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Rennes
Les indépendances en Afrique | Odile Goerg, Jean-Luc Mart ineau, Didier Nat ivel
Introduction générale
Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel
p. 13-29
Texte intégral
1 La proclamation de l’indépendance du Ghana en mars 1957 inaugure l’ère des
« soleils des indépendances1 » en Afrique subsaharienne ; elle est suivie par celle
de la Guinée française l’année suivante. Pourtant, c’est en 1960 que la majorité des
pays africains devinrent souverains : du Congo au Nigeria, du Togo à la Somalie
en passant par Madagascar. D’autres pays ne sortirent que plus tard de l’ère
coloniale : les territoires sous contrôle portugais, le Zimbabwe ou la Namibie (voir
les cartes p. 30 et la chronologie indicative, p. 33). Les indépendances des années
1960 ouvrent tous les possibles : années de promesses et d’optimisme mais aussi
années de tensions, d’ambiguïtés et de complexités, années porteuses de conflits à
venir. Pour de nombreux pays du continent, 2010 a été une année d’importantes
commémorations et célébrations autant en Afrique même qu’en dehors du
continent, en particulier en France2. C’était donc l’occasion pour les chercheurs en
sciences sociales et humaines de faire un retour sur l’événement non seulement
pour analyser ce qu’il fut et comment il fut perçu en 1960, mais aussi pour
prendre la mesure de l’impact des commémorations ultérieures de la
proclamation de la souveraineté.
2 Il convient tout d’abord de distinguer la célébration de l’indépendance elle-même
en 1958-1960 de ces commémorations. Les premières sont caractérisées par
plusieurs journées de fête, parfois décalées par rapport à la proclamation
juridique de la souveraineté. Dès 1960, en l’absence de consensus, ces célébrations
officielles peuvent rivaliser avec des festivités concurrentes. Ainsi l’anniversaire
des premières Républiques, membres de la Communauté française de 1958, se
révèle, au fil des articles, plus important dans le souvenir des colonisés que ne le
laissaient penser les travaux de recherches jusqu’à présent. Les secondes, qui
jalonnent les cinq décennies suivantes, sont également objets de débats à propos
de la date choisie, du contenu ou des lieux de commémoration. Le terme
« célébration » renvoie généralement aux fêtes de 1960, associées à la
proclamation même de l’indépendance mais il peut aussi désigner des
manifestations de joie associées aux anniversaires successifs : son sens n’est donc
pas strictement limité à la fête fondatrice. À travers célébrations et
commémorations, cet ouvrage veut saisir le jeu des acteurs dans toute sa
complexité et la polysémie des fêtes. Il souhaite interroger la date de 1960, fruit du
contexte international et de la conjoncture politique à court terme. 1960 s’est
ensuite chargée de mémoires et de significations dont certaines étaient enracinées
dans les passés des nouveaux États. Enfin cet ouvrage donne à plusieurs
chercheurs l’occasion de faire état d’un renouvellement des sources, d’une
relecture de documents connus et d’une contribution au champ de recherche sur
le fait mémoriel et patrimonial3.
Bibliographie
Sources et bibliographie
Sans être exhaustives, ces références visent à faire le point sur les publications
récentes concernant la thématique des mémoires et commémorations, soit de
manière générale, soit appliquées à l’Afrique, notamment à la faveur du jubilé de
2010 qui a suscité maintes publications. Nous avons conservé à chaque
contribution sa bibliographie, même si certains ouvrages peuvent être cités par
plusieurs auteurs, notamment lorsqu’ils traitent du même pays.
Sources
Divers fonds conservent des documents sur la période des indépendances : INA
(Institut National de l’Audiovisuel)22, BFC (British Film Institute)
(http://www.colonialfilm.org.uk/), projet Patrimoine d’Afrique centrale-Archives
films du musée de Tervuren.
À minuit, l’indépendance (67 minutes, 1961), reportage de Serge Ricci, sur les
cérémonies d’indépendance au Dahomey [Bénin], au Niger, en Haute-Volta
[Burkina-Faso] et en Côte d’Ivoire, en présence de Louis Jacquinot, ministre d’État
représentant de la France.
« 50 ans Congo. 1960-2010. Du pari perdu au chaos, debout » numéro hors série Le
Soir (Belgique), 2010.
Cinémémoire est une cinémathèque dont le fonds est constitué de films inédits. Née
de l’initiative du réalisateur Claude Bossion désirant trouver des archives
différentes de celles habituellement diffusés dans les documentaires historiques,
cette collection regroupe des films de famille et d’amateurs, ainsi que des films
issus de collections privées, de fonds municipaux et d’associations. Depuis sa
création en 1997, Cinémémoire a réuni une collection de presque 2000 heures
d’archives cinématographiques inédites de Marseille, de la région Provence-Alpes-
Côte-d’Azur (PACA), et des anciennes colonies françaises, des années 20 à nos
jours. Ces films, majoritairement muets, ont été tournés dans différents formats :
9,5 mm, 16 mm, 8 mm et super 8. Aujourd’hui, environ 900 heures d’images
peuvent être consultées sur son site internet : www.cinememoire.net
Amateurs d’indépendances
http://cinememoire.net/index.php/actualites/653-amateurs-dindependances
Bibliographie
Ageron Charles-Robert et Michel Marc (dir.) L’Afrique noire française : l’heure des
indépendances, Paris, CNRS éditions, 1992.
Ageron Charles-Robert et Michel Marc (dir.), L’ère des décolonisations. Actes du
colloque international « Décolonisations comparées », Aix-en-Provence 1993,
Paris, Karthala, 1995.
Almeida Topor (d’) Hélène, Naissance des États africains, Paris, Casterman-Giunit,
1996.
Almeida-Topor (d’) Hélène, « La ville magnifiée : les fêtes de l’Indépendance dans les
capitales africaines », in O. Goerg (éd.), Fêtes urbaines en Afrique. Espaces, identités
et pouvoirs, Paris, Karthala, 1999, p. 255-262.
Baussant Michèle, « Penser les mémoires », Ethnologie française, 2007/3, vol. 37,
p. 389-394.
Chafer Tony, The End of Empire in French West Africa. France’s Successful
Decolonization?, Oxford-New York, Berg, 2002.
Collins E. John, Highlife Time, Anansesem Press, Accra, 1994, 2e éd. 1996.
Cooper Frederick, L’Afrique depuis 1940, Paris, Payot, 2012 [1re éd. en anglais 2002].
Gaugue Anne, Les États africains et leurs musées. La mise en scène de la nation,
Paris, L’Harmattan, 1997.
Gayibor Théodore Nicoué (éd.) Cinquante ans d’indépendances en Afrique
subsaharienne et au Togo, L’Harmattan, 2012.
Goerg Odile (dir.), Fêtes urbaines en Afrique. Espaces, identités et pouvoirs, Paris,
Karthala, 1999.
Goerg Odile, Pauthier Céline et Diallo Abdoulaye (dir.), Le Non de la Guinée (1958).
Entre mythe, relecture historique et résonances contemporaines, Cahier Afrique, no
25, Paris, L’Harmattan, 2010.
H albwachs Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1994 (1re
éd. 1925).
L’Histoire, « La fin des colonies. Afrique, 1960 », no 350, février 2010.
Les Cahiers français, no 303 : « La mémoire, entre histoire et politique », 2001.
Mcgovern Mike, « The refusal to celebrate the fiftieth anniversary of the 1958 No »,
in O. Goerg, C. Pauthier et A. Diallo (dir.), Le Non de la Guinée (1958). Entre mythe,
relecture historique et résonances contemporaines. Paris, L’Harmattan (Cahier
Afrique 25), 2010, p. 17-27.
Messmer Pierre, Les Blancs s’en vont, Paris, Paris, Albin Michel, 1998.
Mudimbe Valentin, Y., The Invention of Africa. Gnosis, Philosophy and the order of
Knowledge, Bloomington-Indianapolis, Indiana University Press, 1988.
Nora Pierre (dir.), Les lieux de mémoire, I-III, Paris, Gallimard, 1984-1992.
Valensi Lucette, Fables de la mémoire. La glorieuse bataille des trois rois, Paris, Le
Seuil, L’Univers historique, 1992.
Notes
1. Célèbre roman d’Ahmadou Kourouma publié en 1968 par les Presses de l’université de Montréal
puis en 1970 par Le Seuil.
2. Cet ouvrage est issu d’un colloque international organisé en décembre 2010 par le groupe
Afrique Océan Indien (AOI) du SEDET (Sociétés dans l’espace et dans le temps. Études
transdisciplinaires ; université Paris Diderot-Paris 7) par Odile Goerg (univ. Paris Diderot-Paris 7),
Issiaka Mandé (univ. Paris Diderot-Paris 7), Jean-Luc Martineau (Inalco), Didier N ativel (univ. Paris
Diderot-Paris 7), Faranirina Rajaonah (univ. Paris Diderot-Paris 7).
3. Voir notamment l’ouvrage de Jean-Pierre Chrétien et Jean-Louis Triaud (1999). Leur contribution
éclairante constitue un premier bilan des recherches entreprises dans les années 1980-1990. Voir
aussi les travaux de Bogumil Jewsiewicki sur les mémoires populaires congolaises et la collection
qu’il dirige aux éditions L’Harmattan : « Mémoires lieux de savoir » (44 titres). Sur les musées, voir
Gaugue (1997) et Cahiers d’études africaines, no 155-156, 1999. On retrouvera certains groupes
étudiés (syndicalistes, chanteurs…) dans Daouda Gary-Tounkara et Didier N ativel (2012).
4. Le gouvernement français chargea Jacques Toubon d’une mission du « Cinquantenaire des
indépendances africaines en 2010 ». Des pays africains furent invités à faire défiler leurs troupes
lors du défilé du 14 juillet 2010 ce que certains refusèrent, dont la Côte d’Ivoire dans un contexte
tendu entre la France et le gouvernement de Laurent Gbagbo.
5. Projet Africa@50/50 Jahre Unabhängigkeit in Afrika (http://www.ifeas.uni-mainz.de/50_Jahr). Il
donna lieu à de nombreuses publications et conférences, notamment la Conférence Internationale
consacrée aux « Commémorations du cinquantenaire des Indépendances » organisée à Bamako en
janvier 2011.
6. Ce projet fut lancé par Jean-Luc Martineau, alors directeur de l’antenne de l’IFRA à Ibadan.
7. En particulier, grâce à Emmanuelle Esnault à Ibadan en juillet 2010 et à Emmanuel Eymard à
Port-Harcourt lors du Garden City Literary Festival de décembre 2010 puis à Jos, Kano et Abuja.
8. http://www.fondationzinsou.org/FondationZinsou/FZIndependance.html.
9. Dès 2008, la radio-télévision malienne diffusa un reportage sur les femmes ayant participé à
l’indépendance du Mali, ORTM, Bamako, 22 septembre 2008. En 2009, Boulevard des
indépendances, série de huit documentaires des Radios francophones publiques (La Première
Chaîne de Radio-Canada, la Première de la RTBF, Espace 2 pour la RSR et France Culture pour
Radio France), rassemble les récits de témoins des décolonisations françaises, portugaises,
britanniques et belges en Afrique.
10. Voir l’article précurseur d’Hélène d’Almeida-Topor, « La ville magnifiée : les fêtes de
l’Indépendance dans les capitales africaines », inGoerg, 1999 : 225-227.
11. Invité à Yaoundé, le diplomate malgache Louis Rakotomalala ne cache pas le trouble que lui
procure la présence inquiétante de l’UPC. Il se montre pourtant admiratif de l’ordonnancement
des cérémonies dont il souhaite s’inspirer pour son pays qui accède officiellement à
l’indépendance le 26 juin.
12. Ch. D. Gondola-Ebonga, « Ata ndele… et l’indépendance vint : musique, jeunes et contestation
politique dans les capitales congolaises », in d’Almeida-Topor et alii, Les jeunes en Afrique, (tome II)
1992, p. 463-487. Pour un pendant sénégalais lire : I. Thioub , N. A. L. B enga, « Les groupes de
musique « moderne » des jeunes Africains de Dakar et Saint-Louis, 1946-1960 », Goerg, 1999 : 213-
227.
13. B. H. Rosenwein , Emotional Communities in Early Middle Ages, Ithaca, Cornell University Press,
2007.
14. « Nous avons dansé », in Bernard Dadié, Hommes de tous les continents, Paris, Présence
africaine, 1967, p. 33-34.
15. Il ne faut pas négliger non plus l’effet commémoratif auquel ne peut échapper l’historien
sollicité pour participer à des célébrations ou incité à obéir, notamment pour financer ses
recherches, aux calendriers des injonctions sociales ou politiques au détriment d’une recherche
plus sereine détachée de la célébration politique et événementielle.
16. L’association Cinémémoires pose les mêmes questions à propos des films amateurs dont la
pratique commençait à se diffuser dans les années 1950 parmi les milieux européens mais plus
rarement dans les familles africaines La caméra Pathé-Baby, qui a connu un grand succès en
France à partir de 1922, est disponible dans certaines colonies quelques années plus tard,
notamment dans des villes comme à Tananarive ou Aného (Togo). Voir http://cinememoire.net/ ;
http://cinememoire.net/index.php/actualites/653-amateurs-dindependances.
17. Entretiens avec Dossa Z. Cosme, Porto-Novo, juin-juillet 2010.
18. Ce dernier monte son studio après avoir racheté du matériel à un Français sur le départ. Voir
Dolce Vita Africana, film-documentaire de Cosima Spender (62 mn, 2008) qui dresse le portrait
d’une génération autour des souvenirs du photographe Malick Sidibe (Mali).
19. De nombreux albums de J. D. Okhai Ojeikere (1930-) restent inaccessibles au public. Il n’est
connu que par ses photographies de coiffures africaines publiées dans Ojeikere photographies,
André Magnin , Paris, Éditions Fondation Cartier, 2000.
20. Grâce au travail de l’INA, le gouvernement français offrit en grande pompe en 2010 à chaque
pays de l’ancien empire colonial une partie des reportages le concernant conservés à Paris.
21. Voir le récent témoignage de Maryse Condé sur les fêtes d’indépendance à Abidjan dans La vie
sans fards, Paris, Éditions JC Lattès, 2012.
22. Par exemple l’anniversaire de l’indépendance du Dahomey à Porto Novo en 1961
(http://www.ina.fr/video/AFE85009179/le-dahomey-fete-le-premier-anniveraire-de-son-
independance.fr.html).
Auteurs
Odile Goerg
Professeure d’histoire de l’Afrique contemporaine
à l’université Paris-7 Denis Diderot. Ses recherches
concernent l’histoire sociale et culturelle dans le
contexte urbain, notamment les loisirs (fêtes,
cinéma).
Du même auteur
Les indépendances en Afrique, Presses
universitaires de Rennes, 2013
Les espaces de l’historien, Presses universitaires
de Strasbourg, 2000
A.B.C. Sibthorpe (v. 1840-1916), historien sierra-
léonais : au centre ou à la marge ? in Histoire en
marges, Presses universitaires François-
Rabelais, 2018
Tous les textes
Jean-Luc Martineau
Maître de conférences en histoire contemporaine
de l’Afrique sub-saharienne à l’Institut national
des langues et civilisations orientales (Inalco). Ses
travaux portent sur le Nigeria, le Bénin (en
particulier l’espace yoruba), les questions de
constructions identitaires et les politiques scolaires
au Nigeria aux XIX e et XX e siècles.
Du même auteur
Didier Nativel
Agrégé et docteur en histoire contemporaine. Il
travaille sur les sociétés et les productions
culturelles urbaines à Madagascar et au
Mozambique, de la fin du XIX e siècle aux années
1980.
Du même auteur