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La narration
SÉANCE 1
L’image narrative
Objectifs
Après avoir abordé des questions relatives à l’image et à la fiction, nous allons maintenant nous attarder sur la narration.
Qu’est-ce qu’une image narrative ?
DÉFINITION
L’IMAGE NARRATIVE
Ci-dessous, observe l’image de gauche. Il s’agit d’une peinture qui représente un chasseur accompagné de son
chien dans un paysage semé de lapins.
Dans la case blanche à droite, dessine ce même chasseur à un autre moment de sa journée.
Quel que soit le moment de la vie de ce chasseur que tu auras représenté, ton dessin est narratif car il raconte
quelque chose. Ainsi, toute peinture ou sculpture qui raconte quelque chose, même de façon simple ou diffuse, sera
dite narrative.
Ci-dessous, tu peux voir 4 images. Elles n’ont apparemment aucun lien entre elles, et ne racontent rien.
Redessine-les dans la grande case vide, ci-dessous, afin que ton dessin donne un sens à leur présence dans un même
lieu. Tu as toute liberté pour imaginer le décor de ton choix. Tu peux ajouter autant de personnages ou d’éléments que tu
souhaites.
En mettant ces images en situation, tu as réalisé un dessin narratif car il donne un sens lisible à des éléments qui,
au départ, n’ont pas de lien entre eux et ne racontent rien.
SÉANCE 2
Art et Histoire
Tu viens de l’expérimenter, la narration c’est ce qui se rapporte au récit. Un récit, c’est une histoire. Une image narra-
tive est donc une image qui raconte une histoire. Il en existe de plusieurs sortes, nous en retiendrons deux principales.
L’image illustrative que nous allons étudier dans cette séance et l’image ne contenant que quelques éléments de narra-
tion dont nous verrons des exemples dans la séance 3.
La première possibilité pour qu’une image raconte quelque chose, c’est qu’elle se base sur une histoire existante et
qu’elle en invente une version visible. C’est la règle dans le cinéma où l’image montre un récit écrit auparavant dans
le scénario, comme pour la bande dessinée. Les œuvres d’art qui s’appuient sur une histoire déjà existante sont
dites « illustratives », nous allons en regarder quelques-unes que tu pourras comparer avec celles de la séance 3.
Je t’invite à chercher d’autres exemples, ils sont très nombreux dans l’histoire de l’art…
Avant le XXe siècle, quand on racontait une histoire dans la peinture ou la sculpture, il fallait que celle-ci soit digne
d’intérêt. On ne pouvait raconter une anecdote banale, l’art étant réservé aux classes aisées de la population, il
fallait que le niveau soit élevé ! Certains artistes ont représenté les petites gens, c’était en général un prétexte lié
à la morale car une peinture narrative devait se plier aux convenances. Les « héros » représentés par les artistes
devaient donc être issus de la mythologie ou de la religion, c’est-à-dire venir d’univers sacrés. Pour cette raison, tu
peux remarquer que le titre de cette leçon est Art et Histoire, avec un « H » majuscule…
Nous ne pouvons pas passer en revue la totalité des grands récits illustrés dans l’histoire de l’art : la Bible, et
surtout le Nouveau Testament, constituent un fonds inépuisable d’inspiration. Une autre source est aussi importante
dans le domaine religieux : La Légende dorée, ouvrage célèbre du XIIIe siècle (Moyen Âge) qui a inspiré la majorité
des peintures ou des sculptures représentant des saints, c’est un véritable Best Seller (= livre vendu à de très
nombreux exemplaires). Son auteur, Jacques de Voragine, était un moine. Il a écrit ce livre pour répondre à la
demande populaire d’histoires surnaturelles, la lecture de la Bible étant à l’époque interdite aux laïcs. Les dizaines
de personnages qui peuplent ce livre sont inventés mais inspirés par les martyres (= souffrance endurée pour la
religion) des premiers chrétiens autour de l’an 300. L’image que nous allons regarder maintenant illustre la légende
d’une sainte dont le récit fut imaginé par Voragine : Ursule.
Voici un résumé de l’histoire dont tu peux voir l’illustration page suivante : Ursule, une princesse chrétienne fille du
roi de Bretagne, accepte d’épouser Etéré, fils d’un roi païen d’Angleterre, à condition que celui-ci se convertisse au
christianisme et l’accompagne pour cela en pèlerinage à Rome avec mille onze vierges, ses compagnes. La pre-
mière « case » représente un héraut (= officier chargé de porter les déclarations) qui remet un message au roi de
Bretagne annonçant la demande en mariage. Ce sont les vierges que l’on voit embarquer en leur compagnie sur la
seconde « case ». La troisième « case » montre Ursule prenant congé de ses parents. Arrivée à Cologne, l’équipage
laisse les bateaux et continue à pied vers Rome (quatrième « case »). Arrivée à Rome, la troupe rencontre le pape et
les dignitaires de l’Église (cinquième et sixième « cases »). Sur le chemin du retour, Ursule et les mille onze vierges
sont massacrées par les Huns à Cologne (septième « case »). Puis, Ursule, considérée comme une sainte, est véné-
rée (huitième « case).
Si tu cherches dans des livres ou sur Internet, tu trouveras d’autres représentations de cette histoire. Notons tout de suite
quelques particularités : tu as remarqué que j’ai écrit le mot « case » entre guillemets. J’ai choisi cette formule car ce
terme ne s’applique pas à la peinture mais à la bande dessinée. Tu avais déjà remarqué le rapport, j’imagine ! On peut
effectivement mettre les deux modes de représentation en parallèles, on peut même considérer cette peinture comme
une bande dessinée avant l’heure… Nous y reviendrons dans la séance suivante. Pour l’instant, note que ce type de pein-
ture, s’appelle un polyptyque (= tableau en plusieurs parties).
— Maître de la Légende de sainte Ursule, 1475-82, Huile sur panneau, 47,5 x 30 cm (chaque
scène), 59 x 18,5 cm (volets) Groeninge Museum, Bruges
Cette sculpture montre des corps en mouvement, elle illustre une mythologie
grecque et romaine dont je te propose un rapide résumé, il s’agit de l’Enlèvement
de Proserpine, nièce de Pluton, roi des Enfers. Ce dernier est amoureux de sa nièce
mais ses parents s’opposent à cette liaison. Il ne reste donc à Pluton qu’à enlever la
jeune fille alors qu’elle cueille des fleurs… Le sculpteur a choisi de représenter ce
moment qui lui permet de créer un fort contraste entre la puissance de Pluton et la
grâce fragile de sa nièce. Tu peux voir les doigts du dieu des Enfers tenir si fort le
corps de Proserpine qu’ils paraissent s’enfoncer dans la chair… Pourtant, rien n’est
plus dur que le marbre !
Voici l’histoire, elle est tirée d’un récit de Tite-Live, Histoire romaine (I, 9) : Les Sabins (un peuple du centre de l’Italie)
sont invités à Rome et accueillis avec bienveillance par la population. Mais c’est un piège car le jour des jeux, la jeu-
nesse romaine s’élance de toutes parts pour enlever les jeunes filles, réservant les plus belles aux sénateurs. Les
femmes, ainsi alliées aux Romains, deviennent leurs épouses et doivent leur céder leur fortune…
Tu peux constater que ce tableau, qui illustre un récit très violent, n’est qu’un prétexte à peindre des corps dans des
postures académiques (on imagine les modèles en train de poser séparément).
JE RETIENS
En tapant « Légende de Sainte Ursule », « Enlèvement de Proserpine », « Enlèvement des Sabines » sur un
moteur de recherche, tu pourras voir comment d’autres artistes ont représenté la même histoire.
Au cours des années 1960 – 1970, l’art est déjà bien libéré des contraintes académiques. Les sujets des peintures et des
sculptures n’ont plus rien à voir avec la mythologie ou la religion. Le quotidien a fait son entrée dans l’inspiration des
artistes et les modèles sont nettement plus populaires qu’auparavant.
À cette époque, un fort courant international va marquer l’Occident, une tendance que l’on va retrouver en Europe
et aux États-Unis sous le nom de Pop art. Cette mode va toucher de nombreux domaines : musique, cinéma, bande
dessinée, arts plastiques, décoration, haute couture, publicité, etc. Un style esthétique va s’imposer, mais c’est
surtout l’inspiration qui se renouvelle : « Pop » est le diminutif de Popular qui signifie « populaire ». Les artistes
vont s’inspirer des modes culturels populaires, c’est-à-dire ceux du peuple et non de la classe dominante. Mais
« populaire », cela signifie aussi lié au grand nombre, ce qui est contraire à la tradition artistique attachée à l’élite et
à l’œuvre originale et unique.
Ainsi, ce qui était méprisé auparavant va être valorisé par les artistes qui vont vouer un culte nouveau aux stars de
cinéma, aux héros de bande dessinée, aux images de publicité, au cinéma populaire (films policiers, westerns, etc.).
Ce courant va porter atteinte à l’Art avec un « A » majuscule dont nous venons de parler dans la séance 2. Quand
un peintre va raconter une histoire, elle ne sera pas inspirée d’un texte sacré mais d’un roman-photo, d’une bande
dessinée, d’une série télévisée… Voici donc ce qu’est le Pop art.
Bien entendu, ce courant (comme son nom l’indique) est essentiellement anglo-saxon, c’est-à-dire anglais et
américain. Mais en France, un groupe peut y être assimilé car ses membres répondent à ce que nous venons de
résumer. Ces artistes, essentiellement peintres, vont produire des images aux couleurs vives, dont le modèle
est généralement une ou plusieurs photographies. C’est en effet une nouveauté à l’époque : on projette une
photographie sur un tableau puis on peint en la prenant pour modèle. Le mythe de l’artiste académicien s’effondre
également…
Nous allons regarder maintenant la reproduction d’une peinture de l’un d’entre eux, Jacques Monory.
Sa spécialité est de peindre presque toujours en camaïeu (= nuances d’une même couleur) de bleu. Il s’inspire de
photographies découpées dans la presse populaire, de faits divers souvent insignifiants, d’images variées mais
reflétant le monde qui nous entoure. À la différence des œuvres narratives illustratives, ici, le sujet n’est pas un
texte mais une image. Nous sommes devant une œuvre qui raconte quelque chose, mais nous ne savons pas quoi…
Ou plutôt, l’artiste nous laisse libres de choisir : ici, par exemple, on pourrait imaginer que le personnage qui court à
gauche vient d’abattre ceux dont on ne perçoit qu’une partie du corps allongé. Les impacts de balles, bien réels (oui,
ce sont de vrais impacts de balles), nous guident sur une piste de ce genre et renforcent le réalisme de la scène.
Mais on pourrait aussi imaginer autre chose… À toi de choisir !
Il s’agit donc, ici, de la deuxième sorte d’image narrative, la deuxième possibilité pour qu’une image raconte
quelque chose.
— Jacques Monory Meurtre n° 10/2, série « Les Meurtres », 1968, Peinture en trois panneaux,
huile sur toile et miroir brisé avec impacts de balles, 160 x 400 cm
© ADAGP, Paris 2011
Puisque nous avons évoqué le cas de la bande dessinée, rendons-lui ici un petit hommage.
À l’époque Pop, plusieurs auteurs de BD ont créé des images que l’on peut
mettre en lien avec ces peintures. Quelques auteurs sont d’ailleurs reconnus
maintenant comme des artistes à part entière. L’un d’entre eux, Guy Pellaert,
est autant dessinateur de BD que peintre d’affiches de films, de pochettes de
disques, il a réalisé des illustrations pour des livres et des magazines, des
publicités…
Son style est facilement reconnaissable, il a influencé toute une époque et,
aujourd’hui encore, sert de modèle à ceux qui s’inspirent du style particulier
des années Pop. On parle d’ailleurs, à ce propos, de style « psychédélique »...
L’image qui suit est une page extraite d’un de ses albums de bande dessinée
qui raconte l’histoire de Pravda (dont le nom signifie « la Vérité » en russe
et est le titre d’un journal équivalent au Monde). L’image en elle-même
contient le récit, la mise en page et les couleurs organisent la page comme un
tableau : il y a d’étroites relations entre les peintres et les auteurs de BD de
l’époque Pop.
1 = acquis
2 = en cours d’acquisition
3 = non acquis