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UNITÉ 2

Les images artistiques et leur rapport à la fiction

SÉANCE 1
Qu’est-ce qu’une fiction ?

Objectif

• Expérimenter, produire, créer ;


• Établir une relation avec celle des artistes ;
• Se repérer dans les domaines liés aux arts plastiques.

Dans l’unité précédente, nous nous sommes attardés sur le mot « image » ; nous allons maintenant nous pencher sur un
deuxième mot important pour toi : la « fiction ».

DÉFINITION
Écoutons le Professeur Cambridge :

CRÉER UNE FICTION


Ci-dessous, tu peux voir deux images. L’une montre une chauve-souris, l’autre une girafe. Dans la grande case
blanche, imagine le mélange de ces deux animaux.

Vérifie ta réponse dans le livret de corrigés avant de poursuivre ton travail.


Ton dessin est une fiction, car l’animal que tu as créé n’existe pas dans la réalité !

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Ci-dessous à gauche, une photographie montre des acrobates de cirque. À droite, un cadre t’est réservé afin que
tu y exprimes ta créativité : dessine une fiction en inventant une situation différente pour l’acrobate. On devra avoir
l’impression qu’il fait autre chose que dans l’image originale. Tu dois bien sûr réaliser un nouvel arrière-plan. De
plus, tu peux transformer les habits du personnage en fonction du nouveau sens que tu veux donner à la situation.

— Les Cliftors, Paris, Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée


Avant de poursuivre ton travail, vérifie ta réponse dans le livret de corrigés.

Là aussi, ton dessin basé sur la photographie de départ est une fiction, c’est-à-dire une création de ton esprit qui
s’oppose à la réalité.

Ces deux exercices te montrent comment les réalisations plastiques peuvent facilement être des fictions, c’est-à-
dire des inventions nées de l’imagination de leur auteur.

JE RETIENS

Lis le résumé ci-dessous et retiens-le grâce aux mots en gras.


Une fiction est un produit de l’imagination. Les fictions les plus communes sont artistiques, littéraires, cinéma-
tographiques. Un genre particulier de fiction est la science-fiction. En arts plastiques, beaucoup d’œuvres sont
des fictions : elles sont le résultat d’une transformation volontaire de la réalité, ou présentent des scènes nées
de l’imagination de l’artiste. La fiction s’oppose au réel.

SÉANCE 2
Image et fiction

Relevons pour commencer quelques synonymes de « fiction » : « mensonge », « dissimulation » (afin de tromper
autrui), « construction imaginaire » (consciente ou inconsciente en vue de masquer ou enjoliver le réel). Une image
de fiction est donc une image qui aurait tendance à nous faire croire que ce qu’elle représente est réel, alors que
ça ne l’est pas. Il faut que le spectateur reconnaisse certains éléments, ce qui exclut toute image abstraite (= qui ne
représente rien).

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Sur ce plan, l’un des artistes les plus impressionnants a créé ses peintures il y a plus de cinq cents ans et est tou-
jours admiré comme s’il peignait aujourd’hui. Cette fascination tient justement au fait que ce qu’il représente n’a
jamais existé et ne peut être assimilé à une époque plus qu’à une autre, au passé davantage qu’au présent. Jérôme
Bosch est un grand peintre mais nous savons peu de choses sur lui. Ce handicap ne nous permet pas de savoir
pourquoi il a peint ces tableaux si déroutants, ces personnages si curieux… C’est également un avantage car cela
permet d’imaginer les interprétations les plus savantes comme les plus farfelues. D’ailleurs, il est publié à peu près
un ouvrage par jour sur ses tableaux !

La peinture reproduite ici est un triptyque (= tableau en trois parties). Les deux volets (= panneaux latéraux qui
encadrent le panneau central) représentent certainement le Paradis et l’Enfer, tu peux aisément les identifier. Le
panneau central est une scène ahurissante qui contient une foule de personnages nus et d’animaux bizarres. Essaie
de trouver une représentation plus grande, car la réduction est ici trop importante pour admirer les détails : on peut
passer des heures à contempler ces monstres et leurs activités surprenantes. Bien que ces scènes soient invrai-
semblables, on reconnaît facilement les corps humains, les éléments du paysage et certains animaux. La nature
est fidèlement représentée : minéraux, végétaux, animaux… Rien n’est abstrait. Cependant, l’univers présenté ici
est celui d’un rêve (d’un cauchemar ?)… Pratiquement toutes les œuvres de Jérôme Bosch sont du même ordre. Cet
artiste est un des plus grands auteurs de fiction de l’histoire.

— Jérôme Bosch, Triptyque du Jardin des Délices, vers 1500, huile sur panneau, Panneau central 220 x 195 cm,
volets : 220 x 97 cm, Musée du Prado, Madrid
© Archives Alinari, Florence, dist. RMN/Raffaello Bencini

Voyons un artiste d’une autre époque et d’un


autre style. Bernard Rancillac est un peintre
contemporain qui a commencé à être connu dans
les années 1960 aux côtés des artistes de la Figu-
ration narrative (voir unité 3). Sa spécialité est de
peindre d’après des images projetées, générale-
ment des photos qu’il travaille avec des couleurs
en aplat.

Ici, le document qui lui a servi de départ est une


photographie du général Pinochet, dictateur qui
a massacré des milliers de Chiliens après une
prise de pouvoir violente et de ses alliés. Sur la
peinture de Rancillac, on reconnaît les person-
nages car la photo était célèbre à l’époque. De
plus, il a écrit « Chili », ce qui interdit toute confu-
sion. Malgré le fait que le document de départ
— Bernard Rancillac, Bloody Comics, 1977, acrylique sur toile
© Musée des Beaux-arts de Dole, cl. Jean-Loup Mathieu
soit identifiable et emprunté au réel, il s’agit

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d’une fiction puisque les visages du dictateur et de ses alliés sont remplacés par des personnages de bande dessi-
née américaine (on reconnaît de gauche à droite : Pat Hibulaire, Donald, Dingo, Mickey et au premier plan Popeye).
Cette interprétation de la réalité est politique puisque le coup d’État de Pinochet était soutenu par les États-Unis.
Il s’agit donc d’une fiction politique, d’une sorte de « politique-fiction ». Cette méthode permet à l’artiste de nous
donner sa version des faits, son interprétation du réel.

Regardons enfin une troisième image, d’un autre type de fiction encore. Son
auteur est un dessinateur de bande dessinée, l’un des plus importants. La
Fondation Cartier pour l’art contemporain lui a consacré une grande rétros-
pective à Paris, signe exceptionnel de sa reconnaissance (la bande dessinée
n’est pas souvent honorée de la sorte). Il signe sous plusieurs noms, selon le
style qu’il choisit : Jean Giraud ou Gir quand il dessine Le lieutenant Blue-
berry, Moebus quand il réalise des albums de science-fiction. Cette dernière
catégorie présente des univers crédibles dans le futur. Les univers qu’il
invente sont poétiques et généralement non violents, ce qui en fait un cas
particulier dans le genre, souvent dominé par des guerres intergalactiques.
L’image reproduite est extraite de la série parcourue par son héros, Harzach.
Ce dernier traverse souvent le ciel chevauchant un énorme oiseau blanc.
La précision du style de Moebius donne à ses créations un aspect si réa-
liste (notamment la netteté du trait et les jeux de lumière comme sur cette
image) qu’on peut réellement le citer en appui de l’image de fiction.

— Jean Giraud dit Moebius,


Dessin préparatoire pour Arzach, 1995
© Mœbius Production

JE RETIENS

Lis le résumé ci-dessous et retiens-le grâce aux mots en gras.


Une image de fiction représente un univers crédible, mais qui n’est pas le réel. Cette invention d’un auteur
permet de glisser le spectateur dans un univers qui n’est pas le sien. Il existe plusieurs sortes d’images de
fiction.

SÉANCE 3
Image et réel

Le rapport entre l’image et le réel est un des plus vieux débats de l’histoire de l’art. Il permet de relever des degrés de
réalisme (= qui se rapporte au réel) : plus l’image nous donne l’impression que ce qu’elle montre est réel, plus elle est
réaliste, on dit parfois « objective ». Pour cela, un certain nombre de facteurs doivent l’éloigner de l’image de fiction qui,
elle aussi, nous fait croire que ce que nous voyons est réel. Relevons quelques éléments qui peuvent nous faire croire que
l’image et le réel c’est la même chose :
• La technique du peintre est si méticuleuse qu’on ne voit pas que c’est une peinture. Dans le cas extrême, c’est ce qui
se produit avec une photographie.
• Le sujet ne semble pas inventé, comme s’il était prélevé directement sans intervention extérieure.

Pour la première remarque, cela signifie que l’artiste doit nier sa personnalité, effacer tous les effets de son style, il
doit peindre comme s’il n’existait pas. Pour la deuxième remarque, c’est la même chose : on ne doit pas supposer
que l’auteur est l’inventeur de l’image. Voici la différence avec l’image de fiction.

Il faut cependant nuancer ces remarques si catégoriques : pour la première, soyons clairs : cela n’existe pas, il n’y
a aucun artiste dont on ne puisse repérer le style. Pour la deuxième, c’est nettement plus compliqué… Un artiste du
XIXe siècle, Gustave Courbet avait décidé que le Réalisme (avec un « R » majuscule car c’est le nom d’un courant
artistique, donc un nom propre) était la forme d’art qui représentait le réel social (les travailleurs, les pauvres, les
opprimés). Ce courant a donné naissance à une forme importante de production artistique au XXe siècle, le Réalisme
socialiste, imposé par les régimes soviétiques de l’URSS et de ses alliés. Dans ce cas, depuis Courbet, le Réalisme
est une forme d’art politique. De nombreux artistes ont suivi ces recommandations et ont tenté de montrer le

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réel sans l’enjoliver par des considérations « bourgeoises ». Parfois, cela donne des images mises en scène pour
convaincre. Le Réalisme, dans ce cas, ne représente pas le réel mais une reconstitution. Il peut également produire
des images de propagande, ce qui est aussi une déformation du réel.

Alors, comment une image peut-elle véritablement représenter le réel ? Déjà, notons que l’image n’est pas le réel,
mais une représentation du réel, ce qui constitue une différence notoire. L’image la plus célèbre à ce sujet, et
certainement la plus démystificatrice (= qui détruit un mythe), est cette peinture de René Magritte. Ce dernier est
un peintre belge proche du groupe surréaliste. Il a peint des images de fiction très déroutantes car sa technique
académique tendrait à effacer sa présence mais ses sujets sont oniriques (= issus du rêve). Tu dois constamment te
souvenir de cette peinture : ce que représente une image n’est pas le réel, mais une représentation du réel. D’ail-
leurs, le titre qu’il a donné à son tableau est très significatif ! Je t’invite à y réfléchir…

Une grande confusion est apparue avec l’invention de la photographie (1839). Si l’on se réfère aux deux remarques
qui permettent d’imaginer ce qu’est une image du réel, la photographie n’en est pas loin : l’auteur n’est pas sup-
posé faire intervenir son style dans la prise de vue puisqu’elle est mécanique (ce n’est pas la main qui dessine mais
l’appareil qui enregistre). Quand au sujet, il ne peut que provenir du réel puisque l’appareil photo ne peut capturer
une image qui n’existe pas !

Si cela était si simple, réel et photographie seraient inséparables, il n’y


aurait pas de photographes réputés, ni d’amateurs et de collection-
neurs capables d’investir des sommes importantes pour acquérir des
images supposées banales et sans intérêt… C’est que premièrement,
comme on vient de le voir, la représentation du réel n’est pas le réel, et
que deuxièmement chaque photographe possède son style propre, que
les artistes le cultivent et que les amateurs le recherchent.

Une image photographique, en effet, n’est pas le réel. Elle représente


une partie du réel captée à un moment précis par un auteur particulier.
N’importe qui, prenant une photo avec un téléphone portable fabrique
une image différente de celle que ferait une autre personne, y compris
— René Magritte, La Trahison des images, 1929, dans les mêmes conditions. L’expérience est intéressante : deman-
huile sur toile, 59 x 65 cm, Art Institute of Chicago
© ADAGP, Paris 2011 der à plusieurs personnes de photographier le même objet… Il y aura
autant de résultats que de photographes ! Cela est valable pour un
portrait, une photo de groupe, un paysage, un évènement. Cela s’appelle le « point de vue » et c’est ce qui empêche
de confondre l’image et le réel, car le réel ne suppose aucun point de vue particulier. Donc, le point de vue c’est
la place de l’observateur, endroit d’où l’on voit le mieux une scène, et aussi la manière de considérer et de voir les
choses, opinion particulière.

Voici maintenant une image supposée réaliste : une


photographie prise au début du XXe siècle dans un décor
« naturel » (ni un studio ni une scène de théâtre avec un
décor fabriqué), le modèle ne semble pas poser, il est issu
d’une classe sociale très défavorisée (n’a certainement pas
payé pour être photographié). Regardons de plus près : la
lumière est très forte (les ombres sont bien marquées et le
blanc du lit est éclatant). L’image est parfaitement cadrée,
elle est nette. Ceci indique que le photographe a posé son
appareil sur un pied, qu’il a éclairé la scène et pris un certain
temps pour organiser son dispositif…

Il parait bien improbable que la fillette ne l’ait pas vu


s’installer chez elle et n’ait donc pas obéi à ce qu’il lui
demandait de faire… on peut affirmer qu’elle pose pour
lui. Les motifs du photographe peuvent être nombreux : il — Anonyme, Fillette cousant sur son lit, vers 1919, photographie
argentique, 11,8 x 16,3 cm
peut vouloir attirer l’attention sur la misère, il peut vouloir
gagner de l’argent en vendant un cliché « exotique » éloigné des modèles bourgeois de l’époque (seuls les gens
riches pouvaient payer leur portrait). Il peut répondre à toutes sortes de motifs, pas nécessairement honorables…
Nous n’en savons rien. Ce que nous pouvons dire, c’est que cette photographie n’est pas le réel, mais une mise en
scène du réel pour répondre à des objectifs divers, parmi lesquels certains sont respectables. En aucun cas, cette
photographie ne peut nier le point de vue du photographe, même si nous ne le connaissons pas.

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Puisque l’époque est constamment confrontée à des images, de tous ordres mais plus généralement photogra-
phiques, il est nécessaire de se pencher sur ce qu’elles font du réel dans notre société. Je t’invite à regarder cette
salle de contrôle d’une société privée de vidéosurveillance. Ce genre d’endroits se répand à une grande vitesse sur
tout le territoire français comme dans la plupart des pays industrialisés. Nous sommes en permanence surveillés,
pratiquement aucun de nos gestes ne peut échapper aux caméras. L’image n’a plus le statut sacré qu’elle pouvait
avoir auparavant. La multiplication des écrans (télévision, ordinateur, téléphone, etc.) donnerait le vertige à un visi-
teur venu du siècle où l’on a inventé la photographie, pourtant proche de nous. D’ailleurs, le nombre d’écrans dans
cette salle est si élevé qu’il est impossible à quiconque de suivre toutes les images simultanément, c’est la raison
pour laquelle elles sont enregistrées.

Si l’on se réfère aux deux remarques qui distinguent une image du réel, nous sommes ici en présence d’un cas
inédit : ces images ont-elle un auteur ? Le dernier rempart qui les sépare du réel est la question du point de vue :
en effet, ces images ne sont pas captées sans la présence d’un humain puisque les caméras n’ont pas été installées
n’importe où ; ici, l’auteur est donc une sorte de police privée. Le point de vue n’est plus celui d’un individu c’est
celui de la société sur certains de ses membres…

Cette dernière catégorie d’images n’ayant rien d’artistique, je t’invite à réfléchir personnellement plus profondément à
cela, c’est un point essentiel de notre société que les hommes libres doivent connaître.

Dernière piste de travail pour se poser aujourd’hui la question du rapport entre image et réel : l’informatique permet
maintenant la création d’images virtuelles, c’est-à-dire qui n’ont pas été captées dans le réel mais en donnent
l’impression. Nous en sommes entourés, sans que nous y prenions garde.

JE RETIENS

Une image n’est jamais le réel mais une représentation du réel. Elle a toujours un auteur et représente toujours
quelque chose (sujet), ce que l’on appelle le point de vue. Deux définitions sont possibles car le point de vue
c’est la place de l’observateur, endroit d’où l’on voit le mieux une scène, et c’est aussi la manière de considérer
et de voir les choses, opinion particulière.

J’ÉVALUE MES ACQUIS


Tu peux à présent faire le bilan de tes compétences grâce à la grille d’auto-évaluation ci-dessous. Pour cela, fais une croix
dans les colonnes 1, 2 ou 3, en face de chacune des compétences du tableau selon ce que tu penses avoir acquis, presque
acquis ou pas acquis du tout ; dans ce dernier cas, tu pourras donc revoir le cours afin de t’améliorer.

1 = acquis
2 = en cours d’acquisition
3 = non acquis

Connaissances et compétences pour l’unité 2 1 2 3


Je sais ce qu’est une fiction.
Je sais dessiner une image fictionnelle.
Je sais qu’une image n’est pas le réel.

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