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THALÈS de Milet, grec, -624/-548

Astronome, géomètre, commerçant, ingénieur et


philosophe. Bien qu'il n'ait laissé aucun écrit, on
peut le considérer, de par sa doxographie,
ensemble des récits anciens le concernant,
comme le précurseur de la science grecque et le
père de la géométrie déductive héritée des
Babyloniens et des Égyptiens.

A son retour d'Égypte où il étudia l'astronomie,


Thalès fonda l'École ionienne où il enseigna
principalement cette science. Il y aurait affirmé,
mais cela est contesté, la sphéricité de la Terre
déduite en particulier de l'observation de l'ombre
de la Terre sur la Lune lors des éclipses (» réf.3) :

» L'astronomie moderne de R. Tocquet, préface de Louis Leprince-Ringuet (1965) : "Thalès


étudia l'astronomie chez les Égyptiens et, revenu dans son pays, créa l'École ionienne où
il enseigna la cause des éclipses, l'obliquité de l'écliptique et, fait remarquable,
l'isolement et la sphéricité de la Terre. (...) Malheureusement, Anaximandre (-610/-
547), son disciple et successeur à la tête de l'École, introduisit les sphères de cristal sur
lesquelles les astres étaient attachés comme des clous à une voûte. Elles devaient
s'imposer jusqu'au 16è siècle dans l'esprit d'un grand nombre d'astronomes".

Cependant, la grande majorité des historiens en philosophie et cosmologie soutiennent


que Thalès prônait une théorie selon laquelle la Terre est plate et circulaire, reposant
sur l'eau principe fondamental de l'Univers et de toute chose (» réf.4), une pensée plus
philosophique que scientifique :

» Doxographie de Thalès de Milet par Simplicius (philosophe néoplatonicien, vers 500


après J.-C.) : "Ce qui est chaud a besoin d'humidité pour vivre, et ce qui est mort se
dessèche, et tous les germes sont humides, et tout aliment est plein de suc; or, il est
naturel que chaque chose se nourrisse de ce dont elle provient; mais l'eau est le principe
de la nature humide et ce qui entretient toutes choses; donc il est conclu que l'eau était
le principe de tout et déclaré que la Terre repose sur l'eau".Si la Terre est sphérique,
Pythagore et son école pouvaient bien sûr décrire les parallèles fondamentaux de notre
planète dont les tropiques, mais certainement pas Thalès convaincu d'une planète plate.
A ce propos, tropique provient du grec tropikos formé sur tropein = tourner et tropê =
tour, révolution. Ce qui sous-entend une connaissance de l'inclinaison de l'écliptique par
rapport à l'équateur ou, tout au moins, par rapport à l'axe du disque planétaire de
Thalès. Et quid de la rotation de la Terre sur elle-même ?

En tant qu'au premier rang des géomètres et astronomes de son époque, nul doute que
Thalès avait étudié le cheminement apparent annuel du Soleil dans le plan de l'écliptique
(du grec ekleipsis = éclipse, ekleiptikos = orbite du soleil), pour signifier le plan où se
produisent les éclipses (conjonction Terre-Lune-Soleil), plan dont on sait depuis Kepler
qu'il est en fait le plan de révolution des planètes du système solaire autour du Soleil.

Dans ce contexte, il aurait prédit une éclipse de soleil en -585 (la Lune occulte le
Soleil : alignement Soleil-Lune-Terre), mais cela reste encore de nos jours sujet à
caution (» réf.7, pages 94-96) car le système solaire selon Thalès, très rudimentaire, ne
peut permettre de telles prévisions et les éphémérides (tables astronomiques de
données statistiques) sur le sujet sont insuffisantes bien que le phénomène des éclipses
fut connu des Chaldéens (Mésopotamie) depuis au moins 500 ans comme en témoignent
des tablettes babyloniennes et Ptolémée dans son Almageste.

Le système solaire selon Anaximandre, disciple de Thalès :

La mécanique céleste d'un disciple et ami de Thalès, Anaximandre de Milet (-610/-


547), philosophe, astronome et géographe apparaît plus convaincante (» réf.7, pages 97-
99). Il avait introduit et perfectionné en Grèce le cadran solaire et, plus généralement, le
gnomon, dont la paternité revient vraisemblablement aux astronomes babyloniens.

i Le gnomon est constitué d'un socle horizontal sur lequel est élevé verticalement une
tige de hauteur variable. Il permet de mesurer la hauteur (angle par rapport à la
verticale ou l'horizontale. Face au Soleil, l'ombre portée indique la hauteur du Soleil
(héliotrope). Ce fut un outil fondamental de l'astronomie antique pour constater en
particulier la durée de l'année solaire, les périodes d'équinoxes et de solstices (» réf.8 &
9, Hipparque).

Le cadran solaire possède une tige (le gnomon) dans l'axe du cadre, inclinée suivant la
latitude du lieu. Le cadran doit être orienté plein sud, l'ombre de la tige doit indiquer
midi (XII) lorsque le Soleil est au méridien, c'est à dire au plus haut (» réf.10).

Selon Anaximandre, la Terre, centre du Monde, est isolée au sein d'un univers infini et
organisé (l'Apeiron). La Terre ne flotte pas sur l'eau comme le pense Thalès car son
isolement central dans l'univers ne peut lui conférer une quelconque translation ou
chute dans une direction ou une autre. Selon Hoefer (» réf.7, pages 97-99), il aurait
affirmé sa sphéricité bien que certains historiens de l'Antiquité lui attribuent une
interprétation cylindrique..

Thalès et les mathématiques :

Thalès affirma en particulier des résultats susceptibles de faire sourire quelques élèves
de collège habitués au "c'est forcé", mais il faut voir là, 300 ans avant Euclide, les
premières ébauches d'une pensée universelle, source de la science occidentale et d'une
civilisation intellectuelle que l'on appela le miracle grec :

1. Un diamètre partage un cercle en deux demi-cercles superposables.


2. Les angles à la base d'un triangle isocèle (du grec iso = égal et skelos = jambe :
ayant deux côtés de même mesure) sont superposables.
3. Deux angles "opposés par le sommet" (formés par deux droites sécantes) sont
superposables (même mesure).
➔ Plus intéressant est ce résultat au programme de la classe de 4ème, qu'un élève de
5ème peut aussi parfaitement prouver à partir du rectangle et de la symétrie centrale :

Tout angle « inscrit » dans un demi-cercle est un angle droit

Autrement dit :

Un triangle inscrit dans un cercle dont un côté est un diamètre est rectangle en le sommet
opposé à ce diamètre

Propriété (ou théorème) de Thalès :


Déjà connu des Babyloniens (et approximativement conservé ad vitam par tous les
collégiens de nombreuses décennies...), la redécouverte de ce célèbre résultat
géométrique lui servit à calculer la hauteur des pyramides en utilisant la
proportionnalité entre leurs hauteurs et celle d'un bâton planté verticalement :

Si trois droites parallèles rencontrent deux droites (d) et (d'), respectivement et dans cet
ordre, en A, B, C et A', B', C', alors :

En d'autres termes :

Trois droites parallèles déterminent sur deux sécantes (quelconques) des segments
homologues proportionnels.

! Certains pensent ou écrivent que l'on a aussi, dans les conditions ci-dessus, l'égalité
des rapports AA'/BB' et BB'/CC' ou autre abomination similaire... Il n'en est rien en
général comme on peut le concevoir mentalement en déplaçant (CC') parallèlement :
AA'/BB' ne change évidemment pas, ce qui n'est pas le cas de BB'/CC'.

Cette erreur est sans doute due à la configuration particulière du théorème de Thalès
enseignée au collège : le cas où les droites (d) et (d') sont sécantes en A = A'. Dans cette
configuration "triangulaire" étudiée au collège , la propriété de Thalès exprime que les
triangles ABB' et ACC' sont semblables. La notion de triangles semblables fut enseignée
au collège jusqu'à l'apparition des mathématiques dites "modernes" au début des
années 1970.

Ces proportions fondamentales permettront dès lors de résoudre de nombreux


problèmes de construction, en géométrie bien sûr mais aussi (et surtout) en ses
applications : architecture, topographie, mécanique (bielles, agrandissement, réduction),
dessin industriel, etc.

Inversement (propriété réciproque) :

l'égalité des deux premiers rapports, à savoir : , assure le parallélisme des


droites (AA') et (BB')

Propriété de Thalès, version collège :

Le théorème de Thalès se prolonge aux configurations triangulaires


suivantes étudiées au collège, où les droites (d) et (d') concourent en
un point (correspondant au cas où les points A et A' sont confondus) :

Étant donné un triangle ABC, si une droite parallèle au côté [BC] coupe
(AB) en M et (AC) en N, alors les triangles ABC et AMN ont leurs côtés
proportionnels :

Il y a ici deux configurations, la seconde, ci-dessus à droite, souvent appelée


configuration de Thalès croisée (ou papillon) se produit lorsque la droite (MN) coupe le
prolongement des côtés du triangle ABC au-delà de A.

Inversement (propriété réciproque) de ce cas particulier :

L'égalité des rapports AM/AB = AN/AC assure le parallélisme des droites (MN) et (BC)
! Nombreux sont les élèves qui, en présence de rapports inégaux concluent au non
parallélisme en invoquant la réciproque de la propriété de Thalès : Faux, ce qui est en
défaut ici c'est la propriété de Thalès elle-même.

En effet, si les droites sont parallèles, alors les rapports AM/AB et AN/AC sont égaux.
Par conséquent si ces rapports ne sont pas égaux, les droites ne peuvent pas être
parallèles : car si elles l'étaient, les rapports seraient égaux... : » raisonnement par
l'absurde.

∗∗∗
Un exercice faisant usage de la propriété réciproque

∗∗∗
On a dessiné ci-dessous un rectangle, une de ses diagonales et une droite parallèle au
plus grand côté (sa longueur) de mesure 10. On demande de calculer la mesure du
segment coloré en rouge en considérant les autres mesures indiquées. Rép : 3√5.

∗∗∗
On a dessiné ci-dessous un rectangle de longueur AB = 7 et largeur AD = 5 (mesures non
respectées sur le dessin). On suppose de plus que AI = 3 et AJ = 5,16. On ne demande PAS
de refaire la figure en vraie grandeur. Niveau 4ème :
Quelle est la mesure exacte de la diagonale [AC] ? Les droites (IJ) et (DC) sont-elles
parallèles ? Niveau 1ère S : peut-on calculer IJ ?

Applications de la propriété de Thalès


» Point et nombres constructibles, construction d'un produit, d'une moyenne
proportionnelle (moy. géométrique)
Partage d'un segment dans un rapport donné | Hauteur des pyramides d'Égypte
♦ Par point constructible du plan, on entend "à la règle et au compas". Cela sous-entend
que l'on s'est donnés préalablement certains éléments : point(s), droite(s), cercle(s)
rendant possible cette "construction à la règle et au compas".

Par exemple :

Le milieu d'un segment [AB], où A et B sont deux points donnés du plan, est constructible
: il est l'intersection de [AB] avec la droite passant par les deux points d'intersection des
cercles de centre A passant par B et de centre B passant par A. Cette droite n'est autre
que la médiatrice de [AB], constructible à la règle et au compas comme on vient de le
dire...

♦ Nombres constructibles :

Étant donné un point A du plan et une unité de mesure, soit B un point du plan défini par
une mesure m = AB. On dit que m est un nombre constructible si le point B est
constructible.

 Dans un repère du plan, l'abscisse ou l'ordonnée d'un point constructible, est


constructible.
 Une droite est constructible si deux de ses points le sont.
 Un cercle est constructible si son centre (point) est constructible et si son rayon
(nombre) l'est aussi.

♦ Étant donnés a et b constructibles, on construira leur produit ab en appliquant la


propriété de Thalès à la proportion :
et si b = a, on obtient la construction du carré de a.

♦ Étant donné y constructible, on construira une fraction a/b de y en écrivant que si x =


a/b × y, alors

Les nombres constructibles sont dénombrables : »

♦ Étant donnés a et b constructibles, on pourra aussi facilement construire une


moyenne géométrique x, c'est à dire vérifiant x2 = ab équivalent à x/a = b/x (moyenne
proportionnelle) sachant que dans un triangle rectangle ABC de hauteur AH, on a AH2 =
HB × HC. () :

 On construit un segment [BC] contenant H tel que BC = BH + HC = a + b;


 On trace le demi-cercle supérieur de diamètre BC;
 La droite perpendiculaire à [BC] passant par H coupe le demi-cercle en A.

On a x = AH car le triangle ABC est rectangle en A et si b = 1, on a alors construit la racine


carrée de a.

Partage d'un segment en n parties égales ou dans un rapport donné :

La propriété de Thalès permet de construire aisément, à la règle et au compas


(construction au sens d'Euclide) le point M d'un segment [AB] tel que AM/AB = 1/n ou
bien tel que AM/AB = a/b :
Ci-dessus, on a choisi de placer M tel que AM/AB = 1/5 et N tel que AN/AB = 3/5. Pour
ce faire :

 Tracer une droite quelconque passant par A. On peut, sans restreindre la


généralité, choisir la perpendiculaire à [AB] passant par A;
 Par symétries centrales successives, reporter 5 longueurs égales;
 Par le dernier point obtenu, ici appelé E, tracer (BE);
 La parallèle à (BE) passant par le premier point C fournit M tel que AM/AB = 1/5;
 La parallèle à (BE) passant par le troisième point D fournit M tel que AN/AB =
3/5.

Configuration croisée et construction des points M de (AB) tels que MA/MB = a/b : »

Thalès et la mesure de la hauteur des pyramides :

La pyramide est de base carrée, MC = AB est le demi-côté. O étant l'œil de l'observateur,


lorsque O, D et S sont alignés, on peut mesurer la hauteur SA de la pyramide en
connaissant les mesures :

• d'un bâton vertical DE;


• des distances OE et OA = OB + MC.
Il suffit alors d'utiliser l'égalité :

On en déduira la hauteur SA = DE x OA/OE. Donc, pour votre prochain voyage au pays


des pharaons, à vos calculettes...

∗∗∗

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