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Remonter QUATRIÈME SERMON POUR L'AVENT DE NOTRE
AVENT I SEIGNEUR. Son double avènement et le zèle qu'on doit
AVENT II
AVENT III
avoir pour les vraies vertus.
AVENT IV 1. Il est juste, mes Frères, que vous célébriez l'avènement de Notre Seigneur
AVENT V avec toute la dévotion possible, qu'une si grande consolation vous comble de
AVENT VI bonheur, qu'une si grande grâce vous remplisse d'étonnement et qu'une telle charité
AVENT VII vous enflamme d'amour. Mais ne vous contentez point de penser à son premier
avènement, quand il vint chercher et sauver ce qui avait péri, mais songez aussi au
second, quand il viendra pour nous emmener avec lui. Ah! je voudrais vous voir
sans cesse occupés à méditer sur ces deux avènements, à ruminer dans vos âmes la
pensée de tout ce qu'il a fait dans le premier et de tout ce qu'il promet dans le
second. Je voudrais vous voir vous endormir dans la méditation de ce double
héritage. Ce sont là les deux bras de l'Époux, dans lesquels l'Épouse reposait
lorsqu'elle disait : « Sa main gauche est sous ma tête et il m'embrasse, de sa main
droite (Corinth., II, 6). » En effet, « dans sa main gauche, comme nous le lisons
ailleurs, se trouvent la richesse et la gloire ; et dans la droite, la longueur des jours
(Prov., III, 16). » Ainsi, dans sa main gauche sont la richesse et la gloire; entendez-
vous, fils d'Adam, race ambitieuse et avide? Que vous inquiétez-vous des richesses
de la terre et de la gloire temporelle, elles ne sont ni vraies ni vôtres? Qu'est-ce que
l'or et l'argent? n'est-ce point de la terre rouge et de la terre blanche, que l'erreur
seule des hommes fait ou plutôt répute précieuses? Après tout, si ces choses vous
appartiennent, eh bien, emportez-les avec vous. Mais non, quand l'homme meurt, il
n'emporte rien avec lui et sa gloire ne le suit point dans la tombe.
2. Les véritables richesses ne consistent donc point dans des trésors mais
dans des vertus, car il n'y a que cela que la conscience emporte avec elle et qui la
rende riche pour toujours. Quant à la gloire, voici ce que l'Apôtre lui-même en dit: «
Notre gloire à nous, c'est le témoignage de notre conscience (II Corinth., I,12). »
Mais pour la gloire que se donnent mutuellement ceux qui ne recherchent point la
seule gloire qui vienne de Dieu, elle est vaine, parce que les enfants des hommes
sont pleins de vanité. O insensé l'homme qui renferme des marchandises dans un sac
percé et qui confie son trésor à la discrétion d'une bouche étrangère! Ne sais-tu donc
point, malheureux, que ce coffre-là ne ferme point et qu'il n'a pas même de serrures?
Ah! combien plus sages sont ceux qui gardent eux-mêmes leur propre trésor et ne le
confient point à d'autres! Mais pourront-ils le conserver toujours? Pourront-ils le
tenir constamment caché ? Viendra un jour où tous les secrets des cœurs seront
dévoilés, en même temps que les choses qui avaient paru aux regards de tous,
cesseront d'être en vue. Voilà ce que signifient ces lampes des vierges folles qui
s'éteignent à l'arrivée du Seigneur (Matth., XXV, 3), et pourquoi? Il ne reconnaît pas
ceux qui ont reçu leur récompense en ce monde (Matth., VI, 17). Voilà pourquoi,
:
mes très-chers Frères, je vous dis qu'il vaut mieux cacher notre bien que le montrer,
si nous en avons. Il faut faire comme les mendiants, lorsqu'ils demandent l'aumône;
au lieu d'étaler des vêtements précieux, ils ne montrent que des membres à demi-nus
et mêmes des ulcères s'ils en ont, afin d'exciter plus vite la compassion de ceux qui
les voient. C'est la règle de conduite que le Publicain de l'Evangile suivit bien mieux
que le Pharisien; aussi, « s'en retourna-t-il chez lui justifié par ce dernier (Luc,
XVIII, 14), » c'est-à-dire de préférence à lui.
3. Il est temps, mes Frères, que le jugement commence à se faire par la
maison de Dieu. Quelle sera la fin de ceux qui n'obéissent point à l'Evangile ? Quel
sera le jugement de ceux qui ne ressusciteront point. pour la gloire, au jour de ce
jugement (Psalm. I, 5) ? Ceux qui ne veulent point être jugés dans le jugement qui se
fait maintenant et dans lequel le prince de ce monde est chassé dehors, doivent
attendre ou plutôt doivent appréhender un juge, qui les jettera eux-mêmes dehors
avec leur propre prince. Pour nous, si nous sommes parfaitement jugés dés
maintenant, nous pouvons attendre, avec une entière sécurité, Notre-Seigneur Jésus-
Christ, qui doit transformer notre corps, tout vil et abject qu'il est, et le rendre
conforme 'à son corps glorieux (Philipp., III, 20). C'est alors que les justes brilleront
et l'éclat sera le même pour les savants que pour les ignorants, car ils brilleront
comme le soleil dans le royaume de leur Père (Matth., XIII, 43), et « leur éclat sera
celui de sept soleils ensemble (Isa., XXX, 26) » c'est-à-dire égalera la lumière de
sept jours réunis.
4. En effet, le Sauveur, en venant alors, transformera notre corps vil et abject
et le rendra semblable à son corps glorieux, pourvu toutefois que notre cœur ait été
d'abord transformé lui-même et soit devenu semblable aussi à son humble cœur.
Voilà pourquoi il disait: « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur
(Matth., XI, 29). » Remarquez à ce sujet qu'il y a deux sortes d'humilité, comme
l'indiquent les paroles du Sauveur, l'une de conviction et l'autre de sentiment ou de
cœur. Parla première, nous sommes convaincus de notre néant; nous la puisons cette
humilité-là, dans nous-mêmes et dans notre propre faiblesse. Par la seconde, nous
foulons aux pieds la gloire du monde, et celle-ci nous l'apprenons à l'école de celui
qui « s'est anéanti lui-même, en prenant une forme d'esclave (Philipp., II, 7), » qui
s'est enfui, quand on le cherchait pour le faire roi, et qui s'offrit de lui-même à ceux
qui lui préparaient tant d'opprobres et l'ignominie de la croix. Si donc nous voulons,
comme dit le Psalmiste, « dormir entre les deux héritages, c'est-à-dire, entre les deux
avènements du Christ, il faut que nous ayons les ailes d'argent de la colombe (Psalm.
LXVII, 14), » c'est-à-dire que nous ayons cette forme de vertus que le Christ nous a
enseignée de la voix et de l'exemple, quand il était revêtu de sa chair mortelle. En
effet il semble qu'on peut entendre par ces mots « d'argent, » l'humanité du Sauveur,
de même que par l'or on entend sa divinité.
5. Ainsi donc, toute notre vertu est aussi loin de la vraie vertu qu'elle est
éloignée de cette forme de vertu, et tout aile est inutile, si elle n'est point argentée.
L'aile de la pauvreté est grande certainement, puisqu'elle nous porte si vite vers le
Ciel; car, si toutes les autres vertus qui viennent après elles, les promesses ne sont
faites que pour l'avenir, ce ne sont pas des promesses pour l'avenir, mais un don dans
le présent qui est fait à la pauvreté: «Le royaume des Cieux, est-il dit, est aux
:
pauvres d'esprit (Matth., V, 3), » tandis que, en parlant des autres vertus, Jésus dit
seulement au futur: « Ils hériteront, ils seront consolés, » etc. Nous voyons des
pauvres qui ne seraient point si tristes et si pusillanimes, si c'étaient de véritables
pauvres, puisque un royaume, le royaume des Cieux serait déjà leur partage. Ce sont
des pauvres qui veulent bien de la pauvreté, mais à condition qu'ils ne manqueront
de rien et qui n'aiment la pauvreté que si elle va sans privation aucune. Il y en a aussi
qui sont doux, mais pourvu qu'on ne dise et qu'on ne fasse rien de contraire à leur
volonté. Aussi, à la moindre occasion, est-il bien facile de voir combien ils sont loin
de la vraie mansuétude. Or comment une telle douceur pourra-t-elle avoir part à
l'héritage, puisqu'elle meurt avant même que l'héritage soit ouvert ? On en voit aussi
qui ont le don des larmes; mais, si elles débordaient vraiment du cœur elles ne
feraient pas si aisément place au rire. Aussi, comme les paroles oiseuses et
bouffonnes coulent plus abondamment encore de leurs lèvres que les larmes de leurs
yeux, je ne puis croire que c'est de ces pleurs qu'il est dit que Dieu même les séchera
puisqu'elles sont si facilement essuyées par de faibles consolations. Il y en a qui font
éclater lin zèle si ardent contre les défauts des autres, qu'on pourrait croire que
véritablement ils ont faim et soif de la justice, mais ils sont loin de considérer leurs
propres fautes du même œil, « car il y a pour eux poids et poids, ce qui est en
horreur aux yeux de Dieu (Prov., XX, 23). » Aussi les voit-on s'enflammer avec non
moins d'impudence que d'inutilité contre les autres et se flatter eux-mêmes avec
autant d'inutilité que de folie.
6. Il y en a aussi qui exercent la charité mais avec les biens qui ne leur
appartiennent pas; qui se scandalisent, si on ne donne pas largement à tout le monde,
à condition pourtant, qu'ils n'en souffrent en rien eux-mêmes. S'ils étaient vraiment
charitables, c'est de leur propre bien qu'ils feraient la charité; et s'ils ne pouvaient
donner des biens de la terre, ils donneraient au moins de bon cœur leur pardon à
ceux qui ont pu les offenser; ils auraient du moins à leur donner soit un signe,de
bienveillance, soit une bonne parole le meilleur da tous les présents, pour exciter
leur cœur au repentir; enfin, ils auraient de la compassion et une prière pour tous
ceux qu'ils verraient tomber dans le péché, autrement leur miséricorde est nulle et il
ne lui sera point fait miséricorde. De même, on en voit qui font l'aveu de leurs fautes
de manière à faire croire qu'ils n'agissent qu'avec le désir de purifier leur cœur, car la
confession efface tous les péchés; malheureusement ils ne peuvent écouter avec
patience chez les autres l'aveu des mêmes fautes dont ils s'accusent spontanément
eux-mêmes. S'ils étaient poussés par un vrai désir de se purifier de leurs péchés, ils
traiteraient mieux ceux qui viennent aussi leur découvrir les souillures de leur âme.
J'en vois aussi qui n'ont de cesse qu'ils n'aient rendu la paix du cœur à ceux que le
moindre scandale a pu troubler, on pourrait les prendre pour des hommes vraiment
pacifiques, mais si c'est par hasard contre eux que parait dirigée telle parole ou telle
action, leur émotion est bien plus longue et plus difficile que celle des autres à se
calmer. Or, s'ils aimaient véritablement la paix, il est i hors de doute qu'ils
l'aimeraient aussi pour eux-mêmes.
7. Argentons donc nos ailes dans le commerce de Jésus-Christ, de même que
les saints martyrs ont blanchi leurs robes dans son sang. Imitons de tout notre
pouvoir Celui qui a tant aimé la pauvreté, que, lorsque la terre entière était entre ses
:
mains, il n'eut pourtant point où reposer sa tête (Luc. IX, 58). Celui dont les
disciples, comme nous le voyons dans les saints Livres, furent contraints par la faim
de broyer des épis dans leurs mains en traversant des champs de blé (Luc, VI, 1);
Celui qui fut conduit à la mort comme une brebis « et qui n'ouvrit point la bouche,
tel qu'un agneau devant celui qui lui enlève sa toison (Isa., LIII, 7) , » qui pleura sur
Lazare (Joan., XI, 43) et sur Jérusalem (Luc., XIX, 41), qui passait des nuits en
prière (Luc, VI,12), mais qui ne rit et ne plaisanta (a) jamais; qui eut tellement faim
de la justice que n'ayant point de péchés à expier pour son propre compte, il voulut
expier les nôtres. Aussi jusque sur la croix, la soif qui le dévorait n'était-elle autre
que celle de la justice, puisqu'il ne fit point difficulté de mourir pour ses ennemis et
de prier pour ses bourreaux mêmes. Il ne fit point de péché et souffrit patiemment
qu'on le condamnât pour les péchés des autres, il endura enfin toutes sortes de
tourments pour se réconcilier les pécheurs.
a Les leçons varient un peu suivant les éditions, en cet endroit, quant au mot que nous rendons par
plaisanta. Il est bien certain qu'on ne trouverait point le mot latin jocasse dans les auteurs de la bonne
époque : néanmoins, d'après Vossius, ou le voit dans plusieurs écrivains antérieurs à Saint Bernard, pour
jocatum esse.
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