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Introduction générale

Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel

La proclamation de l’indépendance du Ghana en mars 1957 inaugure l’ère des


« soleils des indépendances 1 » en Afrique subsaharienne ; elle est suivie par celle
de la Guinée française l’année suivante. Pourtant, c’est en 1960 que la majorité
des pays africains devinrent souverains : du Congo au Nigeria, du Togo à la
Somalie en passant par Madagascar. D’autres pays ne sortirent que plus tard de
l’ère coloniale : les territoires sous contrôle portugais, le Zimbabwe ou la Namibie
(voir les cartes p. 30 et la chronologie indicative, p. 33). Les indépendances des
années 1960 ouvrent tous les possibles : années de promesses et d’optimisme
« Les indépendances en Afrique », Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.)

mais aussi années de tensions, d’ambiguïtés et de complexités, années porteuses


de conflits à venir. Pour de nombreux pays du continent, 2010 a été une année
ISBN 978-2-7535-2749-2 Presses universitaires de Rennes, 2013, www.pur-editions.fr

d’importantes commémorations et célébrations autant en Afrique même qu’en


dehors du continent, en particulier en France 2. C’était donc l’occasion pour les
chercheurs en sciences sociales et humaines de faire un retour sur l’événement
non seulement pour analyser ce qu’il fut et comment il fut perçu en 1960, mais
aussi pour prendre la mesure de l’impact des commémorations ultérieures de la
proclamation de la souveraineté.
Il convient tout d’abord de distinguer la célébration de l’indépendance elle-
même en 1958-1960 de ces commémorations. Les premières sont caractérisées par
plusieurs journées de fête, parfois décalées par rapport à la proclamation juridique
de la souveraineté. Dès 1960, en l’absence de consensus, ces célébrations officielles
peuvent rivaliser avec des festivités concurrentes. Ainsi l’anniversaire des premières
Républiques, membres de la Communauté française de 1958, se révèle, au fil
des articles, plus important dans le souvenir des colonisés que ne le laissaient
penser les travaux de recherches jusqu’à présent. Les secondes, qui jalonnent les
cinq décennies suivantes, sont également objets de débats à propos de la date

1. Célèbre roman d’Ahmadou Kourouma publié en 1968 par les Presses de l’université de Montréal puis en
1970 par Le Seuil.
2. Cet ouvrage est issu d’un colloque international organisé en décembre 2010 par le groupe Afrique Océan
Indien (AOI) du SEDET (Sociétés dans l’espace et dans le temps. Études transdisciplinaires ; université
Paris Diderot-Paris 7) par Odile Goerg (univ. Paris Diderot-Paris 7), Issiaka Mandé (univ. Paris Diderot-
Paris 7), Jean-Luc Martineau (Inalco), Didier Nativel (univ. Paris Diderot-Paris 7), Faranirina Rajaonah
(univ. Paris Diderot-Paris 7).

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Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel

choisie, du contenu ou des lieux de commémoration. Le terme « célébration »


renvoie généralement aux fêtes de 1960, associées à la proclamation même de
l’indépendance mais il peut aussi désigner des manifestations de joie associées aux
anniversaires successifs : son sens n’est donc pas strictement limité à la fête fonda-
trice. à travers célébrations et commémorations, cet ouvrage veut saisir le jeu des
acteurs dans toute sa complexité et la polysémie des fêtes. Il souhaite interroger la
date de 1960, fruit du contexte international et de la conjoncture politique à court
terme. 1960 s’est ensuite chargée de mémoires et de significations dont certaines
étaient enracinées dans les passés des nouveaux États. Enfin cet ouvrage donne à
plusieurs chercheurs l’occasion de faire état d’un renouvellement des sources, d’une
relecture de documents connus et d’une contribution au champ de recherche sur
le fait mémoriel et patrimonial 3.

Commémorations et célébrations :
la complexité des acteurs et des lieux
1960, année pivot et apogée d’un processus entamé dès le début de la coloni-
sation, sert d’année-symbole des indépendances africaines. Son cinquantenaire
a focalisé l’attention aussi bien des chercheurs que des dirigeants, des medias
« Les indépendances en Afrique », Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.)

et, quoique tardivement souvent, des peuples, juxtaposant, mais aussi mêlant
parfois, l’histoire à la mémoire. 1960, érigée en année fondatrice, recouvre des
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sens variés et parfois contradictoires. La diversité des commémorations et des


festivités en témoignait en 2010. Les unes proposaient de tirer le bilan des décen-
nies écoulées au regard des espérances dont était porteuse l’indépendance ; les
autres envisageaient des projets d’avenir pour le xxie siècle à partir d’une réflexion
sur le chemin parcouru ; certaines se hasardaient à un hommage historique aux
« pères fondateurs », parfois oubliés voire écartés, sans entrer dans le détail des
épisodes postérieurs à 1960 ; d’autres enfin se limitaient à une autocélébration des
régimes en place (H. Pokam ; C. Lentz). La diversité des stratégies de célébration
renvoie à la pluralité des initiateurs des manifestations, privés ou publics : pouvoirs
politiques locaux ou nationaux, universitaires, organismes publics, associations…
à cela s’ajoute l’apport des musées, bibliothèques nationales, archives nationales
et universités ou celui de professionnels de l’évènementiel mandatés pour la mise
en œuvre des festivités. Dans plusieurs cas, la réalisation d’un affichage commé-
moratif public fut laissée à des agences de marketing ou à des artistes qui, par
ignorance des enjeux de l’Histoire, produisirent une image confuse et parfois
incohérente du passé. La recherche esthétique (les affiches du Cinquantenaire
ivoirien), le caractère aléatoire du choix d’une mascotte (l’écureuil du Bénin) et
3. Voir notamment l’ouvrage de Jean-Pierre Chrétien et Jean-Louis Triaud (1999). Leur contribution éclai-
rante constitue un premier bilan des recherches entreprises dans les années 1980-1990. Voir aussi les travaux
de Bogumil Jewsiewicki sur les mémoires populaires congolaises et la collection qu’il dirige aux éditions
L’Harmattan : « Mémoires lieux de savoir » (44 titres). Sur les musées, voir Gaugue (1997) et Cahiers d’études
africaines, n° 155-156, 1999. On retrouvera certains groupes étudiés (syndicalistes, chanteurs…) dans
Daouda Gary-Tounkara et Didier Nativel (2012).

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introduction générale

les formules lénifiantes parce qu’exagérément consensuelles minimisent la portée


de l’événement tant le message est dilué. Cette mobilisation sans précédent autour
du cinquantenaire de 1960 fut visible en Afrique bien sûr, mais aussi en Europe,
notamment en France au nom d’une « histoire commune », notion qui a semblé
à beaucoup fort ambiguë 4.
De nombreuses universités, africaines ou étrangères, organisèrent des confé-
rences ou menèrent des programmes de recherche. En prévision des commémora-
tions de 2010, l’université Johannes Gutenberg de Mayence mit par exemple sur
pied un vaste programme d’analyse des manifestations officielles, sous la direction
de Carola Lentz 5 (voir infra 3e partie). L’Institut Français de Recherches en Afrique
(IFRA) d’Ibadan, en partenariat avec l’Institute of African Studies de l’université
d’Ibadan et en conjonction avec le projet de colloque international de l’université
Denis Diderot-Paris 7, lança en 2009 un appel à contributions sur l’expérience
de l’indépendance au Nigeria en 1960 sans rencontrer beaucoup d’écho auprès de
la communauté universitaire locale 6. Comme pour l’ensemble de la population
nigériane, le jubilé du Cinquantenaire n’intéressait pas ou, en tout cas, ne faisait
pas encore l’objet de préparatifs actifs. En revanche, fin 2010 et en 2011, l’exposi-
tion de photographies, légendées par des universitaires nigérians et consacrée aux
célébrations de 1960, remporta un vif succès dans les grandes villes où elle fut
« Les indépendances en Afrique », Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.)

proposée avec le concours dynamique des Alliances françaises 7.


Au Bénin, l’initiative la plus marquante en termes de célébration du passé
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revient à la Fondation Zinsou, surtout connue en matière de promotion de l’art


contemporain. Dès 2008, elle confia à sa conservatrice suisse Anna Caldeira la
mise en œuvre d’un programme de collecte de témoignages d’acteurs, jeunes et
moins jeunes, de l’indépendance du Dahomey. Les entretiens filmés furent ensuite
utilisés pour structurer une riche exposition installée en mai-septembre 2010 dans
des containers rouges sur le parvis du Stade de l’Amitié de Cotonou où elle reçut
la visite d’un public scolaire nombreux mais aussi de familles. Elle proposait un
mélange de textes, photographies et extraits de films (INA ou entretiens conduits
par la Fondation), centré sur la marche vers l’indépendance entre 1945 et 1960.
Elle accordait une large part à l’introspection d’acteurs, pour certains octogénaires
(anciens lycéens ou étudiants militants, ministres de l’époque, enseignants ou
journalistes) qui rendaient compte autant de leur enthousiasme du moment que

4. Le gouvernement français chargea Jacques Toubon d’une mission du « Cinquantenaire des indépendances
africaines en 2010 ». Des pays africains furent invités à faire défiler leurs troupes lors du défilé du 14 juillet
2010 ce que certains refusèrent, dont la Côte d’Ivoire dans un contexte tendu entre la France et le gouver-
nement de Laurent Gbagbo.
5. Projet Africa@50/50 Jahre Unabhängigkeit in Afrika (http://www.ifeas.uni-mainz.de/50_Jahr). Il donna
lieu à de nombreuses publications et conférences, notamment la Conférence Internationale consacrée aux
« Commémorations du cinquantenaire des Indépendances » organisée à Bamako en janvier 2011.
6. Ce projet fut lancé par Jean-Luc Martineau, alors directeur de l’antenne de l’IFRA à Ibadan.
7. En particulier, grâce à Emmanuelle Esnault à Ibadan en juillet 2010 et à Emmanuel Eymard à Port-Harcourt
lors du Garden City Literary Festival de décembre 2010 puis à Jos, Kano et Abuja.

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du scepticisme qui s’était emparé d’eux au fil des années. Un site Internet conserve
la trace de ce travail considérable 8.
Par ailleurs, de nombreuses publications, des films ou des émissions radio-
phoniques visant des publics diversifiés ponctuèrent, voire précédèrent, l’année
2010 sur le thème du Cinquantenaire 9. C’est l’occasion par exemple pour certains
ministères de commander des livres-hommages. Ainsi, au Bénin, le ministère
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche confia au professeur d’histoire
contemporaine, Pierre G. Metinhoué, la rédaction d’un bilan de L’enseignement
supérieur au Dahomey et au Bénin 1960-2010, tandis que le ministère des Affaires
étrangères sollicita le même universitaire pour une synthèse sur la participation
de son pays aux négociations et traités internationaux depuis 1960. Dans d’autres
pays, par exemple au Sénégal ou au Togo, la collaboration entre universitaires et
gouvernements ne fut, en revanche, pas toujours aisée, entre autres choses parce
que l’analyse du processus conduisant aux indépendances ne fait pas consen-
sus ou que la commémoration faisait alors l’objet de récupérations politiques
trop évidentes pour que des esprits indépendants s’en accommodent. Plusieurs
questions demeurent en effet. Quelles furent les forces motrices de la décolonisa-
tion ? De quand peut-on dater le début du processus ? Quelles catégories sociales,
groupes d’intérêt ou régions tirèrent profit de l’indépendance politique ? Quel
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bilan politique et économique les Africains tirent-ils de cet acte fondateur dans
un contexte d’incertitudes ?
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Les indépendances en Afrique. L’événement et ses mémoires 1957/1960-2010


participe de cet ensemble de réflexions et de manifestations scientifiques. Le livre
adopte une approche particulière en s’intéressant aux aspects, peu connus, du
moment précis des indépendances. Comment fut vécu l’avènement de la souve-
raineté ? Comment ce bouleversement politique fut-il préparé durant les quelques
années qui l’ont immédiatement précédé ? L’ouvrage met l’accent sur le caractère
pluriel des mémoires portant sur l’indépendance comme nous y invite tout un
renouvellement des approches centrées sur la perception et les usages du temps
depuis une vingtaine d’années (Baussant, 2007 ; Joutard, 2011 ; Hartog, 2003).
Quelle atmosphère régnait dans les pays en devenir aussi bien dans les capitales
que dans les plus petits villages, dans les fêtes de quartier que dans les tribunes
officielles 10 ? La variable géographique est en effet fondamentale. L’essentiel des
cérémonies se déroulait dans les capitales nationales ou régionales et les villa-
geois, bien souvent, ne percevaient que l’écho lointain des festivités urbaines à

8. http://www.fondationzinsou.org/FondationZinsou/FZIndependance.html.
9. Dès 2008, la radio-télévision malienne diffusa un reportage sur les femmes ayant participé à l’indépen-
dance du Mali, ORTM, Bamako, 22 septembre 2008. En 2009, Boulevard des indépendances, série de
huit documentaires des Radios francophones publiques (La Première Chaîne de Radio-Canada, la Première
de la RTBF, Espace 2 pour la RSR et France Culture pour Radio France), rassemble les récits de témoins
des décolonisations françaises, portugaises, britanniques et belges en Afrique.
10. Voir l’article précurseur d’Hélène d’Almeida-Topor, « La ville magnifiée : les fêtes de l’Indépendance dans
les capitales africaines », in Goerg, 1999 : 225-227.

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une époque où seule la radio, d’ailleurs encore rare, faisait circuler les nouvelles
et partager les émotions. Sauf à être envoyés en ville en délégation, précisément
pour représenter les campagnes, ces ruraux ne participèrent guère à l’événement
« indépendance ». Autant que celle des lieux, la diversité des acteurs et la complexité
de leur positionnement est au cœur des interrogations. La focalisation sur le vécu
des acteurs sociaux conduit à saisir les réactions immédiates, jamais anodines, face
à ce qui surgit, surprend ou rassure. C’est un précieux instantané à contextualiser.
Ces réactions sont déterminées par le capital socio-culturel constitué autour d’une
personnalité, d’un ancrage social et spatial, d’outils d’interprétation du monde et
qui débouchent sur des horizons d’attente à identifier (Koselleck, 1997 : 208).
Comment l’accession à l’indépendance, fêtée par ceux qui allaient parve-
nir au pouvoir, en tant qu’élites dirigeantes ou membres des partis dominants,
fut-elle perçue et exprimée par les « vaincus », individus ou collectivités écartés
et politiquement marginalisés ? Et que dire de ceux qui avaient combattu l’indé-
pendance par peur des recompositions politiques, liées aux équilibres démogra-
phiques et régionaux, qui menaçaient leurs positions comme à l’île Maurice
(J. Chilin) ou au Nigeria (M. Torrent) ? Ou encore de ceux qui prirent les armes
contre une indépendance selon eux octroyée qui trahissait des idéaux nationalistes,
comme dans le cas de l’UPC (Union des populations du Cameroun) qui troubla
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ou empêcha les festivités du 1er janvier 1960 dans plusieurs localités (D. Abwa ;
H. Pokam). Cette « dramatisation du refus » (Balandier, 1980 : 176) reste plus
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modérée ailleurs et n’empêche pas les nouveaux pouvoirs de donner le change


aux yeux du monde 11.
Dans ces conditions, aborder les indépendances sur le vif implique d’avoir à
l’esprit toute la gamme possible des affects : enthousiasme, indifférence, regards
critiques, rejet, peur. Le sens des festivités n’était pas le même pour tous. Ce
que ressentait la majorité des habitants pouvait être fortement démenti par une
minorité. Les mêmes témoins ont pu, du reste, passer d’un sentiment à l’autre,
suivant les visages que présentait, dans son déroulement, l’indépendance. La
liesse a bien entendu existé, fréquemment accompagnée de sonorités nourries des
cultures urbaines hybrides des années 1940-1960, comme en témoigne le titre
mythique « Indépendance Cha Cha » chanté par le congolais Joseph Kabasele 12.
L’indépendance n’a pas créé la nation sur la base de la « fraternité imaginée »
des nationalistes (Anderson, 2000 : 204) mais suscité d’éphémères ou de plus
durables « communautés d’émotion 13 » fondées sur la joie suscitée par le départ du
colonisateur. Un poème de l’Ivoirien Bernard Dadié a capté la dimension quasi

11. Invité à Yaoundé, le diplomate malgache Louis Rakotomalala ne cache pas le trouble que lui procure la
présence inquiétante de l’UPC. Il se montre pourtant admiratif de l’ordonnancement des cérémonies dont
il souhaite s’inspirer pour son pays qui accède officiellement à l’indépendance le 26 juin.
12. Ch. D. Gondola-Ebonga, « Ata ndele… et l’indépendance vint : musique, jeunes et contestation politique
dans les capitales congolaises », in d’Almeida-Topor et alii, Les jeunes en Afrique, (tome II) 1992, p. 463-487.
Pour un pendant sénégalais lire : I. Thioub, N. A. L. Benga, « Les groupes de musique « moderne » des
jeunes Africains de Dakar et Saint-Louis, 1946-1960 », Goerg, 1999 : 213-227.
13. B. H. Rosenwein, Emotional Communities in Early Middle Ages, Ithaca, Cornell University Press, 2007.

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tellurique de scènes qui ont dû se dérouler un peu partout : « Nous avons dansé,
dansé, dansé “jusqu’à fatigué” » et d’ajouter :
« Secoué nos misères pour faire briller nos rêves,
Frappé le sol de toutes nos forces,
Pour en faire jaillir les flots de chansons 14. »

1960, un symbole ouvert ?


Avant d’aller plus loin, arrêtons-nous sur la date elle-même. En choisissant de
réfléchir spécifiquement à l’année 1960, l’historien ne crée-t-il pas l’événement
en l’érigeant en lieu de mémoire obligé 15 ? La démarche interrogeant le vécu des
indépendances repose sur un a priori : 1960, année de l’indépendance formelle,
du drapeau et de l’hymne serait l’année marquante pour les « décolonisés ». Les
enquêtes montrent au contraire la complexité du rapport à cette année phare mais
aussi l’existence de dates concurrentes. En effet, selon les recherches publiées dans
ce volume, la mémoire individuelle retient souvent d’autres événements, antérieurs
ou postérieurs, et d’autres festivités. Ainsi à Kaduna (nord Nigeria), la célébration,
en 1959, des cérémonies d’accession à l’autonomie interne (longtemps rejetée
par les émirs et une classe politique conservatrice) l’emporte sur les festivités de
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1960 dans les souvenirs et les archives photographiques. Au Nigeria toujours,


mais dans le sud-ouest cette fois, les souvenirs des anniversaires du self-govern-
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ment (instauré le 15 novembre 1957) et donc du renforcement du pouvoir du


parti régionaliste Action Group aux commandes, le dispute à ceux de la venue
de la princesse Alexandra pour les cérémonies d’indépendance de 1960. À la
décharge des témoins, il faut bien reconnaître que les modalités d’organisation
de ces célébrations sont singulièrement semblables d’un événement à l’autre. Au
Cameroun, sous tutelle onusienne, plusieurs étapes furent nécessaires avant la
naissance de la République fédérale du Cameroun du fait de la complexité des
processus électoraux et référendaires qui s’étalent entre 1958 et 1962 (D. Abwa
et M. Torrent). En 1959, l’inauguration de la statue du Dr E. Jamot à Yaoundé
participe à la construction de l’illusion d’un consensus franco-camerounais qui
gommerait les conflits autour des modalités de l’indépendance (G. Lachenal) tout
en affirmant une continuité certaine entre l’époque coloniale et le futur national.
D’où le choix, dans ces conditions, du 1er janvier 1960, date de l’indépendance
du Cameroun français, comme moment fondateur de la nation camerounaise.
Ceci n’exclut pas bien sûr la persistance de débats et explique que les commémo-
rations nationales soient investies au fil des années de sens variés selon les acteurs

14. « Nous avons dansé », in Bernard Dadié, Hommes de tous les continents, Paris, Présence africaine, 1967,
p. 33-34.
15. Il ne faut pas négliger non plus l’effet commémoratif auquel ne peut échapper l’historien sollicité pour
participer à des célébrations ou incité à obéir, notamment pour financer ses recherches, aux calendriers
des injonctions sociales ou politiques au détriment d’une recherche plus sereine détachée de la célébration
politique et événementielle.

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introduction générale

(H. Pokam). Plus au nord, l’éclatement de la fédération du Mali (constituée du


Sénégal et du Soudan français) dès août 1960 fut porteur de tensions. Le Sénégal
s’approprie alors la date du 4 avril (1959), date de la signature du transfert des
pouvoirs à la Fédération, comme fête nationale, tandis que le Mali opte pour le
22 septembre (S. Baller).
Il faut ajouter que les groupes sociaux ou politiques étudiés appréhendent
différemment 1960 selon le sens que l’événement prit pour eux. Parfois, ils sont
de simples observateurs comme les Suisses au Nigeria (S. Page) ou cultivent
une distance délibérée comme les religieuses burkinabé (K. Langewiesche) ;
au contraire, d’autres sont très impliqués car farouches nationalistes mais déjà
sceptiques sur ce que leur réserve l’indépendance en terme social ; c’est le cas
des syndicalistes sénégalais confrontés au pragmatisme économique du gouver-
nement de Mamadou Dia (B. Fall). Enfin, des groupes minoritaires attendaient
sans illusion, voire avec appréhension, l’indépendance. Ainsi, bien plus que l’indé-
pendance, le référendum de 1958 et l’éclatement de la fédération du Mali sont
les moments-clés qui charpentent la mémoire de réformistes musulmans sénéga-
lais. Désormais, l’éloignement du rêve panafricaniste et la « caporalisation de la
vie musulmane » marginalisent certaines formations associatives, comme l’Union
culturelle musulmane et l’Association musulmane des étudiants d’Afrique noire,
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réduites au rôle d’un groupe de pression, aux marges de manœuvre plus que
limitées, face aux partis dominants (M. Gomez-Perez). De même, les partisans du
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Deutsch-Togo-Bund au Togo prônaient une voie singulière si irréaliste, tant elle était
décalée par rapport à l’attente générale, qu’ils ne pouvaient qu’être marginalisés
(K. Kouzan).
Au-delà de l’émergence d’autres dates avoisinant et troublant la mémoire de
1960, les contributions soulignent également le télescopage des souvenirs : ainsi
l’abolition du travail forcé en AOF (1946) peut se trouver reportée sur l’accession
à l’indépendance (K. Heitz). Inversement, pour une religieuse de Haute-Volta
(Burkina Faso) peu encline à s’intéresser au politique, c’est la consécration de Paul
Zoungrana comme premier archevêque burkinabé qui l’emporte dans ses souvenirs
de 1960 et non le jour de la proclamation de la souveraineté (K. Langewiesche).
Au Niger, l’anniversaire de l’avènement de la République (18 décembre 1958)
dans le cadre de la Communauté française est célébré dès 1959, c’est-à-dire avant
même l’indépendance le 3 août 1960 (J. Bondaz). Les dates des indépendances,
concentrées début août, avaient été choisies de façon à permettre à Houphouët-
Boigny, ministre conseiller du Général de Gaulle, de faire la tournée des pays
d’Afrique-Occidentale française qui se rangeaient sous la bannière du Conseil de
l’Entente : Dahomey, 1er août, Niger, 3 août, Haute-Volta, 5 août et finalement
7 août en Côte d’Ivoire. En dépit de la concentration des célébrations en
août 1960, tant pour l’AOF que pour l’Afrique Équatoriale Française, l’année
1960 doit donc être entendue dans cet ouvrage de manière large, non comme une
année stricto sensu mais comme un moment long, celui de l’indépendance formelle
et de ses prolongements.

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Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel

Sources renouvelées ou regards nouveaux ?


Les recherches sur le vécu des indépendances autour de 1960 et leur célébration
ont conduit à s’interroger sur les sources de cette histoire et sur leur renouvelle-
ment. Dès lors que l’on renonçait à n’appréhender l’événement que par le prisme
des négociations ministérielles et des rapports de force entre partis politiques
africains et pouvoirs métropolitains, il fallait chercher de nouvelles sources qui
rendent compte de publics variés, masses ou groupes sociaux spécifiques, et de
sentiments parfois plus difficiles à saisir parce que ruraux, pauvres, marginaux
ou simplement ignorés. Un des effets de ces recherches fut donc d’exhumer de
nouveaux documents, de découvrir de nouveaux témoignages ou de revisiter des
archives déjà dépouillées. De contribution en contribution, une vision micro-
politique du moment de l’indépendance et de ses prémices vient nuancer le regard
porté habituellement sur le succès d’une nation unie tout entière contre son
colonisateur. Grâce à des sources reconsidérées ou inédites, la « nation » monoli-
thique et victorieuse laisse percer ses minorités, ses vaincus et ses sceptiques.
Que l’émancipation de l’Afrique ait été un combat et non une concession des
colons n’en apparaît que plus clairement. Pourquoi la perspective de 1960 aurait-
elle suscité à ce point militantismes, conflits internes, peurs ou manifestations
d’enthousiasme chez les colonisés ? Sinon parce que les acteurs africains du
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processus, dans leur diversité sociale et politique, idéalistes, cyniques ou pragma-


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tiques, ambitionnaient d’imprimer leur marque propre au cours de choses.


De facto, la diversité des sources (chansons, caricatures, témoignages, photogra-
phies, archives privées…) qui révèlent la complexité des attentes témoigne de cette
lutte protéiforme. Toutefois, le chercheur reste confronté aux aléas non seulement
de la production privée et publique de documents mais aussi à ceux de leur conser-
vation, voire de leur destruction délibérée ou non (actes de guerre, perquisitions
de police, persécutions politiques, vol, incendie…).
Certaines contributions recourent à de nouveaux supports, en particulier
visuels (A. Gallois). La photographie est, depuis longtemps maintenant, une des
sources reconnues de l’historien. Exploitée ici pour cerner des réactions indivi-
duelles et collectives, elle offre plusieurs avantages si elle est convenablement légen-
dée. Elle renseigne sur ce qu’elle montre mais aussi sur le choix de l’instant fixé
et ses mobiles possibles 16. Ainsi, pour être pleinement significatif, le cliché et le
film d’un amateur nécessitent une mise en perspective par rapport à l’ensemble de
la production du témoin pour évaluer, par exemple, ce qui est resté hors champ.
Quant à la photographie de studio, plus répandue à l’époque qui nous intéresse
car moins onéreuse, elle témoigne des moments que les familles ou les indivi-
16. L’association Cinémémoires pose les mêmes questions à propos des films amateurs dont la pratique
commençait à se diffuser dans les années 1950 parmi les milieux européens mais plus rarement dans
les familles africaines La caméra Pathé-Baby, qui a connu un grand succès en France à partir de 1922,
est disponible dans certaines colonies quelques années plus tard, notamment dans des villes comme à
Tananarive ou Aného (Togo). Voir http://cinememoire.net/; http://cinememoire.net/index.php/
actualites/653-amateurs-dindependances.

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introduction générale

dus ont souhaité immortaliser. Si l’on en croit le témoignage d’un photographe


porto-novien 17, la fête de l’indépendance du Dahomey n’a pas rempli les studios.
Le même constat peut être dressé pour Madagascar. Les célébrations politiques
ne conduisent pas les familles chez le photographe contrairement aux remises de
diplôme ou aux mariages. En revanche, ces photographies, quand elles subsistent
dans les familles, renseignent sur l’air du temps : le héros du cliché s’entoure
souvent d’objets significatifs (tourne-disques, livres) ou choisit de revêtir un habit
particulier (costume occidental ou vêtement confectionné à partir d’un pagne)
qui nous renseignent sur les référents culturels de l’époque. Parfois, en marge de
son activité commerciale, un photographe de studio peut s’intéresser au monde
qui l’entoure et livrer des séries de clichés thématiques sur l’année 1960. Ce fut
le cas de Malick Sidibé au Mali 18 ou, au Nigeria, d’un J.D.O. Ojeikere 19 qui
tous les dimanches arpentait le campus universitaire d’Ibadan où il immortalisait
étudiantes et étudiants endimanchés, posant à côté de leur TSF, à leur bureau,
à la sortie de l’église ou entre amis sur les pelouses. Dans ces séries, le désir de
modernité de ce petit groupe social est mis en scène. Les photographes de cette
envergure sont rares ; au Nigeria, par exemple, leur production reste inaccessible
pour de raisons multiples (en ce qui concerne Peter Obi) ou a été détruite (pour
l’œuvre de K. J. Philips).
« Les indépendances en Afrique », Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.)

L’objectif des auteurs de ce livre ayant été de saisir le vécu de ces journées de
fête par les Africains, il était cohérent que, dans cette quête d’images, le premier
ISBN 978-2-7535-2749-2 Presses universitaires de Rennes, 2013, www.pur-editions.fr

mouvement des chercheurs ait été de se tourner vers les familles dont les membres
non seulement pouvaient raconter leur souvenir mais encore documenter cette
journée. Or, au Nigeria comme au Dahomey-Bénin ou à Madagascar, les témoins
partagent largement le même constat : il leur a été difficile de conserver les photo-
graphies privées. Force a donc été de se tourner vers les institutions officielles
productrices d’images. Mais ce caractère officiel ne signifie pas que les clichés ne
permettent pas de saisir une vision de l’événement qui soit personnelle et subjec-
tive. Le photographe même mandaté par un ministère africain de l’information ou
de la recherche, une agence associative ou un organe de presse local ne produira
pas le même cliché ou le même film que son confrère de l’AFP ou de la BBC. Son
cahier des charges n’occulte jamais complètement le regard du photographe ou
du cinéaste qui livre bien une vision personnelle de l’événement. La difficulté de
saisir l’événement par le prisme d’archives familiales vaut non seulement pour les
traces photographiques mais aussi pour tous les autres supports. Parmi les sources
inédites figurent les textes de chansons populaires (D.O. Esizimetor). Toutefois
comme le montre à nouveau l’exemple du Nigeria, l’absence de tradition d’archi-
17. Entretiens avec Dossa Z. Cosme, Porto-Novo, juin-juillet 2010.
18. Ce dernier monte son studio après avoir racheté du matériel à un Français sur le départ. Voir Dolce Vita
Africana, film-documentaire de Cosima Spender (62 mn, 2008) qui dresse le portrait d’une génération
autour des souvenirs du photographe Malick Sidibe (Mali).
19. De nombreux albums de J. D. Okhai Ojeikere (1930-) restent inaccessibles au public. Il n’est connu que par
ses photographies de coiffures africaines publiées dans Ojeikere photographies, André Magnin, Paris, Éditions
Fondation Cartier, 2000.

21
Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel

vage, autant chez les musiciens que dans les institutions publiques et les radios,
rend l’accès à ces textes difficiles. Les changements de technologie compliquent
également le travail de collecte ou, dans le meilleur des cas, de lecture pour le
chercheur quand la dégradation par le climat des supports audio n’a pas déjà fait
son œuvre.
Quel que soit le support, les archives privées ne comblent pas le vide d’autant
que les problèmes de conservation sont cruciaux, en particulier dans des pays à
l’histoire politique mouvementée mais aussi par manque d’intérêt des détenteurs
potentiels. Les milieux aisés et éduqués nigérians ont conservé peu de documents
alors qu’ils commandaient des photographies lors des grandes occasions. Les
photos jaunies de notables, juges, militaires ou chiefs peuvent encore trôner dans
les salons mais elles sont liées à l’histoire personnelle du sujet et non à l’his-
toire de la nation. Quand on s’adresse à des Nigérians originaires de l’est du
pays aujourd’hui quinquagénaires ou sexagénaires, ils se souviennent avoir été
photographiés en uniforme à l’école ou en famille le jour de l’indépendance par
des photographes yoruba installés dans leurs villes. Mais comme les commandi-
taires appartenaient socialement au groupe dirigeant qui s’est trouvé en première
ligne lors de la sécession du Biafra, ils furent la cible de l’armée fédérale lors de la
reconquête et la plupart perdirent leurs biens dans les maisons incendiées. Dans les
« Les indépendances en Afrique », Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.)

grandes familles de notables du sud-ouest yoruba au Nigeria, la perte des archives


familiales a une autre cause. Les fondateurs des dynasties politiques en vue depuis
ISBN 978-2-7535-2749-2 Presses universitaires de Rennes, 2013, www.pur-editions.fr

50 ou 60 ans ou leurs descendants ont milité contre des régimes autoritaires de


1966 jusqu’à celui de Sani Abacha (1993-1998). Tout au long de ces années, ils
ont été victimes des descentes de police, perquisitions et saisies d’archives person-
nelles ou familiales. Avocats, militants politiques ou journalistes ont ainsi souvent
subi des pertes irrémédiables. À celles-ci, s’ajoutèrent les fréquents déménage-
ments, dans l’urgence parfois, et l’absence de traditions d’archivage des papiers
« sensibles ». Au Dahomey, la loi coloniale en vigueur, y compris ce jour-là,
obligeait les photographes à porter une accréditation du ministère de l’information
pour photographier les cérémonies officielles. De ce fait, ce sont principalement
des professionnels, journalistes ou photographes indépendants ou officiels, qui
prirent des photographies. Mais sur certains des clichés disponibles apparaissent
d’autres photographes, amateurs ceux-là : Européens ou Libanais, assis à la tribune
officielle, appareil autour du cou. L’historien ne disposera sans doute jamais d’un
regard photographique africain sur ces cérémonies dans ce pays. C’est aussi le cas
lorsqu’une partie de la population boycotte les festivités comme à Madagascar
(H. Rajaonarison).
Confronté à l’absence d’archives privées, l’historien se tourne vers les produc-
teurs habituels de documentation : les photographes mandatés par les ministères
de l’information, les agences de presse étrangères ou les grands journaux locaux
(officiels, plus rarement d’opposition) qui ont la capacité de restituer l’ambiance

22
introduction générale

de la rue ou de la place publique 20. Ces documents sont toutefois conservés de


manière aléatoire selon les pays et les institutions dépositaires. À Madagascar,
l’ancienne agence photographique officielle, ANTA, dispose d’un fond de près de
500 000 clichés. Si au Nigeria, les archives photographiques du Daily Times, grand
quotidien privé de l’époque, sont à l’abandon dans un hangar d’Ikeja, à Lagos,
en revanche, les ministères de l’information ont conservé des fonds remarquables
accessibles aux chercheurs : au niveau de la Région Ouest (Oyo State aujourd’hui)
figurent des rassemblements d’écoliers, des jeux gymniques, des cortèges en ville,
des plans de tribune officielle, l’inauguration du square de l’Indépendance à Ibadan
ou la cérémonie au Liberty Stadium construit pour l’occasion, en présence de la
princesse du Kent, Alexandra ; au niveau de la fédération, on trouve non seulement
des images des cérémonies à Lagos mais aussi de certains actes fondateurs de l’état
souverain (réception à l’ONU, participation à la conférence de Monrovia 1961,
inauguration du premier terminal pétrolier dans le delta du Niger, inauguration de
la Central Bank of Nigeria). Au contraire à Enugu, pour la Région Est, il ne reste
apparemment rien des archives gouvernementales depuis la reconquête du Biafra
et dans la Région Nord, à Kaduna, sont conservées surtout des photographies des
cérémonies d’accession à l’autonomie interne en 1959 qui ont occulté celles de
1960. Au Bénin, les bandes des émissions radiophoniques de 1960 sont à l’aban-
« Les indépendances en Afrique », Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.)

don. Les films d’actualités sur 1960 et les célébrations ultérieures sont fortement
dégradés en dépit du remarquable travail d’archivage réalisé par la documentaliste
ISBN 978-2-7535-2749-2 Presses universitaires de Rennes, 2013, www.pur-editions.fr

de l’Office de radio télévision du Bénin.


Vouloir saisir localement le ressenti des nouveaux citoyens face à l’événement
impose aussi un changement d’échelle dans la sélection des sources ou une relec-
ture de la source qui met à jour une autre échelle. Le journal n’informe plus seule-
ment l’historien sur l’actualité politique nationale mais il donne à voir, en creux,
l’autre actualité celle, ordinaire ou locale, qui témoigne des préoccupations de la
masse de la population. Le caricaturiste n’illustre plus seulement le propos de son
rédacteur en chef mais il devient emblématique de l’activité créatrice d’un groupe
professionnel. Le résultat électoral des partis ne renseigne plus seulement sur les
rapports de force entre colonisés et colonisateurs mais, lu à l’aune des bureaux de
vote de quartier ou des communes (E. Batchana), il révèle ce que les habitants,
localement, pensent de l’événement à venir ou advenu ou, plutôt, comment ils
l’investissent : communautés à Maurice (J. Chilin), certains quartiers à Epe au
Nigeria (O. Jimoh), capitale malgache (H. Rajaonarisona), région de Dalaba en
Guinée (C. Pauthier) ou enfin provinces du Cameroun britannique consultées
sur le choix d’un avenir nigérian ou camerounais (M. Torrent). L’attention portée
à l’échelon local implique de modifier le regard sur la presse, les résultats électo-
raux ou les rapports de police. Par ailleurs, la quête d’information sur tout ce qui
pourrait documenter la perception des événements à l’échelle de la famille, du
groupe professionnel ou du quartier a relancé la quête d’archives privées si diffi-
20. Grâce au travail de l’INA, le gouvernement français offrit en grande pompe en 2010 à chaque pays de
l’ancien empire colonial une partie des reportages le concernant conservés à Paris.

23
Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel

ciles à localiser en Afrique. Toutefois, certains documents officiels recèlent des


informations relevant d’une expérience personnelle comme le diaire rédigé par
une religieuse burkinabé, archivé à Rome (K. Langewiesche).

Pour aborder toutes ces questions, l’ouvrage est organisé en trois parties. Dans
la première, les auteurs interrogent tantôt des acteurs en marge des processus
d’émancipation, tantôt des militants initialement actifs mais marginalisés lors
de la dernière phase de la décolonisation : syndicalistes, membres d’associations,
religieuses qui tous donnent un sens spécifique à l’idée d’indépendance, jusqu’à
faire retraite au moment des célébrations si l’objectif atteint leur paraissait trop
éloigné idéologiquement de leurs attentes 21. La seconde partie de ce livre rend
compte de l’envers d’un décor officiel magnifié qui a occulté les manières dont
la fête nationale a été perçue, mise en cause, contestée, voire troublée, par des
militants actifs soucieux de faire entendre des voix discordantes. Lors des derniers
mois précédant les indépendances ou lors les cérémonies elles-mêmes, ils mirent
en effet à l’épreuve les gouvernants des États naissants pour tenter d’influer sur la
configuration du futur de l’Afrique. Activistes politiques en lutte ouverte contre
le pouvoir ou groupes minoritaires, ils redoutaient plus qu’ils n’attendaient ce
moment craignant d’être marginalisés. Dans la dernière partie, Les indépendances
« Les indépendances en Afrique », Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.)

en Afrique. L’événement et ses mémoires 1957/1960-2010 sonde la fabrique des


mémoires à partir de 1957 pour distinguer, les commémorations en 1960 de celles
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qui suivirent jusqu’aux Cinquantenaires de 2010. Ce que révèlent les contributions


c’est la précocité de la mise en cause du récit national unanimiste sur la souve-
raineté ; dès avant 1960, il est des états qui célèbrent les « retrouvailles » avec la
France quand d’autres, plus cohérents avec leur époque, valorisent l’indépendance
retrouvée. La complexité du souvenir des indépendances et de leur signification
tient aussi à la superposition des strates commémoratives qui, au fil des régimes
successifs, rarement pluralistes et toujours désireux d’imposer leur lecture du passé
– quand ils en ont une –, ont rendu difficile l’émergence d’un sens qui ne soit pas
un kaléidoscope de mémoires spécifiques. Ceci est d’autant plus marquant dans
un contexte où une grande partie de la population fait face à une crise écono-
mique et sociale difficile, à l’absence durable de politiques scolaires de nature à
favoriser le décryptage d’une histoire collective alors même que le rajeunissement
de la population et la perte de la mémoire vive facilitent l’occultation d’un passé
controversé ou gênant pour les pouvoirs en place.

21. Voir le récent témoignage de Maryse Condé sur les fêtes d’indépendance à Abidjan dans La vie sans fards,
Paris, Éditions JC Lattès, 2012.

24
introduction générale

Sources et bibliographie

Sans être exhaustives, ces références visent à faire le point sur les publications
récentes concernant la thématique des mémoires et commémorations, soit de
manière générale, soit appliquées à l’Afrique, notamment à la faveur du jubilé de
2010 qui a suscité maintes publications. Nous avons conservé à chaque contribu-
tion sa bibliographie, même si certains ouvrages peuvent être cités par plusieurs
auteurs, notamment lorsqu’ils traitent du même pays.

Sources

1960-2010 : films d’archives, documentaires et publications générales


sur l’indépendance et ses célébrations

Divers fonds conservent des documents sur la période des indépendances : INA (Institut
National de l’Audiovisuel) 22, BFC (British Film Institute) (http://www.colonialfilm.
org.uk/), projet Patrimoine d’Afrique centrale-Archives films du musée de Tervuren.
« Les indépendances en Afrique », Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.)

À minuit, l’indépendance (67 minutes, 1961), reportage de Serge Ricci, sur les cérémonies
ISBN 978-2-7535-2749-2 Presses universitaires de Rennes, 2013, www.pur-editions.fr

d’indépendance au Dahomey [Bénin], au Niger, en Haute-Volta [Burkina-Faso] et en


Côte d’Ivoire, en présence de Louis Jacquinot, ministre d’État représentant de la France.
Indépendance Tcha-Tcha (Belgique 2000, 60 mn) film documentaire de Jean-François
Bastin et Isabelle Christiaens (http://www.filmfestamiens.org/archives/2000_LMCIV_
Afrique.html#10).
Lumumba et la Révolution congolaise (présenté par Alexandre Adler),
(http://www.dailymotion.com/relevance/search/lumumba/video/x29hhj_
lumumba-et-la-revolution-congolaise_politics).
Fondation Zinsou « Raconte moi l’indépendance » (http://www.racontemoilindependance.
org/Raconte_Moi_lIndependance/Raconte_moi_l_independance.html).
« Cinquante ans d’indépendances africaines », RFI (http://www.rfi.fr/
contenu/20091231-il-y-cinquante-ans-independances).
« Afrique, le temps des indépendances 1960/2010 », numéro hors série, L’Humanité,
avril 2010.
« 50 ans Congo. 1960-2010. Du pari perdu au chaos, debout » numéro hors série Le Soir
(Belgique), 2010.

22. Par exemple l’anniversaire de l’indépendance du Dahomey à Porto Novo en 1961 (http://www.ina.fr/video/
AFE85009179/le-dahomey-fete-le-premier-anniveraire-de-son-independance.fr.html).

25
Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel

Cinémémoire, une cinémathèque de films de famille


et d’amateurs, et Amateurs d’indépendances, un documentaire
centré sur les indépendances
Cinémémoire est une cinémathèque dont le fonds est constitué de films inédits. Née de
l’initiative du réalisateur Claude Bossion désirant trouver des archives différentes de celles
habituellement diffusés dans les documentaires historiques, cette collection regroupe des
films de famille et d’amateurs, ainsi que des films issus de collections privées, de fonds
municipaux et d’associations. Depuis sa création en 1997, Cinémémoire a réuni une
collection de presque 2000 heures d’archives cinématographiques inédites de Marseille,
de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA), et des anciennes colonies françaises,
des années 20 à nos jours. Ces films, majoritairement muets, ont été tournés dans diffé-
rents formats : 9,5 mm, 16 mm, 8 mm et super 8. Aujourd’hui, environ 900 heures
d’images peuvent être consultées sur son site internet : www.cinememoire.net
Un documentaire, Amateurs d’indépendances, a été monté autour de la période des indépen-
dances. Il s’agit d’un film documentaire de 52 minutes, réalisé à partir d’images d’archives
cinématographiques issues du fonds de Cinémémoire. Les films d’archives réunis dans
ce documentaire ont été tournés par des Français qui vivaient dans des colonies (ou
ex-colonies) françaises en Afrique entre 1955 et 1965. Ce sont des films muets, tournés
avec de petites caméras 8 mm, en couleur. En cela, ces archives se distinguent des
productions des médias de l’époque, sonores et en noir et blanc.
« Les indépendances en Afrique », Odile Goerg, Jean-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.)
ISBN 978-2-7535-2749-2 Presses universitaires de Rennes, 2013, www.pur-editions.fr

Amateurs d’indépendances
Documentaire : 52 mn, couleur, stéréo, format 4/3.
Réalisation : Claude Bossion et Agnès O’Martins, Archives : Cinémémoire.
Co-production : Circuit-Court, Cinémémoire et la chaîne Histoire.
Édition DVD : Circuit-Court et l’Organisation internationale de la francophonie.
Avec le soutien de la Mission du Cinquantenaire des indépendances africaines
en France. Le DVD comprend « Amateurs d’indépendances » et en supplément
une interview de Jean-Jacques Jordi, historien, spécialiste de la colonisation
et de la décolonisation, 29 mn.
http://cinememoire.net/index.php/actualites/653-amateurs-dindependances

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