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ALEXANDRE CABANEL (1823-1889)

BIBLIOGRAPHIE

Hilaire Michel et Amic Sylvain, Alexandre Cabanel, 1823-1889, la tradition du beau,


Paris ; Montpellier, Somogy/Musée Fabre, 2010.

PRÉSENTATION

L’histoire d’une redécouverte

C’est l’un des plus célèbres peintres de son époque (il vend ses toiles à l’empereur
Napoléon III et décore l’hôtel particulier des frères Pereire).
Il est ensuite totalement oublié par l’histoire de l’art, car en France et en Europe on a
privilégié l’histoire des mouvements modernes (Réalisme, Impressionnisme…) au
détriment des mouvements traditionnels (Académisme).

Il redécouvert par les historiens de l’art, notamment anglo-saxons, à la toute fin du


XXe siècle, lorsque l’histoire de l’art s’oriente davantage vers l’histoire visuelle qui
prend en compte tous les aspects de la culture visuelle afin de restituer la réalité et les
imaginaires d’une période.

Le grand public le découvre lors de la création du musée d’Orsay où ses œuvres sont
présentées face à celle de Courbet ou de Manet ses contemporains dans une
scénographie nouvelle qui tend à restituer la réalité des salons.

L’évolution de l’Académisme

Cabanel commence sa carrière alors que les instances officielles sont encore très
conservatrices.
Les thématiques traditionnelle dominent toujours (religion, histoire…) mais les
thématiques romantiques sont peu à peu reconnues et acceptées.

Il va alors parvenir à créer des œuvres d’une grande nouveauté à l’intérieur d’un
système esthétique conservateur et contraignant.
Son art est d’abord un art de la subtilité et de la finesse, c’est pas de petits détails
dans l’utilisation de couleurs, des expressions, de poses qu’il parvient à faire évoluer
la pensée académique et à répondre aux attentes du public.

Sa peinture est moins sèche que celle de David et moins claire que celle d’Ingres.
Elle prolonge par contre la délicatesse de la peinture de Chassériau car Cabanel va
travailler ses œuvres avec une grande minutie en utilisant certains détails pour
renverser le sens apparent d’un sujet. Il est aussi capable de livrer des œuvres sans
originalité afin de répondre au conservatisme des grandes commandes officielles.

Périodes :
Les œuvres subtiles du séjour à Rome
Le conservatisme opportuniste des commandes d’état
Le triomphe de la Vénus ambiguë du salon de 1863
Une nouvelle vision des thèmes classiques
La simplicité austère des portraits américains
BIOGRAPHIE

C’est l’un des peintres officiels du Second Empire et de la Troisième République.


Il est originaire d’une famille modeste d’artisan menuisier de Montpellier.

Doué pour le dessin, il entre dans l’atelier de Charles Matet à Montpellier.


Il y rencontre Alfred Bruyas (futur mécène de Delacroix, Courbet, Rousseau, Diaz)
qui sera son ami et son premier collectionneur (il est le fondateur du futur musée
Fabre).

En 1840, il obtient une bourse pour continuer ses études à Paris.


En 1845, il obtient le second prix de Rome après Bénouville, cependant le voyage et la
résidence lui sont attribué car le prix de musique n’a pas été attribué.
En 1846, il s’installe donc à la villa Médicis à Rome où Bruyas le rejoint et lui offre ses
premières commandes.

Il y rencontre des photographes, notamment Caneva, pionnier de la photo


d’architecture.
La photographie lui apparaît comme une source documentaire fiable qui renforce la
vraisemblance des ses peintures.

Parallèlement, il envoie selon les obligations de l’Académie, des dessins de modèles et


des copies de tableaux (Raphaël, Titien, Corrège…)
Ceux-ci vont profondément marquer son œuvre en lui donnant des modèle de poses
et de compositions.

En 1855, il est nommé chevalier de la légion d’honneur à la suite de la première


Exposition universelle de Paris.
Il est alors récompensé pour ses toiles de commandes valorisant le pouvoir avec des
compositions classiques et des thèmes grandioses qui séduisent aussi le public.

En 1862, à l’exposition universelle de Londres, il représente la France aux côtés


d’Ingres, Flandrin, Benouville, Baudry, Bouguereau…
L’Académisme français triomphe sur la scène internationale.

En 1863, il est membre de l’Institut et professeur à l’École des beaux-arts de Paris.


Il crée l’événement au salon avec La Naissance de Vénus qui est achetée par
l’empereur.
L’œuvre révèle alors au public et aux critiques les aspects les moins connus du peintre
qui divise alors l’opinion par l’ambiguïté et la subtilité de son œuvre.

Les plus grandes fortunes déboursent des sommes considérables pour avoir un
portrait par Cabanel.
Il participe alors à l’internationalisation de l’art en conquérant le marché américain.

Par la photographie, ces œuvres touchent aussi le grand public et entrent dans les
foyer les plus modestes au format de cartes postales.

Il est alors au sommet de la carrière que peut espérer un peintre.


Il appartient à la haute bourgeoisie parisienne.
ICONOGRAPHIE

LES ŒUVRES SUBTILES DU SÉJOUR A ROME

Jésus dans le prétoire, 1845, h/t, 146x113,5 cm, Paris, ENSBA

Il obtient avec ce tableau la deuxième place au prix de Rome après celui de


Bénouville.

Il rate de peu la première place par ses choix novateurs qui mettent en question la
tradition classique contrairement à Benouville qui s’inscrit parfaitement dans les
poncifs académiques.

Cabanel choisit en effet pur ce thème une composition de Titien avec un goût marqué
pour le clair obscur et une composition complexe.
L’ensemble est plongé dans l’ombre avec éclairage sur le torse nu du christ.
La composition est tournoyante avec des soldats en action autour de la pose
serpentine du corps du Christ.

Ses choix contredisent les principes fondamentaux de l’enseignement académique.


De plus, quelques incohérences sont remarquées : la cotte de maille le gantelet de fer
médiévaux ainsi que la peau de lion, curieusement utilisée dans ce contexte.

Bénouville choisit une composition frontale issue directement de l’Apothéose


d’Homère d’Ingres elle-même issue de l’École d’Athènes de Raphaël.
La pose est frontale, la composition est en frise, ce qui répond parfaitement aux
attentes de l’Académie.

Ange déchu, 1847, h/t, 121x189,7, Montpellier, musée Fabre

Partant avec Bénouville à Rome, Cabanel va réaliser plusieurs œuvres d’une grande
originalité.
Il envoie ainsi à l’académie, le représentation d’un modèle d’atelier selon les usages
de l’époque mais qu’il intègre à une thématique romantique.

Son modèle restitue la vraisemblance anatomique, les proportions idéales et le


modelé parfait attendus.
Cependant, son modèle devient l’Ange déchu, c’est à dire Satan, un thème sombre
issu de l’imaginaire romantique.
Il rajoute ainsi à l’idéal de perfection une attitude mélancolique, un regard sombre et
de ailes noires qui ne correspondent ni à la moralité d’un tableau religieux, ni à la
neutralité d’une étude.

L’attitude est très complexe, à la fois cachée (honte, défaite) et visible (colère,
révolte).

Il s’inspire probablement du Pandémonium de John Martin réalisé en 1841 qui a eu


une grand succès dans toute l’Europe.
Le paradis perdu de Milton, principale inspiration de Martin, étant par ailleurs le
premier livre qu’il emprunte à la villa Médicis.
Albaydé, 1848, h/t, 98x80, Montpellier, musée Fabre

Ce tableau fait partie d’un ensemble de trois œuvres que lui commande Bruyas à
Rome.
Il s’agit d’explorer trois pans de la culture italienne :
La Chiaruggia : paysanne italienne pleine de force.
Le jeune moine romain : pensif.
Albaydé : la courtisane orientale du quartier juif à Rome.

Ce sont des thèmes classiques dans la peinture pittoresque italienne (paysanne,


moine, courtisane).
Cependant, encore une fois, Cabanel va innover par des trouvailles subtiles et très
efficaces.

Pour Albaydé, il va renouveler la vision classique de l’odalisque orientale.


Il fait directement référence par ce titre au poème romantique de Victor Hugo, publié
dans Les Orientales en 1829.

Il choisit un cadrage serré à mi-corps (contrairement à Ingres) ce qui fait disparaître


les jambes dans un hors-champ qui suscite l’imagination du regardeur.
Son visage volontairement allongé amène une sensualité orientale et subtile aussitôt
contredite par l’attitude triste et fermée du regard.
Sa robe s’ouvre sur son torse nu par un large récolté qui ne révèle cependant rien de
ses seins dont les pointes restent masquées.
Un liseron à l’inverse, par sa position sur son nombril, révèle la sensualité de son
ventre tout en la dissimulant.

Les couleurs apparaissent aussi pour le regardeur de l’époque, étranges avec des
dominantes de nuances violettes et mauves qui entrent en opposition avec des rouges
et des bleus francs.

Bénouville fait lui aussi une odalisque qui apparaît plus classique par la composition,
la pose et le visage où se lisent l’influence d’Ingres et de Chassériau.

LE CONSERVATISME OPPORTUNISTE DES COMMANDES D’ÉTAT

Contrairement au duc de Morny, son cousin, Napoléon III n’est pas un grand
collectionneurs d’art.
Cependant, son accession au pouvoir entraîne la production de nombreuses
commendes afin de décorer les bâtiments officiels comme ses demeures privées.

Il choisit souvent Cabanel qui devient l’un des peintres officiels du Second Empire, ce
dernier ayant remporté une médaille d’or et la légion d’honneur à l’issue de
l’exposition de 1855.

Glorification de Saint-Louis, 1855, h/t, 428x446, Château de Versailles

Ce tableau est une commande de l’État pour la décoration de l’hôtel de ville de Paris.
Il fait partie d’une série consacré aux grands roi de France Napoléon III s’inscrivant
ici dans la continuité du pouvoir absolu et de l’ancien régime.
Son triomphe au salon de 1855, permet à Cabanel d’obtenir une médaille d’or et la
légion d’honneur.

Il reprend cette fois de manière classique et sans aucune originalité la composition de


l’Apothéose d’Homère d’Ingres de 1827 ce qui flatte les académiciens et séduit le
public.

Le roi y est représenté entouré de ses sujets et flanqué par deux figures allégoriques
représentant la force et la foi tenant la relique de la couronne d’épine que Saint Louis
avait ramené des croisades.

La composition est frontale, pyramidale.


Les costumes sont vraisemblables.

Cabanel a corrigé ses erreurs.


C’est un tableau de propagande efficace.

Portrait de Napoléon III, 1865, h/t, 230x171, Compiègne, Musée national

Ce tableau est destiné à remplacer celui de Flandrin sur le même thème.


Flandrin, élève d’Ingres, avait en effet représenté Napoléon III, le regard courroucé,
la mains sur l’épée devant le trône et le buste de son oncle.

Il montre donc un Napoléon III vengeur prêt à repartir à la conquête de l’Europe par
les armes.
Cette vision est totalement contraire à la politique de l’empereur qui souhaite au
contraire un retour une paix relative car son objectif est la domination de la France
par le commerce et la finance.

Cabanel le représente alors avec un costume civil, devant les attributs de la royauté
(couronne, sceptre, cape…) négligemment jetés sur une table qui cache le trône de
son oncle.
Cela met en lumière les fantastiques fêtes que napoléon III organise afin de réunir les
monarques européens dans une politique tournée vers le compromis et la diplomatie.
Le costume qu’il porte peut en effet être celui des grands bals de l’empire, il est aussi
celui de la grande bourgeoisie et de la grande noblesse qui peut se reconnaître en lui
ce qui en fait aussi un acteur de la concorde nationale.

Il apparaît alors comme le représentant de la bourgeoisie commerciale et financière


et d’une partie de la noblesse qui le soutient et qu’il essaie de fédérer autour de lui,
notamment en s’inscrivant comme le continuateur de l’Ancien Régime.

Ce tableau est cependant très novateur pour un portrait de monarque.


Pour la première fois les principes de pouvoir et de domination sont mis de côté par
rapport à l’aspect festif et civil du personnage.
Cabanel à bien compris ce qu’attendait l’empereur.

LE TRIOMPHE DE LA VENUS AMBIGUË DE 1863

La Naissance de Vénus, 1863, h/t, 130x225, Paris, musée d’Orsay


C’est le deuxième grand triomphe de Cabanel cette fois au salon de 1863.
Cette œuvre applaudie par le public et le jury est acheté 20 000 F par l’empereur (1
franc de l’époque = 10 euros).

Cabanel reprend ici l’un des thèmes les plus représentés de la peinture académique.
La représentation d’une femme nue sous le couvert de la mythologie antique.
Il parvient cependant à lui donner une grande nouveauté par des détails subtils qui
en transforment radicalement le lecture.

La composition est elle même très nouvelle.


Il s’éloigne des représentation classique que l’on voit dans la statuaire antique, dans
la peinture de la Renaissance ou dans l’art académique (cf. Ingres, Vénus
Anadyomène, 1848).
La déesse est y généralement représentée nue, debout devant l’océan et tordant ses
cheveux mouillés pour les essorer.

Cabanel la représente au contraire couchée sur l’eau dans une composition irréaliste.
La vue en légère contre plongé dévoile aux yeux du regardeur le ventre, les seins et les
aisselles offertes de la déesse érotisée.
Là encore Cabanel s’éloigne des modèles classiques par une référence explicite à la
Nymphe endormie du Corrège.

L’irréalisme de la pose, la déesse étant couchée sur l’eau sans couler permet à Cabanel
de la traiter comme si elle était couchée sur un lit.
Le sujet est donc à la fois poétique et inconvenant.

L’inconvenance de la pose est cependant rattrapée par l’extraordinaire virtuosité de la


carnation.
Celle-ci est constituée d’une multitude de couches de glacis translucides aux couleurs
subtiles de roses et de bleus pales, lui donnant la profondeur et la douceur de la
nacre.
Cette extraordinaire virtuosité déplace au second plan l’érotisme de la pose.

Celle-ci réapparaît cependant aux yeux des regardeurs les plus curieux ou les plus
exigeants par un détails très étonnant.
La déesse cache partiellement ses yeux sous sa main qui laisse cependant entrevoir
un regard tourné vers le spectateur.
Elle n’est donc pas seulement une déesse idéale elle est aussi une séductrice réelle
donc une courtisane.

Par ce petit détail, Cabanel parvient à érotiser sa figure à l’extrême tout en masquant
son forfait.
Apparaît alors toute l’ambiguïté de son époque qui montre constamment des femmes
nues sous l’excuse de la mythologie et de manière hypocrite.

Cabanel se joue des interdits en les dissimulant subitement.


Manet qui traite d’une certaine manière le même thème au même salon de 1863 avec
son Olympia nue sur un lit qui subit les foudres de la critique et les moqueries du
public par l’aspect cru et réaliste de son approche.

Le tableau de Cabanel reçoit de nombreuses éloges :


Gautier : « impossible de rêver quelque chose de plus frais, de plus juvénile, de plus
joli ».

« Son corps divin semble pétri avec l'écume neigeuse des vagues. Les pointes des
seins, la bouche et les joues sont teintées d'une imperceptible nuance rose. »

Il reçoit aussi de sévères critiques :

Zola : « La déesse noyée dans un fleuve de lait a l'air d'une délicieuse lorette, non pas
en chair et en os, ce serait indécent, mais en une sorte de pâte d'amande blanche et
rose. »

Ducamp : « Le regard déshonore le nu ».

Cette œuvre montre l’évolution du goût dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Dans une société capitaliste et marchande se développe toute une clientèle de
nouveaux riches issue souvent du monde populaire et des campagnes qui n’ont pas la
culture humaniste de la bourgeoisie et de la noblesse traditionnelle urbaine.

Peux eux, la mythologie et l’histoire qu’ils ne connaissent que partiellement comptent


moins que les émotions et les sentiments ressentis devant les toiles.
Ils apprécient alors la peinture d’histoire et les nus antiques indépendamment de leur
valeur symbolique ou mythologique.

Pour les opposant au régime, ce tableau représente l’hypocrisie et la corruption du


régime qui apparaît frivole et immoral.
La limite entre la déesse et la prostituée se rétrécit.
Il symbolise une politique reposant sur banquiers et les commerçants.
La nouvelle société industrielle et marchande qui devient la société de la publicité et
de la consommation.

Cabanel remporte le premier prix du salon juste devant Amaury-Duval (élève


d’Ingres).
C’est un triomphe.

L’image est aussitôt gravée et photographiée pour être diffusée et vendue.


Le succès des images multiples est immédiat.

Flammengs va en faire une gravure qui sera diffusée par la Gazette des arts pour
répondre au plus vite à la demande du public.

François en fait une seconde version qui est diffusée par la maison d’édition Goupil.
Le rendu est plus minutieux pour répondre à l’attente d’un public exigeant.

« Tous ceux qui ont vu et admiré à l’Exposition l’ œuvre de M. Cabanel retrouveront


avec plaisir dans cette estampe si harmonieuse et si limpide de tons, les qualités de
grâce et de charme qui distingue le tableau. »

Cette gravure est ensuite photographiée pour répondre à la demande une clientèle
plus large et plus populaire.
UNE NOUVELLE VISION DES THÈMES CLASSIQUES

Saint-Jean-Baptiste, 1849, h/t, 195x141 cm, Montpellier, musée Fabre

Jean-Baptiste est l’un des personnages les plus représentés dans l’iconographie
chrétienne.
Il préfigure la venu du Christ et il est l’un des premiers martyrs.

Le parti-prix de Cabanel est de reprendre ici tous les poncifs liés au sujets.
Par exemple l’aspect hirsute du saint qui prêche dans le désert.
Son vêtement en peau de chameau qui sert à identifier sans erreur le personnage.
Le bâton en forme de croix qui annonce la venue du Christ.

L’innovation est encore une fois dans les détails.


Cabanel utilise un touche très fine qui lui permet de créer des effet de réel notamment
sur la peau de chameau.
Par ailleurs, cette touche restitue parfaitement la peau mate et le corps émacié du
personnage dans un réalisme anatomique saisissant.

Cabanel n’essaie donc pas d’idéaliser le personnage à la manière antique mais au


contraire de le remplacer dans un contexte et une apparence réaliste qui correspond à
l’idée que l’on pouvait se faire de la scène dans sa vérité.

Le saint apparaît donc non pas dans un monde idéal et transcendant mais dans un
monde réellement observé selon les plus grandes exigences de vérité.
Le sectateur semble être projeté devant la scène non pas selon une théâtralisation
baroque de la composition mais par la vraisemblance méticuleuse des apparences.

Cléopâtre essayant des poisons sur des condamnés à mort, 1887, h/t,
87x148 cm, Anvers, Koninklijk museum

Ce thème est un classique de la peinture d’histoire.


Il fait référence à la lutte entre Antoine et Octave dans la succession à César.
La peinture classique y puise de nombreux thèmes : la force d’Octave, l’amour
d’Octave, le courage de Cléopatre.

Cabanel choisit ce troisième aspec.


Il s’agit de montrer le suicide de Cléopâtre refusant d’être la captive d’Octave après la
défaite dAntoine.
Cela est souvent évoqué comme un acte de courage qui clôt une vie de luxure.
La scène montre généralement la reine incarnant la beauté orientale à coté d’un
serpent révélant l’épisode au yeux du spectateur.

Cabanel ne montre pas ici ce que l’on attend de cette scène, mais un épisode rarement
évoqué qui est l’essai des poisons sur les prisonniers de façon à choisir ensuite le plus
rapide et le moins douloureux.
L’intérêt de l’œuvre se trouve alors dans la juxtaposition érotico-morbide du corps
magnifique de Cléopâtre jouxtant les corps convulsés des prisonniers.

Ce n’est plus l’aspect moral qui intéresse mais l’aspect trivial.


Cependant, il truffe la toile de références archéologiques et littéraires précises afin de
donner à la toile un aspect réaliste et convainquant.
Il représente la couronne d’apparat des reines égyptiennes de la IVe dynastie.
Il place à ses pieds un léopard qui est décrit dans les écrits de l’antiquité comme un
de ses animaux de compagnie.

On retrouve par ailleurs des effets de réels sur l’architecture magnifique du palais
telles que les raies de lumière éclairant la colonnades de la cours intérieure elle-même
décorée de superbes fresques.
Là encore, la vraisemblance archéologique vient accentuer le plaisir scopique à partir
des recherches scientifiques.

LA SIMPLICITÉ AUSTÈRES DES PORTRAITS AMÉRICAINS

Le public américains se passionne pour l’art de Cabanel qu’il connaît grâce aux
gravures et aux photographies vendues par la succursale de Goupil à New York.

Lors de leurs séjours en Europe, la bourgeoisie américaine ne manque pas de repartir


avec un portrait du peintre marque d’une grande réussite sociale.

Si tableaux mythologiques ou historiques de Cabanel apparaissent trop érotiques et


trop morbides pour cette bourgeoisie puritaine, les portraits par contre conviennent
parfaitement à partir du moment où ils laissent transparaître l’austérité et la morale
du modèle.

Ainsi, le portrait de Catharine Lorillard Wolfe ne montre aucun bijoux ni aucun


maquillage.
La robe blanche et noire ne montre aucune couleur vive non plus.

Seule la splendeur des étoffes de soie et des fourrures animales révèlent l’élégance et
la richesse de la femme.

Un léger sourire anime le modèle qui montre une parfaite maîtrise de soi.
Cette modernité du portrait issue des exigences américaines devient une des
productions les plus emblématiques du peintre.

On y voit l’importance de la bourgeoisie d’affaire et l’internationalisation de l’art.

CONCLUSION

Cabanel parvient à renouveler par une approche subtile et inventive les thèmes et les
techniques académiques.
Son travail montre toute l’ambiguïté de la période coincée entre le besoin d’émotion
et la nécessité de bienséance.
C’est donc par de subtils subterfuges que le peintre va donner au public ce qu’il
attend.

Cabanel parvient aussi grâce à une technique irréprochable dans la finesse des
touches et la délicatesse des modelés à faire de la peinture une surface aussi
captivante que celle de la photographie.
Il montre ainsi l’importance que la seconde moitié du XIXe siècle accorde au regard.
Les effets de réel et les détails foisonnants satisfont un œil dont le pouvoir est
développé par les innovations techniques.
L’industrie est aussi présente par la reproductibilité techniques des œuvres
reproduites en gravure et en photographie mais aussi par l’internationalisation de
l’art qui se développe avec la puissance et la rapidité des steamers et des clippers.

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