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SUR LES PAS DE LIPMAN, PHILOSOPHER A L’ECOLE.

UNE HISTOIRE SCIENTIFIQUE A CONNAITRE.


Emmanuèle Auriac-Slusarczyk & Hélène Maire

Nous remercions le public d’enseignants et de formateurs qui nous a demandé de rédiger un chapitre
permettant de disposer d’une vue d’ensemble des résultats avérés sur les pratiques philosophiques, lors du
séminaire tenu à Grenoble en décembre 2017.

Résumé : Ce chapitre présente aux enseignants ce qui fait l’intérêt du dispositif élaboré par
Matthew Lipman dans les années 1980 en Amérique du Nord, dans la lignée des revues de
littérature existantes depuis les années 2000. Il met en exergue l’ensemble des bénéfices
avérés scientifiquement depuis 50 ans quant à l’impact des pratiques de discussion à visée
philosophique sur les aspects scolaires, cognitifs et langagiers, transversaux, de la petite
enfance jusqu’à l’adolescence, auprès d’élèves ordinaires ou fragiles. La contribution détaille
en première partie les enjeux d’émancipation intellectuelle que fournit la philosophie aux
jeunes, l’esprit de l’inventeur dans le contexte de l’époque mais aussi les méthodes
scientifiques appliquées dès le départ par Lipman pour mesurer l’incidence sur le
raisonnement, la lecture et les mathématiques. En seconde partie, les plus récents travaux sont
exposés afin de mettre à jour la littérature sur le sujet. L’intégration de la philosophie dans les
programmes scolaires est discutée au regard des éclairages scientifiques apportés.

Abstract : Following previous literature reviews, this chapter provides to teachers an


overview of the interest of the programme developed by the Matthew Lipman in the 1980s in
North America. This review highlights the overall benefits that have been scientifically
demonstrated for fifty years about the impact of Philosophy for Children (P4C) on academic
and cognitive aspects and on literacy, from early childhood to adolescence, in typical and
exceptional pupils. In the first section, the issues in terms of the intellectual emancipation
brought by philosophy to young people, the spirit of the inventor in the context of the time, as
well as the scientific methods initially used by Lipman to assess the impact of P4C on
reasoning, reading and mathematics, are discussed. The second section presents the more
recent studies about the benefits of P4C. The integration of philosophy in school curricula is
then discussed in light of the reported scientific evidence.

« La relation de chacun à Lipman est plus ou moins forte, et varie de


l'enracinement profond à la simple inspiration. »

Nathalie Frieden, 2012, Diotime, 51


Dans cette contribution, nous souhaitons que les praticiens d’hier, qui ont osé durant 20
ans philosopher avec leurs élèves, innovant en cela avant l’institutionnalisation des pratiques,
et que les enseignants de demain, qui œuvreront dans le cadre scolaire en France à partir de
20151, connaissent le fondement historique des « ateliers philo »2 et disposent de repères et
d’assises communs quant aux bénéfices avérés des pratiques philosophiques à l’école depuis
50 ans.
A l’heure de rédaction de cette contribution, la pratique philosophique, jusqu’alors
présentée comme exemple d’activité possible est retirée, parmi d’autres activités, des
nouveaux programmes d’Enseignement Moral et Civique (EMC) applicables à la rentrée
scolaire 2018 (Beyer, 2018 ; Thomas, 2018)3.

Introduction
Nous comparerons volontiers Lipman au Petit Poucet, Lipman ayant laissé des traces dans
la forêt de ses idées. On peut grâce à ses traces resituer l’esprit de son action éducative et
mieux comprendre les pratiques philosophiques qui se sont progressivement implantées dans
toute l’Europe (Vasseur, 2005). Camille Vasseur situe clairement la dette morale, spirituelle,
pédagogique sous la question : que devons-nous à Lipman ? De même, Vansieleghem et
Kennedy s’intéressent à l’après Lipman ; ils positionnent le philosophe comme appartenant à
la 1ère génération à considérer avant que la 2ème génération ne réoriente les vues princeps de
Lipman (Vansieleghem & Kennedy, 2011). Selon ces auteurs, les philosophes Matthews
(1980, 1984, 1994) et Kennedy (1992) associent la mouvance lipmanienne à la vision adulto-
centrée de l’époque qui imposa une redéfinition de l’enfance. Pour ces philosophes, Lipman
participe à ce tournant des années 70. La 2ème génération, représentée par Ann Margaret
Sharp, David Kennedy, Karin Murris, Walter Kohan, Michel Sasseville, Joanna Haynes, Jen
Glaser, Oscar Brenifier, Michel Tozzi, Marina Santi, Barbara Weber et Philip Cam
(Vansieleghem & Kennedy, 2011, p. 177) engage la diversification de méthodes et, peu ou
prou, à tort ou à raison, critique le caractère jugé trop analytique de l’exercice de la pensée
suggéré par le modèle pédagogique de Lipman, particulièrement à travers ses manuels
d’accompagnement. Le fossé de générations se note sous l’emploi non innocent des

1
Voir le site ministériel sur http://www.education.gouv.fr/cid90776/l-enseignement-moral-et-civique-au-bo-
special-du-25-juin-2015.html et http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=90158
pour le détail des programmes de primaire et de collège.
2
Nous gardons cette expression générique pour insister sur la dimension pédagogique (art, bon bricolage) de
« l’atelier ». Le mot « philo- », amputé du suffixe conserve l’idée d’une filiation traditionnelle (celle de l’enfant
à l’adulte) sans se confondre avec la discipline d’enseignement. L’« atelier-philo » ne vise pas (au sens
téléonomique) le philosophique ; dans la lignée de Lipman (comme dans l’acception de Jacques Lévine,
psychanalyste qui a investi ce champ en France) il est « fondé » par le philosophique.
3
Thomas, 2018, le 13 juillet 2018, Libération : http://www.liberation.fr/france/2018/07/13/les-modifications-
des-programmes-scolaires-imposees-a-marche-forcee_1666178 ou Beyer, 12 juillet 2018, le Figaro :
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/07/12/01016-20180712ARTFIG00252-polemique-autour-des-
nouveaux-programmes.php
prépositions alternatives pour versus avec: “Now philosophy for children becomes philosophy
with children”, expriment les auteurs (Vansieleghem & Kennedy, 2011, p.178).
Nous rappellerons aussi que Lipman, bien que philosophe, a adopté dès le départ les
méthodes scientifiques relevant du domaine de la psychologie : il évalue les effets de ses
expériences pédagogiques, mesure, teste. Nombre de travaux lui ont désormais emboîté le
pas, et mesurent les effets des pratiques philosophiques depuis plus de 45 ans. Sans prétendre
à l’exhaustivité, nous borderons dans notre contribution les bénéfices quasi4 indiscutables de
la « Philosophy for Children » (P4C) en lien avec l’esprit fondateur de Matthew Lipman.

I. Matthew Lipman : ne pas oublier la première génération


Il y a 50 ans environ, Lipman (1922-2010), universitaire, professeur de philosophie, a
souhaité faire œuvre d’éducation. Lisons l’une des premières traces lipmaniennes sises dans
l’introduction de sa nouvelle Harry Stottlemeir:
« Ce ne fut pas avant 1975 que j’eus la possibilité de monter une autre expérience. Cette fois-ci, deux cent
élèves furent formés pendant quatre mois par leurs propres maîtres d’école. Cette fois-là, les gains en
raisonnement furent moins impressionnants, mais le gain en lecture (du groupe expérimental par rapport au
groupe témoin) fut important, et dans certains cas spectaculaire »
Extrait 1 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir5.
Le caractère scientifique des travaux de Matthew Lipman s’affirme autant que le caractère
pédagogique de son œuvre. Lipman a utilisé les mesures d’écarts entre pré- et post- tests dans
une approche qui relève de la psychologie du développement. Il s’intéresse à l’enfance en
devenir.
En outre, pédagogiquement ancré sur la création de nouvelles philosophiques, le modèle de
changement de Lipman s’inscrit comme refondateur de l’école. Lisons-le dans le texte,
encore :
« L’impact d’une telle littérature sur les enfants d’aujourd’hui pourrait ne pas être immédiatement
apprécié. Mais l’impact sur les adultes de demain pourrait être tellement considérable qu’il nous amènerait à
nous étonner d’avoir refusé la philosophie aux enfants jusqu’à ce jour. »
Extrait 2 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir.
Lipman a pensé un modèle qui s’apparente au « cheval de Troie » (Vansieleghem & Kennedy,
2011, p.179), donnant le pouvoir de penser aux enfants à l’insu de l’envahisseur adulte: la
philosophie leur est adressée, elle est pour eux. Les récents écrits dans la filiation de Dewey
(Greenwalt, Kemling, & Wubbena, 2016) confortent eux aussi ce rapprochement entre la
pratique philosophique et l’ambition de croire en une nouvelle société. Les chercheurs que
l’on pourra bientôt nommer comme formant la 3ème génération, réinstallent l’intérêt de penser

4
La modulation reflète davantage l’impossibilité de recenser tous les effets qu’une absence d’effets (Mortier,
2005).
5
La première nouvelle philosophique de Lipman est publiée en 1974. Lipman, M. (1974) Harry Stottlemeier’s
Discovery. Montclair: NJ, IAPC.
à nouveau les contours de l’éducation, en termes de Justice, d’Espoir, pariant sur la créativité
du XXIème siècle, ce, sans ignorer les tensions éducatives que cela suscite (Greenwlat,
Keming & Wubbena, 2016, p.1). On aurait tort de mettre sur le même plan les perspectives de
la 2ème génération, celles bien reconnues de Michel Tozzi et Jacques Lévine en France pour
exemple (Rispail, Calistri, Martel & Bomel-Rainelli, 2007) avec celles de la 1ère génération ou
avec celles qui se déploient actuellement comme 3ème génération.
Il s’agit ainsi de ne pas sacrifier à la simplification de présentation la compréhension
éclairée du courant de philosophie pour enfant, sans quoi une petite tricherie historique
perturbera et déroutera vite l’esprit même des pratiques pédagogiques initiées par Lipman. On
ne peut laisser dépendre les expériences qui se déroulent en classe des seuls contextes
politiques qui tantôt les renient, tantôt les acceptent.
Si Matthew Lipman associe l’art de communiquer en communauté de recherche à l’art de
bien penser, c’est qu’il bouscule les acquis en matière de méthodes pédagogiques
traditionnelles. Mortier (2005) exploite brillamment, via une revue critique, les outils utilisés
par Lipman et ses continuateurs entre 1976 et 1983, qui font ressortir le bien fondé, y compris
méthodologique, de la corde dite solide imputable à la pratique de philosophie pour enfants :
sur la base de l’utilisation du California Test of Mental Maturity administré à 40 élèves de
cours moyen, une avance de 27 mois en âge mental est effectivement mesurée chez les
enfants expérimentant la P4C. « Bien que le résultat paraisse excessif, d’autres études de
qualité diverse, confirment de façon consistante et systématique que la PAE [Philosophie
Avec les Enfants] a un effet considérable sur l’intelligence générale, telle qu’elle apparaît
dans la compétence à raisonner et dans les compétences linguistiques et mathématiques »
(Mortier, 2005, p.68). Tel fut le démarrage. Tel est l’effet principal associé à la 1ère
génération.

Aujourd’hui, l’ensemble des travaux et publications de Lipman, puis des travaux


pédagogiques et scientifiques accomplis par la 2ème génération au sein de l’ICPIC6, de même
que la recension des résultats opérés par l’association promotrice anglo-saxonne SAPERE7
(Chetty, 2014; Sutcliffe, 20098) de dix-huit études de 1970 aux années 2000, dont les revues
de Topping et Trickey (2007a, 2007b, 2007c), demeurent mal connus. En témoigne le récent
article de De Marzio (2017) qui reprend le modèle de Lipman et détaille largement ce qui est
pourtant publié de longue date. Les récentes publications de Gorard et ses collaborateurs

6
« L'ICPIC est une organisation internationale dont le sigle signifie Conseil international d'enquête
philosophique avec enfants (International Council of Philosophical Inquiry with Children). Cette organisation
regroupe toutes les personnes et les organisations qui développent la philosophie avec enfants dans le monde,
dans la mouvance de l'école de Lipman. » Définition de Nathalie Frieden, Diotime, 51, 2012 : http://www.educ-
revues.fr/DIOTIME/ AffichageDocument.aspx?iddoc=39867
7
SAPERE désigne la Society for the Advancement of Philosophical Enquiry and Reflection in Education, fondée
par l’Education Endowment Foundation : “Founded in 1992, SAPERE is a UK educational charity that
promotes P4C. […] SAPERE founder member (is) Roger Sutcliffe’s”, voir Chetty, 2014.
8
Roger Sutcliffe, londonien, est le President de la SAPERE et de l’ICPIC.
(Gorard, Sidiqqui, & See, 2015, 2017) plaident en la faveur d’une meilleure connaissance des
tailles des effets, de validité des tests, d’échantillons, d’empans des études et des précautions à
prendre pour révéler les bénéfices de la P4C, par un auteur qui, tout comme Mortier (voir plus
haut), ne peut être soupçonné d’aucune complaisance en matière de méthodologie statistique
(Gorard, 2013 ; Gorard & Gorard, 2016).
Ainsi, entre l’époque où le modèle de Mathew Lipman fut mis en discussion 30 ans après
ses propres travaux (Leleux, 2005) et la récente parution du premier Handbook international
de Philosophy for Children (Gregory, Haynes, & Murris, 2017), 10 ans après, que retenir ?
Retourner aux origines ne ressort pas d’une rétrospective historique mais permet de davantage
comprendre ce qui peut être retenu comme bénéfices avérés de la P4C et principes associés,
en connaissance de cause. Sans ce contexte, les mesures n’ont guère de sens.

I.1. Qu’a voulu faire Matthew Lipman ? Quelques éléments d’origine


Quand Lipman écrit À la découverte d’Harry Stottlemeyer (jeu de mot sur Aristote le
Meilleur), l’ouvrage de 1978 titre : « l’enfant qui vient de l’avenir »9 et l’avant-propos,
invention d’une découverte, stipule :
« En 1969, alors que depuis quelques années j’enseignais les bases de la logique à des étudiants, je me
suis mis à douter sérieusement de sa valeur. J’étais à nouveau assailli des mêmes doutes à propos de la
logique que ceux qui avaient surgi alors que j’étais moi-même étudiant, à une époque où je ne trouvais pas
cette matière à mon goût. (…) Je me demandais quel bénéfice mes étudiants pouvaient bien tirer de l’étude
des règles déterminant la validité des syllogismes, ou de l’apprentissage de la construction de propositions
inverses. Raisonnaient-ils vraiment mieux, à la suite de leurs études de logique ? Leurs habitudes
linguistiques et psychologiques n’étaient-elles point déjà si solidement établies que toute espèce de méthode
ou d’enseignement concernant le raisonnement arrivait trop tard ? »
Extrait 3 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir. C’est nous qui soulignons.
La corde solide décrite par Matthew Lipman (cf. plus haut) est à associer au raisonnement.
Il en reprécisera encore les contours 35 ans plus tard (Lipman, 2005), en expliquant que le
programme scolaire est à remanier pour être, entre autres, impartial, non dogmatique. Il doit
reposer sur l’affinité naturelle de l’enfant pour la philosophie et sa démarche logique, en appui
sur la conception que le raisonnement s’apparente à une technique qui s’exerce dans des
discussions sur des points concrets (Lipman, 2005, pp.13-15). La technique (qui explique les
critiques de la 2ème génération) et l’appui sur le concret sont au cœur d’une idée d’efficacité
chez Lipman. Il faut, on doit, on peut y arriver. Le pari d’avenir est là.
Son avant-propos de 1978 se poursuit alors ainsi :
« C’est à cette époque également que, par chance, je suivis de près les efforts déployés par un éducateur
pour retardés mentaux, afin d’aider ses enfants dans leur apprentissage de la lecture. Les plus jeunes
paraissaient capables de lire les mots, mais ils ne pouvaient en extraire le sens. Je lui suggérais de leur donner
des exercices d’inférences logiques, et l’éducateur me dit que cette pratique s’avérait efficace. Cela

9
Dans sa version traduite par Pierre Belaval, agrégé de philosophie, publiée aux éditions J. Vrin, Paris,
Sorbonne.
confirma mon pressentiment : les enfants pouvaient tirer profit d’un enseignement de l’art de raisonner à
condition qu’il leur soit dispensé assez tôt dans leur développement. »
Extrait 4 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir. C’est nous qui soulignons.
Trente-cinq ans plus tard toujours, Lipman présentera l’intérêt qu’il y a de ne pas délier
l’ancrage disciplinaire scolaire (mathématique, lecture, etc.) qu’il resitue dans des champs
disciplinaires plus larges (logique formelle et informelle, investigation scientifique,
philosophie, langues étrangères et linguistique, littérature, psychologie cognitive, dialogue
enseignement) du développement de la réflexion critique10. Car, la programmatique de
Lipman associe les aptitudes à la réflexion à l’ensemble des contextes d’application du
raisonnement (et du jugement). Il pense son entreprise en termes de transfert de la réflexion
critique à l’ensemble des contextes permettant de faire valoir une aptitude autocorrective.
C’est le « je » du sujet responsable de sa pensée qui est traqué par Lipman dès le départ.
L’« homme de demain » doit être raisonnable. Raisonnable, car il sera doué de raison, mais
aussi raisonnable car il saura écouter autrui et souffrir la contradiction. Il signale alors la
disparition du je et du jugement critique de ses étudiants par une sorte d’affaiblissement de la
transmission éducative qui a falsifié le jugement :
« A cette époque, j’étais professeur de philosophie à l’Université Columbia. Sans aucun doute, les
manifestations estudiantines de 1968 avaient contribué à renforcer le malaise que je ressentais concernant
mon enseignement. En observant les efforts maladroits entrepris par l’Université pour se remettre en
question, j’en arrivais immanquablement à la conclusion que les problèmes de l’Université ne pouvaient se
résoudre dans le cadre même de cette institution. Tant enseignants qu’étudiants, nous étions tous sortis du
même moule éducatif primaire puis secondaire. Si nous avions reçu une mauvaise formation à ces échelons
initiaux, alors, très vraisemblablement, nous en étions arrivés à partager beaucoup d’idées fausses cela
nous donnait donc toutes les chances de massacrer, avec un bel ensemble, notre éducation ultérieure »
Extrait 5 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir. C’est nous qui soulignons.
L’intention de son œuvre pédagogique est trop souvent simplifiée dans la transmission que
l’on a parfois faite dans le passage à la 2ème puis 3ème génération. Ses questions pratiques et
princeps renseignent pourtant clairement :
« Etait-il possible d’aider les enfants à penser avec une meilleure maîtrise ? Que les enfants pensent
aussi naturellement qu’ils parlent ou qu’ils respirent, je n’en doutais pas. Mais comment les aider à bien
penser ? »
Extrait 6 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir (avant-propos, p.ii). C’est nous qui soulignons.
Matthew Lipman est un pédagogue. Il aide. Il accompagne. C’est pourquoi il a pris le
temps d’inventer un dispositif pédagogique, de le tester et de le roder en classe. Il choisit de

10
Ce que reprend en substance les textes officiels de 2015. Voir le point 6 des principes généraux de l’EMC sur
le site ministériel : L'enseignement moral et civique doit avoir un horaire spécialement dédié. Mais il ne saurait
se réduire à être un contenu enseigné « à côté » des autres. Tous les enseignements à tous les degrés doivent y
être articulés en sollicitant les dimensions émancipatrices et les dimensions sociales des apprentissages scolaires,
tous portés par une même exigence d'humanisme. Tous les domaines disciplinaires ainsi que la vie scolaire
contribuent à cet enseignement. http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=90158
réformer l’école. On doit donc remarquer que le déploiement actuel d’ateliers philo
extrascolaires contredit l’entreprise lipmanienne de réforme éducative. Lipman est un
réformateur, acteur de l’école de la république.
C’est alors la littérature qui inspire Lipman. Pourquoi ? Comment ? Pas de n’importe
quelle manière. Là, encore, c’est important de le lire ou de le relire :
« On me donna l’envie d’écrire une histoire d’enfants. Mais quelle sorte d’histoire d’enfants ?
Sûrement pas une du genre où des adultes super instruits expliquent avec bienveillance à leur petit
peuple d’ignorants les différences entre une pensée correcte et une pensée erronée ; rien d’aussi
condescendant. Ce serait quelque chose que les enfants découvriraient par eux-mêmes, avec seulement
une aide limitée de la part des adultes. Dans cette histoire, les enfants constitueraient, en quelque sorte,
une petite communauté de recherches, dans laquelle chacun prendrait part, au moins jusqu’à un
certain point : recherche et découverte communes des façons les plus efficaces de penser. Je pensais que
la petite bande des enfants de mon histoire serviraient de modèles auxquels pourraient s’identifier les
véritables enfants d’une classe. Un tel tableau, d’enfants vivant ensemble d’une façon intelligente et
dans un respect mutuel, pourrait donner à de vrais enfants l’espoir de voir se réaliser un tel idéal (les
dialogues de Platon ont eu ce rôle pour les adultes). »
Extrait 7 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir (avant-propos, page iii). C’est nous qui soulignons.
La méthode lipmaniene détourne l’affaiblissement possible des mauvaises raisons qui
contrecarreraient le développement du philosopher à l’école, i.e. le pourquoi, en soignant
radicalement le comment. Il agit moins pour faire entrer la philosophie comme genre scolaire
(Auguet, 2003) que pour interroger l’école sur le besoin humain de philosophie (Galichet,
2005) : « Les philosophes eux-mêmes — notamment Schopenhauer, Nietzsche et Bergson —
ne se sont pas fait faute de voir dans l’enseignement scolaire de la philosophie une trahison
de celle-ci, une forme abâtardie et perverse de ce qu’est véritablement le philosopher. La
question de savoir si la philosophie est et peut être ou non un genre scolaire ne concerne
donc pas seulement les pédagogues, mais aussi les philosophes. » (Galichet, 2005, p.50).

Lipman n’impose donc pas une forme scolaire (cf. Gasparini, 2009 ; Rayou & Bautier,
2009) pour la philosophie : au contraire, il conserve les acquis et nécessités des disciplines
étudiées (mathématiques, français, etc.) auxquelles il conjugue l’introduction de discussions
en communauté de recherche philosophique. Ce que les recherches récentes confirmeront
quant aux effets possibles à considérer (Gorard et al., 2017). La philosophie, répétons-le, était
chez Lipman pour les enfants, avant que la 2ème génération de la pense avec les enfants, et
avant qu’elle s’impose comme un exemple d’activité scolaire au sein du programme d’EMC
(Enseignement Moral et Civique ; Ministère de l’Education Nationale, 2015). Kant et Bergson
ont pourtant pointé la nécessaire dissociation du philosophique et du scolaire (Galichet, 2005),
relevant la contradiction lipmanienne consistant à institutionnaliser la philosophie pour
enfants ; la philosophie, nous dit Galichet (2005), a toujours entretenu avec l’école « une
position ambivalente », et depuis Platon et Aristote, « on pourrait presque dire que l’école est
une invention philosophique » (p.55).
C’est pourquoi comprendre le principe de Lipman, c’est comprendre le pari pédagogique
autant que le pari philosophique qui l’a décidé à agir au nom de l’humain de demain.

I.2. Matthew Lipman, Anne Margaret Sharp et Gareth Matthews:


l’ingéniosité pédagogique
Le récent Handbook consacré à la philosophie pour enfants (Gregory et al., 2017) est dédié
aux pionniers (Matthew Lipman, Anne Margaret Sharp et Gareth Matthews) et comprend 29
contributions réunissant 56 auteurs, qui résonnent de l’esprit collectif et de l’attachement aux
applications pratiques et concrètes des pionniers. Lipman écrivait :
« Je me vois encore réfléchir sur le choix des noms que je donnerais aux personnages de l’histoire (je ne
pensais pas encore en faire un livre). L’idée d’un jeu de mot sur le nom du fondateur de la logique me
démangeait. Pourquoi pas quelque chose comme « Ari Starle » (se prononce en anglais Ari-Stotle, et le verbe
startle a le sens d’éveiller d’où Ari l’Eveilleur). Trop maladroit et trop forcé. Je me décidais pour Harry
Stottlemeieir. Les autres enfants de l’histoire reçurent des noms représentant par leurs consonances les
différents types ethniques, une manœuvre que j’avais consciemment tirée de Moby Dick. (Dans mes récents
romans, j’ai eu tendance à passer sous silence les noms de famille). »
Extrait 8 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir. C’est nous qui soulignons.
Lipman a forgé un outil au sens de l’art qu’est la pédagogie (Buisson, 1887)11. Il a soigné
ses écrits. Lus trop rapidement par la 2ème génération, mal relayés car considérés comme une
littérature éloignée des canons de la littérature jeunesse en France, l’intérêt de l’outil, qu’on
l’utilise ou pas, réside dans le pourquoi il est conçu d’un telle manière. Ecoutons-le, encore :
« Les personnages n’étaient pas empruntés à la vie réelle, l’intrigue non plus, pour autant qu’il y en eût
une. Mes propres enfants avaient, à cette époque, respectivement huit et neuf ans, et il ne m’était pas venu
à l’esprit de m’en servir pour modèles. Ce qu’ils m’avaient donné, originellement, c’était le sens de la réalité
du dialogue d’un adulte avec des enfants. »
Extrait 9 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir. C’est nous qui soulignons.
C’est le dialogue enfant-adulte qui est au cœur du roman lipmanien. C’est la tension que
les pédagogues nomment « zone proximale de développement » (Vygotski, 1934/1997)12 qui
réunit dans le texte la voix sous-jacente de l’adulte et le monde de l’enfance. Modélisant en
cela les contours possibles des échanges en communauté de recherche, l’ajustement des
propos à une réalité est en jeu, au sens où elle doit se construire. Lipman délimite juste
l’espace du jeu intellectuel. Il libère la place. Il remplit cet espace transitionnel avec les choix,
les alternatives, la possibilité de navigation en terrain certes inconnu mais aussi balisé de part
et d’autre.
« Ce qui distinguait les enfants les uns des autres, me semblait-il, n’était pas tant leur caractère que leurs
différents styles de pensée. L’un pouvait être expérimentaliste, un autre intuitif, un troisième analytique,

11
Voir pour une présentation : http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/
12
Notez que la traduction des travaux de Vygotski accessible en français (1997) est effectuée presque vingt ans
après la traduction accessible en anglais (1975).
un quatrième sceptique, et ainsi de suite sans qu’aucun style fût présenté intrinsèquement comme
meilleur ou pire qu’un autre. »
Extrait 10 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir. C’est nous qui soulignons.
Preuve que la 2ème génération a sans doute quelque peu mal comprise l’entreprise
pédagogique pionnière en stigmatisant les manuels d’accompagnement pour leur caractère
analytique (Kennedy, 2016; Kennedy & Bahler, 2016). L’analyse, la rigueur ou l’exercice
logique, reconnus comme utiles par Lipman, ne sont pas le cœur de l’entreprise. Lipman ne
vise pas la perfection, mais plutôt l’invention (Piaget, 1973, cité par Kennedy, 2016). Lipman
décrit ainsi Harry comme un faux héros, Harry écrit-il:
« lui-même [Harry], était patient, avec l’esprit d’explorateur, passant alternativement d’états
d’émerveillement à des états de doute de soi. Je présumais que ses maladresses et ses fréquents embarras
pourraient le faire universellement aimer des enfants, beaucoup plus sûrement que ne le feraient les vertus
d’un protagoniste infaillible. » C’est nous qui soulignons.
Extrait 11 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir. C’est nous qui soulignons.
Harry reste ainsi ordinaire. La projection/identification sur ce personnage fonctionne sur et
grâce à la marge de doute laissée comme possible et surtout comme souhaitable pour décrire
la condition humaine (Arendt, 1958 ; Beauvoir, 1947).
« Quant à l’intrigue de l’histoire, je la concevais comme une enquête, modèle réduit. Les enfants
découvrent une règle de logique : la conversion. Ils la testent sur un certain nombre de phrases diverses, et
elle marche. Mais quelqu’un trouve un contre-exemple. Tout d’abord, c’est la consternation et le désespoir.
Par la suite, on comprend, cependant, que l’on peut étendre le principe de telle sorte qu’il s’accommode du
contre-exemple. Une fois de plus, on fait le test ; et la règle, dans sa forme révisée, se montre valide. Mais
cela va-t-il marcher dans la vie réelle ? L’épisode final donne aux enfants l’occasion d’appliquer leur
découverte à une situation extrascolaire – cela marche ! »
Extrait 12 : Lipman, 1978, traduit par Pierre Belaval, Introduction à l’enfant qui vient du futur, La
découverte d’Harry Stottlemeir. C’est nous qui soulignons.
Point d’orgue, Lipman révèle, dans la manière qu’il a eu de concevoir son premier roman
philosophique, le caractère d’investigation scientifique qu’il associe à la philosophie. C’est
une philosophie dynamique qu’il embrasse ; la philosophie est active, curieuse, visant le
processus plus que le résultat. En somme, la 3ème génération renouera avec le principe
fondamental de Lipman et de ses collaborateurs si elle rend à l’enfance sa place naturelle, si
elle invite à libérer le pouvoir réflexif de l’enfant, avant que l’école ne tarisse l’aptitude à
investiguer et à raisonner. Ce en quoi Lipman reste en adéquation avec la dissociation
kantienne entre philosophie et école (Galichet, 2005, voir plus haut). La perte d’aptitude à
raisonner est hélas bien souvent rendue visible, via l’école, chez les seuls élèves en difficulté,
voire en souffrance ; ils n’osent alors plus dire, penser, douter. Mais n’est-ce pas l’école qui
accule ces élèves non seulement à l’échec scolaire mais aussi à emprunter une impasse ?
Hawken indique que ces élèves deviennent incorrigibles : ils échappent à l’erreur (Hawken,
2018a, ici même). Dit autrement, ils disparaissent. S’il faut justifier la tentative de placer la
P4C dans les programmes d’enseignement moral et civique en 2015 (M.E.N., 2015),
comprenons qu’il ne s’agit pas de redresser, d’éduquer à la morale, de rendre civique, mais de
respecter chez l’humain sa part de condition humaine pour ne pas le destituer.
La destitution appartient à l’école qui relègue, non pas à l’individu. Devenir incorrigible,
c’est se confronter uniquement à ses erreurs et aux corrections qu’elles entraînent (Fiard &
Auriac, 2006). Peut-on considérer qu’un élève se trompe ? Oui. Mais peut-on considérer
qu’un enfant se trompe ? Non. C’est la raison d’être d’une philosophie pour les enfants. Le
passage de l’enfant à l’élève reste problématique. C’est vrai pour les 1ère, 2ème et 3ème
générations.
Matthew Lipman, en ce sens, est davantage psychologue que philosophe. Il a tracé un
cheminement développemental possible. Il a le grand avantage de ne pas, pour ce faire,
séparer l’enfant de l’école. Ce que le métier d’élève, en revanche, rate (Perrenoud, 1994).
Lipman n’était pas un didacticien.

I.3. Le développement intellectuel d’inspiration vygotskienne (chez Gareth


Matthews et Matthew Lipman) : quelle proximité avec l’enfance ?
Gareth Matthew, contemporain et collaborateur de Lipman, critiquait dès les années 80 la
vision développementale jugée infantilisante de Piaget (Barritt, 1983 ; Matthew, 1980), que
relayait, selon lui, la vision de Bettelheim entérinant l’immaturité d’une enfance qui
nécessiterait un redressement moral via le conte de fée. Matthews et Lipman insistent au
contraire sur l’impact du langage dans l’avènement de la construction active de la pensée : le
dialogue est princeps (Matthew, 1984). On rapporte souvent la filiation de Lipman au courant
pragmatiste de Dewey, omettant que Lipman s’est aussi inspiré de sa lecture de l’œuvre de
Lev Vygotski (Vasseur, 2005, p.32). Vygotski (Vygotski, 1934/1997, 1975, 1978) a travaillé
la question du langage comme activité essentielle au développement intellectuel. Avec son
collaborateur Matthews, Lipman va miser sur les vertus d’un enrôlement de l’enfant via le
dialogue avec l’adulte, en rééquilibrant la zone de développement, d’une autre manière que
Vygotski. Lipman envisage une forme d’équité relationnelle exprimant que « le maître a
beaucoup à apprendre de l’enfant », formule qui figure sur le frontispice de l’Institut Jean
Jacques Rousseau de l’université de Genève (Baritt, 1983). Comme le rapporte Mortier
(2005), Lipman mentionne que les enfants philosophent précisément car il leur « manque
cruellement l’information nécessaire à comprendre leur environnement ». Les enfants
apprennent à parler en voulant dénommer le monde, le comprendre. Ils ont un besoin profond
de philosopher pour unifier leur expérience (Mortier, 2005, p. 50). Tel Tim, dont Matthews
rapporte le dialogue « Tim 6 ans : « Papa: comment peut-on être sûr que tout n’est pas un
rêve ? » (Matthews, 1980, cité par Adler, 1983). Dans cette formule, on pourrait reconnaître
la posture, l’aplomb d’un Derrida qui disait qu’« il y a en effet toujours une idée
philosophique en excès par rapport au réel » (Sané, 2007). L’enfant se surpasse quand il émet
de telles phrases. Il livre autant ce qu’il comprend que ce qu’il ne comprend pas, avec
simplicité. Quand l’enfant dit : « La philosophie, c'est quand on découvre des choses sur le
gens qui habitent la Terre » ; « En philo, j'apprends le monde », il y a réhabilitation de la
sphère expérientielle où tout humain est légitime, enfant ou adulte (Hawken, 2018b). Ainsi
Lipman envisage l’enfant qui vient de l’avenir, et tire en avant l’intelligence, aide à
développer le raisonnement, mais en respectant simultanément les compétences de pensée et
de paroles des enfants : il reste à leur portée. C’est l’enfant qui questionne.
Alors que peut-on espérer d’un programme pédagogique qui reste à la portée des enfants ?
Peut-il y avoir une progression intellectuelle sans programme ? Le mérite de Lipman, la dette
qu’on a envers lui est d’avoir réuni cet esprit d’ouverture sur une enfance non infantilisée, non
rabaissée à un stade inférieur, avec la mesure d’une avance intellectuelle de 27 mois. Alors,
ne parle-t-on pas de miracle ? N’y va-t-il pas là d’une tricherie ? Hawken explique : « Un
jour, une enfant de 10 ans, Danièle-Henriette, m'a dit : « La philosophie... on dit ses idées qui
sont presque impossibles à penser, on essaie de chercher des idées plus haut »13 Il m'a parfois
semblé impossible de penser la philosophie pour enfants : ce mouvement pédagogique neuf,
balbutiant, constituait un objet d'étude instable, glissant, et si j'ose dire, savonneux. »
(Hawken, 2018b). Prendre au sérieux les enfants, traiter leurs questions avec rigueur, comme
celles d’un philosophe, à hauteur d’adulte, n’est pas sans conséquence sur la perception que
l’on a de soi, du métier (voir par exemple Jones, 2008) : cela transforme non seulement
l’enfant en advenir, mais aussi l’adulte en investigateur curieux. Certains auteurs parlent
même de philosophie, pour, avec et d’enfants (for, with and of ; Glina, 2013).
Nous avons nous-mêmes mis en évidence cette accélération vygotskienne du
développement chez des élèves philosophant qui débordaient d’idées ; ces derniers
dépassaient de deux ans le niveau de créativité standard (Auriac, 2007 ; Auriac-Peyronnet &
Daniel 2005). Si l’on ne peut parfois mesurer les effets, ni caractériser leur taille en dehors
d’études au contexte limité, lorsqu’on atteint des seuils significatifs, il convient de resituer
théoriquement les bénéfices constatés, pour renouer ou renouveler les vues qu’on porte aux
pratiques philosophiques.
La deuxième partie de notre contribution concernera exclusivement, pour cette raison, les
bénéfices mesurés dus à la P4C.

II. Exploration progressive des bénéfices de la P4C


Comme nous l’avons dit, adoptant une posture scientifique dès le départ, Lipman pratique
des tests pour mettre en évidence l’impact de la P4C en utilisant un design classique de type
test/re-test (Lipman & Bierman, 1980, cité par Mortier, 2005, p. 48). Il effectue d’abord ses
tests sur un petit groupe d’élèves philosophant âgés de 10 ans (20 élèves), et met en évidence
un effet simple, en ciblant les progrès en lecture, à deux puis six mois d’intervalle après

13
Voir la retranscription des ateliers de philosophie en cadre scolaire, école Fraternité, classe de CM2 B (E. Le
Gall), 3 décembre 2011, p. 667 des annexes (Hawken, 2016).
l’expérience. L’écart de maturité14 de 27 mois entre les groupes se transfère sur la
compréhension écrite encore deux ans après (Mortier, 2005). Lipman consigne que la qualité
de l’enseignement, voire la particularité de l’enseignant, pourraient être en cause. Mortier
reprend cette étude et ce résultat en indiquant qu’en 2005 aucune étude n’avait répertorié de
tels progrès. Ces premiers tests manquent cependant de groupes contrôles. Alors que mesure-
t-on ? A cette période, Shipman15 (1983) à la suite de Lipman, Sharp & Oscanyan (1980)
rapporte un effet consistant sur l’intelligence générale (cf. Mortier, 2005, p. 68). Nous avons
nous-mêmes mesuré un transfert positif des oraux philosophiques sur la compétence écrite
(Auriac-Peyronnet & Daniel, 2005). Les faits restent spectaculaires. On semble atteindre la
marge haute d’un potentiel de développement : aptes à surpasser la norme, les élèves n’en
deviennent pas pour autant surdoués. Mais, si certaines performances ciblées dépassent la
norme, cette fois comparativement à des groupes contrôles, il faut s’inquiéter de la manière
dont l’école accueille, gère, ralentit, oriente nos enfants. Les premières études consignent des
résultats significatifs sur la lecture, les mathématiques, la pensée créative et le raisonnement
logique testé par l’équipe autour de Lipman (avec la version Q3 de l’ETS, Educational
Testing Service, développée entre 1976 et 197816).
Les bénéfices des dispositifs scolaires introduisant de manière novatrice la philosophie à
l’oral en classe ont actuellement été graduellement démontrés dans différents domaines, à la
fois personnel/interpersonnel et cognitif/scolaire (Garcia-Moriyon, Rebollo, & Colom, 2005 ;
Gregory et al., 2017 ; Millett & Tapper, 2012 ; Trickey & Topping, 2004). On peut distinguer,
dans les études, ce qui relève des transferts cognitifs et scolaires sur des matières
importantes (français, lecture, écriture), de ce qui relève de domaines plus
transversaux (estime de soi, intelligence générale, quotient intellectuel, tâche de
raisonnement, argumentation). Le faisceau actuel de résultats converge pour donner une
impression somme toute assez complète des bénéfices de la P4C, avec quelques zones
d’ombre. Il ne s’agit pas d’opposer ces effets, mais d’en comprendre le sens et la portée aux
bénéfices des humains.

II.1. Les premiers bénéfices de la P4C évalués

14
Les progrès sont mesurés avec le California Test of Mental Maturity (Mortier, 2005, p.48).
15
Virginia Shipman a développé le test NJTRS New Jersey Test of Reasoning Skills entre 1976 et 1983, au sein
de l’université du New Jersey. Des exemples d’items sont donnés par Mortier, 2005, p. 56. Mortier déplore
l’absence d’accès au rapport complet de Shipman, malgré la publication de Shipman, 1983, sur ce test.
16
L’adaptation de mesures s’est développée progressivement avec au moins 4 versions de test (Q1, Q2, Q3 et
Q4), et ce n’est qu’en 1980-81 que la validation du test a été obtenue avec 74 classes expérimentales et 42
classes contrôles et un échantillon de 2 346 élèves d’origines scolaires et ethniques contrastées, validant le test
définitivement dénommé par la suite NJTRS, New Jersey Test of Reasoning Skills, cf. Mortier, 2005, pp. 55-57
et note 72, p. 57.
La diffraction temporelle et géographique des travaux, pris en charge bien souvent au sein
d’associations, groupements, instituts ou fondations17, ne facilite pas la clarté. Dès 2005,
Mortier souligne qu’« il y a tout un réseau de gains attendus sur le plan du raisonnement, de
la construction de l’identité de la formation sociale et éthique qui se rattache à une multitude
d’objectifs scolaires » (Mortier, 2005, p.51). Ceci pose la question d’une mesure de la pensée
critique, et/ou de sa catégorisation en processus impliqués qui déjouent la lisibilité
d’ensemble. En subdivisant la pensée en habiletés cognitives et métacognitives (Mortier,
2005, pp. 51-52; voir la critique analytique de la 2ème génération), Lipman a peut-être introduit
un trop plein de réflexivité sur l’objet, qui diffracte trop ce qui est global et transférable. Il ne
faut cependant pas confondre la méthode d’analyse et d’explicitation de Lipman, les méthodes
scientifiques pour mettre en exergue ce que l’on peut mesurer, et l’esprit d’initiative de
Lipman. Chaque secteur doit être rigoureusement circonscrit. Nous allons donc présenter une
revue des résultats scientifiques avérés durant 50 ans.

Les revues et méta-analyses de Mortier (2005) et Trickey et Topping (2004)


Deux revues de littérature, l’une établie par Mortier pour le compte du Parlement de la
Communauté française de Belgique, l’autre conduite par une équipe anglaise, liée à la société
SAPERE (voir plus haut), et effectuée par Trickey et Topping, permettent de cadrer la
première période de relevé des bénéfices entre 1970 et 2004/2005.
Freddy Mortier a vérifié sur un nombre conséquent d’études les bénéfices de la P4C, en
interrogeant les outils de mesure utilisés, la taille des effets, le niveau d’âge concerné, voire le
bienfondé de la mesure quand son lien n’était pas exclusif à la philosophie, en adoptant, dit-il,
une « sévérité méthodologique » (Mortier, 2005). Pour exemple, il a regretté explicitement
l’absence ponctuelle de tests statistiques fournis (Jenkins, 1985), et s’est ainsi appuyé sur une
sélection des études fiables (Mortier, 2005, p. 63). Il série puis gradue les références
consultées. Au regard de 28 études consultées, les 8 utilisant le matériel de Lipman (Iorio,
Weintsein & Martin, 1981/1982, 1984; Jackson & Deutsch, 198718; Harckham, 1988/1989;
Schleifer, Lebuis & Caron, 1987; Shipman, 1982, cité et répertorié par Mortier, 2005, p. 63)
et comportant des designs expérimentaux (avec groupe contrôle, population de plus de 100
élèves, ou magnitude de l’effet statistique indiqué) prouvent qu’: « il est clair que la PAE « ça
marche » : elle contribue au développement de la pensée critique » (Mortier, 2005, p. 62).
Ensuite, il a retenu d’autres études en raison de leur méthodologie saine et écarté des études
plus qualitatives qu’il considère néanmoins comme importantes. Il a sélectionné deux études
portant sur les bénéfices statistiquement avérés: l’une ciblant l’estime de soi (Sasseville,
1994), l’autre l’aptitude au raisonnement scientifique (Sprod, 1997). Enfin, il a considéré des
17
Nous avons cité l’ICPIC et SAPERE, mais il existe aussi l’IAPC (Institut for the Advancement of Philosophy
for Children) première institut créé par Lipman au Montclair Stats University, New Jersey, USA. En France
actuellement, la fondation SEVE (Savoir Etre et Vivre Ensemble) promeut la philosophie en lien avec la
méditation.
18
Pour cette étude, le matériel utilisé n’étant pas précisé.
publications scientifiques parues dans les revues référencées en psychologie et en sciences de
l’éducation, et rapporte des effets impressionnants sur le facteur G d’intelligence générale
(mesurée par le test de Cattell; de Acedo Lizarraga & Iriarte, 2001 ; Garcia-Moryon, Colom,
Lora, Rivas, & Traver, 2000; Lim, 1995, 1996/1997) ainsi que sur la flexibilité cognitive
(mesurée par le test Cambios ; de Acedo Lizarraga & Iriarte, 2001), sur l’estime de soi, le
raisonnement, les mathématiques, la maîtrise de la langue anglaise et les compétences
verbales (Lim, 1995, 1996/1997).
La revue systématique de Trickey et Topping (2004) porte sur ces mêmes 30 années avant
d’entamer leurs propres publications dans la seconde période de développement des travaux
(Trickey & Topping, 2006 ; Topping & Tickey, 2007a, 2007b, 2014). S’agissant d’une méta-
analyse19, les auteurs ont dégagé 10 études couvrant le primaire et le collège incluant leurs
critères d’inclusion : usage de tests standardisés, habiletés cognitives, estime de soi, échelle de
comportements et de méthodes par questionnaires aux enseignants. Toutes ces études
prouvent l’impact positif de la P4C, avec un effet de 43% de variance avec peu de variabilité,
indiquant que l’effet est consistant sur un ensemble varié de mesures20.

La recension de SAPERE (2011)


La société SAPERE21 (Siddiqui, Godard, & See, 2017 et voir plus haut) reprend la revue des
10 études de Trickey et Topping de manière critique, précisant que certaines études
réclameraient des réplications ou des confirmations sur des échantillons plus grands, et la
complète avec 6 nouvelles études consultées qui s’avèrent, selon nous, assez mal référencées
sauf celles de Topping & Trickey (2007), de Jones (2008) et de Campbell (2002). La P4C
bénéficie assurément aux élèves de jeune âge issus de milieux sociaux défavorisés (Locke,
Ginsberg, & Peers, 2002) et les bénéfices de la P4C sont plus facilement mesurables sur le
langage parlé que sur d’autres domaines, ce qui est actuellement confirmé par certains auteurs
(Säre, Luik, & Tulviste, 2016). La société SAPERE trie les bénéfices et pointe aussi les
domaines où la P4C n’admet pas de preuves tangibles. Sur l’empan allant de 1970 jusqu’à
2011, la méta-analyse de SAPERE révèle plusieurs domaines qui bénéficient positivement de
la P4C, tels que la lecture (Dyfed County Council, 1994; Hass 1975 cité par Lipman,
Oscanyan & Sharp, 1980, voir aussi Topping & Trickey, 2004 ; Williams, 1993), la pensée
critique, les relations interpersonnelles (Hass, 1975 cité par Lipman, Oscanyan & Sharp,
1980), l’estime de soi (Sasseville, 1994), le raisonnement logique (Dyfed County Council,

19
Une méta-analyse consiste à repérer sur la base des titres et des résumés des publications sur des sujets précis,
par mots-clés. La recherche implique d’entrer des critères d’inclusion (année de publication, type de tests
utilisés, âge de sujets, langue de publication, etc.) définis librement par le chercheur pour sa requête.
20
Le résumé est accessible sur https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/0267152042000248016
21
Implantée au Royaume-Uni, la société caritative SAPERE, Society for Philosophical Enquiry and Reflection
in Education, a vu le jour en 1992 suite au reportage de la BBC d’un documentaire intitulé ‘Socrates for 6 year
olds’. Le documentaire présentait la P4C pratiquée dans une école aux USA, sous l’égide de Dr Catherine
McCall présentant sa méthode singulière qu’elle nommait Community of Philosophical Inquiry (CoPI method).
1994; Fields, 199522; Institute for the Advancement of Philosophy for Children (IAPC)23,
2002; Sasseville, 1994), l’intelligence générale (mesurée par le test de Wechsler dans sa
version de 1974; Fields, 199524), les compétences verbales à l’oral (Campbell, 2002). Les
auteurs complètent le panorama de manière critique sur d’autre domaines où la P4C ne joue
pas un rôle décisif, tels que la logique, la curiosité et l’accès au questionnement (cf. Hass,
1975 cité par Lipman, Oscanyan & Sharp, 1980).
Des programmes pilotes américains menés, dans une démarche inclusive, auprès de publics
fragilisés, visant des bénéfices sur l’éthique, l’intelligence émotionnelle et l’estime de soi,
rapportent que la P4C renforce, la remobilisation sociale des jeunes pour un engagement
citoyen, les jeunes s’écoutant, profitant du groupe, luttant contre l’intimidation et osent
l’entrée dans des activités plutôt qu’errer dans la rue (Lancaster Global Education Centre &
Cumbria Development Education Center, 200525). Les travaux couvrant l’engagement de plus
de 100 enseignants auprès d’élèves de 10/11 ans démontrent qu’un minimum de 20% à 25%
et jusqu’à 70% d’élèves, selon leur niveau d’origine, augmentent leur score d’aptitudes
cognitives au CAT26, un élève sur deux de 6 points, ce qui augurent ensuite pour 70% de ces
derniers d’atteindre le score maximal (Topping & Trickey, 2007a, 2007b, 2007c) ; les auteurs
discutent de l’impact possible d’un entraînement via la P4C qui aurait alors des répercussions
positives sur les enquêtes PISA, puisque l’administration du Northumberland Raising
Aspirations in Society (NRAIS) retrouve un score de 24% d’élève minimum augmentant leur
score grâce à la P4C (voir plus bas).
Commanditée par SAPERE, l’étude de Hall et Liptai (200427) menée auprès d’élèves de 4 et 6
ans, indique, après 30 séances, des progrès en lecture (mesurée par le Standard Assessment
Test, SAT) et en mathématique qui dépassent les prédictions de leurs enseignants en début
d’année pour 86% des élèves en lecture et 62,5% en mathématique, 94% des élèves achevant
ou dépassant le stade prédit en lecture. Le niveau de classe entière dépasse la moyenne
nationale avec 64% d’élèves qui l’atteignent contre 43% sur le score national.
Le NRAIS (2000-200428) s’est intéressé aux bénéfices dans le domaine des mathématiques
évalués par les chercheurs des universités de Sunderland et Newcastle sur 22 écoles, et
constate que la P4C augmente la réussite en mathématique sur le long terme au regard des
moyennes nationales, qu’une corrélation positive s’installe entre la pratique P4C et le niveau
en mathématiques des élèves, que la pratique de la P4C avantage les élèves qui ont de
meilleurs scores en français au test SAT, c’est-à-dire des élèves qui dépassent la moyenne
nationale sur ce plan, enfin que les cinq meilleures écoles d’après leur moyenne scolaire, et

22
Mesuré par les Matrices de Raven.
23
Basé au New Jersey : www.montclair.edu/cehs/academics/centers-and-institutes/iapc/
24
L’auteur utilise aussi le New Jersey Reasoning Test.
25
Les auteurs de la méta-analyse SAPERE ne sont pas certains de la date du rapport.
26
CAT désigne le Cognitive Abilities Test. Un autre test est utilisé dans cette étude, le Myself as a Learner Scale
(MAL).
27
Cette étude n’est pas référencée, mais est accessible sur le portail de SAPERE.
28
SAPERE indique le contact direct : www.sustained-success.com/index.php/899 ou www.rais.org.uk
bénéficiant de la P4C, dépassent les prédictions habituelles de résultats pour 24% de leurs
élèves. Ces mêmes universités (Newcastle et Sunderland), associent depuis les années 1990 la
P4C à d’autres programmes d’enseignement de stratégies cognitives (la carte mentale,
Cherche l’intrus, etc.) et évaluent le niveau de perception des enseignants qualifiés dans ces
méthodes ; parmi les 34% des 87 enseignants impliqués sur l’enseignement des stratégies
cognitives versus la P4C, Jones, (2008) rapporte que ces enseignants perçoivent que la P4C
augure des bénéfices cognitifs et sociaux plus qu’elle ne transforme la motivation et
l’engagement. Ils expliquent qu’il leur est délicat de trier les effets et soulèvent le manque de
considération du caractère universel des stratégies cognitives. Jones (2008) plaide pour rendre
plus visible le type de bénéfices en terme de développement cognitif dû à la P4C.
Un programme commandé par la fondation Joseph Rowntree29, dirigé et conduit par Tiffany
entre 2006 et 2009 (Porter & Seeley, 2008), s’est intéressé au développement de l’intelligence
émotionnelle avec des publics déshérités au sein d’un projet intergénérationnel de « village
philosophant ». Tiffany (2009) rapporte l’engagement des habitants, la participation à la vie
communale, l’engagement dans des conversations entre les différents groupes, une intégration
de la contradiction et les conflits comme processus jugés effectifs et non tabous, le bonheur
déclaré comme ressenti concernant son propre sort.
L’institut IAPC (Institute for the Advancement of Philosophy for Children), clairement engagé
dans la promotion, l’accompagnement et la recherche appliquée aux pratiques lipmaniennes,
rapporte sur trois vagues d’expérimentations des années 1993, 1997 puis 2002, sur quatre sites
géographiques de niveau socioéconomique équivalents, avec des groupes contrôles, des pré-
et post- tests dans la lignée méthodologique de Lipman, un bénéfice significatif sur les
progrès en raisonnement des groupes expérimentaux auprès d’élèves de 5 à 15 ans (testés
avec le New Jersey Test of Reasoning Skills). SAPERE regrette le peu de renseignements sur
les groupes contrôles.
Les travaux de Topping et Trikey (2007a) sont repris dans cette recension, mettant en valeur
la taille de l’échantillon de 100 professeurs engagés, formés, et évalués sur une pratique
effective de 16 mois de P4C, au clair profit des élèves de 10 ans qui ont pratiqué la P4C une
heure par semaine ; les résultats quantitatifs mesurant les progrès cognitifs (mesurés par le
CAT Cognitive Abilities Test) sont doublés d’une échelle qualitative, la Myself as a Learner
Scale (MAL) et de vérifications sur des vidéos, ce qui permet une bonne triangulation des
bénéfices démontrés, particularité importante de cette étude.
Quelques secteurs restent, selon SAPERE, contrastés : par exemple, Fields (1995) ne retrouve
pas de progrès en lecture, en fluence verbale ni dans le domaine mathématique. Les
compétences orales et leur transfert sur les domaines scolaires, bien que consignés, ne sont
pas suffisamment prouvés, un auteur pointant les difficultés méthodologiques rencontrées
(Campbell, 2002).

29
La fondation Joseph Rowntree est une organisation indépendante qui promeut le changement social et la lutte
contre la pauvreté au Royaume-Uni : www.jrf.org.uk.
Les méthodes plus qualitatives, via des questionnaires aux enseignants, mettent en avant des
bénéfices significatifs sur les capacités d’écoute, de confiance en soi et de communication
orale des élèves (DCC, 1994). De même les observateurs qui assistent aux séances constatent
en fin de période que les élèves réduisent leurs propos sarcastiques ou personnellement
injurieux, leurs moqueries, le groupe expérimental étant décrit comme plus motivé, plus
curieux et plus apte à la concentration (Fields, 1995). Les enseignants et leurs élèves
transfèreraient leur aptitude verbale au sein des autres activités en classe, les enseignants
augmentant les questions ouvertes et les élèves fondant deux fois plus qu’avant leurs propos
sur des raisons (Topping & Trickey, 2007a, 2007b, 2007c). Enfin des variations pédagogiques
commencent à perler, les études utilisant les livrets de Lipman (Harry, pour Williams, 1993),
mais aussi des livres d’images (Murris, 1992, par le DCC, 1994 ; voir aussi Chetty, 2014),
l’art dont la musique (par Liptai, 2002/200330, cf. SAPERE, 2011), et comme vu plus haut,
l’adaptation du protocole Lipman au public déshérité entraînant des adaptations (NWGEN31,
2005) qui ne permettent guère les comparaisons, bien que fidèle à l’esprit lipmanien.

A noter enfin que ces études illustrent l’empan international couvert sans le représenter
totalement32 (Ecosse : Campbell, 2002 ; Espagne : Garcia-Moryon et al., 2000 ; de Acedo
Lizarraga & Iriarte, 2001 ; Royaume-Uni : Murris, 1992 ; Japon : Lim, 1995, 1996/1997 ;
Etats-Unis : Lipman & Bierman, 1980 ; Jenkins, 1985 ; Shipman, 1983; Québec : Sasseville,
1994 ; Scheilfer, Lebuis, & Caron, 1987 ; France : Auriac, 2007 ; Auriac-Peyronnet &
Daniel, 2005 ; Corée : Liptai, 2002/2003 in SAPERE, 2011) dès l’essaimage international des
premières investigations.

On peut à l’issu de cette revue investiguer en quoi les récents travaux reprennent ces acquis en
termes d’éléments tangibles sur deux domaines : scolaire/cognitif et transversal. Nous
choisissons cet angle pour présenter un état de la littérature actualisé dans ces deux domaines.
Le cas des élèves en difficultés et la variation des pratiques compléteront le panorama.

II.2. Les travaux récents : revue actualisée de littérature

Croisant la recension de Millet et Tapper (2012), dont nous recommandons la lecture, nous
reprendrons les publications référencées selon notre propre revue de littérature, correspondant

30
La référence aux travaux de Sara Liptai recensés par SAPERE en 2011 n’est pas reportée.
31
Sigle (non développé, rapporté par SAPERE) désignant un rapport effectué pour deux programmes pilotes,
l’un développé à Lancaster, l’autre à Cumbria par des centres consacrés au développement éducatif (équivalents
des missions de formation d’adultes en contexte français) introduisant la P4C en combinaison avec d’autres
initiatives d’insertion citoyenne.
32
La rubrique internationale de la revue Diotime peut être consultée pour compléter et actualiser ces
informations.
à un moissonnage sur Internet des articles accessibles33, auxquels nous adjoignons quelques-
uns des travaux issus de nos recensions (cf. plus haut) mais non cités précédemment. Nos
critères d’inclusions portaient exclusivement sur la période après 2000.

Le domaine cognitif et scolaire : raisonnement, lecture, aspects verbaux


Dans les domaines cognitif et scolaire, la pratique philosophique orale favorise l’engagement
en classe (Yusoff, 2018), les performances langagières (Jenkins & Lyle, 2010), la
compréhension de textes chez des élèves allophones (Tian & Liao, 2016), la mise en œuvre
des capacités argumentatives (Leleux, 2005 ; Millett & Tapper, 2012) ; elle incite les élèves à
davantage justifier leur point de vue et accroît leur participation orale en classe (Topping &
Trickey, 2007b, 2014). Elle favorise l’aptitude au raisonnement (Leleux, 2005 ; Millett &
Tapper, 2012 ; Walker, Wartenberg, & Winner, 2013), notamment verbal (Säre et al., 2016),
augmente les performances à un test d’aptitudes cognitives mesurant à la fois les aspects
verbaux, non verbaux et quantitatifs de l’intelligence (Topping & Trickey, 2007a) et permet
un gain moyen de sept points de QI (Colom, Moriyón, Magro, & Morilla, 2014 ; Garcia-
Moriyon et al., 2005). Des élèves conservent au secondaire une avance cognitive de deux ans
malgré l’interruption du programme de P4C (Topping & Trickey, 2007b). Dès le jeune âge,
en jardin d’enfants ou à l’école maternelle, l’effectivité d’un maniement argumentatif de la
langue plus important (usage de marqueurs discursifs because, why, in order to, hence,
namely, since ou utilisation de pronoms personnels de mise à distance) est avéré à 4 et 5 ans
(Daniel & Delsol, 2005 ; Daniel, Pettier & Auriac-Slusarczyk, 2011 ; Gasparatou, &
Kampeza, 2012). Le gain sur les compétences verbales est quantitativement mesuré entre 5 et
7 ans à l’aide d’un test standardisé34 (Säre, 2010 ; Säre, Luik & Fisher, 2016 ; Säre et al.,
2016) mettant l’emphase sur l’importance d’une intervention dès le préscolaire. L’impact sur
les compétences verbales est dû aux effets croisés de l’apprentissage collaboratif (Mercer,
Wegerif, & Dawes, 1999). Gasparatou et Kampeza (2012) mettent l’accent sur l’effet de
mimétisme, quant à l’imitation des emplois verbaux adultes, mis en exergue avec des élèves
bien plus âgés, et qui indique l’importance cruciale de la verbalisation de tournures de
questionnement par l’adulte sur la progression de 12 à 18 ans (Daniel, Belghiti, & Auriac-
Slusarczyk, 2017). Jenkins (1985) trouve des effets statistiquement avérés (voir plus haut) sur
les progrès en lecture chez les plus faibles lecteurs (Jenkins & Lyle, 2010).

L’impact sur les compétences transversavles : auto-régulation, intégrité,


estime de soi, moralité, gestion des émotions, socialisation

33
Certains articles payants n’ont pu être intégrés dans ce moissonnage.
34
Le test utilisé est le Younger Children Verbal Reasoning.
Dans les domaines personnel et interpersonnel, il a été montré qu’une pratique philosophique
régulière chez des élèves favorise les compétences sociales et la compréhension des émotions
(Giménez-Dasí, Quintanilla, & Daniel, 2013), et ce dès 5-6 ans (Daniel, Auriac, Garnier,
Quesnel, & Schleifer, 2005 ; Daniel, Auriac, & Londéi, 2010). La P4C améliore l’auto-
régulation (Heron & Cassidy, 2018), réduit l’anxiété (Trickey & Topping, 2006), favorise les
facultés auto-rapportées à la communication et à la résilience (Auriac-Slusarczyk & Henrion-
Latché, 2017 ; Henrion-Latché & Tozzi, 2016 ; Siddiqui et al., 2017), mais peut aussi
augmenter l’instabilité émotionnelle (Colom et al., 2014). En outre, la P4C favorise l’estime
de soi en tant qu’apprenant (Lafortune, Mongeau, Daniel, & Pallascio, 2000 ; Sasseville,
1994), la confiance en soi générale (Trickey & Topping, 2006), la capacité à la décentration
(Leleux, 2005 ; Millett & Tapper, 2012), les comportements pro-sociaux (Colom et al., 2014)
et renforce l’intégrité cognitive, dimension incluant l’ouverture d’esprit, l’orientation vers
l’altérité et la tendance à concilier les points de vue (Çokluk-Bökeoğlu, 2008 ; Slusarczyk,
Fiema, Auriel & Auriac-Slusarczyk, 2015).
La question des valeurs morales véhiculées par la P4C, toujours âprement débattue (Miller &
Tapper, 2012), reste, à l’aulne des travaux les plus récents rapportés, largement rhétorique,
tant l’éducation aux valeurs démocratiques (exercice du jugement, moralité, équité, justice,
honnêteté, respect des autres, tels sont pour exemple les termes de la déclaration de
Melbourne en faveur d’une éducation des jeunes australiens, rapportés par Miller & Tapper,
2012, p.10) n’échappe de toute façon pas à la programmatique scolaire (Cains, Gardner, &
Lawson, 2000 ; Darling, 2002).
Nous terminerons cette recension par deux points non anodins : la question des supports et le
retour sur le cas des publics socialement, socio- économiquement ou cognitivement fragilisés.

La question des supports

Depuis l’invention de sa méthode où Lipman introduit des romans philosophiques supports,


Elfie (Lipman, 1988) étant le roman pour les plus jeunes orienté sur une centration sur soi, on
sait que l’enclenchement de la réflexion et du questionnement ne peut être laissée de côté. La
préparation s’impose comme moment-clé des pratiques (Pellegry, ici même). Kennedy (2016)
explicite, sur le plan philosophique, en quoi le choix d’utilisation de supports romanesques
infléchit l’inspiration vers telle ou telle orientation philosophique, pour exemple cartésienne,
kantienne (cf. Piaget, 1973, cité par Kennedy, 2016, p.136) ou bien plus fidèle à une
phénoménologie de l’esprit (Merleau-Ponty, cité par Kennedy, 2016) qui laisse libre court
alors à plusieurs voies d’investigations (esthétique, logique, sensible, morales, etc.). L’idée
d’une rationalisation d’un programme via des suggestions qui permettrait de flécher certaines
thématiques philosophiques, versus certains horizons d’auteurs fétiches (Descartes, Spinoza,
Hegel, cités par Kennedy, 2016, p.131), pointe régulièrement son nez chez les praticiens. Les
disciplines, les sciences comme les mathématiques, sont souvent associées, implicitement ou
explicitement à la pratique philosophique, l’une pour l’exploration méthodique du monde,
l’autre pour son apport logique ; les continuateurs de Lipman ont d’ailleurs investi ce champ
(Daniel, Lafortune, Pallascio, & Sikes, 1996).
Récemment, et après 40 ans de pratiques, on peut s’apercevoir que les praticiens utilisent des
albums illustrés (Murris, 1992, 2009, 2014), exploitent les albums de littérature jeunesse
commercialisée ; par exemple, l’utilisation d’Elmer35 (Chetty, 2014), flèche clairement une
thématique, le racisme, et ce de manière revendiquée. Certains chercheurs prennent appuis sur
la littérature commerciale, invoquant qu’il est plus aisé d’introduire de la sorte les
programmes de P4C auprès des enseignants pour ensuite disposer de données fiables ; ces
auteurs citent alors encore Elmer comme support en exemple (Gasparaou & Kampeza, 2012).
Ainsi, aux philosophes fétiches (voir ci-dessus), on substitue volontiers des albums fétiches
qui drainent des thèmes de discussion prédéfinis, eux aussi fétiches : le racisme, la différence,
le genre. La programmatique entre philosophie et littérature jeunesse s’installe de manière
internationale, au Brésil (Chetty, 2014), au Royaume-Uni (Murris, 2009, 2014) comme en
France auprès d’éditeurs diffusant des manuels scolaires (Chirouter, 2011). Si le lien entre la
philosophie et la littérature est effectif chez Lipman, le lien entre pédagogie, philosophie et
littérature jeunesse gagne à être interrogé (Haynes & Murris, 2012). Chaque contexte
géopolitique (Afrique du Sud, Royaume-Uni, France) peut ainsi infléchir l’orientation
souhaitée. Ne téléguide-t-on pas alors la pensée des élèves ? La littérature n’a-t-elle pas une
fonction qui déborde la philosophie ? Pourquoi Lipman a-t-il inventé ses propres nouvelles
philosophiques ? N’y a-t-il pas alors une confusion probable, possible, potentielle à confondre
philosophie et militantisme (Duclos, 2016) ? Car comme l’écrit Duclos, « (l)e conte
philosophique, contrairement au conte non philosophique, possède des tensions, des
dilemmes, des conflits non résolus qui laissent place à la réflexion et qui provoquent les
pensées critique et créatrice. » (Duclos, 2016, p.83).

Un autre courant se développe qui relie l’art et la philosophie (Delarche & Brahic, ici même ;
Ioannou, Georgiou, & Ventista, 2017 ; Penfold, 2017 ; Thebault, 2015, ici même). Moins
intégré dans le curriculum scolaire, l’art échappe sans doute davantage à une récupération
possible des orientations de pensée. Dewey lui-même envisage une connexion entre l’Art et la
Philosophie (voir Pendfor, 2017), de même que Matthew Lipman s’est intéressé à l’Art
(Lipman, 1967). Nul doute que l’articulation, chez Lipman, des pensées logique et créative
n’est pas innocente. On peut peut-être conclure alors avec une citation utilisant la langue
internationale et scientifique, l’anglais donc : « Art as Experience is regarded as one of the
most significant contributions to aesthetic theory. The principles, concepts and philosophies

35
Elmer, est un éléphant de multiple couleurs (pelage carrelé sous la forme d’un patchwork de rouge, bleu, vert,
orange), personnage phare de la littérature enfantine. La littérature enfantine exploite souvent via la projection
animale des valeurs par l’intermédiaire de métaphore suggestives. Dans le cas d‘Elmer, les différentes couleurs
utilisées symbolise implicitement l’unification de populations que le racisme sépare s’il rappel par trop la
différence via la dénomination des couleurs (les blancs, les noirs, les jaunes, etc.).
presented in the text have influenced a myriad of theorists such as Elliot Eisner, Maxine
Greene and Philip W. Jackson. The text’s modern-day legacy continues through the persistent
contribution that art, creativity and aesthetics make to education. » (Penfold, 2017, 523).
L’ensemble des effets étudiés par les chercheurs concernant la P4C et présentés ici ont peut-
être mis de côté les progrès dans le domaine de la créativité.

Le cas des élèves fragilisés

Les bénéfices de la P4C sont particulièrement à l’œuvre chez les enfants socialement
défavorisés (Gorard et al., 2017 ; Siddiqui et al., 2017). Yussof (2018) met en évidence l’effet
positif de la P4C sur les élèves de 12-13 ayant pris du retard scolaire. Les élèves qui ont une
faible estime de soi (Sasseville, 1994) et/ou qui proviennent de milieux défavorisés (Locke et
al., 2002) bénéficient davantage encore de la P4C. Malgré les critiques méthodologiques
concernant la dénomination des émotions et des sentiments que l’on peut adresser à l’étude de
Doherr (2000) qui utilise la P4C a à des fins thérapeutiques, la P4C a un impact positif sur les
élèves ou les publics socialement fragilisés en raison de l’impact émotionnel positif que leur
procurent la collaboration et l’exercice intellectuel. Concernant le domaine émotionnel,
l’impact positif de la P4C a été confirmé sur le développement émotionnel des élèves avec des
méthodes et des tests standardisés (Harris & Pons, 2003 ; Pons & Pons, 2005), et ce dès 4 ans,
c’est-à-dire à l’étape cruciale de la mise en place de la Théorie de l’Esprit (Lafortune, Daniel,
Doudin, Pons, & Albanese, 2005). Touchant aux domaines de l’installation des croyances, la
compréhension des émotions reste une variable explicative adaptative forte liée à des
différences interindividuelles non négligeables sur les parcours scolaires des élèves (Cam,
2006). Les travaux des deux dernières décennies renouent avec l’ambition lipmanienne où
l’éducation peut agir comme un cheval de Troie sur les élèves qui ont besoin d’une aide, du
plus jeune âge jusqu’à l’adolescence, et des élèves au développement typique jusqu’aux plus
déshérités (Auriac-Slusarczyk & Henrion-Latché, 2017).

Pour conclure : P4C et EMC, déjà hier…


On ne peut conclure sans s’interroger sur le bienfondé de l’inscription de la P4C dans les
programmes d’Enseignement Moral et Civique (EMC) en France, ce, malgré comme grâce à
leur retrait qui traduit l’hésitation, voire le balbutiement dangereux de nos dirigeants. Le lien
entre la P4C et l’éducation morale n’a pas à être évacué (Peterson & Bentley, 2015).
Toutefois, nous espérons, à travers cette contribution, avoir permis d’entrevoir la finesse avec
laquelle on doit, selon nous, concevoir l’intérêt des pratiques de discussions dites à visée
philosophique. L’expression à la française de « visée philosophique », issue de la 2ème
génération, trahit légèrement le projet de Lipman. La philosophie n’est pas une visée chez
Lipman, elle est intrinsèquement humaine, enfantine, active. Elle s’actionne dans et par le
dialogue intergénérationnel enfant-adulte, en posant plutôt une visée développementale
(Vygotski, 1934/1997) que philosophique. C’est pourquoi la progression et les progrès
mesurables en matière de raisonnement, d’aptitudes verbales, de transfert sur des compétences
en lecture et de progrès relationnels sont au cœur de l’entreprise de la 1ère génération. Il nous a
semblé qu’il fallait que les enseignants soient informés, sans pouvoir prétendre à
l’exhaustivité, du souci d’efficacité qui accompagne et explique l’entreprise d’introduction de
la discussion philosophique en contexte scolaire à l’école républicaine aujourd’hui, en France,
sur les pas scientifiques de Lipman.
La filiation de Lipman, en ce sens, peut à nouveau être mise en exergue pour expliquer que
Dewey visait l’intégrité, non comme un trait de caractère qui exhibe l’honnêteté et la
rectitude, traits appréciables au nom d’une moralité, mais comme une capacité à être présent à
ce que l’on fait, c’est-à-dire être humain non comme auteur d’actes isolés, mais comme acteur
intégrant (Greenwalt et al., 2016, p.3). Ce qui, au dire de Dewey36, est une entreprise
interminable, et a pour but le développement psychologique qui ne commence ni ne s’arrête à
l’école. L’école doit rester, en ce sens, un lieu de passage, non de dressage. La maturité
psychologique des sociétés (Piaget, 199737) reste en jeu : notre époque, hélas, en un siècle n’a
pas prouvé sa capacité à évoluer en ce sens. On peut douter que nos dirigeants soient
actuellement aptes à mesurer le retard psychologique qu’ils font encore prendre à nos
sociétés ; ils semblent parfois appréhender le développement humain à l’instar de jeunes
enfants qui négligeraient les facteurs psychologiques au profit d’une vision naturaliste,
biologique, simpliste du développement (Yoyama, 2011, pour exemple).
Le projet lipmanien vise une amélioration humaine, celle de l’humanité. Le projet
lipmanien n’est pas fait pour lutter contre la malveillance, la délinquance et les violences de
notre monde actuel (Droit, 2015). L’entreprise lipmanienne n’est pas gentille. Elle fait face
sérieusement à l’enfant. L’ensemble des travaux conduits par les 1ère, 2ème et maintenant 3ème
génération dresse un tableau plutôt engageant sur l’avenir. L’essaimage des pratiques
philosophiques peut, sous condition d’une absence de dévoiement des principes, opérer
probablement à l’équilibre psychologique des sociétés de demain. L’entreprise de la P4C, qui
essaime, pour cette raison, dans le monde entier, correspond à l’alliance entre démocratie et
philosophie (Droit, 1995), tel que Sané le rappelait à propos de l’étude de Roger-Pol Droit:
« cette étude a également démontré que l’enseignement de la philosophie s’organise et
s’étend en même temps que la démocratie. » (Sané, 2007, note 7, page xiv).
Notre contribution, espérons-le, saura rassurer les enseignants sur les contours attribuables
à d’indéniables progrès en termes de maturité intellectuelle chez les enfants et adolescents qui

36
Le lecteur pourra consulter en ligne, pour s’initier à la pensée de Dewey The Journal of School and Society,
“the online open-access journal of the John Dewey Society, dedicated to Dewey’s view that ‘Knowing is, for
philosophical theory, a case of specially directed activity instead of something isolated from practice’”
37
Plusieurs écrits ou communications orales de Piaget sont réunis dans cet ouvrage publié en 1997.
rencontrent des éducateurs pour discuter en communauté de recherche philosophique, être
respectés à leur juste hauteur et s’élever ainsi au rang d’humains.

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