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Revue française de pédagogie

Rosenthal (Robert), Jacobson (Lenore). — Pygmalion in the


classroom. Teacher expectation and pupils intellectuel
development. (Pygmalion dans la classe. L'attente du maître et le
développement intellectuel des élèves)
H. Péquignot

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Péquignot H. Rosenthal (Robert), Jacobson (Lenore). — Pygmalion in the classroom. Teacher expectation and pupils
intellectuel development. (Pygmalion dans la classe. L'attente du maître et le développement intellectuel des élèves). In:
Revue française de pédagogie, volume 7, 1969. pp. 70-72;

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rement limitée en ce qui concerne la pratique scolaire elle-même: ce n'est pas
nier l'intérêt du chapitre consacré aux matériel et méthodes pour la première période
(pp. 112-131); c'est regretter l'absence d'un semblable chapitre pour la phase
1880-1967, marquée par l'accroissement de la pression des techniques et des
mouvements novateurs. De même, nous regretterons l'insuffisance des analyses de
budgets, ce nerf de l'éducation (un simple tableau 1952-1968, p. 487), le manque
de statistiques sur l'enseignement technique par ailleurs bien campé, le
manque de corrélation aussi entre les différents tableaux numériques, distribués
par époques : des graphiques d'ensemble auraient été les bienvenus. Nous
regretterons plus encore l'oubli de l'enseignement spécial, de l'éducation populaire ou
permanente, de la promotion sociale, alors que l'excellent petit livre de Guy Thuillier
sur ce sujet (P.U.F.) appelle des compléments.
Ces observations ne valent qu'au regard d'une seconde édition que l'on
souhaite d'autant plus que l'auteur n'a pu intégrer les derniers événements. Mais nous
soulignerons la valeur de l'appareil méthodologique, de l'annexe législative, des
documents si suggestifs qu'ils nous condamnent à des lectures. Une telle construction
institutionnelle bénéficie du mouvement d'idées contemporain, enrichit d'ailleurs la
notion de structuralisme, unifie et éclaire notre pensée. Le but de l'auteur est
atteint : nous comprenons mieux certaines réticences, résistances, survivances, la
nécessité de nouveaux progrès. L'auteur a su garder son objectivité, traitant pourtant
d'un monde qu'il estime et qu'il sert : il faut relire les chapitres consacrés au
personnel enseignant (pp. 449. 453, ...) pour nous redonner l'humilité nécessaire et la
volonté de dépasser des faiblesses évidentes. Bref, il s'agit d'un livre sûr et
honnête, logique et lucide, qui prend, au-delà des analyses, la dimension d'une synthèse
et le ton poignant d'une mise en garde : « la croissance économique et l'intégration
sociale ne peuvent longtemps dissimuler ce qu'elles sont : des moyens (...) et elles
ne peuvent tenir lieu du système de valeurs et de normes que requiert toute
éducation » (p. 494).
Jean VIAL

ROSENTHAL (Robert), JACOBSON (Lenore). — Pygmalion in the classroom.


Teacher expectation and pupils intellectuel development. (Pygmalion dans la classe.
L'attente du maître et le développement intellectuel des élèves). — London, Toronto,
New York, Holt, Rinehart and Winston, 1968. — 24 cm, 240 p., tabl., index, bibliogr.
« ... La différence qu'il y a entre une vraie dame et une marchande de fleurs, ce
n'est pas la façon dont elle se conduit, mais la façon dont elle est traitée. Pour le
professeur Higgins, je serai toujours une marchande de fleurs parce qu'il me traite
en marchande de fleurs et le fera toujours. Mais pour vous, je sais que je puis être
une femme comme il faut, parce que vous me traitez comme une dame et le ferez
toujours. »
Cette citation du cinquième acte du Pygmalion de Bernard Shaw constitue le
résumé du titre par les auteurs. Disons au moins qu'il précise dans quel sens le
mot « Pygmalion » est employé dans le titre. Les auteurs de ce livre sont des
psychologues qui, depuis de longues années, publient d'importants travaux dont
j'ai rendu compte autrefois (X), dont l'objet est de mettre en évidence l'influence des
préjugés du psychologue observateur sur les résultats qu'il obtient de son matériel
d'expérience, qu'il s'agisse d'un animal en labyrinthe ou du sujet, enfant ou adulte,

(1) L'équation personnelle du juge, in : La Semaine des Hôpitaux, Informations, 20 mars 1966.
Faut-il rationner la culture ?, in : Atomes, n° 242, 1967.

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soumis à des tests psychologiques d'apparence objective et quantifiable. Nous avions
résumé ces travaux sous le titre « L'équation personnelle du juge » pour rappeler
d'une part qu'une telle erreur de l'observateur était classique en dehors de la
psychologie et avait d'abord été décrite chez les astronomes, ensuite qu'elles étaient
les conséquences pédagogiques possibles d'une subjectivité qui se croit une
objectivité.
Le très bon livre qui vient de paraître va beaucoup plus loin. Il va faire réfléchir
tous les pédagogues. Il montre que l'attente de l'éducateur modèle l'éduqué.
La première partie du livre est d'ailleurs consacrée à l'étude de la réalisation
automatique des prophéties dans la vie économique, politique, dans le pronostic
médical, l'expérimentation des médicaments et, enfin, en psychologie expérimentale,
et à ce propos l'auteur rappelle ses travaux antérieurs auxquels nous faisions allusion.
Dans une seconde partie, l'auteur analyse la situation de ce qu'il appelle «
l'enfant désavantagé » dans les écoles américaines ; il analyse en réalité le fait que
certaines catégories particulières de la population ont des enfants dont les résultats
scolaires sont moins brillants. Le lecteur français fera bien de ne pas se hâter
d'accuser les inégalités sociales aux Etats-Unis et de les transposer aux inégalités
sociales en France, dont tout le monde sait qu'elles se reflètent chez nous aussi
dans les inégalités de réussite scolaire.
C'est là que commence l'expérimentation de Rosenthal et Jacobson. Ils se sont
demandés si ce retard scolaire de l'enfant désavantagé n'était pas lié au fait que
l'éducateur, quels que soient ses bons sentiments, sa bonne volonté, ses scrupules
personnels et son honnêteté, s'attendait à de moins bons résultats de la part de
cet enfant. Les chapitres suivants vont nous faire vivre le déroulement de l'expérience.
Elle fut faite dans une école primaire de 650 enfants, dont 1/6 appartient à une
minorité raciale et linguistique (mexicaine). L'école est mixte. L'expérience a été
faite en double aveugle. Elle a consisté, après avoir fait passer un test, inconnu
des instituteurs, aux élèves, à annoncer (sans d'ailleurs insister outre mesure) aux
professeurs qui devaient les avoir l'année suivante que certains de ces enfants (tirés
au hasard) avaient donné à ce test des résultats tels qu'on pouvait s'attendre à une
brusque poussée de développement intellectuel.
L'échantillon expérimental et un échantillon témoin ont été tirés de façon que
l'on puisse comparer les résultats selon le sexe, l'âge, la classe et le degré de
réussite scolaire préalable de l'enfant.
Disons tout de suite les résultats : les enfants ainsi tirés au hasard manifestèrent
une incontestable augmentation de leur quotient intellectuel par rapport aux enfants
témoins.
Le reste du livre est occupé par l'étude critique de ces résultats et l'analyse des
facteurs mis en cause dans cette expérimentation. Disons à ce propos que le livre est
ainsi présenté qu'il peut être à la fois lu rapidement par le pédagogue qui s'intéresse
au problème, et discuté ia plume à la main, tableau de chiffres par tableau de
chiffres par l'expérimentateur et le statisticien qui voudraient connaître les bases
chiffrées de chaque affirmation. Cette lecture n'est jamais ennuyeuse et toujours facile.
Elle est très concrète, un certain nombre d'observations cliniques de quelques
« enfants miracle » sont même présentées. Un des chapitres les plus intéressants
pour les professeurs et les instituteurs peu familiers avec l'usage des tests est le
chapitre 8, où ont été étudiées les notes de routine mises par les professeurs à leurs
élèves. Si l'on juge l'expérience sur ces notes de routine, celles par conséquent
qui constituent le mode de jugement habituel des maîtres (en France plus encore
qu'en Amérique) on se rend compte que grossièrement les gains, notamment en
lecture et calcul, mesurés par cette méthode sont du même ordre de grandeur que
lorsqu'on les mesure par la méthode du quotient intellectuel.

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Le reste du livre est consacré à la courbe de ce gain selon le temps : l'addition
est rapide, elle est nette au bout de 3 ou 6 mois, elle se prolonge l'année suivante
avec un nouveau professeur non averti.
Comment expliquer une telle influence ? La très longue discussion qui constitue
le chapitre 10, « Le moyen de Pygmalion » est surtout intéressante par les hypothèses
qu'elle exclut. Il faut noter cependant que les autres élèves ne paraissent pas
défavorisés par l'expérience au profit du groupe tiré au sort. Ce groupe a plus, mais
les autres ont une évolution non seulement normale, mais meilleure comme il arrive
dans les écoles soumises à des recherches. Il semble par ailleurs que c'est une
attitude inconsciente et non verbale du professeur qui joue dans cette affaire.
Le onzième chapitre n'intéressera pas seulement les maîtres car les résultats sont
mis en parallèle avec les études sur les placebos et avec ce que l'auteur appelle
« Hawthorne effects >» en sociologie industrielle, somme toute avec les perturbations
créées par l'observation et l'expérimentation chez les sujets qui y sont soumis du
seul fait de la situation nouvelle que crée l'expérience.
Il n'est pas besoin d'insister sur la gravité de ces conséquences, une réflexion
(p. 175) des auteurs en mesure l'importance : « ... pour des raisons éthiques, il
avait été décidé de tester seulement l'hypothèse selon laquelle une attente
favorable de l'éducateur pouvait augmenter les performances intellectuelles des éduqués ».
Il va sans dire, en effet, que des expérimentateurs aussi respectueux et aussi
consciencieux n'ont pas voulu courir le risque de désigner comme incapables de
suivre des enfants tirés au sort, car ils auraient craint de vérifier l'hypothèse, de
voir leurs prophéties se réaliser et d'avoir compromis l'avenir scolaire d'un enfant.
Mais l'enseignant, et l'auteur de ces lignes en est un, qui lit ce livre est forcé de
reconnaître avec angoisse que, tous les jours, nous faisons sur des centaines et
des milliers d'enfants ce que l'expérimentateur n'a pas osé faire; nous faisons
plus que faire ce pronostic, nous le disons à l'intéressé, nous le disons à sa
famille, nous le disons à nos collègues-
Henri PEQUIGNOT.

STEPHENS (J.M.) — The process of schooling. A psychological examination.


(Le processus d'instruction à l'école, une approche psychologique). — Holt, Rine-
hart and Winston, 1967. — 22 cm, 168 p., tabl., bibliogr., index.

Il est fréquent de constater que de très nombreuses réformes ou innovations


scolaires restent de peu d'effet quant à une transformation réelle et efficace de
l'école. Trop souvent, l'introduction de nouvelles méthodes, de nouvelles techniques,
de procédés spécifiques ne se situe pas dans le contexte d'une connaissance
suffisante des mécanismes de résistance au changement de l'école et, partant, des
forces vives qui sous-tendent le processus que l'on veut modifier. S'engager dans
un effort de compréhension et de clarification de ces forces vives apparaît alors
comme la tâche la plus réaliste pour faciliter un changement réel.
C'est à cette tâche que l'auteur, professeur dans une université canadienne (1),
se consacre tout au long de cet ouvrage. Quels sont les mécanismes de base
responsables de l'apprentissage scolaire, comment sont-ils mis en œuvre dans le
cadre de la relation pédagogique?... De question en question, l'auteur est amené
à s'interroger sur le rôle social de l'école, sa fonction, son organe, etc.. Il s'agit là

(1) The University of British Columbia.

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