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LA LETTRE DE PAUL AUX

R o m a i n s
“Mon vif désir de vous
annoncer l’Évangile” (1.8-15)
À l’époque de Paul, il était habituel d’exprimer cœur de Paul devaient prédisposer ses lecteurs
une certaine reconnaissance dans les premières à accepter sa lettre.
phrases d’une correspondance. Le texte de notre Dans cette leçon, nous nous concentrons sur
leçon commence par une telle déclaration. ce dernier verset : “de là mon vif désir [“voilà
pourquoi je désire” – BDS] de vous annoncer
Je rends d’abord grâces à mon Dieu par l’Évangile, à vous aussi qui êtes à Rome” (v. 15).
Jésus-Christ, au sujet de vous tous, parce que
votre foi est renommée dans le monde entier. À présent, examinons les raisons qu’avait Paul
Dieu, que je sers en mon esprit, en (annonçant) (et que nous avons) de désirer ardemment an-
l’Évangile de son Fils, m’est témoin que je fais noncer l’Évangile.
mention de vous toujours et continuellement
dans mes prières ; je demande d’avoir enfin,
Dieu voulant, une occasion favorable d’aller chez ARDENT DÉSIR
vous. Car je désire vivement vous voir, pour vous (1.8-15)
communiquer quelque don spirituel, afin que
vous soyez affermis, ou plutôt, afin que, chez
vous, nous soyons encouragés ensemble par la Ardent désir d’aller à Rome
foi qui nous est commune, à vous et à moi. Je Dans ce texte, Paul construit un pont entre
ne veux pas que vous ignoriez, frères, que j’ai
souvent formé le projet d’aller vous voir, afin
les chrétiens de Rome et lui-même. Après avoir
d’avoir quelque fruit parmi vous, comme parmi remercié Dieu à leur sujet, il dit :
les autres nations ; mais j’en ai été empêché
jusqu’ici. Je me dois aux Grecs et aux Barbares, Dieu, que je sers en mon esprit, en (annonçant)
aux savants et aux ignorants : de là mon vif désir l’Évangile de son Fils, m’est témoin que je fais
de vous annoncer l’Évangile, à vous aussi qui mention de vous toujours et continuellement
êtes à Rome (vs. 8-15). dans mes prières (vs. 9-10).

Nous voyons que, dans ce passage, Paul met Ce langage solennel (“Dieu m’est témoin”)
l’accent sur la prière. Il rend grâces à Dieu pour souligne pour ses lecteurs leur importance à ses
ses lecteurs, dont il se souvient “continuelle- yeux. La BDS traduit : “Dans toutes mes prières,
ment” dans ses prières. Mais, il se tourne ensuite je ne cesse de faire mention de vous.” Il est utile
vers un autre sujet : souhaitant que ses lecteurs de remarquer que Paul ne priait pas seulement
sachent à quel point il désire les voir, il expli- pour les assemblées où il avait travaillé (cf. Ep
que pourquoi il n’est pas déjà venu leur rendre 1.15-16 ; Ph 1.3-4 ; 1 Th 1.2-3), mais aussi pour
visite. Selon William Barclay : “Après [plus de] celles qu’il n’avait pas connues personnellement,
dix-neuf siècles, ce passage respire encore une dont celle de Rome.
ardente affection1.” Les expressions venant du Dans ses prières, Paul fait une requête fer-
vente : “Je demande d’avoir enfin, Dieu voulant,
1 
William Barclay, The Letter to the Romans, rev. ed., The
Daily Study Bible Series (Philadelphia : Westminster Press, 1975), 5.

1
une occasion favorable d’aller chez vous” (v. 10). soumis à la volonté de Dieu. C’est pourquoi il
L’expression “une occasion favorable d’aller” ajoute : “Dieu voulant” (“si cela est conforme
(euodoo), rarement utilisée dans le Nouveau Testa- à sa volonté” - PV) au verset 10. En 15.32 il
ment, réunit le mot pour bon (eu) et l’idée d’une utilise une formule semblable : “J’arriverai
voie, ou d’un voyage, donnant l’idée même d’un chez vous avec joie, si c’est la volonté de Dieu.”
“bon voyage”. John R. W. Stott écrit que Paul “ne prétend ni
Paul insiste, même : “Car je désire vivement imposer sa volonté à Dieu, ni connaître la vo-
vous voir” (v. 11a). Vers la fin de la lettre, il dira : lonté de Dieu dans cette affaire. Au lieu de cela,
“J’ai depuis plusieurs années le désir d’aller chez il soumet tout simplement sa volonté à celle du
vous” (15.23). Ces mots traduits par “désire” et Seigneur2.” Nous devons chercher à imiter Paul
“désir” viennent du mot epipotheo, qui comporte à cet égard.
une forte idée d’intensité.
Paul s’attend pourtant à une objection : “Si tu Ardent désir de porter son message à Rome
voulais à ce point nous rendre visite, pourquoi Non seulement Paul, mais beaucoup de
ne l’as-tu pas déjà fait, par exemple lors d’un de tes citoyens Romains, rêvaient de voyager un jour
passages en Macédoine, à une si courte distance jusqu’au cœur de l’empire. La différence était
de l’autre côté de la Mer Adriatique ?” C’est que ces derniers voulaient y aller en “touristes”,
pourquoi il précise au verset 13 qu’il a “sou- alors que Paul désirait se rendre en tant que
vent formé le projet” d’aller les voir, mais qu’il “gagneur d’âmes3”. En effet, il avait un “vif
en a toujours été “empêché”. Au chapitre 15, désir” de faire cela. Notre texte nous en fournit
nous verrons que ce qui l’a empêché de faire ce plusieurs raisons.
voyage, c’était le poids du travail que Dieu lui (1)  Paul admire la foi des Romains4. Au verset
avait donné à faire dans la partie est de l’Empire 8, nous lisons :
romain :
Je rends d’abord grâces à mon Dieu par Jésus-
Par la puissance de l’Esprit. Ainsi, depuis Christ5, au sujet de vous tous, parce que votre
Jérusalem et en rayonnant jusqu’en Illyrie, j’ai foi est renommée dans le monde entier.
abondamment répandu l’Évangile du Christ. (…)
C’est ce qui m’a souvent empêché d’aller chez Le mot “d’abord” ne signifie pas qu’il parlera d’un
vous. Mais maintenant, je n’ai plus de champ
d’action dans ces contrées, et j’ai depuis plu- deuxième et d’un troisième élément, etc., mais
sieurs années le désir d’aller chez vous, quand tout simplement qu’il veut, avant toutes choses,
je me rendrai en Espagne ; j’espère vous voir en exprimer sa reconnaissance à Dieu pour eux. Dans
passant (Rm 15.19, 22-24).
toutes ses lettres, il essaie de commencer par ce
genre d’honnêtes félicitations (cf. 1 Co 1.4-7).
Ces versets font ressortir deux détails essen- Dans ses remerciements, Paul ne mentionne
tiels. Le premier est que, dans ses prières, Paul ni la taille de l’assemblée de Rome, ni ses bonnes
demande toujours de pouvoir aller à Rome, même œuvres. Ce qui le réjouit le plus, c’est leur foi. Le
si cela ne lui est pas accordé. Si nous ne recevons “monde entier” où la foi des Romains était con-
pas immédiatement ce que nous demandons dans nue se limitait sans doute à l’Empire romain. En
nos prières, cela ne signifie pas qu’il faut arrêter de tout lieu et à chaque occasion où les chrétiens se
prier. Ne décidons pas que Dieu n’a pas répondu réunissaient, ils se réjouissaient de la foi constante
à notre prière ; un “non”, ou un “prends ceci à de l’Église à Rome. “De Rome — siège du pagan-
la place”, ou un “attends un peu” constitue une
réponse autant qu’un “oui”. Dans le cas de Paul, 2 
John R. W. Stott, The Message of Romans : God’s Good
Dieu disait d’attendre. News for the World, The Bible Speaks Today series (Downers
Le deuxième détail est le suivant : Paul est Grove, Ill. : Inter-Varsity Press, 1994), 56.
prêt à sacrifier sa volonté à celle de Dieu. Nous
3 
Warren W. Wiersbe, The Bible Exposition Commentary,
vol. 1 (Wheaton, Ill. : Victor Books, 1989), 516.
voyons cela aux mots “je demande d’avoir en- 4 
Titres de ces sections (4 sur 5) adaptés de Larry Deason,
fin” au verset 10. Le grec dit littéralement : “s’il “The Righteousness of God” : An In-Depth Study of Romans, rev.
était possible (…) à un moment donné”. Paul (Clifton Park, N. Y. : Life Communications, 1989), 51-52.
5 
Cette expression “par Jésus-Christ” met l’accent sur
comprend que ses projets d’aller à Rome (15.22- l’œuvre de médiation du Fils de Dieu (1 Tm 2.5 ; cf. Ep
32) restent justement à l’état de projets et sont 5.20 ; Col 3.17 ; Hé 13.15 ; 1 P 2.5).

2
isme, de l’idolâtrie, du matérialisme, et d’une D’autres sont fermement d’avis que Paul
hostilité grandissante à l’égard du christianisme ne peut se référer à autre chose qu’aux dons
— la lumière du Christ brûlait avec assez de clarté miraculeux en 1.11, puisque le mot grec traduit
pour être vue dans tout l’empire6.” par “don” est la forme au singulier du mot
L’Église de Rome était probablement assez utilisé au pluriel en 1 Corinthiens 12.4 pour
petite, mais les frères et les sœurs avaient tout décrire les dons miraculeux dans l’assemblée de
de même gardé leur foi dans des circonstances Corinthe. Ceux qui sont de cet avis ne connaissent
hostiles (cf. Rm 1.21-32). Cela était une source peut-être pas la nature générique du mot cha-
d’encouragement pour tous les chrétiens. Certains risma, qui est employé de plusieurs manières
lecteurs de ces lignes voient leur foi défiée tous dans le Nouveau Testament. En Romains 6.23,
les jours. Leur constance dans le tourment me il s’applique au don du salut ; en 12.6-8, il se
fortifie et fortifie bien d’autres chrétiens encore. réfère à la fois aux dons miraculeux et aux dons
Nous remercions Dieu pour votre fidélité et votre non-miraculeux. John Murray suggère que “le
persévérance ! caractère non défini de l’expression ‘quelque
(2)  Paul veut fortifier les frères. “Je désire don spirituel’ ne nous permet pas de l’appliquer
vivement vous voir, pour vous communiquer uniquement à un don ‘spécial’ ou miraculeux de
quelque don spirituel, afin que vous soyez af- l’Esprit10.”
fermis” (v. 11). Nous ne savons pas de quel don Selon Douglas J. Moo, “Paul n’utilise (…)
spirituel il s’agissait. Le terme grec traduit par jamais les deux mots ‘don’ et ‘spirituel’ ensemble
“spirituel” (pneumatikos) peut signifier “ce qui est dans un sens miraculeux11.” De plus, le verset
accordé par l’Esprit Saint”, ou tout simplement suivant (1.12) semble développer la pensée,
“quelque chose relatif à la vie spirituelle des puisque Paul dit “ou plutôt”. Ce verset 12 sug-
chrétiens7” ou “qui la fortifie8”, par exemple. Le gère que le but du don serait de fortifier la foi
mot traduit par “don” (charisma) vient du mot des chrétiens à Rome. Bien entendu, la Parole de
“grâce” (charis), que nous avons déjà noté ; il Dieu — et non le don miraculeux — était — et
identifie un cadeau, quelque chose qui n’est pas reste — le premier moyen pour fortifier la foi
gagné ou mérité. Dans le Nouveau Testament, il (cf. Rm 10.17). John MacArthur conclut que,
désigne exclusivement des “dons venus unique- en 1.11, Paul pense au “bénéfice spirituel qu’il
ment de Dieu9”. peut apporter aux chrétiens Romains par sa
Certains sont sûrs que Paul ne pouvait prédication, son enseignement, ses exhortations,
pas penser ici aux dons miraculeux, puisque, son réconfort, ses prières, ses conseils, ses cor-
disent-ils, “seul l’Esprit Saint peut accorder de rections12.”
tels dons”. Ils veulent ignorer que les dons mi- Stott a sans doute raison de suggérer qu’il
raculeux étaient communiqués “par l’imposition y a “un flou intentionnel dans cette déclaration
des mains des apôtres” (Ac 8.18 ; cf. v. 17). En ef- de Paul, peut-être parce qu’à ce stade, il ne
fet, si l’Esprit accordait des dons extraordinaires sait pas encore quels seront leurs besoins
aux chrétiens, il le faisait à travers les apôtres. spirituels 13 .” Paul veut aider de toutes les
Quand Paul imposa ses mains sur quelques
disciples à Éphèse, ils reçurent les dons spéciaux 10 
John Murray, The Epistle to the Romans, vol. 1, The
des langues (la capacité de parler des langues New International Commentary on the New Testament
qu’ils n’avaient pas étudiées) et de prophétie (Grand Rapids, Mich. : Wm. B. Eerdmans Publishing Co.,
(Ac 19.6). Il est possible que Paul veuille rajouter 1968), 22.
des dons à ceux déjà reçus par quelques-uns des
11 
Douglas J. Moo, The Epistle to the Romans, The New
International Commentary on the New Testament (Grand
chrétiens à Rome (cf. Rm 12.6-8). Rapids, Mich. : Wm. B. Eerdmans Publishing Co., 1996), 59.
Dans la Bible “Colombe” l’expression “dons spirituels” est
6 
Charles R. Swindoll, Coming to Terms with Sin : A Study of utilisée en 1 Corinthiens 12.1 et 1 Corinthiens 14.1. Dans
Romans 1-5 (Anaheim, Calif. : Insight for Living, 1999), 11. le premier cas, il est mis entre parenthèses. Le mot “dons”
7 
Jack Cottrell, Romans, vol. 1, College Press NIV Com- n’est pas dans le texte grec.
mentary Series (Joplin, Mo. : College Press Publishing Co., 12 
John MacArthur, Romans 1-8. The MacArthur New Tes-
1996), 93. tament Commentary (Chicago : Moody Press, 1991), 43.
8 
Leon Morris, The Epistle to the Romans (Grand Rapids, 13 
Stott, 57. Il cite de Charles E. B. Cranfield, A Critical
Mich. : Wm. B. Eerdmans Publishing Co., 1988), 60. and Exegetical Commentary on the Epistle to the Romans, vol.
9 
Cottrell, loc. cit. 1 (Edinburgh : T. & T. Clark, 1983), 79.

3
manières possibles. le même esprit réceptif, toujours prêt à recevoir
aussi bien qu’à donner, à apprendre aussi bien
Paul aimerait que les Romains soient “établis” qu’à enseigner, à être encouragé aussi bien qu’à
(1.11b), d’un mot grec (sterizo) qui signifie “fixés, encourager ! Et heureuse l’assemblée dont les
stabilisés”. La BPV traduit par : “alors vous serez dirigeants possèdent cet humble esprit16.
plus forts”. Le même mot grec est utilisé en Actes
18.23, où le texte dit que Paul “parcourut suc- L’édification n’est pas un chemin à sens
cessivement le pays de Galatie et la Phrygie, en unique. À travers des années de prédication, un
affermissant tous les disciples”. Dans ce sens, on évangéliste sera encouragé par ceux qu’il ensei-
pourrait traduire “établis” par “renforcés”. gne, et il apprendra d’eux.
Je me souviens de la manière dont mon père Les chrétiens ont besoin les uns des autres ;
m’apprit à renforcer les clôtures, lorsque j’étais ils ont besoin d’adorer ensemble, de travailler
enfant. Quand un pieu se dégageait, le fil de la et de jouer ensemble. Le fait d’élever leurs voix
clôture tombait. Dans certains, cas, il suffisait ensemble pour louer Dieu est un encouragement
de tamponner le sol autour de la base du pieux. pour chacun ; voir les autres servir fidèlement le
Dans d’autres cas, il fallait stabiliser le pieu avec Seigneur est un soutien ; entendre parler de la
une planche. À l’occasion, il fallait le remplacer persévérance des autres dans les épreuves — avec
entièrement. Je faisais ce qu’il fallait pour “fixer” l’aide de Dieu — fortifie. La prochaine fois que
le pieu, pour le stabiliser, afin qu’il ne bouge plus. vous vous tiendrez devant un feu ouvert, retirez
De la même manière, Paul voulait faire tout ce du feu une petite braise. Vous verrez qu’elle
qu’il pouvait pour aider les chrétiens à Rome. deviendra vite noire et froide. Un phénomène
James Macknight suggère que Paul voulait similaire se produit lorsqu’un chrétien se sépare
fortifier ces chrétiens “contre les païens qui de la compagnie de ses frères et sœurs en Christ.
désiraient les ramener vers l’idolâtrie, et contre Dieu établit l’Église entre autres parce qu’il savait
les Juifs qui voulaient les soumettre à la loi14.” à quel point nous avons besoin du soutien des
Leon Morris observe que “la vie n’était pas facile autres afin de vivre victorieusement en Christ.
pour les chrétiens du premier siècle15” ; et elle (4)  Paul espère quelque fruit. Au verset 13,
ne l’est toujours pas pour les chrétiens du 21e Paul déclare qu’il veut aller à Rome “afin d’avoir
siècle. Nous devons tous penser à nous fortifier quelque fruit parmi vous, comme parmi les autres
réciproquement. nations”. Pour certains commentateurs, ce mot
(3)  Paul a besoin de fraternité. Paul sait que “fruit” (karpos) est à comprendre dans le sens
sa déclaration du verset 11 risque d’être mal de “fruit de l’Esprit” (Ga 5.22-23) : Paul veut
interprétée, qu’il pourrait donner l’impression aider ces chrétiens à grandir spirituellement. La
de se prendre comme le seul bienfaiteur et de plupart des auteurs pensent pourtant que Paul
prendre les chrétiens de Rome comme de simples espère simplement “gagner de nouvelles âmes
bénéficiaires de sa bonté. C’est pourquoi il à Rome17” (“travailler parmi vous avec de bons
ajoute de suite : “afin que, chez vous, nous soyons résultats” - LL).
encouragés ensemble par la foi qui nous est com- Le salut des âmes était, pour Paul, le premier
mune, à vous et à moi” (v. 12). En d’autres termes, but de la prédication de l’Évangile (Rm 1.15-16).
il dit son espoir d’encouragement réciproque. Il Le mot traduit par “annoncer l’Évangile” en 1.15
dira plus tard qu’il espère trouver “quelque repos” (euangelizo) est celui qui nous donne le verbe
en leur compagnie (15.32). Stott écrit : “évangéliser”. Ainsi, c’était pour évangéliser
que Paul voulait aller à Rome. Ayant été béni
[Paul] connaît les bienfaits réciproques de la par une moisson d’âmes dans toute la partie est
fraternité chrétienne et, bien qu’il soit apôtre,
il n’est pas trop fier pour reconnaître qu’il en a
de l’Empire romain, il désirait porter le même
besoin. Heureux le missionnaire moderne qui fruit à Rome.
part dans un autre pays, une autre culture, avec (5)  Paul a une dette à payer. Paul dit au verset
14 : “Je me dois aux Grecs et aux Barbares, aux
14 
James Macknight, A New Literal Translation, from the savants et aux ignorants.” Parler des Grecs et des
Original Greek of all the Apostolical Epistles with a Commentary
and Notes (N. p. : n. d. ; réédition, Grand Rapids, Mich. :
Baker Book House, 1984), 57. 16 
Stott, loc. cit.
15 
Morris, loc. cit. 17 
Idem.

4
Barbares, des savants et des ignorants, c’est parler d’autres puissent venir au Seigneur et recevoir
de tout le monde : les cultivés et les non cultivés, les même bénédictions que lui.
les éduqués et les non éduqués. La plupart des
cultures ont leur manière de parler de “nous”
et des “autres”. Pour les Juifs, c’était “les Juifs Jésus
et les païens” ; pour les Romains et les Grecs,
c’était “les Romains/Grecs et les Barbares”. Les
Grecs de l’époque de Paul étaient célèbres pour L’Évangile
leur culture et leur raffinement. Les Barbares,
par contraste, n’avaient rien de tout cela. Le mot
“barbare” est un mot grec (barbaros) translittéré,
c’est-à-dire transféré en français sans véritable
Paul L’Évangile Les autres
traduction. À l’oreille grecque, ce mot portait
la résonance rêche et inintelligible des langues
étrangères18.
L’expression “je me dois” (opheiletes) exprime Nous voyons par les écrits de Paul que cette
l’idée d’une dette à payer (“Je me sens en dette obligation le touche au plus profond de son cœur
envers tous les peuples” – PV). Comment Paul et devient la raison d’être de sa vie :
a-t-il contracté cette dette ? Il ne s’agit sans doute
pas du genre d’endettement où la personne A doit Évangéliser n’est pas pour moi un sujet de gloire,
car la nécessité m’en est imposée ; malheur à
rendre à la personne B ce que celle-ci lui a prêté, moi si je n’évangélise ! Si je le fais de bon gré,
mais plutôt du genre où la personne A confie j’en ai la récompense ; mais si je le fais malgré
quelque chose à la personne B, qui doit le passer moi, c’est une charge qui m’est confiée (1 Co
9.16-17).
à la personne C. Par exemple, si quelqu’un me
donne de l’argent pour vous, je ne peux pas le
Cette dette, Paul la ressent envers tous, quels
garder pour moi-même : je suis obligé — selon
que soient leur niveau social, leur état financier,
toutes les règles morales, éthiques et légales —
leur culture, leur ethnie, leur âge, leur sexe. Il
de vous le donner.
peut prêcher aux rois et aux gouvernants (Ac
Si Paul considérait son passé, il pouvait se
24-26) aussi bien qu’aux humbles (Rm 12.16 ;
dire endetté envers beaucoup de personnes.
cf. 1 Co 1.18-31). Il peut être “tout à tous, afin
Par la providence de Dieu, il avait une origine
d’en sauver de toute manière quelques-uns”
juive, une éducation grecque et une citoyenneté
(1 Co 9.22).
romaine. Avant tout, il reconnaissait son endette-
Paul à donc un vif désir d’annoncer l’Évangile
ment à l’égard du Seigneur. Adaptons ses paroles
à Rome. Le mot grec traduit par “vif désir” (pro-
en Romains 5 :
thumos) exprime un vœu décidé. D. Stuart Briscoe
Alors que j’étais sans force, Christ est mort pour commente :
moi, l’impie. (…) Oui, Dieu a prouvé son amour
pour moi : lorsque j’étais encore pécheur, Christ Au moment de rédiger cette épître, Paul tra-
est mort pour moi. (…) Si quand j’étais l’ennemi vaillait déjà activement depuis trente ans dans
de Dieu j’ai été réconcilié à lui par la mort de un ministère épuisant et effréné. Il avait en-
son Fils, à bien plus forte raison, étant réconcilié, duré assez de peines, il avait été exposé à assez
serai-je sauvé par sa vie (cf. vs. 6-10). d’expériences traumatisantes et troublantes pour
une demi-douzaine de vies. Néanmoins, son en-
thousiasme n’avait pas diminué d’un pouce19.
Ce qui touchait le plus Paul était le fait —
merveilleux — que, non seulement Jésus l’avait
AVONS-NOUS CE VIF DÉSIR ?
sauvé, mais il lui avait également confié l’Évangile,
“puissance de Dieu pour le salut” (1.16). Le Christ Reconnaissons-nous notre dette ?
lui avait fait connaître la bonne nouvelle, afin que Il devrait être impossible de lire au sujet du
18 
F. F. Bruce, The Letter of Paul to the Romans, The Tyn- 19 
D. Stuart Briscoe, Mastering the New Testament : Romans,
dale New Testament Commentaries (Grand Rapids, Mich. : The Communicator’s Commentary Series (Dallas : Word
Wm. B. Eerdmans Publishing Co., 1985), 73. Publishing, 1982), 34.

5
vif désir chez Paul d’aller à Rome sans nous Nous ne sommes pas non plus libres de ne pas le
demander si nous avons, nous aussi, ce vif désir faire ; ne pas le faire serait tout simplement mal-
d’annoncer l’Évangile, comme lui. Nous avons honnête20.” Ressentons-nous notre dette envers
vu que Paul considérait cette tâche comme une les âmes perdues ? Essayons-nous de la payer ?
obligation ; trop souvent, beaucoup d’entre nous
la considèrent comme une option. Avons-nous un vif désir d’annoncer
Nous devons comprendre que, nous aussi, l’Évangile ?
nous avons une dette envers les âmes perdues. Il est possible de connaître sa dette et de se sen-
Comme Paul, nous devons tant à tant de per- tir obligé d’enseigner les autres, tout en n’ayant
sonnes, surtout à ceux qui nous ont enseignés pas le “vif désir” dont Paul parle. Souvent, ceux
et qui ont fait de nous ce que nous sommes ! qui sont le plus obligés sont les moins fervents
Avant tout, nous avons une dette éternelle envers dans ce domaine ; ils sont plutôt hésitants, crain-
celui qui “s’est livré lui-même à Dieu pour nous tifs, même indifférents.
en offrande et en sacrifice” (Ep 5.2). C’est lui Ce vif désir d’annoncer l’Évangile, nous
qui nous a confié l’Évangile afin que nous le devrions l’avoir pour plusieurs raisons : d’abord,
portions dans le monde entier (Mt 28.18-20 ; Mc il sauvera des âmes ; ensuite, il donnera la force
16.15-16). Si notre prochain mourait de faim et pour vivre sur cette terre ; enfin, il préparera
nous avions de la nourriture, ne serions-nous pas pour la vie à venir.
obligés de partager avec lui ? Si nous possédions Un prédicateur rendait visite à un malade
le remède à une terrible maladie, ne serions- dans un hôpital. Alors qu’il avançait dans le
nous pas obligé de le partager avec un monde couloir, un homme se précipita vers lui avec la
dans la souffrance ? A combien plus forte raison charte prise au pied du lit d’un malade. Il saisit
devrions-nous partager ce qui peut sauver les le bras du prédicateur et s’écria : “Regardez !
âmes des hommes ! Sa fièvre est tombée !” Le prédicateur n’avait
Mon premier travail de prédication à plein aucune idée de qui était cet homme, ni de qui
temps était avec une petite assemblée dans la était le malade en question. Il ne vit plus jamais
ville d’Oklahoma City. Les Baker, un docteur et cet homme ; mais il fut frappé de voir la joie de
sa femme, faisaient partie des baptisés pendant quelqu’un si excité par une bonne nouvelle qu’il
ce temps. Ils m’ont dit, avec émerveillement : “Ce devait absolument arrêter le premier inconnu
qui nous semble le plus extraordinaire, c’est le pour le lui dire21.
fait d’avoir eu l’opportunité d’apprendre la vé- Nous devrions avoir ce même désir de part-
rité, alors qu’il y a tant d’autres personnes dans ager l’Évangile avec d’autres, à cause de ce qui
le monde qui n’ont jamais eu cette chance. Nous va changer pour eux, et pour nous. Nous aurons
nous sentons si bénis que nous ressentons une donc …
responsabilité de le dire à autant de personnes
que possible.” • … plus de reconnaissance pour ce que le
Est-il nécessaire de nous rappeler que notre Seigneur a fait pour nous.
responsabilité est envers tous ? Bien évidemment, • … la joie de voir des âmes sauvées et
nous sommes plus à l’aise entourés de personnes fortifiées.
comme nous-mêmes. Mais notre intérêt ne peut • … la grande satisfaction de savoir que
pas — ne doit pas — se limiter à ces personnes. nous faisons la volonté du Seigneur.
Nous ne devons jamais perdre de vue notre dette • … un cœur comme celui de Paul et de
“aux Grecs et aux Barbares, aux savants et aux ceux qui avaient un zèle ardent pour les
ignorants” (Rm 1.14). âmes perdues.
Toutes les cultures reconnaissent que les dettes
doivent être payées. On traite d’irresponsables
ceux qui essaient d’échapper à leur devoir dans 20 
Cité dans David F. Burgess, comp., Encyclopedia of
ce domaine. Selon Ian MacLaren, “payer nos Sermon Illustrations (Saint Louis : Concordia Publishing
dettes n’est pas vraiment une vertu extrême- House, 1988), 67.
21 
Adapté de Roger Lovette, dans Illustrating Paul’s
ment noble. Nous ne devrions pas nous attendre Letters to the Romans, comp. James F. Hightower (Nashville :
à ce que les gens nous louent pour l’avoir fait. Broadman Press, 1984), 10.

6
CONCLUSION
Deux petites filles se disputaient au sujet du “L’épître aux Romains est depuis toujours
nom du dernier livre de la Bible. La première le bastion de la théologie chrétienne. La plupart
disait : “Je pense que la Bible se termine avec de ses termes techniques (justification, imputé
Timothée.” La deuxième secoua la tête et dit : [LS], adoption, sanctification, etc.) sont tirés du
“Elle ne finit pas avec Timothée, mais avec Révo- vocabulaire de cette épître, dont le développe-
lutions22.” Même si la Bible ne se termine pas par ment logique fournit la base de la pensée du
un livre appelé “Révolutions”, elle constitue bien christianisme.”
un texte révolutionnaire. L’épître aux Romains New Testament Survey
est un livre révolutionnaire. Quand nous aurons Merrill C. Tenney
saisi son message et l’aurons appliqué à notre
cœur, nous ressentirons, nous aussi, l’obligation
d’annoncer l’Évangile aux autres, et nous le “L’épître aux Romains ressemble quelque
ferons avec zèle ! u peu à une immense montagne couverte de
neige. Vue d’une certaine distance, elle nous
remplit d’un désir de monter sur ses sommets
UN MOT AUX PRÉDICATEURS et de nous réjouir de sa magnifique beauté. Au
ET ENSEIGNANTS fur et à mesure que nous nous en approchons,
Le texte de cette leçon se prête à une variété nous sommes terriblement impressionnés par
d’applications. J’ai souvent utilisé ce passage la tâche devant nous. Au milieu de l’effort
pour encourager une assemblée à s’engager dans même, nous apprenons les véritables dangers
un travail missionnaire. Un prédicateur qui com- de notre tâche, ceux qui étaient cachés alors
mence son travail dans une assemblée pourrait que nous étions toujours loin, et qui se mani-
l’utiliser comme introduction. Tout en parlant festent par des précipices et des falaises parfois
de la foi renommée de l’assemblée de Rome, il vertigineuses. Mais, bien que nous trébuchions
peut passer en revue l’histoire de la nouvelle beaucoup, la vue d’en haut vaut sûrement toutes
assemblée, exprimant son assurance que son nos peines.”
temps avec elle sera une bénédiction, du moins Romans
pour lui. Il peut assurer l’assemblée de son désir Edward Fudge
de l’aider, en soulignant que son premier devoir
est toujours de prêcher l’Évangile. Il peut ter-
miner en citant l’incertitude de Paul au sujet de “L’importance d’un esclave ne dépendait
ses projets futurs, en raison de laquelle il devait pas de l’étendue, ni du lieu, ni des modalités
tout laisser entre les mains de Dieu : “De même, de son service. Elle dépendait plutôt de la
nous ne savons pas ce que l’avenir réserve à cette personne qu’il servait. Paul, lui, servait le
assemblée ; mais nous savons qui tient entre ses Seigneur.”
mains son futur. Décidons, tous ensemble, de Paid in Full : A Commentary on Romans
faire sa volonté.” Richard Rogers

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Adapté de Ray F. Chester, “The Powerful Gospel”,
Abilene Christian College Annual Bible Lectures (1959), “Le prédicateur Jonathan Edwards (1703-
41-42. 1758) était renommé pour son sermon intitulé
‘Sinners in the Hands of an Angry God’ (‘Péch-
eurs entre les mains d’un Dieu en colère’). Aussi
“La ruine qui s’ensuit quand Dieu livre effarante que puisse être cette idée, elle ne l’est
l’homme à sa propre voie est de quatre sortes : phy- pas autant que celle qui consiste à ne plus être
sique, morale, intellectuelle et [spirituelle].” entre les mains d’un Dieu d’amour !”
Commentary on Romans Life Application Bible Commentary : Romans
James Burton Coffman (adapté)

Auteur: David Roper


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