution des
différends prévoyait une procédure dite "en deux étapes": réclamation et arbitrage. La partie convoquée devant le
tribunal arbitral arguait du fait que la procédure devant le comité de résolution des différends était obligatoire.
Par le biais de l'autonomie de la clause compromissoire, en vertu du principe de compétence-compétence, le
tribunal arbitral situé à Paris a estimé que la clause compromissoire était régie par les dispositions françaises
applicables. La doctrine et la jurisprudence dominantes dans les arbitrages sous format CCI estiment que les
procédure pré-arbitrales font partie de la procédure compromissoire. Elles ont donc interprété celles-ci au regard
de la loi applicable, à savoir les dispositions relatives à l'arbitrage. Aux termes de celles-ci, le tribunal arbitral
s'est estimé compétent. Nous entendons et soutenons le raisonnement à l'unique condition que la modification
spéciale produite à l'article 15 ait bien été réalisée en conformité avec la méthodologie proposée par les contrats
FIDIC.
462
C.R SEPPÄLA, «The arbitration clause in FIDIC contracts for major works», ICLR, 2005 ICLR n°22-1,
2005, pp.4-15.
283
Les membres du Comité de Résolution des Différends, agissant en tant qu’experts et non en
tant qu’arbitres, disposent alors d’un délai de 84 jours pour rendre une décision. Nous
remarquons ici que le délai de l’article 67 de la 4ème édition a été conservé dans la « Suite Arc-
en-Ciel » de 1999 (troisième étape). Le Comité doit de plus notifier aux parties cette décision
dans le même délai de 84 jours. Ainsi que l’indiquait le professeur Philippe Malinvaud, c’est
un délai relativement court mais permettant de respecter l’impératif de diligence des Parties
quant à la conduite des Travaux tout en permettant de bien motiver la décision aux Parties.
Si l’une ou les Parties ne sont pas satisfaites par la décision du Comité de Résolution des
Différends ou si ce dernier ne respecte pas le délai de 84 jours pour rendre la décision
attendue de lui, les Parties ont la capacité dans les 28 jours suivant la décision de notifier à
l’autre Partie leur désaccord ou leur rejet de la décision. S’ils ne respectent pas ce délai, la
décision devient « définitive et contraignante » (« final and binding ») (4ème étape).
A la réception de la notification par l’une et l’autre des Parties, ces dernières disposent d’un
délai de 56 jours pour arriver à une solution amiable (la solution amiable peut être définie
comme celle n’étant pas le fruit d’une sentence arbitrale qui est de nature injonctive mais qui
peut être le fruit des différentes méthodes de résolution alternative des litiges telles la
médiation, la conciliation, la transaction.) (5ème étape).
Enfin, si les parties n’arrivent pas au terme de ce délai de 56 jours à atteindre une solution à
l’amiable, le différend peut être porté à l’arbitrage (6ème et dernière étape).
b) Analyse de la procédure
En termes d'analyse, il convient de voir si le comité de résolution des différends tel qu'institué
par la FIDIC peut être qualifié de juridiction (i). Cette procédure présente des caractères
spécifiques (ii) devant être qualifiés (iii).
i) La qualification de juridiction
La qualification de la procédure devant le comité de résolution des différends dépend de la
qualification à apporter aux actes que le comité de résolution des différends commet. A cette
fin, il conviendra de définir la notion d’acte juridictionnel (α) et voir si cette notion s’applique
à la procédure devant le comité de résolution des différends de la FIDIC (β).
284
α) Définition
C. JARROSSON a tenté d’énoncer une définition de l’acte juridictionnel dans sa thèse de
doctorat en vue de tenter de définir la notion d’arbitrage463.
La marge d’appréciation dont disposent ces autorités permet d’étendre ou non de manière
opportunes les garanties qu’ont les parties devant ces instances. C. JARROSSONpasse
également en revue certaines institutions pour lesquelles s’est posée la question de la nature
de l’organe ou de la nature de sa décision. Il s’agit notamment des organismes qui seront plus
tard qualifiés d’Autorités Administratives Indépendantes (AAI).
L’analyse de C. JARROSSON est intéressante, mais elle se heurte au fait que les arbitres se
voient traditionnellement reconnaître une mission juridictionnelle. Cela n’est pas forcément le
cas des membres du comité de résolution des différends.
Nous allons passer en revue les différents critères relevés par C. JARROSSON et voir si ceux-
ci s’appliquent à la procédure devant le comité de résolution des différends.
1. Critères formels
C. JARROSSON relève trois critères formels : le critère organique (a.), le critère procédural
(b.) et le critère d’effectivité de l’acte (c.) Il conviendra par la suite de conclure (d).
463
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987.
464
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987.
285
a. Le critère organique
C. JARROSSON écrit à propos de l’acte juridictionnel :
« Le critère organique permet de considérer qu’est acte juridictionnel tout acte émanant d’un
organe particulier : la juridiction. […] La théorie de Carré de Malberg part du principe que
tout acte juridictionnel émane d’une juridiction. Elle déplace alors la question de la notion
d’acte juridictionnel vers celle de la notion de juridiction. »465
Ce critère appliqué à notre espèce ne nous permet pas de déterminer si la décision du comité
de résolution des différends de la FIDIC est un acte juridictionnel puisque nous ne
connaissons pas avec certitude la nature du comité. Nous avons pour opinion que le comité de
résolution des différends est une juridiction. Nous rejoignons donc C. JARROSSON dans son
affirmation selon laquelle ce critère organique ne suffit pas seul à déterminer le caractère
d’acte juridictionnel : il y a nécessité de déterminer si le critère procédural s'applique.
« Lampué ne manque pas de relever l’inconvénient du critère organique qui assimile l’acte
juridictionnel à l’acte judiciaire. Carré de Malberg lui-même ne présentait pas le critère
organique comme étant suffisant à lui seul, il le complétait par un second critère, formel lui
aussi, le critère procédural. »466
b. Le critère procédural
C. JARROSSON cite Carré de Malberg qui définit le critère procédural. Il s’agit de la manière
dont a été accompli l’acte « selon les règles propres à la fonction qui consiste à juger. »
Il écrit ensuite que « le critère procédural est effectivement très lié au caractère organique.
Est acte juridictionnel l’acte qui émane d’une autorité, mais selon une procédure, une
organisation donnée. Cette procédure est formaliste, publique, elle conduit à la motivation de
l’acte467. »
465
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,pp.32-33, n°46 et s.
466
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,p.33,n°48.
467
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,p.33,n°48.
286
de l’absence de caractère public l’absence du critère procédural concernant la procédure
devant le comité de résolution des contrats FIDIC.
Une fois encore cependant, C. JARROSSON apporte une critique concernant le critère
procédural comme seul baromètre du caractère juridictionnel d’un acte. Il explique « qu’il
peut exister une procédure dans l’élaboration de certains actes qui ne sont pas juridictionnels
pour autant. Il en va ainsi par exemple de la décision du conseil de l’Ordre des avocats
statuant sur une demande d’admission au Barreau. La jurisprudence administrative applique
d’abord le critère de la volonté du législateur, à défaut, elle utilise parfois entre autres
critères, celui de la procédure à suivre et s’attache notamment au caractère contradictoire de
la procédure. Mais le critère de la procédure n’est que peu déterminant, la jurisprudence l’a
d’ailleurs rejeté dans l’arrêt de Bayo en 1953. »
Nous avons indiqué que la procédure devant le comité de résolution des différends de la
FIDIC avait un caractère contradictoire. Nous n’avons pas démontré que le comité de
résolution des différends est une juridiction. Il n’y a pas non plus en l’espèce de volonté du
législateur, puisqu’ici ce sont les parties qui mettent en place ce comité de résolution des
différends par le biais du contrat. Nous considérons cependant que le contrat constitue la loi
des parties notamment dans un cadre international. Nous conclurons donc en l’espèce à la
présence du critère procédural en ce qui concerne la procédure de résolution des différends.
C. JARROSSON aborde par la suite un troisième critère : celui tiré de l’efficacité de l’acte.
En l’espèce, la décision du comité de résolution des différends de la FIDIC n’a pas l’autorité
de la chose jugée puisqu’il n’est pas pour l’heure prouvé que le comité de résolution des
différends est pas une juridiction, encore moins étatique.
Nous ajoutons à titre illustratif que les sentences arbitrales n’ont pas de facto autorité de la
chose jugée L’autorité qu’a la décision du comité de résolution des différends provient du
468
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,p.34, n°52 et s.
287
consentement conventionnel préalable des parties. Elle a une autorité conventionnelle. Cette
autorité est cependant d’une importance que nous considérons supérieure du fait que le contrat
s’opère dans un contexte international.
Ce critère tiré de l’autorité de la chose jugée accordée à cet acte ne peut servir seul à qualifier
la décision du comité de résolution des différends de la FIDIC d’acte juridictionnel. L’autorité
de la décision du comité de résolution des différends provient de la convention des parties.
C. JARROSSON reconnait lui-même que les critères précités, seuls ou combinés ne suffisent
pas à caractériser l’acte juridictionnel en ce qui concerne la décision du comité de résolution
des différends de la FIDIC. Il est nécessaire de leur adjoindre des critères matériels, que nous
reprenons à la suite de C. JARROSSON pour l’étude du comité de résolution des différends.
2. Critères matériels
C. JARROSSON relève trois types de critères : le critère tiré de la finalité de l’acte (a.), le
critère tiré de la structure de l’acte (b.), l’existence d’une contestation ou d’un litige (c.)
Plus précisément le but du juge est d’assurer le respect de la légalité alors que celui de
l’administrateur est d’agir en vue de produire des effets conformes à l’intérêt général ou à
l’intérêt de l’Etat. L’utilisation de ce critère parait difficilement défendable. Il parait évident
en effet que le juge lorsqu’il applique la loi vise, au-delà de l’espèce qui lui est soumise, à
sauvegarder l’intérêt général, au-delà de l’espèce qui lui est soumise, à sauvegarder l’intérêt
général. »
469
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,p.36,n°57
288
L’objet de la décision du comité de résolution des différends de la FIDIC est de résoudre les
différends en prenant une décision qui s’appliquera aux parties. Les deux parties présentent
leurs visions sur le point provoquant une divergence d’interprétation entre elles. Le comité
prend une décision qui sera par la nature de cette dernière en faveur de l’une ou l’autre des
parties.
Ainsi, d’une certaine manière, la finalité de cette décision est de résoudre un différend, de le
trancher en faveur d’une partie. Sous ce critère, la décision du comité est bien un acte
juridictionnel. Cette conclusion n’est cependant pas convaincante en raison de la controverse
sur l’importance du critère. Mais agrégé à d’autres critères, il pourra peut-être avoir son utilité
dans notre démonstration.
Cette thèse s’est vue reprocher un « caractère artificiel en ce qu’elle fait du jugement un acte
non unitaire en séparant la constatation, de la décision (ainsi, par exemple, le jugement
déclaratoire)471. »
De notre point de vue, ce critère est également insuffisant à affirmer le caractère juridictionnel
de la décision du comité de résolution des différends de la FIDIC, mais il peut se révéler utile.
En effet, pour arriver à cette décision, les membres du comité de résolution des différends
opèrent une constatation empirique en vue de déterminer si la loi des parties ou la situation
juridique des parties a été atteinte par le fait de l’une ou de l’autre. Cela n’est pas l’objectif
affiché par le comité de résolution des différends de la FIDIC. Son objectif premier est de
résoudre le différend.
470
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,p.36, n°58
471
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,p.36, n°58
289
Cependant, pour arriver à ce résultat, le comité doit d’abord constater si l'une des parties n'a
pas respecté ses obligations contractuelles (le contrat étant dans ce cas précis la loi des
parties). Ce sera généralement le cas puisqu’en cas contraire, le comité de résolution des
différends de la FIDIC ne serait pas sollicité. Le comité s’appuie sur la documentation
contractuelle, le droit applicable (notion recouvrant tant la loi applicable écrite ainsi que les
sources non écrites, tels les usages) pour rendre sa décision. Il rend ensuite sa décision. Si l’on
s’en tient à ce critère, il peut constituer un pas supplémentaire dans la qualification de la
décision du comité de résolution des différends d’acte juridictionnel.
C. JARROSSON évoque par la suite un troisième critère : le critère tiré de l’existence d’une
contestation ou d’un litige.
D’autres auteurs, tels que Japiot, utilisent ce critère « en le cumulant avec un critère
matériel : « la juridiction est le pouvoir reconnu par la loi à certaines personnes de trancher
les litiges par des décisions ayant l’autorité de la chose jugée ».
Ainsi, le critère tiré de l’existence d’une contestation ou d’un litige repose sur l’existence
d’une contestation ou d’un litige. Si ce critère a été déconsidéré, notamment par certains
auteurs, il peut révéler son utilité dans le cadre de notre démonstration. Le comité de
résolution des différends de la FIDIC est mis en place pour prévenir et résoudre les différends
qui lui sont présentés par les parties. Le différend résulte d’une différence de conception entre
les deux parties sur une des obligations prévues au contrat. Il y a à tout le moins, une
contestation de la vision des parties sur une obligation contractuelle, tout au plus, un litige en
germe ou avéré.
472
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,p.37,n°61 et s.
290
iii) Conclusion
Pour conclure, il est nécessaire d’établir une lecture critique (α) des travaux de C.
JARROSSONavant d’émettre des propositions concernant le comité de résolution des
différends de la FIDIC (β).
α) Lecture critique
C. JARROSSON examine avec pertinence et de manière exhaustive les différents critères
exposés plus haut. Il établit plusieurs constats.
Le premier constat est l’impossibilité de déterminer un acte juridictionnel à l’aide d’un seul et
unique critère parmi ceux cités plus hauts, que ces critères soit formels ou matériels.
Le second constat est que tous les critères exposés plus hauts sont sujets à la critique. Cela
explique d’une certaine manière le premier constat.
Face à ces constats, il plaide pour une acception large de la notion d’acte juridictionnel. Il
présente plusieurs arguments en cette faveur. Un des arguments phare de cette argumentation
repose en l’attitude pragmatique de diverses autorités, notamment celle du conseil d’Etat pour
déterminer quel organisme est une juridiction et quel acte est juridictionnel. Il s’arrête à ce
niveau dans la démonstration473.
Il est aidé en ce constat par le fait objectif que le caractère juridictionnel de l’arbitrage a
depuis plusieurs siècles été considéré comme « congénital » à l’arbitrage. Argument
historique, conception large de l’acte juridictionnel, reconnaissance par le législateur national,
notamment français, de l’arbitrage comme mode de règlement des litiges. Nous faisons le
constat d’une agglomération de facteurs qui a permis de déterminer à l’arbitrage un caractère
juridictionnel qui ne fait plus vraiment l’objet de débats aujourd’hui.
β)Propositions
Nos propositions s’opèreront en deux temps : le premier temps sera consacré à la définition
que nous donnons à l’acte juridictionnel (1.). Le second temps servira à proposer une
méthodologie de démonstration de la notion de juridiction (2.).
473
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,p.36, n°58.
291
1. La définition de l’acte juridictionnel
Il convient de rappeler que les présents développements sont rédigés dans le cadre de l'analyse
de la procédure devant le comité de résolution des différends de la FIDIC. Après l’étude
exhaustive des différents caractères pouvant constituer une juridiction, nous considèrerons
que l’acte juridictionnel est l’acte d’appliquer le droit à une situation de fait avec un effet sur
la situation juridique telle que présentée par les parties.
Cette définition provient d’une certaine manière des fondements de la mission du juge. Le
juge est celui qui a l’autorité de juger une situation telle que présentée par les parties. Les
parties estiment avoir des prétentions. Elles doivent remplir des conditions de fond et de
forme pour pouvoir présenter ces présentations à un juge. Ainsi en matière de procédure civile
française, les parties doivent présenter tous les moyens de fait et de droit au soutien de leurs
prétentions.
Le juge doit qualifier les faits juridiquement pour déterminer quels sont les textes applicables
au litige. Il va donc se référer aux textes juridiques que lui ou les parties estiment adéquats à
la résolution des litiges. Sa décision fera en sorte de faire prévaloir les prétentions de l’une ou
l’autre des parties. Cette procédure donnera in fine lieu au prononcé d’une décision. Celle-ci
servira de base pour la mise en œuvre de voies d’exécution.
Ainsi, la décision du juge affecte la situation juridique des parties. L’une de ces parties se
trouve confortée dans ces prétentions tandis que l’autre sera déboutée. Cette situation
juridique nouvelle aura des impacts sur la situation factuelle des parties.
Cette distinction entre le monde du fait et du droit justifie l’existence de disciplines connexes
au droit, telles que l’économie du droit, la sociologie juridique, la criminologie. Ces
disciplines apportent sans aucun doute un éclairage intéressant sur le droit, et notamment
l’impact du travail des magistrats mais sont distinctes du droit. Ce passage d’une discipline à
une autre justifie la définition que nous avons énoncée précédemment.
Cette dernière définition pourrait néanmoins trouver sa limite dans les situations où les
magistrats sont amenés à statuer en amiables compositeurs. Cela est une possibilité ouverte
par le code de procédure civile français aux arbitres. Nous rappelons que le statut d’amiables
292
compositeurs permet aux juges étatiques474 ou aux arbitres475 de s’affranchir de la loi
applicable au litige et de statuer sur le litige en équité sous certaines conditions.
2. Proposition de démonstration
La méthode du faisceau d’indices (a.) peut ici se révéler utile. Elle a fait ses preuves dans
diverses disciplines du droit (b.), notamment par les juridictions européennes pour déterminer
la qualité de juridiction (c.). Les raisons (d.) d’adopter cette démarche sont nombreuses.
La méthode du faisceau d’indices est également utilisée par les autorités administratives
indépendantes telles que l’AMF pour caractériser les manquements d’initiés, sous le contrôle
474
Article 12 alinéa 4 du Code de Procédure Civile: " Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes
matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous
réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé."
475
Article 1478 du Code de Procédure Civile: " Le tribunal arbitral tranche le litige conformément aux règles de
droit, à moins que les parties lui aient confié la mission de statuer en amiable composition."
476
C.JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987,p.36, n°58.
293
des juridictions judiciaires. « La preuve par le faisceau d'indices en matière de manquement
d'initiés aura trouvé sa méthode depuis l'intervention de la Chambre commerciale de la Cour
de cassation (Cass. com., 1er juin 2010, n° 09-14.684, F-D, AMF c/ Benais : JurisData
n° 2010-007898), la contribution que lui apporté le conseil d'État (CE, 6e et 1re ss-sect.
réunies, 24 avr. 2012, n° 338786, 338786 ; PELRAS : JurisData n° 2012-008274), et la
rigueur dont la cour d'appel de Paris a fait preuve dans sa mise en oeuvre (CA Paris, pôle 5,
7e ch., 21 juin 2012, n° 2011/08965, B. c/ AMF : JurisData n° 2012-014106 ; Dr. sociétés
2012, comm. 167, note S. Torck). »477
Nous saisissons l’occasion de ce développement pour réaffirmer l’évidence qu’il n’y a pas
d’assurance quant à l’issue de la sentence émise par un tribunal, que celui-ci soit arbitral ou
étatique. L’objet de notre présente démonstration prétend simplement apporter des arguments
supplémentaires dans le but d’une meilleure prise en compte des décisions du comité de
résolution des différends de la FIDIC de la part des diverses juridictions.
Nous pensons cependant que l’application de cette méthode aux caractères précités sera en
l’espèce productive. L’agglomération des critères précités constituent un faisceau d’indices
raisonnable pour déterminer le caractère juridictionnel de la décision du comité des
différends.
Nous en voulons pour preuve l’utilisation de cette méthode par la Cour de Justice de l’Union
Européenne (CJUE) dans un cas présentant certaines similarités avec notre sujet.
477
S.TORCK, "La difficile preuve par la méthode du faisceau d’indices", Revue Droit des Sociétés, n°2
Décembre 2014, p.25 et s.
294
c. L’utilisation du faisceau d’indices par la CJUE
Présentons le mécanisme de l’article 267 du Traité de Fonctionnement de l’Union européenne
(TFUE) (α.) avant de tenter d’appliquer les critères dégagés par la jurisprudence européenne à
la procédure devant le comité de résolution des différends (β.).
La qualité de juridiction emporte la faculté pour l’organisme s’en prévalant de pouvoir poser
des questions préjudicielles à la CJUE.
Le cas de la CJUE est intéressant à deux titres : les critères dégagés pour déterminer quel
organisme pouvait se prévaloir la qualité de juridiction d’une part, la relativité des mêmes
critères d’autre part. Cette relativité dans l’application des critères conforte le caractère
intuitif de la méthode du faisceau d’indices mais également le fait que cette méthode est
adaptée à la détermination de la qualification de juridiction. Le fait que la plus haute
juridiction de l’Union Européenne recourt à cette méthode pour déterminer quel organisme a
la qualité de juridiction confère à cette méthode une légitimité certaine.
478
M.MEISTER, « Notion de juridiction », Europe, Mars 2013, n° 3, comm.116.
295
β. Application des critères au comité de résolution des différends.
Ces critères sont en apparence bien définis (i.) Certaines décisions de la CJUE (ii.) tendent à
démontrer que la Cour adopte une approche pragmatique quant à la vérification de ces
critères. Cette étude met en lumière des caractères spécifiques du comité (iii.).
i. Les critères
-L’origine légale de l’organisme. Le critère ne s’applique pas ici en l’espèce puisque la
procédure devant le comité de résolution des différends a une origine conventionnelle.
-L’application, par l’organisme, des règles de droit. Nous considérons que ce critère est
rempli par le comité de résolution des différends. Le comité de résolution des différends a
pour objectif prioritaire de résoudre le différend qui se pose entre les parties. Les membres de
ce comité ont à leur disposition le contrat, la loi applicable choisie par les parties ainsi que
l’avantage de connaître de près le chantier. En effet, les membres sont théoriquement censés
suivre l’avancement régulier des travaux. Au final, au travers de ces éléments qui sont des
règles de droit, le comité prend sa décision.
296
-L’indépendance de l’organisme. Le comité de résolution des différends tel que prévu par la
FIDIC démontre indéniablement un caractère d’indépendance. Les membres doivent remplir
une multitude de critères de nature à garantir leur indépendance. Ne pas avoir été en relation
d’affaires avec les parties, des obligations de déclaration de plus en plus détaillées sont des
exemples de ces garanties.
Il est important de souligner que la notion d’indépendance est très évolutive et que les
obligations de « révélation » ou de déclaration ne cessent de se multiplier479.
Il n'en est pas moins vrai que la question de l'indépendance est presque toujours examinée à
trasvers le seul prisme de l'obligation de révélation, qui vient encore d'être renforcée par
l'International Bar Association dans ses nouvelles Guidelines adoptées à Tokyo le 19 octobre
2014. La question posée est simple : est-ce que les faits qui fondent la récusation ou le
recours en annulation ont ou non été révélés par celui à qui on reproche de les avoir
celés ? »480
Aux termes des critères énoncés précédemment, le comité de résolution des différends
n’aurait pas la qualité de juridiction au sens de l’article 267 du TFUE puisque tous les critères
ne sont pas remplis. Il convient de remarquer que la CJUE adopte cependant une approche
pragmatique par rapport à ces critères.
479
T.CLAY, « Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges », Recueil Dalloz Sirey, 25 décembre
2014, n° 44, p. 2541.
480
T.CLAY, « Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges », Recueil Dalloz Sirey, 25 décembre
2014, n° 44, p. 2541.
297
ii. L'exemple de la jurisprudence européenne
A titre d’exemple, lors d’un arrêt en date du 13 février 2014 (CJUE, 8e ch., 13 févr. 2014, aff.
C-555/13, Merk Canada Inc. c/ Accord Healthcare Ltd et a.), la CJUE a dû déterminer si le
Tribunal Arbitral necessário portugais avait la qualité de juridiction481. La Cour a rappelé les
quatre critères qu’elle examine traditionnellement. Le traitement du critère de permanence qui
est intéressant dans le cadre de l'étude sur le comité de résolution des différends de la FIDIC:
« La Cour constate que le Tribunal Arbitral necessário peut varier dans ses formes,
compositions et règles de procédure selon le choix des parties. En outre, il est dissous après
avoir rendu sa décision. La Cour va cependant estimer, d'une manière un peu surprenante sur
le plan de la logique formelle, que « étant donné que ce tribunal a été institué sur une base
législative, qu'il dispose, à titre permanent, d'une compétence obligatoire et que, en outre, la
législation nationale définit et encadre les règles procédurales qu'il applique, il convient de
considérer que, en l'occurrence, la condition de la permanence est également remplie » (pt
24 ; italiques ajoutées). Si l'admission de la question préjudicielle en l'espèce semble aller de
soi, cette formule boiteuse ne peut réellement pas emporter l'adhésion. On aurait préféré que
la Cour assumât à propos de la permanence de l'organe en cause ici, l'idée selon laquelle les
critères organique posés par la jurisprudence Vassen Göbbels/Broekmeulen ne sont rien
d'autre qu'un faisceau d'indices, et que si l'essentiel d'entre eux est rempli, certains,
comme la permanence en l'espèce, peuvent vraiment apparaître comme accessoires. À cet
égard, on sait par exemple que le critère de la procédure contradictoire (rappelé au pt 16 de
l'arrêt, mais qui disparaît totalement de l'analyse de la Cour dans la suite de son examen)
est, dans l'appréciation qu'elle porte sur le caractère juridictionnel des instances de renvoi,
un critère des plus relatifs (V. par ex., CJCE, 29 nov. 2001, aff. C-17/00, De Coster, pt
14).On soulignera enfin que le recours de plus en plus fréquent à l'arbitrage, dans des litiges
d'importance considérable, qui peuvent impliquent l'application du droit de l'Union, devrait
peut être conduire la Cour à reconsidérer plus radicalement sa jurisprudence relative à ce
mode de règlement des différends dans la perspective d'une question préjudicielle. »482
-Conclusion: La CJUE adopte une approche pragmatique quant aux critères qu’elle a dégagés
pour déterminer la juridiction au sens de l’article 267 du TFUE. Il suffit donc que certains
481
A.RIGAUX, « Notion de juridiction », Europe, Avril 2014, n° 4, comm.150.
482
A.RIGAUX, « Notion de juridiction », Europe, Avril 2014, n° 4, comm.150.
298
critères soient remplis de nature à constituer un faisceau d’indices indiquant que le caractère
juridictionnel est avéré.
Nous considérons donc que cette approche peut servir à démontrer que le caractère
juridictionnel de la décision du comité de résolution des différends de la FIDIC est avéré. Le
caractère juridictionnel du comité de résolution des différends est généralement reconnu par
les professionnels. Au-delà de ces arguments, d’autres raisons justifient de la reconnaissance
plus importante du caractère juridictionnel du comité de résolution des différends tel
qu’imaginé par la FIDIC.
De plus le fait que la décision du comité puisse être révisée en totalité par une instance
arbitrale rappelle les voies de recours (notamment l’appel) devant les juridictions étatiques.
Pour le reste, la reconnaissance de ces critères ainsi que des autres facteurs permettraient de
« sécuriser » la reconnaissance de la décision du comité de résolution des différends par les
juridictions étatiques qui ne seraient pas familières avec ce mécanisme. L’affaire de la Cour
Suprême du Queensland a permis d’illustrer que les juges ne prenaient pas systématiquement
en compte les décisions du comité de résolution des différends de la FIDIC. Certains auteurs
s’en sont émus. La perception par les juges étatiques du caractère juridictionnel de la décision
du comité permettrait une meilleure prise en compte de celle-ci. Le même constat prévaut
devant les instances arbitrales.
299
α. Le caractère obligatoire
Le caractère obligatoire de la procédure relève de sa mise en place par les parties. Les parties
s’appuient sur le mécanisme de l’autonomie de la volonté qui se retrouve de manière
importante dans les contrats internationaux. Ainsi, à moins qu’il n’en ait été décidé autrement
par les parties, le recours au comité de résolution des différends constitue une étape
obligatoire préalable à l’arbitrage.
β. La célérité
La procédure devant le comité de résolution des différends se veut rapide. Les parties ont un
délai restreint de 84 jours pour rendre leur décision483. A cette fin, les membres du comité de
résolution des différends doivent avoir effectué les observations, recueilli les documents
nécessaires, auditionné les parties. Selon la forme choisie du comité de résolution des
différends par les parties (comité « permanent » ou « ad hoc »), l’efficacité de la procédure ne
sera pas la même. Un comité « permanent », désigné par les parties pour toute la durée du
projet, suivant régulièrement l’avancement des travaux rencontrera plus d’efficacité dans
l’accomplissement de sa mission qu’un comité « ad hoc ». Le suivi de l’avancement des
travaux confère un atout important aux membres du comité qui sont familiarisés aux aspects
du projet potentiellement « litigieux » dans ce délai court.
µ. Le caractère contradictoire
La procédure devant le comité de résolution des différends présente un caractère
contradictoire. En effet, la procédure permet à chaque partie de présenter ses observations, ses
prétentions quant au différend qui les oppose devant le comité de résolution des différends.
De plus, elle permet la libre discussion des parties devant le comité. Cette libre discussion
caractéristique du contradictoire se manifeste à plusieurs occasions. Les parties doivent saisir
de manière conjointe le comité de résolution des différends. Une copie de l’acte de saisine
doit être délivrée à l’ingénieur.
Les parties doivent ensuite agir de concert pour faciliter la mission du comité de résolution
des différends. Cela impliquer la communication de tous les documents nécessaires au comité
de résolution des différends nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Cela implique
483
FIDIC Red Book, 1st ed., 1999, p.60.
300
également la prévoyance d’un accès renforcé aux membres du comité de résolution des
différends de l’organisation de l’accès au site des travaux.
En vue de répondre à cette question, il convient de tenter de qualifier le principe (α.). Par la
suite, il détermine les critères nécessaires à la détermination du principe (β.). Il nous
appartiendra subséquemment de déterminer si les éléments précités s’appliquent aux
spécificités de la procédure devant le comité de résolution des différends (µ.).
α. La qualification de principe
P. MORVAN recourt à l’étymologie (1.) avant d’énoncer les différents versants du principe
dégagés par Lalande (2.)
1. Etymologie
Qu’est-ce qu’un principe ? Certains auteurs tels que P. MORVAN ont pris le parti d’effectuer
un important travail de définition de cette notion avec un succès certain.484 Pour tenter de
définir la notion de principe, nous reprendrons donc les principaux développements illustrés
par P. MORVAN dans ses écrits.485
« Principium : de primo (premier) et capere (prendre). Le princeps est celui qui prend la
première place, la première part, le premier rang... Il est le Prince, le chef, la tête, le soldat
de première ligne... Le principe est un commencement. » P. MORVAN détaille la trilogie de
sens établie par Lalande concernant le principe. Celui-ci possède trois versants :
métaphysique, logique et normatif.
484
P. MORVAN, Le principe de droit privé, thèse, Panthéon-Assas, 1999, 788 p. ;P. MORVAN, P. MORVAN,
blog P. MORVAN , Qu’est ce qu’un principe ? http://patrickmorvan.over-blog.com/article-6469413.html
485
P. MORVAN, blog P. MORVAN, Le principe en droit, le principe de droit , en ligne :
<http://patrickmorvan.over-blog.com/article-6469413.html>, accès : 21/Janvier/2015. Cet article de blog
constitue un résumé sommaire de la thèse de P. MORVAN, Le Principe de Droit Privé.
301
2. Versants
Le versant métaphysique a pour objet de déterminer les premiers principes (archaï) de la
science. « L’archon désigne alors aussi bien l’objet premier de la connaissance que l’acte
intellectuel donnant accès à celle-ci-La forme de la connaissance. »486
Le versant logique s’étend dans ce que P. MORVAN définit comme la « logique juridique ».
« Les principes de logique désignent, d’une part, un corps de règles issues d’une élaboration
méthodique, réfléchie, disposées dans un ordre systématique et, d’autre part, les axiomes
fondateurs de cet édifice rationnel. L’archétype de cette signification réside dans les
deux-cent onze regulæ ou maximes du titre 17 du livre 50 du Digeste (De diversis regulis juris
antiquis) codifiant, aux yeux des romanistes, les principia maximæ (ACCURSE) ou generalia
juris principia (J. CORAS), soit les véritables universaux du Droit. Les regulæ, produit de la
science du droit (dont les progrès ont davantage résulté de la sagesse de prudentes que de
l’esprit de géométrie, logico-déductif, bien que l’exaltation de la Raison au siècle des
Lumières ait occulté cette vérité), scellent l’association des principes et de l’œuvre
perpétuelle de mise en ordre du droit par la raison. »
Enfin, le principe a un versant normatif. Ces principes sont alors des normes juridiques
impliquant un devoir-être comme l’explique P. MORVAN. Il ne s’agit pas d’adages
d’interprétation qui eux relèvent de la logique formelle.
Les principes selon ce versant peuvent se diviser entre ceux ayant un rôle fondamental et
instrumental :
- Les principes ayant un rôle fondamental relève de leur versant normatif puisque P.
MORVAN démontre qu’ils viennent se substituer à des textes de lois et à une jurisprudence
existant mais jugés inadéquats ou inopportuns. Leur rôle premier n’est donc pas de combler
les lacunes d’un droit existant.
- Les principes ayant un rôle instrumental « ont pour fonction de déplacer des règles de droit
entre des ordres juridiques distincts, de servir de vecteurs formels à des normes
quelconques. »487 Ils sont utilisés pour pallier les carences d’un système qui en est pourvu à
un système qui le requiert. Par le biais d’un déplacement « horizontal » des principes d’un
486
P. MORVAN, blog P. MORVAN, en ligne : <http://patrickmorvan.over-blog.com/article-6469413.html>,
accès : 21/Janvier/2015.
487
P. MORVAN, blog P. MORVAN, en ligne : <http://patrickmorvan.over-blog.com/article-6469413.html>,
accès : 21/Janvier/2015.
302
ordre juridique à un autre, les systèmes juridiques admettent l’existence de principes
nouveaux.
Ces précisions apportées, examinons quels sont les critères nécessaires à la détermination
d’un principe.
488
P. MORVAN, Le principe de droit privé, thèse, Panthéon-Assas, 1999, 788 p. 356,n°408 et s
489
P. MORVAN, Le principe de droit privé, thèse, Panthéon-Assas, 1999, 788 p. 356,n°408 et s
303
µ. Application des critères du principe aux caractères de la procédure
A l’examen des contrats FIDIC et de la procédure devant le comité de résolution des
différents, les principes en sont apparemment absents (1.). Cependant des éléments nous
laissent supposer que ces principes existent potentiellement (2.).
A titre d’exemple, les parties s’obligent durant le cours de la procédure à faciliter l’accès aux
membres du comité à tous les documents et au chantier. La stipulation est précise, il parait
cependant difficile d’élever cette stipulation au rang de principe directeur de la procédure
devant le comité de résolution des différends. Le critère formel tel que décrit par P.
MORVAN n’apparait donc pas rempli dans le cadre de la procédure devant le comité de
résolution des contrats FIDIC.
Les deux critères formel et matériel étant cumulatifs, il serait envisageable d’arrêter la
discussion sur l’existence du principe à la seule absence du critère formel. Nous constaterons
cependant que l’examen du critère matériel appelle quelques développements.
490
P. MORVAN, Le principe de droit privé, thèse, Panthéon-Assas, 1999, 788 p.356,n°408 et s.
491
P. MORVAN, Le principe de droit privé, thèse, Panthéon-Assas, 1999, p357, 410 et s.
304
Les stipulations donnant à la procédure devant le comité de résolution des différends un
caractère contradictoire, de célérité se retrouvent dans d’autres instances, par exemple devant
certaines juridictions étatiques.
Ainsi, à titre d’exemple, l’obligation de respecter le contradictoire rayonne au-delà d’un seul
système juridique et se retrouve devant une multitude de juridictions. Il n’est pas cantonné à
un seul texte qui se contente de le reprendre. Au-delà de ce rayonnement, il déambule au
travers de plusieurs systèmes juridiques. Par exemple, le principe du contradictoire s’est
inviter en France devant des autorités administratives indépendantes.
Il n’en demeure pas moins qu’en absence du caractère formel il est difficile de caractériser
l’existence d’un critère matériel concernant la procédure devant le comité de résolution des
contrats FIDIC.
Nous conclurons donc à l’absence de critère matériel, comme cela est le cas l’absence de
critère formel. Cependant, à défaut d’avoir réussi à démontrer l’existence d’un critère
matériel, nous expliquerons en quoi nous considérons que la procédure de comité de
résolution des différends de la FIDIC représente un terrain favorable à la découverte de
principes.
305
Nous reprenons cette citation du Doyen Carbonnier : « La doctrine et la jurisprudence ont
formulé ces principes généraux. Mais elles ne les ont pas créées. Elles les ont trouvés en
suspension dans l’esprit de notre droit, tel que semblaient le leur révéler certains textes
fragmentaires. »492
Nous pensons que le principe du contradictoire, le principe dispositif sont « en germe » dans
les stipulations contractuelles régissant la procédure devant le comité de résolution des
différends de la FIDIC. Nous considérons également que d’autres principes sont latents au
sein de la procédure devant le comité de résolution des différends de la FIDIC. Ces derniers,
comme cela est le cas pour notre entreprise, pourraient effectivement être dégagés soit par la
doctrine, soit par la jurisprudence si l’occasion venait à s’en présenter. Ces principes parmi
d’autres sont réputés compter parmi ce qu’on appelle « les principes directeurs du procès »493.
« A première vue, la lecture des vingt-quatre articles qui le composent ne révèle rien de tel.
En réalité, il est nécessaire de se reporter aux traités et manuels de droit judiciaire pour
492
J.CARBONNIER, "Droit civil, Introductif", 1ere éd., PUF, 1955,n°29,p.101, cité par P. Morvan, "Le
principe de droit privé", thèse, Editions Panthéon Assas 1995,p.365, n°417.
493
J.CARBONNIER, "Droit civil, Introductif", 1ere éd., PUF, 1955,n°29,p.101, cité par P. Morvan," Le principe
de droit privé", thèse, Editions Panthéon Assas 1995,p.365, n°417.
494
P. MORVAN, Le principe de droit privé, thèse, Panthéon-Assas, 1999, p.524,n°568 et s.
306
prendre connaissance des « principes » sous-jacents dans ce corps règlementaire. Si l’origine
doctrinale de ces « principes directeurs » parait alors indubitable, leur dénomination de
« principes » semble usurpée495. »
L’auteur explique ensuite que les « principes directeurs » du procès forment un ensemble
indivis. Aucun de ces prétendus « principes » n’a de signification juridique autonome. Leur
valeur normative en est gravement obscurcie. En somme, les " principes directeurs (…)
demandent à être lus et considérés ensemble (…) Sur chaque point, il y a lieu de les
combiner496."
1) La difficulté de définir les « principes directeurs » du procès en tant que réels principes tels
que définis par P. MORVAN. Cependant dans le cadre de notre étude sur l’applicabilité de
ces principes directeurs à la procédure devant le comité de résolution des différends de la
FIDIC, nous prenons la décision d’utiliser tout de même ce qualificatif. S’inspirant du parti-
pris du professeur Bolard, nous nous concentrerons davantage sur la substance de ces
« principes » que sur leur qualification.497
2) La difficulté d'isoler un principe parmi les principes directeurs vu que ceux-ci devraient
être étudiés dans leur ensemble498. L’objet de ces développements va donc consister à voir si
ces principes directeurs ont vocation à s’appliquer à la procédure devant le comité de
résolution des différends de la FIDIC.
Cette réflexion est intéressante puisque l’application même des « principes directeurs » au
procès arbitral ne s’est pas faite immédiatement. La difficulté provenait du « caractère
composite » composite de l’arbitrage. L'arbitrage a en effet une nature « composite » :
495
P. MORVAN, Le principe de droit privé, thèse, Panthéon-Assas, 1999, p.524,n°568 et s.
496
P. MORVAN, Le principe de droit privé, thèse, Panthéon-Assas, 1999, p.524,n°568 et s.
497
G.BOLARD, «Les principes directeurs du procès arbitral», Revue de l'arbitrage, 2004, n° 3, p. 511.
498
Nous apportons toutefois une réserve à l’affirmation pertinente de P. MORVAN. A des fins pédagogiques ou
doctrinales ces « principes directeurs » sont parfois dissociés et étudiés séparément.
499
G.BOLARD, «Les principes directeurs du procès arbitral», Revue de l'arbitrage, 2004, n° 3, p. 511.
307
juridictionnelle, conventionnelle et privée. Certains auteurs résument parfois les trois
caractères précités en deux, estimant que le caractère privé découlait du caractère
conventionnel. La réflexion s’est poursuivie au sein de la doctrine jusqu’à pousser George
Bolard, professeur à la faculté de droit de Dijon, à commettre un article sur « Les principes
directeurs du procès arbitral500 ». Un nombre important de ces règles, telles que le principe
du contradictoire ou le principe dispositif ont été retenus, notamment par le législateur.
L’un des facteurs déterminants de cette application des « principes directeurs » au procès
arbitral demeure l’évidence du caractère juridictionnel de l’arbitrage qui lui est
« congénital501 ».
500
G.BOLARD, «Les principes directeurs du procès arbitral», Revue de l'arbitrage, 2004, n° 3, p. 511.
501
G.BOLARD, «Les principes directeurs du procès arbitral», Revue de l'arbitrage, 2004, n° 3, p. 511.
502
Pour un exemple de l'application des principes directeurs du procès au procès arbitral, l'article 1464 du code
de procédure civile : " Art. 1464.-A moins que les parties n'en soient convenues autrement, le tribunal arbitral
détermine la procédure arbitrale sans être tenu de suivre les règles établies pour les tribunaux étatiques.
« Toutefois, sont toujours applicables les principes directeurs du procès énoncés aux articles 4 à 10, au premier
alinéa de l'article 11, aux deuxième et troisième alinéas de l'article 12 et aux articles 13 à 21,23 et 23-1.
« Les parties et les arbitres agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de la procédure.
« Sous réserve des obligations légales et à moins que les parties n'en disposent autrement, la procédure
arbitrale est soumise au principe de confidentialité."
308
Une autre illustration de ce courant jurisprudentiel transnational affirmant le caractère
juridictionnel de la procédure ainsi que de la décision du comité de résolution des différends
est la décision du tribunal fédéral suisse en date du 07 Juin 2014503 qui a rendu une décision
similaire à la cour d'appel de Singapour. Malgré tous ces éléments, des techniques d'évitement
du recours au comité de résolution des différends existent.
503
Tribunal Fédéral Suisse, 1ère Chambre Civile, 04 Juin 2014, Décision numéro 4A_124/2014/
504
D. KONDEV, «Is dispute adjudication under FIDIC Contracts for Major Works a precondition for
arbitration», ICLR , 2014, vol. 3, p. 256 et s.
505
C.R SEPPÄLA rapporte (ICC Dispute Resolution Bulletin ICC Issue 1 2015, p.28) une sentence arbitrale CCI
(ICC Case 16083) selon laquelle le tribunal arbitral a validé le recours direct de l'une des parties à l'arbitrage car
l'article 20 organisant le mécanisme de résolution des différends du Livre Argent avait été modifié. Aux termes
de l'article 15 des conditions spéciales du contrat FIDIC objet du litige, le mécanisme de résolution des
différends prévoyait une procédure dite "en deux étapes": réclamation et arbitrage. La partie convoquée devant le
tribunal arbitral arguait du fait que la procédure devant le comité de résolution des différends était obligatoire.
309
générales des contrats FIDIC mais les conditions particulières des contrats FIDIC offrent la
possibilité aux parties de supprimer l'étape du comité de résolution des différends. Les parties
doivent cependant conférer à l'ingénieur les pouvoirs de décision du comité de résolution des
différends.
310
respecter au mieux la volonté des parties. C’est-à-dire qu’ils ne doivent pas se comporter
comme de simples témoins d’une volonté commune des parties qui peut être imparfaitement
retranscrite. Les arbitres doivent dépasser la lettre contractuelle, certainement quand celle-ci
n’est pas claire mais encore plus certainement quand celle-ci est claire en regardant également
l’attitude des parties après la conclusion du contrat. Dans l’affaire Sedgman par exemple,
l’une des parties s’étant pourtant engagée à passer devant le Comité de Résolution des
différends est allée intenter une action devant une juridiction étatique. Au final la Cour
Suprême de Queensland a connu en partie de l’affaire. Il y a donc possibilité, pour le moins,
d’ouvrir la discussion juridique sur ce point.
En réalité, les possibilités pour les juges arbitraux ou étatiques d’ignorer l’obligation de passer
d’abord par le Comité de Résolution des différends seraient encore plus réduites si le comité
de résolution des différends était considéré comme un usage du commerce international. De
plus ces possibilités se trouvent en opposition fondamentale avec le courant jurisprudentiel
transnational allant vers la reconnaissance de la décision de ces comités (cf supra).
Ces éléments exposés, il convient à présent de nous pencher sur la décision du comité de
résolution des différends.
B) La décision du comité
La décision du comité de résolution des différends a une nature spécifique (1). Des voies de
recours contre cette décision existent (2).
507
Les termes « finale » et « contraignante » relèvent d’une traduction de l’auteur de ces lignes des termes
anglais « Final » and « Non binding ». Elle est par nature perfectible. Une traduction alternative au terme
« finale » pourrait être « en dernier ressort » ou "définitive".
311
effet (autrement dit, de l’exécuter) « promptement »508 après le rendu de celle-ci. L’article
20.4 apporte une exception à cette obligation d’exécution de la décision de manière prompte :
le fait que cette décision fasse l’objet d’une procédure amiable ou d’un arbitrage. Ces
procédures ont un effet suspensif sur le caractère contraignant de la décision du comité de
résolution des différends. Dans tous les autres, la décision du comité de résolution des
différends a un caractère contraignant immédiat par les parties.
Ce caractère contraignant se retrouve également confronté par des sentences arbitrales et par
les décisions de juridictions étatiques précitées confirmant le caractère contraignant de la
décision du comité de résolution des différends509. Les parties ayant agrée à la procédure
devant le comité de résolution des différends de la FIDIC et portant leur différend devant un
tribunal arbitral ou une juridiction étatique risquent de manière quasi-certaine de se voir
opposer l'incompétence de ces tribunaux pour ce même motif.
Si la décision a un caractère contraignant dès sa notification aux parties, elle ne devient pas
pour autant immédiatement définitive
508
Le terme « Promptement » relève également de la traduction du terme anglais « promptly » contenu dans la
version anglaise des contrats FIDIC. Nous considérons toutefois que ce terme est imprécis et nous lui
préfèrerions dans l’idéal le terme de « meilleurs délais » qui semble plus adapté.
509
Tribunal Fédéral Suisse, 1ère Chambre Civile, 04 Juin 2014, Décision numéro 4A_124/2014/
510
Exception faite concernant les contrats inspirés du Livre Rose (qui autorise une dérogation pour le lieu et les
modalités de l'arbitrage à Singapour).
312
2) Les recours contre la décision du comité de résolution des différends
Il s'agit tout d'abord de l'arbitrage (a) ainsi que du recours aux tribunaux étatiques (b).
a) L'arbitrage
Les parties à un contrat FIDIC souhaitant recourir à l'arbitrage doivent respecter certaines
conditions (i). Ces conditions ont amené la doctrine à s'interroger sur ces conditions (ii).
i) Les conditions pour accéder à l'arbitrage pour les parties au contrat FIDIC
Les parties à un contrat FIDIC ne peuvent recourir à l'arbitrage que si elles ont respecté la
procédure de résolution des différends mise en place par la FIDIC (cf supra). Une fois ces
étapes respectées, l’article 20.6 des différents Livres de la Suite Arc-en-Ciel des contrats
FIDIC, « à moins d’une résolution amiable, tout litige relatif à la décision du Comité de
Résolution des Différents non définitive et contraignante pourra faire l’objet d’un arbitrage
international511.»
511
Livre Rouge de la FIDIC, article 20.6.
512
C. SEPPÄLA, «The arbitration clause in FIDIC contracts for major works», ICLR, 2005.
313
procédure contentieuse devant une juridiction civile classique, la contre-réclamation peut être
soulevée lors de l’arbitrage.
Du point de vue de l’auteur, la contre-réclamation si elle existe doit également passer le filtre
des six étapes à moins que l’entrepreneur ne puisse démontrer que la contre-réclamation
s’inscrivait au préalable dans le champ d’application d’une question traitée par un Comité de
Résolution des Différends. Nous approuvons ce point de vue, appuyé selon nous par plusieurs
arguments de nature juridique et morale.
En ce qui concerne les arguments de nature juridique, il est important de faire référence à une
règle connue en droit français qui est le parallélisme des formes. Ainsi, à titre d’exemple, dans
la procédure civile de droit français, la demande introductive d’instance et la demande
reconventionnelle doivent remplir les mêmes conditions de forme et de fond. De plus, ce n’est
que parce que le code de procédure civile français prévoit les différents types de demandes
qu’il est possible d’introduire une demande reconventionnelle après le dépôt par le demandeur
de la demande introductive d’instance. Ainsi, d’un point de vue français et civiliste, il
n’apparait ainsi pas justifié sur le plan juridique du point de vue d’un juriste français que la
contre-réclamation ne passe également pas le filtre du Comité de Résolution des Différends
puis celui de potentielles méthodes de résolution.
Le deuxième argument de nature juridique est que l’admission de contre-réclamations sans
passage préalable par les étapes précitées est contraire à l’esprit du processus mis en place par
la FIDIC. Si les parties ne sont plus tenues de passer par le Comité de Résolution des
Différends pour pouvoir présenter discuter de ces arguments devant une juridiction arbitrale,
quelle est alors l’utilité de disposer d’un Comité de Résolution des Différends ? Les parties
préfèreront d’une part économiser les frais de convocation et de tenue de consultations du
Comité de Résolution des Différends. Elles les limiteront aux rendez-vous trimestriels
convenus préalablement à tout litige, ce qui fera baisser le coût des procédures. D’autre part,
les parties préfèreront économiser leurs arguments (et leur argent) pour les audiences devant
la juridiction arbitrale. Ceci est contraire à l’esprit de la procédure mise en place par la FIDIC,
basée sur la transparence, la communication continue des parties tout au long du projet.
Enfin, le dernier argument, qui est de nature moral, est la conséquence logique au second
argument juridique avancé. L’admission des contre-réclamations sans passage préalable par le
Comité de Résolution des Différends détériore le lien de confiance entre les parties. Ainsi, les
parties se retrouvent dans la situation que la FIDIC tenait initialement éviter, c’est-à-dire
retrouver le contrat passé entre les parties non plus comme un instrument de coopération
314
opérationnel en vue de réaliser dans les meilleurs conditions le projet envisagé mais comme le
reflet d’un rapport de forces entre les parties.
Synthèse
L'étude des mécanismes de résolution des différends spécifiques aux contrats FIDIC est riche
d'enseignements: la création par les acteurs de la construction d'une structure pour la
résolution de leurs différends (§1) appartenant à un droit transnational de la construction (§2).
513
Comme nous l'avons cependant souligné, dans des secteurs autres que le génie civil tel l'électrotechnique ou
l'électromécanique, la "détermination" de l'ingénieur demeure un mode de résolution des différends très prisé par
les acteurs pour sa confidentialité et de par le fait qu'il inclue les acteurs déjà présents sur le projet. Cela n'est pas
le cas du comité de résolution des différends qui souffre parfois d'une image de contentieux pré-arbitral.
315
contredite par des décisions contraires. Il n'en demeure pas moins que la création, la
procédure et la décision rendue par le comité de résolution des différends de la FIDIC
constituent des éléments importants dans la démonstration qui est la nôtre. Il parait donc
exister un droit transnational de la construction s'appliquant aux acteurs du secteur de la
construction internationale. L'appartenance du comité de résolution des différends à ce droit
transnational de la construction est également confirmée de manière indirecte par une action
récente de la CCI. En effet, cette dernière a récemment édité les nouvelles règles relatives au
"Dispute Board"514. Cette structure est proche du comité de résolution des différends de la
FIDIC mais s'en différencie dans la mesure où le choix est offert aux parties du caractère
contraignant ou consultatif de la décision ou de l'avis rendu par lui. Le travail effectué par la
FIDIC pour moderniser le système du "Dispute Board" est symbolique au vu de l'importance
de la CCI dans la vie des acteurs du commerce international. La CCI est également
fondamentale pour les acteurs de la construction internationale puisqu'elle constitue, par les
arbitrages rendus selon ses règles, une source importante. Il s'agit notamment des sentences
arbitrales qui viennent interpréter les stipulations des contrats FIDIC.
Chapitre 2 Les mécanismes généraux de résolution des différends des contrats FIDIC
Les contrats FIDIC prévoient également le recours aux mécanismes généraux de résolution
des différends. Si la médiation (§1) n'est pas citée, l'arbitrage l'est en revanche (§2). Dans la
pratique, les parties recourent également à la justice étatique (§3).
§1La médiation
La médiation515 fait partie des mécanismes généraux de résolution des différends qui peuvent
être utilisés dans le cadre des contrats FIDIC. Etudions la notion de médiation (I) avant d’en
voir le régime (II).
514
http://www.iccwbo.org/Training-and-Events/All-events/Events/2015/Global-Launch-of-the-New-ICC-
Dispute-Board-Rules/
515 L’auteur de ces lignes a participé à une compétition internationale de médiation à destination des étudiants
organisée sous l’égide de la Chambre de Commerce Internationale en 2012 au siège de la CCI à Paris.
316
I) La notion de médiation
Définissons la médiation (A) avant d’en décrire quelques caractères (B).
A) Définition
La médiation est un Mode Alternatif de Règlement des Litiges ou des Conflits (MARL ou
MARC). Par mode alternatif de règlement des litiges, il convient d’entendre les modes de
règlement par lesquels les parties elles-mêmes trouvent ou tentent de trouver une solution à
leur conflit. Elles peuvent le faire en personne ou être représentées par un tiers.
L'utilisation de ces MARL est indirectement encouragée par l'article 20.5 des contrats FIDIC:
"Lorsqu'un avis de désaccord a été rendu selon la Sous-Clause 20.4 susmentionnée, les deux
parties doivent essayer de régler le litige à l'amiable avant d'entamer la procédure
d'arbitrage516." Il convient donc pour les parties d'utiliser les techniques de résolution des
différends pour arriver à un accord, dont la conciliation et la médiation.
Les définitions de la médiation sont multiples mais celle donnée par l’article 1530 du code de
procédure civile français se révèle être pertinente. « La médiation et la conciliation
conventionnelles […] s’entendent de tout processus structuré par lequel deux ou plusieurs
parties tentent de parvenir à un accord en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la
résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers choisi par elles qui accomplit sa
mission avec impartialité, compétence et diligence517 »
Il convient ici de souligner que la conciliation « dans un sens générique […] englobe à elle
seule tous les autres modes amiables de règlement des conflits et, en particulier la
médiation518 » La différence s’établit entre la conciliation et la médiation par une différence
d’implication du tiers chargé de mener la médiation ou la conciliation.
Au sein de la médiation, le médiateur tient un rôle extérieur. Il écoute les parties, peut
éventuellement donner son opinion mais ce sont les parties qui gardent l’initiative des
propositions et de la décision à prendre pour régler leur conflit.
516
FIDIC, Pink Book, 2010, p.67
517
M.DOUCHY-OUDOT et J.JOLY-HURARD, Médiation et conciliation, Répertoire Procédure Civile Dalloz,
2013.
518
M.DOUCHY-OUDOT et J.JOLY-HURARD, Médiation et conciliation, Répertoire Procédure Civile Dalloz,
2013.
317
décision. La différence résulte dans le fait que le conciliateur a la capacité de présenter aux
parties une proposition qu’ils peuvent reprendre à leur compte en vue de résoudre leur
problème.
Il ne s’agit pas ici d’une transaction. La transaction est « un contrat nommé par lequel les
parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître519. »
Ces précisions apportées, tentons de décrire les caractères utiles de la médiation par rapport à
notre étude des contrats FIDIC.
B) Caractères
La médiation n’a pas de caractère juridictionnel (1). Elle prolonge toutefois l’esprit du comité
de résolution des différends (2).
Ce sont les parties qui décident conventionnellement de recourir à la médiation. Elles peuvent
nommer un médiateur d’un commun accord ou choisir de recourir à un organisme disposant
de listes de médiateurs et obéissant à un règlement.
519
M.DOUCHY-OUDOT et J.JOLY-HURARD, Médiation et conciliation, Répertoire Procédure Civile Dalloz,
2013.
520
C.PEULVE, «Conciliation et médiation : des jumeaux… vrais ou faux», La Gazette du Palais, 28 Juin 2011,
n° 179, p. 17.
521
L.CADIET, « Construire ensemble une médiation utile », La gazette du palais, 18 Juillet 2015, n° 199, p. 10.
318
A titre d’exemple, la FIDIC dispose d’une liste de médiateurs. La Chambre de Commerce
Internationale (CCI) a émis un règlement concernant la médiation et la conciliation522.
Certains contempteurs de la médiation telle que proposée par la CCI estiment qu’une
médiation organisée sous l’égide de la CCI constitue un premier vers l’arbitrage. L’arbitrage
constitue le mode de règlement « normal » des litiges internationaux. La médiation tente
justement d’éviter le recours à celui-ci. En cela, la médiation s’insère de manière satisfaisante
dans le processus de résolution des différends mis en place par la FIDIC. Elle prolonge
l’esprit du comité de résolution des différends.
De plus, divers facteurs peuvent provoquer des retards dans les travaux, ce qui engendre une
demande d'augmentation des délais et une augmentation des coûts, ce qui génère
fréquemment les tensions différentes parties au contrat FIDIC.
Parmi ces facteurs de tension se situe notamment la suspicion entourant les décisions de
l’ingénieur quand celui-ci est sollicité sur les questions de retard ou sur les difficultés d’accès
au site. L’ingénieur est rémunéré par le maître d’ouvrage qui maîtrise l’accès au chantier et
qui peut parfois être la cause de retards préjudiciables pour l’entrepreneur qui se voit dans
l’obligation d’augmenter les coûts. Des tensions peuvent se cristalliser à ce moment là.
L’ingénieur est donc dans une situation difficile puisqu’il est amené à prendre une décision
sur une question concernant la personne qui l’emploie, le maître d’ouvrage.
522
Le nouveau règlement de médiation de la CCI publié en 2012 est entré en vigueur le 1er Janvier 2014 en
remplacement du règlement sur les modes alternatifs de résolution des conflits de 2001.
319
La procédure devant le comité de résolution des différends de la FIDIC n’est pas en reste dans
la génération potentielle de facteurs de tension. Si son objectif est bien de résoudre le
différend entre les parties dans un esprit de pragmatisme et d’efficacité, le comité prend tout
de même une décision en faveur d’une partie. Une nouvelle fois, des moments de tension, de
conflit, des rancœurs peuvent se cristalliser.
La FIDIC laisse donc un délai de 56523 jours pour que les parties puissent tenter de résoudre
leur différend à l’amiable avant de recourir à un tribunal arbitral. La possibilité d’utiliser les
modes alternatifs de résolution tels que la médiation des conflits est donc intéressante dans la
perspective d'éviter l'arbitrage pour les parties à un contrat FIDIC.
Dans l’objectif du succès de la médiation, les médiateurs doivent également faire preuve de la
plus grande transparence possible. Cette nécessité de transparence est également présente
concernant la procédure devant le comité de résolution des différends. Une bonne
connaissance du dossier est également nécessaire pour arriver à un résultat rapide et concret,
comme cela est le cas devant le comité de résolution des différends.
523
FIDIC Conditions of Contract for Construction for Building and Engineering Works Designed by The
Employer (Red Book), 1ere éd., FIDIC, 1999, p. 61.
524
Il convient cependant de noter que les spécialistes des contrats FIDIC (dont notamment C.R Seppäla) ne sont
pas particulièrement enthousiastes quant au délai de 56 jours pour une utilisation des MARC. La logique de ces
réserves se comprend: le comité de résolution des différends est une instance se réunissant de manière régulière
dans le but de résoudre le différend des parties sans que celles-ci aient besoin d'aller à l'arbitrage. Pour les
tenants de cette ligne, l'utilisation des MARC ne risque au mieux de n'être pas couronnée de succès. Au pire, elle
pourrait être considérée comme une "perte de temps". Nous ne partageons pas cette opinion et considérons que la
médiation peut réellement aider les parties à résoudre le différend qui les oppose et ainsi leur éviter de recourir à
l'arbitrage. La condition au succès de cette médiation est qu'elle soit faite avec sérieux par des médiateurs
compétents. Il faut aussi que les parties aient la volonté d'un accord et la volonté de renoncer à un arbitrage, ce
qui n'est pas toujours le cas.
320
Les formats possibles de la médiation sont multiples et extrêmement variés. Il est cependant
intéressant de constater la similarité des débats concernant le format et la durée de la
médiation avec celle du comité de résolution des différends de la FIDIC. Pour illustrer cette
similarité, nous avons décidé, à la suite de F.VERMEILLE et P.M. GENTON de nous
intéresser à deux techniques de médiation particulières. Nous avons en effet choisi525 de nous
intéresser à deux régimes fréquents adoptés par les parties pour la médiation : la médiation
« coup de poing » et la médiation « à étapes successives.»
« Les parties donnent instruction au médiateur de procéder à une médiation dans un laps de
temps continu et limité (par exemple 2 à 3 jours de négociation indirecte), ce qui n’exclut pas
la nécessité d’une période de préparation plus ou moins longue.
Les parties se mettent ainsi sous pression en convenant, tacitement ou non, qu’en cas d’échec
de la médiation, la prochaine étape sera le recours à l’arbitrage dans un délai fixé527. »
525
F.VERMEILLE ET P.M. GENTON ont commis un brillant et complet article que nous citons à diverses
reprises dans cette partie. Ce sont en réalité eux qui ont relevé ces deux méthodes de médiation. Nous avons
trouvé que celles-ci étaient éminemment pertinentes et qu’elles constituaient un prisme intéressant de la pratique
de la médiation sur les projets de construction internationaux. Cela explique notre choix de nous intéresser à
notre tour à ces deux techniques.
526
F.VERMEILLE et P.M.GENTON, «"Soft and hard dispute resolution": quelques réflexions et expériences
pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
527
F.VERMEILLE et P.M.GENTON, «"Soft and hard dispute resolution": quelques réflexions et expériences
pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
321
Comme pour les étapes précédentes du système de résolution des différends de la FIDIC, la
connaissance du dossier et donc la préparation sont des éléments clés de la réussite de la
médiation. Il conviendra donc pour une médiation dans le cadre d'un contrat FIDIC de
désigner des médiateurs qui auront soit une expérience avérée dans la gestion de résolution de
différends pour des projets similaires. En cas contraire, il conviendra de désigner des
médiateurs capables de s'adapter très rapidement à la situation au vu du court délai proposé
pour le règlement amiable du différend. La nomination des médiateurs est donc d'une
importance cruciale (cf infra).
Les deux experts attestent en outre de la nécessité d’une préparation en amont de la médiation
au travers de certains cas qu’ils exposent.
"Les deux médiateurs désignés, après avoir brièvement pris connaissance des prétentions
écrites des parties, avaient la mission de tenter une médiation en l’espace de 2 jours
seulement. Après avoir entendu les parties durant la première journée, les médiateurs ont
tenté dans la seconde journée tout d’abord d’exprimer leur opinion d’un point de vue
qualitatif. Ils ont par la suite requis des propositions chiffrées qui, malgré leurs efforts
répétés, n’ont pas pu conduire à un règlement transactionnel. Cette tentative s’est donc
soldée par un échec. Quatre mois plus tard, les parties ont cependant transigé sur un montant
peu différent de celui suggéré dans le rapport motivé des médiateurs.
L’enseignement tiré de cette intervention est qu’une médiation en coup de poing ne donne
guère de résultat immédiat. Si le cas A s’est finalement soldé par une transaction, c’est, d’une
part parce que le rapport motivé des médiateurs a influencé l’attitude des parties, mais
528
F.VERMEILLE et P.M.GENTON, «"Soft and hard dispute resolution": quelques réflexions et expériences
pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
322
surtout du fait que chacune des parties se sent obligée de protéger ses intérêts futurs face à
l’autre.529 »
Après avoir rapporté cette expérience, nous tenterons de l’analyser en vue d'une application
de cette technique dans le cadre de la procédure de résolution des différends mise en place par
les contrats FIDIC.
3) Analyse
Les auteurs530 retiennent trois éléments essentiels pour la réussite d’une médiation : la volonté
réelle des parties de parvenir à un accord (a) ; une connaissance suffisante du dossier (b) ; un
haut degré de compétence (c).
La volonté des parties va également permettre de mettre de côté tous les sentiments parasites
de nature à entraîner un échec de la médiation, à ne pas vouloir trouver de solutions au
différend.
Dans le cadre des contrats FIDIC, il est très important que les parties aient une réelle volonté
de parvenir à un accord durant le délai de 56 jours qui leur est octroyé. Sinon ce délai ne
servira qu'à préparer les cas pour l'arbitrage. Cette volonté est également difficilement
atteignable parce que la décision du comité de résolution des différends aura favorisé l'une ou
l'autre des parties. Les cas qui iront devant l'arbitrage seront des cas où l'une des parties
estimera avoir raison malgré tout, se sentira lésée. Il sera donc difficile pour les parties de
parvenir à un accord mais le coût de la tentative sera à coup sûr moins élevé que le coût de
l'arbitrage.
529
F.VERMEILLE et P.M.GENTON, «"Soft and hard dispute resolution": quelques réflexions et expériences
pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
530
F.VERMEILLE et P.M.GENTON, «"Soft and hard dispute resolution": quelques réflexions et expériences
pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
323
b) La connaissance du dossier par les médiateurs
Le second élément est une connaissance très poussée du dossier de la part du médiateur
comme nous venons de l’indiquer. Pour s’aider, les médiateurs pourront s’inspirer du travail
de fond effectué d’une part l’ingénieur, d’autre part par le comité de résolution des différends
de la FIDIC qui a motivé sa décision et suivi de manière régulière l’avancée des travaux.
La présente affirmation peut paraître relever de l’évidence, mais les médiateurs se retrouvent
souvent confrontés à des situations complexes relevant de projets eux-mêmes complexes. Il
conviendra donc pour les médiateurs d'obtenir une grande connaissance du projet soit en
sollicitant les acteurs concernés soit en ayant l'expérience précédente de projets similaires. Le
succès dépendra en grande partie de leur haut degré de compétence.
Concernant les connaissances techniques, les médiateurs doivent à l’évidence avoir une
certaine connaissance des enjeux techniques des projets de construction sur lesquels ils sont
appelés en tant que médiateurs. Cela nécessite une formation dans un des domaines en jeu du
projet (gestion, finance, construction, droit) ainsi qu’une certaine sensibilisation quant aux
autres domaines. Il s’agit également d’avoir des connaissances avérées en techniques de
médiation à proprement parler. Tous ces éléments sont cruciaux pour le succès de la mission
de la médiation dans le cadre d'un contrat FIDIC.
531
F.VERMEILLE et P.M.GENTON, «"Soft and hard dispute resolution": quelques réflexions et expériences
pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
324
Enfin la déontologie est peut-être le plus important des critères de compétence du médiateur.
Il est le fondement même de la confiance des parties envers le ou les médiateurs et envers le
processus de médiation de manière générale. Par déontologie on entend « l’ensemble des
règles et des devoirs qui régissent une profession, la conduite de ceux qui l’exercent, les
rapports entre ceux-ci et leurs clients et le public. »532
Selon les auteurs précités l’obligation de confidentialité est essentielle et doit être respectée
dans la mesure du possible en toutes circonstances. Les auteurs indiquent ainsi que dans le cas
où les médiateurs seraient cités devant un tribunal arbitral, ceux-ci ne devraient pas révéler les
propositions chiffrées auxquelles les parties auraient abouti. Cela peut se comprendre dans la
mesure où dans le cadre de la médiation, les parties font des efforts pour aller l’une vers
l’autre. Les révélations du ou des médiateurs seraient susceptibles de révéler les compromis
acceptés par les parties, ce qui aurait pour effet de les crisper. Cela se révèlerait contre
productif au final pour tous. Le respect de l’obligation de confidentialité est donc crucial.
Aux côtés de la technique de médiation "coup de poing", les auteurs précités ont relevé une
autre technique qui se révèle être plus productive, la médiation « par étapes successives ».
1) Définition
« Les parties tentent de présenter leurs arguments en toute sérénité, de les étayer au besoin
progressivement, de discuter avec le médiateur en toute ouverture les points forts et faibles du
cas posé. Le médiateur devient un quasi « confesseur » de chacune des parties et aura le
redoutable privilège d’utiliser les confidences recueillies en aparté, sans pour autant révéler
532
LAROUSSE, Editions Larousse, en ligne :
<http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/déontologie/23671>.
325
à l’autre partie des arguments qu’elle serait à même d’utiliser, en cas d’échec, dans un
arbitrage (par exemple, le montant sur lequel une partie est prête à transiger). »533
Les auteurs précités en apportent la preuve au travers de deux études de cas que nous
reprenons ici.
a) La livraison d'usine
Reprenons l’exposé du cas (i) avant de le commenter (ii).
i) Exposé du cas
P.M. GENTON et F. VERMEILLE exposent le cas:
« Dans le cas B (industrie lourde en Europe Centrale- différend entre acheteur et vendeur), le
médiateur a démarré son intervention dans une atmosphère lourde et difficile, ou seul le
principe de la médiation a pu être convenu, les parties ayant décliné, au cours de la première
réunion, de présenter leur position en présence de l’autre partie (trop d’émotions mises à
nu !). Le profond désaccord ayant trait aux garanties de performance et à la qualité des
produits fabriqués, le médiateur a alors procédé sans délai à une première visite
contradictoire de l’usine. D’une façon liminaire, la position des parties se présentait comme
533
F.VERMEILLE et P.M.GENTON, «"Soft and hard dispute resolution": quelques réflexions et expériences
pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
534
FIDIC Conditions of Contract for Construction for Building and Engineering Works Designed by The
Employer (Red Book), 1ere éd., FIDIC, 1999.
326
suit : l’une des parties estimait que l’installation réalisée ne fonctionnait pas alors que l’autre
partie estimait que la main-d’œuvre n’était pas apte à faire fonctionner l’unité.
A la suite de ces réunions et d’une analyse des documents fournis, le médiateur a suggéré aux
parties de procéder à un nouveau test de performance, réalisé seul par l’acheteur et
concentré sur 3 jours, seul moyen lui permettant d’apprécier sérieusement la situation et
d’apprécier concrètement les parties. Le vendeur était présent mais n’étant pas autorisé à
faire de quelconques observations. L’obligation a posteriori de tels essais requiert des
préparatifs préalables non négligeables, notamment une remise en état des installations et la
mobilisation, par le médiateur, de plusieurs inspecteurs (permettant d’identifier en continu-
toutes les 6 minutes- ce qui s’était passé pendant l’année à chacun des postes importants).
Après ces essais et une analyse des produits fabriqués, le médiateur a de nouveau rencontré
chacune des parties séparément. L’objectif de ces réunions était la présentation détaillée des
résultats et de l’opinion préliminaire du médiateur. Une discussion ouverte s’est alors
engagée entre le médiateur et chacune des parties séparément. Chaque partie a ainsi pu
encore présenter son point de vue sur la base des résultats obtenus.
Sur la base du document final déposé après 4 mois d’intenses négociations déposé après 5
mois d’intenses travaux, les parties ont été alors en mesure de régulariser une situation qui
s’était détériorée depuis plus d’une année à l’issue du test de performance contesté. »535
Tout d’abord les parties ont dépassé leurs rancœurs personnelles pour dans un premier temps
s’accorder sur le fait de recourir à la médiation. Ensuite, elles se sont accordées sur la
désignation d’un médiateur compétent, qui a su dissiper ses rancœurs et remonter à l’issue du
problème en organisant ce test de performance. Le médiateur a veillé par ailleurs à respecter
tout au long des sessions de médiation à recueillir les avis et les observations des parties. Il a
établi un rapport préliminaire avant le rapport final. Ce sont autant de pratiques qui ont permis
de rétablir le dialogue entre les parties qui à terme, ont pu résoudre leur problème et aller de
l’avant.
535
F.VERMEILLE et P.M.GENTON, «"Soft and hard dispute resolution": quelques réflexions et expériences
pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
327
Nous remarquons que le délai de la session de médiation a été assez long pour lui permettre
d’aboutir. Ce délai est supérieur aux 56 jours prévus par la FIDIC. Ce délai peut tout d’abord
être prolongé ou modifié par commune volonté des parties.
Ensuite, le délai de 56 jours constitue une base de départ pour tenter de rapprocher les
positions des parties en vue d’une reprise du dialogue. Ainsi, même si la médiation n’aboutit
pas forcément.
i) Exposé du cas
Un second cas relevé par F.VERMEILLE et P.M.GENTON concerne un « complexe
industriel en Afrique du Nord –Différend entre acheteur/exploitant et vendeur, les parties
avaient déjà engagé une procédure d’arbitrage CCI. Le tribunal arbitral avait été constitué
en Février avec la désignation concomitante, les parties avaient déjà engagé une procédure
d’arbitrage CCI. Le tribunal arbitral avait été constitué en Février avec la désignation
concomitante d’un expert. En Mars, les parties ont décidé de geler l’arbitrage et de confier à
l’expert déjà désigné une mission d’amiable compositeur dans le cadre d’une mission à
définir. A fin Juin, les parties se mettaient d’accord sur cette mission que l’amiable
compositeur a commencé en entendant les parties et en visitant le site. Fin Novembre, soit
cinq mois plus tard, un accord transactionnel était signé, après deux journées de discussion
avec les parties et à l’aube d’une troisième journée, après une éprouvante nuit d’intense
négociation tripartite, conduite par le médiateur assisté de deux de ses confrères.
536
F.VERMEILLE et P.M.GENTON, «"Soft and hard dispute resolution": quelques réflexions et expériences
pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
328
Le processus de médiation par étapes successives s’est ainsi achevé avec succès par une
négociation du style « coup de poing ». L’expert amiable s’est vu en outre confier une mission
subséquente pour le contrôle de la parfaite exécution de l’accord qui a effectivement eu lieu
sans difficulté. Quels furent les facteurs ayant contribué à cet heureux dénouement ?
-La négociation par des responsables désignés au plus haut niveau de chaque partie et munis
de pleins-pouvoirs (les avocats étant principalement intervenus lors de la rédaction de
l’accord transactionnel537) ;
-La foi dans la valeur d’une médiation et la ferme volonté de parvenir à un accord ;
-Le choix d’un expert généraliste qui s’est entouré de deux sapiters compétents.
De la part du médiateur,
-La recherche d’un « win-win game » à l’avantage de chacune des deux parties, par
identification des objectifs stratégiques que chacune visait par la procédure de médiation ;
-De par sa formation de généraliste, la mise en balance de problèmes d’ordre textile avec des
difficultés liées à la nature du sol engageant la responsabilité du maître d'ouvrage ;
-La connaissance des cultures respectives des parties et la conduite des réunions en
conséquence. »538
ii) Commentaire
Le résumé des auteurs étant clair, nous nous concentrerons sur certains facteurs de succès qui
nous semblent applicables à la médiation dans le cadre du processus de résolution des
différends de la FIDIC.
537
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pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
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pratiques dans le cadre de grands projets», RDAI/IBLJ, 1998, n° 2, p. 131.
329
Il s’agit de l’implication personnelle des dirigeants ensuite. Enfin, le fait que les avocats ne
soient intervenus qu’au moment de la rédaction de l’acte transactionnel semble également être
une bonne chose. Qu’il nous soit permis de dire ici à quel point nous respectons toutes les
parties ainsi que leurs conseils. Les avocats ont d’abord et avant tout une mission de conseil
dans le cadre des contrats de construction FIDIC.
Cependant, parfois, dans la bonne volonté de vouloir remplir au mieux leur devoir de conseil,
il peut arriver à certains acteurs en présence d'adopter une attitude peu concordante à l’esprit
de compromis devant nécessairement présider à la médiation au vu de son succès. Dans le
même esprit, les conseils juridiques des parties interviennent opportunément après
l’aboutissement du compromis. Leur mission est de retranscrire au mieux la volonté des
parties tout en préservant les intérêts respectifs de ces dernières.
En conclusion, la médiation est une technique d’une grande utilité en vue d’éviter le recours à
l’arbitrage et mérite pleinement sa place dans les outils prévus dans le système de résolution
des différends prévus par la FIDIC.
Il convient de revenir brièvement sur la place de l'arbitrage dans les contrats FIDIC.
§2 L’arbitrage
L'arbitrage constitue la dernière étape du système de résolution des différends mis en place
par la FIDIC (cf supra). Elle constitue l'option prévue par la FIDIC en tant que mode fréquent
de résolution des conflits internationaux. La FIDIC essaye cependant de présenter l'arbitrage
comme un ultime recours en cas d'échec du comité de résolution des différends à régler le
différend pendant entre l'entrepreneur et le maître d'ouvrage.
Ces sentences arbitrales notamment celles rendues par l'égide de la CCI et pour un certain
nombre d'entre elles, sont relatées et commentées au travers du Bulletin de la CCI. Cette
médiatisation est profitable à l'ensemble de la communauté des utilisateurs en vue de
poursuivre le travail d'amélioration des contrats FIDIC. Il convient, à la suite de C.R. Seppäla,
de féliciter et d'encourager la FIDIC à publier des extraits récents (2014-2015) des sentences
CCI relatives aux contrats FIDIC. Ainsi qu'il l'affirme, "ces extraits seront utiles non
seulement aux utilisateurs de ces contrats et aux tribunaux appelés à en interpréter les
stipulations, mais également à la FIDIC dans son effort continu de mise à jour et
330
d'amélioration de ses contrats afin qu'ils continuent de représenter et d'aider à promouvoir
les bonnes pratiques du secteur de la construction internationale539".
Il est évident qu'il convient de pondérer les bienfaits de la diffusion des sentences avec les
autres intérêts tout à fait compréhensibles des autres parties en présence ainsi que de leurs
conseils. Les conseils des parties rémunèrent des prestations de service offerts par les
différents acteurs du conseil (notamment juridiques). Les conseils juridiques effectuent
quelques amendements à ces contrats pour augmenter leur efficience. Cette efficience et ses
résultats sont l'objet d'une concurrence entre les cabinets d'avocats et les différents services
juridiques, ainsi que leurs clients parties aux contrats FIDIC.
Les réunions des utilisateurs des contrats FIDIC permettent de faire circuler les informations
relatives aux contrats FIDIC de manière informelle, tout en garantissant le respect de la
confidentialité des affaires traitées par les conseils, notamment juridiques.
Cette publicité de décisions relatives à la FIDIC s'effectue avec plus de force concernant les
décisions rendues par les tribunaux étatiques concernant les contrats FIDIC.
539
C.R Seppäla, "Commentary on Recent ICC Arbitral Awards dealing with Dispute Ajdudicaion Boards under
FIDIC Contracts", ICC Dispute Resolution Bulletin 2015 Issue 1, p.34.
540
Nous utilisons l'expression "justice étatique" en tant qu'appellation générique des tribunaux nationaux.
541
C.R.Seppäla, Persero contributes to a better understanding of the FIDIC Disputes Clause, ICLR 2015,
Vol.32,n°1, (voir p.4)
542
Pour un exemple de décision récente: UK Judicial Privy Council, NH International (Caribbean) v National
Insurance Property Development Company, 06 Août 2015.
331
Il n'en demeure pas moins que la publication de ces décisions demeurent la bienvenue et
permettent indubitablement de faire avancer la connaissance, la maîtrise des contrats FIDIC
de la part des parties et ainsi leur diffusion.
Synthèse
Les mécanismes généraux de résolution des différends des contrats FIDIC constituent des
sources précieuses permettant la transnationalisation du droit. Cet apport se manifeste au
travers de trois aspects relatifs à la médiation (§1), de l'arbitrage (§2) et de la justice étatique
(§3).
332
§3 L'apport de la justice étatique aux contrats FIDIC
Le troisième aspect concerne le recours à la justice étatique. Les décisions des juridictions
nationales relatives aux contrats FIDIC sont fondamentales et participent paradoxalement à
l'idée de communauté des acteurs de la construction internationale. Elles participent
également ainsi à la transnationalisation du droit applicable aux projets de construction
internationaux pour plusieurs raisons. La raison fondamentale demeure le comportement des
parties eux-mêmes qui recourent parfois à ces juridictions étatiques quand bien même ce
recours n'est pas prévu aux contrats FIDIC. De facto, le marché du secteur international de la
construction étant un marché spécifique, le comportement de certains acteurs le constituant
suscite l'intérêt de l'ensemble de la communauté. Ensuite, cela s'explique par le pragmatisme
des acteurs amenés à connaître des différends des contrats FIDIC (ingénieurs, membres des
comités de résolution des différends, arbitres) qui vont rechercher les sources de droit
applicables là où elles se trouvent. Les contrats FIDIC contiennent en préambule une clause
de droit applicable, rendant l'intérêt pour les décisions des juridictions étatiques interprétant le
droit applicable intéressantes. Il convient également de rappeler que certaines juridictions
étatiques amenées à interpréter potentiellement les contrats FIDIC bénéficient d'une image de
compétence. Il en va ainsi notamment de la Technology and Construction Court britannique
qui bénéficie d'une image de compétence et de sérieux chez les professionnels du secteur de la
construction. Enfin, les décisions des juridictions étatiques qui sont scrutées sont celles
rendues par des systèmes se basant en partie sur la common law (Singapour, Australie,
Gibraltar …). Les argumentations et les solutions peuvent donc inspirer d'autres juridictions
ou les acteurs pour leurs argumentations. Les juridictions étatiques sont amenées à connaître
de litiges relatifs aux contrats FIDIC. Elles sont amenées à reconnaître ou non le caractère
contraignant de plusieurs éléments des contrats FIDIC, notamment les clauses relatives au
comité de résolution des différends des contrats FIDIC. Les décisions de différentes
juridictions à travers le monde relatives aux contrats FIDIC rencontrent un écho large auprès
de la communauté des acteurs du secteur de la construction internationale. Nous faisons
référence ici aux arrêts Persero pour les plus connus, la décision du UK Privy Council relatif
à l'interprétation de l'article 2.5 du Livre Rouge de la FIDIC. Ces décisions sont commentées
sur divers supports et notamment sur une revue, l'International construction Law Review. Les
auteurs de cette revue sont acteurs de la construction internationale et participent par ce biais
à l'émergence de la lex constructionis et à la vie de la communauté des acteurs de la
construction internationale.
333
CONCLUSION
Au terme de cette étude, l'existence du droit transnational régissant la communauté des
acteurs du secteur de la construction internationale, la lex constructionis semble avérée.
La démonstration de son existence est effectuée au travers de la formation des contrats FIDIC
(§1) et de l'application des contrats FIDIC (§2). Cette étude laisse la place à des champs de
recherche potentiels (§3).
Elle s'élabore ensuite par la reprise des contrats FIDIC qu'elle a initialement créés pour créer
les nouveaux contrats FIDIC. Cela est notamment le cas pour le Livre Or relatif aux
opérations de conception-construction-exploitation qui est dérivé du Livre Jaune de la FIDIC
relatif aux opérations de conception-construction de 1999.
334
A) L'amélioration au travers de l'élaboration du Livre Rose
Ce renouvellement s'illustre dans l'amélioration des contrats FIDIC. Ainsi au terme d'un
travail de concertation entre les banques multilatérales de développement, la FIDIC a élaboré
le Livre Rose, version harmonisée du Livre Rouge pour les travaux de construction. Y ont été
non seulement introduits les amendements fréquemment effectués par les banques aux
contrats FIDIC mais également modifié certaines stipulations ayant suscité des difficultés
dans l'application des contrats FIDIC.
335
D) L'autonomie de la lex constructionis par la qualification des contrats FIDIC
De par leur appartenance au droit transnational de la construction , il s'avère délicat d'apporter
une qualification juridique aux contrats FIDIC (1). Leur qualification fonctionnelle semble
plus aisée mais également plus nécessaire (2).
La difficulté de qualifier juridiquement les contrats FIDIC est également un autre signe de
l'appartenance de ces contrats à la lex constructionis. La qualification juridique est en réalité
un moyen de rattacher ces contrats à une loi nationale applicable, alors que telle n'est pas la
vocation des contrats FIDIC censés régir un projet international. La clause de droit applicable
présente dans les contrats FIDIC émane comme une réminiscence du droit national mais
n'aura qu'une fonction supplétive hormis concernant les dispositions d'ordre public. En effet
pour ces dernières, la précision du droit applicable dans les contrats FIDIC sera essentielle
mais pas suffisante puisque d'autres dispositions impératives peuvent avoir vocation à
s'appliquer.
336
2) L'essentielle qualification fonctionnelle des contrats FIDIC
La détermination de la qualification juridique ne doit pas occulter la recherche, cruciale tant
pour les auteurs que pour les acteurs du secteur de la construction internationale, de la
détermination de la qualification fonctionnelle des contrats FIDIC. Nous avons tenté de
définir la qualification fonctionnelle en opposition à la qualification juridique. L'objectif de la
qualification fonctionnelle est de déterminer l'utilité des contrats FIDIC et leurs places dans le
secteur de la construction internationale.
Dans ce cadre, nous avons constaté que la qualification de norme, et plus particulièrement de
standard, était adaptée en vue de qualifier de manière "fonctionnelle" les contrats FIDIC. Les
contrats FIDIC répondent en effet à des objectifs de sécurité, d'efficience d'interopérabilité, se
situant ainsi dans le champ d'application de la définition de standards Nous considérons qu'il
n'y a pas de réelle opposition, contrairement à certains auteurs, entre le standard et le droit
transnational. En effet, nous considérons que le standard contribue à l'édification d'un droit
transnational de la construction, les deux éléments étant de nature évolutive.
Au travers de notre étude, nous avons observé que les contrats FIDIC participaient du
mouvement de privatisation du droit applicable aux projets internationaux de construction, les
contrats FIDIC provenant d'initiatives privées des membres et comités de la FIDIC.
Nous avons également tenté de démontrer que les contrats FIDIC participaient du mouvement
d'extraterritorialité du droit.
Des concepts de droit anglais dont l'influence demeure présente dans les contrats FIDIC se
retrouvent traités par diverses juridictions arbitrales et étatiques nationales différentes comme
l'obligation de limiter le dommage (Singapour, Angleterre, Suisse…) Inversement certains
concepts de droit civil ont pu progressivement introduire les contrats FIDIC. Il en va ainsi de
la force majeure. Les contrats FIDIC constituent donc un vecteur de circulation permettant
aux concepts juridiques des droits nationaux de circuler de manière transnationale et d'être
traitées par diverses juridictions. Les décisions de ces juridictions ont permis des avancées
notables dans l'interprétation, la compréhension des contrats FIDIC ainsi que leur
fonctionnement.
Au fur et à mesure du temps s'est développée une communauté des acteurs du secteur
international de la construction qui utilisent, améliorent et interprètent les contrats FIDIC. Les
tribunaux étatiques nationaux, les législations nationales par le biais des règles impératives
337
sont également venus enrichir la lex constructionis. Cette dernière, à la lumière de la lex
petrolea, constitue un ordre juridique autonome dont l'existence se voit progressivement
reconnaître par les ordres juridiques nationaux. Cette lex constructionis comme la lex
petrolea, se présente comme un droit dérivatif de la lex mercatoria.
La lex constructionis constitue une entité autonome des droits nationaux dont elle peut
s'inspirer de manière pragmatique. L'objectif est de déterminer les règles matérielles
internationales applicables selon la méthodologie définie par E.Loquin aux acteurs de la
construction internationale. Cette autonomie de la lex constructionis s'illustre également à
travers l'application des contrats FIDIC.
338
Ces modes de résolution des différends sont adaptés aux acteurs du secteur de la construction
international. Une séparation s'opère entre la determination qui demeure dans la gestion
"normale" du projet selon certains professionnels malgré et le recours au comité. Ce dernier se
rapproche progressivement de la procédure arbitrale ce qui pose l'application des principes
directeurs du procès à cette procédure. Ce rapprochement de la procédure devant le comité de
résolution des différends et de l'arbitrage provoque aussi une augmentation des coûts, ce qui
pousse certaines parties à tenter de recourir directement à l'arbitrage. Les décisions des
comités quand elles sont connues constituent une source de la lex constructionis.
Nous démontrons au travers de cas concrets que la médiation peut se révéler très efficace,
même si un certain nombre d'acteurs du secteur de la construction internationale estiment
pour l'heure que l'échec du comité, même si celui-ci est rare, "précipite" l'arbitrage.
2) Pour la poursuite de la publication des sentences CCI relatives aux contrats FIDIC
En revanche, la clause de résolution des différends de la FIDIC prévoit le recours à l'arbitrage
à la CCI, exception faite au Livre Rose prévoyant la possibilité alternative du recours à la cour
d'arbitrage de Singapour. Les sentences arbitrales de la CCI concernant les contrats FIDIC
constituent des sources précieuses de la lex constructionis. La CCI publie les plus importantes
de manière régulière, ce qui permet de posséder des interprétations des stipulations des
contrats FIDIC au niveau international, au plus proche des acteurs du terrain. La plupart des
sentences arbitrales demeurent cependant confidentielles.
339
3) Pour la prévoyance du recours aux tribunaux étatiques
Enfin, le recours aux tribunaux étatiques n'est pas prévu par les contrats FIDIC mais les
parties prennent l'initiative pour des motifs différents de se présenter devant des juridictions
étatiques. Ce recours, bien que non prévu par les contrats FIDIC est extrêmement précieux
pour les auteurs et acteurs du secteur de la construction internationale. La raison de ce succès
est la publicité de la plupart des décisions étatiques, à l'inverse de celle non automatique des
sentences arbitrales. Elle donne également aux acteurs de terrain des indications claires sur la
manière dont laquelle les stipulations des contrats FIDIC vont être interprétées par le tribunal
du lieu de situation du projet ou celui compétent par le biais de la loi applicable. C'est la
raison amenant des commentateurs de différents pays à commenter des décisions de
juridiction qui leur sont étrangères. A titre d'exemple, nous pouvons citer les arrêts "Persero"
des tribunaux de Singapour, une décision du tribunal fédéral suisse, une décision du UK
Privy Council qui ont été commentés par différents avocats de cabinets internationaux. Cet
intérêt marque également le caractère transnational des contrats FIDIC et de la lex
constructionis. L'un des aspects "négatifs" est la multiplication des jurisprudences étatiques
pouvant potentiellement être contradictoires et donc source d'insécurité juridique. Il
conviendrait de prévoir au sein des contrats FIDIC réaffirmant l'absolue nécessité avant de
pouvoir se présenter devant le juge étatique de satisfaire à la clause de résolution des
différends de la FIDIC. La solution alternative serait de reconnaître le caractère juridictionnel
de la décision du comité de résolution des différends, le juge étatique n'intervenant qu'à la
marge, à l'image de son intervention pour une sentence arbitrale internationale.
Au-delà de cette démonstration de l'existence de la lex constructionis dont les contrats FIDIC
sont une composante essentielle, nous avons également tenté de démontrer l'existence d'une
communauté des acteurs du secteur de la construction internationale. Celle-ci est régie par la
lex constructionis.
340
§3 Les champs de recherche potentiels concernant les contrats FIDIC
Ces champs sont la "détermination" de l'ingénieur (I), l'interaction des contrats FIDIC et de
l'arbitrage CCI (II), la recherche des sources de la lex constructionis autres que la FIDIC (III).
Enfin, la détermination des usages applicables aux contrats FIDIC (IV).
I) La "détermination" de l'ingénieur
Le premier champ de recherches consiste à étudier de manière approfondie le mécanisme de
la "Détermination" de l'ingénieur. Il conviendrait d'approfondir la notion de "Détermination",
d'étudier son évolution et d'analyser son régime pour distinguer la nature de la décision
rendue. Cet approfondissement demeure nécessaire dans le fait que dans certains secteurs
d'activité autres que le génie civil utilisant les Livres de la FIDIC, la détermination demeure le
mode privilégié de résolution des différends.
543
Des travaux ont déjà été réalisés sur la question. Nous pensons notamment à la thèse de doctorat d'A.
BACHIR " L'arbitrage en matière des contrats internationaux de génie civil et de construction: conditions
FIDIC", soutenue à l'université de Toulouse en 2011. Ces travaux, bienvenus, méritent d'être approfondis au-
delà des concepts généraux sur l'arbitrage. L'entreprise est plus aisée à formuler qu'à réaliser mais l'idée d'un
approfondissement, d'une étude minutieuse des sentences, du traitement des aspects relatifs au principe de
compétence-compétence appliquée aux contrats FIDIC notamment, apparait primordiale.
341
IV) La détermination des usages applicables aux contrats FIDIC
Le quatrième et dernier champ de recherches est particulièrement important à notre sens. Il
s'agit de déterminer les usages du secteur de la construction internationale applicables aux
contrats FIDIC et pouvant compléter les stipulations contractuelles. Cet apport pourrait être
très précieux tant pour les auteurs que pour les acteurs du secteur de la construction
internationale. En effet, selon le professeur Jean-Baptiste Racine, les usages ont vocation à
contribuer à l'ordre public transnational qui s'imposerait aux parties et que le l'arbitre pourrait
appliquer même en dehors de consentement des parties544. Il conviendrait pour mener cette
recherche de mener une enquête approfondie auprès des différents acteurs du secteur de la
construction internationale. Au cours de cette recherche nous avons pu déterminer une
certaine constance selon laquelle le maître d'ouvrage versait 30% du prix du projet en échange
d'une obligation pour l'entrepreneur. Celle-ci consiste en la souscription auprès d'une banque
d'une garantie à première demande au bénéfice du maître d'ouvrage.
La découverte d'autres usages serait utile en vue d'avoir une connaissance optimale des
contrats FIDIC.
***
544
J-B. RACINE, " L'arbitrage commercial international et l'ordre public", Préf. Ph. Fouchard et avant-propos
L.BOY, LGDJ, 1999, n°669 et s., p.373 et s. in J-B. RACINE, " Les usages dans l'arbitrage commercial
international: une place à géométrie variable", Journal des Sociétés N°92, Novembre 2011, p.38.
342
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principe de droit privé, thèse, Panthéon-Assas, 1999
343
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international", Litec, 1996
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2013,p. 61.
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2014).
P.MOUSSERON, "Les usages: l'autre droit de l'entreprise", Lexis Nexis, 2014, notamment
l'avant-propos, p. XII et p. 54 et s.
P.MOUSSERON, "Les conventions sociétaires", L.G.D.J éd., Lextenso éditions, 2013, p.271
344
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II THÈSES
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C.-H. CHENUT, Le contrat de consortium , Bibliothèque de Droit privé éd., vol.Tome 390,
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C.JARROSSON, "La notion d'arbitrage", Bibliothèque de Droit privé éd. vol.Tome 198,
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F.OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria: contribution à l'étude d'un ordre
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224, LGDJ, 1992
J-B. RACINE, " L'arbitrage commercial international et l'ordre public", Préf. Ph. Fouchard
et avant-propos L.BOY, LGDJ, 1999, n°669 et s., p.373 et s.
345
III MÉMOIRES
D.ZHUANG, "Les inégalités des conditions FIDIC et les applications dans le marché
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IV ARTICLES
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III FIDIC
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1999
FIDIC, The Green Book- ‘Short Form of Contract’ The Red Book- Conditions of Contract for
construction for Building and Engineering Designed by the Employer in « Introduction to
FIDIC contracts »
FIDIC, The Pink Book- ‘MDB Harmonised Edition’ in « Introduction to FIDIC contracts »
FIDIC, Yellow Book-‘Conditions of Contract for Plant and Design-Build for Electrical and
Mechanical Plant and for Building and Engineering Works’ in Introduction to FIDIC
contracts
FIDIC, The Silver Book- ‘Conditions of Contract for EPC/Turnkey Projects’ in Introduction
to FIDIC contracts
351
The Blue Book ‘Form of Contract for Dredging and Reclamation Works’ in Introduction to
Fidic contracts
FIDIC, The White Book ‘FIDIC Client/ Consultant Model Services Agreement’
The Conditions of Subcontract for construction for Building and Engineering Works
Designed by the Employer’, 2006
FIDIC, FIDIC® Conditions of Contract for Design Build and Operate Projects (Gold Book),
2008.
FIDIC, Conditions of Contract for Construction ; MDB Harmonised Edition For Builiding
and engineering works designed by the employer (« Pink Book »)., 2010, p. 2.
FIDIC, Model Representative Agreement 1st edition, FIDIC editions ("Purple Book"), 2013
FIDIC, « Joint position paper of CICA, FIDIC and EIC on the Revised Proposed New
Framework for the World Bank's Procurement Policy (dated October 18,2013) », Site Web
FIDIC,en ligne :http://fidic.org/sites/default/files/JointPP_CICA-FIDIC-
EIC_WBProcurement_NewFramework_final.pdf
IV ONU
V CCI
CCI, ICC Dispute Resolution Bulletin 2015 Issue 1, 2014 Statistics & Dispute Adjudication
Boards under FIDIC Contracts, ICC Editions, 2015
CCI, Affaire n°8873, 1997, obs. C.R. Seppäla, RDAI 1999 n°6, p.722
http://www.iccwbo.org/Training-and-Events/All-events/Events/2015/Global-Launch-of-the-
New-ICC-Dispute-Board-Rules/
352
VI ENTRETIENS
Entretiens avec S.GIRAUD, Ingénieur, Directeur barrages Egis et formateur FIDIC, membre
la liste DAB Syntec, 2014-2015.
VII COLLOQUES
N.G. BUNNI, "Managing Risk", FIDIC IBC Seminar, Décembre 2005, en ligne:
http://fidic.org/sites/default/files/5 bunni_managing_risk_ibc_oct05.pdf, n°3.4.
L.GRUTTERS, «Dispute Avoidance with Pink Book », in FIDIC MDB Conference, 02-03
Juin 2014
P.MALINVAUD, L'expérience du Tunnel sous la Manche, DRBF Paris Regional Conference
353
Cahier de Clauses Administratives Particulières Toulon:
http://www.var.gouv.fr/IMG/pdf/marche_public_toulon_cle79f41a.pdf
IX JURISPRUDENCE
Chambre de Commerce Internationale, Affaire n°8873, 1997, obs. C.R. Seppäla, RDAI 1999
n°6, p.772.
Cour d'appel de Singapour, PT Perusahaan Gas Negara (Persero) TBK v CRW Joint
Operation [2015] SGCA 30.
CJUE, 8e ch., 13 févr. 2014, aff. C-555/13, Merk Canada Inc. c/ Accord Healthcare Ltd et a.
Technology and Construction Court Obrascon Huarte Lain SA v Her Majesty’s Attorney
General for Gibraltar [2014] EWHC 1028 (TCC).
Queensland Supreme Court, Sedgman South Africa (Pty) Ltd & Others v. Discovery Copper
Botswana (Pty) Ltd ((2013] QSC 105).
354
INDEX
A
Amélioration: 78 et s.
Arbitrage : 125, 327
B
Banques Multilatérales de Développement : 55, 80, 88
C
CCI : 125 et s.
Comité de Résolution des Différends : 268 et s.
Consortium: 61 et s.
Contract Users Conference : 95
Contrat-type : 120
D
Délais : 36, 251
Determination : 263
Design Build Operate : 26 et s.
Dispute Adjudication Board : 270 et s.
Dispute Review Board : 270
Droit d'auteur économique : 91
Droit transnational de la construction : 93, 121, 138
F
Faisceau d'indices : 292
Fait du prince: 253
Force majeure : 43 et s., 95
G
Garantie décennale : 188 et s.
Garantie biennale : 217 et s.
Garantie de parfait achèvement : 220 et s.
J
Joint venture : 57 et s.
Juridictions étatiques : 329 et s.
355
L
Lex constructionis : 330
Licence de droit d'auteur : 92
Livre Rouge de la FIDIC : 177
Livre Jaune de la FIDIC : 188 et 211
Livre Argent de la FIDIC : 267
Livre Or de la FIDIC : 26 et s.
Livre Rose de la FIDIC : 249
N
Normes : 131 et s.
P
Persero : 329, 332
Principes directeurs du procès : 305
Q
Qualification conceptuelle : 123
Qualification fonctionnelle : 141
R
Risques : 234 et s.
S
Sous-traitance : 225 et s.
Standard : 146 et s.
U
Usages : 125 et s.
356
TABLE DES MATIERES
Remerciements ........................................................................................................................... 4
Sommaire ................................................................................................................................... 5
Introduction .............................................................................................................................. 10
§1Un mouvement d'édification des normes par des organismes privés ............................................ 10
§2 La FIDIC ...................................................................................................................................... 11
§3 Les « Contrats » FIDIC ................................................................................................................ 14
§4 La "transnationalisation" du droit par les contrats FIDIC ............................................................ 18
I) L'observation de la "transnationalisation" par les contrats FIDIC ................................................. 18
II) La reconnaissance de la "transnationalisation" par les contrats FIDIC ....................................... 19
§5 L'objet de l'étude des contrats FIDIC ........................................................................................... 20
I) La démonstration de l'existence d'un droit transnational de la construction .................................. 20
II) La démonstration par l'utilisation d'une méthodologie adaptée.................................................... 20
A) Une étude d'ensemble des contrats FIDIC ............................................................................... 20
B) L'étude de toutes les sources d'information disponibles relatives aux contrats FIDIC ............. 21
1) La revue bibliographique .............................................................................................................. 21
III) Des applications prometteuses .................................................................................................... 22
Partie I: LA FORMATION DES CONTRATS FIDIC ............................................................ 24
I) La volonté d’inclure les contenus du Livre Jaune en traitant la phase d'opération ............. 29
357
II) L’absence dans les contrats FIDIC de contrat unique incluant les trois phases ....................... 29
III) La mise en place d’un groupe de travail pour la rédaction du Livre Or ............................ 30
1) Le maître d'ouvrage.............................................................................................................. 34
α) Etat des lieux quant aux pouvoirs du représentant du maître d'ouvrage .............................. 57
α) Une tentative de définition de la joint venture par ses éléments caractéristiques ............... 60
358
ε) Spécificité de la joint venture dans les contrats de construction .......................................... 62
II) Un exemple de la création d'un contrat FIDIC à partir d'un ancien contrat FIDIC............ 77
359
Section 1 L'amélioration des contrats sous le régime de la propriété ...................................... 81
1) Les arguments en faveur de la qualité d'œuvre originale des contrats FIDIC .................... 93
2) Les arguments en défaveur de la qualité d'œuvre originale des contrats FIDIC ................. 94
360
b) Le développement des législations des pays cibles des banques de développement ........... 99
1) L’article 2.5 du Livre Rose relatif aux réclamations contre le maître d'ouvrage ............... 102
2) L’article 4.6 du Livre Rose relatif à la coopération entre les différentes parties ............... 103
A) L'article 8.1 du Livre Rose de la FIDIC relatif au commencement des travaux ............... 104
B) L’article 12.1 du Livre Rose relatif à l'évaluation des travaux ......................................... 105
II) Les autres améliorations possibles des contrats FIDIC ..................................................... 105
II) La poursuite des évènements organisés pour les utilisateurs des contrats FIDIC ............. 115
361
A) La diversité des évènements organisés par la FIDIC ........................................................ 115
1) La prise en compte du contexte de l'application de l'écosystème des contrats FIDIC ....... 117
a) La remise en cause des contrats FIDIC par les maîtres d'Ouvrage .................................... 117
i) La nécessité de préciser certains termes utilisés dans les contrats FIDIC ......................... 120
§1 Les arguments en faveur de la reconnaissance comme usage des contrats FIDIC ........... 128
362
Section 2 La qualification de norme ...................................................................................... 133
363
§1 La notion de standard ........................................................................................................ 149
II) Synthèse de la privatisation du droit par les contrats FIDIC ............................................. 154
A) Les réserves quant à la privatisation du droit par les contrats FIDIC ............................... 154
B) Les arguments démontrant la privatisation du droit par les contrats FIDIC ..................... 155
II) Les contrats FIDIC instrument indirect de l'extraterritorialité du droit ............................ 157
1) Le choix du modèle de la lex mercatoria plutôt que celui du contrat sans loi .................. 160
364
2) La nécessité d'un changement de paradigme concernant la lex mercatoria ...................... 161
b) La reconnaissance de la qualité des contrats FIDIC par différents ordres juridiques ........ 163
§1 Les contrats FIDIC élément essentiel du droit transnational de la construction ............... 168
Section 1 L'adaptation des contrats FIDIC aux projets internationaux .................................. 171
II) Exposé des différentes conceptions relatives aux ingénieurs ............................................ 172
365
A) La conception « latine » .................................................................................................... 172
III) La définition précise des obligations des acteurs du projet dans les contrats FIDIC ...... 179
§2 Le respect des contrats FIDIC des conditions de succès des projets de construction ....... 184
Section 2 L'adaptation des contrats FIDIC aux projets nationaux ......................................... 185
366
A) La confidentialité .............................................................................................................. 187
A) Le cadre impératif des dispositions relatives à la responsabilité des constructeurs .......... 188
ii) L'absence relative de caractère d'ordre public de la responsabilité décennale .................. 195
γ) La faculté d’aménagement de la responsabilité décennale par les contrats FIDIC ............ 198
367
b. L’absence de stipulations relatives à la responsabilité décennale ...................................... 198
368
b. Prise en compte des désordres évolutifs ............................................................................. 214
b) Absence de mention spécifique à la garantie biennale dans les contrats FIDIC................ 220
b) Les stipulations des contrats FIDIC relatives au parfait achèvement ................................ 224
369
Ω) La responsabilité du sous-traitant ..................................................................................... 230
Section 1 La gestion des risques dans les contrats FIDIC ...................................................... 236
3) La prévalence des objectifs financiers dans l'allocation des risques .................................. 242
b) L'influence des objectifs financiers dans l'allocation des risques ..................................... 243
370
A) Traitement du risque par le droit civil ............................................................................... 244
b) Le lien de la langue avec le droit applicable envisagé par les parties au contrat FIDIC ... 250
c) Les risques relatifs aux évènements climatiques et autres évènements externes ............... 251
ii) La précision de la clause de force majeure dans la suite des contrats FIDIC de 1999 ...... 252
β) Description de la clause relative à la force majeure dans les contrats FIDIC .................... 252
371
2) La question de l’exécution des délais ................................................................................ 256
II) Les délais présents dans les contrats FIDIC ...................................................................... 257
B) La mention des délais tout au long des contrats FIDIC .................................................... 259
Chapitre 1 Les mécanismes de résolution des différends spécifiques aux contrats FIDIC .... 266
II) Le maintien de la détermination comme mode de résolution des différends privilégié... 268
372
3) Le projet du Tunnel sous la Manche .................................................................................. 272
373
i) La qualification de juridiction............................................................................................. 284
β)Propositions......................................................................................................................... 291
374
α. Le caractère obligatoire ...................................................................................................... 300
a. Les principes intrinsèques à la procédure devant le comité de résolution des différends .. 305
iii. Application des principes à la procédure devant le comité de résolution de la FIDIC ..... 308
3) Les techniques d'évitement du recours au comité de résolution des différends ................ 309
a) Les techniques résultant de situations prévues par les contrats FIDIC .............................. 309
b) Les techniques non prévues par les contrats FIDIC ........................................................... 310
b) Le caractère non définitif de la décision du comité de résolution des différends ............. 312
2) Les recours contre la décision du comité de résolution des différends .............................. 313
375
i) Les conditions pour accéder à l'arbitrage pour les parties au contrat FIDIC ...................... 313
ii) Les interrogations de la doctrine sur l'arbitrage selon le contrat FIDIC ............................ 313
§1 La création du comité de résolution des différends par les acteurs de la construction ..... 315
Chapitre 2 Les mécanismes généraux de résolution des différends des contrats FIDIC ...... 316
b) Une médiation dans l’esprit du comité de résolution des différends ................................. 320
376
ii) Commentaire du cas .......................................................................................................... 327
§1 L'existence de la lex constructionis au travers de la formation des contrats FIDIC ......... 334
I) L'autonomie de la lex constructionis au travers de la création des contrats FIDIC ............ 334
II) L'autonomie de la lex constructionis au travers de l'amélioration des contrats FIDIC .... 334
C) L'amélioration hors la propriété par les acteurs de la construction internationale ............ 335
D) L'autonomie de la lex constructionis par la qualification des contrats FIDIC .................. 336
§2 L'existence de la lex constructionis par l'application des contrats FIDIC ......................... 338
II) L'existence par l'application extraordinaire des contrats FIDIC ....................................... 338
2) Pour la poursuite de la publication des sentences CCI relatives aux contrats FIDIC ........ 339
377
3) Pour la prévoyance du recours aux tribunaux étatiques ..................................................... 340
§3 Les champs de recherche potentiels concernant les contrats FIDIC ................................. 341
IV) La détermination des usages applicables aux contrats FIDIC ......................................... 342
378
Résumé en français :
Participant d'un mouvement global d'élaboration du droit par des organismes privés, la Fédération
Internationale des Ingénieurs Conseils (FIDIC) élabore et diffuse les contrats FIDIC. Il s'agit de contrats-
types utilisés dans les grands projets de construction internationaux par les acteurs du secteur de la
construction internationale. Les contrats FIDIC participent à la transnationalisation du droit applicable à ces
projets. Cette transnationalisation pose la question de l'existence d'une lex constructionis, dérivée spécifique
de la lex mercatoria.
Pour répondre à la question de l'existence de la lex constructionis, l'auteur procède à l'étude de la formation
et de l'application des contrats FIDIC.
Discipline :
Droit
Mots-clés :
FIDIC- Droit transnational de la construction- Lex constructionis- Contrats-