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il a fallu attendre les recherches de Jacques Thuillier pour voir émerger dès 1965
un Vouet italien plus complexe, cherchant sa voie entre la marque de Caravage
ou de la manfrediana methodus et les demandes d’une peinture faste de la part
des Barberini et de leur entourage. Ce Vouet caravagesque, magnifiquement mis
en contexte dans l’exposition Les caravagesques français de Jean-Pierre Cuzin et
d’Arnauld Brejon réalisée en 1973, avait été aussi inséré dans le monde des artistes
romains, et de sa réorganisation par le biais de l’Accademia di San Luca, grâce aux
recherches dans les archives de Jacques Bousquet et de Noëlle de la Blanchardière.
Mais les documents positifs, ici, ne suffisaient point et la chronologie proposée
lors de l’exposition de 1990 brouillait plutôt les pistes pour la période italienne.
Alors que cette rétrospective Vouet (due à Jacques Thuillier avec la collaboration
de Barbara Brejon et de Denis Lavalle) et que le colloque organisé par Stéphane
Loire avaient permis de structurer les grandes lignes de l’évolution stylistique et de
la carrière du Vouet parisien, la période italienne restait en fait un champ en friche.
Un champ singulièrement fécond pour l’histoire de l’art et, en quelque sorte,
[ISBN 978-2-7535-1364-8 Presses universitaires de Rennes, 2011, www.pur-editions.fr]
tent de sa rapide insertion dans la haute société romaine et de ses liens avec la
famille Barberini. Ses rapports avec les milieux des lettrés sont documentés aussi
bien par des portraits de poètes, dessinés, gravés ou peints, dont celui du plus
célèbre de l’époque, Giambattista Marino, que par des descriptions littéraires de
ses œuvres. De plus, le marché de l’art à Rome et le petit monde des amateurs,
collectionneurs ou critiques ont fait l’objet de nombreuses et intéressantes études
depuis une dizaine d’années. Enfin, ses voisins peintres (Antiveduto Gramatica,
Baburen, mais aussi Lanfranco, Régnier ou Tournier), ses compagnons d’ateliers
(Mellan, Jacques et Pierre Lhomme, Mellin) sont maintenant beaucoup mieux
connus, alors que l’importance – à tous points de vue – de sa production romaine
était attestée par de très nombreux tableaux sortant des réserves des musées ou
apparaissant sur le marché de l’art avec une attribution à Vouet ou à son entourage.
Deux découvertes récentes mettent en évidence les changements fondamentaux
dans le champ de cette recherche : l’une est l’hypothèse, très vraisemblable, lancée
par Gianni Papi, de l’identification du Maître du Jugement de Salomon, jusque-là
considéré comme un caravagesque français (donc en rapport avec Vouet) avec le
peintre espagnol Ribera lors de son séjour à Rome ; l’autre est la découverte, par
Rosella Vodret, au dos d’une Diseuse de bonne aventure connue de tous les historiens
de l’art et attribuée à Gramatica d’une inscription prouvant que la toile avait fait
partie de la collection dal Pozzo et qu’elle était la première œuvre de Simon Vouet
actuellement connue. À l’évidence, le dossier du Vouet italien était à réouvrir.
C’est ce qu’ont fait avec une grande clairvoyance intellectuelle les organisa-
teurs de l’exposition Simon Vouet (Les années italiennes 1613/1627) présentée à
Nantes puis à Besançon entre novembre 2008 et juin 2009. Dominique Jacquot
et Adeline Collange ont eu le courage de présenter une exposition « ouverte », avec
de nombreuses œuvres inédites ou proches de Vouet et des propositions nouvelles
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ouvrage de synthèse, mais à plusieurs voix et laissant des questions ouvertes sur
le Vouet romain.
Il reprend dans son plan l’organisation du colloque 2. Il permet ainsi de suivre
la formation de Vouet et ses échanges avec les peintres romains contemporains,
d’aborder de deux manières très différentes les principales étapes, Gênes et Milan,
de son voyage de 1620-1621 dans le nord de la péninsule, si important dans
son évolution artistique. Est examiné également comment Vouet se situe dans le
milieu artistique romain et peut combiner une approche naturaliste de certains
sujets encore fort en avant dans la décennie 1620 (si l’on admet pour le Saint
Jérôme et l’ange de Washington sans doute peint pour les Barberini une datation
vers, ou tout juste après, 1624) tout en adoptant, quand nécessaire, un style plus
conforme aux attentes des lettrés ou un langage intégrant les nouveaux codes
visuels de l’iconographie savante.
sept mètres de haut placée derrière la Pietà de Michel Ange) et les problèmes plas-
tiques que posait sa réalisation ont peut-être fait plus évoluer Vouet que le voyage
à Gênes et à Milan, avec un cours passage par Bologne. De plus, un déséquilibre
toujours très net apparaît entre la très abondante production des années 1622-
1626 et le faible nombre d’œuvres réalisées avant 1620, alors que le peintre est
déjà un artiste confirmé.
D’emblée, il semble que le rapport au mouvement caravagesque soit une
confrontation critique pour Vouet qui cherche à développer ce style vers d’autres
horizons, tant plastiques qu’intellectuels. Après 1621, la découverte de Lanfranco
et du grand langage émilien, puis plus tard du langage fluide de Pierre de Cortone
ou des « poésies » de Poussin le pousse à de nouvelles tentatives artistiques.
Cette capacité de Vouet à capter les modes picturales, les courants artistiques
ou esthétiques qui se diffusent à Rome aussi bien par les œuvres peintes que par
l’estampe ou les débats dans les cercles de lettrés ou chez les collectionneurs, cette
intelligence à proposer ces nouveautés artistiques dans un langage toujours puis-
samment synthétique et superbement rythmé font de Vouet un peu un Picasso
de la Rome des années 1620. Le peintre paraît avoir su aussi très bien orchestrer,
par l’estampe ou l’écrit, sa propre promotion.
Artiste pensionné par le Roi de France sans doute dès ses débuts en Italie, prince
de l’Académie de Saint-Luc en 1624, Vouet a su créer autour de lui plus qu’un
atelier, une galaxie, qui va de l’inscription de ses traits dans les albums d’Ottavio
Leoni à la diffusion de ses œuvres par la gravure, des cercles de commanditaires
au petit groupe d’artistes français rassemblés autour de lui lors de l’enregistrement
des états des âmes en 1624. Pour son œuvre, il convient de distinguer entre cata-
logue et corpus, et comprendre le fonctionnement de l’atelier non selon le schéma
classique du maître et d’élèves exécutant, mais plutôt comme une « coopérative »
de production, pour reprendre la juste expression de Philippe Malgouyres. Vouet
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« e dintorni » peuvent proposer sur le marché (ou l’inonder et le structurer) une
production en série reprenant des formules à la mode, comme les figures de femmes
à mi-corps dans des costumes soigneusement drapés en couleurs souvent éclatantes,
ou des têtes-visages masculins rapidement brossées.
Comme l’exposition, ce volume se veut un livre ouvert, rassemblant et problé-
matisant les connaissances, incitant à de futures recherches, proposant des pers-
pectives pour un des plus intéressants cas d’études en histoire de l’art : Simon
Vouet en Italie.
Notes
1. RYKNER D., « Vouet et la recherche : débats autour des tableaux romains », www.latribu-
[ISBN 978-2-7535-1364-8 Presses universitaires de Rennes, 2011, www.pur-editions.fr]
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