Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
DE L’APPROCHE DE QUELQUES
NOTIONS DU PROGRAMME
L’on peut comprendre que cela ait quelque résonance pour nous, compte tenu du
contenu de notre programme d’enseignement qui, depuis la réforme de 1979, fait une part
importante à des questions dont le caractère philosophique est, à bien des égards, douteux.
Leur suppression était d’ailleurs un axe important de la proposition d’allègement faite, au
séminaire de Rufisque de décembre 1982, par les professeurs de philosophie, mais qui n’a
malheureusement pas été retenue. La réécriture du programme suivant la technique de la
pédagogie par objectifs aura permis de les réduire même s’il en demeure.
Cela n’est finalement pas si grave si l’on ne perd jamais de vue la philosophie elle-
même dans la manière d’aborder des notions qui ne seraient pas frontalement philosophiques.
Autrement dit, la question est moins de dire que le thème retenu relève de la sociologie, de la
psychologie, etc., et par conséquent qu’il faudrait se faire spécialiste de ces disciplines le
temps d’une leçon, ce qui ne se ferait qu’avec beaucoup de superficialité, que de réussir à
ouvrir à la réflexion proprement philosophique de par le mode d’investigation.
1
François Vezin, Remarques sur la question du «programme» de philosophie, Revue de l’Enseignement
Philosophique, 20ème Année – Numéro 3, Février-Mars 1970, p. 12.
1
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
C’est dire que si nous sommes fermement partisans d’une programmation strictement
philosophique dans les thèmes, en ayant en regard plusieurs indications que nous lègue la
tradition, à l’image de Schelling qui affirme que «le meilleur programme d’une vie consacrée
à la philosophie consisterait à commencer par Platon pour finir par Aristote»2, ou encore de
Hegel, récusant Kant qui, à ses yeux, «a donné béatement dans le panneau selon lequel on
apprend non la philosophie mais à philosopher, comme si quelqu’un apprenait à «tabler» et
non à faire une table, une chaise, une porte, un banc, etc.»3, il ne s’agit plus pour nous de
chercher à épurer notre programme mais de préconiser un mode de traitement qui permette de
faire véritablement, avec et sur lui, de la philosophie, selon l’objectif dévolu à la classe de
philosophie : ouvrir à ce type déterminé de réflexion qu’est la philosophie.
Partant, en effet, du donné que constitue un programme gênant pour un puriste qui ne
voudrait y retrouver que des notions propres à la philosophie, il s’agit, par le biais de quelques
exemples, de montrer que la préparation à la réflexion philosophique demeure possible,
notamment si la philosophie elle-même est la source nourricière de la conception du cours qui
porterait sur ces thèmes, en l’occurrence du «domaine de la vie sociale» de notre programme,
peu avenants pour le philosophe de métier. Car, et ce n’est jamais à oublier, le professeur «a
pour tâche de mettre les élèves en présence de la philosophie.» D’ailleurs, il doit,
précisément, «dans ce but, s’effacer le plus possible devant elle.»5 Reste à savoir comment y
réussir.
2
Introduction à la Philosophie de la Mythologie, 16ème Leçon, Ed. Aubier, t. II, p. 144. Cité par Vezin.
3
J. Hoffmeister : Dokumente zu Hegels Entwicklung, p. 371 ; aphorismes du temps d’IENA 69. Cité par Vézin.
4
Vezin, op. cit., p. 13.
5
Ibid.
2
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
6
Alain, Définitions, Paris, Gallimard, 1953, p. 197-198. Il est donné de ce passage une lecture schématique dans
notre ouvrage portant le titre de Méthodologie de la Réflexion en Classe de Philosophie, Dakar, EENAS, 2000,
p. 46-49. Ailleurs, dans un texte de formation sur l’appropriation des contenus des deux premiers domaines de
notre programme de Philosophie et intitulé «La société : une introduction à la vie sociale», il sert de prétexte :
les développements en constituent un commentaire détaillé. Aussi en faisons-nous ici l’exploitation directe.
3
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
De même, la norme, plus souvent perçue dans une dimension sociale, parfois morale,
peut s’envisager à la manière d’un principe opérationnel pour départir la valeur de l’anti-
valeur, quel que soit le registre pris en compte. Cela transparaît dans l’approche proposée de
cet extrait de Claude Lévi-Strauss.
La règle est à la culture ce qu’est l’universel pour la nature ; de là, la symétrie de l’indication.
7
Claude Lévi-Strauss, Les Structures Elémentaires de la Parenté, Paris, Monton, 1967, p. 9.
4
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
L’on comprend la variation, qui promeut les différences voire les oppositions, attachée
aux expressions de la règle du fait du tribut qu’elle paie à la culture : ce qui vaut pour celle-ci
vaut pour celle-la.
Ce partage n’est cependant pas immédiatement accessible, si tant est qu’il puisse
l’être : l’analyse, la décomposition8 au sens premier, n’est pas de l’ordre du donné mais du
pensable ; l’impossibilité du concret oblige à l’idéal, plus précisément, en rectifiant Lévi-
Strauss, à l’idéel.
L’impossibilité vient de ce que la rencontre des deux dimensions ne se fait que dans
l’homme, «l’ordre le plus complexe», qu’on ne peut découper de manière à sérier «les
éléments naturels», d’un côté, et les «éléments culturels», de l’autre ; il ne se donne jamais
que dans une composition qui oblige, alors, à n’envisager le partage que sous un mode idéel,
encore que cela ne puisse se faire sans réserves («au moins dans certains cas et dans
certaines limites»).
8
L’analyse est la traduction du grec «analysis» qui signifie décomposition.
5
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
Règle Norme
régulier normal
irrégulier anormal
On voit qu’il y a une plus grande richesse de norma, à prendre en compte les termes
autorisés à sa suite.
normatif : qui constitue la norme
normal (normalis) : conforme à la norme
Norma énorme (enormis) : en dehors de la norme, irrégulier, démesuré
anormal : non conforme à la norme
anomalie (et non anormalité qui n’est pas rigoureusement
français9) ; d’où se tire anomal (inégal, irrégulier) et
anomie (absence de loi, d’organisation).
9
Cf. Georges Canguilhem, Essai sur quelques problèmes concernant le Normal et le Pathologique, Paris, Les
Belles lettres, 1950, 2ème édition.
6
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
10
Vocabulaire Technique et Critique de la Philosophie, Paris, PUF, 11ème édition 1972, p. 906.
11
Dictionnaire de la Langue Philosophique, Paris, PUF, 5ème édition 1986, p. 623.
7
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
12
Op. cit., p. 691.
13
Op. cit., p. 481.
8
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
génie
original
déficient mental ;
débile de naissance
La superposition des tracés est aussi l’indice du décalage entre la règle et la norme :
les figures de l’anormal sont variables.
Chacune est l’occasion d’une réflexion spécifique sur le type d’écart par rapport à la
norme, celle-ci demeurant le principe de discrimination.
Au total, on peut retenir que la norme peut intéresser deux individus ou fonctionner à
l’échelle d’un groupe social si ce n’est dans la société globale. Mais, à chaque fois, elle finit
par leur être extérieur, les transcendant dans leur individualité propre pour être le référent de
toutes leurs actions. Elle est alors cette règle qu’indique déjà son étymologie14 et évoque la
ligne qui démarque l’inclination à gauche ou à droite, la barre qui nivelle l’au-delà et l’en
deçà. La norme est ainsi ce qui désigne la voie à suivre, le principe qui sert de loi, de référent
à tout ce qui peut être dit normal ou non, suivant le registre concerné.15
Mais le référent est toujours ce à quoi doit être rapporté autre chose que lui, aussi n’est-il
jamais présent en tant que tel. Il ne peut être rencontré mais seulement approché et il s’agit
d’une proximité à comprendre doublement : par excès et par défaut.
14
Norma = équerre.
15
C’est, précisément, un principe abstrait à plaquer à différents niveaux d’expression de la pensée et de l’action
humaines.
9
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
Par excès, d’abord, en tant qu’on cherche à l’atteindre sans jamais y réussir tout à fait.
Objet de la visée, il est alors une valeur, un idéal vers lequel on tend. Ainsi comprise, la
norme est le type idéal de ce qui doit être. Et le devoir être n’est jamais réductible à l’être, car
l’optatif n’est que désiré et nullement donné dans sa totalité.
Seulement, le degré de réalisation partielle qu’il est possible d’en produire indique une
autre manière de se rapporter au référent.
Celle-ci donne sens à l’approximation par défaut qui, par suite, est rendue par le type
courant, habituel qui se donne dans la majorité des cas. La norme est alors conférée ici par la
moyenne des modes de réalisation observés d’un idéal.
De ces acceptions de la norme, nous pouvons déduire les sens du normal et de l’anormal.
L’anormal, par contre, renvoie à l’envers de la norme, pour rester fidèle à l’étymologie, et,
plus précisément, à ce qui n’est conforme ni au type idéal ni au type moyen et, partant, se
distancie de la norme.
Mais si toute distance vis-à-vis de la règle est en soi déviation17, les situations qui en
découlent peuvent varier et les registres de lecture de ce principe discriminant fort variable.
A titre illustratif, en ayant en vue des figures qu’offre en spectacle l’espace social, il est
certain que les décalages, par rapport à la norme, du déficient mental au fou, en passant par
l’original, le marginal (positif ou négatif) ou le génie, ne sont pas de même consistance.
16
Alain Lercher, Les Mots de la Philosophie, Paris, Belin/ «Le français retrouvé», 1985, p. 274.
17
De de-via : sortir de la voie, du chemin.
10
Coordination Nationale de la Formation Continuée du moyen-secondaire, Universités de vacances de Thiès (31 mars-05 avril 2003) sur la
didactique de la philosophie / Louis-Roi-Boniface Attolodé, De l’approche de quelques notions du programme
Par ailleurs, lorsque l’on se situe dans l’espace de la moralité, les variations de qualité de
l’immoralité sont importantes ; de même dans la sphère du déroulement de la pensée (logique)
ou son expression (langage).
Références bibliographiques
11