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31/07/2021 Politiques du passé - Usages politiques de la figure du Juste 

: entre mémoire historique et mémoires individuelles - Presses universitaires de Prov…

Presses
universitaires
de
Provence
Politiques du passé | Claire Andrieu, Marie-Claire Lavabre,
Danielle Tartakowsky

Usages politiques
de la figure du
Juste : entre
mémoire
historique et
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mémoires
individuelles
Sarah Gensburger
p. 47-57

Texte intégral
1 Le 19 août 1953, au sein de la «  Loi sur la commémoration
des Martyrs et des Héros – Yad Vashem  », la Knesset
instaurait un titre de « Juste parmi les Nations » pour rendre
hommage à ceux « qui ont risqué leur vie pour venir en aide
aux Juifs  ». Cinquante ans plus tard, le Parlement français
adoptait, à son tour, un texte instituant :
une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes
racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux
Justes de France qui ont recueilli, protégé ou défendu, au
péril de leur propre vie et sans aucune contrepartie, une ou
plusieurs personnes menacées de génocide.

2 La figure du Juste entrait définitivement dans les


représentations mémorielles officielles de la République
française.
3 Si cette officialisation législative1 donne l’image d’une
mémoire historique linéaire et centralisée, « la mémoire des
Justes  » repose en même temps sur des mémoires portées
par des acteurs multiples, d’un côté, sur des pratiques et des
usages politiques du passé émanant d’associations et
institutions françaises et étrangères2, de l’autre. Cette dualité
pose donc directement la question de l’articulation entre
l’expression mémorielle de la collectivité nationale et des
formes particulières de rappel du passé. À l’image de Tzvetan
Todorov qui refuse de se «  contenter de geindre sur la
disparition d’une tradition collective contraignante, qui se
charge de sélectionner certains faits et d’en rejeter d’autres »,
pour se «  résigner donc à l’infinie diversité des cas
particuliers  »3, doit-on opposer les deux aspects des usages
politiques de la figure du Juste ? Ou la démocratisation de la

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société suppose-t-elle aussi l’expression du conflit de


mémoires dans un espace public chargé d’une mise en récit
collective des expériences et représentations ?
4 L’étude des usages politiques de cette évocation du passé
permet donc d’étudier empiriquement les processus de
mobilisation publique de la mémoire par une grande variété
d’acteurs allant de l’individuel à l’étatique comme du local au
supranational. De même, elle fournit l’occasion de mettre en
évidence les pratiques et représentations qui lui sont
attachées. L’évocation de la figure du Juste par la mémoire
officielle française de l’Occupation pose la question du
changement de régime mémoriel depuis 1970. Consacrée par
un vote de la représentation nationale, ne serait-elle
pourtant qu’une manifestation de ce que Pierre Nora appelle
«  l’ère des commémorations  »  ? Ou peut-elle indiquer, au
contraire, que le consensus des historiens sur le diagnostic
de « fin des sociétés mémoires » doit être reconsidéré ?

Un usage linéaire du terme de Juste : vers


une nouvelle figure de la mémoire
nationale

Une succession de discours façonne une nouvelle


figure historique
5 Tout d’abord, l’apparition du terme de Juste au sein de la loi
du 10 juillet 2000 apparaît comme l’aboutissement d’un
processus. Ainsi, la figure du « Juste » fut mentionnée pour
la première fois, par le Président de la République, dans son
discours du 16 juillet 1995. Il y rendait déjà hommage à :
ces “Justes parmi les Nations” qui, au plus noir de la
tourmente, en sauvant au péril de leur vie, comme l’a écrit
Serge Klarsfeld, les trois-quarts de la communauté juive
résidant en France, ont donné vie à ce qu’elle [la France] a de
meilleur.

6 Depuis, lorsqu’il est question de l’Occupation devant un


auditoire symbolisant la communauté nationale rassemblée,
la mention des Justes se répète de façon systématique. Ainsi,
le 2 novembre 1997, lors de l’inauguration du Mémorial en
hommage aux Justes, pour Jacques Chirac, la France était :
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dans le cœur, aussi et surtout, de tous ces Français


anonymes, ces Justes parmi les Nations qui, au plus noir de
la tourmente, sauvèrent les trois quarts de la communauté
juive résidant sur son sol.

7 Un mois plus tard, le 5 décembre, dans son discours au


Mémorial du martyr juif inconnu, le Président évoquait à
nouveau ces « Justes, ces anonymes de toutes conditions… ».
Deux semaines auparavant, répondant à une question sur le
procès Papon, Lionel Jospin, Premier Ministre, quant à lui,
avait déclaré à l’Assemblée Nationale :
Les Français ont besoin de se rassembler. Ils ne se
rassembleront pas au prix de l’oubli. Ils ne se rassembleront
pas en tirant un signe égal entre les prudents et les justes,
entre les collaborateurs et les résistants4.

8 Cette brève mise en perspective de la loi du 10 juillet semble


indiquer que celle-ci couronne un nouvel usage politique de
la mémoire destiné à équilibrer, entre «  Ombre et
Lumière »5, la mémoire française de l’Occupation et à donner
de nouveaux contours à la lecture dichotomique gaulliste
traditionnelle du passé.
9 Ainsi depuis le 16 juillet 2000, les discours officiels de la
cérémonie du Vel’d’Hiv’ font une place notable à l’évocation
des Justes. Lors du soixantième anniversaire de la rafle du
Vél’d’Hiv, pour le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin :
Le gouvernement de Vichy n’était pas toute la France. […]
Raconter l’histoire, c’est raconter les Justes, ces hommes et
ces femmes anonymes, ces villages entiers qui ont caché des
Juifs, qui se sont élevés publiquement, avec courage et
efficacité, contre l’antisémitisme. Nous pensons à Mgr
Saliège, au pasteur Boegner, à ces agents de l’État, à ces civils
et à ces militaires, qui furent fidèles à leurs principes.

Un bricolage avec les figures historiques


traditionnelles de la mémoire nationale
10 L’apparition de la figure du Juste au niveau de l’État national
propose donc un cadre d’interprétation renouvelé. Mais elle
rattache ce nouveau temps de la mémoire aux
représentations et figures traditionnelles de l’histoire
nationale. Ainsi le 16 juillet 2002, pour Jean-Pierre Raffarin,

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«  raconter l’histoire  » c’était aussi raconter «  l’abandon des


élites et la collaboration, c’est raconter aussi le courage de
tous ceux qui ont dit non : le Général de Gaulle, les Français
Libres qui se battaient au même moment dans les sables de
la Libye et les résistants de tous bords qui s’organisaient et
s’armaient pour refuser l’inacceptable ». Selon le mécanisme
de «  bricolage  » théorisé par Roger Bastide, la figure du
Juste s’insère dans la mémoire historique française au côté
de celle du Résistant6. Si elle porte une recomposition de la
mémoire historique, l’évocation de la figure du Juste
redonne donc, en même temps, un nouveau souffle à l’« acte
fondateur  »7 de la forme historique traditionnelle de la
mémoire française.

Mémoire et communauté nationale


11 Enfin, au travers de cette mémoire historique, l’unité autour
de l’histoire nationale est affirmée. Ainsi la loi du 10 juillet
2000 a été adoptée à l’unanimité, tant à l’Assemblée
Nationale qu’au Sénat. Des députés de toute orientation
politique ont pris la parole pour affirmer que cette loi est
placée sous le signe de l’unité nationale.
12 À l’image des Résistants avant eux, les Justes sont
constamment présentés comme traversant, et par là
incarnant, la communauté nationale dans sa diversité. Dans
l’ensemble des déclarations et textes officiels, ils sont
toujours «  ces hommes et ces femmes de toutes conditions,
de toutes religions » ; ils sont « prêtres », « Mgr  », « doyens
de faculté  », «  policiers  », «  gendarmes  », «  agents de
l’État », « civils » et « militaires » ou « anonymes »… Ainsi,
lors de la première journée de commémoration telle
qu’initiée par la loi, le représentant du gouvernement, Jean-
Luc Mélanchon dressait un portrait englobant de la société
française.
La mémoire des Justes témoigne qu’il en est d’autres,
d’autres Français, de toute condition sociale, de toute
religion, de toute conviction, individuellement ou par villages
entiers, qui ont refusé au risque de leur vie.

13 Plus récemment, dans sa Préface du Dictionnaire des Justes


de France8, le président de la République concluait par ces
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mots :
ses femmes et ces hommes de toutes conditions, de toutes
religions, nous ne les oublierons jamais. Avec tous ceux qui
ont répondu à l’appel du général de Gaulle, les Français
libres, les résistants, ils sont l’honneur et la fierté de notre
pays.

14 L’évocation nationale de la figure du Juste qui se veut une en


son principe impose donc une mise en perspective des
conclusions de Pierre Nora sur l’«  effacement du cadre
unitaire de l’État-nation  » et la disparition du «  système
traditionnel qui en était l’expression symbolique et
concentrée. Il n’y a plus de surmoi commun, le canon a
disparu »9. Se pose alors la question de l’effectivité du canon
mémoriel à nouveau proposé par la loi du 10 juillet 2000.
Pour y répondre, il faut analyser les pratiques qui
nourrissent les discours et textes officiels comme celles qui
en découlent.

Une genèse complexe d’une loi faiblement


porteuse de pratiques concrètes
L’application de la loi et de son esprit
15 Dans cette perspective, nous avons effectué une recension
systématique des actions de l’État au niveau local en
application de la loi du 10 juillet. En effet, son article unique
précise que «  chaque année, à cette date, des cérémonies
officielles sont organisées aux niveaux national et
départemental ». Il est décrété qu’
une cérémonie analogue [à celle se tenant à Paris] a lieu au
chef-lieu de chaque département, à l’initiative du préfet ainsi
que devant les stèles érigées pour pérenniser la mémoire de
ces événements10.

16 Une enquête auprès des préfectures conduit à des


conclusions diverses. Tout d’abord, la majorité des
préfectures considère que cette question ne relève pas de
leurs compétences et renvoie sur les services
départementaux de l’Office National des Anciens
Combattants. Mais quel que soit l’interlocuteur, une
relativement faible proportion des organigrammes et des
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discours font véritablement état de l’apparition de


l’hommage aux Justes de France au sein de la journée de
commémoration des persécutions qui, elle, existe depuis le
décret du 3 février 1993. De plus, lorsque des actions sont
entreprises, elles le sont souvent à partir de l’initiative
d’associations et communautés juives locales. D’ailleurs,
pour expliquer le peu de manifestations effectives
concernant les Justes, les services préfectoraux mettent en
avant la faiblesse de la communauté juive dans la région
et/ou, sur cette question, l’absence de sollicitation de la part
de celle-ci. Enfin, au jour d’aujourd’hui et concernant
l’évocation des Justes, l’ONAC ne peut faire état d’aucun
support pédagogique, ni d’aucune manifestation spécifique
produit par ses services.
17 De même, la Direction de la mémoire, du patrimoine et des
archives n’a pris aucune initiative et n’a pas été sollicitée sur
le thème des Justes. Les rapports 2001, 2002 et 2003 du
Haut Conseil de la Mémoire combattante – dont la DMPA
est censée mettre en œuvre les directives – ne fait d’ailleurs
qu’une mention très succincte et factuelle de l’existence de
cette journée. Plus largement il apparaît qu’aucune mesure
d’accompagnement de la loi, dans des domaines
potentiellement concernés – comme celui de la conception
des programmes de l’Éducation nationale – n’a été prise.
Ainsi l’étude de l’aval de la loi du 10 juillet met en évidence
l’atomisation et surtout la faiblesse de l’ancrage concret de
cette mémoire historique. L’image de canon mémoriel qu’elle
donne à voir ne serait alors qu’un cadre vide.

Plusieurs versions successives d’une même loi


18 En amont, un travail de récolte de documents, d’observation
participante, d’analyse des archives personnelles et des
déclarations des députés qui ont conçu et défendu le texte
montre que celui-ci est issu d’une négociation entre des
lectures du passé partiellement incompatibles. Ainsi à
l’origine, à l’automne 1997, Daniel Marcovitch avait
l’intention de faire adopter un texte permettant l’attribution
du titre de résistant, et des droits afférents, aux Justes et plus
généralement aux « sauveurs » de Juifs. Mais ce projet initial
fut abandonné suite, notamment, à un avis négatif du
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secrétariat d’État aux Anciens Combattants, arguant


principalement de l’origine étrangère de la distinction et de
l’impossibilité légale et politique d’étendre le titre de
Résistant à celui de Juste notamment parce que ce dernier
apparaîtrait comme «  le sommet hiérarchique de
l’héroïsme »11.
19 La proposition de loi n°  1727 du 22 juin 1999 proposa
finalement la création d’un nouveau titre, de «  Juste de
France  », honorant les sauveteurs de Juifs et de Tziganes.
Mais celui-ci a, à son tour, été remodelé suite aux auditions
des associations concernées. Les oppositions principales
émanaient du CRIF et du Comité Français pour Yad
Vashem12, ce dernier arguant qu’un tel titre créerait deux
jurisprudences concurrentes. Mais dans le même temps, il
affirmait clairement son soutien à la création d’un titre qu’il
concevait en fonction de celui de… Résistant, intitulé « Héros
de la Résistance civile ».
20 Pris entre deux titres aux contours cristallisés, l’initiative n’a
pu aboutir et le texte définitif a été remodelé pour n’être que
constitué d’un article unique rebaptisant la journée
commémorative du 16 juillet, sur lequel, certes, les
protagonistes ont, unanimement, exprimé leur entière
satisfaction. Ainsi si la loi du 10 juillet peut donner à voir une
mémoire historique unifiée dans le cadre de la souveraineté
nationale, elle résulte aussi d’un plus petit dénominateur
commun entre des mémoires particulières et, en partie,
divergentes.

De quelques associations
21 Ce constat de fragmentation est confirmé quand, au-delà de
l’interaction avec l’État, l’observateur s’intéresse aux
éventuelles divergences entre les associations elles-mêmes.
Ainsi, parmi les associations auditionnées le 17 février 2000,
le Consistoire défendait, lui, le projet de création d’un titre
de Juste français. Cette volonté de mémoire spécifique
s’inscrivait dans la continuité de l’initiative prise trois ans
auparavant quand le Consistoire avait créé une « association
française des Justes parmi les Nations  » pour les honorer
mais surtout œuvrer pour que leur nombre s’accroisse. Le
projet législatif initial trouvait sa place dans la suite de cette
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initiative associative. Suite à la restriction de la loi, le


Consistoire a d’ailleurs initié un nouveau titre, celui de
«  gardien de la vie  » aux critères moins stricts que ceux de
Yad Vashem.
22 Mais au-delà des associations auditionnées, d’autres ont un
point de vue sur la question et expriment une mémoire
particulière qui peut porter l’initiative étatique ou s’y
opposer. L’Association des Justes de France pour Yad
Vashem, qui regroupe 150 Justes ou/et leurs ayants droit,
inscrit clairement son action dans les cadres de la mémoire
des Anciens Combattants et de la Résistance. Elle a d’ailleurs
entrepris, suite à la loi du 10 juillet, dont elle s’est réjouie,
des démarches pour l’attribution de la légion d’honneur à
certains de ses membres. Elle converge ainsi largement avec
la volonté initiale des députés.
23 À son tour, à l’époque de la discussion de la loi, l’association
française des Enfants cachés a, à travers sa présidente,
exprimé la complexité de son rapport au passé. D’un côté,
cela me fait penser aux Résistants. De Gaulle, après la
guerre, toute la France était résistante. Ce qui se passe avec
les Justes c’est un peu politiquement dans le même esprit.
Parce qu’il faut concilier les Français qui ne sont peut-être
pas encore tout à fait réconciliés. Mais le Juste est tout à fait
en dehors de tout ça, complètement.

24 Mais de l’autre,
parce que quand un Français ou n’importe qui sauve
quelqu’un qui se noie, il reçoit une médaille, en France. Donc
[tous ces projets] j’espère que ça donnera bien. Cela voudra
dire, enfin, que nous, les enfants cachés, on est des citoyens à
part entière13.

25 Derrière l’apparence d’une mémoire historique officielle


canonique, l’étude concrète des suites et de la genèse de la loi
laisse donc apparaître des points de vue particuliers, en
partie, divergents. Plus encore, lorsque accord il y a, celui-ci
apparaît comme une mosaïque de points de vue, chacun y
voyant ce qu’il pense y mettre. Ainsi ce constat semble
confirmer les propos de Paul Ricœur, pour qui, suivant
Pierre Nora, avant :

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le modèle méritait d’être appelé historique, parce que la


compréhension de soi des Français s’identifiait à l’histoire de
l’instauration de l’État-nation. S’y substituent des mémoires
particulières, fragmentées, locales et culturelles14.

« Fin des sociétés-mémoires » ? Mutation


du régime mémoriel et transformation du
cadre d’analyse
26 Dès lors, issue d’une négociation entre des mémoires
discordantes, ce plus petit commun dénominateur mémoriel
ne donne-t-il à voir qu’une apparence d’unité, loin du canon
qui unissait jadis les membres de l’État-nation  ? Ou, dans
une société démocratique, la confrontation du particulier
peut-elle aboutir à un cadre commun en son principe doté
d’une signification transformée  ? En d’autres termes, le
cadre proposé par la première est-il un cadre vide ou, au
contraire, trouve-t-il un écho réel auprès des mémoires
portées par les individus ?
27 Dans cette perspective, il convient de confronter les usages
politiques de la figure du Juste avec son évocation par les
mémoires vives des témoins, juifs sauvés, qui constituent le
dossier de demande de médaille auprès de Yad Vashem.
D’ailleurs, pour se faire démarche officielle, ces mémoires
individuelles des témoins doivent déjà avoir renoué et
convergé avec les mémoires des sauveteurs et de leur famille.
D’emblée, les dossiers de Juste sont donc en eux-mêmes le
résultat d’un espace mémoriel commun à un groupe
d’individus juifs et non-juifs. Or, très exactement comme
pour la mémoire historique, c’est en 1996 que l’effectif des
nominations des Justes parmi les Nations a, en France,
atteint son apogée. Alors qu’en 1970, seuls 50 Justes avaient
été nommés, en 1980, ils n’étaient encore que 242. Depuis
l’effectif de 805 Justes au 31 décembre 1990, leur effectif a
plus que doublé au cours des années 90 pour atteindre le
chiffre de 2005 au 31 décembre 2000 avec un pic de 194
nominations pour la seule année 1996. Sachant qu’il faut
compter en moyenne un an entre le début de la procédure et
son aboutissement, la mémoire vive s’est exprimée le plus
intensément en exacte concomitance avec la mémoire

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historique. Cette simultanéité temporelle est au moins


l’indice que si la loi de 2000 – aboutissement de l’évolution
de la mémoire historique entamée en 1995 – est issue d’un
arbitrage entre des mémoires associatives particulières, elle
n’est pas sans rapport avec un mouvement interne aux
mémoires vives. De plus, ce plus petit commun
dénominateur prend également corps au travers de pratiques
concrètes. Par exemple, le Comité français pour Yad Vashem
coopère avec l’ONAC pour retrouver des Justes et leurs
ayants droit afin d’alimenter les cérémonies tandis que le
CRIF15 met actuellement en œuvre un projet visant à honorer
les Justes dans l’ensemble des régions. Enfin, à côté et en
dehors de l’initiative centralisée de l’État, de nombreuses
initiatives locales émanant des Juifs, de non-Juifs,
d’associations comme de municipalités se sont concrétisées
depuis une dizaine d’années.
28 Par ailleurs, il ressort que si l’initiative du 16 juillet 1995 et
celle du 10 juillet 2000 semblent s’inscrire dans un processus
de continuité, elles émanent pourtant d’individus et de partis
différents. En effet, la genèse de la loi montre qu’elle est due
à l’initiative d’un député du parti socialiste, Daniel
Marcovitch, appuyé par Jean Le Garrec, à l’origine du décret
de 1993. Non seulement le président de la République,
pourtant acteur de la déclaration du 16 juillet, n’y joue aucun
rôle, mais le parti socialiste et le gouvernement de Lionel
Jospin apparaissent comme suivant une démarche venant de
l’extérieur de l’agenda. Ainsi au sein même de l’usage
politique, l’étude des acteurs indique que l’évocation
mémorielle des Justes peut être partagée d’emblée par des
acteurs distincts et séparés.
29 Au sein des mémoires vives comme des cadres de pensée des
acteurs politiques, l’étude de la mémoire des Justes montre
qu’un espace commun de représentations en partie partagées
peut accompagner la formation d’une mémoire historique
dont la forme concrète est pourtant issue d’un arbitrage
entre plusieurs mémoires particulières. Ainsi ce qui apparaît
comme un plus petit commun dénominateur mémoriel n’est
pas pour autant un cadre creux.

Un « horizon d’attente » renouvelé ?


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30 Cet espace commun semble se structurer autour de ce qu’on


pourrait presque qualifier d’«  horizon d’attente  » d’un
nouveau type susceptible de remplacer l’idée de progrès et de
destin historico-national qui l’accompagnait. Le 16 juillet
1995, alors qu’il introduisait la figure du Juste dans la
mémoire nationale, Jacques Chirac opérait également un
glissement d’une «  France-nation  », marquée par le
patriotisme, accusée de défaite devant l’ennemi, à une
« France-patrie des Droits de l’homme », coupable de crime
contre l’humanité. «  La France, patrie des Lumières et des
droits de l’homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce
jour-là, accomplissait l’irréparable ». C’est cette « patrie des
Lumières et des droits de l’homme » qui se retrouve depuis
dans tous les discours et débats officiels concernant les
Justes, ces derniers en devenant le symbole. Or, la « question
des droits de l’homme  » et le «  devoir d’humanité  » est lui
aussi le point commun de toutes les définitions des Justes
que donnent les individus, témoins dans des dossiers ou
Justes eux-mêmes, lorsqu’un entretien sur leur histoire et
son souvenir est réalisé. Qu’ils soutiennent ou qu’ils rejettent
le projet de titre français, ils adhèrent tous à l’idée d’une
mise en avant publique des « exemples » d’« humanité » et
de « respect de la dignité » que furent les Justes. La lecture
des articles de presse à l’occasion des cérémonies de remise
de médaille donne à voir un champ lexical et des valeurs
identiques. La référence aux Droits de l’Homme et au
sentiment d’humanité traverse l’ensemble des usages de la
figure du Juste. Là encore l’étude de l’articulation entre les
différents niveaux d’évocation du passé laisse entrevoir une
convergence, au moins partielle, qui n’est pas privée de
contenu.
31 Ainsi, si le sentiment d’appartenance à une nation-patrie
historique n’est en effet plus le cadre collectif de référence,
cela ne signifie pas pour autant que la référence au passé ne
soit qu’atomisation. L’usage politique de la figure du Juste
laisse entrevoir la possibilité d’un horizon d’attente
renouvelé autour d’une référence civile aux droits de
l’homme possiblement incarnée à travers des images et
symboles nationaux. Dans sa stimulante réflexion « À propos
de Peter Novick  », Maurice Kriegel expliquait d’ailleurs
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comment la « mission » des droits de l’homme rassemblait la


nation américaine et expliquait l’«  américanisation de
l’holocauste ». Il concluait que :
à travers le rappel de ses errements passés, l’Amérique
proclame sa volonté de se tenir à l’avenir à la hauteur des
engagements qu’elle a contractés envers elle-même. La
France a su pendant deux siècles fabriquer du national avec
de l’universel. C’est aujourd’hui l’Amérique qui détient le
secret de cette alchimie16.

32 Précisément, l’étude de la figure du Juste souligne que la


France peut connaître un processus proche du cas américain.

Changement de paradigme ou changement de


réalité ?
33 Certes, moins unilatérale, plus discutée et plus conflictuelle,
la mémoire est devenue moins sacrée et «  nationale  » que
sous la IIIe République. En un mot, la relation publique à la
mémoire est devenue plus démocratique. Mais cette
transformation conduit à une recomposition qui, sous
d’autres traits, peut néanmoins continuer à porter l’être
ensemble caractéristique de ce que l’on a appelé les
«  sociétés mémoires  ». Ainsi de cette évolution on ne peut
conclure que les effets de cette mémoire historique sur les
représentations du passé, portées par les individus, soient
moins intégrateurs. En effet, une approche de la mémoire en
termes d’articulation entre ses différents niveaux et vecteurs
permet de saisir la question des régimes mémoriels tels qu’ils
se manifestent dans les pratiques et les représentations.
34 À ce stade, ces considérations appellent un retour sur le
fonctionnement de la mémoire avant les années 1970. Dotés
des concepts et paradigmes de recherche actuels, y retrouve-
t-on cette articulation dynamique entre différents niveaux de
mémoire  ? Les usages politiques de la figure du Juste
permettent de poser la question. En effet, si l’usage français
date des années 1990, l’origine du titre vient, elle, des années
1950 et d’Israël, nation qui entretient, à l’image de la France,
une relation originelle avec l’histoire. Comment, au cœur des
années1950, le tout jeune État israélien a-t-il donné forme à
cette nouvelle figure mémorielle officielle ? Nous l’avons vu,

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cette création a pris les traits de la loi de 1953. Pourtant cette


initiative ne s’est faite effective qu’à travers et suite à la
confrontation entre plusieurs lectures du passé. C’est
seulement 10 ans après et dans le contexte du procès
Eichmann, que l’usage public de la mémoire des Justes a pris
corps. Il s’est constitué à partir du réveil de la mémoire
portée par les survivants de la liste de Schindler17 et de sa
confrontation avec des mémoires individuelles divergentes
d’un côté, avec l’action de l’État, de l’autre.
35 Ainsi en avril 1962, les survivants accueillaient
chaleureusement Oskar Schindler en Israël. La presse en
rendit compte, notamment en exprimant le points de vue de
certains rescapés qui considéraient Schindler comme un
ancien nazi. La controverse fut telle que le directeur de Yad
Vashem dut se justifier18. Face à la polémique, il fut
finalement conduit à créer une administration susceptible de
donner un contour unifié à ces souvenirs de sauvetage qui
pouvaient donner lieu à des mémoires particulières et
conflictuelles. C’est ainsi que le 1er février 1963 se tint la
première réunion de la commission des Justes de Yad
Vashem présidé par Moshe Landau. Il revint au président du
procès Eichmann d’arbitrer entre des mémoires divergentes
pour donner corps à ce qui devint un usage politique
national qui, au premier janvier 2003, avait honoré19706
personnes ressortissant de 41 pays. Permis par
l’appropriation par l’État français du titre de Juste instauré
40 plus tôt par l’État d’Israël, l’éclairage comparatiste entre
deux périodes censées être caractérisées par des régimes
mémoriels spécifiques et distincts souligne la permanence de
l’articulation entre les mémoires vives et les mémoires
historiques.
36 L’étude des usages politiques de la figure du Juste conduit
donc, en creux, à une réflexion au second degré sur le
consensus actuel des chercheurs sur la «  fin des sociétés-
mémoires ». Les développements sur la mutation radicale du
régime mémoriel depuis 1970 ne tiennent-ils pas en partie
aux transformations non tant de l’objet étudié lui-même que
du cadre d’analyse ? En effet, lorsque des travaux appliquent
le paradigme contemporain de la négociation entre les
particularismes pour examiner le fonctionnement de cet
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État-Nation sacralisé, les choses se complexifient. La


confrontation de « petites patries »19, traditions et pratiques
particulières apparaît alors comme une des composantes de
cet État-nation pourtant unificateur en son principe. Dans ce
renouveau de l’historiographie, l’analyse des pratiques et des
représentations liées aux usages politiques de la mémoire
des Justes souligne la nécessité d’une approche heuristique
de la mémoire autour des phénomènes d’articulation de
différents niveaux. Maurice Halbwachs indiquait déjà :
que chaque mémoire individuelle est un point de vue sur la
mémoire collective […] Il n’est donc pas étonnant que de
l’instrument commun, tous ne tirent pas le même parti20.

Notes
1. S. GENSBURGER, « Les figures du Juste et du Résistant et l’évolution de la
mémoire historique française de l’Occupation  », Revue française de
science politique, vol. 52, n° 2-3, avril-juin 2002, p. 291-322.
2. L’attribution du titre de « Juste parmi les Nations », au nom de l’État
d’Israël, a été confiée en 1963 à un Département des Justes parmi les
Nations, au sein des services de Yad Vashem. Ce titre honore une
personne non-juive suite aux témoignages de deux personnes juives
sauvées.
3. T. TODOROV, Les abus de la mémoire, Paris, Arléa, 1998, p. 29.
4. La même formule est reprise le 20 juillet 1997 dans le discours du
Premier ministre au 55e anniversaire de la rafle du Vel’d’Hiv’.
5. Cette métaphore est reprise dans les discours officiels mais aussi par
leurs commentateurs.
6. Nous avons décrit ce processus en détail : art. cit, Revue française de
science politique.
7. Le terme est d’É. CONAN, H. ROUSSO, Vichy, un passé qui ne passe pas,
Paris, Fayard, 1994, p. 454.
8. I. GUTMAN (dir.), Dictionnaire des Justes de France, Jérusalem-Yad
Vashem/Paris-Fayard, 2003, 596 p.
9. Les lieux de mémoire, III, Paris, Gallimard, 1984-1986, p. 991.
10. Décret n°  2002-994 du 11 juillet 2002 portant application de la loi
n° 2000-644 du 10 juillet 2000.
11. Note n° 4790 du cabinet à M. Marcovitch, du 28 avril 1998.
12. Les auditions ont eu lieu le 17 février 2000.

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13. Sous-entendu « citoyens dont le sauvetage vaut d’être récompensé ».


Entretien réalisé avec l’ancienne présidente de l’association, en 1999.
14. P. RICŒUR, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000, 676 p.
15. Il organise aussi des manifestations locales. Par exemple, le 12 mai, le
CRIF de l’Isère a remis le prix Léon Blum aux Justes de France.
16. Le Débat, nov-déc 2001, n° 117, p. 71.
17. Ce développement repose sur le dépouillement des archives de Yad
Vashem. Il emprunte également aux travaux et conseils de Gabriele
Nissim, Il Tribunale del Bene, Milano, La Sice/Mondadori, 2003, 336 p.
18. Haaretz, 2.5.1962.
19. J.-F. CHANET, L’école républicaine et les petites patries, Paris, Aubier,
1996, 426 p.
20. M. HALBWACHS, La mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1997,
p. 95.

Auteur

Sarah Gensburger

CEIFR, EHESS – Paris


Du même auteur

9. Réflexions autour de la
notion de « politique de la
mémoire » in La fabrique
interdisciplinaire, Presses
universitaires de Rennes, 2008
© Presses universitaires de Provence, 2006

Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540

Référence électronique du chapitre


GENSBURGER, Sarah. Usages politiques de la figure du Juste : entre
mémoire historique et mémoires individuelles In : Politiques du passé :
Usages politiques du passé dans la France contemporaine [en ligne].
Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence, 2006 (généré le 31
https://books.openedition.org/pup/5882 16/18
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juillet 2021). Disponible sur Internet  :


<http://books.openedition.org/pup/5882>. ISBN  : 9782821882898.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.pup.5882.

Référence électronique du livre


ANDRIEU, Claire (dir.) ; LAVABRE, Marie-Claire (dir.) ; et
TARTAKOWSKY, Danielle (dir.). Politiques du passé : Usages politiques
du passé dans la France contemporaine. Nouvelle édition [en ligne].
Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence, 2006 (généré le 31
juillet 2021). Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org/pup/5867>. ISBN  : 9782821882898.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.pup.5867.
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Politiques du passé

Usages politiques du passé dans la France


contemporaine

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