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Môshê b.

Maymûn (Maimonides), Epître au Yemen (I), 1172

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Ceci est le texte de l’épître de R. Môshê b. Maymûn, Rabbin et Dayyan de bienheureuse mémoire, en
réponse à une lettre de R. Ya‘qôb al-Yamanî

A l’honoré, Grand et Saint Maître et Professeur, Ya‘qûb, sage et génial, cher et vénéré, fils de l’honoré Grand
et Saint Maître et Professeur, Nathâni’îl al-Fayyûmî, le distingué Prince du Yémen, le Capitaine de ses
congrégations, le Guide de ses communautés, que l’esprit de Dieu repose sur lui, et sur tous ses associés et
tous les chercheurs des communautés du Yémen. Que le Seigneur les garde et les protège. D’un ami
affectueux qui ne le vit jamais, mais ne le connaît que de réputation, Môshê b. Maymûn b. Yôsef b. Ishâq
b. ‘Obadiya de bienheureuse mémoire.

Tout comme les plantes témoignent de l’existence de réelles racines, et comme les eaux sont la preuve de
l’excellence des sources, ainsi une ferme pousse s’est développée à partir des racines de la vérité et de la
justice, et un grand fleuve a jailli de la source de la miséricorde dans la terres du Yémen, pour abreuver avec
celle-ci tous les jardins et faire fleurir toutes les fleurs.

Il coule doucement pour satisfaire les besoins de la fatigue et de la soif dans les lieux arides, et les voyageurs
et les gens des îles de la mer satisfont par lui leurs besoins.

Par conséquent, il fut proclamé de l’Espagne à la Babylonie, d’un bout à l’autre des Cieux :

« Ô, vous tous qui avez soif, venez à l’eau » (Isaïe, 55,1)

Les Gens des Affaires et du Négoce déclarèrent à l’unanimité à tous qu’ils trouvèrent dans la terre du Yémen
une belle et charmante plantation, et un pâturage riche en fidèles bergers, où chaque maigre s’épaissira vite.

Ils renforcent les indigents avec du pain et saluent l’opulent avec hospitalité et générosité, même les caravanes
des Sabéens se réjouissent de leur générosité. Leurs mains sont tendues vers tous les passants, et leurs maisons
sont grandes ouvertes à tous les voyageurs.
Avec eux tous trouvent la tranquillité ; douleurs et les gémissements s’enfuient. Ils étudient en permanence
la Loi de Moïse, et marchent dans la voie de R. Ashi, promeuvent la justice, réparent les violations, défendent
les principes de la Torah, ramènent les errants à Dieu par des paroles encourageantes, observent
ponctuellement les cérémonies religieuses dans leurs communautés ; « il n’y a eu nulle violation, nulle
innovation, et nul scandale dans les larges lieux » (Psaumes 144:14).

Béni soit le Seigneur qui souffrit que les Judéens restent dans l’observance de la Torah et obéissent à ses
injonctions dans les péninsules les plus éloignées, comme nous en fûmes aimablement assuré par Ésaïe, son
serviteur, car c’est vous le peuple du Yémen dont il fit mention alors qu’il prophétisait : « De l’extrémité de
la terre nous entendons chanter » (24:16)

Quand nous sommes partis de l’Occident (Maghreb) pour voir la douceur du Seigneur et visiter son lieu saint,
nous avons appris que votre père s’en est allé à son repos éternel. Que Dieu lui accorde Sa justice et que Sa
bonté soit sur lui. Puisse-t-Il l’entrer vers la paix et la reposer sur son lit. Puisse-t-Il lui envoyer les Anges de
la Miséricorde. Puisse-t-il se reposer et se lever pour sa récompense à la fin des jours.

Tel est le signe, ami bien-aimé, qui a plu à Dieu pour les actions de ton père, et qu’il récompensera
doublement, et qu’il lui accordera la paix. Car toi, son fils, accrut à sa place dans la promotion de la religion
et du respect, dans la promotion de la justice et de la droiture, d’obéir à ses préceptes et lois, et à respecter
son alliance. Que le Seigneur, ton Dieu soit avec toi comme il était avec tes pères. Puisse-t-Il ne jamais
t’abandonner, ni toi l’abandonner.

Puisse-t-il te donner une large intelligence afin de juger son peuple. Puissent ses paroles ne jamais s’éloigner
de ta bouche, ni de la bouche de ta semence comme il est écrit (Isaïe 59:10).

Puisses-tu succéder à ton père comme chef de ton peuple, et Veuille Dieu veuille que ta gloire soit plus grande
encore que la sienne.

Lorsque ta communication atteignit l’Egypte, cher ami bien-aimé, mes oreilles furent heureuses de l’entendre
lire, et la simple vue de celle-ci fut un régal pour les yeux.

Elle révèle que tu étais l’un des ministres du Seigneur qui réside dans Sa Gloire, et se situe à son niveau, que
tu poursuis l’étude de la Torah, aimes ses lois, et surveille à ses portes.

Que le Seigneur te divulgue ses secrets, et te charge abondamment de la connaissance de ses trésors, qu’il
fasse de sa couronne ta couronne de Guide, qu’il place son collier sur ton cou, et puissent ses mots être une
lampe à tes pieds, et une lumière à ton chemin, et à travers eux puisses-tu devenir célèbre.

« Quand tous les peuples de la terre verront que le nom du Seigneur est sur toi ils te
craindront. » (Deutéronome, 28, 10).

Tu écris dans ta lettre, mon cher ami, un rapport que certains de nos coreligionnaires de la diaspora, puisse le
Seigneur les conserver et les protéger, me louent et me vantent très fortement et me comparent à l’illustre
Geonim. Mais ils parlèrent ainsi à mon propos par simple tendresse pour moi, et écrirent à mon propos par
pure bonté. Toutefois, écoute une parole dite par moi, et ne prête nulle attention aux paroles des autres.
En vérité, je ne suis qu’un des plus humbles chercheurs de l’Espagne dont le prestige s’est réduit en exil. Bien
que j’étudie toujours les ordonnances du Seigneur, je n’ai pas atteint la Science de mes ancêtres, car les
mauvais jours et les temps difficiles nous rattrapèrent, nous ne demeurons pas en toute tranquillité. Nous nous
épuisons et n’avons nul repos. Comment pourrions-nous étudier le droit quand nous sommes exilés de ville
en ville, et d’un pays à l’autre.

J’ai poursuivi les moissonneurs dans leur tâche et j’ai rassemblé des muids de grain, aussi bien les riches et
abondants, que les flétris et minces. Ce n’est que récemment que j’ai trouvé une maison. S’il n’y avait l’aide
de Dieu, je n’aurais pas récolté le grenier que j’ai fait et duquel je puise sans cesse.

En outre, tu écris dans ta lettre que notre ami et disciple, R. Solomon, un prêtre princier, et spécialiste de
l’Intelligence, est abondant à me gratifier, et prodigue à me louer. Mais la vérité est de dire qu’il s’est livré à
des hyperboles en raison de son affection pour moi, et a exagéré en raison de ses tendres sentiments pour
moi. Que le Seigneur le garde, et puisse-t-il être comme une vigne en fleurs, et puisse-t-il nous revenir sain
et sauf.

Comme pour les autres questions auxquelles tu as demandé une réponse, j’ai jugé préférable de répondre dans
la langue et l’idiome arabe. Afin qu’alors tous puissent lire avec facilité, hommes, femmes et enfants, car il
est important que la substance de notre réponse soit tout à fait comprise par tous les membres de ta
communauté.

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Tu écris que le chef des rebelles au Yémen a décrété l’apostasie obligatoire pour les Judéens en forçant
les habitants Judéens en tous les lieux qu’il avait soumis à déserter la religion judaïque tout comme les
Berbères les avaient contraint à faire au Maghreb.

En vérité, ces nouvelles ont brisé le dos et consterné et abasourdi l’ensemble de notre communauté. Et à juste
titre. Car ce sont de mauvaises nouvelles « et quiconque entendra d’eux, ses deux oreilles frissonneront » (I
Samuel 3:11).

En effet, nos cœurs sont affaiblis, nos esprits sont confus, et les pouvoirs du corps sont atrophiés en raison
des terribles malheurs qui ont amenés sur nous les persécutions aux deux extrémités du monde, l’Orient et
l’Occident, « de sorte que les ennemis étaient au milieu d’Israël, de ce côté, et certains autres de ce côté »
(Josué 08:22).
Le prophète en apprenant ces durs et terribles moments pria et intercéda en notre nom, comme nous le lisons
:

« Alors, dis-je, Seigneur Dieu, cesse, je t’en supplie : comment Jacob doit-il se dresser, alors qu’il est
petit » (Amos 7:05).

En effet, c’est un sujet qui l’homme religieux n’ose prendre à la légère, ni celui qui croit en Moïse ne met de
côté. Il ne fait aucun doute que ce sont les affres messianiques à propos desquels les sages invoquèrent Dieu
de les épargner, que nous voyons et vivons. De même, les prophètes tremblaient quand ils l’envisageaient
comme nous l’apprennent les paroles d’Isaïe :
« Mon cœur soupire, la peur m’effraie, le crépuscule que j’ai souhaité s’est changé pour moi en
tremblement » (21:04).

Notez également l’exclamation divine de la Torah exprimant sa sympathie pour ceux qui vont en faire
l’expérience, comme nous le lisons :

« Hélas ! Qui pourra vivre lorsque Dieu fait ceci ! » (Nombres 24:23).

Vous écrivez que les cœurs de certaines personnes se sont détournés, l’incertitude leur arrive et leurs
croyances sont affaiblis, tandis que d’autres n’ont pas perdu la foi, ni ne sont devenus inquiets. A ce sujet,
nous avons une prémonition divine par Daniel qui avait prédit que le séjour prolongé d’Israël dans la diaspora,
et les persécutions continues causera beaucoup de dérive loin de notre foi, aux doutes, ou à l’égarement, car
ils ont vu notre faiblesse, et ont noté le triomphe de nos adversaires et leur domination sur nous, alors que
d’autres n’oscillent nullement dans leur croyance, ni ne sont ébranlés dans leurs convictions.

Cela ressort du verset :

« Plusieurs seront purifiés, se feront blanc, et s’affineront, mais les méchants feront le mal et aucun des
méchants ne comprendra, mais ceux qui sont sages comprendront » (Daniel 12:10).

Plus loin, il prédit que même les hommes de la compréhension et de l’intelligence qui auront souffert des
malheurs plus doux et seront restés fermes dans leur croyance en Dieu et en Moïse, son Serviteur, céderont à
la méfiance et se tromperont, quand ils seront visités par de plus sévères affections, tandis que seuls quelques-
uns resteront purs dans la Foi, ainsi que nous lisons :

« Et certains de ceux qui sont sages trébucheront » (Daniel 11:35).

Et maintenant, mes coreligionnaires, il est essentiel pour vous tous d’accorder attention et
considération à ce que je vais vous faire remarquer.
Vous devez l’imprimer sur les esprits de vos femmes et de vos enfants, afin que leur foi ne puisse s’affaiblir
et s’altérer, puisse être renforcée, et qu’elle se rétablisse dans une croyance ininterrompue. Que le Seigneur
délivre, nous et vous, du doute religieux !

Rappelez-vous, que la Nôtre est la religion divine vraie et authentique, révélée à Nous à travers Moïse, le
maître des anciens et aussi des derniers prophètes, au moyen duquel Dieu nous distingua du reste de
l’humanité, comme le dit l’Ecriture :

« Seul le Seigneur donna la joie à tes pères de les aimer et il choisit leur postérité après eux, même vous, sur
tous les peuples » (Deutéronome 10:15).

Ce n’est pas arrivé à cause de nos mérites, mais plutôt comme un acte de la grâce divine, et pour le compte
de nos ancêtres qui étaient conscients de Dieu et soumis à Lui, comme nous lisons :
« Le Seigneur n’a pas mis son amour sur vous et vous a choisi, car vous étiez plus nombreux que tous les
gens […]mais parce que le Seigneur vous aime, parce qu’il a voulu tenir le serment qu’il avait juré à vos
pères » (Deutéronome 07:07).

Dieu a fait que nous sommes uniques par ses lois et ses préceptes, et notre prééminence est manifeste dans
ses statuts et règlements, comme dit l’Ecriture, en citant la miséricorde de Dieu pour nous :

« Et quelle est la grande nation qui est là, que les lois et les ordonnances ont justes, comme toute cette loi
que je mets aujourd’hui devant vous ? » (Deutéronome 04:08).

Par conséquent, toutes les nations engagées par l’envie et l’impiété s’élevèrent contre nous, et tous les
rois de la terre motivés par l’injustice et la haine se sont appliqués à nous persécuter.
Ils voulaient affronter Dieu, mais il ne peut être affronté.

I :Jamais, depuis le temps de la Révélation, chaque despote ou esclave qui atteignit le pouvoir, qu’il soit
violent ou ignoble, a fait son premier objectif et son but final de détruire notre Loi, et à vicier notre Religion,
par le biais de l’épée, par la violence, ou par la force brutale, comme Amaliq, Sisra, Sennasherib,
Nabukhadnaççar, Titus, Hadrien, que leurs os soient broyés à la poussière, et aux autres qui sont comme
eux. C’est l’une des deux classes qui tentent de déjouer la volonté divine.

II : La deuxième catégorie se compose des plus intelligents et instruits parmi les nations, comme les Syriens,
les Perses et les Grecs. Ils s’efforcent aussi de démolir notre Loi et à la vicier par des arguments qu’ils
inventent, et par le biais de controverses qu’ils instituent. Ils cherchent à rendre la Loi inefficace et à effacer
toute trace de celle-ci au moyen de leurs écrits polémiques, comme les despotes envisagent de le faire avec
l’épée.

Mais ni l’un ni l’autre ne réussira !


Nous possédons l’assurance divine donnée à Isaïe concernant les tyrans qui souhaiteraient nuire à notre Loi
et l’anéantir par les armes de guerre, que le Seigneur les démolira afin qu’ils n’aient aucun effet. C’est
seulement une façon métaphorique de dire que ses efforts ne seront d’aucune utilité, et qu’il ne réalisera pas
son dessein. De la même manière à chaque fois qu’une partie tente par un différend de démontrer la fausseté
de notre Loi, le Seigneur brisera ses arguments et prouvera qu’ils sont absurdes, insoutenable et
inefficaces. Cette promesse divine est contenue dans le verset suivant :

« Toute arme forgée contre toi sera sans effet ; et toute langue qui s’élèvera contre toi et te jugera » (Isaïe
54:17).

Bien que les représentants des deux méthodes se persuadent qu’il s’agit d’une structure qui peut être démoli,
et qu’elles se dépensent à saper ses fondements bien établis, ils accroissent seulement leur douleur de
labeur. La structure reste aussi fermement planté que jamais, tandis que le Dieu de Vérité les moque et les
tourne en dérision, parce qu’ils s’efforcent, avec leur faible intelligence, à atteindre un objectif qui est au-delà
des pouvoirs de l’homme mortel.

L’écrivain inspiré décrit leur tentative et le mépris de Dieu pour eux dans les versets suivants :
« Brisons leurs liens, rejetons au loin leurs paroles, Celui qui siège dans les cieux rit, le Seigneur les tient en
dérision » (Psaumes 2:3-4).

Ces deux partis nous harcelèrent et affligèrent sans cesse tout au long de notre indépendance politique, et en
partie au cours de la période de notre dispersion.

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Après cela, il y eut une nouvelle secte qui combinait les deux méthodes, à savoir, la conquête et la controverse,
en une seul, parce qu’elle estimait que cette procédure serait plus efficace à effacer toute trace du Peuple
Judéen et de la Religion.

Elle résolut donc de prétendre à la prophétie et de fonder une nouvelle foi, contraire à notre religion divine,
et de prétendre qu’elle a également été donnée par Dieu. Ainsi, elle espérait susciter des doutes et créer une
confusion, car elle était opposée à l’autre et les deux émanaient d’une source supposée divine, ce qui
conduirait à la destruction des deux religions.

Car tel est le plan remarquable arrangé par un homme jaloux et querelleur.

Il s’efforcera de tuer son ennemi et de sauver sa propre vie, mais quand il constate qu’il est impossible
d’atteindre son objectif, il mettra au point un système en vertu duquel tous deux seront tués.

Le premier à avoir adopté ce plan était Jésus de Nazareth, que ses os soient broyés en poussière. Il était Judéen
parce que sa mère était Judéenne, bien que son père fut Etranger. En conformité avec les principes de notre
Loi, un enfant né d’une Judéenne et d’un Etranger, ou d’une Judéenne et d’un Esclave, est légitime. (Yebamot
45a).

Jésus est seulement appelé, au sens figuré, un enfant illégitime. Il poussait les gens à croire qu’il était un
prophète envoyé par Dieu pour clarifier les perplexités de la Torah, et qu’il était le Messie qui avait été prédit
par chaque Visionnaire. Il interpréta la Torah et ses préceptes de telle façon à conduire à leur annulation
totale, à la suppression de tous ses commandements et à la violation de ses interdits. Les sages, de
bienheureuse mémoire, ayant pris conscience de ses plans avant que sa réputation ne s’étendit parmi notre
peuple, lui infligèrent une punition méritée.

Daniel avait déjà fait allusion à lui quand il annonçait la chute d’un méchant et d’un hérétique parmi les
Judéens qui s’efforcerait de détruire la loi, revendiquant la prophétie pour lui-même, prétextant des miracles,
et affirmant être le Messie, comme il est écrit :

« De plus, les enfants de l’impudent parmi ton peuple braveront la revendication de prophétie, mais ils
tomberont » (Daniel 11:14).

Un certain temps après, une Religion est apparu dont les enfants de ‘Esaw (Esaü) lui attribuent l’origine, alors
que ce n’était pas l’intention de cette personne d’établir une nouvelle Foi. Car il était inoffensif pour Israël,
nul individu, nul groupe n’a été déstabilisé dans ses croyances à cause de lui, car ses incohérences étaient
tellement transparentes à tous. Enfin, il fut maîtrisé et nous y mîmes un terme lorsqu’il tomba entre nos mains,
et son sort est bien connu.

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