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Texte 1 : Victor Hugo, Les Misérables, partie I, « Fantine », livre 2 « la chute »,

chapitre 3 « Héroïsme de l’obéissance passive », 1862

Etape 1 : introduction
Présentation générale (amorce) : Victor Hugo, célèbre écrivain, poète,
dramaturge et homme politique du XIXe siècle est l'initiateur du courant
romantique français et est connu du monde entier. Dans le domaine politique,
il se range du côté républicain, il est pris de passion pour les souffrances du
peuple ce qui le conduira à la création de son roman Les Misérables paru en
1862. Cette œuvre incarne pour ainsi dire l'ensemble des idéaux romantiques
d'Hugo. On peut le qualifier de roman fleuve et de recueil de ses pensées. Les
Misérables retrace le destin de Jean Valjean, ancien bagnard injustement
condamné au bagne pour le vol d'un morceau de pain. Victor Hugo dénonce la
misère à travers ce personnage emblématique.
Présentation de l’extrait : Dans le cas présent, cet extrait se situe au début du
roman lorsqu'à sa sortie du bagne, Jean Valjean rentre dans sa ville natale et
s'arrête en route pour trouver un gîte ou dormir.

Etape 2 : lecture du texte


Je vais à présent vous lire le texte

Etape 3 : problématique et annonce du plan


Nous nous demanderons comment Victor Hugo montre-t-il l'exclusion liée à la
misère dans cet extrait ?
Pour y répondre, j’ai identifié 2 mouvements :
Mouvement 1 : l'entrée de Jean Valjean (l. 1 à 16)
Mouvement 2 : le discours de Jean Valjean (l.17 à 31)

Etape 4 : analyse linéaire

1er mouvement : l'entrée de Jean Valjean (l. 1 à 16)


-Le texte s'ouvre sur la mise en scène de l'entrée du personnage avec un effet
d'attente : « la porte, elle (avec la répétition de « s’ouvrit »), quelqu'un, un
homme, cet homme le voyageur, il, l'homme, le nouveau venu ». Nous avons
également la réaction des autres personnages.
-Le narrateur redonne des informations déjà connues en instaurant une
complicité avec le lecteur avec le pronom « nous ». Les termes « voyageur,
errer et gîte», l. 4/5 et « son sac sur l'épaule, son bâton à la main", l. 6/7, «
fatiguée », l.7 situent l'intrigue : un homme misérable qui a voyagé et qui ne
sait pas où dormir, ce que la suite du texte va confirmer.
Dans cette première partie du texte, on a un portrait physique et moral de Jean
Valjean qui est décrit à partir d'un point de vue omniscient :
-Il se caractérise par sa vivacité voire sa violence : l.1 phrase brève, emploi du
passé simple, précisions l.2 « vivement, toute grande, comme si quelqu'un l'a
poussait avec énergie et résolution », un homme brusque, dur imposant,
accumulation d'adjectifs l. 7
-En même temps le personnage a une hésitation, il ne semble pas sûr de rester
(il laisse la porte ouverte derrière lui)
-La mise en scène est renforcée par le jeu de lumière, l. 7/8 « le feu de la
cheminée l'éclairait ». Le feu est également associé à une connotation violente.
-Le texte mais aussi en avant sa laideur ( phrase brève l.8), sa saleté. Son
apparence terrifiante, « hideux, sinistre, rude, hardie, fatiguée. L.7/8
-L'impression globale qui émane du personnage est un sentiment de malaise
associé à une dimension menaçante, morbide (« sinistres apparition », l.8)
-La réaction des autres personnages va dans le sens de cette description. On a
un portrait indirect à travers les yeux de madame Magloire et de Mademoiselle
Baptistine, l. 9 à 12 (réactions physiques : mutisme, bouche bée, négation,
secousses, peur, surprise)
-La réaction de Mademoiselle Baptistine se cale finalement sur celle de son
frère qui est à l'opposé de ce qui précède (« profondément calme et serein,
tranquille »). L'évêque incarne l'homme d'église rassurant, qui a foi en
l'humanité et ne s'arrête pas aux apparences.
-Cette scène montre que les deux groupes se jaugent du regard comme au
ralenti avec le champ lexical du regard (« aperçu, regarder, fixer, œil, promena
ses yeux").
L'intervention de Jean Valjean est un mélange de méfiance, de brusqueries et
de provocation, comme celle d'un homme qui se sent mal à l'aise, un intrus qui
ne trouve pas sa place : il interrompt l'évêque qui allait prendre la parole et son
timbre de voix n'est pas adapté à cette situation d'intimité (« sans attendre que
l'évêque parlât, d'une voix haute »).

2ème mouvement : le discours de Jean Valjean (l.17 à 31)


-Dans la seconde partie de l'extrait, Jean Valjean parle au discours direct
(focalisation interne). Il rompt le silence et fait un monologue pour meubler ce
silence sourd et justifier sa présence.
-On retrouve la brusquerie du personnage dans ses paroles : introduction
abrupte, "voici", ligne 17, phrases brèves. Jean Valjean commence à révéler son
identité puis il insiste sur les faits (champ lexical du bagne : forçat, galérien. ) . Il
raconte qu'il a passé " dix-neuf ans" en galère sans expliquer pourquoi. Il
explique ce qu'il a fait depuis sa sortie récente (répétition du temps, « 4 jours »
et du trajet l. 18 /19 pour mettre l'accent sur la fatigue, l.30).
-Jean Valjean relate ensuite son expérience et la façon dont il a été rejeté par
tout le monde. il énumère : " une auberge, une autre auberge, la prison, la
niche du chien, les champs".
On a une gradation/rejet : c'est un rejet unanime et anonyme (répétition de «
on »). Les hommes, les animaux, puis le bon dieu lui-même s'oppose au
personnage. Valjean semble prendre de la distance avec lui-même. Après
toutes ces souffrances, il se montre assez froid, résolu. Il raconte tout d'une
traite. C'est un rejet violent qui traduit une hostilité généralisée : Jean Valjean
est victime de "son passeport jaune", symbole de fatalité (" il avait fallu », l.21
traduit une obligation qui le condamne, « on aurait dit qu'il savait qui j'étais").
Violence des propos et des actes : « renvoyé», impératif : « va-t'en » avec le
tutoiement, négations, répétition de la situation (« autre », « chez l'un chez
l'autre »), " mordu et chassé" associés/ la comparaison à la cruauté des
hommes. Le ciel lui-même est complice avec la pluie et l'absence d'étoiles.
L'ironie du sort consiste pour Jean Valjean à retourner à la prison alors qu'il sort
du bagne. Sa condition misérable le condamne à chercher un lieu inhumain /
hostile pour se cacher et pour dormir (« renfoncement » et « Pierre », l.26 27).
-Familiarité dans le discours du personnage qui semble désorienter et perdu, «
bonne femme » et série de questions à la fin de l'extrait. On peut noter que les
paroles rapportées de la personne qui a parlé à Jean Valjean sont dépourvues
d'empathie : « frappe-là ». Elle lui a dit le minimum et ne lui a pas fourni
d'explications.
-À la fin du texte, Jean Valjean avance ces derniers arguments pour trouver un
gîte (phrases brèves répétées, futur). La mention de l'argent mais l'accent sur
sa misère (décalage entre la somme d'argent et le temps passé au bagne). La
question finale traduit l'inquiétude du personnage qui s'en est tenu au fait et
qui n'a pas d'autre choix que de se présenter sous sa véritable identité. Le
discours direct est un moyen pour Victor Hugo de donner la parole aux pauvres
et de dénoncer l'injustice de leur condition.
-La réaction calme de l'évêque contraste avec cette fébrilité et annonce la
conversion de Jean Valjean qui va rencontrer le Bien. L'évêque appelle Jean
Valjean Monsieur et le vouvoie. Il lui demande de s'asseoir. C'est le dernier
signe de sa bonté. Valjean n'a pu s'arrêter nulle part. Enfin il peut se reposer.
L'évêque n'a pas peur de Jean Valjean, il le regarde d'un "œil tranquille". Après
le récit de Jean Valjean il ne répond pas vraiment à Valjean. Il s'adresse à une
des femmes et il dit qu'il faudra ajouter "un couvert de plus". C'est une façon
détournée d'accepter l'homme à sa table et de lui offrir l'hospitalité.
Etape 5 : conclusion

C'est ainsi que Victor Hugo nous amène à une réflexion, sur l'influence des
rapports sociaux de l'homme. Il dénonce dans notre cas, l'importance de la
norme et des critères physiques imposés, qui façonne le traitement porté à
l'égard d'une personne.
Le portrait de Jean Valjean est ostracisé par la société dans ce texte : point de
vue omniscient permet de voir les réactions qu'il suscite confirmées par le récit
au discours direct. Figure de l'exclu, permet à Hugo de dénoncer l'injustice et
l'inhumanité de la société. On retrouve le souffle romantique qui anime ce
passage, car Hugo relève, à son plus grand malheur, la misère d'un homme
engendrée par la société. Parallèle avec épisode de Fantine, elle-même rejetée
et persécuté par la société jusqu'à devenir prostituée.

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