Vous êtes sur la page 1sur 6

 Réflexions anonymes autours de l’action de grâce et du

sacrement de réconciliation

Par la raison on peut accéder à ces évidences :

Si nous sommes triste à la mort de quelqu'un c'est que son âme n'est plus
présente. Son corps est là mais pas son âme. C'est donc celle-ci que l'on estime
et non pas celui-là. Il est très remarquable qu'une fois l'âme ainsi disparue, la
tristesse est là : cela implique que cette âme disparue ne peut pas être
remplacée par une autre, c'est-à-dire par celle d'une autre personne. Cela
signifie donc que chaque âme est unique, absolument unique, autrement dit
l'âme est non fongible : l'âme de la personne et la personnalité de l'âme sont
une seule et même réalité, il n'y a pas d'âme qui ne soit une personne, ni une
personne qui ne soit une âme. La tristesse à la mort de quelqu'un révèle et
prouve ainsi la rareté absolue de chaque âme. Ce qui est rare est précieux. Ainsi,
la mort éclaire beaucoup de choses sur l'existence et notamment la préciosité
absolue de chaque être humain.

« Pour quelqu'un ne comprenant pas la mort, la vie est très confuse. » Bien que
cette citation vienne du maître bouddhiste Ajahn Chah, elle peut être élargie
hors de son sens strictement bouddhiste.

La crainte de la mort pour les autres que l'on aime et pour soi-même,
ainsi que toutes les attitudes que cette crainte provoque et qui tendent à
protéger les humains de la mort (y compris par certaines dépenses financières
incalculables), cette crainte est ainsi fondamentalement basée sur notre estime
implicite de la valeur de chaque âme. En effet, pour soi-même, ce qu'on
appréhende implicitement par imitation irréfléchie (car cette appréhension est
erronée) quant à notre mort, c'est que notre propre âme s'anéantisse comme
l'affirment ouvertement la plupart des athées.

En outre, assez souvent : "Nous avons une si grande idée de l’âme de


l’homme que nous ne pouvons souffrir d’en être méprisés et de n’être pas dans
l’estime d’une âme. Et toute la félicité des hommes consiste dans cette estime."
(Blaise Pascal, RO 75-7) Cela implique très souvent des situations malsaines de
domination et de soumission : "La tendance secrète de l'âme est de se
soumettre les autres âmes ; je n'entends pas celles des animaux, que la loi divine
nous a soumis, mais les êtres raisonnables qui lui tiennent de plus près et qui lui
sont unis dans une égale et fraternelle communauté de privilèges. C'est sur eux
que l'âme, dans son orgueil, désire surtout exercer son influence, et ce mode
d'activité lui semble l'emporter autant sur le gouvernement des corps que l'âme
l'emporte sur le corps même." (Saint Augustin, De la musique, Livre VI)
La foi ne contredit en rien ce que la raison découvre ainsi par elle-même mais au
contraire elle confirme et précise :

"Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perdait son âme?
ou, que donnerait un homme en échange de son âme?" (Matthieu, XVI, 26)

La valeur de l'âme ainsi confirmée par Dieu est esquissée en la parole suivante
qui est une cascade d'analogies :

"Ne vous inquiétez pas pour votre âme de ce que vous mangerez ni pour votre
corps de ce que vous porterez comme vêtements. En effet, l'âme n’est-elle pas
plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux
du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des
greniers ; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez vous pas beaucoup plus
qu’eux? [...] Considérez comment croissent les lis des champs : ils ne travaillent
ni ne filent ; cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a
pas été vêtu comme l’un d’eux. Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe
aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte
raison, gens de peu de foi? " (Matthieu, VI, 25-30)

La foi - conformément à son essence qui est une lumière surnaturelle - éclaire
plus loin que la raison sans contredire celle-ci mais en précisant et soulignant
de façon décisive que la valeur de chaque âme n'est pas seulement grande ou
importante mais infinie :

Chaque âme a une valeur infinie pour Dieu car la punition conséquence au
mésusage qui abîme l'âme (= le péché) est la mort infinie (= éternelle), de
même que le Sauveur de chaque âme a payé un prix infini en donnant sa Vie
Innocente de Fils Unique de Dieu.

Articulant la raison et la foi, on comprendra donc que :

Le propriétaire - parce que créateur - de chaque âme est Dieu qui est le Roi du
Ciel (c'est ce qu'enseigne le christianisme, le judaïsme et l’islam et c'est ce que
relate le début de la Genèse).

En conséquence, voici comment se présente les choses : "Si un pauvre avait été
reçu dans le palais d'un prince, pensez avec quel respect il ferait tout ce qu'on
lui ordonnerait, quelque bas et ravalé qu'il fût, et avec quelle diligence et
affection, considérant que ce sont des actions qui lui sont commandées par le
prince et qui lui sont très agréables, et combien il s'estimerait heureux de les
faire."1

1 Avis spirituels donnés par sainte Marie-Magdeleine de Pazzi, Librairie Catholique, 1865.
Si un pauvre intendant abîme la brosse à dent d'un roi, le délit n'est pas grave
car l'objet est peu important bien que le propriétaire soit éminent. Par contre, si
le pauvre abîme une œuvre d'art fabriquée méticuleusement par le roi lui-même
(par exemple une peinture), le délit est grave car l'objet est lui-même très
précieux. Or, dans le cas d'une peinture réalisée par le roi lui-même, si le pauvre
la détruit (la chiffonne et déchire) alors celui-ci est ensuite incapable de la
rembourser ou de la reconstituer - de la restaurer, de la réparer - car la valeur
de l'objet éminent dépasse toutes les ressources (financières, habilités et
capacités techno-artistiques) du pauvre. Plus l'objet précieux est abîmé, plus la
punition juste réclame que ce pauvre soit privé de tous ses biens et de sa liberté
d'autant plus et surtout si le pauvre l'a fait exprès.

Cet exemple est une approche analogique de la situation d'un être humain qui
décède en état de péché : il subit ainsi la damnation éternelle parce qu'il a
abîmé son âme (par le péché) dont il avait seulement la charge comme
intendant (Dieu est le propriétaire des âmes). Ceci rappelle donc la valeur de
l'âme qui est infinie : la valeur infinie de ce qui est abîmé par le péché mène
finalement - par pure justice - à une peine infinie. C'est ce dont nous parle une
parabole qui commence ainsi dans la Bible :

"C’est pourquoi, le royaume des cieux est semblable à un roi qui voulut faire
rendre compte à ses serviteurs. Quand il se mit à compter, on lui en amena un
qui devait dix mille talents. Comme il n’avait pas de quoi payer, son maître
ordonna qu’il fût vendu, lui, sa femme, ses enfants, et tout ce qu’il avait, et que
la dette fût acquittée." (Évangile de saint Matthieu, XVIII, 23-26)

Or, la parabole ne s'arrête pas là car la pure justice n'est pas la justice pure de
Dieu. En effet, Dieu est justice et amour. C'est ce que la suite de la parabole
raconte :

"Le serviteur, se jetant à terre, se prosterna devant lui, et dit : Seigneur, aie
patience envers moi, et je te paierai tout. Ému de compassion, le maître de ce
serviteur le laissa aller, et lui remit la dette. Après qu’il fut sorti, ce serviteur
rencontra un de ses compagnons qui lui devait cent deniers. Il le saisit et
l’étranglait, en disant : Paie ce que tu me dois. (...) Alors le maître fit appeler ce
serviteur, et lui dit : Méchant serviteur, je t’avais remis en entier ta dette, parce
que tu m’en avais supplié ; ne devais-tu pas aussi avoir pitié de ton compagnon,
comme j’ai eu pitié de toi? Et son maître, irrité, le livra aux bourreaux, jusqu’à ce
qu’il eût payé tout ce qu’il devait. C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera,
si chacun de vous ne pardonne à son frère de tout son cœur." (Saint Matthieu,
XVIII, 27-35)

Il y a deux choses essentielles à retenir de la parabole : d'une part que l'attitude


de Dieu envers nous reflète notre attitude envers autrui, et d'autre part (au fond
c'est la même chose) que Dieu est amour car Il pardonne au-delà - mais dans le
même sens que - ce que nous demandons (le serviteur demande seulement un
délai supplémentaire pour rembourser mais le roi lui accorde l'effacement
complet de la dette).

Reprenons donc l'exemple du roi dont l’œuvre a été abîmée par un pauvre. Si ce
même roi envoie son propre Fils unique à la place du pauvre en prison pour
délivrer celui-ci, c'est que ce roi aime infiniment le pauvre comme si c'était son
propre Fils. Or c'est ce que Dieu a fait (c'est ce que relate le Nouveau-
Testament). Si Dieu veut sauver le pauvre, c'est - comme la raison est capable de
le constater sans la foi - qu'en fait l'âme et le pauvre sont une seule et même
réalité qui a une valeur infinie pour Dieu : "En effet, l'âme n’est-elle pas plus que
la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? [...] Regardez les oiseaux du
ciel... Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux?"

Ainsi, si pour le péché, la punition et la rédemption sont infinies, c'est donc bien
que l'âme humaine est quelque chose d'infiniment précieux pour Dieu lui-même
bien au-delà ce que nous pouvons imaginer ou croire. Or, cela est effectivement
ce que Dieu nous enseigne car Il révèle qu'Il a créé l'âme à Son Image. L'âme
n'est pas comme une peinture (une image), c'est le contraire, toute peinture
(toute image) est comme une âme, c'est-à-dire comme un ersatz d'âme. C'est le
secret de la peinture et de l'art en général. L'âme est l'image par excellence,
l'archétype de toute image et primitivement le chef d’œuvre inestimable
fabriqué par Dieu. Chaque âme est la merveille des merveilles. Chaque âme est
un unique et absolument singulier chef d’œuvre de Dieu.

Pécher, c'est très exactement chiffonner l'âme, c'est-à-dire se chiffonner soi-


même : plus le péché est répété et profond (grave), plus l'âme est pliée et
chiffonnée amplement.

« un jour, vint un céleste étranger, qui proposa aux hommes cette énigme :
Lorsqu'on allume un flambeau, est-ce pour le placer sous le boisseau ?
N'est-ce pas plutôt pour l'exposer sur le chandelier? Ainsi parla Jésus. Et
alors, il tira l’âme de son obscurité; sous ses haillons, il la reconnut et l’aima.
Et étendant sur elle ses deux mains transpercées par amour, il fit, par les
flots de son sang, disparaître les souillures et les vices qui la tenaient
déshonorée. Alors transpira dans le monde le secret de la beauté et du prix
des âmes. "Nous l’avons défini d’une façon générale [l'apostolat] : le voyage
d’une âme vers une autre âme ou vers d’autres âmes, pour les instruire de
leur valeur, du sang qu’elles ont coûté, et de leurs immortelles espérances."
» (La religion de combat, p. 123, 131)

"si quelqu’un écoute la parole et ne la met pas en pratique, il est semblable à un


homme qui regarde dans un miroir son visage naturel et qui, après s’être
regardé, s’en va, et oublie aussitôt quel il était." (Saint Jacques, I, 23-24)
Dieu est justice et amour :

Nous avons constaté que la pure justice n'est pas la justice pure. Dieu n'est pas
pure justice mais justice pure en tant qu'il est amour. Ceci est à entrevoir
prudemment en méditant ces paroles que Dieu nous adresse :

"Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas ton bien à celui qui s’en
empare. [...] Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. "
(Saint Luc VI, 30)

"Si quelqu’un veut plaider contre toi, et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton
manteau. [...] Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait " (Saint
Matthieu, V, 40-48)

Ces paroles sont liées au passage évangélique des béatitudes dans le texte de saint
Luc. Il s'agit ainsi d'entrevoir que Dieu ne réclame pas au pécheur l'âme abîmée
mais Il lui la laisse durant tout le temps de l'existence terrestre... pendant lequel il
peut en rende compte volontairement à Dieu. Sinon, cela aura lieu inévitablement -
et alors involontairement- à la mort mais alors il sera trop tard pour restaurer
l'âme : dans ce cas Dieu laisse au pécheur l'âme abîmée conformément au souhait
du pécheur de s'approprier celle-ci dans cet état dégradé et désormais irréparable.

C'est bien cela l'essentiel : la damnation est réelle mais elle ne s'applique que sur
des âmes qui refusent (implicitement dans les arcanes du cœur, sans donc une
profession de foi explicite n’est pas du nécessaire) de reconnaître qu'elles
appartiennent à Dieu. Si elles reconnaissent qu'elles appartiennent à Dieu (c'est-à-
dire simplement qu'elles valent infiniment plus que ce qu'elles peuvent estimer et
imaginer elles-mêmes et/ou que leur mode d'emploi est essentiellement de vivre
l'amour) et si elles ont la grâce d'être dans l'église catholique terrestre alors cela
signifie que durant l'existence terrestre elles font en sorte de rendre effectivement
l'âme à Dieu pour qu'Il la restaure (c'est le sacrement de réconciliation) même si
cela doit se faire de très nombreuses fois car il est évident que chaque fois Dieu fait
tout ce qu'il faut pour que cela n'arrive plus ensuite, c'est-à-dire qu'Il enseigne à
l'intendant comment éviter d'abîmer l'âme (la pénitence est une ré-introduction
pratique au mode d'emploi de l'âme) et qu'Il est d'une patience indéfinie. Une âme
peut reconnaître qu'elle appartient à Dieu sans pourtant être dans l'église
catholique terrestre (l'âme appartient alors à l'église catholique au sens spirituel),
dans ce cas le fait de rendre l'âme à Dieu prend des formes différences et moins
directes mais efficaces malgré tout car rendre grâce à Dieu sans être explicitement
catholique, c'est simplement des âmes qui acceptent qu'elles valent infiniment plus
que ce qu'elles peuvent estimer et imaginer elles-mêmes et/ou que leur mode
d'emploi est essentiellement de vivre l'amour.
Il s'agit ainsi de bien comprendre qu'un être humain est incapable - absolument
incapable - de réparer lui-même son âme dont la préciosité (que l'on reconnaît
donc à l'approche de la mort) le transcende absolument : "puisque je ne peux pas
reconstruire ce que j'ai abîmé" (Bernad Bro, "On demande des pêcheurs", 132-133)...
"Et il a cherché toute sa vie à gratter le palimpseste de son esprit, de son âme, pour
faire disparaître ce qu'y avaient écrit les autres. ... Mais il voit bien que ses efforts
sont vains, qu'un autre que lui doit écrire sur son âme le beau texte dont il rêve, et
cet autre ne peut être que le Créateur de son âme." (Pierre Lorson, "Du dadaïsme à
l'ascétisme : Hugo Ball, dans Revue Esprit, janvier 1935, pp. 617-618)

"tous les êtres seront jugés, même les justes. mais justes les obtiendront la paix ; Il
conservera les élus et exercera sur eux sa clémence. Alors ils deviendront la
propriété de Dieu ; Il les comblera de bonheur et de bénédictions ; la splendeur de
la Divinité les illuminera." (Livre d'Enoch, I, 7-8)

Reconnaître que l'âme appartient à Dieu (en vérité tout appartient à Dieu), c'est
rendre grâce à Dieu qu'Il nous prête vie, et c'est donc SIMPLEMENT cela le chemin
de la vie éternelle comme le rappelle la Préface à la Sainte Trinité qui dit à CHAQUE
MESSE "que c'est notre DEVOIR et NOTRE SALUT de RENDRE GRÂCE À DIEU
TOUJOURS et PARTOUT".

Lorsque dans l’Évangile et dans l'Apocalypse, Jésus-Christ dit qu'il reviendra en


sa Parousie comme un VOLEUR, c'est parce qu'Il sera effectivement perçu
comme tel par celles et ceux qui croient que leurs âmes leurs appartiennent.

Le plus grand trésor de la vraie spiritualité c'est de n'en avoir aucun à soi en
redonnant et confiant tout à Dieu.

Vous aimerez peut-être aussi