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Péquignot H. Rosenthal (Robert), Jacobson (Lenore). — Pygmalion in the classroom. Teacher expectation and pupils
intellectuel development. (Pygmalion dans la classe. L'attente du maître et le développement intellectuel des élèves). In:
Revue française de pédagogie, volume 7, 1969. pp. 70-72;
https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1969_num_7_1_1975_t1_0070_0000_2
(1) L'équation personnelle du juge, in : La Semaine des Hôpitaux, Informations, 20 mars 1966.
Faut-il rationner la culture ?, in : Atomes, n° 242, 1967.
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soumis à des tests psychologiques d'apparence objective et quantifiable. Nous avions
résumé ces travaux sous le titre « L'équation personnelle du juge » pour rappeler
d'une part qu'une telle erreur de l'observateur était classique en dehors de la
psychologie et avait d'abord été décrite chez les astronomes, ensuite qu'elles étaient
les conséquences pédagogiques possibles d'une subjectivité qui se croit une
objectivité.
Le très bon livre qui vient de paraître va beaucoup plus loin. Il va faire réfléchir
tous les pédagogues. Il montre que l'attente de l'éducateur modèle l'éduqué.
La première partie du livre est d'ailleurs consacrée à l'étude de la réalisation
automatique des prophéties dans la vie économique, politique, dans le pronostic
médical, l'expérimentation des médicaments et, enfin, en psychologie expérimentale,
et à ce propos l'auteur rappelle ses travaux antérieurs auxquels nous faisions allusion.
Dans une seconde partie, l'auteur analyse la situation de ce qu'il appelle «
l'enfant désavantagé » dans les écoles américaines ; il analyse en réalité le fait que
certaines catégories particulières de la population ont des enfants dont les résultats
scolaires sont moins brillants. Le lecteur français fera bien de ne pas se hâter
d'accuser les inégalités sociales aux Etats-Unis et de les transposer aux inégalités
sociales en France, dont tout le monde sait qu'elles se reflètent chez nous aussi
dans les inégalités de réussite scolaire.
C'est là que commence l'expérimentation de Rosenthal et Jacobson. Ils se sont
demandés si ce retard scolaire de l'enfant désavantagé n'était pas lié au fait que
l'éducateur, quels que soient ses bons sentiments, sa bonne volonté, ses scrupules
personnels et son honnêteté, s'attendait à de moins bons résultats de la part de
cet enfant. Les chapitres suivants vont nous faire vivre le déroulement de l'expérience.
Elle fut faite dans une école primaire de 650 enfants, dont 1/6 appartient à une
minorité raciale et linguistique (mexicaine). L'école est mixte. L'expérience a été
faite en double aveugle. Elle a consisté, après avoir fait passer un test, inconnu
des instituteurs, aux élèves, à annoncer (sans d'ailleurs insister outre mesure) aux
professeurs qui devaient les avoir l'année suivante que certains de ces enfants (tirés
au hasard) avaient donné à ce test des résultats tels qu'on pouvait s'attendre à une
brusque poussée de développement intellectuel.
L'échantillon expérimental et un échantillon témoin ont été tirés de façon que
l'on puisse comparer les résultats selon le sexe, l'âge, la classe et le degré de
réussite scolaire préalable de l'enfant.
Disons tout de suite les résultats : les enfants ainsi tirés au hasard manifestèrent
une incontestable augmentation de leur quotient intellectuel par rapport aux enfants
témoins.
Le reste du livre est occupé par l'étude critique de ces résultats et l'analyse des
facteurs mis en cause dans cette expérimentation. Disons à ce propos que le livre est
ainsi présenté qu'il peut être à la fois lu rapidement par le pédagogue qui s'intéresse
au problème, et discuté ia plume à la main, tableau de chiffres par tableau de
chiffres par l'expérimentateur et le statisticien qui voudraient connaître les bases
chiffrées de chaque affirmation. Cette lecture n'est jamais ennuyeuse et toujours facile.
Elle est très concrète, un certain nombre d'observations cliniques de quelques
« enfants miracle » sont même présentées. Un des chapitres les plus intéressants
pour les professeurs et les instituteurs peu familiers avec l'usage des tests est le
chapitre 8, où ont été étudiées les notes de routine mises par les professeurs à leurs
élèves. Si l'on juge l'expérience sur ces notes de routine, celles par conséquent
qui constituent le mode de jugement habituel des maîtres (en France plus encore
qu'en Amérique) on se rend compte que grossièrement les gains, notamment en
lecture et calcul, mesurés par cette méthode sont du même ordre de grandeur que
lorsqu'on les mesure par la méthode du quotient intellectuel.
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Le reste du livre est consacré à la courbe de ce gain selon le temps : l'addition
est rapide, elle est nette au bout de 3 ou 6 mois, elle se prolonge l'année suivante
avec un nouveau professeur non averti.
Comment expliquer une telle influence ? La très longue discussion qui constitue
le chapitre 10, « Le moyen de Pygmalion » est surtout intéressante par les hypothèses
qu'elle exclut. Il faut noter cependant que les autres élèves ne paraissent pas
défavorisés par l'expérience au profit du groupe tiré au sort. Ce groupe a plus, mais
les autres ont une évolution non seulement normale, mais meilleure comme il arrive
dans les écoles soumises à des recherches. Il semble par ailleurs que c'est une
attitude inconsciente et non verbale du professeur qui joue dans cette affaire.
Le onzième chapitre n'intéressera pas seulement les maîtres car les résultats sont
mis en parallèle avec les études sur les placebos et avec ce que l'auteur appelle
« Hawthorne effects >» en sociologie industrielle, somme toute avec les perturbations
créées par l'observation et l'expérimentation chez les sujets qui y sont soumis du
seul fait de la situation nouvelle que crée l'expérience.
Il n'est pas besoin d'insister sur la gravité de ces conséquences, une réflexion
(p. 175) des auteurs en mesure l'importance : « ... pour des raisons éthiques, il
avait été décidé de tester seulement l'hypothèse selon laquelle une attente
favorable de l'éducateur pouvait augmenter les performances intellectuelles des éduqués ».
Il va sans dire, en effet, que des expérimentateurs aussi respectueux et aussi
consciencieux n'ont pas voulu courir le risque de désigner comme incapables de
suivre des enfants tirés au sort, car ils auraient craint de vérifier l'hypothèse, de
voir leurs prophéties se réaliser et d'avoir compromis l'avenir scolaire d'un enfant.
Mais l'enseignant, et l'auteur de ces lignes en est un, qui lit ce livre est forcé de
reconnaître avec angoisse que, tous les jours, nous faisons sur des centaines et
des milliers d'enfants ce que l'expérimentateur n'a pas osé faire; nous faisons
plus que faire ce pronostic, nous le disons à l'intéressé, nous le disons à sa
famille, nous le disons à nos collègues-
Henri PEQUIGNOT.
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