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STORY 91
présente
vol. 1
TEXTE
AXEL ANDREAZZA-ROBIN
DESSIN
YOUNESS TOUILI
Pour tous les rêveurs,
malheureux de trop rêver.
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I
CRÉPUSCULE
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gagner la Guerre froide. C’était une soirée presque aussi
mémorable que ma première séance de Star Wars au cinéma.
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Sur la mélodie des sirènes lointaines, je roule
tranquillement dans les rues de L.A. en profitant de la nuit
naissante. Les néons de la ville réfléchissent sur le pare-brise
et créent un arc-en-ciel de couleurs fluorescentes. J'entrouvre
la fenêtre en cette soirée de février d’une douceur
californienne pour m’imprégner de l’air pollué aux arrières
senteurs de hamburgers et de poulets frits. La skyline des
grandes tours vitrées de Downtown Los Angeles émerge dans
le rétro comme une nuée de phares dans la nuit. Emprunter la
voie rapide aurait pu me faire gagner un temps considérable
mais je préfère de loin prendre le temps de m’abandonner à
des pensées plus ou moins profondes au cœur de la jungle
urbaine. J’y admire le spectacle de la nature humaine. Les
businessmen en costard qui insultent les SDF, les familles
nucléaires modèles qui font la queue au cinéma, les jeunes
gens attablés au bar, les breaks Chevrolet des honnêtes pères
de famille klaxonnant les putes, les couples sur leur
trente-et-un se pressant du taxi jusqu’au restaurant comme si
un voyou prêt à les détrousser était posté à chaque coin de rue.
Chaque personnage joue son rôle à la perfection dans le
théâtre de la vie angeline. Quelques feuilles voltigent dans le
ciel sur les rares arbres qui parsèment les rues. La douceur
n’était pas innocente et annonce l’orage. C’était trop beau
pour être vrai. C'est souvent comme ça à Los Angeles.
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j’effectue un virage à 90 degrés qui fait crisser les pneus pour
me garer pile au milieu de la place à la limite du trottoir. Je
me retrouve face à une large baie-vitrée couronnée par un
vaste pavillon de couleur crème. Quelques parties métalliques
décoratives viennent donner au bâtiment une fière allure de
diner de la Route 66. Le vif claquement de la portière précède
l’ouverture vigoureuse de la porte du restaurant dans lequel je
pénètre comme le cow-boy qui retrouverait son saloon favori,
prêt à en découdre avec une bouteille de bourbon et tout fils
de pute qui viendrait le déranger dans son activité favorite.
C’est avec la tête haute pour l’assurance, et les mains dans les
poches pour la décontraction, que je marche sur le carrelage à
damier fraîchement ciré d’il y a trois semaines pour
m’installer sur l’avant-dernier tabouret rouge à la droite du
bar.
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“Ce sera quoi pour le jeune homme ?, demande la
femme sur un ton de porte à coffre-fort.
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J’aime bien Molly mais je la soupçonne d’avoir signé
les pétitions de boycott des chansons de NWA pour qu’elles
ne puissent pas arriver jusqu’aux oreilles innocentes de nos
têtes blondes. Je décide donc de changer de sujet pour éviter
un débat perdu d’avance et un goût d’amertume au fond de la
bouche qui viendrait altérer ma dégustation.
“Bah qu’y se barre ce gros con s’il sait pas qu’un bon
chili, ça doit mijoter pendant des heures pour avoir du goût !
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“Un bon chili est un chili moche”, je devrais mettre ça sur la
carte pour pas voir ce genre de sale gueule dans mon
restaurant. Tu fais chier Johnny, ça fait un client en moins. Et
pis avec cette Guerre du Golfe là qui disent à la télé, parait
qu’il pourrait y avoir une crise à cause du pétrole. Donc les
clients, ils sont précieux en ce moment. C’est d’ailleurs pour
ça que j’te vire pas de mon resto sur le champ. ”
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- Tu prends toujours qu’une pauvre part de tarte et un
Dr Pepper. Si j’avais qu’des clients comme toi, ça ferait
longtemps que j’aurais mis la clé sous la porte.
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“Et quand est-ce qu’elle vient cette part d’ailleurs ?
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Alors que je souhaite terminer ma part en silence,
j’entends parler encore plus fort que Molly derrière et ça
commence à me perturber. Je me retourne discrètement et vois
un homme et une jeune femme se faire face près de la fenêtre.
La bouche pleine, le mec gueule comme un putois en plaçant
un minimum d’un “enculé” par phrase. Avec sa moustache,
ses cheveux gominés vers l’arrière et sa chaîne en or qui
surmonte un marcel blanc moulant un bide forgé par quelques
litres quotidiens de Budweiser, il a toute la panoplie du beau
fils de pute.
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pureté des traits mélancoliques de la jeune femme n’a toujours
pas été altérée par la tristesse et la résignation. Ses yeux
couleur chataîgne qui s’enfuient, son petit nez qui se relève
légèrement en son bout, la pâleur de sa peau, ses lèvres
légèrement gercées, sa chevelure d’un brun intense me font
l’effet d’une balade automnale en voiture un jour de pluie à
Yosemite.
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- Non, ça c’est Mary. Jenny, c’est celle qui louche un
peu.
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d’abord de nouveaux clients ! Et dis leur qu’on y mange le
meilleur chilli de la côte Ouest !”
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II
SOIR
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éviter qu’elle accouche d’un fils qui sauvera le monde d’un
holocauste nucléaire orchestré par des machines ?
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ressemblant lui-même trait pour trait à tous ces pavillons d’un
étage s’étendant à perte de vue dans le South Los Angeles.
Des blocs de béton qui vont du blanc à l’ocre, longeant les
rues et avenues, qui tentent de se frayer un chemin au milieu
des poteaux électriques aux fils pendouillants jusqu’au sol et
des panneaux publicitaires.
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présence. Jusqu’à ce que ma rétine croise le regard d’une jolie
rousse qui sort juste des toilettes. Un petit shot de tequila
avant d’aller la voir et lui sortir mon baratin à base de
répliques du Flic de Beverly Hills et de l’Arme Fatale.
Charmée par l’humour et la tendresse qui se cache sous le
blouson de cuir, la jolie rousse acceptera une promenade le
long de la plage avec le beau Johnny. Les tourtereaux finiront
par échanger leur fluide dans une étendue de sable fin aux cris
des orgasmes assourdissants de la jolie rousse qui réveilleront
tous les poissons de l’Océan Pacifique jusqu’à l’arrivée des
premiers joggeurs. A ce moment-là, tu me rangeras ton
sourire narquois et tu fermeras bien ta gueule Steve McQueen
de mes deux.
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- Je mets mes pieds où je veux Ernesto... Et c’est
souvent dans la gueule.
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non pas comme un vendeur ou un commerçant, mais comme
un programmateur. Mais au lieu de programmer un cinéma, il
programme un vidéo-club.
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que leur note augmente ou non. Les films sont rangés par
genre dans une vaste pièce. Sur chaque cassette apparaît la
note d’Ernesto et celle des spectateurs, qui est recalculée
chaque mois.
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puritains qu’Hulk Hogan puisse trôner fièrement aux côtés
d’Orson Welles et Stanley Kubrick.
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“Qu’est ce qui te ferait plaisir Johnny, dis-moi tout ?
- Vu et revu.
- De la vermine asiatique ?
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- Tu n’es pas un client facile... Mais je pense avoir ce
qu’il te faut. Regarde-moi ça un peu. Le justicier de
New-York. De Michael Winner sorti en 85. Je te fais le pitch
vite fait. Charles Bronson débarque à New-York pour
rejoindre un copain. Là-bas il découvre une ville gangrénée
par des jeunes punks dégénérés et violents qui terrorisent les
retraités et les honnêtes citoyens en les rackettant. Quand en
plus un de ces jeunes délinquants bute son copain, Charles
Bronson sort de sa retraite pour se débarrasser à la sulfateuse
de tous les punks et autres jeunes racailles de New York. C’est
bourrin, vulgaire, racoleur et complètement idiot. C’est du très
très haut niveau de série Z d’action. Je te le conseille les yeux
fermés.
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promener quelques minutes dans les rayons du vidéo-club
pour m’imprégner de l’atmosphère cinégénique si agréable
que dégage ce lieu. Et aussi, un peu, pour savoir quel parfum
met la brune fatale de la porte d’entrée. Je la retrouve un peu
plus loin du côté des comédies dramatiques. Ses yeux, merde
alors. Deux micro-océans d’un bleu turquoise parfait.
J’aimerais qu’elle me regarde comme elle est en train de
regarder la cassette qu’elle tient dans les mains en ce moment.
Avec ce regard pareil à un lagon dans lequel je voudrais
plonger et me noyer afin de demeurer dans ses profondeurs
pour l’éternité. Elle pourrait avoir un décolleté plongeant sur
son 85D, se balader en string ou porter un t-shirt “George
Bush for President”, mon regard serait automatiquement
aimanté en direction de ses yeux qui rendent invisible le reste
du monde.
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culture. Mais parce qu’ils savent qu’ils sont beaux, cools,
sportifs et qu’ils ont de la culture.
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- J’aimerais qu’on ne revienne pas trop sur cet
épisode malheureux. J’avais rarement séduit une femme aussi
magnifique et il fallait que ce soit un homme…
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heures perdues. Ça permet de forcer le respect d’autrui assez
naturellement.
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lèvres faisant palpiter mon coeur à la vitesse de Carl Lewis,
Ernesto déboule depuis la pièce de tous les interdits pour
s’exclamer avec une voix contenant de trop nombreux
décibels : “J’ai bourré sa chatte et pourtant elle miaule
encore, regarde-moi un peu ça Johnny !!”
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poliment que prestement cette situation. Comprenant sa
boulette, il tente de rattraper la situation comme il peut.
“Madame, je peux vous renseigner peut-être ?”
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- T’es tombé amoureux pendant que j’avais le dos
tourné c’est ça ?
- Oui.
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“Je jetterai bien deux yeux même.
- Et dans sa chatte ?
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- Un peu comme une meuf qui s‘appelle Rebecca et
qui se trouve être intelligente.
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- Ça me touche sincèrement ce que tu me dis Ernesto,
mais je me disais un truc pendant que tu me parlais. Tu
regardes plein de pornos j’imagine pour ton métier ?
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- J’ai pas de quoi m’en vanter. Et puis tu ne me l’as
jamais demandé. Tu as quand même tendance à beaucoup
parler de toi Johnny.
- Une triple.
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- Ecoute Ernesto, je pense qu’on devrait aller boire un
verre à l’occasion pour faire le point car j’ai entendu trop
d’informations ces cinq dernières minutes que je ne pensais
pas entendre un jour dans ma vie. Je connais justement un
petit restaurant où on sert d’excellentes tartes aux citrons. Ce
sera l’occasion de faire les présentations avec ta Saturn Girl.
Qui s’appelle comment déjà ?
- Johnny…
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- Je vais te payer maintenant, ce sera fait.”
- De quoi ?
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manoir. Elle ne peut donc compter que sur moi. Je cours et je
change mentalement mon costume de Johnny fuck the world
pour enfiler celui de Johnny save the world façon Clark Kent.
Je remonte rapidement la rue vers l’est sur quelques mètres
avant d’arriver au croisement d’une ruelle sombre. Là,
j’aperçois dans l’obscurité deux silhouettes d’hommes
s’attaquant à une femme et son sac à main. Elle tente de se
débattre comme elle peut.
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un des deux agresseurs. C’est un latino. J’ai pas envie de dire
“encore un latino” mais je suis pas loin de le penser.
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Deux options s’offrent à moi dorénavant.
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j’imagine châtains aux mille nuances de blonds, collent à son
visage. Quelques traces de maquillage ruissellent sur sa peau.
Nos regards aimantés durent une ou deux secondes à peine.
Mais ces secondes semblent venir d’un autre espace-temps où
ces dernières durent des heures. Son regard s’échappe vers
son sac à main, pendouillant à l’épaule de Carlos, plus petit,
plus nerveux mais pas moins costaud. Je comprends qu’elle
souhaite se saisir de quelque chose dedans. Je comprends qu’il
s’en faut de peu pour qu’elle l’atteigne. Je comprends qu’un
léger relâchement et un peu d'inattention de son agresseur
suffirait pour réaliser son coup. Je lui rends un clin d'œil et un
quart de sourire pour lui signifier que j’ai compris. Je pense
qu’elle a compris que j’ai compris. Mon but est donc de
distraire les deux connards pour que leur attention se porte sur
moi. Tout en évitant de me faire péter la gueule. Une fois
qu'elle aura pu choper ce qu’elle a à choper, la suite des
événements est entre les mains de Dieu. Mais le début est
entre les miennes.
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vanne de merde dont il semble particulièrement fier même si
le monde entier l’a faite avant lui. Montre ton insigne !
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manière soudaine mon majeur droit de mon falzar que je
brandis bien haut en leur direction en hurlant le couinement de
Bruce Lee. Surpris, José sursautent légèrement permettant à la
jeune femme de plonger la main dans une poche de son sac
porté par Carlos décontenancé face à la scène à laquelle il
vient d’assister. Elle en sort une petite bombe lacrymo et
balance une bonne soufflée de gaz au visage de José et Carlos.
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Pars ma belle pendant qu’ils sont tous les deux sur
moi. Enfuis-toi de cette ruelle dégueulasse où ne résident que
l’obscurité et le désespoir. Tout ira bien pour moi. Je vais me
relever. Je vais enlever mon pull et je vais me bagarrer en
débardeur. Dans quelques années, on se recroisera peut-être au
détour d’une rue. Un endroit plus chouette que cette ruelle de
malheur. Peut-être à Mulholland Drive au crépuscule d’une
nuit d’été. Et tous les deux assis sur un banc, face au soleil
orange se couchant sur la vallée de San Fernando, je te
raconterai la fin de l’histoire. Une happy end qui m’a valu une
cicatrice à l’arcade et quelques contusions. Mais une happy
end qui a surtout donné du fil à retordre à quelques
chirurgiens lorsqu’ils ont vu arriver dans leur bloc opératoire
deux latinos avec la gueule façon Elephant Man. Tu n’as pas
eu le temps de me dire merci ce soir-là. Et tu n’auras jamais
besoin de le faire.
Chiotte.
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Cette réplique ne peut être prononcée que par une
seule personne dans cette ville. Mais non... Ce n'est pas
possible. Je ne peux pas y croire. Notre samaritain s’approche
doucement de nous et son fusil pointe le bout de son canon
lorsqu’il passe sous le seul réverbère de la ruelle à peu près en
état de fonctionnement. Alors que j’essaye difficilement de
me mettre à quatre pattes, le visage de l’homme émerge de
l’obscurité et... Bon dieu de merde, c’est bien lui ! Le gars qui
est en train de braquer les deux connards avec son fusil c’est
Ernesto ! Il a troqué son allure de gros geek jouant au sabre
laser en plastique pour celui de shérif d’une obscure contrée
du Texas pour qui la justice se résume à une balle de
Winchester entre les deux yeux. Je donne pas trois secondes à
José et Carlos avant de décamper comme des fiottes. Le temps
de me relever, les méchants sont déjà probablement à West
Hollywood.
“Delta Force ?
- Invasion USA.
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- Je te jure devant Dieu que je transmettrai ta légende
à toute ma descendance.
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- Je n’ai presque rien, juste de quoi impressionner les
collègues lundi matin avec une drôle d’histoire. Venez-avec
moi, on va s’abriter dans ma voiture.”
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seule soirée. Il faut que j’intervienne avant que la première
larme coule le long de sa joue.
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des gens n’aurait même pas tourné le regard. J’ai entièrement
confiance en vous.
- M. Jonathan Kowalski ?
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III
NUIT
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vulgaires, férus de paris sportifs et qui bichonnent leur voiture
plus que leur femme. On est que 90 % à être comme ça.”
- Une femme ?
- Un quoi ?
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quelqu’un qui séduit de nombreuses femmes et qui a le
pouvoir de les charmer.
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l’américain moyen était un indien. A moins d’être un
professeur d’histoire ou de littérature.”
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Je l’imagine bien à l’époque au lycée dans son Kansas
natal. En douce et innocente écolière rêveuse se promenant
d’une démarche gracieusement maladroite avec ses livres à la
main et sa robe à la Mary Ingalls sur les épaules. Elle devait
détonner au milieu des culs terreux alcooliques du Midwest et
des pétasses à gloss qui vendraient leur mère pour se taper le
capitaine de l’équipe de football. La plus belle des roses au
milieu des belles roses n’est jamais aussi belle que la simple
rose au milieu des orties.
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- Hmmm... Y aura des chevaliers ?
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“A votre gauche chère madame, vous pouvez admirer
l’Hyperion Sewage, une des plus grandes stations d’épuration
au monde. On les appelle aussi les chiottes de Los Angeles.
“Bienvenue à Manhattan !”
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“Manhattan à Los Angeles... Vous voyez... ? Parce
qu’en fait le nom de la ville là c’est Manhattan Beach...
C’est... Enfin, vous voyez... vous trouvez pas ça marrant ?
- Vous n’êtes pas obligé de faire rire les gens pour les
impressionner.
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- Vous habitez vraiment au bord de la plage ?,
demande Felicity, alors qu’elle contemple les immenses
appartements vitrés le long d'Ocean Drive aux balcons plus
grands que des jardins.
- Oui madame.
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“Je crois qu’il n’y a que lorsque j’ai visité les
châteaux de la Loire en France que j’ai été plus
impressionnée. Mais, vous avez le droit d’être installé ici ?
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En échange, je dois tolérer les surfeurs, verser un don
mensuel aux forces de l’ordre en guise de loyer et rendre
quelques services à la municipalité. Les petits arrangements
sont une tradition séculaire dans la Cité des anges. Une
institution incorruptible est une institution malade à Los
Angeles.
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parure de lit, c’est donc un coup de désodorisant magique qui
fera office de draps lavés.
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“Est-ce que vous me permettez de prendre une douche
?” demande Felicity.
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street de la tenue des Lakers lui donne un charme terrible.
Pour la première fois de la soirée en la regardant, je pense
avec ma queue plus qu’avec mon cerveau. Je retrouve enfin la
raison.
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cinéma avec Stallone et Schwarzy pour ange-gardiens. Ils
vont réserver un bel accueil au nouveau venu, ce canardeur
fou de Charles Bronson.
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“Mais qu’il est mignon ! A-t-il un prénom ?
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C’est pire qu’une grosse colère. J’aurais préféré une
insulte. Un bon vieux “Tu me prends pour une conne espèce
de petite merde ?”. Là, elle touche la corde sensible. Ça me
fait la même impression que si je décevais ma mère si j’avais
eu une mère à qui ça m’aurait fait de la peine de la décevoir.
Je me sens idiot d’avoir tenté ce genre de stratagème d’ado
puceau avec une telle dame. Je n’ai pas d’autre choix que de
m’excuser avec les yeux mouillés de pleurs, comme le jour où
j’avais cassé le vase familiale et que j’avais réalisé une copie
en pâte à modeler pour le remplacer.
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que vous vous sentiez honteux de ne pas pouvoir me faire le
résumé d’un roman victorien. Je n’ai même pas vu Star Wars,
comment pourrais-je décemment me moquer de vous ? Et
pour une raison que j’ignore, tous les hommes que je connais
ayant lu Orgueil et Préjugés sont assez ennuyeux. C’est
peut-être un mal pour un bien dans ce cas !
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dans la pièce, presque sur la pointe des pieds, comme l’enfant
qui ouvre la porte de la chambre de ses parents parce qu’il
souhaite dormir avec eux lors d’une nuit de cauchemars. C’est
au bord du chuchotement qu’elle me dit avoir du mal à
trouver sommeil et me demande si elle peut venir regarder le
film en ma compagnie.
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- C’est en quelque sorte un chevalier du XXe siècle.
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- Vous l’avez aimé dans Bloodsport, vous l’adorerez
dans Kickboxer. Son prochain film Double Impact sort cet été
au cinéma. Et c’est moi qui offre le pop-corn.
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- Pas de soucis. Alors je vous dis bonne n...
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“Dois-je accomplir l’acte de chair avec cette femme
gros chat ?”
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“Tu penses que je devrais arrêter de me poser des
questions à la con pas vrai ?”
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dirige pas vers le meuble à cassette mais vers la porte de ma
chambre.
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fois, le stress de comment mettre sa capote et la peur de
décharger en moins de trente secondes en moins.
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coincé sous le corps de Felicity, je me retrouve gauche de ce
bras droit que je ne sais pas où mettre.
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“Est-ce que vous aimez votre vie ici ?, me demande
t-elle passant d’un sujet à l’autre sans faire l’effort d’une
transition.
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et vous l’aurez oublié dans deux jours. Mais pour moi... J’ai
l’impression que ça remet en cause toute ma petite existence
et mon monde vacille. Je vous avoue que ça me trouble
énormément. Je n’ai pas arrêté d’y penser en allant me
coucher.
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bénie des dieux, gardée par les anges. Mais le diable,
contrarié par ce paradis terrestre, décida d’y mettre un terme.
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battante, l'étincelante guerrière terrassa ses ennemis au terme
d’un combat épique. Ainsi, la lumière s’invita là où
l’obscurité régnait depuis la nuit des temps. Les lampadaires
chancelants devinrent des étoiles scintillantes, les chevaliers
des ombres devinrent de blanches colombes qui s’envolèrent
dans le ciel éclairci. L’humanité revint dans le cœur des
hommes.
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de son existence ? Que le sens de la vie émane d’une
construction mentale de ses actes ?
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qu’elle soit profondément endormie. Je libère mon bras
agonisant sous ses côtes. Je me redresse aussi délicatement
que possible pour épargner à ma nuque les souffrances d’une
torsion continue. J’essaye enfin de me dégager sans réveiller
la dame. Difficilement, je me saisis de l’oreiller à ma droite au
bout du lit. J’essaye maintenant de réitérer la scène d’Indiana
Jones en tentant de remplacer méticuleusement mon pectoral
gauche par l’oreiller, sans qu’elle ne se rende compte de rien.
L’opération est plus bouchère que chirurgicale mais Felicity
ne s’est miraculeusement pas réveillée.
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elle doit se terminer. Finalement, toutes les belles nuits sans
baiser ne se déroulent pas qu’à Noël.
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IV
MATIN
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- Rien ne pourra me choquer. Excepté si j’apprends
que vous avez lu plus que la quatrième de couverture d’un
livre d’Emily Brontë.
- Me voilà rassuré.”
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connu derrière son guichet. Le nombre de fois où j’ai vu ses
jambes doit se compter sur les doigts de la main. Je lui ai déjà
demandé plusieurs fois, “Jerry, tu t’emmerdes pas derrière ton
comptoir toute la journée ? Tu veux pas être flic sur le terrain
pour aller flinguer des voyous ?” Sauf que le sang il aime pas
ça, l’autorité il en a pas spécialement, et porter une arme à sa
ceinture ne lui file pas plus d’une demi-molle.
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“Oh Johnny, j’ai enfin pu regarder ta cassette. J’ai dû
négocier un moment avec ma femme mais j’ai fini par avoir
l’autorisation.
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A peine ai-je pointé le bout de ma basket que le sergent
Howard gueule mon nom, provoquant les sifflets et les
applaudissements de tout le poulailler lors de mon apparition.
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- Je vous raconterai plus tard.”
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“Je t’écoute. J’aimerais bien savoir ce qui t’amène ici
aux heures de la messe.
- Tu as joué au héros ?
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d’une police forte et veillant à la sécurité de ses concitoyens
en envoyant ces deux voyous derrière les barreaux.
- Tu es le seul témoin ?
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même temps que les yeux en même temps que le ton. C’est à
mon tour de finir enfin par répondre à sa question.
- C’est tout ?
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quelques médailles du mérite. Oncle Sam pourrait porter un
costume mais il préfère porter son uniforme pour, dit-il,
montrer qu’il reste proche de ses hommes. Il a ajouté aussi
que le point commun entre tous les flics corrompus, c’est
qu’ils portent des costards.
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- Ça me fait chier Oncle Sam. J’ai bossé comme un
connard cette semaine et j’ai déjà fait deux extras. Hier soir,
j'ai commencé mon weekend en me faisant défoncer la gueule
au clair de lune. J’ai bien mérité un peu de repos non ? En
plus, j’ai promis à Felicity d’assister à sa conférence sur le
Moyen-Âge cet après-midi. Donc, qu’il aille aux putes ou
qu’il aille au diable Ransom de mes burnes.”
- Dis-moi tout.”
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Oncle Sam me tend le papier qu’il était occupé à
griffonner tout à l’heure. Dessus est indiqué l’adresse de la
fille à aller chercher. Ce n’est plus la même adresse que la
dernière fois.
- Laquelle ?
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- Entendu. Je peux t'emprunter le téléphone ?”
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une mission pour améliorer l’humanité... L’insigne du policier
est sur le cœur et ce n’est pas par hasard…”
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Cette histoire me rend tellement faillible à la vanne
que mon talon d’Achille devient un bouclier. Dans ces cas
d’extrême vulnérabilité, il est nécessaire d’adopter une
posture d’apaisement.
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- Ouais Brandon, dis-je, t’es notamment occupé à
trouver le clebs qui chie partout sur la plage depuis plusieurs
semaines. Je pense que tu devrais mener ton enquête du côté
du caniche de Mme. Baker. Un vrai baiseur de mollet et un
chieur fou en puissance si tu veux mon avis. Mais je laisse la
police faire son travail. La population de Manhattan Beach
compte sur toi.
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chercher d’ici une petite demi-heure ici. Vous devriez arriver à
temps à la fac. Le Chef Dotson s’occupe de tout en ce qui
concerne les papiers et l’avion.
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Un ultime sourire de part et d’autre met fin à ces
adieux. Je me retourne pour emprunter le tapis rouge invisible
qui me reconduit à la réalité. Je sors du commissariat sous les
insultes et les mauvaises imitations de gays d’une
demi-douzaine de flics. Dans ma tête, tout ce cirque est
semblable à des ovations et une pluie de confettis qui
m’honorent.
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