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Vendredi 28 Avril 2023

Etude de texte Le dernier jour d’un condamné, Victor Hugo


Chapitre XIII : Le ferrage des forçats
I. Situation du passage
Le condamné à mort est incarcéré depuis cinq ou six semaines, seul
dans un cachot à Bicêtre. Il se livre alors à la description de sa propre cellule.
Après avoir cité les noms tracés sur les murs par les anciens détenus, il
commence à raconter ce qu’il avait vu quelques jours auparavant, en
l’occurrence le spectacle du ferrage des forçats qui partent vers le bagne de
Toulon. C'est le geôlier qui lui a proposé cette distraction et qui l'amène
dans une cellule d'où il peut voir la scène qui se déroule dans la cour de
la prison. Il décrit la scène comme s’il avait assisté à un spectacle qui prend,
aux yeux du narrateur, l’aspect d’une représentation théâtrale tragique.
II. Axes de lecture
1. Le théâtre de Bicêtre
Le recensement des acteurs de cette scène, tel qu’il est proposé dans le
tableau, mettra en évidence la spécificité théâtrale du texte, des personnages
étant à la fois acteurs et spectateurs de la scène. La réflexion sur le théâtre
étant amorcée, un travail d’analogie entre cet art de la représentation et la
scène permettra d’en poursuivre la réflexion.
L’événement raconté est celui du ferrement des bagnards qui partent
pour Toulon. (Victor Hugo, soucieux de retranscrire avec exactitude la
réalité, assista lui-même à une scène de ferrement.)
Les spectateurs Les acteurs
Les galériens – les geôliers – les Les galériens – les geôliers – les
gardes - chiourme – le condamné – gardes - chiourme – le condamné –
les prisonniers – des Parisiens les médecins – les forgerons –
curieux – le capitaine – le directeur l’inspecteur – le baladin – le vieux
Le rapprochement de ces deux listes permet de se rendre compte que
la plupart des spectateurs sont aussi, à un moment donné, des acteurs de
l’événement. Ce que confirme Victor Hugo, dans ce chapitre, à propos des
prisonniers : « spectateurs de la cérémonie en attendant leur jour d’être
acteurs »
2. Un spectacle infernal
Autre particularité de cette scène : elle mêle, de manière saisissante, les notions
antithétiques de « fête » et d’« enfer ». L’événement est une fête à la fois pour les
prisonniers, qui sont les spectateurs d’un événement exceptionnel et qui les distrait de
leur quotidien, et pour les galériens qui fêtent leur départ. Comme en témoignent ces
phrases associant les notions de « fête » et d’« enfer » : « les spectateurs jusqu’alors
silencieux et immobiles, éclatèrent en cris de joie, […] en imprécations mêlées
d’éclats de rire poignants à entendre »; ici, on voit que se mêlent les cris de joie et des
cris semblant venir de l’enfer, impression renforcée par la phrase qui vient juste après
« On eût cru voir des masques de démons »; « on entendait par intervalles des cris
grêles, des éclats de rire déchirés et haletants se mêler aux mystérieuses paroles ; puis
des acclamations furibondes ; et les chaînes qui s’entrechoquaient en cadence
servaient d’orchestre à ce chant plus rauque que leur bruit ».
3. Un dénouement inattendu
Le condamné est le sujet central de la scène. Annoncée par la locution adverbiale
« Tout à coup », la situation s’inverse lorsque les galériens s’aperçoivent de la présence
du condamné à mort à l’une des fenêtres. De spectateur, il devient brutalement l’acteur
vers qui tous les regards (ceux des galériens et des autres prisonniers) convergent, lui
rappelant qu’il est un compagnon d’infortune et un futur spectacle pour d’autres
spectateurs. Le condamné en perd connaissance, et cette petite mort annonce
l’exécution finale.

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