QUALITÉ

Stockage
En maintenant la température du

Maîtriser
lot inférieure à la température
extérieure durant toute la durée
de la conservation, il est possible
de faire l’impasse sur le
traitement insecticide.

la conservation
(© MTE)

longue durée du maïs

Pour des raisons pratiques ou
économiques, il peut être intéressant de
stocker le maïs à la ferme pendant plus
d’une année pour faire la jointure avec la
récolte de l’automne suivant.
En conséquence, le stock est soumis à
l’élévation des températures estivales.
Gilbert Niquet
g.niquet@arvalisinstitutduvegetal.fr
En maîtrisant bien la température de la
masse des grains correctement séchés,
André Le Bras
a.lebras@arvalisinstitutduvegetal.fr leurs qualités commerciales,
ARVALIS — Institut du végétal technologiques et sanitaires ne sont pas
altérées. Démonstration en quatre points.
uelles que soient les
Q céréales stockées, la
ventilation à l’air am-
biant reste le principal moyen
de préserver efficacement leur
qualité sanitaire initiale pen-
dant une longue durée. Pour le
maïs, plus encore que pour les
céréales à paille, la maîtrise de
la température l’été constitue
l’étape la plus sensible.
Premier point : une
température maîtrisée
On retiendra que la tempé-
rature optimale de conserva-

16 PERSPECTIVES AGRICOLES • N°319 • JANVIER 2006

 QUALITÉ

Dispositif expérimental
1
P our la réalisation de cette
expérimentation, nous
avons utilisé une cellule
métallique ronde, placée
dans un bâtiment bardé,
équipée pour la répartition
de l’air de ventilation d’un
fond conique perforé. Le
tive de l’air extérieur. La Evolution des températures de l’air et du grain au cours
température moyenne du de l’année de stockage (fig. 1)
grain est ainsi passée de 18°C
à 10°C en octobre puis à 4,7°C
températures (°C)
25
à la mi-décembre. Elle est en-
suite remontée lentement à 20
environ 12°C fin avril. 15 1er palier
Les équipes ont alors volon- 2è palier
10
tairement laissé remonter la 3è et 4è palier

ventilateur est piloté par un température jusqu’à environ 5 T°C moy. cellule
thermostat pour réaliser 20°C pour en mesurer les ef- T°C moy. extérieure
fets sur la conservation. L’élé- 0
efficacement le

/0 ge

s
ril

ai

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et

ût

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ie

ie

ar
br

br

br

10 ng
10 sa
no 3)
vation de température s’est

m
refroidissement du grain par

av

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4)
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m

em
5/ lis

ju

3/ ida
fé
ja
ve

ce
(1 p

pt

(2 v
m
paliers successifs de 7 à 9°C. alors accélérée, suivant ainsi

dé

Ses dimensions sont les
suivantes : 3,28 m de
diamètre, 5,50 m de
hauteur utile, 46,47 m3 de
volume total utile soit une
capacité théorique
d’environ 35 tonnes.
Préalablement à la mise en
cellule du grain, celle-ci a
été nettoyée par balayage
et aspiration des poussières
et le local désinsectisé. Le
lot de maïs provenait d’un
organisme stockeur voisin
où il avait été séché.
tion ne doit pas dépasser 15°C.
Une température de l’ordre de
20°C n’a pas forcément de ré-
percussions négatives sur la
qualité, mais elle provoque
une augmentation de la respi-
ration des grains et peut être
à l’origine de pertes de matiè-
re sèche.
Les équipes d’ARVALIS-Ins-
titut du végétal ont suivi, pen-
dant un an, l’évolution d’un lot
de maïs sec à 14,4 % d’humi-
dité, placé en cellule de stoc-
kage immédiatement après
séchage. Quatre doses de ven-
tilation ont été nécessaires
pour baisser la température,
puis limiter le réchauffement
du maïs (figure 1). Elles ont
été appliquées sitôt le sécha-
ge terminé, en octobre, puis en
été, uniquement de nuit et
quelle que soit l’humidité rela-
les températures extérieures,
mais elle n’a pas eu de réper-
cussion négative sur la qualité
du grain stocké. Fin août et mi-
septembre, deux doses de ven-
tilation nocturnes ont toute-
fois été appliquées afin de fai-
re redescendre la température
de 21,8°C à 13,9°C et d’éviter
une remontée excessive no-
tamment dans la partie supé-
rieure de la cellule.
Deuxième point : une
perte de poids limitée
D’après de nombreux essais
effectués sur blé tendre, orge,
pois et maïs, la perte éven-
tuelle de poids constatée lors
d’une conservation de grains
d’un an, par la ventilation de
refroidissement à l’air am-
biant, n’est généralement due
qu’à la légère perte d’eau oc-
casionnée par le séchage du
grain. Dans l’essai ARVALIS-
Institut du végétal présenté ici,
elle est de l’ordre de 0,6 % (en-
cadré 2). Dans le cas des
grains, conservés au-delà de la
période estivale, la lente re-
montée des températures peut
entraîner une très légère perte
de matière sèche supplémen-
taire, sans conséquence sur la
Si la température des grains secs
ne remonte pas au-dessus de
15°C, le maïs conserve toutes ses
qualités commerciales et
sanitaires.
se
re
mois
Lmasse.
’évolution constatée est normale et typique pour un stockage de
maïs en cellule fermière de petites dimensions avec un faible effet
Le contrôle de cette évolution estivale de la température,
constitue la spécificité du stockage du maïs par rapport aux autres
grains, puisqu’il doit pouvoir être stocké sur toute la durée d’un été.
Quelle perte de poids au cours du stockage ?
2
La perte de poids peut être calculée de deux façons :
- d’après les pesées réalisées avec une bascule de circuit
avant et après stockage (tableau 1). La perte totale de poids
est de 375 kg, soit 1,2 % du poids brut initial. On observe une
perte de matière sèche de 169 kg, soit 0,6 % de la masse de
matière sèche initiale.
Evolution du poids de grain au cours du stockage (tab. 1)
Poids de grain (kg) Poids de matière sèche (kg)
Chargement 30 750 26 322
Vidange 30 375 26 153
Variation - 375 - 169
- d’après le poids brut initial et les teneurs en eau, à l’aide de
la formule :
poids final = poids initial x (100 - humidité initiale),
(100 - humidité finale)
soit 30 750 kg x (100 – 14,4) = 30 571 kg.
(100 – 13,9)
Dans ce cas, la perte de poids est de 179 kg, soit 0,6 % du
poids brut. La différence entre 375 kg et 179 kg est
significative. Cela traduit bien la légère perte d’eau d’environ
0,6 %, à laquelle vient s’ajouter une petite perte de matière
sèche de 0,6 % due à la respiration du grain lors de la
montée en température du stock constatée au cours de l’été.
Evolution de la teneur en impuretés du maïs
(résultats exprimés en pourcentage du poids) (tab. 2 )
Echantillons Moyen remplissage Moyen vidange
(en % du poids) (en % du poids)
Critères
Grains brisés 3,7 4,5
Impuretés constituées par
des grains :
- grains d’autres céréales 0,4 0,4
- grains attaqués par les nuisibles 0 0,1
- grains chauffés par le séchage 0,2 0
Grains germés 0 0
Impuretés diverses :
0 0
- graines étrangères
0 0,1
- grains avariés par échauffement
0,1 0
- autres grains avariés
0,2 0,4
- impuretés proprement dites et rafles

PERSPECTIVES AGRICOLES • N°319 • JANVIER 2006 17

 QUALITÉ

qualité. Elle est, ici, estimée à neurs maximales indiquées

0,6 %. Pour éviter cette évolu-
tion, il est nécessaire de gar-
der une température dans la
masse avoisinant 15 à 17°C
pendant les périodes les plus
chaudes de l’été grâce à une
dose nocturne de ventilation
en mai-juin.
Troisième point : une
qualité préservée
Les analyses commer-
ciales réalisées n’indiquent
aucune modification de la
qualité, mis à part une légère
augmentation du taux de
grains brisés (tableau 2), qui
est due à la reprise du grain
par une vis de petit diamètre.
Donc l’ensemble des critères
est resté stable, le maïs est
« sain, loyal et marchand »
après une année de stockage.
De plus, bien que le grain
n’ait pas subi de traitement in-
secticide, aucun insecte n’a
été détecté lors de la vidange
et cela malgré la remontée de
la température estivale. La
température du lot est cepen-
dant toujours restée inférieu-
re à la température extérieu-
re, ce qui a rendu le milieu in-
hospitalier pour les insectes
nomades. C’est une nouvelle
confirmation de l’effet béné-
fique du froid pour la gestion
des populations d’insectes.
Les analyses mycotoxico-
logiques révèlent un léger
bruit de fond pour les trois my-
cotoxines produites au champ
par les Fusarium (déoxyni-
valénol, fumonisines, zéaralé-
none), bien en deçà des te-
Evolution de la teneur en mycotoxines du maïs
(résultats exprimés en ppb ou μg/kg) (tab. 3)
Echantillons Moyen
Mycotoxines remplissage
Déoxynivalénol
dans la réglementation eu-
ropéenne (tableau 3). Les Fu-
sarium ne résistent pas aux
conditions de stockage et dis-
paraissent rapidement, les te-
neurs de ces trois myco-
toxines ne peuvent ainsi pas
augmenter pendant la conser-
vation.
Les Fusarium ainsi dispa-
rus libèrent la place, ce qui per-
met le développement
d’espèces spécifiques au stoc-
kage comme les Penicillium
et les Aspergillus. La remontée
de la température du maïs pen-
dant la période estivale n’a,
malgré tout, pas permis à elle
seule l’apparition d’ochratoxi-
ne A, principale mycotoxine de
stockage produite par les Pe-
nicillium. L’hygrométrie du
milieu était également trop
faible pour favoriser le déve-
loppement de la flore produi-
sant cette toxine.
 Un maïs stocké un an, à
moins de 15 % de teneur
en eau et refroidi à 10°C ou
moins au cours de l’hiver,
conserve ses qualités
commerciales, technologiques
et sanitaires initiales.
Ces résultats sont
conformes aux travaux des
spécialistes qui mettent en évi-
dence que la production des
mycotoxines par les moisis-
sures du champ ne démarre
qu’au-delà de 18 à 20 % de te-
neur en eau et que pour les moi-
sissures de stockage la limite
Moyen Teneur maximale
vidange réglementaire
201 0 1750 (2)
se situe au-dessus de 16 à 18 %
de teneur en eau. Il faut noter
que c’est bien le grain qui im-
pose le niveau hygrométrique
de l’air interstitiel dans le
stock. Ici, comme dans la plu-
part des cas, ces deux condi-
tions ne sont pas réunies, ce
qui empêche la production des
mycotoxines de stockage.
La valeur technologique
du maïs, appréciée à l’aide du
test de turbidité, est assez
bonne à la mise en cellule et
elle n’évolue pas au cours du
stockage (tableau 4).
Quatrième point : une
technique bon marché
Lors de la conservation, trois
doses de ventilation ont été réa-
lisées en période nocturne esti-
vale, au tarif EDF heure creuse
d’été, qui est le plus avantageux,
et seulement une dose en pé-
riode nocturne hivernale, donc
au tarif EDF, moins avanta-
geux, des heures creuses d’hi-
ver. Ainsi, ont été consommés
190 kWh à 0,016 €/kWh HT et
59 kWh à 0,036 €/kWh HT, soit
un coût total de 5,16 € HT. Pour
une masse de grain en sortie de
cellule de 30,375 tonnes, cela
amène à un coût spécifique d’é-
lectricité, pour les quatre doses
de ventilation, de 0,17 € HT la
tonne.
La spécificité du stockage longue
durée du maïs par rapport aux
autres céréales réside dans la
conservation des grains durant
toute la saison estivale. (© MTE)
Pour en savoir plus
3
 Sockage des céréales :
lutter efficacement contre
les rongeurs – G. Niquet et
A. Le Bras – Perspectives
Agricoles n°316 octobre
2005 – p.14 à 16.
 Stockage des céréales :
comment se protéger des
oiseaux – P. Berhaut,
A. Le Bras et G. Niquet –
Perspectives Agricoles n°311
avril 2005 – p. 13 à 15.
 Stockage des céréales à
la ferme : assurer une
bonne conservation des
grains – P. Berhaut, A. Le
Bras et G. Niquet –
Perspectives Agricoles
n°304 septembre 2004 –
p. 8 à 10.
 Stockage à la ferme : la
qualité sanitaire en jeu –
G. Niquet – Perspectives
Agricoles n°300 avril 2004
– p. 14 à 17.
Contacts
P. Berhaut, A. Le Bras,
G. Niquet
Tél. : 01 64 99 22 29
Fax : 01 64 99 22 45
contact@arvalisinstitutduvegetal.fr

En outre, la ventilation de
Fumonisines Formation
60 113 2000(2) refroidissement permettant
(B1 + B2) ARVALIS-Institut du végétal
de maîtriser les insectes, il a organise une formation
Zéaralénone 2 ND(1) 200(2)
été économisé un traitement « Maîtrise du stockage et
Ochratoxine 0 ND(1) 5 insecticide rémanent de pro- conservation des grains à
(1) = non détecté - (2) teneurs applicables en juillet 2007 tection à la mise en cellule, la ferme » à Bois-
avec de la deltaméthrine, d’un Guillaume (76), le 6 avril
Evolution de la qualité industrielle du maïs appréciée par coût de 0,70 € HT la tonne 2006.
le test de turbidité (résultats exprimés en pourcentage de Contact : Sandrine Sartori.
et/ou d’un traitement curatif à
transmission) (tab. 4) Tél. : 01 64 99 22 80
la vidange, avec du dichlor-
Echantillon Moyen remplissage Moyen vidange s.sartori@arvalisinstitutduvegetal.fr
vos, d’un coût de 0,25 € HT la
Indice de turbidité 45 44 tonne.

18 PERSPECTIVES AGRICOLES • N°319 • JANVIER 2006