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Analyse -Chapitres 13 et 14 – Le dernier jour

d’un condamné
Le ferrement des forçats
   Résumé
   Le narrateur raconte qu’un matin, un énorme bruit l’a réveillé. C’était le ferrement des forçats,
avant leur départ pour le bagne de Toulon. Le geôlier lui proposa de le conduire dans une autre
cellule, dont la fenêtre donnait sur la cour, pour voir le «spectacle».
    Sous les clameurs des autres détenus agglutinés (réunis) aux fenêtres, le directeur de la prison
appela les forçats. Les autres détenus les acclamaient, applaudissant les forçats les plus tristement
célèbres; ceux-ci remerciaient d’un geste ces ovations.
   Après un bref examen médical, on les mit en file indienne, par ordre alphabétique. On jeta aux
pieds de chacun ses vêtements de route. Au moment où ils se déshabillaient pour les enfiler, un
orage les trempa jusqu’aux os.
   On les ferra alors, deux par deux, de chaque côté d’une chaîne, à laquelle étaient reliés
transversalement des anneaux. Soudain, les forçats se mirent à chanter et à danser comme ils
pouvaient. On leur laissait cette liberté de hurler et de gesticuler le jour du ferrage et la nuit suivante.
Ils aperçurent tout à coup le condamné à mort, qu’ils saluèrent d’un «ricanement atroce» et d’un
«Adieu, camarade». Le narrateur prit conscience qu’il était, en effet, leur «camarade» de misère.
Comme les forçats continuaient de l’interpeller; Il tomba évanoui (chap.XIII)
   Transporté à l’infirmerie, le narrateur goûta d’abord d’être dans un lit. Un grand bruit le fit aller à
la fenêtre. C’était le départ des forçats. Une foule de curieux les injuriait. Le narrateur se reprit à
penser: plutôt l’échafaud que le bagne, plutôt la guillotine que les galères (chap.XlV)
   Repères pour la lecture
   Un spectacle tragique
   Le ferrement des forçats est décrit comme s’il s’agissait d’un  «spectacle», mot qui revient
d’aillent à plusieurs reprises dans le passage.
   Le champ lexical est celui d’une représentation théâtrale. La cellule où se tient le condamné est
assimilée à une «loge», comme dans une salle de théâtre. Le narrateur et les autres détenus forment
le public des «spectateurs». Les forçats sont, quant à eux, les «acteurs». Quand ils surgissent dans la
cour, certains exécutent un numéro qui suscite «acclamations et applaudissements». La pluie qui
s’abat soudainement sur les malheureux fait dire à l’un d’eux que «cela n’était pas dans le
programme».
   Ce spectacle est enfin une tragédie que le narrateur contemple avec terreur et pitié. Ce sont
les deux sentiments que la tragédie classique se proposait de susciter chez les spectateurs. Aussi bien
dans ce jeu de représentation que dans sa visée émotive, le roman emprunte à l’univers dramatique.
   Un renversement de situation
   De spectateur en retrait, dans sa «loge», le narrateur devient subitement objet de spectacle.
D’observateur, il devient observé: «Le condamné! le condamné! crièrent-ils tous en me montrant
du doigt». Lui-même prend conscience que «quelques jours plus tard», il aurait pu «être un
spectacle pour eux». Aussi ce renversement de situation fonctionne-t-il dans le roman comme
une anticipation. Les forçats rappellent au condamné son sort prochain et inéluctable: «il sera
rogné». Et leur départ pour Toulon, sous les cris de la foule, préfigure l’ultime voyage du narrateur
vers le lieu de son exécution (chap.XLVIII).
   Une extension du réquisitoire: contre les peines dégradantes
   Comme la peine capitale, l’institution du bagne fait l’objet d’un réquisitoire de la part de
Hugo. La scène du ferrement est relatée en détail pour en montrer toute la barbarie. Une telle
pratique déshumanise l’homme: «L’intelligence doit abdiquer, le carcan du bagne la condamne à
mort». C’était déjà l’argument avancé par le narrateur au sujet de son propre sort: «Se sont-ils (les
juges) jamais seulement arrêtés à cette idée poignante que dans l’homme qu’ils retranchent il y a
une intelligence?» (chap.VI). La formule métaphorique: «La Grève est sœur de Toulon» explicite
le parallèle entre les deux peines.

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